REGS Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Délibérations du Comité mixte permanent
d'Examen de la réglementation
Fascicule No. 28 - Témoignages du 7 décembre 2017
OTTAWA, le jeudi 7 décembre 2017
Le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation se réunit aujourd’hui, à 8 h 38, en séance publique, puis à huis clos, pour faire l’examen de textes réglementaires et pour les travaux du comité.
M. Harold Albrecht (coprésident) occupe le fauteuil.
Le coprésident (M. Albrecht) : Bonjour. Je constate que nous n’avons pas le quorum, mais nous sommes en présence d’un témoin expert. Nous avons le droit d’écouter le message de notre témoin sans avoir officiellement le quorum.
Nous allons donc procéder ainsi. Lorsque nous obtiendrons le quorum, le cas échéant, je vais vous l’indiquer. Poursuivons.
Monsieur Neudorf, je vous souhaite la bienvenue devant notre comité. La plupart d’entre nous avons eu le privilège de lire votre article, alors nous connaissons un peu votre orientation. Nous aimerions toutefois entendre votre point de vue pour aider notre comité à agir avec plus d’efficacité.
Bienvenue. Veuillez maintenant commencer votre exposé.
Lorne Neudorf, doyen adjoint de la faculté de droit, professeur agrégé, faculté de droit Adélaïde, Université d’Adélaïde, à titre personnel : Je tiens à remercier le comité de m’avoir invité à parler de l’examen parlementaire de la réglementation et, plus particulièrement, de la façon d’améliorer et de renforcer le processus dans le but d’accroître la transparence et la responsabilité qui sont exigées par notre système de gouvernement démocratique basé sur la primauté du droit.
De nombreux termes sont employés : règlement, législation déléguée, législation subordonnée et textes réglementaires. Tous ces éléments se rapportent à des lois érigées à l’extérieur du Parlement, par le pouvoir exécutif directement, qui comprend notamment le Cabinet, les ministres ou des organismes spécialisés.
Les règlements font rarement les manchettes, et on accorde très peu d’attention à leur processus de création. Malgré ce manque de sensibilisation, on peut difficilement exagérer leur importance dans le système juridique actuel du Canada. Les règlements sont contraignants au même titre que les lois adoptées par le Parlement. Il y en a beaucoup, et ils portent sur pratiquement toutes les sphères de la vie moderne.
Il y a presque 500 p. 100 plus de règlements que de lois adoptées par le Parlement. Lorsque j’ai fait le calcul l’année dernière, j’ai constaté qu’il y avait 4 025 règlements codifiés en vigueur comparativement à 825 principales lois. Bon nombre de ces règlements sont longs, complexes et détaillés.
Pourtant, même s’ils sont la pierre angulaire de nos lois fédérales, les règlements sont créés sans aucun des avantages du processus parlementaire normal. Avant la création d’un règlement, il n’y a ni de débat public ni d’étude poussée en comité. Le règlement n’est pas non plus soumis aux trois lectures ou aux votes.
Au contraire, les règlements sont édictés derrière des portes closes, et ils sont accompagnés d’exigences juridiques minimales visant à les examiner, les enregistrer et les publier dans un périodique gouvernemental qui n’est lu que par une poignée d’avocats. Même s’il peut y avoir une courte période de consultation avant la création d’un règlement, le pouvoir exécutif pourrait fort bien ignorer tous les commentaires reçus.
Toute cette affaire soulève de véritables préoccupations relatives à la transparence et à la responsabilité. C’est particulièrement grave étant donné la tendance à déléguer de plus en plus de pouvoirs législatifs à la branche exécutive, ce que les gouvernements peuvent encourager pour des raisons évidentes. Le risque est que même des choix politiques importants soient désormais effectués dans les règlements, puisque les squelettes de loi adoptés par le Parlement peuvent refiler des pouvoirs législatifs considérables à la branche exécutive.
Il ne faut pas oublier que dans notre régime gouvernemental, la Constitution confère des pouvoirs législatifs au Parlement, et non à la branche exécutive. Le pouvoir exécutif ne peut créer des lois qu’avec la permission du Parlement, à l’exception limitée de la prérogative. Comme vous le savez tous, c’est ce qui se produit lorsque le Parlement délègue un pouvoir législatif à la branche exécutive dans une loi au moyen d’une délégation de pouvoir. C’est généralement fait lorsque le Parlement n’a ni le temps ni l’expertise nécessaire pour s’occuper de chaque élément technique de la loi. Puisqu’ils ne sont pas soumis au processus parlementaire, les règlements peuvent aussi être édictés rapidement, ce qui permet au pouvoir exécutif de vite adopter des lois en réaction à l’évolution du contexte.
Puisqu’il faut obtenir sa permission pour ériger un règlement, le Parlement joua un rôle déterminant en surveillant la façon dont la branche exécutive utilise les pouvoirs législatifs délégués. C’est indispensable à la surveillance et à la responsabilité, et pour éviter que le Parlement ne cède ses pouvoirs législatifs. C’est aussi essentiel à la primauté du droit puisque le Parlement doit s’assurer que les règlements concordent avec l’intention du Parlement, comme en témoignent l’objectif et le texte législatif des lois existantes.
Même si les tribunaux demeurent aussi un gage de sécurité important en cas d’abus de pouvoir, dans le cas où les règlements outrepasseraient la délégation de pouvoirs ou qu’ils seraient autrement juridiquement fautifs, le problème de l’examen judiciaire, c’est qu’il exige en quelque sorte qu’un plaideur consacre son temps et son argent à contester le règlement. En revanche, le Parlement réalise un examen complet des règlements dans l’intérêt du public en général et de tous les Canadiens.
Il vaut la peine de répéter que, dans notre régime gouvernemental, c’est le Parlement qui prend les commandes. Il pourrait à tout moment révoquer un règlement ou abroger une délégation de pouvoirs, rendant sans effet juridique tout règlement érigé en vertu de la loi en question.
Par conséquent, comment le Parlement surveille-t-il l’exercice des pouvoirs législatifs délégués à la branche exécutive? Le Parlement a confié cet important devoir de surveillance à votre comité. En tant qu’élément de l’organe législatif, votre comité joue un rôle primordial en tenant l’exécutif responsable envers le Parlement, et en vérifiant de manière indépendante l’exercice des pouvoirs législatifs délégués.
À l’heure actuelle, le comité examine les règlements en fonction d’un ensemble de critères établis, et je suis persuadé que vous connaissez tous la liste en question. Même s’ils sont généraux, les critères portent principalement sur des questions techniques et juridiques plutôt que sur la politique sous-jacente ou le bien-fondé de la réglementation. Pourtant, l’objectif est d’assurer la clarté et l’utilisation adéquate des pouvoirs délégués.
Lorsqu’un règlement est jugé problématique par votre comité, il existe plusieurs recours, comme la communication avec les ministères, la convocation de témoins, le signalement au Parlement, et même la recommandation d’abroger un règlement.
Le comité bénéficie de professionnels exceptionnels qui l’aident à organiser et à simplifier le processus d’examen.
Voilà qui m’amène à mon étude. Depuis longtemps, le Canada observe les autres pour apprendre de leurs expériences. Je pense que c’est une méthode raisonnable et pratique. Sur cette question, nous pouvons nous tourner vers des pays de situation semblable, qui ont le même héritage parlementaire de style Westminster que nous, pour voir quelles pratiques officielles ou non ils ont adoptées. Je suis d’avis que cet exercice comparatif offre une belle occasion de se pencher sur l’efficacité du processus suivi par le comité, et de songer davantage aux réformes qui amélioreraient la transparence et la responsabilité.
Le comité a pour mandat de faire ce travail. Suivant son ordre de renvoi, le comité est expressément habileté à se pencher sur son rôle, ses fonctions et ses pouvoirs. Je réalise une étude comparative de quatre pays sur l’examen parlementaire de la réglementation, qui est financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Elle commence par la présente visite à Ottawa, et elle comprendra aussi la visite des Parlements du Royaume-Uni, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande au cours des 18 prochains mois.
À chaque visite, j’en apprendrai davantage sur les pratiques officielles ou non de ces parlements dans l’examen de la réglementation. Bien sûr, aucun de ces systèmes ne sera probablement parfait, et chacun aura ses propres défis, mais je pense que nous pouvons apprendre beaucoup de choses. Je serais très heureux de revenir à Ottawa à la fin de mon étude pour en présenter les résultats à votre comité.
Mes études à ce jour me permettent de formuler un certain nombre de suggestions préliminaires de réforme, dont je serai heureux de discuter. Je crois qu’il y a lieu de renforcer le processus d’examen au Canada, et qu’un processus efficace favorisera une culture de responsabilité quant aux activités législatives de la branche exécutive. Une réforme comporterait bien sûr certains risques, tels que l’augmentation de la partisanerie et la possibilité de créer une relation conflictuelle entre le comité et les ministères. Ces risques devront être soigneusement pondérés par rapport aux avantages possibles d’une réforme. Il faut également songer à la question des ressources.
Merci beaucoup de me donner l’occasion de discuter avec vous; j’ai hâte d’entendre vos questions.
Le coprésident (M. Albrecht) : Merci beaucoup. J’ai hâte d’entendre les questions et les réponses que vous nous donnerez.
Nous pouvons maintenant officiellement tenir la réunion. Je souhaite la bienvenue au sénateur Duffy, à la sénatrice Stewart Olsen et au sénateur Woo. Il reste encore quelques détails techniques à régler avant que vous soyez officiellement membres du comité, mais le tout sera réglé d’ici deux jours. Pour ce qui est des votes, vous ne pourrez pas y participer.
Nous avons entendu l’exposé de M. Neudorf et nous avons eu l’occasion de lire son article.
Passons maintenant aux questions des membres du comité.
M. El-Khoury : Bienvenue au comité, sénateurs, et bienvenue, monsieur Neudorf.
Vous avez conclu votre exposé en affirmant qu’il y a une certaine partisanerie qui existe entre le comité et les ministères. Pouvez-vous nous expliquer davantage comment vous en êtes arrivé à cette conclusion?
M. Neudorf : J’aimerais préciser que je n’affirmais pas qu’une telle partisanerie existe actuellement. Si les procédures du comité étaient modifiées pour les rendre plus solides, j’avançais que cela pourrait entraîner une plus grande partisanerie. Je crois que c’est actuellement le contraire qui prévaut. Dans l’ensemble, je constate que le comité et les autres ministères entretiennent une très bonne relation comparativement aux autres endroits que j’ai examinés. J’espère que cela rend mes propos plus clairs.
Le sénateur Woo : Avez-vous pensé au recours à l’intelligence artificielle pour réaliser l’examen de la réglementation?
Je sais que l’équipe de Watson, chez IBM, a entrepris comme projet de se pencher sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le domaine du diagnostic médical et du droit. J’ai l’impression que cet outil peut avoir un certain potentiel. Avez-vous examiné cette possibilité?
M. Neudorf : Je crois que vous posez là une question très intéressante. Ce n’est pas un élément sur lequel portent mes recherches, mais je sais que dans le domaine du droit la technologie est de plus en plus utilisée. Par exemple, j’ai vu il y a quelques jours une vidéo qui portait sur un logiciel d’intelligence artificielle qui a passé avec succès un examen du barreau. Je sais que c’est possible et que c’est quelque chose qui connaît une croissance.
Les cabinets d’avocats ont de plus en plus recours à cette technologie, par exemple, lors du processus de communication pour passer rapidement en revue les données provenant de centaines de milliers de pages de documents et cerner les éléments qui nécessitent l’attention d’un humain. C’est un point très intéressant, et j’en prends bonne note dans le cas où je tomberais sur quelque chose en ce sens.
M. Oliver : Merci beaucoup de votre article. Vous avez mentionné que notre comité met davantage l’accent sur la collaboration directe avec l’exécutif plutôt que la présentation de rapports au Parlement comparativement aux autres et que cela semblait avoir été efficace, étant donné que nous avons été en mesure de faire apporter rapidement des modifications et des corrections.
Je crois que, dernièrement, nous nous rendons également compte que nous avons un grand nombre de questions et de préoccupations qui n’ont pas encore été traitées. Comme nous mettons l’accent sur l’exécutif, nous semblons un peu inefficaces, étant donné que nous n’avons pas maintenu les liens avec le Parlement.
Je sais que vous n’avez pas encore formulé vos recommandations, mais j’aimerais vous demander si vous avez des commentaires ou des conseils pour nous à court terme.
M. Neudorf : J’ai certainement un certain nombre de suggestions ou de recommandations préliminaires pour tout simplement donner matière à réflexion au comité tandis qu’il examine son mandat futur. À mon avis, le premier élément à souligner est que le comité a déjà de vastes pouvoirs. Je crois qu’il doit les utiliser davantage. Il peut inviter des témoins à comparaître. Le comité devrait inviter un plus grand nombre de représentants ministériels à témoigner et essayer de convoquer le ministre responsable lorsqu’il y a un problème pour que ces personnes témoignent devant le comité. Je crois que ce serait un bon point de départ quant à l’utilisation de ce pouvoir.
Deuxièmement, si nous regardons du côté du comité équivalent au vôtre au Royaume-Uni, ce comité présente beaucoup plus de rapports au Parlement; il le fait très souvent, parfois chaque semaine. Il inclut des copies de la correspondance entre le comité ou ses avocats et les ministères pertinents. Cela se veut un peu une occasion d’en dénoncer certains, mais cela permet de présenter des renseignements au Parlement, ce qui peut inciter les gens à peut-être faire avancer un peu plus rapidement les dossiers.
J’ai une autre recommandation. Je sais que le comité a le pouvoir de recommander le désaveu d’un règlement. C’est un pouvoir intéressant, parce qu’aucun des comités au Royaume-Uni n’a un tel pouvoir. Il y a une autre procédure où les règlements sont soumis à une procédure de résolution de ratification ou de rejet; le Parlement est saisi des règlements, puis les Chambres les examinent. Les parlementaires peuvent le faire par l’entremise d’un comité, mais le Parlement est saisi de chaque règlement. Nous ne le faisons pas au Canada. Même si nous pouvons le faire en vertu de la Loi d’interprétation, nous n’utilisons pas cette procédure.
Étant donné que nous avons le pouvoir de recommander le désaveu d’un règlement, c’est un aspect que le comité peut vouloir envisager à l’avenir. Le ministère a ensuite 30 jours pour répondre aux préoccupations du comité concernant le règlement. Si ce délai expire, le comité peut ensuite recommander au Parlement le désaveu du règlement. Voilà d’autres manières dont le comité peut utiliser ses pouvoirs.
Si vous me le permettez, j’aimerais faire d’autres commentaires en ce sens. Il arrive parfois que ces comités soient débordés par le nombre de nouveaux règlements qui sont sans cesse adoptés. Il serait peut-être judicieux d’envisager la possibilité de modifier la structure de votre comité en créant un sous-comité qui examinerait les nouveaux règlements qui sont adoptés pour que le comité principal puisse se concentrer de façon plus intensive sur les enjeux qui ont été portés à son attention. Cela pourrait être utile.
Par ailleurs, la portée de l’examen est un élément à considérer. Le Royaume-Uni est le seul endroit dans mon étude qui réalise ce que nous appelons un examen fondé sur le mérite. Ce sont les comités qui s’en chargent. Différents comités se penchent sur la politique sous-jacente au règlement. Cet aspect peut susciter la controverse et être à caractère politique, mais c’est un élément à considérer. La Chambre des lords possède un excellent comité qui le fait pratiquement par consensus et qui publie des rapports très détaillés à ce sujet.
Le dernier point concerne l’examen préalable des projets de loi. Tous les pays que j’ai examinés ont un comité qui se penche sur la loi habilitante avant l’adoption d’une mesure législative chaque fois qu’une telle mesure accorde un pouvoir à l’exécutif. Cela permet de préciser le libellé et de rendre des comptes au Parlement en amont. Cela évite d’avoir d’énormes délégations ambiguës et génériques de pouvoirs à l’exécutif et d’ensuite avoir des milliers de règlements qui en découlent. Au départ, vous vous rendez peut-être compte que c’est trop vaste et qu’il faut resserrer le tout. Je crois que c’est quelque chose de pertinent que le comité devrait envisager de faire en ce qui concerne l’examen des projets de loi et des lois habilitantes.
M. Tilson : Merci, monsieur. Je ne suis pas membre du comité depuis longtemps. Toutefois, lorsque je suis arrivé la toute première journée, j’ai appris que des dossiers étaient en suspens depuis au moins huit ans. Il y a évidemment quelque chose qui cloche.
Le pouvoir de recommander le désaveu a été inscrit dans la loi en 2003. De 1986 à 2003, il découlait du Règlement du Sénat et du Règlement de la Chambre des communes. Depuis 1987, il y a eu 11 tentatives de désaveu par l’entremise de la présentation d’un rapport aux deux Chambres, dont huit qui ont mené au désaveu d’un règlement. À six reprises, des rapports n’ont pas été présentés aux deux Chambres à la suite d’un avis de désaveu. Il n’y a eu aucune tentative de le faire par l’entremise de la présentation de rapports depuis 2006, alors qu’en Australie c’est arrivé 22 fois cette année.
Il y a une certaine résistance entre les ministères et le comité. Le comité envoie une lettre dans laquelle il mentionne qu’il est d’avis que le ministère devrait apporter les changements suivants, puis des mois passent. En ce qui concerne les divers pouvoirs du comité, il semble y en avoir quatre, comme vous l’avez souligné dans votre excellent article.
La première option est d’écrire au ministère pour lui demander d’apporter les changements. Cette procédure semble vraiment être tout ce que nous faisons. D’autres pourront me corriger, mais je constate, à titre de nouveau membre, qu’il y a des échanges entre les deux parties et que les ministères et le comité s’engagent ensuite dans une partie de bras de fer.
Un ministre a-t-il déjà témoigné devant le comité?
Le coprésident (M. Albrecht) : Nous avons déjà entendu des représentants ministériels, mais jamais un ministre.
M. Tilson : Je présume que la deuxième option est d’inviter le ministre à comparaître devant le comité ou de lui écrire pour lui demander d’apporter les changements.
Troisièmement, il y a l’avis de désaveu, puis la présentation d’un rapport aux deux Chambres. J’ai l’impression que cette procédure n’a pas été utilisée depuis belle lurette.
J’imagine que c’est la faute du comité. Cette décision lui revient. Le comité peut prendre ces mesures, mais il ne l’a pas fait pour diverses raisons.
J’aimerais vous entendre concernant l’un de ces éléments. Si nous regardons ces divers changements, il ne semble y avoir aucune règle concernant des changements relatifs aux délais. Le comité écrit une lettre au ministère, et j’ai l’impression, d’après ce que j’ai pu constater, que le ministère peut prendre tout son temps pour y donner suite en prétextant être occupé.
Cela entraîne par conséquent des risques de confrontation, de partisanerie, et cetera. C’est peut-être cela. Quel est ce comité? Que sait-il? Peut-être rien. Je n’en sais rien.
Ailleurs, en ce qui concerne ces différentes procédures — et je crois comprendre que vous venez à peine de commencer votre étude à ce sujet —, y a-t-il des délais à respecter? Lorsque la conseillère juridique écrit une lettre au ministère, le ministère doit-il y donner suite dans un certain délai ou attendons-nous des années?
M. Neudorf : Pour répondre directement à votre question, la Nouvelle-Zélande est le seul endroit où j’ai vu un délai à cet égard. Lorsque le Comité d’examen de la réglementation, qui fait ce que votre comité fait concernant des questions de nature législative et technique, présente une demande à un ministère, le gouvernement a 60 jours pour répondre au comité. C’est le seul endroit où j’ai constaté un délai établi.
Les autres comités utilisent leurs pouvoirs comme bâton pour en gros dire au ministère que, s’il ne leur répond pas, un rapport sera présenté au Parlement pour dire que le ministère ne leur répond pas, que les comités les dénonceront et que le ministère sera appelé à témoigner devant les comités. Les comités utilisent les outils à leur disposition pour essayer de forcer les gens à donner suite à leurs demandes.
Si nous revenons à l’idée d’une procédure de résolution de ratification ou de rejet, comme c’est le cas au Royaume-Uni, le Parlement y est saisi des règlements et il dispose de 40 jours pour rejeter un règlement au Royaume-Uni; le Parlement en est saisi 40 jours. Si le comité examine ce règlement et dépose un rapport négatif, le Parlement risque de ne pas voir d’un bon œil ce règlement. Il est ensuite possible que les parlementaires votent contre le règlement ou le rejettent.
Il y a diverses manières de le faire, mais je suis d’accord pour dire que vous avez besoin d’outils pour que le comité obtienne le respect qu’il mérite et que l’exécutif soit forcé de rapidement répondre au comité. Cependant, la Nouvelle-Zélande est le seul endroit qui prévoit un délai fixe de 60 jours.
M. Tilson : Le problème, c’est que certains règlements sont banals et que d’autres sont plus complexes. Un délai plus long peut être nécessaire. C’est peut-être le problème qu’entraîne l’établissement de délais.
M. Neudorf : C’est juste.
Dans la même veine, dans tous les autres pays, quand les comités présentent des rapports au Parlement, ils incluent un résumé ou une copie de la correspondance entre le comité et le ministre ou le ministère. Cela contribue grandement à faire avancer rapidement les choses, parce que cela met dans l’embarras les responsables si le rapport mentionne qu’aucune réponse n’a été reçue. Ce sera soulevé au Parlement. Je crois qu’il y a des moyens d’encourager les gens à adopter de bons comportements.
M. Scarpaleggia : J’aimerais poursuivre dans la même veine que les précédentes questions. Je me pose des questions concernant le fonctionnement de l’utilisation accrue du Parlement. Si je vous ai bien compris, vous avez dit que nous devrions saisir le Parlement et ensuite le comité des nouveaux règlements ou que le comité aurait une certaine période pour les examiner et en faire rapport.
Vous ai-je bien compris?
M. Neudorf : À titre de précision, l’article 39 de la Loi d’interprétation prévoit une procédure de résolution de ratification ou de rejet des règlements. J’ai passé en revue hier le recueil des lois, et j’ai seulement réussi à trouver une loi habilitante au Canada qui utilise cette procédure. Cette procédure existe, mais elle n’est jamais utilisée dans la loi habilitante. Nous pouvons forcer la mise en œuvre de l’une de ces procédures dans le cadre de ces règlements, mais nous ne le faisons tout simplement pas. C’est possible, mais ce n’est pas fait.
M. Scarpaleggia : Pour comprendre le fonctionnement, il faudrait que ce soit inscrit dans la loi habilitante que le Parlement serait saisi des règlements durant une période donnée. Le comité aurait ensuite l’occasion d’examiner ces règlements et de déterminer s’ils doivent être modifiés ou rejetés. Est-ce bien la procédure?
M. Neudorf : Oui. Il y aurait une période de 15 jours, et il pourrait s’agir d’une procédure de résolution de rejet ou de ratification. Le comité continuerait de s’occuper de l’examen de la réglementation.
M. Scarpaleggia : J’aimerais revenir à la question de la partisanerie qu’a soulevée M. El-Khoury. Vous affirmez que, si nous rendons les procédures plus solides, nous risquons de nous retrouver avec une plus grande partisanerie. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par « plus solides » et la façon dont cela entraînerait une plus grande partisanerie?
À mon avis, il y a deux éléments qui peuvent entraîner une plus grande partisanerie. Premièrement, nous avons les cas où le comité se penche sur les répercussions sur la politique. Nous en avons eu un bon exemple, je crois, la semaine dernière. Nous examinions un règlement ayant trait au contrôle des armes à feu. C’était une réunion intéressante. Les membres ont adopté des positions de nature plus politique, mais c’était vraiment une exception. Nous pourrions également le voir dans le cas de règlements sur l’environnement, mais les discussions au comité, outre cela, ont davantage trait aux aspects techniques.
Si nous mettons davantage l’accent sur les politiques, nous risquons de voir une plus grande partisanerie, mais je crois qu’en fin de compte cela dépend de la composition du Parlement. Si nous avons un gouvernement minoritaire et que les députés ministériels sont minoritaires au comité et aux autres, il y aura un plus grand nombre de recommandations de désaveu ou de présentation de rapports au Parlement.
Voilà deux commentaires que je voulais faire, mais voici ma question. Avez-vous tenu compte des ressources limitées du Parlement? Il y a énormément de mesures législatives et réglementaires, mais nous avons un nombre limité de jours et d’heures pour les réunions de comité. Même si le Parlement était saisi des règlements et que nous avions 15 jours pour les examiner, ces examens peuvent être exigeants. Si nous souhaitons convoquer des témoins, nous devrons tenir compte des ressources limitées et des contraintes de temps. Je tenais seulement à faire valoir ces points.
M. Neudorf : Je comprends votre point. Les ressources seront toujours un défi. Les comités au Royaume-Uni sont incroyablement productifs. Il y a un comité à la Chambre des lords, soit le Comité d’examen de la législation subordonnée de la Chambre des lords.
Ce comité se penche sur les politiques. Tous les partis de la Chambre des lords y sont représentés, et ce comité compte 11 membres. Il s’acquitte en gros de sa tâche par consensus, ce qui est incroyable. Depuis 2003, il a étudié 11 000 règlements. Il fait un tri. Il dégage tout particulièrement les règlements qui revêtent une importance politique et juridique ou qui sont peut-être inopportuns en raison de nouvelles circonstances et d’autres éléments de cette nature. Le comité fait un premier tri. Il examine tous les règlements, mais il met l’accent sur les règlements les plus pressants ou les plus importants et il les signale à la Chambre des lords.
Je vous recommande fortement de lire les rapports de ce comité. Ils sont une mine d’information et on y trouve d’excellentes pistes de réflexion. Ce nouveau règlement ne semble pas avoir vraiment de sens, car il n’a pas grand-chose à voir avec le règlement préexistant. Il y a une incompatibilité sur le plan stratégique. Ils sont en mesure de produire des analyses complexes en peu de temps. C’est possible, mais ce n’est pas une mince affaire.
M. Dusseault : Nos échanges sont-ils maintenant du domaine public?
Le vice-président (M. Albrecht) : Oui, c’est une réunion officielle et tous nos échanges sont consignés.
M. Dusseault : Je voulais simplement m’assurer que le témoignage de M. Neudorf sera bel et bien inclus dans le compte-rendu.
[Français]
Ma question est liée à ce que vous venez de mentionner quant à la vérification au préalable de nouvelles réglementations qui sont publiées. Ma seule préoccupation est la lourdeur ou le fardeau en raison du nombre que cela représente. Pour l’instant, ce genre de triage, comme vous venez de le mentionner, est fait par les conseillers juridiques du comité. Ce sont eux qui prennent les décisions pour porter des règlements à notre attention. De plus, nous recevons une pile de règlements qui sont déposés sans commentaires. Ce serait donc à nous de faire une vérification diligente afin de vérifier tous les règlements et d’y trouver des problèmes qui n’ont pas été soulevés par nos conseillers juridiques.
À quel point la lourdeur de la tâche pourrait-elle représenter un fardeau? À quel point est-ce que cela pourrait être important si des parlementaires effectuaient cette étape? Vous avez parlé de 11 000 règlements en Grande-Bretagne. Parle-t-on d’un nombre similaire? C’est simplement pour savoir ce qu’une première évaluation de cette sorte, effectuée par des parlementaires, pourrait représenter.
[Traduction]
M. Neudorf : Je comprends ce que vous dites et je pense que le fait d’intégrer d’autres parlementaires dès le début du processus va passablement compliquer les choses. Le Royaume-Uni a mis sur pied ces comités d’experts afin de prêter main-forte au Parlement. Ces comités sont tenus de produire des rapports à l’intention de la Chambre principale, et la Chambre principale a le loisir d’en tenir compte ou de procéder au vote. Il se peut qu’elle n’en débatte même pas.
La chose a été ramenée à un échelon de proximité afin de faire bouger les choses. Vous avez raison. C’est un nombre important de règlements. Comme je l’ai dit dans mon exposé, il y a à l’heure actuelle 4 025 règlements consolidés. Il faudrait peut-être repenser aux ressources qui sont affectées à la résolution de ces problèmes.
Je considère que le conseil qui procède à ce type de présélection est très important. J’ai jeté un coup d’œil à certains autres comités de ce type et j’ai constaté qu’ils disposaient d’un personnel plus nombreux. Au Royaume-Uni, le comité chargé d’examiner la réglementation du pays compte sept avocats.
Ce sont des questions importantes. Je ne peux pas me prononcer de façon précise sur le nombre d’heures que cela prendra ou sur ce que cela coûtera ou sur la taille de l’effectif qu’il faudra, mais je sais que la gestion de ce processus ne sera pas une mince affaire, vu la prolifération des lois faites par règlements.
Mme Dhillon : Merci de votre présence parmi nous. J’ai lu votre article intitulé « Gouverner par règlements », et je l’ai trouvé très intéressant. Vos idées sont importantes et très convaincantes. J’ai aussi trouvé fort intéressant d’apprendre qu’au Royaume-Uni aucun comité n’a l’autorité d’abroger.
Croyez-vous que cela peut être problématique? Parlant de la Chambre des lords, vous dites :
Dans son étude de la délégation d’un pouvoir législatif prévue dans un projet de loi, le Comité :
• accorde toujours une attention particulière aux pouvoirs d’Henri VIII, disposition […] qui permet la modification ou l’abrogation d’une loi principale par une législation subordonnée, avec ou sans un autre examen parlementaire […].
Ne croyez-vous pas que cette façon de faire est antidémocratique et qu’elle va à l’encontre de ce que nous essayons de faire avec les règlements, c’est-à-dire d’augmenter la transparence en veillant à soumettre lesdits règlements au Parlement? Pouvez-vous nous donner une explication à ce sujet?
M. Neudorf : Ces dispositions concernant Henri VIII ont beaucoup nui au Royaume-Uni. Pour la gouverne du Comité, précisons que ces dispositions permettent au pouvoir exécutif de modifier une loi principale par l’intermédiaire d’un règlement. Plus tôt cette année, je suis allé prononcer une allocution au Bingham Centre for the Rule of Law de Londres. Dans un discours bien ficelé, un juge de la cour d’appel a dit ceci : « Maintenant, à peu près tous les projets de loi contiennent une disposition de type Henri VIII. » Malgré le fait que la Chambre des lords ait toutes sortes de couches de comités, toutes sortes de dispositifs d’examen, les dispositions de type Henri VIII continuent de se retrouver dans les projets de loi. C’est un problème. À ce propos, le juge a dit : « Je crois que c’est très inquiétant pour la primauté du droit, car cela revient à court-circuiter le Parlement. » Il n’y a rien de pire que de savoir que le pouvoir exécutif pourrait modifier une loi principale, un vendredi, en publiant un avis dans la Gazette du Canada. C’est assez surprenant.
Ce n’est pas ce que j’ai pu constater jusqu’ici en Australie, en Nouvelle-Zélande ou au Canada — du moins, pas dans la même mesure —, mais c’est quelque chose dont le Comité devrait se soucier, car c’est très problématique. Cela va à l’encontre de tout ce dont nous tentons de discuter ici, c’est-à-dire la reddition de comptes et la nécessité pour le Parlement d’exercer une surveillance efficace.
Mme Dhillon : Exactement. C’est très antidémocratique. Nous avons des élus qui adoptent des lois. La réglementation sert à fournir des précisions ou à permettre la mise en œuvre appropriée de la loi ainsi que l’exercice de l’intention visée par ladite loi. Par conséquent, afin d’améliorer la transparence au Canada, je crois que nous devrions recommander que nos lois soient à tout jamais exemptes de dispositions de type Henri VIII.
M. Neudorf : Puis-je répondre à cela? Votre question rejoint ce que je disais tout à l’heure à savoir qu’au Canada, il n’y a à ma connaissance aucun comité chargé d’examiner les projets de loi émanant du Parlement et l’objet des délégations que ces projets de loi contiennent. C’est quelque chose qui devrait être fait dès le début du processus. Toutes les autres administrations que j’ai examinées ont un dispositif à cet égard. Il faut mettre l’accent sur les pouvoirs qui seront délégués. Nous pouvons prendre les dispositions nécessaires pour éviter d’avoir des problèmes par la suite.
Par exemple, au Royaume-Uni, un ministère est tenu de soumettre au comité d’examen un document d’information contenant une description détaillée de chacune des délégations de pouvoir contenue dans un projet de loi donné : le récipiendaire du pouvoir en question, la raison d’être de la délégation et la façon dont ledit pouvoir sera exercé. Le comité lira ce document et l’inclura au rapport qu’il est tenu de publier — un rapport est produit pour tout nouveau projet de loi soumis au Parlement du Royaume-Uni. Nous n’avons absolument rien de tel, ce qui est un peu inquiétant.
Qui est chargé d’examiner ces dispositions en matière de délégation de pouvoir?
La sénatrice Stewart Olsen : J’ai une question et je vous prie d’être indulgent à mon égard, car je suis nouvelle au sein de ce comité. Je trouve intrigants vos propos sur la révocation. Je crois que vous pourriez éliminer une bonne partie de la partisanerie si les conditions de révocation étaient bien définies. Je n’y vois pas de problème majeur.
Je me demande si vous pourriez nous en dire plus long à ce sujet. Quels sont les facteurs susceptibles de justifier une révocation?
M. Neudorf : Je suis content d’avoir imprimé ce passage d’une loi, car je vais m’en servir pour vous répondre. Dans sa forme actuelle, la Loi sur les textes réglementaires prévoit ce pouvoir de révoquer certains règlements. Elle permet explicitement à ce comité de recommander une révocation par l’intermédiaire d’un rapport soumis aux deux Chambres. D’après ce que j’ai compris, si les deux Chambres ne donnent pas suite à cette recommandation, le règlement est révoqué au bout d’un certain temps. Le conseil me reprendra si je me trompe, mais je crois que le Parlement a 15 jours pour réagir.
La seule façon de contourner la recommandation de révocation est de faire en sorte qu’un ministre présente une motion stipulant que la résolution ne doit pas être adoptée. En ce qui concerne ce pouvoir de révocation, je crois que c’est l’Australie qui s’en tire le mieux. Là-bas, il y a un comité sénatorial qui est chargé d’examiner les règlements. Chaque fois que le comité a recommandé la révocation d’un règlement, le Sénat a suivi la recommandation.
En Australie, le taux de réussite est de 100 p. 100, mais sachez que le Parlement n’a jamais à se rendre jusque-là, car aussitôt qu’une révocation est recommandée, devinez ce qui se produit? Le ministre intervient sur-le-champ en disant : « Nous avons apporté des correctifs, le problème a été résolu et nous avons tenu compte de vos préoccupations. »
Comme vous pouvez le voir dans les chiffres que je vous ai présentés — donnez-moi un instant —, au cours des trois dernières années, les 106 motions de révocation présentées au Sénat n’ont donné lieu qu’à 20 révocations concrètes.
Au risque de me répéter, c’est un excellent taux de réussite. Il semble que ce degré de formalité incite les ministères à prendre les choses très au sérieux — du moins, si l’on se fie à l’expérience de l’Australie —, car ils savent qu’à défaut de faire les choses correctement, il est tout à fait possible que les règlements qu’ils proposent soient révoqués. C’est une mesure incitative extrêmement efficace.
Le vice-président (M. Albrecht) : Je crois que vous avez mis le doigt sur une notion que de nombreux membres du comité comprenaient de travers. Nous étions en quelque sorte réticents à recourir à la révocation parce que nous croyions qu’elle allait se produire de toute manière. Nous disposons d’une période de 30 jours pour corriger le tir, ce qui, je crois, est à notre avantage et à l’avantage des ministères.
M. Diotte : Je siège à ce comité depuis peut-être un peu plus d’un an, mais j’ai parfois l’impression que j’y suis depuis bien plus longtemps que cela.
Vous parlez de partisanerie, mais je crois que nous serons tous d’accord pour dire que dans certains cas, nous avons affaire à des règlements vraiment très complexes qui accusent des retards absolument incompréhensibles, qui traînent de la patte et pour lesquels on nous fournit des excuses qui n’ont aucun sens. C’est à ce genre de choses que nous voudrions mettre fin.
J’aimerais avoir votre avis sur une idée qui pourrait fonctionner. Il s’agit d’un rapport qui ferait l’inventaire des plus belles réussites et des pires échecs, comme ces cas où nous avons dû attendre 16 ans avant de pouvoir changer un mot dans un règlement. Par exemple, tel règlement ne permettait pas au gouvernement de percevoir de taxe sur telle ou telle chose, et tel autre portait atteinte à la sécurité dans les aéroports. Nous avons vu des exemples comme ceux-là. L’autre semaine, nous en avons vu un où figurait une définition apparemment incompréhensible des armes à feu. Quelqu’un ne pouvait même pas voir le règlement, mais la police avait l’information.
En procédant de la sorte, je crois que nous pourrions obtenir plus d’attention. En faisant un recueil des grandes réussites et des grands échecs, nous pourrions peut-être capter l’attention des médias. En tant qu’ancien journaliste, j’ai vu des choses qui pourraient faire de bonnes nouvelles. La situation est si ridicule et si stupide qu’elle mérite d’être changée.
Que pensez-vous de cette approche? Croyez-vous que cela pourrait être efficace?
M. Neudorf : Je vous remercie de me poser la question. Je suis tout à fait d’accord avec cette idée. Je crois que ce pouvoir de rendre compte est l’un de vos meilleurs outils. Le fait de nommer et de discréditer engendrera une culture de responsabilisation. Afin d’éviter d’être nommés et discrédités, les ministères veilleront à réagir promptement et à donner suite aux recommandations. C’est très important.
Les comités du Royaume-Uni sont les meilleurs à cet égard. Là-bas, les comités n’ont pas le pouvoir de révoquer, mais ils se servent tous très efficacement de leur pouvoir de rapporter. Un comité pourrait publier un rapport toutes les deux semaines pour faire état, comme vous l’avez proposé, des grandes réussites et des grands échecs: voici un cas où le ministère a répondu immédiatement et s’est empressé d’apporter les correctifs nécessaires, ce qui est tout à fait régulier. En revanche, il y a cet autre cas où le ministère a donné l’impression d’avoir vraiment mal géré le dossier. La personne qui a répondu ne comprend pas ce qui cloche et c’en est embarrassant. Des précisions au sujet des entités concernées sont aussi fournies.
Comme vous l’avez dit, c’est la chose à faire si vous cherchez à capter l’attention des médias. Les règlements sont très importants pour les Canadiens, mais les médias ne s’y intéressent à peu près pas. Je crois que le fait de présenter ce type de rapport et de consigner ce type d’information sera très utile pour susciter l’attention que vous recherchez.
Si vous pouviez rapidement dégager un cas d’espèce pour illustrer votre propos… Je crois que la seule fois que les médias canadiens se sont vraiment intéressés à la réglementation — mais pour un court instant —, c’était au lendemain du sommet du G20 qui s’est tenu à Toronto, en 2010. À cette occasion, le gouvernement de l’Ontario avait adopté un règlement un vendredi, si je ne m’abuse, en se servant de sa Loi sur la protection des ouvrages publics afin de désigner « ouvrage public » un vaste périmètre du centre-ville de Toronto. Ce règlement avait permis de doter la police de pouvoirs considérables applicables audit périmètre.
L’ombudsman de l’Ontario a mené une enquête et cela a capté l’attention des médias pendant une semaine — ce qui a probablement fait les beaux jours de la réglementation dans les médias canadiens. L’enquête a permis de faire des constatations préoccupantes. L’ombudsman a affirmé que ce règlement n’avait même pas encore été publié dans La Gazette de l’Ontario. Personne n’était au courant de son arrivée. Essentiellement, le règlement a été pondu de manière improvisée et sans la moindre consultation. Il a donné lieu à des violations à grande échelle des droits civils au Canada.
À cause de cela, les gens se sont aperçus qu’il y avait toute une autre couche à laquelle ils ne prêtaient pas attention. Je crois donc que les rapports sont un outil précieux pour attirer l’attention.
M. Badawey : Je suis membre de ce comité depuis un bon bout de temps, et mes collègues me demandent pourquoi j’y suis resté si longtemps. J’aime ce comité. Je l’aime vraiment. J’aime examiner les différents règlements et, pour dire vrai, je crois que le comité fonctionne bien.
Le problème, c’est l’arriéré au sujet des dossiers. Comme M. Tilson l’a laissé entendre, certains dossiers traînent depuis 5 ou 10 ans, et parfois même depuis plus de 20 ans. Nous avons des pouvoirs — même si ce ne sont que des pouvoirs manuels —, et c’est d’eux que je voudrais parler.
Nous serait-il possible d’instaurer un système disciplinaire qui permettrait d’automatiser le processus et de le rendre « pragmatique de lui-même »?
Pour vous faire comprendre ce que j’entends par là, je vais comparer le processus à une loi de prescription. De toute évidence, ces règlements ne sont pas assujettis à un délai de prescription. En revanche, plutôt que de recourir à des révocations à la pièce, aurions-nous le pouvoir d’assortir ces règlements d’un délai de traitement aux termes duquel la révocation s’enclencherait automatiquement?
La pression que nous exercerions manuellement sur les décideurs des différents ministères par l’intermédiaire de la révocation pourrait s’exercer par l’application d’un délai. Les règlements qui ne seraient pas traités en temps opportun seraient tout simplement jetés aux oubliettes.
Bien entendu, cela risque de créer tout un désordre parce que le procédé touche à la mécanique même des lois et des différents processus. Par conséquent, ledit procédé pourrait agir comme un levier pour inciter les ministères à s’activer au sujet de tel ou tel règlement sous peine de le voir disparaître, ce qui viendra mettre du sable dans l’engrenage.
M. Neudorf : C’est une excellente idée. Si vous devez mettre en place un système comme celui que vous venez de décrire, je crois qu’il faudra une loi principale pour établir que les règlements pour lesquels il n’y aura eu aucun suivi — sous forme de rapport ou de confirmation — à l’intérieur d’un délai préétabli deviendront automatiquement caducs, seront révoqués ou cesseront d’avoir un effet juridique.
Ces dispositions existent déjà. Elles figurent à l’article 39 de la Loi d’interprétation, mais le problème, c’est que le délai est très court. Aux termes de cet article, pour un règlement déposé devant le Parlement, le délai prévu pour l’adoption d’une motion d’annulation est de seulement 15 jours.
Vous avez raison. Je crois que le type de disposition de caducité dont vous parlez pourrait provoquer un chaos sur le plan juridique, mais ce serait une puissante mesure incitative pour garantir que les choses soient faites correctement. Je crois toutefois que le délai de 15 jours est un peu trop court. J’aime le délai de 40 jours que le Royaume-Uni accorde pour l’exécution d’un examen en bonne et due forme, surtout dans le cadre d’une procédure de ratification : un règlement qui n’est pas ratifié dans les 40 jours est tout simplement supprimé.
C’est une idée audacieuse qui pourrait changer en profondeur notre façon de faire. Je le répète, ce processus figure déjà à l’article 39 de la Loi d’interprétation, mais il n’est utilisé que pour une seule loi parmi toutes celles qui figurent dans le recueil des lois. Le processus s’applique à la Loi sur l’assurance-emploi dans le cas où un tribunal administratif établirait un règlement nécessitant une ratification du Parlement à l’intérieur du délai prescrit. C’est la seule application que j’ai trouvée. Si vous décidez de prendre cette orientation, il vous faudra en définir l’application pratique.
M. Badawey : Dans cette loi, ce n’est malheureusement pas encore automatique, et nous aimerions que ce le soit davantage. Peut-être que le conseiller pourrait garder cela en tête, car cela pourrait faire l’objet d’une recommandation à un moment donné.
Ma deuxième question concerne la proposition que vous avez faite d’étudier les projets de loi après la première ou la deuxième lecture, afin qu’ils soient vérifiés par le comité.
Ne croyez-vous pas que c’est la façon de faire actuelle? Après la deuxième lecture, les projets de loi sont envoyés à un comité permanent ainsi qu’au Sénat. Ces deux entités ont alors l’occasion de vérifier ces projets de loi avant de les renvoyer à la Chambre pour la troisième lecture. Le Sénat et le comité permanent formulent leurs commentaires. Vous proposez un processus qui serait comparable à celui-là.
Croyez-vous que nous ayons besoin d’une troisième entité pour examiner les projets de loi qui proviennent de la Chambre?
M. Neudorf : Vous avez tout à fait raison de dire que tout projet de loi peut bien entendu être examiné par un comité.
Cette étude peut porter sur toute disposition du projet de loi. On procède effectivement à une étude article par article, mais dans tous ces autres pays, il existe un comité spécialisé qui a l’unique mandat d’examiner les pouvoirs délégués.
Je dois dire honnêtement qu’il faut une certaine expertise. Comme vous l’avez probablement tous constaté au sein de ce comité, il faut une certaine connaissance du sujet. Un comité généraliste qui procède à l’étude article par article n’analysera pas en profondeur le pouvoir de prendre des règlements.
Par contre, un comité spécialisé veillera à ce que le texte soit rédigé de la meilleure façon et pourra alors décider de demander une modification si le libellé est trop vague. C’est ce qui se passe au Royaume-Uni, où le cabinet doit préparer un document sur chaque pouvoir délégué. Il y a des échanges entre le comité et le gouvernement. Le comité peut dire au gouvernement : « Vous dites que ce pouvoir délégué peut être utilisé par le ministre d’une telle façon, mais le libellé va plus loin. Que pouvez-vous faire? » Le gouvernement répondra : « Nous devrions modifier ce libellé pour qu’il soit plus restreint. » Ce comité a un bilan très solide. Presque chaque recommandation qu’il formule est acceptée par le gouvernement. Son bilan est excellent.
Vous avez raison de dire qu’on pourrait avoir recours au processus actuel, mais il s’agit d’un processus général. Si vous aviez un tel comité spécialisé qui examine les dispositions liées aux pouvoirs délégués, vous bénéficieriez d’une telle expertise. Lorsque vous voyez des lacunes, vous pourriez faire en sorte que les dispositions en question soient rédigées adéquatement afin d’éviter qu’on aille trop loin en ce qui concerne les pouvoirs délégués.
[Français]
M. Dusseault : J’avais essentiellement la même question que mon collègue sur le processus parlementaire, pour savoir s’il croyait que c’était suffisant dans le cadre de la révision article par article. Dans la révision article par article, on tombe sur des délégations d’autorité. Et souvent, l’une des critiques qu’on formule au sujet de certains projets de loi, c’est l’autorité que les ministres se donnent de plus en plus fréquemment en ce qui concerne l’adoption de règlements. C’est un commentaire qui est soulevé lors des débats, mais je comprends de votre réponse que ce n’est peut-être pas suffisant et qu’il devrait y avoir une étape de plus.
Quoi qu’il en soit, vous avez déjà répondu à la question. Donc, c’était plutôt un commentaire que je voulais faire sur cette question.
[Traduction]
Le coprésident (M. Albrecht) : Y a-t-il d’autres questions ou commentaires? M. Neudorf est parmi nous. Nous devons tirer profit de son expertise. Il y a toutefois certains travaux du comité que nous devons aborder.
Mme Dhillon : Que feriez-vous pour pénaliser ou réprimander les ministères qui ne répondent pas aux lettres des comités d’examen ou qui n’appliquent pas leurs recommandations?
Ces règlements ont une incidence sur les gens quotidiennement. Ce qui me préoccupe le plus, ce sont les sanctions pénales. Qu’ils s’agissent d’amendes ou de peines d’emprisonnement, elles constituent des violations aux libertés. Beaucoup de ministères se traînent les pieds. Pour certains règlements, il faut 8 ou 10 ans. On doit demander à maintes reprises à un ministère de comparaître devant le comité. Pendant ce temps, des gens subissent des conséquences dans leur vie de tous les jours.
Est-ce que ceux qui sont touchés par de mauvaises réglementations peuvent entamer des poursuites juridiques, ou existe-t-il des réprimandes ou des sanctions pour ceux qui se traînent les pieds?
M. Neudorf : C’est une bonne question. Je crois qu’elle fait écho au thème dont j’entends souvent parler. Vous ne voulez pas que ce comité soit un tigre de papier. Vous voulez qu’il soit en mesure d’exiger l’attention et le respect qu’il mérite à l’égard de l’important travail qu’il accomplit. Lorsque des ministères ne répondent pas en temps opportun, à mon avis, cela démontre qu’ils ne prennent pas ce travail très au sérieux et qu’ils estiment qu’ils peuvent répondre quand bon leur semble.
C’est une question de culture à laquelle il est difficile de s’attaquer, mais pour revenir aux recommandations dont j’ai parlé plus tôt, je dirais qu’en recommandant l’annulation de certains textes réglementaires, cela aurait pour effet de fouetter un peu les ministères, qui constateraient que le comité est vraiment sérieux et qu’ils doivent répondre aux lettres qu’il leur adresse.
En ce qui concerne les particuliers, le pouvoir d’adopter des lois appartient à l’organe exécutif. Des personnes peuvent demander une révision judiciaire si le règlement va plus loin que la loi habilitante, s’il va à l’encontre de la loi ou de la Charte ou bien s’il ne respecte pas le partage des pouvoirs ou pour tout autre motif d’ordre juridique. Toutefois, les lois sont établies par l’organe exécutif, et toutes les lois doivent être respectées.
Mme Dhillon : Étant donné que les tribunaux peinent déjà à traiter tous les dossiers, que proposez-vous pour atténuer le problème alors que vous, en tant que particulier, vous contestez chaque règlement devant les tribunaux?
M. Neudorf : Si une personne est touchée par un règlement problématique ou qui comporte des lacunes, il existe en fait très peu de bonnes options. On pourrait notamment attirer l’attention du comité sur ce règlement. Je présume qu’une personne pourrait communiquer avec le comité pour lui demander de se pencher sur le problème. Outre une révision judiciaire et une lettre adressée à votre député ou au gouvernement, les particuliers n’ont pas véritablement d’autres moyens d’action directe dans ces circonstances.
C’est pour cette raison que le comité joue un rôle tellement important, car l’examen de la réglementation va dans l’intérêt du public. En fait, vous veillez au bien-être de tous les Canadiens en examinant l’incidence qu’ont les lois sur eux. Cela met en lumière l’importance du travail que vous effectuez.
Mme Dhillon : Tout à fait. Je dois dire que le travail du comité est essentiel parce que les règlements peuvent avoir des répercussions très négatives sur les gens au quotidien. Vous pourriez peut-être nous faire part d’autres suggestions, monsieur Neudorf. Vous pourriez peut-être en présenter quelques-unes au comité. Est-ce possible?
M. Neudorf : Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration liminaire, je ne fais que commencer ce projet, qui s’échelonnera sur les 18 prochains mois, au cours desquels je visiterai d’autres parlements. J’en suis seulement au début, alors j’aimerais bien pouvoir revenir plus tard vous parler de mon étude. Je serais ravi de vous transmettre un autre article que j’écrirai sans doute sur le sujet et venir vous en parler plus tard, lorsque j’aurai une meilleure connaissance de tous ces systèmes.
Il est très difficile d’une certaine façon d’étudier ces systèmes sur papier seulement. Il faut aller sur place et s’entretenir avec les personnes, car en rencontrant les gens, comme je le fais maintenant, on observe beaucoup de pratiques informelles dont on ne peut pas prendre connaissance simplement en lisant un document. Dans le cadre de mon projet, je veux justement essayer d’en apprendre sur ces pratiques informelles, sur ce qui se passe réellement dans les coulisses. C’est ainsi que nous pouvons voir comment fonctionnent véritablement les systèmes et nous en inspirer pour renforcer notre propre processus.
Le coprésident (M. Albrecht) : Je vais à mon tour poser une question. Je crois que vous pouvez détecter, monsieur Neudorf, une certaine frustration au sein des membres du comité en ce qui concerne la difficulté à obtenir des réponses. Vous effectuez une étude qui porte sur quatre pays.
Lors de notre dernière réunion, nous avons nous aussi décidé d’effectuer une étude comparative. Bien entendu, nous allons probablement nous appuyer sur votre étude. Savez-vous ce qu’il en est dans les pays que vous allez examiner? Est-ce que ces pays sont également en train d’examiner ce qui se fait ailleurs pour élaborer la meilleure approche?
M. Neudorf : Ce n’est pas un sujet très populaire au sein du milieu juridique. Lorsque j’ai présenté une demande de financement pour ce projet, on m’a demandé quel était le problème en ce qui concerne la réglementation. Il n’y a pas eu beaucoup d’études dans ce domaine.
Je sais que les rapports des comités dans d’autres pays font très souvent état de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas très bien. Parfois, le conseiller juridique dira par exemple au comité qu’il a les pouvoirs de faire telle ou telle chose. Les comités se demandent même parfois s’ils devraient moderniser leur propre processus et ils se demandent comment ils pourraient le renforcer. Ils ne comprennent pas pourquoi un ministre n’a pas répondu en temps opportun à leur lettre.
Il y a certaines difficultés communes, que j’aurai l’occasion d’examiner en détail, mais je ne suis au courant d’aucune autre étude comparative de grande envergure.
M. Tilson : Vers la fin de la troisième page de votre article, vous formulez une recommandation intéressante :
[…] il semble particulièrement important que le comité présente plus fréquemment des rapports au Parlement au sujet de règlements problématiques.
Je présume que vous parlez des deux Chambres. C’est intéressant, car ce n’est pas ce que les ministères souhaitent. Pouvez-vous en dire un peu plus long à ce sujet? Est-ce que c’est ainsi dans d’autres pays? Je ne me souviens pas que notre comité ait déjà fait rapport au Parlement. Peut-être qu’il l’a fait, mais pas très souvent.
M. Neudorf : Le Royaume-Uni est un modèle d’excellence à cet égard.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Au Royaume-Uni, il y a un Comité mixte d’examen des textes réglementaires. Il n’examine pas le bien-fondé d’un règlement; il se penche uniquement sur les questions techniques d’ordre juridique. Il est composé de sept membres de la Chambre des lords, de sept membres de la Chambre des communes et de sept avocats. Au cours de la session parlementaire de 2015, il a présenté 25 rapports au Parlement et il a fait rapport sur 86 règlements problématiques. Ces rapports sont devenus une source d’information très importante pour le reste du Parlement et pour des parlementaires lors des débats, car ils peuvent faire référence à ces rapports qui émanent de personnes qui ont déjà effectué une analyse.
Ils fournissent essentiellement la matière première pour de bons débats concernant le rôle du comité et la nature des règlements. Nous pourrions faire la même chose ici. Des rapports plus fréquents seraient très utiles.
Le comité qui examine le bien-fondé des règlements est le Comité d’examen de la législation subordonnée de la Chambre des lords. En 2015-2016, ce comité a présenté 35 rapports, rédigés dans un langage simple, qui comportaient une analyse très claire et attiraient l’attention sur 67 règlements. Je le répète, ces rapports constituent une mine de renseignements; ils sont très utiles. En tant que chercheur, je suis épaté par la très grande qualité de ces rapports, par leur fréquence et par la rapidité avec laquelle ces comités analysent des règlements très techniques. Ils effectuent un excellent travail en publiant ces rapports, qui sont du domaine public, à l’intention du Parlement. J’encourage certainement le comité à utiliser davantage son pouvoir de faire rapport.
M. Oliver : Ma question va dans le même sens. Conformément à notre processus, notre personnel écrit d’abord au ministère pour exposer les préoccupations du comité. Lorsque le ministère ne donne pas de réponse ou fournit une réponse inadéquate, le comité écrit alors une nouvelle fois au ministère. Il semble qu’à chaque fois nous réinventons nos processus pour déterminer ce que nous allons faire ensuite. Parfois, nous établissons un échéancier pour le ministère.
Si je comprends bien, après avoir envoyé des lettres, la prochaine étape consiste probablement à convoquer des témoins, à faire ensuite rapport au Parlement puis, en dernier lieu, à recommander l’abrogation du règlement. Serions-nous en mesure de systématiser ces étapes? J’ai le sentiment qu’à chaque fois nous repartons de zéro pour déterminer ce que nous allons faire par la suite. Selon les personnes qui sont présentes à la réunion, car les gens vont et viennent, les conclusions et les directives ne sont jamais les mêmes.
Croyez-vous que nous pouvons systématiser tout cela, en ce qui concerne les étapes à suivre?
M. Neudorf : En ce qui concerne ces étapes, j’estime que le rapport, qui est présenté à la fin, devrait l’être au début. Tout ce que fait le comité devrait faire l’objet d’un rapport. Votre personnel est extraordinaire et il fait très bien le suivi des dossiers. Il mérite un grand respect pour cela.
L’un des problèmes, c’est que, ce qui ne figure pas sur l’écran radar n’attirera pas beaucoup d’attention. Au Royaume-Uni, même lorsque les comités obtiennent le résultat souhaité, ils en font rapport. Ils incluent également dans le rapport une copie de la lettre ou du courriel en question. Tout fait l’objet d’un rapport tout le temps. Cela peut paraître lourd, mais on crée ainsi un dossier, et il est très important de changer la culture pour favoriser la reddition de comptes.
Les rapports devraient avoir lieu en premier et préciser le nombre de règlements qui ont été examinés au cours d’une semaine donnée, expliquer ce qui se passe et nommer les ministères qui n’ont pas donné de réponse et ceux qui ont répondu. Dénoncer et blâmer ceux qui ne répondent pas et féliciter ceux qui ont répondu contribueraient grandement à mon avis à modifier cette culture en matière de reddition de comptes.
C’est ce que font les comités au Royaume-Uni. C’est une très bonne question.
M. Badawey : Je présume qu’on s’attend à obtenir un rapport qui fera état de certaines des discussions que nous avons actuellement et qui présentera des recommandations qu’on examinera. Je veux passer tout cela en revue pendant que M. Neudorf est avec nous, car il pourra nous le dire s’il manque quelque chose.
Nous avons parlé de convoquer des témoins, ce que nous faisons occasionnellement; de faire rapport au Parlement, et ce régulièrement; du pouvoir d’abrogation; de confier à un sous-comité certains aspects de notre travail et certaines questions que nous examinons; de procéder à un examen préliminaire des projets de loi, outre l’examen en comité et la troisième lecture au Sénat; de faire un examen préliminaire des projets de loi avant la troisième lecture.
Il faudrait envisager la possibilité d’établir un délai de prescription. Cela fera en sorte que ce soit automatique. L’abrogation se ferait automatiquement au terme d’une certaine période. Ce qui me plaît vraiment, c’est qu’il s’agit d’une mesure proactive plutôt que réactive. Notre comité est constamment en train de réagir, et c’est la culture que nous avons instaurée. Nous réagissons à l’inertie. Je ne dirai pas qu’il y a absence de reddition de comptes parce qu’en toute équité, je dois dire que tout le monde essaie de rendre des comptes. Le problème, c’est que les dossiers s’empilent et qu’il faut déterminer ceux qui sont prioritaires. Si nous mettons en place un mécanisme afin que ce soit davantage une priorité pour les ministères et les ministres, ils seront davantage proactifs et cela nous évitera d’être constamment en mode réaction.
Rendre l’abrogation automatique est une mesure à envisager afin que, d’une part, les ministères considèrent les règlements problématiques comme étant une priorité et, d’autre part, qu’ils s’en occupent rapidement, sans quoi le règlement sera tout simplement abrogé, ce qui leur causera alors des problèmes. Par conséquent, les règlements problématiques deviendront une priorité. Enfin, si une mesure législative s’avère nécessaire, alors nous en présentons une.
Est-ce que j’ai tout dit?
M. Neudorf : C’est un très bon résumé.
Je tiens à dire que je suis très impressionné par le dévouement des membres du comité. Vous démontrez d’une manière exemplaire que vous prenez le sujet au sérieux et que vous souhaitez une réforme. J’ai mentionné, je crois, à certaines personnes que je croyais qu’en venant ici j’allais recevoir un accueil plutôt froid. Critiquer un comité devant ce même comité ne permet pas toujours d’obtenir de bons résultats, mais il est clair à mes yeux que vous souhaitez tous que le processus soit le meilleur possible.
La dernière idée que vous avez lancée de rendre l’abrogation automatique est une idée nouvelle pour moi. Il s’agirait d’une mesure audacieuse et novatrice, et vous disposeriez ainsi d’un gros bâton. Si vous souhaitez passer d’un extrême à l’autre, ce serait mission accomplie. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur ce qui convient ou non au comité de faire, mais je dois dire qu’il s’agit d’une idée intéressante. Si c’est l’option que vous choisissez en définitive, j’aimerais en entendre davantage à ce sujet.
[Français]
M. Dusseault : En fait, c’est concernant le pouvoir de désaveu. Je sais qu’il y a des cas d’espèce, et vous me corrigerez si ce n’est pas exact. Il y a des cas d’espèce où le gouvernement a utilisé sa majorité lorsque des rapports ont été déposés au Parlement pour ne pas accepter de tels rapports qui désavouaient des règlements. Je me demandais si, dans les autres endroits où vous avez étudié la question, il y avait la même culture parlementaire ou politique selon laquelle lorsqu’un rapport de désaveu est déposé aux deux Chambres, il y a tout de suite un braquage du gouvernement ou du Cabinet pour le refuser et maintenir ses arguments, en affirmant que cette réglementation est parfaite. On encourage donc ses députés, la majorité, à utiliser le même raisonnement et à voter contre un rapport de désaveu. Est-ce une expérience que vous avez vue dans d’autres juridictions?
[Traduction]
M. Neudorf : Je vous remercie. Vous avez raison de dire qu’il y a un risque que le gouvernement ne souhaite pas apporter de changement et qu’il dise : « Ce règlement est très bien tel qu’il est. » Au Royaume-Uni, par exemple, les comités ne disposent pas d’un pouvoir d’abrogation, mais les Chambres peuvent voter afin d’approuver ou de ne pas approuver un règlement. C’est ce que j’ai observé au Royaume-Uni.
Il y a longtemps qu’un règlement n’a pas été rejeté au Royaume-Uni. La dernière fois que cela s’est produit à la Chambre des communes, c’était en 1979, et c’était en 2000 à la Chambre des lords. Vous avez raison de dire qu’il s’agit d’un élément à prendre en considération, mais vous voyez également qu’au Royaume-Uni ce processus uniquement permet d’obtenir des résultats.
En Australie, il y a davantage d’action au Sénat. La composition du Sénat n’est peut-être pas la même que celle du gouvernement, alors c’est au Sénat que l’action a lieu. Souvent, c’est au Sénat qu’on abroge un règlement, s’il y a un problème.
Il y a différents aspects institutionnels à considérer, mais il s’agit en effet d’un élément dont il faut tenir compte. Au final, le gouvernement doit procéder à un vote et, s’il s’agit d’un gouvernement majoritaire qui souhaite diriger les votes, il pourrait maintenir le règlement. À tout le moins, il y aura eu un débat public et le gouvernement aura dû justifier sa décision malgré la recommandation du comité d’abroger le règlement. Ce processus a au moins le mérite d’accroître la transparence et la reddition de comptes.
Le coprésident (M. Albrecht) : Je remercie tous les membres du comité pour leurs questions, et je remercie M. Neudorf pour son excellente contribution. Sa comparution tombe à point. Le sentiment de frustration a pris un peu d’ampleur, et c’est pourquoi nous avons décidé d’entreprendre cette étude comparative, et il se trouve que vous êtes à Ottawa cette semaine. Nous vous remercions beaucoup pour le temps que vous nous avez accordé et pour votre expertise.
Nous allons poursuivre la séance à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)