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AMAD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir


NUMÉRO 007 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 16 mai 2022

[Enregistrement électronique]

  (1945)  

[Traduction]

     Je déclare la séance ouverte, avant que quelque chose d'autre n'arrive. Je remercie chacun et chacune d'entre vous de votre grande patience ce soir, pour avoir attendu que la séance débute enfin.
    Bienvenue à tous à cette séance du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir. J'aimerais commencer par souhaiter la bienvenue aux membres du Comité, aux témoins et à tous ceux qui nous regardent en webdiffusion.
    Je suis le coprésident de ce comité à la Chambre des communes; je suis accompagné de l'honorable Yonah Martin, coprésidente du Sénat.
    Nous poursuivons aujourd'hui notre examen législatif des dispositions du Code criminel concernant l'aide médicale à mourir et leur application.
    Comme vous le savez, certaines mesures sanitaires s'appliquent sur la recommandation du Bureau de régie interne, et je m'attends à ce que tout le monde respecte ces règles ce soir.
    À titre de rappel, tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Si vous avez une remarque à faire, vous pouvez utiliser la fonction « Lever la main ». Nous offrons des services d'interprétation dans les deux langues officielles. Vous pouvez choisir la langue de votre choix.
    La façon dont nous procédons, c'est que nous commençons par une déclaration de cinq minutes de chaque témoin, après quoi il y a une période de questions.
    Ce soir, nous avons le plaisir d'accueillir, à titre personnel, M. Andrew Adams et M. Ghislain Leblond, ancien sous-ministre. Nous accueillons aussi en personne, ce soir, Sarah Jama, directrice exécutive du Disability Justice Network of Ontario.
    Bienvenue à tous les trois. Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à dire. Nous commencerons par la déclaration liminaire de M. Adams, qui sera suivi de M. Leblond, puis de Mme Jama.
    Monsieur Adams, la parole est à vous. Vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
    Je vous remercie beaucoup. C'est un plaisir d'être ici.
    Je suis une personne atteinte d'une maladie chronique et de handicaps. Je souffre depuis très longtemps d'une maladie qui provoque des spasmes abdominaux profonds, ainsi que d'autres symptômes terribles. Je vis souvent de longs épisodes de douleurs intenses qui ressemblent à un empoisonnement. Je dis parfois que j'ai des saisons de douleur, parce qu'un épisode peut durer plusieurs mois. J'ai vécu toute ma vie en Colombie-Britannique et je me sens très influencé par les valeurs d'ouverture de la côte Ouest. Par conséquent, je suis favorable à l'accès au choix.
    Quand la loi a changé au Canada, pour refléter plus fidèlement la décision Carter, j'ai décidé de soumettre une demande d'aide médicale à mourir. La nouvelle loi, le projet de loi C‑7, a rendu légale la possibilité, pour les personnes comme moi dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible, d'avoir accès à l'AMM. Le fait de placer la souffrance au cœur de la loi témoigne d'une grande compassion et d'une grande humanité. Le pouvoir de chacun d'entre nous de dire « ça suffit » lorsque la souffrance devient trop grande est une liberté essentielle.
    Le dysfonctionnement de mon corps a souvent été ressenti comme une prison. En demandant et en obtenant l'AMM, j'ai pris mes responsabilités. Je me sens moins inquiet, et un sentiment de soulagement général teinte mes journées. Je ne ressens pas le besoin d'exercer ce choix pour l'instant, mais je suis très heureux qu'il existe. L'aggravation constante de mon état a réduit ma capacité d'être fonctionnel au quotidien et ma qualité de vie.
    Aucune tentative d'atténuer ces épisodes abdominaux douloureux n'a pu me soulager. J'ai le sentiment d'avoir désormais les outils nécessaires pour faire face aux difficultés tenaces qui m'attendent. Je suis extrêmement fier de mes concitoyens. Merci de permettre que cette option existe au Canada pour les personnes qui, comme moi, souffrent continuellement dans la vie.
    Je n'ai pas eu mon mot à dire dans la décision de mon corps de m'enfermer dans des souffrances intolérables. Je me débrouille avec les cartes qui m'ont été distribuées. De savoir que je peux échapper à mes souffrances de façon sécuritaire et sereine, c'est comme de la belle poésie. Soudain, il y a un sens et une raison à mon quotidien. Je ressens une nouvelle acceptation de mes défis quotidiens, c'est un avantage émotionnel supplémentaire que ces soins médicaux m'ont apporté.
    Nous voulons tous nous sentir en sécurité dans ce monde. L'AMM, cette option qui m'est offerte, me procure ce sentiment de sécurité. Je pense que le stress réduit et la plus grande tranquillité d'esprit que j'en tire me permettent de mieux composer avec mes limitations. Par conséquent, j'ai tendance à avoir un attachement anxieux à ce choix et je suis sceptique quant aux appels à imposer des obstacles supplémentaires. Les personnes handicapées ne doivent pas être traitées comme un bloc monolithique, mais plutôt comme des personnes à part entière. La peur que l'AMM inspire à certaines personnes ne devrait pas avoir d'incidence négative sur l'accès au choix. Je suis ma propre personne, et je ne veux pas être amalgamé à d'autres.
    Cela dit, en ce qui concerne la protection des personnes handicapées, j'ai quelques propositions à faire pour améliorer les politiques.
    Premièrement, effectuer un certain examen des ressources, pour déterminer si la personne a un logement et du soutien de sa famille ou des organismes de service, entre autres, avant d'approuver sa demande.
    Deuxièmement, autoriser l'auto-exclusion volontaire pour ceux qui veulent renoncer à l'AMM. La personne pourrait choisir une durée fixe pour cette exclusion et la renouveler au besoin ou si elle le souhaite. Cette idée m'est venue parce que je sais que dans les casinos et d'autres établissements du genre, les gens peuvent s'auto-exclure volontairement pour ne pas avoir accès à cette activité.
    Troisièmement, mettre rapidement en œuvre la prestation canadienne pour personnes handicapées afin de réduire la pauvreté.
    Dans l'ensemble, j'espère que l'on maintiendra l'équilibre entre l'accès des patients à l'AMM et des mesures de protection raisonnables. Cet équilibre doit être maintenu.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, monsieur Adams, pour ce témoignage personnel.
    Nous entendrons maintenant notre deuxième témoin.

[Français]

    Monsieur Leblond, vous avez la parole pour cinq minutes.

  (1950)  

    Merci, monsieur le président.
    Bonsoir à tous.
    Je m'appelle Ghislain Leblond et j'ai 77 ans. J'ai eu la chance de passer la majeure partie de ma carrière dans la fonction publique, notamment comme sous-ministre associé à Ottawa et comme sous-ministre en titre à Québec.
    J'ai dû prendre ma retraite à l'âge de 48 ans, parce que je souffre d'une maladie dégénérative neuromusculaire qui me paralyse. Je suis en fauteuil roulant depuis 20 ans. Vous comprendrez donc que la discussion de ce soir revêt un grand intérêt pour moi.
    J'ai aussi été un participant très actif dans le processus qui a mené à l'adoption au Québec de la Loi concernant les soins de fin de vie, notamment l'aide médicale à mourir.
    Étant donné ma situation, je suis un candidat potentiel à l'aide médicale à mourir.
    Je vous remercie de me recevoir.

[Traduction]

     Je tiens surtout à vous remercier pour le travail que vous faites.

[Français]

    Vous faites honneur à votre devoir de député et de sénateur en vous attaquant à un dossier aussi important que celui de l'aide médicale à mourir.
    Vous vous trouvez devant des problèmes qui ne sont pas toujours faciles à résoudre. Je vous remercie de vous atteler à la tâche.

[Traduction]

    Vous avez de la chance, parce que ce n'est pas donné à tout le monde d'avoir la possibilité de prendre des décisions qui vont améliorer la vie de milliers de personnes, de milliers de nos concitoyens, de Canadiens.

[Français]

    Parmi les sujets qui m'intéressent, je voudrais vous entretenir de l'idée selon laquelle les handicapés physiques auraient besoin de mesures de sauvegarde plus grandes, comparativement au reste de la population. C'est une idée qui flotte dans l'air. J'aimerais vous en parler lors de la discussion qui va suivre.
    Je vous remercie.
     Je vous remercie beaucoup de votre témoignage à titre personnel, monsieur Leblond.
    Je donne maintenant la parole à la troisième personne à témoigner.

[Traduction]

    Madame Sarah Jama, je vous donne la parole pour votre déclaration préliminaire. Vous avez cinq minutes.
    La dernière fois que j'ai pris la parole devant le Sénat au sujet de l'AMM, les arguments que j'ai avancés, avec le Dr Naheed Dosani, Gabrielle Peters et bien d'autres, étaient que les personnes handicapées qui souffrent des échecs systémiques attribuables au capacitisme systémique seront négativement touchées par cet élargissement.
    Les personnes qui vivent dans une pauvreté abjecte, qui ont peur d'entrer dans nos horribles établissements de soins de longue durée, qui sont sur des listes d'attente pour des traitements ou qui ne voient pas de raison de vivre à cause du manque de logements accessibles et abordables, utiliseront cette AMM élargie comme si c'était la seule option à leur disposition. J'ai parlé de Chris Gladders la dernière fois que j'ai comparu ici, un homme de Hamilton, en Ontario, qui a demandé l'AMM parce qu'il était laissé dans ses excréments et son urine pendant des jours dans son foyer de soins de longue durée.
    Mesdames et messieurs les élus, vous nous avez bernés pendant des mois en affirmant qu'il était impossible pour les gens d'utiliser l'AMM de cette manière en raison des mesures de protection. Vous avez laissé entendre que les droits de personnes comme Nicole Gladu, qui a témoigné qu'elle voulait avoir le choix de mourir avec une coupe de champagne à la main, étaient plus importants que la nécessité de protéger les personnes dont je parle, qui sont systématiquement contraintes de...

  (1955)  

    Madame Jama, pourriez-vous ralentir, s'il vous plaît? Les interprètes doivent traduire vos propos, donc je vous prierais de parler un peu plus lentement.
    D'accord.

[Français]

    Monsieur le président, puisque vous avez interrompu la témoin, j'en profite pour lui demander de parler un peu moins fort aussi, sinon nous ne pouvons pas bien entendre l'interprétation simultanée lorsque nous sommes dans la salle.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Pourriez-vous parler un peu moins fort aussi? Certaines personnes écoutent l'interprétation et elles vous entendent en anglais en même temps, parce que vous êtes proche d'elles. Vous pourriez donc parler plus lentement et peut-être un peu moins fort.
    Les techniciens peuvent peut-être baisser le volume... s'ils peuvent faire quelque chose.
    Je parle très fort. Je m'excuse.
    Il n'y a pas de souci. C'est un sujet à faire parler fort.
    Puis-je reprendre?
    Oui, s'il vous plaît.
    Vous avez laissé entendre que la race et la pauvreté avaient très peu à voir avec la liberté et le choix. Nicole Gladu est décédée naturellement depuis, sans avoir eu recours à l'AMM, et pourtant son témoignage a permis la mort de Sophia, qui a déclaré dans la mort: « le gouvernement me voit comme une ordure jetable, une râleuse, une inutile et une emmerdeuse. » Il y a aussi la mort de Denise, qui a expliqué qu'elle avait demandé l'AMM essentiellement à cause de sa pauvreté abjecte. Voilà deux personnes parmi tant d'autres qui y ont eu recours uniquement parce que le gouvernement a financé l'accès à la mort plutôt que leur accès à de la nourriture, à un toit et à des ressources pour vivre.
    À cause de votre refus de comprendre les conséquences d'une AMM élargie, plus de personnes handicapées sont mortes depuis la dernière fois que je vous ai parlé, des personnes qui seraient en vie, autrement. Partout au pays, les prestations d'aide sociale fragilisent encore plus les personnes handicapées et leur causent du tort en leur imposant la pauvreté. Partout au pays, il peut falloir des années pour avoir accès aux cliniques de traitement de la douleur, à des thérapies, à des spécialistes, à des médecins de soins primaires et à des soins palliatifs. Les soins palliatifs sont tellement chroniquement sous-financés qu'ils sont considérés comme un privilège.
    Partout au pays, des personnes handicapées sont contraintes d'être placées dans des établissements de soins de longue durée où les conditions sont si épouvantables que les abus physiques, émotionnels et sexuels sont monnaie courante et où il manque d'options alimentaires nutritives et de mesures d'hygiène appropriées. Il y a tellement de choses qui s'y passent que nous avons banalisé la mort de 20 000 personnes handicapées institutionnalisées en raison de la COVID‑19. On a recensé 3,4 millions de cas de COVID à l'échelle du pays. Nous assistons à l'affaiblissement massif des Canadiens les plus marginalisés, à qui l'on n'offre qu'un plus grand accès à la mort.
    Selon les estimations les plus basses, il y aurait 300 000 Canadiens souffrant de la COVID de longue durée qui viennent grossir les rangs de la communauté des personnes handicapées dans notre société capacitiste. Ils constatent que leurs nouvelles limitations sont accueillies comme un sort pire que la mort. C'est directement l'image que leur renvoie ce comité.
    Que faites-vous pour répondre à la population grandissante des personnes handicapées qui ne sont pas atteintes de démence, aux personnes qui ne savent pas trop ce que leur réserve cette nouvelle vie de handicap, de capacitisme, dans laquelle elles ne pourront peut-être pas occuper un emploi?
    Concernant les directives anticipées, il faut reconnaître que les gens peuvent changer d'avis et le feront souvent, même après avoir consenti à l'AMM. C'est faire preuve de capacitisme que de supposer que les gens refuseront totalement de vivre dans des corps jugés moins fonctionnels. Le véritable choix, c'est d'avoir la possibilité de changer d'avis. Il convient également de souligner que la démence est un handicap souvent évoqué par ce comité dans la conversation sur les directives anticipées et que ce handicap touche de façon disproportionnée les personnes noires, mais que leur voix n'est pas entendue.
    Concernant les mineurs matures, il faut rappeler que la maladie mentale et le suicide atteignent des sommets chez les jeunes, au Canada, et qu'ils touchent de façon disproportionnée les jeunes handicapés. Il faut du temps pour envisager une vie de personne handicapée et chercher toutes les options qui s'offrent aux personnes handicapées, surtout lorsqu'on est jeune. Tant que nous ne pourrons pas être sûrs d'avoir des mesures qui empêchent la coercition implicite des jeunes par l'intimidation, le manque de logement, la pauvreté et l'inaccessibilité des ressources, je vous recommanderais de limiter toute conversation sur l'AMM chez les enfants, surtout en ce qui concerne le deuxième volet.
    Enfin, il importe de souligner que la semaine dernière, la Commission canadienne des droits de la personne a déclaré, en réponse à des rapports selon lesquels des personnes handicapées utilisent en fait l'aide médicale à mourir pour échapper aux échecs systémiques, comme nous l'avons dit l'année dernière, que l'aide médicale à mourir ne peut pas justifier que le Canada manque à ses obligations en matière de droits de la personne. Si les commissaires l'ont dit, c'est parce que c'est ce que vous avez permis, malgré les avertissements.
    Comment allez-vous réparer les vies qui ont été perdues jusqu'à présent en raison de cette coercition systémique, à cause de votre décision d'étendre l'aide médicale à mourir à la communauté des personnes handicapées, en particulier?
    Les droits et les besoins d'une personne ne devraient pas l'emporter sur les torts subis par les autres.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Jama.
    Cela met fin aux déclarations préliminaires.
    Nous passons maintenant à la période de questions. Je cède la parole à ma coprésidente, la sénatrice Yonah Martin.
    Merci à tous les témoins de leurs témoignages.
    Nous entamerons le premier tour avec cinq minutes de questions de M. Barrett.

  (2000)  

    Je remercie les témoins de leurs témoignages. Merci de partager avec nous votre temps et votre expérience ce soir.
    Ma première question s'adresse à vous, madame Jama, par l'intermédiaire de la coprésidente. Vous avez dit avoir comparu devant le Comité et avoir parlé personnellement aux sénateurs et aux députés.
    Pensez-vous que les Canadiens handicapés ont été suffisamment consultés au sujet de la loi sur l'AMM?
    Absolument pas. Dans ce seul groupe de témoins, deux sur quatre font partie de Mourir dans la dignité. Pourquoi suis‑je la seule représentante d'une organisation représentant les personnes handicapées? Pourquoi est‑ce la seule journée où nous parlons des droits des personnes handicapées, alors que cela a un impact sur tout ce dont j'ai parlé. Cela montre que nous sommes laissés pour compte à ce comité et que nous avons été systématiquement laissés pour compte tout au long du processus.
    De même, le bref processus consistant à ne soumettre qu'un millier de mots laisse de côté les personnes handicapées qui ne peuvent pas soumettre leurs idées par écrit, qui n'ont pas accès à Internet ou qui préfèrent communiquer par vidéo. Nous avons demandé par écrit à ce comité ce que nous pouvions faire pour inclure d'autres personnes handicapées et nous n'avons reçu aucune réponse.
    Ce comité n'a montré aucune volonté d'échanger avec les personnes handicapées, avec les personnes qui vivent avec un handicap, à part celles qui ont peur de mourir. C'est une honte et c'est comme cela depuis le début.
    Merci, madame.
    Encore une fois, j'aimerais revenir sur l'un des commentaires que vous avez faits dans votre déclaration préliminaire. Vous avez affirmé que le cadre régissant l'AMM était de nature capacitiste, et j'aimerais vous demander pourquoi. Peut-être pouvez-vous développer votre pensée pour moi, s'il vous plaît.
    Ce n'est pas une nouvelle compréhension de la communauté des personnes handicapées. Plus de 200 organisations, depuis le début, ont dit que c'était du capacitisme. On a étendu l'AMM aux personnes qui vivent avec un handicap, en particulier, qui sont considérées comme souffrantes. Beaucoup d'entre nous doivent se battre au quotidien, mais cela ne signifie pas qu'il faille simplement me proposer la mort pour répondre à mes besoins. En tant que personne souffrant d'un handicap physique et mental, je suis terrifiée à l'idée d'entrer dans le cabinet d'un médecin. Je suis terrifié à l'idée qu'on me propose l'AMM comme forme de traitement, alors que je suis déjà à risque de suicide.
    Vous n'écoutez pas les personnes qui vivent déjà avec des handicaps. Vous écoutez surtout les personnes qui ont peur de devenir handicapées. Ce sont deux choses différentes. Il y a déjà des personnes handicapées qui sont mortes à cause de ces décisions. Nous ne pouvons pas perdre une autre vie de quelqu'un qui aurait dû être nourri, logé ou recevoir une thérapie. Il ne suffit pas de dire que ces choses viendront plus tard, parce que nous savons déjà que 200 personnes qui n'étaient pas en phase terminale sont mortes. Beaucoup étaient des personnes dont les besoins n'étaient pas satisfaits autrement.
     Nous ne pouvons pas accepter que d'autres personnes meurent.
    Merci.
    Encore une fois, par l'intermédiaire de la coprésidente, à Mme Jama, pourquoi les questions de race et de pauvreté sont-elles importantes dans cette conversation, à votre avis?
     Comme je l'ai déjà mentionné, vous parlez beaucoup de la démence, mais la démence touche de manière disproportionnée les personnes noires et racialisées qui fournissent des soins et qui restent à la maison pour aider des membres de leur famille. Vous n'avez pas entendu des Noirs qui vivent cette situation. Les Noirs ont moins tendance à envoyer des membres de leur famille dans des établissements de soins de longue durée en raison de leur imprévisibilité, compte tenu des mauvais traitements et du racisme que des gens y subissent également.
    Les Noirs qui subissent le capacitisme et le racisme dans le milieu médical s'inquiètent déjà de la possibilité d'être contraints de suivre leur plan de traitement. En ce qui me concerne, même l'idée de rejeter des opérations chirurgicales était très difficile pour moi quand j'étais jeune.
    Si une personne a déjà le sentiment d'être traitée différemment ou d'être ostracisée en raison de sa race — et nous savons déjà que de nombreuses données indiquent que les Noirs sont maltraités et sont traités différemment lorsqu'ils entrent dans un hôpital — et qu'on ajoute cela à la discussion sur l'aide médicale à mourir, poussera‑t‑on les Noirs à avoir recours à l'aide médicale à mourir plutôt qu'à d'autres traitements qui devraient être disponibles? Je pense que oui. Je ne pense pas que nous ayons fait assez de recherches pour avoir l'assurance que les Noirs ne seront pas touchés de manière disproportionnée.
    Tout au long de la COVID, les Noirs ont été particulièrement touchés et ont présenté des comorbidités. Nous ne savons donc pas quelles seront les répercussions sur les personnes les plus marginalisées dans nos communautés, mais les gens que vous avez écoutés sont surtout des Blancs. Cela me fait peur.
    J'ai seulement une brève question à poser, par votre intermédiaire, madame la coprésidente...
     Oui. Soyez très bref. Il vous reste environ 20 secondes.
    En ce qui concerne les personnes qui risquent d'accéder à l'aide médicale à mourir avant d'avoir accédé à d'autres options, croyez-vous que c'est vrai aussi bien pour les personnes handicapées que pour les Canadiens racialisés ou noirs?

  (2005)  

    Je crois que c'est la même chose pour les personnes handicapées. Je pense que les personnes handicapées vivent souvent le capacitisme médical. De nombreuses personnes nous ont parlé en ligne de médecins qui ne les écoutent pas ou qui ne leur fournissent pas le soutien nécessaire. Certaines personnes ont peur d'entrer dans un système de soins de longue durée parce qu'elles craignent d'y être maltraitées. Cela a été établi.
     De nombreuses personnes, en particulier si elles sont handicapées, risquent davantage d'avoir recours à l'aide médicale à mourir qu'à d'autres traitements.
    Merci, madame Jama.
    C'est maintenant au tour de M. Maloney, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, madame la coprésidente.
     Je tiens à remercier les trois témoins non seulement de leur présence ici ce soir, mais aussi de leur patience. Nous commençons très tard ce soir. Comme l'a dit Mme Jama, il n'y a pas de temps à perdre. Nous devons nous consacrer à la question à l'étude. Parfois, il y a des retards en raison d'absurdités — je vais utiliser le mot — de procédure à la Chambre des communes et ce soir en était un exemple. Je vous présente mes excuses au nom du Comité.
    Ma première question s'adresse à M. Adams.
    Monsieur, je vous remercie de votre présence. Vous avez indiqué que vous aviez fait une demande d'aide médicale à mourir et qu'elle avait été approuvée.
    Est‑ce exact, monsieur?
     C'est exact.
    En aviez-vous fait la demande après l'adoption du projet de loi C‑14 ou seulement après l'entrée en vigueur du projet de loi C‑7?
    Au départ, j'en avais fait la demande après l'adoption du projet de loi C‑14.
    Merci.
    Les expériences vécues sont importantes pour tous les membres de ce comité, pour les raisons que nous avons entendues. Je me demande si vous seriez prêt à nous expliquer en quelque sorte le processus que vous avez suivi après l'adoption du projet de loi C‑14, puis du projet de loi C‑7, pour que nous puissions mieux comprendre comment cela fonctionne.
    Avez-vous eu affaire au même groupe de médecins à ces deux occasions?
    La première fois que j'ai essayé de faire une demande d'aide médicale à mourir, le processus a été interrompu assez rapidement. Au départ, j'avais envisagé de présenter une demande en vertu de la décision judiciaire provisoire qui existait avant l'adoption du projet de loi C‑14. Dès qu'il est devenu évident que C‑14 allait limiter l'admissibilité, on m'a dit en gros que cela n'irait pas de l'avant. J'ai en quelque sorte cessé d'essayer pendant un certain temps après.
    Le projet de loi C‑7 a ensuite été adopté et j'ai communiqué avec mon organisme de santé local. Par l'intermédiaire de ce centre de coordination, on m'a mis en contact avec un médecin et j'ai traversé les 90 jours. C'était une évaluation assez longue. La consultation avec la tierce partie — le spécialiste — était très approfondie. J'ai fait plus de tests que je n'en avais jamais faits auparavant. Puisque ce spécialiste s'occupe de moi depuis un certain nombre d'années, il me connaît, il connaît mon état et il sait ce que j'ai essayé.
    Toutes les autres mesures prévues par la loi ont été prises et on m'a jugé admissible à l'aide médicale à mourir. J'ai attendu un certain temps, puis j'ai fini par obtenir une deuxième approbation.
     L'un des médecins faisait partie de mon exploration initiale dans le cadre du projet de loi C‑14 et a clairement eu des conclusions différentes pour ces deux projets de loi différents.
    Merci. Je suppose qu'elles étaient fondées sur la loi. Il s'agissait de conclusions juridiques et non de conclusions médicales.
    Pouvez-vous reformuler la question?
    [Inaudible] de la première mesure législative.
    Essentiellement, je dirais que oui. Il n'y a pas vraiment eu d'évaluation complète la première fois. C'était plutôt une rencontre.
    Avez-vous l'impression d'avoir pu pleinement plaider votre cause — si je peux m'exprimer ainsi — et d'avoir eu amplement l'occasion de discuter de toutes les conséquences avec votre médecin et toutes les personnes qui ont participé au processus décisionnel?
    Oui.
     Parlez-moi un peu plus de cette idée d'auto-exclusion. Pouvez-vous me donner un peu plus de détails à ce sujet? Quel délai envisagez-vous? Comment cela fonctionnerait‑il exactement?
    Je pense qu'il pourrait s'agir essentiellement d'un formulaire qu'une personne présenterait à son médecin ou à son autorité sanitaire et elle choisirait un nombre d'années déterminé. Je suppose que l'on pourrait imposer une limite si l'on voulait. Cela pourrait être environ cinq ans, jusqu'à une décennie, selon les besoins de la personne et la mesure dans laquelle est à l'aise avec l'idée de recevoir l'aide médicale à mourir.

  (2010)  

    Merci.
    Puisqu'il ne me reste que quelques secondes, je vais poser une question à M. Leblond.
    Vous avez indiqué que vous aviez des choses à dire au sujet des mesures de protection. Vous n'aurez pas le temps de les expliquer ce soir, mais auriez-vous l'obligeance, monsieur, de nous envoyer quelques renseignements par écrit, si c'est possible?
    Je serais ravi de le faire, mais ce serait très court parce que je crois qu'on n'a pas besoin de mesures de protection supplémentaires lorsqu'il s'agit de l'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes qui sont handicapées physiquement.
     Croire que ces personnes ont besoin de mesures de protection supplémentaires signifie que parce qu'elles ont un handicap physique, elles ont aussi, par définition, automatiquement, un handicap intellectuel. Cela veut dire qu'on croit que parce qu'elles ont un handicap physique quelconque, elles ne sont pas capables de prendre des décisions par elles-mêmes et pour elles-mêmes.

[Français]

    Merci, monsieur Leblond.
    Monsieur Thériault, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je veux continuer la conversation avec vous, monsieur Leblond.
    Finalement, vous trouveriez discriminatoire qu'on ne vous accorde pas l'accès à l'aide médicale à mourir. C'est ce que je comprends, puisque vous avez milité afin que le Québec adopte la Loi concernant les soins de fin de vie, comme vous l'avez dit tout à l'heure.
    Est-ce que je vous comprends bien?
    Très bien, oui.
    Comme vous le dites, ce serait très discriminatoire. Si une personne remplit tous les critères établis par la Cour suprême dans l'affaire Carter, je ne vois pas pourquoi on traiterait sa demande différemment ou on prendrait une décision différente parce qu'elle a les pieds bots ou un bras en moins. Ce serait discriminatoire, parce que l'on imposerait un obstacle de plus à une personne qui voudrait recourir à son droit de demander l'aide médicale à mourir.
    Pourquoi ces gens, qui ont déjà beaucoup de difficultés dans la vie, seraient-ils assujettis à des exigences plus grandes que les personnes atteintes d'un cancer qui demandent l'aide médicale à mourir? Ce serait tout à fait discriminatoire.
    Ces gens n'ont pas besoin d'être protégés. Ils sont capables de se défendre seuls. Si on respecte leurs droits, si on les respecte en tant que personnes humaines, ils seront capables de se protéger eux-mêmes. Ils n'ont pas besoin d'un bon Samaritain pour les infantiliser ou les utiliser comme pions pour servir d'autres objectifs. Si on respecte leurs droits, les handicapés physiques sont capables de prendre des décisions par eux-mêmes et pour eux-mêmes.
    Si la déficience est individuelle, c'est-à-dire propre à la personne, le handicap, lui, est toujours social. Justement, il faut absolument que l'on handicape le moins possible la personne atteinte d'une déficience, quelle qu'elle soit.
    Vous avez dit tout à l'heure que les handicapés physiques étaient capables de réfléchir et de prendre des décisions. Un vieux philosophe, Paul Ricœur, a écrit un livre dans lequel il dit que l'autonomie ne se réduit pas à l'autonomie physique et sociale, par exemple le rôle qu'on joue dans la société et le pouvoir économique qu'on a. L'autonomie au sens plein du terme, c'est l'autonomie morale, c'est-à-dire le fait d'avoir la capacité de rendre un jugement pratique sur sa propre personne et de prendre des décisions libres et éclairées.
    J'imagine que vous êtes d'accord sur ces propos de M. Ricœur.

  (2015)  

    Oui, tout à fait. C'est l'essence même d'un être humain. C'est l'essence même de l'humanité. Il faut être capable d'exercer son autonomie dans le respect de la société. Il faut pouvoir assumer pleinement son autonomie, durant la vie et à l'approche de la mort également: il n'y a pas de démonstration plus grande de ce que signifie être un humain.
    Vous avez dit être dans un fauteuil roulant depuis 20 ans. J'imagine que vous n'êtes pas encore rendu au point de vouloir exercer votre droit de recourir à l'aide médicale à mourir. Cela dit, vous avez dû être soulagé de savoir que cette option vous était accessible avant que vous franchissiez votre seuil de tolérance.
    Oui, tout à fait. C'est pourquoi j'ai milité très activement en ce sens, au Québec.
    Je pense que personne ne souhaite devoir recourir à l'aide médicale à mourir. Nous avons tous peur de mourir, mais, ce qui nous effraie le plus, c'est la façon dont nous allons mourir et le type d'agonie auquel nous allons devoir faire face.
    L'aide médicale à mourir n'est pas une obligation, mais un choix parmi d'autres, et chacun prend sa décision en fonction de sa situation et de ses convictions. Le fait d'avoir le choix représente un grand soulagement moral pour moi, et aussi pour ma famille. Cela fait 20 ans que je suis en fauteuil roulant; cela fait 20 ans que ma famille prend soin d'une personne en fauteuil roulant. Savoir qu'il sera possible d'avoir recours à l'aide médicale à mourir, si jamais je dois me rendre là, m'apporte un grand soulagement moral ainsi qu'à mes proches.
    Merci, monsieur Leblond.

[Traduction]

    C'est maintenant au tour de M. MacGregor.
    Merci, madame la coprésidente.
    Madame Jama, je pense que je vais commencer par vous.
    Comme vous le savez, notre comité a reçu un mandat assez vaste de la Chambre pour couvrir cinq éléments. Seul l'un d'entre eux entrera effectivement en vigueur. Nous étudions la question en sachant qu'en mars 2023, les personnes dont la maladie mentale est la condition médicale sous-jacente seront admissibles à l'aide médicale à mourir, mais les autres sont assez larges.
    Lorsque ce comité a démarré en avril et que nous avons tenu nos premières réunions, nous avons tout de suite eu l'impression de faire un travail à la hâte. La Chambre nous avait initialement imposé la date limite du 23 juin, et je pense que les membres de ce comité se sont très vite rendu compte que la tâche allait être impossible. Nous avons maintenant prolongé le délai jusqu'au 17 octobre.
    En ce qui concerne votre témoignage d'aujourd'hui, je me souviens que lors de notre première conversation, vous m'avez parlé de l'idée de faire une pause ou de ralentir le rythme. J'aimerais que vous disiez à notre comité pourquoi nous devrions faire une pause ou prendre notre temps dans ces discussions. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Pourriez-vous suggérer des moyens par lesquels ce comité pourrait communiquer davantage avec différentes personnes handicapées au cours du printemps, de l'été et de l'automne, afin d'avoir le plus vaste échantillon possible de points de vue?

  (2020)  

     Oui. Bon nombre d'entre nous n'ont pas les ressources dont dispose le groupe de pression Mourir dans la dignité — financé par Margaret Atwood et d'autres grands noms —, si bien qu'au moment où moi et beaucoup d'entre nous avons appris que la portée du projet de loi C‑7 serait étendue, nous ne nous sommes pas rendus à la troisième lecture.
     Ces 18 mois étaient sans précédent. C'est le temps qu'il vous a fallu à tous pour prendre la décision d'élargir l'aide médicale à mourir.
     J'ai nommé des personnes qui sont décédées non pas parce qu'elles voulaient mettre fin à leur vie, mais parce qu'elles n'avaient pas d'autres options lorsqu'il s'agit de se nourrir et de se loger. Je crois comprendre que l'intervenant précédent a dit que personne ne souhaite recourir à l'aide médicale à mourir et que tout le monde a peur de mourir, mais des vies ont déjà été perdues. En plus, nous savons que la Commission ontarienne des droits de la personne a établi que l'aide médicale à mourir était offerte dans les prisons à la place de la probation.
     Nous avons l'obligation morale d'arrêter. Plutôt que d'examiner les torts qui ont été causés, ce comité a passé plus de temps à parler d'un possible élargissement. Vous auriez dû utiliser ce temps pour regarder en arrière, pour vous pencher sur les erreurs commises et les conséquences qu'a la précipitation, surtout compte tenu de la COVID, compte tenu du désespoir que beaucoup de personnes handicapées ressentent à l'égard de ce que signifie vivre en tant que personne handicapée à l'heure actuelle, alors que nous savons qu'on a retiré des poignées de porte dans des foyers de soins de longue durée et que de nombreuses personnes n'avaient pas les moyens de se nourrir. J'ai rencontré des personnes handicapées qui vivaient dans des tentes, qui étaient logées là, qui parlaient de recourir à l'aide médicale à mourir — dans des tentes à l'extérieur, en fauteuil roulant. C'est inacceptable.
    Ce n'est pas suffisant pour ceux d'entre nous qui veulent ressentir un semblant de réconfort lorsqu'il s'agit de prendre des décisions pour le reste des gens qui ne sont pas dans la pièce, parce que, devinez quoi? Nicole Gladu est morte naturellement après avoir ouvert la voie pour que les gens aient recours l'aide médicale à mourir sans autre option.
     Ce comité a l'obligation de ralentir la cadence et de parler à plus de gens — de parler aux sans-abri, aux personnes racialisées, aux jeunes — et de ne pas succomber à la force du groupe Mourir dans la dignité, parce que c'est injuste pour le reste d'entre nous.
     Je voudrais parler de la lettre de mandat de la ministre. Elle a été chargée d'entreprendre un examen de l'accès aux programmes d'invalidité fédéraux. Au cours de la législature précédente, le gouvernement a présenté le projet de loi C‑35, qui devait établir une prestation fédérale pour les personnes handicapées. Il a été présenté le 21 juin. Le gouvernement savait qu'une élection inutile s'en venait, alors je pense qu'il l'a présenté pour la forme.
     Nous sommes bien avancés dans la 44e législature. Nous n'avons toujours pas vu de projet de loi sur une prestation fédérale pour les personnes handicapées.
    Pendant les 45 secondes dont je dispose, pourriez-vous nous en dire plus sur la situation actuelle? En ce qui concerne les mesures de soutien fédérales pour les personnes handicapées, à quoi le Parlement du Canada doit‑il vraiment s'attaquer? C'est un élément important de cette conversation.
    Dans chaque province, les personnes handicapées ne devraient pas être appauvries par les lois. C'est ce qui se passe. Les gens n'ont pas les moyens de manger ou de payer leur loyer.
     Il y a aussi les problèmes relatifs aux soins de santé. Pourquoi faut‑il jusqu'à deux ans pour avoir accès à une clinique de traitement de la douleur en Ontario? Pourquoi y a‑t‑il tant de listes d'attente? Vous faites en sorte qu'il nous est impossible de choisir de vivre, surtout pour ceux d'entre nous qui vieillissent avec leur handicap. C'est de plus en plus difficile, non pas parce que nous ne pouvons pas le faire nous-mêmes, mais parce qu'il n'y a pas de ressources disponibles et pas assez de financement dans nos systèmes de soins de santé. Nous ne pouvons tout simplement pas nous le permettre.
    Si nous parlons de la prestation pour personnes handicapées fédérale, nous devons aussi parler de nos systèmes de soins de santé et de leurs défaillances. Ce comité a l'obligation de se pencher sur cette question, car tout est lié. Si vous permettez aux gens de se suicider, cherchez à savoir pourquoi ils le font et examinez nos systèmes de soins de santé.
    Je cède maintenant la parole à M. Garneau, pour les questions des sénateurs.
     Merci, madame la présidente.
    Nous allons commencer. Les interventions seront de trois minutes.

[Français]

    Je cède d'abord la parole à la sénatrice Mégie.
    Ma question s'adresse à Mme Jama.
    Je crois avoir compris de vos propos que, lorsque les gens sont en situation de pauvreté, par exemple lorsqu'ils sont mal logés, la première proposition qui leur sera faite, c'est de recevoir l'aide médicale à mourir.
    Je sais que ces personnes doivent recevoir des soins. C'est la personne elle-même qui devrait prendre la décision de recevoir l'aide médicale à mourir; elle ne devrait pas se la faire imposer.
    Avez-vous entendu des histoires selon lesquelles certaines personnes se sont fait imposer l'aide médicale à mourir?

[Traduction]

    Oui. Des histoires ont circulé dans les médias. Il y a eu deux cas, et j'en ai parlé dans mon témoignage.
    L'un d'eux concerne une femme, Denise, qui cherchait un logement abordable. Ses amis ont recueilli des fonds pour elle, mais ce n'était toujours pas suffisant. Sa seule option était de recourir à l'aide médicale à mourir, parce que l'endroit où elle vivait aggravait son handicap et qu'elle n'avait pas les moyens de se nourrir.
    Quand je parle de coercition systémique, je ne dis pas que quelqu'un met un fusil sur la tempe d'une personne. Je dis que les systèmes travaillent ensemble pour ne pas offrir d'autres options aux gens qui choisissent la vie, et que l'on permet que cela se produise en tant qu'élus. Cela demeure de la coercition, que quelqu'un vous dise explicitement de le faire ou non. Nous nous prononçons sur des situations qui ne favorisent pas l'aide au logement, mais qui permettent d'abord la mort comme option.

  (2025)  

[Français]

    Comme vous l'avez entendu, d'autres personnes souffrant de handicaps ou de douleurs intolérables sont à l'aise devant l'idée qu'elles pourront faire une demande d'aide médicale à mourir au moment où elles en auront besoin. Je n'ai pas l'impression que ces personnes ressentent de la pression ou sentent qu'elles seront obligées de demander l'aide médicale à mourir quand il n'y aura plus de médicaments à leur donner.
    J'ai un peu de difficulté à suivre cette idée, mais c'est peut-être vrai que, quand on est mal logé, on pourrait être porté à demander l'aide médicale à mourir.
    Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

     Quand on a été privé de quelque chose, il n'est pas difficile d'imaginer que les gens ne voudraient pas... C'est de plus en plus difficile de vivre. Ces cas ont été racontés dans le Toronto Star. Les gens disaient « j'ai vraiment essayé de survivre, mais l'aide médicale à mourir est ma seule issue, et j'aimerais que ce ne soit pas le cas; j'aurais aimé avoir un logement, parce que je serais resté sur cette terre ». C'est un choix forcé. C'est un choix qui a été fait parce qu'il n'y avait pas d'autres options, et ce n'est donc pas vraiment un choix.
    Dans ce pays, des personnes handicapées ont été forcées à la stérilisation, et il y a le placement en établissement et l'idée que beaucoup d'entre nous ne veulent pas envoyer les membres de leur famille dans des établissements de soins de longue durée, mais c'est notre seule option, parce que nous ne pouvons pas nous permettre autre chose. Toutes ces choses sont des exemples de coercition.
     Il est peut-être difficile pour certains membres du Comité d'imaginer pourquoi quelqu'un ferait ce choix, mais c'est parce que vous n'avez peut-être pas été privés de nourriture, d'un toit, d'un logement, ou n'avez pas eu à vivre dans ces situations. Moi oui, et j'ai donc fait tout ce chemin pour vous dire que c'est vrai.
    Monsieur le sénateur Kutcher, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ai deux questions. La première est à Mme Jama. Les évaluateurs de l'aide médicale à mourir, comme nous l'avons entendu, font très attention aux traitements reçus par les patients et aux traitements proposés comme étant possibles.
    Beaucoup de fournisseurs ont laissé entendre que ce type d'évaluation devrait également englober les inégalités structurelles — par exemple le besoin de logement, l'aide au revenu —, qu'il faudrait ensuite intégrer dans chaque évaluation, pour ne pas faire pression sur les demandeurs quand on ne le devrait pas. Est‑ce que, d'après vous, ça devrait faire partie de toute évaluation en vue de l'aide médicale à mourir pour s'assurer qu'aucune pression n'a été exercée sur les demandeurs?
    Absolument.
    En même temps, j'ai à l'esprit le cas d'une femme, en Colombie-Britannique, qui a reçu l'aide médicale à mourir en moins des 90 jours requis et qui fait l'objet d'une enquête de la GRC. Elle a reçu l'aide médicale à mourir sans être traitée pour ses troubles du psychisme.
    Nous pouvons continuer à affirmer que nous ajouterons des garde-fous, mais si nous perdons une vie, c'est assez pour nous obliger à évaluer ce qui est arrivé. Moi‑même, j'ai des problèmes de santé mentale. J'ai reçu des traitements répétés, ce qui est difficile quand on essaie également de continuer à mener sa vie normalement. Parfois, je ne sais tellement plus où donner de la tête que je voudrais me trouver ailleurs. Ça change peut-être après les 90 jours, mais c'est difficile.
    Je veux seulement dire que nous avons besoin d'un choix plus diversifié, parce qu'il m'a fallu un an pour entamer la bonne thérapie et, encore, j'aurais pu choisir autre chose.
    Donc, d'abord, des vies sont perdues parce que…
    Je suis désolé, mais je veux questionner un autre témoin.
    Je comprends.
    Vous m'avez donné une excellente réponse. Je vous en remercie.
    J'ai une question pour notre premier témoin, M. Adams.
    Vous avez été soumis à une évaluation pour l'aide médicale à mourir, mais vous n'avez pas encore décidé de franchir le pas. Vous avez dit quelque chose que je n'ai pas tout à fait saisi sur la réduction du stress et un meilleur état d'esprit. Faisiez-vous allusion au soulagement d'une souffrance intolérable simplement pour avoir suivi le processus et pouvoir exercer cette option? Je n'ai pas tout à fait compris.

  (2030)  

    Oui. J'essaie d'expliquer que mon évaluation et l'approbation de ma demande ont changé la façon que je vis psychologiquement mon état de santé. Je me sens intensément soulagé, donc plus fort pour supporter mes crises.
    Merci.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Sénateur Dalphond, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je remercie les témoins. Le sujet et vos témoignages sont très importants.

[Français]

    Ma question s'adresse à M. Leblond.
    Comme vous l'avez entendu, le dilemme auquel on est toujours confronté, c'est que certains groupes peuvent être désavantagés par le système. Celui-ci fait que les options qui s'offrent à eux sont moins intéressantes que celles que vous avez connues. Vous êtes un homme éduqué. Vous avez été sous-ministre à Québec et sous-ministre adjoint à Ottawa.
    Que répondez-vous aux gens qui disent que l'ensemble des personnes handicapées ne devrait pas avoir accès à l'aide médicale à mourir, afin de protéger celles qui ne peuvent pas donner un consentement qui semble aussi valide que le vôtre?
    Je ne vois pas quel lien on peut faire entre le fait d'être un handicapé physique et la capacité de réfléchir. C'est comme si le handicap physique et le handicap intellectuel étaient perçus de la même manière. C'est l'équivalent de ce qu'on entendait pendant les débats où l'on cherchait à déterminer si les femmes, du seul fait qu'elles étaient des femmes, étaient assez intelligentes pour voter. On revient avec le même type d'arguments en 2022 en affirmant qu'une personne ayant des difficultés physiques est incapable de prendre des décisions par elle-même et pour elle-même.
    Il est indéniable que nous avons des problèmes immenses sur les plans social et économique, ainsi que dans le système de santé. L'aide médicale à mourir ne peut pas pallier toutes ces difficultés. Ce n'est pas une panacée ni un remède générique. Je comprends que les gens aient beaucoup de misère à accepter cette idée, mais cela ne devrait pas empêcher ceux et celles qui remplissent les critères énoncés par la Cour suprême d'y avoir recours.
    Merci.
    Merci, sénateur Dalphond.

[Traduction]

    Sénatrice Wallen, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le coprésident.
    J'ai l'impression que beaucoup de demandeurs de l'aide médicale à mourir sont moins en mesure de l'obtenir qu'avant. Certains peuvent être handicapés ou l'être devenus, et d'autres peuvent envisager à contrecœur le suicide faute d'être admissibles à l'aide médicale à mourir. Dans nos discussions, nous devons particulièrement veiller à vérifier d'abord les faits. C'est un jeu dangereux que d'accuser les fournisseurs de l'aide médicale à mourir, nos professionnels de la santé, de forcer la main aux demandeurs, d'imposer l'aide médicale à mourir à certaines personnes, de l'offrir en échange de la liberté. Les tribunaux se sont prononcés sur ces questions de droit, et les gouvernements ont réagi à ces arrêts par une rédaction très prudente de la loi. Soyons donc très prudents.
    Je tiens à questionner M. Adams, si je peux, qui est passé deux fois par le processus, la première sous le régime du projet de loi C‑14, ensuite sous celui du projet de loi C‑7. Vous avez qualifié le processus d'intense. Donnez‑nous‑en deux ou trois exemples. Croyez-vous que vous auriez pu vous présenter sur place et vous faire accorder l'aide médicale à mourir parce que vous n'aviez nul endroit où vivre et que vous apparteniez à un groupe minoritaire?

  (2035)  

    Ce n'est certainement pas ce que j'aurais pensé à dire. Ce serait très éloigné de mon raisonnement pour me faire évaluer pour l'aide médicale à mourir. De plus, étant autochtone, j'ai l'impression qu'une partie des conversations de ce soir portent sur moi sans que j'en fasse partie. J'en ressens un peu d'irritation.
    Pour revenir à votre question, non, absolument pas. Le processus m'a paru très personnel dans un certain sens, puisque je révélais à l'évaluateur des choses que, peut-être, je n'avais jamais dites avant, comme les indignités que j'ai subies du fait de mes symptômes et dont je n'avais rien dit, même à mes parents. Mes conversations ont porté sur des sujets très délicats, et j'ai senti qu'on m'entendait, qu'on m'écoutait. Pour la première fois peut-être de ma vie, j'ai eu l'impression qu'on me voyait, et les mots me manquent pour exprimer la gravité de ce que j'ai ressenti pendant cette évaluation. Elle a revêtu pour moi une très grande signification. Je suis désolé de m'abandonner à mes émotions, mais c'est difficile de ne pas le faire. C'est profondément ressenti. Je ne peux en dire plus.
    Mais l'expérience a creusé très en profondeur. Vous n'auriez pas pu vous présenter là en disant: « Écoutez, ma journée est terrible ».
    Ça été extrêmement fouillé.
    D'accord. J'en reste là. Merci.
    Madame la sénatrice Martin, vous avez la parole.
    Je remercie tous les témoins. Vos témoignages sont très éloquents.
    J'ai deux questions pour Mme Jama.
    Sur le régime canadien de l'aide médicale à mourir, la Dre Heidi Janz a écrit: « Quand un gouvernement fonde ses lois sur le principe que certaines vies n'en valent pas la chandelle, il s'engage sur une pente extrêmement dangereuse ».
    Croyez-vous que la politique actuelle de l'aide médicale à mourir incite les personnes handicapées à croire que leur vie est moins précieuse que celle des bien portants?
    Oui. J'ai maintenu, comme beaucoup d'autres personnes handicapées, pendant toute cette discussion, que je suis pour le libre choix de la vie et de la mort, mais quand on se trouve dans une situation avérée où des personnes handicapées choisissent l'aide médicale à mourir faute de choix…
    Je suis revenue sur le cas de Chris Gladders, maintenu assis pendant plusieurs jours dans ses excréments et son urine, qui a choisi l'aide médicale à mourir parce qu'il se trouvait depuis longtemps en négligence de soins dans un établissement à court de personnel. Il n'avait pas le choix. Oui, cette idée que nous autorisons seulement les personnes handicapées et non le reste de la population à recourir à l'aide médicale à mourir pour échapper à d'autres situations sur lesquelles ils n'ont aucune prise.
    Je veux que tous se sentent à l'aise de recevoir l'aide médicale à mourir quand ils le veulent, mais je songe également à tous ceux qui sont morts. C'est documenté. C'est dans l'actualité. Allez tous voir. C'était dans le Toronto Star d'il y a quelques semaines. Je veux que toutes ces personnes aient le choix, mais je ne veux pas qu'il en meure davantage si on peut répondre à leurs besoins ailleurs.
    Le confort que m'apporte la connaissance que l'aide médicale à mourir est une option pour moi n'est pas plus important que la vie de quelqu'un d'autre.
    Que peut‑on faire pour améliorer le régime de l'aide médicale à mourir et protéger les Canadiens handicapés contre une mort prématurée? Que conseillez-vous?
    Comme je l'ai dit, je conseille la lenteur à votre comité. Nous agissons vraiment vite pour discuter d'éventuelles libéralisations au lieu de faire le point sur les bourdes et les cas douteux que j'ai soulevés, dont vous semblez complètement ignorants, des morts qu'on aurait pu éviter.
    Dans notre système carcéral, on a offert l'aide médicale à mourir à la place de la liberté conditionnelle, au point que, la semaine dernière, la Commission canadienne des droits de la personne a publiquement récusé cette pratique.
    Nous devons ralentir la cadence. Je préconise que nous prenions notre temps et que nous considérions la question sérieusement.
    Merci beaucoup.
    Un très gros merci à tous nos témoins de s'être déplacés, ensuite d'avoir supporté un long retard et, enfin, d'avoir livré des témoignages percutants.
    Je tiens également à ce que vous sachiez que c'était la première séance consacrée au thème des handicaps. Nous y reviendrons par la suite. D'autres séances sont prévues.
    Merci beaucoup, encore, de votre présence.
    Je m'adresse maintenant aux membres du Comité. Nous avons le choix, mais il faut l'unanimité. Nous poursuivons la séance, et je demande à chacun de se prononcer, à main levée, en se rappelant que des témoins ont attendu jusqu'à deux heures pour livrer leur témoignage ce soir. Pour poursuivre, il faut l'unanimité, le consentement unanime. Je veux le savoir maintenant.
    Tous ceux qui veulent poursuivre la réunion?
    Une voix: Sur quoi votons nous?
    Le coprésident (L'hon. Marc Garneau): Nous avons un créneau protégé de trois heures, ce soir.

  (2040)  

    À quelle heure le Comité s'arrête‑t‑il pour aller voter?
    Il faut que je me rende à la Chambre pour voter.
    Si vous décidez de ne pas accorder de consentement unanime, vous devez lever la main et dire: « Non, je refuse ».
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Pardon, mais c'est le Règlement.
    Je conteste l'autorité de la présidence. En notre qualité de membres, nous avons le droit de voter.
    S'il vous plaît, ne m'interrompez pas. D'accord?
    Le Règlement dit que nous pouvons chercher à obtenir le consentement unanime. Faute de l'obtenir, nous cessons nos travaux et tout le monde va voter.
    Eh bien, c'est non.
    Très bien. C'est très clair. Je crains que nous ne puissions poursuivre la réunion pendant le reste de la soirée. Elle est annulée. Nous devrons nous reprendre. Nous ne pouvons demander aux gens de rester…
    Nous pourrions nous interrompre pendant cinq minutes, aller voter, puis revenir.
    Quelle comédie!
    Monsieur Anandasangaree, vous avez la parole.
    Monsieur le président, pour faire avancer un peu les choses, puis‑je demander à au moins un membre de chaque parti de rester pour une discussion à la bonne franquette sur ce à quoi le reste de l'étude ressemblera? Je sais que nous avons réservé une heure. Bien que certains puissent devoir s'en aller, je demande si un membre peut rester. Je pense que nous pouvons régler ce détail dans les 20 prochaines minutes.
    Je ne vois pas la chose du même œil, parce qu'il y a deux motions et il y a peut-être d'autres sujets possibles de discussion.
    Faute de consentement unanime pour poursuivre la réunion pendant la deuxième heure, je présente mes excuses à tous ceux qui attendent depuis deux heures pour livrer un témoignage, et beaucoup d'entre eux, comme nous pouvons le voir, sont des personnes handicapées.
    C'est malheureusement la situation.
    La séance est levée.
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