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Bonsoir et bienvenue à la réunion du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.
Je souhaite la bienvenue aux membres du Comité, aux témoins et à ceux qui suivent cette réunion sur le Web.
Je m'appelle Marc Garneau et je suis coprésident représentant la Chambre des communes. Je suis accompagné de l'honorable Yonah Martin, coprésidente représentant le Sénat. Nous allons nous partager la tâche de présider ce soir.
Nous poursuivons aujourd'hui notre examen législatif des dispositions du Code criminel relatives à l'aide médicale à mourir et de leur application.
Je vous rappelle que les membres du Comité doivent se conformer aux protocoles sanitaires établis par le Bureau de régie interne, qui seront en vigueur jusqu'au 23 juin. Je sais que vous les connaissez très bien. La sénatrice Martin, en sa qualité de coprésidente, et moi-même veillerons à leur application. Nous vous remercions à l'avance de votre coopération.
Je rappelle également aux membres et aux témoins qu'ils doivent garder leur microphone en sourdine, sauf lorsqu'un des coprésidents leur cède nommément la parole, et que toutes leurs observations doivent être adressées à la coprésidence. Lorsque vous parlez, exprimez-vous, s'il vous plaît, lentement et clairement. Cela facilite la tâche de nos interprètes. Les services d'interprétation seront disponibles pendant cette vidéoconférence, comme pour une réunion en présentiel. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir entre le parquet, l'anglais ou le français.
Cela étant dit, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins du premier groupe, qui discuteront de la question de l'aide médicale à mourir pour les mineurs matures au Canada.
Nous avons deux invités au cours de la première heure ce soir. Nous tâchons toujours d'établir la communication avec Myeengun Henry, gardien des connaissances autochtones à l'Université de Waterloo.
Nous accueillons en personne Ahona Mehdi, membre et cheffe de recherche de Just Recovery du Disability Justice Network of Ontario. Merci à vous deux de vous être joints à nous.
Nous allons commencer par les déclarations préliminaires.
Madame Mehdi, si vous êtes prête, je vous invite à commencer, après quoi nous passerons à M. Henry.
Vous avez chacun la parole pour cinq minutes, s'il vous plaît.
La parole est à vous.
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Bonjour à tous. Merci de m'avoir invitée.
Je m'appelle Ahona Mehdi. J'ai 19 ans et je suis membre du conseil d'action pour les jeunes du Disability Justice Network of Ontario. J'ai de multiples handicaps et, à la suite des récentes modifications apportées au Code criminel, certaines d'entre elles me rendraient admissible à l'aide médicale à mourir.
Je suis ici aujourd'hui parce que, en tant que jeune avec un handicap, je suis extrêmement préoccupée et désemparée par la possibilité d'étendre l'aide médicale à mourir aux mineurs matures de notre pays.
Avant de commencer, je veux que chacun des sénateurs et députés ici présents comprenne bien que, si on m'avait offert l'aide médicale à mourir il y a un peu plus d'un an, quand j'avais accès à des traitements en tant que mineure, je ne serais pas ici pour témoigner devant vous aujourd'hui.
Vous continuez de prétendre que des mesures de protection seront en place pour cet élargissement du régime, que l'évaluation des demandes d'AMM sera diligente et délibérée, mais comment est‑ce possible? Au Canada, les jeunes handicapés paient jusqu'à 200 $ l'heure pour une thérapie, et pourtant vous envisagez d'élargir l'accès à l'AMM à ces jeunes et de la rendre gratuite.
Je crois au droit de choisir, mais faire de l'AMM une option par défaut pour les enfants handicapés que vos systèmes ont laissé tomber équivaut à de la coercition, non à un choix. Si ce processus est vraiment fondé sur les droits des personnes handicapées et la prise de décisions autonome, pourquoi est‑il lancé pendant une pandémie mondiale où les professionnels de la santé sont plus surchargés que jamais?
Un récent sondage mené par le Programme canadien de surveillance pédiatrique révèle que les professionnels de la santé du Canada sont de plus en plus sollicités par les parents d'enfants, y compris d'enfants en bas âge, trop jeunes pour prendre une décision éclairée au sujet de l'accès à l'AMM. C'est effrayant et cela prouve que ces discussions ne font qu'amplifier le message de banalisation du suicide. Comment les connaissances sur l'accès à l'AMM pour les mineurs matures se sont-elles répandues si largement et qu'en même temps le gouvernement refuse constamment et délibérément de rendre accessibles aux jeunes handicapés les soins à domicile, les soins palliatifs, les appareils fonctionnels, les soins d'affirmation de genre, les soins culturellement adaptés, les services de counselling et d'autres ressources?
Quand je pense à ce que j'ai vécu dans le système de soins de santé, la possibilité d'étendre dans un deuxième temps l'AMM aux mineurs matures m'effraie. À l'âge de 17 ans, mes proches m'ont fait admettre à l'hôpital dans l'espoir que je reçoive du soutien et des soins, mais c'est le contraire que j'ai connu. Mon psychiatre assigné m'a dit que je devais surmonter mon anxiété si je voulais réussir. Il m'a dit que, s'il m'arrivait d'avoir des idées suicidaires, je devais les mettre au rancart et les oublier. Adolescente, j'ai été placée dans des endroits où j'étais sans cesse harcelée par d'autres patients, des hommes adultes. À l'hôpital, plutôt que de régler les problèmes que je vivais et de me donner un espace plus sûr, on m'a constamment administré des médicaments, et cela sans prendre le temps de comprendre ma situation. On m'a souvent fait subir des traitements qui ont aggravé mon état.
Je crains pour les jeunes handicapés comme moi et pour ceux dont la situation est pire que la mienne qui pourraient se voir offrir l'AMM au lieu d'un traitement ou de soins. De la même façon que les établissements continuent de recourir aux médicaments d'ordonnance comme solution facile à des problèmes complexes, l'élargissement de l'AMM serait d'une grande imprudence. Il est tout à fait scandaleux d'imposer à des enfants handicapés le fardeau de choisir entre la vie et la mort en même temps qu'on ferme les yeux sur les réalités du capacitisme systémique au Canada.
Vous continuez de prétendre que nous brimons le droit des personnes handicapées de mourir dans la dignité, mais la mort ne peut pas être l'option par défaut pour les jeunes handicapés en difficulté.
Je vous demande de vous opposer à cet élargissement de l'AMM et de lutter pour offrir une autre solution aux jeunes handicapés dans laquelle le gouvernement se montrera accueillant et soucieux de les voir vivre dans la dignité. Je suis ici pour vous demander de faire une pause, de ralentir et de refuser cet élargissement. Je suis ici parce que je n'admets pas que vous discutiez sans moi de mon droit de vivre et le remettiez en question. Je m'oppose à ce que vous remettiez en question le droit des jeunes handicapés noirs, autochtones et racialisés de vivre et de recevoir des soins, surtout sans faire un effort concerté pour leur créer un espace sûr.
Vous prétendez vouloir mettre fin à nos souffrances, mais vous empirez les choses quand vous laissez votre crainte des handicaps vous mener à considérer comme jetables et indignes de vivre ceux d'entre nous qui vivent actuellement avec un handicap.
Merci de votre attention.
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Je vous remercie de m'avoir permis de me joindre à vous aujourd'hui.
Je suis un ancien chef de la Première Nation des Chippewas de la Thames, tout près de London, en Ontario. Je travaille actuellement à l'Université de Waterloo, où je suis le gardien des connaissances autochtones. Je suis aussi guérisseur traditionnel et je travaille au sein d'organismes qui ont des pratiques autochtones de guérison pour diverses personnes en quête de leur propre façon de guérir.
Ma journée a été intéressante aujourd'hui. J'ai amené mon doyen de faculté à l'Institut Mohawk à Brantford, en Ontario, où nous avons commémoré les survivants de cette école et ceux qui y sont décédés. Je me sens fortement interpellé par le sujet d'aujourd'hui en ceci qu'il porte sur la vie d'une personne. Je crois vraiment que le Comité a besoin du point de vue d'une personne autochtone pour réfléchir à l'orientation que nous donnons aux lois canadiennes. Comme j'étais au pensionnat aujourd'hui, j'étais très clairement conscient qu'il y a ici une histoire profondément enracinée qui doit vraiment être examinée d'un peu plus près sous l'angle du sens de la vie et de la vision qu'en ont les peuples autochtones.
Nous comprenons aussi qu'il y a des moments où les gens trouvent leur vie très compliquée et ont à éprouver certaines difficultés, mais je pense que, pour ce qui est de la façon dont les Autochtones perçoivent la vie, c'est vraiment notre Créateur vers qui nous nous tournons dans des moments comme ceux‑là. Si nous adoptons des lois qui tiennent vraiment compte de ce point de vue, soyons conscients que les peuples autochtones ont déjà vécu cela. Nous avons été forcés de quitter ce monde, comme l'attestent les enfants perdus et retrouvés dans les pensionnats récemment, sous une forme très semblable.
C'est vraiment douloureux de savoir que ces enfants ont quitté ce monde sans aucune possibilité dans la vie. Je sais que les survivants d'aujourd'hui sont eux aussi aux prises avec des difficultés mentales, physiques, émotionnelles et spirituelles. Je vis cela en ce moment avec un beau-père qui ne veut plus vivre à cause de ce qu'il a dû endurer au pensionnat. Ces dernières années, son esprit revient sur à cette époque. Ce que je retiens de lui, c'est le fait d'avoir conservé sa valeur. Il a encore la possibilité de partager quelque chose dont le pays a besoin pour prendre conscience de cette expérience. Il ne s'abandonnera pas à des pensées suicidaires, même si la douleur qu'il ressent aujourd'hui est vraiment très profonde.
Je pense que le thème et notre discussion aujourd'hui nous amèneront à vouloir participer à cette conversation. Les Autochtones de partout au Canada ont subi toutes ces choses terribles, mais aujourd'hui, je pense, lorsqu'il s'agit de soutenir les gens qui peuvent s'aider eux-mêmes à l'aide de moyens différents, comme les pratiques de guérison autochtones... J'ai déjà vu cela chez des gens qui sont allés jusqu'à vouloir quitter ce monde, mais maintenant, en retrouvant leur culture et en sachant qu'il y a des façons de traiter ces gens et de travailler avec eux, l'idée de vouloir quitter ce monde s'est estompée.
Tout au long de mes pratiques de guérison auprès de nombreuses personnes, il m'est apparu très clairement qu'elles doivent avoir cette capacité supplémentaire de connaître leurs pratiques de guérison et, quand elles y accèdent, elles retrouvent ce qui a été enlevé à notre peuple. Pendant toutes ces années, les pensionnats nous ont empêchés d'avoir nos sueries et nos cérémonies, mais, parce que les gens sont maintenant en mesure de reprendre ces pratiques, ils ont désormais l'espoir de s'en sortir, plutôt que la tentation de mettre fin à leurs jours. Cela vaut non seulement pour les peuples autochtones, mais pour tous les peuples. Si les gens trouvent cette paix qui leur permet d'espérer, je pense que nous pourrons alors vraiment examiner ce sujet plus en profondeur et avoir de nouveau l'occasion de peut-être raviver chez ces gens l'espoir qui a été perdu.
Je sais aussi qu'il y a des moments où les gens en arrivent à un stade de leur vie où c'est inévitable et où la douleur qu'ils ressentent est probablement au plus fort. Je pense que les professionnels de la santé sont d'accord pour dire qu'il y a des moments où c'est faisable.
Jusqu'à ce que nous en arrivions là, la décision doit venir de la personne. Je pense que nous pouvons nous entendre là‑dessus et peut-être remettre cette décision à un peu plus tard, plutôt que de laisser à elle-même la personne qui porte cette souffrance dans son esprit et qui veut simplement quitter ce monde.
Mon message est le suivant: favorisons la discussion dans le Comité. Je ne sais pas s'il y a des Autochtones qui ont été invités à vos réunions et qui ont fait entendre ce point de vue. Mais depuis que je fais du travail de guérison, je sais que nous pouvons aider les gens, même à un moment où ils pensent qu'il n'y a plus d'espoir pour eux. Je l'ai vu tellement de fois.
Je suis ici pour faire part de mes réflexions et pour profiter de l'occasion d'exprimer notre point de vue. Personne d'autre au pays n'a vécu ce que nous avons vécu et n'a connu les expériences que nous faisons connaître. Dans un comité comme le vôtre, je pense qu'il est très important pour vous d'entendre cela et pour nous d'avoir l'occasion de communiquer nos connaissances.
J'espère que nous pourrons poursuivre cette discussion en tenant compte de ces éléments très importants qui, à mon avis, doivent être abordés dans la discussion de ce sujet.
Le Canada est un grand pays, mais nous devons inclure dans ces discussions les gens qui sont ici depuis des temps immémoriaux. Nous avons traversé une période difficile. Nous reprenons les cérémonies saines, interrompues le temps des pensionnats, que nous avons toujours pratiquées. Elles ont été interdites au Canada pendant longtemps. Maintenant que nous sommes en train de les rétablir, nous voyons des gens comme mon beau-père être en mesure de tenir le coup un peu plus longtemps, puis de transmettre ses connaissances à ses enfants et ses petits-enfants.
Je tenais à vous en faire part aujourd'hui.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Par votre entremise, j'aimerais remercier nos deux témoins d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui et de nous faire connaître leur point de vue sur ce sujet difficile.
J'adresse ma première question au chef Henry.
Tout d'abord, encore une fois, je vous remercie, chef, de nous avoir fait part de votre expérience et de votre point de vue.
Je pense que la capacité des enfants de prendre des décisions est très importante, et j'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet. Nous la tenons parfois pour acquise. D'autres fois, nous veillons à protéger nos enfants parce qu'ils sont susceptibles d'être influencés. Je pense à l'attrait que peuvent exercer sur eux l'alcool, le tabac et, dernièrement, le vapotage et les stupéfiants, ainsi qu'aux protections que nous offrons aux jeunes. Au Québec, la publicité destinée aux jeunes est restreinte.
Quel est votre point de vue sur l'offre qui serait faite aux jeunes, plus particulièrement aux jeunes Autochtones, ou l'information qui leur serait fournie, par une personne de confiance comme un médecin praticien en matière d'AMM lorsque ces jeunes vivent dans la souffrance?
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Je pense qu'il serait avantageux pour ces jeunes qu'il y ait un guérisseur ou un praticien autochtone qui les accompagne, en parallèle avec l'action du médecin.
De nos jours, nous voyons des jeunes qui veulent renouer avec leur culture et faire ces choses dont j'ai parlé. Je pense que les avantages seraient immenses si l'enfant savait qu'il existe, dans sa propre culture, des façons de régler ces problèmes.
Dans mon travail avec le Dr Conroy à Toronto — qui est avocat et médecin —, lorsque nous faisons appel à des guérisseurs traditionnels, les enfants qui se trouvent à Anishnawbe Health à Toronto s'en tirent beaucoup mieux. Au moins, ils se sentent à l'aise avec les connaissances qu'ils acquièrent.
Je pense vraiment qu'il faut qu'il y ait les deux dans ce scénario... pour parler à ces enfants. Il y a, chez nos jeunes enfants, un regain de confiance dans les gardiens du savoir autochtone, et je pense que, lorsqu'il y a un professionnel de la santé qui est présent, ils en font partie. C'est ainsi que la recherche et les connaissances avancent, mais il y a un élément spirituel pour ces enfants que le gardien du savoir autochtone peut apporter.
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Merci, madame la présidente.
Je veux d'abord présenter des excuses à nos deux témoins qui ont dû assister à l'incident qui vient de se produire. Nous sommes ici pour parler de questions très graves, des questions qui sont très importantes pour vous deux, et il est malheureux, c'est le moins qu'on puisse dire, que cette altercation soit survenue en votre présence — ou même qu'elle se soit produite —, mais c'est ainsi.
Merci à vous deux d'être ici. Vos témoignages sont très éloquents. J'ai plusieurs questions.
Tout d'abord, pour que ce soit bien clair — et ma question s'adresse aux deux témoins —, êtes-vous contre l'aide médicale à mourir dans n'importe quelle circonstance ou seulement dans des circonstances particulières?
Je vais commencer par vous, madame Mehdi.
C'est très bien parce que nous avons entendu un certain nombre de témoins, comme je l'ai dit, qui ont fait remarquer que dans le domaine des soins palliatifs, chez les praticiens dans ce domaine, il y a une évolution en cours et que les gens en apprennent davantage sur l'AMM. Cette évolution résulte du fait que les praticiens sont à l'aise avec les mesures de protection mises en place, mais aussi, ce qui est plus important encore, du fait que leurs patients demandent l'AMM, en supposant que ces mesures de protection soient en place. Pensez-vous qu'il est approprié d'y recourir dans ces circonstances, lorsque les mesures de protection sont en place?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les témoins de nous avoir fait part de leurs expériences, car il est toujours intéressant d'entendre les gens parler de leur vécu, et ces questions-là ne sont pas seulement le propre des experts.
Je m'adresse aux deux témoins.
Vous conviendrez avec moi que la maladie, dans sa forme la plus grave, frappe tout le monde. Elle n'a pas de barrières quant au genre, à l'origine ou à l'âge. Pourquoi serait-il inacceptable d'accorder à des patients d'âge mineur, par exemple ceux âgés de 14 à 18 ans, ce qu'on accorde à ceux d'âge majeur?
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Merci, madame la présidente.
Madame Mahdi, bienvenue au Comité et merci de vous être jointe à nous aujourd'hui.
Dans ma province, la Colombie-Britannique, quand il s'agit de la prestation de soins de santé, un professionnel de la santé peut obtenir le consentement sans se référer à un parent ou un tuteur s'il est certain que l'enfant comprend la nécessité des soins de santé, en quoi ils consistent et les avantages et les risques qu'ils comportent. Ainsi, les enfants peuvent prendre des décisions concernant l'immunisation, et c'est très important dans les décisions de soins de santé génésique des adolescents. Par souci de clarté, je précise que vous êtes d'accord là‑dessus.
C'est très différent de ce dont nous parlons aujourd'hui.
J'ai constaté au cours des audiences tenues par le Comité qu'il faut tenir compte de la différence entre l'état de santé d'une personne et sa condition sociale. Je comprends que les problèmes de santé et les choix s'y rapportant sont très personnels, mais beaucoup de témoins ont dit qu'on ne peut pas vraiment faire de choix valables en l'absence du soutien approprié.
Vous avez dit que, pour beaucoup de jeunes handicapés, le coût des soins constitue un obstacle de taille. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, sur la façon dont nous devons, en tant que collectivité nationale, réellement nous pencher sur ces facteurs sociaux?
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Je pense que le processus se déroule à grande vitesse.
Je veux aussi parler du fait que, le 2 juin, la sénatrice Wallin a déposé un projet de loi visant à élargir l'AMM en ouvrant la voie aux directives anticipées. Je suis d'avis que, étant membre du Comité, elle en a compromis l'intégrité.
Je pense aussi que les gens qui ont été consultés, notamment les jeunes handicapés comme moi, ne sont pas très nombreux. À ma connaissance, je suis la seule jeune handicapée à avoir été appelée à témoigner. Je doute fort que suffisamment de jeunes handicapés aient été consultés à ce sujet, et cela soulève mes appréhensions. Il est inacceptable que des décisions soient prises nous concernant et concernant notre droit de vivre ou de mourir sans que nous participions à la discussion. Malheureusement, nous en sommes absents.
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Je pense que c'est important, mais je n'en vois pas vraiment les résultats concrets.
Il nous faut examiner également les nombreux déterminants sociaux de la santé, qui sont négligés à l'heure actuelle. Nous devons parler de la pénurie de logements, surtout pour les jeunes handicapés racialisés, noirs et autochtones. Nous devons parler des niveaux disproportionnés de pauvreté et de précarité du logement chez les Autochtones, ainsi que de leur taux disproportionné de suicide et d'idéation suicidaire. De plus, les jeunes autochtones risquent, plus que d'autres, de subir les contrecoups de ce projet de loi.
Je pense que ces choses sont vraiment négligées à l'heure actuelle. Dans tout cela, je ne suis pas sûre de voir un souci de protection des personnes handicapées.
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Merci, monsieur le président.
Mes trois questions s'adressent à Mme Mehdi.
Si j'ai bien compris, quand vous étiez jeune, autour de 17 ans, vous avez été très malade et vous dites que vous étiez admissible à l'aide médicale à mourir. Pourquoi dites-vous que vous étiez admissible à l'aide médicale à mourir? Qui vous a dit que vous étiez admissible à l'AMM?
Même si vous dites que vous étiez admissible à l'aide médicale à mourir, saviez-vous qu'il vous fallait obtenir deux évaluations pour voir si vous répondiez vraiment aux critères d'admissibilité à l'AMM? Le saviez-vous?
En tant que mineure, sentez-vous que vous seriez capable de dire non à l'aide médicale à mourir?
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Oui, je suis au courant de cela. Je savais qu'ils devaient me consulter, mais j'ai aussi de multiples handicaps. Je ne pense pas qu'ils se seraient arrêtés au fait que j'étais en crise.
J'ai également mentionné plus tôt qu'en tant que personnes handicapées, qui ont été beaucoup en contact avec les systèmes de soins de santé et qui ont dû composer avec ces systèmes, nous sommes souvent capables de masquer nos problèmes. Nous sommes souvent capables de présenter la situation comme si nous avions besoin d'une chose en particulier, alors que dans les faits, nous ressentons complètement autre chose.
Oui, je suis au courant de ce processus, mais j'ai peur et je ne sais pas non plus... Vous dites que ces processus sont en place, mais comment peut‑on en être sûrs? Bon nombre d'entre vous ont peut-être vu les manchettes au sujet d'une infirmière autorisée qui a assassiné huit résidents de foyers de soins de longue durée en Ontario en 2019. Personne ne l'aurait su si la chose n'avait pas été divulguée à un psychiatre. Comment pouvez-vous garantir que cela ne se reproduira plus?
Je comprends que les circonstances sont différentes, mais il n'y a absolument aucun moyen de garantir que cela n'arrivera pas.
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Merci, monsieur le président.
J'ai une question complémentaire pour Mme Mehdi.
Je comprends que vous soutenez le choix et que vous soutenez le droit de ne pas choisir — de ne pas opter pour cette option. Je pense que tout le monde est généralement d'accord là‑dessus.
J'aimerais revenir à l'autre point que vous avez soulevé, à savoir que les gens n'ont pas atteint leur plein développement émotionnel ou intellectuel avant d'avoir atteint la mi‑vingtaine.
Lorsque vous avez eu ce problème pour la première fois, vous aviez 17 ans, et vous avez maintenant 19 ans, n'est‑ce pas?
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J'ai parlé à nos membres et à la grande communauté autochtone, pour qui la situation est très difficile. Nous avons un historique de ces types de scénarios. Je ne pense pas que tout le monde puisse être d'accord.
Nos approches concordent quand nous revenons à la façon dont nous avons traité ces questions tout au long de nos voyages spirituels. Nous laissons le Créateur décider. La situation est pénible. Le scénario est différent dans chaque cas.
Cependant, quand je parle... Comprenez bien que nous sortons tout juste des pensionnats et que nous sommes toujours confrontés aux barrières qu'ils posaient. Ce que les gens ont vu dans ces pensionnats a encore une incidence sur leur façon de penser.
Ils espèrent que le soutien médical qu'ils reçoivent est le meilleur possible, et ils comptent sur leur communauté lorsque vient le temps de prendre ces décisions. D'autres membres de notre communauté sont également interpellés dans ces scénarios lorsque ces décisions se prennent.
C'est une grosse histoire, qui demande beaucoup de [Inaudible] réflexion...
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Nous reprenons la séance et revenons à nos travaux.
J'aimerais prendre quelques instants pour rappeler à nos nouveaux témoins qui viennent de se joindre à nous de bien vouloir attendre que je leur donne nommément la parole avant de parler. Je vous rappelle que tous les commentaires doivent passer par les coprésidents. Parlez lentement et clairement. L'interprétation pour cette vidéoconférence sera comme pour une réunion en présentiel. Vous avez le choix entre le parquet, l'anglais ou le français au bas de votre écran. Lorsque vous ne parlez pas, veuillez mettre votre micro en sourdine.
Sur ce, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos deux témoins. À titre personnel d'abord, Mme Constance MacIntosh, professeure. Ensuite, M. Bryan Salte, avocat, du College of Physicians and Surgeons of Saskatchewan. Merci à vous deux d'être là ce soir pour nous faire profiter de votre expertise et de vos réflexions.
Commençons donc par Mme MacIntosh, qui sera suivie de M. Salte. Si c'est plutôt « docteure », je vous prie de m'excuser. Vous avez chacun cinq minutes pour votre déclaration d'ouverture.
Allez‑y, madame MacIntosh.
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C'est professeure, et non pas docteure.
Merci, monsieur le président et membres du Comité, de m'avoir invitée à me joindre à vous ce soir. Je m'appelle Constance MacIntosh. Je suis professeure titulaire de droit à la Schulich School of Law. J'ai été directrice du Health Law Institute de l'Université Dalhousie pendant six ans.
À titre d'information, mon expérience de l'enjeu que vous étudiez, je la tiens de ma participation au comité organisateur de quatre conférences internationales sur la pratique clinique en fin de vie, la preuve empirique, le droit et la politique. J'ai aussi publié des articles sur le droit et la politique concernant les mineurs et la prise de décisions sur les soins de santé pour les très jeunes mineurs — enfants et nouveau-nés —, ainsi que pour les adolescents et les mineurs matures.
J'ai deux recommandations à formuler dans ma perspective de professeure de droit. La première est de modifier le Code criminel pour supprimer la mention de l'exigence relative à l'âge. À mon avis, cela est inconstitutionnel. Si le Comité conclut qu'il faut une mention de l'âge, pour maintenir la confiance du public, je recommanderais 12 ans. Cela s'aligne sur les données psychologiques sur le renforcement des capacités, où il est si peu probable qu'un enfant de moins de 12 ans soit capable de prendre ce genre de décision. Une telle restriction pour l'âge serait constitutionnelle.
Par ailleurs, je recommande d'adopter un règlement ou d'apporter une autre modification au code même, pour codifier et peut-être améliorer le processus existant d'évaluation de la capacité décisionnelle des jeunes qui pourraient demander l'aide médicale à mourir. Selon moi, c'est une question de transparence publique, car le public ne connaît pas le concept de « mineur mature », ni celui de confiance du public. Je pense que nous devons être très clairs, si nous allons dans ce sens, sur la façon de reconnaître et d'évaluer la vulnérabilité potentielle des jeunes.
Voyons les cinq raisons sur lesquelles s'appuient mes recommandations.
En premier lieu, le régime d'aide médicale à mourir est fondé sur la capacité décisionnelle effective de chaque personne. Partant de là, il n'est pas logique de ne pas reconnaître la capacité décisionnelle réelle des personnes pour seule raison d'âge.
Deuxièmement, l'approche du consentement et de la capacité dans le régime d'AMM devrait être compatible avec la pratique clinique et le droit canadiens en matière de prise de décisions sur les soins de santé par les mineurs. La pratique et le droit sont conçus pour évaluer la situation et la vulnérabilité potentielle de chaque personne. Comme vous le savez sans doute, ne pas avoir 18 ans n'est pas un empêchement absolu de décider soi-même des actes médicaux, y compris de décider d'interrompre ou de refuser un traitement de survie.
Les détails des régimes varient d'une province à l'autre, mais, au fond, ils s'articulent tous sur la maturité des jeunes et, en particulier, sur leur compréhension et leur appréciation de la nature et des conséquences d'une décision et, naturellement, des diverses solutions possibles, et de la question de savoir que leur consentement est libre ou pas. Pour évaluer cela, les experts analysent des facteurs comme la maturité, l'expérience de vie et l'état psychiatrique, émotionnel et psychologique du jeune. Une équipe d'experts décide si le mineur possède vraiment la maturité requise pour prendre la décision relative au service médical en question.
Troisièmement, comme je vous l'ai déjà dit, je crois que le régime d'AMM sera jugé inconstitutionnel s'il maintient une interdiction fondée sur l'âge, ce qui serait incompatible avec les éléments de preuve sur la façon dont la capacité s'acquiert avec l'âge et l'expérience. Parce que ce critère d'âge absolu exclut les jeunes qui possèdent effectivement la capacité, et parce qu'il leur bloque l'accès à l'AMM et qu'ils n'ont pas besoin de la protection d'une interdiction, il sera jugé excessif. Parce que l'âge de 18 ans ne signifie rien pour la maturité et le développement — il est arbitraire et non pas un anniversaire magique —, cette loi, je crois bien, sera jugée inconstitutionnelle en cas de contestation.
La vulnérabilité des jeunes exige une approche différente de celle appliquée aux personnes plus âgées. Il faut d'autres protections. J'estime que beaucoup sont déjà intégrées dans la façon dont les fournisseurs de soins de santé approchent les adolescents qui ont des décisions à prendre en matière de services médicaux. Effectivement, plus la décision relative au traitement est grave, plus l'examen qui sert à évaluer la capacité, le caractère volontaire et la compréhension est rigoureux. Il se peut, toujours dans l'intérêt de la confiance du public et de la transparence, que des protections, comme l'obligation de consulter les parents, soient nécessaires pour les mineurs matures.
Notons enfin que tous les groupes d'experts canadiens qui avaient mandat de formuler des recommandations précises ont appuyé l'approche fondée sur la capacité et rejeté l'approche fondée sur l'âge.
Je tiens à me faire l'écho de presque tout ce qu'a dit Mme MacIntosh.
Je suis avocat depuis 23 ans au College of Physicians and Surgeons of Saskatchewan. Entre autres responsabilités, j'ai celle d'élaborer des politiques. J'ai également fait partie du groupe d'experts qui a présenté le rapport du Conseil des académies canadiennes sur les mineurs matures. Ce fut une expérience tout à fait remarquable, qui a rassemblé un groupe de personnes ayant des antécédents divergents en médecine, en éthique, en droit et dans d'autres disciplines. Le rapport est une codification de la sagesse de tous ceux qui ont siégé à la table et discuté de tout cela. Enfin, j'ai participé à l'élaboration du projet de politique de la Fédération des ordres des médecins du Canada, ainsi que de la politique de notre collège en matière d'aide médicale à mourir. Voilà pour mes antécédents.
La première chose que j'aimerais signaler, c'est que la Cour suprême du Canada, dans l'affaire A.C. c. Manitoba, a reconnu que la capacité décisionnelle d'un adolescent ne dépend pas de son âge et que les adolescents qui ont la capacité décisionnelle ont le droit de prendre eux-mêmes les décisions qui concernent leurs soins de santé. Cela comprend les situations dans lesquelles ces décisions peuvent mener à la mort.
Le deuxième point que j'aimerais faire valoir est que bon nombre des personnes qui accèdent à l'aide médicale à mourir sont d'un âge plutôt avancé, et que certaines ont une capacité quelque peu réduite, mais ont quand même la capacité de prendre les décisions qui les concernent. Le résultat, à mon avis, est qu'il est tout à fait anomal que des personnes d'un âge avancé et ayant une capacité quelque peu réduite aient accès à l'aide médicale à mourir — dans la mesure où, je le répète, elles ont la capacité de prendre ces décisions en matière de soins de santé —, ce qui est pourtant refusé aux moins de 18 ans qui pourraient bien avoir une plus grande capacité décisionnelle que certaines des personnes qui ont actuellement accès à l'AMM.
Le prochain point que j'aimerais aborder découle des discussions et des renseignements recueillis par le groupe du Conseil des académies canadiennes, dont je faisais partie. On déplore souvent de voir que les adolescents ont tendance à ne pas s'inquiéter autant du résultat de leurs décisions, qu'ils prennent des risques et que leurs lobes préfrontaux ne sont pas pleinement développés. Par conséquent, ils ont une capacité d'exécution un peu moindre que les personnes un peu plus âgées. La preuve en est assez convaincante.
Par contre, la preuve qui a été réunie relativement aux personnes qui luttent depuis longtemps contre une maladie éventuellement mortelle témoigne qu'elles sont pleinement conscientes des conséquences de leur état de santé. Ces personnes sont bien conscientes de leur état et prennent des décisions très réfléchies.
Par conséquent, si l'aide médicale à mourir pour les adolescents est autorisée, et qu'ils ont la capacité de décider, cela signifie que vous n'aurez pas à traiter avec des personnes irréfléchies, qui prennent des risques et tout le reste. Vous aurez plutôt affaire à des personnes qui ont une compréhension assez nuancée de leur état de santé et qui sont capables de réflexion nuancée sur l'évolution éventuelle de leur mal.
Un concept qui était nouveau pour moi lors de la discussion au Conseil des académies canadiennes était la question de l'économie relationnelle. Nous sommes tous solidement ancrés dans nos relations familiales et autres. La façon d'envisager l'autonomie du patient n'est pas nécessairement de le considérer exclusivement comme personne, mais aussi de reconnaître que les décisions sont prises dans le contexte des relations avec ceux qui l'entourent, c'est-à-dire sa famille. Dans le cas des adolescents, ce seront très souvent les parents, mais ce pourrait être d'autres soignants.
J'ai quelques suggestions. La première est que la discussion sur l'aide médicale à mourir et la possibilité d'y donner accès aux mineurs matures ne devrait pas s'articuler sur la question de savoir s'il faut l'autoriser, mais plutôt qu'il devrait y avoir des protections supplémentaires pour les personnes qui doivent se soumettre à des mesures de protection supplémentaires qui ne sont pas exigées des adultes. Il y a deux choses que le Parlement devrait peut-être envisager pour la mise en œuvre de ces mesures supplémentaires.
Premièrement, c'est la reconnaissance de l'autonomie relationnelle; il faut reconnaître que la décision de recourir à l'aide médicale à mourir a des effets sur votre entourage immédiat, que vous soyez un adulte ou un adolescent. Il vaudrait la peine d'envisager que les parents, à tout le moins, participent à cette décision et qu'ils soient tenus au courant des décisions qui sont prises. Je pense toutefois que leur consentement ne doit pas être obligatoire. L'une des constatations du rapport du Conseil des académies canadiennes, c'est que si les parents sont tenus de donner leur consentement à la mort de leur enfant, ils pourraient être très réticents à le faire, éprouver une grande culpabilité et refuser de le donner. Cette réaction pourrait priver un adolescent de sa pleine capacité de décider de mettre fin à ses souffrances intolérables.
La deuxième mesure que vous pourriez envisager, c'est celle que le Parlement a prévue à l'égard des personnes dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible, c'est‑à‑dire exiger la participation d'un spécialiste de la maladie de la personne lorsque les professionnels chargés de l'évaluation ne possèdent pas cette expertise. Une mesure similaire pourrait être mise en place si jamais l'admissibilité à l'aide médicale à mourir était étendue aux mineurs matures.
La disponibilité de ce genre de services est également préoccupante. Elle est assez inégale d'une région à l'autre du Canada. Par exemple, il peut être assez facile d'obtenir une consultation psychiatrique si vous vivez au centre-ville de Toronto, mais beaucoup moins si vous vivez dans une région rurale.
Ce sont là mes observations préliminaires. Je suis impatient d'en discuter avec les membres du Comité.
Je vous remercie.
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Merci, madame la présidente.
Merci, monsieur Salte et madame Macintosh, d'avoir pu vous rendre disponibles ce soir pour répondre à nos questions.
J'ai une première question pour Mme Macintosh.
Dans le cas de mineurs matures, vous avez soutenu qu'une approche différente était nécessaire et que d'autres mesures de sauvegarde devaient être envisagées. Pourriez-vous rapidement nous brosser un tableau de ce qui devrait être envisagé comme nouvelles mesures de sauvegarde?
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Dans la mesure où il existe des données probantes, il s'agit de celles présentées dans le rapport du Conseil des académies canadiennes. L'opinion publique semble assez divisée par rapport à ce qu'elle était il y a quelques années.
Ce que je peux dire, c'est qu'avec le temps, le concept général de l'AMM — que ce soit pour des mineurs matures ou d'autres personnes — est beaucoup plus largement accepté, et cette acceptabilité croissante de l'aide médicale à mourir fait maintenant partie de ce que croit le public. À ma connaissance, aucun sondage mené au cours des récentes années ne portait sur ce que la population canadienne pense de l'idée de rendre l'aide médicale à mourir accessible à des mineurs matures.
D'après l'information dont j'ai pris connaissance, elle accepte que des mineurs matures aient le droit de prendre des décisions concernant les traitements qu'ils reçoivent, y compris lorsque cela peut entraîner leur décès. Il se peut fort bien que cela ne soit pas une grande préoccupation au sein de la population, à condition que des mesures de sauvegarde et autres soient en place pour donner aux gens l'assurance que ces décisions sont prises en toute connaissance de cause.
Je vous remercie.
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Merci, madame la présidente.
Mes questions s'adressent à nos deux témoins, que je remercie de leur présence.
Je voudrais vous dire d'abord que tous les membres de ce comité mixte sont honorés d'y siéger, mais nous avons un poids très lourd sur les épaules. Nous devons discuter de la question des mineurs matures.
Madame Macintosh, vous nous dites que, peu importe ce qui se passe, il pourrait devenir inconstitutionnel de refuser l'aide médicale à mourir aux mineurs matures.
J'aimerais qu'on se reporte à l'affaire A.C. c Manitoba, une décision qui a été rendue en 2009. Elle concernait une jeune femme mineure qui refusait un traitement médical. Selon la Cour suprême du Canada, il était de son droit de refuser qu'on lui administre un traitement médical contre son gré. Dans l'affaire Carter c Canada, c'est tout à fait le contraire: on demande une aide médicale à mourir. On veut que les services médicaux offrent une aide médicale à mourir et qu'on modifie le Code criminel pour permettre que cela se fasse.
D'un côté, l'arrêt A.C. c. Manitoba statue qu'une personne a le droit de refuser des traitements médicaux. Cela va de soi, cela se comprend. De l'autre côté, dans l'arrêt Carter, on veut l'aide médicale à mourir.
Comment pensez-vous que la Cour pourrait rendre inconstitutionnelle l'aide médicale à mourir pour les mineurs matures?
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Je vous remercie beaucoup. Cela répond à ma question.
Ma prochaine question s'adresse aussi aux deux témoins.
Selon vous, nous pourrions ajouter des mesures de sauvegarde supplémentaires pour ce qui est des mineurs matures. Les deux témoins semblent avoir retenu la mesure selon laquelle il faudrait consulter les parents. Il y a une différence entre consulter les parents et obtenir leur permission. Comment voyez-vous cela?
Je pense qu'on vous a déjà posé la question, mais j'aimerais y revenir. Qu'arriverait-il si les parents refusaient de donner leur accord?
M. Salte a fait allusion au fait que des parents pourraient, le cœur brisé, refuser que leur enfant mineur décide de mourir pour des raisons médicales et des souffrances incontrôlables.
J'aimerais connaître votre opinion. Doit-on consulter les parents ou obtenir leur permission?
Je demande à Mme Macintosh de répondre la première à la question.
À mon avis, si l'équipe de soins a déterminé que le jeune est apte à prendre des décisions, qu'il est stable sur les plans psychologique, émotionnel et psychiatrique, qu'il comprend la décision à prendre et qu'il en comprend les conséquences et l'irréversibilité, je pense que c'est un affront à sa dignité et à ses droits fondamentaux garantis par la Charte, que ses parents puissent annuler sa décision et faire en sorte que le résultat dépende de leur consentement. C'est pourquoi il est très important, à mon avis, de faire participer les parents tout au long du processus décisionnel et, idéalement, d'en arriver à une décision consensuelle.
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Oui, et je suis encore une fois d'accord avec madame MacIntosh.
Ce que j'essayais de dire, de toute évidence maladroitement, c'est que si le consentement est obligatoire, cela entraîne des conséquences non voulues qui pourraient être problématiques. En fait, vous demandez aux parents d'accepter qu'on mette fin à la vie de leur enfant dans une situation où ce dernier est en proie à des souffrances intolérables.
C'est en partie pour cette raison que je ne suis pas d'accord avec l'idée du consentement obligatoire. Je suis plutôt en faveur de la consultation des parents et de leur participation au processus décisionnel. En supposant que l'enfant est apte à prendre une décision, ce qui est évidemment le fondement même de la doctrine du mineur mature, il revient alors à ce dernier de prendre la décision finale, mais seulement après en avoir discuté avec ses parents et ses proches afin que la décision soit prise conjointement.
Toutes les données probantes concernant le processus décisionnel à la fin de la vie de jeunes indiquent que ces décisions sont pratiquement toujours prises conjointement. Je m'attends donc à ce que ce soit...
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais continuer sur le même sujet.
Madame Macintosh, en réponse à ma collègue Mme Vien, vous avez mentionné l'obligation d'avoir des mesures de protection supplémentaires.
Personnellement, ce que je comprends, c'est qu'il ne s'agit pas d'augmenter les critères ou les exigences dans les deux voies, mais plutôt de s'assurer qu'il y a, sur le plan des instances réglementaires au Québec, dans les provinces et dans les territoires, des lignes directrices qui encadrent bien la pratique de façon à faire en sorte que les évaluations soient plus adéquates.
Vous ne parlez pas d'inclure cela dans le Code criminel. Vous ne demandez pas au législateur d'augmenter les critères des deux mesures de sauvegarde.
Je suis un régulateur. Je travaille dans le milieu de la réglementation professionnelle depuis longtemps. L'un des rôles de tout organisme de réglementation d'une profession est de veiller au respect des normes professionnelles. Ce qui me préoccuperait, si ce critère était intégré dans une forme de règlement ou de loi, c'est qu'il deviendrait difficile de le modifier et que son application pourrait être assez rigide. Je serais en faveur de l'inclusion à la loi de mesures minimales de protection. La consultation est un critère sur lequel nous sommes tous les deux d'accord, je pense.
Concernant l'ajout d'exigences, je pense que vous pouvez vous fier aux organismes de réglementation de l'ensemble du Canada, comme nous l'avons fait. Lorsque nous conseillons nos membres à cet égard, nous leur disons ce que nous attendons d'eux si jamais ils devaient participer à l'aide médicale à mourir.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci à nos deux témoins d'être présents ici aujourd'hui et de nous aider dans cette entreprise.
Vous avez tous les deux dit que l'aide médicale à mourir devrait être fondée sur la capacité décisionnelle. Dans ma province, la Colombie-Britannique, et je suis certain que c'est pareil dans de nombreuses autres provinces, un évaluateur doit déterminer, dans l'intérêt de la santé de l'enfant, si ce dernier comprend la nécessité des soins qui lui sont prodigués, ce que ces soins impliquent, leurs bienfaits et les risques qu'ils posent; d'après ce que vous nous avez tous les deux dit, un régime d'aide médical à mourir serait fondé sur les mêmes principes fondamentaux.
Il arrive souvent que des enfants, en particulier des enfants vivant avec une incapacité ou une maladie chronique et incurable, soient atteints d'une même maladie qui les rend admissibles à l'aide médicale à mourir, mais dont les expériences avec le système médical sont aux antipodes. Vous en avez peut-être des exemples. Prenons deux enfants dont un a eu la chance de naître dans une famille riche ou à l'aise et a eu accès à toute une gamme de services, tandis que l'autre vient d'une famille brisée, a vécu dans des conditions socioéconomiques pénibles et n'a jamais eu accès à ces traitements. Ce que nous avons entendu ici au comité, c'est une crainte très réelle exprimée par des personnes de nombreux groupes de la société qui ont l'impression que si elles n'ont jamais eu ces choix pour obtenir ces services médicaux, elles n'auront pas vraiment le choix à la fin.
Madame MacIntosh, je vais commencer par vous. Que pouvons-nous faire pour dissiper cette perception bien réelle et pour corriger les inégalités qui existent entre les niveaux de soins dans deux situations complètement différentes, lorsque deux personnes arrivent à un moment de leur vie où elles doivent prendre cette décision de la plus haute importance?
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Et ce même sujet récurrent a fait l'objet de discussions concernant les adultes, parce que je participe à ces discussions depuis longtemps. Ce n'est pas une réponse parfaite, mais toutes les données probantes indiquent que les gens qui ont actuellement accès à l'aide médicale à mourir sont, en fait, des gens instruits et avantagés sur le plan socioéconomique, et non le contraire. Les préoccupations concernant l'accès non justifié de personnes désavantagées ne se posent tout simplement pas.
Il est vrai que ce qu'est une souffrance intolérable dépendra, dans une certaine mesure, de l'environnement dans lequel vit la personne, et les évaluateurs sont parfois étonnés de constater que des personnes en proie à des souffrances intolérables, selon presque tous les critères objectifs, refusent de recourir à l'aide médicale à mourir, tandis que d'autres, qui vivent dans un inconfort physique ou des douleurs moindres, diront que leur souffrance est intolérable.
Bien qu'il s'agisse d'une préoccupation bien réelle, l'autre préoccupation que j'aurais, ce serait que vous disiez qu'aucun mineur ne peut avoir accès à l'aide à mourir, en se basant sur cette crainte théorique qu'une personne puisse un jour se retrouver dans cette situation et être désavantagée, ce qui serait très malheureux. Obliger ces jeunes à continuer à endurer des souffrances intolérables jusqu'à l'âge de 18 ans, ce n'est pas une approche appropriée.
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Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à Mme Macintosh.
En 2016, vous avez publié un article intitulé: « Carter, Medical Aid In Dying, and Mature Minors ». Dans cet article, vous avez passé en revue les administrations où les mineurs sont inclus dans les régimes d'AMM. Vous avez démontré le peu de preuves empiriques qui existaient, à ce moment, concernant les demandes des mineurs.
Maintenant, en 2022, avez-vous trouvé d'autres preuves et avez-vous réussi à recueillir d'autres informations concernant les demandes d'AMM des mineurs?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie également les témoins de leur présence.
J'ai trois questions et j'aimerais que vous y répondiez tous les deux. Les réponses ne devraient pas être longues.
Premièrement, est‑ce que l'aide médicale à mourir pourrait être prodiguée à un jeune en situation de crise? Deuxièmement, dans quelle mesure est‑il courant qu'il y ait un désaccord insoluble entre les parents et leur enfant concernant l'aide médicale à mourir? Troisièmement, dans certains pays, l'AMM est prodiguée à des mineurs matures. Le Canada pourrait‑il tirer des leçons de ces expériences, par exemple, les choses à éviter ou à appliquer?
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Une jeune personne en crise ne serait pas admissible à l'AMM, pas plus qu'elle le serait pour toute autre décision, par exemple, pour refuser un traitement de maintien en vie. L'état émotionnel de ces personnes est pris en compte pour évaluer si, dans le cas de cette décision, le mineur est capable de comprendre pleinement la décision qu'on lui demande de prendre et ses conséquences. Pour moi, c'est un non catégorique.
Quant à savoir si les désaccords insolubles au sujet de l'AMM sont courants, je n'ai aucune information à ce sujet.
Concernant les leçons à tirer des expériences des autres pays, les comités d'examen font partie des pratiques que nous examinons. Dans tous les cas où l'AMM sera prodiguée à un mineur, ou à un adulte si je me souviens bien, un rapport doit être déposé auprès d'une instance centrale qui fera une révision complète du cas. C'est l'une des sauvegardes.
Je pense que nous nous sommes beaucoup inspirés des pratiques mises en place dans d'autres pays au moment de la création du régime d'aide médicale à mourir il y a quelques années.
Je vais maintenant céder le micro.
Je vais d'abord répondre à la deuxième question, parce que je ne crois pas qu'il existe de données probantes portant expressément sur l'aide médicale à mourir. Il existe toutefois passablement de données probantes concernant de nombreuses autres décisions difficiles ayant un impact sur la vie. Le nombre de désaccords importants entre des parents et leur enfant est peu élevé, mais nécessairement plus élevé que sur d'autres enjeux, par exemple, sur l'avortement, au sujet duquel il peut y avoir de fortes divergences d'opinions sur le plan éthique ou religieux entre les parents et leur enfant. Concernant les soins de santé, peu de profonds désaccords ont été signalés. Bien entendu, comme l'AMM n'est pas illégale au Canada, cela n'a pas vraiment posé de problème en ce qui concerne l'aide médicale à mourir prodiguée à des mineurs matures.
Concernant les leçons à tirer des autres pays, il est certain que la Belgique et les Pays‑Bas sont plus restrictifs quant aux critères d'admissibilité par rapport à ceux que j'appliquerais si je devais prendre cette décision. Je pense aussi qu'il est problématique que des comités interviennent dans ce genre de situations, sauf en cas d'extrême nécessité. La meilleure approche consiste donc, je le répète, à se fier au jugement des professionnels de la santé qui sont tenus de prendre ces décisions en s'appuyant sur les conseils des organismes de réglementation et sur le consentement éclairé qu'ils doivent obtenir à l'égard de l'ensemble des pratiques qu'ils exécutent, notamment l'aide médicale à mourir.
Enfin, si une personne est en crise et qu'il s'agit d'une situation temporaire, je suis tout à fait d'accord pour dire qu'en raison de son état d'esprit, qui risque de changer ultérieurement, la personne ne sera pas admissible à l'aide médicale à mourir. Si cela soulève des inquiétudes, une période de réflexion pourrait alors être envisagée, c'est‑à‑dire une période d'attente obligatoire entre la présentation de la première demande et le moment où l'aide médicale à mourir pourrait être prodiguée, comme cela se fait pour les personnes dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible en vertu de la loi actuelle.
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Merci, monsieur le président.
J'ai deux questions que je vais poser tout de suite.
Ma première question est la suivante.
L'accès à l'aide médicale à mourir pour les mineurs matures que vous proposez s'appliquerait-il autant dans le cas où la mort est imminente que dans celui où la mort n'est pas imminente? La possibilité d'obtenir l'aide médicale à mourir lorsque la mort n'est pas imminente a été ajoutée dans le projet de loi .
Ma deuxième question est la suivante.
Au fond, les mesures supplémentaires de protection que vous proposez ne sont-elles pas simplement des variantes des mesures habituelles qui sont suivies dans tous les cas d'aide médicale à mourir? Je pense à l'évaluation appropriée de la capacité à consentir de la personne et à la nécessité de s'assurer que la demande est libre et volontaire et que la personne est capable de faire cette demande.
Cela pourrait par exemple être une personne veuve de 70 ans qui vit seule, abandonnée par sa famille ou par ses autres proches.
Ne s'agit-il pas toujours des mêmes critères? Au fond, il s'agit de découvrir si la capacité décisionnelle de la personne est vraiment toujours là en fonction de sa situation.
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Je vous remercie tous les deux pour vos témoignages.
Je suis encore un peu troublée de voir que des enfants de 12 ans soient considérés comme des ados, comme on les appelle. Dans tous les autres contextes, le consentement parental est requis, même pour la prise de photos à l'école. J'ai été enseignante pendant 21 ans. Je suis encore très troublée par ce chiffre. À mon avis, le consentement parental serait essentiel.
Ne craignez-vous pas que l'élargissement de l'admissibilité aux enfants risque d'avoir une incidence sur les enfants pris en charge par le réseau de la protection de la jeunesse, les jeunes autochtones et les enfants handicapés? Dans son rapport, le Conseil des académies canadiennes fait état d'un manque de documentation à l'égard de ces enfants et du fait que leurs voix ne sont pas entendues.
De nombreux témoins nous ont répété que les communautés autochtones n'ont pas été consultées. Il semble encore très prématuré d'envisager l'élargissement de l'AMM et cela va vraiment à l'encontre de ce que nous essayons de faire, c'est‑à‑dire consulter de nombreux groupes parmi les plus vulnérables. Que pensez-vous de cela?
Madame MacIntosh?
L'un des grands défis auxquels a été confronté le Conseil des académies canadiennes est le fait que les points de vue des communautés autochtones sont loin d'être uniformes. Il y a une très grande diversité d'opinions. Certains groupes s'opposeraient fort probablement à tout concept d'aide médicale à mourir. D'autres seraient plus ouverts. C'est tout ce que le Conseil a réussi à déterminer quant au point de vue des communautés autochtones. La consultation est certes un aspect important de notre façon de fonctionner au Canada. Je conviens qu'aucune instance n'a été mandatée pour mener ces consultations.
Si le but est vraiment d'alléger la souffrance des personnes aux prises avec des douleurs intolérables, je me demanderais plutôt s'il est approprié de penser qu'un jeune de 16 ans en phase terminale, atteint d'une maladie incurable qui ne peut être contrôlée, devra attendre que nous prenons notre décision, parce qu'il n'y a pas assez eu de consultations. Personnellement, je pense que cette approche est inacceptable.
Je vous remercie.
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Nous reprenons nos travaux avec notre troisième groupe de témoins.
Avant de commencer, je signale à nos témoins d'attendre que la coprésidente ou moi-même vous nomme avant de prendre la parole. Vous devez toujours adresser vos commentaires aux coprésidents. Quand vous parlez, veuillez vous exprimer lentement et clairement par respect pour nos interprètes, étant donné que la réunion de ce soir se déroulera en anglais et en français.
Le service d'interprétation offert durant cette vidéoconférence est le même que celui offert pour une réunion en personne. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet, l'anglais ou le français. Quand vous n'avez pas la parole, veuillez mettre votre microphone en sourdine.
Sur ce, je souhaite la bienvenue à nos témoins du troisième groupe qui aborderont la question de l'aide médicale à mourir dans le cas de mineurs matures.
Nous accueillons ce soir deux témoins, M. Franco Carnevale, professeur et éthicien clinique, ainsi que la Dre Alisha Montes, qui témoignera à titre personnel.
Je vous remercie de vous joindre à nous.
Nous commencerons par entendre les observations préliminaires de M. Carnevale et ensuite celles de la Dre Montes.
Chacun de vous dispose de cinq minutes pour son allocution préliminaire.
Monsieur Carnevale, veuillez commencer.
Je suis honoré de témoigner devant ce comité spécial mixte.
Je m'adresse à vous à titre d'éthicien clinique œuvrant auprès de jeunes, notamment d'enfants et d'adolescents mourants et de leurs familles. Je vous parle également à titre de chercheur en éthique pédiatrique. J'ai fondé et je dirige un programme de recherche sur l'enfance appelé Voix de l'enfant, à l'Université McGill. Je suis ici pour vous dire ce que j'ai appris en travaillant avec des jeunes, leurs familles et les professionnels qui travaillent auprès d'eux.
Mes observations sont tirées d'un rapport qui m'a été commandé en 2021 par le Dr Michel Bureau, président de la Commission de fin de vie du Québec, que j'appellerai mon rapport Québec 2021.
Le Dr Bureau m'a demandé de recenser les opinions au sein de la communauté de l'Université McGill concernant l'inclusion potentielle de certains mineurs dans les critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir, ou AMM, afin que sa commission puisse les prendre en considération dans ses travaux. Je lui ai présenté mon rapport le 27 mai 2021 et il m'a autorisé à le transmettre au Comité. Je l'ai joint au texte de mon exposé.
De plus, j'ai fait partie d'un groupe de travail pancanadien de 14 experts sur l'admissibilité des mineurs matures à l'AMM. Ce groupe a été constitué par le ministre de la Justice et la ministre de la Santé du Canada pour faire un examen des données probantes relatives à l'admissibilité de mineurs matures à l'AMM. Les résultats de notre analyse sont documentés dans notre rapport final, publié en 2018. Ce rapport est probablement le plus exhaustif et le plus rigoureux sur ce sujet, et j'espère que le Comité l'examinera sérieusement.
Une préoccupation majeure mise en évidence dans ce rapport est l'absence de participation des jeunes aux discussions sur l'accès des mineurs à l'AMM. Pour corriger cette lacune, j'ai soumis en guise de preuve des entretiens vidéo que j'ai menés avec de jeunes leaders autochtones vivant avec des incapacités au Holland Bloorview Kids Rehabilitation Hospital de Toronto. Pour plus de détails, veuillez consulter les pages 143 et 144 de la version française du rapport. Le rapport est également disponible en anglais.
Dans le cadre de la préparation de mon rapport Québec 2021, j'ai consulté le Conseil consultatif jeunesse et le Conseil consultatif des jeunes autochtones du programme de recherche en éthique de l'enfance intitulé Voix de l'enfant. J'ai également consulté des représentants des familles au sein des services pédiatriques, des praticiens faisant autorité en médecine et en soins infirmiers dans différents services cliniques, des chercheurs en soins palliatifs pédiatriques, le comité d'éthique clinique du centre de soins pédiatriques Le Phare, Enfants et familles, ainsi que le comité d'éthique en santé mentale pour enfants et adolescents de l'Institut universitaire en santé mentale Douglas à Montréal. Cette dernière consultation portait spécifiquement sur la question de savoir si certains mineurs devraient être considérés admissibles à l'AMM uniquement sur la base d'une problématique de santé mentale.
Je vais brièvement vous faire part de quelques-unes des conclusions et recommandations de ce rapport.
Il y a des désaccords marqués parmi les cliniciens concernant la justification de l'AMM pour certains mineurs. Certains cliniciens ont décrit des trajectoires cliniques qui correspondent à celle d'adultes pouvant être admissibles à l'AMM. Mon rapport décrit des conditions médicales pour lesquelles ces cliniciens ont estimé que l'AMM était une option raisonnable pour certains mineurs. Par contraste, d'autres cliniciens ont exprimé des objections catégoriques à l'admissibilité de tout mineur à l'AMM.
Des cliniciens ont exprimé des inquiétudes à l'idée que les risques potentiels ou les vulnérabilités associés à l'AMM puissent exacerber les inégalités dont sont déjà victimes certains mineurs. Les groupes consultés s'entendaient pour dire que l'AMM ne devrait pas être disponible pour les jeunes dont un trouble mental est le seul problème de santé sous-jacent, surtout parce qu'il leur était impossible de décrire des scénarios cliniques pouvant être qualifiés de cas irrémédiables ou dans un état avancé de déclin irréversible.
À la lumière des vulnérabilités pouvant être préoccupantes chez certains mineurs, une attention particulière doit être accordée aux sauvegardes qui doivent être mises en place pour s'assurer que tous les mineurs seront traités en toute sécurité. Parallèlement, il est important que ces mesures de sauvegarde ne constituent pas des obstacles onéreux pouvant créer des inégalités discriminatoires pour l'accès à l'AMM.
Tout en veillant à ce que les vulnérabilités des mineurs soient prises en compte de manière adéquate, nous devons éviter la perpétuation des tendances courantes à ne pas reconnaître ou à dévaloriser leurs capacités, leurs aspirations et leurs préoccupations en tant qu'agents moraux. Toute initiative visant à accorder ou à refuser à un mineur l'admissibilité à l'AMM doit être fondée sur les connaissances les plus récentes issues d'études portant sur des enfants et des adolescents, en consultation avec des membres des conseils consultatifs jeunesse.
En conclusion, l'examen visant à déterminer l'admissibilité ou la non-admissibilité de certains mineurs à l'AMM doit comporter des consultations approfondies avec des groupes de jeunes ainsi qu'avec de jeunes leaders. Il est également nécessaire de consulter des chefs et des communautés autochtones pour s'assurer que les préoccupations et les incidences liées aux expériences et aux vulnérabilités des jeunes autochtones soient respectueusement prises en compte.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole. Je m'appelle Alisha Montes. Je suis professeure agrégée clinicienne en pédiatrie à l'Université Memorial de St. John's, à Terre-Neuve. J'ai également reçu une bourse Rhodes, et j'ai terminé ma maîtrise en bioéthique et santé publique à l'Université d'Oxford. Ma pratique comprend des enfants de la naissance jusqu'à l'âge de 18 ans, et je m'intéresse particulièrement à la pédiatrie du développement. Je suis également mère de trois enfants.
Si je devais décrire ma propre adolescence, les mots tumultueuse, stressante, désespérante et traumatisante me viendraient immédiatement à l'esprit. J'étais une adolescente obèse qui venait d'un foyer brisé et chaotique. J'ai été victime de violence pendant mon enfance et j'ai été élevée par une mère célibataire qui souffrait du trouble de stress post-traumatique, le TSPT. J'ai été victime d'intimidation à l'adolescence. J'ai trouvé très difficile de fonctionner à l'école et dans mes cercles sociaux. Pendant de nombreuses années, je me suis sentie désespérée et j'ai voulu mourir à cause de souffrances sociales et psychologiques intolérables. Mais avec beaucoup de soutien, d'encouragement, de mentorat et un accès aux soins médicaux qu'il me fallait, j'ai pu surmonter mes difficultés. J'ai été en mesure de vivre une vie pleine et enrichissante. Si l'aide médicale à mourir avait été légalisée, cela aurait peut-être été la fin de mon histoire, mais mon avenir était prometteur, et je suis très reconnaissante d'être ici aujourd'hui pour vous parler.
Des études montrent que le lobe frontal n'est pas complètement développé avant le début de l'âge adulte. Le lobe frontal est très important pour coordonner les fonctions exécutives, y compris les compromis à faire entre les risques et les récompenses et la prise de décisions. Cela explique pourquoi l'adolescence est une période très vulnérable aux comportements à risque.
En pédiatrie, nous pratiquons la réduction des préjudices, qui est une stratégie de santé publique conçue pour réduire les effets négatifs des comportements à risque, atténuer le risque de blessures et prévenir les décès prématurés chez les adolescents. Je dirais que l'aide médicale à mourir, l'AMM, pour les mineurs matures présente le plus grand risque, puisqu'elle aboutit nécessairement à la mort. C'est irréversible. Nous devons nous demander si nous devrions légaliser l'AMM pour les mineurs matures lorsque la biologie nous montre que la capacité de concilier les risques et les récompenses est régie par l'une des dernières zones du cerveau à arriver à maturité.
La Cour suprême du Canada reconnaît que la capacité décisionnelle des enfants doit tenir compte de l'étape mentale, émotionnelle, physique et développementale de l'enfant. Les tribunaux appliquent une échelle mobile à la capacité, ce qui signifie que les décisions qui ont de graves conséquences exigent un examen plus approfondi. Dans certains cas, une interdiction totale est nécessaire pour éviter des préjudices futurs, comme pour la marijuana, l'alcool, les cigarettes et les drogues illicites. Je crois que nous avons le devoir de protéger les adolescents pendant la période de maturation de leur cerveau. La légalisation de l'aide médicale à mourir fait exactement le contraire de la réduction des préjudices. Elle expose les enfants au choix très dangereux de mettre fin prématurément à leurs jours, avec l'appui du gouvernement canadien.
D'après mon expérience, donner aux adolescents la possibilité de mettre fin prématurément à leurs jours n'est pas ce qu'ils veulent ni ce dont ils ont besoin, car la majorité de leurs souffrances ne sont pas causées par leur état mental ou physique. Elles sont plutôt attribuables à la stigmatisation sociale, à la pauvreté, au manque d'accès aux ressources et à une vie tumultueuse au foyer. Soixante-quinze pour cent des enfants atteints de troubles mentaux n'ont pas accès à un traitement spécialisé. Ici, à Terre-Neuve, il y a une liste d'attente d'un an pour voir un pédopsychiatre. On sait que 70 % des troubles de santé mentale commencent pendant l'enfance ou l'adolescence. L'aide médicale à mourir n'est pas la solution à ces statistiques troublantes. Nous devons consacrer notre temps et nos ressources à améliorer l'accès à des soins spécialisés et à écouter la voix des jeunes afin de déterminer comment nous pouvons les soutenir pendant cette période de développement très difficile.
Quel genre de message envoie‑t‑on en suggérant l'aide médicale à mourir lorsqu'un adolescent traverse une période de développement difficile? Nous devons plutôt croire en eux. Il faut leur donner une raison d'espérer. Nous devons nous réjouir de leurs talents individuels, les encadrer et leur enseigner les compétences importantes nécessaires pour relever leurs défis et être résilients.
Lorsque des adolescents veulent mettre fin à leurs jours, les parents font tout ce qu'ils peuvent pour les empêcher de se suicider. Je le sais grâce à ma propre expérience clinique et en tant que mère. Nous savons que la relation parentale est très importante et qu'elle fait partie intégrante du développement des enfants. Elle permet même de prédire les problèmes de santé à long terme comme le bien-être en santé mentale et la capacité de s'adapter et de nouer et maintenir des relations significatives. Nous devons examiner attentivement et étudier comment la légalisation de l'AMM risque d'avoir un effet négatif sur les relations parentales, de causer des effets d'entraînement dans la famille et aussi causer un traumatisme qui pourrait avoir des effets négatifs tout au long de la vie.
Enfin, le rapport du Conseil des académies canadiennes, le CAC, souligne également qu'il n'y a pas de données probantes solides qui permettent d'approfondir l'opinion des jeunes à ce sujet. Il est troublant de constater que les opinions des mineurs handicapés, des jeunes Autochtones et des assistés sociaux n'ont pas été prises en compte dans les études.
En médecine, nous prenons des décisions fondées sur des données probantes solides. Pourquoi nous précipitons-nous pour légaliser l'AMM alors qu'il y a peu de preuves et que toutes les opinions n'ont pas été entendues?
Merci beaucoup.
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Merci, madame la présidente.
Mes questions s'adressent à la Dre Montes.
Docteure Montes, dans le dernier groupe de témoins, nous avons entendu ce que je qualifierais de témoignage plutôt choquant de la part de Mme MacIntosh, qui a affirmé que des enfants d'à peine 12 ans peuvent prendre la décision de mettre fin à leurs jours. Bien sûr, les jeunes de 12 ans sont à des années de pouvoir voter et de pouvoir faire d'autres choix réservé aux adultes. Au Québec, la Loi sur la protection du consommateur interdit la publicité qui cible les jeunes de moins de 13 ans.
En 2017, le Sénat a adopté à l'unanimité le projet de loi, qui interdit la commercialisation des aliments et des boissons auprès des personnes de moins de 17 ans.
Comment peut‑on concilier toute ces mesures avec l'affirmation de Mme MacIntosh selon laquelle des jeunes de 12 ans peuvent décider de mettre fin à leurs jours?
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Je pense qu'il est important, évidemment, que nous tenions compte de l'opinion des enfants et des adolescents. Il est très important que nous entendions ce qu'ils ont à dire et, en pédiatrie, nous devons concilier l'opinion des enfants avec bon nombre d'autres facteurs, dont le risque associé à la décision.
Comme je l'ai dit, nous appliquons le principe de la réduction des préjudices, et il faut parfois établir une interdiction complète parce que nous savons que, compte tenu de la biologie de leur cerveau, les jeunes n'ont tout simplement pas la capacité de prendre ces décisions très risquées. Comme vous l'avez dit, il y a certaines choses que nous devons interdire complètement, et j'estime donc que, puisqu'il s'agit d'une décision à haut risque qui est irréversible et qui se termine par la mort, nous avons absolument besoin d'une interdiction complète, parce que nous savons que leur cerveau n'est pas complètement développé.
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Je remercie nos deux invités de leurs témoignages très intéressants.
J'aimerais préciser que je suis nouveau au sein de ce comité, mais en tant qu'ex‑praticien et médecin en santé publique, j'ai bien suivi le dossier de l'aide médicale à mourir.
J'aimerais vous poser, docteure Montes, une question sur ce que vous appelez l'approche de l'interdiction complète jusqu'à un certain âge, qui a été appliquée dans certaines conditions. Vous pourriez peut-être nous dire ce que vous en pensez. À quel âge considérez-vous que les lobes frontaux ont atteint la maturité et que le fonctionnement exécutif se situe à l'âge adulte?
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Eh bien, ces commentaires se situent dans le contexte d'un très grand nombre de publications et de données probantes qui mettent en évidence le fait que les jeunes sont exclus des discussions en soins cliniques et dans l'élaboration de politiques. En soins cliniques, il est souvent très humiliant et pénible pour les jeunes d'être exclus des discussions sur leur diagnostic et leur pronostic.
Dans le cas des enfants atteints de divers types de maladies terminales, la loi reconnaît, par la doctrine du mineur mature, qu'ils devraient être les principaux décideurs dans la prise de décisions qui pourraient même entraîner leur mort, l'abandon de certains traitements à l'essai contre le cancer et d'autres affections neurodégénératives et neuromusculaires dégénératives. C'est un domaine très bien documenté.
On reconnaît de plus en plus, et certains en fait... C'est pourquoi j'ai collaboré avec Holland Bloorview à la préparation de la preuve pour les travaux du comité du CAC auquel j'ai participé. Holland Bloorview compte probablement le plus ancien conseil consultatif de jeunes. Ils ont, par l'entremise de leur conseil consultatif de jeunes, des programmes de développement du leadership chez les jeunes. Il s'agit de jeunes qui vivent avec diverses formes de handicaps et qui peuvent donc exprimer des points de vue très éclairés sur les répercussions de différents types de traitements et de politiques. L'intégration des jeunes à divers comités afin qu'ils puissent se prononcer sur la façon dont les politiques sont élaborées relève du mandat institutionnel de Holland Bloorview.
L'article 12 de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant souligne que les jeunes doivent être entendus et qu'ils doivent avoir leur mot à dire dans les dossiers qui les concernent. C'est assez vaste comme principe.
Monsieur Hanley, j'aimerais revenir sur l'un de vos commentaires, au sujet de la reconnaissance du fait que la capacité décisionnelle est un phénomène relationnel. En ma qualité d'éthicien clinique, je travaille notamment dans un centre de santé mentale pour les enfants et les jeunes. Il est très clair que la façon dont nous présentons l'information et que la mesure dans laquelle nous réussissons ou non à créer un environnement relationnel rassurant et sécuritaire peuvent renforcer ou contrecarrer la capacité d'un jeune de participer aux décisions.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les témoins de leurs témoignages, qui étaient intéressants et éclairants.
Madame Montes, vous avez beaucoup parlé des troubles mentaux comme seuls problèmes médicaux pour obtenir l'aide médicale à mourir dans le cas des mineurs. J'imagine que vous avez pris connaissance du rapport des experts qui a été déposé dernièrement.
Dans ce rapport, à quel endroit est-il question des mineurs matures qui, lors d'une situation de crise ou d'idéation suicidaire, pourraient avoir accès à l'aide médicale à mourir?
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C'est vraiment un travail continu. Il nous faut beaucoup plus d'informations pour bien comprendre les sauvegardes qui sont nécessaires.
On peut s'inspirer de ce que font les Pays‑Bas et la Belgique, où il y a des sauvegardes. Dans certaines situations, on demande l'accord des parents, selon l'âge de l'enfant. C'est une mesure qui existe déjà dans certaines situations au Canada. Cela dépend de la province. Au Québec, par exemple, si un mineur refuse un traitement qui est nécessaire, il est possible de remettre en question sa décision dans l'intérêt supérieur du mineur.
Il y a des mesures de sauvegarde en ce qui concerne les quelques mineurs qui prendront une décision qui n'est pas dans leur intérêt supérieur. Par exemple, il faut s'assurer qu'ils n'ont pas fait l'objet de pressions et ont été bien informés. Cette mesure est aussi décrite dans le rapport que j'ai soumis au Comité. Il faut aussi considérer les parents comme une autre autorité décisionnelle.
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J'ai bien hâte de lire ce rapport.
Vous avez une vaste expérience clinique. Arrive-t-il souvent que des parents soient en conflit avec leur enfant, quand ils veulent prendre une décision en fonction dans l'intérêt supérieur de l'enfant au cours de l'évolution de sa maladie? C'est bien un processus décisionnel, puisque ce n'est pas du jour au lendemain que tout se met en place.
Selon votre vaste expérience clinique, y a-t-il beaucoup de désaccords, ou est-ce que tout se fait de façon naturelle, ou en symbiose, dans l'intérêt de l'enfant?
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Pour que ce soit bien clair, parce que vous avez parlé de modifier la loi, je veux qu'il soit très clair pour vous, et pour quiconque écoute ceci, que ce comité ne parle pas d'une loi déjà en vigueur. Nous menons actuellement une étude qui, nous l'espérons, nous permettra de prendre des décisions éclairées. À l'heure actuelle, le Parlement du Canada n'est saisi d'aucun projet de loi visant à modifier le Code criminel en ce qui a trait à l'aide médicale à mourir; je tiens simplement à ce que ce soit clair pour tout le monde.
L'autre question que je voulais poser concerne les projets de loi et . Le projet de loi C‑7 a créé cet autre volet, soit les cas où la mort est « raisonnablement prévisible ». Je me demande simplement... C'est une décision très personnelle. Pour ce qui est des enfants de moins de 18 ans, s'ils ont une maladie incurable et s'il est tout à fait évident que, chaque jour de leur vie, ils endurent des souffrances intolérables, êtes-vous personnellement contre le fait que cet enfant obtienne un jour l'aide médicale à mourir?
Ou seriez-vous ouverte à lui accorder si vous aviez eu une conversation avec les parents et si tout le monde savait que c'était une situation irréversible et que l'enfant souffrait? J'aimerais connaître votre point de vue personnel sur cet aspect particulier du projet de loi , le volet initial.
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Voilà la question clé: quel poids devons-nous accorder à la voix des jeunes enfants sur le plan clinique, individuel et politique?
Sur le plan clinique, nous le faisons déjà. Comme je l'ai déjà mentionné, si un enfant atteint d'une maladie neuromusculaire ne veut plus être ventilé à long terme et décide que cela suffit, nous avons des méthodes pour évaluer sa capacité décisionnelle. Il y a une grande obligation d'accorder un poids important à son choix.
Pour ce qui est de déterminer l'autonomie décisionnelle d'un mineur mature, cela dépend de la province. Par exemple, il y a des milieux où cela peut être subordonné à une évaluation de l'intérêt supérieur du mineur. Ainsi, même si sa capacité décisionnelle est établie, d'autres pourront juger que son choix va à l'encontre de son intérêt supérieur, et on pourrait limiter le poids qu'on va y accorder.
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Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à la Dre Montes.
Il s'agit peut-être d'une variation sur le même thème que j'aimerais aborder dans la foulée des questions du sénateur Kutcher.
Je crois comprendre que vous vous inquiétez de l'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes de moins de 18 ans et peut-être même plus âgées. Seriez-vous moins inquiète si l'accès était limité au premier volet, c'est-à-dire à ceux dont la mort est imminente? Dans un tel cas, une personne aurait reçu le diagnostic médical clair qu'elle va mourir dans quelques mois ou quelques semaines, et elle endure entretemps des souffrances insupportables, selon elle. Cette personne de 17 ans veut obtenir l'aide médicale à mourir et les parents, à qui vous avez parlé, disent qu'ils sont d'accord pour dire que l'enfant a assez souffert.
Êtes-vous en train de dire qu'on devrait refuser l'accès dans un tel cas et obliger la personne à endurer des souffrances insupportables?
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J'ai aussi une question pour chacun de nos témoins.
Docteure Montes, votre histoire démontre l'incroyable capacité des enfants à surmonter la souffrance quand ils ont du soutien. Comme nous l'ont dit d'autres témoins, la souffrance psychosociale n'est pas irrémédiable chez les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou une déficience, et elle peut souvent être apaisée par des soins et un soutien appropriés.
Pouvez-vous nous parler des répercussions que des injustices sociales comme l'intimidation et les traumatismes peuvent avoir sur le désir de mourir? Craignez-vous qu'un évaluateur de l'AMM, surtout s'il n'a pas d'expertise dans ces domaines spécialisés, ne néglige la raison d'être d'une demande d'AMM de la part d'un jeune? Qu'en pensez-vous?
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J'en ai parlé un peu plus tôt dans une réponse en français.
Les mesures de protection dont il est souvent question et qui sont également décrites dans mon rapport sont la façon dont nous évaluons la capacité décisionnelle, soit en tenant compte de certaines des préoccupations soulevées par la Dre Montes, pour nous assurer qu'elles sont toutes bien évaluées.
Je pense que l'autre grande mesure couramment envisagée et également en place aux Pays-Bas et en Belgique, ce sont les situations dans lesquelles la corroboration parentale pourrait également être nécessaire.
Je tiens également à souligner que, dans les cas où j'ai eu affaire à des mineurs, où il y a eu des questions en lien avec l'aide médicale à mourir, ces situations étaient très différentes de celles où un mineur pourrait chercher à utiliser des moyens de contraception. Lorsqu'il s'agit d'une maladie limitant l'espérance de vie, il est très, très rare que nous parlions seulement avec le mineur. Ces personnes ont des besoins importants en matière de soins, et d'après mon expérience, ce sont habituellement les parents qui ont demandé l'aide médicale à mourir pour leurs enfants mineurs. Comme je l'ai dit à M. Thériault tout à l'heure, il est très rare, dans ce genre de situation où le mineur demande à mourir, que le traitement soit interrompu lorsqu'il y a une objection catégorique de la part des parents.
Je tiens à vous remercier, monsieur Carnevale et docteure Montes, d'être venus ce soir. Je vous remercie d'avoir répondu à nos questions et de vos témoignages. Je sais qu'il est tard pour vous. C'est particulièrement tard pour la Dre Montes, qui est à Terre-Neuve. Il doit être près de 23 heures.
Encore une fois, nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de nous faire part de vos commentaires francs. Merci.
Cela met fin aux témoignages du troisième groupe.
Chers collègues, si vous pouviez rester, nous devons parler de ce qui reste à faire d'ici au 23 juin. Je vais le faire très rapidement. Selon toute probabilité, nous aurons deux autres réunions. L'une se tiendra lundi prochain et l'autre le lundi suivant, soit le 20 juin. Il ne semble pas que nous aurons une réunion le jeudi soir, parce que le Bureau de régie interne veut se réunir... pour l'instant, pour ces deux réunions.
Comme vous le savez, le 13 juin, nous allons examiner l'ébauche du rapport provisoire sur les troubles mentaux qui est en cours de préparation et que nous devons déposer au plus tard le 23 juin. Nous aurons les trois heures pour le faire. Le lundi suivant, nous avons réservé deux heures pour, espérons‑le, finaliser le tout, puis nous aurons une réunion du sous-comité qui se penchera sur ce qui nous attend, seulement de façon générale. Beaucoup de questions ont été posées sur ce que nous allons faire après la relâche estivale.
C'est simplement pour vous donner une idée du calendrier. Voici maintenant la partie compliquée.
Vous allez recevoir le rapport provisoire vendredi, celui que nous devons déposer au plus tard le 23 juin. Il sera remis ce vendredi. Il sera étudié lundi. Comme nous le savons, ce processus peut être très complexe. Le délai est très serré. Nous vous demandons alors d'examiner ce rapport et d'être prêts à en discuter en termes précis lundi soir. Cela veut dire un peu de travail en fin de semaine. Nous voulons nous assurer d'être prêts à terminer le rapport au plus tard le 20 juin.
C'est un délai très serré. S'il y a d'énormes révisions à apporter au rapport lundi prochain, cela signifie également que nous aurons encore beaucoup à faire le 20 juin, lorsque nous examinerons la dernière ébauche ou, espérons‑le, la version définitive.
Tout changement à cette deuxième version, celle qui viendra après le 13 juin, devra être minime, sinon le travail nécessaire pour présenter le rapport à la Chambre ne pourra pas être terminé avant le 23 juin.
Nous espérons que, si vous voulez ajouter ou modifier un libellé, vous nous le présenterez et, si possible, que vous transmettrez vos commentaires à la greffière d'ici lundi midi. Ainsi, il sera possible de traduire les ajouts ou changements dans certains cas. Il ne sera peut-être pas prêt d'ici lundi soir, mais les analystes auront au moins une idée de ce que vous voulez vraiment.
Tout cela pour dire que vous allez recevoir le rapport vendredi, et nous espérons que vous nous ferez part de vos commentaires lundi. Notre stratégie consiste à faire en sorte que la majeure partie du travail se fasse lundi soir. De cette façon, nous pourrons simplement mettre la touche finale le lundi suivant, parce qu'il ne nous reste que deux réunions.