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AMAD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir


NUMÉRO 026 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 15 novembre 2022

[Enregistrement électronique]

(1830)

[Français]

    Je vous souhaite la bienvenue à la 26e réunion du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.
    Je souhaite la bienvenue aux membres du Comité, aux témoins et aux gens du public qui suivent la réunion sur le Web.

[Traduction]

    Je m'appelle Marc Garneau et je suis le coprésident de la Chambre des communes de ce comité.
    Je suis accompagné de l'honorable Yonah Martin, coprésidente du Sénat.
    Nous poursuivons aujourd'hui notre examen prévu par la loi des dispositions du Code criminel concernant l'aide médicale à mourir et leur application.
    J'aimerais aborder quelques points d'ordre administratif. Je rappelle aux membres du Comité et aux témoins de garder leur microphone en sourdine jusqu'à ce qu'ils soient nommés par l'un des coprésidents.
    Je vous rappelle aussi que tous les commentaires doivent être adressés aux coprésidents.

[Français]

    Lorsque vous avez la parole, veuillez parler lentement et clairement, pour aider les interprètes à bien faire leur travail.
    Les services d'interprétation sont offerts autant à ceux qui participent à la réunion par vidéoconférence qu'à ceux qui y participent en personne. À distance, les gens peuvent choisir, au bas de l'écran, entre le parquet, l'anglais et le français.

[Traduction]

    Sur ce, je vous présente nos premiers témoins, qui sont ici pour discuter des personnes mineures matures.
    Nous recevons, à titre personnel, la Dre Dawn Davies, qui est pédiatre et médecin en soins palliatifs. Nous recevons également à titre personnel Mme Cheryl Milne, qui est la directrice exécutive du David Asper Centre for Constitutional Rights; elle se joint à nous avec vidéoconférence. Enfin, nous recevons la directrice du Département de bioéthique de l'Hospital for Sick Children, Randi Zlotnik Shau.
    Je vous remercie toutes les trois de vous joindre à nous ce soir.
    Nous allons commencer par les déclarations préliminaires, puis nous passerons aux questions. Vous disposez de cinq minutes chacune pour votre déclaration préliminaire. La Dre Davies sera notre première intervenante.
    Docteure Davies, si vous êtes prête, vous pouvez procéder. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci. Je crois que ma déclaration sera un peu plus courte que cela.
    J'espère pouvoir partager avec vous certaines de mes expériences pratiques des 25 dernières années dans le cadre de mon travail auprès des enfants, des familles et des jeunes à titre de médecin en soins palliatifs pour les enfants. J'étais aussi présidente du Comité de bioéthique de la Société canadienne de pédiatrie lorsque la décision dans l'affaire Carter a été prise, et j'ai rédigé l'énoncé de position de la Société intitulé « L’aide médicale à mourir: le point de vue des pédiatres », qui porte sur les personnes mineures matures.
    Je sais que vous avez entendu nombre de mes éminents collègues sur le sujet, et que vous en entendrez d'autres, mais j'espère que vous entendrez la voix des enfants et des familles qui sont touchés par ces enjeux ou l'ont été. Les familles qui pourraient jeter un regard critique sur la question sont tellement nombreuses; j'espère que vous les trouverez.
    Je vais m'arrêter ici pour l'instant.
    Merci beaucoup, docteure Davies.
    Nous allons maintenant entendre Cheryl Milne, qui est directrice exécutive du David Asper Centre.
    Vous disposez de cinq minutes, madame Milne.
    Merci beaucoup. Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant vous.
    En plus d'être la directrice du David Asper Centre, je pratique aussi le droit. J'ai passé de nombreuses années à représenter des jeunes à la clinique juridique Justice for Children and Youth, notamment à titre d'intervenante dans l'importante affaire de la Cour suprême du Canada A.C. c. Manitoba. J'ai donc de bonnes connaissances du fonctionnement de la loi en ce qui a trait à la prise de décisions médicales pour les enfants.
    La Cour suprême du Canada a fait valoir que les jeunes personnes matures devraient pouvoir prendre ce genre de décisions, même si elles entraînent de graves conséquences, si elles ont la capacité de le faire.
    Au pays, la loi relative à la façon dont les jeunes peuvent prendre ce genre de décisions varie d'une région à l'autre. Dans les lois de certaines provinces qui préconisent l'intérêt supérieur, par exemple, la norme devrait être interprétée de manière à respecter le choix d'une personne mineure indépendante et capable de prendre des décisions.
    En plus d'émaner de la Cour suprême du Canada, cette décision se fondait sur l'article 7 de la Charte des droits et libertés.
    Le tribunal a aussi fondé sa décision sur la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant. Les articles pertinents à cette fin sont principalement l'article 12, qui exige du Canada qu'il prenne dûment en considération le point de vue de l'enfant selon son âge et son degré de maturité, et l'article 5, qui exige du Canada qu'il respecte la responsabilité, le droit et le devoir qu'on les parents de donner l'orientation appropriée à l'exercice des droits de l'enfant d'une manière qui correspond au développement des capacités de l'enfant.
    Il y a aussi d'autres articles qui ajoutent complexité et nuance à ces décisions. L'article 2 aborde la non-discrimination; l'article 6 porte sur la survie et le développement de l'enfant; l'article 24 vise l'accès aux soins et aux services de santé. Tous ces articles sont pertinents dans le cadre de l'étude sur l'aide médicale à mourir pour les personnes de moins de 18 ans.
    En ce qui a trait aux mesures de protection, l'article 23 exige des États qu'ils reconnaissent que les enfants handicapés doivent mener une vie pleine et décente, dans des conditions qui garantissent leur dignité, favorisent leur autonomie et facilitent leur participation active à la vie de la collectivité.
    L'une de mes principales recommandations — et je crois que d'autres témoins qui ont comparu avant moi l'ont dit également — dans ces circonstances consiste à écouter ce qu'ont à dire les enfants et les jeunes. Je sais que d'autres organisations ont recommandé ce qu'on appelle une évaluation des répercussions sur les droits de l'enfant, qui vise notamment la consultation avec les experts, ce que nous faisons ce soir et que vous avez fait jusqu'à maintenant, de même qu'une consultation avec les jeunes qui sont directement touchés.
    Je n'irai pas plus loin. Mes notes d'allocution abordent les divers groupes vulnérables dont il faut tenir compte de manière particulière.
    Je tenais aussi à dire qu'en plus de parler aux enfants et aux jeunes en tant que groupe, et de les consulter, il faut se rappeler de ne pas laisser traîner la question trop longtemps parce que, dans l'intervalle, des jeunes de moins de 18 ans qui souffrent se voient refuser ce traitement. Ainsi, leurs opinions et leurs préférences ne sont pour le moment pas prises en compte. Bien que je sois d'avis que la consultation auprès des enfants et des jeunes de façon plus générale est essentielle, il ne faut pas oublier les jeunes de façon individuelle.
    Je vais en rester là. J'espère avoir l'occasion de répondre à vos questions détaillées plus tard.
(1835)
    Merci beaucoup, madame Milne.
    Nous allons maintenant entendre notre troisième témoin, Randi Zlotnik Shaul.
    Madame Shaul, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.
    En plus d'être la directrice du département de bioéthique de l'Hospital for Sick Children de Toronto, je travaille à titre de bioéthicienne pédiatrique depuis plus de 22 ans. Je suis aussi professeure agrégée au département de pédiatrie de l'Université de Toronto.
    Tout comme les autres experts invités aujourd'hui, j'ai eu l'honneur d'être membre du groupe de travail du Conseil des académies canadiennes sur l'aide médicale à mourir pour les mineurs matures. De plus, j'ai collaboré avec des collègues qui travaillent auprès des enfants et des familles à l'hôpital SickKids et ailleurs, aux prises avec des questions associées à l'aide médicale à mourir pour les personnes mineures matures.
    La perspective de la bioéthique peut être utile dans le cadre de la prise d'une décision, alors que les valeurs au cœur de cette décision peuvent pousser le décideur à faire divers choix. Dans le cadre de questions aussi difficiles en matière de soins de santé, l'objectif est de tenir compte, de façon minutieuse et responsable, des lois et renseignements pertinents, des preuves cliniques et de la documentation en matière d'éthique afin de prendre une décision qui reflète le mieux les valeurs jugées les plus importantes et qui réduit les préjudices qui en découlent.
    Étant donné les décisions juridiques prises par les plus hauts tribunaux du pays et les freins et contrepoids associés à la promulgation des lois, l'aide médicale à mourir est légale au Canada pour les personnes qui souffrent de problèmes de santé graves et irrémédiables, qui connaissent un déclin avancé et irréversible de leurs capacités et qui ont des souffrances persistantes qui donneront lieu à une mort naturelle raisonnablement prévisible. Ces personnes doivent avoir 18 ans ou plus et avoir été informées des moyens qui existent pour soulager leurs souffrances.
    Sur le plan éthique, le cadre du Canada en matière d'aide médicale à mourir est appuyé par des considérations relatives à la bienfaisance et à la non-malfaisance, au devoir de présenter des avantages et d'éviter les préjudices, de même qu'au respect de l'autonomie et de la justice. À l'heure actuelle, la question à se poser semble être: y a‑t‑il des éléments de l'aide médicale à mourir qui devraient être abordés par une autre approche que celle permettant aux mineurs matures de prendre d'autres décisions pour eux-mêmes en matière de soins de santé, même celles qui ne prolongeront peut-être pas leur durée de vie? Je pense par exemple à une personne mineure mature qui choisit les soins palliatifs ou qui refuse un autre traitement de chimiothérapie offrant peu de chances de réussite.
    Dans le cadre d'une telle réflexion, on pourrait choisir de respecter l'autonomie des mineurs matures tout en voulant s'assurer de mettre en place des mesures de protection appropriées. Le cadre actuel pour l'accès à l'aide médicale à mourir est associé à de telles mesures qui pourraient s'appliquer aux mineurs matures, si l'accès leur était ouvert.
    Par exemple, pour qu'une personne soit jugée capable de consentir à l'aide médicale à mourir, elle doit être en mesure de comprendre ce qu'elle signifie et de comprendre les conséquences du consentement à la procédure ou de son refus. La capacité est propre à chaque décision, puisque plus la décision sera complexe et ses conséquences seront importantes, plus le niveau de développement cognitif et la maturité requis pour prendre la décision seront élevés. Il faut donc que des mesures de protection soient incluses dans le processus, afin de veiller à ce que seules les personnes qui répondent à ces exigences strictes et qui ont les capacités cognitives et la maturité requises puissent accéder à l'aide médicale à mourir.
    J'aimerais faire deux recommandations supplémentaires.
    Premièrement, il faudrait accroître l'accès aux soins palliatifs, afin qu'ils soient offerts à toutes les personnes qui en ont besoin à titre de solution de remplacement à l'aide médicale à mourir. Cela étant dit, selon ce que je comprends de ce que disent mes collègues expérimentés dans le domaine des soins palliatifs, dans certains cas rares, même les soins palliatifs ne peuvent suffire à soulager les souffrances irrémédiables d'une manière acceptable pour le patient.
    Enfin, bien que le rapport du Conseil des académies canadiennes soit excellent, les membres du groupe de travail ont reconnu que l'analyse du point de vue des jeunes relatif à l'aide médicale à mourir n'était pas suffisante pour veiller à ce que l'opinion des personnes les plus touchées par un élargissement de l'accès soit prise en compte.
    Nous ne connaissons pas le point de vue des jeunes qui ont un éventail d'expériences de vie pertinente: les jeunes Autochtones, les jeunes handicapés, les jeunes du système de protection de la jeunesse et les jeunes vivant avec une maladie en phase terminale, et leur famille. Dans l'esprit des témoignages précédents de Franco Carnevale et de Mary Ellen Macdonald, pour assumer nos responsabilités envers les jeunes, il faudrait étudier leurs perspectives et entendre ce qu'ils ont à dire dans le cadre des délibérations sur l'accès élargi à l'aide médicale à mourir.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous faire part de mes observations. Je serais heureuse de répondre à vos questions, au meilleur de mes connaissances.
(1840)
    Merci beaucoup, madame Shaul.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Je vais céder la parole à la coprésidente, la sénatrice Martin.
    Je remercie tous les témoins pour leur déclaration.
    Nous allons commencer la première série de questions avec M. Ellis, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci aux témoins pour leur présence.
    Je suis médecin de famille depuis 26 ans; je tenais à vous le dire.
    J'aimerais poser une première question à Mme Shaul par votre entremise, madame la coprésidente. Vous avez parlé d'entendre l'opinion d'enfants de divers horizons, et je ne crois pas que nous soyons allés au bout de cette discussion en comité. Que pensez-vous de retarder la prise d'une décision relative aux mineurs matures, étant donné que nous n'avons pas entendu d'enfants en comité?
    Je crois que c'est un enjeu préoccupant, comme l'a fait valoir Mme Milne. Le report de la décision n'est pas une position neutre, puisqu'il peut empêcher des jeunes autrement admissibles à l'aide médicale à mourir d'y avoir accès, alors je crois qu'il faut atteindre un certain équilibre. Le problème, toutefois, c'est que si nous allons de l'avant sans avoir entendu ces voix, nous n'allons peut-être pas avoir pris toutes les possibilités en compte.
    Donc, en toute humilité, je dirais que nous ne savons pas ce que nous ne savons pas, et nous ne savons pas quels enjeux ou considérations seront soulevés. Je laisse le soin aux estimés membres du Comité de décider comment ils trouveront un équilibre en ce sens. Nous pourrions peut-être élargir l'accès progressivement, à commencer par les jeunes de 16 et 17 ans — et cette décision vous revient —, et établir un échéancier en vue d'un examen — de sorte que le délai ne soit pas indéfini — lorsqu'on connaîtra l'opinion d'un plus grand nombre de jeunes.
    Je crois qu'un report indéfini ne représente pas une position neutre, mais il serait préoccupant d'aller de l'avant sans avoir recueilli suffisamment d'information.
    Merci.
(1845)
    Merci beaucoup.
    Je m'adresse maintenant à la Dre Davies, par votre entremise, madame la coprésidente. Nous n'avons pas beaucoup entendu parler aujourd'hui du rôle des parents dans la prise de décisions au sujet des mineurs matures. Vous êtes pédiatre en soins palliatifs depuis longtemps. Parlez-nous de votre idée d'une approche relative à la prise de décisions et à la participation des parents au processus pour les mineurs matures.
    C'est une question délicate. Selon mon expérience auprès des familles, les enfants ou les jeunes et leurs parents sont souvent du même avis. Il m'est arrivé quelques fois d'être face à des parents et leur enfant qui avaient des opinions divergentes relatives au traitement, mais au fil de la progression de la maladie, je n'ai jamais vu de cas où l'enfant souhaitait une chose et les parents en souhaitaient une autre.
    Dans certaines situations, malheureusement, la personne qui choisit d'avoir recours à l'aide médicale à mourir n'a pas le soutien ou l'approbation de sa famille. Ce pourrait être le cas pour des enfants ou des jeunes, mais la plupart du temps, il y a concordance entre leur souhait et celui de leurs parents. Dans les rares cas où il y aurait un désaccord, je crois qu'il serait acceptable de choisir la décision du mineur mature, en tenant compte de toutes les mises en garde faites par la Dre Zlotnik Shaul.
    Je vous remercie, docteure Davies. Ma prochaine question s'adresse aussi à vous. Plusieurs témoins ont attiré notre attention sur l'accès aux soins palliatifs, qui pose un problème de taille dans de nombreuses régions du Canada. J'aimerais que vous nous parliez de votre expérience à ce chapitre.
    À mon avis, il s'agit d'un enjeu réel pour les enfants, et aussi pour les adultes, bien entendu. Ce que je crains, entre autres, c'est que les gens aient recours à l'aide médicale à mourir simplement parce qu'ils n'ont pas accès à des soins palliatifs de qualité. J'aimerais vous entendre là‑dessus.
    Je suis du même avis que vous. Cela dit, nombre d'adultes qui ont eu recours à l'aide médicale à mourir ont reçu d'excellents soins palliatifs. Je pense que je fais partie de la minorité des médecins qui ne croient pas que la solution à la question d'offrir ou non l'aide médicale à mourir réside dans les soins palliatifs.
    Évidemment, je cherche à tout prix à fournir d'excellents soins palliatifs. Malgré cela, j'ai connu des familles qui ne comprenaient pas pourquoi leur enfant mourant devait continuer à vivre en pareil état. Il s'agit peut-être d'une sorte de préoccupation existentielle liée à des symptômes physiques. Je me souviens avec beaucoup d'émotion d'une famille dont j'ai pris soin récemment. La mère de l'enfant avait demandé l'aide médicale à mourir en raison d'un cancer une semaine avant le décès du petit-enfant, et la mère qui s'occupait de cet enfant, qui allait aussi être emporté par une tumeur maligne, ne comprenait pas pourquoi ce n'était pas une option pour lui.
    Voilà pourquoi, à mon avis, la question des mineurs matures est distincte de celle des parents d'enfants n'ayant jamais été dotés de capacités. Je sais que cette question ne relève pas de la compétence du Comité, mais en fait, elle m'est posée plus souvent que celles provenant des jeunes mêmes.
    Je vous remercie, docteure Davies.
    Nous passons maintenant à M. Maloney pour cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente, et je remercie les trois témoins de leur présence. Comme toujours, vos témoignages nous sont très utiles.
    Docteure Davies, ma première question s'adresse à vous; elle porte sur les soins palliatifs. Cette question a été soulevée maintes fois, principalement dans d'autres contextes que celui des mineurs matures, dont nous discutons aujourd'hui... Tous les membres du Comité, comme tout le reste du monde, s'entendent pour dire qu'il faut améliorer les soins palliatifs et les rendre plus accessibles. Cependant, devrait‑on mettre un terme à l'aide médicale à mourir en raison des lacunes au chapitre des soins palliatifs?
    Ma réponse serait non.
    Votre réponse serait-elle différente dans le cas des mineurs matures?
    Non, parce que c'est possible pour les familles qui le souhaitent d'accéder à des soins palliatifs. Il faut parfois que la famille s'installe ailleurs pendant un certain temps, mais les soins sont offerts. Dans les petites collectivités, tout dépend de la façon dont l'équipe est créée pour prendre soin de la famille. Ce n'est peut-être pas parfait, mais...
    En réponse à l'une des questions de M. Ellis, vous avez dit que... Vous parliez des mineurs matures et d'une situation qui n'existe pas en ce moment: à l'heure actuelle, les mineurs matures n'ont pas accès à l'aide médicale à mourir. Vous avez dit que vous aviez rarement, voire jamais, vu un cas dans lequel, une fois un certain stade de la maladie passé, les parents et l'enfant ne s'entendaient pas sur le traitement à suivre. À votre avis, est‑il juste de faire une comparaison pareille dans le contexte dont il est question en ce moment? Il s'agit d'une décision totalement différente. Selon moi, les décisions liées aux soins palliatifs ou à d'autres soins de santé ne sont pas — je cherche les bons mots — aussi cruciales que la décision dont nous parlons aujourd'hui. Selon vous, la comparaison est-elle juste?
(1850)
    Oui, je trouve que la comparaison est juste. Les mineurs matures sont appelés à prendre de nombreuses décisions; ces décisions surviennent peut-être plus tôt, mais elles ont le même effet. S'ils décident de cesser la chimiothérapie ou l'immunothérapie, par exemple, le résultat sera tout aussi funeste; la seule différence, c'est le moment où la décision est prise. Quant à moi, ces décisions sont comparables, et les mineurs matures, en particulier ceux atteints d'une maladie grave, ont l'expérience de vie nécessaire pour prendre une décision éclairée.
    D'accord, je vous remercie.
    Allons un peu plus loin: parlons d'une situation où il y a désaccord à propos de l'aide médicale à mourir. Que recommanderiez-vous à un médecin dans une telle situation, où une personne de moins de 18 ans est considérée comme étant assez mature pour prendre la décision, mais les parents ne sont pas d'accord? Qu'arriverait‑il en pareil cas?
    Si l'on juge qu'un jeune est mature et qu'il est capable de prendre une telle décision, il se peut que ses parents aient de la difficulté à accepter la réalité de sa situation. D'après moi, les cas pareils seront très rares, et le Comité ne devrait pas considérer cette éventualité comme un obstacle dans les recommandations qu'il formulera. Comme chez les adultes, on devrait respecter la décision de la personne touchée, soit le patient.
    Les cas pareils seront peut-être très rares, mais il pourrait y en avoir.
    C'est vrai.
    Ce que je veux savoir, c'est ce qu'on devrait faire dans une telle situation. Vous dites qu'on devrait respecter la décision de l'enfant.
    S'il est jugé capable de prendre une telle décision, oui, c'est ce que je ferais.
    D'accord, je vous remercie.
    Madame Zlotnik Shaul, durant votre déclaration préliminaire et en réponse aux questions de M. Ellis, vous avez soulevé des préoccupations par rapport au fait que le Comité n'a reçu le témoignage d'aucun enfant. Je pense que vous avez parlé du risque que toutes les possibilités ne soient pas prises en compte. Êtes-vous en train de nous dire que nous ne devrions pas recommander de rendre les mineurs matures admissibles à l'aide médicale à mourir?
    C'est une décision difficile, très difficile.
    Comme j'ai essayé de le dire il y a un instant, je ne crois pas que la décision devrait être reportée indéfiniment, en attendant de procéder à un examen exhaustif des points de vue qui n'ont pas été entendus. Je me demande s'il serait possible d'élargir l'accès par étapes. Il y a peu de doutes quant à la possibilité que les jeunes âgés de 16 et 17 ans puissent être aussi matures et capables que ceux de 18 ans. Encore une fois, il se peut qu'une décision pareille soit contestée en cour, car la limite d'âge de 16 ou 17 ans pourrait être considérée comme arbitraire; Mme Cheryl Milne est la mieux placée pour parler de cette question. Vous pourriez peut-être procéder de la sorte, en adoptant une approche progressive pour éliminer le seuil de 18 ans...
    Je suis désolé, mais mon temps de parole tire à sa fin. Je vous demande pardon.
    Devrions-nous aller de l'avant maintenant? Sommes-nous prêts? Voilà ma question.
    Nous sommes prêts à élargir l'accès, mais nous ne devrions pas aller de l'avant sans plan précis pour découvrir les perspectives manquantes.
    Merci beaucoup.
    Le prochain intervenant est M. Thériault.
    Vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Je vais essayer de poser des questions aux trois témoins, en commençant par Mme Zlotnik Shaul.
    Vous parlez d'élargir par étapes l'accès à l'aide médicale à mourir. Vous établissez cela par catégories d'âge.
    J'imagine que la capacité décisionnelle d'une personne peut s'établir aussi facilement à 14 ans qu'à 15 ans, n'est-ce pas?

[Traduction]

    L'accès par étapes n'est pas le résultat final que je recommanderais. J'appuie entièrement le point de vue selon lequel les décisions devraient être fondées sur la capacité, et bien entendu, la capacité n'est pas nécessairement liée à l'âge. C'est le but ultime que nous cherchons à atteindre. Le problème, c'est de déterminer comment aller de l'avant à cette étape‑ci, en l'absence gênante de la perspective des jeunes.
    Si un juste milieu... Je m'en remets à vous pour trouver un équilibre en l'absence d'information, mais il y a tant de raisons irréfutables d'élargir l'accès. J'ai fait cette suggestion au cas où vous ne soyez pas prêts à franchir la dernière étape et à faire de la capacité l'unique critère. En réalité...
(1855)

[Français]

    Je m'excuse de vous interrompre. Ce que vous dites est très intéressant, mais je n'ai pas beaucoup de temps.

[Traduction]

    Désolée; je vais tenter d'être plus brève.

[Français]

    Il n'y a pas de problème.
    Au Québec, à 14 ans, on peut prendre des décisions au sujet de certains types de soins. Une fois qu'on a établi l'âge pour la capacité décisionnelle et qu'on décide de procéder par étapes, la première étape ne devrait-elle pas consister tout simplement à élargir l'accès à l'aide médicale à mourir aux patients de la voie 1, c'est-à-dire ceux dont la mort est imminente?
    Sur le plan de la psychopédiatrie ou de la psychiatrie, le rapport du Groupe d'experts sur l'aide médicale à mourir et la maladie mentale a démontré qu'il faudrait établir la chronicité du problème de santé. Logiquement, dans le cas des mineurs matures, on exclurait donc les adolescents suicidaires. Pour d'autres pathologies dégénératives, il faudrait avoir épuisé tous les traitements et tous les moyens pour soulager le patient. Or, cela ne se fait pas rapidement après un diagnostic.
    Si on élargissait par étapes l'accès à l'aide médicale à mourir et qu'on établissait la capacité décisionnelle entre 14 et 17 ans, comme c'est le cas au Québec, tout en l'accordant strictement aux patients dont la mort est imminente, cela enlèverait-il la réserve que vous avez pour nous permettre d'aller de l'avant?

[Traduction]

    Oui, je vous remercie. J'appuie cette proposition.
    À ce point‑ci, il conviendrait d'élargir l'accès uniquement aux patients du premier volet. J'appuie les arguments qui ont été présentés ailleurs et qui concordent avec les constatations du CAC: il n'est pas possible d'établir qu'une personne est atteinte d'un problème de santé mentale irrémédiable avant l'âge de 18 ans. Je m'en remets aux spécialistes du domaine.
    À mon avis, pour le moment, il conviendrait d'élargir l'accès uniquement aux patients du premier volet.

[Français]

    Madame Milne, voulez-vous répondre aussi? Je crois qu'il reste environ une minute.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    J'appuie cette position; le premier volet est probablement celui qui nous préoccupe le plus en ce moment. D'après moi, ce sont les situations relevant de ce volet qui sont les plus susceptibles de donner lieu à des contestations constitutionnelles par des jeunes. En ce qui concerne le deuxième volet, les hésitations liées au manque de données et à l'absence de consultations menées auprès des jeunes afin de comprendre pleinement les répercussions pourraient être justifiées. Nous pourrions nous pencher là‑dessus plus tard.
    Les circonstances les plus préjudiciables et les violations graves des droits de la personne auxquelles nous avons affaire concernent les patients du premier volet.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Thériault.

[Traduction]

    Monsieur MacGregor, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la coprésidente.
    Je remercie les témoins de leur présence. Ce n'est pas un sujet facile. Nous vous sommes reconnaissants des connaissances dont vous nous faites part.
    Madame Shaul, j'aimerais commencer par vous. Durant votre déclaration préliminaire, vous avez dit qu'il n'y avait pas suffisamment de données sur les mineurs matures. Nous ne connaissons pas assez bien leurs opinions à ce sujet, et du travail doit être fait pour combler le manque de données.
    Une occasion s'offre à nous, ou je devrais peut-être dire qu'une occasion s'offre à vous ici aujourd'hui, puisque le Comité a l'intention de produire un rapport contenant des recommandations de fond. J'aimerais avoir votre avis sur le rôle que le gouvernement fédéral devrait jouer dans l'organisation de la recherche en ce sens. Quelle en serait la portée? Comment se ferait la collaboration entre les différents ordres de gouvernement? Quels groupes d'âge devraient être ciblés? Est‑ce qu'une attention particulière devrait être portée aux enfants autochtones, racisés ou handicapés?
    Avez-vous des suggestions à nous faire à ce propos?
(1900)
    Durant son témoignage lors d'une réunion précédente, Mme Mary Ellen Macdonald a parlé d'une demande de financement qui a été soumise au gouvernement pour une étude exhaustive visant à combler le manque de données. Les éléments ciblés, que ce soit dans le cadre de ce projet ou d'un autre, se rapportent aux groupes désignés dans le rapport du CAC comme étant d'un intérêt particulier. Ces groupes comprennent les enfants autochtones, les enfants pris en charge, les enfants en phase terminale et les enfants en situation de handicap, ainsi que leurs familles.
    Il pourrait y avoir une discussion approfondie sur ce qui constituerait une excellente forme de recherche. Plusieurs projets pourraient être proposés. L'organisme que je connais le mieux, c'est l'institut de recherche de l'hôpital SickKids. Il compte des chercheurs remarquables, comme il y en a sûrement partout au pays. Le problème n'est pas là; la question est plutôt de trouver le temps et les fonds nécessaires pour réaliser une étude très détaillée.
    Je vous remercie.
    Docteure Davies, puisqu'il ne me reste qu'environ deux minutes, je vais vous poser mes deux questions en même temps.
    D'abord, pouvez-vous nous parler des mesures de soutien qu'il faudrait songer à mettre en place pour les jeunes autochtones, les jeunes racisés ou les jeunes handicapés? Ma circonscription sur l'île de Vancouver compte une population autochtone très importante, et je sais qu'il y a des lacunes sur le plan de l'accès aux services de soins de santé. Pouvez-vous nous donner votre avis à ce sujet?
    Ensuite, on nous a dit qu'il serait préférable d'adopter une approche par étapes, en commençant par le premier volet. Toutefois, notre comité doit aussi réfléchir aux liens entre la question des mineurs matures et notre discussion précédente sur le trouble de santé mentale comme seul problème médical invoqué. Plusieurs témoins nous ont dit qu'une telle détermination est difficile à faire même chez les adultes, et l'on sait à quel rythme le cerveau des enfants se développe; il traverse différentes étapes.
    Je vous serais reconnaissant de nous faire part de vos connaissances et de votre expérience dans ce domaine.
    Je ne suis pas spécialiste des troubles de santé mentale, mais d'après mes nombreuses discussions à ce sujet avec différentes personnes, je dirais que très peu sont enclines à permettre aux mineurs matures chez lesquels un trouble de santé mentale est le seul problème médical invoqué d'accéder à l'aide médical à mourir. À mon avis, il est peu probable qu'on puisse établir sans l'ombre d'un doute qu'un trouble de santé mentale est irrémédiable avant l'âge de 18 ans et que le jeune est capable de prendre une telle décision. J'appuie fortement la proposition de commencer par les patients du premier volet.
    Pour répondre à votre question sur les moyens de faire en sorte d'entendre la voix de tous les groupes d'enfants et de jeunes dont nous avons parlé, je vous dirais que de nombreux comités consultatifs d'enfants et de jeunes sont associés à chaque hôpital. Tous les groupes y sont représentés. Je vous encourage à communiquer avec les hôpitaux pour enfants. L'exemple qui me vient en tête est celui de l'hôpital Bloorview, pour les enfants handicapés. D'après moi, leurs témoignages émouvants peuvent nous aider à prendre des décisions éclairées.
    Très bien, je vous remercie.
    Je vais m'arrêter là, madame la coprésidente.
    Tout le monde a respecté parfaitement son temps de parole. Merci beaucoup.
    Je vais redonner le fauteuil au coprésident pour la période de questions des sénateurs.
    Je vous remercie, sénatrice Martin.
    Nous passons aux questions des sénateurs, qui disposent de trois minutes chacun. La parole va d'abord à la sénatrice Mégie.

[Français]

    Ma question s'adresse à la Dre Davies.
    Je sais que l'accès à l'aide médicale à mourir n'a pas encore été étendu aux mineurs matures, docteure Davies, mais j'aimerais que vous vous appuyiez sur votre expérience en soins palliatifs pour répondre à ma question.
    Au moment d'évaluer l'autonomie d'un jeune patient ainsi que sa vulnérabilité, comment peut-on s'assurer que ce qu'il exprime reflète sa propre autonomie et qu'il n'a pas plutôt été influencé par les conversations qu'il a eues avec ses parents, qui pourraient avoir insisté sur le fait qu'il souffre et que le traitement n'a pas eu les résultats escomptés, par exemple? Comment un évaluateur peut-il se faire une idée de l'autonomie du jeune en question?
(1905)

[Traduction]

    Je vous remercie pour la question.
    Ce que l'on imagine et ce qui se passe réellement quand un enfant est mourant sont deux choses différentes. Je pense que ce serait très clair pour quiconque. Lorsque l'enfant ou le jeune prendrait la décision de s'engager dans cette voie, la maladie serait à un stade tellement avancé qu'il n'y aurait aucun doute. En fait, j'ai vu l'opposé se produire: quelques-uns de mes patients qui étaient admissibles à l'aide médicale à mourir — ils avaient atteint l'âge de 18 ans — ont choisi de ne pas y avoir recours. Un de mes patients de 19 ans s'est suicidé quand sa maladie est arrivée à un stade très avancé, mais pas en ayant recours aux moyens dont nous parlons aujourd'hui.
    L'évaluation ne serait pas difficile à faire. Je pense que dans la majorité des cas, les parents finissent par comprendre ce que vit leur enfant et par appuyer ses décisions, même s'il leur faut parfois du temps.
    Dans le cas des enfants plus jeunes, les parents comprennent ce qui se passe; ils ont le pouvoir de prendre beaucoup d'autres décisions concernant la santé de leur enfant et ils aimeraient avoir le même pouvoir dans une telle situation. Je ne pense pas que l'évaluation serait difficile à faire.

[Français]

    En vous basant sur votre clientèle, pensez-vous que plusieurs personnes mineures qui reçoivent des soins palliatifs feraient une demande d'aide médicale à mourir, s'ils en avaient la possibilité?

[Traduction]

    Non, je crois que si nous prenons l'exemple des autres pays, nous constatons que les chiffres sont très bas.
    Lorsque nous avons effectué l'examen du Conseil des académies canadiennes pour les Pays-Bas, par exemple, je crois qu'il y avait 10 à 13 enfants. C'est très peu, c'est très rare.
    Selon mon expérience clinique, la propension d'un jeune à déclarer, « Je crois que je suis en train de mourir », se manifeste souvent le jour de sa mort ou le jour d'avant. La plupart des enfants et des jeunes veulent vivre. Ils veulent désespérément vivre et c'est pourquoi, selon moi, étant donné qu'il faut passer par un canal aussi officiel que celui‑ci, cela ne se fera que très rarement, parce que le temps qu'ils réalisent ce qu'il en est, il sera probablement trop tard.

[Français]

    Merci, sénatrice Mégie.

[Traduction]

    Sénateur Kutcher, c'est à vous, pour trois minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup à nos témoins. Je crois que vos brillantes idées sur ce volet ont été très utiles au Comité, alors je vous en remercie.
    À l'heure actuelle, l'Association canadienne des évaluateurs et des prestataires de l'AMM met sur pied un programme de formation, qui sera bientôt terminé, sur l'évaluation et la prestation de l'aide médicale à mourir. Elle sera accréditée par le Collège royal, le Collège des médecins de famille du Canada et l'Association des infirmières et infirmiers du Canada.
    Connaissez-vous ce programme et savez-vous s'il répond complètement au problème des mineurs matures?
    Si vous ne le connaissez pas ou s'il ne répond pas complètement à ce problème, pensez-vous qu'on devrait élaborer une formation de ce type pour les mineurs matures, peut-être sous les auspices du Collège royal et aussi de la Société canadienne de pédiatrie, quelque chose qui ferait en sorte que nous ayons la certitude que les évaluateurs d'AMM et les prestataires d'AMM ayant affaire avec des mineurs matures, sont en conformité avec une norme particulière de compétence professionnelle?
    Cette question s'adresse à l'un ou l'autre des témoins.
    Vous pourriez peut-être l'adresser à un témoin en particulier, parce que sinon, ils vont tous hésiter.
     Je m'adresse à Mme Davies, à Mme Zlotnik Shaul et à Mme Cheryl Milne, s'il vous plaît.
    Un sujet qui revient souvent au Conseil des académies canadiennes, c'est que je ne crois pas qu'on puisse imaginer des jurys et faire endurer à ces enfants et à ces jeunes un examen de sécurité supplémentaire dans notre intérêt propre. Je crois que cela doit faire partie intégrante de l'équipe de soins de l'enfant, à savoir que tous doivent avoir la certitude que l'enfant est apte à prendre cette décision.
    S'il existait un quelconque degré supplémentaire d'examen objectif de cette décision, je crois qu'il devrait être aux mains de l'équipe de soins de l'enfant et non attribué à un procédé extérieur. Je ne connais pas le programme de formation des prestataires d'AMM. Il peut y avoir des nuances qui les aideraient à s'occuper des jeunes et des mineurs matures, mais je ne crois pas que ce soit bien différent du travail qu'ils effectuent tous les jours.
(1910)
    Les normes sur lesquelles nous nous basons pour prendre une décision médicale en ce qui concerne les jeunes et les mineurs matures — bien qu'il ne s'agisse pas là d'un terme juridique, puisqu'il n'en existe aucune définition légale — sont celles qui s'appliquent à la fois aux adultes et aux enfants.
    Il y a une certaine nuance autour de la nature volontaire de la prise de décision, parce que les enfants et les jeunes ont tendance à prendre ces décisions avec l'appui de leur famille. Faire la distinction entre la décision autonome d'un jeune et la décision qu'il prend avec sa famille, c'est là que nous ne voudrions pas voir cette décision remise en question parce qu'il a été appuyé par sa famille pour prendre cette décision.
    C'est la seule partie délicate, selon moi, mais pour la plupart, ce sont les seules normes d'estimation et de compréhension qui sont proposées, l'aptitude à faire un choix volontaire, et comprendre le sérieux de la décision.
    Ce que nous savons de la jurisprudence pour l'arrêt des traitements et le refus des traitements, c'est que, lorsque le sérieux de la décision est tel que le jeune refuse un traitement destiné à le maintenir en vie, par exemple, la décision fait l'objet d'un examen approfondi de la part de l'équipe médicale. C'est la pratique habituelle, donc je ne crois pas que nous devions rendre la prise de décision légale plus difficile pour ce jeune.
    Je vous remercie.
    Même si le temps est écoulé, madame Zlotnik Shaul, souhaitez-vous commenter rapidement?
    Bien sûr.
    Si j'ai bien compris, vous posiez une question sur un processus de formation. Pour ce qui est des cliniciens à qui j'ai parlé, si cette mesure était étendue aux mineurs matures, ils aimeraient que les attentes associées soient précisées. Que cette précision des attentes vienne de l'organisme de réglementation ou d'un cadre avalisé par le Collège royal, ces précisions sont, selon moi, désirées. Il ne s'agit pas d'une étape supplémentaire, mais de préciser les attentes, ce qui sera probablement, comme Mme Milne le disait, semblable à ce qui se passe pour les autres décisions.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie.

[Français]

    Sénateur Dalphond, vous avez la parole pour trois minutes.

[Traduction]

    Encore une fois, merci beaucoup aux témoins. Ce que vous dites est très utile, et je suis d'accord que des précautions sont nécessaires.
    Ma question s'adresse à vous, madame Davies. Vous dites que ces jeunes se rendent compte qu'ils vont mourir à une étape assez tardive. La lutte est finie. Ils perdent espoir et ils meurent peu après. En fait, auront-ils accès dans la pratique au processus d'aide médicale à mourir ou bien vont-ils finir en sédation palliative parce qu'ils en arrivent à un point où la souffrance est intolérable? Qui prend cette décision? Est‑ce les parents qui décident lorsque l'enfant, même s'il a 17 ans, souffre de façon trop intense?
    Je dois dire que la plupart des enfants et des jeunes que j'ai soignés n'ont pas besoin de sédation palliative à la fin de leur vie — c'est rare. C'est pourquoi je crois que le nombre de jeunes qui se lanceront dans un processus comme celui‑ci sera bas. Quelques-uns le feront, à cause de ce besoin d'autonomie et ce besoin de faire en sorte que les choses se passent comme ils le souhaitent, mais je crois que beaucoup de jeunes ne sont pas en mesure d'accepter, même pour eux-mêmes, qu'ils vont mourir avant qu'il ne soit trop tard.
    C'est l'une des principales raisons pour lesquelles les chiffres seront bas. Je crois que le nombre d'adultes l'a confirmé. Le nombre de personnes dans la vingtaine est très faible comparé à celui de patients plus âgés.
     L'équipe qui accompagnera la famille, parce que j'imagine qu'il s'agit d'une expérience de famille et pas l'expérience la plus heureuse, en parleront-ils au patient et à sa famille ou bien attendront-ils que la demande soit formulée?
    Je n'en ai pas beaucoup parlé avec des jeunes. Peu de jeunes veulent parler de la façon d'accélérer leur décès. Les personnes à qui j'ai parlé sont les parents d'enfants inaptes à décider, qui se demandent si leur enfant doit continuer de souffrir. C'est ma propre expérience de clinicienne.
(1915)
    Je vous remercie.

[Français]

    Merci, sénateur Dalphond.

[Traduction]

    Passons à la sénatrice Wallin pour trois minutes.
    Je voudrais juste vous remercier. Je ne sais plus qui l'a dit, mais je crois que c'est la déclaration la plus percutante aujourd'hui, à savoir que le retard n'est pas une décision neutre. Cela s'applique à tous les débats que nous avons, depuis des années maintenant, dans ce pays.
    Ce que je comprends de cette conversation est que nous essayons de composer avec nos propres inquiétudes. En tant que législateurs et en tant que professionnels médicaux, nous voulons nous assurer de bien faire ce qu'il faut, alors qu'il s'agit en fait ici de mineurs matures, de l'aptitude de l'enfant ou celle du jeune mature, et c'est leur décision.
    Ma question porte sur le fait d'écouter leur voix. Quand pour commencer leur nombre est si bas et que nous parlons de financer des projets, de sortir et de donner une voix, j'ai bien peur qu'il s'agisse d'un autre exemple où l'on remet les choses à plus tard alors qu'en fait, le retard n'est pas neutre. Nous avons une forme d'accord ici pour le volet un.
    Je vais commencer par vous, madame Davies. Cela vous inquiète-t‑il que nous ne fassions que remettre tout cela à plus tard?
    Oui. Si vous vous limitez aux jeunes dont la mort est imminente, vous pouvez apprendre de leur expérience et cela pourrait donner forme aux autres groupes de jeunes par la suite. C'est vrai, le retard n'est pas neutre, mais d'un autre point de vue, il s'agit d'une forme d'expérience pour l'humanité en quelque sorte. Nous avons encore besoin de faire preuve de prudence et d'avancer lentement. C'est comme pour la recherche. On commence petit pour donner forme aux étapes ultérieures. En ce qui me concerne, c'est logique.
    Est‑ce que nous avons cela? Je ne sais pas si Mme Milne ou Mme Zlotnik Shaul, si je peux me permettre.... je crois que vous en avez aussi parlé, madame Davies. Ces données, est‑ce que ces informations existent dans les hôpitaux pour enfants?
    Manifestement, les équipes de soins ont parlé aux enfants, aux familles, aux conseillers juridiques. Est‑ce que ce n'est pas déjà quelque part? N'y a‑t‑il pas des commentaires que nous pouvons exploiter?
    Madame Milne, voulez-vous bien répondre à cela?
    Je ne suis pas sûre d'être la bonne personne pour y répondre.
    Ce qui s'est passé avec le groupe d'experts, c'est qu'il y a eu quelques entrevues avec des jeunes de l'hôpital de réadaptation pour enfants Holland Bloorview et ceux d'un autre type de centre de traitement. Pour la plupart, quand vous parlez à des jeunes, ils veulent qu'on les respecte et qu'on les écoute. Ils veulent être traités de la même manière, particulièrement s'ils sont aptes à prendre une décision. Nous partons de cette prémisse.
    L'autre information dont nous avons besoin concerne les autres groupes auxquels nous allons ouvrir l'accès à l'AMM et que nous ne connaissons pas suffisamment — l'expérience des jeunes.
    Je vous remercie, sénatrice.
    Passons maintenant à la sénatrice Martin pour trois minutes.
    Je remercie nos témoins de leurs observations, qui sont très importantes pour cette discussion très sérieuse concernant les mineurs matures.
    En tant que parent, je ne peux à peine m'imaginer me retrouver dans une situation où j'aurais à prendre une telle décision, même pour un enfant très mature. Un parent ne devrait pas avoir à enterrer son enfant. C'est un sujet tellement lourd en ce qui nous concerne. Je vous remercie de vos analyses.
    Mes questions s'adressent à Mme Zlotnik Shaul.
    Le Comité a entendu un certain nombre de témoins qui s'inquiétaient de la façon dont des préoccupations sociales comme la pauvreté, la stigmatisation, l'abus et le manque d'accès aux soins pourraient affecter la prise de décision des mineurs en matière d'aide médicale à mourir.
    Selon vous, comment les facteurs sociaux affectent-ils l'aptitude d'un mineur à décider ou affectent-ils sa prise de décision?
     C'est là une question très intéressante.
     Pour ce qui est d'évaluer l'aptitude, je m'en remets à Mme Davies, mais je crois que le fait de ne pas lier cette aptitude exclusivement à un âge reconnaît le fait que le vécu d'un individu influe sur son aptitude à comprendre et à évaluer la question à laquelle il fait face. Le contexte social et l'expérience de la maladie, tout cela va donner forme et ajouter à leur maturité éventuelle face à leur situation actuelle, par comparaison avec quelqu'un qui vient juste de tomber malade.
    Le contexte social et le vécu de la personne — tous ces facteurs — s'ajoutent au capital de maturité et à l'aptitude à prendre ce genre de décisions.
(1920)
     Est‑ce que les facteurs sociaux ont une plus grande influence ou une influence différente sur les mineurs par rapport aux adultes?
    Je ne sais pas si cela affecte plus ou moins, mais cela importe beaucoup.... Encore une fois, si nous pensons à aller de l'avant avec plusieurs volets, il est impératif que, si nous voulons bien faire les choses pour les jeunes, nous tenions compte des déterminants sociaux et que nous soyons au fait des inégalités quant aux soins palliatifs.
     Peut-être que cela devrait faire partie de la discussion à l'avenir, si l'on élargit l'accès à l'AMM, à savoir faire avancer le projet en faisant attention à d'autres domaines où nous devons mieux faire et planifions de mieux faire.
    Ma dernière question, brève, est la suivante: un mineur devrait‑il être exclu de l'AMM à cause de sa situation sociale, dans certains cas?
    Je ne crois pas. Vous savez, il faut quand même passer par le processus de la compréhension et de l'évaluation. Dans un certain sens, il s'agirait d'une personne qui vit déjà dans l'inégalité et subirait derechef une autre inégalité parce qu'elle n'aurait pas accès à de l'aide en cas de souffrances irrémédiables.
     Je ne dirais pas que cela devrait l'exclure. Au contraire, cela nous motiverait à devoir mieux faire pour atténuer l'inégalité de sa situation sociale. Ce n'est pas une solution miracle, loin de là, mais cela met en évidence que nous devons mieux faire.
     Je vous remercie, sénatrice Martin, et je remercie nos témoins. Cela conclut ce groupe d'experts.
    Je voudrais remercier Mme Davies, ainsi que Mme Milne et Mme Zlotnik Shaul d'avoir été avec nous ce soir.
     Je vous remercie de vos exposés et d'avoir répondu à nos questions difficiles, ainsi que de votre expertise concernant ce sujet. Nous vous en sommes grandement reconnaissants.
    Cela dit, nous allons suspendre brièvement la réunion pendant que le second groupe s'installe.
    Je vous remercie.
(1920)

(1925)
     Je souhaite la bienvenue au second groupe.
    Nous avons un vote à 20 h 30, avec la sonnerie qui retentira à partir de 20 heures. Y a‑t‑il consentement unanime pour continuer pendant 20 minutes après le début de la sonnerie?
    Des députés: D'accord.
    Le coprésident (L'hon. Marc Garneau): Merci. Très bien.
    Nous devons faire preuve de discipline en ce qui concerne le temps.
    Cela dit, je voudrais faire quelques commentaires à l'intention de nos nouveaux témoins.
    Avant de parler, veuillez attendre que je vous nomme.
    Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à l'un ou l'autre des coprésidents.
    Lorsque vous avez la parole, veuillez parler lentement et distinctement dans l'intérêt des interprètes.
    Vous avez le choix de l'interprétation dans cette vidéoconférence. Vous pouvez sélectionner, au bas de votre écran, le parquet, l'anglais ou le français. Il y aura sans doute des questions en anglais et en français.
    Lorsque vous avez fini de parler, veuillez désactiver votre micro.
    Cela dit, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins du groupe numéro deux, qui sont là pour nous parler des mineurs matures.
    Ils comparaissent à titre personnel.
    Nous avons Mme Caroline Marcoux.

[Français]

    Nous recevons également le professeur Roderick McCormick.

[Traduction]

    Nous accueillons Timothy Ehmann, médecin et pédopsychiatre.
    Les trois comparaissent en visio.
    Je vous remercie de votre participation.
    Pour commencer, vous ferez une déclaration préliminaire, dont la durée sera limitée à cinq minutes.
    Nous entendrons successivement Mme Marcoux, M. McCormick, puis le Dr Ehmann.
    Madame Marcoux, vous disposez de cinq minutes. Allez‑y.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonsoir à tous.
    Je suis Caroline Marcoux. Je suis la maman du beau Charles, que j'ai avec moi, juste ici.
    Le 30 juillet 2019, Charles a reçu un diagnostic d'ostéosarcome, un cancer des os, localisé dans son fémur droit. Charles avait alors 15 ans et 9 mois.
    Au cours de l'année qui a suivi, il est passé par toute une série de traitements de chimiothérapie et il a subi une opération importante à la jambe pour y retirer la masse. Charles a toujours été d'une nature joviale, optimiste et souriante, comme on le voit. Il a été un patient exemplaire et très résilient pendant sa maladie.
    Quelques mois après la fin des traitements, on lui a annoncé une récidive à ses deux poumons. Il a eu des opérations sur chacun des deux poumons pour retirer les métastases, mais, malgré cela, la maladie est revenue tout de suite après, non seulement à ses deux poumons, mais aussi à son genou. À partir de la double récidive, on savait que la maladie était irrémédiable et qu'il n'y avait plus rien à faire pour la stopper. C'était en janvier 2021.
    Comme toujours, Charles a accepté ce qui lui arrivait. Psychologiquement, il se sentait quand même bien, mais son état physique a commencé à se dégrader peu à peu. Il avait de moins en moins d'énergie, de moins en moins d'appétit et de plus en plus de douleur. En fait, à partir de janvier, il avait à peu près une bonne journée sur deux.
    Il a quand même vécu avec fierté un épisode important pour la vie d'un jeune de 17 ans, c'est-à-dire qu'il a obtenu son permis de conduire. Il avait alors un poumon en moins, parce que son poumon gauche était plein de liquide et il n'y avait plus rien à faire pour cela. Grâce à son permis de conduire, il a profité de son autonomie à peu près trois ou quatre fois dans la semaine qui a suivi. C'est tout. Par la suite, il n'était plus assez en forme pour quitter le sous-sol de la maison.
    À partir de là, et même un peu avant, tous les suivis médicaux, les services d'urgence et les dosages de médicaments étaient assurés par l'équipe des soins palliatifs. Cette équipe faisait de son mieux, dans les limites des possibilités qu'elle avait, mais elle n'arrivait jamais à calmer totalement la douleur. C'est sans parler des effets secondaires: Charles avait tout le temps chaud et il dormait vraiment très mal. Les médicaments ne faisaient pas l'affaire. Il a pris du Dilaudid, de la morphine, du fentanyl, de la méthadone, bref, tout ce qu'il pouvait recevoir pour calmer la douleur. Le nombre de médicaments qu'il prenait augmentait sans cesse, car la douleur et les symptômes augmentaient constamment. Il avait mal aux poumons, il avait mal aux épaules et il avait une toux grasse inquiétante. Son état n'allait pas en s'améliorant.
    À partir du début juillet, donc peu de temps après avoir obtenu son permis de conduire, il ne se levait presque plus du lit d'hôpital qu'on lui avait apporté au sous-sol. Surtout, il était tanné: tanné de ne rien faire, tanné d'écouter la télévision, tanné d'avoir mal et tanné de ne plus avoir de qualité de vie. Telle était sa situation, en effet. Il s'est mis à angoisser au sujet de la mort. Il se demandait quand la mort allait arriver, s'il allait être seul à ce moment-là et comment cela allait se passer. Il était de nature calme et posée, mais il a commencé à faire des crises d'anxiété, des crises d'angoisse et des crises de panique. Cela démontre vraiment à quel point il était rendu complètement impuissant et au bout du rouleau.
    C'est vers la mi-juillet qu'il a commencé à parler de l'aide médicale à mourir. Il m'en a parlé, il en a parlé à la travailleuse sociale et au médecin. Il voulait savoir s'il y aurait droit. Il n'en pouvait plus d'attendre. Il n'en pouvait plus de souffrir et d'attendre la mort. On savait que la fin était imminente, là n'était pas la question. Il aurait aimé avoir le choix et le contrôle du moment de son décès. Cela l'aurait probablement sécurisé. Ce qu'il disait, c'est qu'il aurait aimé avoir l'emprise sur la maladie au moins sur ce plan, parce qu'il ne l'avait pas eue pendant les deux années précédentes. Il n'avait jamais parlé de la mort avant ce moment. Il avait toujours été positif. Au moment où il a fait cette demande, il était déjà en phase terminale. On savait que la mort était imminente, mais il fallait attendre, parce qu'il avait alors 17 ans et 9 mois.
(1930)
    C'est inhumain pour une mère de se faire dire par son enfant: « Maman, fais quelque chose, je n'en peux plus. » Je l'ai accompagné là-dedans, dans sa souffrance, jusqu'à la fin. J'aurais eu envie de répondre à son souhait et de faire tout ce que je pouvais pour calmer son anxiété et sa douleur. Tout ce que les médecins pouvaient faire, encore une fois, c'était augmenter la médication. Il avait de la difficulté à parler, parce qu'il était très médicamenté. Il ne mangeait plus. Au moins, il pouvait exprimer ses besoins et nous dire ce qu'il voulait.
    La seule solution possible, à ce moment-là, était la sédation palliative. Un jour, il l'a demandée. Complètement tanné, il voulait juste dormir et ne plus être conscient de son état. Il est donc entré à l'hôpital en pédiatrie, parce que c'est ce qu'il voulait. Il a été plongé dans un sommeil artificiel. Nous l'avons veillé pendant 24 longues heures, et son sommeil ne semblait pas paisible. Encore une fois, c'était comme si les médicaments ne suffisaient pas à l'apaiser, pas plus qu'ils n'avaient suffi à apaiser sa douleur auparavant. Il n'avait pas l'air d'être dans un état confortable. En tant que mère, j'ai dû le voir dans cet état, sans pouvoir comprendre ses besoins, en attendant qu'il soit complètement inconscient. Cela a été 24 longues heures.
    Il est décédé le 30 juillet 2021, exactement deux ans, jour pour jour, après son diagnostic. Il avait donc 17 ans et 9 mois.
    J'ai perdu mon garçon, mais je m'accroche à deux promesses que je lui ai faites. D'abord, il y a celle de réaliser le voyage de ses rêves en Angleterre. Ensuite, au moment où il a demandé l'aide médicale à mourir, je lui ai promis que j'allais faire tout ce que je pouvais pour militer, ou à tout le moins pour prendre la parole comme je le fais ce soir, afin que cela devienne accessible aux jeunes comme lui qui aimeraient l'obtenir.
    Charles était un jeune adolescent très mature, même avant sa maladie. Il a vécu sa maladie, pendant ses deux dernières années, avec une sérénité qui me donne la force de traverser cette période, celle de sa perte. J'ai pris soin de lui jusqu'à la fin, et je l'aurais fait aussi longtemps qu'il l'aurait fallu. Je ne voulais pas perdre mon garçon, c'est certain, mais je n'en pouvais plus de le voir souffrir, et lui n'en pouvait plus de souffrir non plus. Il avait vraiment atteint ses limites physiques et psychologiques. Je me serais occupée de lui jusqu'à la fin, mais j'espérais ne pas avoir à m'en occuper alors qu'il aurait atteint un stade où il aurait perdu sa dignité. J'espérais ne pas avoir à changer ses couches et à le voir maigrir jusqu'à devenir un cadavre ambulant. Je me serais rendue jusque-là, mais j'espérais que cela n'allait pas être le cas. Heureusement, quand il est décédé, il avait encore ses belles joues dodues, alors nous avons pu éviter cela, mais il était vraiment au bout du rouleau.
    Je sais que la décision d'élargir l'accès à l'aide médicale à mourir aux mineurs matures n'est pas à prendre à la légère. Charles non plus, du haut de ses 17 ans, en fin de vie, ne la prenait pas à la légère. Cela n'aurait peut-être pas devancé sa mort de beaucoup, puisqu'il était déjà en fin de vie. La date qu'il aurait fixée aurait peut-être été à quelques jours près du 30 juillet. Cependant, il était prêt et il méritait ce choix. Cela aurait été sa décision, finalement. C'est lui qui aurait choisi à quel moment partir et qui aurait choisi les gens qui l'auraient accompagné. C'est le seul choix, ou du moins le dernier choix qu'il aurait pu faire dans sa vie.
(1935)
    Merci beaucoup, madame Marcoux, de ce témoignage très personnel et très émouvant à propos de votre fils Charles.

[Traduction]

    Entendons le deuxième témoin, M. Roderick McCormick.
    Monsieur McCormick, vous disposez de cinq minutes.
    Je me nomme Rod McCormick. Je suis Mohawk, c'est‑à‑dire Kanien'kehá:ka. Je suis également professeur et titulaire d'une chaire de recherche sur la santé autochtone à l'université des rivières Thompson. Je vis sur la réserve des Tk'emlúps te Secwépemc, la nation de ma partenaire, à Kamloops, en Colombie-Britannique, où je dirige le centre de recherche autochtone All My Relations.
    Je remercie le Comité de son invitation à venir témoigner sur le projet de loi C‑7. Je suis déjà venu le faire sur les conséquences du projet de loi chez ceux qui souffrent de maladie mentale. Je voudrais élargir ce témoignage à l'aide médicale à mourir aux mineurs matures.
    D'après moi, on a agi trop vite en voulant élargir l'admissibilité de l'aide médicale à mourir. L'expérience et la douleur m'ont appris que la meilleure façon d'éviter une chute sur une pente glissante ou sur le flanc d'une colline est d'avancer avec prudence, à petits pas.
    Comme je suis un professeur spécialiste de la santé autochtone et titulaire d'une chaire de recherche et que je possède environ 35 années d'expérience comme fournisseur de services en santé mentale aux Autochtones, mon témoignage épousera un point de vue autochtone sur la santé mentale.
    D'entrée de jeu, j'avoue que cet élargissement de l'aide médicale à mourir aux mineurs m'inquiète beaucoup. Comme ma partenaire et ses enfants sont Tk'emlúps te Secwépemc et que je vis dans leur communauté, j'ai personnellement éprouvé les conséquences de l'annonce de la découverte des tombes des 215 enfants sur les terrains du pensionnat local. De ma fenêtre, je vois très bien cet édifice et j'aperçois les champs où ils étaient inhumés dans des fosses peu profondes.
    Cette tentative pour dissimuler les cadavres symbolise, d'une certaine façon, les nombreuses tentatives historiques du Canada pour, comme Duncan Campbell Scott l'a dit, se débarrasser du problème « indien ». Comme beaucoup d'entre vous le savent peut-être, ces tentatives ont consisté à affamer les Autochtones, à les stériliser, à les déplacer de force dans des réserves où les logements étaient dangereux, insalubres et surpeuplés, à les alcooliser, à les mettre en contact avec des couvertures contaminées par la variole, à rassembler leurs enfants de force dans des pensionnats où on a expérimenté la malnutrition, à fermer les yeux sur la contagion de la tuberculose dans ces mêmes établissements, à faire enlever les enfants par les services de protection de l'enfance et à emprisonner en proportion excessive les Autochtones dans le système carcéral. La liste n'est pas close.
    Bref, les multiples méthodes essayées par le Canada pour éradiquer les peuples et la culture autochtones font que nous sommes partout surreprésentés dans le réseau de santé, y compris dans les morts prématurées. « Il dramatise », direz-vous, mais faut‑il vraiment un autre boulevard vers la mort?
    Mon cynisme découle en partie de décennies de travail avec de jeunes Autochtones pour les aider à acquérir et à conserver une bonne hygiène de vie. Comme je l'ai dit dans mon témoignage antérieur, j'ai travaillé au contact de nombreux jeunes Autochtones endoloris qui ont réussi à se débarrasser de leurs idées suicidaires. Tous, après leur rétablissement, se sont dits soulagés de ne pas avoir choisi une solution permanente à ce qui s'était révélé un problème temporaire. La recette pour survivre, c'est d'obtenir la bonne aide au bon moment.
    De nombreux obstacles empêchent l'aide d'arriver, notamment l'absence de diagnostics exacts et de traitements adaptés, un système de santé raciste, la défiance à l'égard d'un système de santé qui n'a pas toujours à cœur nos intérêts, l'ambiguïté du partage des compétences et l'abdication de leurs responsabilités par les divers gouvernements. Le principal facteur est l'éloignement de nos communautés.
    Souvent, dans les réserves et les lieux éloignés, des infirmières ou des infirmières praticiennes surmenées et mal préparées fournissent la gamme nécessaire de services de santé. On le voit à l'absence presque absolue de soins palliatifs pour les enfants et les jeunes Autochtones.
    Pendant que je préparais cette déclaration, j'ai épluché l'Internet, à la recherche de preuves de la prévisibilité du caractère irrémédiable de la maladie mentale. Je n'ai rien trouvé. Une politique publique aussi importante que celle‑là ne devrait-elle pas se fonder sur des preuves?
    Certains prétendent que le refus d'autoriser l'aide médicale à mourir aux jeunes et aux angoissés est discriminatoire. Mais, sans posséder de preuves, n'agissons-nous pas de même contre eux, mais d'une autre façon?
    Actuellement, je crois que la loi autorise le mineur à déterminer par lui‑même si diverses méthodes de traitement lui conviennent et à refuser celles qu'il juge inappropriées. D'après mon expérience clinique, la plupart des jeunes ne sont pas au courant des diverses options qu'ils peuvent exercer et n'en possèdent qu'une vague compréhension. J'en conviens, ces jeunes Autochtones pourraient ne même pas y avoir accès dans leur communauté. Mais l'accessibilité des soins de santé ne devrait-elle pas être égale pour tous les Canadiens?
(1940)
    Les adolescents, dont le cerveau n'a pas terminé son développement, peuvent-ils prendre des décisions d'une telle importance?
    Évidemment, je ne peux parler pour tous les peuples autochtones, mais je discerne, à la faveur de l'édiction de cette loi et de l'élargissement de sa portée, le signe que le gouvernement du Canada et, par extension, les Canadiens ont abdiqué leurs responsabilités.
    Au lieu de faire tout notre possible pour fournir la gamme de services de santé mentale nécessaires aux jeunes Autochtones pour qu'ils surmontent leur douleur, nous leur imposons plutôt la lourde charge de décider de choisir une solution permanente, sanctionnée par l'État, à ce qui pourrait facilement être un problème temporaire. Voilà où les valeurs culturelles canadiennes du plus grand nombre déçoivent nos attentes à nous tous. L'insistance sur les droits et libertés individuels ne fait aucune place à la nécessité d'une responsabilisation collective.
    Avant de terminer, je voudrais lire une pensée du psychiatre existentialiste Viktor Frankl.
La liberté, toutefois, ne résume pas tout. Elle n'est qu'une partie d'un tout et elle ne représente que la moitié de la vérité. Elle n'est que l'aspect négatif de tout phénomène dont le côté positif est la responsabilité. En fait, la liberté menace de dégénérer en simple arbitraire, à moins qu'on ne la concrétise dans son vécu par une responsabilisation.
    J'incite votre comité à recommander vivement au gouvernement du Canada et aux provinces d'accepter leurs responsabilités collectives de ne pas élargir l'accès de l'aide médicale à mourir aux mineurs mais, plutôt, à améliorer les services de santé mentale offerts aux jeunes Autochtones et à tous les jeunes Canadiens.
    Nia:wen. Merci.
(1945)
    Merci, monsieur McCormick.
    Entendons maintenant le Dr Ehmann.
    Docteur, vous disposez de cinq minutes.
    Je me nomme Timothy Ehmann et j'exerce la pédopsychiatrie depuis 10 ans dans divers cadres, auprès de patients hospitalisés, externes, en milieu universitaire et dans la communauté.
    Tout de suite en commençant, je déclare tout net que l'élargissement du régime actuel de l'aide médicale à mourir aux mineurs — matures ou autres —, c'est de la négligence et de l'irresponsabilité.
    Le débat qui nous occupe a débuté peu après que j'ai commencé à exercer et il a été comme un nuage noir suspendu au‑dessus de ma carrière qui débutait. J'ai suivi quand le gouvernement du Canada, malgré de nombreux avertissements, est allé de l'avant. J'ajoute ma voix au concert de ceux qui disent qu'il serait sage pour lui de ne pas aller plus loin dans cette voie périlleuse.
    Il est faux que la mort soit un traitement légitime contre toute souffrance.
    Faux également que les médecins puissent évaluer avec certitude la compétence et la capacité des mineurs de consentir à la mort. Cette affirmation ne s'appuie sur aucune recherche publiée sur la question. Le médecin qui la colporte demande à peine plus que de lui faire confiance parce qu'il est médecin.
    Il n'existe aucune évaluation normalisée, digne de confiance et valide pour déterminer cette compétence chez les mineurs. La recherche a montré que les évaluations de cette capacité faites sans aide, même par des médecins aguerris et par ailleurs qualifiés, donnent des résultats incertains. Dans la pratique médicale de tous les jours, les enfants sont souvent mal informés, et la communication entre eux et un médecin adulte est souvent imparfaite.
    Plusieurs facteurs systémiques interviennent dans la décision de l'enfant, qui n'est jamais à l'abri d'influences. Voilà qui soulève l'importante question du choix de la méthode pour l'évaluation précise du degré de liberté de l'enfant dans toute décision. Un facteur nouveau d'influence systémique pourrait simplement être le changement culturel que le gouvernement du Canada propage, qui est de diriger de plus en plus notre société vers une culture du désespoir.
    Le message de l'État offrant la mort comme solution aux souffrances est une incitation au suicide. Nous connaissons bien les épidémies de suicides chez les jeunes, par exemple dans les réserves; nous savons bien que les messages de désespoir accroissent les taux de suicide.
    Difficile, aujourd'hui, d'être un enfant au Canada.
    L'aide médicale à mourir n'est pas une pratique médicale fondée sur des données probantes. À ce titre, en obligeant les médecins à l'adopter par des pressions légales, on souille et on sape l'intégrité de leur profession. Les médecins canadiens ont été formés pour exercer une médecine moderne, fondée sur des données probantes appuyées par des faits scientifiques et non une médecine postmoderne, idéologique, sous influence politique.
    L'aide médicale à mourir est une pratique expérimentale qui ne s'appuie sur aucune donnée préexistante relative à sa sûreté, qui ne prévoit aucune obligation de divulguer les résultats indésirables ni mesure adéquate de protection et qui ne responsabilise pas ses acteurs. Le gouvernement fédéral doit s'astreindre au même degré de responsabilisation et aux mêmes normes que ceux qu'il imposerait à une société pharmaceutique qui voudrait lancer sur le marché canadien un nouveau médicament ou un nouveau traitement. Il ne faut pas soumettre les enfants à des expériences présentant de hauts risques.
    Les mineurs forment une population absolument vulnérable. Les doctrines postmodernes selon lesquelles la négation du droit à la mort des populations vulnérables équivaut à de la discrimination contre elles pèchent par la superficialité et elles sont dangereuses. Les lois qui s'en inspirent sont une menace pour nos enfants.
    La conduite du gouvernement canadien et de ses agents avec le régime de l'aide médicale à mourir est paternaliste.
    Les organismes qui représentent les groupes défavorisés et vulnérables de notre société et qui sont venus témoigner devant votre comité n'ont pas été pris au sérieux. Ils ont demandé des garde-fous ou l'exclusion à l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour leurs mandants, ce qu'on leur a refusé. Le gouvernement du Canada est parvenu à leur faire croire qu'il savait mieux que ces populations vulnérables ce qui était dans leur intérêt.
    Dans une société moderne dotée d'un art médical moderne et profitant des avancées de la science, le besoin de tuer un enfant n'existe pas. Alors, pourquoi le gouvernement canadien fonce‑t‑il à toute allure pour rendre les mineurs admissibles à l'aide médicale à mourir?
    Merci.
(1950)
    Merci, docteur. Nous entamons maintenant la période de questions.
    Je cède la parole à mon homologue, la sénatrice Martin.
    Je me demande si les députés accepteraient que les interventions durent quatre minutes.

[Français]

    Monsieur Thériault, êtes-vous d'accord?
    Oui.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    M. Cooper est le premier. Il a droit à quatre minutes.
     Est‑ce que vous partagez…
    Merci, madame la présidente. Je céderai une minute à Mme Vien.
    Docteur Ehmann, des témoins sont venus nous dire que les mineurs matures prenaient des décisions médicales graves et complexes et que, pour cette raison, l'aide médicale à mourir devait être élargie à cette catégorie de personnes. Que répondez-vous?
    De quelles décisions complexes s'agit‑il?
    Par exemple, celle de mettre fin à un traitement qui maintient le patient en vie.
    Quelle est la capacité d'un mineur de mettre fin à un tel traitement? Je ne connais pas les détails aussi bien que certains des avocats qui ont plaidé l'affaire, mais je crois que, récemment, un jugement a été rendu dans l'affaire A.C. c. le Manitoba. L'évaluation, je le sais, est complexe. Il faut tenir compte de l'état émotif, intellectuel et psychologique de l'enfant ainsi que de sa maturité. Ça se déroule dans un contexte où l'enfant n'est pas seul, mais en présence du contexte familial élargi.
    Bien sûr, notre culture voit dans les enfants des personnes. Les évaluateurs adultes essaient de déterminer à quel moment les enfants ont la capacité ou l'aptitude intellectuelle de l'adulte permettant la prise de décisions. Nous oublions notamment la théorie selon laquelle l'enfant fait partie d'un organisme, la famille. La décision est très complexe à prendre.
    Comment par exemple distinguez-vous cette situation de celle de l'aide médicale à mourir? La question est immense, mais l'argument est que si des mineurs matures peuvent prendre certaines décisions médicales qui changent la vie, pourquoi ne pourraient-ils pas demander l'aide médicale à mourir?
    D'accord. Pourquoi ne le pourraient-ils pas comme, actuellement, les adultes? Refuser un traitement qui maintient le malade en vie et demander un traitement dont l'objectif est la mort, voilà deux choses fondamentalement et absolument différentes. Impossible de les comparer.
    Encore 40 secondes, monsieur Cooper.
    Très bien.
    Vous avez évoqué la recherche, relativement à l'évaluation des compétences et à la non‑certitude de ces évaluations. Pouvez-vous en dire un peu plus sur cette recherche?
    Oui. Sur, précisément, l'enfant et l'adolescent, beaucoup d'articles ont été publiés et ont discuté de cette question, mais, en fait, il n'existe pas d'étude systématique. Pas plus tard qu'en 2012 ou 2014, les évaluateurs ont commencé à examiner comment, objectivement, nous évaluions la capacité des mineurs à consentir à être des sujets de recherche dans des études médicales. Dès ce moment, ils ont déclaré qu'il n'existait pas d'évaluation objective, ni de normes d'évaluation pour déterminer que tel enfant possédait cette capacité et tel autre, non.
    Une revue, publiée en 2020…
    Désolée de devoir vous interrompre, docteur Ehmann. Merci.
    Madame Vien, vous disposez d'une minute.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Bonsoir, madame Marcoux.
    J'irai droit au but: diriez-vous que Charles avait la capacité de décider?
    Absolument.
    Dites-moi ce qui vous fait croire que Charles avait la capacité de prendre cette décision.
    Charles a toujours été un jeune décidé, qui avait ses idées et qui était mature en tout temps. Il était un leader positif. En traversant l'épreuve de la maladie, il a gagné encore plus en maturité. C'est lui qui était notre pilier, par sa résilience. Il était pleinement lucide et conscient de sa situation. Il savait que la mort était imminente et qu'il n'y avait plus rien à faire. Pendant deux ans, il a pris de son plein gré les décisions médicales qui le concernaient, dans toute sa maturité. Cette décision-là aussi, c'était la sienne. Ce n'est pas moi qui lui ai parlé de l'aide médicale à mourir, ni personne d'autre. La question est venue de lui, parce qu'il n'en pouvait plus.
(1955)
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Vien.

[Traduction]

    Monsieur Anandasangaree, vous disposez de quatre minutes.
    Je remercie les témoins.
    Je tiens particulièrement à vous remercier, madame Marcoux. Merci d'avoir apporté un point de vue authentique à la discussion.
    Vous avez entendu MM. McCormick et Ehmann. Je me demande si vous pouvez prendre quelques minutes pour nous faire observer ce que vous avez vécu, votre point de vue sur la capacité de Charles de prendre une décision et les difficultés que vous avez affrontées, sur le plan familial, pour qu'on accorde l'aide médicale à mourir à un mineur mature. Je me demande aussi si vous pouviez aborder certains des problèmes soulevés par M. Ehmann concernant l'élargissement non souhaitable de l'aide médicale à mourir aux mineurs dans leur ensemble.

[Français]

    Pendant les deux ans de sa maladie, Charles a choisi le type d'opération qu'il aurait à subir pour sa jambe, il a choisi d'arrêter les traitements au moment où cela ne donnait plus rien d'en suivre, il a tenté des choses. Bref, toutes les décisions médicales, c'est lui qui les a prises, avec le soutien de l'équipe médicale, après en avoir parlé avec les médecins. Oui, c'est une décision familiale, nous en avons effectivement parlé, et c'est vrai que la famille doit être consultée dans tout cela. Cependant, à 17 ans, il avait la capacité de prendre ses propres décisions.
    En côtoyant des enfants malades pendant deux ans, j'ai constaté que la maladie leur apportait souvent une maturité supplémentaire, une sagesse, en quelque sorte. Ce n'est peut-être pas prouvé scientifiquement, mais c'est basé sur du vécu. Pour plusieurs, la maturité vient avec la maladie.
    À la fin, c'était la décision de Charles. Il n'a pas pris cette décision au moment du diagnostic. Il n'a pas baissé les bras au moment du diagnostic ni pendant les traitements. Il a pris cette décision vraiment à la fin, quand il n'en pouvait plus de souffrir et qu'il était en perte d'autonomie et en perte de dignité. S'il avait été exactement dans la même situation, mais qu'il avait eu trois mois de plus et ainsi atteint l'âge adulte, il aurait pu demander l'aide médicale à mourir. Pourtant, Charles était plus mature que bien des adultes qui ont le droit de prendre cette décision.

[Traduction]

    Merci, madame Marcoux, de nous rappeler tout cela.
    Comme vous militez, parce que je sais que c'est l'une des promesses que vous avez faites à Charles, pour que les mineurs adultes aient accès à l'AMM, j'aimerais que vous me disiez quels types d'obstacles ou de défis vous avez rencontrés dans vos démarches pour que l'AMM soit accessible aux mineurs adultes.
     Veuillez être très brève.

[Français]

    En fait, je n'ai pas fait beaucoup d'actions jusqu'ici. Aujourd'hui, c'est le premier geste d'importance que je fais. Ce que je fais depuis un an et demi, c'est surtout de sensibiliser mon entourage et mes proches. Quand je peux en parler publiquement, je le fais. Je mise sur la sensibilisation. Je n'ai pas rencontré d'obstacles jusqu'à maintenant en racontant l'histoire de Charles. En tout cas, les gens à qui j'en ai parlé ont vu la nécessité d'élargir l'accès à l'aide médicale à mourir.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

     C'est maintenant le tour de M. Thériault pour quatre minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Bonsoir, madame Marcoux. Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation.
(2000)
    Cela me fait vraiment plaisir. C'est toujours un plaisir de parler de Charles.
    Vous avez dit que Charles avait deux souhaits. Je tiens à vous rassurer: ce soir, vous réalisez magistralement l'un de ses souhaits en nous parlant ainsi et en étant aussi solide pour faire connaître ses volontés.
    Vous nous avez dit que Charles méritait le choix de l'aide médicale à mourir. Si, dans la situation où il était, il avait eu ce choix, croyez-vous que cela aurait apaisé son anxiété et son angoisse? Si oui, pourquoi?
    Je pense que oui. Il était vraiment dans un état d'attente et de crainte: il attendait la mort et il craignait de ne pas savoir quand cela allait se passer. Oui, les médicaments sont parvenus à calmer son anxiété pendant un moment. Ensuite, il n'en pouvait plus. Il a demandé la sédation palliative parce que c'était la dernière solution qui lui restait. Il voulait simplement dormir et ne plus sentir la souffrance.
    Cela l'aurait apaisé de pouvoir choisir, d'avoir le contrôle sur le dernier moment et de s'assurer que j'allais être avec lui. C'est effectivement quelque chose qui l'inquiétait beaucoup: il fallait que je sois avec lui constamment, nuit et jour, car il avait peur de se retrouver seul et de mourir tout seul. S'il avait eu le choix, j'ai l'impression que cela l'aurait rassuré. Pouvoir décider simplement où, quand et avec qui il allait mourir aurait été rassurant pour lui.
    Bien sûr, c'était son choix de demander la sédation palliative, mais était-ce son choix numéro un? Comment entrevoyait-il la sédation palliative? En est-il venu facilement à cette décision?
    C'était le plan B. Dès qu'il a su qu'il ne pouvait pas recevoir l'aide médicale à mourir, il savait que la sédation palliative était la seule option restante. Il a attendu un peu, parce qu'un nouveau médicament avait réussi à calmer son anxiété. Il a attendu quelques jours, mais finalement il l'a demandée. Cela dit, c'était vraiment son plan B. La sédation palliative a été une solution parce qu'il n'avait pas d'autre choix, mais ce n'était pas l'option A pour lui.
    Est-ce que cette décision le rendait aussi serein qu'il l'aurait été si on lui avait accordé l'aide médicale à mourir? Est-ce que cette solution le choquait?
    Il a été choqué entre le moment où il a su qu'il n'avait pas droit à l'aide médicale à mourir et le moment où il a décidé de demander la sédation palliative. Entre ces deux moments, il était en colère et faisait beaucoup d'anxiété. Cela le choquait de ne pas y avoir accès.
    Le plan B, soit la sédation palliative, a permis de calmer cette anxiété. Une fois qu'il a pris la décision de demander la sédation palliative, c'est-à-dire d'être endormi, cela lui convenait. C'est l'état dans lequel cela l'a placé pendant 24 heures qui a été difficile. En fait, il était déjà en fin de vie. Peut-être qu'il serait quand même décédé la même journée, même s'il n'avait pas eu la sédation palliative. Il était rendu complètement au bout du rouleau.
    Alors, oui, il a vécu de la colère pendant un moment.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Nous entendrons maintenant M. MacGregor pour quatre minutes.
    Merci, madame la coprésidente, et merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Madame Marcoux, je vous remercie particulièrement d'avoir le courage de partager avec nous une histoire très personnelle. Nous vous présentons nos sincères condoléances pour ce que Charles et vous avez vécu.
    Nous avons reçu un certain nombre de témoins à ce sujet qui nous ont parlé du moment où la capacité se forme. Votre fils Charles était presque un adulte. Il était presque un adulte au sens de la loi à 17 ans. Je me demande seulement, si cette maladie avait frappé plus tôt, à un plus jeune âge... Comment pensez-vous que Charles et vous auriez abordé la question s'il avait eu 12, 13 ou 14 ans, mettons? Je me pose la question, parce que je pense que c'est une question importante à laquelle notre comité doit réfléchir, surtout quand ces terribles maladies frappent à un si jeune âge.
(2005)

[Français]

    Cela reste hypothétique. Je ne peux pas savoir comment il aurait vécu cela à 12 ans, mais Charles a toujours été mature, peu importe son âge. Ce n'était pas un écervelé. Ce n'était pas un adolescent normal, finalement. Il était très calme et très posé. Dans son cas, il aurait probablement eu la même maturité à 12 ou 13 ans.
    Comme je l'ai dit, les enfants malades que j'ai vus, les tout-petits comme les plus vieux, vivaient la maladie avec sérénité. Je parle beaucoup avec d'autres parents qui ont perdu leur enfant aussi, et c'est leur enfant qui les a aidés. Ce sont nos enfants qui nous aident à traverser la maladie et à traverser le deuil par la suite, parce qu'eux, ils l'acceptent, tout simplement. Ils ont cette maturité, cette résilience qui leur permet d'accepter la maladie, de vivre avec la maladie, de faire ce qu'il faut pour la surmonter ou encore d'accepter la mort lorsqu'ils ne peuvent surmonter la maladie.
    Est-ce que Charles aurait pris la même décision? Aurait-il été au bout du rouleau à 12 ans aussi? Probablement que oui, mais on ne le saura jamais. Il reste que la situation aurait été la même et qu'il y aurait eu cette maladie et toutes les mêmes difficultés pendant deux années.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Pour mes deux dernières minutes, je voudrais m'adresser au Dr Ehmann.
    Docteur Ehmann, j'ai écouté votre déclaration préliminaire et je comprends que vous avez une position très forte sur cette question, mais vous avez également eu l'avantage d'entendre une histoire très personnelle. Je me demande simplement ceci, monsieur: votre position à ce sujet est-elle absolue? Si vous aviez affaire à un mineur atteint d'une maladie incurable comme le cancer, qui vit de toute évidence dans la douleur et la souffrance, êtes-vous d'avis, en tant que médecin, que la seule option qui s'offrirait à lui serait de recourir à la sédation palliative? À votre avis, existe‑t‑il une exception à cette règle, ou votre position est-elle absolue sur ce point, à savoir que ce traitement doit être refusé jusqu'à l'âge de 18 ans dans tous les cas, quelles que soient les circonstances?
     Je suis psychiatre pour enfants et adolescents. Permettez-moi de vous raconter une histoire.
    Je me suis occupé d'une adolescente de 17 ans en 2018. Sa mère était morte quand elle avait sept ans. Pendant les trois années suivantes, elle a été agressée sexuellement à répétition par un membre de sa famille. Entre l'âge de 10 et 12 ans, elle a immigré au Canada. Au Canada, après quelques années, à l'âge de 15 ans, elle a été mise à la porte par son père. Elle vivait de façon indépendante, allait à l'école à temps plein en travaillant dans une chaîne de restauration rapide à peu près 40 heures par semaine.
    Je l'ai rencontrée aux urgences. Elle était suicidaire. Je l'ai admise à l'hôpital. J'étais la première personne à qui elle confiait avoir vécu des agressions sexuelles. Après m'en avoir parlé, elle s'est effondrée. Elle souffrait du syndrome de stress post-traumatique et de dépression. J'étais assis avec cette enfant, jour après jour, qui me demandait en sanglotant: « Docteur Ehmann, laissez-moi mourir; laissez-moi rentrer chez moi. Je veux mourir. » C'était la pire souffrance psychologique que j'avais jamais vue. Cela m'a profondément ébranlé, personnellement. Elle a passé six mois dans notre unité de patients hospitalisés, par intermittence.
     Je peux vous dire que je me suis posé la question de savoir quelle était la bonne chose à faire. Mais en fin de compte, lorsqu'un médecin est confronté à des patients qui souffrent d'un problème médical, d'un problème de santé mentale ou des circonstances de la vie, la règle est toujours de protéger et de préserver la vie — et je crois profondément à cette règle.
    Je ne sais pas comment elle va maintenant. Je sais qu'elle a survécu à ces hospitalisations et qu'elle s'est rétablie, en partie grâce aux soins que nous lui avons fournis à l'hôpital. Comme elle y est restée six mois, mes collègues ont tous participé à son rétablissement aussi.
    Merci, docteur Ehmann.
    Je vais maintenant rendre la parole à mon coprésident.
     Je vous remercie.
    Comme vous le savez, chers collègues, nous devons faire une pause de 13 minutes en raison du vote. Pour permettre à chacun des sénateurs de s'exprimer, j'ai bien peur de devoir les limiter à deux minutes chacun.

[Français]

    Madame Mégie, vous avez la parole pour deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins. Je remercie Mme Marcoux de nous avoir fait part de quelque chose de si personnel. Cela dit, ma question s'adresse au Dr Ehmann. Si le professeur McCormick a le temps, il pourra également y répondre.
    Docteur Ehmann, tout le monde a compris votre position. À votre avis, le gouvernement devrait-il établir un cadre législatif pour ce type de demande ou bien attendre qu'un mineur et sa famille soulèvent cette question devant une cour de justice?
    Y a-t-il une bonne façon, pour le gouvernement fédéral, d'aborder cette question?
(2010)

[Traduction]

    C'est une très bonne question. Je ne connais probablement pas la réponse à cette question. Je suis médecin, pas avocat ni parlementaire.
    Je pense que fondamentalement, ma position, c'est que je suis consterné qu'on demande aux médecins de considérer la mort comme un traitement dans leur travail de tous les jours. Je pense que c'est très dangereux pour notre profession. Cela met les patients en danger en général.
    En tant que psychiatre, je suis très inquiet de voir ce qui s'est passé chez les adultes sous le régime de la loi actuelle. On nous avait promis que les malades mentaux n'y seraient pas admissibles. Elle leur sera bientôt accessible. Je crains que cela ne se glisse très rapidement vers mon groupe de patients, soit les enfants et les adolescents atteints de maladies mentales. Ce serait très dangereux d'offrir l'AMM à ce groupe de patients.

[Français]

    Merci, madame la sénatrice. Il vous reste 20 secondes, mais ce n'est pas assez pour continuer.

[Traduction]

    Nous entendrons maintenant le sénateur Kutcher, s'il vous plaît, pendant deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Marcoux, merci beaucoup de votre témoignage personnel. Pour avoir moi-même consulté des services d'oncologie pédiatrique, votre histoire semble extrêmement vraie.
    Lors d'une séance précédente, un témoin fournisseur de l'AMM nous a dit que tous ceux qui ont choisi l'AMM ont eu une belle mort. Votre fils et vous avez envisagé l'AMM, mais il n'y avait pas accès. S'il y avait été admissible, pensez-vous que sa mort aurait été plus douce, parce qu'il aurait été conscient jusqu'au dernier moment, ou pensez-vous qu'il aurait préféré rester sous sédation palliative?

[Français]

    Je pense qu'il aurait préféré devancer sa mort de quelques jours. C'était, finalement, une question de jours. Il est décédé deux ou trois semaines après avoir demandé la sédation palliative. Ce n'était pas très longtemps après.
    L'aide médicale à mourir lui aurait probablement évité de vivre les dernières journées, qui n'ont pas été faciles pour lui. Il avait de très mauvaises nuits, il faisait des cauchemars, la douleur était constante et il n'avait plus de qualité de vie. Même avec la sédation palliative, il n'avait pas l'air bien. Il bougeait constamment. Quand on lui parlait, il réagissait, d'une certaine façon, comme s'il voulait nous répondre; il ne pouvait pas parler, mais il marmonnait. Il ne semblait pas dans un sommeil profond et calme après avoir reçu la sédation palliative. S'il avait eu accès à l'aide médicale à mourir, il aurait pu éviter ces dernières journées, et surtout la dernière journée, qu'il a vécue sous sédation.

[Traduction]

    Merci, sénateur Kutcher.
    Allez‑y, sénateur Dalphond.

[Français]

    Ma question s'adresse à vous, madame Marcoux.
    Lorsque votre fils Charles a demandé de recevoir la sédation palliative, est-ce que les médecins ont refusé? Est-ce qu'ils lui ont dit qu'il n'avait pas la capacité de consentir et qu'il devait avoir l'assentiment de ses parents? Est-ce qu'ils lui ont demandé s'il était certain que c'était bien ce qu'il voulait?
    Non, pas du tout. En fait, oui, selon le protocole, ils devaient lui demander de confirmer que c'était bien ce qu'il voulait. Les dernières journées, le médecin lui a toujours posé la question à lui. La dernière semaine, il lui demandait s'il était prêt, si c'était le moment pour la sédation. La journée où Charles a dit que c'était ce jour-là qu'il voulait la sédation, il était complètement décidé. C'est cette journée-là qu'il voulait dormir.
    Avant de faire les injections, le médecin lui a redemandé de confirmer que c'était sa décision, en suivant tout le protocole.
    Donc, personne n'a mis en doute sa capacité.
    Absolument pas.
    Merci.
    Merci, sénateur Dalphond.

[Traduction]

    Écoutons maintenant la sénatrice Wallin.
(2015)
    Merci beaucoup.
    Docteur Ehmann, vous avez dit que le refus d'un traitement pouvant sauver la vie est fondamentalement différent de l'AMM, mais que les deux sont conçus pour soulager la douleur et accélérer la mort, donc le résultat final est le même. Pourquoi faites-vous cette distinction?
    Je fais la distinction parce que le chemin pour y arriver est très différent. Lorsqu'un traitement de maintien de la vie est refusé, les médecins ne participent pas activement et directement à la mort du patient. Ils suivent les instructions du patient.
    D'où ma question, parce que cela semble concerner la position du médecin, et non celle du patient lui-même.
    C'est vrai. Le rôle du médecin, c'est... je crois que la phrase est « de guérir parfois, de soulager souvent, de réconforter toujours ». C'est quelque chose comme ça. Essentiellement, ce qui me dérange profondément, c'est que le médecin fasse partie du processus de mort, en particulier chez les patients non mourants, auxquels on commence à proposer l'AMM. Même pour une personne proche de la mort, il y a des soins palliatifs.
    Pensez-vous que l'opinion du médecin est plus importante en réalité que celle du patient? Je suppose que c'est le fond de ma question.
    Dans mon travail auprès des enfants et des adolescents, je tiens compte des opinions de chacun, et nous travaillons tous dans l'intérêt de l'enfant et de l'adolescent.
    Je n'ai plus de temps, mais j'en déduis que vous êtes totalement opposé à l'AMM, et pas seulement pour les jeunes ou pour les personnes atteintes de maladie mentale.
    En tant que médecin, je suis contre l'AMM et contre l'idée que les membres de notre profession la fournissent.
    Merci.
    Merci, sénatrice Wallin.
    Sénatrice Martin, la parole est à vous.
    Merci beaucoup.
    Je veux ajouter ma voix à celles des autres pour dire que le courage dont vous avez fait preuve en partageant votre histoire personnelle est vraiment admirable, madame Marcoux.
    Ma question s'adresse à M. McCormick. Charles était un adolescent exceptionnel, et il y a d'autres mineurs matures exceptionnels, mais comme vous l'avez dit, la plupart des jeunes ne sont pas au courant des diverses options de traitement qui s'offrent à eux; ils n'en ont pas non plus une compréhension juste. Pour les jeunes Autochtones, en particulier, quelles recommandations auriez-vous à faire pour surmonter les obstacles auxquels ils se heurtent pour obtenir l'aide dont ils ont besoin?
    Je dois également préciser que je ne suis pas contre l'AMM dans sa première mouture, en particulier pour les adultes. La mort de ma belle-sœur était inévitable, en fait, et le cancer s'était propagé à sa gorge, de sorte qu'elle risquait de mourir étouffée lorsqu'elle a reçu l'AMM.
    Je m'y oppose cependant pour les gens souffrant de maladie mentale et pour les mineurs, mais particulièrement pour les maladies mentales.
    Nous pourrions peut-être commencer par parler aux jeunes. Si vous parlez aux jeunes Autochtones sans nous consulter adéquatement, il y aura des poursuites judiciaires, j'en suis sûr, parce que c'est un droit selon la DNUDPA.
    Mais dépensons plutôt de l'argent pour la santé mentale. C'est le parent pauvre du domaine de la santé. Nous n'y consacrons pas d'argent. Mettons en place des centres de diagnostic et de traitement accessibles et des intervenants-pivots en santé mentale; éliminons le jeu des sphères de compétences; finançons correctement le principe de Jordan; offrons aux jeunes une formation sur les compétences de vie nécessaires pour résoudre des problèmes et exprimer ses émotions; offrons-leur des services que d'autres obtiennent, comme les soins palliatifs; offrons de la formation et du soutien aux travailleurs de première ligne; créons des programmes de soutien par les pairs pour les jeunes.
    Je pourrais continuer ainsi longtemps. Il y a tant à faire, et nous ne le faisons pas. Tout est au stade de la « postvention » et non de la prévention. Le système de santé est axé sur la crise pour les Autochtones.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup à nos trois témoins de ce soir. Il est important pour nous de reconnaître que votre témoignage de ce soir implique de faire des commentaires très personnels sur vos croyances, et cela demande aussi du courage. Il est important pour nous, à ce comité, compte tenu du travail très difficile qui nous attend, de vous entendre tous.

[Français]

    Merci à vous tous d'avoir pris le temps de répondre à nos questions et d'avoir livré vos témoignages si personnels. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Je vous souhaite une bonne soirée.

[Traduction]

    Sur ce, la séance est levée.
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