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AMAD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir


NUMÉRO 029 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 25 novembre 2022

[Enregistrement électronique]

(0850)

[Traduction]

    Chers collègues, bonjour. Merci de votre patience. Nous avons dû régler quelques problèmes techniques.
    Soyez tous les bienvenus à cette réunion du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, particulièrement vous, les témoins. L'un de vous, de la Côte Ouest, a dû se lever très tôt. Je souhaite également la bienvenue à notre audience sur le Web.
    Je me nomme Yonah Martin. Je suis la coprésidente du Sénat du Comité. Je suis accompagnée de l'honorable Marc Garneau, le coprésident de la Chambre des communes.
    Nous poursuivons l'examen prévu par la loi des dispositions du Code criminel concernant l'aide médicale à mourir et leur application.
    Comme les membres le savent, nous entendons les derniers témoins. Mardi, nous discuterons des directives pour la rédaction du rapport. Je vous remercie tous de votre travail acharné de ces derniers mois.
    Je rappelle à chacun, membre ou témoin, de garder son micro désactivé jusqu'au moment où l'un des coprésidents lui aura nommément accordé le droit de parole. Qu'il veuille bien adresser toutes ses observations à la présidence.
    Ayez un débit lent, une diction nette. En visio, l'interprétation se fait comme en présentiel. Vous avez le choix, dans le bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais ou le français.
    Nous commencerons sous peu à entendre le premier groupe de témoins, que nous avons convoqués pour discuter de mesures de protection pour les personnes handicapées.
    Nous accueillons en visio Mme Catherine Frazee, professeure émérite à l'école des Disability Studies de l'université métropolitaine de Toronto et Mme Isabel Grant, professeure à l'école Allard de droit de l'université de Colombie-Britannique. Nous accueillons sur place la doctorante Megan Linton. Toutes trois témoigneront à titre personnel.
    Chacune disposera de cinq minutes pour sa déclaration.
    Entendons d'abord le témoignage préalablement enregistré de Mme Frazee. Soyez prévenus que, en raison de sa nature, ce témoignage durera un peu plus longtemps.
    Les témoignages de Mmes Grant et Linton suivront ensuite dans cet ordre.
    Madame Frazee, nous vous écoutons.
    Je suis dans le Mi'kma'ki, le territoire non cédé des Micmacs, dont la dignité devant la trahison est édifiante et admirable.
    Pendant les précieuses minutes pendant lesquelles vous m'accordez votre attention, je me focaliserai sur le volet 2 de l'aide médicale à mourir.
(0855)
    Je suis bien consciente qu'il est hors de question pour vous d'envisager la mise en suspens de l'application du volet 2 de l'aide médicale à mourir, mais mes observations d'aujourd'hui, au nombre de quatre, se fondent sur des opinions bien arrêtées.
    D'abord, l'arrêt Truchon est erroné, et on aurait dû en appeler. Si l'étude en comité ne change rien, il faudra contester la loi en justice.
    Ensuite, il ne faut pas assimiler le volet 2 de l'aide médicale à mourir et soins en fin de vie. Il est donc étranger à la question et spécieux de récuser l'opinion de ses adversaires au prétexte qu'ils cherchent à contrecarrer des choix de fin de vie.
    Enfin, on peut trouver trois explications à la décision de notre gouvernement de ne pas en appeler de l'arrêt Truchon: des calculs politiques qui n'avaient rien à voir avec la question dont le tribunal était saisi sont entrés en ligne de compte; on a confondu en quelque sorte une incapacité grave et irrémédiable et la fin de la vie perçue comme satisfaisante ou précieuse; en dehors du contexte de fin de vie, il existe d'excellents motifs d'ordre politique pour mettre fin à la vie de certaines personnes qui veulent mourir.
    Ces motifs, à ce qu'il semble, concerneraient exclusivement les personnes handicapées dont les souffrances sont intolérables et qui demandent l'aide médicale à mourir. Vraisemblablement, le gouvernement réserverait une forme particulière d'aide médicale à mourir aux autres personnes souffrantes, mais non handicapés, par exemple les femmes prises au piège de la violence conjugale ou les parents inconsolables de la mort de leur unique enfant.
    La première de ces explications serait déraisonnable; la deuxième, inacceptable; la troisième, artificieuse et discriminatoire.
    Mon point de départ est donc que le volet 2 n'est pas l'expression de l'égalité mais celle d'une exemption à l'égalité.
    Mais le volet 2 est fixé dans la loi. Que dire de plus? Le génie est sorti de la bouteille, et il ne nous reste plus qu'à compter nos morts. Que le gouvernement qui a imaginé pour nous le volet 2 cherche maintenant à assurer la « protection » des personnes handicapées, voilà une histoire difficile à avaler.
    Pendant que des praticiens s'occupent de la mise en œuvre des trois minutes du passage de la vie à la mort, nous, nous consacrons désormais chaque heure d'éveil, chaque moment et chaque moyen qui ne va pas à notre propre survie à envoyer des bouées de sauvetage aux membres handicapés de notre famille pour les sortir du tourbillon qui les aspire vers les bras accueillants du volet 2.
    Nous injectons de l'argent dans des initiatives de financement sur les médias sociaux pour de la nourriture, du logement, des médicaments et de la thérapie. Nous répandons avec prodigalité nos efforts pour sauver amis et étrangers, en témoignant de l'injustice qui les afflige. Nous consignons rigoureusement chacun de nos retards ou de nos échecs tragiques, que vous qualifiez, je crois, d'« anecdotes ».
    Nous ne sommes pas formés à cette tâche ou nous ne possédons pas les ressources nécessaires, mais pour aider les nôtres qui meurent, nous devons redoubler d'efforts.
    Vous avez entendu le message constant des défenseurs des droits des personnes handicapées pour qu'on arrête le carnage engendré par le volet 2. Vous devez faire tout votre possible pour réaffirmer l'obligation de respecter l'égalité pour une mort naturelle raisonnablement prévisible et remettre indéfiniment à plus tard tout élargissement du volet 2.
    Pendant que vous y êtes, étayez les exigences pour le volet 1, au moins en explicitant les garde‑fous actuellement en vigueur que prévoit la loi et qui ont été tranquillement mis de côté dans la pratique et le discours réels de l'aide médicale à mourir.
    Ces mesures sauveront des vies, mais elles ne restaureront pas l'égalité et ne déferont pas les dommages incalculables causés par une expérience sociale ayant tourné à la catastrophe. C'est qu'une grande partie des maux qui se sont déchaînés alors que vous célébriez l'adoption du projet de loi C‑7 étaient, d'une façon ou d'une autre, hors de la portée de votre imagination.
    Le message sous-jacent du volet 2 était clair et il a pénétré notre culture à la vitesse d'un pathogène. La notion toxique selon laquelle la vie d'une personne handicapée est optionnelle et, par extension, quantité négligeable, est répandue partout. Nous la décelons quotidiennement dans les conseils non sollicités des portiers des services sociaux, dans la bouche des préposés des lignes d'écoute et dans la lettre du citoyen lambda au courrier du lecteur du journal local.
(0900)
    On a rapidement normalisé l'aide médicale à mourir comme soulagement de leurs coûts et de leur peine à ceux qui sont « chargés », au sens de fardeau, de nos soins. Ses euphémismes n'ont berné personne et, chaque jour, des Canadiens qui ont leur franc-parler expriment le message sous-jacent de la loi. Nous avons des exemples importants à citer.
    Le volet 2 agresse partout les personnes handicapées et les blesse par sa formulation et ses effets discriminatoires, qui fragilisent leur égalité plutôt que de l'augmenter.
    Tant à dire en si peu de temps; tant à pleurer et si peu d'espoir.
    Merci, madame Frazee.
    Je vais maintenant inviter Mme Isabel Grant à présenter sa déclaration liminaire.
    Vous disposez de cinq minutes, madame Grant.
     Bien que je sois reconnaissante de l'occasion que j'ai de m'adresser à vous aujourd'hui, je le fais avec un profond sentiment de désespoir face à ce qui se passe avec le deuxième volet de l'aide médicale à mourir. Peu importe le nombre de personnes qui vous disent que le projet de loi C-7 est dangereux et peu importe le nombre de personnes qui meurent parce qu'elles n'ont pas les moyens de vivre, j'ai l'impression que c'est un train fou qui se dirige vers une catastrophe en matière de droits de la personne. Le capacitisme est si profondément ancré dans nos structures politiques et sociales que nous ne le percevons pas comme du capacitisme, et nous estimons plutôt que cela relève du bon sens.
    La Cour suprême du Canada décrit la discrimination à l'égard des personnes handicapées comme étant fondée sur une vision déformée selon laquelle le handicap est un défaut qu'il faut corriger ou éradiquer. C'est précisément cette vision de l'incapacité qui a alimenté le projet de loi C-7 et qui tue maintenant les Canadiens qui vivent avec un handicap.
    Malheureusement, le capacitisme a également gagné les audiences que vous tenez. Imaginez que vous viviez avec un handicap. Vous vivez peut-être dans un logement d'une pièce. Peut-être avez-vous besoin de couches pour faire face à votre incontinence. Vous avez écouté ces audiences et entendu vos législateurs discuter de la question de savoir s'il vaudrait mieux être mort que d'être comme vous. Au lieu de sentir que votre autonomie a été accrue, vous vous sentez démoralisé et déprimé. Vous dites à votre médecin que vous avez du mal, mais il se contente de vous rappeler que vous avez désormais droit à l'aide médicale à mourir. Faut‑il s'étonner que tant de Canadiens vivant avec un handicap se sentent dévalorisés et aient peur?
    Si vous devez retenir une seule chose de mes propos d'aujourd'hui, c'est ceci: la seule garantie qui protégera les personnes handicapées contre les décès injustifiés est l'exigence relative à la mort naturelle raisonnablement prévisible. C'est la seule garantie qui peut empêcher les gens de mourir parce qu'ils sont trop pauvres, trop isolés ou trop épuisés de se battre pour continuer à vivre. La mort place tout le monde sur un pied d'égalité. Tout le monde meurt, et c'est la seule garantie qui élimine de l'équation les jugements sur la valeur de la vie des personnes handicapées.
    Il est impossible de séparer la souffrance causée par le handicap de la souffrance causée par les aspects sociaux, économiques et politiques qui accompagnent le handicap. Si je ne peux pas accéder à un logement sans fumée, faut‑il blâmer ma polysensibilité aux substances chimiques ou attribuer cela au fait que les logements sociaux sont inadéquats? Si je ne peux pas m'offrir un appartement avec ascenseur, faut‑il attribuer cela à mon handicap ou à ma pauvreté? Si je risque d'être placée en établissement à 40 ans parce que le gouvernement ne veut pas me fournir des soins à domicile qui me permettraient de me rendre aux toilettes la nuit, est‑ce à cause de mon handicap ou de l'échec lamentable de l'État à répondre aux besoins fondamentaux de la vie?
    De telles situations ont abouti à la mort de vraies personnes qui, même si elles ne voulaient pas mourir, ont choisi l'aide médicale à mourir. Le système a refusé de fournir à Sathya Kovac des soins à domicile, mais lui a accordé une visite à domicile pour la faire mourir. Elle a rédigé elle-même sa nécrologie avant de mourir et a dit: Ce n'est pas une maladie génétique qui m'a tuée, c'est un système. »
    La Cour suprême du Canada a déclaré, dans le contexte de la peine de mort, qu'une mort injustifiée est une mort de trop. Dites-moi: combien de morts injustifiées sont de trop pour le deuxième volet de l'aide médicale à mourir? À ceux qui disent que l'aide médicale à mourir n'est qu'une autre forme de soins de santé, je rappelle que le projet de loi la soustrait des dispositions relatives au meurtre et à l'aide au suicide, et que c'est la seule raison pour laquelle le Parlement a compétence. Le Code criminel énonce explicitement que mettre fin à une vie est un acte si grave que nous ne permettons pas aux gens de consentir à leur propre mort. Le régime de l'aide médicale à mourir fait une exception à cela, mais seulement pour les Canadiens qui vivent avec un handicap. Ce sont les seules vies qui ne valent pas la peine d'être sauvées. Comment pouvez-vous ne pas voir que c'est discriminatoire?
    Il est irresponsable de confier aux médecins la tâche d'interpréter la définition du meurtre et de l'aide au suicide et de nous demander de faire confiance à un système de santé qui manque de ressources et qui est proche du point de rupture. Il suffit d'examiner les antécédents du Canada en matière d'eugénisme, des pensionnats à l'entreposage des malades mentaux, en passant par la stérilisation des femmes et des filles autochtones et handicapées, pour constater l'implication profonde des médecins dans tous ces cas.
    Ce gouvernement ne cherche pas à éradiquer la souffrance des personnes handicapées, mais plutôt à éradiquer ceux qui souffrent. Je demande instamment à ce comité de prendre des mesures concrètes pour prévenir la catastrophe imminente en matière de droits de la personne que sera l'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de maladie mentale, et pour faire obstacle au deuxième volet de l'aide médicale à mourir.
    Je vous remercie.
(0905)
    Merci, madame Grant.
    Notre dernière témoin se trouve dans la salle.
    Madame Megan Linton, candidate au doctorat, la parole est à vous.
    Je vous remercie de m'accueillir ici, sur le territoire non cédé du peuple algonquin.
    Mes recherches portent sur les établissements pour personnes handicapées, un phénomène persistant qui remonte à plus d'un siècle et demi au Canada. J'ai donc passé au crible des heures de recours collectifs et des années d'enquêtes, d'archives et d'entretiens avec des survivants. Tous ces documents regorgent d'histoires relatant la mort d'amis, de colocataires, de codétenus et de personnes handicapées qui se sont suicidés, se sont pendus aux chevrons ou se sont suicidés des années après s'être échappés de l'établissement, toujours hantés par ce qu'ils y avaient vécu.
    Pendant de nombreuses années, ces suicides ont été le catalyseur de grands changements sociaux et ont donné lieu à des commissions gouvernementales et à des enquêtes sur ces décès. La semaine dernière, le ministre David Lametti a déclaré que le deuxième volet de l'aide médicale à mourir était nécessaire parce que les personnes handicapées ne sont pas capables de mener à bien leur suicide.
    En tant que chercheuse qui étudie les établissements, je suis troublée par le sophisme de cet argument.
    Depuis un siècle et demi, les personnes handicapées sont enfermées dans des établissements éloignés de leur communauté et sont réduites à être considérées sous l'angle de l'efficacité et de ce qui est pratique. Ces établissements, qui ont servi d'instruments à des fins eugéniques, ont exclu les personnes handicapées de la société et les ont empêchées de se reproduire.
    Aujourd'hui, la logique est la même dans les établissements: le plaisir, les loisirs ou la gestion de la douleur y sont apparemment inexistants. Au lieu de cela, ces établissements — comme les prisons, les maisons de soins de longue durée et les établissements psychiatriques — perpétuent des conditions de négligence et d'isolement et un tel mépris de l'autonomie individuelle que cela engendre dépression et tendances suicidaires tant chez les personnes qui s'y trouvent que chez celles qui craignent de s'y retrouver un jour. Les gens me le disent très clairement lors de nos entretiens: ils préféreraient mourir plutôt que de vivre dans un établissement de ce genre.
    Depuis toujours, les décès ouvrent de rares fenêtres sur ce qui se passe dans ces établissements... des fenêtres parfois troubles, comme dans le cas du Centre régional Huronia, où les décès étaient camouflés et les corps enterrés dans des fosses communes sans marque ni nom. Plonger le regard dans les établissements, aussi opaques soient-ils, c'est prendre la mesure de l'austérité et de la privatisation qui engendrent les plaies de lit, la négligence et le gavage.
    Nous avons pu voir ce qui se passe à l'intérieur des établissements où les gens utilisent l'aide médicale à mourir, comme la maison de retraite où vivait Chris Gladders avant que vous apportiez à la loi les modifications du deuxième volet. Dans cet établissement, les planchers sont souillés d'excréments. Au lieu de faire le ménage, vous avez apporté des modifications visant à étendre la portée du deuxième volet. Maintenant, les décès sont si fréquents que la perspective d'une autre perte nous hante constamment.
    À cause du deuxième volet de l'aide médicale à mourir, c’est l’hécatombe chez les personnes handicapées hébergées dans des établissements qu'elles essayaient de quitter. C'était des vies magnifiques. En tant que personnes handicapées, nous regardons par les fenêtres de ces établissements et nous nous battons de toutes nos forces pour trouver une issue pour nous tous, et pas seulement pour une vie perdue en particulier.
    Vous nous demandez de vous parler de la protection des personnes handicapées. Il est évident qu'il faut abandonner le deuxième volet de l'aide médicale à mourir.
    Quand on regarde par ces fenêtres fracassées par des dépouilles, on voit des gens qui souffrent à cause des conditions que vous avez vous-même créées. Au lieu d'offrir une solution, d'aider les gens à en sortir en leur proposant des logements accessibles, des soins à domicile et une prise en charge de la douleur, vous leur offrez la mort.
    Ne vous leurrez pas: toute disposition visant à offrir la mort aux personnes handicapées dans le cadre du deuxième volet de l'aide médicale à mourir est une mesure eugénique et doit être abrogée dès que possible.
    Il faut regarder du côté de l'économie politique pour comprendre le moment choisi pour ces décisions. Pourquoi maintenant, avec l'augmentation des pandémies et des maladies incurables, comme la COVID et la COVID longue? Pourquoi maintenant, avec le rationnement des soins de santé en cas de pandémie et la réduction des dépenses de santé?
    L'expansion de la portée de l'aide médicale à mourir doit être considérée dans le contexte de l'ordre économique dans lequel nous vivons, qui éviscère le contrat social en encourageant le gouvernement à se soustraire à ses responsabilités pour le bien-être de la population et à nous tuer à la place. Vous vous sentez généreux en permettant aux personnes de se libérer de l'austérité que vous avez conçue.
(0910)
    À vous tous, je tiens à dire que les personnes handicapées n'ont pas besoin de votre aide pour mourir. Vous nous tuez depuis des années. Nous avons besoin de votre aide pour sortir de l'établissement dans lequel vous nous avez enfermés. La seule protection contre l'aide médicale à mourir est la mort prévisible.
    Merci beaucoup.
    Merci à toutes nos témoins de leur témoignage de ce matin.
    Nous allons passer à notre première série de questions.
    Nous commençons par M. Cooper, qui partagera les cinq minutes avec Mme Vien. Ce sera donc trois minutes, puis deux minutes.
    Monsieur Cooper, vous avez la parole.
    Merci, madame la coprésidente.
    Je remercie les témoins de leurs témoignages éloquents.
    Madame Frazee, je vais vous poser deux questions, et je vous demanderais de répondre aux deux, car je ne dispose que de trois minutes.
    Vous avez parlé du resserrement des exigences relatives au premier volet. Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par cela et nous faire part de vos recommandations?
    Dans le même ordre d'idées, avez-vous des recommandations à faire quant aux garanties supplémentaires pour le deuxième volet, sachant bien sûr que l'exigence selon laquelle le décès doit être raisonnablement prévisible n'aurait jamais dû être supprimée?
    Enfin, vous avez parlé des effets discriminatoires de l'aide médicale à mourir sur le genre de choses que les citoyens ordinaires disent à son sujet. Pouvez-vous en donner des exemples au Comité?
    Par l'intermédiaire de la présidente, je vous remercie.
    Je vais commencer par répondre très brièvement à la première question. Je peux vous en dire plus par écrit si vous le souhaitez.
    Quelques passages très importants sont négligés, parmi nos dispositions visant l'aide médicale à mourir. Je peux vous donner deux exemples. Le premier concerne le sens du mot « naturelle » et de la phrase « sa mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible ». Une mort naturelle raisonnablement prévisible n'est pas la même chose qu'une mort raisonnablement prévisible. Une simple lecture de la phrase m'a permis de comprendre que des comportements tels que la privation volontaire de nourriture et d'autres actes autodestructeurs n'entrent pas dans la catégorie de la mort naturelle raisonnablement prévisible. Il s'agit d'une distinction qui, malheureusement, amène les gens à opter pour le volet 1 de manière incorrecte et, je dirais, illégale.
    L'autre formulation très importante — qui concerne à la fois le volet 1 et le volet 2 — est le mot « cause », à l'alinéa 241.2(2)c). Les souffrances intolérables qui sont au cœur de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir doivent être liées directement à une condition médicale. Cela exclut les souffrances, comme celles que Mmes Grant et Linton ont décrites, qui sont principalement de nature socioéconomique. C'est le facteur principal dans de nombreux cas.
    Je crois que cela est contraire à l'alinéa 241.2(2)c). Je pense qu'en clarifiant les intentions dans la façon dont la loi est rédigée, on contribuerait grandement à prévenir les décès illégaux et à faire respecter...
(0915)
    Madame Frazee, je vais vous interrompre et vous inviter à nous faire parvenir des précisions par écrit si vous le souhaitez. Le temps est écoulé et je cède maintenant la parole à Mme Vien.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Madame Frazee, j'ai peu de temps et je vous serais reconnaissante de donner une réponse courte.
    Dans vos remarques préliminaires, vous avez dit qu'il fallait arrêter le carnage de la deuxième voie. Sur quoi vous basez-vous pour affirmer que la deuxième voie représente un carnage?

[Traduction]

    Je me base sur le nombre de cas préoccupants que nous avons documentés et mentionnés dans nos témoignages au cours des trois dernières réunions, où des personnes qui voulaient clairement vivre ont été incitées à recourir à l'aide médicale à mourir pour échapper à des conditions de vie déplorables.
    Il reste une minute.
    Pouvez-vous nous en dire plus à propos du resserrement du volet 1?
    Pardonnez-moi. Est‑ce que la question s'adresse à moi?
    Oui. Je suis désolé, madame Frazee. Pourriez-vous nous en dire plus sur le renforcement du volet 1?
    Je vous ai donné les deux principaux exemples. Clarifiez la question de la causalité, de ce qui doit être la cause de la souffrance. La condition médicale d'une personne est la seule cause de souffrance pour laquelle l'aide médicale à mourir a été conçue et prévue. C'est la seule exemption au Code criminel, et cela doit vraiment être clarifié, tout comme la définition de la mort naturelle raisonnablement prévisible.
    D'accord. Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à Mme Brière, qui dispose de cinq minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vais poser ma question aux trois témoins de ce matin.
    Au fil des décennies, on a vu que l'un des principes fondamentaux du mouvement moderne en faveur des personnes handicapées a été d'assurer l'égalité dans l'accès aux programmes et aux services que chacun dans la société devrait pouvoir envisager.
    Étant donné que le processus décisionnel d'une personne qui considère l'aide médicale à mourir est extrêmement individuel et unique à sa propre situation, peu importe les circonstances qui entourent son statut et sa propre compréhension en tant que personne qui s'identifie comme ayant un handicap ou non, et en supposant que l'ensemble des garanties, mesures de sauvegarde et protocoles actuels sont en place et fonctionnent bien, que diriez-vous à une personne en situation de handicap qui prendrait la décision bien éclairée et bien informée de demander l'aide médicale à mourir en collaboration avec des équipes médicales?

[Traduction]

    Me permettez-vous de répondre à cela?
    Madame Grant, nous vous écoutons.
(0920)
    Je pense que ce que nous disons, c'est que l'aide médicale à mourir est offerte à tout le monde. Pourquoi la refuser aux personnes handicapées? Je pense que, dans le milieu des personnes handicapées, on a l'impression que seul le deuxième volet de l'aide médicale à mourir leur est accessible, et nous aimerions que le gouvernement s'efforce de trouver des moyens de rendre la vie des gens plus facile à gérer et de diminuer la souffrance, plutôt que de diminuer le nombre de personnes qui souffrent, car nous pensons que les personnes handicapées ont été ciblées.
    Comme Mme Linton l'a dit précédemment, elles n'ont pas besoin d'aide pour mourir; elles ont besoin d'aide pour vivre.
    Je répondrais à une personne qui pourrait prendre une décision éclairée de s'en prévaloir.
    J'ai 27 ans et je vis avec un handicap. La plupart de mes camarades de classe n'ont pas de handicap, et ils n'ont pas accès à l'aide médicale à mourir parce qu'ils n'ont pas de handicap. J'y ai accès, mais pas eux. Quelle est l'égalité d'accès dans ce cas? Je ne trouve pas cela très logique.
    Cependant, le problème, ce n'est pas la personne. Il ne s'agit pas d'une personne qui prend une décision. Il s'agit des répercussions collectives. Si une personne décide de recourir à l'aide médicale à mourir comme l'a fait Jean Truchon, c'est un choix individuel et une réponse individuelle à un préjudice social. Pour cette personne, c'est peut-être la pire situation possible.
    Depuis l'âge de 16 ans, je soutiens les personnes qui ont des idées suicidaires, et je peux vous assurer que les gens peuvent prendre cette décision et que certains la prennent effectivement. J'ai eu beaucoup d'amis handicapés qui se sont suicidés, et je n'ai pas d'eux une perception négative pour avoir fait ce choix, mais je suis ici pour dire que nous n'avons pas besoin d'aide pour cela. Nous y avons accès. Nous mourons en grand nombre et nous n'avons pas besoin d'aide pour cela. Cela ne correspond pas à l'égalité d'accès aux programmes. L'égalité d'accès aux programmes se traduirait par l'accès à des mesures de soutien pour les vivants, et non par l'accès à des mesures qui vont faciliter la mort.
    Votre question m'a un peu troublée, car vous parlez dans votre introduction de l'intention liée à l'absence d'égalité dans l'accès aux programmes. Nous avons un accès spécial à ce seul programme. Nous n'avons pas un accès égal au reste des systèmes de la société.
    Nous avons toujours de la ségrégation dans le système éducatif. Les gens ne peuvent pas obtenir un diplôme de fin d'études secondaires. En quoi est‑ce un accès égal? Est‑ce que vous vous souciez de cette égalité d'accès?
    Je ne suis pas...
    Il reste une minute. Allez‑y.
    Je me contenterai d'approuver rapidement les propos des autres témoins.
    Avec tout le respect que je dois à la présidence, je répète que la prémisse de la question est erronée. Il ne s'agit pas d'une question qui remet en cause la notion d'égalité d'accès et de chances pour les personnes handicapées. Nous sommes d'accord avec vous à cent pour cent sur ce point, mais le volet 1 n'est pas accessible aux personnes non handicapées. Cela soulève la question de savoir pourquoi ce volet nous est particulièrement destiné, compte tenu de ses incidences très lourdes et de ses conséquences néfastes.
    Merci, madame Frazee.
    C'est maintenant au tour de M. Thériault, qui dispose de cinq minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je qualifierais les trois témoignages que nous avons entendus ce matin de témoignages‑s,hoc, dans tous les sens du terme. Je pense que, depuis les audiences sur la protection des personnes vivant en situation de handicap, l'ensemble des membres du Comité s'entend pour dire qu'il faut en faire davantage pour les personnes qui sont dans cette situation.
    J'ai souvent exprimé l'idée voulant que la déficience soit individuelle et que le handicap soit toujours, au départ, social. Il est clair, par conséquet, qu’il faut en faire davantage. Or, les personnes vivant en situation de handicap font l'objet de discrimination et de stigmatisation. Elles n'ont pas accès de façon égale à l'ensemble des soins et des programmes. On convient que c'est difficile. Ces personnes sont victimes une première fois.
     Or, je constate en arrivant à la conclusion de vos exposés, que vous voudriez qu'elles soient victimes une deuxième fois, de l'État. Autrement dit, au moment le plus intime de leur vie, après qu'elles ont vécu ce qui, pour elles, est au-delà du tolérable, l'État devrait leur refuser l'accès à l'aide médicale à mourir, en quelque sorte leur enlever la possibilité du libre choix qu'est la possibilité de déterminer elles-mêmes ce qui est acceptable pour leur propre vie.
     Personne ne doit décider de la qualité de vie de quelqu'un d'autre. Seule la personne elle-même doit pouvoir prendre cette décision. En agissant de cette façon, l'État ferait preuve de discrimination à l'égard de ces personnes, qui deviendraient pour une deuxième fois des victimes.
    Poursuivons dans le sens de cette logique. On dit qu'il faudrait réintroduire strictement la question de la première voie, c'est-à-dire le critère de mort prévisible. En suivant la logique que vous exposez ce matin, faudrait-il aussi retirer à ces personnes leur droit de refuser des soins, même si ce droit est considéré d'un point de vue éthique comme une bonne pratique médicale? Ce qui risque fort d'arriver, c'est que ces personnes n'aient d'autre choix que de poser des gestes comme refuser de s'alimenter, ce qui entraînerait leur déshydratation, jusqu'à ce que leur mort soit imminente et que, à quelques heures de la fin, on leur administre l'aide médicale à mourir. Il y a de cela dans la détresse dont vous parlez aujourd'hui.
    En disant que la solution, dans le cas des personnes faisant l'objet de discrimination et n'ayant pas un accès égal à une vie pleine et entière dans notre société, est de leur enlever le droit de recevoir l'aide médicale à mourir après une évaluation, on implique que leur seule issue serait le suicide si leur souffrance était irréversiblement intolérable.
    Est-ce à l'État de décider ce qui est pour un être humain le seuil du tolérable et de la souffrance?
     Qui veut répondre à cette question? Madame Grant?
(0925)

[Traduction]

    Bien sûr. Je vais faire quelques observations.
    Personne aujourd'hui n'a parlé d'éliminer le premier volet. Mme Frazee a parlé de l'importance du mot « naturelle » et a dit qu'arrêter de se nourrir n'est pas une mort naturelle.
    Je pense que le problème ici, c'est que tout le monde a accès à ce volet à la fin de sa vie. Limiter l'aide médicale à mourir au premier volet n'est pas discriminatoire envers les personnes handicapées. Elles y auront également accès à la fin de leur vie.
    Ce qui est discriminatoire envers les personnes handicapées, c'est dire que la loi qui interdit le meurtre ou l'aide au suicide ne s'applique pas à elles parce que leur décès est une bonne chose pour elles, que c'est une bonne chose lorsqu'elles meurent. Ce que nous disons, c'est que nous ne pouvons pas leur dire que leur décès est une bonne chose sur le plan social que le gouvernement devrait promouvoir lorsque ce n'est pas raisonnablement prévisible.
    Nous sommes d'accord pour dire que les personnes handicapées devraient avoir accès au premier volet de l'aide médicale à mourir comme les autres Canadiens — c'est ce que je pense —, mais pas avant d'arriver à la fin de leur vie. Ce n'est pas le travail de l'État de tuer des personnes handicapées parce qu'elles souffrent. Ce n'est pas le travail de l'État d'essayer, dans la mesure du possible, d'atténuer ces souffrances d'une certaine façon.
    Merci. Le temps est presque écoulé.
    Pour terminer, nous allons entendre M. MacGregor. Vous avez cinq minutes à votre disposition.
    Merci beaucoup, madame la coprésidente, et merci à tous les témoins qui se joignent à nous aujourd'hui.
    Je suis également en Colombie-Britannique, et je sais donc à quel point il est tôt.
    C'est une question très difficile à étudier pour le Comité, et nous avons sans aucun doute entendu des témoignages déchirants. Nous savons qu'il y a beaucoup trop de personnes handicapées au Canada qui vivent sous le seuil de la pauvreté.
    J'ai un concitoyen qui est un véritable militant dans ce domaine. Il a inventé le terme « pauvreté législative », et il a exhorté à maintes reprises le gouvernement fédéral à en faire plus, surtout sur le plan de l'aide financière à cause du niveau de soutien actuellement accordé aux personnes handicapées. Nous savons que cela existe.
    Madame Linton, j'aimerais commencer par vous compte tenu du domaine de recherche dans lequel vous travaillez.
    Pour que nous sachions à quoi nous en tenir, avez-vous des chiffres à donner au Comité à propos du nombre de personnes handicapées qui vivent dans un établissement? De quelle proportion de la communauté parlons-nous?
(0930)
    Je vous remercie pour la question.
    Une des difficultés réside dans le fait que le gouvernement n'a pas fait de recensement de la population en établissement depuis l'Enquête sur la santé et les limitations d'activités de 1991. À l'époque, il était utile de faire ce recensement à la suite d'une audience de Comité semblable à celle‑ci qui a révélé les répercussions importantes des établissements et plus particulièrement des obstacles auxquels se heurtent les personnes handicapées au Canada.
    Depuis, nous n'avons plus d'information à jour sur la taille de la population institutionnalisée. Nous savons qu'il y a actuellement plus de 100 000 personnes qui vivent en établissement. Si nous incluons les établissements de soins de longue durée, il y en a environ 190 000. Ces chiffres proviennent de l'enquête de Statistique Canada sur les établissements de soins pour bénéficiaires internes.
    Il est notamment difficile de comprendre la situation dans les établissements puisque l'enquête sur les personnes handicapées au Canada n'est pas menée auprès des personnes institutionnalisées. Nous ne savons donc pas ce qui se passe dans ces établissements. Nous ne savons également pas comment les différents projets de loi d'initiative ministérielle qui visent à mettre fin à la pauvreté chez les personnes handicapées auront une incidence sur les personnes institutionnalisées, car on ne parle pas du même niveau de pauvreté législative dans les établissements. En Ontario, l'aide est d'environ 149 $ par mois, et ailleurs au Canada, elle atteint un maximum de 300 $. Imaginez-vous vivre avec 300 $ par mois.
    Nous n'avons pas beaucoup de chiffres, et je pense que c'est un des aspects les plus préoccupants du dossier. Nous ne connaissons pas la taille de la population touchée par l'institutionnalisation, et nous ne savons pas combien de personnes, en particulier les personnes qui souffrent de troubles mentaux, seront dorénavant incluses en vertu des modifications au deuxième volet.
    Je suis désolé de vous interrompre. Il ne me reste qu'une minute et demie, et je veux vous poser une autre question.
    Nous savons que la pandémie a grandement attiré l'attention sur les conditions dans les établissements de soins de longue durée, ce qui a certainement lancé une discussion sur l'adoption de normes nationales pour ces établissements. Pouvez-vous également étoffer ce que vous avez dit à propos des conditions?
    Je sais que certains établissements doivent être bien dotés en personnel et offrir des services de soutien exceptionnels. Il doit y en avoir de toutes les sortes. Pouvez-vous en dire également un peu plus long là‑dessus, s'il vous plaît?
    Oui. Nous avons pris un peu connaissance de la situation dans les établissements de soins de longue durée grâce aux reportages sur la COVID‑19, mais d'autres types d'établissements pour personnes handicapées, en particulier des établissements de soins collectifs non réglementés comme les centres hospitaliers d'hébergement, les foyers de soins spéciaux et d'autres établissements de soins pour bénéficiaires internes, n'ont pas été exposés autant.
    Ce que nous savons, c'est que dans les nombreux établissements non réglementés où, en Ontario seulement, des dizaines de milliers de personnes vivent, il y a notamment des coquerelles et quatre personnes dans la même pièce. Pendant la COVID, on leur a demandé de dormir tête-bêche pour éviter la propagation de l'infection. Dans presque tous ces établissements, il y a des insectes nuisibles, comme des coquerelles et des punaises de lit, des aliments pourris et un manque de personnel, c'est‑à‑dire une seule personne qui se démène au salaire minimum. Les conditions dans ces établissements sont vraiment horribles, et nous continuons de voir des incendies et un nombre élevé de décès attribuables à la COVID et à d'autres infections.
    Merci, madame Linton.
    Nous allons passer à notre prochaine série de questions.
    Je vais céder la parole à mon coprésident, M. Garneau, pour qu'il gère les interventions des sénateurs.
(0935)
    Nous allons commencer par la sénatrice Mégie.

[Français]

     Madame la sénatrice, vous avez la parole pour trois minutes.
     Dans un premier temps, madame Frazee, que diriez-vous aux personnes handicapées qui ont demandé devant nous de ne pas être considérées comme étant vulnérables et incapables de prendre leurs décisions, et donc de ne pas être assujetties à une certaine forme de paternalisme?
    Il y a tout un réseau de personnes handicapées que vous rencontrez assez souvent. Certaines pensent peut-être comme vous, mais que répondriez-vous à celles qui demandent qu'on les laisse décider pour elles-mêmes?
    Dans un deuxième temps, madame Linton ou madame Grant, si le gouvernement instaurait un programme de revenu minimum garanti pour les personnes handicapées, pensez-vous que cela diminuerait leur envie de demander l'aide médicale à mourir?

[Traduction]

    Merci.
    Pour répondre très brièvement à la question de la sénatrice, à une personne handicapée qui me dit qu'elle n'est pas vulnérable et qu'elle a le droit de prendre ses propres décisions, je répondrais que je suis parfaitement d'accord et que c'est la raison pour laquelle je travaille fort pour que nos droits soient entièrement et clairement protégés par le Code criminel, et que si nous pouvons prendre plus de 60 secondes pour discuter, je suis tout à fait disposée à le faire. Ce serait ma réponse.
    Il reste environ une minute, madame Grant, si vous voulez répondre à la deuxième question.
    Je pense qu'il y a différents niveaux à cela.
    Compte tenu des préjudices que Mme Frazee a décrits et que Mme Linton nous a montrés, je ne pense pas qu'un revenu minimum garanti signifierait qu'il est acceptable de tuer des personnes handicapées qui ne sont pas à la fin de leur vie. Je pense que les inégalités et les préjudices du deuxième volet de l'aide médicale que Mme Frazee a décrits se poursuivent, non seulement pour les personnes qui choisissent l'aide médicale à mourir, mais aussi pour toutes les personnes qui ont l'impression que le Comité et la mesure législative adoptée par le gouvernement dévalorisent leur vie, et je ne pense donc pas...
    Mme Isabel Grant: Je suis désolée. Allez‑y.
    Le coprésident (L'hon. Marc Garneau): Nous passons maintenant à Mme Linton. Je vous demanderais d'être brève, s'il vous plaît.
    Je ne pense pas qu'un programme de revenu garanti réduirait la propension des gens à recourir à l'aide médicale à mourir. Un tel programme pourrait améliorer la qualité de vie de bon nombre de personnes, mais je ne pense pas qu'il entraînerait dans le système de soins des changements qui permettraient aux gens de vivre dans la communauté ou selon le mode de vie qu'ils souhaitent.
    Nous passons au sénateur Kutcher.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ai deux questions pour Mme Linton et Mme Grant. J'espère pouvoir les poser toutes les deux.
    Personne ne veut que les personnes handicapées demandent l'aide médicale à mourir à cause d'un manque de ressources. Nous appuyons tous le droit de vivre dans la dignité. J'aimerais toutefois vous soumettre un autre scénario. Une personne handicapée apte, qui jouit d'une situation socioéconomique stable et qui n'a pas besoin de services additionnels devrait-elle avoir accès à l'aide médicale à mourir?
    Nous allons commencer par Mme Grant.
    Je répondrais par la négative si la personne n'est pas en fin de vie. Les personnes aptes qui ne sont pas en situation de handicap ne sont pas admissibles à l'aide médicale à mourir. Je ne vois pas pourquoi une personne apte en situation de handicap y serait admissible.
    Madame Linton, allez‑y.
    Je ne crois pas qu'une personne qui est apte ou qui jouit d'un soutien socioéconomique devrait forcément se donner la mort ou laisser l'État la tuer.
    Qu'adviendrait‑il d'une personne handicapée dans la même situation, mais aux prises avec une douleur chronique incessante et intolérable depuis des décennies? Doit‑on lui refuser l'accès à l'aide médicale à mourir parce qu'elle est en situation de handicap?
    Cette personne se voit couper l'accès à des traitements efficaces de gestion de la douleur. La crise des opioïdes montre à quel point les patients aux prises avec de la douleur sont lésés par le manque d'accès à de bons analgésiques.
    Si nous nous soucions vraiment d'elles, nous devons en faire plus pour apaiser le mal des personnes aux prises avec une douleur incessante. Fournissons-leur des médicaments appropriés au lieu de leur offrir de mourir. Certaines personnes recourent à l'aide médicale à mourir parce qu'on a coupé leur accès aux antidouleurs. C'est le deuxième volet de l'aide médicale à mourir.
(0940)
    Je vis avec une douleur chronique incessante. Ma vie, par ailleurs fantastique, est plus compliquée qu'elle le devrait à cause du manque d'accès aux traitements de gestion de la douleur. Je ne pense pas que je devrais mourir parce que j'ai mal. Je mène vraiment une très belle vie.
    Je pense que les personnes handicapées, aux prises ou non avec la douleur, ont la possibilité ou devraient avoir la possibilité de vivre une vie merveilleuse. Il n'y a pas énormément de gens...
    Je veux être certain de bien comprendre. La présence de douleur aiguë, incessante et intolérable — je ne parle pas de votre douleur, mais de celle de quelqu'un d'autre — ne devrait jamais être un facteur d'admissibilité à l'accès à l'aide médicale à mourir.
    Ce ne devrait pas être un facteur pour les personnes qui ne sont pas en fin de vie. C'est un problème de gestion de la douleur et d'accès aux antidouleurs.
    Merci, sénateur Kutcher.

[Français]

     Nous passons maintenant au sénateur Dalphond.

[Traduction]

    Merci aux témoins de comparaître aujourd'hui.
    J'ai déjà entendu des tenants de cette position. Leur cause est très claire. Ils veulent prévenir la détérioration de la situation des personnes handicapées en réclamant davantage de soutien et de ressources. Personne ne niera que ce problème est pressant.
    Je pense toutefois que personne ne devrait être privé du droit de choisir. Je pense à quelqu'un comme Mme Gladu, qui jouissait d'une bonne situation socioéconomique, mais qui a demandé l'aide médicale à mourir après avoir décidé, à un certain point, qu'elle voulait mourir selon ses propres conditions. Elle est morte de causes naturelles dans l'année qui a suivi.
    Si je comprends bien, vous lui refuseriez le droit de faire une demande d'aide médicale à mourir. Votre position est limpide. Merci de cette clarté.
    Ma question s'adresse à Mme Linton.
    Vous avez dit que l'hécatombe chez les personnes handicapées était causée par le deuxième volet de l'aide médicale à mourir. Vous appuyez-vous sur des données pour faire cette affirmation? Comme vous êtes chercheuse, je présume que vous parlez des résultats de vos travaux.
    Le deuxième volet est en place depuis au moins deux ans. Vous avez dit qu'un nombre très élevé de personnes avaient reçu l'aide médicale à mourir. Pourriez-vous donner des chiffres?
    Nous n'avons pas accès aux chiffres, car le comité de l'aide médicale à mourir ne s'est pas penché précisément sur l'institutionnalisation. Malgré mes recommandations, ces chiffres ne sont pas pris en compte lors de la collecte des données.
    Le Canada est le pays où les services d'aide médicale à mourir sont les plus utilisés. Il suffit de regarder la une des journaux, ou seulement les pages de la nécrologie, pour se rendre compte que les décès de personnes handicapées en raison de l'aide médicale à mourir sont nombreux. Une multitude d'histoires sont publiées. Le rapport sur l'aide médicale à mourir renferme aussi un grand nombre de statistiques.
    Nous n'avons pas de chiffres clairs sur le nombre de personnes en institution. Comme je le disais plus tôt...
     Pouvons-nous affirmer, alors, que les seuls chiffres que vous avez proviennent des histoires relatées dans les journaux et que les histoires de personnes que nous avons rencontrées sont plus nuancées?
    Je dirais que le rapport dont le dépôt est prévu dans la loi renferme beaucoup de statistiques.
     Je pense aussi que les histoires relatées par les gens et qui sont rapportées dans les journaux doivent être lues, car comme je le disais dans ma déclaration...
    Je suppose que vous avez également examiné les résultats de la Belgique et des Pays-Bas.
    Oui.
    Vous avez vu alors que de nombreuses personnes handicapées demandaient l'aide médicale à mourir.
    Oui.
    C'est ce que vous avez dit.
    Oui.
    Merci.

[Français]

     Merci, sénateur Dalphond.

[Traduction]

    Passons à la sénatrice Wallin pour six minutes.
    Sénatrice Wallin, êtes-vous avec nous?
(0945)
     La sénatrice Wallin connaît des difficultés techniques. Elle n'est pas avec nous en ce moment.
    Merci, sénatrice Martin.
    Je vous cède alors la parole pour trois minutes.
     Merci à tous nos témoins.
    J'ai quelques questions pour Mme Grant.
    Pourrions-nous intégrer des mesures de protection au deuxième volet qui élimineraient la discrimination envers les personnes handicapées?
    Merci.
    Je ne pense pas que nous puissions en instaurer. La seule mesure de protection que nous pouvons mettre en place est de s'assurer que les personnes qui accèdent à l'aide médicale à mourir sont bel et bien en fin de vie. La mort ne peut pas devenir une solution à la souffrance des personnes handicapées.
    Vous avez qualifié de catastrophe imminente la mise en œuvre de l'aide médicale à mourir pour les personnes aux prises avec la maladie mentale. Pourriez-vous étayer votre position sur l'aide médicale à mourir dans les cas où la seule affection est la maladie mentale et peut-être dire un mot sur le rapport du groupe d'experts?
    Je trouve le contenu du rapport du groupe d'experts très préoccupant, mais je suis certaine que vous n'êtes pas surpris. À mon avis, l'absence de données probantes sur l'aspect irrémédiable ou non de la maladie mentale et l'impossibilité de détecter celle‑ci n'ont pas été prises en compte. Je trouve profondément troublantes les données selon lesquelles, en Belgique et aux Pays-Bas, jusqu'à 70 % des personnes qui accèdent à ce service sont des femmes et que bon nombre ont vécu un traumatisme.
    J'ai beaucoup travaillé dans le domaine de l'internement civil en Colombie-Britannique. Le fait que le rapport recommande que des personnes qui sont détenues par l'État, qui sont traitées contre leur gré et qui ont perdu tous leurs droits et toutes leurs libertés aient accès à l'aide médicale à mourir est un désastre annoncé sur le plan des droits de la personne. Les conditions lamentables dans les hôpitaux psychiatriques peuvent pousser des patients à penser que la mort est préférable à la vie. Le fait que des personnes hospitalisées parce qu'elles sont suicidaires et qui sont détenues contre leur gré pour cette raison puissent avoir accès à l'aide médicale à mourir est extrêmement troublant.
    Monsieur le coprésident, me reste‑t‑il du temps?
    Il vous reste une minute, sénatrice Martin.
    D'accord. Je vais être brève.
    Ma dernière question s'adresse à Mme Frazee.
    Selon vous, de quelle manière la loi sur l'aide médicale à mourir peut-elle toucher les personnes qui ne demandent ou ne reçoivent pas ce service?
    Une des meilleures façons de l'expliquer est de prendre un exemple dans un autre domaine du droit.
    Les lois et les tribunaux exercent une des plus grandes influences culturelles dans la société. Le mois dernier, dans sa conférence prononcée à la Munk School, la sociologue de Harvard Michèle Lamont a souligné qu'une baisse importante des tentatives de suicide avait été observée chez les étudiants collégiaux de la communauté LGBTQ à la suite de l'adoption, dans 32 États américains, de lois sur le mariage entre conjoints de même sexe. Ces étudiants n'étaient pas en train de faire des plans de mariage; ils avaient plutôt soif de validation. Il a suffi de ce changement législatif, simple et monumental à la fois, pour leur donner espoir.
    Voilà comment interagissent les lois et la culture. Les changements apportés à la loi sur l'aide médicale à mourir influeront considérablement sur la mesure à laquelle les personnes handicapées se sentiront acceptées et valorisées au pays.
    Merci de votre question.
    Je vous cède la parole, sénatrice Martin.
     La sénatrice Wallin est en ligne. Pourriez-vous, s'il vous plaît, lui laisser la parole?
     Je suis ravie de l'apprendre.
    Sénatrice Wallin, vous avez trois minutes.
    À présent que j'ai désactivé le mode sourdine, j'espère que vous pouvez m'entendre. Comme vous l'avez constaté, j'ai eu des problèmes techniques.
    Je suis désolée, mais en raison de ces problèmes, je ne sais pas qui a dit cela, mais quelqu'un a parlé d'une hécatombe chez les personnes handicapées causée par le deuxième volet de l'aide médicale à mourir.
    Encore une fois, il est très important de fournir des sources et des références pour appuyer des affirmations comme celle‑là lors des témoignages devant les comités parlementaires. L'allégation selon laquelle le deuxième volet de l'aide médicale à mourir aurait causé une hécatombe est extrêmement grave.
    J'ai besoin de clarifications.
     L'aide médicale à mourir est une loi canadienne. Ce serait y contrevenir que de l'offrir aux personnes aptes, mais pas aux personnes handicapées. Vous devez avoir le même choix. Tout le monde doit avoir le même choix en vertu des lois canadiennes. C'est un choix dont l'accès est universel.
     Je me demande quelles sont les données probantes sur l'hécatombe des personnes handicapées causée par le deuxième volet de l'aide médicale à mourir. Quelqu'un peut‑il répondre à cette question?
(0950)
    La question s'adresserait à Mme Linton, puisque c'est elle qui a fait l'affirmation.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je fournirai avec plaisir des données probantes par écrit après la séance, si vous le souhaitez.
    Ce que je voulais dire, c'est que l'hécatombe en question touche des personnes handicapées qui cherchaient désespérément à quitter l'établissement où elles sont mortes. Depuis 150 ans, nous voyons mourir en grand nombre les personnes handicapées en institution. Les établissements écourtent la vie des patients et les rapprochent de la mort. Le deuxième volet a accéléré la mort des patients en institution, comme en témoignent bon nombre de cas que nous avons vus. Je peux vous envoyer les descriptions de ces cas par courriel.
    Il est important de reconnaître que des personnes handicapées meurent à cause du deuxième volet de l'aide médicale à mourir offert en institution.
     Je suis désolée, mais je dois vous demander de clarifier.
    Vous avez dit que les personnes handicapées en institution mouraient à cause du deuxième volet. Or, ces personnes doivent être admissibles à l'aide médicale à mourir pour la recevoir.
    Tout à fait, mais comme Mme Frazee le disait, il y a un effet domino. Les personnes meurent, évidemment, parce qu'elles sont admissibles — justement en raison de leur handicap —, mais aussi en raison de l'effet domino des changements...
    D'accord. Les témoins qui comparaissent devant les comités de la Chambre et du Sénat doivent faire attention aux termes qu'ils emploient.
    Si vous pouvez fournir des preuves selon lesquelles les personnes meurent en institution, c'est une chose, mais nous ne pouvons pas inscrire dans le compte rendu qu'il y a une hécatombe chez les personnes handicapées à cause de l'aide médicale à mourir. Comme cet énoncé n'est pas, à mon avis, un fait, cela complique notre examen des témoignages.
    Est‑ce que..
    Merci. Voilà qui met fin aux témoignages du premier groupe de témoins.
    Nous allons laisser le soin à la sénatrice Martin de conclure.
    Merci, monsieur le coprésident, et merci à tous les témoins.
    Comme cela vous a déjà été demandé, à vous madame Linton, et à vous aussi plus tôt, madame Frazee, si vous pouviez fournir d'autres commentaires et documents au Comité, nous vous en serions reconnaissants.
    Merci encore une fois aux témoins. Nous allons suspendre la séance quelques instants pour nous préparer à accueillir le deuxième groupe de témoins.
(0950)

(0955)
     Nous reprenons la séance, chers collègues. Merci.
    Je vais formuler quelques consignes à l'intention des témoins qui se joignent à nous....
    Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous désigne par votre nom. Je vous rappelle que toutes vos interventions doivent être adressées aux coprésidents. Veuillez parler lentement et clairement. L'interprétation des témoignages par vidéoconférence fonctionnera comme pour les témoignages en personne. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet, l'anglais et le français. Lorsque vous ne parlez pas, veuillez mettre votre microphone en sourdine.
    Sur ce, nous accueillons le dernier groupe de témoins dans le cadre de cette étude, après quoi nous passerons au plan de travail et à la rédaction du rapport.
    Merci aux témoins présents en personne, Mme Jennifer et M. Mike Schouten, et merci au témoin par vidéoconférence, M. Kevin Liu. Vos interventions, les dernières de notre série de témoignages, sont très importantes dans le cadre de notre étude. Donc, merci d'être parmi nous.
    Nous allons commencer par M. Kevin Liu, suivi de M. et Mme Schouten.
    Monsieur Liu, la parole est à vous pour cinq minutes.
     Bonjour. Je me sens honoré de témoigner devant le Comité.
     Je comparais aujourd'hui en tant que jeune auteur d'une étude menée auprès d'autres jeunes âgés de 16 à 24 ans. L'étude avait pour objet de recueillir l'opinion de ces jeunes sur l'aide médicale à mourir à l'intention de la population générale et à l'intention des mineurs. Concrètement, nous avons mené cinq groupes de discussion de trois à cinq participants. C'est à ma dernière année d'études secondaires, à 18 ans, que j'ai amorcé le projet dans le cadre du programme d'éthique de la recherche sur l'enfance de l'Université McGill, ou VOICE en anglais. Le projet s'est terminé récemment. Un article est un cours de révision en prévision de sa publication.
     J'ai 23 ans. Je suis conseiller jeunesse au conseil consultatif du programme VOICE, qui a contribué à la rédaction d'une déclaration qui figure dans un rapport commandé par la Commission sur les soins de fin de vie du ministère de la Santé du Québec. Franco Carnevale a présenté le rapport au Comité dans le cadre de son témoignage lors d'une séance précédente.
    Je n'ai eu que 48 heures pour préparer ma comparution parallèlement à mes études à temps plein à l'école de dentisterie. J'ai essayé de me préparer le mieux possible en fonction du temps dont je disposais.
    Mes commentaires ce matin sont tirés des résultats de l'étude dont je parlais sur l'opinion des jeunes sur l'aide médicale à mourir à l'intention de la population générale et à l'intention des adolescents. Veuillez noter que ni moi ni les participants à l'étude ne sommes aux prises avec une maladie limitant l'espérance de vie et que nous faisons partie de la population générale.
    Parmi les résultats pertinents de l'étude...
(1000)
    Monsieur Liu, je suis désolée de vous interrompre. Auriez-vous l'obligeance de ralentir?
    Oui, bien sûr.
    C'est pour nos interprètes. En plus, il n'y a pas de son.
    D'accord, si vous pouviez ralentir un peu... Nous avons aussi un petit problème technique. Donc, si vous le voulez bien, vous pourriez peut-être revenir en arrière et reprendre votre phrase là où je vous ai interrompu.
    Merci.
    D'accord, bien sûr.
    Très bien. Veuillez poursuivre.
    Merci.

[Français]

     Madame la présidente, si je peux me permettre, il est vrai que l'interprétation était rapide, mais ici, nous l'entendions, nous n'avons rien manqué.
    Le son dans la salle était trop fort.

[Traduction]

    Je vois. Le son était trop fort.
     Monsieur Liu, pourriez-vous ralentir un peu? Pour le reste, nous avons pu vous entendre.
    Je suis désolée de cette interruption. Nous vous écoutons.
    Il n'y a pas de souci.
    Mes commentaires ce matin sont tirés des résultats de l'étude concernant l'opinion des jeunes sur l'aide médicale à mourir à l'intention de la population générale et à l'intention des adolescents. Veuillez noter que ni moi ni les participants à l'étude ne sommes aux prises avec une maladie limitant l'espérance de vie et que nous faisons partie de la population générale.
    Parmi les résultats pertinents de l'étude, mentionnons les suivants.
    Les jeunes sont capables de comprendre les éléments de l'aide médicale à mourir, de formuler des idées sur le sujet et d'éprouver de l'empathie à cet égard. Ils sont capables et désireux de réfléchir à des enjeux de grande importance et de contribuer aux décisions difficiles qui peuvent s'y rattacher.
    Les participants à notre étude ont exprimé des aspirations et des préoccupations quant à la manière dont l'aide médicale à mourir devrait être mise en œuvre. Ils ont démontré une capacité et une volonté d'explorer, de démêler, d'imaginer et de comprendre les multiples dimensions de l'aide médicale à mourir. Ils ont fait preuve d'un grand sens des responsabilités envers les autres, en se montrant soucieux des personnes endeuillées et en tenant compte des interactions et des relations entre les différents intervenants en matière de soins en fin de vie.
    Ils ont clairement formulé ce qui, selon eux, pouvait être en jeu. Ils ont compris et exprimé comment chaque cas d'aide médicale à mourir comporte des nuances, reconnaissant ainsi que tous les individus sont uniques, animés de valeurs et de motivations différentes en ce qui concerne l'aide médicale à mourir.
    Les participants ont cherché à comprendre en quoi consiste la « maturité », d'après eux, dans le contexte de l'aide médicale à mourir pour les mineurs matures et comment la maturité pourrait, ou non, être un facteur pertinent dans la décision d'élargir la portée des dispositions législatives sur l'aide médicale à mourir pour y inclure les mineurs.
    Par ailleurs, les participants ont manifesté une volonté d'exprimer leur point de vue, et ils semblaient frustrés par le peu d'occasions qui leur étaient offertes à cet égard. Ils savent que les adultes peuvent exclure les jeunes parce qu'ils sous-estiment les capacités de ces derniers à contribuer à des décisions lourdes de conséquences, comme l'aide médicale à mourir et les questions de fin de vie en général. Les participants se sont prononcés contre une telle exclusion.
    En conclusion, les jeunes veulent participer activement aux conversations difficiles sur l'aide médicale à mourir, et ils sont capables de le faire. Je suppose que c'est aussi le cas pour les jeunes atteints d'une maladie limitant l'espérance de vie, qui pourraient se prévaloir de l'aide médicale à mourir si les critères d'admissibilité étaient élargis pour inclure les mineurs adultes.
    Les participants à notre étude ont été vraiment heureux de pouvoir s'exprimer sur un sujet qu'ils jugent important et qui les interpelle, mais dont ils n'ont jamais eu l'occasion de discuter jusque‑là.
     Je suis extrêmement reconnaissant d'avoir été invité à témoigner aujourd'hui. J'espère que d'autres jeunes auront plus d'occasions de faire entendre leur point de vue sur cette question, en particulier ceux qui sont mineurs, ceux qui sont atteints d'une maladie limitant l'espérance de vie, ceux qui pourraient être admissibles à l'aide médicale à mourir et d'autres jeunes vulnérables. Le fait de savoir ce qui est important pour ces jeunes dans le contexte de l'aide médicale à mourir et des soins en fin de vie peut aider à orienter les politiques futures et à garantir qu'elles correspondent aux intérêts des personnes à qui elles sont destinées.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup. Vous représentez à merveille votre génération aujourd'hui; c'était très efficace et très éloquent.
    Nous allons maintenant entendre M. et Mme Schouten. Je crois que vous allez partager votre temps de parole, qui sera de cinq minutes.
    Nous vous remercions infiniment de votre présence.
    Il y a aussi deux photos que vous avez distribuées aux membres de notre comité; ce sont des photos de votre fils décédé.
     Monsieur et madame Schouten, la parole est à vous.
     Nous vous remercions beaucoup de nous avoir invités ici pour vous parler de notre expérience aux côtés d'un enfant atteint d'une maladie terminale. Nous espérons que notre témoignage d'aujourd'hui vous sera utile dans le cadre de vos délibérations et de vos recommandations au Parlement.
    Ma femme va commencer, puis je conclurai.
    Voici notre cher fils, Markus. Le 26 février 2021, il a reçu le diagnostic du sarcome d'Ewing, une forme agressive de cancer des os. Après 20 séances de chimiothérapie, 25 séances de radiothérapie et de nombreuses interventions chirurgicales, dont le remplacement de la totalité de son bras droit par une prothèse interne, nous avons pris la décision, avec Markus et ses médecins, de mettre fin aux traitements curatifs et de nous concentrer plutôt sur la qualité de vie.
    Les soins de Markus ont alors été transférés du BC Children's Hospital au Canuck Place Children's Hospice. Les soins palliatifs que Markus a reçus chez nous visaient à soulager sa souffrance et à valoriser sa dignité. Les médecins et les infirmières savaient que ses jours seraient comptés, et leurs efforts lui ont permis de vivre les jours qui lui restaient le mieux possible.
    Markus voulait mourir chez lui, entouré de sa famille, mais il ne voulait pas non plus être en proie à la douleur et aux souffrances intenses qu'il savait devoir subir lorsque ses poumons se rempliraient de tumeurs.
    C'était un vendredi — le dernier vendredi que nous allions vivre avec notre fils. Ce jour‑là, l'infirmière Shana a évalué Markus et a dit: « Son temps est compté. » Elle nous a conseillé de profiter du temps qui nous restait pour transporter Markus au Canuck Place Hospice, à Vancouver. Compte tenu de l'intensité accrue de ses soins, nous avons accepté. Toute notre famille s'est réunie au centre de soins palliatifs et, en début de soirée, il semblait que Markus ne tiendrait que quelques heures de plus. Lorsque nos autres enfants lui ont chacun souhaité bonne nuit, Markus leur a dit qu'il les aimait et qu'il les reverrait au paradis.
    Mike et moi n'avons pas fermé l'œil de la nuit, et nous nous sommes relayés au chevet de Markus. Les infirmières ont continué de lui administrer ses médicaments, et Markus nous a assuré qu'il se sentait très bien et qu'il ne souffrait d'aucune douleur. À un moment donné, il m'a confié: « C'est comme ça que j'espérais que les choses allaient se passer. »
    Aux premières lueurs de l'aube, nous nous sommes aperçus que le bon Dieu avait en réserve une journée de plus pour Markus. Tôt ce matin‑là, les amis de Markus sont arrivés au centre de soins palliatifs et, ensemble, ils ont pleuré, ri et prié. Cet après-midi‑là, les deux grands-parents de Markus sont également venus lui faire leurs adieux. Tôt le dimanche matin, Markus ne réagissait plus, et sa respiration était devenue beaucoup plus superficielle. Un peu avant 14 h 30, la respiration de Markus s'est ralentie, et il a paisiblement pris son dernier souffle, entouré de nous tous.
(1005)
    Markus est décédé il y a tout juste 6 mois, le 29 mai 2022, soit seulement 15 mois après son diagnostic. S'il était ici aujourd'hui, il vous demanderait de ne pas autoriser l'euthanasie des mineurs, et ce, pour deux raisons.
    Premièrement, au début du mois, les médias ont rapporté que l'ACEPA, l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM, recommandait que les médecins soient tenus d'amorcer une discussion sur l'aide médicale à mourir avec les patients qui répondent aux critères d'admissibilité.
    Comme Jennifer vient de le souligner, Markus remplissait tous les critères d'admissibilité. Cela signifie que, si l'euthanasie des mineurs est autorisée, le jour viendra où des familles comme la nôtre, des parents d'enfants mourants, se sentiront dans l'obligation de mettre fin aux souffrances de leur enfant en demandant à un médecin de l'euthanasier.
    Chers membres du Comité, nous vous recommandons de ne pas élargir l'accès à l'euthanasie, car en donnant à certains mineurs le droit d'en faire la demande, vous mettez tous les mineurs et leur famille dans une position qui les oblige à l'envisager. Si cela était arrivé à Markus, le message qu'il aurait entendu aurait été clair: « Nous n'accordons pas de valeur à ta vie; nous pensons qu'elle ne vaut pas la peine d'être vécue et, si tu veux, nous pouvons y mettre fin pour toi. » Ce serait comme si nous lui disions: « Nous t'abandonnons. »
    Honorables députés, nous ne devrions jamais abandonner nos enfants.
    La deuxième raison pour laquelle nous vous recommandons de ne pas étendre la portée de l'aide médicale à mourir aux mineurs, c'est qu'en faisant cela, vous éliminez la possibilité de vivre des expériences incroyablement belles.
    Lorsque nous sommes allés au Canuck Place Children's Hospice, nous ne savions pas combien de temps Markus allait vivre. Au départ, nous ne voulions même pas y aller, mais notre séjour là‑bas nous a permis — à nous et à Markus — de profiter de chaque moment passé ensemble. Voici comment les choses se seraient passées si l'euthanasie avait été accessible aux mineurs: le vendredi soir, lorsque nous pensions que Markus allait nous quitter, après que nous avions tous pris le temps de lui faire nos adieux, cette option nous aurait paru inévitable, n'est‑ce pas? « C'est l'heure », aurait dit l'infirmière. « C'est la chose à faire par compassion. Il n'a plus besoin de souffrir. »
    Mais alors, nous n'aurions pas eu l'occasion de passer cette très belle journée, le samedi, avec notre fils, notre frère et notre ami. Nous avons beaucoup souffert avec Markus, et il nous manque terriblement, mais Markus nous a montré comment trouver un sens à la souffrance, et il ressentait de la gratitude pour chaque jour que le bon Dieu lui faisait cadeau.
    Par conséquent, au nom de Markus et de notre famille, nous recommandons de tout cœur au Comité de ne pas rendre l'aide médicale à mourir accessible aux mineurs et de se concentrer plutôt sur les efforts destinés à fournir, avec efficacité, les ressources et les soins palliatifs nécessaires pour assurer la meilleure qualité de vie, même lorsqu'une personne est en train de mourir.
    Je vous remercie.
(1010)
     Monsieur et madame Schouten, merci beaucoup de nous avoir fait part de votre témoignage courageux ce matin. Je ne peux pas imaginer être à votre place. Voilà qui était très inspirant.
    Nous allons maintenant passer à notre première série de questions.
    Monsieur Cooper, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, madame la coprésidente.
    Je remercie les témoins.
     J'aimerais surtout vous remercier, monsieur et madame Schouten, de votre témoignage puissant et poignant. Je vous offre mes condoléances pour la perte de votre fils.
     Je voudrais commencer par une question générale. On dirait bien que votre fils Markus n'avait aucune envie de mourir. Il voulait vivre.
    Cependant, nous avons aussi entendu le témoignage d'une mère dont le fils avait 16 ans. Il n'avait pas accès à l'aide médicale à mourir. Dans son témoignage percutant devant le Comité, elle a expliqué que si son fils avait eu l'option de l'aide médicale à mourir, il aurait pu mettre fin à ses souffrances un peu plus tôt avant son décès.
    Que diriez-vous dans une telle situation? Que répondriez-vous au cri du cœur que cette mère a lancé à notre comité?
    Je vous remercie de votre question.
    Je pense qu'il ne faut pas oublier que tout est une question de perspective. Nous devons également reconnaître l'influence et la capacité des parents, du gouvernement et des fournisseurs de soins de santé à influencer les enfants de notre pays. S'il s'agit d'une perspective selon laquelle la souffrance va s'aggraver, que des choses inimaginables peuvent ou pourraient vous arriver et que votre vie risque d'être très courte, alors cela mènera au désespoir. Comme Viktor Frankl l'a dit un jour: « Le désespoir est une souffrance sans signification. »
    Si c'est la perspective que nous dépeignons aux enfants qui souffrent d'une maladie en phase terminale, alors je suis d'accord avec vous pour dire que cela peut mener au désespoir, d'où la possibilité d'une demande d'aide médicale à mourir, mais il y a aussi la perspective que nous avons vécue dès le jour où l'oncologue de Markus lui a dit qu'il n'y avait plus rien à faire. Lorsque Markus lui a demandé combien de temps il lui restait, le médecin lui a répondu: « Nous ne savons pas. Nous n'allons pas nous concentrer là‑dessus. Nous allons plutôt nous concentrer sur les mesures à prendre pour que tu puisses bien vivre chaque jour qui te reste. Nous allons faire tout notre possible pour que tu aies la meilleure qualité de vie possible pendant les jours qu'il te reste à vivre. » Voilà une perspective qui ne mène pas au désespoir.
    Il s'agit d'une perspective qui n'amène pas les gens à demander à leur médecin de les euthanasier.
    Je vous remercie de votre réponse.
    Monsieur Schouten, vous avez mentionné dans votre témoignage que l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM a recommandé que les médecins soient tenus de mentionner ou d'évoquer l'aide médicale à mourir lorsque leurs patients remplissent les conditions d'admissibilité. Pouvez-vous nous parler de l'incidence que cela pourrait avoir en matière de soins de fin de vie, surtout pour les mineurs matures si l'aide médicale à mourir leur était offerte?
    Je pense que, comme nous l'avons vu auprès d'autres groupes démographiques de notre pays, l'obligation d'envisager cette option est de plus en plus invoquée. Pendant notre séjour au centre de soins palliatifs Canuck Place, nous avons exprimé plus d'une fois notre gratitude pour le fait que l'euthanasie pour les enfants n'était pas légale au Canada et qu'elle ne faisait pas partie de l'ensemble des options dont disposaient les médecins et les fournisseurs de soins de santé pour traiter notre fils.
    Tous ses traitements, tous ses soins, étaient axés sur son bien-être. Vers la fin, chaque jour, chaque heure, chaque instant comptait. Quand ces ressources sont là, une personne mourante ne demande pas à son médecin de mettre fin à sa souffrance en l'euthanasiant.
(1015)
    D'accord. Je vous remercie.
    Pouvez-vous nous parler de l'expérience de Markus en ce qui concerne les soins qu'il a reçus en fin de vie, et comment cela se compare‑t‑il aux soins palliatifs et aux soins de longue durée que la plupart des adultes reçoivent?
     Environ 6 mois avant le diagnostic de Markus, j'avais un oncle de 69 ans qui a reçu un diagnostic de cancer de l'estomac. Il n'a eu son premier rendez-vous avec un oncologue qu'après son décès.
    Nos médecins, dans le réseau des soins pour enfants, agissaient toujours en amont. La femme de mon oncle a dû courir partout pour essayer de lui trouver un traitement, pour essayer de trouver le bon médicament, pour s'occuper de chaque symptôme qui apparaissait.
    Dans notre cas, grâce au BC Children's Hospital et au Canuck Place Children's Hospice, les fournisseurs de soins avaient toujours une longueur d'avance sur nous, si bien que, comme ma femme l'a dit, ce vendredi matin‑là, ils savaient que le moment était venu. Ils savaient que Markus voulait rester à la maison, mais ils ont dit que si nous avions le temps de nous rendre au Canuck Place Children's Hospice, c'était le moment de le faire.
     Cela a permis à notre famille de passer chaque dernier instant avec Markus, de lui assurer une bonne qualité de vie, de profiter de chaque moment que nous avions avec lui, de partager des rires, des souvenirs, de l'entendre nous répéter qu'il nous aimait. Durant son séjour au centre de soins palliatifs, il a dit — comme Jennifer l'a mentionné dans son témoignage — que c'est ainsi qu'il espérait que les choses se passeraient, entouré de sa famille, entouré de professionnels de la santé qui ne l'ont pas abandonné, qui n'ont pas dit: « Ta vie ne vaut pas la peine d'être vécue. Tu devrais peut-être nous demander d'y mettre fin. » Ils ont considéré que sa vie valait la peine d'être vécue jusqu'au moment où il est décédé au centre de soins palliatifs.
     Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Arseneault.
    La parole est à vous pour cinq minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    J'aimerais d'abord saluer les témoins d'aujourd'hui.
    Monsieur et madame Schouten, je voudrais surtout souligner votre courage. Il vous est arrivé la pire chose qui puisse arriver à des parents. Je l'ai vécu par personne interposée, puisque mes parents ont perdu leur fille, c'est-à-dire ma sœur. Nous lui avons tenu la main jusqu'à son dernier souffle. Je peux donc imaginer ce que c'est et j'ai vu à quel point cela a pu démolir mes parents. Je vous trouve courageux. C'est une épreuve difficile, mais il y a toujours une lumière au bout du tunnel.
    Monsieur Liu, vous nous avez dit que les jeunes voulaient avoir leur mot à dire et être entendus. En une phrase, comment pourriez-vous résumer la position des jeunes que vous avez entendus et consultés concernant l'aide médicale à mourir? Sont-ils favorables ou opposés à l'aide médicale à mourir pour des mineurs?

[Traduction]

    Bonjour. Merci de votre question.
    Il est un peu difficile d'y répondre, car comme les adultes, les jeunes ont aussi une grande variété de perspectives, d'opinions et de préférences sur le sujet. Il est difficile d'affirmer catégoriquement que les jeunes sont favorables ou non à ce sujet. C'est une question à laquelle il est difficile de répondre.
    Il est important de noter que l'absence de consensus ne signifie pas qu'il s'agit d'une politique insipide en soi, mais simplement qu'il y a des nuances. C'est une raison supplémentaire d'obtenir plus de points de vue de la part des jeunes, de mieux comprendre leurs préférences, leurs visions, de sorte que, encore une fois, nous soyons en mesure de faire progresser la politique d'une manière qui soit alignée sur ce qui est important pour eux.
    Toutefois, de manière générale, nous avons constaté qu'à la fin de nos groupes de discussion, un plus grand nombre de participants étaient favorables ou sensibles aux avantages de l'aide médicale à mourir et se sentaient plus à l'aise avec la capacité des jeunes de prendre des décisions difficiles comme celle‑ci.

[Français]

     Merci, monsieur Liu. Je reprendrai notre échange si j'ai le temps.
    Madame et monsieur Schouten, pourriez-vous me rappeler l'âge qu'avait votre fils à son décès?
(1020)

[Traduction]

    Quand Markus a reçu le diagnostic du sarcome d'Ewing, il était âgé de 17 ans, et à son enterrement, il avait 18 ans.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Si nous interprétons la cause Carter c Canada qui nous a amenés à l'ère de l'aide médicale à mourir au Canada, la personne doit être majeure au sens du Code criminel, c'est-à-dire qu'elle doit avoir 18 ans.
    Nous avons entendu beaucoup de témoins nous dire que, dans d'autres pays qui offrent l'aide médicale à mourir, même s'il n'y en a pas beaucoup, les enfants qui sont extrêmement malades et qui sont devenus matures à cause de leur maladie et de leur longue fréquentation des hôpitaux sont capables d'exprimer leur besoin d'avoir recours à l'aide médicale à mourir. Ces témoins nous ont dit que les parents devaient absolument être consultés, mais qu'en dernier ressort, c'est la position de l'enfant qui primait en matière d'aide médicale à mourir.
    Vous venez de vivre une cruelle expérience. Votre fils allait avoir 18 ans de toute façon et devenir majeur. Si l'aide médicale à mourir devait être offerte aux jeunes un jour au Canada, à partir de quel âge verriez-vous que ce soit possible? De plus, selon vous, quelles mesures de sauvegarde devraient être mises en place dans le cas d'un mineur mature?
    Dans ma tête, ce n'est pas encore clair.

[Traduction]

    Pourriez-vous répondre brièvement? Il reste moins d'une minute.
    Entendu. Je vais juste parler de notre expérience, parce que c'est l'expérience que nous avons vécue.
    Vendredi soir, Markus pensait qu'il allait partir, et il nous a tous appelés à son chevet pour nous dire qu'il nous aimait. Samedi matin, il était encore avec nous et je lui ai demandé, « Markus, veux‑tu que je demande si tes copains peuvent venir à l'hôpital? » — les amis que vous voyez sur la photo que vous avez sous les yeux —, ses yeux se sont illuminés et il a répondu, « Si tu pouvais, ce serait génial ». Il a pu passer 90 minutes avec eux, et il n'aurait pas eu ce temps si la décision quant à l'aide médicale à mourir avait été prise.
    Il a pu profiter de ce temps parce que ceux qui l'entouraient, de ses parents à ses fournisseurs de soins de santé, avaient à cœur sa dignité et sa vie, et ils ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour qu'il vive bien, même s'il était en train de mourir, même si, pendant deux mois, il s'enlisait vers la mort pendant que ses poumons se remplissaient de tumeurs.
    Il n'y a pas de chemin beaucoup plus terrible que nous puissions prendre, mais dans notre pays — et notre expérience en est la preuve —, nous pouvons prendre soin les uns des autres et donner cette dignité afin que la demande volontaire d'aide médicale à mourir n'ait plus lieu d'être.
    Nous allons maintenant passer...

[Français]

    Je remercie les témoins.

[Traduction]

    Monsieur Thériault, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

     D'abord, madame et monsieur Schouten, je voudrais vous exprimer mes sincères condoléances. Votre témoignage m'a beaucoup touché.
    Je comprends que vous êtes probablement encore dans le processus du deuil, et je souhaite que l'expérience que vous vivez aujourd'hui puisse apaiser vos souffrances et vous amener à bien vivre ce passage qu'est le deuil.
    Il y a une dame qui, comme vous, a témoigné devant le Comité dernièrement. Mon collègue M. Cooper en a parlé. Il s'agit de Mme Caroline Marcoux, qui était la mère de Charles Gignac. Son fils avait 17 ans et 9 mois au moment de son décès. Il souffrait lui aussi d'un cancer des os fulgurant. Deux ans jour pour jour après le diagnostic, il est mort sous sédation palliative, aux soins palliatifs. Il avait combattu la maladie — c'était un gaillard — dans toutes ses phases, mais il n'a jamais connu de répit ni de rémission et a toujours perdu.
    En sa mémoire, sa mère s'était engagée à venir témoigner pour nous dire que le libre choix est important. Pour Charles, l'aide médicale à mourir aurait été sa façon de gagner sur la maladie pour qu'elle ne détermine pas à sa place le moment de sa mort. Il désirait choisir ce moment et partir dans la sérénité, entouré des siens.
    Avant d'entendre votre témoignage, quand j'ai regardé les photos de votre fils entouré des siens, j'avais l'impression que nous aurions pu écouter un témoignage totalement différent. En effet, l'aide médicale à mourir se vit également dans un contexte de soins palliatifs.
    L'allocution de M. Liu soulève un questionnement chez moi. Je constate que les jeunes sont comme les adultes: certains sont en faveur de l'aide médicale à mourir, d'autres sont contre. Est-ce que le rôle de l'État n'est pas justement de garantir les conditions nécessaires à l'exercice du libre choix pour une décision aussi intime pour un être humain que celle de sa propre mort et de la manière dont il veut la vivre?
(1025)

[Traduction]

    Comme je l'ai dit plus tôt, je pense que tout est une question de perspective. Deux semaines avant le décès de Markus, quelqu'un nous a donné des fonds pour utiliser un Airbnb sur l'île de Vancouver. Nous avons failli ne pas pouvoir y aller, car en chemin, nous avons dû nous arrêter à l'hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique pour vider les poumons de Markus de deux litres de liquide. C'est à quel point il était malade. Cependant, comme on nous avait fait cadeau de ce temps précieux, il a voulu l'utiliser. Il a reconnu, comme je l'ai dit dans ma déclaration, que lorsqu'on interrompt la vie de façon non naturelle par l'aide médicale à mourir, on passe à côté de belles expériences que l'on peut vivre.
    C'est une chose de demander à des mineurs bien portants et en santé de notre pays, « Si vous recevez ce diagnostic et que votre vie vous semble si terrible, voudriez-vous l'aide médicale à mourir? » Ils répondent, « Je pense que oui. » C'est une tout autre histoire de le vivre soi-même ou avec son enfant et de disposer des ressources et des soins palliatifs pour traiter cette maladie.

[Français]

    Cependant, monsieur Liu vient de nous démontrer le contraire, à savoir qu'il ne semble pas y avoir de consensus parmi les jeunes en bonne santé.
    Madame Marcoux nous a dit qu'elle aurait appuyé Charles s'il avait choisi d'interrompre sa vie à un moment précis ou s'il avait décidé de poursuivre sa vie jusqu'à la fin en dépit de ses souffrances, ce qui s'est produit malgré lui.
    Si votre Markus vous avait dit qu'il voulait en finir maintenant, avec l'aide médicale à mourir, l'auriez-vous soutenu dans sa décision?
    Le rôle des parents est un autre élément que nous devons évaluer dans la décision d'élargir ou pas l'aide médicale à mourir.

[Traduction]

    Veuillez répondre très brièvement.
    Encore une fois, juste pour répéter, ce vendredi soir, Markus voulait mourir. Il était prêt à mourir. Il était prêt à aller à la rencontre de Jésus — il était chrétien — et il n'est pas décédé, puis le samedi, il a vécu de belles expériences avec ses meilleurs amis, sa famille et ses grands-parents.
    Markus voulait mourir. Il était prêt, mais s'il avait demandé au médecin le vendredi soir de mettre fin à ses jours, il aurait raté ces belles occasions.
    Merci, monsieur Schouten.
    Pour terminer, nous allons entendre M. MacGregor, qui a la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la coprésidente.
    Merci à tous nos témoins.
    J'aimerais commencer avec les Schouten. Premièrement, pour faire écho aux déclarations de mes collègues, j'aimerais vous remercier tous les deux du courage dont vous faites preuve de comparaître devant notre comité et de nous faire part de vos expériences personnelles avec votre fils Markus.
    Ce qui nous préoccupe ici, c'est le respect de l'autonomie d'une personne. Il y a une question que je veux vous poser.
    En vertu de la loi de la Colombie-Britannique — je suis également un résidant de la Colombie-Britannique —, nous avons une loi provinciale, l'Infants Act, qui définit le consentement du mineur mature. Essentiellement, en vertu de la loi provinciale, les enfants peuvent refuser des soins de santé si le fournisseur de soins de santé les évalue et détermine qu'ils ont la compréhension nécessaire pour donner ce consentement.
    Par exemple, si un enfant est atteint d'une maladie en phase terminale et que le fournisseur de soins de santé comprend qu'il peut donner son consentement, cet enfant peut dire: « Je ne veux pas que vous me réanimiez; je veux refuser qu'on m'alimente et je veux refuser toutes sortes de mesures pour me sauver la vie si mon organisme ne répond plus. »
    Je pourrais peut-être vous demander votre point de vue à ce sujet, car c'est une façon pour un enfant de moins de 18 ans de donner essentiellement son consentement, de dire qu'il ne veut pas être réanimé.
    Pouvez-vous peut-être formuler votre réponse? Il s'agit d'un enfant qui prend une décision sur ses soins en fin de vie. Selon vous, quelle est la différence avec un enfant qui utilise cette même autonomie pour dire, « Je veux choisir le moment et l'endroit de mon décès et peut-être le faire de manière à ce que les membres de ma famille et mes amis viennent à un moment prédéterminé pour partir ensuite comme je le souhaite? »
(1030)
    Deux choses me viennent à l'esprit lorsque vous posez votre question.
    D'une part, d'après notre expérience, tout au long du traitement de Markus, il était très impliqué, dès le premier mauvais scanner qui a montré qu'avant même d'avoir disparu, le cancer était revenu et avait atteint ses poumons. Markus a été consulté. C'est lui qui a décidé de poursuivre le traitement. C'est lui qui a pris cette décision le jour que mon épouse a évoqué, où notre oncologue a fait la déclaration suivante: « Nous ne pouvons plus rien faire. » C'est lui qui a décidé, avec nous, de dire: « Je veux un traitement qui me permette d'avoir la meilleure qualité de vie possible pendant les jours qu'il me reste à vivre. »
    L'autre pensée que j'ai eue lorsque vous avez posé votre question, c'est que je veux insister sur le fait que, lorsque vous rendez cette option disponible aux mineurs, des personnes comme Markus et des familles comme la nôtre seront dans une situation où ils seront obligés d'y réfléchir. Cela ne ressemble pas à de l'autonomie pour moi.
    D'accord. Je vous remercie de cette réponse et de cette perspective. Je respecte votre point de vue.
    Monsieur Liu, j'aimerais m'adresser à vous. Je vous suis reconnaissant de votre témoignage, car nous avons reçu un autre témoin qui a dit qu'il y avait un manque de consultation parmi les mineurs dans ce pays, et je vous suis reconnaissant des premières mesures que vous avez prises.
    Notre comité est chargé de déposer un rapport en février de l'année prochaine. Nous voulons qu'il reflète les témoignages, mais nous voulons aussi avoir des recommandations solides.
    De votre point de vue, qu'aimeriez-vous voir le gouvernement fédéral faire pour s'appuyer sur ce que vous avez déjà fait? Si vous le pouvez, prenez le temps qu'il me reste — une minute — pour parler du genre de recommandations que vous aimeriez voir dans notre rapport pour le gouvernement fédéral, afin de vous appuyer sur ce que vous avez déjà commencé.
    Oui, bien sûr. C'est une grande question. C'est bon si je prends quelques instants pour réfléchir? Je ne prendrai pas trop de temps. Je sais que le temps est limité.
    D'accord. Il reste environ une minute, alors allez‑y.
    Je pense bien qu'il serait important de consulter des jeunes rendus vulnérables qui ne feraient normalement pas partie de la population en général. Ce pourrait être des personnes qui ont des perspectives différentes et que cela pourrait toucher. Je pense à de jeunes autochtones et, encore une fois, à des mineurs. Je pense à des personnes qui sont en phase terminale d'une maladie et qui pourraient être admissibles à l'aide médicale à mourir. Je pense que cela a une valeur énorme.
    Un bon point de départ serait la création de conseils consultatifs pour les jeunes et la recherche proactive de leur contribution. Je crois qu'il est très difficile de trouver un jeune qui vous aborde et vous dit: « Oui, nous sommes des jeunes et nous voulons parler de l'aide médicale à mourir ». J'estime qu'il faut être proactif et miser sur l'approche active des jeunes. C'est assurément ce qu'il faut faire.
    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant céder la parole à mon coprésident pour la prochaine série de questions.
    Merci, sénatrice Martin.
    Nous allons commencer avec la sénatrice Mégie, pour trois minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Liu, des témoins nous ont demandé d'avoir le point de vue des jeunes sur la question. Je suis donc contente de vous avoir entendu aujourd'hui. Je voulais éclaircir certains points au sujet de l'étude que vous avez réalisée.
    D'abord, l'étude peut-elle être envoyée au Comité, si elle ne l'est pas déjà? Ensuite, quelle est la répartition démographique des jeunes que vous avez consultés? Viennent-ils en majorité de Montréal, de milieux urbains ou ruraux? Au total, combien de jeunes ont participé à votre étude?
(1035)

[Traduction]

    Oui, bien sûr. Je vous remercie de votre question.
    Je ne sais pas si je suis autorisé à soumettre l'étude, car elle est en cours d'examen par un journal, mais je peux vérifier auprès de mes directeurs de recherche. Si l'on m'y autorise, je serai heureux de vous faire parvenir le manuscrit.
    En ce qui concerne les informations démographiques, nous avons organisé cinq groupes de discussion, parmi des personnes âgées de 16 à 24 ans. L'étude a été menée à Montréal.
    Souhaitez-vous obtenir des données démographiques spécifiques pour chacun des cinq groupes de discussion?

[Français]

    Quand vous allez nous envoyer votre étude, je présume que cette information y figurera. Je vous remercie.
    Monsieur et madame Schouten, je vous salue. Je pense que ce que vous avez vécu est la pire chose qui soit arrivée dans votre vie. Dans ma vie antérieure, j'ai travaillé en soins palliatifs comme médecin de famille. Après avoir accompagné leur proche, et ce, quel que soit son âge, les familles nous ont toujours dit que l'expérience qu'elles venaient de vivre, ce très court moment de 24 à 48 heures avant la mort, avait été le moment le plus riche de leur vie.
     Quand j'ai vu les photos et que je vous ai entendus, je vous donne raison.
    Je voulais vous poser quelques questions. Dans l'éventualité où l'aide médicale à mourir est proposée aux jeunes, croyez-vous qu'ils seront obligés de l'accepter? Tout le monde dit qu'on leur propose la mort. Pensez-vous que les jeunes devraient être obligés d'accepter l'aide médicale à mourir? En tant que parents, vous sentiriez-vous obligés d'inciter votre fils à choisir l'aide médicale à mourir puisqu'elle lui est proposée?

[Traduction]

    Vous avez mentionné les soins palliatifs et leur importance. Lorsque les soins palliatifs sont axés sur...

[Français]

    Je m'excuse de vous interrompre.
    J'ai parlé des soins palliatifs pour vous dire que j'ai compris la période que vous avez vécue.
    Cependant, voici ce que j'aimerais savoir maintenant. Si l'aide médicale à mourir est offerte à certains jeunes, est-ce qu'ils seront obligés de l'accepter? En tant que parent, vous sentiriez-vous coupable, comme vous l'avez dit, de ne pas avoir proposé à votre fils la possibilité de mettre fin à ses souffrances en demandant l'aide médicale à mourir? Dans l'éventualité où l'aide médicale à mourir devient accessible aux jeunes matures, pensez-vous que vous serez obligé de le faire?

[Traduction]

    Si nous avions proposé à notre fils d'envisager l'aide médicale à mourir, ou si ses prestataires de soins de santé lui avaient dit: « Voudrais-tu envisager l'aide médicale à mourir? », le message qu'il aurait entendu est « nous t'abandonnons ». Cela l'aurait conduit au désespoir, et cela n'aurait fait que consolider le désir de recevoir l'aide médicale à mourir.
    Nous sommes incroyablement reconnaissants que nos prestataires de soins de santé et nous, les parents, ayons eu la force de garantir à Markus que chaque jour serait un jour digne d'être vécu, quelle que soit la souffrance.

[Français]

[Traduction]

    Nous passons maintenant au sénateur Kutcher.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Ma première question s'adresse à M. Liu. Ensuite, j'aurai aussi une question pour les Schouten.
    Monsieur Liu, étant donné le temps que nous avons, puis‑je vous demander d'être relativement bref?
    Dans vos groupes de discussion, entendez-vous parfois cette idée que les jeunes veulent que l'on respecte leurs souhaits concernant les décisions de fin de vie?
    Oui. C'est assurément le cas à cet égard. Ils sont catégoriques: les jeunes sont les experts les plus fiables sur leurs propres expériences et ce sont sur ces expériences que s'appuient leurs décisions de fin de vie.
(1040)
    Merci beaucoup pour cette réponse.
    Monsieur et madame Schouten, je suis moi‑même père et grand‑père, mais aussi un médecin qui a rencontré beaucoup de gens qui ont perdu leurs enfants. Je sais que c'est ce qu'il y a de plus dur. Mes condoléances.
    Notre défi ici est toutefois d'en arriver à une compréhension beaucoup plus poussée. Vous nous aidez à réfléchir à des points importants. Ce sera une question difficile, mais je vous prie de vous y attaquer, s'il vous plaît.
    Votre fils a choisi de mourir d'une façon précise. Nous le respectons. Nous respectons son choix quant à la façon de le faire, entouré de sa famille, avec le soutien que vous lui avez apporté. Nous savons également que toutes les personnes dans des circonstances semblables feraient forcément le même choix. Nous savons aussi que ce ne sont pas toutes les familles dans les mêmes circonstances qui feraient également le même choix. Respectez-vous le fait que d'autres, dans des circonstances semblables, puissent choisir une voie différente pour mettre fin à leurs jours, une voie qui soit différente de celle de votre fils, et qu'ils pourraient avoir un point de vue différent du vôtre?
    Peut‑être que leurs valeurs sont différentes, qu'ils voient le monde autrement. Respecteriez-vous leur choix et celui de leur famille s'il s'agissait de l'aide médicale à mourir ou devrait‑on leur en refuser l'accès?
    Je tiens à préciser que Markus n'a pas choisi de mourir. Markus voulait vivre. Il ne voulait pas mourir. Il avait une maladie terminale, hors de notre contrôle, et face à laquelle nous avons dû faire un choix, décider de quelle façon vivre avec elle. Nous vous avons expliqué notre démarche ce matin.
    Je peux admettre que d'autres familles, comme je l'ai dit plus tôt, peuvent se concentrer sur la souffrance et le désespoir, sur la terrible dégradation qui attend le malade et que cela peut le pousser à formuler le souhait de mourir. Il y a eu des moments au cours de la maladie de Markus où il voulait mourir. La douleur était intense. Il voulait mourir, mais les fournisseurs de soins de santé ont immédiatement trouvé des façons de gérer la douleur, sans toutefois lui dire: « Tu as raison. Nous allons baisser les bras. Voici maintenant ce qui s'offre à toi. » Si cela s'était produit, il serait probablement mort beaucoup plus tôt.
    Je vois ce que vous voulez dire, mais les gens peuvent avoir un point de vue différent du vôtre. S'ils ont un point de vue différent et s'ils ne sont pas forcément d'accord avec votre déclaration, respecteriez-vous leur capacité à prendre cette décision?
    Je respecte le fait que les gens peuvent avoir un point de vue différent là‑dessus et peuvent approcher la question d'après une vision du monde différente, mais ce que nous vous demandons de comprendre, c'est que si vous autorisez l'euthanasie des mineurs, alors même des familles comme la nôtre, qui ne seraient pas d'accord avec cette décision, se sentiront obligées de l'envisager. Voilà où le bât blesse.
    Comme l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM, ou ACEPA, l'a déclaré récemment, cela se produit déjà dans notre pays. Si cela devait aussi se produire pour les familles qui attendent à des endroits comme le Canuck Place Children's Hospice, ce serait une expérience extrêmement néfaste pour elles.

[Français]

    Sénateur Dalphond, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Puisque mon temps est limité, je vais poser mes questions à M. et Mme Schouten, que je remercie très sincèrement d'être parmi nous aujourd'hui. Mes condoléances les plus sincères à vous deux.
    Si je comprends bien la lettre que vous nous avez envoyée en avril et d'autres lettres que vous avez publiées dans différents médias, que ce soit en matière d'avortement ou d'aide médicale à mourir, vous êtes d'avis, en tant que militants chrétiens, que la vie vaut toujours la peine d'être vécue. C'est au cœur de votre philosophie.
    Je respecte votre point de vue. Il est enraciné dans votre position politique, mais dans votre lettre d'avril, vous dites que « [l]a rapidité avec laquelle l'AMM a été élargie est devenue un sujet très bouleversant pour notre famille », il est question du cancer de votre fils, « surtout pour notre fils de 18 ans ». Quand vous nous avez écrit, votre fils avait déjà 18 ans. Je crois qu'il est né en mars ou en avril...
    C'était en juillet.
    C'était en juillet, donc il avait presque 18 ans. Il avait déjà 18 ans et sept mois, donc il était déjà admissible à l'aide médicale à mourir depuis environ sept mois avant de décider de mettre fin au traitement. Malgré son admissibilité à l'aide médicale à mourir, il ne l'a jamais demandée, et cela n'a jamais fait partie de vos discussions.
    Pourquoi avez-vous si peur que cela change votre situation si nous élargissons l'aide médicale à mourir aux mineurs matures? Pour votre fils et votre famille, en raison de vos croyances et de vos valeurs, ce n'était pas une option envisageable, mais vous saviez que c'était accessible. Il avait plus de 18 ans. Il aurait pu en bénéficier s'il en avait fait la demande, évidemment, car il est certain que, après avoir arrêté son traitement, malheureusement, la mort naturelle était imminente; c'était une question de mois ou de semaines. Cela ne vous a pas empêchés de le faire, mais, comme mon collègue l'a dit, d'autres familles ont des croyances différentes. Nous avons entendu une autre mère qui a déclaré que son fils, âgé de 17 ans et demi, vivait des souffrances insupportables et voulait avoir accès à l'aide médicale à mourir.
    Pourquoi refuseriez-vous l'accès à l'aide médicale à mourir à un jeune de 17 ans et demi? Cela ne vous obligerait pas à recourir à l'aide médicale à mourir, que vous n'avez pas demandée, ni votre fils d'ailleurs. Pourquoi devrions‑nous priver les autres de ce choix?
(1045)
    Comme je l'ai dit, nous sommes reconnaissants d'avoir été invités à partager notre expérience par rapport à la douleur de perdre un enfant.
    Markus avait 17 ans quand il a reçu son diagnostic, le 26 février. Après notre départ du BC Children's Hospital, à Vancouver, Markus nous a dit sur le chemin du retour: « Maman, papa, ce cancer a l'air vraiment grave. S'ils n'arrivent pas à l'éliminer du premier coup, je suis aussi bien de retourner mourir à la maison, parce que je n'ai aucune chance. » Dès le premier jour, il savait que c'était terminal, et pourtant, tout son traitement était avant tout axé sur la guérison, oui, puis, quand il s'est mué en traitement pour la qualité de vie, tout était axé sur la valeur de sa vie, peu importe à quel point son état s'aggravait, peu importe l'ampleur de son invalidité. Voilà notre expérience. Nous vous remercions de nous permettre de la partager.
    Si vous souhaitez entendre celle de personnes ayant vécu quelque chose de différent, je vous suggérerais de vous adresser à eux.
    Nous l'avons fait. C'est pour cette raison que l'opposition refuse l'accès à ces personnes. C'est ce que je comprends. Merci.

[Français]

     Merci, sénateur Dalphond.

[Traduction]

    Passons à la sénatrice Wallin pendant trois minutes.
    Merci beaucoup.
    Mes questions s'adressent à Mme et à M. Schouten, et portent bien sûr sur leur fils, Markus.
    Vous avez utilisé le mot « obligé » à plusieurs reprises. Est‑ce qu'un professionnel de la santé, que ce soit un médecin, une infirmière ou un prestataire de l'aide médicale à mourir, est venu vous voir et vous a dit que vous deviez faire cela, que vous devriez le faire ou que vous étiez dans l'obligation de le faire? Que s'est‑il passé exactement au cours de la phase terminale?
    Le mot « obligé », sénatrice, est directement tiré du document de l'ACEPA dans lequel elle énonce que les médecins ont l'obligation professionnelle d'amorcer une discussion sur l'aide médicale à mourir si le patient...
    Certes, comme c'est le cas pour les autres options. Ils doivent fournir aux patients toutes les options envisageables.
    Au‑delà de cela, est‑ce que quelqu'un vous a approchés et vous a dit: « Vous vous trompez; nous ne croyons pas que vos croyances personnelles ou religieuses sont acceptables; nous croyons que la meilleure option est l'aide médicale à mourir, et dès maintenant »?
    Comme vous avez pu l'entendre dans notre témoignage, Markus a arrêté son traitement au BC Children's Hospital. C'est le Canuck Place Children's Hospice qui a géré ses soins palliatifs. Cela n'a pas fait partie des discussions à ces établissements.
    Bon. C'est ce que mes collègues et moi‑même essayons d'établir. Le choix est un principe extrêmement important en matière d'aide médicale à mourir. Si vous choisissez de ne pas y recourir, personne ne va en aucun cas contester votre décision en tant que parents ou celle de votre fils, Markus. Personne ne peut vous forcer à le faire, car, en réalité, vous devez passer par un processus d'évaluation. Si cela ne vous intéresse pas ou si cela va à l'encontre de vos croyances, personne ne peut vous y forcer.
    Je crois que nous devons faire preuve d'une très grande prudence. Vous admettrez, comme nous, que les manchettes cette semaine pullulent de cas où des personnes ont été poussées au désespoir parce que l'aide médicale à mourir leur a été proposée.
    Si vous faites la même chose à des mineurs, des enfants qui n'ont pas la même capacité que les adultes et leur famille, qui essaient simplement de bien vivre au quotidien, cela mènera au désespoir.
(1050)
    Évidemment, je n'ai pas votre expérience, mais j'ai traversé cela avec des gens dont j'étais extrêmement proche; je les ai vus opter pour l'aide médicale à mourir. Je les ai vus changer d'idée par rapport à la date, dans un cas pour la repousser, dans l'autre pour la rapprocher, et ils avaient cette possibilité. Je crois que c'est tout simplement ce que nous tentons de dire.
    Nous sommes tous très attristés par vos circonstances. Je voulais simplement rassurer tout le monde sur le fait que l'aide médicale à mourir ne peut en aucun cas être imposée à quelqu'un contre son gré ni à quelqu'un ayant les croyances religieuses de votre fils ou les vôtres. Mêmes si elles souffrent, j'estime que d'offrir des soins palliatifs ou l'aide médicale à mourir, ou peu importe les options envisageables, n'équivaut pas à dire à ces personnes qu'elles ne méritent pas de vivre. Ce n'est pas le message que je perçois.
    Je vous conjure de vous ouvrir à ce message. Nous avons écouté le premier groupe de témoins ce matin, simplement pour insister sur ce qui s'y est dit, et l'incidence de la loi est bien plus grande que ce que vous pouvez penser.
    Merci, sénatrice Wallin.
    Nous allons maintenant conclure avec la sénatrice Martin pendant trois minutes.
    Je remercie de nouveau nos témoins de leur présence ce matin.
    Monsieur Liu, je tiens à saluer le travail que vous avez entrepris et le fait que vous menez des travaux très importants afin que les mineurs matures se fassent entendre.
    Ma question porte précisément sur l'importance des soins palliatifs spécialisés ou généraux. Nous avons entendu d'autres témoins traiter de l'état des soins palliatifs au Canada et du fait qu'il n'est pas le même d'un bout à l'autre du pays.
    Dans votre cas, vous avez connu une expérience tout à fait incroyable quand votre fils a reçu des soins palliatifs. Ces soins sont importants pour gérer les difficultés en fin de vie et, dans le cas de votre fils, pour bien vivre jusqu'à la toute fin.
    J'adorerais utiliser le reste de mon temps pour connaître votre point de vue sur l'importance des soins palliatifs généraux et spécialisés.
    Quand Markus a eu son premier résultat négatif, c'était après six mois de traitement. Les infirmières et les médecins du Canuck Place Children's Hospice étaient déjà présents à cette réunion de son équipe d'oncologie. Il recevait déjà des soins palliatifs à ce moment‑là. Ils connaissaient Markus. Ils connaissaient notre famille. Ils savaient comment en prendre soin quand le temps est venu de transférer tous ses traitements du BC Children's Hospital au Canuck Place Children's Hospice.
    Comme je l'ai dit plus tôt, c'était extrêmement réconfortant de savoir qu'ils avaient toujours une longueur d'avance sur nous. Les ressources qui sont allouées aux soins palliatifs des enfants atteints d'une maladie terminale semblent être de loin supérieures à celles prévues pour les adultes.
    Comme je l'ai expliqué, mon oncle et sa famille ont passé les derniers mois de sa vie à faire des pieds et des mains pour tenter d'obtenir les bons médicaments, le bon traitement, d'établir ce qu'ils devaient faire, à quel moment et de quelle façon, tandis que, chaque jour où elles venaient à la maison, les infirmières du Canuck Place Children's Hospice évaluaient Markus et déclaraient: « Je crois que nous avons besoin de ce type de médicament » ou « Il faut une dose supplémentaire de ce type de médicament pour traiter ceci » ou encore « Ajoutons de la literie », des oreillers ou de l'oxygène. Peu importe de quoi il avait besoin, elles avaient toujours une longueur d'avance sur nous.
    Comme vous pouvez le voir sur les photos, même le jour avant son décès, cela a permis à Markus de profiter de chaque moment pendant qu'il était vivant et de ne rien manquer de ces belles expériences qui ont été anormalement interrompues et qui n'auraient pas été possibles s'il avait opté pour l'aide médicale à mourir beaucoup plus tôt.
    Sénatrice, il vous reste environ 20 secondes.
    D'accord, je vais tout simplement conclure.
    Ce que j'entends, dans la foulée de ce qui est arrivé dans votre cas, c'est qu'il est important que l'intégration des soins palliatifs ne se fasse pas strictement à la fin, mais plutôt qu'elle chevauche les soins plus tôt afin que la transition se fasse de façon transparente.
    Une fois de plus, merci beaucoup.
    Je vais conclure, monsieur le président, donc je ne suis plus en mode intervention, car je reprends mon rôle de coprésidente.
    Oui, je vous en prie.
    Une fois de plus, merci beaucoup pour vos témoignages alors que nous terminons le temps consacré aux témoins. Je crois que cela a été très révélateur et fascinant, et je tiens à remercier chacun d'entre vous d'avoir pris le temps de nous faire part de vos expériences de vie de même que de vos réflexions, monsieur Liu, dans le rapport sur les jeunes gens que vous avez étudiés. Merci également à vous pour cela.
    L'analyste m'informe que, puisque nous passons aux instructions relatives à la rédaction mardi prochain, vous devez agir très rapidement si vous voulez soumettre votre rapport. Je voulais simplement vous aviser de notre échéancier.
    Chers collègues, voilà qui termine notre étude avec ces témoins. Mardi, nous pouvons aborder les instructions relatives à la rédaction pour notre rapport final. Vous vous souviendrez que notre analyste nous a envoyé un courriel le 22 novembre. Pourriez‑vous revoir les instructions dans celui‑ci afin que nous puissions commencer notre travail mardi?
    Sur ce, je vous remercie tous sincèrement. La séance est levée.
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