:
Bonjour, tout le monde.
Nous tenons aujourd'hui la 21e réunion du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.
Je souhaite la bienvenue aux membres du Comité, aux témoins, aux gens du public ainsi qu'à ceux qui suivent la réunion sur le Web.
Je m'appelle Marc Garneau et je suis le représentant de la Chambre des communes qui copréside ce comité, en compagnie de l'honorable Yonah Martin, coprésidente représentant le Sénat.
Nous continuons aujourd'hui l'examen prévu par la loi des dispositions du Code criminel concernant l'aide médicale à mourir et leur application.
[Traduction]
J'aimerais rappeler aux membres et aux témoins qu'ils doivent garder leurs microphones en sourdine, à moins qu'un coprésident ou une coprésidente ne les nomme. Je vous rappelle que toutes les remarques doivent être adressées par l'intermédiaire de la coprésidence.
Lorsque vous avez la parole, veuillez parler lentement et clairement. L'interprétation lors de cette vidéoconférence fonctionnera comme lors d'une réunion de comité en présentiel. Vous avez le choix au bas de votre écran entre le parquet, l'anglais ou le français.
Sur ce, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins du premier groupe, qui sont ici pour discuter de l'état des soins palliatifs au Canada. À titre personnel, nous avons Julie Campbell, une infirmière praticienne qui se joint à nous par vidéoconférence, et la Dre Nathalie Zan, qui, nous l'espérons, se joindra à nous très bientôt. Nous accueillons également, de l'Alliance des chrétiens en droit, Derek Ross, directeur exécutif.
Merci à tous de vous joindre à nous ce matin. Nous commencerons par la déclaration liminaire de Mme Campbell, suivie de celle de M. Ross, puis de celle de la Dre Zan. Nous espérons que la Dre Zan sera arrivée d'ici là.
Mme Campbell, vous avez cinq minutes. La parole est à vous. Allez‑y, je vous prie.
:
Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je suis ici en tant qu'infirmière praticienne indépendante et fournisseuse d'aide médicale à mourir, et je parle avec l'expérience du soutien de l'accès dans tout l'Ontario.
Je tiens d'abord à vous dire à quel point je vous suis reconnaissante de votre soutien du projet de programme national en matière d'AMM de l'ACEPA, l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM. Je reconnais également le bon travail accompli pour établir la renonciation au consentement final afin de permettre aux patients d'optimiser pleinement la gestion de leur douleur et de leurs symptômes sans craindre qu'une perte de capacité ne limite leurs choix. Ce travail peut se poursuivre au moyen de directives anticipées visant en particulier les patients atteints d'affections qui, du fait de leur nature, évolueront vers une perte de capacité.
Dans les témoignages précédents, vous avez entendu parler de la recherche croissante sur l'importance de l'identification précoce des patients pour les soins palliatifs. Je me fais l'écho de ces remarques et je soutiens pleinement l'éducation visant à intégrer une approche palliative des soins dans tous les milieux de soins.
Les praticiens participant au programme d'aide médicale à mourir partagent les mêmes préoccupations concernant les aiguillages tardifs. Sur les 3 228 patients dont j'ai eu à m'occuper et qui ont exprimé un intérêt envers l'aide médicale à mourir, seuls un peu plus de 50 % ont décidé que l'aide médicale à mourir était le bon choix pour eux. Beaucoup d'autres n'ont pas donné suite, mais avaient le choix. Je crois que l'information peut être un pas vers la réduction de la peur et de l'incertitude. Les renseignements ne font pas la promotion de l'aide médicale à mourir. Ils encouragent les dialogues progressifs avec les prestataires de soins et les proches et encouragent le patient à faire un choix éclairé et réfléchi.
Je me fais l'écho des témoignages précédents sur le pourcentage élevé de patients bénéficiant de l'aide médicale à mourir qui reçoivent également des soins palliatifs et la recommandation que nous continuions à viser plus haut. Cela ne se mesure pas seulement en pourcentage, mais aussi par le niveau de soutien interdisciplinaire disponible et la réduction des obstacles. La mesure de la qualité et de l'accessibilité des soins palliatifs doit se faire au sein même des soins palliatifs. Les patients qui choisissent l'aide médicale à mourir ne représentent qu'un petit groupe, il est donc important de ne pas passer à côté de l'expérience des autres.
L'AMM ne constitue pas un échec des soins. C'est un choix sur la façon de mourir. J'ajouterais que les patients les plus susceptibles de recevoir des soins palliatifs sont ceux qui ont reçu un diagnostic de tumeur maligne. Nous devons mieux identifier les patients atteints de maladies chroniques graves limitant la durée de vie et nous concentrer encore plus sur nos personnes âgées fragiles ou nos patients atteints de démence qui sont les moins susceptibles d'être identifiés et de recevoir des soins palliatifs.
J'aimerais terminer ma déclaration d'aujourd'hui en proposant quelques moyens d'améliorer les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir au Canada.
Nous devons tirer parti des réussites démontrées par les équipes interdisciplinaires de professionnels axées sur le patient et nous concentrer sur les personnes les moins susceptibles d'être identifiées pour un soutien palliatif. Selon les statistiques fédérales, l'augmentation en pourcentage de la prestation de l'aide médicale à mourir dépasse l'augmentation du nombre de prestataires et, en particulier, du nombre de prestataires ayant l'expérience voulue pour assumer la complexité croissante de ce travail. Ces données ne tiennent pas compte des ressources humaines en santé nécessaires pour assurer l'éducation et l'évaluation des personnes qui finiront par ne pas choisir l'aide médicale à mourir.
Les patients qui recherchent l'aide médicale à mourir ont également besoin d'équipes intégrées. Certaines provinces offrent une partie de cette intégration, mais d'autres beaucoup moins. L'AMM a été décrit comme une procédure. Je pense que c'est une sursimplification des liens établis et des évaluations réfléchies et minutieuses qui nous permettent de mieux comprendre les patients et leur souffrance dans leur perspective.
Au fur et à mesure que nous augmentons la complexité des patients qui peuvent être admissibles, nous devons avoir accès à une connaissance experte de diverses situations, y compris les services pour lesquels il y a des listes d'attente importantes, comme la gestion spécialisée de la douleur et les soutiens psychiatriques. Nous avons besoin de soutien en matière de coordination et d'administration; de soutien en santé mentale, en travail social, en soins infirmiers et en services sociaux; et d'une capacité pour les cliniciens de se déplacer et d'optimiser les soins virtuels afin d'encourager l'équité. Un avantage supplémentaire de la constitution de ces équipes serait d'assurer la rémunération des infirmières praticiennes, qui restent sans le soutien financier indépendant dont bénéficient leurs collègues médecins. Elles jouent un rôle important pour garantir l'accès.
Nous devons éliminer les obstacles organisationnels aux soins intégrés qui forcent le transfert des patients dans leurs moments de plus grande vulnérabilité. Nous avons également besoin de paiements de transfert fédéraux ciblés en matière de soins de santé pour combler l'écart entre les mesures législatives fédérales et la mise en oeuvre à l'échelle de la province. Nous devons nous assurer que l'accès aux soins intégrés et interdisciplinaires de l'aide médicale à mourir n'est pas seulement légal, mais qu'il constitue un choix disponible.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président.
Bonjour, et merci au Comité pour cette occasion. Je m'appelle Derek Ross. Je suis le directeur exécutif et l'avocat général d'Alliance des chrétiens en droit. Nous sommes une organisation nationale d'avocats et une ONG qui a un statut consultatif spécial auprès des Nations unies. L'Alliance est également intervenue à tous les paliers judiciaires dans l'affaire Carter.
Je pense qu'il est important d'examiner cette décision dans nos délibérations et discussions d'aujourd'hui. L'affaire Carter, comme vous le savez, demandait la légalisation de l'aide médicale à mourir, mais seulement pour les adultes compétents qui souffrent de façon irrémédiable et sont pleinement informés, non ambivalents, clairement consentants et libres de toute coercition ou contrainte, et seulement dans le contexte d'un système soigneusement conçu imposant des limites strictes qui sont scrupuleusement contrôlées et appliquées.
Il est important d'examiner notre conformité à ce critère et la manière dont nous pouvons garantir les conditions nécessaires pour que les choix d'un patient soient véritablement, selon les termes de Carter, « non ambivalents », « volontaires » et « pleinement informés ». L'une de ces conditions est qu'un patient doit avoir accès à des services de qualité qui atténuent ses souffrances, comme les soins palliatifs. Si une personne souhaite vivre, mais accepte de mourir parce qu'elle ne bénéficie pas des services de base, elle n'a pas du tout fait un choix libre.
Le Code criminel exige que tous les patients soient « informés des moyens disponibles pour soulager leurs souffrances » avant que ne soit accordée l'aide médicale à mourir. Cependant, selon Santé Canada, les soins palliatifs ou les mesures de soutien aux personnes handicapées n'étaient pas accessibles dans des centaines de cas d'aide médicale à mourir. Même lorsqu'ils étaient accessibles, leur adéquation et leur qualité n'étaient pas manifestes d'après ces rapports. Un certain nombre d'autres préoccupations sont ressorties, qui sont décrites dans notre mémoire et qui ont été reprises par les experts en droits de la personne des Nations unies. Les Canadiens doivent savoir que ces préoccupations font l'objet d'une enquête et sont prises en compte. Il ne suffit pas de faire état de mesures de protection; le gouvernement doit, pour reprendre les termes de Carter, les appliquer « scrupuleusement ».
La prestation de l'aide médicale à mourir dans des circonstances où des soutiens raisonnables font défaut peut également soulever des préoccupations sur le plan de la Charte. Comme nous l'expliquons dans notre mémoire, si le gouvernement devait offrir la mort comme seule option aux patients tout en omettant de fournir des soins de santé raisonnables, il pourrait aller à l'encontre du droit à la vie et à la sécurité de la personne, protégé par l'article 7 de la Charte.
Les témoins précédents ont soulevé des préoccupations concernant l'insuffisance des ressources et du financement des soins palliatifs et le manque de sensibilisation du public à ce qu'ils offrent. Il est crucial de répondre à ces préoccupations, surtout, ajouterions-nous, dans le contexte pédiatrique. Selon le groupe de travail d'experts du Conseil des académies canadiennes, « on sait peu de choses sur la façon dont les mineurs matures comprennent les soins de fin de vie ». Nous devons en savoir plus sur la façon dont les soins palliatifs pédiatriques spécialisés peuvent être priorisés pour mieux soutenir les jeunes.
Ni Carter ni Truchon n'ont demandé l'aide médicale à mourir pour des mineurs. Ils n'ont certainement pas demandé l'euthanasie involontaire de nourrissons, quelle que soit la gravité de leur handicap ou la brièveté de leur espérance de vie. Nous demandons instamment à ce comité de rejeter toute proposition à cet égard, comme celle qui a été présentée devant ce comité. Elle éliminerait l'exigence du consentement, que les enfants ne peuvent pas donner, et porterait atteinte à la protection du droit à la vie assurée par la Charte et du droit à la protection égale garanti par la loi, sans discrimination fondée sur le handicap. Il ne s'agit pas de nier que les Canadiens de tous âges qui souffrent méritent de meilleures solutions. Ils le méritent. C'est parce qu'ils le méritent que nous devons accorder la priorité aux soins palliatifs.
Nous recommandons que tous les patients ne soient pas seulement informés, mais qu'ils se voient proposer des consultations avec des professionnels qui fournissent des soins pour soulager leurs souffrances, y compris des soins palliatifs. Il s'agit des patients de la voie 2 et de la voie 1. Nous souscrivons également à l'observation faite l'an dernier par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles: « Le gouvernement du Canada devrait créer un organe ou un mécanisme de surveillance chargé de voir au respect de la réglementation en matière d'aide médicale à mourir, de superviser le cadre de responsabilisation et de veiller à ce que tous les patients reçoivent les bons soins médicaux. »
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions. Je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui.
:
Pour répondre à cette question, j'oriente le Comité vers des principes juridiques dans quelques domaines de notre jurisprudence et de nos lois, à commencer par l'affaire Carter. Dans la décision de première instance dans l'affaire Carter, la juge de première instance a défini séparément les soins palliatifs et l'aide à mourir.
Le tribunal a défini les soins palliatifs comme des traitements visant à soulager la souffrance. Ils ne visent ni à hâter ni à retarder la mort, mais affirment la vie et considèrent la mort comme un processus normal. C'était au paragraphe 41 de cette décision. L'aide à mourir, en revanche, représente la cessation intentionnelle de la vie d'une personne, à sa demande.
Dans la décision Carter, ces pratiques sont reconnues comme étant distinctes. Les soins palliatifs existent pour améliorer la qualité de la vie tout au long de la vie et du processus naturel de la mort. L'AMM implique un acte qui met intentionnellement fin à la vie d'un patient, à sa demande. En fait, dans l'affaire Carter, le tribunal de première instance, après avoir examiné les preuves, a observé que des soins palliatifs adéquats peuvent réduire les demandes d'euthanasie ou conduire à leur retrait.
Cela a également conduit à une autre...
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je tiens à remercier les témoins d'être venus une fois de plus et d'avoir exploré avec nous certaines des questions que nous devons poser sur ce sujet très important.
Je crois avoir entendu M. Ross dire que les soins palliatifs sont un véritable continuum ou spectre de soins lorsqu'une personne cherche à obtenir l'aide médicale à mourir, et que les soins palliatifs en sont une partie intégrante et importante. Ce que j'aimerais savoir, c'est ceci. Comme on le sait bien, l'idée qu'il s'agit du choix pleinement informé du patient est inhérente à la décision Carter, comme vous l'avez mentionné. Or, il est normal, dans l'exercice de la médecine, que vous informiez pleinement vos patients de toutes leurs options de traitement et de soins avant qu'ils ne commencent à faire des choix.
Comme cela a été dit dans Carter, si la décision ultime revient au patient, qu'arriverait‑il d'après vous si, pour une raison quelconque, une fois qu'il est pleinement informé, le patient décidait qu'étant donné tous ces renseignements, il ne veut pas aller en soins palliatifs? C'est ma première question.
Ma deuxième question est de savoir si oui ou non les soins palliatifs, qui sont de compétence provinciale, sont facilement accessibles pour un patient particulier. Nous avons entendu des histoires selon lesquelles, parfois, ils ne sont pas prêts ou ils ne sont pas disponibles, ou le patient n'a pas la capacité de vivre sa vie parce qu'il n'a pas de système de soutien. Si tout cela est là et lui est accessible, croyez-vous qu'il doive avoir des soins palliatifs, ou croyez-vous qu'il y a encore une option fondée sur le consentement éclairé?
:
Bonjour. Je vous entends très bien.
Madame la présidente et honorables membres du Comité, j'ai une déclaration écrite, que je préfère lire. Ce sera plus aisé. Je vais m'adresser à vous en français.
[Français]
Je vous remercie sincèrement de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir. C'est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. L'objectif du présent témoignage est de vous entretenir des défis que je perçois en matière d'accessibilité au continuum des soins de type palliatif, y inclus l'aide médicale à mourir.
Je suis médecin de famille au Québec depuis 1993. Mon champ de pratique a d'abord été très général, mais, depuis 2009, je travaille surtout en gériatrie. J'ai eu la chance de pratiquer la médecine familiale et la médecine gériatrique dans à peu près tous les milieux, dans tous les types de pratiques en médecine générale. De plus, je suis gestionnaire médicale depuis plusieurs années.
Soigner des patients ayant des maladies irréversibles et incurables est une partie importante de mon quotidien. D'ailleurs, j'ai pu administrer l'aide médicale à mourir à plusieurs reprises au cours des dernières années. Je vous parle donc de mon vécu.
Les changements démographiques que nous connaissons, qui sont de plus en plus évidents au quotidien, font que les besoins en soins palliatifs et les demandes d'aide médicale à mourir augmentent à une vitesse exponentielle. Malgré les efforts déployés pour développer ces soins, il demeure quand même certaines limites quant à leur accessibilité.
J'observe donc que l'expérience de chaque personne peut être très différente, pour diverses raisons. Plusieurs exemples me viennent à l'esprit.
Premièrement, la personne hospitalisée qui nécessite des soins palliatifs attend une chambre individuelle, ce à quoi elle a droit. Or, dans l'établissement de santé où elle se trouve, il n'y a pas suffisamment de chambres individuelles et elle décède dans une chambre pour deux personnes ou dans une salle. Trop de personnes décèdent encore dans l'environnement moins qu'optimal de nos établissements vétustes, qui abritent mal les personnes soignées et les proches.
Deuxièmement, les personnes en fin de vie attendent souvent un lit dans l'unité de soins palliatifs, mais le nombre de lits est limité. Plusieurs personnes n'y ont accès qu'à la toute fin de l'évolution de leur maladie. Souvent, elles sont inconscientes quand elles y sont transférées; parfois, elles décèdent avant d'y avoir accès.
Troisièmement, la personne qui souffre d'une maladie chronique non cancéreuse et qui requiert des soins palliatifs particuliers peut avoir plus de difficulté à avoir accès à de tels soins, vu le nombre limité de lits dans les unités de soins palliatifs.
Quatrièmement, le patient seul à domicile qui attend la mise en place des services palliatifs à domicile ou son admission à l'unité de soins palliatifs peut avoir à se présenter à l'urgence. Vu l'augmentation du nombre de personnes âgées vivant seules, ce problème risque de survenir plus souvent.
Cinquièmement, un des critères d'admission pour obtenir un lit dans une unité de soins palliatifs est que la personne ait un pronostic de vie de moins de trois mois. Les personnes en perte d'autonomie grave souffrant d'une maladie terminale dont le pronostic est de plus de trois mois sont souvent orientées vers les CHSLD, peu importe leur âge et leur diagnostic. La personne ainsi admise en CHSLD n'est pas à la bonne place pour obtenir des soins palliatifs optimaux. De plus, elle occupe malheureusement un lit qui est normalement réservé aux personnes âgées ayant des besoins tout autres, incluant des soins palliatifs particuliers. De plus, plusieurs de ces personnes décèdent en moins de trois mois et n'ont malheureusement pas reçu de soins palliatifs optimaux.
Sixièmement, certaines personnes qui demandent l'aide médicale à mourir se voient restreindre l'accès à certains lits de soins palliatifs dans des établissements qui n'offrent pas ce type de soins. Certaines de ces personnes décèdent sans avoir eu accès à des soins palliatifs optimaux.
Septièmement, certains patients admis dans un établissement de soins palliatifs doivent changer d'établissement pour recevoir l'aide médicale à mourir, puisque celle-ci n'est pas offerte dans l'établissement où ils se trouvent présentement.
Huitièmement, il y a l'enjeu lié au respect des volontés des personnes qui deviennent inaptes.
Je crois que nous devons réfléchir au niveau de soins et à la qualité de l'offre de soins et de services à développer pour le continuum des soins palliatifs, qui inclut l'aide médicale à mourir. La pénurie actuelle qui touche toute équipe professionnelle interdisciplinaire nous oblige aussi à réfléchir.
Je souligne que nous sommes très fortunés de vivre dans une société qui permet et favorise le développement de l'offre de soins palliatifs. Dans mon secteur de pratique, soit l'est de l'île de Montréal, la demande d'aide médicale à mourir augmente sans cesse. Je suis certaine qu'il s'agit d'une réalité partout au pays.
Tous les jours, des patients me posent des questions sur l'aide médicale à mourir et sur les soins palliatifs. Le fait de pouvoir choisir des soins adaptés à leurs besoins les rassure. Ils demeurent cependant préoccupés par le respect de leurs volontés et l'accès à leur choix. Bien sûr, il faut continuer à travailler sur l'éducation et la sensibilisation de nos professionnels.
Vous et moi ne connaissons pas à l'avance quels soins nous allons choisir en situation de fin de vie, où nous nous retrouverons tous, inévitablement. Mon souhait pour tous est que nous puissions être accueillis dans le respect de ce choix ultime et profondément personnel et que nous puissions avoir accès à tous les soins requis, le moment venu.
Personnellement...
:
Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à tous nos témoins de s'être présentés devant le Comité.
Monsieur Ross, j'aimerais commencer par vous. Je pense que dans votre déclaration liminaire, vous avez souligné la relation complexe entre les tribunaux et le Parlement.
Tout au long de notre étude, les droits garantis par l'article 7 de la Charte sont revenus fréquemment, mais surtout dans le cas du droit des gens de choisir le genre des soins qu'ils veulent et le genre de décisions qu'ils veulent prendre au sujet de leur propre corps. J'ai trouvé intéressant que vous abordiez la question sous un angle différent, en soulignant la première partie de l'article 7, le droit à la vie, et le fait que ce droit puisse être compromis parce qu'une personne ne bénéficie pas d'un accès complet aux services, notamment les soins palliatifs.
À votre connaissance, y a‑t‑il une personne ou un groupe d'avocats au Canada qui conteste la Charte dans cette optique à l'heure actuelle?
:
Je crois que Roger Foley a déposé une déclaration. Il faudrait que je retourne en arrière et que je vérifie où en est ce litige actuellement.
Pour l'instant, cette question n'a pas été explicitement abordée par les tribunaux dans une décision écrite, mais nous pensons qu'il y a des questions de charte en jeu ici. Pour illustrer cela, vous pouvez examiner certaines des décisions de la Cour suprême du Canada sur le droit à la vie. Dans l'arrêt Chaoulli, la Cour a déclaré que le droit à la vie est engagé lorsque la preuve démontre que l'absence de soins de santé en temps opportun peut entraîner la mort. Dans cet arrêt, la Cour a également déclaré que la protection de la vie elle-même prévue à l’article 7 entre en jeu dans le cas où l’impossibilité d’avoir accès en temps opportun à des soins médicaux risque d’entraîner le décès d’une personne. Dans l'arrêt Carter, la Cour a déclaré que le droit à la vie entre en jeu lorsqu’une mesure ou une loi prise par l’État a directement ou indirectement pour effet d’exposer une personne à un risque accru de mort.
Si nous avons un régime où certains soins de santé élémentaires sont nécessaires pour un patient, mais ne sont pas disponibles, où la mort est effectivement offerte comme la seule solution accessible et où le gouvernement n'a pas agi comme il le devrait en assurant des soutiens adéquats qui inciteraient autrement une personne à ne pas chercher à mourir, alors je pense que l'article 7 est engagé.
:
Je suis désolé de vous interrompre, mais j'ai peu de temps. Je veux cependant continuer avec vous.
Vous parliez de la distinction juridique entre l'aide médicale à mourir et les soins palliatifs. Dans un contexte médical réel, nous avons des patients qui sont souvent en soins palliatifs et qui décident de passer à l'aide médicale à mourir. Cela se passe souvent au même endroit. Si je conviens de la distinction juridique, en pratique, cela se déroule souvent au même endroit. Faute de mieux, cela fait partie du continuum de soins en pratique.
La Dre Zan vient de nous dire que certains patients, lorsqu'ils font le choix de passer des soins palliatifs à l'aide médicale à mourir, ont dû changer d'établissement parce que les services ne sont pas offerts. À votre avis, comment trouver un équilibre entre les droits de l'établissement qui fournit les soins et le droit du patient de bénéficier de ce continuum de soins et de ne pas voir sa fin de vie interrompue aussi brutalement?
Disons que le patient a reçu des soins palliatifs et qu'il a l'impression que les traitements ne fonctionnent plus, et qu'il n'a plus besoin de rester sur cette terre, mais que sa décision de recourir à l'aide médicale à mourir signifie qu'il va être mis dans une ambulance et transporté dans un autre établissement. Comment pouvons-nous protéger ses droits par rapport au type de soins qu'il reçoit?
:
Ce sont toutes des questions qui doivent être examinées. En fin de compte, même si l'aide médicale à mourir et les soins palliatifs peuvent être fournis au même patient, je pense qu'il est important qu'une personne qui demande l'aide médicale à mourir continue à se voir offrir des soins palliatifs. C'est absolument crucial. Nous ne devons pas considérer cela comme un choix binaire: soit vous choisissez les soins palliatifs, soit vous choisissez l'aide médicale à mourir, et si vous choisissez l'aide médicale à mourir, vous n'aurez pas accès aux soins palliatifs. Je pense que le témoignage de la Dre Zan sur ce point — sur lequel on insiste toujours — est vraiment important. Oui, il y a une distinction juridique, mais cela ne veut pas dire qu'une personne qui choisit l'aide médicale à mourir ne devrait pas se voir offrir tous ces soins palliatifs.
Je pense que le défi — même dans l'exemple que vous avez fourni — est que souvent les soins palliatifs ne sont fournis qu'à un stade très tardif, même après qu'une personne ait demandé l'aide médicale à mourir ou dans les deux dernières semaines de sa vie. Comme nous l'avons vu dans certains des rapports de Santé Canada, les preuves qui ont été entendues sont que ce n'est pas assez tôt. Donner seulement deux semaines de soins palliatifs ne va pas commencer à répondre à certains des problèmes plus profonds.
Avant même d'en arriver au dilemme que vous venez de décrire, il est important qu'il y ait des interventions précoces, des aiguillages précoces et une sensibilisation précoce aux soins palliatifs afin qu'ils soient fournis pendant plus longtemps. Ainsi, nous n'arriverons pas au point où une personne se trouve dans le dilemme possible de sentir qu'elle n'aura que de quelques semaines de soins palliatifs, puis devra ensuite être transférée.
Je pense que c'est vraiment quelque chose qui nécessite une approche proactive et préventive. Il faut que cela se produise à un niveau sociétal très élevé pour que nous en fassions une priorité.
:
C'est tout à fait différent.
Pour ma part, je n'ai jamais administré de sédation palliative.
En général, l'aide médicale à mourir est un processus rapide, qui s'adresse à des patients tout à fait conscients de leur situation et de leur choix. La sédation palliative peut aussi être un choix du patient, mais elle peut également être administrée quand le patient n'est plus conscient. En effet, c'est parfois un choix de la famille.
J'ai beaucoup plus administré l'aide médicale à mourir. Finir leur vie de cette façon est vraiment un choix des patients. L'administration de ces soins est tout à fait différente.
J'imagine que la sédation palliative peut être administrée davantage dans un contexte de soins palliatifs. Lorsque la médication devient insuffisante, la sédation palliative peut être la prochaine étape dans les soins palliatifs.
Dans le contexte de l'aide médicale à mourir, du moins selon mon expérience, j'imagine que les deux pratiques pourraient être interchangeables. Il reste que le patient choisit de façon consciente de recevoir l'aide médicale à mourir. Il s'agit d'un moment privilégié pendant lequel le soin est administré.
C'est de cette façon que je résumerais la question, bien que je n'aie jamais administré de sédation palliative.
:
Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à la Dre Zan.
Les statistiques démontrent qu'au moins 82 % des personnes qui reçoivent l'aide médicale à mourir recevaient précédemment des soins palliatifs.
Selon votre expérience, est-ce qu'il arrive que des gens qui reçoivent des soins palliatifs et qui ont fait une demande d'aide médicale à mourir décident de ne pas donner suite à leur demande, ou est-ce que l'aide médicale à mourir finit toujours par leur être administrée à un moment donné?
Lorsqu'ils décident de recevoir l'aide médicale à mourir, est-ce parce qu'ils ont l'impression que les soins palliatifs ne sont pas de qualité, ou bien parce qu'ils veulent choisir eux-mêmes leur fin de vie plutôt que d'attendre que la famille choisisse pour eux la sédation palliative continue?
:
Nous en tenons toujours compte. Il y a peut-être eu des situations de ce type. Cependant, selon mon expérience en soins palliatifs, c'est une demande qui est réfléchie, et souvent depuis longtemps. C'est donc un processus qui mûrit dans l'esprit de la personne.
Est-ce que j'ai déjà connu des situations où la personne n'avait pas pu recevoir de soins palliatifs? Oui, de toute évidence, c'est arrivé. Cependant, comme vous le dites, dans la majorité des cas, à raison de 80 %, les patients reçoivent les deux types de soins, et c'est ce que nous voulons: nous voulons vraiment que toutes les personnes aient accès à ces deux possibilités.
Certains peuvent avoir pris cette décision à la suite d'une réflexion qui dure depuis plusieurs années, tandis que d'autres arrivent à cette conclusion en raison d'une souffrance trop importante malgré les soins palliatifs. Je vous rappelle que la souffrance peut être d'ordre psychologique, aussi. Le fait d'attendre la mort est psychologiquement très difficile pour certaines personnes, alors elles décident de se tourner vers les soins palliatifs. Alors que les soins palliatifs usuels soulagent la douleur et les symptômes, la souffrance existentielle est plus difficile à soulager, et ce, même lorsque les soins palliatifs sont optimaux.
:
Je pense que c'est très important, considérant les lacunes… Nous savons qu'il existe des lacunes, particulièrement si nous comparons l'offre en région et dans les villes. Il y a aussi un flou concernant le traitement des soins palliatifs comme des services assurés ou des services complémentaires. Il faut tirer tout cela au clair pour assurer l'uniformité et la cohérence dans la prestation des soins palliatifs. Il faudra peut-être le faire avec les provinces, mais c'est certain qu'un des rôles du gouvernement fédéral sera d'assurer la cohérence.
Cela me ramène à la question du sénateur Dalphond au sujet des personnes qui ont commencé à recevoir des soins palliatifs et qui changent d'idée. Le troisième rapport annuel de Santé Canada nous éclaire un peu à ce sujet. Il parle des raisons pour lesquelles des personnes ont retiré leur demande d'AMM, et nous indique que dans 38,5 % des cas, la demande d'AMM a été retirée parce que la personne a reçu des soins palliatifs adéquats. Si je fais le calcul, 88 personnes ont retiré leur demande d'AMM en 2021 parce qu'elles ont bénéficié de soins palliatifs adéquats. On peut se demander si les demandes seraient plus nombreuses si les gens savaient que l'accès aux soins palliatifs a été élargi et amélioré partout au Canada, où les écarts sont actuellement considérables.
Le gouvernement fédéral pourrait également concentrer ses efforts sur la recherche. Il pourrait financer la recherche pour enrichir nos connaissances, soutenir la collecte de données et l'établissement de normes dans ce domaine. Il pourrait collaborer avec les provinces pour améliorer la formation des étudiants en médecine et d'autres professionnels de la santé afin qu'ils comprennent mieux le rôle des soins palliatifs, surtout dans le domaine de la pédiatrie, comme je l'ai dit. Beaucoup de régions n'offrent pas de soins palliatifs spécialisés en pédiatrie, et je crois vraiment qu'il faudra en faire une priorité.
:
Vous avez tout à fait raison de poser cette question.
Je me répète, mais beaucoup de gens, moi le premier, entretiennent toutes sortes d'idées fausses et de malentendus à propos des soins palliatifs. Ils sont souvent perçus comme des tentatives de dernière minute d'aider les patients. En fait, les soins palliatifs peuvent être bénéfiques à beaucoup de patients qui en sont à différentes étapes de la vie et qui ont toutes sortes de maladies.
Il faut que cette option soit mieux connue, surtout des personnes qui doivent prendre des décisions difficiles. Il faut qu'il soit bien clair que l'AMM n'est pas l'unique choix offert. Cela dit, pour qu'il y ait un véritable choix, pour qu'il soit mis en avant et devienne une priorité, il faut du financement et des infrastructures, et il faut donner de la formation et informer la population. Au bout du compte, même si nos approches et nos idées diffèrent, nous tous qui participons au débat sur ces questions avons pris le même engagement d'aider les gens qui souffrent.
C'est ce que tout le monde ici cherche à faire. Comment pouvons-nous accompagner de notre mieux les gens qui souffrent? Nous devons les aider à vivre dans la dignité et leur offrir ce choix. C'est pour cette raison surtout qu'il faut mettre l'accent sur les soins palliatifs.
:
Bienvenue à la seconde partie de notre séance, et particulièrement au nouveau groupe de témoins.
J'ai quelques instructions à vous donner. Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Vous devez toujours vous adresser à l'un ou l'autre des coprésidents. Veuillez vous exprimer lentement et clairement pour faciliter la tâche aux interprètes. Pour les services d'interprétation, vous avez trois options, soit le parquet, l'anglais ou le français. Si vous n'avez pas la parole, mettez votre microphone en sourdine.
Sur ce, je vous présente les témoins du second groupe, avec qui nous aborderons surtout le thème des demandes anticipées.
[Français]
Nous accueillons à titre personnel M. Serge Gauthier, professeur émérite, qui se joint à nous par vidéoconférence.
[Traduction]
Nous accueillons Nancy Guillemette, députée à l'Assemblée nationale du Québec. Elle nous joint aussi par vidéoconférence.
Même s'il n'est pas encore en ligne, je vous informe que nous accueillerons également le Dr Sandy Buchman, le président et directeur médical du Freeman Centre for the Advancement of Palliative Care au North York General Hospital. Il est aussi le président sortant de l'Association médicale canadienne.
Merci de participer à nos travaux.
Nous allons tout d'abord entendre les déclarations préliminaires.
[Français]
Nous allons commencer par le Dr Gauthier, suivi de Mme Guillemette et, espérons-le, du Dr Buchman, qui devrait se joindre à nous sous peu.
Docteur Gauthier, vous avez la parole pour cinq minutes.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour, tout le monde.
Je suis un neurologue spécialisé dans le diagnostic de démence et dans la prise en charge des personnes vivant avec une démence, en particulier la maladie d'Alzheimer.
Au fil des années, plusieurs personnes qui sont sans symptômes, mais à risque de démence en raison des antécédents médicaux de leur famille, ou qui ont des symptômes légers ont spontanément exprimé, lors de leur visite au bureau, le désir de rédiger une demande anticipée pour recevoir l'aide médicale à mourir si elles atteignaient un certain stade de la maladie. Certaines personnes ont même signé, de même que leur conjoint, un texte rédigé avec l'aide de leur famille, tout en sachant que ce texte n'était pas encore valide. Quelques personnes ont même dit que, si elles n'avaient pas l'option de donner des directives anticipées afin de recevoir l'aide médicale à mourir à un stade prédéterminé d'une maladie comme la démence, elles penseraient sérieusement au suicide si elles recevaient un tel diagnostic. J'ajouterais qu'il existe une littérature médicale à ce sujet. Il existe donc un besoin réel exprimé par un certain segment de la population qui en parle ouvertement avec la famille.
La difficulté que j'envisage, ce n'est pas tant le fait que ces personnes doivent rédiger un document avec l'aide de la famille ou d'un notaire, par exemple. C'est plutôt la clarification des stades de la démence qui pourrait créer des difficultés lors de la mise en application de leur choix anticipé.
Laissez-moi vous expliquer avec plus de précision.
Il y a des stades de la maladie d'Alzheimer qui sont très avancés. Personne ne souhaite vivre au stade très grave, défini par l'absence de communication verbale, l'incapacité de se déplacer sans aide, la double incontinence et un risque très élevé de pneumonie d'aspiration. Il s'agit d'un stade terminal de démence où le décès est prévisible dans les 12 mois.
Par contre, si une personne exprimait le désir de recevoir l'aide médicale à mourir à un stade antérieur à cette phase terminale, mais après avoir été déclarée inapte, autrement dit à un stade de démence allant de modéré à grave, il pourrait être plus difficile d'obtenir un consensus entre la personne désignée et l'équipe clinique une fois que la maladie aura progressé jusqu'au stade choisi à l'avance.
Enfin, après avoir reçu le diagnostic de la maladie d'Alzheimer, une personne pourrait décider de recevoir l'aide médicale à mourir alors qu'elle est encore compétente, donc à un stade léger de sa maladie. À ce stade, je crois que le choix de la personne est clair et valide.
Pour entamer l'échange avec le Comité, je lui demande de considérer les stades de la maladie dans ses délibérations et d'aider les gens à planifier la réalisation de leur choix au moment approprié.
Je vous remercie de vous intéresser à cette importante question.
:
Monsieur le président, madame la présidente, madame la vice-présidente, messieurs les vice-présidents, chers membres du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, je vous remercie de m'accorder du temps de parole aujourd'hui.
Je m'appelle Nancy Guillemette. Je suis une députée de la Coalition avenir Québec et je représente la circonscription de Roberval. J'ai présidé les travaux de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie au Québec.
Comme vous le savez sans doute, la Loi concernant les soins de fin de vie est entrée en vigueur au Québec en 2015. Depuis, c'est la Commission sur les soins de fin de vie qui fait le suivi des demandes d'aide médicale à mourir. La société québécoise est donc en mesure de suivre l'évolution du nombre de décès, d'avoir un portrait réaliste de la situation et de s'assurer que les conditions relatives à l'administration de l'aide médicale à mourir sont respectées. On peut également évaluer et mieux comprendre la souffrance des gens qui ont recours à l'aide médicale à mourir.
Pour que le Québec continue d'évoluer dans ce domaine, la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie a été créée en mars 2021. C'est moi qui ai présidé cette commission transpartisane. Le mandat de cette commission spéciale était d'analyser les enjeux liés à la possibilité d'élargir l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes inaptes et à celles souffrant de troubles mentaux.
Pendant nos travaux, ce qui représente plus de 200 heures de consultations et d'échanges, nous avons rencontré près de 80 personnes et organismes. Une consultation en ligne a aussi permis aux citoyens du Québec de s'exprimer. Trois grandes questions ont guidé notre réflexion. Tout d'abord, les personnes inaptes à consentir à des soins peuvent-elles obtenir l'aide médicale à mourir, notamment en faisant une demande anticipée? Ensuite, doit-on permettre aux personnes dont le seul problème médical est un trouble mental de recourir à l'aide médicale à mourir? Si oui, quels critères doivent baliser l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir à ces personnes?
La commission spéciale a remis son rapport le 8 décembre 2021. Il est important de mentionner que les 11 recommandations contenues dans le rapport ont été formulées à l'unanimité. Elles reflètent l'évolution des perceptions de la population du Québec quant à l'aide médicale à mourir.
Les membres de la commission spéciale ont recommandé que les personnes atteintes d'une maladie grave et incurable menant à l'inaptitude puissent présenter une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Les recommandations visent aussi à baliser et encadrer la notion de décision libre et éclairée, à préciser le rôle de la personne digne de confiance qui devra faire connaître la décision du malade au moment venu, ainsi qu'à baliser l'intervention et à soutenir le médecin.
Par contre, les membres de la commission spéciale ont constaté qu'il n'y avait pas de consensus social concernant le caractère incurable et irréversible des troubles mentaux. Nous avons donc recommandé de ne pas élargir l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème médical est un trouble mental. Les membres de la commission spéciale sont d'avis que le sujet est beaucoup trop important pour ne pas obtenir le consensus social.
Le gouvernement du Québec a donné suite au rapport de la commission spéciale en déposant un projet de loi, en mai 2022. Ce projet de loi propose que l'aide médicale à mourir soit accordée aux personnes qui ont un diagnostic de maladie grave et incurable menant à l'inaptitude ainsi qu'aux personnes atteintes d'un handicap neuromoteur. Le projet de loi parle effectivement de handicaps neuromoteurs, mais, comme la commission spéciale n'a pas étudié ce sujet, je ne m'y attarderai pas aujourd'hui.
Malheureusement, les parlementaires n'ont pas eu le temps de mener à terme les travaux de la commission parlementaire avant le déclenchement des élections au Québec. Le projet de loi devra donc être présenté de nouveau lors de la nouvelle législature, soit celle qui commence.
Le Québec a toujours été un leader à l'avant-garde de l'aide médicale à mourir et des soins de fin de vie. Nous voulons continuer d'évoluer, mais nous voulons qu'il y ait un consensus au sein de la population québécoise.
Je vous remercie de votre attention.
Je suis maintenant prête à répondre à vos questions.
:
Toutes mes excuses. Nous avons eu de grosses difficultés techniques, mais je suis là depuis le début.
Bonjour. Merci de l'invitation à comparaître devant le Comité.
Je m'appelle Sandy Buchman. Je suis médecin en soins palliatifs et j'occupe les fonctions de président et directeur médical du Freeman Centre for the Advancement of Palliative Care du North York General Hospital, à Toronto. Je suis également le président sortant de l'Association médicale canadienne. Je consacre le plus clair de mon temps à la prestation de soins palliatifs à domicile et, pendant plusieurs années, j'ai soigné des personnes en situation d'itinérance. Je suis également un évaluateur et un fournisseur de l'AMM.
Tout mon exposé doit être entendu en gardant à l'esprit trois éléments essentiels des soins palliatifs et de l'AMM, soit l'accès, l'équité et la compassion. Je vais également vous faire part de certaines de mes préoccupations concernant les pratiques actuelles et futures dans les domaines des soins palliatifs et de l'AMM.
Plusieurs cadres de soins palliatifs exemplaires nous ont été proposés, dont le cadre de 2018 sur les soins palliatifs au Canada de Santé Canada et divers documents produits par les provinces. Tous recommandent des moyens novateurs et efficients pour améliorer l'équité de l'accès et économiser des sommes considérables en préconisant une approche palliative des soins si elle est indiquée. Cependant, et même si des professionnels et des bénévoles dévoués ont travaillé d'arrache-pied pendant des années pour rédiger ces rapports, la plupart des idées et des plans proposés ne se concrétisent jamais, du moins pas dans le monde où je travaille. Pourquoi? Tout simplement parce que nous recevons rarement le financement nécessaire pour mettre en œuvre les recommandations fondées sur des données probantes.
Permettez-moi de citer un exemple concret tiré de mon expérience personnelle. Il y a sept ans environ, j'ai cofondé un centre de soins palliatifs dans notre communauté de North York, le Neshama Hospice. Selon les pratiques exemplaires, il faut offrir de 10 à 12 lits réservés aux soins de fin de vie par 100 000 habitants. Avec une population de 1 million d'habitants environ, North York devrait donc avoir de 100 à 120 lits. La réalité est qu'il n'y a aucun lit dans une unité de soins palliatifs et aucun lit dans un centre dans notre région. Nous avons recueilli 18 millions de dollars jusqu'ici pour notre nouveau centre mais, à cause de l'inflation, nous devons trouver plusieurs autres millions. Le gouvernement provincial nous versera 2 millions de dollars, ce qui correspond à 10 % à peine de nos coûts. Notre budget de fonctionnement ne couvrira même pas la moitié de nos coûts. La majorité des patients en fin de vie au Canada, c'est‑à‑dire jusqu'à 70 % dans beaucoup de régions, sont traités à grands frais dans les hôpitaux jusqu'à leur dernier souffle à cause du manque de financement de mesures communautaires de soutien comme les centres de soins palliatifs ou les soins à domicile.
Comment expliquer que des organismes de bienfaisance soient les principaux fournisseurs de services de soins palliatifs essentiels, de grande qualité, adéquats et très efficients? Pour améliorer l'accès, l'équité et la compassion en matière de soins au Canada, le gouvernement fédéral a un important rôle à jouer dans l'établissement de normes nationales et le financement. Il doit utiliser le Transfert canadien en matière de santé pour financer les soins palliatifs et les centres spécialisés, comme c'est prévu dans son propre cadre. Il est plus que temps de passer de la parole aux actes.
L'espérance de vie moyenne des personnes admises dans un établissement de soins de longue durée est de 18 mois seulement. Si cette statistique ne justifie pas une approche palliative des soins, je me demande ce qui en convaincra. Pourtant, très peu d'établissements de soins de longue durée adoptent cette approche, si bien que beaucoup de nos citoyens âgés et fragiles se retrouvent aux urgences quand leur état de santé se détériore. Ils sont hospitalisés dans une unité de soins aigus, où ils restent parfois des semaines, voire des mois, ce qui provoque un déconditionnement très rapide qui les empêche de retourner dans leur milieu de vie.
Selon un rapport récent de l'Institut C.D. Howe, le pronostic de survie est de moins de 90 jours pour 40 % environ de ces patients. Je vous invite à réfléchir, pour un petit moment, à l'idée qu'une offre améliorée d'options communautaires de soins serait tellement plus efficace et permettrait vraiment de désengorger notre système de santé en péril. Ce serait suffisant pour libérer un grand nombre de lits de soins aigus et pour régler une bonne partie des problèmes de capacité et d'attente dans notre système hospitalier.
Dernièrement, les médias ont parlé de personnes qui ont une maladie chronique ou un handicap et qui n'ont pas accès à l'aide et aux ressources sociales nécessaires pour vivre une vie qui en vaut la peine. Ces personnes finissent par demander l'AMM, généralement au titre du deuxième volet. Elles ont toute ma sympathie et je les crois quand elles parlent d'une souffrance intolérable. Même si j'ai entendu parler de quelques-uns de ces cas tragiques, il y en a très peu en réalité. Plusieurs affirment qu'elles ne veulent pas vraiment recevoir l'AMM, mais qu'elles préfèrent mourir plutôt que de vivre dans des conditions aussi misérables. C'est de là que vient leur souffrance intolérable.
Les critiques de la législation sur l'AMM dénoncent entre autres le fait qu'il est plus facile d'y avoir accès que d'obtenir des soins et du soutien social et financier convenables. Ils n'ont pas tout à fait tort. Ils proposent de durcir la législation en matière d'AMM, mais le problème ne vient pas vraiment de là puisqu'une personne devra toujours remplir tous les critères d'admissibilité. Selon moi, c'est le manque de places dans des lieux adéquats et adaptés, de soutien financier, d'accès rapide à des services en toxicomanie, en santé mentale et en réadaptation, ainsi qu'à des soins palliatifs qui est à l'origine des demandes. C'est l'insuffisance et l'inadéquation des soins de santé et des mesures d'aide sociale et financière qui signent leur arrêt de mort. Ce n'est pas l'AMM qui est en cause. Pour éviter des morts inutiles, il faut financer adéquatement les services de soutien social et de santé. Les gens seront plus nombreux à vivre de longues années et dans de meilleures conditions.
Je vais conclure avec une remarque sur un aspect de la législation sur l'AMM qui m'apparaît problématique.
La renonciation au consentement final, qui vise à garantir le respect de la volonté d'un patient d'obtenir l'AMM après qu'il a perdu sa capacité, représente une modification extrêmement valable de la législation, mais qui pourrait néanmoins poser problème. Nous avons entendu parler de cas isolés où la renonciation a été mise à exécution des mois après, et même deux ou trois années après l'établissement de l'admissibilité d'un patient qui ne voulait pas se prévaloir de l'AMM immédiatement après son évaluation. À mon humble avis, il s'agit d'un consentement anticipé de fait, ce qui n'était manifestement pas l'intention derrière la modification. Je soumets cette question au Comité pour qu'il y réfléchisse et en fasse une analyse approfondie.
Merci de me donner la possibilité de comparaître devant vous aujourd'hui et de vous faire part de mon point de vue sur l'AMM.
:
Je vous remercie, madame Guillemette.
Au Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, nous nous questionnons aussi sur les demandes d'aide médicale à mourir où un trouble mental est la seule condition invoquée. Au Québec, vous avez décidé de ne pas aller de l'avant à cet égard, alors je me sens obligée de profiter de votre passage pour vous poser des questions là-dessus.
Vous avez dit avoir décidé de ne pas aller de l'avant parce que vous n'aviez pas senti de consensus au sein de la population.
Comment avez-vous mesuré cela, outre le fait que vous avez mené un sondage et que vous avez consulté 80 groupes du milieu médical?
Pourquoi n'avez-vous pas donné suite à cela, et que feriez-vous si, nous, nous allions dans ce sens?
:
En ce qui concerne l'aspect technique, je précise que nous avons tout de même consulté 80 groupes, organismes professionnels de la santé et médecins. Comme nous l'avons bien souligné, la santé mentale est un sujet trop important pour qu'il n'y ait pas de consensus à ce propos. Nous n'avons pas perçu que l'idée d'aller dans ce sens faisait l'objet d'un consensus social.
Il est trop difficile, présentement, de déterminer s'il s'agit d'une maladie irréversible ou incurable. Or, le sujet est vraiment important. Nous nous sommes dit que nous ne ferions pas de recommandations en ce sens pour le moment, et que nous verrions si, à l'avenir, une nouvelle commission étudierait uniquement la question des demandes d'aide médicale à mourir ayant pour seul motif un trouble de santé mentale. Compte tenu des données que nous avions et du manque de consensus social, nous considérions qu'il était trop difficile d'élargir l'aide médicale à mourir pour y inclure les troubles mentaux en tant que seul motif invoqué.
Une personne atteinte d'un trouble mental qui souffre aussi d'une autre maladie peut quand même être admissible à l'aide médicale à mourir. La demande de cette personne ne sera pas nécessairement refusée parce qu'elle est atteinte d'un trouble de santé mentale. Elle sera refusée si la demande a pour seul motif un trouble de santé mentale.
Pour ce qui est de la législation et de la concordance entre les positions fédérale et provinciale, nous verrons comment les choses aboutiront du côté fédéral. Il y aura sûrement des ajustements.
:
Je vous remercie, madame la présidente.
Je vous remercie, chers témoins. Il est toujours agréable d'entendre vos témoignages, qui nous aident beaucoup à faire progresser ce dossier.
Je vais d'abord m'adresser au Dr Gauthier.
Docteur Gauthier, je vous remercie de votre présentation. C'est la plus courte qu'il m'ait été donné d'entendre depuis que je siège à ce comité. Elle était néanmoins débordante d'information. En tant que législateur, je trouve que vos propos sont particulièrement pertinents en ce qui concerne les demandes anticipées d'aide médicale à mourir, un sujet que nous aborderons avec ce deuxième groupe de témoins.
Si j'ai bien compris, vous êtes favorable à l'idée que l'on ouvre l'aide médicale à mourir aux demandes anticipées. La maladie d'Alzheimer est votre spécialité. Vous avez parlé de divers stades qui peuvent être déterminés et à partir desquels on pourrait peut-être accorder l'aide médicale à mourir.
Ma question comporte deux volets.
Selon vous, à partir de quel moment une personne peut-elle faire une demande anticipée? Vous avez parlé de patients ou de gens que vous connaissez qui craignent d'être atteints de cette maladie parce que des membres de leur famille en sont atteints.
En résumé, êtes-vous favorables aux demandes anticipées faites par des personnes qui ne présentent aucun symptôme de la maladie d'Alzheimer?
:
À l'heure actuelle, ce qui fait consensus, c'est le fait qu'il doit y avoir un diagnostic déjà établi. Cela dit, il pourrait s'agir d'un stade très précoce de la maladie. Une personne ne pourrait pas demander l'aide médicale à mourir en invoquant la crainte d'être éventuellement atteinte d'une certaine maladie.
En revanche, il est possible de documenter ses préférences par écrit, même s'il n'y a aucune maladie déjà déclarée. Nous le faisons déjà quand, pour faciliter nos décisions en cas d'inaptitude, nous remplissons un mandat de protection.
Selon une clause particulière, une personne peut préciser à son représentant désigné si elle souhaite ou non qu'une manœuvre extraordinaire soit exécutée en cas d'accident vasculaire cérébral, par exemple, s'il n'y a pas d'espoir de récupération. Pourrions-nous inclure l'aide médicale à mourir dans ces souhaits? Je ne le sais pas.
Pour répondre précisément à votre question, je dirai qu'il faut attendre d'avoir un diagnostic précis.
:
C'est une très bonne question. J'ai essayé de rendre cela un peu opérationnel pour les besoins du Comité.
Au début de la maladie d'Alzheimer ou d'une démence, les gens sont compétents. C'est le moment pour eux de mettre leurs papiers en ordre. Cette période peut durer un an, deux ans ou trois ans. Tant qu'ils ne sont pas déclarés inaptes, ils peuvent exprimer leurs souhaits et faire déjà une demande d'aide médicale à mourir s'ils le souhaitent et qu'ils ne souffrent pas de dépression, notamment.
À l'autre extrême, il y a la phase terminale, lorsqu'il n'y a vraiment aucun espoir que les personnes vivent au-delà d'un certain nombre de mois. Tous les gens, je crois, précisent dans leurs souhaits qu'ils ne veulent pas continuer à vivre s'ils sont atteints d'une maladie neurologique en phase terminale.
C'est le stade intermédiaire qui pourrait poser un problème. Une personne a été déclarée inapte, mais elle jouit encore d'une certaine mobilité et elle interagit encore avec l'environnement jusqu'à un certain point. Cette période dure en moyenne de deux à trois ans. Le stade d'inaptitude a été reconnu, mais la personne n'a pas encore atteint, de façon reconnue, la phase terminale.
:
Madame la présidente, avant que commence le décompte de mon temps de parole, j'aimerais invoquer le Règlement.
J'aimerais que Mme Guillemette me précise une chose.
Dans l'avis de convocation, il est indiqué qu'elle représente le gouvernement du Québec. J'aimerais simplement savoir si elle est ici à titre de présidente de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, à titre de législatrice ou bien, effectivement, à titre de représentante du gouvernement du Québec, parce que cela change toute la donne.
Si nous voulons entendre un représentant du gouvernement du Québec qui est mandaté à cet effet, nous le ferons plus tard. Je crois comprendre qu'aujourd'hui elle est représentante du gouvernement du Québec.
Pouvons-nous clarifier cela maintenant? Nous aurions peut-être dû le faire avant la réunion. Je veux seulement savoir si c'est bien le cas.
:
D'accord. Je vous remercie beaucoup.
Vous comprendrez, madame Guillemette, que je fais la différence entre un gouvernement et le processus législatif, auquel vous avez fait partie et que, d'ailleurs, vous présidiez.
Docteur Gauthier, en ce qui concerne le projet de loi , je vous avais déjà demandé à quel moment, et jusqu'à quel moment, on pouvait considérer qu'un patient est apte à faire une demande anticipée. Mon collègue vous a d'ailleurs posé la question. Vous m'aviez parlé à ce moment-là des stades 3 et 4.
Maintenez-vous cette réponse?
:
Merci, madame la coprésidente, et merci aux témoins de se présenter devant le Comité.
Docteur Buchman, mes questions seront pour vous. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé en détail de la situation des soins palliatifs au Canada et des difficultés rencontrées dans la région de York pour l'établissement d'un centre spécialisé. Je suis désolé d'entendre que votre projet a des allures de parcours du combattant.
Je crois que vous avez aussi mentionné que les patients admis dans un établissement de soins de longue durée ont une espérance de vie moyenne de 18 mois, que leur transfert dans un hôpital est un processus très difficile et très coûteux, et qu'il se fait souvent au détriment de leur qualité de vie.
Il y a eu beaucoup de discussions à l'échelon du fédéral, notamment dans la foulée des problèmes mis en lumière par la pandémie dans les milieux de soins de longue durée, concernant l'adoption d'une loi ou d'une stratégie sur les soins de longue durée qui édicterait des normes applicables pour tous les Canadiens, peu importe leur lieu de résidence.
Selon vous, considérant ce que vous nous avez dit en introduction à ce sujet et au sujet des soins palliatifs, que faudrait‑il retrouver au minimum dans une stratégie sur les soins de longue durée?
:
Merci de cette question.
Une stratégie sur les soins de longue durée devrait bien entendu inclure, au minimum, des normes nationales de soins pour éviter les disparités entre régions au chapitre de l'offre de soins, comme c'est le cas actuellement. Par exemple, nous avons constaté durant la pandémie que les établissements de soins de longue durée à but lucratif ont fait nettement moins bien que les établissements sans but lucratif pour ce qui est du nombre de décès sur place. Nous devons adopter des normes nationales minimales.
Les normes nationales devraient porter entre autres sur les heures de soins infirmiers et de soutien à la personne, et dicter le nombre d'heures minimal, mais optimal, auquel ont droit tous les résidents. Il faut aussi des normes architecturales, qui exigeraient des chambres individuelles, et faire appliquer toutes les normes les plus récentes de prévention des maladies infectieuses. Il faut aussi accroître considérablement l'offre de soins à domicile. Plutôt que d'investir des milliards de dollars dans les installations matérielles, il faut privilégier les soins à domicile pour que les personnes qui nécessitent des soins de longue durée puissent les recevoir de manière adéquate chez elles. Les gens veulent rester chez eux.
À mon avis, c'est dans ce secteur qu'il faut investir le plus. Nous avons aussi besoin de normes sur les soins à domicile et l'accessibilité qui seraient applicables à toutes les régions et à toutes les administrations.
:
Je vais vous donner quelques exemples. Les données les plus à jour ne sont pas vraiment récentes, mais elles peuvent être actualisées pour nous donner une idée des coûts aujourd'hui. Les données sont tirées du rapport de 2014 du vérificateur général de l'Ontario.
En 2022, on peut estimer qu'une journée d'hospitalisation d'un patient en fin de vie coûte 1 100 $. Oui, une journée à l'hôpital coûte 1 100 $. Une journée dans une unité de soins palliatifs dans un établissement coûte 700 $, et elle coûte 450 $ dans un centre de soins palliatifs. Les soins à domicile coûtent 100 $ par jour.
Chaque année en Ontario, 70 000 patients meurent... En fait, 100 000 personnes meurent, mais 70 000 d'entre elles meurent à l'hôpital. Si nous en transférons la moitié, ou 35 000, dans un centre de soins palliatifs, l'économie serait d'environ 650 $ par jour par patient. Le séjour moyen est de 21 jours. Si nous multiplions 35 000 patients par 21 jours à raison de 550 $ en moins par jour, le résultat serait une économie de centaines de millions de dollars.
C'est le financement initial qui fait défaut. Par exemple, le centre que j'ai cofondé a reçu seulement de 6 à 7 % du financement requis pour son ouverture. Je me demande pourquoi on ne reconnaît pas qu'il s'agit de soins de santé essentiels. C'est pourtant logique. C'est à cette qualité de soins que les gens aspirent et à laquelle ils ont droit, et c'est un modèle très économique.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
Bonjour, docteur Gauthier. Ma première question s'adresse à vous.
Sans utiliser de chiffres précisant un stade de maladie en particulier, une personne pourrait-elle inscrire dans sa demande anticipée qu'elle souhaite recevoir l'aide médicale à mourir au moment où elle ne sera plus en mesure de reconnaître les siens, qu'elle souffrira de double incontinence ou qu'elle sera atteinte de tel ou tel handicap, par exemple? En tant que professionnel, que pensez-vous de cela?
J'ai une deuxième question pour vous.
Après avoir entendu l'échange que vous avez eu avec mon collègue M. Thériault, je sens que vous adhérez au concept de démence heureuse. Si la personne pouvait inclure cela dans sa demande anticipée, cela représenterait une mesure de sauvegarde additionnelle.
Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est la démence heureuse? Devrait-on procéder à l'aide médicale à mourir si une personne se trouve dans cet état?
Je vais revenir à Mme Guillemette pour qu'elle nous parle davantage du concept de la démence heureuse. Je dois avouer que je suis passablement troublée de penser que le poids des décisions puisse reposer sur les épaules de personnes qui ne connaissent pas forcément ce qui au départ... Elles ne savent pas forcément ce qui préoccupait le patient, ce qu'il a écrit exactement dans un document.
Je sais que le projet de loi n'est pas encore rédigé. Je travaille moi-même sur un projet de loi sénatorial.
Pensez-vous qu'il serait raisonnable, et donc raisonnable pour les législateurs, de proposer qu'une personne qui se pense à risque de souffrir d'un trouble neurocognitif, de démence ou de la maladie d'Alzheimer en raison de ses antécédents familiaux ou pour d'autres raisons soit autorisée à dresser une liste, une série de critères concernant ses volontés et le moment où elle souhaite recourir à l'AMM, et qu'elle désigne un décideur tiers consentent, de manière anticipée et tout au long du processus, en consultation constante avec les fournisseurs de l'AMM et d'autres médecins et juristes? Pensez-vous qu'il s'agit d'une proposition que nous pouvons raisonnablement soumettre à titre de législateurs?
La question s'adresse d'abord à Mme Guillemette et, s'il reste du temps, j'aimerais aussi savoir ce que vous en pensez, docteur Gauthier.
Mes collègues ont posé des questions sur la démence heureuse. Ma mère souffrait de démence. Elle est morte il y a quelque temps. Je suis la fille aînée. J'ai l'impression de vous entendre raconter ma vie quand vous parlez des possibilités... C'est très personnel et c'est très complexe.
Vous avez raison, madame Guillemette. Il faut que le cadre juridique soit très solide.
La mère de ma mère et sa sœur ont toutes les deux souffert de démence. Je suis consciente que je suis à risque. C'est un sujet qui me touche énormément.
Je tiens à souligner qu'à titre de décideurs, notre rôle est de trouver l'équilibre délicat entre l'autonomie des patients et la gestion des risques inhérents. J'aimerais vous interroger à ce sujet. Comment pouvons-nous, compte tenu des risques inhérents, assurer un bon équilibre entre l'autonomie et le consentement pleinement éclairé? Je pense que vous avez tous plus ou moins abordé ce sujet dans vos réponses.
Je vais me tourner vers Mme Guillemette pour commencer.