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AMAD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir


NUMÉRO 021 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 21 octobre 2022

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Français]

    Nous tenons aujourd'hui la 21e réunion du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.
    Je souhaite la bienvenue aux membres du Comité, aux témoins, aux gens du public ainsi qu'à ceux qui suivent la réunion sur le Web.
    Je m'appelle Marc Garneau et je suis le représentant de la Chambre des communes qui copréside ce comité, en compagnie de l'honorable Yonah Martin, coprésidente représentant le Sénat.
    Nous continuons aujourd'hui l'examen prévu par la loi des dispositions du Code criminel concernant l'aide médicale à mourir et leur application.

[Traduction]

    J'aimerais rappeler aux membres et aux témoins qu'ils doivent garder leurs microphones en sourdine, à moins qu'un coprésident ou une coprésidente ne les nomme. Je vous rappelle que toutes les remarques doivent être adressées par l'intermédiaire de la coprésidence.
     Lorsque vous avez la parole, veuillez parler lentement et clairement. L'interprétation lors de cette vidéoconférence fonctionnera comme lors d'une réunion de comité en présentiel. Vous avez le choix au bas de votre écran entre le parquet, l'anglais ou le français.
    Sur ce, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins du premier groupe, qui sont ici pour discuter de l'état des soins palliatifs au Canada. À titre personnel, nous avons Julie Campbell, une infirmière praticienne qui se joint à nous par vidéoconférence, et la Dre Nathalie Zan, qui, nous l'espérons, se joindra à nous très bientôt. Nous accueillons également, de l'Alliance des chrétiens en droit, Derek Ross, directeur exécutif.
     Merci à tous de vous joindre à nous ce matin. Nous commencerons par la déclaration liminaire de Mme Campbell, suivie de celle de M. Ross, puis de celle de la Dre Zan. Nous espérons que la Dre Zan sera arrivée d'ici là.
     Mme Campbell, vous avez cinq minutes. La parole est à vous. Allez‑y, je vous prie.
    Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
     Je suis ici en tant qu'infirmière praticienne indépendante et fournisseuse d'aide médicale à mourir, et je parle avec l'expérience du soutien de l'accès dans tout l'Ontario.
     Je tiens d'abord à vous dire à quel point je vous suis reconnaissante de votre soutien du projet de programme national en matière d'AMM de l'ACEPA, l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM. Je reconnais également le bon travail accompli pour établir la renonciation au consentement final afin de permettre aux patients d'optimiser pleinement la gestion de leur douleur et de leurs symptômes sans craindre qu'une perte de capacité ne limite leurs choix. Ce travail peut se poursuivre au moyen de directives anticipées visant en particulier les patients atteints d'affections qui, du fait de leur nature, évolueront vers une perte de capacité.
     Dans les témoignages précédents, vous avez entendu parler de la recherche croissante sur l'importance de l'identification précoce des patients pour les soins palliatifs. Je me fais l'écho de ces remarques et je soutiens pleinement l'éducation visant à intégrer une approche palliative des soins dans tous les milieux de soins.
     Les praticiens participant au programme d'aide médicale à mourir partagent les mêmes préoccupations concernant les aiguillages tardifs. Sur les 3 228 patients dont j'ai eu à m'occuper et qui ont exprimé un intérêt envers l'aide médicale à mourir, seuls un peu plus de 50 % ont décidé que l'aide médicale à mourir était le bon choix pour eux. Beaucoup d'autres n'ont pas donné suite, mais avaient le choix. Je crois que l'information peut être un pas vers la réduction de la peur et de l'incertitude. Les renseignements ne font pas la promotion de l'aide médicale à mourir. Ils encouragent les dialogues progressifs avec les prestataires de soins et les proches et encouragent le patient à faire un choix éclairé et réfléchi.
     Je me fais l'écho des témoignages précédents sur le pourcentage élevé de patients bénéficiant de l'aide médicale à mourir qui reçoivent également des soins palliatifs et la recommandation que nous continuions à viser plus haut. Cela ne se mesure pas seulement en pourcentage, mais aussi par le niveau de soutien interdisciplinaire disponible et la réduction des obstacles. La mesure de la qualité et de l'accessibilité des soins palliatifs doit se faire au sein même des soins palliatifs. Les patients qui choisissent l'aide médicale à mourir ne représentent qu'un petit groupe, il est donc important de ne pas passer à côté de l'expérience des autres.
     L'AMM ne constitue pas un échec des soins. C'est un choix sur la façon de mourir. J'ajouterais que les patients les plus susceptibles de recevoir des soins palliatifs sont ceux qui ont reçu un diagnostic de tumeur maligne. Nous devons mieux identifier les patients atteints de maladies chroniques graves limitant la durée de vie et nous concentrer encore plus sur nos personnes âgées fragiles ou nos patients atteints de démence qui sont les moins susceptibles d'être identifiés et de recevoir des soins palliatifs.
     J'aimerais terminer ma déclaration d'aujourd'hui en proposant quelques moyens d'améliorer les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir au Canada.
     Nous devons tirer parti des réussites démontrées par les équipes interdisciplinaires de professionnels axées sur le patient et nous concentrer sur les personnes les moins susceptibles d'être identifiées pour un soutien palliatif. Selon les statistiques fédérales, l'augmentation en pourcentage de la prestation de l'aide médicale à mourir dépasse l'augmentation du nombre de prestataires et, en particulier, du nombre de prestataires ayant l'expérience voulue pour assumer la complexité croissante de ce travail. Ces données ne tiennent pas compte des ressources humaines en santé nécessaires pour assurer l'éducation et l'évaluation des personnes qui finiront par ne pas choisir l'aide médicale à mourir.
     Les patients qui recherchent l'aide médicale à mourir ont également besoin d'équipes intégrées. Certaines provinces offrent une partie de cette intégration, mais d'autres beaucoup moins. L'AMM a été décrit comme une procédure. Je pense que c'est une sursimplification des liens établis et des évaluations réfléchies et minutieuses qui nous permettent de mieux comprendre les patients et leur souffrance dans leur perspective.
     Au fur et à mesure que nous augmentons la complexité des patients qui peuvent être admissibles, nous devons avoir accès à une connaissance experte de diverses situations, y compris les services pour lesquels il y a des listes d'attente importantes, comme la gestion spécialisée de la douleur et les soutiens psychiatriques. Nous avons besoin de soutien en matière de coordination et d'administration; de soutien en santé mentale, en travail social, en soins infirmiers et en services sociaux; et d'une capacité pour les cliniciens de se déplacer et d'optimiser les soins virtuels afin d'encourager l'équité. Un avantage supplémentaire de la constitution de ces équipes serait d'assurer la rémunération des infirmières praticiennes, qui restent sans le soutien financier indépendant dont bénéficient leurs collègues médecins. Elles jouent un rôle important pour garantir l'accès.
     Nous devons éliminer les obstacles organisationnels aux soins intégrés qui forcent le transfert des patients dans leurs moments de plus grande vulnérabilité. Nous avons également besoin de paiements de transfert fédéraux ciblés en matière de soins de santé pour combler l'écart entre les mesures législatives fédérales et la mise en oeuvre à l'échelle de la province. Nous devons nous assurer que l'accès aux soins intégrés et interdisciplinaires de l'aide médicale à mourir n'est pas seulement légal, mais qu'il constitue un choix disponible.
     Je vous remercie.
(0850)
    Merci beaucoup, madame Campbell.
     Nous passons maintenant à M. Ross.
     Monsieur Ross, vous avez cinq minutes.
     Bonjour, et merci au Comité pour cette occasion. Je m'appelle Derek Ross. Je suis le directeur exécutif et l'avocat général d'Alliance des chrétiens en droit. Nous sommes une organisation nationale d'avocats et une ONG qui a un statut consultatif spécial auprès des Nations unies. L'Alliance est également intervenue à tous les paliers judiciaires dans l'affaire Carter.
     Je pense qu'il est important d'examiner cette décision dans nos délibérations et discussions d'aujourd'hui. L'affaire Carter, comme vous le savez, demandait la légalisation de l'aide médicale à mourir, mais seulement pour les adultes compétents qui souffrent de façon irrémédiable et sont pleinement informés, non ambivalents, clairement consentants et libres de toute coercition ou contrainte, et seulement dans le contexte d'un système soigneusement conçu imposant des limites strictes qui sont scrupuleusement contrôlées et appliquées.
     Il est important d'examiner notre conformité à ce critère et la manière dont nous pouvons garantir les conditions nécessaires pour que les choix d'un patient soient véritablement, selon les termes de Carter, « non ambivalents », « volontaires » et « pleinement informés ». L'une de ces conditions est qu'un patient doit avoir accès à des services de qualité qui atténuent ses souffrances, comme les soins palliatifs. Si une personne souhaite vivre, mais accepte de mourir parce qu'elle ne bénéficie pas des services de base, elle n'a pas du tout fait un choix libre.
     Le Code criminel exige que tous les patients soient « informés des moyens disponibles pour soulager leurs souffrances » avant que ne soit accordée l'aide médicale à mourir. Cependant, selon Santé Canada, les soins palliatifs ou les mesures de soutien aux personnes handicapées n'étaient pas accessibles dans des centaines de cas d'aide médicale à mourir. Même lorsqu'ils étaient accessibles, leur adéquation et leur qualité n'étaient pas manifestes d'après ces rapports. Un certain nombre d'autres préoccupations sont ressorties, qui sont décrites dans notre mémoire et qui ont été reprises par les experts en droits de la personne des Nations unies. Les Canadiens doivent savoir que ces préoccupations font l'objet d'une enquête et sont prises en compte. Il ne suffit pas de faire état de mesures de protection; le gouvernement doit, pour reprendre les termes de Carter, les appliquer « scrupuleusement ».
     La prestation de l'aide médicale à mourir dans des circonstances où des soutiens raisonnables font défaut peut également soulever des préoccupations sur le plan de la Charte. Comme nous l'expliquons dans notre mémoire, si le gouvernement devait offrir la mort comme seule option aux patients tout en omettant de fournir des soins de santé raisonnables, il pourrait aller à l'encontre du droit à la vie et à la sécurité de la personne, protégé par l'article 7 de la Charte.
     Les témoins précédents ont soulevé des préoccupations concernant l'insuffisance des ressources et du financement des soins palliatifs et le manque de sensibilisation du public à ce qu'ils offrent. Il est crucial de répondre à ces préoccupations, surtout, ajouterions-nous, dans le contexte pédiatrique. Selon le groupe de travail d'experts du Conseil des académies canadiennes, « on sait peu de choses sur la façon dont les mineurs matures comprennent les soins de fin de vie ». Nous devons en savoir plus sur la façon dont les soins palliatifs pédiatriques spécialisés peuvent être priorisés pour mieux soutenir les jeunes.
     Ni Carter ni Truchon n'ont demandé l'aide médicale à mourir pour des mineurs. Ils n'ont certainement pas demandé l'euthanasie involontaire de nourrissons, quelle que soit la gravité de leur handicap ou la brièveté de leur espérance de vie. Nous demandons instamment à ce comité de rejeter toute proposition à cet égard, comme celle qui a été présentée devant ce comité. Elle éliminerait l'exigence du consentement, que les enfants ne peuvent pas donner, et porterait atteinte à la protection du droit à la vie assurée par la Charte et du droit à la protection égale garanti par la loi, sans discrimination fondée sur le handicap. Il ne s'agit pas de nier que les Canadiens de tous âges qui souffrent méritent de meilleures solutions. Ils le méritent. C'est parce qu'ils le méritent que nous devons accorder la priorité aux soins palliatifs.
     Nous recommandons que tous les patients ne soient pas seulement informés, mais qu'ils se voient proposer des consultations avec des professionnels qui fournissent des soins pour soulager leurs souffrances, y compris des soins palliatifs. Il s'agit des patients de la voie 2 et de la voie 1. Nous souscrivons également à l'observation faite l'an dernier par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles: « Le gouvernement du Canada devrait créer un organe ou un mécanisme de surveillance chargé de voir au respect de la réglementation en matière d'aide médicale à mourir, de superviser le cadre de responsabilisation et de veiller à ce que tous les patients reçoivent les bons soins médicaux. »
    C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions. Je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui.
(0855)
    Merci beaucoup, monsieur Ross.
     Avant de céder la parole à la coprésidente, je veux simplement confirmer que la Dre Zan ne s'est pas encore jointe à nous.
     Je vais maintenant céder la parole à mon homologue, la sénatrice Martin.
     Merci à nos témoins de ce matin. Votre témoignage sera très précieux pour l'étude que nous menons en ce moment.
     Nous allons commencer par les questions des députés.
     Monsieur Cooper, vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
     Je vais adresser mes questions à M. Ross.
     Pouvez-vous parler de la distinction juridique entre les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir? Nous entendons parler du continuum des soins de fin de vie, qui comprend à la fois les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir. Pouvez-vous préciser les distinctions juridiques?
    Pour répondre à cette question, j'oriente le Comité vers des principes juridiques dans quelques domaines de notre jurisprudence et de nos lois, à commencer par l'affaire Carter. Dans la décision de première instance dans l'affaire Carter, la juge de première instance a défini séparément les soins palliatifs et l'aide à mourir.
     Le tribunal a défini les soins palliatifs comme des traitements visant à soulager la souffrance. Ils ne visent ni à hâter ni à retarder la mort, mais affirment la vie et considèrent la mort comme un processus normal. C'était au paragraphe 41 de cette décision. L'aide à mourir, en revanche, représente la cessation intentionnelle de la vie d'une personne, à sa demande.
     Dans la décision Carter, ces pratiques sont reconnues comme étant distinctes. Les soins palliatifs existent pour améliorer la qualité de la vie tout au long de la vie et du processus naturel de la mort. L'AMM implique un acte qui met intentionnellement fin à la vie d'un patient, à sa demande. En fait, dans l'affaire Carter, le tribunal de première instance, après avoir examiné les preuves, a observé que des soins palliatifs adéquats peuvent réduire les demandes d'euthanasie ou conduire à leur retrait.
     Cela a également conduit à une autre...
    Cela rejoint ma prochaine question. Pouvez-vous parler de ce que les tribunaux ont dit sur les soins palliatifs en tant que protection dans le contexte de l'aide médicale à mourir?
    Oui. Il a aussi été question de cela dans l'affaire Carter. L'un des aspects est de s'assurer qu'un patient qui reçoit l'aide médicale à mourir ou du moins qui cherche à obtenir l'aide médicale à mourir peut donner un consentement éclairé et est informé de toutes les options disponibles. Dans l'affaire Carter, la juge de première instance a déclaré que l'éventail des options de traitement décrites devrait englober toutes les interventions raisonnables en matière de soins palliatifs pour que la norme du consentement éclairé soit respectée.
    Dans cette affaire, la juge de première instance a exigé que le demandeur soit orienté vers un médecin spécialisé en soins palliatifs pour une consultation en la matière avant de se prévaloir de l'aide médicale à mourir. La juge de première instance voulait que le médecin traitant le certifie.
     Cela se reflète également dans le préambule de la Loi relative au cadre sur les soins palliatifs au Canada, qui stipule
qu'une demande d'aide médicale à mourir ne peut être véritablement volontaire si le demandeur n'a pas accès à des soins palliatifs appropriés pour alléger ses souffrances.
     Il s'agit du rapport final du Comité externe sur les options de réponse législative à Carter. Il est certain que la jurisprudence suggère et, en fait, affirme que l'information et l'accès aux soins palliatifs sont importants pour que les patients qui demandent l'aide médicale à mourir puissent donner un consentement éclairé.
(0900)
    Je vous remercie pour cela.
     Vous avez parlé assez longuement de la décision Carter. Nous entendons beaucoup parler d'autonomie, et le tribunal a certainement reconnu l'autonomie individuelle dans le choix de l'aide médicale à mourir. Cependant, le tribunal a également parlé de la nécessité d'équilibrer cette autonomie avec les risques réels que courent les Canadiens vulnérables.
     Pouvez-vous préciser ce que la cour a dit à cet égard?
    Je pense qu'il est important de se rappeler comment la cour a formulé la question dans l'affaire Carter. La cour a dit que l'aide médicale à mourir serait une exception, une exception strictement limitée, qui serait « scrupuleusement contrôlée », et que les limites strictes seraient scrupuleusement appliquées, précisément parce qu'il y a des risques inhérents à tout régime qui permet la mort assistée. Ce n'est pas...
    Merci beaucoup, monsieur Ross.
     Nous avons ensuite cinq minutes pour les questions de M. Arseneault.

[Français]

    Madame la présidente, c'est Mme Fry qui prendra la parole à ce moment-ci.
    Je m'excuse, vous avez raison.

[Traduction]

    Madame Fry, j'ai inversé l'ordre par erreur. Vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Je tiens à remercier les témoins d'être venus une fois de plus et d'avoir exploré avec nous certaines des questions que nous devons poser sur ce sujet très important.
     Je crois avoir entendu M. Ross dire que les soins palliatifs sont un véritable continuum ou spectre de soins lorsqu'une personne cherche à obtenir l'aide médicale à mourir, et que les soins palliatifs en sont une partie intégrante et importante. Ce que j'aimerais savoir, c'est ceci. Comme on le sait bien, l'idée qu'il s'agit du choix pleinement informé du patient est inhérente à la décision Carter, comme vous l'avez mentionné. Or, il est normal, dans l'exercice de la médecine, que vous informiez pleinement vos patients de toutes leurs options de traitement et de soins avant qu'ils ne commencent à faire des choix.
     Comme cela a été dit dans Carter, si la décision ultime revient au patient, qu'arriverait‑il d'après vous si, pour une raison quelconque, une fois qu'il est pleinement informé, le patient décidait qu'étant donné tous ces renseignements, il ne veut pas aller en soins palliatifs? C'est ma première question.
    Ma deuxième question est de savoir si oui ou non les soins palliatifs, qui sont de compétence provinciale, sont facilement accessibles pour un patient particulier. Nous avons entendu des histoires selon lesquelles, parfois, ils ne sont pas prêts ou ils ne sont pas disponibles, ou le patient n'a pas la capacité de vivre sa vie parce qu'il n'a pas de système de soutien. Si tout cela est là et lui est accessible, croyez-vous qu'il doive avoir des soins palliatifs, ou croyez-vous qu'il y a encore une option fondée sur le consentement éclairé?
(0905)
    Merci beaucoup pour ces questions réfléchies. Je vais faire de mon mieux pour y répondre. Elles sont très importantes.
     Au début, cependant, vous avez indiqué que vous pensiez m'avoir entendu dire que les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir font partie d'un continuum. Ce n'est pas ce que je dis. En fait, je crois qu'il est important de reconnaître que ce sont des pratiques distinctes. Ce sont des domaines distincts qui ont été reconnus dans le Cadre sur les soins palliatifs au Canada.
    Oui, je comprends cela, et je suis désolée si je... Ce que je dis, c'est qu'il y a un continuum de soins dans tous les soins. C'est toute la gamme de soins qui est disponible pour un patient. Les soins palliatifs en font partie, l'aide médicale à mourir en est une autre. Je ne dis pas que l'un fait partie de l'autre.
     Ce que je demande, c'est qu'avec un consentement pleinement informé, pensez-vous que le patient, selon Carter, a le droit de refuser les soins palliatifs? Croyez-vous qu'en fait, si les soins palliatifs et tout le reste sont disponibles, c'est le patient qui finit par prendre cette décision?
    Oui, je pense que la décision Carter est claire sur le fait qu'un patient ne peut pas être forcé de subir un traitement qui est inacceptable pour lui, donc cela est certainement à prendre en compte.
     Comme vous l'avez dit, l'accent est mis ici sur le choix du patient. Ce que nous essayons de souligner aujourd'hui, c'est le choix des patients qui recherchent des soins palliatifs, ou du moins qui veulent les explorer, mais qui n'en ont pas la possibilité en raison d'un manque d'accès ou de renseignements. C'est très important pour nous de mettre l'accent sur la question du choix.
    Je suis désolée, M. Ross, mais je n'ai pas beaucoup de temps et je veux vous poser une dernière question.
     Étant donné qu'il y a des disparités dans les compétences provinciales et dans la disponibilité des médicaments dans les différentes provinces, que pensez-vous que le gouvernement fédéral devrait faire pour s'assurer que les patients ont pleinement le choix?
    C'est une question très importante.
     Je crois d'abord et avant tout que le gouvernement fédéral doit accorder la priorité à cette question. Il a fait un excellent travail avec le Cadre, mais il faut le mettre en oeuvre. Cela nécessite une coordination et une mise en oeuvre très étroites et concertées avec les provinces.
    Une chose que le gouvernement fédéral peut faire, à mon avis, c'est d'accorder la priorité au rétablissement du bureau des soins palliatifs, qui serait un bureau au sein du gouvernement fédéral pour aider à coordonner ces efforts et s'assurer qu'il s'agit d'une priorité politique mise de l'avant et travaillée conjointement avec les provinces. Le gouvernement fédéral peut également affecter des fonds à des projets de soins palliatifs, en soutenant les organisations qui travaillent dans ce domaine et qui essaient de fournir un soutien logistique aux patients et aux familles qui cherchent à avoir accès à des soins palliatifs.
    Madame la présidente, me reste-t‑il du temps? Comment est‑ce que je m'en tire ici?
    Non. Nous en sommes à cinq minutes maintenant. Merci, madame Fry.
    Merci beaucoup.
    Chers collègues, je dois faire une pause ici pour signaler que la Dre Zan, notre troisième témoin, s'est jointe à nous.
     Docteure Zan, voulez-vous allumer votre caméra? Nous espérons que le son passera. Nous savons que vous n'avez pas le casque que nous vous avons envoyé.
     Nous vous donnons la parole à ce stade — si cela vous convient, chers collègues — pour vous entendre.
    Allez‑y, docteure Zan.
    Bonjour. Je vous entends très bien.
     Madame la présidente et honorables membres du Comité, j'ai une déclaration écrite, que je préfère lire. Ce sera plus aisé. Je vais m'adresser à vous en français.

[Français]

    Je vous remercie sincèrement de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir. C'est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. L'objectif du présent témoignage est de vous entretenir des défis que je perçois en matière d'accessibilité au continuum des soins de type palliatif, y inclus l'aide médicale à mourir.
    Je suis médecin de famille au Québec depuis 1993. Mon champ de pratique a d'abord été très général, mais, depuis 2009, je travaille surtout en gériatrie. J'ai eu la chance de pratiquer la médecine familiale et la médecine gériatrique dans à peu près tous les milieux, dans tous les types de pratiques en médecine générale. De plus, je suis gestionnaire médicale depuis plusieurs années.
    Soigner des patients ayant des maladies irréversibles et incurables est une partie importante de mon quotidien. D'ailleurs, j'ai pu administrer l'aide médicale à mourir à plusieurs reprises au cours des dernières années. Je vous parle donc de mon vécu.
    Les changements démographiques que nous connaissons, qui sont de plus en plus évidents au quotidien, font que les besoins en soins palliatifs et les demandes d'aide médicale à mourir augmentent à une vitesse exponentielle. Malgré les efforts déployés pour développer ces soins, il demeure quand même certaines limites quant à leur accessibilité.
    J'observe donc que l'expérience de chaque personne peut être très différente, pour diverses raisons. Plusieurs exemples me viennent à l'esprit.
    Premièrement, la personne hospitalisée qui nécessite des soins palliatifs attend une chambre individuelle, ce à quoi elle a droit. Or, dans l'établissement de santé où elle se trouve, il n'y a pas suffisamment de chambres individuelles et elle décède dans une chambre pour deux personnes ou dans une salle. Trop de personnes décèdent encore dans l'environnement moins qu'optimal de nos établissements vétustes, qui abritent mal les personnes soignées et les proches.
    Deuxièmement, les personnes en fin de vie attendent souvent un lit dans l'unité de soins palliatifs, mais le nombre de lits est limité. Plusieurs personnes n'y ont accès qu'à la toute fin de l'évolution de leur maladie. Souvent, elles sont inconscientes quand elles y sont transférées; parfois, elles décèdent avant d'y avoir accès.
    Troisièmement, la personne qui souffre d'une maladie chronique non cancéreuse et qui requiert des soins palliatifs particuliers peut avoir plus de difficulté à avoir accès à de tels soins, vu le nombre limité de lits dans les unités de soins palliatifs.
    Quatrièmement, le patient seul à domicile qui attend la mise en place des services palliatifs à domicile ou son admission à l'unité de soins palliatifs peut avoir à se présenter à l'urgence. Vu l'augmentation du nombre de personnes âgées vivant seules, ce problème risque de survenir plus souvent.
    Cinquièmement, un des critères d'admission pour obtenir un lit dans une unité de soins palliatifs est que la personne ait un pronostic de vie de moins de trois mois. Les personnes en perte d'autonomie grave souffrant d'une maladie terminale dont le pronostic est de plus de trois mois sont souvent orientées vers les CHSLD, peu importe leur âge et leur diagnostic. La personne ainsi admise en CHSLD n'est pas à la bonne place pour obtenir des soins palliatifs optimaux. De plus, elle occupe malheureusement un lit qui est normalement réservé aux personnes âgées ayant des besoins tout autres, incluant des soins palliatifs particuliers. De plus, plusieurs de ces personnes décèdent en moins de trois mois et n'ont malheureusement pas reçu de soins palliatifs optimaux.
    Sixièmement, certaines personnes qui demandent l'aide médicale à mourir se voient restreindre l'accès à certains lits de soins palliatifs dans des établissements qui n'offrent pas ce type de soins. Certaines de ces personnes décèdent sans avoir eu accès à des soins palliatifs optimaux.
    Septièmement, certains patients admis dans un établissement de soins palliatifs doivent changer d'établissement pour recevoir l'aide médicale à mourir, puisque celle-ci n'est pas offerte dans l'établissement où ils se trouvent présentement.
    Huitièmement, il y a l'enjeu lié au respect des volontés des personnes qui deviennent inaptes.
    Je crois que nous devons réfléchir au niveau de soins et à la qualité de l'offre de soins et de services à développer pour le continuum des soins palliatifs, qui inclut l'aide médicale à mourir. La pénurie actuelle qui touche toute équipe professionnelle interdisciplinaire nous oblige aussi à réfléchir.
    Je souligne que nous sommes très fortunés de vivre dans une société qui permet et favorise le développement de l'offre de soins palliatifs. Dans mon secteur de pratique, soit l'est de l'île de Montréal, la demande d'aide médicale à mourir augmente sans cesse. Je suis certaine qu'il s'agit d'une réalité partout au pays.
    Tous les jours, des patients me posent des questions sur l'aide médicale à mourir et sur les soins palliatifs. Le fait de pouvoir choisir des soins adaptés à leurs besoins les rassure. Ils demeurent cependant préoccupés par le respect de leurs volontés et l'accès à leur choix. Bien sûr, il faut continuer à travailler sur l'éducation et la sensibilisation de nos professionnels.
    Vous et moi ne connaissons pas à l'avance quels soins nous allons choisir en situation de fin de vie, où nous nous retrouverons tous, inévitablement. Mon souhait pour tous est que nous puissions être accueillis dans le respect de ce choix ultime et profondément personnel et que nous puissions avoir accès à tous les soins requis, le moment venu.
    Personnellement...
(0910)

[Traduction]

    Je suis désolée, docteure Zan, mais nous avons dépassé les cinq minutes. Je vous remercie beaucoup de votre témoignage.
    Je vous remercie.
    Nous revenons à nos questions.
     Nous avons maintenant M. Thériault, pour cinq minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je vais d'abord poser mes questions à la Dre Zan.
    Certaines personnes nous disent qu'il n'y a pas de choix, actuellement. Vous avez décrit l'accessibilité aux soins palliatifs. Certains disent que c'est parce que les gens n'ont pas accès aux soins palliatifs qu'ils demandent l'aide médicale à mourir. Est-ce votre avis également?
(0915)
    Non. Ce sont deux choses totalement différentes. De toute évidence, l'accès aux soins palliatifs est insuffisant, mais ce n'est pas pour cette raison que les gens demandent l'aide médicale à mourir. Je crois que les deux doivent être tout aussi accessibles. L'aide médicale à mourir n'est pas une solution de remplacement aux soins palliatifs.
    Vous avez mentionné que tous les patients en phase terminale, c'est-à-dire dont le pronostic de vie était de moins de trois mois, connaissaient des problèmes d'accès aux soins. Vous avez ajouté quelque chose qui m'a renversé: quelqu'un qui, rendu à l'hôpital, dirait qu'il veut l'aide médicale à mourir serait privé de l'accès à l'unité de soins palliatifs. Il n'y aurait pas accès parce qu'il aurait choisi l'aide médicale à mourir.
    Je pense que cela dépend de l'endroit où la personne se trouve.
    On ne parle pas juste de l'hôpital. Vous dites qu'une personne qui demande l'aide médicale à mourir doit être transférée ailleurs lorsque l'établissement où elle se trouve, par exemple une maison, ne la pratique pas ou lorsque personne n'accepte de la pratiquer.
    Cela peut arriver. Dans certains établissements, il n'y a aucun problème, car il y a un continuum de soins. Il existe cependant des cas où une personne pourrait être admise à l'unité de soins palliatifs d'un établissement qui n'offre pas l'accès à l'aide médicale à mourir. Cette personne devrait alors changer d'endroit pour recevoir les soins voulus. L'inverse est aussi vrai. Cela peut arriver. Ce n'est pas le cas partout, mais cela existe.
    Certaines personnes disent que les soins palliatifs couvrent beaucoup plus que la phase des soins de fin de vie. La loi québécoise s'intitule Loi concernant les soins de fin de vie. Évidemment, comme vous l'avez dit, les soins palliatifs font partie intégrante des soins de fin de vie. Ce qu'a fait le Québec par sa loi, c'est qu'il a décidé que, parmi les soins de fin de vie, une demande d'aide médicale à mourir pouvait émerger et qu'il fallait l'accueillir. Cette loi n'est pas désignée comme étant la loi sur l'aide médicale à mourir; cette loi s'intitule Loi concernant les soins de fin de vie. On offre donc un continuum de soins, parmi lesquels se trouve l'aide médicale à mourir. À moins que je ne me trompe, les soins palliatifs sont l'accompagnement vers la mort dans sa globalité. Un patient pourrait donc, en toute sérénité, opter pour l'aide médicale à mourir. Comme le disait Mme Campbell tantôt, l'aide médicale à mourir ne doit pas être considérée comme un échec des soins palliatifs. Il ne faut pas opposer ces deux pratiques. Est-ce votre avis?
    Dans notre cheminement vers la mort, nous pourrions être satisfaits des soins palliatifs tout court, ou nous pourrions nous retrouver dans une situation où, malgré ces soins palliatifs, notre souffrance est trop intense. Les souffrances peuvent parfois être absolument intolérables. C'est là tout l'intérêt d'avoir accès à l'aide médicale à mourir. On y a recours au besoin. La possibilité est là. Certains patients cheminent dans les soins palliatifs de façon tout à fait normale et ne s'attendent pas à demander l'aide médicale à mourir, mais, considérant la détérioration de leur état, décident de choisir cette option.
    Dans le cadre des soins palliatifs et des soins de fin de vie, les méthodes de contrôle de la douleur peuvent, à la longue, entraîner le décès. Le patient ne va pas nécessairement mourir de complications liées à son cancer, par exemple, mais bien d'un arrêt cardiaque sous l'effet d'une dernière dose d'antidouleur. Comme il n'y a pas de protocole de réanimation, la mort survient alors.
    En ce sens, pourrait-on dire que les soins palliatifs constituent une action qui conduit plus lentement, à petit feu, vers la mort?

[Traduction]

    Soyez très brève, docteure Zan.

[Français]

    Effectivement, la maladie peut être la cause de la mort, mais il y a aussi la déshydratation et l'arrêt alimentaire. L'important, c'est de soulager toutes ces souffrances. L'objectif des soins palliatifs est le soulagement des souffrances associées au processus de décès.

[Traduction]

     C'est au tour de M. MacGregor.
     Vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à tous nos témoins de s'être présentés devant le Comité.
     Monsieur Ross, j'aimerais commencer par vous. Je pense que dans votre déclaration liminaire, vous avez souligné la relation complexe entre les tribunaux et le Parlement.
     Tout au long de notre étude, les droits garantis par l'article 7 de la Charte sont revenus fréquemment, mais surtout dans le cas du droit des gens de choisir le genre des soins qu'ils veulent et le genre de décisions qu'ils veulent prendre au sujet de leur propre corps. J'ai trouvé intéressant que vous abordiez la question sous un angle différent, en soulignant la première partie de l'article 7, le droit à la vie, et le fait que ce droit puisse être compromis parce qu'une personne ne bénéficie pas d'un accès complet aux services, notamment les soins palliatifs.
     À votre connaissance, y a‑t‑il une personne ou un groupe d'avocats au Canada qui conteste la Charte dans cette optique à l'heure actuelle?
(0920)
    Je crois que Roger Foley a déposé une déclaration. Il faudrait que je retourne en arrière et que je vérifie où en est ce litige actuellement.
     Pour l'instant, cette question n'a pas été explicitement abordée par les tribunaux dans une décision écrite, mais nous pensons qu'il y a des questions de charte en jeu ici. Pour illustrer cela, vous pouvez examiner certaines des décisions de la Cour suprême du Canada sur le droit à la vie. Dans l'arrêt Chaoulli, la Cour a déclaré que le droit à la vie est engagé lorsque la preuve démontre que l'absence de soins de santé en temps opportun peut entraîner la mort. Dans cet arrêt, la Cour a également déclaré que la protection de la vie elle-même prévue à l’article 7 entre en jeu dans le cas où l’impossibilité d’avoir accès en temps opportun à des soins médicaux risque d’entraîner le décès d’une personne. Dans l'arrêt Carter, la Cour a déclaré que le droit à la vie entre en jeu lorsqu’une mesure ou une loi prise par l’État a directement ou indirectement pour effet d’exposer une personne à un risque accru de mort.
     Si nous avons un régime où certains soins de santé élémentaires sont nécessaires pour un patient, mais ne sont pas disponibles, où la mort est effectivement offerte comme la seule solution accessible et où le gouvernement n'a pas agi comme il le devrait en assurant des soutiens adéquats qui inciteraient autrement une personne à ne pas chercher à mourir, alors je pense que l'article 7 est engagé.
    Je suis désolé de vous interrompre, mais j'ai peu de temps. Je veux cependant continuer avec vous.
     Vous parliez de la distinction juridique entre l'aide médicale à mourir et les soins palliatifs. Dans un contexte médical réel, nous avons des patients qui sont souvent en soins palliatifs et qui décident de passer à l'aide médicale à mourir. Cela se passe souvent au même endroit. Si je conviens de la distinction juridique, en pratique, cela se déroule souvent au même endroit. Faute de mieux, cela fait partie du continuum de soins en pratique.
    La Dre Zan vient de nous dire que certains patients, lorsqu'ils font le choix de passer des soins palliatifs à l'aide médicale à mourir, ont dû changer d'établissement parce que les services ne sont pas offerts. À votre avis, comment trouver un équilibre entre les droits de l'établissement qui fournit les soins et le droit du patient de bénéficier de ce continuum de soins et de ne pas voir sa fin de vie interrompue aussi brutalement?
     Disons que le patient a reçu des soins palliatifs et qu'il a l'impression que les traitements ne fonctionnent plus, et qu'il n'a plus besoin de rester sur cette terre, mais que sa décision de recourir à l'aide médicale à mourir signifie qu'il va être mis dans une ambulance et transporté dans un autre établissement. Comment pouvons-nous protéger ses droits par rapport au type de soins qu'il reçoit?
    Ce sont toutes des questions qui doivent être examinées. En fin de compte, même si l'aide médicale à mourir et les soins palliatifs peuvent être fournis au même patient, je pense qu'il est important qu'une personne qui demande l'aide médicale à mourir continue à se voir offrir des soins palliatifs. C'est absolument crucial. Nous ne devons pas considérer cela comme un choix binaire: soit vous choisissez les soins palliatifs, soit vous choisissez l'aide médicale à mourir, et si vous choisissez l'aide médicale à mourir, vous n'aurez pas accès aux soins palliatifs. Je pense que le témoignage de la Dre Zan sur ce point — sur lequel on insiste toujours — est vraiment important. Oui, il y a une distinction juridique, mais cela ne veut pas dire qu'une personne qui choisit l'aide médicale à mourir ne devrait pas se voir offrir tous ces soins palliatifs.
    Je pense que le défi — même dans l'exemple que vous avez fourni — est que souvent les soins palliatifs ne sont fournis qu'à un stade très tardif, même après qu'une personne ait demandé l'aide médicale à mourir ou dans les deux dernières semaines de sa vie. Comme nous l'avons vu dans certains des rapports de Santé Canada, les preuves qui ont été entendues sont que ce n'est pas assez tôt. Donner seulement deux semaines de soins palliatifs ne va pas commencer à répondre à certains des problèmes plus profonds.
     Avant même d'en arriver au dilemme que vous venez de décrire, il est important qu'il y ait des interventions précoces, des aiguillages précoces et une sensibilisation précoce aux soins palliatifs afin qu'ils soient fournis pendant plus longtemps. Ainsi, nous n'arriverons pas au point où une personne se trouve dans le dilemme possible de sentir qu'elle n'aura que de quelques semaines de soins palliatifs, puis devra ensuite être transférée.
     Je pense que c'est vraiment quelque chose qui nécessite une approche proactive et préventive. Il faut que cela se produise à un niveau sociétal très élevé pour que nous en fassions une priorité.
(0925)
    J'écoutais la réponse. Nous avons un peu dépassé les cinq minutes… Merci.
    Je vous en prie.
    Je cède la parole au coprésident, pour les questions des sénateurs.
    Merci, sénatrice Martin.
    Nous allons passer aux questions des sénateurs, avec la sénatrice Mégie pour commencer.

[Français]

    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à Mme Campbell.
    Dans votre allocution d'ouverture, vous avez parlé du fait que certaines personnes sont peu susceptibles d'être orientées vers les soins palliatifs. Pouvez-vous nous donner quelques exemples où, étant donné l'état de santé du patient, les médecins ou les professionnels de la santé ont moins tendance à l'orienter vers les soins palliatifs?

[Traduction]

    Merci de poser cette question.
    On aura moins tendance à le faire pour les patients qui sont atteints d'une maladie chronique et limitant l'espérance de vie comme la sclérose latérale amyotrophique ou la bronchopneumopathie chronique obstructive. C'est encore pire dans le cas des personnes âgées fragiles ou des patients atteints de démence.
    Il faut toujours considérer les patients dans tout leur être, pour comprendre comment l'ensemble des aspects complexes de leur situation interagissent. C'est essentiel pour savoir où ils en sont dans leur trajectoire de vie et déceler rapidement le moment opportun pour commencer les soins palliatifs afin de leur donner la meilleure qualité de vie possible.

[Français]

    Merci beaucoup, madame Campbell.
    Ma deuxième question s'adresse à la Dre Zan.
    Si j'ai bien compris, vous avez travaillé en gériatrie, mais vous avez aussi travaillé en soins palliatifs et vous avez administré l'aide médicale à mourir.
    À la lumière des définitions et des critères, j'aimerais que vous nous aidiez à mieux comprendre quelle est la différence entre la sédation palliative continue et l'aide médicale à mourir.
    Parlez-vous des critères d'admissibilité?
    En fait, quel est le rôle de chacun de ces types de soins? Souvent, on mélange les choses: on pense que le fait d'offrir la sédation palliative continue à une personne en soins palliatifs équivaut un peu à lui administrer l'aide médicale à mourir.
    J'aimerais que vous éclaircissiez cela.
    C'est tout à fait différent.
    Pour ma part, je n'ai jamais administré de sédation palliative.
    En général, l'aide médicale à mourir est un processus rapide, qui s'adresse à des patients tout à fait conscients de leur situation et de leur choix. La sédation palliative peut aussi être un choix du patient, mais elle peut également être administrée quand le patient n'est plus conscient. En effet, c'est parfois un choix de la famille.
    J'ai beaucoup plus administré l'aide médicale à mourir. Finir leur vie de cette façon est vraiment un choix des patients. L'administration de ces soins est tout à fait différente.
    J'imagine que la sédation palliative peut être administrée davantage dans un contexte de soins palliatifs. Lorsque la médication devient insuffisante, la sédation palliative peut être la prochaine étape dans les soins palliatifs.
    Dans le contexte de l'aide médicale à mourir, du moins selon mon expérience, j'imagine que les deux pratiques pourraient être interchangeables. Il reste que le patient choisit de façon consciente de recevoir l'aide médicale à mourir. Il s'agit d'un moment privilégié pendant lequel le soin est administré.
    C'est de cette façon que je résumerais la question, bien que je n'aie jamais administré de sédation palliative.
(0930)
    Je vous remercie.
    Je vais maintenant céder la parole au sénateur Dalphond pour trois minutes.
    Ma question s'adresse à la Dre Zan.
    Les statistiques démontrent qu'au moins 82 % des personnes qui reçoivent l'aide médicale à mourir recevaient précédemment des soins palliatifs.
    Selon votre expérience, est-ce qu'il arrive que des gens qui reçoivent des soins palliatifs et qui ont fait une demande d'aide médicale à mourir décident de ne pas donner suite à leur demande, ou est-ce que l'aide médicale à mourir finit toujours par leur être administrée à un moment donné?
    Lorsqu'ils décident de recevoir l'aide médicale à mourir, est-ce parce qu'ils ont l'impression que les soins palliatifs ne sont pas de qualité, ou bien parce qu'ils veulent choisir eux-mêmes leur fin de vie plutôt que d'attendre que la famille choisisse pour eux la sédation palliative continue?
    Selon mon expérience, dans la majorité des cas, les patients qui avaient reçu des soins palliatifs et qui voulaient recevoir l'aide médicale à mourir recevaient les deux. C'était une décision qui faisait suite à une réflexion.
    Un patient qui est en phase terminale, par exemple, peut être admis en soins palliatifs et recevoir des soins au fur et à mesure que son état de santé évolue. Souvent, ces personnes réfléchissent déjà à l'aide médicale à mourir. Nous discutons alors ensemble de cette possibilité, au moment même où elles reçoivent les soins palliatifs usuels. Il arrive parfois que ces personnes changent d'idée, mais, dans la grande majorité des cas, elles ne changent pas d'idée. La grande majorité des personnes qui maintiennent la volonté de recevoir l'aide médicale à mourir réussissent à recevoir ce soin, même si elles reçoivent des soins palliatifs de façon simultanée.
    Certains témoins ont dit craindre que des personnes recevant des soins palliatifs demandent l'aide médicale à mourir dans un moment de déprime, qu'on ne s'occupe pas de leurs problèmes existentiels et qu'on leur administre l'aide médicale à mourir.
    Quand vous faites l'évaluation, tenez-vous compte de cela?
    Nous en tenons toujours compte. Il y a peut-être eu des situations de ce type. Cependant, selon mon expérience en soins palliatifs, c'est une demande qui est réfléchie, et souvent depuis longtemps. C'est donc un processus qui mûrit dans l'esprit de la personne.
    Est-ce que j'ai déjà connu des situations où la personne n'avait pas pu recevoir de soins palliatifs? Oui, de toute évidence, c'est arrivé. Cependant, comme vous le dites, dans la majorité des cas, à raison de 80 %, les patients reçoivent les deux types de soins, et c'est ce que nous voulons: nous voulons vraiment que toutes les personnes aient accès à ces deux possibilités.
    Certains peuvent avoir pris cette décision à la suite d'une réflexion qui dure depuis plusieurs années, tandis que d'autres arrivent à cette conclusion en raison d'une souffrance trop importante malgré les soins palliatifs. Je vous rappelle que la souffrance peut être d'ordre psychologique, aussi. Le fait d'attendre la mort est psychologiquement très difficile pour certaines personnes, alors elles décident de se tourner vers les soins palliatifs. Alors que les soins palliatifs usuels soulagent la douleur et les symptômes, la souffrance existentielle est plus difficile à soulager, et ce, même lorsque les soins palliatifs sont optimaux.
    Nous poursuivons maintenant avec la sénatrice Martin.

[Traduction]

    Sénatrice Martin, vous avez trois minutes.
(0935)
    Monsieur le président, la sénatrice Wallin est également en ligne.
    En effet. Je n'avais pas remarqué…
     Je suis arrivée en retard. Je vais attendre le tour suivant. Merci.
    D'accord. Je vous remercie. Je croyais que vous veniez juste d'ouvrir votre caméra.
    Merci, monsieur le président, et merci à l'ensemble des témoins.
    Je vais adresser ma question à M. Ross.
    Monsieur Ross, pour améliorer l'accès, le gouvernement devrait‑il considérer que les soins palliatifs sont un service essentiel, comme il l'a fait pour l'AMM? Quel rôle le gouvernement fédéral devrait‑il jouer à cet égard?
    Je pense que c'est très important, considérant les lacunes… Nous savons qu'il existe des lacunes, particulièrement si nous comparons l'offre en région et dans les villes. Il y a aussi un flou concernant le traitement des soins palliatifs comme des services assurés ou des services complémentaires. Il faut tirer tout cela au clair pour assurer l'uniformité et la cohérence dans la prestation des soins palliatifs. Il faudra peut-être le faire avec les provinces, mais c'est certain qu'un des rôles du gouvernement fédéral sera d'assurer la cohérence.
    Cela me ramène à la question du sénateur Dalphond au sujet des personnes qui ont commencé à recevoir des soins palliatifs et qui changent d'idée. Le troisième rapport annuel de Santé Canada nous éclaire un peu à ce sujet. Il parle des raisons pour lesquelles des personnes ont retiré leur demande d'AMM, et nous indique que dans 38,5 % des cas, la demande d'AMM a été retirée parce que la personne a reçu des soins palliatifs adéquats. Si je fais le calcul, 88 personnes ont retiré leur demande d'AMM en 2021 parce qu'elles ont bénéficié de soins palliatifs adéquats. On peut se demander si les demandes seraient plus nombreuses si les gens savaient que l'accès aux soins palliatifs a été élargi et amélioré partout au Canada, où les écarts sont actuellement considérables.
    Le gouvernement fédéral pourrait également concentrer ses efforts sur la recherche. Il pourrait financer la recherche pour enrichir nos connaissances, soutenir la collecte de données et l'établissement de normes dans ce domaine. Il pourrait collaborer avec les provinces pour améliorer la formation des étudiants en médecine et d'autres professionnels de la santé afin qu'ils comprennent mieux le rôle des soins palliatifs, surtout dans le domaine de la pédiatrie, comme je l'ai dit. Beaucoup de régions n'offrent pas de soins palliatifs spécialisés en pédiatrie, et je crois vraiment qu'il faudra en faire une priorité.
    Je pense que vous avez répondu en partie à ma deuxième question. De manière plus globale, que devrait faire le gouvernement fédéral pour améliorer l'accès aux soins?
    Je déduis de ce que je viens d'entendre à propos des soins spécialisés que c'est tout aussi préoccupant. Y a‑t‑il suffisamment de spécialistes pour offrir ce genre de soins palliatifs très spécialisés?
    Vous avez tout à fait raison de poser cette question.
    Je me répète, mais beaucoup de gens, moi le premier, entretiennent toutes sortes d'idées fausses et de malentendus à propos des soins palliatifs. Ils sont souvent perçus comme des tentatives de dernière minute d'aider les patients. En fait, les soins palliatifs peuvent être bénéfiques à beaucoup de patients qui en sont à différentes étapes de la vie et qui ont toutes sortes de maladies.
    Il faut que cette option soit mieux connue, surtout des personnes qui doivent prendre des décisions difficiles. Il faut qu'il soit bien clair que l'AMM n'est pas l'unique choix offert. Cela dit, pour qu'il y ait un véritable choix, pour qu'il soit mis en avant et devienne une priorité, il faut du financement et des infrastructures, et il faut donner de la formation et informer la population. Au bout du compte, même si nos approches et nos idées diffèrent, nous tous qui participons au débat sur ces questions avons pris le même engagement d'aider les gens qui souffrent.
    C'est ce que tout le monde ici cherche à faire. Comment pouvons-nous accompagner de notre mieux les gens qui souffrent? Nous devons les aider à vivre dans la dignité et leur offrir ce choix. C'est pour cette raison surtout qu'il faut mettre l'accent sur les soins palliatifs.
    Merci beaucoup, sénatrice Martin.
    C'est ce qui conclut notre discussion avec le premier groupe de témoins. Je remercie Mme Julie Campbell, la Dre Nathalie Zan et M. Derek Ross, de l'Alliance des chrétiens en droit, d'avoir accepté de se lever aussi tôt pour venir nous présenter leurs points de vue et répondre à nos questions. Vos témoignages sont très précieux pour faire avancer notre étude sur les soins palliatifs et la manière dont l'aide médicale à mourir peut s'imbriquer dans ce processus.
    Nous allons suspendre la séance brièvement pour nous préparer en vue de la deuxième partie. Je vous remercie.
(0940)

(0945)
    Bienvenue à la seconde partie de notre séance, et particulièrement au nouveau groupe de témoins.
    J'ai quelques instructions à vous donner. Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Vous devez toujours vous adresser à l'un ou l'autre des coprésidents. Veuillez vous exprimer lentement et clairement pour faciliter la tâche aux interprètes. Pour les services d'interprétation, vous avez trois options, soit le parquet, l'anglais ou le français. Si vous n'avez pas la parole, mettez votre microphone en sourdine.
    Sur ce, je vous présente les témoins du second groupe, avec qui nous aborderons surtout le thème des demandes anticipées.

[Français]

    Nous accueillons à titre personnel M. Serge Gauthier, professeur émérite, qui se joint à nous par vidéoconférence.

[Traduction]

    Nous accueillons Nancy Guillemette, députée à l'Assemblée nationale du Québec. Elle nous joint aussi par vidéoconférence.
    Même s'il n'est pas encore en ligne, je vous informe que nous accueillerons également le Dr Sandy Buchman, le président et directeur médical du Freeman Centre for the Advancement of Palliative Care au North York General Hospital. Il est aussi le président sortant de l'Association médicale canadienne.
    Merci de participer à nos travaux.
    Nous allons tout d'abord entendre les déclarations préliminaires.

[Français]

    Nous allons commencer par le Dr Gauthier, suivi de Mme Guillemette et, espérons-le, du Dr Buchman, qui devrait se joindre à nous sous peu.
    Docteur Gauthier, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour, tout le monde.
    Je suis un neurologue spécialisé dans le diagnostic de démence et dans la prise en charge des personnes vivant avec une démence, en particulier la maladie d'Alzheimer.
    Au fil des années, plusieurs personnes qui sont sans symptômes, mais à risque de démence en raison des antécédents médicaux de leur famille, ou qui ont des symptômes légers ont spontanément exprimé, lors de leur visite au bureau, le désir de rédiger une demande anticipée pour recevoir l'aide médicale à mourir si elles atteignaient un certain stade de la maladie. Certaines personnes ont même signé, de même que leur conjoint, un texte rédigé avec l'aide de leur famille, tout en sachant que ce texte n'était pas encore valide. Quelques personnes ont même dit que, si elles n'avaient pas l'option de donner des directives anticipées afin de recevoir l'aide médicale à mourir à un stade prédéterminé d'une maladie comme la démence, elles penseraient sérieusement au suicide si elles recevaient un tel diagnostic. J'ajouterais qu'il existe une littérature médicale à ce sujet. Il existe donc un besoin réel exprimé par un certain segment de la population qui en parle ouvertement avec la famille.
    La difficulté que j'envisage, ce n'est pas tant le fait que ces personnes doivent rédiger un document avec l'aide de la famille ou d'un notaire, par exemple. C'est plutôt la clarification des stades de la démence qui pourrait créer des difficultés lors de la mise en application de leur choix anticipé.
    Laissez-moi vous expliquer avec plus de précision.
    Il y a des stades de la maladie d'Alzheimer qui sont très avancés. Personne ne souhaite vivre au stade très grave, défini par l'absence de communication verbale, l'incapacité de se déplacer sans aide, la double incontinence et un risque très élevé de pneumonie d'aspiration. Il s'agit d'un stade terminal de démence où le décès est prévisible dans les 12 mois.
    Par contre, si une personne exprimait le désir de recevoir l'aide médicale à mourir à un stade antérieur à cette phase terminale, mais après avoir été déclarée inapte, autrement dit à un stade de démence allant de modéré à grave, il pourrait être plus difficile d'obtenir un consensus entre la personne désignée et l'équipe clinique une fois que la maladie aura progressé jusqu'au stade choisi à l'avance.
    Enfin, après avoir reçu le diagnostic de la maladie d'Alzheimer, une personne pourrait décider de recevoir l'aide médicale à mourir alors qu'elle est encore compétente, donc à un stade léger de sa maladie. À ce stade, je crois que le choix de la personne est clair et valide.
    Pour entamer l'échange avec le Comité, je lui demande de considérer les stades de la maladie dans ses délibérations et d'aider les gens à planifier la réalisation de leur choix au moment approprié.
    Je vous remercie de vous intéresser à cette importante question.
(0950)
    Merci beaucoup, docteur Gauthier.
    Je donne maintenant la parole à Mme Guillemette pour cinq minutes.
    Monsieur le président, madame la présidente, madame la vice-présidente, messieurs les vice-présidents, chers membres du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, je vous remercie de m'accorder du temps de parole aujourd'hui.
    Je m'appelle Nancy Guillemette. Je suis une députée de la Coalition avenir Québec et je représente la circonscription de Roberval. J'ai présidé les travaux de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie au Québec.
    Comme vous le savez sans doute, la Loi concernant les soins de fin de vie est entrée en vigueur au Québec en 2015. Depuis, c'est la Commission sur les soins de fin de vie qui fait le suivi des demandes d'aide médicale à mourir. La société québécoise est donc en mesure de suivre l'évolution du nombre de décès, d'avoir un portrait réaliste de la situation et de s'assurer que les conditions relatives à l'administration de l'aide médicale à mourir sont respectées. On peut également évaluer et mieux comprendre la souffrance des gens qui ont recours à l'aide médicale à mourir.
    Pour que le Québec continue d'évoluer dans ce domaine, la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie a été créée en mars 2021. C'est moi qui ai présidé cette commission transpartisane. Le mandat de cette commission spéciale était d'analyser les enjeux liés à la possibilité d'élargir l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes inaptes et à celles souffrant de troubles mentaux.
    Pendant nos travaux, ce qui représente plus de 200 heures de consultations et d'échanges, nous avons rencontré près de 80 personnes et organismes. Une consultation en ligne a aussi permis aux citoyens du Québec de s'exprimer. Trois grandes questions ont guidé notre réflexion. Tout d'abord, les personnes inaptes à consentir à des soins peuvent-elles obtenir l'aide médicale à mourir, notamment en faisant une demande anticipée? Ensuite, doit-on permettre aux personnes dont le seul problème médical est un trouble mental de recourir à l'aide médicale à mourir? Si oui, quels critères doivent baliser l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir à ces personnes?
    La commission spéciale a remis son rapport le 8 décembre 2021. Il est important de mentionner que les 11 recommandations contenues dans le rapport ont été formulées à l'unanimité. Elles reflètent l'évolution des perceptions de la population du Québec quant à l'aide médicale à mourir.
    Les membres de la commission spéciale ont recommandé que les personnes atteintes d'une maladie grave et incurable menant à l'inaptitude puissent présenter une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Les recommandations visent aussi à baliser et encadrer la notion de décision libre et éclairée, à préciser le rôle de la personne digne de confiance qui devra faire connaître la décision du malade au moment venu, ainsi qu'à baliser l'intervention et à soutenir le médecin.
    Par contre, les membres de la commission spéciale ont constaté qu'il n'y avait pas de consensus social concernant le caractère incurable et irréversible des troubles mentaux. Nous avons donc recommandé de ne pas élargir l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème médical est un trouble mental. Les membres de la commission spéciale sont d'avis que le sujet est beaucoup trop important pour ne pas obtenir le consensus social.
    Le gouvernement du Québec a donné suite au rapport de la commission spéciale en déposant un projet de loi, en mai 2022. Ce projet de loi propose que l'aide médicale à mourir soit accordée aux personnes qui ont un diagnostic de maladie grave et incurable menant à l'inaptitude ainsi qu'aux personnes atteintes d'un handicap neuromoteur. Le projet de loi parle effectivement de handicaps neuromoteurs, mais, comme la commission spéciale n'a pas étudié ce sujet, je ne m'y attarderai pas aujourd'hui.
    Malheureusement, les parlementaires n'ont pas eu le temps de mener à terme les travaux de la commission parlementaire avant le déclenchement des élections au Québec. Le projet de loi devra donc être présenté de nouveau lors de la nouvelle législature, soit celle qui commence.
    Le Québec a toujours été un leader à l'avant-garde de l'aide médicale à mourir et des soins de fin de vie. Nous voulons continuer d'évoluer, mais nous voulons qu'il y ait un consensus au sein de la population québécoise.
    Je vous remercie de votre attention.
    Je suis maintenant prête à répondre à vos questions.
(0955)
    Merci, madame Guillemette.
    Le greffier me confirme que le Dr Buchman n'est toujours pas présent à la réunion. Espérons qu'il se joindra à nous sous peu.
    Je donne maintenant la parole à la sénatrice Martin, qui copréside la séance avec moi.

[Traduction]

    Merci à tous les deux de vos témoignages, qui nous mènent à la période de questions suivante. Nous allons approfondir certains sujets avec vous et écouter ce que vous nous proposez.
    Les cinq premières minutes seront réservées à Mme Vien.
    Madame Vien, vous avez la parole.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Bonjour à tous.
    Madame Guillemette, je vous souhaite la bienvenue. Je vous félicite pour votre élection dans la circonscription de Roberval. On a suivi cette élection avec beaucoup d'intérêt, vous vous en doutez bien.
    Comme j'ai peu de temps, je vais aller directement au but.
    Évidemment, vous avez raison de dire que le Québec est un précurseur dans plusieurs dossiers, notamment celui des soins en fin de vie. J'étais du gouvernement à l'époque, quand la Loi concernant les soins de fin de vie a été adoptée.

[Traduction]

    Désolée de vous interrompre, madame Vien, mais le Dr Buchman est en ligne. Aimeriez-vous mieux entendre son témoignage avant de poser vos questions? Il pourrait nous être utile.

[Français]

    Oui, allons-y.
    D'accord, merci.

[Traduction]

    Docteur Buchman, merci de vous joindre à nous. J'espère que vous êtes prêt à nous présenter votre allocution. Vous avez cinq minutes.
    Bonjour. Merci de l'invitation à comparaître devant le Comité.
    Je m'appelle Sandy Buchman. Je suis médecin en soins palliatifs et j'occupe les fonctions de président et directeur médical du Freeman Centre for the Advancement of Palliative Care du North York General Hospital, à Toronto. Je suis également le président sortant de l'Association médicale canadienne. Je consacre le plus clair de mon temps à la prestation de soins palliatifs à domicile et, pendant plusieurs années, j'ai soigné des personnes en situation d'itinérance. Je suis également un évaluateur et un fournisseur de l'AMM.
    Tout mon exposé doit être entendu en gardant à l'esprit trois éléments essentiels des soins palliatifs et de l'AMM, soit l'accès, l'équité et la compassion. Je vais également vous faire part de certaines de mes préoccupations concernant les pratiques actuelles et futures dans les domaines des soins palliatifs et de l'AMM.
    Plusieurs cadres de soins palliatifs exemplaires nous ont été proposés, dont le cadre de 2018 sur les soins palliatifs au Canada de Santé Canada et divers documents produits par les provinces. Tous recommandent des moyens novateurs et efficients pour améliorer l'équité de l'accès et économiser des sommes considérables en préconisant une approche palliative des soins si elle est indiquée. Cependant, et même si des professionnels et des bénévoles dévoués ont travaillé d'arrache-pied pendant des années pour rédiger ces rapports, la plupart des idées et des plans proposés ne se concrétisent jamais, du moins pas dans le monde où je travaille. Pourquoi? Tout simplement parce que nous recevons rarement le financement nécessaire pour mettre en œuvre les recommandations fondées sur des données probantes.
    Permettez-moi de citer un exemple concret tiré de mon expérience personnelle. Il y a sept ans environ, j'ai cofondé un centre de soins palliatifs dans notre communauté de North York, le Neshama Hospice. Selon les pratiques exemplaires, il faut offrir de 10 à 12 lits réservés aux soins de fin de vie par 100 000 habitants. Avec une population de 1 million d'habitants environ, North York devrait donc avoir de 100 à 120 lits. La réalité est qu'il n'y a aucun lit dans une unité de soins palliatifs et aucun lit dans un centre dans notre région. Nous avons recueilli 18 millions de dollars jusqu'ici pour notre nouveau centre mais, à cause de l'inflation, nous devons trouver plusieurs autres millions. Le gouvernement provincial nous versera 2 millions de dollars, ce qui correspond à 10 % à peine de nos coûts. Notre budget de fonctionnement ne couvrira même pas la moitié de nos coûts. La majorité des patients en fin de vie au Canada, c'est‑à‑dire jusqu'à 70 % dans beaucoup de régions, sont traités à grands frais dans les hôpitaux jusqu'à leur dernier souffle à cause du manque de financement de mesures communautaires de soutien comme les centres de soins palliatifs ou les soins à domicile.
    Comment expliquer que des organismes de bienfaisance soient les principaux fournisseurs de services de soins palliatifs essentiels, de grande qualité, adéquats et très efficients? Pour améliorer l'accès, l'équité et la compassion en matière de soins au Canada, le gouvernement fédéral a un important rôle à jouer dans l'établissement de normes nationales et le financement. Il doit utiliser le Transfert canadien en matière de santé pour financer les soins palliatifs et les centres spécialisés, comme c'est prévu dans son propre cadre. Il est plus que temps de passer de la parole aux actes.
    L'espérance de vie moyenne des personnes admises dans un établissement de soins de longue durée est de 18 mois seulement. Si cette statistique ne justifie pas une approche palliative des soins, je me demande ce qui en convaincra. Pourtant, très peu d'établissements de soins de longue durée adoptent cette approche, si bien que beaucoup de nos citoyens âgés et fragiles se retrouvent aux urgences quand leur état de santé se détériore. Ils sont hospitalisés dans une unité de soins aigus, où ils restent parfois des semaines, voire des mois, ce qui provoque un déconditionnement très rapide qui les empêche de retourner dans leur milieu de vie.
    Selon un rapport récent de l'Institut C.D. Howe, le pronostic de survie est de moins de 90 jours pour 40 % environ de ces patients. Je vous invite à réfléchir, pour un petit moment, à l'idée qu'une offre améliorée d'options communautaires de soins serait tellement plus efficace et permettrait vraiment de désengorger notre système de santé en péril. Ce serait suffisant pour libérer un grand nombre de lits de soins aigus et pour régler une bonne partie des problèmes de capacité et d'attente dans notre système hospitalier.
    Dernièrement, les médias ont parlé de personnes qui ont une maladie chronique ou un handicap et qui n'ont pas accès à l'aide et aux ressources sociales nécessaires pour vivre une vie qui en vaut la peine. Ces personnes finissent par demander l'AMM, généralement au titre du deuxième volet. Elles ont toute ma sympathie et je les crois quand elles parlent d'une souffrance intolérable. Même si j'ai entendu parler de quelques-uns de ces cas tragiques, il y en a très peu en réalité. Plusieurs affirment qu'elles ne veulent pas vraiment recevoir l'AMM, mais qu'elles préfèrent mourir plutôt que de vivre dans des conditions aussi misérables. C'est de là que vient leur souffrance intolérable.
    Les critiques de la législation sur l'AMM dénoncent entre autres le fait qu'il est plus facile d'y avoir accès que d'obtenir des soins et du soutien social et financier convenables. Ils n'ont pas tout à fait tort. Ils proposent de durcir la législation en matière d'AMM, mais le problème ne vient pas vraiment de là puisqu'une personne devra toujours remplir tous les critères d'admissibilité. Selon moi, c'est le manque de places dans des lieux adéquats et adaptés, de soutien financier, d'accès rapide à des services en toxicomanie, en santé mentale et en réadaptation, ainsi qu'à des soins palliatifs qui est à l'origine des demandes. C'est l'insuffisance et l'inadéquation des soins de santé et des mesures d'aide sociale et financière qui signent leur arrêt de mort. Ce n'est pas l'AMM qui est en cause. Pour éviter des morts inutiles, il faut financer adéquatement les services de soutien social et de santé. Les gens seront plus nombreux à vivre de longues années et dans de meilleures conditions.
(1000)
    Je vais conclure avec une remarque sur un aspect de la législation sur l'AMM qui m'apparaît problématique.
    La renonciation au consentement final, qui vise à garantir le respect de la volonté d'un patient d'obtenir l'AMM après qu'il a perdu sa capacité, représente une modification extrêmement valable de la législation, mais qui pourrait néanmoins poser problème. Nous avons entendu parler de cas isolés où la renonciation a été mise à exécution des mois après, et même deux ou trois années après l'établissement de l'admissibilité d'un patient qui ne voulait pas se prévaloir de l'AMM immédiatement après son évaluation. À mon humble avis, il s'agit d'un consentement anticipé de fait, ce qui n'était manifestement pas l'intention derrière la modification. Je soumets cette question au Comité pour qu'il y réfléchisse et en fasse une analyse approfondie.
    Merci de me donner la possibilité de comparaître devant vous aujourd'hui et de vous faire part de mon point de vue sur l'AMM.
    Merci, docteur Buchman.
    Je redonne la parole à Mme Vien. Je remets le chronomètre à zéro pour que vous ayez vos cinq minutes.

[Français]

    Madame Guillemette, le gouvernement du Canada devrait-il aller de l'avant concernant les demandes anticipées d'aide médicale à mourir?
    Nous nous apprêtons à déposer de nouveau notre projet de loi, que nous espérons faire adopter au Québec. Les conclusions du rapport que nous avons produit à la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, dont je suis la présidente, étaient unanimes. Nous avons donc bon espoir que le Québec adoptera ce projet de loi.
    Nous avons toujours été des précurseurs, au Québec. Nous espérons ne pas être en porte-à-faux avec le Canada, mais je laisserai le gouvernement fédéral faire ses travaux.
    Vous avez utilisé le mot qui sied bien à la discussion. Si, effectivement, le Québec allait de l'avant à cet égard, mais pas le gouvernement fédéral, comment pourrions-nous vivre dans deux mondes parallèles, sur le plan juridique?
    Quelle est votre opinion là-dessus?
    Nous verrons comment les gouvernements respectifs du Québec et du Canada géreront la situation à ce moment-là. Pour l'instant, nous n'avons pas de loi non plus. Ce n'est qu'un projet de loi.
(1005)
    D'accord.
    Vous avez déposé ce projet de loi au mois de mai, je crois, mais vous dites avoir avez manqué de temps pour aller de l'avant.
    Le ministre Dubé, qui a été reconduit dans ses fonctions, devrait déposer de nouveau ce projet de loi.
    Vous êtes-vous donné une date butoir pour l'adoption du projet de loi?
    Non, il n'y en a pas.
    Vous avez parlé, plus tôt, des handicaps neurologiques. Ils faisaient partie du projet de loi, mais ils ont finalement été retirés par le ministre Dubé.
    Souhaitez-vous réintégrer cet aspect, puisque vous aurez plus de temps pour en discuter?
    En fait, l'étude des handicaps neuromoteurs ne faisait pas partie du mandat de notre commission. Nous n'avons donc pas étudié cette question. C'est pour cela que le ministre l'a retirée de la législation. Je ne sais pas s'il y aura d'autres procédures qui permettront de réintégrer cet aspect dans la législation. Nous n'avons pas encore déposé le nouveau projet de loi.
    L'ancien projet de loi a été déposé au mois de mai et, lorsque nous avons vu que nous n'aurions pas le temps de l'adopter avant la fin de la session parlementaire, tous les partis politiques se sont entendus pour le ramener. Tous s'accordent pour dire qu'il faut ramener ce projet de loi rapidement.
    Nous ne savons pas s'il aura la même forme ou si des amendements y seront apportés. Il faudra attendre le dépôt du projet de loi pour le savoir.
    Je vous remercie, madame Guillemette.
    Au Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, nous nous questionnons aussi sur les demandes d'aide médicale à mourir où un trouble mental est la seule condition invoquée. Au Québec, vous avez décidé de ne pas aller de l'avant à cet égard, alors je me sens obligée de profiter de votre passage pour vous poser des questions là-dessus.
    Vous avez dit avoir décidé de ne pas aller de l'avant parce que vous n'aviez pas senti de consensus au sein de la population.
    Comment avez-vous mesuré cela, outre le fait que vous avez mené un sondage et que vous avez consulté 80 groupes du milieu médical?
     Pourquoi n'avez-vous pas donné suite à cela, et que feriez-vous si, nous, nous allions dans ce sens?
    En ce qui concerne l'aspect technique, je précise que nous avons tout de même consulté 80  groupes, organismes professionnels de la santé et médecins. Comme nous l'avons bien souligné, la santé mentale est un sujet trop important pour qu'il n'y ait pas de consensus à ce propos. Nous n'avons pas perçu que l'idée d'aller dans ce sens faisait l'objet d'un consensus social.
    Il est trop difficile, présentement, de déterminer s'il s'agit d'une maladie irréversible ou incurable. Or, le sujet est vraiment important. Nous nous sommes dit que nous ne ferions pas de recommandations en ce sens pour le moment, et que nous verrions si, à l'avenir, une nouvelle commission étudierait uniquement la question des demandes d'aide médicale à mourir ayant pour seul motif un trouble de santé mentale. Compte tenu des données que nous avions et du manque de consensus social, nous considérions qu'il était trop difficile d'élargir l'aide médicale à mourir pour y inclure les troubles mentaux en tant que seul motif invoqué.
    Une personne atteinte d'un trouble mental qui souffre aussi d'une autre maladie peut quand même être admissible à l'aide médicale à mourir. La demande de cette personne ne sera pas nécessairement refusée parce qu'elle est atteinte d'un trouble de santé mentale. Elle sera refusée si la demande a pour seul motif un trouble de santé mentale.
    Pour ce qui est de la législation et de la concordance entre les positions fédérale et provinciale, nous verrons comment les choses aboutiront du côté fédéral. Il y aura sûrement des ajustements.

[Traduction]

    C'est au tour de M. Arseneault. Vous avez la parole pour les cinq prochaines minutes.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je vous remercie, chers témoins. Il est toujours agréable d'entendre vos témoignages, qui nous aident beaucoup à faire progresser ce dossier.
    Je vais d'abord m'adresser au Dr Gauthier.
    Docteur Gauthier, je vous remercie de votre présentation. C'est la plus courte qu'il m'ait été donné d'entendre depuis que je siège à ce comité. Elle était néanmoins débordante d'information. En tant que législateur, je trouve que vos propos sont particulièrement pertinents en ce qui concerne les demandes anticipées d'aide médicale à mourir, un sujet que nous aborderons avec ce deuxième groupe de témoins.
    Si j'ai bien compris, vous êtes favorable à l'idée que l'on ouvre l'aide médicale à mourir aux demandes anticipées. La maladie d'Alzheimer est votre spécialité. Vous avez parlé de divers stades qui peuvent être déterminés et à partir desquels on pourrait peut-être accorder l'aide médicale à mourir.
    Ma question comporte deux volets.
     Selon vous, à partir de quel moment une personne peut-elle faire une demande anticipée? Vous avez parlé de patients ou de gens que vous connaissez qui craignent d'être atteints de cette maladie parce que des membres de leur famille en sont atteints.
    En résumé, êtes-vous favorables aux demandes anticipées faites par des personnes qui ne présentent aucun symptôme de la maladie d'Alzheimer?
(1010)
    À l'heure actuelle, ce qui fait consensus, c'est le fait qu'il doit y avoir un diagnostic déjà établi. Cela dit, il pourrait s'agir d'un stade très précoce de la maladie. Une personne ne pourrait pas demander l'aide médicale à mourir en invoquant la crainte d'être éventuellement atteinte d'une certaine maladie.
    En revanche, il est possible de documenter ses préférences par écrit, même s'il n'y a aucune maladie déjà déclarée. Nous le faisons déjà quand, pour faciliter nos décisions en cas d'inaptitude, nous remplissons un mandat de protection.
    Selon une clause particulière, une personne peut préciser à son représentant désigné si elle souhaite ou non qu'une manœuvre extraordinaire soit exécutée en cas d'accident vasculaire cérébral, par exemple, s'il n'y a pas d'espoir de récupération. Pourrions-nous inclure l'aide médicale à mourir dans ces souhaits? Je ne le sais pas.
    Pour répondre précisément à votre question, je dirai qu'il faut attendre d'avoir un diagnostic précis.
    Supposons que je reçoive un diagnostic précis de maladie d'Alzheimer ou d'une forme de démence et que je signe un document précisant mon désir de recevoir l'aide médicale à mourir une fois que la maladie aura atteint un stade donné.
    Pouvez-vous définir ce qui constituerait, pour un législateur, le facteur déterminant pour qu'un stade soit reconnu, aussi bien par les juristes que par les cours et les médecins?
    C'est là où il faut tracer la ligne.
    C'est une très bonne question. J'ai essayé de rendre cela un peu opérationnel pour les besoins du Comité.
    Au début de la maladie d'Alzheimer ou d'une démence, les gens sont compétents. C'est le moment pour eux de mettre leurs papiers en ordre. Cette période peut durer un an, deux ans ou trois ans. Tant qu'ils ne sont pas déclarés inaptes, ils peuvent exprimer leurs souhaits et faire déjà une demande d'aide médicale à mourir s'ils le souhaitent et qu'ils ne souffrent pas de dépression, notamment.
    À l'autre extrême, il y a la phase terminale, lorsqu'il n'y a vraiment aucun espoir que les personnes vivent au-delà d'un certain nombre de mois. Tous les gens, je crois, précisent dans leurs souhaits qu'ils ne veulent pas continuer à vivre s'ils sont atteints d'une maladie neurologique en phase terminale.
    C'est le stade intermédiaire qui pourrait poser un problème. Une personne a été déclarée inapte, mais elle jouit encore d'une certaine mobilité et elle interagit encore avec l'environnement jusqu'à un certain point. Cette période dure en moyenne de deux à trois ans. Le stade d'inaptitude a été reconnu, mais la personne n'a pas encore atteint, de façon reconnue, la phase terminale.
    D'accord.
    Je suis désolé de vous interrompre, mais je n'ai plus beaucoup de temps.
    Quel est ce stade d'inaptitude reconnu dans votre profession?
    C'est quand un juge a accepté d'homologuer un mandat en cas d'inaptitude sur la base d'un rapport d'évaluation médicale, soutenu par un rapport d'évaluation psychosociale. Il n'y a pas de changement à apporter à la législation actuelle pour homologuer un mandat en cas d'inaptitude.
    C'est parfait.
    Madame Guillemette...

[Traduction]

    Il vous reste 40 secondes.

[Français]

    D'accord. Je vous remercie.
    Madame Guillemette, avez-vous quelque chose à ajouter par rapport à ces commentaires sur les demandes anticipées?
    Ce qui est important, c'est l'autodétermination de la personne.
    Nous nous sommes beaucoup penchés sur l'autodétermination de la personne et, comme le disait tout à l'heure le Dr Gautier, il est présentement possible de donner des directives anticipées. Cependant, la demande anticipée d'aide médicale à mourir, c'est autre chose.
    Je pense que cela se situe dans un continuum de soins palliatifs. On peut recevoir ces derniers et demander l'aide médicale à mourir. Ici, au Québec, nous avons...
    Je suis désolé, mais je n'ai plus de temps de parole.
    Je vous remercie beaucoup tous les deux.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Thériault, vous êtes le suivant. Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Madame la présidente, avant que commence le décompte de mon temps de parole, j'aimerais invoquer le Règlement.
    J'aimerais que Mme Guillemette me précise une chose.
    Dans l'avis de convocation, il est indiqué qu'elle représente le gouvernement du Québec. J'aimerais simplement savoir si elle est ici à titre de présidente de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, à titre de législatrice ou bien, effectivement, à titre de représentante du gouvernement du Québec, parce que cela change toute la donne.
    Si nous voulons entendre un représentant du gouvernement du Québec qui est mandaté à cet effet, nous le ferons plus tard. Je crois comprendre qu'aujourd'hui elle est représentante du gouvernement du Québec.
    Pouvons-nous clarifier cela maintenant? Nous aurions peut-être dû le faire avant la réunion. Je veux seulement savoir si c'est bien le cas.
(1015)

[Traduction]

    Madame Guillemette.

[Français]

    J'ai été mandatée pour comparaître ici en tant que représentante du gouvernement du Québec. Toutefois, j'ai été également la présidente de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.
    D'accord. Je vous remercie beaucoup.
    Vous comprendrez, madame Guillemette, que je fais la différence entre un gouvernement et le processus législatif, auquel vous avez fait partie et que, d'ailleurs, vous présidiez.
    Docteur Gauthier, en ce qui concerne le projet de loi C‑7, je vous avais déjà demandé à quel moment, et jusqu'à quel moment, on pouvait considérer qu'un patient est apte à faire une demande anticipée. Mon collègue vous a d'ailleurs posé la question. Vous m'aviez parlé à ce moment-là des stades 3 et 4.
    Maintenez-vous cette réponse?
    Je vous remercie de la question.
    Actuellement, on évite d'utiliser des chiffres, parce qu'on est en train de changer la nomenclature relative aux stades de la maladie d'Alzheimer. Il y en a maintenant six, dont trois précèdent celui de la démence. Pour cette raison, je vous suggère de ne pas utiliser de chiffres en ce moment.
    Le plus important, c'est d'utiliser les outils déjà en place. Une personne est apte jusqu'au moment où elle est déclarée inapte par la cour sur la base d'un rapport d'évaluation médicale et d'un rapport d'évaluation psychosociale, et...
    D'accord.
    J'ai suivi les travaux menés sur le sujet à Québec, et beaucoup de questionnements tournaient autour de ce que l'on appelait la « souffrance contemporaine », la « démence heureuse ».
    Que pensez-vous de cela?
    En ce qui concerne l'état du cerveau, j'imagine que, lorsqu'une personne en est rendue à ces stades, cela ne doit pas être très évident de composer avec cela. C'est un état, disons, irréversible.
    Je vous remercie de la question.
    C'est exact. Pour que les membres du Comité comprennent bien ce dont nous parlons, je précise qu'il s'agit d'un stade de démence où les gens sont généralement déjà inaptes. Ils vivent alors dans un environnement protégé qui, dans notre culture, est habituellement un établissement. De plus, leur interaction avec leur environnement semble heureuse.
    Le but de mon propos est le suivant. Si la personne avait choisi au préalable ce stade précis pour recevoir l'aide médicale à mourir, il n'y aurait aucune hésitation de la part de la personne de confiance qui a été désignée pour la représenter, c'est-à-dire le tiers, ni de l'équipe clinique.
    Il n'y aurait donc pas de questions. En revanche, pour ceux qui se questionnent, pourrions-nous dire qu'au fond, le tout repose sur le tiers? Ce dernier doit, à un moment donné, demander à l'équipe soignante de commencer le processus d'évaluation. Cela ne veut pas dire que l'équipe soignante va nécessairement accepter et procéder à cette évaluation, mais le tout repose sur le déclenchement du processus d'examen demandé par le tiers.
    Or, si le tiers, et tant que le tiers, n'est pas préoccupé par l'état du patient, parce qu'il considère lui-même qu'il connaît peut-être déjà une interaction heureuse, à ce moment-là, cela ne pose pas de problème.
     C'est exact.
    Il est quand même assez important de mettre l'accent sur le tiers. Dans ce processus, ce qui me semble fondamental, ce sera le moment solennel où l'on prendra toutes ces dispositions.
    Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus?
    Je suis d'accord là-dessus.
    À titre de recommandation au Comité et aux comités provinciaux qui, plus tard, devront opérationnaliser tout cela, je dirais qu'il faut souligner l'importance d'informer le tiers ou l'aidant des étapes de la maladie.
    Le tiers ou l'aidant doit déterminer avec la personne malade, si cela est possible, le stade de la maladie où tous deux conviennent que, le moment venu, le tiers se sentira à l'aise de dire que c'est le moment adéquat, que c'est celui que la personne malade aurait choisi pour procéder à l'aide médicale à mourir.
(1020)
    Une personne pourrait dire qu'elle voudrait que l'on procède à l'aide médicale à mourir quand elle aura atteint le stade sévère. Cela peut être possible aussi.
    N'est-ce pas?
    C'est exact.
    Je pense que c'est encore plus facile, pour les raisons que j'ai mentionnées, quand la mort est prévisible dans l'année qui suit, par exemple.
    Enfin, j'imagine que vos patients veulent vivre le plus longtemps possible. Si l'on se pose la question des demandes anticipées, c'est parce que ces gens veulent profiter de la vie le plus longtemps possible jusqu'au moment où ils vont franchir le seuil de l'intolérable. C'est donc variable selon la demande de l'individu.
    Ai-je raison?
    C'est tout à fait cela.
    Au stade sévère de la maladie, vous nous avez dit que, la plupart du temps, la personne peut survivre un an, deux ans, quelques mois.
    C'est exact.
    Dès qu'il y a une pneumonie d'aspiration, habituellement, il y a un décès dans les six ou douze mois qui suivent.
    Cela, c'est si...

[Traduction]

    Monsieur Thériault, c'est tout le temps que vous aviez. Merci beaucoup.

[Français]

    C'est dommage.

[Traduction]

    Le suivant est M. MacGregor, pour cinq minutes.
    Merci, madame la coprésidente, et merci aux témoins de se présenter devant le Comité.
    Docteur Buchman, mes questions seront pour vous. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé en détail de la situation des soins palliatifs au Canada et des difficultés rencontrées dans la région de York pour l'établissement d'un centre spécialisé. Je suis désolé d'entendre que votre projet a des allures de parcours du combattant.
    Je crois que vous avez aussi mentionné que les patients admis dans un établissement de soins de longue durée ont une espérance de vie moyenne de 18 mois, que leur transfert dans un hôpital est un processus très difficile et très coûteux, et qu'il se fait souvent au détriment de leur qualité de vie.
    Il y a eu beaucoup de discussions à l'échelon du fédéral, notamment dans la foulée des problèmes mis en lumière par la pandémie dans les milieux de soins de longue durée, concernant l'adoption d'une loi ou d'une stratégie sur les soins de longue durée qui édicterait des normes applicables pour tous les Canadiens, peu importe leur lieu de résidence.
    Selon vous, considérant ce que vous nous avez dit en introduction à ce sujet et au sujet des soins palliatifs, que faudrait‑il retrouver au minimum dans une stratégie sur les soins de longue durée?
    Merci de cette question.
    Une stratégie sur les soins de longue durée devrait bien entendu inclure, au minimum, des normes nationales de soins pour éviter les disparités entre régions au chapitre de l'offre de soins, comme c'est le cas actuellement. Par exemple, nous avons constaté durant la pandémie que les établissements de soins de longue durée à but lucratif ont fait nettement moins bien que les établissements sans but lucratif pour ce qui est du nombre de décès sur place. Nous devons adopter des normes nationales minimales.
    Les normes nationales devraient porter entre autres sur les heures de soins infirmiers et de soutien à la personne, et dicter le nombre d'heures minimal, mais optimal, auquel ont droit tous les résidents. Il faut aussi des normes architecturales, qui exigeraient des chambres individuelles, et faire appliquer toutes les normes les plus récentes de prévention des maladies infectieuses. Il faut aussi accroître considérablement l'offre de soins à domicile. Plutôt que d'investir des milliards de dollars dans les installations matérielles, il faut privilégier les soins à domicile pour que les personnes qui nécessitent des soins de longue durée puissent les recevoir de manière adéquate chez elles. Les gens veulent rester chez eux.
    À mon avis, c'est dans ce secteur qu'il faut investir le plus. Nous avons aussi besoin de normes sur les soins à domicile et l'accessibilité qui seraient applicables à toutes les régions et à toutes les administrations.
    Puis‑je vous interrompre pour 20 secondes? Je suis désolé.
    Vous avez parlé des coûts. Pouvez-vous nous donner un exemple des coûts liés à l'hospitalisation d'une personne en fin de vie? Des patients admis pour une urgence médicale peuvent recevoir des soins de fin de vie. Quels sont les coûts de ces soins comparativement à ce qu'il en coûterait dans un centre de soins palliatifs? Je pose cette question parce que le système est en train de crouler parce que les coûts prennent des proportions astronomiques, et aussi parce que vous avez parlé des gains d'efficience possibles si nous investissons davantage dans les centres de soins palliatifs, pas seulement sur le plan financier, mais aussi sur le plan de la qualité de vie.
    Je vais vous donner quelques exemples. Les données les plus à jour ne sont pas vraiment récentes, mais elles peuvent être actualisées pour nous donner une idée des coûts aujourd'hui. Les données sont tirées du rapport de 2014 du vérificateur général de l'Ontario.
    En 2022, on peut estimer qu'une journée d'hospitalisation d'un patient en fin de vie coûte 1 100 $. Oui, une journée à l'hôpital coûte 1 100 $. Une journée dans une unité de soins palliatifs dans un établissement coûte 700 $, et elle coûte 450 $ dans un centre de soins palliatifs. Les soins à domicile coûtent 100 $ par jour.
    Chaque année en Ontario, 70 000 patients meurent... En fait, 100 000 personnes meurent, mais 70 000 d'entre elles meurent à l'hôpital. Si nous en transférons la moitié, ou 35 000, dans un centre de soins palliatifs, l'économie serait d'environ 650 $ par jour par patient. Le séjour moyen est de 21 jours. Si nous multiplions 35 000 patients par 21 jours à raison de 550 $ en moins par jour, le résultat serait une économie de centaines de millions de dollars.
    C'est le financement initial qui fait défaut. Par exemple, le centre que j'ai cofondé a reçu seulement de 6 à 7 % du financement requis pour son ouverture. Je me demande pourquoi on ne reconnaît pas qu'il s'agit de soins de santé essentiels. C'est pourtant logique. C'est à cette qualité de soins que les gens aspirent et à laquelle ils ont droit, et c'est un modèle très économique.
(1025)
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je cède maintenant la parole au coprésident pour les questions des sénateurs.
    Merci, sénatrice Martin. Nous allons commencer avec la sénatrice Mégie.

[Français]

     Vous avez la parole pour trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Bonjour, docteur Gauthier. Ma première question s'adresse à vous.
    Sans utiliser de chiffres précisant un stade de maladie en particulier, une personne pourrait-elle inscrire dans sa demande anticipée qu'elle souhaite recevoir l'aide médicale à mourir au moment où elle ne sera plus en mesure de reconnaître les siens, qu'elle souffrira de double incontinence ou qu'elle sera atteinte de tel ou tel handicap, par exemple? En tant que professionnel, que pensez-vous de cela?
    J'ai une deuxième question pour vous.
    Après avoir entendu l'échange que vous avez eu avec mon collègue M. Thériault, je sens que vous adhérez au concept de démence heureuse. Si la personne pouvait inclure cela dans sa demande anticipée, cela représenterait une mesure de sauvegarde additionnelle.
    Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est la démence heureuse? Devrait-on procéder à l'aide médicale à mourir si une personne se trouve dans cet état?
    Je vais commencer par la question à laquelle il est plus facile de répondre: oui, c'est possible d'inclure une clause à cet effet.
    Pour ce qui est de la double incontinence, c'est un état réversible. Par exemple, la personne pourrait avoir une infection urinaire ou un problème gastrique ou intestinal réversible. On ne peut pas déterminer un stade en fonction d'un seul symptôme qui est possiblement transitoire. Il faudrait plutôt qu'il y ait un ensemble de symptômes qu'on jugerait irréversibles pour dire qu'une personne a atteint un seuil qui justifie l'aide médicale à mourir.
    Il me reste juste assez de temps pour vous poser une brève question, monsieur Gauthier.
    Pensez-vous qu'on pourrait inclure les maladies neurocognitives dans les mesures anticipées?
    C'est une très bonne question. « Trouble neurocognitif majeur » est effectivement la nouvelle désignation utilisée dans la classification internationale comme synonyme de « démence ». Au Québec, c'est de plus en plus utilisé sur le plan clinique. Le Comité aura peut-être besoin d'inclure les deux termes dans ses documents, puisque l'expression « trouble neurocognitif majeur » est maintenant utilisée comme un équivalent à « démence » dans la plupart des champs d'application.
    Merci, sénatrice Mégie.
    Nous poursuivons maintenant avec le sénateur Dalphond.
    Ma première question s'adresse à Mme Guillemette.
    Selon ce que j'ai compris de votre témoignage, votre commission a constaté un large consensus social pour des demandes anticipées d'aide médicale à mourir dans la perspective de troubles neurocognitifs.
    Votre commission a-t-elle exploré la question pour déterminer quel genre d'encadrement serait requis? Par exemple, le Code criminel devrait-il prévoir certains critères, ou devrait-on plutôt dire que les demandes anticipées sont permises dans la mesure prévue par les lois provinciales?
(1030)
    Pour ce qui est de l'aspect juridique, je n'ai pas vraiment les compétences pour vous répondre, mais je vous dirais que oui. Il est effectivement important de bien baliser le moment où la personne désignée pourra signaler que son proche semble avoir atteint le stade qui répond aux critères qu'il s'était lui-même fixés. Ainsi, on respecte son droit à l'autodétermination ainsi que son choix préalablement établi. Il faut donc bien baliser la notion de démence heureuse, mais il sera aussi important qu'il y ait une souffrance contemporaine. Cette notion était très importante dans le cadre des travaux de la commission et il faut que cela demeure.
    Pour ce qui est de l'aspect juridique, je ne ferai aucun commentaire, parce que ce n'est pas de mon ressort. Présentement, nous n'en sommes pas là. Comme je le disais tout à l'heure, nous allons attendre que le projet de loi soit adopté au Québec. Il faudra aussi considérer dans quelle mesure il aura été adopté. Présentement, on donne beaucoup dans la spéculation.
    Des travaux sur les demandes anticipées ont été faits à l'Université Laval et ont donné suite à un rapport très imposant. Je sais que la commission n'est pas rendue à cette étape. On comprend cependant que ces demandes sont associées à la crainte de perdre son aptitude à donner son consentement. Au Québec, comme on le sait, la perte de cette aptitude entraîne un mandat d'inaptitude et une homologation judiciaire. C'est tout un processus qui s'enclenche. Alors, on pourrait ajouter une disposition disant qu'un tiers est désigné pour faire respecter la volonté de son proche, de telle sorte que tout le processus judiciaire se fait en une seule étape plutôt qu'en plusieurs étapes. Cela dit, je comprends qu'on n'en est pas rendu là.
    Ce sera probablement bien défini dans la loi, mais, en tant que commission, nous ne sommes pas allés jusque-là. Comme c'est un projet de loi, je ne peux pas vous dire quelle forme il prendra ultimement.
    De notre côté, nous jugions nécessaire que la personne ait établi des critères alors qu'elle était apte à le faire. Cela ne l'empêche pas de changer ses critères à tout moment lors de son inaptitude. Cela dit, il y avait pour nous un critère important, soit celui de la souffrance contemporaine.
    [Inaudible] la partie de la démence heureuse.
    Disons que c'est pour mieux baliser cela, effectivement. Notre intention était d'éviter de laisser tout le poids de cette décision sur les épaules du corps médical. C'est quand même lourd pour celui-ci. En établissant de meilleures balises à cet égard, c'est plus efficace pour le corps médical.
    Merci, sénateur Dalphond.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à la sénatrice Wallin.
    Sénatrice Wallin, à vous la parole.
    Merci beaucoup.
    Je vais revenir à Mme Guillemette pour qu'elle nous parle davantage du concept de la démence heureuse. Je dois avouer que je suis passablement troublée de penser que le poids des décisions puisse reposer sur les épaules de personnes qui ne connaissent pas forcément ce qui au départ... Elles ne savent pas forcément ce qui préoccupait le patient, ce qu'il a écrit exactement dans un document.
    Je sais que le projet de loi n'est pas encore rédigé. Je travaille moi-même sur un projet de loi sénatorial.
    Pensez-vous qu'il serait raisonnable, et donc raisonnable pour les législateurs, de proposer qu'une personne qui se pense à risque de souffrir d'un trouble neurocognitif, de démence ou de la maladie d'Alzheimer en raison de ses antécédents familiaux ou pour d'autres raisons soit autorisée à dresser une liste, une série de critères concernant ses volontés et le moment où elle souhaite recourir à l'AMM, et qu'elle désigne un décideur tiers consentent, de manière anticipée et tout au long du processus, en consultation constante avec les fournisseurs de l'AMM et d'autres médecins et juristes? Pensez-vous qu'il s'agit d'une proposition que nous pouvons raisonnablement soumettre à titre de législateurs?
    La question s'adresse d'abord à Mme Guillemette et, s'il reste du temps, j'aimerais aussi savoir ce que vous en pensez, docteur Gauthier.
(1035)

[Français]

    En fait, la tierce personne qui a été désignée déclenche le processus de demande d'aide médicale à mourir, mais l'évaluation médicale est faite par l'équipe et le médecin. Effectivement, il faut qu'il y ait des critères assez précis pour encadrer les attentes de la personne atteinte quant au moment où elle voudra qu'on lui administre l'aide médicale à mourir.

[Traduction]

    Docteur Gauthier, pensez-vous que c'est quelque chose d'envisageable?
    Vous avez parlé des six stades et de la nécessité de bien les définir. Toutefois, nous savons que ces maladies peuvent évoluer très différemment d'une personne à l'autre. Il peut être difficile de catégoriser les personnes, alors que c'est justement l'essence d'une demande anticipée. Je veux pouvoir soumettre ma demande à un moment où mes pensées seront encore claires et rationnelles, pas une fois qu'il sera trop tard ou que la démence heureuse aura fait de moi quelqu'un de complètement différent.
    La réponse brève est que nous avons besoin de descriptions précises des stades les plus courants des maladies neurodégénératives comme la maladie d'Alzheimer pour la plupart des gens. Par ailleurs, il est important que ces descriptions soient formulées dans des termes compréhensibles pour le Canadien moyen.
    Il pourrait y avoir trois choix, ou quelque chose du genre. Nous pourrions y travailler ensemble.
    L'idée est que le patient dresse une liste de critères, que ce soit 3, 8 ou 10, peu importe... Ces critères seraient mis en concordance à l'avance avec les catégories établies par la profession médicale.
    Oui, quelque chose du genre.
    D'accord. Merci beaucoup.
    Merci, sénatrice Wallin.
    Nous allons conclure avec la sénatrice Martin. Vous avez trois minutes.
    Mes collègues ont posé des questions sur la démence heureuse. Ma mère souffrait de démence. Elle est morte il y a quelque temps. Je suis la fille aînée. J'ai l'impression de vous entendre raconter ma vie quand vous parlez des possibilités... C'est très personnel et c'est très complexe.
    Vous avez raison, madame Guillemette. Il faut que le cadre juridique soit très solide.
    La mère de ma mère et sa sœur ont toutes les deux souffert de démence. Je suis consciente que je suis à risque. C'est un sujet qui me touche énormément.
    Je tiens à souligner qu'à titre de décideurs, notre rôle est de trouver l'équilibre délicat entre l'autonomie des patients et la gestion des risques inhérents. J'aimerais vous interroger à ce sujet. Comment pouvons-nous, compte tenu des risques inhérents, assurer un bon équilibre entre l'autonomie et le consentement pleinement éclairé? Je pense que vous avez tous plus ou moins abordé ce sujet dans vos réponses.
    Je vais me tourner vers Mme Guillemette pour commencer.

[Français]

    En fait, je dirais que c'est un processus qui se fait sur plusieurs années. La personne qui reçoit un diagnostic ne doit pas prendre une décision dans les deux mois qui suivent. C'est un processus qui se fait en collaboration avec le médecin, l'équipe soignante, la famille et les personnes désignées comme mandataires. C'est un processus sérieux. Je pense qu'il est possible de le faire en mettant en place des balises et en ayant autour de soi un milieu sécurisant.
    Je comprends que cela vous touche personnellement, étant donné ce que vous venez de vivre, mais je suis convaincue que nous pouvons mettre en place un processus qui respectera les valeurs des gens et leur droit à l'autodétermination, tout en protégeant les personnes vulnérables. C'est très important de ne jamais perdre de vue cet aspect.

[Traduction]

    Docteur Gauthier, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Ce qu'a dit ma collègue, Mme Guillemette, est très juste.
    Il faudra poursuivre le dialogue engagé aujourd'hui. C'est impossible de faire le tour de cette question en trois ou cinq minutes, mais c'est un bon début.
    Merci de faire ce travail.
    S'il reste du temps, docteur Buchman, avez-vous une réponse à ma question?
    Ce sera très court. Moi aussi, je suis tout à fait d'accord avec Mme Guillemette. Sa réponse était très claire.
    La plupart du temps, quand vient le moment des décisions liées à la fin de vie, nous les prenons en collaboration. Ce n'est pas très différent pour les demandes anticipées. Elles feront partie de nos options pour notre fin de vie. C'est ce que nous faisons pour l'AMM. La décision ultime doit toujours appartenir à la personne concernée. C'est cette autonomie et cette dignité que nous voulons protéger.
    Toutefois, c'est plus difficile quand une personne n'a pas ce lien avec des proches ou des décideurs tiers. C'est un autre aspect qui méritera de plus amples discussions.
(1040)
    Vous soulevez un point très important. La barrière de la langue peut aussi contribuer à compliquer le processus. Si le patient a de la difficulté à communiquer... Nous devrons prévoir des mesures d'aide si des patients ont de la difficulté à communiquer à cause de la barrière de la langue.
    Merci énormément de vos éclairages.
    Merci, sénatrice Martin.
    C'est ce qui met fin à cette partie de la séance avec le second groupe de témoins.
    Merci beaucoup, docteur Buchman.

[Français]

    Merci à vous également, docteur Gauthier et madame Guillemette.
    Je remercie tous les témoins d'avoir comparu aujourd'hui devant notre Comité sur un sujet très difficile et très complexe et d'avoir fourni des réponses à nos questions. Nous leur en sommes très reconnaissants.
    Sur ce, la séance est levée.
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