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AMAD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir


NUMÉRO 005 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 5 mai 2022

[Enregistrement électronique]

(1830)

[Traduction]

    Je souhaite la bienvenue à nos témoins pour la séance de ce soir, où nous poursuivons notre examen législatif des dispositions du Code criminel concernant l'aide médicale à mourir et leur application.
    Nous avons le plaisir d'accueillir notre premier groupe de témoins: M. Raphael Cohen-Almagor, professeur de politique à l'Université de Hull, ainsi que Me Pierre Deschamps, avocat et éthicien. Nous accueillons également deux représentants de Mourir dans la dignité Canada, soit l'honorable James Cowan, membre du conseil d'administration et ancien sénateur canadien, et Helen Long, directrice générale.
    Il y a quelques consignes à respecter.

[Français]

    D'abord, je sais que tous apprécient les mesures sanitaires qui ont été mises en place durant la pandémie de la COVID‑19. Je prierais toutes les personnes qui sont dans la salle de comité de respecter ces règles.

[Traduction]

     Pour l'information de nos parlementaires et de nos témoins, vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix — l'anglais ou le français —; nous disposons d'un service d'interprétation. Si vous avez de la difficulté à entendre la traduction, veuillez nous en faire signe, et nous suspendrons la séance le temps de régler le problème.
    Je vous demande de ne pas parler tant que je ne vous en ai pas donné l'autorisation. Si vous voulez attirer mon attention sur quelque chose, vous pouvez utiliser la fonction « lever la main » sur Zoom. Veuillez vous exprimer lentement et clairement chaque fois que vous aurez la parole.
    Nous allons commencer la soirée avec les trois témoins, qui disposeront chacun de cinq minutes, après quoi nous passerons à une période de questions.
    Allons‑y. Monsieur Cohen-Almagor, si vous êtes prêt, vous avez la parole pour les cinq prochaines minutes.
     Bonsoir. Je vous remercie de m'avoir invité à présenter mon point de vue sur la fin de vie.
    Je m'appelle Raphael Cohen-Almagor, et j'étudie les préoccupations en fin de vie depuis une trentaine d'années.
    Éthiquement parlant, je pense que les patients devraient pouvoir recevoir de l'aide médicale à mourir, et ce, de la façon la plus attentive et la plus prudente possible.
    Je limite mon raisonnement aux patients autonomes qui sont aptes à décider eux-mêmes. Par définition, les patients inaptes ne sont pas autonomes. Comme ils ne sont pas en mesure de décider eux-mêmes, ils s'exposent davantage à d'éventuels abus.
    Au cours des dernières décennies, j'ai travaillé à titre d'expert-conseil auprès de plusieurs assemblées législatives sur le traitement de fin de vie. J'ai notamment siégé au comité public qui a légiféré sur l'assistance au mourant en Israël. Je vous ai présenté l'article de cette loi qui porte précisément sur les directives anticipées.
    Les directives anticipées posent problème. Elles sont souvent prises sans qu'il soit possible d'obtenir un consentement éclairé. Pour quelle raison une patiente a‑t-elle décidé de ne pas être traitée? La décision de ne pas recevoir de traitement doit reposer sur une compréhension claire de la situation. Il est essentiel que le patient comprenne la maladie, les solutions possibles, ainsi que ses chances et ses risques. Tout cela peut être assez compliqué lorsque les médecins eux-mêmes ne se font pas une idée claire de la maladie et ne peuvent pas fournir un pronostic fiable.
    Mes recherches dans neuf pays — le Royaume-Uni, le Canada, Israël, les États-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la Belgique et la Suisse — ont révélé certains cas où un médecin qui s'arroge des droits divins a abusé de son autorité et pris des décisions contraires à l'intérêt du patient. De plus, les soins de fin de vie sont souvent compromis en raison de considérations économiques et d'un manque de ressources.
    La recherche a démontré que les directives anticipées sont souvent prises sans qu'il soit possible d'obtenir un consentement éclairé. Par exemple, aux États-Unis, les médecins peuvent s'en servir contre l'intérêt du patient pour économiser des ressources coûteuses. Les directives anticipées étaient censées faciliter les décisions concernant les soins de fin de vie pour les patients inaptes, mais les recherches ont montré que ce n'est pas le cas. De nombreuses exigences et restrictions juridiques concernant les directives anticipées sont contre-productives. Malgré les bonnes intentions de ceux qui les ont instituées, elles ont eu des conséquences négatives imprévues contre la volonté des patients.
    Examinons le cas très problématique de la démence. Comme vous le savez peut-être, la médecine n'a pas encore complètement déchiffré les mystères du cerveau. Nous en savons beaucoup sur le cœur, les poumons, les reins et d'autres organes, mais nous ne comprenons pas encore parfaitement le cerveau. Le cerveau humain a du mal à comprendre le cerveau. Par conséquent, la prudence est de mise.
    Au premier stade de la démence, les patients ont tendance à souffrir de la peur de devenir un fardeau pour leurs proches et pour leurs soignants, ainsi que de perdre leur autonomie et leur dignité. La souffrance est mentale. Elle peut être soulagée grâce à des soins palliatifs dualistes qui répondent aux besoins mentaux, psychologiques, physiques et sociaux du patient, tout en garantissant qu'il continue à avoir une valeur intrinsèque malgré la détérioration de son état, qu'il peut compter sur la solidarité familiale et être traité avec compassion et respect à un point tournant où il a plus que jamais besoin d'attention.
    Comme les patients atteints de démence sont le plus souvent des personnes âgées, ils devraient avoir la certitude qu'il s'agit de leur renvoyer l'ascenseur. Toute leur vie, ils ont donné à d'autres — à leurs enfants, leurs amis, la société. C'est maintenant à leur tour de recevoir. L'impératif moral consiste à offrir compassion et soins aux personnes atteintes de démence.
    Avec l'évolution de la démence, ses symptômes pénibles deviennent de plus en plus fréquents. La douleur et l'agitation se multiplient à mesure que la mort approche, mais en général, ce sont des symptômes traitables. Des études ont montré que la thérapie cognitivo-comportementale et les soins palliatifs peuvent nettement améliorer les soins prodigués aux patients atteints de démence avancée. Ceux qui reçoivent des soins palliatifs ont moins d'hospitalisations et des symptômes psychiatriques plus légers que ceux qui n'ont pas reçu ces soins. De plus, les familles des patients atteints de démence qui reçoivent des soins palliatifs se disent plus satisfaites des soins. Quand les gens prennent sciemment la décision de mettre fin à leur propre vie à tel ou tel moment, ils sont conscients des complexités de la démence et de la contradiction qui risque de surgir le moment venu, c'est-à-dire que, dans le cas d'une démence grave, ils risquent de ne plus se souvenir de leur souhait antérieur et pourraient bien vouloir rester en vie. Cette décision sera donc sans aucun doute semée de doutes.
(1835)
    Au début de la maladie, le décès est prématuré. Plus tard, c'est discutable parce que les patients montrent que certains aspects de la vie ont encore un sens pour eux. À la dernière étape, les patients ne sont plus autonomes pour prendre des décisions aussi importantes, et les médecins ne peuvent pas être certains de leurs souhaits.
    Le paradoxe de la démence ne peut être résolu par l'euthanasie. Il faut s'y attaquer en offrant plus de soins, de compassion et d'attention. L'équipe médicale a un rôle crucial à jouer dans la promotion de la qualité des soins, du diagnostic jusqu'aux dernières étapes de la démence, pour évaluer les changements dans le fonctionnement cognitif, la mémoire, la dépression, les peurs, les difficultés de communication et le comportement, ainsi que le dépistage et le traitement des symptômes. Les premières demandes de mort sont souvent le résultat d'un désespoir que le personnel médical et les proches du patient peuvent repousser en leur offrant un soutien, des soins et un partage exceptionnels qui garantiront aux patients qu'ils sont et resteront membres de la communauté humaine. Ce que nous devrions faire...
    Je dois vous demander de conclure, monsieur.
    Oui.
    Nous devrions humaniser les soins pour les vivants.
    L'État libéral a l'obligation de protéger tout le monde, surtout les personnes vulnérables. Pour résoudre le conflit entre les intérêts que les personnes avaient quand elles étaient aptes et ceux qu'elles ont quand elles deviennent inaptes, il nous semble qu'au lieu d'appliquer systématiquement toutes les directives anticipées, les médecins, les familles et les autres personnes qui s'occupent de patients inaptes devraient être en mesure d'examiner si l'intérêt du patient sera mieux servi par des mesures contraires aux directives anticipées. Ce qu'il faut, c'est une étude minutieuse, l'accumulation de connaissances et de données, la prise en compte des préoccupations, l'apprentissage des erreurs et la tentative de les corriger avant de se précipiter de façon frénétique pour introduire des façons plus libérales d'euthanasier les patients. Qui va lentement va sûrement.
    Merci beaucoup.
(1840)
    Merci, monsieur.

[Français]

    Je passe maintenant la parole à M. Pierre Deschamps pour cinq minutes.
    Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner.
    Je vais vous parler ce soir des demandes anticipées d'aide médicale à mourir.
    Les demandes anticipées d'aide médicale à mourir portent sur la possibilité, pour une personne apte, de consentir à l'avance à l'administration de l'aide médicale à mourir advenant la présence d'un état de vie ou de santé incompatible avec ses valeurs, par exemple un état de démence avancée qui ne lui permet pas de reconnaître son entourage ou de vaquer à ses activités de la vie quotidienne. Elles s'inscrivent dans un courant d'assouplissement des règles régissant l'accès à l'aide médicale à mourir, comme le démontre l'évolution des lois canadiennes en la matière.
    J'aimerais porter à votre attention quelques éléments historiques.
    Le projet de loi C-14 a rendu possible qu'une personne consente à ce qu'un médecin ou un infirmier-praticien lui inflige la mort avec son consentement, pourvu qu'elle y consente au moment de l'administration de l'aide médicale à mourir. Cela constituait une exception ou une dérogation à la règle énoncée à l'article 14 du Code criminel, qui interdit qu'un tiers puisse infliger la mort à une personne, même si elle y consent. Cette évolution était accompagnée par la mise en place, par le législateur, de mesures de sauvegarde restreignant ou limitant les circonstances dans lesquelles l'administration de l'aide médicale à mourir peut survenir, par l'élaboration de critères d'admissibilité.
    Quant à lui, le projet de loi C-7 a ajouté une exception à cette règle en permettant à une personne de recevoir l'aide médicale à mourir même si, au moment de son administration, elle n'est pas en mesure d'y consentir, pourvu qu'elle ait signé au préalable une entente écrite avec un médecin par laquelle elle renonce à avoir à consentir à l'aide médicale à mourir au moment de son administration. Encore ici, des mesures de sauvegarde ont été mises en place par le législateur pour protéger la personne appelée à recevoir l'aide médicale à mourir.
    Maintenant, on projette de permettre à une personne qui n'est pas encore atteinte d'une maladie grave et incurable de la nature d'une démence grave, mais qui l'appréhende, de demander que, si elle se retrouve dans une situation donnée, par exemple un état de démence avancée qui fait qu'elle n'est pas en mesure de reconnaître ses proches ou de vaquer à ses activités de la vie quotidienne, elle puisse recevoir l'aide médicale à mourir, dans un contexte où — et j'insiste là-dessus —, bien que consciente, elle n'est pas apte à consentir à ce qu'on lui administre l'aide médicale à mourir.
    En légiférant en cette matière, le Canada rejoindrait un tout petit nombre de pays qui ont accepté qu'une personne puisse obtenir l'aide médicale à mourir au moyen d'une demande anticipée. Je parle des Pays-Bas et de la Belgique, qui ont des lois fort différentes en la matière.
    Aux Pays-Bas, les demandes anticipées d'aide médicale à mourir sont autorisées, mais, de 2017 à 2019, il n'y a eu que deux ou trois cas par année de personnes atteintes de démence avancée ayant reçu l'euthanasie conformément à leurs directives médicales anticipées.
    En Belgique, une déclaration anticipée d'euthanasie ne prend effet que si une personne est inconsciente de façon irréversible au moment de l'euthanasie. Autrement dit, il faut qu'elle se trouve dans un coma irréversible. De 2016 à 2020, entre 22 et 33 personnes par année ont obtenu l'euthanasie conformément à leurs directives médicales anticipées.
    Contrairement à la Belgique, ce que le Canada envisage actuellement, c'est la possibilité d'administrer l'aide médicale à mourir à une personne qui en a fait préalablement la demande non pas dans le cas où elle présente un coma irréversible, ce qui suppose une perte totale de conscience, mais dans le cas où la personne atteinte d'une maladie grave et incurable de la nature d'une démence avancée est encore consciente, ne serait-ce que minimalement, mais inapte à donner un consentement libre et éclairé à l'administration de l'aide médicale à mourir.
    Dans un tel contexte, le législateur fédéral serait appelé à valider ou à sanctionner, au regard du droit criminel, la possibilité pour une personne qui fait une demande anticipée d'aide médicale à mourir de recevoir cette dernière si les conditions qu'elle a préalablement établies comme éléments d'activation de sa déclaration sont remplies.
(1845)
    Si la rédaction d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir comporte ses difficultés, notamment en ce qui a trait à l'identification des éléments pouvant donner lieu à sa prise d'effet, l'actualisation de la déclaration est remplie de défis à plusieurs égards: la condition médicale requise pour que l'on songe à son administration; l'administration de l'aide médicale à mourir chez une personne inapte ou plus ou moins consciente; la gravité de ses pertes cognitives; les proches qui seraient appelés à enclencher le processus d'évaluation devant mener à l'administration de l'aide médicale à mourir; les évaluations médicales et autres évaluations requises pour déterminer si la personne est rendue à un point où ses volontés préalablement exprimées doivent être considérées.
    En cela, le défi pour le législateur est de concevoir des mesures de sauvegarde robustes qui protégeront la personne ayant fait une demande anticipée d'aide médicale à mourir — généralement, cette demande se fait plusieurs années avant l'apparition de la condition pouvant donner lieu à son activation — contre des abus tels que l'administration trop précoce de l'aide médicale à mourir ou l'empressement d'administrer celle-ci sous la pression de proches ou d'un corps médical sympathique à l'état de dégradation mentale de la personne, qui se trouvera alors dans une situation de très grande vulnérabilité.
    Par-delà l'intervention du législateur fédéral dans le domaine du droit criminel, il ne fait nul doute que des lois provinciales, comme dans le cas du Québec, seront requises pour déterminer le contexte d'activation d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir lorsqu'une personne jugée inapte à consentir sera néanmoins dans un état de conscience, même minimal.
    Monsieur Deschamps, je vais vous demander de conclure votre présentation, s'il vous plaît.
    Idéalement, il faudrait qu'il y ait une harmonisation entre la loi fédérale et la loi provinciale, si cela devait s'avérer.
    En conclusion, l'évolution de la loi canadienne en matière d'aide médicale à mourir s'inscrit dans une perspective de reconnaissance à long terme du droit fondamental de tout être humain de choisir le moment et le comment de sa mort avec l'assistance d'un tiers, c'est-à-dire d'un médecin ou d'un autre professionnel de la santé.
    Bien que ce droit ne soit pas formellement reconnu ou contenu dans la Charte canadienne des droits et libertés, il se profile dans un certain nombre de droits et libertés.
    Pour l'heure, l'exercice de ce droit est tempéré par diverses mesures de sauvegarde qui constituent autant de limitations au plein exercice de ce droit. Cela inclut la nécessité d'être atteint d'une maladie grave et incurable, d'avoir des souffrances constantes, intolérables et inapaisables, de présenter un déclin avancé et irréversible de ses capacités, d'avoir atteint l'âge adulte et d'avoir la capacité de consentir ou de renoncer au consentement.
    Merci de votre écoute.
    Merci, monsieur Deschamps.

[Traduction]

     Nous passons maintenant au sénateur Jim Cowan ou à Mme Long. Je ne sais pas si vous comptez partager votre temps de parole, mais vous avez cinq minutes en tout.
    Allez‑y, je vous en prie.
     Merci. Nous allons partager notre temps.
    Mourir dans la dignité Canada est un organisme de bienfaisance national voué aux droits de la personne qui s'emploie depuis 42 ans à protéger les droits des personnes en fin de vie et à aider les Canadiens à éviter des souffrances indésirables. Pour les Canadiens, ce n'est pas un débat théorique. Il s'agit de compassion, d'éviter la souffrance et de préserver les droits fondamentaux.
     Chaque jour, des personnes et des familles nous parlent de leurs choix de fin de vie, y compris de l'aide médicale à mourir. Avant de prendre position à ce sujet, nous avons cherché à connaître l'expérience vécue des professionnels de la santé, des personnes ayant des déficiences physiques et des troubles mentaux, des défenseurs des droits de la personne et d'autres bénévoles au sein de la communauté de l'aide médicale à mourir.
    Nous croyons que tout le monde devrait avoir à la fois le droit de vivre et le droit de choisir sa fin de vie, et nous encourageons le gouvernement à continuer d'investir dans l'amélioration de l'accès aux soins palliatifs et dans l'offre de mesures de soutien supplémentaires aux personnes vivant avec un handicap ou un trouble mental. En même temps, nous appuyons fermement la déclaration faite par la Dre Stefanie Green la semaine dernière, à savoir qu'il faut appuyer l'aide médicale à mourir tout en favorisant les sources communautaires de soutien en matière de santé mentale, de soins palliatifs et d'invalidité. Il faut s'en occuper de manière parallèle.
    De loin, les questions les plus fréquemment posées sont celles qui ont trait aux demandes anticipées d'aide médicale à mourir, c'est-à-dire qu'une personne apte présente une demande écrite pour le jour où elle aura perdu la capacité de prendre des décisions médicales pour elle-même. La démarche lui permet de décrire par écrit un état futur dans lequel elle souhaiterait avoir accès à l'aide médicale à mourir.
    Nous savons, grâce à de multiples sondages Ipsos, que les Canadiens appuient les demandes anticipées. Ces résultats ont été cohérents au fil du temps et correspondent à ceux de la consultation du gouvernement au printemps 2020. Selon un sondage Ipsos effectué en avril 2022, 85 % des Canadiens appuient une demande anticipée pour une personne atteinte d'une maladie grave et irrémédiable et 77 % sont en faveur d'une demande anticipée sans diagnostic.
    Les Canadiens nous disent qu'ils sont préoccupés par leur capacité de donner un consentement éclairé à l'aide médicale à mourir en raison de leurs antécédents familiaux de troubles neurocognitifs, comme la démence ou la maladie de Parkinson, ou du fait qu'un accident ou autre problème médical pourrait entraîner une diminution de leur capacité mentale. Les demandes anticipées permettraient à ceux qui optent pour l'aide médicale à mourir d'éviter une vie de douleur et de souffrance graves et irrémédiables advenant une perte de capacité.
    Mourir dans la dignité Canada estime que les demandes anticipées devraient être autorisées avec ou sans le diagnostic d'une maladie grave et incurable. Les Canadiens ont déjà le droit de donner des directives préalables sur les options de traitement quand il s'agit de leurs soins personnels. Le même droit pour une demande anticipée d'aide médicale à mourir permettrait à ceux qui prévoient une perte de capacité de s'assurer que les principes directeurs de leur vie sont respectés lorsqu'ils ne peuvent plus parler pour eux-mêmes.
    Le sénateur Cowan va terminer notre déclaration.
(1850)
    Nos lois sur l'aide médicale à mourir ont été inspirées par des Canadiens dont le désir de dignité, d'autonomie et d'autodétermination les a amenés à lutter pour le droit de prendre des décisions qui correspondent à leurs valeurs personnelles. Ce sont des gens comme Sue Rodriguez, Kay Carter, Gloria Taylor, Audrey Parker, Jean Truchon et Nicole Gladu. Aujourd'hui, nous entendons des gens comme Pamela Cross, Katherine Hammond et les sœurs Eusanio, dont l'expérience des conditions de dégradation des capacités les motive à s'exprimer et à appuyer des changements à la loi.
    Mourir dans la dignité Canada recommande que ce soient les professionnels de la santé qui évaluent l'admissibilité à l'aide médicale à mourir, y compris l'exigence de souffrance intolérable décrite dans la demande anticipée, lorsque la personne qui a perdu sa capacité avait présenté une demande anticipée quand elle était apte. La demande doit être documentée d'une manière conforme au processus actuel et comprendre un énoncé personnel qui décrit les valeurs et les intérêts qui sont au cœur de la vie de la personne et de son identité. Les praticiens doivent tenir compte de cette déclaration lorsqu'ils effectuent leur évaluation.
    Nous n'avons pas le temps d'examiner en détail les mesures de sauvegarde prudentes que nous avons décrites dans notre mémoire, qui sera déposé auprès du Comité, mais nous vous invitons à l'examiner en détail et nous nous ferons un plaisir d'en parler davantage et de répondre à vos questions.
    Certains cliniciens ont fait remarquer que les personnes qui ont perdu leurs capacités et qui atteignent le point que leur demande anticipée décrit comme des souffrances qui leur sont intolérables peuvent ne pas sembler souffrir à ce moment‑là. Toutefois, l'objectif de la demande anticipée d'aide médicale à mourir est de respecter les souhaits exprimés précédemment par la personne lorsqu'elle était apte. Les mesures de sauvegarde et le processus décisionnel garantissent que la personne répond aux critères de l'aide médicale à mourir et que cette aide ne serait pas accordée si la personne manifeste consciemment une résistance ou un refus.
    Rien n'indique que l'accès à l'aide médicale à mourir au Canada ou dans un autre pays ait eu une incidence négative sur les valeurs sociales relatives aux personnes affichant une perte de capacité. Il a plutôt attiré l'attention sur les soins de fin de vie en général, y compris les soins palliatifs, et sur la nécessité de veiller à ce que tous les citoyens puissent bien vivre et bien mourir.
    Merci de votre temps aujourd'hui. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
     Merci, sénateur Cowan et madame Long.
    Voilà qui met fin à vos déclarations préliminaires. Nous allons maintenant passer aux questions, et je vais céder le fauteuil à ma coprésidente, la sénatrice Martin.
    Merci, monsieur Garneau, et merci à tous nos témoins.
    Pour le premier tour, nous allons commencer par M. Cooper, pour cinq minutes.
    Je vous ferai signe quand il ne vous restera que 30 secondes, mais je sais que dans la salle, vous pouvez toujours vérifier l'horloge.
    Monsieur Cooper, vous avez la parole.
     Merci, madame la coprésidente. Je vais adresser mes questions à M. Cohen-Almagor.
    Professeur, pouvez-vous nous parler de la différence entre une directive anticipée dans le contexte de l'aide médicale à mourir et une directive anticipée pour ce qui est de refuser un traitement vital? Si cette deuxième directive est possible, pourquoi pas la première?
(1855)
    C'est à M. Cohen-Almagor que vous vous adressez?
    Tout à fait.
     J'aimerais dire quelque chose de général au sujet des directives anticipées pour les patients aptes et inaptes. J'ai étudié la question dans neuf pays, y compris le Canada, même si ça fait une bonne dizaine d'années que je n'y suis pas revenu.
    Dans mes études, vous pouvez voir que les médecins qui s'occupent de patients atteints de démence affirment presque invariablement que quand la personne arrive à la fin de sa vie, sachant qu'elle finira par ne pas reconnaître sa propre vie, ses parents, etc., il lui arrivera de changer d'avis. Elle trouvera sa vie significative et ésotérique. Elle s'intéressera subitement à quelque chose qui n'avait strictement aucun sens pour elle il y a quelques années, par exemple.
    Je pense qu'il faut faire la distinction entre les maladies. S'il s'agit d'une détérioration physique — un état physique où la capacité mentale demeure intacte —, je suis tout à fait d'accord avec James Cowan et Helen Long. Or, en ce qui concerne la démence et les problèmes du cerveau, je ne peux pas être d'accord, parce que les gens changent d'avis.
    Prenez le mariage. Beaucoup de gens, lorsqu'ils se marient, pensent que le mariage est pour la vie, mais on voit bien que 50 % de la population finissent par divorcer. Ils changent d'idée. Si vous demandez à un jeune s'il peut imaginer sa vie dans un fauteuil roulant, il vous dira qu'il préférerait mourir. Que Dieu fasse qu'il ne lui arrive pas malheur et qu'il entre dans cet état après un accident de voiture, mais si jamais il se retrouve en fauteuil roulant, il ne voudra pas mourir. La majorité d'entre eux veulent continuer à vivre. J'ai vu des patients dans des conditions épouvantables, mais quand on leur demande s'ils voudraient mourir, ils restent silencieux.
    Nous devons être très prudents lorsqu'il s'agit de patients inaptes. À mon avis, la question de l'autonomie nous préoccupe tous. Je pense que tous les Canadiens sont préoccupés par l'autonomie. C'est ce qui motive l'aide médicale à mourir: l'autonomie du patient. Je ne pense pas que nous puissions appliquer cela à des patients inaptes. C'est là que nous devons établir la limite, et la limite devrait être incontournable.
    Si vous adoptez ces mesures, nous allons ouvrir la porte aux abus, et le Canada n'en veut pas.
    Merci.
    Pouvez-vous nous parler de votre travail dans d'autres pays et des problèmes que vous avez constatés au sujet des directives anticipées et qui, selon vous, sont une source de préoccupation?
    J'ai passé beaucoup de temps en Belgique et aux Pays-Bas. Aux Pays-Bas, j'ai vu des directives anticipées avec des prétextes dans le genre « Je voudrais mourir si je ne reconnais plus mes enfants. » Il s'agit d'une déclaration faite par un patient parfaitement apte, sain d'esprit et tout ce que vous voudrez, mais Dieu nous en garde, si jamais il arrive à ce stade. Bien sûr, cela ne tient pas debout...
    Il vous reste 30 secondes.
    ... et, bien entendu, personne ne va le prendre au sérieux.
    J'ai visité une maison de soins infirmiers à Amsterdam et j'ai parlé avec le Dr Bert Keizer, qui a écrit un livre très célèbre, Dancing With Mr. D. Il est en faveur de l'euthanasie pour les patients, mais il trouve très difficile de l'appuyer pour les patients atteints de démence parce qu'il comprend ce que cela signifie. Les gens changent d'idée, et on ne peut pas tuer quelqu'un qui voit quelque chose qui a du sens pour lui, comme regarder la télé...
     Merci beaucoup.
    Ce sera au tour de Mme Fry, pour cinq minutes.
(1900)
    C'est une situation très intéressante et très délicate. Pour moi qui ai exercé la médecine pendant 22 ans, une directive anticipée est conçue pour que le patient, comme vous l'avez dit, prenne une décision lui-même en toute connaissance de cause, décrivant ses souhaits advenant qu'il arrive à un moment où il n'aura plus toute sa raison. Voilà en quoi consiste une directive anticipée.
    La Cour suprême a été très claire au sujet de l'article 7 de la Charte, puis je me demande, parce que je vous vois venir, vous et Me Deschamps... Me Deschamps est‑il d'accord avec la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Carter, en vertu de l'article 7? Croyez-vous, maître, qu'un médecin devrait remettre en question l'opinion d'un patient?
    Les patients craignent qu'à un moment donné ils seront à la merci des autres et qu'ils risquent de subir de mauvais traitements. Ne convenez-vous pas que cela peut fonctionner dans les deux sens? Par exemple, si le patient perd la raison et sa famille veut se débarrasser de lui. Si le patient, dans une directive anticipée, affirme que peu importe ce qu'il lui arrive, il veut continuer à vivre, sa famille pourrait en fait décider le contraire de concert avec le médecin.
    De la même façon, la famille pourrait prendre une décision à l'endroit d'un patient qui dirait: « À un moment donné, quand je ne serai plus capable de prendre une décision mentalement, je veux pouvoir mourir avec une certaine dignité, et voici mes souhaits, en pleine connaissance de cause. »
    Je ne comprends pas. À mon avis, c'est le patient qui compte. Il s'agit de l'intérêt supérieur des patients, de l'autonomie et de l'autodétermination des patients qui émettent ces directives anticipées, parce qu'ils craignent que d'autres personnes viennent modifier leurs souhaits lorsqu'ils deviendront inaptes. Il y a des gens qui trouvent que c'est correct que les médecins prennent ces décisions, des médecins qui ne savent pas ce que c'est que d'avoir la maladie d'Alzheimer, qui ne savent pas ce que c'est que de vivre dans la peau de ce patient, avec l'autonomie de ce patient. Ils décident pour lui. Pour moi, ce sont des médecins qui se prennent pour Dieu.
    La Cour suprême a été très claire au sujet de l'article 7 de la Charte. J'entends des gens me dire que la Cour suprême ne savait pas de quoi elle parlait, que les médecins savent mieux que le patient ce dont un patient a besoin, surtout s'ils ne sont pas d'accord avec la directive anticipée du patient. Je ne crois pas du tout que les directives anticipées sont faites pour cela.
    J'aimerais entendre Me Deschamps et M. Cohen à ce sujet. Comment se fait‑il que d'autres personnes s'estiment capables de prendre la décision pour un patient qui a manifestement pris cette décision à l'avance parce qu'il craignait de perdre la raison?
     Allez‑y, maître Deschamps.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Pour répondre à la docteure Fry, je réitère ce que j'ai dit dans mon propos, c'est-à-dire que les lois canadiennes, que ce soit au palier fédéral ou provincial, évoluent vers une reconnaissance et une acceptation des demandes anticipées d'aide médicale à mourir. Le problème ou le défi auquel le législateur fédéral fait face, c'est de s'assurer que la personne qui demande l'aide à mourir l'obtiendra au bon moment, alors qu'elle sera dans une situation de vulnérabilité. On va certainement y arriver, mais le législateur fédéral doit mettre en place des mesures de sauvegarde appropriées pour permettre à la personne d'exercer ce droit.
    Ce que la Cour suprême a dit dans l'arrêt Carter, c'est que les citoyens canadiens doivent être traités également, mais qu'à l'égard de gens qui présentent une certaine vulnérabilité, il ne s'agit pas de leur nier un droit, mais il s'agit pour le législateur fédéral de mettre en place des mesures de sauvegarde appropriées. C'était...

[Traduction]

    Je comprends, maître Deschamps, mais sans vouloir être impolie, j'aimerais entendre M. Cohen-Almagor.
     Monsieur Cohen-Almagor, vous avez 30 secondes.
    Je vais faire deux brèves observations. Premièrement, toute directive anticipée devrait être limitée par le temps. Lorsque j'ai participé à la rédaction de la loi israélienne, nous avons établi un cadre permettant aux gens de renouveler leur testament de vie ou de donner de nouvelles directives tous les cinq ans. C'est le premier commentaire.
    Deuxièmement, docteure Fry, vous avez beaucoup insisté sur l'autonomie du patient, tout comme moi. La question que nous devons nous poser est la suivante: qu'arrivera‑t‑il lorsque le patient perdra son autonomie? Ma réponse à moi, c'est qu'il ne peut y avoir d'euthanasie quand il n'y a pas d'autonomie. C'est une sorte de frontière toute simple que nous devons tracer.
(1905)
     C'est bon. Notre prochain...
     Je ne suis pas d'accord.
     ... intervenant est M. Thériault, pour cinq minutes.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Pour éviter d'interrompre une discussion avec un témoin, je vais d'abord déposer l'avis de motion suivant:
Que, considérant l'importance des travaux du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir en regard des dispositions du Code criminel et de l'application de celles-ci, le Comité alloue des heures de la façon suivante pour chacun des volets de la présente étude, pour entendre les témoignages:

a) 12 heures pour les témoignages en lien avec les mineurs matures;

b) 12 heures pour les témoignages en lien avec les demandes anticipées;

c) 12 heures pour les témoignages en lien avec la santé mentale;

d) 8 heures pour les témoignages en lien avec les soins palliatifs; et

e) 5 heures pour les témoignages en lien avec les personnes avec un handicap;

ce, étant entendu que les heures ayant déjà été accordées pour entendre les témoins lors des rencontres que le Comité a tenues les 25 et 28 avril sont prises en compte dans le calcul des heures allouées par volet.
    Je vais d'abord m'adresser à Me Deschamps.
    Je vous souhaite d'abord la bienvenue, maître Deschamps, et vous remercie d'être avec nous aujourd'hui.
    Vous conviendrez avec moi que le paternalisme médical a fait son temps. À l'époque, on pratiquait l'acharnement thérapeutique. Aujourd'hui, on essaie de faire en sorte qu'il y ait de meilleurs soins palliatifs. Plusieurs pratiques sont considérées, comme le refus de traitement, l'arrêt de traitement, et ainsi de suite.
    Le rôle de l'État n'est pas d'exercer un paternalisme ni d'imposer ce qui est bien pour le patient, mais c'est plutôt de donner au patient les conditions lui permettant d'exercer son libre choix, un choix par consentement libre et éclairé. J'imagine que vous êtes en accord sur ce principe.
    N'est-ce pas?
    Oui, je suis tout à fait d'accord sur ce principe.
    Ce que je souhaite vous dire, c'est que, en tant que législateurs fédéraux, si vous décidez de rendre légal le recours à des directives anticipées visant l'aide médicale à mourir, vous devez considérer la situation de la personne qui, le moment venu, nous demandera d'appliquer ces directives ou pas. Des mesures de sauvegarde devront être mises en place. Cela pourrait être, par exemple, une double ou une triple évaluation.
    Il faut aussi tenir compte du fait que, lorsque nous parlons de l'exécution de la demande...
    Je suis désolé de vous interrompre, maître Deschamps. Je dispose malheureusement d'un temps de parole limité. Je vais donc préciser ma question pour mieux orienter votre réponse.
    Justement, puisque vous soulevez ce point, passons aux mesures de sauvegarde. J'ai noté, lors de votre allocution d'ouverture, que vous insistiez sur des mesures de sauvegarde robustes.
    D'après vous, quelles pourraient être ces mesures?
    Deux mesures me viennent à l'esprit.
    Premièrement, à l'heure actuelle, pour l'aide médicale à mourir, on demande généralement une évaluation par deux médecins. Il faudrait peut-être demander qu'un troisième médecin, versé dans la maladie dont souffre la personne, puisse être appelé à donner un troisième avis. Je ne pense pas à un médecin de famille, bien que je ne doute pas de sa compétence. Dans ces cas-là, il faut parfois obtenir l'avis d'un médecin qui a des connaissances particulières, par exemple en ce qui concerne la maladie d'Alzheimer.
    Deuxièmement, il faudrait aussi prévoir une certaine période d'évaluation. Je vous donne un exemple. Considérons le cas d'une dame qui aurait signé des directives anticipées ou une demande anticipée d'aide médicale à mourir. À un moment donné, le fils amorce le processus, croyant que sa mère est rendue au stade où il faudrait donner suite à sa demande. À ce moment, il faudrait prendre le temps de faire une évaluation du cas et évaluer à nouveau la nécessité d'activer cette demande avant de passer à l'administration de l'aide médicale à mourir. Il faudrait aussi sauvegarder toutes les autres conditions existantes.
    Il s'agit là de deux mesures que le législateur fédéral devrait, à mon avis, garder à l'esprit s'il veut avoir des mesures de sauvegarde un peu plus robustes, compte tenu de la vulnérabilité de la personne à ce moment-là.
(1910)
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Ce sera donc au tour de M. MacGregor, pour cinq minutes.
     Merci, madame la coprésidente. Sénateur Cowan, je suis heureux de vous voir. Bienvenue, madame Long, de Mourir dans la dignité.
    Je veux vous donner l'occasion de réagir à ce que nous avons entendu jusqu'ici au cours de la présente session.
    Comme vous le savez très bien, les demandes anticipées comportent plusieurs dimensions. Il y a l'état du patient, la clarté de la communication, la force des relations, mais il y a aussi beaucoup de défis. La souffrance intolérable est une chose très subjective, et dans le cas d'une personne qui est incapable de communiquer, il peut être difficile pour autrui de déterminer son degré de souffrance intolérable ou s'il répond aux définitions données dans sa demande anticipée. Il y a aussi le consentement éclairé, le rôle des tiers décideurs, le conflit potentiel entre les circonstances prévues et réelles.
    À partir de vos deux optiques, je veux vous donner l'occasion de nous dire comment nous pourrions mettre en place un système qui tienne compte des préoccupations très réelles qui existent.
    Madame Long, voulez-vous commencer?
    Volontiers.
    Oui, il y a des préoccupations et il y a des choses que nous devrions faire. Pour ce qui est du consentement éclairé, la personne devrait évidemment connaître l'état de la maladie, la trajectoire de son diagnostic et la façon dont les choses vont se dérouler. Ce n'est qu'ainsi qu'elle pourra décrire clairement dans sa demande anticipée le moment où elle souhaitera obtenir l'aide médicale à mourir. Je pense que sa description doit aller au‑delà de « quand ma famille ne pourra pas me reconnaître ». Il s'agira peut-être de décrire un état ou un stade précis d'un diagnostic de démence, avec tous les détails.
    Je pense qu'il importe également de soigner le langage. Il s'agit d'une demande anticipée; ce n'est pas une directive anticipée. La demande est faite. Nous croyons que tous les critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir, tels qu'ils sont énoncés dans la loi actuelle, devraient toujours être respectés, autrement dit, les deux évaluations et les dispositions connexes. Ensuite, le clinicien ne doit jamais procéder à l'acte pour peu qu'il estime que la personne ne s'inscrit pas dans le seuil établi. Il s'agit d'une demande et non d'une directive, et je pense qu'il est essentiel de retenir cette distinction.
    Je suis heureux de vous revoir, monsieur MacGregor.
    J'ajouterais seulement que nous revenons au fait qu'il s'agit de la personne du patient. Il s'agit d'une évaluation clinique de son aptitude par un professionnel de la santé. Les professionnels de la santé font ce genre d'évaluation tous les jours dans leur pratique. Ils ont une bonne connaissance et une bonne formation en la matière et, en cas de doute, ils s'abstiennent de certifier la conformité aux rigoureux critères énoncés dans la Loi.
    La Loi, telle qu'elle se trouvait à l'origine dans le projet de loi C‑14, puis modifiée par le projet de loi C‑7, comporte des critères très rigoureux, des mesures de protection très strictes. Je pense que le projet de loi C‑7 a nettement amélioré la Loi, car certaines mesures de sauvegarde que nous avons envisagées ou que le Parlement a mises en place au début de ce processus se sont révélées être des fardeaux ou des obstacles plutôt que des mesures de protection, de sorte qu'elles ont été modifiées comme il se doit l'an dernier.
    Tout au long de l'évolution de l'aide médicale à mourir et de toute l'expérience que nous avons acquise au Canada, comme je l'ai dit dans mon exposé, il me semble qu'on n'a pas eu la moindre preuve d'une situation d'abus ou de coercition. En définitive, c'est la décision de la personne qui compte et non pas l'avis de ceux qui trouvent à y redire.
    Merci.
    Il me reste un peu plus d'une minute.
    Avez-vous des commentaires sur l'interaction entre les directives anticipées pour les soins qui sont actuellement de compétence provinciale et une éventuelle autorisation fédérale?
    Je ne crois pas qu'il y aura nécessairement une interaction.
    Je pense qu'une directive anticipée est une directive concernant le traitement qu'on aimerait recevoir dans le cadre des soins de santé. Une demande anticipée est une demande d'aide médicale à mourir à exécuter une fois que l'on atteint un état que l'on a décrit dans la demande, sous réserve de répondre aux critères d'admissibilité.
    Je ne sais pas s'il y a nécessairement un lien entre les deux.
(1915)
    Merci.
    Ce sera tout pour moi, madame la coprésidente.
    Merci, monsieur MacGregor, et merci aux témoins.
    Nous allons maintenant passer à la première série de questions, ou au deuxième tour. C'est pour les sénateurs. Je vais donc redonner la parole à mon coprésident.
    Merci, sénatrice Martin.

[Français]

    Nous allons commencer par la sénatrice Mégie.
    Madame Mégie, vous avez la parole pour trois minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à l'honorable James Cowan et à Mme Long, si elle souhaite aussi y répondre.
    Êtes-vous d'accord avec Me Deschamps relativement aux mesures de sauvegarde, ou considérez-vous que les mesures de sauvegarde actuelles sont suffisantes dans les cas de démence et de demandes anticipées d'aide médicale à mourir?
    Avez-vous d'autres suggestions à cet égard?

[Traduction]

     Dans le mémoire que nous allons déposer au cours des prochains jours, nous examinons en détail les mesures de sauvegarde que nous recommandons. Nous recommandons l'acceptation de demandes anticipées avec et sans diagnostic, avec des mesures de protection plus rigoureuses en l'absence de diagnostic. La principale différence, c'est que nous reconnaissons que sans diagnostic, la demande devrait être limitée dans le temps. Je pense qu'un de nos collègues du groupe l'a précisé tantôt. Nous sommes d'accord. Nous suggérons qu'une telle demande soit renouvelée tous les cinq ans pour qu'elle ait une quelconque validité le moment venu.
    Les mesures de sauvegarde actuellement prévues dans le projet de loi C-14, tel que modifié par le projet de loi C-7, sont très strictes et j'estime qu'elles sont tout à fait acceptables.

[Français]

     Je vous remercie.
    Est-ce votre seule question, madame Mégie? Il vous reste encore un peu plus d'une minute.
    C'est tout? D'accord.

[Traduction]

    Nous passons maintenant au sénateur Kutcher.
    Sénateur Kutcher, vous avez trois minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Avant de commencer mes trois minutes, je vous demanderais de bien vouloir demander plus de renseignements à l'un des témoins. M. Cohen-Almagor a déclaré que les demandes anticipées sont souvent faites sans consentement éclairé. Je voudrais que vous lui demandiez de fournir des données à l'appui de cette affirmation, s'il vous plaît.
    Sénateur Cowan, je suis heureux de vous revoir. Je vous remercie d'être parmi nous. Mes questions s'adressent à vous.
    Il y a la recherche Ipsos 2021 qui examine les directives anticipées et la maladie mentale comme seule condition médicale évoquée, et la vaste majorité des Canadiens appuient l'aide médicale à mourir dans ces deux cas. Je me demande si les preuves de cette étude pourraient être versées au compte rendu.
    Cependant, nous entendons aussi des arguments idéologiques, philosophiques et théologiques contre le fait de permettre à des personnes aptes de prendre des décisions au sujet de leur propre corps. À votre avis, y a‑t‑il une incompatibilité entre les commentaires d'une majorité importante de Canadiens et les arguments avancés par des tiers selon lesquels ce sont eux et non pas la personne apte qui souffre qui devraient prendre la décision au sujet de l'aide médicale à mourir?
    Ma deuxième question est la suivante. De nombreux médecins sont bien formés pour déterminer si un patient a oui ou non la capacité de donner un consentement éclairé. En effet, le Collège royal des médecins et chirurgiens considère l'évaluation de la capacité comme une compétence de base pour les psychiatres. Je demanderais au Comité de déposer ce document, que je peux vous fournir.
    Compte tenu de votre expérience juridique, diriez-vous que des médecins bien formés peuvent fournir des évaluations qui pourraient être exigées par les tribunaux pour déterminer si une personne est apte à donner son consentement à l'aide médicale à mourir?
    Absolument, sénateur Kutcher. D'après mon expérience de praticien, j'ai souvent fait appel à des médecins pour obtenir des avis sur la capacité. J'ai toujours trouvé qu'ils étaient prêts, disposés et capables de le faire. Comme vous le dites, ils sont formés. Il s'agit d'une compétence de base. Les médecins le font au quotidien.
    Je pense que certains cas, comme vous le savez d'après votre expérience, sont plus difficiles à évaluer que d'autres, mais c'est ce que font les médecins. Il s'agit d'une décision clinique prise par des professionnels formés, une décision qui ne devrait pas être laissée aux soins des avocats ou des politiciens. Je pense que c'est une décision clinique, et c'est ce qui est de mise.
    De toute évidence, il y a des gens qui ont un point de vue différent du mien sur le bien-fondé de l'aide médicale à mourir et sur la question de savoir si elle devrait ou non être autorisée. Encore une fois, c'est une question de choix individuel. Si une personne choisit de demander l'aide médicale à mourir et qu'elle répond aux critères très rigoureux énoncés dans la loi, la cour et le Parlement lui ont reconnu le droit d'avoir accès à ce service. Il n'appartient pas aux autres d'imposer leur point de vue, même s'ils y croient fermement.
    Comme vous l'avez dit, et comme les sondages qui ont été menés... Je pense que si ce n'est pas déjà fait, nous allons bientôt mettre à jour le sondage Ipsos pour y inclure des données récentes qui montrent invariablement que l'immense majorité des Canadiens de toutes les confessions et croyances ou non-croyances, qu'ils souffrent d'un handicap ou non, qu'ils soient atteints d'une maladie mentale ou non, sont pour ainsi dire massivement en faveur du régime d'aide médicale à mourir que nous avons et, en fait, souhaitent vivement que la loi soit modifiée et amplifiée pour permettre les demandes anticipées.
(1920)
     Merci, sénateur Kutcher.
    Avant de donner la parole au sénateur Dalphond, le sénateur Kutcher a fait une demande, et je veux m'assurer d'avoir bien compris. Elle s'adressait à M. Cohen-Almagor.
     Il me semble que vous avez demandé que M. Cohen-Almagor fournisse une justification ou des preuves à l'appui de l'affirmation qu'il a faite, je crois, selon laquelle l'aide médicale à mourir serait parfois entreprise sans respecter les mesures de sauvegarde appropriées.
    Corrigez-moi si je me trompe, mais c'est ce que j'ai compris.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Oui, c'est bien cela.
    J'ai relevé la phrase « les demandes anticipées sont souvent faites sans consentement éclairé ». Peut-être que lorsque nous aurons la transcription, je pourrais m'assurer de la clarté de ce que j'ai dit pour ne pas me tromper. Lorsqu'un témoin fait un commentaire comme celui‑là, je pense qu'il doit avoir des données probantes pour justifier son opinion.
    Merci beaucoup.
    Nous n'allons pas nous écarter de notre emploi du temps ce soir, mais monsieur Cohen-Almagor, si vous avez compris ce que nous venons de dire et si vous êtes prêt à fournir cette information par écrit au Comité, nous vous en serions très reconnaissants.
    Nous passons maintenant au sénateur Dalphond.

[Français]

    Monsieur Dalphond, vous avez maintenant la parole pour trois minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

     Ma question s'adresse à M. Cohen-Almagor.
    Je crois comprendre, monsieur, que vous vous opposez aux demandes anticipées de crainte que des gens s'en servent à mauvais escient. Or, si nous mettons en place un système ici au Canada avec toutes sortes de mesures de sauvegarde, dont des vérifications intermittentes avant l'administration de l'aide médicale à mourir, et la garantie de ne pas y procéder si le patient affiche le moindre signe de résistance, ces mesures suffiront-elles à dissiper vos préoccupations, du moins en partie?
    Je tiens à préciser que je ne suis pas contre les directives anticipées pour les patients aptes et autonomes; je suis contre pour les patients inaptes. Comme je l'ai dit, j'ai siégé au comité qui a rédigé la loi sur les patients mourants...
    Je suis désolé de vous interrompre.
    Si vous dites que vous ne vous opposez pas aux demandes anticipées lorsque la personne est apte, quelle est la différence entre demander l'aide médicale à mourir à un moment donné et la demander à l'avance? C'est la même chose.
    Dans mon témoignage, je parle de la démence en particulier, parce que je sais que c'est un problème au Canada.
    Imaginez ce qui suit. Une personne reçoit un diagnostic de démence. C'est le début d'un processus qui peut durer des années. Au début, le patient affirme vouloir mourir à un stade plus avancé de la démence. Mais voilà qu'il change d'avis.
    Nous pouvons ensuite discerner une deuxième étape, au cours de laquelle la démence s'aggrave. Cinq ans se sont écoulés, et le patient songe de nouveau aux directives anticipées. Si vous lui demandez s'il veut mourir à présent et qu'il répond non, pas maintenant, mais plus tard, il n'y aura pas d'euthanasie pour ce patient. À la prochaine étape, il sera trop tard, car le patient sera alors inapte. Ainsi, vous allez soit tuer le patient...
(1925)
    Ce n'est pas ma question.
    Si le patient est atteint de démence, il ne peut pas faire des demandes anticipées. Il est trop tard. Il ne peut pas y consentir. Par contre, pourquoi vous opposez-vous à ce que le moment venu on suive les instructions qu'il avait données lorsqu'il était encore apte à prendre des décisions?
    C'est peut-être parce qu'il ne veut plus mourir à ce moment‑là, et cela arrive souvent. Les ordres ne...
    Vous allez donc vous adresser à un juge dans cette situation?
    Il s'agit de faire respecter l'autonomie que le patient avait à l'étape précédente, avant de changer. Ce que je veux dire, c'est que nous changeons constamment, même quand nous sommes aptes, et nous ne connaissons ou ne comprenons pas suffisamment le cerveau pour prendre une décision au sujet du patient une fois qu'il est atteint de démence avancée.
     Je dis toujours qu'à n'importe quelle étape, la question des directives anticipées pour les patients atteints de démence est moralement problématique; par conséquent, c'est là que je situe la limite. Je n'ai rien contre les directives anticipées lorsqu'il s'agit de patients aptes et autonomes.
    Merci, monsieur. Nous passons maintenant à la sénatrice Wallin.
    Allez‑y, sénatrice Wallin.
     Merci beaucoup.
    Je vais adresser mes questions au sénateur Cowan et à Mme Long.
    Comme vous le savez, sénateur Cowan, le Sénat s'est penché sur cette question et a proposé un amendement, qui a été accepté par une majorité écrasante au Sénat, pour régler le problème très épineux que pose le fait de devoir présenter une demande anticipée si l'on sait qu'on finira par être inapte. C'est l'essentiel de la discussion sur la demande anticipée pour les personnes atteintes de démence.
    Comment pouvons-nous lutter contre cela? Au cours des derniers jours, nous avons vu aux nouvelles d'interminables discussions sur le droit de la personne de choisir ce qu'il adviendra de son corps. Comment pouvons-nous garantir ce choix si nous ne permettons pas les demandes anticipées? C'est le seul moyen de nous assurer que le patient continue d'avoir son mot à dire.
    Je suis tout à fait d'accord, sénatrice Wallin. Je pense que c'est la raison pour laquelle nous l'avons.
     Pour ajouter à ce qui a été dit tout à l'heure au sujet des gens qui changent d'idée, lorsque vous avez adopté le projet de loi C‑7 l'an dernier, une disposition précise y a été insérée. C'était une forme de demande anticipée, avec « l'amendement d'Audrey ». Elle prévoyait expressément que si la personne montrait la moindre indication consciente de résistance ou de refus, l'aide médicale à mourir ne serait pas administrée. À notre avis, il serait logique de mettre en place cette sauvegarde si nous décidons d'élargir la portée des demandes anticipées. Je suis d'accord.
    Madame Long, en ce qui concerne les directives et les demandes anticipées, nous permettons à quiconque se présente pour subir une intervention chirurgicale de signer une ordonnance de « ne pas réanimer », et de préciser les circonstances. Il me semble que nous essayons simplement d'amplifier ce droit que nous accordons aux patients. Ils ne savent pas quel sera leur état lorsqu'ils sortiront d'une intervention délicate, et c'est pourquoi ils signent cette ordonnance de non-réanimation.
    Est‑ce que cette demande anticipée ne permet pas de faire exactement la même chose? Nous pourrions la signer cinq ans à l'avance, trois ans à l'avance, un an à l'avance, peu importe. Si le patient a fait savoir tout au long de sa vie qu'il voulait faire ce choix, ne serait‑ce pas une approche raisonnable?
    Je pense que c'est une approche très semblable. La différence, c'est qu'au bout du compte, il y a un processus d'évaluation préalable à l'administration de l'aide médicale à mourir et des critères d'admissibilité qui sont évalués par un clinicien. Je conviens qu'on pourrait faire la demande des années à l'avance, quitte à la renouveler de temps en temps. La demande doit refléter les valeurs et les croyances du patient, ainsi que des éléments qui ne sont pas, à mon avis, aussi pertinents dans le cas d'une directive anticipée.
    Je crois qu'il y a certainement moyen d'instituer des sauvegardes. Les évaluateurs et les fournisseurs de soins nous ont parlé des efforts qui sont en cours pour créer un programme national pour ceux d'entre eux qui devront évaluer le bien-fondé de l'aide médicale à mourir, un programme qui permettra de mettre en place des mesures de sauvegarde appropriées et de s'y conformer.
(1930)
     Merci, madame Long. Merci, sénateur.
    Nous passons à la sénatrice Martin.
     Merci, monsieur le coprésident, et merci à tous nos témoins.
    Comme mon temps est limité, ma question s'adresse à M. Cohen-Almagor.
    Il y a une statistique assez surprenante tirée du rapport de Santé Canada de 2020 sur l'aide médicale à mourir qui indique que 35,9 % des personnes qui ont reçu l'aide médicale à mourir sont un « fardeau pour la famille, les amis ou les aidants » lorsqu'on les interroge sur la nature de leurs souffrances.
    Si les demandes anticipées étaient permises, vous attendez-vous à ce que le pourcentage de personnes qui ont recours à l'aide médicale à mourir et qui craignent d'être un fardeau augmente? Est‑ce quelque chose qui devrait nous préoccuper? Qu'en pensez-vous, monsieur?
    L'Oregon a été le premier État américain à légiférer sur l'aide médicale à mourir. Si vous examinez les rapports de l'Oregon, vous constaterez que la crainte de devenir un fardeau pour la famille est un élément moteur parmi les plus récurrents. Les gens ne veulent pas de ça, et ils préfèrent donc mourir. Je trouve très malheureux que ce soit la cause du décès. C'est pourquoi je lance un appel à la compassion et aux soins palliatifs, à tout ce qu'il faut pour aider les gens à ne pas croire ou sentir qu'ils sont un fardeau pour les leurs.
    Je ne sais pas ce que le projet de loi va apporter, mais je pense que nous tous dans cette salle virtuelle voulons avoir un patient autonome capable de dicter la trajectoire de sa vie. Lorsque la décision se fonde sur la crainte de devenir un fardeau pour la famille, alors, bien sûr, il n'est plus question d'autonomie. Nous aimerions conserver l'autonomie du patient. C'est ce qui me préoccupe. C'est pourquoi je suis là. Je veux avoir mon mot à dire sur l'autonomie. Je veux que tous les autres facteurs soient au moins abordés de façon appropriée et responsable.
    Je crois que nous sommes arrivés à la fin de cette heure, monsieur Garneau.
    Si vous me le permettez, je vais profiter de l'occasion pour remercier tous nos témoins de leurs témoignages. Pendant la période des questions, le sénateur Kutcher, en particulier, a posé des questions nécessitant suivi. Nous ne manquerons pas d'y voir.
     Nous allons maintenant prendre un moment pour nous préparer à accueillir le deuxième groupe de témoins. Merci beaucoup.
    Monsieur Cohen-Almagor, je sais qu'il est très tard pour vous. Merci beaucoup.
     Merci beaucoup.
    Nous allons suspendre la séance.
1930

1935
    Bienvenue au deuxième groupe de témoins de ce soir.
    Nous avons le plaisir d'accueillir la Dre Melissa Andrew, professeure de médecine en gériatrie à l'Université Dalhousie et à la Régie de la santé de la Nouvelle‑Écosse, ainsi que M. Michael Bach, directeur général, Institut de recherche et de développement sur l'inclusion et la société.

[Français]

    Nous recevons également le docteur Georges L'Espérance, neurochirurgien et président de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité, ou AQDMD.
    Bienvenue à tous.

[Traduction]

    Nous allons commencer par les déclarations préliminaires de chacun d'entre vous, dans l'ordre dans lequel je vous ai nommés. Vous avez cinq minutes. Ce sera suivi d'une période de questions.
    Veuillez attendre que je vous fasse signe pour parler. Parlez lentement et clairement. Essayez de respecter les limites de temps. Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix, l'anglais ou le français; nous disposons d'un service d'interprétation.
     S'il y a un problème, dites‑le‑moi. Nous suspendrons la séance le temps de régler la situation.
    Sur ce, j'invite la Dre Melissa Andrew à faire une déclaration préliminaire de cinq minutes.
     J'exerce en médecine interne et en gériatrie et je travaille surtout auprès des personnes âgées ou des personnes aux prises avec des syndromes gériatriques comme la fragilité et la démence. Je m'occupe souvent de patients qui prennent des décisions importantes et potentiellement vitales et j'évalue régulièrement l'aptitude des patients à prendre des décisions dans ces contextes.
    En pensant à notre discussion d'aujourd'hui, il est utile de réfléchir aux raisons pour lesquelles les gens pourraient demander l'AMM et pour lesquelles ils voudraient faire une demande anticipée. Les gens demandent l'AMM parce qu'ils présentent des symptômes qui, selon eux, causent ou sont censés causer des souffrances intolérables au fur et à mesure de leur progression. Dans la plupart des cas, cela n'entraîne pas nécessairement une perte de l'aptitude décisionnelle, sauf dans des situations définies, comme la progression des tumeurs cérébrales et le délire en fin de vie.
    Dans le cas de la démence, la perte de l'aptitude décisionnelle est souvent inhérente aux symptômes mêmes qu'une personne pourrait considérer comme des souffrances intolérables. Nous pourrions donc estimer que l'absence de dispositions relatives aux demandes anticipées a un impact quelque peu discriminatoire sur cette population vulnérable en raison des symptômes mêmes de son état. Il ne faut pas oublier non plus que les personnes atteintes de démence peuvent actuellement être admissibles à l'AMM, mais c'est à un moment beaucoup plus précoce que celui qu'elles choisiraient si elles avaient l'assurance qu'une demande anticipée pourrait être valide.
    Quelles analogies peut‑on faire avec la façon dont nous abordons actuellement la prise de décisions en matière de soins de santé?
    Bien sûr, à l'heure actuelle, nous permettons, et même encourageons les gens à donner des directives anticipées pour faire face à des situations de vie ou de mort, y compris dans des circonstances complexes. Nous demandons à ces personnes, ou à leur mandataire, si elles veulent être réanimées. Nous permettons aux gens de refuser ou d'arrêter des traitements à n'importe quel moment de l'évolution de leur maladie, du diagnostic préalable au stade avancé. Ce sont des décisions qui peuvent accélérer la mort, mais dans tous les cas, les cliniciens entament des discussions avec les patients ou leurs mandataires pour s'assurer qu'ils font un choix éclairé et que leur aptitude décisionnelle répond aux critères généralement acceptés. Si ces critères sont remplis, les volontés de la personne à l'égard de ces décisions sont respectées.
    En ce qui concerne la question de savoir s'il y a une différence éthique et juridique entre le refus des soins et leur arrêt, qui a été mentionnée plus tôt, cette question est, bien sûr, débattue par de nombreux éthiciens et d'autres. L'arrêt Carter c. Canada a conclu que l'AMM n'était pas différente des autres décisions de fin de vie. Il nous incombe donc de le garder à l'esprit en ce qui concerne la question des demandes anticipées d'AMM.
    Quels sont les préoccupations et les contre-arguments se rapportant aux demandes anticipées?
    Un contre-argument est qu'il serait trop difficile d'opérationnaliser la définition exacte de ce que la personne a jugé être des « souffrances intolérables ». Il y a peut-être des zones d'ombre. En effet, notre travail clinique porte souvent sur les zones d'ombre. À titre d'exemple, j'ai soigné des patients dont le degré de souffrance était extrêmement clair pour tout le monde; ces personnes vivaient dans un tourment total qu'il n'était pas possible de soulager, malgré des tentatives de prise en charge intensive. Il était déchirant d'entendre certaines familles dire que les souhaits de la personne étaient très clairs: elle ne voulait pas vivre dans un tel état et avait voulu demander l'AMM à l'avance, mais elle n'avait pas pu le faire.
    Les contre-arguments font également apparaître des zones d'ombre dans l'interprétation des demandes. Est‑ce l'état que la personne envisageait? Comment formuler la demande anticipée de façon à assurer une clarté optimale? Par exemple, comment opérationnaliser une déclaration comme « Je veux l'AMM lorsque je ne me souviendrai plus de ma famille »? Que faire si les facultés cognitives du patient fluctuent? Voulait‑il dire tous les membres de la famille, ou seulement les plus proches? Est‑ce s'il oublie leurs noms ou s'il ne les reconnaît plus du tout? Il y a des mesures de protection pour répondre à certaines des préoccupations qui ont été émises, comme des modèles et un libellé détaillé, y compris des consultations avec les intervenants appropriés et peut-être des comités d'arbitrage.
    Les cliniciens peuvent également s'inquiéter de l'exécution de l'AMM si la condition préexistante semble être remplie, mais que la personne semble satisfaite de sa vie actuelle. Encore une fois, même dans ces cas, des mesures de protection pourraient être mises en œuvre, comme on l'a dit plus tôt. Les personnes atteintes de démence que j'ai entendues redoutent plus souvent la détresse et l'agitation que la simple perte de mémoire, lorsqu'on en vient à ce qui définit vraiment leur souffrance.
    Une autre préoccupation est, bien sûr, l'argument du « moi actuel par rapport au moi futur », que nous avons entendu plus tôt également. De nombreuses personnes citent des données probantes selon lesquelles les gens s'adaptent bien à des pathologies comme des lésions de la moelle épinière une fois que cela fait partie de leur vie. Cependant, d'un autre côté, nous risquons de ne pas valoriser les valeurs et les croyances, souvent bien ancrées, qu'une personne a maintenant si nous lui disons que ses souhaits futurs pourraient changer. La stigmatisation devient alors une considération très pertinente. Cela peut contribuer à accentuer le sentiment de marginalisation des personnes vivant avec une pathologie déjà stigmatisante.
     Certains craignent que les gens fassent des demandes anticipées d'AMM en tenant trop compte des coûts financiers et du fardeau qu'ils représenteraient pour les autres. Cela mène évidemment à des discussions sur les soutiens sociaux et les soins que nous offrons aux personnes qui vivent avec des pathologies progressives qui peuvent altérer leur capacité future de prendre des décisions, et sur la mesure dans laquelle nous valorisons leur qualité de vie. Les récentes discussions sur la façon dont nous offrons des soins de longue durée, qui ont été poussés au‑delà du point de rupture par la COVID‑19, ont mis cet enjeu en lumière. Il est clair que ce problème exige une solution systémique, ainsi qu'une élimination minutieuse des facteurs coercitifs lorsque des demandes anticipées sont envisagées.
    Dans un contexte plus large, il est également difficile de dissocier cette question des systèmes globaux de soins de la démence que nous avons au Canada, qui sont sous-optimaux. Nous offrons des soins coûteux, mais pas nécessairement de bons soins, et nous avons sous-financé la recherche sur la démence. Nous traitons les personnes atteintes de démence d'une façon qui ne favorise pas leur bien-être général, par exemple au moyen de longs séjours dans les salles d'urgence et les hôpitaux en cas de manifestations comportementales de la démence, ce qui est précisément le mauvais environnement pour aider ces personnes.
     Docteure, puis‑je vous demander de conclure, s'il vous plaît?
    Oui.
    C'est l'occasion de plaider pour l'adoption d'une stratégie nationale sur la démence. Tout comme nous parlons de la nécessité de renforcer les soins de santé mentale dans le contexte de l'AMM pour les troubles mentaux et nous nous inquiétons du fait que des personnes demandent l'AMM pour des problèmes physiques alors que la prise en charge palliative des symptômes est sous-optimale, le moment nous semble bien choisi pour demander le renforcement de ces services, et nous devons également faire en sorte que la question des demandes anticipées d'AMM soit intimement liée à la qualité des soins donnés aux personnes atteintes de démence au Canada.
    Merci.
    Merci, docteure Andrew.
    Monsieur Bach, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je remercie les coprésidents et les honorables membres du Comité de me donner l'occasion de participer à ces audiences.
    J'exhorte le Comité à ne pas recommander l'adoption des demandes anticipées d'AMM pour trois principales raisons.
    Premièrement, les demandes anticipées comme outil de planification ne peuvent pas constituer un consentement valide. Que se passerait‑il si les demandes anticipées d'AMM étaient intégrées dans le Code criminel comme des exceptions légales à l'interdiction de l'aide au suicide, compte tenu de ce que la Société Alzheimer du Canada a appelé la « vague montante » de démence au pays? Au cours des décennies à venir, de plus en plus de gens, inconscients de ce qui leur arrive, recevraient l'AMM. La plupart d'entre eux seraient des femmes ayant des déficiences cognitives.
    La planification préalable des soins, dans le cadre de laquelle les demandes anticipées d'AMM seraient ajoutées comme outil supplémentaire, a été jugée inefficace dans une série d'études et d'examens systématiques. Les gens sont tout simplement incapables de prévoir raisonnablement leurs préférences, leurs capacités ou les circonstances futures, qui sont directement liées aux décisions futures concernant leurs soins de santé. Si cette prévisibilité est impossible, il appartient entièrement aux mandataires de déterminer si une personne souffre suffisamment pour causer intentionnellement sa mort.
    N'oubliez pas que les plans de soins anticipés ne représentent pas un consentement à quoi que ce soit. Ils expriment des hypothèses et des souhaits au sujet d'états futurs pour guider les éventuels mandataires. Dans ce scénario, c'est le consentement du mandataire qui détermine si et quand une personne va mourir.
     Une telle pratique ne répondrait d'aucune façon aux exigences que la Cour suprême du Canada a énoncées dans l'arrêt Carter selon lesquelles l'aide au suicide n'est justifiée que dans le cas « d'un adulte capable qui […] consent clairement à mettre fin à sa vie. » Un consentement valide a été jugé essentiel dans l'arrêt Carter.
    Deuxièmement, il est fort probable que la stigmatisation pousse les Canadiens à formuler une demande anticipée plutôt qu'une revendication d'autonomie défendable. Bien qu'on ait beaucoup parlé des sondages Ipsos menés pour Mourir dans la dignité Canada et du sondage de 2021 selon lequel 83 % des Canadiens sont en faveur de l'accès à l'AMM par l'entremise d'une demande anticipée, il est important de tenir compte également du sondage Léger, de 2017, mené pour la Société Alzheimer du Canada. La majorité des Canadiens croient que les personnes atteintes de démence sont susceptibles d'être victimes de discrimination et qu'elles sont ignorées, rejetées, exploitées, craintes ou traitées avec méfiance, etc. La majorité des Canadiens atteints de démence confirment cette expérience.
    Compte tenu de la stigmatisation et de la peur entourant la démence qui pèsent sur la conscience des Canadiens et influencent leurs actes et leur inaction, faut‑il s'étonner qu'une majorité d'entre eux puisse préconiser les demandes anticipées pour causer la mort des étrangers cognitifs qu'ils entrevoient dans leur vie et dans leur avenir? Est‑ce un fondement raisonnable pour une réforme du droit? Leur revendication du droit à l'autonomie est-elle défendable? Devrions-nous nous soumettre au sondage Ipsos lorsque le sondage Léger nous raconte une histoire aussi troublante au sujet de notre conscience collective et des réalités actuelles de la vieillesse au Canada? Il ne fait aucun doute que notre réforme du droit et nos efforts en matière de politique publique devraient être orientés vers des stratégies accélérées pour l'inclusion sociale des personnes atteintes de démence et l'élimination de la stigmatisation, comme le demande la Stratégie nationale sur la démence de 2019.
    Troisièmement, cela ouvrirait l'AMM aux personnes qui ne sont pas en mesure de donner leur consentement, mais qui n'ont pas fait de demande anticipée. Quel argument pourrait présenter un mandataire qui s'adresse aux tribunaux pour demander l'AMM au profit d'un membre de sa famille ayant une déficience intellectuelle importante, une blessure traumatique, une démence ou la maladie d'Alzheimer parce qu'il éprouve des souffrances intolérables, mais n'est pas en mesure de consentir et n'a pas fait de demande anticipée? Si l'on ouvre la porte aux demandes anticipées, cela entraînera inévitablement des litiges au motif que, lorsqu'il s'agit de fournir l'AMM à des personnes qui ne sont pas compétentes, mais qui souffrent, il est discriminatoire de l'accorder seulement à ceux qui ont fait une demande anticipée, laquelle ne constitue pas un consentement éclairé.
    Dans l'arrêt Carter, la Cour suprême a conclu que ce qu'elle considérait comme étant, dans d'autres pays, une « pente glissante » — c'est l'expression qu'elle a employée —, ne se produira pas au Canada. Elle a dit explicitement que l'euthanasie pour les mineurs atteints de troubles psychiatriques ne se produira pas ici parce que notre « culture médico-légale » est différente de celle de la Belgique, par exemple. De toute évidence, elle avait tort. Il suffit d'autoriser les demandes anticipées pour que la situation dégénère.
    Il ne faut pas oublier que les juges qui ont rendu la décision Carter ont stipulé que leur raisonnement s'appliquait à l'affaire dont ils étaient saisis. Ils n'ont même pas mentionné les demandes anticipées. Je soupçonne que c'est parce que toute mesure de ce genre représente une violation profonde du principe du consentement éclairé, qu'ils ont clairement établi comme une sauvegarde fondamentale.
    Merci.
     Merci, monsieur Bach.
    Nous passons maintenant à notre troisième témoin.

[Français]

    Docteur L'Espérance, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Mesdames les sénatrices et députées, messieurs les sénateurs et députés du Canada, l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité vous remercie pour la tenue de ce comité.
    Je suis neurochirurgien retraité de la pratique chirurgicale et maintenant prestataire actif de l'aide médicale à mourir. Nos suggestions sont marquées au sceau des principes qui doivent guider toutes les réflexions: autodétermination de la personne, respect des volontés et des valeurs exprimées, dignité dans le vivre et dans le mourir, sans paternalisme médical ni dogmatisme religieux ou idéologique.
    Notre mémoire vous a été transmis, et il est complété par de nombreux liens Internet.
    Je vous soumets ici nos considérations sur les demandes anticipées d'aide médicale à mourir et je glisserai un mot sur deux autres sujets tout aussi importants.
    Toute personne apte ayant reçu un diagnostic de maladie neurodégénérative cognitive devrait pouvoir, alors qu'elle a toutes ses capacités, indiquer par demande anticipée qu'elle désire obtenir l'aide médicale à mourir au moment où elle le jugera pertinent pour elle et selon ses valeurs, quel que soit son état cognitif à ce moment. Cette position est appuyée par près de 80 % des Québécois, selon un sondage scientifique mené par le Collège des médecins du Québec à l'automne 2021.
    En février 2016, lors de l'étude du projet de loi C‑14 en vos murs, c'est d'ailleurs précisément ce qu'indiquait déjà, en toutes lettres, la recommandation 7 du rapport du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, composé de sénateurs et de députés.
    Au Québec, une commission spéciale transpartisane de l'Assemblée nationale a déposé, le 8 décembre 2021, un rapport très éclairant sur ce sujet et dont vous avez certainement eu connaissance.
    Je tiens à préciser ici, en tant que neurochirurgien et à l'instar de nombreux experts cliniciens, que ce que certains nomment une démence heureuse n'est qu'un oxymoron qui désigne un être humain qui n'est plus ce qu'il a été tout au long de sa vie. Prétendre que cette personne a peut-être changé d'idée sur son désir d'aide médicale à mourir sous prétexte qu'elle a l'air bien et qu'elle est souriante, alors que, par définition, elle n'est plus du tout la même personne, peut paraître comme une insulte à l'intelligence de cette personne et, surtout, comme une injure à celle-ci, comme la négation de sa personnalité initiale et de toute sa vie.
    Je précise aussi que l'aide médicale à mourir n'est aucunement en concurrence avec les soins palliatifs, mais qu'elle est un outil compassionnel supplémentaire aux soins de fin de vie. L'aide médicale à mourir n'enlève absolument rien aux soins palliatifs, financièrement ou autrement, et ne demande que la présence d'un médecin et d'une infirmière pendant quelques heures au total, sans aucun coût de système.
    L'absence de souffrance physique n'exclut en rien la souffrance existentielle à venir que la personne aurait exprimée alors qu'elle était encore apte à le faire. Il importe de souligner que l'admissibilité à une aide médicale à mourir apporte sérénité et paix de l'esprit, et permet aux personnes atteintes de vivre pleinement le moment présent, sans l'angoisse d'un long chemin de souffrance et de pertes multiples de dignité découlant d'une maladie qui les mène inéluctablement vers une mort lente.
    Vous qui avez peut-être eu la douleur de voir un être cher disparaître dans l'abîme de la démence, vous ne voulez certainement pas aller, vous aussi, vers une longue existence sans vie, ce qu'est la réalité de la démence.
    Notre recommandation est que soit autorisée l'aide médicale à mourir par demande anticipée après la confirmation d'un diagnostic de maladie cognitive dégénérative et au moment que la personne aura elle-même décidé au préalable en désignant une mandataire.
    Les troubles de santé mentale représentent une maladie réelle qui amène des souffrances indiscutables. Poursuivre l'exclusion de la santé mentale ne peut que conduire à des contestations juridiques, processus lourd et inacceptable pour les patients touchés. Notre recommandation est que l'aide médicale à mourir soit accessible d'ici mars 2023 aux personnes atteintes de problèmes de santé mentale et en fonction de critères cliniques d'admissibilité stricts à établir avec les experts du domaine de la santé mentale.
    Nous recommandons aussi de garder un interdit complet et définitif sur l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour les personnes en situation de déficience intellectuelle importante, à moins d'une certitude absolue sur l'aptitude décisionnelle de la personne.
    Enfin, l'Association est d'avis que l'aide médicale à mourir doit être étendue dès maintenant aux mineurs matures de 14 à 18 ans. Nous recommandons que l'aide médicale à mourir soit accessible aux mineurs matures souffrant d'une pathologie physique incurable, à l'exclusion des pathologies de santé mentale.
    Je vous remercie.
    Je répondrai à vos questions du mieux que je le peux en fonction de mes connaissances.
    Je vous remercie, docteur L'Espérance, de votre témoignage.
    Je vais maintenant céder la parole à ma coprésidente, la sénatrice Martin.

[Traduction]

    Merci, monsieur Garneau.
    Nous allons commencer par les questions des députés, et chaque intervenant disposera de cinq minutes.
    Commençons par Mme Vien, pour cinq minutes.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins d'être avec nous ce soir. Le sujet qui nous occupe est très important, très touchant et complexe.
    Je suis une ancienne ministre du gouvernement du Québec. En 2014, j'étais aux affaires, et j'ai voté en faveur de l'aide médicale à mourir. D'ailleurs, aujourd'hui, des députés du Québec ont fait une sortie publique pour presser le gouvernement en place de procéder aux changements proposés par la commission sur l'aide médicale à mourir au Québec, qui émanent d'une grande réflexion.
    Les études que nous faisons en ce moment, dans ce cadre-ci, sont très intéressantes. Il faut prendre le temps de nous poser les bonnes questions. Il faut éviter d'avancer à l'aveuglette et savoir ce que nous faisons. De toute évidence, ce soir, les positions sont assez tranchées.
    Monsieur L'Espérance, tout à l'heure, l'honorable James Cowan et Mme Long, de l'organisme Mourir dans la dignité Canada, disaient qu'il fallait aller de l'avant, avec ou sans diagnostic. Ce que vous nous dites ce soir, c'est qu'il faut établir un diagnostic.
    Il faut effectivement qu'un diagnostic soit établi. Sinon, toute personne de 20 ans ou plus pourrait demander l'aide médicale à mourir, quoi qu’il lui arrive dans la vie, comme un traumatisme crânien ou un accident vasculaire cérébral. Ces éléments sont déjà couverts, en bonne partie, par les directives anticipées, si la personne les a fait connaître. L'aide médicale à mourir ne peut pas être demandée par le truchement de directives anticipées.
    Ce que nous demandons, c'est que des directives anticipées visant l'aide médicale à mourir, de façon spécifique, puissent être données par un patient qui a reçu un diagnostic de maladie neurodégénérative cognitive.
    Tous mes collègues sont d'accord pour dire qu'il faut un diagnostic donné et précis, que ce soit la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson ou la maladie à corps de Lewy, par exemple.
    Vous savez que, dans le cadre de cette étude, nous allons aussi nous intéresser aux mineurs matures. La maladie mentale va aussi, évidemment, faire partie de nos réflexions. Nous ne pourrons donc pas aborder ces questions ce soir, car nous allons manquer de temps. De toute façon, ce qui est à l'étude aujourd'hui, ce sont les demandes anticipées d'aide médicale à mourir.
    Quelles sont les plus importantes mesures de précaution auxquelles nous devrions penser?
    Pour les directives anticipées, vous allez me trouver un peu chauvin, mais les propositions du Québec m'apparaissent très raisonnables. Il s'agit de désigner un proche de confiance, ou un substitut, qui sera chargé d'avertir l'équipe soignante de la condition du patient lorsque celui-ci aura atteint le stade où il a indiqué vouloir recevoir l'aide médicale à mourir. Par la suite, l'évaluation sera faite par l'équipe traitante.
    Il ne faut jamais oublier que ces patients ne sont pas suivis seulement par un médecin. Ils sont toujours suivis par une équipe composée d'une infirmière, d'un travailleur social, et ainsi de suite. Je ne verrais aucun inconvénient à ce qu'il y ait un laps de temps de trois, quatre ou cinq mois pour évaluer les demandes. Nous ne serions pas du tout dans l'urgence lorsque le proche dirait que son père ou sa mère est arrivé au stade où il a indiqué vouloir recevoir l'aide médicale à mourir. La mesure de sauvegarde serait de prévoir un laps de temps pour procéder à une évaluation.
    L'autre problème est celui de l'aptitude décisionnelle. Chez un patient atteint d'une maladie neurodégénérative cognitive, cette aptitude ne se perd pas d'un seul coup. Il peut y avoir effectivement une réaffirmation de son désir d'aide médicale à mourir. Il serait relativement facile de faire une évaluation de son aptitude décisionnelle chaque année ou tous les deux ans, par exemple. À partir du moment où le patient serait jugé inapte, on procéderait à une évaluation formelle par deux médecins.
    Tout à l'heure, un témoin nous a aussi dit qu'il faudrait que cette demande soit réitérée à une fréquence donnée.
    Le problème, c'est qu'il faut déterminer cette fréquence. Si l'on dit qu'il faut réitérer la demande aux trois ans et qu’après trois ans, la personne est déjà inapte, on est un peu coincé.
    Oui, je comprends.
    C'est pour cela que l'une des mesures de sauvegarde pourrait être de faire une évaluation de l'aptitude décisionnelle du patient au moment où on lui demande de revoir sa position.
    Je continue rapidement, puisque le temps file.
    Si j'ai bien compris, vous êtes un prestataire de l'aide médicale à mourir.
    N'est-ce pas?
    Oui, tout à fait.
    Il vous reste 30 secondes, madame Vien.
    Merci.
    On voit qu'il y a des gens qui sont inquiets. Au cours de votre carrière, docteur L'Espérance, avez-vous vu ou constaté des dérapages?
    Non, absolument pas. Du moins, aucun des chiffres que je connais ne démontre qu'il y en ait eu au Québec. Lorsqu'il y a des questions un peu plus délicates, nous avons au Québec un forum privé de médecins, c'est-à-dire un forum fermé et confidentiel. C'est la même chose dans le reste du Canada, où il y a l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM. Quand il y a des cas difficiles, ils sont discutés entre médecins.
    Merci.
    Nous n'avons vraiment plus beaucoup de temps. Est-ce qu'il serait possible de nous faire parvenir les sondages dont vous parliez tout à l'heure?
    J'aimerais aussi préciser que je n'ai pas accès à votre mémoire. Je pense que c'est parce qu'il n'a pas été traduit. Nous en prendrons donc connaissance plus tard, docteur L'Espérance.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci, madame Vien.

[Traduction]

     C'est maintenant au tour de M. Arseneault, pour cinq minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins.
    Docteur L'Espérance, je vais vous poser une série de questions dans la même veine que celles de ma collègue Mme Vien.
    Je trouve cela intéressant. C'est comme si vous preniez position de manière mitoyenne sur la question des demandes anticipées. Il y a des gens qui sont carrément en faveur et d'autres qui sont carrément contre. Pour votre part, vous êtes en faveur, mais une fois que le diagnostic a été reçu.
    Oui, absolument.
    Vous avez donné des exemples de maladies neurodégénératives et vous avez parlé d'AVC, c'est-à-dire d'accidents vasculaires cérébraux. Il peut y avoir des cas où, même chez de jeunes personnes, la première fois qu'une telle chose arrive, c'est définitif. Autrement dit, il ne serait carrément plus possible pour cette personne de dire qu'elle veut faire une demande anticipée, maintenant que sa situation pourrait empirer.
    Comment verriez-vous une telle situation?
    Je me suis peut-être mal exprimé et je m'en excuse.
    Les maladies neurodégénératives cognitives, comme l'alzheimer, c'est un secteur de pathologies. Cela exclut les personnes qu'on dit cérébrolésées, que ce soit à la suite de traumatismes crâniens, d'accidents vasculaires cérébraux ou d'hémorragies cérébrales, par exemple. Tout cela, c'est un autre chapitre. Dans le cas de ces patients, soit ils ont fait leurs directives médicales anticipées, ce qui est quand même relativement rare, soit ils ne les ont pas faites. S'ils ne les ont pas faites, le fardeau de la décision revient à l'équipe traitante et à la famille, comme cela se fait maintenant, c'est-à-dire au regard de l'acharnement thérapeutique, essentiellement.
    Les maladies neurodégénératives cognitives, c'est un tout autre chapitre.
    C'est parfait. Vous vous étiez bien exprimé. Je vous remercie de me rappeler ce que vous aviez dit exactement. Maintenant, cela me revient à l'esprit. C'est exactement ce que vous aviez dit.
    Maintenant, parlons de cas où une personne recevrait un diagnostic de maladie neurodégénérative, par exemple le parkinson. Vous avez nommé quelques-unes de ces maladies. L'alzheimer est la plus courante, c'est celle dont on entend le plus parler. Je viens d'une région très rurale, où il est difficile d'avoir accès à des spécialistes. Il faut souvent courir loin pour trouver un spécialiste et cela peut être difficile. Théoriquement, est-ce qu'il pourrait arriver que quelqu'un, au moment de recevoir le diagnostic, se trouve déjà à un stade avancé de la maladie et qu'il soit incapable, au sens des spécialistes, de prendre objectivement et par lui-même la décision de faire une demande anticipée? Est-ce que c'est possible, selon vous?
    Je n'ai pas de chiffres à vous soumettre, mais, selon mon expérience directe depuis 35 ou 40 ans, cela me paraîtrait très difficile. Lorsque les gens commencent à avoir des problèmes de mémoire, de jugement ou autres, en général, ils vont consulter. La plupart du temps, c'est leur médecin généraliste qui va faire le diagnostic de maladies neurodégénératives au sens large. Pour un diagnostic plus précis, cela va prendre assez souvent un spécialiste, comme un neurologue, un gériatre ou un psychogériatre.
    Je vous remercie, docteur L'Espérance. Je n'ai pas beaucoup de temps, moi non plus, et j'aimerais également poser une question au Dr Bach.
    Docteur Bach, vous semblez dire que les personnes handicapées ne souffrent pas en raison de leur condition grave et irrémédiable, mais en raison du manque de soutien et de services liés aux handicaps.
    Je faisais partie du premier Comité mixte sur l'aide médicale à mourir qui a été constitué, et je me souviens tellement bien lorsque M. Fletcher, qui est tétraplégique et qui est un ancien ministre du Cabinet Harper, était venu nous dire qu'il n'avait pas d'idées suicidaires, qu'il était bien soigné et bien traité, mais que, si un jour il prenait la décision de demander l'aide médicale à mourir, il ne voulait pas se faire faire la morale par quelqu'un d'autre.
    Nous avons bien entendu vos commentaires. Qu'est-ce que vous diriez à M. Fletcher?

[Traduction]

     Je reconnais certainement que des gens vivent dans des conditions graves et irrémédiables qui leur causent d'immenses souffrances. C'est en partie attribuable au manque de soutien, mais je sais que dans bien des cas, ce n'est pas le cas.
    Ce que je veux dire ce soir, c'est qu'il est très problématique d'autoriser les demandes anticipées, parce qu'une demande anticipée n'est pas un consentement, ne l'oubliez pas. La personne qui va autoriser la mort de quelqu'un d'autre sera un mandataire. Tel est le problème.
    Lorsque vous faites une demande anticipée, comme le dit le rapport de la commission spéciale du Québec déposé à l'Assemblée nationale en décembre, les demandes anticipées doivent être faites de façon libre et éclairée, mais il ne s'agit pas de consentir à quelque chose qui va se produire dans cinq ans. Je pense que nous devons simplement être bien conscients du fait que des mandataires vont causer la mort d'une autre personne, inconsciente de ce qui se passera. Elle ne consentira pas à sa mort.
     On ne peut pas consentir à sa mort des années à l'avance, parce qu'on n'en connaît pas les circonstances. Un consentement éclairé consiste à comprendre les circonstances actuelles. Nous franchissons le Rubicon...
    Merci, monsieur Bach.
    Nous passons maintenant à Luc Thériault, pour cinq minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je vais m'adresser au Dr L'Espérance.
    Le Dr Cohen‑Almagor, qui était dans le précédent groupe de témoins, disait — je m'adresse au neurologue — qu'on ne connaît pas, qu'on ne comprend pas assez le cerveau pour penser qu'on peut intervenir au moyen de demandes anticipées.
    Qu'en pensez-vous? Quel est l'état du cerveau quand on arrive à la phase finale?
    Tout d'abord, vous me donnez une qualité que je n'ai pas. Je suis un neurochirurgien, et non un neurologue.
    Par ailleurs, on voit que le cerveau fonctionne bien parce que le patient a toute son aptitude. On a des mécanismes pour vérifier l'aptitude du patient. C'est d'ailleurs ce que l'on fait tous les jours, soit en opérant des patients, soit en répondant à leur demande d'aide médicale à mourir. La première chose à faire, c'est d'évaluer leur aptitude.
    Maintenant, si le patient, devenu dément, n'a plus son aptitude, je pense bien que tout le monde accepte la situation. Quel est l'état de son cerveau? Eh bien, son cerveau fonctionne moins bien. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus que cela.
    Comment peut-on dire d'un côté que le patient fonctionne moins bien, qu'il n'a plus son aptitude et, qu'en même temps, on ne sait plus s'il a pris la bonne décision? Pourtant, pendant toute sa vie, le patient a dit qu'il veut vivre son existence de telle ou telle façon et qu'il ne veut pas terminer ses jours dans telle ou telle condition. C'est cet aspect de la discussion et de l'argumentaire que j'ai du mal à accepter, personnellement.
    Certains témoins nous disaient qu'une personne atteinte d'une maladie dégénérative n'est plus la même personne. On sait qu'il y a différents stades à la maladie. Donc, la personne qui fait la demande anticipée établit ses volontés et on suppose que c'est un moment solennel entre elle et son médecin.
    Que répondez-vous à l'argument qui veut que ce ne soit plus la même personne au moment de donner suite à sa demande?
    Eh bien, ce n'est plus la même personne qu'elle a été pendant toute sa vie, pendant 60 ans, 70 ans, 80 ans. Pourquoi, tout à coup, lorsqu'elle est devenue démente, n'est-elle plus la même personne? C'est vrai que ce n'est plus la même personne, parce qu'elle n'a plus ce cerveau qui lui a permis de fonctionner toute sa vie en relation avec les autres.
    Par ailleurs, nous prenons régulièrement des décisions, par personne interposée, pour les gens qui sont cérébro-lésés, qui ont subi des traumatismes crâniens, des accidents vasculaires cérébraux massifs, etc. Nous prenons une décision pour eux, alors qu'ils ne sont plus là pour nous dire qu'ils le veulent ou non. Nous prenons une décision pour eux, soit parce qu'ils ont laissé des directives anticipées soit pour des raisons d'acharnement thérapeutique.
    Ainsi, en médecine, il arrive assez régulièrement que nous prenions une décision pour le patient avec la famille, avec les proches, etc. Nous le faisons généralement dans des cas d'acharnement thérapeutique, mais ce n'est plus la même personne qui est devant nous.
    J'interrogeais Me Deschamps, tout à l'heure. Il disait qu'il fallait des mesures de sauvegarde robustes. Il parlait d'un troisième médecin pour valider la demande anticipée.
    N'y a-t-il pas un danger de mettre tellement de conditions et beaucoup d'obstacles que, sur le plan de votre pratique sur le terrain, on rend l'acte quasi impossible, finalement?
     Oui, vous avez raison. La réponse est dans votre question.
    Ce qu'on sait au Canada depuis six ans et depuis un peu plus longtemps au Québec, c'est qu'il n'y a pas eu de pente glissante contre laquelle tout le monde nous mettait en garde. Un médecin évalue le patient et un deuxième médecin ou une infirmière clinicienne l'évalue pour savoir si sa situation répond bien aux critères. À ma connaissance, et selon ce que nous rapporte la Commission sur les soins de fin de vie au Québec et les coroners ailleurs au Canada, il n'y a pas eu de problèmes de cet ordre.
    Au Québec, il y a des groupes de discussion confidentiels formés de médecins. Au Canada, il y a l'ACEPA où l'on discute des cas litigieux. Certains vont préférer ne pas aller dans cette voie. Cela se discute, mais sur un plan clinique.
    Je termine en disant que ce sont des décisions qui se prennent tous les jours en neurochirurgie et en chirurgie cardiaque. L'administration de tous les traitements très intensifs que l'on impose — j'utilise ce mot à bon escient — à nos patients est une décision qui se prend selon la procédure collégiale.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

     Monsieur MacGregor, vous êtes le suivant. Vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la coprésidente.
    Docteure Andrew, j'aimerais commencer par vous. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé des directives anticipées de soins qui sont actuellement permises dans notre système médical provincial. Avant que les patients ne subissent une opération majeure, par exemple, ils peuvent donner une directive de non-réanimation. Il peut aussi y avoir différents exemples d'arrêt des soins.
    Pourriez-vous nous dire quelles sont les formes les plus courantes d'arrêt des soins? Est‑ce si une machine respire à leur place? Peut-être pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet.
    Bien sûr. Je vous remercie de la question.
    En fait, ces décisions se prennent à chaque étape du parcours d'une personne jusqu'à la fin. Même les personnes qui n'ont aucun symptôme peuvent justifier, pour de bonnes raisons, leur refus de subir des analyses, des tests de dépistage, des examens ou des radiographies. Ces personnes ne veulent pas savoir ce qu'elles pourraient découvrir, ne veulent pas de traitements ou ne souhaitent pas s'engager dans cette voie. Elles pourraient prendre cette décision avant même l'apparition de symptômes. Elles peuvent prendre cette décision lorsqu'elles ont des symptômes de toux chronique, par exemple, ou une perte de poids. Elles peuvent examiner leurs options et décider de ne pas subir d'examens parce qu'elles ne veulent pas s'engager dans cette voie, même si cela permettrait de détecter un cancer ou une autre maladie susceptibles d'être traités, ce qui prolongerait leur vie.
    Une personne qui reçoit un diagnostic de maladie grave probable, par exemple lorsqu'une masse est décelée au premier stade d'un test par imagerie ou d'un autre examen, peut refuser de se soumettre à des examens plus approfondis, par exemple à une biopsie, pour découvrir de quoi il s'agit. Après avoir évalué ses options, cette personne peut refuser les traitements qui risquent de diminuer sa qualité de vie. Une personne qui reçoit un diagnostic de maladie grave peut décider, après avoir examiné ses options, de ne pas suivre les traitements recommandés. Chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie, tous ces traitements ont des répercussions très importantes sur la qualité de vie et le bien-être d'une personne. Les gens qui souffrent d'une insuffisance rénale, par exemple, peuvent refuser la dialyse...
    Docteure Andrew, je suis désolé de vous interrompre. Je veux seulement vous donner un exemple précis.
    Supposons qu'un patient soit sur le point de subir une intervention chirurgicale majeure. Un problème survient — la formation d'un gros caillot de sang — et le patient fait un AVC foudroyant. Il n'a plus aucune réaction. Il est en état de mort cérébrale. Dans les directives anticipées qu'il a rédigées, il demandait le retrait de traitement.
    Supposons qu'il s'agit de moi. Je veux que vous cessiez de m'alimenter, que vous me débranchiez. Est‑ce là un exemple précis?
    Oui, tout à fait.
    Dans ce cas, vous avez les directives anticipées d'un patient qui vient de faire un AVC foudroyant. Que prévoit notre loi à cet égard, comment, quand...? Nous parlons de consentement. Comment le consentement est‑il interprété dans un cas comme celui‑ci, lorsqu'un patient est en état de mort cérébrale et que vous devez respecter les directives qu'il vous a données précédemment? Nous parlons du consentement. Ce patient n'est manifestement pas apte à vous donner son consentement, mais vous interrompez le traitement qui le maintient en vie.
    La raison pour laquelle nous faisons cela, c'est notamment pour respecter la volonté du patient. C'est pourquoi nous accordons la préférence aux directives préalables pour déterminer ce qui est dans son meilleur intérêt. Bien entendu, une directive anticipée doit idéalement désigner un mandataire autorisé pouvant aider le patient à évaluer les différentes options qui lui seront présentées — il doit s'agir d'une personne de confiance désignée par le patient.
    Bien sûr.
    Oui, nous avons des exemples concrets de personnes qui ne sont pas aptes à donner leur consentement, mais qui ont donné des directives précises permettant à des tiers de prendre des décisions qui entraîneront éventuellement leur décès par retrait de traitement, parce que c'est ce qu'elles ont expressément demandé.
    Ma dernière question est la suivante. En tant que médecin, y a‑t‑il des éléments que vous souhaiteriez voir dans une déclaration accompagnant une éventuelle demande anticipée si jamais nous, en tant que Parlement du Canada, autorisons cette procédure? En 30 secondes, pouvez-vous nous expliquer les éléments que les médecins souhaiteraient y voir? Vous avez beaucoup parlé de l'importance de la clarté à cet égard.
    Je pense qu'il serait très important que la demande soit détaillée.
    Là encore, mes exemples ne portaient pas seulement sur la reconnaissance du rôle de la famille. Je veux comprendre d'où vient la demande, ce qu'elle signifie exactement et donner aux personnes suffisamment d'information sur la façon de rédiger ces demandes préalables afin qu'elles comprennent quelles facettes de leurs symptômes seraient les plus préoccupantes pour elles.
    Ce n'est peut-être pas le fait d'avoir oublié ce qu'elles avaient mangé au petit déjeuner, mais le traumatisme qu'elles vivent chaque fois que quelqu'un s'approche d'elles pour les aider avec leur produit d'incontinence ou des choses du genre. La souffrance peut être très grave.
    Merci beaucoup.
    Je vais céder à nouveau le fauteuil car nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.

[Français]

    Nous allons maintenant passer au tour de parole des sénateurs et des sénatrices. Nous allons commencer par la sénatrice Mégie.
    Nous vous écoutons, sénatrice Mégie, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Avant de poser ma question, je veux proposer que le rapport de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, déposé le 8 décembre 2021, et l'autre document qui émane du Collège des médecins du Québec intitulé « Recommandations de positionnement du groupe de réflexion sur l'aide médicale à mourir et les soins de fin de vie », déposé le 10 décembre 2021, soient déposés auprès du Comité aux fins de son étude.
    Merci.
    Maintenant, ma question s'adresse à la Dre Andrew.
    Docteure Andrew, vous côtoyez et accompagnez les personnes souffrant de démence. Vous savez que, dès qu'on parle d'élargissement de l'aide médicale à mourir, cela fait craindre justement d'être sur une pente glissante.
    En ce qui concerne cette clientèle, quels sont les types de dérives que vous pourriez appréhender quand on parle des demandes anticipées?

[Traduction]

    Désolée, je me suis fiée à ma connaissance du français. J'ai presque tout compris.
    Vous avez parlé de « dérives ». Que voulez-vous dire exactement?

[Français]

    C'est ce qu'on appelle être sur une pente glissante.

[Traduction]

    Une voix: Une pente glissante.

[Français]

    L’hon. Marie-Françoise Mégie: Quels types de dérives voyez-vous?

[Traduction]

    Quand je discute avec des personnes atteintes de démence, la plupart me parlent de leur indignation; en gros, elles déplorent de ne pas être prises au sérieux quand elles expriment leurs volontés, parce qu'on valorise peut-être davantage ce qu'elles seront dans le futur que ce qu'elles sont actuellement.
    Bien entendu, certains arguments pourraient mener à une piste glissante. Par exemple, l'exécution de la demande d'une personne pourrait aller trop loin, ou un soi-disant mandataire de confiance pourrait prendre une décision dans son propre intérêt et non dans celui de la personne concernée, ou une personne pourrait être contrainte à présenter une demande, même si ce n'est pas ce que nous souhaitons, à cause de problèmes de nature économique ou sociale. Nous savons que beaucoup de gens, surtout des aînés et de personnes atteintes d'une maladie chronique, éprouvent des difficultés liées à leur situation socio-économique, à leurs conditions de vie ou au logement, par exemple. Il est facile de supposer que cet argumentaire risque d'aller trop loin et de conduire à des dérives.
    Je vais peut-être y revenir. L'autre pente glissante vient d'en haut. C'est lorsque nous empêchons des personnes, dans leur état actuel, de faire ce qu'elles souhaitent faire.

[Français]

    Merci, docteure Andrew.
    Avez-vous une autre question à poser, sénatrice Mégie?
    Non. Je vous remercie, monsieur le président.
    Nous pouvons donner le reste de mon temps de parole au sénateur Kutcher.
     Merci beaucoup, sénatrice Mégie.

[Traduction]

    Sénateur Kutcher, vous avez trois minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Avant de poser mes questions, monsieur le président, j'aimerais demander à M. Bach qu'il fasse parvenir au Comité une note pour étayer son affirmation selon laquelle la stigmatisation est un facteur qui peut inciter certaines personnes à présenter une demande préalable plutôt que son besoin d'autonomie. Cette affirmation doit être fondée sur des données.
    Ma première question est pour la docteure Andrew. Ai‑je raison de penser qu'une personne qui présente une demande anticipée doit être apte à le faire au moment où elle la présente?
    Oui.
    Avez-vous la formation requise pour évaluer la capacité d'une personne à donner un consentement éclairé quant à l'acceptation ou à l'interruption d'un traitement?
    Oui.
    Vous avez donc la capacité et la compétence requises pour évaluer la capacité d'une personne qui présente une demande d'aide médicale à mourir.
    Je pense que oui, bien que je ne l'aie pas encore fait. Je le crois, parce que cette évaluation serait fondée sur les mêmes principes, soit que la personne comprend les faits, les applique à sa situation, soupèse le pour et le contre, analyse cette information, examine les solutions de rechange et est capable de communiquer son choix. Je dois aussi m'assurer que ce choix est fait sans coercition.
    Je pense que ce serait tout à fait possible, mais je crois également que si cette loi était mise en oeuvre, il faudrait y inclure un volet sur la formation des médecins et les infirmières et infirmiers praticiens qui s'acquitteraient de ces fonctions afin de s'assurer qu'ils sauront adapter leur expertise aux évaluations de la capacité de présenter une demande anticipée.
    Le Collège royal et le Collège des médecins de famille ont entrepris un processus de certification d'un tel programme.
    Ma dernière question est pour le docteur L'Espérance. C'est toujours un plaisir de rencontrer un neurochirurgien, surtout à distance.
    Des voix: Oh, oh!
    L'hon. Stanley Kutcher: Je veux simplement savoir ce que vous pensez d'un commentaire que nous avons entendu précédemment, à savoir que lorsqu'une personne a l'impression d'être devenue un fardeau pour sa famille, elle perd son autonomie. Selon vous, si une personne devient un fardeau pour sa famille, est‑ce que cela veut dire qu'elle perd son autonomie en tant qu'être humain?

[Français]

    Je ne crois pas qu'on puisse dire que le patient a perdu son autonomie. Je ne sais pas sur quoi on se base pour dire cela.
    Par contre, je reprendrai les paroles du Dr Marcel Boisvert, gériatre et grand médecin de cœur, qui disait que, même si une personne très âgée nous dit qu'elle ne veut plus devenir un fardeau pour sa famille, en quoi est-ce pathologique de dire cela?
    Cela peut très bien être une réaction altruiste tout à fait acceptable, tout à fait intéressante. Bien sûr, il faut toujours tenir compte du fait que ces patients évoluent sur une longue période. On ne décide pas du jour au lendemain, en se levant le matin, qu'on va faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir.
    J'espère que cela répond à votre question.

[Traduction]

    Vous avez terminé, sénateur Kutcher?
    Je pense avoir épuisé mon temps de parole, monsieur le président.
    Oui, tout juste.
    Monsieur Bach, je veux seulement signaler que le sénateur Kutcher a fait allusion à un point que vous avez soulevé, soit que la stigmatisation est un facteur déterminant. Nous allons donc vous revenir à ce sujet. Le sénateur vous demande d'étayer cette affirmation, mais nous allons faire un suivi avec vous à la fin de la séance.
    Nous entendrons maintenant le sénateur Dalphond.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse au Dr L'Espérance.
    Nous n'avons, malheureusement, pas encore accès à votre mémoire. Cependant, j'ai lu celui de votre Association que vous aviez déposé à l'Assemblée nationale au mois d'août dernier, dans lequel vous avez fait une proposition pour avoir des critères et des exigences en matière de directives anticipées. Je présume que vous êtes toujours de la même opinion que celle qui est mentionnée dans ce mémoire.
    D'ailleurs, vous ajoutez :
Il est utile de souligner ici encore une fois que la possibilité d’une [aide médicale à mourir] avant une détérioration cognitive avancée apporte sérénité et paix d’esprit et permet à ces personnes de vivre pleinement le moment présent, ces précieux moments, sans l’angoisse d’un long chemin de souffrances et de pertes multiples de dignité qui les mènera à la mort.
.
    Est-ce que cela est basé sur votre expérience? Si oui, pourriez-vous nous en parler?
    Aussi, y a-t-il des données statistiques qui appuient cette affirmation?
     Il n'y a pas de statistiques à ma connaissance. Disons que c'est notre expérience commune, c'est-à-dire l'expérience de pratiquement tous les médecins qui prodiguent l'aide médicale à mourir, à ce que je sache.
    L'expérience acquise concerne des patients ayant reçu un diagnostic de maladie neurodégénérative cognitive et chez qui on procède à l'aide médicale à mourir après trois mois, six mois ou un an. Ils peuvent obtenir l'aide médicale à mourir alors qu'ils sont encore aptes à décider. À ce moment-là, ils perdent des mois ou des années de vie.
    Toutefois, le fait de savoir, surtout depuis mars 2021, qu'ils n'auront pas à faire ce long chemin jalonné de souffrances leur apporte une sérénité. J'ai vu des patients arriver à l'hôpital pour obtenir l'aide médicale à mourir portant la cravate, apportant des fleurs, le sourire aux lèvres. Tous les médecins qui prodiguent l'aide médicale à mourir connaissent tous la même expérience avec ces patients, à savoir que cela se fait dans le calme et la sérénité et qu'il n'y a plus d'anxiété. On voit aussi des patients souffrant de maladies très récentes, notamment le cancer. Pour ce qui est de la maladie d'Alzheimer, nous avons tous vécu ce type d'expérience.
    La Loi, tel qu'elle est rédigée actuellement, fait en sorte que si une personne ne peut pas donner de directives anticipées, elle choisit l'aide médicale à mourir et meure prématurément, en quelque sorte.
    C'est là que se pose tout le débat. Ces personnes perdent des semaines, des mois et peut-être même une année ou deux de vie très agréable et très intéressante avec leurs familles. Lorsque les personnes perdent leur aptitude décisionnelle, on ne peut plus procéder à l'aide médicale à mourir, d'où l'intérêt de l'étude en cours. C'est la raison de notre présence ici, ce soir.
    Je vous remercie, docteur L'Espérance.
    Je vous remercie, monsieur Dalphond.

[Traduction]

    La sénatrice Wallin a la parole.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais entendre le docteur L'Espérance et la docteure Andrew. J'aimerais avoir votre avis à tous les deux. Je vais vous exposer mon point et vous me direz si vous êtes d'accord ou pas.
    Je veux enchaîner sur les propos de l'une de nos collègues, Mme Vien, au sujet de l'impasse dans laquelle se trouvent les personnes atteintes de démence ou de la maladie d'Alzheimer. Certains témoins ont affirmé que pour présenter une demande préalable, vous devez avoir reçu un diagnostic, mais quand vous recevez un diagnostic, vous être alors considéré, par définition, comme une personne non apte. Voilà dans quelle impasse se trouvent ces personnes.
    Des témoins nous ont dit qu'une demande préalable n'est pas la même chose qu'un consentement éclairé, alors qu'en fait, c'est exactement cela. Vous rédigez cette demande préalable pendant que vous êtes apte à le faire.
    J'aimerais avoir votre opinion à cet égard. Vous disposez chacun d'environ une minute.

[Français]

    Je vais prendre quelques secondes pour répondre, avant de céder la parole à la Dre Andrew.
    De nos jours, les patients qui reçoivent un diagnostic de maladie neurodégénérative ou de démence l'obtiennent en général alors qu'ils sont encore aptes à décider. Pourquoi? C'est parce qu'ils se demandent pourquoi ils ont des problèmes de jugement, de mémoire, et ainsi de suite. Ils consultent alors leur médecin, qui pose alors le diagnostic.
    Certains patients sont tout à fait aptes à décider, de même que certains sont encore parfaitement aptes à conduire leur véhicule et à vaquer à leurs occupations, par exemple.
    Selon moi, il est essentiel qu'un diagnostic soit établi. Il n'y a pas de contre-indication.
    Je laisse maintenant la parole à la Dre Andrew.

[Traduction]

    Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est ce que d'autres témoins ont dit, mais d'une manière différente. Je vous remercie.
    Je vous écoute, docteure Andrew.
    Je suis tout à fait d'accord pour dire que le diagnostic ne signifie pas forcément que la personne est inapte. C'est un problème distinct qui pourrait apparaître plus tard.
    Il est important de faire remarquer que dans certains endroits, il est difficile d'obtenir un diagnostic. Il arrive, malheureusement, que des gens obtiennent leur diagnostic trop tard dans l'évolution de leur maladie, malgré leurs efforts pour en obtenir un plus rapidement. Cela démontre la nécessité d'améliorer notre système de soins aux personnes atteintes de démence.
    C'est comme si le consentement éclairé devait être donné au bon moment, selon l'endroit où vous vivez et la progression de votre maladie.
    C'est une observation intéressante. Oui, si vous avez besoin d'un diagnostic précoce et d'avoir toute l'information susceptible de vous aider à prendre ces décisions assez tôt, avant de ne plus être apte à le faire.
    Allez‑y, monsieur L'Espérance.

[Français]

    Dans le cas des diverses formes de démence, il s'agit d'un processus relativement lent pour la grande majorité des patients. Ce processus s'échelonne sur plusieurs années. Il y a peut-être des endroits, par exemple dans le Grand Nord, où il peut être plus difficile d'obtenir un diagnostic, mais ce n'est pas du tout notre expérience, même si le système de santé n'est pas toujours adéquat. En fait, les gens ont leur diagnostic, et, en un an ou deux, ils peuvent avoir une consultation. Les médecins de famille sont généralement très bons pour diagnostiquer, de nos jours, des maladies neurodégénératives.
     Je vous remercie.

[Traduction]

    Je vous remercie, sénatrice Wallin.
    Nous passons maintenant à la sénatrice Martin.
    Je remercie tous les témoins d'être là ce soir.
    J'ai une question pour vous, monsieur Bach.
    Quelle est la différence entre une directive médicale anticipée d'aide à mourir et une demande anticipée de retrait d'un traitement vital? Nous avons entendu diverses réponses à cette question. Si l'une de ces demandes est autorisée, pourquoi pas l'autre?
    Elles sont passablement différentes.
    Les demandes ou les directives anticipées de retrait de traitement portent sur des soins qui ne nous seront plus prodigués. Tous les exemples qu'a donnés la Dre Andrew concernaient des soins que vous refusez que l'on vous prodigue. La législation provinciale ou territoriale prévoit qu'en refusant certains soins, vous exercez un contrôle, en ce sens que vous acceptez que votre mort survienne naturellement.
    En présentant une demande anticipée, je maintiens que vous ne consentez pas à ce que l'on mette fin à votre vie à un moment ultérieur. Il revient à un décideur tiers de décider que le moment est venu quand nous ferons l'injection. Ce n'est pas vous qui donnez votre consentement, mais une autre personne qui consent à ce qu'un acte soit posé intentionnellement pour causer votre décès. C'est fondamentalement différent des directives préalables de refus ou d'interruption d'un traitement vital. Dans ce cas, des soins de confort — soins palliatifs — vous seront prodigués pour vous soutenir jusqu'à ce que votre décès survienne naturellement. Les personnes qui vous prodiguent ces soins de confort et interrompent le traitement s'appuient sur vos directives préalables et sur la décision prise par le mandataire que vous avez préalablement désigné — je suis certaine que de nombreuses personnes autour de cette table ont déjà eu à prendre une telle décision — d'interrompre le traitement afin que la personne puisse partir, qu'il s'agisse de leur fils, leur frère ou leur père.
    Ce sont deux choses fondamentalement différentes. Je pense qu'en supprimant ou en estompant la ligne entre les deux, nous nous engageons sur une voie qui met à risque les minorités les plus vulnérables de notre pays. À quoi sert une démocratie, après tout? À protéger les droits des minorités. La minorité dont je parle se compose de personnes atteintes de démence qui ne sont pas aptes à donner leur consentement, ou de personnes ayant une déficience intellectuelle qui n'ont pas la capacité de consentir à leur mort.
    C'est ce groupe que nous voulons protéger ici, et non les personnes qui présentent une demande préalable. Le groupe dont nous parlons ici est celui qui n'est pas en mesure de donner son consentement. Ces personnes n'ont pas la capacité de consentir à une intervention proactive de la part d'un médecin professionnel dans l'intention de causer leur mort.
    Dans notre démocratie, est‑ce que nous protégeons l'une des minorités les plus vulnérables de la société? Je pense que les propositions favorables à l'adoption de ce projet de loi ne satisfont pas clairement pas aux critères de protection du droit à la vie des minorités les plus vulnérables de notre société.
    Merci, sénatrice Martin. Merci à vous aussi, monsieur Bach.
    Voilà qui met fin à l'audition de ce groupe de témoins.
    Au nom du Comité, je tiens à vous remercier, docteure Andrew et monsieur Bach.

[Français]

    J'aimerais aussi remercier le Dr L'Espérance.
    Je vous remercie tous de vos témoignages. Ils touchent un sujet très complexe, très difficile et parfois chargé d'émotion, comme vous le savez tous. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir fait part de votre expertise à ce comité.

[Traduction]

    Sur ce, chers collègues et témoins, la séance est levée.
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