Je souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir aux membres du Comité, aux témoins et aux membres du public qui suivent cette réunion sur le Web.
[Traduction]
Je m'appelle René Arseneault, et je suis le coprésident du Comité pour la Chambre des communes. Je suis accompagné de l'honorable Yonah Martin, coprésidente du Comité pour le Sénat.
[Français]
Aujourd'hui, nous entreprenons notre examen du degré de préparation atteint pour une application sure et adéquate de l'aide médicale à mourir, lorsque le trouble mental est le seul problème médical invoqué, conformément à la recommandation 13 du deuxième rapport du Comité.
[Traduction]
Je demanderais aux membres du Comité ainsi qu'aux témoins de bien vouloir garder leur microphone en mode sourdine, à moins que l'un des deux coprésidents ne leur ait donné nommément la parole. Je rappelle que tous les commentaires doivent être adressés aux coprésidents. Veuillez parler lentement et clairement en vous rapprochant le plus possible de votre microphone afin de faciliter la tâche à nos interprètes. En mode vidéoconférence, l'interprétation se fait comme pour une réunion sur place. Vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais et le français.
[Français]
Enfin, j'aimerais souhaiter la bienvenue de façon virtuelle au premier groupe de témoins.
De l'Association des psychiatres du Canada, nous recevons la Dre Alison Freeland, présidente du conseil d'administration et coprésidente du groupe de travail sur l'aide médicale à mourir.
[Traduction]
Nous recevons également Mme Shelley Birenbaum, présidente du Groupe de travail sur la fin de vie à l'Association du Barreau canadien.
Merci d'être des nôtres aujourd'hui, Mmes Freeland et Birenbaum.
Nous allons d'abord entendre les observations préliminaires de la Dre Freeland, qui sera suivie de Mme Birenbaum.
Je vais devoir me montrer très strict avec tout le monde quant au respect du temps imparti, car nous souhaiterions tenir au moins deux tours de questions. Si vous posez une question alors qu'il vous reste seulement 10 secondes, vous n'aurez pas droit à une réponse. Je demande la collaboration de tous à ce sujet.
Docteure Freeland, vous avez la parole pour les cinq prochaines minutes.
Je m'appelle Alison Freeland. Je suis psychiatre, et je suis ici en ma qualité de présidente du conseil d'administration de l'Association des psychiatres du Canada — ou APC — et de coprésidente de notre Groupe de travail sur l'aide médicale à mourir — ou AMM. Merci de me permettre de vous présenter aujourd'hui le point de vue de notre association à l'occasion de votre examen du degré de préparation atteint pour une application sûre et adéquate de l'aide médicale à mourir, lorsque le trouble mental est le seul problème médical invoqué.
Porte-parole national des psychiatres et des psychiatres en formation du Canada, l'APC s’est donné comme mission de faire la promotion de soins et de traitements de la meilleure qualité possible pour les personnes atteintes d’une maladie mentale, et d'assurer la prise en compte des besoins professionnels de ses membres en soutenant l’excellence dans la formation, la recherche et la pratique clinique.
L'APC ne prend pas position sur la légalité ou la moralité de l'aide médicale à mourir, pas plus qu'elle ne s'est prononcée quant à savoir si une telle option devrait être offerte lorsque la maladie mentale est le seul problème de santé invoqué. Nous sommes toutefois d'avis que nos lois doivent toujours protéger les droits de tous les Canadiens qui sont vulnérables, sans indûment stigmatiser les personnes aux prises avec une maladie mentale ou faire preuve de discrimination à leur endroit simplement en raison de leur état de santé.
L'APC a surtout appuyé l'effort de préparation en communiquant ses points de vue pour l'établissement de normes et d'un programme de formation à l'échelle nationale; en sensibilisant ses membres à la réalité de l'aide médicale à mourir; et en contribuant à mieux documenter cette forme d'aide. Notre groupe de travail a de plus fourni sa rétroaction pour l'élaboration de la norme de pratique en matière d'aide médicale à mourir qui a été rendue publique en mars dernier. L'APC a aussi fait partie du Comité directeur national pour un programme canadien de formation sur l'aide médicale à mourir. C'est ainsi que l'on a pu mettre sur pied un programme pour la formation des évaluateurs et des prestataires qui est accessible depuis septembre. En outre, plusieurs membres de l'APC ont fait partie des groupes de travail de l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM — ou ACEPA — qui ont conçu les différents modules de formation.
Au moyen de son bulletin d'information hebdomadaire, l'APC tient régulièrement ses membres au fait de l'évolution des normes de pratique et de leur teneur, ainsi que du programme de formation. Nous veillons sans cesse à informer nos membres des possibilités de formation en matière d'aide médicale à mourir et à les aider à s'en prévaloir.
Lors de notre congrès annuel de 2022, nous avons tenu une table ronde réunissant 140 participants afin d'explorer les considérations éthiques liées aux décisions en matière d'aide médicale à mourir, à l'évaluation de la capacité et du caractère volontaire, et à la distinction entre suicide et aide médicale à mourir. Plus récemment, lors de notre congrès annuel tenu le mois dernier, une séance plénière a permis de discuter de la nécessité d'un programme national de formation et d'en tracer les grandes lignes. Plus de 300 délégués ont participé à cette plénière.
Parallèlement à ce congrès, nous avons organisé à l'intention de nos membres qui sont des cliniciens agréés une session du module de formation sur l'aide médicale à mourir et les troubles mentaux qui était animée par un formateur. À la lumière de mes discussions informelles avec nos partenaires des systèmes, quelque 100 psychiatres seraient maintenant inscrits au programme de formation en aide médicale à mourir. Nous continuons de transmettre de l'information sur les possibilités de formation à venir au moyen de notre bulletin.
Notre revue à comité de lecture, La Revue canadienne de psychiatrie, a publié différents articles afin d'apporter des précisions sur certains aspects de l'aide médicale à mourir, y compris une nouvelle recherche menée par van Veen et ses collègues établissant 13 critères consensuels pour définir le caractère irrémédiable dans le contexte de l'aide médicale à mourir aux Pays-Bas. Au quotidien, les psychiatres établissent des diagnostics, prodiguent des traitements et évaluent les capacités de patients souffrant de troubles mentaux, mais nous allons chercher à les aider davantage dans leur travail en publiant sous peu dans La Revue canadienne de psychiatrie un article sur la capacité de consentement à l'aide médicale à mourir. Notre groupe de travail demeure actif et se réunira prochainement pour cerner d'autres sujets à l'égard desquels nos membres pourraient avoir besoin d'un soutien plus poussé.
Nous nous tenons en outre au courant de l'état de préparation des systèmes de santé par l'entremise de membres de notre groupe de travail et via notre Conseil des associations de psychiatres qui permet un échange d'information sur les enjeux d'importance nationale en réunissant les présidents des différentes associations provinciales.
Notre rôle en tant qu'organisation nationale consiste à écouter nos membres et à dialoguer avec eux. Alors que certains psychiatres ne sont pas favorables à l'aide médicale à mourir, d'autres souhaitent en apprendre davantage et pourront choisir de contribuer à titre de consultants ou d'évaluateurs, et éventuellement de prestataires. L'expertise des psychiatres est importante dans le contexte de l'aide médicale à mourir, mais nous n'évoluons pas en vase clos. Nous travaillons au sein d'équipes interdisciplinaires qui font passer au premier plan l'expérience vécue par le patient et sa famille et leur perspective sur la situation pour trouver le juste équilibre entre, d'une part, la nécessité de prodiguer des traitements en espérant une guérison et, d'autre part, le droit d'un patient apte à le faire à décider des soins qui lui seront donnés.
Je vous remercie et je serai ravie de répondre à vos questions.
:
Bonsoir, mesdames et messieurs les coprésidents et honorables membres du Comité. Je m'appelle Shelley Birenbaum, et je suis présidente du Groupe de travail sur la fin de vie à l'Association du Barreau canadien. Merci de me donner l'occasion de prendre la parole devant le Comité.
L’Association du Barreau canadien — ou ABC — est un organisme national qui représente 37 000 avocats — notaires au Québec —, professeurs et étudiants en droit; elle a pour mandat l’amélioration du droit et de l’administration de la justice. Notre Groupe de travail sur la fin de vie est composé de représentants de divers domaines d’expertise, notamment le droit constitutionnel et les droits de la personne, la justice pénale, le droit de la santé, et le droit des enfants et des jeunes.
L'aide médicale à mourir est un sujet complexe qui polarise les débats en soulevant des enjeux fondamentaux comme le juste équilibre à trouver entre les valeurs concurrentielles que sont le respect de l'autonomie et la nécessité d'assurer la protection de ceux qui peuvent en avoir besoin. Dans ce contexte, il est essentiel de reconnaître que la souffrance des personnes aux prises avec une maladie mentale n'est pas moins réelle que celle des patients dont les problèmes de santé sont d'ordre physique. Les personnes souffrant d'une maladie mentale devraient donc avoir le même pouvoir de décider des soins qu'elles sont disposées à recevoir, pour autant qu'elles satisfassent à certains critères.
Nous souhaitons porter trois considérations principales à l'attention du Comité. Premièrement, en refusant carrément d'offrir l'aide médicale à mourir à toutes les personnes qui invoquent à ce titre uniquement un problème de santé mentale, on s'expose fortement à des contestations au terme de la Constitution du fait que l'on enfreindrait le droit à l'égalité, à la sécurité et à la liberté garanti par la Charte canadienne. Deuxièmement, le Code criminel offre déjà des garanties législatives permettant de protéger ceux et celles dont le seul problème de santé invoqué est d'ordre mental et qui pourraient ainsi être vulnérables. Troisièmement, comme le soulignait Mme Freeland, des ressources additionnelles ont été élaborées et mises à la disposition des professionnels de la santé pour mieux les guider dans ce domaine.
Parlons plus en détail de la question de la constitutionnalité. Une exclusion générale des personnes aux prises avec une maladie mentale ferait sans doute l'objet d'une contestation constitutionnelle. On ferait en effet valoir qu'il y a discrimination à l'encontre de ces personnes et qu'on leur refuse le droit à l'égalité devant la loi, ce qui irait à l'encontre de l'article 15 de la Charte. Une interdiction générale exacerberait les souffrances et se traduirait sans doute par une violation des droits à la sécurité de la personne et à la liberté, c'est‑à‑dire à la capacité de prendre soi-même les décisions concernant son intégrité corporelle, comme nous le garantit l'article 7 de la Charte.
Il existe d'ores et déjà des garanties législatives. Le Code criminel offre une gamme complète de garanties procédurales quant aux critères à remplir pour qu'une personne soit jugée admissible à l'aide médicale à mourir. Il faut notamment que sa capacité décisionnelle soit établie, que deux évaluations indépendantes soient menées et qu'il y ait consentement éclairé. Les critères applicables au volet 2 — lorsque la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible, ce qui est le cas la plupart du temps lorsqu'une maladie mentale est en cause — sont encore plus rigoureux. On exige alors un consentement éclairé sans équivoque, la consultation d'un expert du domaine, une période de réflexion et une confirmation indiquant que toutes les options ont été sérieusement envisagées.
Les professionnels de la santé sont déjà tenus d'évaluer la capacité décisionnelle avant d'offrir un traitement, et il est courant pour les psychiatres de procéder à une telle évaluation pour les personnes aux prises avec une maladie mentale, d'établir un pronostic sur l'évolution de la maladie et de mesurer les risques de propension au suicide, ce qu'il faut distinguer de l'aide médicale à mourir. Il faut éviter d'instaurer des garanties additionnelles qui prolongeraient indûment les souffrances de ceux qui seraient par ailleurs admissibles à l'aide médicale à mourir, et s'inspirer des pratiques qui ont fait leurs preuves dans le traitement des maladies mentales.
Nous sommes conscients que de nombreux outils sont en cours d'élaboration et que bon nombre des recommandations du Groupe d'experts sur l'aide médicale à mourir et la maladie mentale sont présentement mises en œuvre pour atteindre l'état de préparation voulu. Nous n'ignorons pas que des documents comme le « Modèle de norme de pratiques en matière d'aide médicale à mourir » et le « Document de référence » ont été mis au point, tout comme le programme complet de formation pour le Canada qui comprend un module sur la santé mentale et l'aide médicale à mourir. En outre, les provinces et les territoires de même que les instances réglementaires peuvent continuer à concevoir des directives et des outils dans le cadre de leur rôle de réglementation des soins et des professionnels de la santé.
La possibilité d'offrir l'aide médicale à mourir lorsque la maladie mentale est le seul problème de santé invoqué est à l'étude depuis près de neuf ans et a fait l'objet de deux reports. À notre avis, l'admissibilité des personnes concernées ne peut plus être reportée et la date prévue d'entrée en vigueur en mars 2024 devrait être respectée.
Au nom de l'Association du Barreau canadien, je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole aujourd'hui. C'est avec plaisir que je répondrai à toutes vos questions.
Je croyais que ma question était simple. Vous n'êtes pas en mesure de me répondre par oui ou par non. Je le comprends.
Dans plusieurs écrits, on dit que, grosso modo, 50 % des psychiatres sont réticents à la possibilité de rendre disponible l'aide médicale à mourir à des personnes atteintes de troubles mentaux. Dans le mémoire que vous avez déposé au comité mixte, en mai 2022, vous avez écrit:
[...] il est essentiel qu'au moins un psychiatre indépendant ayant une expertise dans le trouble mental en question effectue une évaluation clinique complète pour valider si le patient a reçu un diagnostic précis et s'il a eu accès à une évaluation, un traitement et du soutien en matière de santé mentale fondés sur des données probantes pendant une période adéquate, en fonction des normes de soin généralement acceptées.
On retrouve aussi cette opinion, à savoir qu'il faut un psychiatre indépendant ayant une expertise dans le trouble mental en question, dans la recommandation 10 du Rapport final du Groupe d'experts sur l'aide médicale à mourir et la maladie mentale.
Croyez-vous que nous avons les ressources nécessaires pour mettre en œuvre cette recommandation?
:
Il s'agit d'un point crucial. On est censé veiller à ce que le souhait du demandeur soit « réfléchi rationnellement pendant une période de stabilité et non pendant une période de crise », ce qui pourrait nécessiter des évaluations en série.
C'est très bien, tout cela, mais cela ne ressemble en rien à ce que j'ai pu voir dans le monde réel. Nous avons, au bureau, des personnes qui souffrent de dépression sévère. Nous côtoyons des familles qui se trouvent dans un trou noir, sombre et profond, et nombre d'entre elles n'ont pas de médecin et n'ont jamais vu de psychiatre.
Il est prévu que cette mesure devienne loi dans quatre mois. Quelqu'un qui souffre d'une dépression sévère pourra mettre fin à ses jours. Comment pourrais‑je dire à sa famille que tout a été fait pour s'assurer qu'il conservait sa capacité d'agir? Comme puis‑je lui dire de ne pas s'inquiéter? Comment puis‑je lui garantir que la procédure protégera cette personne souffrant d'une dépression sévère qui aura décidé de mettre fin à ses jours?
:
Je peux faire le calcul.
Mon point, c'est que nous sommes en train de créer des compétences. Je ne connais aucune spécialité en médecine où toutes les compétences sont acquises le premier jour. La trajectoire est longue. Il ne faut faire attention de ne pas donner une fausse impression au sujet de la formation médicale.
Ma prochaine question s'adresse à Mme Birenbaum.
Il règne une certaine confusion au sein du Comité au sujet du rôle des gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral dans l'évaluation de l'état de préparation. En tant que gouvernement fédéral, notre travail consiste à évaluer l'état de préparation en fonction des critères qui relèvent de notre compétence seulement.
Croyez-vous que l'exclusion de certaines personnes restreigne les droits issus de la Charte? Dans quelle mesure le manque de préparation pourrait‑il être considéré comme un motif pour restreindre les droits? De quelle façon la Cour suprême évaluerait-elle la justification relative au manque de préparation d'une province?
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les témoins d'être avec nous. Notre mandat est si étroit que vous entendrez certaines questions répétées ou légèrement reformulées. Ce mandat étroit consiste à vérifier le niveau de préparation atteint en vue d'un recours sécuritaire et adéquat à l'aide médicale à mourir.
J'ai toujours défendu l'aide médicale à mourir, et j'ai toujours voté en ce sens. Je crois qu'il faut établir des mesures de sécurité et évidemment respecter la Charte des droits.
Docteure Freeland, votre organisation ne prend pas position sur le sujet, mais j'aimerais que vous nous parliez en votre nom personnel: croyez-vous que le système de santé est prêt à élargir l'admissibilité à l'aide médicale à mourir, afin qu'elle soit offerte aux personnes dont la seule condition médicale sous-jacente est un trouble mental?
:
Je vous remercie de la question. Je vous donne une réponse toute personnelle.
Je travaille en Ontario, une province complexe, qui compte beaucoup de systèmes de santé différents. Je pense qu'il y a encore du travail à faire au niveau local pour s'assurer que le système dans son ensemble a créé un point d'accès coordonné.
Ce qui est encourageant, c'est que dans ma région, un groupe provincial étudie actuellement la possibilité de créer une communauté de pratique autour de l'aide médicale à mourir, en particulier dans le cas de troubles mentaux. À Toronto, où je travaille, nous disposons désormais d'un groupe de travail coordonné, parrainé par les deux hôpitaux locaux de Toronto qui, une fois encore, se penche sur la manière de procéder. Il regroupe divers professionnels de la santé, dont des psychiatres. En fait, le groupe de travail de Toronto est coprésidé par deux psychiatres.
Je pense que les gens travaillent sans relâche, sachant qu'il y a une date prévue pour arriver à un état de préparation, et sachant que l'état de préparation ne sera jamais parfait. Quand on pense à l'état de préparation dans ce contexte, et qu'on le compare à l'époque où le projet de loi a légalisé l'aide médicale à mourir, il y a eu beaucoup plus de travail de fait pour se doter d'une stratégie nationale relativement aux normes et aux programmes de formation, et je pense que beaucoup d'organismes font appel à des équipes de soins de santé pour trouver la meilleure façon de comprendre cela.
Je ne suis absolument pas partisane de l'élargissement de l'aide médicale à mourir. Je pense simplement qu'il est très stigmatisant — et c'est ma conviction personnelle — de prendre un groupe de patients et de leur dire que leur demande ne peut même pas être prise en considération parce qu'ils souffrent de troubles mentaux.
Je pense que très peu de personnes seraient jugées admissibles si l'aide médicale à mourir s'appliquait aux troubles mentaux. Mme Birenbaum a clairement décrit toutes les mesures de sauvegarde et tous les processus par lesquels il faudra passer avant d'en arriver là.
Il s'agit là de mes réflexions personnelles, et non de celles de l'Association des psychiatres du Canada.
:
Merci, madame la présidente.
Plusieurs personnes parlant des troubles mentaux comme seules conditions médicales invoquées prétendent que des gens suicidaires en crise ou dépressifs pourraient avoir accès à l'aide médicale à mourir, alors que rien, dans le rapport des experts, ne dit cela. En fait, on y dit le contraire.
Ma question s'adresse aux deux témoins. Je leur demanderais de donner une brève réponse.
Croyez-vous que l'élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de troubles mentaux pourrait avoir un effet préventif chez les personnes suicidaires?
Par exemple, si une personne suicidaire, au lendemain de l'adoption de la loi modifiée, lève la main en disant qu'elle veut avoir accès à l'aide médicale à mourir, au moins on saura qu'elle a besoin d'aide et elle pourra être prise en charge alors que, actuellement, elle est complètement abandonnée et pourrait faire une tentative de suicide.
N'y a-t-il pas une vertu préventive à cette mesure?
:
C'est une excellente question, et je pense qu'il y a beaucoup de débats à ce sujet.
Tout d'abord, je pense que si on vivait tous dans un système de santé parfait, on présumerait que les gens ont un accès rapide à une évaluation dès le début des manifestations suicidaires et on veillerait à ce qu'ils aient un accès rapide au traitement et aux soins dans le système. Je pense que c'est un objectif qu'on s'efforcerait tous d'atteindre dans le système de santé.
En ce qui concerne les personnes qui obtiennent une évaluation par un expert en raison d'une demande d'aide médicale à mourir, je pense qu'il y a eu un débat sur le fait que, lorsque vous voyez un psychiatre et que vous êtes en mesure de parler de votre maladie ainsi que de comprendre le diagnostic et les options de traitement, de nombreuses personnes qui arrivent à ce stade peuvent en fait ne pas être admissibles.
Encore une fois, je vais mettre mon chapeau personnel. L'un des aspects importants de l'état de préparation — et c'est un élément dont nous avons parlé en Ontario —, c'est la navigation dans le système de santé. Les normes exigent que l'on continue à fournir des traitements et des soins aux personnes qui ne sont pas jugées admissibles à l'aide médicale à mourir. Dans ce contexte, c'est une possibilité qui existe.
:
Je vous remercie, docteure Freeland.
Je voudrais revenir sur la question de savoir si nous sommes prêts pour mars 2024. Vous avez dit que le Canada avait décidé de s'engager dans cette voie. Je dirais que le Sénat, qui n'est pas élu, a fixé une date et nous a dit de nous en accommoder, et le gouvernement libéral a accepté. Cette date était mars 2023. À l'approche de cette date, ils ont paniqué, si bien que la date a été repoussée à mars 2024.
C'est un énorme Rubicon que nous franchissons, alors qu'est‑ce qui est le plus important? Est‑ce la date ou le fait de bien faire les choses? Suggérez-vous que nous prenions le temps de bien faire les choses? S'il est prouvé que cela n'affectera pas beaucoup de gens et qu'il y aura toutes ces mesures de sauvegarde en place, devons-nous respecter la date arbitraire convenue par le gouvernement libéral et le Sénat, ou devrions-nous le faire à la lumière du consensus plus large et plus important que nous devons atteindre pour nous assurer que les gens sont protégés?
J'aimerais faire quelques commentaires à l'intention des nouveaux témoins.
S'il vous plaît, attendez que la présidence vous nomme avant de prendre la parole. Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la présidence. Lorsque vous avez la parole, exprimez-vous lentement et clairement. Je demande à ceux qui sont dans la salle de parler très près de leur microphone, de manière à aider les interprètes.
Les services d'interprétation offerts pour cette vidéoconférence sont les mêmes que ceux d'une réunion en personne. Ceux qui y participent par vidéoconférence peuvent choisir, au bas de leur écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Lorsque vous n'avez pas la parole, veuillez mettre votre microphone en sourdine.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins du deuxième groupe de témoins. Nous accueillons la Dre Mona Gupta, psychiatre et chercheuse au Centre hospitalier de l'Université de Montréal, qui participe à la réunion par vidéoconférence.
[Traduction]
Nous accueillons aussi le Dr Douglas Grant, qui représente la Fédération des ordres des médecins du Canada.
[Français]
Enfin, nous accueillons la Dre Claire Gamache, psychiatre et présidente de l'Association des médecins psychiatres du Québec.
Je vous remercie tous d'être parmi nous aujourd'hui.
Je cède maintenant la parole à la coprésidente, la sénatrice Martin.
:
Je vous remercie beaucoup, madame la présidente, et je remercie tous les membres du Comité de leur invitation à venir vous rencontrer aujourd'hui.
Je suis psychiatre et chercheuse en bioéthique à l'Université de Montréal. J'ai eu l'occasion et le privilège de participer étroitement au débat public sur l'aide médicale à mourir pour les personnes dont les troubles mentaux sont la seule condition médicale invoquée depuis le début.
J'ai été membre du groupe de travail du Conseil des académies canadiennes sur l'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de troubles mentaux, prescrit dans le projet de loi . J'ai présidé le groupe d'experts fédéral sur l'aide médicale à mourir et la maladie mentale, prescrit dans le projet de loi . Plus récemment, j'ai dirigé les travaux du groupe de travail sur les normes de pratique de l'aide médicale à mourir de Santé Canada, et j'ai également dirigé le groupe de travail qui a élaboré le module de formation de l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'aide médicale à mourir sur l'aide médicale à mourir et les troubles mentaux.
C'est à partir de ce point de vue que je souhaite vous faire part de quelques observations sur notre état de préparation.
Lorsque le gouvernement du Canada a pris la décision de placer les personnes souffrant de troubles mentaux comme seule condition médicale invoquée sur un pied d'égalité avec toutes les autres personnes souffrant de troubles médicaux et dont la mort naturelle n'était pas raisonnablement prévisible, il s'est engagé à faire trois choses: créer un groupe d'experts sur l'aide médicale à mourir et la maladie mentale, former un comité parlementaire mixte spécial pour étudier la question plus en profondeur, et réformer son système de collecte de données. Comme nous le savons, le gouvernement fédéral a respecté ces engagements.
Lorsque le gouvernement fédéral a pris la décision de prolonger l'exclusion d'une année, il a parlé de la nécessité de disposer de plus de temps pour s'assurer que les deux principaux produits attendus — le programme de formation sur l'aide médicale à mourir de l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'aide médicale à mourir et le modèle de norme de pratique en matière d'aide médicale à mourir — étaient terminés. Comme nous le savons, ces activités sont terminées. La norme est entre les mains des médecins et des organismes de réglementation de la profession d'infirmière depuis avril de cette année, et ils l'adoptent ou l'adaptent comme il se doit dans leurs territoires respectifs. Le programme de formation sur l'aide médicale à mourir de l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'aide médicale à mourir a été lancé en septembre 2023 et a déjà été offert à de nombreuses reprises aux médecins et aux infirmières praticiennes.
Plusieurs autres initiatives ont eu lieu depuis décembre 2022, notamment un atelier préparatoire national sur l'aide médicale à mourir pour les personnes dont les troubles mentaux sont la seule condition invoquée, auquel ont participé des délégués de chaque province et territoire, dont des évaluateurs, des prestataires et des psychiatres. Un atelier national sur l'état de préparation du système a également été organisé pour mettre en commun les connaissances sur les processus administratifs.
La plupart des provinces et territoires travaillent avec les cliniciens de première ligne, les organismes de réglementation et les autorités administratives pour s'assurer que les processus cliniques sont bien adaptés aux demandeurs souffrant de troubles mentaux. J'ai fourni plusieurs exemples de ces activités dans mon mémoire.
Il y a quelques semaines, j'ai enseigné le module sur l'aide médicale à mourir et les troubles mentaux de l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'aide médicale à mourir à un groupe d'environ 20 psychiatres, médecins de famille et infirmières praticiennes à Vancouver. Avant de commencer, ma collègue qui co‑animait la séance, la Dre Tanja Daws, médecin de famille expérimentée et évaluatrice et prestataire de l'aide médicale à mourir, s'est approchée de moi. Elle m'a dit que même si l'aide médicale à mourir n'est pas autorisée pour les personnes dont les troubles mentaux sont la seule condition médicale invoquée, elle a déjà eu des patients qui présentaient tous les mêmes types de problèmes dans les études de cas que nous examinons dans le module.
Ce qui m'a frappée dans le commentaire de la Dre Daws, c'est que les personnes dont les troubles mentaux constituent la seule condition invoquée qui présentent une demande d'aide médicale à mourir seront entre les mains rassurantes de cliniciens expérimentés qui, au cours des sept dernières années, ont déjà géré toute la gamme des complexités dans leur pratique de l'aide médicale à mourir que les demandes de personnes dont les troubles mentaux sont la seule condition médicale invoquée peuvent présenter. Son commentaire confirme également les conclusions du groupe d'experts, à savoir que les complexités si souvent attribuées aux troubles mentaux ne sont pas, en fait, propres aux troubles mentaux et qu'elles sont déjà traitées dans notre système d'aide médicale à mourir actuellement.
Le travail qui a été entrepris sur l'aide médicale à mourir pour les personnes dont les troubles mentaux sont la seule condition médicale invoquée depuis 2017 a été rigoureux, et les processus ont été transparents et axés sur la collaboration. Le gouvernement du Canada a respecté tous les engagements qu'il a pris en matière de préparation. Il a également apporté des contributions sans précédent à la formation et à la réglementation des professionnels de la santé, qui dépassent largement le cadre de ses champs de compétence.
Comme mes collègues les docteurs Gamache et Grant le savent mieux que moi, les autres acteurs essentiels dans le système des soins de santé et de l'aide médicale à mourir — les organismes de réglementation et les associations professionnelles — sont actifs dans le domaine de l'aide médicale à mourir depuis 2015. Ils continueront à remplir leurs mandats. Dans le cas des organismes de réglementation, il s'agit de guider les cliniciens vers une pratique sûre de l'aide médicale à mourir dans l'intérêt de la population, et dans le cas des associations professionnelles, de veiller à ce que leurs membres soient outillés pour participer à l'aide médicale à mourir s'ils choisissent de le faire.
Les personnes dont les troubles mentaux constituent la seule condition médicale invoquée ont fait l'objet de bien plus de réflexion, de soins et de renforcement des capacités que toutes les autres. C'est une bonne chose, et ce travail aura l'avantage supplémentaire de renforcer le système d'aide médicale à mourir du Canada pour tous les patients.
Si vous me demandez ce dont j'aurais besoin si demain je devais évaluer l'admissibilité à l'aide médicale à mourir d'une personne dont la seule condition médicale invoquée est une maladie mentale, je vous répondrai que je n'ai besoin de rien. Le travail a été fait. Nous sommes prêts.
:
Je vous remercie. C'est un privilège de prendre la parole devant le Comité.
Je suis le Dr Douglas Grant. Je suis registraire du Collège des médecins de Nouvelle-Écosse. Je suis médecin de famille et avocat, et j'ai représenté la Fédération des ordres des médecins du Canada au sein du groupe de travail de Santé Canada.
J'aborde la question en me disant que toute préparation doit s'appuyer sur une préparation réglementaire. J'affirme respectueusement et sans détour que les organismes de réglementation sont prêts. Nous n'avons pas besoin de plus de temps. Nous ne demandons pas plus de temps.
Nous serons prêts pour de nombreuses raisons.
Tout d'abord, le plus gros du travail a été fait. Le Modèle de norme de pratique élaboré par le groupe de travail de Santé Canada constitue la meilleure synthèse de la loi, et tous les principaux intervenants y ont participé. Je sais que je parle au nom de mes collègues registraires quand je dis que nous considérons ces documents comme très utiles. Ils peuvent être adoptés dans leur intégralité, ce que fera la Nouvelle-Écosse — et je peux vous dire que ce sera le cas également dans les autres provinces de l'Atlantique —, ou être utilisés comme modèle pour établir une norme professionnelle. Les documents d'appui fournissent des libellés à la carte qui peuvent être insérés dans les normes des collèges existantes.
En fin de compte, en mars 2024, tous les organismes de réglementation de la profession médicale disposeront de lignes directrices et de normes professionnelles fondées sur le Modèle de norme de pratique élaboré par le groupe de travail de Santé Canada. À l'exception du style et du format, il y aura une grande cohérence entre les provinces.
La deuxième raison pour laquelle les organismes de réglementation seront prêts en mars est que nous avons l'obligation solennelle et légale d'être prêts.
Il peut y avoir de légères variations dans les lois provinciales, mais tous les ordres des médecins ont pour mandat de réglementer la profession médicale dans l'intérêt du public. Ce mandat signifie que nous sommes au service des patients. Dans le cas présent, nous sommes au service de patients particuliers qui souffrent, qui se voient refuser l'accès à une forme de soins à laquelle ils ont droit en vertu de la loi, et qui, en tant que groupe, souffrent et se voient refuser l'accès à ces soins depuis 2015.
Enfin, notre devoir s'étend aux médecins eux-mêmes qui cherchent à fournir ces soins et qui ont droit à un énoncé clair des orientations et des attentes en matière de réglementation. Je suis ici pour vous dire que les organismes de réglementation rempliront leurs obligations.
Le fait que nous soyons ici signifie que vous avez entendu des voix s'élever qui laissent entendre que les organismes de réglementation ne sont pas prêts. Je voudrais examiner ces préoccupations.
Tout d'abord, ces préoccupations ne reposent pas sur ce qui s'est passé jusqu'à maintenant. À chaque étape de l'évolution de l'aide médicale à mourir, des voix se sont élevées pour demander si les organismes de réglementation étaient prêts. Lorsque la période de mise en œuvre d'un an s'est achevée à la suite de l'arrêt Carter, des voix se sont élevées pour dénoncer le manque de préparation. À l'époque, j'étais président de la Fédération des ordres des médecins du Canada et j'ai fait des exposés à un comité mixte comme le vôtre — je ne pense pas que c'était dans cette salle — pour dire que les organismes de réglementation étaient prêts. Nous étions prêts.
Nous étions prêts lorsque la loi a évolué pour inclure l'admissibilité des patients dont la mort naturelle n'était pas raisonnablement prévisible. Nous étions à nouveau prêts lorsque la modification d'Audrey, qui permettait de renoncer au consentement final pour les patients admissibles risquant de perdre leurs capacités, est entrée en vigueur.
J'aimerais dire que tout cela est normal. La médecine évolue constamment. L'aide médicale à mourir évoluera et les organismes de réglementation de la profession médicale réagiront, car nous avons le devoir d'être agiles.
J'espère que les préoccupations concernant le manque de préparation ne sont pas une réponse au silence qui règne sur les sites Web des collèges comme le mien. Ce serait une erreur. Les normes professionnelles ont de nombreux objectifs. Elles définissent les attentes en matière de réglementation, orientent les soignants et ont également une fonction publique. Elles informent le public de ce qu'il est en droit d'attendre. La situation est claire. Les organismes de réglementation du collège de la Nouvelle-Écosse, que je dirige, attendront que la voie à suivre soit tracée et que le débat politique ait cessé. Les organismes de réglementation de la profession médicale n'ont aucune envie d'induire le public en erreur ou de l'embrouiller.
J'encourage le Comité à faire preuve de discipline dans ses efforts pour faire la distinction entre l'opposition à l'aide médicale à mourir et les accusations à l'égard d'un manque de préparation. D'après mon expérience, le concert des voix qui porte des accusations à l'égard d'un manque de préparation est entièrement composé de voix opposées à l'aide médicale à mourir. Les tribunaux ayant rendu leur décision finale, les opposants ne peuvent plus avancer d'arguments pour mettre un frein à l'aide médicale à mourir.
Je demande au Comité d'examiner si les accusations de manque de préparation constituent un argument valable ou s'il s'agit simplement d'une tentative de gagner du temps pour le plaisir de la chose, alors que ce délai n'est pas nécessaire, du moins, pas du point de vue de la réglementation.
Je suis la Dre Claire Gamache. Je suis la présidente de l'Association des médecins psychiatres du Québec.
Nous remercions la Chambre des communes de son invitation et de cette occasion d'échanger sur ces questions délicates.
L'Association des médecins psychiatres du Québec, ou AMPQ, est l'une des 35 associations affiliées à la FMSQ, soit la Fédération des médecins spécialistes du Québec, qui regroupe 1 200 psychiatres.
L'Association est un syndicat qui vise des conditions de pratique optimales pour ses membres, mais elle s'intéresse, depuis ses débuts, à l'organisation des soins, à l'accès aux services en santé mentale ainsi qu'à l'amélioration de la littératie populationnelle sur les troubles mentaux.
Dès le début des discussions sur l'aide médicale à mourir lorsque les troubles mentaux sont la seule condition médicale invoquée, l'AMPQ a été interpelée et a participé à la conversation.
Nous avons participé aux consultations du Comité permanent de la justice et des droits de la personne sur le projet de loi , à la présentation de l'énoncé de position du Collège des médecins du Québec, en octobre 2020, à la présentation à la Commission sur les soins de fin de vie du document de réflexion de l'AMPQ intitulé « Accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de troubles mentaux », au Forum national sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie et aux consultations de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.
En 2020, le conseil d'administration de l'AMPQ a approuvé la position selon laquelle les personnes dont le trouble mental est le seul problème médical invoqué ne devraient pas être systématiquement exclues de l'aide médicale à mourir.
À la demande du Collège des médecins du Québec et de la Commission sur les soins de fin de vie, l'AMPQ a publié un document de réflexion comprenant une proposition sur la manière dont l'aide médicale à mourir pourrait être organisée au sein de la province de Québec. C'est ce mémoire qui a été produit avec l'apport d'un patient partenaire et d'un membre représentant les proches aidants.
L'AMPQ a présenté ses travaux à ses membres lors de son assemblée annuelle de 2021.
Afin d'éduquer ses membres, l'AMPQ offre des activités de développement professionnel continu lors de ses congrès annuels ainsi qu'une journée de mise à jour sur l'aide médicale à mourir à l'intention des médecins spécialistes du Québec. Cette journée se déroulera le 17 novembre 2023 avec une séance qui portera spécifiquement sur le trouble mental comme seul problème médical invoqué.
L'AMPQ a témoigné devant la commission parlementaire responsable d'étudier le projet de loi 11, au Québec. Lors de son témoignage, l'AMPQ a conseillé au gouvernement de ne pas inclure de disposition d'exclusion pour les personnes atteintes de troubles mentaux. Plusieurs associations professionnelles, soit la Fédération des médecins spécialistes du Québec, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et plusieurs organismes de réglementation, dont le Collège des médecins du Québec, l'Ordre des psychologues du Québec, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, et l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, ainsi que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, ont exprimé un avis similaire à celui de l'AMPQ.
En plus de ses activités régulières, l'AMPQ a siégé au comité directeur national de l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM et a révisé, à ce titre, l'ensemble du programme.
Toutes les interventions et la participation de l'AMPQ à la conversation entourant l'aide médicale à mourir visent à faire connaître la réalité des personnes atteintes de troubles mentaux, celle de leurs proches et celle des soignants qui les soutiennent.
Notre expérience démontre que les troubles mentaux demeurent méconnus et que leurs effets sur les parcours de vie sont mal compris du public.
Quand nous abordons la question de l'aide médicale à mourir lorsque le trouble mental est le seul problème médical invoqué, nous parlons ici de patients que nous suivons pendant des décennies et qui ont tenté de multiples thérapies et traitements.
Comme vous l'a dit la Dre Gupta, les psychiatres sur le terrain participent déjà aux évaluations, sous différentes formes, d'une clientèle complexe dans les processus d'aide médicale à mourir. Ils participent à des deuxièmes évaluations, à des évaluations en collaboration avec les omnipraticiens, et, comme dans tout nouveau soin, il y aura un développement progressif des compétences par le pairage, le mentorat et la formation.
Le principal objectif de l'AMPQ est de lutter contre la stigmatisation en utilisant son expertise et son expérience auprès des plus vulnérables. Or, pour éviter de perpétuer cette stigmatisation et cette discrimination, l'inclusion est la meilleure voie.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Mes questions s'adressent à la Dre Gupta.
Docteure Gupta, vous avez dit que nous sommes prêts pour l'inclusion de la maladie mentale à l'aide médicale à mourir. Je dirais que c'est difficile à accepter, compte tenu de ce que nous avons entendu dans la dernière heure au sujet de l'absence de consensus parmi les psychiatres. Seuls 2 % des psychiatres se sont inscrits au programme d'études et les ressources sont insuffisantes, mais vous dites que nous sommes prêts. Le sommes-nous vraiment?
Je dirais que le cœur du problème est la question du caractère irrémédiable des troubles mentaux, c'est‑à‑dire le fait de savoir si une personne peut aller mieux et si cela peut être prédit avec précision. Comme vous vous en souviendrez, à la page 43 du rapport d'experts publié par le groupe que vous avez présidé, on peut lire ce qui suit:
Les connaissances sur le pronostic à long terme de nombreuses maladies sont limitées et il est difficile, voire impossible, pour les cliniciens de formuler des prévisions précises sur l’avenir d'un patient donné. L'évolution des troubles mentaux d'un individu ne peut être prédite comme c'est le cas pour certains types de cancers.
Ce rapport a été publié en mai 2022. Cette conclusion a‑t‑elle changé de quelque façon que ce soit depuis mai 2022?
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Il y a toute une gamme d'expériences, comme c'est le cas pour l'aide médicale à mourir aujourd'hui. Certaines personnes sont activement impliquées. D'autres ne le sont pas. D'autres le sont occasionnellement. Je dirais qu'il en va de même pour les psychiatres.
Comme pour toute pratique nouvelle et complexe — et c'est vrai pour tout ce que nous faisons en médecine —, les personnes les moins expérimentées ne sont pas celles qui vont commencer. Les personnes qui vont commencer sont des personnes comme mon collègue, le Dr Daws, dont j'ai parlé dans ma déclaration liminaire. Ces gens ont beaucoup d'expérience et ils ont vu beaucoup de patients. Ce sont eux qui vont faire le travail initial et qui, comme l'a dit la Dre Gamache, formeront et encadreront d'autres personnes qui souhaitent aller dans cette direction.
Il y aura toujours des personnes qui ne voudront pas s'impliquer, et c'est tout à fait correct. Les collèges et la loi le permettent.
Il est intéressant de parler des 2 %, car, en fait, seuls 2 % des médecins canadiens prodiguent l'aide médicale à mourir. C'est donc un petit nombre de personnes qui souhaitent s'impliquer et elles continueront à le faire, certaines plus que d'autres. C'est tout à fait normal.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins de nous avoir présenté des témoignages clairs.
Docteure Gamache, j'ai posé la même question plus tôt, mais je ne sais pas si elle avait été comprise.
Considérez-vous que le fait d'élargir l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes ayant des troubles mentaux pourrait avoir un effet préventif sur celles qui, par exemple, ont des idées suicidaires et ne sont pas prises en charge actuellement? Cet élargissement de l'accès permettrait-il à ces personnes, qui pourraient vouloir faire une demande d'aide médicale à mourir, d'être prises en charge? Présentement, on ne sait pas qu'elles ont besoin d'aide.
Merci à vous tous de votre grande expertise.
Il a été suggéré que certains d'entre nous qui soulevions des questions sur le fait d'être prêt voulaient remettre en question l'aide médicale à mourir. Je ne suis pas l'un d'eux. J'ai eu des amis très proches qui ont choisi l'aide médicale à mourir pour pouvoir avoir une fin de vie qu'ils allaient être en mesure de contrôler avec leur famille. Ce sont des moments cruciaux. Je respecte cela. J'essaie de voir comment... J'essaie de voir comment je peux m'y prendre avec les familles, avec les personnes qui souffrent d'une maladie mentale grave et de dépression. Comment puis‑je leur assurer que ce processus est mené avec tout le soin nécessaire?
Docteure Gamache, vous avez dit que les personnes admissibles allaient être des personnes qui ont interagi avec le milieu médical depuis des décennies. Si une personne se présente avec un mal profond, une dépression grave, peut-être une dépendance et des idées suicidaires, mais qu'elle n'a pas eu cette expérience s'étendant sur des décennies avec le milieu médical, sera‑t‑elle quand même admissible?
J'essaie de comprendre cette question de l'iniquité qui plombe le droit à l'aide médicale à mourir ou le droit à un traitement médical approprié.
Docteure Gupta, vous avez dit que le gouvernement fédéral s'était surpassé en s'assurant de tout ce qui était nécessaire. Dans le cadre de mon travail de député, nous demandons sans arrêt au gouvernement fédéral d'intervenir dans le domaine de la santé mentale, mais il ne le fait pas.
Je représente des collectivités rurales du Nord qui sont isolées, où il y a des suicides par balle. Nous avons des personnes souffrant de troubles mentaux graves qui s'enfuient dans les bois, sans que leur famille puisse les retrouver. J'ai du mal à dire que nous sommes prêts à mettre en place une procédure clinique claire pour permettre aux gens de mettre fin à leur vie alors que nous n'avons pas les outils nécessaires pour aider les gens à traverser ces périodes de crise.
Vous êtes sur la ligne de front. Que voyez-vous?
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Je vous remercie. Je ne connais rien à la médecine. J'ai abandonné le secondaire pour jouer dans un groupe punk. Mon expérience de vie consiste à m'occuper de familles en crise. C'est ce que je fais en tant que député. Nous devons constamment faire face à ce genre de situation.
Pour les gens, c'est une question très chargée sur le plan émotionnel. J'ai beaucoup de mal à leur dire de ne pas s'inquiéter, qu'il y aura une procédure pour l'aide médicale à mourir, mais je ne peux pas leur dire qu'il y aura une procédure pour permettre à leur proche de recevoir un traitement.
Qui est admissible et qui ne l'est pas? S'il s'agit d'une dépression aiguë, je connais des personnes qui en souffrent depuis des années. Je connais des personnes qui sont profondément suicidaires depuis des années. Je lis tous les rapports cliniques sur la manière dont ils devraient être traités et évalués. Pour moi, cela ne ressemble pas à la réalité. Idéalement, cela ressemble à la situation d'une personne qui a recherché cela, qui a franchi la porte et qui a pris une décision en connaissance de cause. Nous avons affaire à des personnes qui vivent des tempêtes de ténèbres et de bouleversements, puis qui frappent un mur et emportent leur famille avec eux.
Quelles sont les dispositions qui séparent ceux‑ci de ceux‑là?
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Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à la Dre Gupta et à la Dre Gamache, et j'aimerais obtenir une brève réponse.
L'an passé, une psychiatre a comparu devant notre comité. En parlant de l'admissibilité d'une personne à l'aide médicale à mourir, elle nous avait dit qu'il y avait tellement de critères importants à considérer que, parmi tous les cas qu'elle avait vus en 30 ans de carrière, elle n'avait trouvé que trois personnes pouvant y être admissibles, compte tenu du suivi à long terme, de la chronicité de la maladie, etc.
Que pensez-vous de cette réflexion?
Par ailleurs, j'ai l'impression d'entendre que, si tous les psychiatres n'ont pas la formation nécessaire pour participer à l'aide médicale à mourir, cela signifie qu'on n'est pas prêt. Pourtant, on sait que les médecins de famille et les professionnels de la santé, au nombre qu'ils sont, n'y participent pas tous.
Comment voyez-vous cela, pour ce qui est des psychiatres? On n'a pas besoin qu'ils aient tous cette formation pour dire qu'on est prêt à procéder, n'est-ce pas?
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Je vous remercie de cette question.
Les cliniciens sur le terrain feront appel au travail mené par le groupe d'experts et le groupe de travail pour aider à clarifier comment utiliser ces termes dans la pratique.
Même sans ce travail, je suis persuadée qu'aucun psychiatre, médecin ou infirmière praticienne ne pense que la détresse aiguë est l'équivalent d'un problème de santé grave et irrémédiable. Nous comprenons tous qu'une affection incurable et un stade avancé de déclin irrémédiable doivent impliquer, comme c'est actuellement le cas pour d'autres maladies chroniques dans le deuxième volet, un traitement inefficace depuis longtemps et l'incapacité de fonctionner qui prive le patient d'une qualité de vie adéquate.
Quant à votre question sur les tendances suicidaires, elles font déjà partie de l'évaluation des demandes d'AMM à l'heure actuelle. Lorsque les gens sont en crise, soit on ne fait pas d'évaluations de l'AMM — si c'est ce que la personne demande —, soit on les met en attente pour pouvoir traiter la crise. Ce sera exactement la même chose lorsqu'une personne a comme seule condition médicale un trouble mental.
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Je dirais la même chose.
Posez-vous la même question? Oui? D'accord.
Les tendances suicidaires font partie de notre quotidien, en psychiatrie. Même les gens qui invoquent actuellement des problèmes physiques ou des cancers pour demander l'aide médicale à mourir peuvent avoir des idées suicidaires à certains moments du processus. Il faut alors réévaluer leur cas. Parfois, nous devons les protéger contre ces idées. Nous essayons de comprendre pourquoi ils ont ces idées. Cela fait partie de la demande d'aide.
Comme le dit la Dre Gupta, personne ne recevra l'aide médicale à mourir dans un moment de crise. Le processus est très long. Il faut laisser s'écouler un délai de 90 jours avant d'agir dans la voie 2. Pendant une crise, il n'y a pas de risque à cet égard.
:
Merci, sénatrice Martin.
[Français]
Je remercie tous les témoins de s'être joints à nous, de s'être prêtés à l'exercice de répondre aux questions. Nous savons que c'est souvent trop court, mais ce sont les règles.
Je vous remercie de votre présence.
[Traduction]
Nous allons maintenant brièvement suspendre la séance pour passer à huis clos afin de discuter de travaux du Comité. M. Angus, notre collègue qui participait à la réunion virtuellement, a reçu un lien Zoom pour la partie à huis clos.
Nous nous arrêtons pendant environ cinq minutes.
[Français]
Nous suspendons donc la séance.