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AMAD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir


NUMÉRO 017 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 septembre 2022

[Enregistrement électronique]

(1830)

[Traduction]

    Bonsoir. J'aimerais déclarer la séance ouverte.

[Français]

     Je vous souhaite la bienvenue à la réunion du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.
    Je souhaite donc la bienvenue aux membres du Comité, à notre témoin et aux gens du public qui suivent cette réunion sur le Web.
    Je m'appelle Marc Garneau et je suis le coprésident de la Chambre des communes de ce comité. Je suis accompagné de l'honorable Yonah Martin, la coprésidente du Sénat.

[Traduction]

    Aujourd'hui, nous poursuivons notre examen prévu par la loi des dispositions du Code criminel concernant l'aide médicale à mourir et leur application.
    J'aimerais rappeler aux membres et aux témoins qu'ils doivent garder leur micro en sourdine à moins d'être nommés par l'un des coprésidents. Je vous rappelle que toutes les observations doivent être formulées par l'entremise des coprésidents. Lorsque vous vous exprimez, veuillez parler lentement et clairement. L'interprétation de cette vidéoconférence fonctionnera comme une réunion de comité en personne. Vous pouvez choisir au bas de votre écran le parquet, l'anglais ou le français.
    Sur ce, j'aimerais souhaiter la bienvenue à notre témoin pour cette première partie de la réunion, qui est ici pour discuter de l'aide médicale à mourir, l'AMM, lorsqu'un trouble mental est la seule condition médicale sous-jacente.
    Bienvenue à Mme Jennifer Chandler, professeure en droit à l'Université d'Ottawa.
    Merci de vous joindre à nous.
    Nous allons commencer par votre déclaration liminaire, madame Chandler. Vous disposerez de cinq minutes, puis nous procéderons à la période des questions.
    Nous vous cédons la parole, madame Chandler.
    Dans un premier temps, je remercie le Comité de me recevoir aujourd'hui. C'est un honneur de comparaître devant vous, et j'espère que mes déclarations vous seront utiles dans le cadre de votre étude de cet enjeu difficile.
    Comme M. Garneau l'a mentionné, je suis Jennifer Chandler. Je suis professeure titulaire en droit à l'Université d'Ottawa, où j'enseigne le droit de la santé et me spécialise en droit en matière de santé mentale, en neuroéthique, dans les questions relatives aux interventions chirurgicales au cerveau et dans la loi.
    Je parle à titre personnel, bien entendu, et je ne représente pas l'université ou le groupe consultatif d'experts dont j'étais membre. Je ne représente pas non plus les points de vue du groupe d'experts du Conseil des académies canadiennes, CAC, auquel j'ai également siégé.
    Je me demandais ce que je pourrais dire dans ces remarques liminaires qui seraient utiles à ce groupe à la lumière de ce que les autres témoins qui m'ont précédé vous ont présenté, et ils ont fait un excellent travail pour ce faire. J'ai pensé que peut-être, comme je suis avocate, je parlerais d'un point de vue juridique et j'aborderais la question de la discrimination, parce qu'elle est invoquée comme une question centrale lorsqu'il s'agit de déterminer ce qu'il faut faire au sujet de l'admissibilité des personnes atteintes d'un SPMI, lorsqu'un trouble mental est le seul problème médical invoqué.
    À l'heure actuelle, comme vous le savez, la loi exclut une catégorie particulière de personnes de l'admissibilité, à savoir les personnes qui souffrent uniquement de troubles mentaux. Cette exclusion est définie en fonction d'une catégorie précise d'invalidités.
    Il y a deux arguments, que vous avez entendus, sur la façon dont cela est discriminatoire ou non.
    Selon un point de vue, l'exclusion d'un groupe de personnes est discriminatoire lorsqu'elle est fondée sur un handicap mental, parce qu'elle prive ces personnes d'un avantage ou d'une option qui est disponible pour d'autres, ce qui est injustifié lorsqu'elles remplissent tous les autres critères d'admissibilité que les autres remplissent.
    Selon l'autre point de vue, le fait d'offrir l'aide médicale à mourir aux personnes handicapées, y compris les personnes qui souffrent de déficiences mentales, est discriminatoire, car cela les expose, et seulement elles, les personnes handicapées, à un risque accru de décès en suggérant peut-être que la mort pourrait être une bonne option dans leur cas ou en leur facilitant l'accès à la mort.
    Autrement dit, pour résumer, d'une part, nous avons accès à une option qui est perçue comme étant un avantage, qui est injustement retenu, et d'autre part, nous avons accès à une option, qui est un préjudice, qui est injustement imposé. Comment concilier ces points de vue?
    Je pense que nous pouvons avoir la certitude que les personnes qui défendent ces deux points de vue le font de bonne foi et croient fermement qu'il est juste sur le plan de la discrimination.
    En fait, comme vous l'avez entendu — j'ai regardé les délibérations de vendredi —, les personnes qui ont vécu une expérience ont ces points de vue opposés également.
    Je propose de vous faire part de quelques réflexions d'un point de vue juridique sur la façon dont ces opinions opposées, ce qui est discriminatoire et ce qui est juste ou injuste dans ces circonstances, peuvent être conciliées. Bien entendu, mon point de vue est d'ordre juridique et doit être tempéré par les idées de ceux qui ont une expérience vécue et de ceux qui fournissent des soins, et en reconnaissant que d'autres pourraient ne pas partager ma lecture des cas et mon interprétation de la loi.
    Essentiellement, la Cour suprême du Canada a dû se pencher sur ce problème particulier à maintes reprises dans le passé, à savoir si le traitement différentiel d'un groupe de personnes ayant une invalidité est discriminatoire. Dans ces cas, elle a noté le défi de ce qu'elle a appelé le « dilemme de la différence ». Cela signifie essentiellement que dans certains cas, pour atteindre l'égalité, pour promouvoir la dignité, il est nécessaire de traiter les gens différemment, alors que dans d'autres cas, il est nécessaire de les traiter de la même façon.
    Pour vous donner un exemple concret d'un cas de ségrégation scolaire pour des enfants souffrant de graves handicaps physiques, la cour a déclaré qu'une filière scolaire distincte ou ségréguée pouvait protéger l'égalité ou la violer, selon les besoins, les capacités et les circonstances de l'enfant en question.
    Ce dilemme de la différence signifie qu'il est très difficile d'indiquer le même traitement ou le traitement différentiel pour répondre à la question de savoir ce qui favorise le mieux l'égalité.
    Comment pouvons-nous alors trouver une solution?
(1835)
    Si vous examinez l'éventail de questions dont la Cour suprême a été saisie concernant ce type de problème particulier dans toutes sortes d'affaires, qu'il s'agisse de la scolarisation ou de l'accès à des indemnités pour accidents du travail, pour des blessures physiques ou mentales, je pense que la Cour suprême est assez mal à l'aise avec les attributions générales d'un ensemble précis de besoins, de capacités et de circonstances à un groupe dans son ensemble. Elle est beaucoup plus susceptible d'être à l'aise avec un régime, s'il est possible de le faire, qui prévoit des évaluations individualisées pour vérifier que toute présomption est en fait exacte dans des cas individuels.
    Nous en arrivons à l'exclusion générale de toutes les personnes souffrant de troubles mentaux. Cela semble être problématique. Il s'agit d'un groupe très hétérogène de personnes qui ont des capacités, des circonstances et des besoins très différents. Je pense que la question que vous devez vous poser est la suivante: les critères du Code criminel, ainsi que les mesures recommandées par le groupe consultatif d'experts, offrent-ils un cadre adéquat pour effectuer ce type d'évaluation individualisée en toute sécurité? Je pense que oui. J'étais membre de ce groupe consultatif d'experts, alors, bien sûr, je pense que nous avons proposé quelque chose qui pourrait fonctionner, avec certaines mises en garde que j'aimerais porter à votre attention.
    Cette question du financement adéquat est une garantie essentielle. C'est une question de financement adéquat dans les deux sens. Le financement adéquat des soutiens sociaux est essentiel pour garantir que ceux qui peuvent être aidés, dont la souffrance peut être soulagée, auront la possibilité que cette souffrance soit soulagée. Une société bonne et compatissante s'efforcera de faire de son mieux pour aider ceux qui sont en difficulté. Parallèlement, nous devons souligner qu'il existe des situations où n'importe quel soutien social ne suffira pas pour soulager une souffrance intolérable.
    Par ailleurs, le financement adéquat concerne le type de financement mis à la disposition des évaluateurs et de l'infrastructure mise à leur disposition pour effectuer une évaluation minutieuse et approfondie. Le type d'évaluation multidisciplinaire approfondie requise ici comporte un long processus et de nombreuses personnes participant à la coordination d'une série de soutiens potentiels. Il faudra du temps et des ressources pour le faire correctement.
    Si ces fonds ne sont pas disponibles, je vois un double risque. D'une part, les gens renonceront à fournir des évaluations à des personnes qui souffrent de façon intolérable, car ils n'auront pas l'impression de pouvoir le faire correctement, ou à l'inverse, certains pourraient faire une évaluation précipitée avec un risque dans l'autre sens.
    Je pense qu'il est très important d'examiner et de mettre en place les mesures que nous avons relevées dans notre rapport concernant l'infrastructure, dans la limite de ce qui est raisonnable et possible.
    L'autre mesure de protection...
    Désolé, madame, mais je vous prierais de conclure vos remarques pour que nous puissions passer à la période des questions.
    Certainement.
    J'allais seulement dire que l'autre mesure de protection qui est essentielle est la collecte détaillée de renseignements. Je sais que le règlement sur la production de rapports est en train d'être modifié pour entrer en vigueur en janvier, avec l'ajout d'un éventail d'autres détails qui seront extrêmement importants pour avoir les données sur ce qui se passe, plutôt que de deviner ce qui pourrait se produire.
    Merci.
(1840)
    Je vais maintenant céder la parole à ma coprésidente, la sénatrice Martin.
    Nous allons passer à la première série de questions avec les députés. Pour les cinq premières minutes, M. Barrett va commencer.
    Bonjour, madame, et merci beaucoup de vous joindre à nous.
    Nous sommes limités dans le temps et j'aimerais vous poser quelques questions, si possible. Je vais les lire pour être aussi succinct que possible.
    Premièrement, durant ma lecture du rapport du groupe d'experts, il semble qu'il y ait une contradiction que j'aimerais que vous m'aidiez à résoudre. Je vais paraphraser, mais il fait état que le cadre juridique actuel peut s'appliquer à l'aide médicale à mourir lorsque le trouble mental est la seule condition médicale sous-jacente, sans nouvelles lois ou mesures de protection supplémentaires. Cependant, il dit aussi que le caractère irrémédiable du TM‑SPMI, soit lorsqu'un trouble mental est le seul problème médical invoqué, est difficile, voire impossible, à prédire. Le rapport n'apporte aucune preuve de cette possibilité et ne fournit aucune directive précise sur la manière de le déterminer.
    Pour qu'une personne soit admissible à l'AMM, le caractère irrémédiable doit être déterminé. Comment concilier ce défi? Sans une feuille de route clairement définie pour déterminer que les troubles mentaux d'une personne sont irrémédiables, il semblerait que le trouble mental étant le seul problème médical invoqué ne soit pas compatible avec la loi existante.
    Je dirais deux choses.
    À titre de clarification, l'expression « caractère irrémédiable » n'est pas une expression médicale ou scientifique. C'est une expression juridique qui a été intégrée dans la loi et qui est en fait définie pour ce qui est notamment de l'incurabilité, à savoir les trois sous-parties.
    La question que vous avez soulevée est bonne. Quel degré de certitude devons-nous avoir en ce qui concerne l'avenir pour répondre à ce critère? Je pense qu'il sera impossible d'avoir une certitude absolue. Il sera également impossible d'être certain dans un cas individuel, si l'on devait rassembler des données de groupe, qu'en moyenne un ensemble précis de caractéristiques représente un certain pourcentage de probabilité d'être incurable ou non. Il sera difficile, à partir de ce groupe moyen, d'être certain que cela s'applique à une personne en particulier.
    Il est clair qu'une certitude à cent pour cent ne peut pas être ce que signifie la loi, ni être réalisable dans tous les cas. La question qui se pose est de savoir quel degré de certitude, et à partir de quel type de preuve, nous pensons avoir satisfait aux critères juridiques d'incurabilité, d'impossibilité de soulager, etc.
    Je comprends cela, et merci de cette réponse succincte à une question assez vaste.
    Il convient de noter que le rapport final fait état que l'évolution d'un trouble mental d'une personne n'est pas prévisible comme c'est le cas pour certains types de cancers, par exemple. Je pense que c'est certainement un défi.
    Ma prochaine question porte sur les reportages dans les médias. Je ne suis pas certain si vous êtes au courant, mais cet été, il y a eu des reportages de Radio-Canada à propos d'une femme d'Ottawa qui avait fait une demande d'AMM à trois reprises — deux fois avant l'adoption du projet de loi C‑7 et une fois après que l'admissibilité a été élargie. Cette personne a accusé un refus chaque fois, mais elle a ensuite été mise en contact avec un évaluateur de l'AMM à Toronto, et elle a été approuvée pour l'AMM.
    Cela vous préoccupe-t‑il que différents évaluateurs de l'AMM arrivent à des conclusions différentes en ce qui concerne les conditions acceptables pour l'AMM et que les gens cherchent un évaluateur qui leur donnera la réponse qu'ils veulent plutôt qu'une réponse fondée sur l'intention de la loi?
    J'ai bien peur de ne pas connaître les détails de l'affaire à laquelle vous faites référence, alors je ne suis pas certaine de pouvoir vous donner une réponse parfaitement adaptée.
    Pour répondre à cette question, j'aimerais examiner ce qui pourrait avoir changé entre ces évaluations pour déterminer s'il y avait une justification pour expliquer un résultat différent. Si rien n'avait changé, alors nous devrions peut-être examiner le cas d'une certaine manière. Si de nouveaux éléments de preuve avaient été mis au jour, ce serait également pertinent.
    Je pense que l'une des recommandations que nous avons formulées était que les renseignements connexes et l'existence de demandes antérieures devraient être accessibles aux évaluateurs subséquents afin de les informer et de faire également la lumière sur les évaluations répétées afin que cela puisse être déterminé, évalué.
(1845)
    Je pense que mon temps de parole est écoulé pour la première série de questions. Merci beaucoup.
    Le prochain intervenant est M. Maloney, pour cinq minutes.
    Merci, madame la coprésidente.
    Madame Chandler, merci de vous joindre à nous ce soir. Je vais poser des questions très semblables à celles que M. Barrett vient de vous poser.
    Vous parlez de discrimination. Si vous excluez quelqu'un seulement en fonction de sa condition, c'est de la discrimination. Il faut déterminer si cette discrimination est justifiée ou non. Je vais vous faire une déclaration, et vous pouvez me dire si vous l'approuvez ou non.
    Si le fondement de la discrimination de ne pas inclure les personnes qui souffrent de troubles mentaux est que le risque est suffisamment élevé que le processus pourrait être erroné, ce serait peut-être un fondement justifié pour les exclure. Est‑ce une observation juste?
    Je pense que oui, sauf que j'aurais du mal à dire que c'est seulement pour les troubles mentaux. C'est que les personnes souffrant de troubles mentaux sont déjà incluses si elles ont une invalidité physique, par exemple.
    J'allais arriver à cela, oui.
    Il est donc difficile de considérer le risque d'erreur comme étant déraisonnablement élevé dans un contexte, mais pas dans l'autre. Il faudrait expliquer cette différence.
    Exact. J'allais y venir dans un moment, alors je vais en parler maintenant.
    Si un patient est atteint d'un cancer en phase terminale, en vertu de la loi sous sa forme actuelle, du projet de loi C‑14 et du projet de loi C‑7, cette personne serait admissible à l'AMM uniquement sur la base du diagnostic de cancer, mais si elle n'est pas exclue parce qu'elle souffre aussi d'un problème de santé mentale. C'est la loi actuelle, n'est‑ce pas?
    Oui.
    Bien. Donc, la question dans ce scénario est de savoir si l'état mental pousse la personne à prendre cette décision, peut-être plus que si elle ne souffrait pas d'un problème de santé mentale. Est‑ce exact?
    À ma connaissance, les tribunaux ont déclaré que cette évaluation de la souffrance a été effectuée en tenant compte de toutes les circonstances et ne doit pas être liée à un problème de santé précis dont souffre la personne.
    Dans l'état actuel de la loi, si la condition est un trouble mental, la personne ne serait pas du tout admissible. Je dis que dans la loi dans sa forme actuelle, ce n'est pas un obstacle par opposition au fait d'octroyer l'accès au processus.
    Permettez-moi de revenir sur ce que vous avez dit. Vous avez fait référence à quelques affaires entendues par la Cour suprême du Canada portant sur de la discrimination dans des situations où des écoles ou l'accès à des prestations sont en cause. C'est nettement différent du concept de mettre fin à la vie d'une personne, je dirais, alors je ne suis pas certain si ce sont des cas... On ne compare pas des pommes avec des pommes, pour ainsi dire.
    Nous nous retrouvons dans une situation où, comme vous l'avez dit, « irrémédiable » est un terme juridique et non pas un terme médical. Ce dont nous parlons, c'est de savoir si un trouble mental est permanent et ne peut être guéri, ce qui permettrait à une personne de bénéficier de l'AMM. C'est essentiellement ce dont nous parlons.
    Pour ce faire, vous devez avoir certaines mesures de protection intégrées au système, alors vous devez avoir l'assurance que les médecins qui évaluent une personne souffrant d'un trouble mental sont aptes à faire cette évaluation au même titre que les médecins qui traitent avec une personne atteinte d'un cancer, pour utiliser l'exemple auquel j'ai fait référence plus tôt.
    Êtes-vous convaincu, en vous appuyant sur votre expérience au sein du groupe d'experts et d'autres expériences, qu'il y a suffisamment de mesures de protection en place pour que le système fonctionne avec des personnes souffrant uniquement de troubles mentaux?
    Oui, je pense bien. Je voudrais toutefois dire que, selon moi, nous ne devrions peut-être pas comparer les cas de SPMI avec les cas de cancer. Nous devrions comparer plutôt les cas de handicap physique du deuxième volet avec les cas de SPMI du deuxième volet. Dans ces deux cas, il y a souvent des incertitudes quant à savoir si une personne aura des souffrances qui seront atténuées par le pronostic et tout le reste.
    Pour moi, la question serait de savoir si nous pouvons séparer le traitement des troubles mentaux et laisser en place les cas de handicap physique du deuxième volet. C'est un point à justifier. Par ailleurs, toujours s'agissant de la comparaison entre les cas de cancer et les cas de SPMI, comme vous l'avez souligné, il existe déjà des cas de personnes souffrant de troubles mentaux qui ont un cancer et qui demandent l'aide médicale à mourir. Nous devons évaluer la capacité dans ce contexte. On présume donc qu'il est possible d'évaluer la capacité dans les deux types de situations, et les médecins ont de l'expérience pour ce qui est d'évaluer la capacité dans les cas où un trouble mental est le seul problème médical invoqué, tout comme d'autres décisions à haut risque mettant en cause un refus...
(1850)
    Je n'ai plus de temps, mais la différence devient manifeste quand il y a un autre problème de santé. On évalue la capacité. S'il s'agit du seul problème de santé invoqué, on évalue non seulement la capacité, mais aussi la nature permanente du trouble. C'est donc un peu différent. Est‑ce juste?
    Merci, monsieur Maloney.
    Nous passons maintenant à M. Thériault, qui dispose de cinq minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Soyez la bienvenue, madame Chandler.
    Vous avez participé au rapport des experts. J'ai suivi votre exposé établissant les principes quant à la question de la discrimination, et je les comprends très bien.
    Est-ce que je me trompe si je dis que les recommandations ont été conçues de manière à devenir la façon de faire pour que le processus soit moralement et éthiquement acceptable dans l'éventualité où l'on ne questionnerait pas l'admissibilité à l'aide médicale à mourir? Ce sont donc des lignes directrices, finalement.
    Ai-je raison de dire que les recommandations sont conçues comme des lignes directrices?
    Je comprends parfaitement le français, mais je vais répondre en anglais si vous me le permettez.

[Traduction]

    Oui, je crois que nous étions d'avis qu'il serait bon d'adopter ces recommandations afin d'assurer une mise en oeuvre prudente de l'aide médicale à mourir lorsqu'un trouble mental est le seul problème de santé invoqué. Une des questions est de savoir quel organisme dans un État fédéral est le mieux placé pour instaurer ce genre de choses. Faut‑il le faire dans le cadre du Code criminel, par voie réglementaire, au moyen de mesures législatives provinciales ou, en fait, par l'entremise d'organismes professionnels ou d'organismes de réglementation de la profession médicale? Je pense toutefois que nous avions prévu que la structure elle-même mettrait en place...

[Français]

     Ainsi, les recommandations ne se retrouveront pas nécessairement dans le Code criminel. Il pourrait tout simplement y avoir une disposition de temporisation qui permette à des gens dont le seul problème médical invoqué pour obtenir l'aide médicale à mourir consiste en de troubles mentaux. Il reviendra ensuite aux praticiens qui procèdent aux évaluations d'appliquer, en fin de compte, ces recommandations dans le cadre de leur évaluation.
    Par exemple, je comprends que toute personne suicidaire en état de crise n'aura jamais accès à l'aide médicale à mourir, tant qu'elle sera dans un tel état. Cela frappe beaucoup l'imaginaire collectif. Souvent, les gens se demandent si l'on va finir par donner accès à l'aide médicale à mourir à des jeunes dépressifs. Or ce n'est pas le cas.
    Autrement dit, quand on tient compte de l'ensemble du rapport, on s'aperçoit que, avant de déterminer qu'un patient souffrant de troubles mentaux respecte les critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir, il faut établir que ses troubles sont chroniques et qu'il a suivi un certain nombre de thérapies et de soins thérapeutiques et même pris des médicaments pendant une longue période, peut-être même une décennie.
    Il y a donc une foule de gens qui pourraient présenter une demande d'aide médicale à mourir qui finira par leur être refusée.

[Traduction]

    Je pense que vous avez tout à fait raison.
    Nous en avons longuement discuté. Pourrions-nous tenir compte d'un certain nombre de traitements ou d'un certain nombre d'années d'expérience? Nous nous sommes aperçus que les évaluations devaient se faire au cas par cas, étant donné l'hétérogénéité des cas. Mais vous avez tout à fait raison de dire qu'il n'est pas possible d'établir l'incurabilité ou le caractère irrémédiable et que la souffrance ne peut être soulagée sans que la personne ait essayé un certain nombre de traitements. C'est ce que dit le groupe d'experts: dans le cas d'une personne qui est en crise, qui est au tout début de son expérience et qui n'a pas reçu de traitements, il ne sera pas possible d'établir qu'elle répond aux critères d'admissibilité.
(1855)

[Français]

    Certains psychiatres ont prétendu qu'il y avait un traitement pour tout, un traitement pour soulager la souffrance dans n'importe quel état psychiatrique.
    Cela ne procède-t-il pas d'un certain acharnement thérapeutique?
    Excusez-moi, mais je ne connais pas le mot « acharnement ».
    Est-ce que quelqu'un pourrait traduire le mot « acharnement »?
    J'ai compris tout le reste, mais pas le mot « archarnement ».

[Traduction]

    On est un peu obsédé par l'idée de poursuivre les thérapies.
    Je vois. Merci.
     Je n'ai pas de formation en psychiatrie, alors j'hésite à formuler des critiques sans une telle expertise. Cependant, en tant qu'observatrice de l'extérieur, je crois que l'espoir et le dévouement à la guérison des patients font souvent partie du concept de soi psychiatrique. Oui, je pense qu'il est important de croire que tout est possible, mais il y a des gens qui ont subi énormément de traitements et qui continuent à souffrir de façon intolérable. Par conséquent, la notion de maladie réfractaire et intraitable existe et, après un certain temps, d'après ce que j'ai entendu, il devient plus raisonnable de prévoir que cela pourrait se poursuivre.
    C'est maintenant au tour de M. MacGregor. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la coprésidente.
    Madame Chandler, j'aimerais profiter de l'occasion pour vous remercier de comparaître devant notre comité.
    Ma question porte sur les traitements et la capacité d'une personne à les accepter. Le Code criminel fait mention de problèmes de santé intolérables, de souffrances qui ne peuvent être apaisées dans des conditions jugées acceptables. Je me demandais si vous pouviez nous en dire plus à ce sujet ou simplement nous expliquer la loi en vigueur et la façon de l'interpréter.
    Il s'agit ici d'hypothèses. Qu'arriverait‑il si un médecin était au courant d'un traitement susceptible d'être bénéfique pour un patient atteint d'un trouble mental et qu'il savait que ce patient avait demandé l'aide médicale à mourir? Comment la loi résout-elle cette question épineuse lorsqu'un patient estime peut-être qu'un traitement est inacceptable et qu'il fait une demande d'aide médicale à mourir?
    À mon avis, ce sont là quelques-unes des hypothèses et questions épineuses qui ont donné du fil à retordre à bien des membres du Comité et même à certains de nos témoins. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
     Oui. Le nœud du problème est de savoir si la souffrance peut être atténuée. Trois critères entreront en ligne de compte pour un tel pronostic à l'avenir: l'incurabilité, la présence d'un déclin irréversible et l'allègement de la souffrance dans des conditions acceptables pour la personne.
    Les deux premiers critères ne font pas allusion à la présence de conditions acceptables pour la personne, mais le troisième le fait. La question qui se pose alors est la suivante: si un clinicien est au courant d'un traitement qui, selon lui, serait utile et qui, tout bien considéré, n'est pas déraisonnable sur le plan du fardeau par rapport aux avantages possibles, entre autres, mais que le patient refuse, que se passera‑t‑il alors?
    Voici comment notre groupe d'experts a tenté d'aborder cette question. L'évaluateur et le demandeur devraient parvenir à une compréhension commune. Le demandeur aurait le droit de refuser tout traitement qu'il ne veut pas recevoir, mais en pareilles circonstances, lorsqu'il existe un traitement raisonnable qui, de l'avis du clinicien, pourrait aider le patient, il serait peut-être impossible pour le clinicien d'arriver à la conclusion que la maladie est incurable ou irréversible.
    C'est un point délicat. Vous m'avez demandé comment cela serait interprété dans la loi. Nous avons des propositions sur la façon dont cette loi devrait être interprétée. Selon nous, dans de telles circonstances, le demandeur ne pourra peut-être pas conclure que la maladie est incurable, s'il existe un traitement raisonnable qui n'a pas encore été essayé.
(1900)
    Je comprends. Merci beaucoup.
    Voici ma dernière question. Nous avons le rapport final du groupe d'experts sur l'aide médicale à mourir lorsqu'un trouble mental est le seul problème médical invoqué. Notre comité parlementaire mixte n'a pas encore terminé son travail. Ce sujet est l'un des cinq grands thèmes qui nous ont été confiés à la fois par le Sénat et la Chambre des communes.
    Dans ce contexte, d'après votre expérience et compte tenu de l'expertise indiscutable que vous avez, quelles recommandations aimeriez-vous voir en définitive dans le rapport que notre comité remettra au gouvernement fédéral? Quels sont, selon vous, les aspects que les parlementaires doivent encore aborder sous ce thème en particulier?
    Vous avez dit que le financement de la santé mentale risque d'être insuffisant. Je suis d'accord avec vous, comme beaucoup d'autres.
    Si vous pouviez nous en dire plus à ce sujet, ce serait bien utile.
    Certainement.
    En ce qui concerne le financement et les ressources en général, je dirais que le financement de mesures de soutien social est de grande importance.
    Je pense aussi qu'il serait très utile de tenir compte de nos recommandations sur l'évaluation préalable et postérieure des dossiers. C'est une balise importante que d'autres régions ont déjà mise en place. Cela permet d'assurer la transparence et de promouvoir la confiance de la population. C'est très important. Bien entendu, il faut aussi y consacrer des ressources.
    Les ressources doivent être en place pour que les évaluateurs puissent bien faire leur travail à cet égard et disposer du temps et de l'espace nécessaires pour s'acquitter de cette tâche comme il se doit.
    Les recommandations en matière de reddition de comptes que nous avons formulées dans le rapport sont également essentielles. Il faudra trouver un équilibre délicat entre la protection de la vie privée des personnes concernées, le niveau de détail de l'information recueillie et la quantité de données qui doivent être rendues accessibles. À mon avis, ces renseignements doivent être accessibles pour favoriser la transparence et la confiance de la population, mais il faut les caviarder autant que possible pour protéger la vie privée des personnes concernées. C'est essentiel.
    Merci, madame Chandler.
    Voilà qui met fin à cette série d'interventions.
    Je cède donc la parole à la coprésidente afin de permettre aux sénateurs de poser leurs questions.
    Merci.

[Français]

     Je vous remercie, madame la sénatrice Martin.
    Nous allons passer aux questions des sénateurs, en commençant par la sénatrice Mégie.
    Vous avez trois minutes, madame Mégie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie, madame Chandler, d'être parmi nous.
    Ma question se rapporte aux droits constitutionnels essentiels des personnes dont le problème médical est seulement d'ordre mental. Quels sont les droits concernés si on leur interdit l'accès à l'aide médicale à mourir?

[Traduction]

    Si je ne m'abuse, les droits qui ont été invoqués jusqu'ici sont l'article 7, soit le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, ainsi que l'article 15, soit le droit à l'égalité. Je crois que ces deux droits seraient en cause si des personnes étaient exclues. L'article 15 concerne la discrimination fondée sur une déficience.

[Français]

     Supposons que nos démarches aboutissent à une interdiction, sera-t-il possible de justifier cette restriction?

[Traduction]

    Oui. Compte tenu du libellé de la Charte, cela peut effectivement porter atteinte à un droit, mais ces violations peuvent être justifiées aux termes de l'article 1 de la Charte. Un droit peut être restreint dans des limites « raisonnables [...] dans le cadre d'une société libre et démocratique », selon le libellé de l'article 1.
    Je peux penser à une justification possible, à savoir que c'est simplement... Nous n'avons pas de données à l'appui, et c'est pourquoi il est si important d'en recueillir. Cependant, on pourrait faire valoir qu'il n'est pas possible d'effectuer, en toute sécurité, les évaluations requises pour faire la distinction entre, par exemple, ceux qui répondent aux critères et ceux qui n'y répondent pas. Cela pourrait constituer une justification.
    Je ne pense pas que nous ayons les preuves à l'appui de cet argument à ce stade‑ci. Tout laisse supposer que c'est bien le cas, mais nous n'avons pas... Beaucoup de gens affirment être en mesure d'effectuer des évaluations de la capacité parce qu'ils en font déjà dans des contextes de troubles mentaux ayant des conséquences graves, c'est‑à‑dire lorsque le refus de recevoir les traitements nécessaires peut avoir des conséquences fatales.
    Nous n'excluons pas les personnes vulnérables et marginalisées de la prise de décisions qui pourraient entraîner des conséquences fatales. Il devient donc très difficile de justifier l'exclusion dans ce contexte, alors qu'elle est tolérée dans toute une gamme d'autres contextes.
(1905)

[Français]

    Je vous remercie, madame Chandler.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, sénatrice Mégie.
    Nous poursuivons maintenant avec le sénateur Kutcher.
    Monsieur le sénateur, vous disposez de trois minutes.

[Traduction]

    Je crois que la sénatrice Mégie a proposé de me céder la minute qui lui restait.
    Est‑ce que cela vous convient, monsieur le président?
    Non, vous avez trois minutes. Nous avons clarifié les règles.
    D'accord.
    Dans un court mémoire présenté au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles en février 2021, Sheppard et Jones, de l'Université McGill, ont abordé la question de l'accès à l'aide médicale à mourir. En voici un extrait:
En excluant explicitement les personnes atteintes de maladies mentales, le projet de loi porte également atteinte à l’égalité véritable, en renforçant et en perpétuant les stéréotypes au sujet des personnes atteintes de maladies mentales et [par conséquent] en pénalisant ces personnes.
     J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette déclaration en ce qui a trait aux droits garantis par la Charte.
    Dans un autre ordre d'idées, nous avons parlé de la possibilité qu'une personne dont le problème médical est seulement d'ordre mental refuse des traitements qu'elle juge inacceptables. Cela arrive‑t‑il aussi dans le contexte d'autres problèmes de santé? Par exemple, en ce qui concerne les traitements contre le cancer ou la douleur, certains diront: « Non, j'ai reçu tous ces traitements, et il y a peut-être un autre traitement possible. Qui sait, cela pourrait fonctionner ou ne pas fonctionner. Si c'est un traitement expérimental, alors je n'en veux tout simplement pas. » Les patients atteints de cancer peuvent refuser un tel traitement.
     J'aimerais que vous nous expliquiez ce qui se passe dans un tel contexte.
     Je vais d'abord répondre à votre deuxième question. Je pense qu'il est tout à fait juste de dire qu'un patient atteint de cancer peut décider de ne plus continuer à recevoir un traitement. Une personne sous dialyse a le droit de dire qu'elle en a assez, y compris si elle souffre de troubles mentaux.
    D'après ce que disent mes collègues psychiatres, si quelqu'un refuse un traitement qui présente un très bon profil sur le plan des avantages et des risques possibles, il faudra effectuer un examen approfondi pour s'assurer que la décision est prise en toute connaissance de cause, etc. Il n'en demeure pas moins qu'une personne peut refuser un traitement.
    Cela se fait donc dans le domaine de la médecine. Ce n'est pas une situation propre aux cas psychiatriques.
    Exactement.
     Puis‑je vous demander de répéter votre première question?
    Il s'agissait de savoir si cette déclaration sur l'égalité véritable perpétue les stéréotypes et pénalise les personnes atteintes de maladies mentales.
    Oui. C'est certainement un point de vue que je partagerais, moi aussi. Si l'on exclut des personnes uniquement en fonction d'un certain type de handicap, on doit se demander pourquoi. Il faut, d'une certaine manière, avoir des raisons de croire que, même si la personne est apte, elle a peut-être une capacité réduite. Par conséquent, cela insinue un amoindrissement possible de sa capacité d'évaluer sa propre situation et ses options, alors que ce ne serait pas le cas pour une personne ayant un autre type de handicap.
    Cela risque d'encourager la stigmatisation des personnes souffrant de troubles mentaux et la remise en question de l'authenticité, du poids et de la crédibilité de leurs opinions par rapport à celles d'autres personnes.
    Dans cette optique particulière, serait‑il possible qu'un médecin ou un psychiatre stigmatise, peut-être par inadvertance, une personne qui est en pleine possession de ses moyens et qui peut prendre une décision relative à l'aide médicale à mourir en lui disant qu'elle n'est pas apte ou qu'elle ne peut pas être traitée comme tous les autres Canadiens?
    C'est possible, oui.
    Merci, sénateur Kutcher.

[Français]

     Sénateur Dalphond, vous avez la parole pour trois minutes.
    Madame Chandler, vous êtes une spécialiste non seulement du droit, mais aussi des questions éthiques et politiques. Ma question porte sur l'encadrement, parce qu'il y a certaines inquiétudes à cet égard. Par exemple, on a peur que les normes ne soient pas appliquées de la même façon d'une région à l'autre ou d'une province à l'autre.
    Croyez-vous que cela demande que nous adoptions plus de réglementations, puisque le rapport ne vise pas à apporter des amendements au Code criminel? Si oui, cela sera-t-il fait par les provinces, par le fédéral ou par les ordres professionnels?
    Sans tout réglementer, que faut-il laisser à l'éthique?
(1910)

[Traduction]

    C'est une question difficile, mais cruciale.
    L'hon. Pierre Dalphond: Vous êtes une spécialiste, toutefois.
    Mme Jennifer Chandler: Je pense qu'il s'agit d'une question suffisamment nouvelle au Canada et qui suscite suffisamment de préoccupations au sein de la population pour qu'il soit important de tenter d'harmoniser le plus possible le processus et les mesures de sauvegarde à l'échelle du pays. Dans un État fédéral, ce n'est pas chose facile. Je relisais encore une fois ce qu'on avait dit au sujet de l'interprétation de ces termes juridiques dans le Code criminel, en me demandant s'il serait possible d'ajouter quelque chose dans le code sur leur interprétation. Beaucoup de termes juridiques ont des définitions. Pourrait‑on essayer de définir certains de ces termes plus clairement dans le Code criminel? Ce serait utile, mais terriblement difficile à faire, en particulier au sujet des nuances que nous avons tenté d'expliquer sur le sens des mots « incurable », « irréversible », etc. Je ne pense pas que ce soit facile, mais cela reste une possibilité.
     Outre cela, je ne pense pas qu'il soit possible d'ajouter beaucoup de choses dans les règlements, car les pouvoirs relatifs à la surveillance sont délégués dans le code. En élargissant la délégation, on pourrait sans doute ajouter plus de détails dans les règlements pris en vertu du Code criminel. C'est une autre possibilité, mais bien sûr, on se heurte alors au problème de voir le gouvernement fédéral commencer à s'immiscer dans ce qui ressemble de trop près aux soins de santé. Bon nombre des meilleurs constitutionnalistes au pays travaillent pour le gouvernement et peuvent vous conseiller sur sa marge de manœuvre.
    Quelles sont les autres solutions? Si on laisse cela aux provinces, elles peuvent manquer de cohérence. Elles peuvent opter pour diverses approches. Je pense qu'on pourrait accomplir beaucoup en demandant aux associations professionnelles, par exemple, des psychiatres, des fournisseurs d'aide médicale à mourir de promulguer des lignes directrices, car elles ont un effet régulateur très important. Même s'il ne s'agit pas de lois, ceux qui ne respectent pas ce qui équivaut clairement à la norme de soins s'exposent à commettre une faute professionnelle, etc.
    Il existe diverses façons d'imposer la loi sans que cela soit inscrit dans le Code criminel. La question qu'il faut se poser est la suivante: est‑ce possible de mettre en œuvre tous ces éléments pour qu'ils s'appliquent à l'échelle nationale? Je pense que l'ACEPA, l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM, et d'autres s'y emploient activement en ce moment. Il s'agit là d'une autre façon d'en arriver à la protection nationale qu'il serait souhaitable d'avoir ici.
    Je vous remercie.

[Français]

    J'aimerais avoir une précision, monsieur le président.
    La témoin pourrait-elle nous envoyer la référence au règlement qui vient d'être amendé et qui entrerait en vigueur en janvier?

[Traduction]

    Vous avez mentionné...
    Oui. Je n'ai pas de copie avec moi, mais en vous rendant sur le site Web de Santé Canada, vous pourrez voir que le règlement adopté en 2018 au sujet des exigences de rapport prévoit ce qui doit être déclaré. Il est mentionné qu'un nouveau sera publié sous peu à la suite des modifications apportées à la loi en 2021. C'est une discussion que nous avions eue au comité au sujet des autres éléments qui devraient y être intégrés.
    Je ne veux pas vous interrompre, mais l'analyste fera parvenir l'information à tous les membres du Comité. Elle y a accès. Je vous remercie.
    Nous passons à la sénatrice Martin pendant trois minutes.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie d'être avec nous.
    Vous avez mentionné que le fait de disposer d'un financement suffisant est une mesure de sauvegarde nécessaire pour l’AMM TM‑SPMI et pour à la fois les soutiens sociaux et les évaluateurs. À titre de précision, cela veut‑il dire que l'aide médicale à mourir ne devrait pas être offerte à une personne qui n'a pu avoir accès à un traitement en raison d'un manque de financement?
     Je pose la question parce que les membres du Comité ont entendu dire que des gens sont sur des listes d'attente depuis cinq ans pour obtenir un traitement spécialisé. Le financement est donc un enjeu clé, mais que fait‑on alors? En quoi le financement constitue‑t‑il une mesure de sauvegarde, et faut‑il modifier la loi pour pouvoir offrir l'aide médicale à mourir aux personnes qui attendent un traitement? Il y a beaucoup de questions complexes.
    Je ferais la distinction entre l'accès au traitement et l'accès aux soutiens sociaux — l'aide au logement, le soutien au revenu, etc. —, car si une personne n'a pas déjà subi un traitement poussé, et a donc nécessairement déjà eu accès à beaucoup de choix de traitement, il ne sera pas possible de conclure que sa maladie est incurable, son état de déclin irréversible, etc. C'est l'attente d'un traitement qui empêche les gens d'avoir accès à l'aide médicale à mourir, car ils n'ont pas les antécédents de traitement nécessaires pour prouver que cela n'a pas fonctionné.
     Mon commentaire à propos du financement ciblait principalement le deuxième volet qui concerne l'exploration des aides communautaires disponibles. Nous avons recommandé, au sujet des soutiens communautaires, que le libellé de la loi soit interprété de façon à comprendre notamment le logement, le soutien au revenu, etc. Je parlais des éléments de ce genre afin qu'on veille à ce que des mesures raisonnables soient prises, en sachant que, dans certains cas, cela pourrait contribuer à alléger les souffrances, et que dans d'autres, ce ne sera pas le cas.
(1915)
    Au sujet du financement pour les évaluateurs, craignez-vous que les difficultés entourant la maladie mentale uniquement puissent entraîner des incohérences et même faire en sorte que l'aide médicale à mourir soit mal appliquée, selon l'évaluateur? Comment peut‑on s'assurer qu'il n'y ait pas d'incohérences, d'un cas à l'autre?
    Je m'attends à ce que les praticiens dans ce domaine soient peu nombreux, qu'ils se parlent, comparent leurs expériences et élaborent des pratiques exemplaires. C'est assurément le genre de choses que nous avons recommandé pour assurer le développement professionnel de toutes les personnes travaillant dans ce domaine.
    En un sens, la perspective qu'il n'y ait qu'un petit nombre de personnes qui travaillent dans le domaine présente un inconvénient, celui de l'accès. Il pourrait être très difficile pour une personne dans ce contexte d'obtenir une évaluation, mais cela veut aussi dire qu'un petit groupe de professionnels pourront se perfectionner, comparer leurs expériences, et ce faisant, remédier aux craintes concernant les incohérences.
    Vous avez dit qu'il faudra du temps pour que ce soit accessible, alors je m'inquiète au sujet de l'échéance de mars 2023 qui approche. Avez-vous des inquiétudes à ce sujet? Nous vivons dans un vaste pays.
    L'échéance approche à grands pas, en effet.
    Je vais revenir aux commentaires que j'ai entendus des praticiens dans le domaine. Ils font déjà des évaluations dans le contexte du deuxième volet, et les nombreux éléments dont nous discutons ici font partie de toutes les évaluations dans ce volet. Ils élaborent des procédures depuis un certain nombre de mois, et ils évaluent déjà les capacités en situation de maladie mentale, et pas seulement pour le deuxième volet, mais aussi pour le premier.
    On ne part pas de zéro, pour ainsi dire. On a déjà une certaine expérience.
     Je vous remercie, madame Chandler.
    Je vais céder la parole à nouveau à la coprésidente.
    Nous allons avoir une deuxième série de questions. Nous revenons à M. Barrett qui a la parole pendant trois minutes.
    Je vous remercie beaucoup, madame la coprésidente.
    Madame Chandler, vous avez mentionné lors de notre première série de questions express avoir recommandé une mesure de sauvegarde s'appliquant à la collecte et l'échange de données entre les cliniciens et les évaluateurs. Pourquoi est‑ce important?
    Je suis désolée. Vous parliez de l'échange de données entre...
    Vous avez mentionné que l'une de vos recommandations était que, dans le cas où une personne s'adresserait ailleurs après avoir obtenu un refus, on exigerait que l'information soit communiquée aux évaluateurs.
    Je pense que les demandes d'aide médicale à mourir antérieures d'une personne pourraient se révéler pertinentes lors d'une demande subséquente. Les raisons d'un refus pourraient être pertinentes lors d'une évaluation subséquente. Ce n'est pas toujours évident. Une personne pourrait avoir appliqué les critères de façon trop rigide et avoir refusé une personne qui aurait dû être admissible. Cela peut aller dans les deux sens, mais je pense que c'est un élément du contexte global, et il serait utile pour un évaluateur de prendre connaissance des éléments pris en considération par l'évaluateur précédent. Un des...
    Je suis désolé, poursuivez, s'il vous plaît, mais ce n'est pas en place à l'heure actuelle. Est‑ce exact?
    Je pense que la façon de tenir les dossiers médicaux et de communiquer l'information varie en fonction des provinces et des lois en place sur la protection des renseignements personnels médicaux, qui relèvent des provinces. On pourrait y définir les cercles de soins de manière précise, alors je ne pense pas pouvoir me prononcer pour l'ensemble du Canada. Nous avons dit qu'un évaluateur devrait avoir le droit d'explorer, avec le demandeur, une variété de renseignements collatéraux, comme parler avec des membres de la famille, s'il a une raison légitime de penser que ce serait pertinent et utile, et aussi de parler avec les équipes de traitement précédentes.
    La personne peut refuser, mais l'évaluateur devrait pouvoir le demander. S'il croit ne pas avoir accès à des renseignements pertinents pour son évaluation, il peut se voir dans l'impossibilité de conclure à une admissibilité.
(1920)
    Au comité permanent de la santé, nous avons mené une étude sur le régime de soins de santé au Canada.
    Vous avez dit que cela dépend si l'information est communiquée, suivant ce qui se passe dans chaque province.
    Selon ce que nous ont dit des professionnels de la santé partout au Canada, l'information est communiquée de façon médiocre, à divers degrés de médiocre, dans chaque province. Des pratiques exemplaires pourraient être utilisées, mais il n'existe pas de système pancanadien d'échange d'information, et il n'existe pas de système de cette nature même au sein des régions.
    Je vous remercie.
    Monsieur Arseneault, vous avez trois minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Bienvenue, madame Chandler. Je vous remercie de vos réponses. Vous pourrez me répondre dans votre langue maternelle, ce n'est pas un problème.
    Le rapport de mai 2022 du Groupe d'experts sur l'aide médicale à mourir et la maladie mentale conclut qu'on peut satisfaire à chacune des 19 recommandations sans qu'on ajoute de nouvelles mesures de sauvegarde législatives au Code criminel, même dans le cas d'une demande d'aide médicale à mourir pour des patients souffrant de troubles mentaux uniquement.
    Êtes-vous d'accord sur cette prétention?

[Traduction]

    Oui, je le pense, dans la mesure où les différentes mesures de sauvegarde que nous avons recommandées sont mises en place au niveau où elles peuvent l'être.
     Je vous remercie.

[Français]

    Je vais demeurer dans le domaine juridique, puisque c'est votre expertise.
    Avez-vous eu la chance d'analyser et de comparer ce qui se passe aux Pays‑Bas, en Belgique et au Luxembourg, par exemple? Ces pays ont-ils des mesures de sauvegarde que nous n'avons pas pour les personnes souffrant uniquement de troubles mentaux? Est-il possible d'établir des comparaisons?

[Traduction]

    Nous avons examiné ce qui se passe dans les autres pays. Cela me ramène au rapport du Conseil des académies médicales de 2018, lorsque nous avons examiné la question en profondeur. Nous avons examiné cela dans ce rapport également.
    Je pense que nous avons emprunté quelques concepts à ces pays, notamment l'idée de ne pas se limiter à la capacité. Cela suppose qu'il faut aller au‑delà de la capacité pour s'appuyer sur quelque chose de suffisamment stable et qui ne fluctue pas trop avec le temps. C'est un exemple.
    Nous avons proposé que l'idée de « caractère réfléchi » devrait vouloir dire que la personne ne devrait pas pouvoir répondre simplement « Oui, je comprends l'information ». Elle devrait être véritablement ouverte à la possibilité qu'un traitement puisse véritablement l'aider.
    C'est le genre d'idées que nous avons retenues de l'examen que nous avons fait de ce qui se passait dans les autres pays.
    De plus, les Pays-Bas, je crois, ont un comité qui examine les cas ex post, les analyse et soumet des rapports et des recommandations de pratique. C'est un élément que nous jugeons utile et que nous pourrions adopter ici.

[Français]

    Restons dans le domaine juridique.
    Selon la recommandation 12 du rapport final, il se pourrait que l'équipe d'évaluation du patient demande qu'on pousse la question plus loin, qu'on aille chercher de l'information supplémentaire, ou même qu'on effectue des vérifications auprès des membres de sa famille, par exemple.
    Cette recommandation semble suggérer qu'on pourrait même refuser un traitement à un patient qui n'accepterait pas qu'on fouille plus loin dans son dossier. Selon vous, y a-t-il une limite à ne pas franchir pour conserver la confidentialité du patient, dans le cas d'une demande d'aide médicale à mourir pour une personne souffrant de troubles mentaux seulement? Quels sont vos commentaires sur cette limite?

[Traduction]

    Le temps est écoulé, mais vous pouvez répondre brièvement.
    Oui, je pense qu'il existe des cas où il ne serait pas approprié de fouiller dans le dossier d'une personne. Cela peut s'avérer dangereux. Il se pourrait que les relations soient difficiles avec des membres de la famille et que cela place la personne en danger. Je pense qu'il existe assurément des cas où une certaine limite ne doit pas être franchie.
(1925)
    Je vous remercie.
    Nous allons avoir une autre série de questions express.
    Ce sera d'abord M. MacGregor pendant deux minutes, suivi de M. Thériault.
    Madame la coprésidente, je crois que le Bloc devrait passer avant moi.
    On indique que vous êtes le premier. Je pense que l'ordre a été modifié pour la deuxième série, alors vous pouvez commencer pendant deux minutes, puis M. Thériault disposera aussi de deux minutes.
    Très bien. Je vais faire vite.
    Madame Chandler, je pense que nous avons atteint le point où la plupart des bonnes questions ont été posées et ont trouvé réponse.
    Je vais simplement en profiter pour vous remercier d'être venue témoigner et vous inviter à nous en dire plus sur un sujet pour lequel vous avez manqué de temps.
    Laissez-moi réfléchir. J'en avais quelques-uns, mais je les ai maintenant oubliés.
    Au lieu d'utiliser votre temps, je vais essayer de me les rappeler et vous revenir dans un instant. Je n'arrive pas à me les rappeler en ce moment. Je suis désolée.
    Monsieur MacGregor, aimeriez-vous que M. Thériault en profite pour poser ses questions?
    Je suis d'accord, madame la présidente. Vous pouvez passer à M. Thériault, et peut-être qu'ensuite...

[Français]

    Merci.
    Tout à l'heure, je disais que les recommandations du rapport étaient des lignes directrices, en quelque sorte. En effet, dans chacune des recommandations, on utilise le verbe « devoir ». Si c'était considéré comme tel, cela pourrait résoudre un certain nombre de problèmes que ce soit considéré comme tel.
    Prenons la recommandation 10. Même dans le milieu des experts en psychiatrie, il y a de la résistance. L'Association des psychiatres du Québec dit qu'il faut aller de l'avant, tandis que des psychiatres nous ont dit le contraire. Cela a mené le Québec à décider de ne pas aller de l'avant pour les cas de troubles mentaux.
    Dans cette recommandation, on dit qu'il faut absolument que l'évaluateur compétent, qui est un psychiatre, soit « indépendant de l'équipe/prestataire traitant ».
    Est-ce réaliste, compte tenu des ressources disponibles, notamment en région? Cela ne devrait-il pas être plus flexible? Si c'était plus flexible, cela diminuerait-il la légitimité ou la rigueur de l'exercice d'évaluation?

[Traduction]

    C'est un excellent point, et un qui nous a donné passablement de fil à retordre, considérant que le nombre de personnes disponibles pour procéder à des évaluations serait assurément limité dans les petites localités. Nous avons pensé à la possibilité, qui s'est élargie pendant la COVID, de procéder à des évaluations virtuelles et d'utiliser la télémédecine.
    Je pense que le problème que vous soulevez est qu'il existe un revers de la médaille à chaque mesure de sauvegarde. Cela rend l'accès plus difficile. Les mesures de sauvegarde accroissent la sécurité, mais elles imposent en même temps des barrières. L'un ne va pas sans l'autre, alors il faut se demander si la sécurité additionnelle que cela nous procure est justifiée à la lumière des fardeaux additionnels que cela impose.
    Certains de mes collègues étaient d'avis qu'il était très important d'avoir l'avis d'un psychiatre indépendant pour s'assurer d'avoir un deuxième point de vue sur la situation, indépendant du type de relation qui a pu se développer ou des autres points de vue qui ont pu s'ajouter au fil des traitements. Nous étions aussi d'avis qu'il était très important d'avoir des évaluateurs indépendants externes pour les personnes qui se trouvent dans des situations particulières qui ferait augmenter le risque de cœrcition, comme les gens qui sont placés dans des institutions ou sont en prison. Je pense que dans certaines circonstances, une évaluation indépendante sera très importante, voire essentielle.
    Je ne pense pas pouvoir vous en dire plus, si ce n'est que vous avez raison; cela rendra l'accès plus difficile.
    Je vous remercie beaucoup.
    C'est ce qui met fin à notre séance avec notre première témoin.
    Vous avez répondu à toutes nos questions. Je vous remercie beaucoup de votre présence.
    Monsieur Anandasangaree, allez‑y.
    Madame la coprésidente, si nous en avons terminé avec notre témoin, j'ai une question d'ordre administratif qui prendra 30 secondes.
    Je vous remercie beaucoup, madame Chandler.
    Monsieur Anandasangaree, allez‑y.
    J'aimerais présenter une motion qui dit « Que le greffier du Comité soit autorisé à donner accès au cartable numérique aux bureaux des whips de chaque parti reconnu ».
    Il s'agit d'une motion ordinaire adoptée par divers comités.
(1930)
    Oui, je vois les membres opiner de la tête.
    Quelqu'un veut‑il prendre la parole?
    (La motion est adoptée.)
    La coprésidente (L'hon. Yonah Martin): Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes pour passer à nos témoins suivants.
    Je vous remercie beaucoup, madame Chandler.
(1930)

(1935)
    Par égard pour notre nouvelle témoin, Dre Donna Stewart, avant de parler, veuillez attendre que je vous donne la parole. Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la coprésidence. Lorsque vous parlez, veuillez vous exprimer lentement et clairement. Cette consigne s'applique à nous tous. Les services d'interprétation offerts pour cette vidéoconférence sont les mêmes que ceux offerts pour une réunion en personne. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir entre le parquet, l'anglais ou le français. Lorsque vous n'avez pas la parole, veuillez mettre votre micro en sourdine.
    Sur ce, j'aimerais souhaiter la bienvenue à notre deuxième témoin, qui vient aussi nous parler de l'aide médicale à mourir dans les cas où les troubles mentaux sont la seule condition médicale sous-jacente.
    Nous accueillons, à titre personnel, la Dre Donna Stewart, professeure, Université de Toronto, scientifique chevronnée, Toronto General Hospital Research Institute, Centre de santé mentale.
    Nous allons d'abord entendre la déclaration préliminaire de la Dre Stewart, qui dispose de cinq minutes.
     Docteure Stewart, allez‑y.
    Je dois mentionner que j'ai pratiqué la médecine de famille dans le Nord de l'Ontario, avant de me qualifier comme psychiatre il y a près de 50 ans. En 2014, j'ai été nommée membre de l'Ordre du Canada. Je suis également membre du groupe de travail sur l'AMM pour la maladie mentale de l'Association des psychiatres du Canada, de la Canadian Association of MAID Assessors and Providers et du Centre for Bioethics de l'Université de Toronto. Comme cela a été mentionné, je suis une scientifique chevronnée à l'Institut de recherche de l'Hôpital général de Toronto où je fais des recherches, notamment sur l'AMM. J'ai évalué plus de 300 demandes de l'AMM. En février 2021, j'ai fait un exposé devant le comité sénatorial de l'AMM. Mes opinions à ce sujet sont éclairées par mes affiliations et mon expérience professionnelle, mais je vous parle aujourd'hui à titre personnel.
    En tant que membre du groupe d'experts sur l'AMM et la maladie mentale, j'approuve les 19 recommandations, mais j'aimerais maintenant souligner quelques recommandations particulières en me basant sur mon expérience personnelle de la pratique professionnelle. Les recommandations dont je ne parlerai pas sont tout aussi importantes, mais le temps dont je dispose aujourd'hui est limité.
    La première recommandation du groupe d'experts concerne la collaboration entre les autorités. Il est essentiel que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux s'efforcent de faciliter la collaboration entre les organismes de réglementation des médecins et des infirmières en ce qui concerne l'élaboration de normes de pratique professionnelle pour l'AMM. Je crois comprendre que les gouvernements et les organismes de réglementation réalisent actuellement un travail considérable portant sur l'AMM pour la maladie mentale et que deux sections du programme d'études sur l'AMM et la CAMAP ont été rédigées, passées en revue, et elles font actuellement l'objet d'une révision. Je sais que d'autres organisations professionnelles offrent des cours sur l'AMM sous diverses formes. Comme cela a été souligné, l'échéance imminente de mars 2023 est une source de motivation très puissante.
    En ce qui concerne la deuxième et la troisième recommandation, pour déterminer le caractère incurable et irréversible de la maladie, il est clair que les évaluateurs de l'AMM doivent tenir compte de la gravité et de la durée de la maladie, des tentatives de traitement, de leurs résultats et des autres traitements fondés sur des données probantes qui peuvent améliorer l'état du patient, tout en prenant en considération leurs avantages probables et le fardeau qu'ils imposent. Il s'agira de maladies qui durent depuis plusieurs années et qui ont fait l'objet d'un grand nombre de tentatives d'interventions multiples. Je suis fermement convaincue que, dans le cas d'un trouble mental, cette détermination doit être effectuée par le patient et un psychiatre, et non par le patient seulement. Cela est clairement indiqué dans les normes de pratique professionnelle des Pays-Bas, où l'aide médicale à mourir pour les troubles mentaux est disponible depuis près de 20 ans, et où, en 2020, 95 % des demandes d'aide médicale à mourir pour des troubles psychiatriques ont été rejetées. En fait, les cas clos liés uniquement à des troubles mentaux ne représentaient que 1,3 % de tous les décès découlant de l'aide médicale à mourir aux Pays-Bas.
    L'un des exemples cliniques que je peux vous donner concerne un patient qui insistait pour que les médecins n'utilisent que des traitements à base de produits végétaux naturels. J'ai donc estimé que le cas ne répondait pas aux critères d'admissibilité à l'AMM.
    En ce qui concerne la quatrième recommandation qui est liée à la souffrance, même si le caractère durable et intolérable de la souffrance est subjectif et déterminé par le patient, il est également important que l'évaluateur ou le prestataire de l'AMM partage l'avis du patient d'un point de vue réaliste. Par exemple, j'ai évalué une femme d'âge moyen qui souffrait d'une arthrose légère et qui affirmait que sa souffrance était intolérable parce qu'elle avait été élevée sous les tropiques et qu'elle avait presque toujours froid au Canada, ce qui aggravait sa souffrance. De toute évidence, j'ai estimé que ce cas ne répondait pas aux critères d'admissibilité à l'AMM.
    La sixième et la septième recommandation portent sur les moyens de soulager la souffrance. Il est clair qu'il faut toujours envisager sérieusement d'avoir recours à plusieurs mesures de protection, notamment des services de soutien médical, psychologique et social. J'ai récemment évalué une patiente atteinte de cancer qui était aussi très déprimée. La prise d'antidépresseurs et une orientation vers des soins palliatifs l'ont amenée à retirer sa demande d'AMM.
    En ce qui concerne la dixième, la onzième et la douzième recommandation qui portent sur une évaluation indépendante effectuée par un expert ou sur l'implication d'autres professionnels de la santé ou d'êtres chers dans les cas d'AMM TM‑SPMI, l'expert ou l'autre professionnel de la santé devrait être, selon moi, un psychiatre, qui ne fait pas partie de l'équipe soignante, afin d'éviter toute forme de partialité.
    En ce qui concerne la seizième recommandation qui traite d'une surveillance éventuelle, je précise encore une fois qu'à mon avis, une telle surveillance est cruciale dans de nombreux cas de la voie 2, dans lesquels beaucoup de patients ont des troubles mentaux comorbides qui ont été mal soignés. Ce processus ne vise pas à porter des jugements sur l'admissibilité à l'AMM, mais plutôt à faire en sorte que les évaluations soient conformes aux normes juridiques et professionnelles. Le processus ne devrait pas entraîner de longs retards, et il devrait apporter une garantie supplémentaire en améliorant la qualité, la sécurité et la rapidité de la rétroaction sur la pratique professionnelle en vue de soutenir les patients et les praticiens.
(1940)
    La dix-neuvième recommandation concerne la recherche. En tant que scientifique chevronnée, je pense qu'il faudrait financer des recherches régulières et ciblées visant à lancer des enquêtes sur les questions relatives à l'AMM. Les recherches menées aux Pays-Bas ont permis de réviser les garanties relatives à l'aide médicale à mourir et ont joué un rôle très important.
    Pour conclure, je tiens à souligner que les nombreuses heures de réunion du groupe d'experts, de ses sous-groupes et de ses membres ont donné lieu à des discussions approfondies sur toutes les recommandations et les questions connexes les plus importantes. Divers mécanismes de protection interreliés étaient à notre disposition, et ils sont maintenant à votre disposition à des fins d'examen. Ces mécanismes comprennent des garanties législatives, des normes professionnelles, des lignes directrices et de la formation, et chacun de ces mécanismes joue un rôle unique, interdépendant et essentiel.
    Merci beaucoup. Je suis impatiente de répondre à vos questions.
(1945)
     Merci, docteure Stewart.
    Nous allons commencer par des séries d'interventions de cinq minutes et par céder la parole à Mme Vien.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Docteure Stewart, soyez la bienvenue au Comité. Je vous remercie d'être là ce soir et de nous offrir votre témoignage.
    Selon vous, les balises actuelles sont-elles suffisantes? Pensez-vous que nous sommes prémunis contre les dérapages?

[Traduction]

    Aucun système n'est infaillible, mais je dirais qu'il est très important que les divers organismes provinciaux, territoriaux et de réglementation coopèrent pour faire en sorte que ces mécanismes soient clairement intégrés dans les normes de pratique professionnelle. Si cela n'a pas lieu, je crois qu'il faudrait prévoir des garanties législatives, mais je reconnais que cette approche serait encombrante. J'espère certainement que des normes de pratique professionnelle, des conseils et des cours de formation pourront régler bon nombre de ces problèmes.

[Français]

    Nous avons posé la question à la spécialiste qui a comparu avant vous. Cela vient vite, 2023, et tout cela doit entrer en vigueur.
    Selon vous, 2023, est-ce trop rapide? Avons-nous le temps suffisant pour voir venir les coûts et faire en sorte que nous choisissions la meilleure voie possible?

[Traduction]

    Vous soulevez une question très importante. Ma réponse, c'est que l'échéance est une source de motivation très importante. Je pense que la vitesse à laquelle ces questions sont déterminées s'est accélérée. La plupart d'entre nous ont travaillé pendant l'été, mais pas tout le monde. Avec un peu de chance, d'ici les prochains mois, certaines de ces mesures seront mises en place.
    Comme je l'ai mentionné, je sais qu'une partie du programme d'études est en train d'être distribué et révisé. Des réunions à ce sujet sont assurément en cours, et j'espère que des choses pourront être mises en place à temps. Je n'en suis pas sûre, mais je l'espère. Je suis convaincue que cela se produira.

[Français]

    Docteure Stewart, vous avez mentionné tout à l'heure que vous aviez refusé l'aide médicale à mourir à certaines personnes qui vous en avaient fait la demande. J'espère que je vous ai bien comprise.
    Savez-vous ce qui est arrivé à ces personnes? Quelle est la suite de l'histoire de ces personnes à qui vous avez refusé l'aide médicale à mourir? Qu'est-ce qui leur est arrivé?

[Traduction]

    Je pense que c'est une question très importante. Voilà ce que je dis aux gens: « Nous avons discuté longuement de votre cas. J'y ai réfléchi très attentivement. Je vois que vous tentez de faire face à cette situation, qui est incroyablement difficile. Honnêtement, je ne crois pas qu'à l'heure actuelle, nous puissions procéder à l'approbation de l'AMM dans votre cas. Cela ne veut pas dire qu'elle ne sera jamais approuvée, mais je pense que vous devez consacrer plus de temps à examiner les questions suivantes ». Ensuite, j'explique en détail les questions qui, à mon avis, devaient être abordées.
    Je pense qu'il est très important que ces personnes ne se sentent pas rejetées, car un grand nombre d'entre elles sont très malades et souffrent de diverses manières. Mais je pense que les évaluateurs doivent s'exprimer d'une manière gentille mais ferme et être sûrs que ce qu'ils approuvent est correct et ne va pas l'encontre de leurs pensées ou de leur conscience.

[Français]

     J'aimerais vous poser une dernière question, docteure Stewart.
    Comme vous le savez, le Québec est un état provincial très progressiste. Je faisais partie du gouvernement du Québec au moment où l'on a adopté la première loi. Le gouvernement du Québec a décidé de ne pas mettre en avant le trouble mental comme seule maladie en cause.
    Le Québec a-t-il fait fausse route, selon vous?

[Traduction]

    Je suis d'accord avec vous pour dire que le Québec est généralement très progressiste et qu'il a ouvert la voie dans de nombreux domaines. Toutefois, je pense que vous avez été trop prudent à cet égard, et je sais que de nombreux médecins québécois partagent mon avis à ce sujet et estiment que la loi est trop prudente, mais le temps nous le dira.
    Il vous reste 30 secondes.
(1950)

[Français]

    Merci beaucoup, docteure Stewart.
    Nous pourrons en reparler plus tard, s'il nous reste du temps. Je vais partager mon temps de parole avec mon collègue; il a certainement des questions à vous poser.

[Traduction]

    Comme vous pouvez le constater, notre deuxième experte est arrivée.
    Chers collègues, si vous êtes d'accord, je vais inviter Mme Doris Provencher, qui est directrice générale, à faire sa déclaration préliminaire de cinq minutes. Ensuite, nous passerons à notre deuxième intervenante, c'est‑à‑dire la Dre Fry.
    La parole est à vous, madame Provencher.

[Français]

    Bonsoir à tous. Excusez mon retard; j'ai eu des petits problèmes techniques.
     Dans un premier temps, je tiens à saluer les coprésidents, l'honorable Yonah Martin et l'honorable Marc Garneau, ainsi que l'ensemble des membres du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir. Je vous remercie d'avoir invité l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec, ou l'AGIDD‑SMQ, à vous faire part de ses réflexions quant à la possibilité d'autoriser l'aide médicale à mourir en raison de problèmes de santé mentale.
    D'emblée, je tiens à préciser que l'AGIDD‑SMQ n'utilise jamais les termes « maladie mentale » et « troubles mentaux ». Pour nous, ce sont des personnes vivant un problème de santé mentale. Ce sont donc les termes que je vais utiliser.
    Notre association a été fondée en 1990, et sa mission est de lutter pour la reconnaissance et l'exercice des droits des personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale. Ce faisant, elle a acquis une expertise unique dans le domaine. L'AGIDD‑SMQ porte un regard critique sur les pratiques en santé mentale et s'implique dans le renouvellement de celles-ci. La prise de parole collective des personnes vivant un problème de santé mentale est au cœur de nos pratiques, je dirais même qu'elle fait partie de notre ADN.
    À la suite du jugement dans l'affaire Truchon et Gladu, en septembre 2019, l'aide médicale à mourir pour raison de problèmes de santé mentale est devenue un sujet de réflexion, et encore plus lorsqu'en janvier 2020, la ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec a annoncé qu'à partir du 12 mars 2020, l'aide médicale à mourir serait accessible pour des raisons de santé mentale. Cette annonce a créé toute une onde de choc. Bien sûr, la pandémie est venue mettre un frein brutal à toute démarche de réflexion et de consultation sur le sujet. Vous en savez quelque chose, car ce fut le même scénario au palier fédéral.
    Ne s'avouant pas vaincue, à l'automne 2020, l'AGIDD‑SMQ a décidé de lancer une consultation auprès de ses groupes membres, qui sont formés en grande majorité de personnes vivant un problème de santé mentale. Pour l'Association, il était essentiel que les personnes visées par cette question soient les premières à donner leur opinion.
    Nous n'avons pas pu, à ce jour, tenir une rencontre en présence de nos membres pour discuter entre quat'z'yeux de cette question, si délicate et pleine d'incertitudes et de questionnements pour plusieurs d'entre eux. Par contre, certains groupes membres ont pu faire une consultation auprès de leurs membres. C'est le fruit de leurs réflexions que nous avons réuni dans le mémoire « Entendre. Écouter. Prendre en compte la parole des personnes vivant un problème de santé mentale. Rien sur nous, sans nous. » Nous avons transmis ce mémoire aux députés du Québec qui formaient la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, au mois d'août 2021, et nous vous l'avons soumis également.
    Trois constats sont ressortis de cette consultation. Premièrement, il y a une méconnaissance de ce qu'est la pratique de l'aide médicale à mourir. Ensuite, les gens demandent de l'aide pour vivre dans la dignité et ont besoin d'espoir. Enfin, les personnes qui vivent un problème de santé mentale doivent être consultées — elles veulent l'être — et impliquées en ce qui regarde l'aide médicale à mourir pour des raisons de santé mentale.
    Notre association n'a pas de position officielle parce que, comme je viens de le dire, nous n'avons pas pu nous réunir pour en discuter. Par contre, depuis plus de 30 ans, l'AGIDD‑SMQ est aux premiers rangs pour dénoncer des situations abusives ou de discrimination envers les personnes. Depuis le jugement dans l'affaire Truchon et Gladu, nous avons pris la parole pour dénoncer les deux poids, deux mesures entre le sérieux qu'on accorde aux problèmes de santé physique et l'ignorance de la souffrance que vivent les personnes avec un problème de santé mentale.
    Les préjugés et le paternalisme entourant les problèmes de santé mentale font en sorte qu'il est difficile de croire qu'une demande d'aide médicale à mourir peut être faite « consciemment » dans ces circonstances. Quand le diagnostic psychiatrique tombe, la personne concernée perd toute crédibilité. D'ailleurs, plusieurs personnes nous ont dit craindre, si elles faisaient une demande d'aide médicale à mourir, de se retrouver hospitalisées contre leur gré, car elles seraient alors jugées dangereuses pour elles-mêmes ou pour autrui.
    Qui est mieux placé que la personne qui vit avec des souffrances persistantes et intolérables pour juger du caractère soutenable ou insoutenable de ses souffrances? Décider de mourir dignement est légitime, et l'accepter relève du respect de la personne. Nous pensons que chaque individu devrait avoir le droit de faire ses choix au regard de sa propre vie, plus particulièrement lorsque ces choix touchent de près à la dignité humaine.
    Ces cinq minutes sont bien courtes pour parler d'un sujet aussi complexe et important.
    Cela me fera plaisir de prendre le temps nécessaire pour échanger sur ce sujet avec vous.
    Je vous remercie.
(1955)

[Traduction]

     Merci, madame Provencher.
    La prochaine intervenante est la Dre Fry.
    Vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Merci beaucoup, chers coprésidents.
    Je vous remercie d'être venues nous donner des exposés cet après-midi.
    J'aimerais vraiment me concentrer sur un thème qui est revenu tout au long de notre discussion concernant la question de la maladie mentale comme seul problème médical invoqué. D'après tout ce que j'ai entendu dire et les discussions de tous ceux qui nous ont parlé, j'ai retenu deux aspects très importants.
    L'un d'entre eux, c'est que ces décisions doivent être prises au cas par cas. On ne peut pas établir des lois générales et des décisions générales pour les gens. En fait, l'ensemble de la décision rendue par la Cour suprême à ce sujet a clairement indiqué qu'il fallait procéder au cas par cas, car nous savons tous — et il se trouve que je suis médecin — que lorsque nous avons affaire à un patient atteint d'une maladie, même physique...
    Examinons pendant un instant les maladies physiques. Cinquante personnes atteintes de la même maladie physique ne réagiront pas au traitement de la même manière. Nous devons comprendre la nature de la personne lorsque nous prenons ces décisions.
    Le deuxième élément que j'ai retenu de tout cela, c'est qu'il semble y avoir un énorme degré de discrimination à l'encontre des personnes qui invoquent la maladie mentale comme seul problème médical. L'idée que les personnes atteintes de maladies mentales n'ont plus toute leur tête ou la capacité de prendre des décisions ou de déterminer ce qui constitue une souffrance intolérable pour elles, et le fait qu'en travaillant avec un médecin, elles seraient en mesure de prendre une décision raisonnable pour elles...
    Nous ne cessons de parler de décisions générales et de la nécessité de prendre une décision générique à propos de tel ou tel sujet. J'aimerais connaître votre position concernant cette situation. Devrions-nous prendre des décisions générales, législatives ou autres, ou devrions-nous traiter la question au cas par cas? Devrions-nous tenter de ne pas faire de distinction entre la maladie mentale et la maladie physique?
    J'aimerais que la Dre Stewart réponde à la question en premier. Ensuite, Mme Provencher pourrait peut-être y répondre.
    Docteure Fry, je suis tout à fait d'accord avec vous. Ces questions doivent être examinées au cas par cas. Je pense que la décision de la Cour supérieure de l'Ontario dans l'affaire A.B. a clairement indiqué qu'en fait, cette question ne relevait pas des tribunaux, mais plutôt des médecins qui devaient y réfléchir et prendre des décisions en fonction de l'ensemble de la situation dans laquelle le patient se trouve.
    Merci.
    Veuillez prendre la parole, madame Provencher.

[Français]

     Je pense aussi qu'il faut faire du cas par cas, car, effectivement, chaque situation est différente.
    Personnellement, tout ce que je voudrais, concernant la discrimination, c'est que les personnes qui vivent un problème de santé mentale soient traitées comme celles ayant un problème physique lorsqu'elles font une demande d'aide médicale à mourir.
    Aussi, étant donné que le critère voulant que la mort naturelle soit raisonnablement prévisible n'est plus dans la loi, il est certain que nous devons faire du cas par cas. Or je crains encore et toujours la discrimination et les préjugés, car les personnes souffrant de désordres mentaux en subissent beaucoup, et ce, même à l'intérieur du réseau public de la santé. En résumé, il faut effectivement faire du cas par cas, mais nous devons aussi croire ce que nous disent ces personnes. Je ne sais pas comment inclure cela dans une loi, mais je crois que c'est important.
(2000)

[Traduction]

    Merci, madame Provencher.
    Madame la présidente, combien de temps me reste‑t‑il?
    Il vous reste 1 minute et 15 secondes.
    Je vais tenter d'obtenir une réponse succincte. Vous vous exprimez tous de manière très succincte.
    Bon nombre de gens craignent que les personnes ayant des idées suicidaires puissent décider de demander l'AMM. J'ai entendu des médecins et des psychiatres répondre que c'est une décision que peuvent prendre le médecin et le psychiatre qui comprennent leur cas en question. Ils peuvent faire la distinction entre une personne qui a seulement des idées suicidaires et une personne qui souffre effectivement de façon intolérable et qui a essayé toutes les méthodes de traitement qu'elle souhaitait essayer — et je tiens à employer les mots « souhaitait essayer ».
    Veuillez prendre la parole, docteure Stewart.
    Chaque jour, les psychiatres prennent des décisions concernant des patients suicidaires. Ils les voient dans les services des urgences de la collectivité ou de l'hôpital. La capacité de distinguer les pensées suicidaires d'une demande d'AMM bien réfléchie, qui a été présentée par une personne répondant aux critères d'admissibilité, après qu'elle a souffert pendant de nombreuses années, qu'elle a essayé de nombreux traitements, qu'elle a mûrement réfléchi à la question et qu'elle a conclu que c'était la meilleure solution pour elle... ce travail fait partie du rôle d'un psychiatre.
     Merci beaucoup.
    Madame Provencher, la parole est à vous.

[Français]

     Bien sûr, il y a la question des idées suicidaires, mais ce que je comprends de l'aide médicale à mourir, c'est que ce n'est pas parce que je fais une demande que je vais recevoir la réponse que je veux. Il y a beaucoup d'étapes. Comme l'Association des médecins psychiatres du Québec l'a dit, la décision devrait être prise en fonction de l'histoire de la personne. Je pense qu'une personne qui a des idées suicidaires et qui veut réellement en finir va passer à l'action de toute façon. Il faut les écouter et vérifier cela auprès d'elles.

[Traduction]

    Nous allons maintenant entendre notre prochain intervenant, M. Thériault, qui dispose de cinq minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Ma première question s'adressera à la Dre Stewart.
    Docteure Stewart, dans votre témoignage devant le comité sénatorial au sujet du projet de loi C‑7, vous parliez de mesures de sauvegarde, qui, à mon avis, se retrouvent dans les recommandations du rapport d'expert. En ce sens, ne trouvez-vous pas que le rapport et les recommandations sont aussi, par le truchement des lignes directrices qu'elles commandent, des mesures de sauvegarde supplémentaires qu'on n'a pas besoin d'inscrire dans la loi, mais qui encadreraient les pratiques et les praticiens?

[Traduction]

    Je crois avoir mentionné dans mon rapport qu'il existe divers mécanismes à envisager. Nous espérons que les normes de pratique professionnelle, les conseils et l'éducation seront suffisants, mais vous savez, il y a des gens qui pensent qu'il est nécessaire d'insérer des éléments particuliers dans la mesure législative. Personnellement, je ne suis pas de cet avis, mais je pense que c'est une considération valable que vous devez envisager.

[Français]

    Je me préoccupe de la faisabilité de la chose. Vous avez dit que l'échéancier, fixé au mois de mars 2023, était une grande source de motivation. Vos propos sont très élégants, nobles et motivants, mais, en même temps, il y a des problèmes d'ordre pratique. Par exemple, y a-t-il assez d'évaluateurs? Qu'en est-il de la résistance du corps médical psychiatrique? Va-t-on pouvoir trouver, partout sur le territoire, des évaluateurs et des prestataires?
    Tantôt, j'aimerais également vous entendre sur la surveillance prospective. La notion d'évaluateur indépendant est-elle réaliste? Qu'en est-il de la surveillance prospective? Cela implique certaines choses sur le plan concret. Parlez-moi de la façon dont cette surveillance prospective pourrait se concrétiser, selon vous.

[Traduction]

    Comme le professeur Chandler l'a déclaré plus tôt, je crois qu'il y aura probablement un petit groupe de personnes qui se parleront, des experts qui discuteront de certaines de ces questions entre eux. Je pense que certaines personnes éprouvent assurément une certaine anxiété à cet égard, en particulier tant que nous ne saurons pas quelles seront les normes.
    Je pense que la mise en place d'une surveillance prospective ne devrait pas exiger beaucoup de temps. Par exemple, en Ontario, le comité ontarien d'examen des capacités se réunit dans les sept jours qui suivent afin d'examiner le traitement des malades mentaux. Un mécanisme semblable pourrait être mis en place pour traiter les demandes des personnes qui répondent aux critères d'admissibilité à l'AMM. Comme d'autres personnes l'ont mentionné, je pense qu'il s'agira d'un nombre infime de gens. D'après l'expérience néerlandaise, les demandes de 95 % de ces personnes sont rejetées, et ces personnes ne comparaîtraient jamais devant un comité de ce genre. Ces demandes représentent environ 1 % de tous les décès découlant de l'aide médicale à mourir. Nous ne parlons pas d'un grand nombre de personnes qui atteignent ce niveau. Je pense qu'elles méritent que leur demande fasse l'objet d'un second examen objectif dans le cadre d'une surveillance prospective.
(2005)

[Français]

    Qui composerait ce genre de comité de surveillance? Est-ce que tous les cas devraient faire l'objet de cette surveillance prospective?
    Ne pourrait-on pas se retrouver dans une situation où, comme ce fut le cas à une certaine époque concernant les comités de l'avortement thérapeutique, ces comités ne seraient pas accessibles équitablement d'un océan à l'autre, ce qui constituerait une barrière à l'aide médicale à mourir?

[Traduction]

     Je suis assez âgée pour me souvenir de ces comités d'avortement, étant donné que j'ai été membre de quelques-uns d'entre eux. J'espère que nous ne reproduirons pas ce modèle.
    Pour veiller à ce que tout se passe bien et que des gens ne bénéficient pas de l'aide médicale à mourir alors qu'ils ne le devraient pas, je pense qu'il est très rassurant, tant pour les patients que pour les praticiens, d'exercer au début une certaine surveillance. Je sais que l'Association des psychiatres du Canada a fortement appuyé cette mesure et a estimé qu'elle serait vraiment favorable à une telle surveillance.
    Vous demandez qui devrait être membre d'un tel comité. Spontanément, je pense que le comité devrait clairement être composé d'un ou plusieurs psychiatres. Et il devrait compter un ou deux excellents juristes, et probablement un ou deux bioéthiciens. Enfin, il devrait peut-être y avoir un représentant des patients.
    Je crois que nous devrions bien réfléchir aux personnes les plus aptes à faire partie d'un tel comité. Le comité doit être petit et agile, et ses membres doivent pouvoir se réunir rapidement.

[Français]

    Cela commence à faire beaucoup de monde. Vous m'inquiétez davantage quant à la préoccupation que j'avais tout à l'heure sur la faisabilité. Cela m'inquiète qu'il faille réunir tous ces gens qui devront ainsi revoir des décisions prises par des professionnels. Cela mérite que l'on puisse continuer d'explorer ce qu'on entend par cette surveillance prospective. Habituellement, en matière d'éthique, nous examinons des questions de nature rétrospective.
    Je vous remercie.
    Pourquoi donc avoir besoin d'un comité qui finira par devenir celui qui va décider si le praticien, l'évaluateur...
    Je vous remercie, monsieur Thériault.
    ... le psychiatre a vraiment fait son travail comme il faut?
    Pourrait-il y avoir une décision contraire?

[Traduction]

    Avec tout le respect que je vous dois, j'ai nommé quatre catégories.
    Je suis désolée, mais nous avons largement dépassé le temps qui nous était imparti. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. MacGregor pendant cinq minutes.
    Je vous remercie beaucoup, madame la coprésidente.
    Je veux remercier nos deux témoins de contribuer à orienter notre comité dans le cadre de son étude.
    Madame Provencher, j'aimerais commencer par vous.
    Vous avez parlé du travail de défense des droits de la personne qu'accomplit votre organisation. Notre témoin précédente a traité de la Charte des droits et libertés et de la manière dont elle s'applique, parlant notamment de l'article 7, qui stipule que chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, et de l'article 15, qui indique que tout le monde est égal au regard de la loi.
    Vous savez plus que quiconque au sein du Comité qu'il existe, dans notre société, énormément de préjugés à l'égard des personnes atteintes de maladie mentale, comme vous aimez le dire. Votre organisation ne prend position ni dans un sens ni dans l'autre. Peut-être pouvez-vous inscrire votre réponse dans le contexte des droits enchâssés dans la Charte, au cas par cas, en expliquant à quel point il importe de lutter contre ces préjugés et de comprendre que les personnes vivant avec la maladie mentale ont ce droit et cette capacité.
    Y a‑t‑il autre chose que vous voudriez ajouter à cette conversation pour que non seulement le Comité, mais aussi la population canadienne qui écoute nos délibérations comprennent la question?
(2010)

[Français]

    Je vous remercie.
    Je ne sais pas si je peux aller jusque-là. Comme vous le dites, dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et la Charte canadienne des droits et libertés, il y a les articles que vous avez nommés et la question de la discrimination. C'est le jugement rendu dans l'affaire Truchon et Gladu qui viendrait vraiment appuyer principalement ces deux articles de la Charte.
    Vous savez, ce n'est pas parce que j'ai un problème de santé mentale que je perds mon aptitude à consentir. Je suis apte à consentir jusqu'à preuve du contraire. Ainsi, il faudrait, comme société, considérer les personnes vivant avec un problème de santé mentale comme des personnes aptes à prendre des décisions, même de graves décisions, comme celle de présenter une demande d'aide médicale à mourir. Or il faudra un travail de très longue haleine pour y arriver.
    À l'Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec, ou AGIDD-SMQ, nous pensons que la meilleure façon d'y arriver serait que les personnes vivant avec un problème de santé mentale soient présentes sur les tribunes et prennent la parole. Personnellement, je travaille depuis 30 ans avec des personnes qui vivent un problème de santé mentale, et je peux vous garantir qu'elles sont comme vous et moi. Ce sont des personnes qui vivent des émotions et des difficultés. Qui n’en a pas? Ce regard que l'on pose sur les personnes vivant un problème de santé mentale est à la base discriminatoire, parce qu'on les considère comme incapables de décider.
    Comment changer ce regard sur les personnes ayant un problème de santé mentale?
    Cela fait 30 ans que nous y travaillons. Le fait d'accorder à ces personnes une place dans le cadre d'une loi comme celle-là, de les situer sur le même plan que tous les citoyens et toutes les citoyennes du Canada ayant des droits serait déjà, à mon avis, un pas dans la bonne direction.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup de cette réponse.
     Docteure Stewart, dans le temps limité qui m'est accordé, je voudrais vous demander, toujours sur le même thème, si vous avez une réponse concernant les préjugés dans le cadre d'une question similaire.
    De plus, la question de la capacité continue de revenir parce que chaque province a quelque chose à ce sujet. Ma province s'est dotée de la Loi sur la santé mentale, qui permet d'hospitaliser les gens contre leur volonté si un médecin juge qu'il existe un motif médical de le faire.
    C'est le genre de questions épineuses que nous tentons de résoudre au chapitre de la capacité et du consentement. Si vous pouvez ajouter quelque chose à la réponse, je vous en saurais gré.
    Je suis d'accord avec Mme Provencher. En général, les patients atteints de maladie mentale jouissent d'une capacité égale, mais ce n'est pas le cas pour certains. Ce sont ces derniers qui deviennent patients contre leur gré.
    Oui.
    Enfin, vous connaissez le travail que le groupe d'experts a réalisé. Avez-vous des recommandations finales que vous voudriez que nous ajoutions à notre rapport au gouvernement à titre de parlementaires? À quels autres domaines le gouvernement doit‑il s'attaquer?
    Répondez très brièvement, docteure.
    Je pense en avoir parlé dans mon allocution. Je pense qu'il faut s'attaquer à tous les domaines, mais ceux que j'ai expressément nommés sont particulièrement importants.
    D'accord. Je comprends. Merci.
     Je vous remercie beaucoup.
    Voilà qui conclut le tour de questions des députés.
    Je céderai maintenant la parole au coprésident pour les questions des sénateurs.
    Je vous remercie, sénatrice Martin.

[Français]

     Nous passons maintenant aux questions des sénateurs. Le temps de parole est de trois minutes dans chaque cas. Nous commençons avec madame la sénatrice Mégie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être là avec nous.
    Ma première question s'adresse à vous, docteure Stewart.
    Si vous me le permettez, je reviens à l'établissement des normes de pratique quant à l'aide médicale à mourir. Comment pouvons-nous nous assurer que les professionnels de la santé qui font des évaluations ou qui fournissent les services d'aide médicale à mourir soient bien formés?
    J'ajoute, du même coup, une sous-question, parce que je n'ai que trois minutes. Quels seront les plus grands défis auxquels ces évaluateurs ou ces fournisseurs de services d'aide médicale à mourir seront confrontés dans l'optique où les personnes souffrant de problèmes de santé mentale seront admissibles?

[Traduction]

    Tout d'abord, je pense que la Canadian Association of MAID Assessors and Providers, ou CAMAP, est en train d'élaborer des programmes d'éducation. Chose certaine, l'Association des psychiatres du Canada s'est beaucoup investie dans son groupe de travail afin de tenter d'établir des normes de pratique. Je pense que toutes ces démarches doivent aboutir. Les divers ordres professionnels, tant ceux des médecins que des infirmières praticiennes, doivent avoir leur mot à dire sur la question. Je pense que le travail avance rondement et doit continuer de progresser rapidement pour respecter les échéances.
    Vous avez posé des questions sur les principales préoccupations. Sachez que c'est l'incertitude entourant la teneur des normes qui suscite le plus de préoccupations. Plus les normes seront établies rapidement, plus les praticiens seront rassurés.
    J'ai mené des recherches auprès de 131 évaluateurs et prestataires de l'AMM des quatre coins du Canada, dont les résultats sont maintenant publiés dans le Journal of Palliative Care. Il en ressort très clairement que ce qui préoccupe et stresse le plus les praticiens, c'est qu'ils veulent savoir quelles seront les normes pour sentir qu'ils fonctionnent dans le cadre sécuritaire de normes claires au lieu de devoir prendre des décisions qui ne sont pas clairement définies.
    Je vous exhorterais à inclure les recommandations du groupe d'experts très clairement et à appuyer certains des documents éducationnels de la CAMAP et les exigences de l'ordre professionnel à mesure qu'elles apparaîtront.
(2015)

[Français]

    Je vous remercie de votre réponse.
    Ai-je encore quelques secondes?
    Il vous reste 38 secondes.
    C'est bon.
    La prochaine question s'adresse encore à vous, docteure Stewart. Dans toutes les recherches que vous avez faites et lors de discussions sur les normes de pratique, a-t-il été question de ressources de soutien pour les professionnels qui vont pratiquer l'aide médicale à mourir? J'ai déjà entendu, de la part de collègues, que certains d'entre eux souffraient. Ils fournissent le service, mais ils se sentent malheureux et souffrants par la suite. Avez-vous eu connaissance de témoignages semblables? Avez-vous entendu dire que des ressources sont prévues pour les soutenir?

[Traduction]

    Ces ressources existent actuellement. La Canadian Association of MAID Assessors and Providers, ou CAMAP, offre un forum destiné aux prestataires. Il s'agit d'un forum très actif où les gens parlent de leurs difficultés et de leurs sentiments. Certains formulent des suggestions. C'est un outil très puissant.
    Je devrais faire remarquer que dans le cadre de notre recherche, nous avons constaté que même si cette pratique engendrait du stress, elle offre beaucoup plus de gratification personnelle. Les gens avaient l'impression d'accomplir un travail très important empreint d'une grande compassion, et nombreux sont ceux qui considéraient qu'il s'agit du plus important travail qu'ils accomplissent.
    C'est une combinaison de facteurs de stress et de protection, et les facteurs de protection sont très nombreux. Le forum de la CAMAP offre toutefois un soutien considérable.
     Je vous remercie.

[Français]

     Je donne maintenant la parole au sénateur Kutcher.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de comparaître.
    Ma première question s'adresse à Mme Provencher.
    Pensez-vous que le fait de refuser l'évaluation de l'AMM à une personne apte ayant une maladie mentale dont l'état de santé satisfait à tous les autres critères prévus à cette fin pourrait constituer une forme de discrimination à l'endroit des personnes atteintes de maladie mentale?

[Français]

    Si vous posez la question de cette façon, je ne peux répondre que par oui. Si la personne répond à tous les critères, pourquoi cela bloque-t-il à cette étape?
    Si vous me le permettez, j'aimerais faire des commentaires au sujet de la formation.
    Je vous prie d'y impliquer des personnes qui vivent avec un problème de santé mentale. À mon avis, c'est essentiel que les professionnels qui sont formés entendent ce qu'elles ont à dire.
    Pour revenir à la question que vous avez posée, je dirai ce qui suit. Il s'agit effectivement de discrimination. Sur quoi serait basé le refus? Serait-il basé sur le seul fait que la personne a un problème de santé mentale? Si c'est le cas, c'est de la stigmatisation, voire de la discrimination.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup de cette réponse. Je suis certainement d'accord avec votre commentaire sur la formation et le rôle des personnes possédant de l'expérience concrète.
    Docteure Stewart, voici un extrait tiré du Globe and Mail sur quelque chose qu'une personne a dit, et je voudrais que vous y réagissiez.
Toute tentative pour identifier les personnes qui pourraient avoir accès à l'AMM entraînera un grand nombre d'erreurs, et des personnes qui auraient pu voir leurs symptômes s'améliorer et ne plus vouloir mourir mourront en recevant l'AMM.
    Que pensez-vous de cette affirmation?
(2020)
    Eh bien, je pense qu'elle fait écho à quelque chose qui a également été écrit, peut-être par la même personne ou les mêmes groupes qui ont affirmé que nous tentons de remplir nos cimetières avec des personnes atteintes de maladie mentale en leur offrant l'AMM. Ce genre d'affirmations est extrêmement inutile et tient de l'hyperbole. C'est le genre de désinformation qui alimente l'anxiété au sein de la population et, dans une certaine mesure, parmi les professionnels. Je pense que nous devons être très clairs et nous appuyer sur les faits en ce qui concerne ces questions, et j'espère que les gens cesseront d'écrire et d'imprimer ce genre de désinformation et de campagne de peur.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie.
    Je suis désolé, sénateur.
    Nous accordons la parole au sénateur Dalphond.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins.
    Ma question s'adresse à Mme Provencher.
     Madame Provencher, j'ai lu avec grand intérêt le mémoire que vous avez déposé à l'Assemblée nationale du Québec, dans lequel vous présentez la position de votre groupe. J'ai devant moi les recommandations. L'une de vos conclusions était la suivante: ne pas exclure les personnes qui souffrent de maladie mentale de l'accès à l'aide médicale à mourir, car il s'agit de discrimination et de stigmatisation.
    Dans votre mémoire, vous recommandez la mise en place de normes, de formations et de mesures sociales, en plus de bien définir les balises. D'ailleurs, à la page 40 de votre rapport, vous parlez des critères et des balises.
    Estimez-vous, après avoir pris connaissance du rapport du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, que les balises proposées sont suffisantes?
    En ce qui a trait aux balises qui ont été nommées ici, ce sont vraiment les personnes qui mettent ces balises pour nous. Je dois dire qu'il y a des balises fort intéressantes. Cependant [inaudible] quelle est la place des personnes? C'est toujours la question que je me pose.
    Les personnes veulent effectivement qu'il y ait des balises. La Dre Stewart l'a dit et on le voit dans les journaux: les personnes qui ont un problème de santé mentale pensent qu'on veut les tuer, les assassiner. L'État devra donc accomplir un important travail d'information.
    Pour le reste des recommandations, cela va à peu près dans ce sens, avec des nuances, bien sûr.
     Votre association s'inquiétait de l'entrée en vigueur de l'aide médicale à mourir, étant donné que ces principes directeurs sont en train d'être enseignés et donnés à tous les psychiatres ainsi qu'aux gens impliqués dans la prestation de l'aide médicale à mourir.
    Nous ne nous inquiétons pas de l'entrée en vigueur de l'aide médicale à mourir. Comme nous l'avons dit, la question ne porte pas sur le fait d'être pour ou contre l'aide médicale à mourir. Le fond de notre message est le suivant: est-ce que les personnes qui vivent un problème de santé mentale, comme tout citoyen ou toute citoyenne au Canada, pourraient faire une demande? C'est cela, notre questionnement le plus profond.
    Il y avait une question tantôt, en ce qui concerne le Québec, au sujet de la dernière commission sur la Loi concernant les soins de fin de vie et de la façon dont cela avait été traité. Nous avons été très déçus des résultats de cette commission, parce qu'elle ferme la porte à toute discussion sur la possibilité que les gens qui vivent un problème de santé mentale aient accès à l'aide médicale à mourir. C'est ce que fait le Québec actuellement, et c'est ce qui est malheureux. Oui, il y a du travail à faire, il faut mettre des balises, il faut encadrer, mais laissons la discussion ouverte, s'il vous plaît. Ce sont des êtres humains.
    De toute façon, même si les personnes sont exclues de la Loi, quelqu'un, à un moment donné, va faire une poursuite, va en appeler au sujet de la discrimination et va gagner. Vous serez devant la même réalité.
(2025)
    Merci, madame Provencher.

[Traduction]

     Nous accordons maintenant la parole à la sénatrice Martin, qui posera les dernières questions.
    Je vous remercie, monsieur le coprésident.
    Mes questions s'adressent à la docteure Stewart. Je les poserai toutes ensemble et vous pourrez y répondre.
    Nous avons entendu bien des gens dire au Comité que l'AMM n'est pas un suicide et qu'il est manifestement important de distinguer l'AMM du suicide. C'est vraiment le cœur de la question. Au printemps, des psychiatres ont indiqué que le fait d'autoriser l'AMM en raison de troubles mentaux seulement brouille la frontière entre la prévention du suicide et l'aide au suicide.
    Compte tenu de l'incertitude entourant la détermination du caractère irrémédiable dans le cas de maladie mentale uniquement, comment peut‑on tracer la frontière? Comment faire la distinction entre la souffrance intolérable et les tendances suicidaires?
    Quelles mesures de sauvegarde supplémentaires jugez-vous nécessaires pour garantir que le régime d'AMM n'offre pas d'aide au suicide?
    Je vous remercie, sénateur
    Il est vrai que quelques psychiatres expriment exactement ces points de vue. Ce n'est certainement pas la majorité. Le groupe de travail de l'Association des psychiatres du Canada n'a rien exprimé de tel.
    Comme je l'ai indiqué plus tôt, les psychiatres font cette détermination quotidiennement au sujet des tendances suicidaires dans le cadre de leur pratique dans les communautés, les urgences et les hôpitaux. L'évaluation du risque de suicide constitue une part essentielle de leur travail.
    Selon moi, une demande d'AMM qui est soigneusement examinée et qui passe le test des mesures de sauvegarde n'est pas la même chose qu'un suicide.
    Comme l'AMM fournie pour cause de maladie mentale uniquement exige des mesures de sauvegarde très précises, voudriez-vous ajouter quelque chose d'autre à propos des mesures que vous recommanderiez?

[Français]

    Bien sûr que cela prend des balises, comme ce l'est pour l'aide médicale à mourir pour un problème de santé physique. Des personnes nous ont dit que cela prendrait deux psychiatres, d'autres ont dit qu'il en fallait trois.
    Si vous me le permettez, je voudrais revenir au suicide. Il serait important aussi que les professionnels écoutent vraiment les personnes, qu'ils en fassent plus et qu'ils dépassent les préjugés que nous avons tous et toutes.
    Comme l'Association des médecins psychiatres du Québec l'a dit, cela dépend de l'historique de la personne, de son histoire de souffrance. Tout est lié.
    Ce n'est pas un diagnostic qui va déterminer cela, c'est vraiment l'histoire de la personne, ce qu'elle vit. Pour que cette loi ne soit pas discriminatoire, il faut que les professionnels prennent tout cela en considération dans leur réflexion, dans leur décision et dans leur analyse de la demande, mais surtout qu'ils écoutent les personnes, qu'ils écoutent ce qu'elles ont à dire au-delà de tout. C'est mon grand, grand souhait.
     Merci beaucoup.
    Cela met fin à notre séance de ce soir.
    J'aimerais remercier les témoins, Mme Provencher et la Dre Stewart.

[Traduction]

     Je vous remercie beaucoup d'avoir accepté de répondre à nos questions et d'avoir livré vos allocutions d'ouverture. Vous êtes des témoins très importantes dans le cadre de l'importante analyse que les membres du Comité tentent d'effectuer. Nous vous remercions d'avoir fait preuve de franchise et d'avoir répondu très directement à toutes les questions que nous vous avons posées ce soir. Merci beaucoup.
    Sur ce, la séance est levée.
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