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Actuellement, nous n'entendons pas l'interprétation vers l'anglais. Nous avons vérifié la qualité du son qui proviendra de chacun de nos témoins, et on me dit que nous sommes prêts à commencer. Mais je n'ai pas entendu l'interprétation des propos de M. Thériault vers l'anglais. Je suppose donc que tout va bien. Poursuivons. Nous verrons bien.
Nous poursuivons l'examen prévu par la loi des dispositions du Code criminel concernant l'aide médicale à mourir.
Je rappelle aux membres et aux témoins de désactiver leurs microphones, sauf si l'un des coprésidents leur accorde le droit de parole. Je leur rappelle également d'adresser toutes leurs observations aux coprésidents en ayant un débit lent et une diction nette. L'interprétation en visioconférence se déroulera comme dans une réunion en présentiel. Dans le bas de son écran, chacun a le choix entre le son du parquet, l'anglais ou le français.
Accueillons maintenant les témoins de la soirée. Merci beaucoup d'être avec nous. Votre témoignage sera très important pour notre étude.
Nous entendrons successivement la Dre Chantal Perrot, en visioconférence, puis M. Peter Reiner, professeur de neuroéthique au département de psychiatrie de l'Université de Colombie-Britannique et, enfin, Mme Jennifer Gibson, professeure associée et directrice du centre conjoint de bioéthique de l'Université de Toronto.
Encore une fois, merci, chers témoins.
Nous débuterons par les déclarations préliminaires. Chacun de vous disposera de cinq minutes. J'espère pouvoir vous prévenir quand il ne restera qu'une minute. Votre déclaration limitée à une durée de cinq minutes nous évitera de prendre du retard.
Commençons par la Dre Chantal Perrot.
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Je remercie les coprésidents et les membres du Comité de leur invitation.
J'habite le centre-ville de Toronto sur les bords de l'ancien lac des Iroquois, sur le territoire traditionnel des Mississagués de la Credit, de la Confédération iroquoise, des Hurons-Wendats, des Anishinabés et des Ojibwés, qui est encore la patrie de nombreux et divers peuples autochtones.
Depuis juillet 2016, je suis évaluatrice et prestataire de l'aide médicale à mourir dans la communauté et je suis également présidente du conseil de MAiDHouse, directrice de Mourir dans la dignité Canada, coprésidente du conseil des cliniciens de cette organisation et membre du groupe de travail sur les cas complexes de l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'aide médicale à mourir, qui élabore de nouveaux cours nationaux sur l'aide médicale à mourir. Mais, aujourd'hui, je m'exprime à titre personnel, en ne représentant aucune de ces organisations.
Je suis sensible au travail qu'accomplit le gouvernement du Canada dans l'examen approfondi des problèmes reliés à l'aide médicale à mourir et soulevés par elle. L'écoute de nombreuses heures de témoignages présentés au fil des années devant divers comités qui se sont occupés de la question de l'aide médicale à mourir a été très instructive. L'ensemble des opinions différentes, des questionnements suscités par les opinions et les croyances d'autrui, tout ça a contribué à améliorer ma pratique. J'ai une opinion sur tous les aspects des travaux de votre comité, mais, aujourd'hui, je me bornerai à la question des demandes anticipées.
Même si je préfère de beaucoup aider une personne consciente et en mesure de me donner son consentement au moment où elle reçoit l'aide médicale à mourir, la maladie et les vicissitudes peuvent conduire une personne à une perte de capacité ou même de conscience. La crainte qu'expriment le plus souvent la plupart des personnes que je connais et presque tous les patients que j'évalue est de ne plus pouvoir demander l'aide médicale à mourir ou d'y consentir et, de ce fait, de devoir mourir naturellement dans des circonstances qu'ils considèrent comme répugnantes et intolérables. L'ajout de l'amendement d'Audrey au projet de loi a contribué d'une certaine manière à en rassurer certains, mais, pour la plupart, ce n'était pas assez.
La plupart de mes patients n'aspirent pas à vivre jusqu'à la fin naturelle de leur vie. Ils choisissent volontairement l'aide médicale à mourir. Mais ils veulent également vivre aussi bien et aussi longtemps que possible. La mort apporte beaucoup d'incertitude et, de ce fait, beaucoup d'anxiété. Beaucoup craignent de perdre leurs capacités physiques et, par la suite, leur autonomie ou de sombrer dans la démence et de perdre leurs capacités cognitives ou la maîtrise de leurs propres soins.
Des gens s'adressent souvent à moi pour que je les évalue pour l'aide médicale à mourir, croyant qu'ils pourraient la recevoir ultérieurement, à un moment choisi par eux ou au cas où ils en deviendraient entretemps incapables. Certains, comme les deux patients que j'ai évalués hier, sont anéantis d'apprendre que ce ne sera pas possible. Ils ne veulent pas mourir maintenant, même s'ils y sont admissibles. Ils ne veulent certainement pas fixer une date à l'aide médicale à mourir, mais ils savent qu'elle sera au rendez-vous d'ici quelques mois ou quelques années. Ils savent ce qu'ils veulent éviter et que, pendant qu'ils en sont capables, rédiger une demande anticipée d'aide médicale à mourir les soulagerait d'une partie importante de leurs souffrances et de leur anxiété actuelles sur la fin de leur vie.
Jusqu'ici, j'ai pris soin de personnes comme celles‑là en entreprenant une évaluation, en rassemblant les renseignements cliniques de base que je dois connaître puis en gardant un contact régulier avec elles. L'évaluation se termine quand elles veulent recevoir l'aide médicale à mourir et qu'elles sont prêtes à fixer une date — parfois des mois ou des années plus tard. Elles se sentent ainsi réconfortées, et ça m'occupe constamment, mais ça ne saurait être aussi avantageux qu'une directive préalable ou une demande anticipée.
Ma mère est morte en 2009. S'étant heurté la tête dans une chute et, en partie, parce qu'elle prenait des anticoagulants pour traiter une de ses maladies, elle a subi une hémorragie cérébrale. On l'a opérée, mais en vain. Elle n'a pas repris conscience, mais, d'après les scans et les examens, une issue heureuse n'était pas probable. Comme j'avais discuté avec mes parents, au fil des ans, de ce qu'ils souhaitaient comme fin de vie et qu'ils avaient répondu à mes nombreuses questions et actualisé régulièrement leurs volonté et désirs sur des formulaires que je leur avais fournis, je savais à quoi m'attendre. C'était difficile, mais j'étais rassurée par la certitude de connaître les volontés de ma mère au cas où ce genre d'accident surviendrait. Elle est morte sans reprendre conscience, mais entourée de sa famille pendant les derniers jours.
Je reviens tout juste d'une visite chez mon père de 96 ans, d'origine française, qui vit au Texas. Il préférerait de beaucoup vivre au Canada — d'après lui le pays le plus civilisé —, mais ma mère et lui ont trop tardé à mettre en branle le processus d'immigration. Il a donc dû se contenter de longues visites pendant qu'il était encore capable de voyager. Maintenant frêle et faible, mais sain d'esprit, il en pince toujours pour elle et, dans son appartement, il s'est entouré de ses photos. Même s'il semble souffrir, il ne souffre pas. Une mort paisible dans son sommeil lui conviendrait, mais, dans son état, il n'a aucun désir de la hâter. J'ai aidé de nombreux patients qui n'étaient pas aussi extrêmement affaiblis que lui à mourir. S'il vivait au Canada, s'il éprouvait des souffrances intolérables et s'il demandait l'aide médicale à mourir, il serait admissible. Il voudrait également formuler une demande anticipée.
Tout ça pour dire que les demandes anticipées et les directives préalables sont importantes et susceptibles d'être mises en œuvre. Il importe également de consulter un procureur désigné ou un éventuel mandataire sur ses propres désirs en cas d'incapacité. Il est capital d'énumérer clairement les soins qu'on souhaite recevoir et ceux qu'on refusera. Ces renseignements orienteront les soignants. Plus ils sont détaillés, mieux ça vaudra, particulièrement dans les demandes anticipées.
Idéalement, une base nationale de données permettrait le stockage des demandes anticipées. Il incomberait aux fournisseurs de soins de se renseigner sur l'existence de la demande anticipée et d'y accéder. Ça permettrait au patient, peu importe l'endroit au Canada où il tombe malade, de voir ses désirs communiqués à ceux qui ont besoin de savoir pour le soigner.
C'est une lourde responsabilité que d'être le mandataire ou le procureur aux soins de la personne. Il faut y mettre beaucoup de temps, de réflexion et d'études. La plupart des gens n'ont aucune idée de l'importance de l'investissement nécessaire ni de ce qu'on exigera de lui. Cela deviendra encore plus compliqué et plus complexe en ce qui concerne les directives préalables ou les demandes anticipées qui englobent l'aide médicale à mourir, mais je suis convaincue que ça peut être fait et bien fait grâce à des conseils et à une planification minutieuse.
J'ai vu ce que donnaient, en situation réelle, des directives préalables bien rédigées…
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Je remercie le Comité de son invitation.
Je suis professeur d'éthique à l'Université de Colombie-Britannique. Aujourd'hui, j'ai l'intention d'exposer pour vous un problème, puis de vous révéler certaines de ses solutions.
Si, un jour, les demandes anticipées d'aide médicale à mourir deviennent légales, on pourrait penser qu'il suffira de bien remplir un formulaire pour que, le moment venu, un fournisseur de l'aide médicale à mourir s'occupe du reste. Malheureusement, ce pourrait ne pas arriver. Des témoignages recueillis aux Pays‑Bas, où les demandes anticipées étaient légales depuis 2002, révèlent que les médecins ne respectent pas toujours les désirs de leurs patients tombés en démence. Pour eux, en effet, très peu de ces demandes se sont traduites en aide médicale à mourir.
Pour prévoir ce qui pourrait survenir au Canada, si les demandes anticipées d'aide médicale à mourir étaient légales pour les patients atteints de démence, mon confrère et mes consœurs Adrian Byram, Ellen Wiebe et Sabrina Tremblay-Huet et moi avons demandé à 103 fournisseurs de l'aide médicale à mourir de toutes les provinces s'ils étaient disposés à fournir cette aide sous l'égide d'une demande anticipée qui énumérerait les types de circonstances précises dont vous avez souvent discuté pendant vos travaux. L'immense majorité a convenu qu'elle la fournirait si le patient était en mesure de donner son plein consentement. Mais, à mesure que nous changions la description de la situation pour y englober des circonstances susceptibles de s'appliquer à mesure que la démence s'installait — acquiescement d'un signe de tête plutôt que consentement explicite, patients sans réaction, mais accord de la famille ou confiance dans la demande anticipée écrite, sans la confirmation, par un tiers, que le moment était venu — et que nous parcourions ce spectre, le pourcentage de fournisseurs disposés à fournir cette aide à ces patients avait diminué au point que beaucoup moins de la moitié d'entre eux persistaient dans leur intention.
Ces données portent à croire que les demandes anticipées d'aide médicale à mourir en cas de démence ne constituent pas une pente glissante. Leur mise en œuvre serait plutôt une tâche difficile. C'est un problème pratique qui menace de défaire tout le travail acharné que beaucoup d'entre vous ont consacré à la création d'une marche à suivre pour les demandes anticipées d'aide médicale à mourir pour les patients atteints de démence.
Vient ensuite la question: Comment concevoir ces demandes pour que les fournisseurs de l'aide médicale à mourir respectent les vœux des patients?
Heureusement, nous avons demandé aux mêmes fournisseurs de proposer des idées concrètes pour dénouer la situation. Ils ont mis beaucoup de réflexions dans leurs recommandations, et je tiens à profiter de l'occasion pour les remercier publiquement pour leurs idées dont la quintessence se trouve dans notre publication de 2021, communiquée à votre comité.
Je voudrais terminer mon témoignage en soulignant cinq éléments qui se dégagent de ce que je considérerais comme des solutions minimales à notre dilemme commun.
D'abord, la demande anticipée devrait énumérer des circonstances précises — et j'insiste sur cet adjectif — pour la fourniture de l'aide médicale à mourir.
Ensuite, la réaffirmation périodique de la demande anticipée aurait un certain poids en raison de la constance des désirs du patient.
Ensuite encore, il faut énumérer les motifs pour lesquels chaque circonstance particulière constitue une souffrance intolérable pour le demandeur. Les fournisseurs de l'aide médicale à mourir étaient généralement bien disposés envers l'autodétermination par chacun de ce qui pourrait constituer pour lui une souffrance, mais ils faisaient régulièrement observer qu'une discussion explicite de la question dans la demande anticipée renforcerait l'idée d'une bonne action accomplie au bon moment.
Puis on discute de la demande anticipée avec la famille et des décideurs désignés compétents. Les changements imprévus au moment de la prestation du service placent les fournisseurs dans une situation extrêmement embarrassante.
Enfin, il est demandé aux demandeurs d'expliciter ce qu'ils voudraient voir se produire si, au moment de la prestation du service, les choses ne se déroulent pas comme prévu — par exemple, si des membres de la famille ou le demandeur lui‑même s'opposent à l'opération.
Pendant la rédaction de votre rapport, je vous encourage vivement à envisager l'application de ces recommandations. D'après nos données, pour que les demandes anticipées aient l'effet escompté, nous devons envisager soigneusement la réalité qu'observent les fournisseurs de l'aide médicale à mourir. Ils exercent déjà le métier moralement exigeant de fournir l'aide médicale à mourir et, si le projet de loi est édicté, on leur demandera de se charger de la difficulté supplémentaire de fournir cette aide d'après une demande anticipée. Le succès de tout le programme dépend de notre conception de cette demande pour que chacun — patients, familles, fournisseurs de l'aide médicale à mourir, également — obtiennent les résultats attendus de tous.
Je vous remercie de votre attention.
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Merci beaucoup. Je vous remercie de m'avoir invitée à participer à cette importante étude.
Je suis la directrice du Centre conjoint de bioéthique de l'Université de Toronto et professeure agrégée à l'École de santé publique Dalla Lana. Toutefois, je suis ici ce soir à titre personnel, et mon témoignage se fondera sur ma formation disciplinaire en bioéthique et en politiques en matière de santé, de même que sur mon expérience à titre de coprésidente du Groupe consultatif d'experts provinciaux et territoriaux sur l'aide médicale à mourir en 2015 et à titre de présidente du groupe de travail sur les demandes anticipées du Comité d'experts du Conseil des académies canadiennes sur l'aide médicale à mourir en 2018‑2019.
J'ai eu l'occasion d'entendre plusieurs des témoignages précédents au cours de la semaine dernière. J'aimerais donc miser sur ces témoignages et ceux de mes collègues qui font partie du groupe de témoins invités aujourd'hui, et présenter au Comité certains points à prendre en compte dans le cadre de ses délibérations sur le rôle, l'application et les conditions possibles des demandes anticipées d'aide médicale à mourir.
Premièrement, bien que les demandes anticipées d'aide médicale à mourir puissent être pertinentes pour les personnes souffrant de démence, elles peuvent aussi l'être pour d'autres. Les discussions relatives aux demandes anticipées d'aide médicale à mourir se centrent souvent sur la démence à titre de cause profonde et de motif pour présenter une demande. Il est toutefois important de faire la distinction entre un problème de santé grave et irrémédiable pouvant donner lieu à une telle demande et les circonstances cliniques qui peuvent entraîner la perte de capacité à prendre une décision. Pour certains patients, la démence peut représenter à la fois une condition médicale grave et incurable, et la cause de la perte de leurs capacités; ce n'est toutefois pas toujours le cas.
On peut penser, par exemple, à la demande anticipée d'aide médicale à mourir d'une personne qui reçoit un traitement actif contre le cancer ou une maladie cardiaque, dont le pronostique est incertain, et qui risque de connaître un événement qui limite sa qualité de vie, comme un AVC. On peut aussi penser à une personne qui a hérité du gène dominant de la maladie de Huntington ou de l'Alzheimer précoce et qui développera fort probablement la maladie, mais qui peut aussi recevoir un diagnostic de condition médicale grave et incurable entretemps. Enfin, on peut penser à une personne qui vit avec la maladie de Parkinson depuis plusieurs années, qui sait qu'elle pourrait souffrir de démence à l'étape finale de la maladie et qui souhaite prévoir cette possibilité alors qu'elle en a encore la capacité.
Il est important que l'étude sur les demandes anticipées d'aide médicale à mourir tienne compte de ce large éventail de circonstances.
Deuxièmement, il faut savoir que les personnes souffrant de démence peuvent vivre dans la dignité, avec le soutien nécessaire. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour créer des conditions favorables à cet égard. Toutefois, pour certaines personnes, sans égard à leur condition, la démence avancée peut être considérée comme une source de souffrances intolérables.
Comme vous l'avez entendu de la part d'autres témoins, les récents sondages montrent le grand appui des Canadiens à l'égard des demandes anticipées d'aide médicale à mourir. Certains témoins ont attribué un tel résultat à la peur de la démence et des soins en établissement, à l'accessibilité restreinte aux soins palliatifs ou à l'âgéisme et au capacitisme au sein de la société. On craint que les demandes anticipées d'aide médicale à mourir exacerbent les obstacles systémiques ou les attitudes de la société qui rendent les personnes souffrant de démence — surtout les aînés — vulnérables en tant que groupe, et qu'elles donnent lieu à une diminution des efforts en vue d'offrir des soins à toutes les personnes souffrant de démence, afin qu'elles vivent dans la dignité.
Toutefois, en se centrant sur les groupes vulnérables, on tend à oublier l'expérience des personnes en fonction des circonstances uniques de leur vie, notamment l'incidence que la maladie peut avoir sur leur identité personnelle, leurs valeurs fondamentales et leur capacité d'interagir avec le monde et de participer aux projets qui leur tiennent à coeur, avec les gens qu'ils aiment. L'étude des demandes anticipées doit tenir compte de la vulnérabilité des groupes et des personnes, sans les amalgamer.
Enfin, comme l'ont fait valoir plusieurs témoins avant moi, les demandes anticipées d'aide médicale à mourir représentent un processus complexe associé à des incertitudes connues; toutefois, il y a peut-être des façons de réduire la complexité et les incertitudes, comme l'a fait valoir M. Reiner.
Les demandes anticipées d'aide médicale à mourir soulèvent d'importantes questions au sujet de la clarté avec laquelle une personne peut décrire les circonstances selon lesquelles on doit répondre à sa demande, de la concordance de la situation actuelle d'une personne avec les circonstances décrites dans la demande anticipée et de la mesure selon laquelle les souhaits du patient sont connus et compris par l'équipe de soins, le mandataire et les membres de la famille. La mesure législative à elle seule ne peut répondre à toutes ces questions et notre expérience avec l'aide médicale à mourir au Canada démontre que de multiples acteurs ont un rôle à jouer dans cette décision.
Dans le cadre de son étude, le comité mixte spécial devrait non seulement émettre des recommandations sur la forme que pourrait prendre la loi, mais aussi dresser un portrait de ce qu'il a entendu dans le cadre de chacune des réunions dans le but d'orienter le large éventail d'intervenants qui pourraient avoir un rôle à jouer dans la mise en oeuvre et dans l'évolution continue de la loi.
Je serai heureuse d'examiner ces points plus en détail avec vous et avec mes collègues.
Merci.
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J'aimerais maintenant m'adresser à vous, monsieur Reiner.
Je vous suis reconnaissant d'avoir apporté cinq points clés à l'attention du Comité, soit la liste des circonstances particulières, la mise à jour régulière des souhaits, la raison pour laquelle chaque circonstance constitue une souffrance, la discussion des décisions avec la famille et également une certaine mise en contexte lorsque les choses ne se déroulent pas comme prévu.
De nombreux témoins nous ont parlé de décisions de leur moi présent pour leur moi futur. Je me demande comment vous avez abordé cet argument en tant que professeur en neuroéthique. Beaucoup de témoins nous ont dit que leur moi présent...
Il se peut que je ne comprenne pas totalement, à 43 ans, ce que mon moi de 75 ans voudrait. Par conséquent, comment pourrais‑je prendre des décisions adéquates pour le M. MacGregor de 75 ans? Pouvez-vous nous faire part de votre expertise à cet égard?
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Merci, monsieur le président.
Le Dr Reiner n'a pas vraiment répondu à la question de mon collègue M. Thériault, mais je vais poser la même question à Mme Perrot.
Vous avez défini un peu les directives anticipées, mais je ne suis pas certain de comprendre ce que vous voulez dire quand vous parlez de directives données 15, 20 ou 25 ans avant l'événement. Parlez-vous de cas où une personne donne des directives anticipées indiquant qu'elle veut recevoir l'aide médicale à mourir si jamais elle a un accident cardiovasculaire ou qu'elle se retrouve dans tel ou tel état, ce qui pourrait survenir 20 ans plus tard, par exemple?
D'autres experts nous ont dit qu'il fallait plutôt s'attaquer à la démence et aux maladies neurocognitives irrémédiables. C'est d'ailleurs ce qui semble inquiéter les Canadiens. Dans ces cas-là, ne faut-il pas un diagnostic, au préalable, pour que le processus d'information et de réflexion soit déclenché et que la personne donne des directives anticipées indiquant très précisément à quelle étape de sa vie elle veut recevoir l'aide médicale à mourir?
Docteure Perrot, avez-vous entendu l'interprétation de tout ce que j'ai dit?
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Je vous remercie de votre question. Je pense qu'elle s'appuie sur la précédente.
Dans le cadre de la loi, les directives cliniques élaborées par les intervenants qui sont les mieux équipés, à titre de cliniciens, pour éclairer la forme que la pratique peut prendre, seront importantes. Toutefois, nous devons aussi penser à faire appel à d'autres intervenants.
L'un des principaux intervenants dans ce cas‑ci — et je sais que votre comité a mentionné cet intervenant et qu'il revient assez fréquemment dans les discussions — est le mandataire spécial, car il joue un rôle essentiel dans ce processus. Le processus décrit par M. Reiner est très bien conçu pour aider le mandataire spécial à comprendre pourquoi le patient souhaite faire une demande anticipée et pour l'aider à participer à ce processus de délibération. C'est donc un intervenant auquel il faut penser et je crois que d'autres intervenants peuvent jouer des rôles essentiels pour assurer le bon fonctionnement du système.
L'un des points forts du projet de loi initial était qu'il prévoyait la mise en place d'un système de surveillance. Nous étions donc en mesure de suivre et de comprendre ce qui se passait dans la pratique et d'orienter l'évolution de la politique. Il s'agit toutefois d'un système de haut niveau qui utilise souvent des données quantitatives dans les rapports statistiques. C'est très utile pour les éléments qui concernent la population, mais nous devons aller plus loin.
Il existe d'autres façons de renforcer l'ensemble du système. Par exemple, nous pouvons continuer à encourager les types de recherches menées par M. Reiner et l'apprentissage et la formation des professionnels de la santé dont parlait Dre Perrot. Tout le monde peut contribuer.
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Je vous remercie, monsieur le coprésident.
Je n'aurai pas le temps de poser toutes mes questions. Nous arrivons à la fin de la discussion sur les directives anticipées, mais j'ai l'impression que nous avons encore beaucoup à explorer, car c'est un sujet très important et tellement vaste.
Je pourrais me concentrer sur les restrictions qui seront nécessaires pour veiller à ce que les choses soient faites correctement. Par exemple, sous quelles conditions strictes les dispositions relatives aux directives anticipées devraient-elles être prises, et dans quelles conditions faudrait‑il abandonner la procédure?
Nous parlons de la participation de la famille au cours du processus. Je sais que la participation de la famille soulève parfois des enjeux, tant positifs que négatifs. À quel moment une directive anticipée ou une procédure doit-elle être abandonnée? Si nous prolongeons les directives anticipées au‑delà de la renonciation au consentement final actuellement autorisée, quelles mesures de protection faudra‑t‑il prévoir? Je me concentre sur les protections qui sont nécessaires pour que le système soit très fiable.
J'aimerais d'abord entendre la réponse de Dre Perrot, et ensuite celle de M. Reiner.
Docteure Perrot, je vous écoute.
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Habituellement, une demande anticipée est rédigée dans un cabinet d'avocats, avec un document de procuration, je pense. Le centre de bioéthique avait un excellent modèle il y a deux ou trois ans. J'aurais aimé qu'il n'ait pas cessé de le produire. Mourir dans la dignité Canada a un excellent modèle. J'ai utilisé un certain nombre de modèles et je m'inspire de certains d'entre eux pour créer les demandes anticipées que j'ai rédigées et celles que je recommande à mes patients d'utiliser, mais il n'existe pas de modèle qui soit utilisé de façon universelle.
Nous n'avons pas de modèle principal, en tout cas, pour les demandes anticipées d'aide médicale à mourir, parce que ce n'est pas encore possible. Il n'y a pas de modèle principal pour la renonciation au consentement final. J'ai rédigé mon propre document quand c'est devenu légal et je l'ai révisé au fil du temps en l'améliorant et en y ajoutant des éléments afin qu'il soit le plus clair possible. Lorsque je rencontre le patient, je veux comprendre ce dont il a besoin et ce qu'il veut, de quoi il souffre et quels seraient ses critères. Je lui demande d'écrire des choses, et je l'aide à les rédiger d'une manière qui me semble logique.
En général, des membres de la famille ou des amis sont présents à ce moment‑là, afin qu'ils comprennent également ce qui se passe. Cependant, je dois dire que j'ai aussi beaucoup de patients qui n'ont pas de famille à proximité — qui n'ont pas de famille du tout ou qui n'ont confiance en aucun membre de leur famille pour cela — et donc, l'idée de devoir inclure la famille me préoccupe.
J'ai deux ou trois patients en ce moment dont les familles sont très obstructionnistes et ne leur permettent pas de recevoir l'aide médicale à mourir. Je ne peux rien faire sans leur collaboration. Cela rend la situation très difficile pour les patients. Je pense que c'est encore plus marqué s'il y a une demande anticipée qui nécessite la participation d'un membre de la famille.
J'espère avoir répondu à votre question.
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Nous reprenons, chers collègues.
J'ai quelques observations à faire à l'intention des témoins qui viennent de se joindre à nous. Veuillez attendre que la coprésidence vous nomme avant de prendre la parole. Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la coprésidence.
Lorsque vous parlez, veuillez vous exprimer lentement et clairement. Les services d'interprétation offerts pour cette vidéoconférence sont les mêmes que ceux offerts pour une réunion en personne. Vous pouvez choisir, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Lorsque vous n'avez pas la parole, veuillez mettre votre micro en sourdine. Merci beaucoup.
Bienvenue à tous les témoins qui participent à notre discussion sur les mineurs matures. C'est un sujet très important pour nous. Nous vous remercions beaucoup du temps que vous accordez à notre comité.
Nous recevons trois témoins, qui comparaissent tous par vidéoconférence: Mme Kathryn Morrison, éthicienne clinique et organisationnelle; le Dr Gordon Gubitz, professeur à la division de neurologie du département de médecine à la faculté des études supérieures de l'Université Dalhousie; et Mme Kimberley Widger, professeure associée.
Nous allons tout d'abord entendre Mme Kathryn Morrison.
Je vous cède la parole. Vous disposez de cinq minutes.
Bonsoir. Je remercie les coprésidents et les membres du Comité de m'avoir invitée. Je suis très honorée de pouvoir discuter avec le Comité de ce sujet très important.
Je suis philosophe et j'ai terminé mon doctorat en philosophie appliquée à l'Université de Waterloo l'an dernier. Ma recherche porte sur les arguments moraux concernant l'admissibilité des mineurs matures à l'aide médicale à mourir, l'AMM. Ces travaux se concentrent sur les cas de mineurs dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible, c'est‑à‑dire le premier volet.
Je présente également le point de vue d'une éthicienne clinique qui travaille dans un grand réseau hospitalier en Ontario, où notre service aide les patients, les familles et les équipes de soins de santé qui font face à des situations difficiles concernant le consentement éclairé, la capacité et la qualité des soins de fin de vie. En tant qu'éthicienne clinique, j'appuie l'un des quatre hôpitaux pédiatriques spécialisés de l'Ontario. Notre service soutient également l'équipe de l'AMM de l'établissement, où j'ai eu le privilège de faire un travail de coordination relatif l'AMM pendant ma formation en éthique.
Les points de vue que je présente au Comité sont les miens et ne représentent pas ceux de l'organisation pour laquelle je travaille.
L'accès à l'AMM pour les mineurs matures est un sujet difficile sur le plan émotif. Il présente des défis uniques en ce qui a trait aux valeurs fondamentales décrites dans la décision Carter. La société a intérêt à protéger les personnes vulnérables, et les enfants sont souvent perçus comme étant vulnérables, ce qui fait que les obligations à l'égard du bien-être des enfants sont plus importantes que les obligations à l'égard de celui des adultes. Cependant, la société a aussi des obligations sur le plan de l'autonomie. Notamment, il faut respecter les personnes capables de prendre des décisions sur leurs propres soins médicaux et éviter de les forcer à endurer des souffrances intolérables contre leur volonté.
Les enfants ont légalement droit à l'autonomie décisionnelle en fonction de leur niveau de maturité. Cette tension entre le bien-être et l'autonomie fait que la capacité d'un mineur mature à prendre une décision aussi importante fait l'objet d'un examen approfondi.
Je souhaite présenter au Comité trois facteurs qui, à mon avis, constituent de bonnes raisons pour rendre les mineurs matures admissibles à l'AMM dans le cas du premier volet. Premièrement, il y a la crainte qu'empêcher les mineurs d'avoir accès à l'AMM soit discriminatoire. Dans son rapport de 2016, le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir précise qu'un mineur mature « peut souffrir tout autant qu'un adulte ». En outre, il est concevable que les mineurs qui souffrent d'un problème de santé grave et irrémédiable, à qui l'on interdit l'accès à l'AMM, puissent subir les mêmes préjudices que les adultes.
Cette différence de traitement est difficile à justifier au sens où nous justifierions des distinctions d'âge dans d'autres contextes, notamment les décisions de se marier, de conduire, de boire de l'alcool, de fumer du tabac ou de consommer du cannabis. Après tout, dans le contexte des décisions en matière de traitement, le pouvoir de décision est généralement fondé sur des présomptions relatives à la capacité plutôt que sur une distinction d'âge.
Deuxièmement, veiller au bien-être de l'enfant ne rime pas toujours avec prolonger la durée de sa vie. Dans les décisions de fin de vie, le bien-être peut reposer sur la dignité et la qualité de vie et on devrait tenir compte des torts qui sont causés si l'on force un mineur mature à endurer des souffrances intolérables contre sa volonté.
Enfin, il est important de comprendre que les mineurs matures prennent déjà des décisions médicales dont les enjeux sont très importants, notamment lorsqu'il s'agit de refuser un traitement de survie. Je soutiens que refuser un traitement de survie — c'est‑à‑dire décider de mourir même si l'on pourrait vivre — est un type de décision bien plus lourd de conséquences que la décision de demander l'AMM lorsque la mort naturelle est raisonnablement prévisible, décision qui consiste à choisir de contrôler la façon dont on va mourir lorsque la mort est inévitable. De ce point de vue, on considère déjà que les mineurs matures ont atteint le seuil de capacité et de maturité requis pour comprendre les conséquences de l'AMM.
Il est difficile de concilier ces facteurs pour le premier volet avec l'élargissement récent de la loi visant à inclure les personnes dont la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible — le deuxième volet — et l'inclusion anticipée des personnes dont le seul problème de santé invoqué est la maladie mentale. Si, à première vue, les demandes relatives au deuxième volet et à la maladie mentale comme seul problème de santé sous-jacent ont un poids similaire à celui de refuser un traitement de survie, il existe une grande incertitude quant à la vulnérabilité de ces groupes de patients. Je serais préoccupée si l'on rendait ces groupes admissibles à l'heure actuelle.
Je termine mon exposé en soulignant que les incertitudes que soulèvent le deuxième volet et la maladie mentale comme seul problème de santé sous-jacent ne devraient pas miner les arguments en faveur de l'admissibilité d'un mineur mature à l'AMM lorsqu'il s'agit du premier volet.
Encore une fois, je remercie les membres du Comité de leur attention.
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Je voudrais remercier le Comité de m'avoir invité ce soir pour exprimer mes idées et mes opinions.
Tout d'abord, je tiens à m'excuser. Je pensais que j'allais parler des directives anticipées, mais je suis heureux de faire des observations sur tout aspect de l'AMM et des soins d'AMM.
Au quotidien, je suis neurologue. Je travaille auprès de personnes qui ont été victimes d'accidents vasculaires cérébraux, dont bon nombre ont des souffrances intolérables par la suite et ne peuvent pas accéder à l'AMM en raison d'un manque de capacité. Je suis évaluateur et prestataire de l'AMM en Nouvelle-Écosse depuis que la loi est entrée en vigueur, en 2016. Je suis le responsable clinique de l'aide médicale à mourir en Nouvelle-Écosse en ce qui concerne l'administration, la promotion de bonnes politiques, etc. Enfin, je copréside et préside un comité national qui travaille à l'élaboration de normes d'éducation pour l'AMM dans l'ensemble du pays. C'est financé par Santé Canada et je me réjouis grandement de sa participation à ce processus.
Lorsqu'il a été question de l'aide médicale à mourir pour les mineurs matures, on m'a immédiatement présenté un cas, et il s'agissait en fait d'une personne que j'avais vue et accompagnée. C'était une jeune femme qui a commencé son parcours médical à 19 ans, un âge qui est juste au‑dessus de la catégorie des mineurs adultes. Elle souffrait d'un problème de douleur intolérable. Elle a vécu avec ce problème de douleur pendant cinq ans. Elle a vu un nombre incalculable de médecins et de chirurgiens spécialistes et a subi de nombreux traitements différents.
Quand on m'a demandé de la voir, c'était parce que la mesure législative couvrant le deuxième volet venait d'être adoptée. On m'a demandé de procéder à une évaluation pour déterminer si elle était admissible à l'aide médicale à mourir, même si sa mort naturelle n'était pas raisonnablement prévisible.
Sur la base d'un examen de l'ensemble de ses antécédents médicaux, de ma compréhension de la nature du problème, qui était un problème neurologique, et de discussions avec des spécialistes de partout au pays, j'ai conclu que sa mort naturelle n'était pas raisonnablement prévisible, mais qu'il n'y avait aucune option de traitement supplémentaire pour elle. Juste avant son 23e anniversaire, elle a reçu l'aide médicale à mourir chez elle, entourée de sa famille, et j'étais là pour lui fournir le médicament qui a provoqué sa mort.
À bien des égards, ce décès a été une expérience pour tous les membres de sa famille. Ils avaient vécu ce parcours avec elle, depuis l'époque où elle était mineure et commençait à éprouver des problèmes. Ils l'ont aidée ensuite dans sa quête pour comprendre, avancer dans les décisions de traitement, etc.
En apprenant à la connaître, je me suis rendu compte qu'elle était devenue une spécialiste de son propre problème. Elle avait fait des recherches, elle avait écouté les médecins et les thérapeutes, etc. Elle a évalué ses options et a finalement décidé qu'elle ne voulait pas se soumettre à des thérapies expérimentales, qui n'allaient pas l'aider à l'avenir. Elle a eu des discussions très franches et ouvertes avec ses parents. Ils n'étaient pas forcément d'accord au départ, ce qui a provoqué quelques conflits familiaux, mais ils ont fini par changer d'avis et être capables de la soutenir.
En fin de compte, c'est l'expérience que j'aie eue qui se rapproche le plus d'un cas de mineur mature en ce qui a trait à la capacité de franchir toutes les étapes de ce processus et le mener à terme. Elle a eu une mort paisible. Elle était entourée de sa famille et de ses amis, qui sont restés. Nous sommes restés après et je ne me souviens plus combien de tasses de thé nous avons bues en parlant de son parcours et en racontant des histoires. Je suis toujours en contact avec sa famille à ce jour, de façon périodique.
Malheureusement, je n'ai pas la même formation universitaire que Mme Morrison, mais je pense que les aspects cliniques sont très similaires à ce qui se passe du côté des adultes. C'est une question de communication, de capacité. Il s'agit de comprendre ses options et d'être capable d'agir en conséquence. L'âge ne définit pas nécessairement ce qui doit ou pourrait caractériser la compréhension. Je connais beaucoup de personnes dans la quarantaine qui ne sont pas capables de prendre des décisions et qui ne sont pas malades.
Je pense que je vais m'arrêter ici, car j'ai terminé.
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Merci beaucoup. Je vous remercie de m'avoir invitée à vous parler aujourd'hui.
Je suis professeure associée à la faculté des sciences infirmières Lawrence S. Bloomberg de l'Université de Toronto et je suis titulaire d'une chaire de recherche du Canada de niveau 2 en soins palliatifs pédiatriques. Avant de me consacrer à la recherche, j'ai travaillé pendant 12 ans comme infirmière, principalement auprès d'enfants atteints de cancer, mais aussi d'autres types de maladies mortelles.
L'objectif principal de mon programme de recherche est d'examiner et d'améliorer la prestation de soins palliatifs pour les enfants atteints d'une maladie mortelle et leur famille, afin que chaque enfant qui pourrait en bénéficier reçoive des soins optimaux.
Malheureusement, mes recherches continuent de montrer que de nombreux enfants n'ont pas accès à des soins palliatifs pédiatriques spécialisés et qu'il existe des inégalités préoccupantes quant à l'accès à ces soins. Une grande partie de ces recherches ont été mises en relief dans le rapport final du Groupe de travail du comité d'experts sur l'AMM pour les mineurs matures qui a été publié par le Conseil des académies canadiennes. J'étais membre de ce groupe de travail.
Mes observations porteront sur ce que mes recherches supposent en ce qui concerne les soins fournis aux mineurs matures et leur possible admissibilité à l'AMM.
Les soins palliatifs sont considérés comme un droit de la personne fondamental. Ils visent à réduire la souffrance au minimum et à augmenter la qualité de vie autant que possible. Ils sont censés être fournis à un enfant à partir du moment où il reçoit un diagnostic de maladie mortelle jusqu'à la fin de sa vie.
Les soins palliatifs peuvent être offerts de différentes manières, mais mes recherches se sont principalement concentrées sur les soins offerts par des équipes spécialisées en soins palliatifs pédiatriques, à savoir des équipes interprofessionnelles de professionnels de la santé, généralement des médecins, des infirmières, des travailleurs sociaux, des spécialistes de l'enfance, des intervenants en soins spirituels et d'autres personnes ayant une expertise à la fois dans les soins aux enfants et dans les soins palliatifs.
L'une de mes premières études portait sur les équipes qui offraient ces soins spécialisés et les enfants qui les recevaient. En 2002, il n'y avait que sept équipes de ce type au Canada, et elles ne fournissaient des soins qu'à environ un enfant sur 20 pouvant en bénéficier. Nous avons refait l'étude en 2012 et nous avons constaté qu'il y avait 13 équipes et qu'elles fournissaient des soins à un enfant sur cinq pouvant en bénéficier.
En 2022, il y a 17 équipes, mais je n'ai pas encore les statistiques sur le nombre d'enfants qui ont reçu ces soins au pays au cours de la dernière année. Toutefois, d'après deux ou trois études assez récentes que nous avons réalisées en Ontario, environ un enfant sur trois décédé d'une maladie mortelle a reçu des soins de l'une de ces équipes. Il est clair que la situation s'est améliorée au fil du temps, mais les progrès ont été très lents ces 20 dernières années.
En Ontario, nous avons examiné de plus près la situation d'enfants qui sont décédés d'un cancer et nous avons constaté que ceux qui vivaient dans les régions à plus faible revenu et ceux qui vivaient le plus loin d'un hôpital de soins tertiaires pour enfants étaient les moins susceptibles de recevoir des soins palliatifs spécialisés. Compte tenu de la géographie du Canada, il n'est peut-être pas surprenant que les personnes qui vivent plus loin aient moins de chances d'accéder aux soins.
Ces soins ne pourraient‑ils pas être offerts par des fournisseurs de soins palliatifs pour adultes ou des pédiatres généralistes? Absolument. De nombreuses équipes de spécialistes travaillent avec ces autres prestataires pour pouvoir fournir des soins plus près du domicile des gens, en agissant en tant que spécialistes afin que l'enfant bénéficie toujours des avantages de l'équipe de spécialistes.
Nous avons pu comparer les enfants qui ont reçu, au moins en partie, des soins palliatifs offerts par des équipes spécialisées avec ceux qui ont reçu des soins palliatifs sans la participation d'une équipe spécialisée et ceux pour lesquels rien n'indiquait qu'ils avaient reçu un type quelconque de soins palliatifs. Nous avons constaté que les personnes qui reçoivent des soins spécialisés sont beaucoup moins susceptibles de se rendre fréquemment à l'hôpital, à l'unité de soins intensifs et au service des urgences au cours des 30 derniers jours de leur vie et qu'elles risquent beaucoup moins de mourir à l'hôpital que celles qui ne reçoivent pas de soins palliatifs. Malheureusement, en ce qui concerne les visites à l'hôpital ou les décès à l'hôpital, la situation des personnes du groupe intermédiaire, celles qui reçoivent des soins palliatifs, mais pas ceux offerts par une équipe spécialisée, n'est pas différente de la situation des personnes qui ne reçoivent pas de soins palliatifs.
Les équipes spécialisées changent la donne dans le soutien apporté aux enfants et aux familles. Comme je l'ai dit au début, ces équipes sont expertes sur le plan de la gestion de la douleur et des symptômes, des problèmes psychosociaux et des préoccupations existentielles, du soutien aux familles et de l'augmentation de la qualité de vie autant que possible et de la réduction de la souffrance au minimum. Cependant, tous les enfants canadiens ne sont pas en mesure d'accéder à ces services.
Je ne vois pas comment nous pourrions permettre à un mineur mature de choisir l'AMM à moins que toutes les options de soutien aient été pleinement explorées par une équipe spécialisée de professionnels de la santé qui font ce travail tous les jours. Ma plus grande crainte serait qu'un jeune de 16 ou 17 ans qui n'a pas accès à ce type de soins ait l'impression que l'AMM est sa seule option.
Merci.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins de nous faire part de leurs réflexions et de leurs connaissances. Nous avons étudié bien des volets de cette loi dans le cadre de sa révision, et le plus touchant est probablement celui-ci, c'est-à-dire toute la question des mineurs matures.
Madame Morrison, je vous remercie de votre témoignage. J'ai trois questions pour vous. Prenez le temps de bien nous expliquer ce que vous en pensez.
D'abord, comment détermine-t-on, selon vous, qu'une jeune personne a la capacité de prendre une telle décision en toute connaissance de cause?
Ensuite, avons-nous suffisamment de données sur cette question? Après tout, il y a très peu d'endroits sur la planète où l'aide médicale à mourir est accessible aux mineurs matures. Il me semble que ce ne soit pas assez documenté pour que nous nous lancions à notre tour dans cette aventure. Je ne dis pas que je suis contre cela, bien au contraire, ni que j'y suis favorable. C'est simplement que je me pose beaucoup de questions.
Enfin, quels critères ou quelles mesures de protection devrait-on retrouver dans cette loi révisée si, en notre pouvoir de législateur, nous décidions de permettre aux mineurs matures d'avoir accès à l'aide médicale à mourir?
Ce sont mes trois questions. Vous êtes une spécialiste, alors je vous écoute.
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Je m'excuse. Je croyais également avoir entendu le nom de Mme Widger, mais je suis heureuse d'essayer de répondre à certaines des questions.
Je vais commencer par la question qui porte sur la capacité. Nous savons que la capacité est souvent formulée en fonction du temps et du traitement. Un patient peut être jugé capable de prendre un type de décision, mais incapable de prendre un autre type de décision. Dans le cadre de certaines de mes recherches et de ma pratique, nous avons vu des mineurs matures dans des situations où ils étaient capables de prendre des décisions assez complexes, soit des décisions qui nécessitent une bonne compréhension. De nombreux facteurs entrent en jeu, qu'il s'agisse de l'expérience de la maladie, de la souffrance éprouvée, du développement de l'enfant ou de la manière dont les croyances, les valeurs et les normes culturelles peuvent s'appliquer aux décisions où il y a des éléments de valeur subjective inhérents à certaines de ces questions.
Nous constatons également qu'un poids différent est généralement attribué aux décisions. Plus la décision est lourde de conséquences, plus le seuil doit être élevé. Certains de mes travaux indiquent qu'il y a des situations où des mineurs matures prennent des décisions incroyablement lourdes de conséquences, notamment lorsqu'il s'agit de choisir de mourir, alors qu'il leur est possible d'avoir un long avenir et un avenir prolongé dans certains cas. Dans ces situations, nous considérons que les mineurs ont la capacité de prendre une telle décision. Dans les situations où un mineur mature est en fin de vie, il n'a pas un long avenir devant lui et il réfléchit à toutes ses options pour déterminer la façon dont il souhaite mourir. Souvent, nous considérons ces décisions comme étant, je dirais, comparativement moins lourdes.
En ce qui concerne les mesures de protection, je tiens simplement à mentionner que dans le rapport du Conseil des académies canadiennes, on décrit très clairement de nombreuses mesures de protection.
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Merci, madame la présidente.
Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence. Ils sont ici ce soir pour discuter avec nous d'un sujet très délicat, à savoir la question des mineurs matures.
Ma première question s'adresse au Dr Gubitz.
Docteur Gubitz, vous nous avez candidement avoué que vous pensiez être ici pour parler des demandes anticipées. Finalement, votre expérience de travail vous permet de prendre part à la discussion.
Vous nous avez parlé d'une jeune fille qui avait intensément souffert pendant cinq ans, avant d'atteindre l'âge de 19 ans et de pouvoir faire une demande d'aide médicale à mourir. Vous avez dit que, dans son cas, il ne s'agissait pas d'une question d'âge, mais bien de capacité de compréhension.
Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet, en tenant compte du cadre dans lequel s'inscrit une demande provenant d'un mineur mature?
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Je m'excuse. C'était comme si Zoom avait cessé de fonctionner.
C'est une question vraiment importante, car nous savons que, dans les pays du Benelux où les mineurs matures peuvent avoir accès à l'aide médicale à mourir, le consentement parental est une exigence, du moins dans certains cas.
C'est difficile, car la présence des parents dans la prise de décisions médicales est souvent considérée comme un facteur d'autonomie, à certains égards. Cependant, nous rencontrons des cas où il existe de profondes inquiétudes quant aux répercussions que peut avoir le rôle des parents sur la capacité de prendre des décisions de manière autonome des mineurs. Comme nous le constatons dans le cas des adultes, lorsqu'il s'agit de la pratique de l'AMM, le rôle des membres de la famille peut représenter un double défi: favoriser l'autonomie, mais aussi la limiter.
L'un des grands défis, lorsqu'il s'agit de mineurs matures, c'est la question de la compatibilité avec notre cadre entourant des décisions relatives au traitement. Souvent, lorsqu'un patient — y compris les patients mineurs — a la capacité de prendre des décisions, les membres de la famille n'ont pas à prendre de décisions au nom de ce patient. Je pense que ce serait un défi d'exiger le consentement des parents.
Il s'agirait davantage de les consulter.
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Merci beaucoup, madame la coprésidente.
Je remercie nos témoins. C'est un sujet très difficile.
Je vois les choses en tant que parent, avant tout. Je pense que la difficulté réside dans le fait que les parents sont animés par le désir de protéger leurs enfants, mais en même temps, il y a le fait qu'un enfant peut subir des souffrances évidentes.
Je pense que nous avons de la chance, d'une certaine manière, dans la mesure où chacune de nos provinces a déjà mis en place des lois régissant les soins de santé. Dans ma province, soit la Colombie-Britannique, on peut lire qu'en général, le consentement parental pour les soins de santé dans la province est demandé pour les enfants âgés de 12 ans et moins. Toutefois, il n'y a pas d'âge légal pour le consentement. Essentiellement, on dit que le consentement d'un mineur mature, c'est le consentement qu'un enfant ou un jeune donne pour recevoir des soins de santé après qu'un fournisseur de soins de santé l'a évalué et a jugé qu'il comprend suffisamment pour donner son consentement.
Madame Morrison, je sais que ce n'est pas tellement lié à un âge. C'est lié à la compréhension générale que l'enfant a.
Pouvez-vous tout d'abord nous donner un exemple? Quand un enfant arrive avec ses parents, comment guidez-vous ce lien? Y a‑t‑il un moment où vous discutez avec l'enfant seulement? Pouvez-vous nous donner un exemple du type de questions qui sont posées pour essayer de déterminer si l'enfant comprend ce qui l'attend?
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Je peux seulement vous parler de situations avec des adultes.
Nous procédons souvent à des entrevues avec la personne qui demande une évaluation de l'aide médicale à mourir et ses aidants — ses proches ou qui que ce soit d'autre. Nous allons souvent trouver une façon d'avoir une conversation séparément avec la personne, simplement pour s'assurer qu'on ne la force pas d'une façon ou d'une autre à prendre une décision.
La plupart du temps, quand les gens y pensent, ils y pensent depuis longtemps. Le demandeur vient souvent avec une autre personne qui l'accompagne dans son combat et qui comprend ce qu'est la maladie. Cette personne sait que ce sera une conversation difficile. Elle est là comme soutien. On voit rarement une situation où la personne n'offre pas son soutien. Dans ce cas, de toute évidence, la personne choisie n'était pas la bonne.
Je peux voir la même situation se produire avec un parent et un enfant, sauf que dans ce cas, les appréhensions sont décuplées et, comme vous l'avez mentionné, il y a le lien parent-enfant qui entre en jeu.
Encore une fois, on en vient au niveau de compréhension et de soutien que les gens reçoivent de l'équipe qui les entoure pour passer les étapes du processus ensemble, en étant conscients que la décision ne sera pas prise en claquant des doigts. La décision sera plutôt l'aboutissement d'un processus.
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Je vous remercie, monsieur le président.
J'ai trois questions, qui s'adressent toutes au Dr Gubitz.
Sur un point un peu différent, je pense que vous pouvez nous aider dans votre rôle en tant que président du processus d'élaboration du programme d'aide médicale à mourir. Je vais poser mes trois questions et vous demander ensuite de répondre.
Ma première question est la suivante: le programme sur lequel le groupe travaille sera‑t‑il d'une norme similaire à d'autres programmes utilisés actuellement pour la formation des médecins, des médecins de famille ou des spécialistes pour le collège royal?
Deuxième question: ce programme sera‑t‑il une occasion pour normaliser l'évaluation et la prestation de l'aide médicale à mourir au Canada — donc, pour améliorer la normalisation?
Troisième question: ce programme aidera‑t‑il les organismes professionnels et réglementaires à établir des normes de soins pour l'aide médicale à mourir comme cela se fait actuellement dans tous les autres domaines de la médecine au Canada?
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Votre première question porte sur la qualité du programme d'enseignement que nous élaborons. Le programme sera accrédité par tous les collèges royaux — le Collège royal des médecins, le Collège des médecins de famille du Canada et l'Association des infirmières et des infirmiers du Canada — qui font équipe avec nous, en fait, pour élaborer ce programme. Ils surveillent son évolution à toutes les étapes, mais il sera aussi soumis à un processus d'accréditation.
Au sujet de la deuxième question portant sur la création d'une norme d'enseignement partout au pays comparable à ce qu'on peut voir ailleurs, on élabore ce programme parce qu'il n'existe pas de formation officielle pour l'aide médicale à mourir de quelque nature que ce soit au pays. Il y a eu la modification législative. Puis il y a eu le « voir, faire, enseigner ». Enfin, le Sénat a demandé à l'ACEPA, l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM de préparer un programme. Nous sommes donc en train d'élaborer un programme de formation de base pour les cliniciens qui souhaitent développer leurs compétences dans l'évaluation et la prestation de l'aide médicale à mourir, allant des évaluations de base aux évaluations plus complexes, les questions entourant la capacité, la vulnérabilité, etc.
Au sujet de la troisième question, toutes les provinces et tous les territoires ont des normes actuellement que nous suivons. En Nouvelle-Écosse, notre collège de médecins et de chirurgiens a une norme que je dois respecter. Nous travaillons avec notre collège pour veiller à ce qu'ils aient accès à l'information, et nous allons travailler main dans la main avec eux pour renforcer la norme législative qui sera requise. Je pense qu'il n'y a que des avantages à nous donner un processus de formation normalisé national pour l'aide médicale à mourir.
Pour répondre à la question qui viendra sans doute... Nous n'avons pas de norme actuellement pour la pédiatrie ou les mineurs matures, tout simplement parce que cela ne fait pas partie encore de la loi. Je présume que, avec le temps, il pourrait en avoir une si cela devait faire partie de la loi fédérale.
Ma question s'adresse à Mme Widger.
Comme vous le savez, le groupe de travail du Conseil des académies canadiennes a conclu qu'en raison des nombreuses lacunes dans les connaissances, il « est difficile de parvenir à des réponses définitives », et seuls trois pays, comme vous l'avez mentionné, autorisent l'aide médicale à mourir pour les mineurs. Il y a tellement peu de cas que les données sont très limitées.
Étant donné l'insuffisance de données, considérez-vous qu'il est prudent d'autoriser l'aide médicale à mourir pour les mineurs matures au Canada, ou les Canadiens seraient-ils mieux servis si notre comité recommandait que le gouvernement procède à d'autres recherches spécialisées sur la question?