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AMAD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir


NUMÉRO 024 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er novembre 2022

[Enregistrement électronique]

(1835)

[Traduction]

    Bonsoir à tous. Soyez tous les bienvenus à cette réunion du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.
    Je me nomme Yonah Martin et je suis la coprésidente représentant le Sénat au Comité. Je suis accompagnée de l'honorable Marc Garneau, mon homologue de la Chambre des communes…

[Français]

    Excusez-moi, madame la présidente, mais je n'entends pratiquement pas l'interprétation. Au début, il n'y en avait pas du tout.
    Par ailleurs, j'aimerais qu'on règle le son dans la salle.
    Finalement, j'aimerais savoir si les tests de son ont été effectués avec succès pour l'ensemble des témoins.

[Traduction]

    Actuellement, nous n'entendons pas l'interprétation vers l'anglais. Nous avons vérifié la qualité du son qui proviendra de chacun de nos témoins, et on me dit que nous sommes prêts à commencer. Mais je n'ai pas entendu l'interprétation des propos de M. Thériault vers l'anglais. Je suppose donc que tout va bien. Poursuivons. Nous verrons bien.
    Nous poursuivons l'examen prévu par la loi des dispositions du Code criminel concernant l'aide médicale à mourir.
    Je rappelle aux membres et aux témoins de désactiver leurs microphones, sauf si l'un des coprésidents leur accorde le droit de parole. Je leur rappelle également d'adresser toutes leurs observations aux coprésidents en ayant un débit lent et une diction nette. L'interprétation en visioconférence se déroulera comme dans une réunion en présentiel. Dans le bas de son écran, chacun a le choix entre le son du parquet, l'anglais ou le français.
    Accueillons maintenant les témoins de la soirée. Merci beaucoup d'être avec nous. Votre témoignage sera très important pour notre étude.
    Nous entendrons successivement la Dre Chantal Perrot, en visioconférence, puis M. Peter Reiner, professeur de neuroéthique au département de psychiatrie de l'Université de Colombie-Britannique et, enfin, Mme Jennifer Gibson, professeure associée et directrice du centre conjoint de bioéthique de l'Université de Toronto.
    Encore une fois, merci, chers témoins.
    Nous débuterons par les déclarations préliminaires. Chacun de vous disposera de cinq minutes. J'espère pouvoir vous prévenir quand il ne restera qu'une minute. Votre déclaration limitée à une durée de cinq minutes nous évitera de prendre du retard.
    Commençons par la Dre Chantal Perrot.
    Je remercie les coprésidents et les membres du Comité de leur invitation.
    J'habite le centre-ville de Toronto sur les bords de l'ancien lac des Iroquois, sur le territoire traditionnel des Mississagués de la Credit, de la Confédération iroquoise, des Hurons-Wendats, des Anishinabés et des Ojibwés, qui est encore la patrie de nombreux et divers peuples autochtones.
    Depuis juillet 2016, je suis évaluatrice et prestataire de l'aide médicale à mourir dans la communauté et je suis également présidente du conseil de MAiDHouse, directrice de Mourir dans la dignité Canada, coprésidente du conseil des cliniciens de cette organisation et membre du groupe de travail sur les cas complexes de l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'aide médicale à mourir, qui élabore de nouveaux cours nationaux sur l'aide médicale à mourir. Mais, aujourd'hui, je m'exprime à titre personnel, en ne représentant aucune de ces organisations.
    Je suis sensible au travail qu'accomplit le gouvernement du Canada dans l'examen approfondi des problèmes reliés à l'aide médicale à mourir et soulevés par elle. L'écoute de nombreuses heures de témoignages présentés au fil des années devant divers comités qui se sont occupés de la question de l'aide médicale à mourir a été très instructive. L'ensemble des opinions différentes, des questionnements suscités par les opinions et les croyances d'autrui, tout ça a contribué à améliorer ma pratique. J'ai une opinion sur tous les aspects des travaux de votre comité, mais, aujourd'hui, je me bornerai à la question des demandes anticipées.
    Même si je préfère de beaucoup aider une personne consciente et en mesure de me donner son consentement au moment où elle reçoit l'aide médicale à mourir, la maladie et les vicissitudes peuvent conduire une personne à une perte de capacité ou même de conscience. La crainte qu'expriment le plus souvent la plupart des personnes que je connais et presque tous les patients que j'évalue est de ne plus pouvoir demander l'aide médicale à mourir ou d'y consentir et, de ce fait, de devoir mourir naturellement dans des circonstances qu'ils considèrent comme répugnantes et intolérables. L'ajout de l'amendement d'Audrey au projet de loi C‑7 a contribué d'une certaine manière à en rassurer certains, mais, pour la plupart, ce n'était pas assez.
    La plupart de mes patients n'aspirent pas à vivre jusqu'à la fin naturelle de leur vie. Ils choisissent volontairement l'aide médicale à mourir. Mais ils veulent également vivre aussi bien et aussi longtemps que possible. La mort apporte beaucoup d'incertitude et, de ce fait, beaucoup d'anxiété. Beaucoup craignent de perdre leurs capacités physiques et, par la suite, leur autonomie ou de sombrer dans la démence et de perdre leurs capacités cognitives ou la maîtrise de leurs propres soins.
    Des gens s'adressent souvent à moi pour que je les évalue pour l'aide médicale à mourir, croyant qu'ils pourraient la recevoir ultérieurement, à un moment choisi par eux ou au cas où ils en deviendraient entretemps incapables. Certains, comme les deux patients que j'ai évalués hier, sont anéantis d'apprendre que ce ne sera pas possible. Ils ne veulent pas mourir maintenant, même s'ils y sont admissibles. Ils ne veulent certainement pas fixer une date à l'aide médicale à mourir, mais ils savent qu'elle sera au rendez-vous d'ici quelques mois ou quelques années. Ils savent ce qu'ils veulent éviter et que, pendant qu'ils en sont capables, rédiger une demande anticipée d'aide médicale à mourir les soulagerait d'une partie importante de leurs souffrances et de leur anxiété actuelles sur la fin de leur vie.
    Jusqu'ici, j'ai pris soin de personnes comme celles‑là en entreprenant une évaluation, en rassemblant les renseignements cliniques de base que je dois connaître puis en gardant un contact régulier avec elles. L'évaluation se termine quand elles veulent recevoir l'aide médicale à mourir et qu'elles sont prêtes à fixer une date — parfois des mois ou des années plus tard. Elles se sentent ainsi réconfortées, et ça m'occupe constamment, mais ça ne saurait être aussi avantageux qu'une directive préalable ou une demande anticipée.
    Ma mère est morte en 2009. S'étant heurté la tête dans une chute et, en partie, parce qu'elle prenait des anticoagulants pour traiter une de ses maladies, elle a subi une hémorragie cérébrale. On l'a opérée, mais en vain. Elle n'a pas repris conscience, mais, d'après les scans et les examens, une issue heureuse n'était pas probable. Comme j'avais discuté avec mes parents, au fil des ans, de ce qu'ils souhaitaient comme fin de vie et qu'ils avaient répondu à mes nombreuses questions et actualisé régulièrement leurs volonté et désirs sur des formulaires que je leur avais fournis, je savais à quoi m'attendre. C'était difficile, mais j'étais rassurée par la certitude de connaître les volontés de ma mère au cas où ce genre d'accident surviendrait. Elle est morte sans reprendre conscience, mais entourée de sa famille pendant les derniers jours.
    Je reviens tout juste d'une visite chez mon père de 96 ans, d'origine française, qui vit au Texas. Il préférerait de beaucoup vivre au Canada — d'après lui le pays le plus civilisé —, mais ma mère et lui ont trop tardé à mettre en branle le processus d'immigration. Il a donc dû se contenter de longues visites pendant qu'il était encore capable de voyager. Maintenant frêle et faible, mais sain d'esprit, il en pince toujours pour elle et, dans son appartement, il s'est entouré de ses photos. Même s'il semble souffrir, il ne souffre pas. Une mort paisible dans son sommeil lui conviendrait, mais, dans son état, il n'a aucun désir de la hâter. J'ai aidé de nombreux patients qui n'étaient pas aussi extrêmement affaiblis que lui à mourir. S'il vivait au Canada, s'il éprouvait des souffrances intolérables et s'il demandait l'aide médicale à mourir, il serait admissible. Il voudrait également formuler une demande anticipée.
    Tout ça pour dire que les demandes anticipées et les directives préalables sont importantes et susceptibles d'être mises en œuvre. Il importe également de consulter un procureur désigné ou un éventuel mandataire sur ses propres désirs en cas d'incapacité. Il est capital d'énumérer clairement les soins qu'on souhaite recevoir et ceux qu'on refusera. Ces renseignements orienteront les soignants. Plus ils sont détaillés, mieux ça vaudra, particulièrement dans les demandes anticipées.
(1840)
    Idéalement, une base nationale de données permettrait le stockage des demandes anticipées. Il incomberait aux fournisseurs de soins de se renseigner sur l'existence de la demande anticipée et d'y accéder. Ça permettrait au patient, peu importe l'endroit au Canada où il tombe malade, de voir ses désirs communiqués à ceux qui ont besoin de savoir pour le soigner.
    C'est une lourde responsabilité que d'être le mandataire ou le procureur aux soins de la personne. Il faut y mettre beaucoup de temps, de réflexion et d'études. La plupart des gens n'ont aucune idée de l'importance de l'investissement nécessaire ni de ce qu'on exigera de lui. Cela deviendra encore plus compliqué et plus complexe en ce qui concerne les directives préalables ou les demandes anticipées qui englobent l'aide médicale à mourir, mais je suis convaincue que ça peut être fait et bien fait grâce à des conseils et à une planification minutieuse.
    J'ai vu ce que donnaient, en situation réelle, des directives préalables bien rédigées…
    Docteure Perrot, je vous remercie. Auriez-vous l'obligeance de conclure. On dépasse un peu le temps prévu.
    D'accord.
    Le temps et l'expérience aidant, on peut rédiger des modèles de directives préalables pour l'aide médicale à mourir, les peaufiner et les améliorer. Je serai heureuse de vous communiquer mes pensées et les éléments à inclure dans une demande anticipée d'aide médicale à mourir. J'en ai inclus dans le mémoire que j'ai communiqué.
    Merci.
    Merci beaucoup, docteure Perrot.
    La parole est maintenant au professeur Reiner, qui dispose de cinq minutes.
    Allez‑y.
    Je suis professeur d'éthique à l'Université de Colombie-Britannique. Aujourd'hui, j'ai l'intention d'exposer pour vous un problème, puis de vous révéler certaines de ses solutions.
    Si, un jour, les demandes anticipées d'aide médicale à mourir deviennent légales, on pourrait penser qu'il suffira de bien remplir un formulaire pour que, le moment venu, un fournisseur de l'aide médicale à mourir s'occupe du reste. Malheureusement, ce pourrait ne pas arriver. Des témoignages recueillis aux Pays‑Bas, où les demandes anticipées étaient légales depuis 2002, révèlent que les médecins ne respectent pas toujours les désirs de leurs patients tombés en démence. Pour eux, en effet, très peu de ces demandes se sont traduites en aide médicale à mourir.
    Pour prévoir ce qui pourrait survenir au Canada, si les demandes anticipées d'aide médicale à mourir étaient légales pour les patients atteints de démence, mon confrère et mes consœurs Adrian Byram, Ellen Wiebe et Sabrina Tremblay-Huet et moi avons demandé à 103 fournisseurs de l'aide médicale à mourir de toutes les provinces s'ils étaient disposés à fournir cette aide sous l'égide d'une demande anticipée qui énumérerait les types de circonstances précises dont vous avez souvent discuté pendant vos travaux. L'immense majorité a convenu qu'elle la fournirait si le patient était en mesure de donner son plein consentement. Mais, à mesure que nous changions la description de la situation pour y englober des circonstances susceptibles de s'appliquer à mesure que la démence s'installait — acquiescement d'un signe de tête plutôt que consentement explicite, patients sans réaction, mais accord de la famille ou confiance dans la demande anticipée écrite, sans la confirmation, par un tiers, que le moment était venu — et que nous parcourions ce spectre, le pourcentage de fournisseurs disposés à fournir cette aide à ces patients avait diminué au point que beaucoup moins de la moitié d'entre eux persistaient dans leur intention.
    Ces données portent à croire que les demandes anticipées d'aide médicale à mourir en cas de démence ne constituent pas une pente glissante. Leur mise en œuvre serait plutôt une tâche difficile. C'est un problème pratique qui menace de défaire tout le travail acharné que beaucoup d'entre vous ont consacré à la création d'une marche à suivre pour les demandes anticipées d'aide médicale à mourir pour les patients atteints de démence.
    Vient ensuite la question: Comment concevoir ces demandes pour que les fournisseurs de l'aide médicale à mourir respectent les vœux des patients?
    Heureusement, nous avons demandé aux mêmes fournisseurs de proposer des idées concrètes pour dénouer la situation. Ils ont mis beaucoup de réflexions dans leurs recommandations, et je tiens à profiter de l'occasion pour les remercier publiquement pour leurs idées dont la quintessence se trouve dans notre publication de 2021, communiquée à votre comité.
    Je voudrais terminer mon témoignage en soulignant cinq éléments qui se dégagent de ce que je considérerais comme des solutions minimales à notre dilemme commun.
    D'abord, la demande anticipée devrait énumérer des circonstances précises — et j'insiste sur cet adjectif — pour la fourniture de l'aide médicale à mourir.
    Ensuite, la réaffirmation périodique de la demande anticipée aurait un certain poids en raison de la constance des désirs du patient.
    Ensuite encore, il faut énumérer les motifs pour lesquels chaque circonstance particulière constitue une souffrance intolérable pour le demandeur. Les fournisseurs de l'aide médicale à mourir étaient généralement bien disposés envers l'autodétermination par chacun de ce qui pourrait constituer pour lui une souffrance, mais ils faisaient régulièrement observer qu'une discussion explicite de la question dans la demande anticipée renforcerait l'idée d'une bonne action accomplie au bon moment.
    Puis on discute de la demande anticipée avec la famille et des décideurs désignés compétents. Les changements imprévus au moment de la prestation du service placent les fournisseurs dans une situation extrêmement embarrassante.
    Enfin, il est demandé aux demandeurs d'expliciter ce qu'ils voudraient voir se produire si, au moment de la prestation du service, les choses ne se déroulent pas comme prévu — par exemple, si des membres de la famille ou le demandeur lui‑même s'opposent à l'opération.
    Pendant la rédaction de votre rapport, je vous encourage vivement à envisager l'application de ces recommandations. D'après nos données, pour que les demandes anticipées aient l'effet escompté, nous devons envisager soigneusement la réalité qu'observent les fournisseurs de l'aide médicale à mourir. Ils exercent déjà le métier moralement exigeant de fournir l'aide médicale à mourir et, si le projet de loi est édicté, on leur demandera de se charger de la difficulté supplémentaire de fournir cette aide d'après une demande anticipée. Le succès de tout le programme dépend de notre conception de cette demande pour que chacun — patients, familles, fournisseurs de l'aide médicale à mourir, également — obtiennent les résultats attendus de tous.
    Je vous remercie de votre attention.
(1845)
    Merci beaucoup.
    Enfin, accueillons la Mme Jennifer Gibson.
    Vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup. Je vous remercie de m'avoir invitée à participer à cette importante étude.
    Je suis la directrice du Centre conjoint de bioéthique de l'Université de Toronto et professeure agrégée à l'École de santé publique Dalla Lana. Toutefois, je suis ici ce soir à titre personnel, et mon témoignage se fondera sur ma formation disciplinaire en bioéthique et en politiques en matière de santé, de même que sur mon expérience à titre de coprésidente du Groupe consultatif d'experts provinciaux et territoriaux sur l'aide médicale à mourir en 2015 et à titre de présidente du groupe de travail sur les demandes anticipées du Comité d'experts du Conseil des académies canadiennes sur l'aide médicale à mourir en 2018‑2019.
    J'ai eu l'occasion d'entendre plusieurs des témoignages précédents au cours de la semaine dernière. J'aimerais donc miser sur ces témoignages et ceux de mes collègues qui font partie du groupe de témoins invités aujourd'hui, et présenter au Comité certains points à prendre en compte dans le cadre de ses délibérations sur le rôle, l'application et les conditions possibles des demandes anticipées d'aide médicale à mourir.
    Premièrement, bien que les demandes anticipées d'aide médicale à mourir puissent être pertinentes pour les personnes souffrant de démence, elles peuvent aussi l'être pour d'autres. Les discussions relatives aux demandes anticipées d'aide médicale à mourir se centrent souvent sur la démence à titre de cause profonde et de motif pour présenter une demande. Il est toutefois important de faire la distinction entre un problème de santé grave et irrémédiable pouvant donner lieu à une telle demande et les circonstances cliniques qui peuvent entraîner la perte de capacité à prendre une décision. Pour certains patients, la démence peut représenter à la fois une condition médicale grave et incurable, et la cause de la perte de leurs capacités; ce n'est toutefois pas toujours le cas.
    On peut penser, par exemple, à la demande anticipée d'aide médicale à mourir d'une personne qui reçoit un traitement actif contre le cancer ou une maladie cardiaque, dont le pronostique est incertain, et qui risque de connaître un événement qui limite sa qualité de vie, comme un AVC. On peut aussi penser à une personne qui a hérité du gène dominant de la maladie de Huntington ou de l'Alzheimer précoce et qui développera fort probablement la maladie, mais qui peut aussi recevoir un diagnostic de condition médicale grave et incurable entretemps. Enfin, on peut penser à une personne qui vit avec la maladie de Parkinson depuis plusieurs années, qui sait qu'elle pourrait souffrir de démence à l'étape finale de la maladie et qui souhaite prévoir cette possibilité alors qu'elle en a encore la capacité.
    Il est important que l'étude sur les demandes anticipées d'aide médicale à mourir tienne compte de ce large éventail de circonstances.
(1850)
    Je suis désolée de vous interrompre, madame Gibson.
    Pourriez-vous déplacer votre micro légèrement vers le haut et aussi ralentir la cadence pour aider nos interprètes?
    Merci beaucoup.
    Bien sûr. Merci.
    Deuxièmement, il faut savoir que les personnes souffrant de démence peuvent vivre dans la dignité, avec le soutien nécessaire. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour créer des conditions favorables à cet égard. Toutefois, pour certaines personnes, sans égard à leur condition, la démence avancée peut être considérée comme une source de souffrances intolérables.
    Comme vous l'avez entendu de la part d'autres témoins, les récents sondages montrent le grand appui des Canadiens à l'égard des demandes anticipées d'aide médicale à mourir. Certains témoins ont attribué un tel résultat à la peur de la démence et des soins en établissement, à l'accessibilité restreinte aux soins palliatifs ou à l'âgéisme et au capacitisme au sein de la société. On craint que les demandes anticipées d'aide médicale à mourir exacerbent les obstacles systémiques ou les attitudes de la société qui rendent les personnes souffrant de démence — surtout les aînés — vulnérables en tant que groupe, et qu'elles donnent lieu à une diminution des efforts en vue d'offrir des soins à toutes les personnes souffrant de démence, afin qu'elles vivent dans la dignité.
    Toutefois, en se centrant sur les groupes vulnérables, on tend à oublier l'expérience des personnes en fonction des circonstances uniques de leur vie, notamment l'incidence que la maladie peut avoir sur leur identité personnelle, leurs valeurs fondamentales et leur capacité d'interagir avec le monde et de participer aux projets qui leur tiennent à coeur, avec les gens qu'ils aiment. L'étude des demandes anticipées doit tenir compte de la vulnérabilité des groupes et des personnes, sans les amalgamer.
    Enfin, comme l'ont fait valoir plusieurs témoins avant moi, les demandes anticipées d'aide médicale à mourir représentent un processus complexe associé à des incertitudes connues; toutefois, il y a peut-être des façons de réduire la complexité et les incertitudes, comme l'a fait valoir M. Reiner.
    Les demandes anticipées d'aide médicale à mourir soulèvent d'importantes questions au sujet de la clarté avec laquelle une personne peut décrire les circonstances selon lesquelles on doit répondre à sa demande, de la concordance de la situation actuelle d'une personne avec les circonstances décrites dans la demande anticipée et de la mesure selon laquelle les souhaits du patient sont connus et compris par l'équipe de soins, le mandataire et les membres de la famille. La mesure législative à elle seule ne peut répondre à toutes ces questions et notre expérience avec l'aide médicale à mourir au Canada démontre que de multiples acteurs ont un rôle à jouer dans cette décision.
    Dans le cadre de son étude, le comité mixte spécial devrait non seulement émettre des recommandations sur la forme que pourrait prendre la loi, mais aussi dresser un portrait de ce qu'il a entendu dans le cadre de chacune des réunions dans le but d'orienter le large éventail d'intervenants qui pourraient avoir un rôle à jouer dans la mise en oeuvre et dans l'évolution continue de la loi.
    Je serai heureuse d'examiner ces points plus en détail avec vous et avec mes collègues.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Merci à tous les témoins.
    Nous allons maintenant passer aux questions des députés, à commencer par M. Ellis.
    Monsieur Ellis, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Par votre entremise, madame la présidente, j'aimerais poser une première question à la Dre Perrot.
    Vous avez parlé de réévaluations fréquentes ou, selon les mots utilisés par M. Reiner, de réaffirmations périodiques. Pouvez-vous nous donner une idée de la fréquence selon laquelle elles devraient être réalisées?
    Je crois que M. Reiner et moi ne parlions pas de la même chose. Lorsque j'ai des patients qui souhaiteraient présenter une demande anticipée, mais ne peuvent le faire parce qu'elles ne sont pas offertes, je les rencontre quelques fois par année pour voir où ils en sont, confirmer leur intérêt à l'égard de l'aide médicale à mourir et mettre à jour mon évaluation. Je crois qu'il parlait de la réaffirmation d'une demande anticipée de façon périodique, tous les trois à cinq ans environ, ce que j'approuve tout à fait.
    À titre de précision, docteure Perrot, vous êtes d'avis qu'il faut reconfirmer le désir d'une personne d'avoir recours à l'aide médicale à mourir tous les deux ou trois mois.
(1855)
    Non, pas de façon générale. Je parle de mes patients qui ne sont pas prêts à procéder à l'évaluation. Si une personne a déjà fait l'évaluation, qu'elle veut l'aide médicale à mourir et qu'elle a prévu une date à cette fin, alors c'est ce que nous faisons. Ce peut être quelques jours, quelques semaines ou même des mois plus tard. Toutefois, si une personne n'est pas prête à passer l'évaluation, alors nous procédons à ce que nous appelons une évaluation « continue », au fil du temps, parfois même sur quelques années.
    D'accord. Je comprends très bien.
    J'aimerais poser une autre question à la Dre Perrot par votre entremise, madame la présidente.
    Croyez-vous que l'on devrait, selon mes termes utilisés par M. Reiner, procéder à une réaffirmation au fil du temps, pour s'assurer que la personne qui a demandé l'aide médicale à mourir est toujours prête à y avoir recours? Est‑ce que c'est important pour vous?
    C'est une partie importante des directives ou des demandes anticipées, certainement. Je crois que quiconque rédige une directive anticipée — ce qui est maintenant possible — devrait réaffirmer sa volonté de manière périodique, tous les trois à cinq ans environ, afin de la confirmer au fil du temps. Si les directives anticipées d'une personne sur une période de 5, 10, 15 ou 20 ans sont constantes, en tant que clinicienne, je me sentirai beaucoup plus à l'aise de lui offrir l'aide médicale à mourir, par opposition à une personne qui aurait subitement changé d'avis et préparerait une directive anticipée alors qu'elle n'avait jamais mentionné l'aide médicale à mourir avant.
    Je comprends. Merci.
    Encore une fois, madame la présidente, j'aimerais poser une question à la Dre Perrot.
    Lorsqu'on se rapproche de la date établie, est‑ce qu'il est important d'augmenter la fréquence des réévaluations? Je pense par exemple à un patient avec lequel vous entretenez une relation, chez qui vous détectez une démence.
    Oui, absolument. Le médecin responsable du dossier de la personne qui demande l'aide médicale à mourir procédera à des réévaluations. De plus, les directives préalables doivent être confirmées de façon périodique lorsque la personne montre les premiers signes de démence. À un certain moment, elle n'aura plus la capacité de comprendre ce qu'est la directive anticipée; c'est à ce moment que les évaluations doivent prendre fin.
    Est‑ce qu'on doit procéder à une évaluation au cas par cas ou est‑ce qu'on pourrait mettre en œuvre certaines mesures générales en ce sens?
    Je crois qu'il faut procéder à une évaluation au cas par cas. Le processus d'évaluation doit permettre une certaine souplesse, mais en ce qui a trait aux directives anticipées sur l'aide médicale à mourir et aux directives préalables en général, je crois qu'il faut qu'elles soient réaffirmées ou réécrites de façon périodique. C'est ce que devraient prévoir les règles ou règlements sur les demandes anticipées.
    Je ne crois pas qu'il soit raisonnable de demander à un clinicien de répondre à une demande qui a été faite 25 ans auparavant et qui n'a jamais été revue ou réaffirmée. Cette affirmation pourrait se limiter à l'ajout d'une ligne à la directive anticipée disant: « Je confirme les souhaits exprimés dans la présente directive. » On pourrait le faire de façon périodique. Je crois qu'une directive ou une demande anticipée d'aide médicale à mourir doit être réaffirmée périodiquement.
    Merci, docteure Perrot.
    Il est très difficile, pour nous qui tentons de créer une loi sur l'aide médicale à mourir, de comprendre les critères et les limites qui doivent être en place. Je vous remercie pour vos commentaires à cet égard.
    Pour les 30 secondes qu'il me reste, j'aimerais poser une question à M. Reiner, par l'entremise de la présidence.
    Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
    Oui. Je crois qu'il est dans l'intérêt des patients, des demandeurs, de réaffirmer leur demande aussi souvent que nécessaire, en fonction de la relation avec le fournisseur, pour veiller à ce que leurs souhaits soient entendus de manière constante, ce qui augmente les chances d'obtenir le résultat souhaité.
    Très bien. C'est compris, monsieur.
    Je suppose que...
    Je suis désolée, monsieur Ellis, mais vous n'avez plus de temps. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre M. Maloney.
    Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins pour leurs commentaires, qui nous sont très utiles.
    Monsieur Reiner, j'aimerais commencer avec vous.
    J'aimerais que l'on s'attarde au cinquième point que vous avez soulevé, et qui porte sur les scénarios imprévus, l'objection d'un tiers ou d'autres obstacles qui peuvent survenir à la fin, lorsque le demandeur n'est pas en position ou n'a pas la capacité d'intervenir.
    Pourriez-vous nous expliquer cela plus en détail?
    Oui. Il est tout à fait possible que vous, en tant que personne — et surtout en tant que patient souffrant de démence — puissiez vous opposer à l'aide médicale à mourir ou à toute forme de traitement. C'est une situation très difficile pour les prestataires de l'aide médicale à mourir. C'est ce qu'ils nous ont dit. Ces situations sont extrêmement stressantes. Les prestataires tentent de prendre la bonne décision.
    Si l'on vous explique que ce genre de situation peut se produire, vous pourrez alors préciser que vous souhaitez aller de l'avant, même si vous résistez au moment venu. Cela vous rendra peut-être plus à l'aise. Je ne crois pas que l'on puisse vous garantir que tout se passera comme vous le souhaitez, mais le prestataire de l'aide médicale à mourir aura le sentiment qu'il fait la bonne chose, au bon moment, selon les bonnes circonstances. Il arrive souvent que les choses ne se passent pas comme prévu, avec la progression de la démence. Les familles interviennent de toutes sortes de façons problématiques. Il y a aussi la situation que j'ai décrite en comité, où le patient dément est heureux.
    Si l'on établit les mesures à prendre dans de telles situations, alors on donne des directives plus claires aux prestataires de l'aide médicale à mourir.
(1900)
    Mais il est impossible de prévoir tous les scénarios, n'est‑ce pas?
    M. Peter Reiner: Oui.
    M. James Maloney: Vous dites qu'il faut tenter de prévoir le plus de situations possible. Cela revient à votre quatrième point: il faut aborder la question avec la famille et les proches.
    C'est exact.
    Je crois que vous avez déjà entendu des prestataires de l'aide médicale à mourir dire qu'il est impossible d'avoir un plan infaillible ou des garanties. Nous voulons tout mettre en oeuvre pour que les gens obtiennent le résultat souhaité, selon les paramètres qui sont importants pour eux. Si une personne décide qu'elle n'aura pas recours à l'aide médicale à mourir advenant le cas où elle serait démente et heureuse, c'est ce qu'il faut prévoir. C'est peut-être le souhait de bon nombre de personnes.
    On revient donc à votre prémisse voulant qu'il ne suffise pas de remplir un formulaire. Les médecins veulent s'assurer que les directives sont claires et que les patients donnent leur consentement éclairé, de sorte qu'au moment venu, ils soient certains d'agir selon la volonté des patients.
    Si j'ai bien compris, en ajoutant cette précision, le nombre de médecins qui accepteront de suivre ces instructions augmentera. Est‑ce que je vous ai bien compris?
    C'est ce que nous prévoyons, oui. Bien sûr, les demandes anticipées d'aide médicale à mourir ne sont pas encore possibles. Tout ce que nous avons, c'est l'exemple hypothétique que nous avons présenté aux prestataires.
    Le consentement éclairé, c'est l'élément clé. Ce concept signifie que la personne qui donne des instructions à un médecin comprend autant de scénarios, de risques et de problèmes qu'il est possible d'en prévoir à ce moment‑là. Si je consulte un médecin pour faire une demande anticipée, je comprends que je pourrais ne pas avoir la capacité, physique ou mentale, de changer d'avis ou de transmettre un message différent au moment choisi.
    N'est‑ce pas cela, le consentement éclairé? Je vous donne mon consentement en étant pleinement conscient des risques qui existent à ce moment‑là.
    Nous avons besoin d'une réponse brève, monsieur Reiner.
    Oui. Cela semble correspondre à ma définition du consentement éclairé.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à M. Thériault pendant cinq minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je remercie l'ensemble des témoins de leurs témoignages éclairants.
    Je vais m'adresser d'abord au professeur Reiner.
    Vous parliez de confirmation périodique. Plusieurs témoins nous ont dit que, dans tous les cas de maladie neurocognitive dégénérative, la condition sine qua non était d'établir le diagnostic. J'imagine que vous êtes d'accord qu'il faut d'abord et avant tout un diagnostic et qu'il n'est pas question de demande anticipée sans diagnostic. Il ne pourrait pas y avoir, par exemple, une demande anticipée qui serait valide pour 20 ans. D'après ce que nous avons entendu, une maladie neurodégénérative peut se dégrader sur une période de 10 ans, mais cela s'étale rarement sur 20 ans. Êtes-vous d'accord là-dessus?
(1905)

[Traduction]

    Je suis somme toute d'accord là‑dessus, mais je tente de vous transmettre le point de vue des prestataires de l'aide médicale à mourir. Nous n'en avons pas discuté, donc j'hésite à commenter la chose.

[Français]

    Donc, vous n'êtes pas certain que, avant d'accepter une demande anticipée, il faut d'abord et avant tout qu'un diagnostic ait été établi, dans le cas d'une maladie neurocognitive dégénérative. Est-ce exact?

[Traduction]

    Non, ce n'est pas que je ne suis pas certain, mais plutôt que nous n'avons pas abordé ce sujet dans notre étude. Nous ne nous sommes pas penchés là‑dessus.

[Français]

    D'accord.
    Si je résume les quatrième et cinquième pistes de solution que vous avez proposées dans votre présentation, vous dites qu'il faut discuter avec la famille. Plusieurs témoins sont venus nous dire qu'au moment de préparer la demande anticipée, outre l'établissement du diagnostic, il faudrait absolument désigner dès le départ un tiers, c'est-à-dire la personne qui, le moment venu et selon les volontés du patient, déclencherait le processus d'évaluation de l'équipe médicale.
    Êtes-vous favorable à cela? Autrement dit, cette responsabilité reviendrait à ce tiers beaucoup plus qu'à la famille.

[Traduction]

    Oui, je pense qu'il s'agit d'une excellente suggestion. En discutant et en transmettant vos souhaits autonomes à plus de personnes, vous avez plus de chances qu'ils soient respectés au bon moment, soit lorsque l'aide médicale à mourir devrait être prodiguée.

[Français]

    Le traitement des maladies neurocognitives dégénératives est habituellement un processus qui se prolonge dans le temps. Une équipe de soins participe à ce processus, et les volontés de la personne sont connues de tous.
    Est-ce que vous croyez qu'on devrait créer une loi pour qu'on ouvre cette possibilité tout en laissant aux autorités réglementaires le soin de décider de toutes les modalités d'application des demandes anticipées, étant donné que ce sont elles qui ont l'expertise nécessaire?

[Traduction]

    Je ne suis pas certain de comprendre la question.

[Français]

    En fait, ce que je dis, c'est que ce sont les gens qui œuvrent dans ce domaine et les collèges des médecins, par exemple, qui ont l'expertise clinique nécessaire. Au lieu de tout inscrire le fin détail dans une loi, on pourrait avoir une loi minimaliste qui, en pratique, laisserait aux autorités réglementaires le soin d'établir les lignes directrices.

[Traduction]

    Nous avons besoin d'une réponse brève, monsieur Reiner.
    Oui, je crois que c'est assez raisonnable.
    D'après ce que je comprends, la décision de prodiguer l'aide médicale à mourir revient au prestataire. Mes recommandations me viennent de suggestions de prestataires d'aide médicale à mourir. L'objectif consiste à mettre en place une structure qui leur permettrait d'être certains de faire la bonne chose au bon moment.
    Je ne pense pas que nous voulions leur imposer davantage de travail et un fardeau supplémentaire. Je crois que nous devrions avoir un décideur désigné qui agirait comme personne de soutien pour veiller à ce que les prestataires sachent que c'est le bon moment de faire ce qu'ils doivent faire.
(1910)
    Merci, monsieur Reiner.
    Nous allons maintenant passer à M. MacGregor.
    Vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la coprésidente.
    J'aimerais d'abord m'adresser à vous, docteure Perrot.
    Parlons du concept de soulagement de la souffrance des gens et de la crainte existentielle qu'ils éprouvent en fin de vie. L'un des principaux raisonnements derrière les amendements apportés au projet de loi C‑7 lors de la dernière législature — sur la renonciation au consentement final — était de permettre aux gens d'avoir un peu plus de tranquillité d'esprit. S'ils étaient atteints d'une maladie incurable dégénérative, ils pouvaient à tout le moins donner leur consentement final avant de s'inquiéter d'une perte de capacité.
    Vous avez dit que le fait d'autoriser les demandes anticipées permettrait également à d'autres patients de soulager leur souffrance et toute crise existentielle qu'ils pourraient avoir concernant une future perte de capacité. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet, je vous prie?
    Oui, bien sûr. Je crois que la principale différence, c'est qu'avec l'amendement d'Audrey dans le projet de loi C‑7, la personne concernée doit fixer une date pour recevoir l'aide médicale à mourir. De nombreux patients ne veulent pas encore fixer une date pour cela, mais ils ne peuvent pas signer la renonciation au consentement final avant de le faire.
    Les patients veulent pouvoir faire une demande anticipée lorsque possible, au cas où ils perdraient leurs capacités avant d'être disposés et prêts à fixer une date pour recevoir l'aide médicale à mourir... Cela soulagerait leur anxiété et leur souffrance. J'ai beaucoup de patients qui aimeraient recevoir l'aide médicale à mourir d'ici six mois à un an, mais ils ignorent quand exactement et ils se sentent donc coincés.
    Diriez-vous que le fait de devoir soupeser cette décision affecte négativement leur vie?
    Oui, tout à fait. J'ai rencontré deux patients hier. L'un d'entre eux était un homme de 72 ans souffrant de douleurs chroniques et de démence vasculaire. Il vit assez bien, mais il aimerait savoir s'il serait possible de recevoir l'aide médicale à mourir si jamais il avait un AVC la semaine prochaine. Par contre, il ne veut pas fixer de date pour la recevoir. Sa souffrance n'est pas encore intolérable, alors il ne répondrait pas aux critères. Il ne peut pas...
    L'autre patiente était une femme de 85 ans atteinte d'un cancer en phase terminale. Son cas me rend perplexe. Elle ne veut pas fixer de date elle non plus. Elle sait qu'elle risque de perdre ses capacités si elle développe des métastases au cerveau. Elle aimerait pouvoir faire une demande anticipée. Je vais continuer à la suivre de près, parce que je m'inquiète de sa perte de capacité. J'aimerais qu'elle puisse choisir de recevoir l'aide médicale à mourir, mais elle n'est tout simplement pas encore prête à fixer une date pour cela.
    Cette mesure changerait réellement la donne pour des gens comme eux.
    Dans quelques semaines, je vais prodiguer l'aide médicale à mourir à une femme. Je l'ai rencontrée pour la première fois il y a un an et demi. Elle voulait absolument faire une demande anticipée. Elle aurait été nettement plus apaisée au cours de la dernière année et demie si elle avait su qu'elle pourrait recevoir l'aide médicale à mourir même en cas de perte de capacité. Elle a maintenant fixé une date et signé une renonciation au consentement final. Elle est heureuse et nettement plus en paix.
    J'aimerais maintenant m'adresser à vous, monsieur Reiner.
    Je vous suis reconnaissant d'avoir apporté cinq points clés à l'attention du Comité, soit la liste des circonstances particulières, la mise à jour régulière des souhaits, la raison pour laquelle chaque circonstance constitue une souffrance, la discussion des décisions avec la famille et également une certaine mise en contexte lorsque les choses ne se déroulent pas comme prévu.
    De nombreux témoins nous ont parlé de décisions de leur moi présent pour leur moi futur. Je me demande comment vous avez abordé cet argument en tant que professeur en neuroéthique. Beaucoup de témoins nous ont dit que leur moi présent...
    Il se peut que je ne comprenne pas totalement, à 43 ans, ce que mon moi de 75 ans voudrait. Par conséquent, comment pourrais‑je prendre des décisions adéquates pour le M. MacGregor de 75 ans? Pouvez-vous nous faire part de votre expertise à cet égard?
    Oui, cela me fera plaisir.
    C'est une question d'autonomie. Comment se projette‑t‑on à cet égard? En faisant une demande anticipée, on se projette dans l'avenir. On pense à notre autonomie et à la personne qu'on deviendra. Nous changeons tous les jours. Nous le savons. Mes paroles vous changent en un sens présentement. Nos êtres ne sont pas immuables. La question est plutôt la suivante: si quelqu'un doit décider pour moi lorsque je serai dans cet état débilitant à un moment futur inconnu, qui est le mieux placé pour prendre cette décision?
    En tant que spécialiste de la neurobiologie de l'autonomie — parce que j'ai beaucoup publié sur le sujet —, je dirais que c'est assurément moi, mais il existe aussi un certain flou en matière d'autonomie; nous ne sommes pas aussi atomisés que nous pourrions le croire. C'est là que la famille, les amis et les autres personnes entrent en jeu, et il est très important de les inclure dans la discussion. Cela dit, la décision devrait me revenir entièrement.
(1915)
    Je vous remercie de cette réponse.
    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant céder la parole à mon coprésident, M. Garneau, pour la période de questions avec les sénateurs.

[Français]

    Nous allons commencer par la sénatrice Mégie.
    Vous avez la parole pour trois minutes.
    J'aimerais poser une question à Mme Gibson.
    Tantôt, vous avez dit que le patient devait décrire dans quelles circonstances le processus devrait être démarré. Autrement dit, la personne indique à quel moment cela devrait se faire. Par exemple, ce pourrait être lorsqu'elle ne reconnaîtra plus sa famille.
    Vous avez aussi dit que certains de vos patients devaient être évalués tous les trois mois. Or, qui les évalue? Est-ce le médecin qui a fait l'évaluation en premier lieu et qui a établi que cette personne était admissible à l'aide médicale à mourir ou qu'elle pourrait l'être après avoir reçu un diagnostic de démence? Est-ce cet évaluateur qui devrait revoir la personne tous les trois mois pour voir si elle souhaite maintenir sa demande d'aide médicale à mourir?

[Traduction]

    Madame Mégie, je pense que c'est la Dre Perrot qui a parlé du processus itératif de vérification avec ses patients, mais je serai heureuse d'aborder ce sujet, parce que j'estime qu'il est très important. Si nous voulons mettre en place un système — qu'il soit législatif, réglementaire, ou axé sur les lignes directrices cliniques — pour effectuer des vérifications régulières auprès des patients qui ont fait une demande anticipée, c'est en partie pour confirmer que les conditions de cette demande sont toujours d'actualité. Les choses peuvent changer en matière d'expérience de vie, par exemple, surtout dans le cas des maladies neurologiques longitudinales. M. Reiner vient de le dire; nous pouvons changer d'opinion au fil du temps.
    Ces vérifications permettent de confirmer les choses. Cela dit, comme me l'a appris le Dr Poirier, qui a témoigné devant votre comité récemment, et comme l'a également confirmé la Dre Perrot, il peut être utile et bienvenu d'avoir des vérifications, des réévaluations et des réaffirmations plus fréquentes selon le stade de la maladie du patient, surtout pour ceux qui sont peut-être inquiets et qui veulent s'assurer d'avoir des conditions établies et que leur demande anticipée sera respectée.
    Nous devons veiller à avoir des mécanismes en place pour cette réaffirmation itérative sans contraindre les patients ou leurs soignants à un ensemble de lignes directrices si strictes qu'elles ne sont pas adaptées à l'évolution de la maladie du patient. Il faut plutôt confirmer la validité continue de leur demande anticipée.

[Français]

    Je m'excuse de vous avoir prêté ces propos.
    Je vais donc m'adresser à la Dre Perrot.
    Avez-vous suffisamment de ressources pour faire cette évaluation tous les trois mois? Est-ce quelque chose que vous avez déjà fait? Je parle ici d'évaluations semblables que vous auriez pu faire dans d'autres circonstances, bien sûr, puisque rien n'a encore été adopté pour les demandes anticipées. Comment voyez-vous cela?

[Traduction]

    Je pense qu'on m'a mal comprise à propos de ma réévaluation tous les trois mois. Je fais cette réévaluation lorsque j'évalue activement un patient pour la prodigation de l'aide médicale à mourir. C'est complètement distinct du processus de demande anticipée.
    J'estime qu'il faudrait reconfirmer une demande anticipée tous les trois à cinq ans. Cela dit, si j'évalue un patient pour la prodigation de l'aide médicale à mourir qui n'est pas encore prêt à fixer une date pour la recevoir, je le rencontrerai trois mois plus tard pour voir où il est rendu dans sa maladie. Habituellement, lorsque les patients me contactent pour parler d'aide médicale à mourir, ils s'approchent du stade de fin de vie; ils sont plus fragiles et instables, alors s'ils veulent recevoir l'aide médicale à mourir, je veux veiller à m'entretenir avec eux à un moment où ils sont encore capables d'aller de l'avant.
    Je suis désolée de ce malentendu.
(1920)

[Français]

    Merci, sénatrice Mégie.
    Sénateur Dalphond, vous avez la parole pour trois minutes.
    Le Dr Reiner n'a pas vraiment répondu à la question de mon collègue M. Thériault, mais je vais poser la même question à Mme Perrot.
    Vous avez défini un peu les directives anticipées, mais je ne suis pas certain de comprendre ce que vous voulez dire quand vous parlez de directives données 15, 20 ou 25 ans avant l'événement. Parlez-vous de cas où une personne donne des directives anticipées indiquant qu'elle veut recevoir l'aide médicale à mourir si jamais elle a un accident cardiovasculaire ou qu'elle se retrouve dans tel ou tel état, ce qui pourrait survenir 20 ans plus tard, par exemple?
    D'autres experts nous ont dit qu'il fallait plutôt s'attaquer à la démence et aux maladies neurocognitives irrémédiables. C'est d'ailleurs ce qui semble inquiéter les Canadiens. Dans ces cas-là, ne faut-il pas un diagnostic, au préalable, pour que le processus d'information et de réflexion soit déclenché et que la personne donne des directives anticipées indiquant très précisément à quelle étape de sa vie elle veut recevoir l'aide médicale à mourir?
    Docteure Perrot, avez-vous entendu l'interprétation de tout ce que j'ai dit?

[Traduction]

    Cette question m'était-elle adressée? Je croyais qu'elle s'adressait à M. Reiner.
    Non. J'ai dit qu'il n'avait pas répondu à la question, et c'est pourquoi je vous la pose. Je peux la répéter en anglais.
    Quand on souffre d'une maladie, on se projette parfois 15 ou 20 ans plus tard. Cela semble indiquer que je pourrais faire de même et dire que j'aimerais recevoir l'aide médicale à mourir si jamais je subissais des lésions cérébrales lors d'un accident de voiture. D'autres experts ont dit qu'il faudrait se limiter aux maladies neurocognitives. Par conséquent, disons que vous recevez un diagnostic d'Alzheimer. Avant de perdre vos capacités, vous pouvez vous informer, parler avec les consultants et votre équipe et commencer à planifier les choses. Voulez-vous recevoir l'aide médicale à mourir? Si oui, quand? À quel stade précisément?
    J'estime que tout le monde devrait pouvoir faire une demande anticipée, qu'on ait reçu un diagnostic de maladie ou non, parce qu'avec certaines maladies telles que les cancers avec des métastases au cerveau ou la démence, on peut être presque sûr qu'il y aura une perte de capacité à un moment donné.
    N'importe qui pourrait perdre ses capacités demain en ayant un AVC, une crise cardiaque, ou un accident de la route, par exemple. Personnellement, j'aimerais pouvoir faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir, et j'ai clairement défini les critères qui devraient être remplis pour que je la reçoive. J'inscrirai tout cela dans ma demande anticipée si et quand cela deviendra légal.
    C'est très important, et j'estime donc qu'il ne faudrait pas seulement se limiter aux maladies neurodégénératives.
    Si je vous comprends bien, ce que vous dites, c'est que les choses peuvent s'échelonner sur une longue période, et c'est pourquoi il faudrait réaffirmer la demande ou la réévaluer périodiquement tous les trois à cinq ans.
    Absolument. Je pense que l'on devrait réécrire ou réaffirmer une demande anticipée, comme on devrait le faire avec les testaments et les procurations en général, pour s'assurer de la cohérence de nos souhaits.
    Pour revenir à ce que disait M. MacGregor, la personne de 45 ans ne sait peut-être pas ce qu'elle sera à 75 ans, mais j'espère que s'il rédige une demande anticipée à 45 ans, il la révisera à 50, 55, 60, 65, 70 et 75 ans. À 70 ans, il saura peut-être plus anticiper ses désirs d'homme de 75 ans.
    L'autre chose...

[Français]

    Merci, sénateur Dalphond.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer au sénateur Kutcher pendant trois minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ai deux questions. La première s'adresse à M. Reiner et à la Dre Perrot, et la seconde sera pour Mme Gibson.
    Il y a une différence entre le dictum législatif et les normes de pratique et la réglementation de la pratique. Comment percevez-vous la discussion d'aujourd'hui? Considérez-vous qu'il s'agit d'une mesure législative pour dire aux médecins et aux patients comment ils devraient interagir les uns avec les autres? Devrait‑il y avoir une norme de pratique sur laquelle les médecins et les régulateurs s'appuieraient pour superviser la pratique de l'aide médicale à mourir, en particulier pour ce dont on parle également? Si vous êtes en faveur d'une telle chose, qui devrait établir cette norme de pratique et comment devrait-elle être réglementée?
    Je vais commencer.
    Je pense qu'il serait sensé d'avoir une norme de pratique. Elle pourrait relever de la réglementation des collèges provinciaux de médecins, ou quelque chose du genre. Je pense que cela serait suffisant.
    Le but de tout cela est de faire en sorte que tout se passe aussi bien que possible, plutôt que de s'enfermer dans un régime réglementaire qui veille à ce que les cases à cocher le soient bel et bien.
(1925)
    Je suis tout à fait d'accord. Je pense qu'il faudrait inscrire cela dans une norme de pratique, et non dans une loi. Ce n'est pas logique d'énoncer dans la loi tous les détails qui devraient être respectés. Certains détails qui se trouvent dans la loi actuelle devraient plutôt se trouver dans une norme de pratique, selon moi, car il y aurait ainsi une plus grande souplesse.
    Cependant, je pense qu'on peut créer ces normes de pratique. Des directives ou des demandes anticipées seront rédigées aujourd'hui, et nous les préciserons avec le temps. Nous nous améliorerons avec l'expérience.
    À titre de clinicienne, j'inclus aujourd'hui dans mes évaluations de l'aide médicale à mourir des éléments que je n'incluais pas il y a cinq ans et demi ou six ans, car j'ai appris des choses avec le temps. J'inclus maintenant certains éléments dans les accords de renonciation au consentement final que je rédige avec mes patients que je n'incluais pas lorsque j'ai commencé, car j'ai appris avec l'expérience. Il s'agit surtout de ma propre expérience, mais j'ai aussi appris de celle de mes collègues.
    Un modèle de demande anticipée devrait évoluer et s'améliorer avec le temps.
    Madame Gibson, vous avez dit que, selon vous, de multiples acteurs ont un rôle à jouer. Pourriez-vous nous en dire plus à cet égard?
    Je vous remercie de votre question. Je pense qu'elle s'appuie sur la précédente.
    Dans le cadre de la loi, les directives cliniques élaborées par les intervenants qui sont les mieux équipés, à titre de cliniciens, pour éclairer la forme que la pratique peut prendre, seront importantes. Toutefois, nous devons aussi penser à faire appel à d'autres intervenants.
    L'un des principaux intervenants dans ce cas‑ci — et je sais que votre comité a mentionné cet intervenant et qu'il revient assez fréquemment dans les discussions — est le mandataire spécial, car il joue un rôle essentiel dans ce processus. Le processus décrit par M. Reiner est très bien conçu pour aider le mandataire spécial à comprendre pourquoi le patient souhaite faire une demande anticipée et pour l'aider à participer à ce processus de délibération. C'est donc un intervenant auquel il faut penser et je crois que d'autres intervenants peuvent jouer des rôles essentiels pour assurer le bon fonctionnement du système.
    L'un des points forts du projet de loi C‑14 initial était qu'il prévoyait la mise en place d'un système de surveillance. Nous étions donc en mesure de suivre et de comprendre ce qui se passait dans la pratique et d'orienter l'évolution de la politique. Il s'agit toutefois d'un système de haut niveau qui utilise souvent des données quantitatives dans les rapports statistiques. C'est très utile pour les éléments qui concernent la population, mais nous devons aller plus loin.
    Il existe d'autres façons de renforcer l'ensemble du système. Par exemple, nous pouvons continuer à encourager les types de recherches menées par M. Reiner et l'apprentissage et la formation des professionnels de la santé dont parlait Dre Perrot. Tout le monde peut contribuer.
    Je vous remercie, madame.
    La parole est maintenant à la sénatrice Martin. Elle a trois minutes.
    Je vous remercie, monsieur le coprésident.
    Je n'aurai pas le temps de poser toutes mes questions. Nous arrivons à la fin de la discussion sur les directives anticipées, mais j'ai l'impression que nous avons encore beaucoup à explorer, car c'est un sujet très important et tellement vaste.
    Je pourrais me concentrer sur les restrictions qui seront nécessaires pour veiller à ce que les choses soient faites correctement. Par exemple, sous quelles conditions strictes les dispositions relatives aux directives anticipées devraient-elles être prises, et dans quelles conditions faudrait‑il abandonner la procédure?
    Nous parlons de la participation de la famille au cours du processus. Je sais que la participation de la famille soulève parfois des enjeux, tant positifs que négatifs. À quel moment une directive anticipée ou une procédure doit-elle être abandonnée? Si nous prolongeons les directives anticipées au‑delà de la renonciation au consentement final actuellement autorisée, quelles mesures de protection faudra‑t‑il prévoir? Je me concentre sur les protections qui sont nécessaires pour que le système soit très fiable.
    J'aimerais d'abord entendre la réponse de Dre Perrot, et ensuite celle de M. Reiner.
    Docteure Perrot, je vous écoute.
    À mon avis, plus une demande anticipée est précise et détaillée, plus la quantité de renseignements fournie à un fournisseur d'aide médicale à mourir sera élevée.
    Il est important de reconnaître que les fournisseurs d'aide médicale à mourir ne rencontreront pas un patient avant que sa demande anticipée soit traitée et que quelqu'un communique avec ce fournisseur pour qu'il fournisse l'aide médicale à mourir. Le prestataire d'aide médicale à mourir ne rencontre jamais le patient lorsque ce dernier est encore en possession de tous ses moyens. Il doit donc être en mesure de comprendre ce que cette personne aurait voulu, en se fondant sur sa demande anticipée…
(1930)
     Le formulaire est‑il toujours le même? Existe‑t‑il une norme qui vous permet de recueillir ces renseignements de façon uniforme dans tous les cas? Pourriez-vous nous parler un peu du formulaire utilisé ou du processus?
    Habituellement, une demande anticipée est rédigée dans un cabinet d'avocats, avec un document de procuration, je pense. Le centre de bioéthique avait un excellent modèle il y a deux ou trois ans. J'aurais aimé qu'il n'ait pas cessé de le produire. Mourir dans la dignité Canada a un excellent modèle. J'ai utilisé un certain nombre de modèles et je m'inspire de certains d'entre eux pour créer les demandes anticipées que j'ai rédigées et celles que je recommande à mes patients d'utiliser, mais il n'existe pas de modèle qui soit utilisé de façon universelle.
    Nous n'avons pas de modèle principal, en tout cas, pour les demandes anticipées d'aide médicale à mourir, parce que ce n'est pas encore possible. Il n'y a pas de modèle principal pour la renonciation au consentement final. J'ai rédigé mon propre document quand c'est devenu légal et je l'ai révisé au fil du temps en l'améliorant et en y ajoutant des éléments afin qu'il soit le plus clair possible. Lorsque je rencontre le patient, je veux comprendre ce dont il a besoin et ce qu'il veut, de quoi il souffre et quels seraient ses critères. Je lui demande d'écrire des choses, et je l'aide à les rédiger d'une manière qui me semble logique.
    En général, des membres de la famille ou des amis sont présents à ce moment‑là, afin qu'ils comprennent également ce qui se passe. Cependant, je dois dire que j'ai aussi beaucoup de patients qui n'ont pas de famille à proximité — qui n'ont pas de famille du tout ou qui n'ont confiance en aucun membre de leur famille pour cela — et donc, l'idée de devoir inclure la famille me préoccupe.
     J'ai deux ou trois patients en ce moment dont les familles sont très obstructionnistes et ne leur permettent pas de recevoir l'aide médicale à mourir. Je ne peux rien faire sans leur collaboration. Cela rend la situation très difficile pour les patients. Je pense que c'est encore plus marqué s'il y a une demande anticipée qui nécessite la participation d'un membre de la famille.
    J'espère avoir répondu à votre question.
     Merci, sénatrice Martin.
    Je vous cède maintenant la parole à nouveau.
    Si vous me le permettez, je vais encore une fois remercier nos témoins d'avoir comparu ce soir. Vos témoignages nous sont très utiles à tous dans la poursuite de notre étude. Merci beaucoup.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes pour nous préparer à accueillir notre deuxième groupe de témoins.
(1930)

(1935)
    Nous reprenons, chers collègues.
    J'ai quelques observations à faire à l'intention des témoins qui viennent de se joindre à nous. Veuillez attendre que la coprésidence vous nomme avant de prendre la parole. Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la coprésidence.
     Lorsque vous parlez, veuillez vous exprimer lentement et clairement. Les services d'interprétation offerts pour cette vidéoconférence sont les mêmes que ceux offerts pour une réunion en personne. Vous pouvez choisir, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Lorsque vous n'avez pas la parole, veuillez mettre votre micro en sourdine. Merci beaucoup.
    Bienvenue à tous les témoins qui participent à notre discussion sur les mineurs matures. C'est un sujet très important pour nous. Nous vous remercions beaucoup du temps que vous accordez à notre comité.
    Nous recevons trois témoins, qui comparaissent tous par vidéoconférence: Mme Kathryn Morrison, éthicienne clinique et organisationnelle; le Dr Gordon Gubitz, professeur à la division de neurologie du département de médecine à la faculté des études supérieures de l'Université Dalhousie; et Mme Kimberley Widger, professeure associée.
    Nous allons tout d'abord entendre Mme Kathryn Morrison.
    Je vous cède la parole. Vous disposez de cinq minutes.
    Bonsoir. Je remercie les coprésidents et les membres du Comité de m'avoir invitée. Je suis très honorée de pouvoir discuter avec le Comité de ce sujet très important.
    Je suis philosophe et j'ai terminé mon doctorat en philosophie appliquée à l'Université de Waterloo l'an dernier. Ma recherche porte sur les arguments moraux concernant l'admissibilité des mineurs matures à l'aide médicale à mourir, l'AMM. Ces travaux se concentrent sur les cas de mineurs dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible, c'est‑à‑dire le premier volet.
    Je présente également le point de vue d'une éthicienne clinique qui travaille dans un grand réseau hospitalier en Ontario, où notre service aide les patients, les familles et les équipes de soins de santé qui font face à des situations difficiles concernant le consentement éclairé, la capacité et la qualité des soins de fin de vie. En tant qu'éthicienne clinique, j'appuie l'un des quatre hôpitaux pédiatriques spécialisés de l'Ontario. Notre service soutient également l'équipe de l'AMM de l'établissement, où j'ai eu le privilège de faire un travail de coordination relatif l'AMM pendant ma formation en éthique.
    Les points de vue que je présente au Comité sont les miens et ne représentent pas ceux de l'organisation pour laquelle je travaille.
    L'accès à l'AMM pour les mineurs matures est un sujet difficile sur le plan émotif. Il présente des défis uniques en ce qui a trait aux valeurs fondamentales décrites dans la décision Carter. La société a intérêt à protéger les personnes vulnérables, et les enfants sont souvent perçus comme étant vulnérables, ce qui fait que les obligations à l'égard du bien-être des enfants sont plus importantes que les obligations à l'égard de celui des adultes. Cependant, la société a aussi des obligations sur le plan de l'autonomie. Notamment, il faut respecter les personnes capables de prendre des décisions sur leurs propres soins médicaux et éviter de les forcer à endurer des souffrances intolérables contre leur volonté.
    Les enfants ont légalement droit à l'autonomie décisionnelle en fonction de leur niveau de maturité. Cette tension entre le bien-être et l'autonomie fait que la capacité d'un mineur mature à prendre une décision aussi importante fait l'objet d'un examen approfondi.
    Je souhaite présenter au Comité trois facteurs qui, à mon avis, constituent de bonnes raisons pour rendre les mineurs matures admissibles à l'AMM dans le cas du premier volet. Premièrement, il y a la crainte qu'empêcher les mineurs d'avoir accès à l'AMM soit discriminatoire. Dans son rapport de 2016, le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir précise qu'un mineur mature « peut souffrir tout autant qu'un adulte ». En outre, il est concevable que les mineurs qui souffrent d'un problème de santé grave et irrémédiable, à qui l'on interdit l'accès à l'AMM, puissent subir les mêmes préjudices que les adultes.
     Cette différence de traitement est difficile à justifier au sens où nous justifierions des distinctions d'âge dans d'autres contextes, notamment les décisions de se marier, de conduire, de boire de l'alcool, de fumer du tabac ou de consommer du cannabis. Après tout, dans le contexte des décisions en matière de traitement, le pouvoir de décision est généralement fondé sur des présomptions relatives à la capacité plutôt que sur une distinction d'âge.
     Deuxièmement, veiller au bien-être de l'enfant ne rime pas toujours avec prolonger la durée de sa vie. Dans les décisions de fin de vie, le bien-être peut reposer sur la dignité et la qualité de vie et on devrait tenir compte des torts qui sont causés si l'on force un mineur mature à endurer des souffrances intolérables contre sa volonté.
    Enfin, il est important de comprendre que les mineurs matures prennent déjà des décisions médicales dont les enjeux sont très importants, notamment lorsqu'il s'agit de refuser un traitement de survie. Je soutiens que refuser un traitement de survie — c'est‑à‑dire décider de mourir même si l'on pourrait vivre — est un type de décision bien plus lourd de conséquences que la décision de demander l'AMM lorsque la mort naturelle est raisonnablement prévisible, décision qui consiste à choisir de contrôler la façon dont on va mourir lorsque la mort est inévitable. De ce point de vue, on considère déjà que les mineurs matures ont atteint le seuil de capacité et de maturité requis pour comprendre les conséquences de l'AMM.
     Il est difficile de concilier ces facteurs pour le premier volet avec l'élargissement récent de la loi visant à inclure les personnes dont la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible — le deuxième volet — et l'inclusion anticipée des personnes dont le seul problème de santé invoqué est la maladie mentale. Si, à première vue, les demandes relatives au deuxième volet et à la maladie mentale comme seul problème de santé sous-jacent ont un poids similaire à celui de refuser un traitement de survie, il existe une grande incertitude quant à la vulnérabilité de ces groupes de patients. Je serais préoccupée si l'on rendait ces groupes admissibles à l'heure actuelle.
     Je termine mon exposé en soulignant que les incertitudes que soulèvent le deuxième volet et la maladie mentale comme seul problème de santé sous-jacent ne devraient pas miner les arguments en faveur de l'admissibilité d'un mineur mature à l'AMM lorsqu'il s'agit du premier volet.
    Encore une fois, je remercie les membres du Comité de leur attention.
(1940)
    Merci beaucoup, madame Morrison.
    C'est maintenant au tour du Dr Gordon Gubitz, qui dispose de cinq minutes.
    Je voudrais remercier le Comité de m'avoir invité ce soir pour exprimer mes idées et mes opinions.
     Tout d'abord, je tiens à m'excuser. Je pensais que j'allais parler des directives anticipées, mais je suis heureux de faire des observations sur tout aspect de l'AMM et des soins d'AMM.
     Au quotidien, je suis neurologue. Je travaille auprès de personnes qui ont été victimes d'accidents vasculaires cérébraux, dont bon nombre ont des souffrances intolérables par la suite et ne peuvent pas accéder à l'AMM en raison d'un manque de capacité. Je suis évaluateur et prestataire de l'AMM en Nouvelle-Écosse depuis que la loi est entrée en vigueur, en 2016. Je suis le responsable clinique de l'aide médicale à mourir en Nouvelle-Écosse en ce qui concerne l'administration, la promotion de bonnes politiques, etc. Enfin, je copréside et préside un comité national qui travaille à l'élaboration de normes d'éducation pour l'AMM dans l'ensemble du pays. C'est financé par Santé Canada et je me réjouis grandement de sa participation à ce processus.
    Lorsqu'il a été question de l'aide médicale à mourir pour les mineurs matures, on m'a immédiatement présenté un cas, et il s'agissait en fait d'une personne que j'avais vue et accompagnée. C'était une jeune femme qui a commencé son parcours médical à 19 ans, un âge qui est juste au‑dessus de la catégorie des mineurs adultes. Elle souffrait d'un problème de douleur intolérable. Elle a vécu avec ce problème de douleur pendant cinq ans. Elle a vu un nombre incalculable de médecins et de chirurgiens spécialistes et a subi de nombreux traitements différents.
    Quand on m'a demandé de la voir, c'était parce que la mesure législative couvrant le deuxième volet venait d'être adoptée. On m'a demandé de procéder à une évaluation pour déterminer si elle était admissible à l'aide médicale à mourir, même si sa mort naturelle n'était pas raisonnablement prévisible.
     Sur la base d'un examen de l'ensemble de ses antécédents médicaux, de ma compréhension de la nature du problème, qui était un problème neurologique, et de discussions avec des spécialistes de partout au pays, j'ai conclu que sa mort naturelle n'était pas raisonnablement prévisible, mais qu'il n'y avait aucune option de traitement supplémentaire pour elle. Juste avant son 23e anniversaire, elle a reçu l'aide médicale à mourir chez elle, entourée de sa famille, et j'étais là pour lui fournir le médicament qui a provoqué sa mort.
    À bien des égards, ce décès a été une expérience pour tous les membres de sa famille. Ils avaient vécu ce parcours avec elle, depuis l'époque où elle était mineure et commençait à éprouver des problèmes. Ils l'ont aidée ensuite dans sa quête pour comprendre, avancer dans les décisions de traitement, etc.
     En apprenant à la connaître, je me suis rendu compte qu'elle était devenue une spécialiste de son propre problème. Elle avait fait des recherches, elle avait écouté les médecins et les thérapeutes, etc. Elle a évalué ses options et a finalement décidé qu'elle ne voulait pas se soumettre à des thérapies expérimentales, qui n'allaient pas l'aider à l'avenir. Elle a eu des discussions très franches et ouvertes avec ses parents. Ils n'étaient pas forcément d'accord au départ, ce qui a provoqué quelques conflits familiaux, mais ils ont fini par changer d'avis et être capables de la soutenir.
    En fin de compte, c'est l'expérience que j'aie eue qui se rapproche le plus d'un cas de mineur mature en ce qui a trait à la capacité de franchir toutes les étapes de ce processus et le mener à terme. Elle a eu une mort paisible. Elle était entourée de sa famille et de ses amis, qui sont restés. Nous sommes restés après et je ne me souviens plus combien de tasses de thé nous avons bues en parlant de son parcours et en racontant des histoires. Je suis toujours en contact avec sa famille à ce jour, de façon périodique.
     Malheureusement, je n'ai pas la même formation universitaire que Mme Morrison, mais je pense que les aspects cliniques sont très similaires à ce qui se passe du côté des adultes. C'est une question de communication, de capacité. Il s'agit de comprendre ses options et d'être capable d'agir en conséquence. L'âge ne définit pas nécessairement ce qui doit ou pourrait caractériser la compréhension. Je connais beaucoup de personnes dans la quarantaine qui ne sont pas capables de prendre des décisions et qui ne sont pas malades.
    Je pense que je vais m'arrêter ici, car j'ai terminé.
(1945)
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de Mme Kimberley Widger.
    Vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup. Je vous remercie de m'avoir invitée à vous parler aujourd'hui.
    Je suis professeure associée à la faculté des sciences infirmières Lawrence S. Bloomberg de l'Université de Toronto et je suis titulaire d'une chaire de recherche du Canada de niveau 2 en soins palliatifs pédiatriques. Avant de me consacrer à la recherche, j'ai travaillé pendant 12 ans comme infirmière, principalement auprès d'enfants atteints de cancer, mais aussi d'autres types de maladies mortelles.
    L'objectif principal de mon programme de recherche est d'examiner et d'améliorer la prestation de soins palliatifs pour les enfants atteints d'une maladie mortelle et leur famille, afin que chaque enfant qui pourrait en bénéficier reçoive des soins optimaux.
    Malheureusement, mes recherches continuent de montrer que de nombreux enfants n'ont pas accès à des soins palliatifs pédiatriques spécialisés et qu'il existe des inégalités préoccupantes quant à l'accès à ces soins. Une grande partie de ces recherches ont été mises en relief dans le rapport final du Groupe de travail du comité d'experts sur l'AMM pour les mineurs matures qui a été publié par le Conseil des académies canadiennes. J'étais membre de ce groupe de travail.
     Mes observations porteront sur ce que mes recherches supposent en ce qui concerne les soins fournis aux mineurs matures et leur possible admissibilité à l'AMM.
     Les soins palliatifs sont considérés comme un droit de la personne fondamental. Ils visent à réduire la souffrance au minimum et à augmenter la qualité de vie autant que possible. Ils sont censés être fournis à un enfant à partir du moment où il reçoit un diagnostic de maladie mortelle jusqu'à la fin de sa vie.
     Les soins palliatifs peuvent être offerts de différentes manières, mais mes recherches se sont principalement concentrées sur les soins offerts par des équipes spécialisées en soins palliatifs pédiatriques, à savoir des équipes interprofessionnelles de professionnels de la santé, généralement des médecins, des infirmières, des travailleurs sociaux, des spécialistes de l'enfance, des intervenants en soins spirituels et d'autres personnes ayant une expertise à la fois dans les soins aux enfants et dans les soins palliatifs.
     L'une de mes premières études portait sur les équipes qui offraient ces soins spécialisés et les enfants qui les recevaient. En 2002, il n'y avait que sept équipes de ce type au Canada, et elles ne fournissaient des soins qu'à environ un enfant sur 20 pouvant en bénéficier. Nous avons refait l'étude en 2012 et nous avons constaté qu'il y avait 13 équipes et qu'elles fournissaient des soins à un enfant sur cinq pouvant en bénéficier.
    En 2022, il y a 17 équipes, mais je n'ai pas encore les statistiques sur le nombre d'enfants qui ont reçu ces soins au pays au cours de la dernière année. Toutefois, d'après deux ou trois études assez récentes que nous avons réalisées en Ontario, environ un enfant sur trois décédé d'une maladie mortelle a reçu des soins de l'une de ces équipes. Il est clair que la situation s'est améliorée au fil du temps, mais les progrès ont été très lents ces 20 dernières années.
    En Ontario, nous avons examiné de plus près la situation d'enfants qui sont décédés d'un cancer et nous avons constaté que ceux qui vivaient dans les régions à plus faible revenu et ceux qui vivaient le plus loin d'un hôpital de soins tertiaires pour enfants étaient les moins susceptibles de recevoir des soins palliatifs spécialisés. Compte tenu de la géographie du Canada, il n'est peut-être pas surprenant que les personnes qui vivent plus loin aient moins de chances d'accéder aux soins.
     Ces soins ne pourraient‑ils pas être offerts par des fournisseurs de soins palliatifs pour adultes ou des pédiatres généralistes? Absolument. De nombreuses équipes de spécialistes travaillent avec ces autres prestataires pour pouvoir fournir des soins plus près du domicile des gens, en agissant en tant que spécialistes afin que l'enfant bénéficie toujours des avantages de l'équipe de spécialistes.
    Nous avons pu comparer les enfants qui ont reçu, au moins en partie, des soins palliatifs offerts par des équipes spécialisées avec ceux qui ont reçu des soins palliatifs sans la participation d'une équipe spécialisée et ceux pour lesquels rien n'indiquait qu'ils avaient reçu un type quelconque de soins palliatifs. Nous avons constaté que les personnes qui reçoivent des soins spécialisés sont beaucoup moins susceptibles de se rendre fréquemment à l'hôpital, à l'unité de soins intensifs et au service des urgences au cours des 30 derniers jours de leur vie et qu'elles risquent beaucoup moins de mourir à l'hôpital que celles qui ne reçoivent pas de soins palliatifs. Malheureusement, en ce qui concerne les visites à l'hôpital ou les décès à l'hôpital, la situation des personnes du groupe intermédiaire, celles qui reçoivent des soins palliatifs, mais pas ceux offerts par une équipe spécialisée, n'est pas différente de la situation des personnes qui ne reçoivent pas de soins palliatifs.
    Les équipes spécialisées changent la donne dans le soutien apporté aux enfants et aux familles. Comme je l'ai dit au début, ces équipes sont expertes sur le plan de la gestion de la douleur et des symptômes, des problèmes psychosociaux et des préoccupations existentielles, du soutien aux familles et de l'augmentation de la qualité de vie autant que possible et de la réduction de la souffrance au minimum. Cependant, tous les enfants canadiens ne sont pas en mesure d'accéder à ces services.
     Je ne vois pas comment nous pourrions permettre à un mineur mature de choisir l'AMM à moins que toutes les options de soutien aient été pleinement explorées par une équipe spécialisée de professionnels de la santé qui font ce travail tous les jours. Ma plus grande crainte serait qu'un jeune de 16 ou 17 ans qui n'a pas accès à ce type de soins ait l'impression que l'AMM est sa seule option.
(1950)
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je remercie tous nos invités de leurs témoignages.
    Nous allons passer à notre première série de questions. C'est Mme Vien qui commence.
    Madame Vien, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins de nous faire part de leurs réflexions et de leurs connaissances. Nous avons étudié bien des volets de cette loi dans le cadre de sa révision, et le plus touchant est probablement celui-ci, c'est-à-dire toute la question des mineurs matures.
    Madame Morrison, je vous remercie de votre témoignage. J'ai trois questions pour vous. Prenez le temps de bien nous expliquer ce que vous en pensez.
    D'abord, comment détermine-t-on, selon vous, qu'une jeune personne a la capacité de prendre une telle décision en toute connaissance de cause?
    Ensuite, avons-nous suffisamment de données sur cette question? Après tout, il y a très peu d'endroits sur la planète où l'aide médicale à mourir est accessible aux mineurs matures. Il me semble que ce ne soit pas assez documenté pour que nous nous lancions à notre tour dans cette aventure. Je ne dis pas que je suis contre cela, bien au contraire, ni que j'y suis favorable. C'est simplement que je me pose beaucoup de questions.
    Enfin, quels critères ou quelles mesures de protection devrait-on retrouver dans cette loi révisée si, en notre pouvoir de législateur, nous décidions de permettre aux mineurs matures d'avoir accès à l'aide médicale à mourir?
    Ce sont mes trois questions. Vous êtes une spécialiste, alors je vous écoute.

[Traduction]

     Merci. Je pense...

[Français]

    Mes questions s'adressent à Mme Morrison.

[Traduction]

    Je m'excuse. Je croyais également avoir entendu le nom de Mme Widger, mais je suis heureuse d'essayer de répondre à certaines des questions.
     Je vais commencer par la question qui porte sur la capacité. Nous savons que la capacité est souvent formulée en fonction du temps et du traitement. Un patient peut être jugé capable de prendre un type de décision, mais incapable de prendre un autre type de décision. Dans le cadre de certaines de mes recherches et de ma pratique, nous avons vu des mineurs matures dans des situations où ils étaient capables de prendre des décisions assez complexes, soit des décisions qui nécessitent une bonne compréhension. De nombreux facteurs entrent en jeu, qu'il s'agisse de l'expérience de la maladie, de la souffrance éprouvée, du développement de l'enfant ou de la manière dont les croyances, les valeurs et les normes culturelles peuvent s'appliquer aux décisions où il y a des éléments de valeur subjective inhérents à certaines de ces questions.
     Nous constatons également qu'un poids différent est généralement attribué aux décisions. Plus la décision est lourde de conséquences, plus le seuil doit être élevé. Certains de mes travaux indiquent qu'il y a des situations où des mineurs matures prennent des décisions incroyablement lourdes de conséquences, notamment lorsqu'il s'agit de choisir de mourir, alors qu'il leur est possible d'avoir un long avenir et un avenir prolongé dans certains cas. Dans ces situations, nous considérons que les mineurs ont la capacité de prendre une telle décision. Dans les situations où un mineur mature est en fin de vie, il n'a pas un long avenir devant lui et il réfléchit à toutes ses options pour déterminer la façon dont il souhaite mourir. Souvent, nous considérons ces décisions comme étant, je dirais, comparativement moins lourdes.
     En ce qui concerne les mesures de protection, je tiens simplement à mentionner que dans le rapport du Conseil des académies canadiennes, on décrit très clairement de nombreuses mesures de protection.
(1955)
    Madame Vien, il vous reste une minute.

[Français]

    Madame Widger, vous étiez pour vous lancer dans une réponse. Si vous avez un élément d'information à ajouter, nous l'entendrons avec plaisir.

[Traduction]

    Oui. J'avais aussi entendu mon nom au premier tour. Je suis désolée.
     Quoi qu'il en soit, en ce qui concerne les mesures de protection, celle que je propose est peut-être évidente. Il faut que des spécialistes des soins palliatifs pédiatriques participent à l'évaluation de ces enfants et s'assurent qu'ils ont vraiment exploré toutes les options qui existent. Dans certains cas, on ignore ce que l'on ne sait pas, en quelque sorte. Quelqu'un peut penser qu'il fait un travail d'exploration formidable, mais il faut vraiment qu'une équipe de spécialistes participe. À mon avis, ce serait le minimum.
    D'une certaine manière, la COVID a amélioré les choses en ce sens que certains de ces soins peuvent être offerts sur de longues distances...

[Français]

    Puisque c'est une question très prenante, des professionnels de la santé pourraient-ils, selon vous, refuser d'administrer l'aide médicale à mourir à des jeunes sur la simple base de leur âge, alors qu'autrement ils l'administreraient à des personnes adultes?

[Traduction]

     Madame Vien, nous avons dépassé le temps alloué.
    Veuillez répondre très brièvement, madame Widger.
    Je n'ai pas compris la fin de la question. Je suis désolée.
    D'accord. Puisque nous avons dépassé le temps alloué, nous allons passer au prochain intervenant.
    C'est au tour de M. Arseneault, qui dispose de cinq minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence. Ils sont ici ce soir pour discuter avec nous d'un sujet très délicat, à savoir la question des mineurs matures.
    Ma première question s'adresse au Dr Gubitz.
    Docteur Gubitz, vous nous avez candidement avoué que vous pensiez être ici pour parler des demandes anticipées. Finalement, votre expérience de travail vous permet de prendre part à la discussion.
    Vous nous avez parlé d'une jeune fille qui avait intensément souffert pendant cinq ans, avant d'atteindre l'âge de 19 ans et de pouvoir faire une demande d'aide médicale à mourir. Vous avez dit que, dans son cas, il ne s'agissait pas d'une question d'âge, mais bien de capacité de compréhension.
    Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet, en tenant compte du cadre dans lequel s'inscrit une demande provenant d'un mineur mature?

[Traduction]

     Dans cette situation particulière, je vais revenir à quelque chose que Mme Morrison a mentionné. C'est l'idée que la capacité est une chose qui est variable. Nous pouvons convenir que les enfants peuvent avoir la capacité de prendre une décision sur ce qu'ils veulent porter pour aller à l'école, sur ce qu'ils veulent faire ou sur la façon dont ils veulent le faire en fonction de l'information dont ils disposent.
     De toute évidence, l'expérience et les recherches de Mme Morrison ont montré que les enfants ont certainement la capacité de prendre des décisions en matière de soins de santé, des décisions médicales, en fonction de ce qu'ils comprennent. Je pense qu'il s'agit vraiment de s'assurer qu'on en a fait assez pour permettre à l'enfant d'explorer les questions du mieux qu'il peut, d'en parler avec des mots qu'il connaît, qui ont du sens pour lui, et de répondre de manière réfléchie à des questions sur ce qu'il vit pour avoir une idée de sa compréhension, comme nous le faisons pour un adulte. Comprends‑tu ce qui t'est arrivé? Comprends‑tu ta situation actuelle? Comprends‑tu ce qui t'attend? Qu'en penses‑tu? Comprends‑tu les options?
     Il se peut que nous ayons à le faire de manière légèrement différente...
(2000)

[Français]

    Excusez-moi de vous interrompre, mais mon temps de parole est très court, et vos propos m'amènent à ma prochaine question.
    Lorsqu'il s'agit d'analyser les capacités d'une personne, y a-t-il une différence entre le cas d'un mineur mature, donc un jeune qui, selon votre définition, a les capacités intellectuelles nécessaires pour bien raisonner et comprendre la situation dans laquelle il se trouve, et le cas d'un adulte, tout simplement? Y a-t-il des mesures de sauvegarde supplémentaires à prendre en considération?

[Traduction]

    Je pense que cela dépendra vraiment de la situation. Cela dépend du développement de l'enfant et de sa compréhension globale. Je ne suis pas pédiatre. Je ne suis pas neuropédiatre. Je pense que, comme l'a dit Mme Widger, veiller à ce que les bonnes personnes travaillent auprès des enfants qui sont en train de comprendre leur mortalité, etc., ressemble à ce que nous faisons actuellement pour le deuxième volet avec les adultes, c'est‑à‑dire qu'il faut que quelqu'un qui possède une expertise en ce qui concerne le problème de santé effectue une évaluation.
     Si les gens qui effectuent les évaluations n'ont pas d'expertise en ce qui concerne le problème de santé, je dois vraiment, en tant qu'évaluateur, savoir que tout ce qui peut être fait a été fait pour nous permettre de comprendre que le patient devant nous sait ce qui se passe. Ce sera probablement beaucoup plus complexe, mais je suis d'accord avec Mme Widger pour dire qu'il faudra des mesures de protection très précises pour ces enfants qui, espérons‑le, n'arriveront pas par centaines. Ce serait terrible. Dans des cas très spécifiques, des enfants répondront aux critères, et les personnes chargées des évaluations de ces enfants estimeront qu'ils sont capables de prendre des décisions au sujet de leur santé.

[Français]

    Madame Morrison, après avoir entendu le témoignage du Dr Gubitz, pouvez-vous nous dire s'il y a lieu, selon vous, d'avoir des mesures de sauvegarde supplémentaires pour les mineurs matures? Le cas échéant, quelles devraient être ces mesures?

[Traduction]

    Soyez très brève, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup pour cette question.
    Je vais appuyer ce qu'ont dit les deux autres témoins spécialistes sur la nécessité de recourir à des cliniciens spécialisés pour ce groupe.
     Je tiens également à souligner que, lorsque nous pensons à la prise de décisions, les solutions de rechange à une décision sont des éléments essentiels du consentement éclairé. C'est également vrai pour les mineurs matures. Lorsqu'il est question de prendre une décision, les autres options doivent être clairement exposées et aussi accessibles que possible.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de M. Thériault.
    Vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Docteur Gubitz et docteure Morrison, dans le cas de mineurs matures de 14 à 17 ans, la loi devrait-elle exiger le consentement des parents, sinon la consultation de ceux-ci?
(2005)

[Traduction]

    Mme Morrison peut commencer, et le Dr Gubitz pourra intervenir par la suite.
    Allez‑y, madame Morrison.
    Je m'excuse. C'était comme si Zoom avait cessé de fonctionner.
    C'est une question vraiment importante, car nous savons que, dans les pays du Benelux où les mineurs matures peuvent avoir accès à l'aide médicale à mourir, le consentement parental est une exigence, du moins dans certains cas.
     C'est difficile, car la présence des parents dans la prise de décisions médicales est souvent considérée comme un facteur d'autonomie, à certains égards. Cependant, nous rencontrons des cas où il existe de profondes inquiétudes quant aux répercussions que peut avoir le rôle des parents sur la capacité de prendre des décisions de manière autonome des mineurs. Comme nous le constatons dans le cas des adultes, lorsqu'il s'agit de la pratique de l'AMM, le rôle des membres de la famille peut représenter un double défi: favoriser l'autonomie, mais aussi la limiter.
     L'un des grands défis, lorsqu'il s'agit de mineurs matures, c'est la question de la compatibilité avec notre cadre entourant des décisions relatives au traitement. Souvent, lorsqu'un patient — y compris les patients mineurs — a la capacité de prendre des décisions, les membres de la famille n'ont pas à prendre de décisions au nom de ce patient. Je pense que ce serait un défi d'exiger le consentement des parents.
     Il s'agirait davantage de les consulter.
    Allez‑y, docteur Gubitz.
    Je suis du même avis.
    Encore une fois, je ne suis pas un expert de la définition juridique de « mineur mature », et je pense donc que le Comité pourrait souhaiter y jeter un coup d'œil et obtenir un avis sur ce dont il est réellement question lorsque nous parlons d'un mineur mature, par opposition à un mineur émancipé, etc.
     Je conviens que la famille est importante. Dans le monde des plus de 18 ans, lorsque nous pensons à l'aide médicale à mourir, nous ne parlons pas nécessairement de la famille. Nous parlons des personnes qui soutiennent les patients, car les familles prennent toutes sortes de formes. Certaines sont très toxiques et d'autres très solidaires, alors heureusement...

[Français]

    Excusez-moi de vous interrompre. D'entrée de jeu, vous avez dit que vous étiez d'accord. Êtes-vous d'accord avec la Dre Morrison pour qu'il y ait une exigence législative de consultation, et non pas une exigence législative de consentement?

[Traduction]

    Je pense qu'il serait plus utile de demander leur assentiment. Il s'agit vraiment de la conversation, de la nature de la relation avec la famille et de la reconnaissance du fait que, si cet enfant est très malade et va mourir, la famille va continuer à vivre après. Il est préférable que les membres d'une famille puissent continuer à vivre ensemble, que la famille reste unie, plutôt que de se fracturer et que les membres ne se parlent plus jamais.
    Tel peut être le rôle de l'équipe chargée d'effectuer les évaluations et de fournir ce soutien.

[Français]

    J'imagine que ces décisions, qui sont très rares, sont prises de façon harmonieuse, dans la majorité des cas. Est-ce bien ce que vous constatez dans votre pratique, docteur Gubitz? C'est la première question.
    Deuxièmement, l'accès à l'aide médicale à mourir pour les mineurs matures devrait-il se limiter aux patients de la voie 1?

[Traduction]

    Malheureusement, monsieur, puisque je ne suis pas pédiatre, je ne peux pas vraiment faire de commentaires à ce sujet. Ce n'est pas ma pratique. Je m'occupe de personnes qui sont capables de donner leur consentement.
    Je m'en remets à l'expertise des autres témoins qui étudient...

[Français]

    Dans ce cas, je vais demander à la Dre Morrison de répondre.
    Je suis désolé de vous avoir interrompu, docteur Gubitz.

[Traduction]

     La réponse devra être très brève.
    Je m'excuse, mais pourrait‑on répéter la question? Je tiens également à rester dans mon champ de compétence, car je ne suis pas non plus pédiatre.
    Le temps est écoulé.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    L'accès à l'aide médicale à mourir pour les mineurs matures devrait-il se limiter aux patients de la voie 1, c'est-à-dire ceux en fin de vie, dont la mort est raisonnablement prévisible?

[Traduction]

    Veuillez répondre brièvement, madame Morrison.
    Je m'excuse. J'entends l'interprétation. J'ai de la difficulté à comprendre la question.
    Si je comprends bien, il s'agit de permettre aux mineurs matures d'accéder à l'aide médicale à mourir pour ce qui est du premier volet, et je pense...
    Merci, madame Morrison.
    Malheureusement, compte tenu du temps que nous avons, nous devons passer au prochain intervenant. Je m'en excuse.
    La parole est maintenant à M. MacGregor, qui dispose de cinq minutes.
(2010)
    Merci beaucoup, madame la coprésidente.
    Je remercie nos témoins. C'est un sujet très difficile.
    Je vois les choses en tant que parent, avant tout. Je pense que la difficulté réside dans le fait que les parents sont animés par le désir de protéger leurs enfants, mais en même temps, il y a le fait qu'un enfant peut subir des souffrances évidentes.
    Je pense que nous avons de la chance, d'une certaine manière, dans la mesure où chacune de nos provinces a déjà mis en place des lois régissant les soins de santé. Dans ma province, soit la Colombie-Britannique, on peut lire qu'en général, le consentement parental pour les soins de santé dans la province est demandé pour les enfants âgés de 12 ans et moins. Toutefois, il n'y a pas d'âge légal pour le consentement. Essentiellement, on dit que le consentement d'un mineur mature, c'est le consentement qu'un enfant ou un jeune donne pour recevoir des soins de santé après qu'un fournisseur de soins de santé l'a évalué et a jugé qu'il comprend suffisamment pour donner son consentement.
     Madame Morrison, je sais que ce n'est pas tellement lié à un âge. C'est lié à la compréhension générale que l'enfant a.
    Pouvez-vous tout d'abord nous donner un exemple? Quand un enfant arrive avec ses parents, comment guidez-vous ce lien? Y a‑t‑il un moment où vous discutez avec l'enfant seulement? Pouvez-vous nous donner un exemple du type de questions qui sont posées pour essayer de déterminer si l'enfant comprend ce qui l'attend?
    Je vous remercie de la question.
    Malheureusement, je ne suis pas médecin et je ne suis pas une professionnelle de la santé de première ligne, alors je n'évalue pas la capacité.
    Je m'en remets aux autres témoins pour cette question.
    Docteur Gubitz, avez-vous quelque chose à ajouter qui pourrait nous aider à cet égard?
    Je peux seulement vous parler de situations avec des adultes.
    Nous procédons souvent à des entrevues avec la personne qui demande une évaluation de l'aide médicale à mourir et ses aidants — ses proches ou qui que ce soit d'autre. Nous allons souvent trouver une façon d'avoir une conversation séparément avec la personne, simplement pour s'assurer qu'on ne la force pas d'une façon ou d'une autre à prendre une décision.
    La plupart du temps, quand les gens y pensent, ils y pensent depuis longtemps. Le demandeur vient souvent avec une autre personne qui l'accompagne dans son combat et qui comprend ce qu'est la maladie. Cette personne sait que ce sera une conversation difficile. Elle est là comme soutien. On voit rarement une situation où la personne n'offre pas son soutien. Dans ce cas, de toute évidence, la personne choisie n'était pas la bonne.
    Je peux voir la même situation se produire avec un parent et un enfant, sauf que dans ce cas, les appréhensions sont décuplées et, comme vous l'avez mentionné, il y a le lien parent-enfant qui entre en jeu.
    Encore une fois, on en vient au niveau de compréhension et de soutien que les gens reçoivent de l'équipe qui les entoure pour passer les étapes du processus ensemble, en étant conscients que la décision ne sera pas prise en claquant des doigts. La décision sera plutôt l'aboutissement d'un processus.
     Madame Morrison, je vais tenter de libeller ma question en respectant votre expertise en éthique clinique. Dans quelle mesure la qualité des soins en fin de vie est-elle un facteur à prendre en considération dans une telle évaluation?
    Je retiens le commentaire de Mme Widger qui disait qu'il fallait veiller à ce que des soins palliatifs spécialisés soient disponibles afin que tous les enfants qui pourraient se trouver dans cette situation aient au moins eu la possibilité de faire un choix éclairé et de constater toute la gamme des options de soins à leur disposition. Votre expérience ou votre expertise dans le domaine vous permettent-elles de vous prononcer à ce sujet?
    Oui, car souvent, les éthiciens cliniques se retrouvent dans des situations très complexes au sujet du consentement éclairé à un traitement. Je pense que Mme Widger a fait un commentaire très important au sujet de l'accessibilité des soins palliatifs, soit le fait d'informer les mineurs matures de toutes leurs options lorsqu'il est question des soins de fin de vie. En un sens, il est très difficile d'affirmer qu'une décision éclairée a été prise si la personne n'est pas parfaitement au courant de toutes les options disponibles et n'y a pas accès.
    Je vous remercie de votre réponse.
    J'ai terminé, madame la présidente.
(2015)
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vais maintenant céder la parole au coprésident pour passer aux questions des sénateurs.
     Je vous remercie, sénatrice Martin.

[Français]

    Sénatrice Mégie, vous avez la parole pour trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à Mme Widger.
    À titre d'infirmière, vous travaillez sur le terrain auprès d'enfants atteints de cancers ou d'autres maladies terminales. Selon vous, quelle est l'importance de promouvoir la participation des jeunes dans les discussions et les décisions relatives à cette question si importante qui les concerne? Est-ce une question dont on devrait discuter avec des enfants déjà malades ou avec des enfants en bonne santé?
    Existe-t-il de la recherche là-dessus? Si oui, qu'en est-il ressorti?

[Traduction]

    Oui, en ce qui concerne mon expérience comme infirmière, je n'ai pas été au chevet de patients depuis un bon moment, mais j'ai assurément travaillé avec des enfants et de jeunes adultes — des adolescents plus âgés, si on veut — qui prennent des décisions ayant des répercussions importantes sur leur vie, et cela varie. Il n'y a pas deux adolescentes de 16 ans pareilles.
    J'ai pris soin en même temps de deux adolescentes de 16 ans. Une prenait toutes les décisions. Son père était avec elle, mais il lui laissait prendre toutes les décisions. Je pense qu'elle aurait très bien pu prendre ce genre de décision. L'autre adolescente de 16 ans ne voulait participer à aucune rencontre, ne voulait pas parler ou prendre quelque décision que ce soit.
     Les enfants sont très différents. Ils ont vécu des expériences différentes. De plus, il y a toute une différence entre le fait d'avoir reçu un diagnostic à 3 ans, être rendu à 17 ans, avoir vécu avec la maladie et avoir eu à prendre des décisions pendant toute cette période, et le fait d'avoir reçu un diagnostic il y a trois mois. C'est difficile. Je me souviens de nombreux enfants qui auraient été en mesure de prendre ce genre de décision, selon mon évaluation, et de nombre d'autres du même âge qui n'auraient pas été en mesure de le faire.

[Français]

    Pensez-vous que la meilleure façon d'avoir un débat là-dessus serait de se baser sur des socles de recherche provenant de pays qui ont déjà fait cette expérience? Il n'y en a pas beaucoup, mais êtes-vous au courant de leurs conclusions?

[Traduction]

    Non, il n'y a pas beaucoup d'autres pays, et parmi ceux où cela est légal, le nombre est très faible. Pour être honnête, je n'ai pas regardé les chiffres depuis que nous avons terminé le rapport sur les mineurs matures dans le cadre du groupe de travail, alors je ne sais pas si le nombre a augmenté au cours des dernières années. Le nombre était faible, toutefois.
     Une étude a été menée auprès des pédiatres canadiens pour savoir à combien de reprises au cours de leur carrière on leur avait posé des questions à ce sujet. On ne parlait même pas d'aide médicale à mourir à ce moment. Ils ont répondu qu'environ 20 mineurs matures avaient parlé explicitement de l'aide médicale à mourir. C'est la réponse donnée par de très nombreux pédiatres au cours de l'ensemble de leur carrière.
    Je pense — j'espère — que le nombre est très faible, mais je crois que le nombre d'adultes à s'être prévalus de l'aide médicale à mourir est beaucoup plus élevé que ce à quoi on s'attendait quand on a commencé à emprunter cette voie, alors qui peut le dire?
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant au sénateur Kutcher pendant trois minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'ai trois questions, qui s'adressent toutes au Dr Gubitz.
    Sur un point un peu différent, je pense que vous pouvez nous aider dans votre rôle en tant que président du processus d'élaboration du programme d'aide médicale à mourir. Je vais poser mes trois questions et vous demander ensuite de répondre.
    Ma première question est la suivante: le programme sur lequel le groupe travaille sera‑t‑il d'une norme similaire à d'autres programmes utilisés actuellement pour la formation des médecins, des médecins de famille ou des spécialistes pour le collège royal?
    Deuxième question: ce programme sera‑t‑il une occasion pour normaliser l'évaluation et la prestation de l'aide médicale à mourir au Canada — donc, pour améliorer la normalisation?
    Troisième question: ce programme aidera‑t‑il les organismes professionnels et réglementaires à établir des normes de soins pour l'aide médicale à mourir comme cela se fait actuellement dans tous les autres domaines de la médecine au Canada?
(2020)
    Votre première question porte sur la qualité du programme d'enseignement que nous élaborons. Le programme sera accrédité par tous les collèges royaux — le Collège royal des médecins, le Collège des médecins de famille du Canada et l'Association des infirmières et des infirmiers du Canada — qui font équipe avec nous, en fait, pour élaborer ce programme. Ils surveillent son évolution à toutes les étapes, mais il sera aussi soumis à un processus d'accréditation.
    Au sujet de la deuxième question portant sur la création d'une norme d'enseignement partout au pays comparable à ce qu'on peut voir ailleurs, on élabore ce programme parce qu'il n'existe pas de formation officielle pour l'aide médicale à mourir de quelque nature que ce soit au pays. Il y a eu la modification législative. Puis il y a eu le « voir, faire, enseigner ». Enfin, le Sénat a demandé à l'ACEPA, l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM de préparer un programme. Nous sommes donc en train d'élaborer un programme de formation de base pour les cliniciens qui souhaitent développer leurs compétences dans l'évaluation et la prestation de l'aide médicale à mourir, allant des évaluations de base aux évaluations plus complexes, les questions entourant la capacité, la vulnérabilité, etc.
    Au sujet de la troisième question, toutes les provinces et tous les territoires ont des normes actuellement que nous suivons. En Nouvelle-Écosse, notre collège de médecins et de chirurgiens a une norme que je dois respecter. Nous travaillons avec notre collège pour veiller à ce qu'ils aient accès à l'information, et nous allons travailler main dans la main avec eux pour renforcer la norme législative qui sera requise. Je pense qu'il n'y a que des avantages à nous donner un processus de formation normalisé national pour l'aide médicale à mourir.
    Pour répondre à la question qui viendra sans doute... Nous n'avons pas de norme actuellement pour la pédiatrie ou les mineurs matures, tout simplement parce que cela ne fait pas partie encore de la loi. Je présume que, avec le temps, il pourrait en avoir une si cela devait faire partie de la loi fédérale.
     Je vous remercie, sénateur Kutcher.
    Sénateur Dalphond, c'est à vous.

[Français]

     Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je vais poursuivre... Ma question était celle pour laquelle M. Thériault a tenté d'obtenir une réponse. Je vais la répéter afin d'obtenir une réponse à sa question et à la mienne.
    Je crois comprendre du témoignage de Mme Morrison qu'elle considère deux choses importantes. Il faudrait tenir compte de la maturité plutôt que de l'âge, car il n'y a pas nécessairement d'équivalence, et si les mineurs matures ont accès à l'aide médicale à mourir, il faudrait que ce soit limité au volet 1.
    Docteur Gubitz et madame Widger, êtes-vous d'accord avec cela?
    Je vais commencer.
    Je suis entièrement d'accord. Je pense qu'à l'origine en 2016, seul le volet 1 de l'aide médicale à mourir existait. Nous avons appris au fil du temps. Grâce à cette expérience et en sondant la réaction des Canadiens, nous avons pu passer au volet 2 et à la modification d'Audrey, etc. — on commence par ce qui est simple, puis on évalue ce qui est logique et ce que nous enseigne l'expérience. Je pense que passer immédiatement au volet 1 et au volet 2 irait sans doute au‑delà de ce que les Canadiens sont prêts à accepter. Je pense qu'il faut procéder de manière réfléchie, avec prudence et par étapes.
    C'est mon opinion.
    Oui, je suis d'accord avec cela.

[Français]

    Merci, sénateur Dalphond.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à la sénatrice Martin pendant trois minutes.
    Je vous remercie.
    Ma question s'adresse à Mme Widger.
    Comme vous le savez, le groupe de travail du Conseil des académies canadiennes a conclu qu'en raison des nombreuses lacunes dans les connaissances, il « est difficile de parvenir à des réponses définitives », et seuls trois pays, comme vous l'avez mentionné, autorisent l'aide médicale à mourir pour les mineurs. Il y a tellement peu de cas que les données sont très limitées.
    Étant donné l'insuffisance de données, considérez-vous qu'il est prudent d'autoriser l'aide médicale à mourir pour les mineurs matures au Canada, ou les Canadiens seraient-ils mieux servis si notre comité recommandait que le gouvernement procède à d'autres recherches spécialisées sur la question?
    C'est une question très importante.
    Je pense que la voix des jeunes est encore absente des travaux qui sont menés à l'heure actuelle. Je sais que M. Franco Carnevale a témoigné devant le Comité en juin, je crois, à propos des travaux qu'il mène. Je pense que ces travaux sont très importants.
    Il est important de ne pas précipiter les choses, comme vous dites. Il est sans doute préférable d'opter pour une approche graduelle, qui nous servira mieux à long terme. D'un autre côté, si j'étais âgée de 17 ans et 250 jours, me forcer à attendre me semble insensé si j'ai la capacité de décider, alors je n'ai pas une bonne réponse à cette question.
(2025)
    C'est une question très complexe, alors je vous remercie de la réponse que vous avez donnée.
    Outre les soins palliatifs pédiatriques spécialisés, qui sont si importants à mon avis, y a‑t‑il d'autres services ou soutiens qui sont requis pour certains groupes comme les jeunes autochtones, racisés ou handicapés?
    Oui, je pense que ce sont les groupes que nous n'avons pas encore entendus, les peuples autochtones en particulier. Nous ne savons pas comment cela s'inscrit dans leur vision du monde. Cette question n'a vraiment pas été examinée.
    Oui, il s'agit d'une composante cruciale, et je pense, oui, que les mineurs matures qui sont handicapés constituent un groupe différent de ceux qui souffrent d'une maladie en phase terminale. Pour le groupe du volet 1, la mort est prévisible dans un proche avenir. Pour la majorité de ceux qui sont handicapés, cela ne se produirait pas dans un proche avenir, alors il s'agirait sans doute d'un volet différent.
    Oui, nous avons besoin de plus de recherches dans ces domaines, assurément.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie, sénatrice Martin.
    Sur ce, je vous cède à nouveau la parole.
    J'aimerais remercier tous les témoins. C'est un sujet difficile, et votre expertise, vos recommandations et vos conseils sont très importants pour nous.
    Je vous remercie sincèrement au nom du Comité.
    Sur ce, je vous remercie aussi, chers collègues. La séance est levée.
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