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AMAD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir


NUMÉRO 006 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 9 mai 2022

[Enregistrement électronique]

(1835)

[Traduction]

[Français]

    Bonsoir et bienvenue à vous tous.

[Traduction]

    Je vais donner la parole à M. Cooper.
    Merci, madame la présidente.
    Je présente une motion dont j’ai donné avis. En voici le texte:
Que le Comité consacre six heures à l’étude sur l’efficacité, la conformité à la loi et la mise en application des mesures de protection prévues par les régimes législatifs instaurés par les projets de loi C‑14 et C‑7 sur l’aide médicale à mourir.
    Voilà la motion. Il me semble important que le Comité étudie les mesures de protection existantes et les cas possibles d'abus et de coercition. Je signale que le projet de loi C‑14 prévoyait un examen rétrospectif de ses propres dispositions. Or, cet examen n’a jamais eu lieu.
    Il y a eu un certain nombre de cas très médiatisés d’abus possibles, dont certains sont récents. Une femme de 51 ans de London, en Ontario, a eu accès à l’aide médicale à mourir parce qu’elle était incapable de trouver un logement adéquat...
    Monsieur Cooper, désolée de vous interrompre. Pour gagner du temps, accepteriez-vous que je demande aux membres du Comité de suspendre le débat et de le reprendre la semaine prochaine, à un moment prévu pour ces travaux, au cours de la séance de lundi prochain?
    Je suis d'accord.
    Tous sont d’accord?
    Des parlementaires: D’accord.
    La coprésidente (L’hon. Yonah Martin): Merci.
    À vous, monsieur Thériault.

[Français]

    Madame la présidente, j'aimerais que nous discutions de la motion suivante, dont j'ai donné avis la semaine dernière:
Que, considérant l'importance des travaux du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir en regard des dispositions du Code criminel et de l'application de celles-ci, le Comité alloue des heures de la façon suivante à chacun des volets de la présente étude pour entendre les témoignages :
a) 12 heures pour les témoignages en lien avec les mineurs matures;
b) 12 heures pour les témoignages en lien avec les demandes anticipées;
c) 12 heures pour les témoignages en lien avec la santé mentale;
d) 8 heures pour les témoignages en lien avec les soins palliatifs;
e) et 5 heures pour les témoignages en lien avec les personnes avec un handicap;
et ce, étant entendu que les heures ayant déjà été accordées pour entendre les témoins lors des rencontres que le Comité a tenues les 25 et 28 avril sont prises en compte dans le calcul des heures allouées par volet.
    Je signale au passage que ce n'est pas la chronologie des volets qui importe, mais bien le nombre d'heures.
    Madame la présidente, il est entendu aussi que, dans l'organisation de notre plan de travail, nous allons devoir tenir compte de ce qui a été adopté par la Chambre dernièrement. C'est d'ailleurs ce que vise la motion. Je rappelle que le Comité aura l'obligation de déposer un rapport provisoire au plus tard le 23 juin sur la question de la maladie mentale comme seule condition médicale pour demander l'aide médicale à mourir.
    Voilà.
    Merci, monsieur Thériault.

[Traduction]

    Êtes-vous également d’accord pour que nous reportions cette discussion à lundi prochain?

[Français]

    Cela me va très bien, madame la présidente, à condition que l'organisation des travaux parlementaires de fin de session et le prolongement des heures de séance n'aient pas pour conséquence d'annuler la rencontre de lundi prochain ou de sacrifier le Comité. Je désire aviser les membres du Comité que, advenant une telle situation lundi prochain, je serais très choqué de constater que les partis auraient décidé que le Comité ne siégerait pas ou qu'il serait sacrifié.
    C'est le seul tracas que j'ai. Autrement, j'accepte de remettre la discussion à lundi prochain.

[Traduction]

     Tous sont d’accord pour reporter la discussion à lundi prochain?
    Des parlementaires: D’accord.
    La coprésidente (L’hon. Yonah Martin): Merci.

[Français]

    Sur ce, je souhaite de nouveau la bienvenue aux membres du Comité, aux témoins et aux gens du public qui suivent sur le Web cette réunion du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.

[Traduction]

    Je suis la sénatrice Yonah Martin et je suis la coprésidente du Comité désignée par le Sénat.
    Je suis accompagné de l’honorable Marc Garneau, coprésident désigné par la Chambre des communes.

[Français]

    Aujourd'hui, nous continuons notre examen prévu par la loi des dispositions du Code criminel concernant l'aide médicale à mourir et leur application.

[Traduction]

     Le Bureau de régie interne exige que les comités respectent les protocoles sanitaires, qui sont en vigueur jusqu’au 23 juin 2022. Les coprésidents vont faire respecter ces mesures et vous remercient de votre collaboration.
    Je rappelle aux membres du Comité et aux témoins qu’ils doivent mettre leur micro en sourdine, à moins que l'un des coprésidents ne leur donne la parole en les désignant par leur nom.
    À titre de rappel, tous les propos doivent être adressés aux coprésidents. Chacun aura l'obligeance de s'exprimer lentement et distinctement.
    L’interprétation de la vidéoconférence se fait comme au cours d'une séance en personne. Chacun peut choisir, au bas de l’écran, entre le parquet, l'anglais et le français.
    Je souhaite la bienvenue à tous les témoins.
    Deux témoins du premier groupe s'expriment à titre personnel: Louise Bernier, professeure à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, et Trudo Lemmens, professeur et titulaire de la chaire Scholl en droit et politique de la santé, à la Faculté de droit de l’Université de Toronto.

[Français]

    Nous accueillons également Me Danielle Chalifoux, avocate et présidente de l'Institut de planification des soins du Québec.

[Traduction]

    Chacun des témoins a cinq minutes. Nous entendrons d'abord Mme Bernier.

[Français]

    Bonjour. Je suis ravie d'être parmi vous aujourd'hui dans le cadre de votre réflexion sur les demandes anticipées d'aide médicale à mourir. Pour ma part, je me penche plutôt sur les demandes qui sont faites à la suite d'un diagnostic de maladie neurocognitive.
    Aujourd'hui, je vais vous soumettre différents points de réflexion qui s'articulent autour de trois principaux volets: premièrement, l'accompagnement dans le cadre des décisions anticipées; deuxièmement, la mise en œuvre; et, troisièmement, les effets à plus long terme de cette décision de société, plus généralement.
    Je vais donc débuter par l'accompagnement dans le cadre des décisions anticipées.
    Au cours de mes travaux de recherche, j'ai réalisé à quel point il était important de ne pas faire l'économie de cet accompagnement. Puisqu'un consentement anticipé est toujours imparfait, il faut vraiment réfléchir à la façon dont on va accompagner le patient dans sa démarche de consentement à un soin de fin de vie, le soin ultime. Si on va de l'avant et qu'on permet les demandes anticipées d'aide médicale à mourir, il sera très important que les patients soient accompagnés par des professionnels de la santé. Il faudra trouver des mécanismes pour que ce choix ne soit pas déconnecté de l'expertise médicale, étant donné la complexité de ces maladies ainsi que les différents stades et scénarios possibles.
    Au Québec, nous avons un régime de directives médicales anticipées, sur lequel j'ai beaucoup travaillé dans les dernières années. Dans le souci de respecter l'autonomie individuelle et de créer un outil malléable et facile, nous avons adopté une formule très simple, soit un formulaire avec des cases à cocher. On présumait même que la personne s'était informée avant de le signer. Si on décide de permettre les demandes anticipées d'aide médicale à mourir, il faudra vraiment faire les choses autrement. Il y a très peu d'adhésion à notre système de directives médicales anticipées, et c'est peut-être une des raisons.
    J'imagine un outil flexible, qui permettrait à la personne d'établir certaines de ses priorités et qui fournirait de la matière à laquelle se référer lorsque la personne deviendrait inapte. Il faudrait aussi qu'elle ait eu la possibilité de poser des questions, d'être accompagnée et de prévoir, avec les autres professionnels, comment cela allait s'intégrer dans un suivi de soins. Il ne faut pas laisser la personne à elle-même. Il y a une grande adhésion à l'idée, au Canada et au Québec, de pouvoir prendre soi-même une telle décision à l'avance, mais il y a quand même un devoir d'accompagnement, selon ce que j'ai pu constater au fil des mes lectures et de mes travaux.
    Il est question aussi de permettre à la personne de changer d'idée. Je vais même jusqu'à penser que le consentement devrait être un processus continu, c'est-à-dire que l'on devrait réitérer un consentement éclairé à ce soin au fil de l'évolution de la maladie, en s'appuyant sur le savoir expérientiel qu'on a acquis.
    Le deuxième volet de ma présentation concerne l'importance de réfléchir à la mise en œuvre de ce choix, qui est souvent décrit comme un choix individuel ancré dans l'autonomie individuelle et l'autodétermination. Évidemment, je ne remets pas cela en question, mais on ne peut pas non plus ignorer que ce choix, une fois que la personne sera devenue inapte, sera mis en œuvre par des tiers. Il s'agit principalement de professionnels de la santé, qui sont aussi gouvernés par des obligations professionnelles, déontologiques et juridiques.
    Évidemment, vous êtes au courant de l'évaluation qui doit être faite par ces professionnels en vertu de la loi. En ce moment, par exemple, il y a le critère de la souffrance, sur lequel on revient toujours. Il faut établir que la personne est dans des souffrances persistantes et intolérables pour qu'elle puisse avoir accès au soin. Comment évalue-t-on cette souffrance? Je n'ai pas la réponse. Acceptera-t-on que la personne détermine à l'avance ce qui sera souffrant pour elle? Demandera-t-on une évaluation contemporaine de la souffrance? Que fera-t-on s'il n'y a pas d'éléments pouvant indiquer si la personne inapte est souffrante ou non?
    Là où je veux en venir, c'est qu'il faudra donner des balises et des outils aux soignants et aux professionnels de la santé qui devront exécuter la décision. On veut éviter qu'ils soient en proie à des questions existentielles et se mettent à se demander s'ils ont bien interprété les choses. On ne veut pas non plus que le processus devienne souffrant pour eux également.
(1840)
    Par ailleurs, il y a les répercussions sur les proches, qui seront aussi au cœur de ces décisions, qu'on le veuille ou non. Ce ne sont pas eux qui décideront, mais ils seront impliqués. Quel rôle leur donnera-t-on? Veut-on leur donner un rôle plus...
    Mon temps de parole est-il déjà écoulé, madame la présidente?
    Oui, les cinq minutes sont écoulées.
    J'avais autre chose à ajouter. Puis-je terminer ce que je disais?

[Traduction]

     Oui, très rapidement. Merci.

[Français]

    D'accord.
    J'aimerais simplement dire une chose au sujet de mon dernier point, qui porte sur les choix de société en lien avec l'aide médicale à mourir. Il faut s'assurer de maintenir une offre de soins. J'y reviendrai tout à l'heure; je vous invite à me relancer là-dessus.
    Je vous remercie.
(1845)

[Traduction]

     Merci beaucoup.
    Je vais essayer de donner un avertissement de 30 secondes également.
    Nous passons maintenant à M. Trudo Lemmens, qui aura cinq minutes. Je vous en prie.
     En ma qualité de professeur de droit et de bioéthique, j’ai été membre du groupe d’experts du Conseil des académies canadiennes chargé d'étudier la question des demandes anticipées d’aide médicale à mourir, l'AMM. J’ai étudié le droit et la pratique de l’AMM et de l’euthanasie, notamment dans les régimes belge et néerlandais.
    Comme d’autres, j’aborde la question avec un certain bagage. Je songe à ma défunte mère qui a vécu en Belgique, où l’euthanasie fondée sur une demande anticipée n’est possible que lorsque la personne n’est plus consciente. La Belgique offre aux aînés des soins relativement bons, et ma mère a eu l’assurance qu’elle recevrait les soins que les aînés atteints de démence méritent et que leur inhérente dignité exige. Je pense aussi à mon beau-père montréalais, qui pouvait compter sur le soutien dévoué de sa conjointe et avait les moyens de s'offrir des soins à domicile de qualité.
    Beaucoup de Canadiens, par contre, doivent affronter la perspective d'être parqués dans des établissements de soins de longue durée de qualité médiocre. Nous constatons déjà que le manque de ressources et de soins de qualité incite des personnes qui ne sont pas mourantes à demander l’aide médicale à mourir. C’est dans ce contexte que les demandes anticipées d'AMM sont présentées comme une solution pour échapper à ce qu’on appelle une perte de dignité. Pourtant, nous savons qu'il est possible d'offrir des soins de qualité et que ces soins peuvent préserver la dignité.
    Si certaines recommandations récentes étaient suivies, les fournisseurs de soins de santé devraient parler de l’aide médicale à mourir lorsqu’ils informent un patient d’un diagnostic accablant, par exemple une maladie d’Alzheimer précoce. À mon avis, c'est faire abstraction de la dynamique des relations entre le médecin et le patient et de la pression que le patient peut ressentir si des professionnels laissent entendre que la mort médicalisée est une solution dans un contexte où le manque de soutien social et de bons soins pour les aînés est déjà une contrainte qui pèse sur le consentement.
    Les demandes anticipées d'AMM soulèvent aussi des préoccupations insurmontables en matière d’éthique et de droits de la personne. Nous devrions réexaminer la question des demandes anticipées, selon moi, au lieu de les libéraliser. Ces préoccupations ont amené la Belgique à n’autoriser l’aide médicale à mourir demandée par anticipation que pour des personnes devenues inconscientes de façon permanente, afin d’éviter d’euthanasier des personnes qui aiment encore la vie et peuvent résister. Au départ, les Pays-Bas avaient du mal à accepter l’aide médicale demandée par anticipation, car ils considéraient qu’il était impossible de la justifier par les « souffrances insupportables » du patient, puisqu'il ne pouvait plus confirmer ces souffrances. Le pays l'accepte maintenant, même dans les cas où les personnes semblent résister.
    Aucun des deux régimes ne prévoit un consentement explicite et contemporain, ce qui est probablement exigé par notre Constitution si nous prenons au sérieux le fait que la Cour suprême, dans l'arrêt Carter, insiste sur le « consentement éclairé ». Permettre les demandes anticipées d'AMM, c'est dire que les souhaits passés de patients incapables de saisir pleinement ce que la maladie leur apportera ultérieurement l'emportent sur leurs intérêts du moment; qu'il est possible d'en arriver là par des artifices qui donnent à des tiers une idée claire du degré de souffrance des patients et de leurs volontés réelles; et qu'il n'y a pas de conséquences graves pour les membres de la famille, les fournisseurs de soins de santé, d'autres personnes ayant une incapacité et la société en général. Dans cette conception des choses, ces demandes anticipées sont une simple question de gestion.
    Selon le rapport d’experts du Conseil des académies canadiennes, rien ne montre que des solutions procédurales peuvent facilement dissiper les préoccupations juridiques et éthiques. Même ce qu'il dit des outils de communication employés pour atténuer l’incertitude montre que ces solutions sont de l'ordre de la théorie et de la spéculation.
    La Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées reconnaît explicitement, à l'article 12, la capacité juridique inhérente des personnes ayant une déficience cognitive. Cela suppose un devoir de permettre les expressions d’intérêt au moment présent.
    Les observations faites aux Pays-Bas, le seul pays qui permet l’euthanasie de personnes atteintes de démence avancée qui sont encore conscientes, montrent ce que cela signifie. Il y a inévitablement un tiers qui fait une évaluation des souffrances du patient et accorde le consentement. On utilise habituellement un médicament de façon subreptice pour surmonter la résistance et on met ensuite fin à la vie de façon active. Contrairement à ce qui se passe quand on cesse tout traitement dans d’autres contextes de soins de santé, il s’agit d’une atteinte active à l’intégrité corporelle d’une personne. La médication subreptice et la suppression de la résistance violent les normes éthiques et vont à l’encontre du devoir de permettre l’expression des intérêts du moment des personnes ayant une déficience cognitive, ce que la convention internationale exige. Cela nous amène à une interruption non voulue de la vie. Cela traduit aussi en droit l'opinion selon laquelle la vie avec un handicap cognitif suppose une perte de dignité.
    J’exhorte le Comité à lire un article récent d’experts belges et néerlandais, qui soutiennent que la Belgique devrait éviter l’approche néerlandaise. La Belgique a légalisé l’euthanasie en 2002. Vingt ans plus tard, et à la lumière de la pratique qui a cours dans le pays voisin, elle n’a toujours pas élargi son régime de demandes anticipées d'AMM. Quant à notre propre régime, il va déjà au‑delà de la loi belge, tandis que notre système de soutien social et de soins de santé est inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE.
(1850)
     Nous devrions écouter les experts qui nous disent, à la lumière de l’expérience néerlandaise qu’ils ont étudiée — et ce ne sont pas des gens qui sont contre la légalisation de l’aide médicale à mourir — que les demandes anticipées suscitent des préoccupations éthiques et juridiques insurmontables...
    Veuillez conclure, monsieur Lemmens.
    D'accord.
    Nous devrions accorder la priorité aux soins de santé et au soutien social qui font la promotion des droits de la personne pour tous, y compris les personnes ayant une déficience cognitive.
    Merci de m’avoir écouté.
    Enfin, nous entendrons Danielle Chalifoux.

[Français]

    Mesdames et messieurs les sénateurs et les députés, je vous remercie de m'avoir invitée.
    Je suis membre du Barreau du Québec depuis 1985 et, depuis 2010, présidente de l'Institut de planification des soins du Québec, qui s'intéresse particulièrement aux droits des personnes âgées et à l'aide médicale à mourir.
    J'ai publié plusieurs articles sur ces sujets et j'ai participé à de nombreux comités d'experts et à de nombreuses commissions relevant du gouvernement ou du Parlement.
    J'ai aussi fait des études en soins infirmiers et pratiqué surtout dans des CHSLD et des maisons de soins palliatifs, ce qui me permet d'envisager les questions de façon plus concrète.
    Vu le temps qui m'est alloué, mes commentaires porteront exclusivement sur les modifications législatives éventuelles concernant les demandes anticipées d'aide médicale à mourir.
    Tout d'abord, je voudrais souligner que l'abrogation du critère de mort naturelle raisonnablement prévisible a fait augmenter considérablement le nombre de personnes pouvant se prévaloir de l'aide médicale à mourir. Pour les personnes ayant des troubles cognitifs, par exemple, il suffit maintenant que leur problème de santé grave et irrémédiable soit accompagné d'un déclin avancé et irréversible de leurs capacités ainsi que de souffrances, bien évidemment, qu'elles jugent intolérables, pourvu que ces personnes aient conservé une aptitude suffisante.
    Dans ce sens, j'aimerais vous signaler que l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM, qui fait vraiment autorité dans le domaine au Canada, considère que la perte imminente de l'aptitude reliée aux troubles neurocognitifs doit être considérée comme un déclin avancé et irréversible des capacités. Lorsque la perte d'aptitude est anticipée dans un proche avenir, ces personnes peuvent donc demander et recevoir l'aide médicale à mourir de façon contemporaine.
    À cette option s'ajouterait celle de faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Ainsi, ces personnes auraient deux options.
    J'aimerais maintenant porter à votre attention que certains recommandent d'accorder l'aide médicale à mourir uniquement aux personnes ayant reçu, préalablement à leur demande, un diagnostic de troubles neurocognitifs dégénératifs.
    Si le législateur adoptait une telle restriction, cela voudrait dire que les personnes victimes d'accidents soudains et imprévisibles pouvant entraîner de l'inaptitude, tels des accidents cardiovasculaires et des traumatismes crâniens graves, seraient exclues, n'ayant évidemment pu obtenir de diagnostic préalable. L'Institut de planification des soins du Québec considère que l'adoption d'une telle restriction ne serait ni légitime ni légale.
    Cette restriction ne serait pas légitime, car elle irait à l'encontre de l'opinion de la très grande majorité des citoyens. En effet, la consultation citoyenne menée récemment par le gouvernement du Québec dans le cadre de ses travaux a révélé que 91,8 % des répondants étaient favorables aux demandes anticipées d'aide médicale à mourir en cas d'accidents soudains et imprévisibles ayant entraîné de l'inaptitude.
     Cette restriction serait aussi illégale, selon nous, parce qu'elle contreviendrait à l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés ainsi qu'à au moins deux des critères établis dans le célèbre arrêt Oakes. En effet, elle contreviendrait à l'obligation du législateur de porter atteinte aux droits de la manière la plus minimale possible, car des mesures de sauvegarde appropriées et beaucoup moins draconiennes pourraient être adoptées. Elle enfreindrait également la règle de la proportionnalité, puisque les avantages seraient plutôt d'ordre opérationnel, mais que les effets préjudiciables consisteraient en la négation de droits reconnus, tant le droit à l'autodétermination des personnes que le droit à l'aide médicale à mourir.
    En conclusion, si le législateur adoptait une telle restriction pour que l'aide médicale à mourir ne soit accordée qu'aux personnes ayant pu obtenir un diagnostic au préalable, toutes les personnes victimes d'un accident soudain et imprévu seraient privées de leurs droits. Ainsi, la première catégorie de personnes, dont nous avons parlé tout à l'heure, aurait deux options, c'est-à-dire présenter une demande d'aide médicale à mourir de façon contemporaine ou en présenter une de façon anticipée, tandis que les personnes n'ayant pas pu faire de demande anticipée préalablement à un diagnostic n'auraient plus aucune option.
(1855)
    Il ne me reste qu'une phrase à dire.
    Je crois que cette exigence pourrait être frappée de nullité, un peu comme cela a été le cas pour l'exigence de mort naturelle raisonnablement prévisible dans l'affaire Truchon et Gladu.
    Merci de votre attention.

[Traduction]

     Je vais céder la place au coprésident pour la première série de questions des députés et sénateurs.

[Français]

    Nous allons commencer la première série de questions, durant laquelle cinq minutes seront attribuées à chaque intervenant.
    Madame Vien, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président et madame la présidente.
    Je remercie nos invités d'être parmi nous ce soir.
    Madame Bernier, vous étiez sur votre lancée, un peu plus tôt, au sujet du troisième volet de votre présentation. Je vais donc vous permettre de finir ce que vous aviez à dire. Vous parliez de l'importance de maintenir une offre de soins. Je vous laisse la parole pendant quelques secondes, ensuite je vous poserai mes questions.
    Merci beaucoup, je vous en suis très reconnaissante. Cela me permettra d'expliquer mon dernier point et de bien compléter mon propos.
    Si, comme société, nous faisons le choix d'élargir l'accès à l'aide médicale à mourir, il ne faut pas minimiser les effets que cela pourrait avoir sur la dimension plus sociale de l'autonomie qui s'exerce.
    Il faut envisager les conséquences de l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir sur les perceptions sociales de la maladie. Il ne faut pas qu'une personne qui reçoit un diagnostic de maladie neurocognitive dégénérative ait l'impression qu'on s'attend à ce qu'elle demande l'aide médicale à mourir, maintenant que c'est offert. Il faut aussi continuer à investir dans une offre de soins en parallèle, comme M. Lemmens le disait, pour s'assurer que ceux qui font un choix différent continuent à recevoir des soins, qu'il n'y a pas de rupture de soins et qu'il n'y a pas d'abandon thérapeutique.
    C'est le point que je voulais faire valoir. Je suis vraiment contente d'avoir eu l'occasion de le faire, parce qu'il était vraiment important pour moi de parler de la dimension sociétale. Il ne faudrait pas que cela devienne l'option toute désignée et qu'on laisse pour compte les gens qui ne feraient pas ce choix.
    Madame Bernier, êtes-vous totalement à l'aise à propos des demandes anticipées?
    Plus j'étudie la question, moins j'ai de certitudes, dans la vie. C'est mon métier, donc…
    C'est ce que j'ai senti en écoutant votre présentation.
    En fait, ce n'est pas que je ne sois pas à l'aise à propos des demandes anticipées. C'est plutôt que je ne suis pas à l'aise s'il n'y a pas un mécanisme approprié. Il demeurera toujours qu'une décision anticipée n'est pas prise dans l'action; c'est une décision qu'on prend du mieux qu'on peut, en fonction de ses connaissances, au sujet d'une situation anticipée.
    Je ne m'estime pas très bien placée pour juger de la pertinence de l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir. Si on est rendu là et qu'une grande partie de la société adhère à cette idée, c'est très bien. Cependant, je considère qu'il devra y avoir énormément de balises et de mesures d'aide.
    Mes études portent beaucoup sur le consentement, l'autonomie individuelle et l'autonomie relationnelle. Il faut réaliser que les décisions ne se prennent pas en vase clos. La décision ou le souhait de recevoir un soin, par exemple, s'inscrit dans une dynamique qui inclut les soignants et les proches.
    Vous avez dit tout à l'heure, dans le deuxième volet de votre présentation, qu'il était extrêmement important de prévoir l'accompagnement de façon adéquate et de ne pas laisser la personne à elle-même.
    Avez-vous été témoin ou encore eu connaissance de dérapages à cet égard? Est-il arrivé qu'une personne n'ait pas été informée des tenants et aboutissants du processus?
(1900)
    Il n'y a pas nécessairement de dérapages. C'est plutôt que je constate beaucoup de gros problèmes dans notre système de directives médicales anticipées, en ce moment. On laisse les gens à eux-mêmes. On dit aux patients que c'est facile, qu'ils n'ont qu'à signer, et on présume qu'ils ont été informés.
    Je pense que nous avons ici une occasion en or de mettre un mécanisme en place, et il faut vraiment saisir cette occasion.
    D'accord.
    Merci beaucoup, maître Bernier.
    Bonsoir, maître Chalifoux. Je vous remercie d'être parmi nous ce soir.
    Pour votre part, vous avancez qu'il ne devrait pas être nécessaire d'avoir un diagnostic au préalable. Vous avez présenté vos arguments à ce sujet.
    Cependant, je m'intéresse à ce qui s'est passé au Québec et, sauf erreur, maître Chalifoux, le Québec n'est pas allé jusque-là. D'ailleurs, on attend que le parti au pouvoir dépose la loi à la suite des travaux du comité. Quoi qu'il en soit, on ne va pas aussi loin que ce que vous et d'autres personnes suggérez. On dit oui à des demandes anticipées dans des cas de maladies neurodégénératives, mais si et seulement si un diagnostic a été rendu.
    C'est exact.
    D'emblée, je voudrais vous indiquer que je partage l'opinion de Me Bernier sur l'accompagnement. Ayant travaillé dans le domaine des soins infirmiers et vu un peu comment les choses se passaient notamment dans les maisons de soins palliatifs, je ne saurais trop insister sur la qualité du consentement libre et éclairé lors des demandes anticipées. Il faut absolument qu'il y ait des modalités pour que les gens, lorsqu'ils pensent à faire une demande anticipée, puissent avoir des références et en discuter. Simplement remplir un formulaire, ce n'est pas suffisant. Il faut vraiment en discuter pour connaître tous les tenants et aboutissants, et bien y réfléchir.
    Je partage tout à fait cette opinion.
    Merci, madame Chalifoux.
    Je cède maintenant la parole à M. Arseneault pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Chalifoux, les questions de ma collègue Mme Vien sont très intéressantes, alors je vais vous laisser l'occasion de nous donner plus de détails.
     En fait, on ne connaît effectivement pas encore la teneur du projet de loi qui découlera des travaux de la commission de l'Assemblée nationale chargée d'étudier l'évolution de l'aide médicale à mourir. Il va probablement s'orienter vers la restriction selon laquelle seules les personnes ayant reçu un diagnostic au préalable auront la possibilité de demander l'aide médicale à mourir.
    Donc, vous dites qu'il faut avoir un diagnostic avant même de pouvoir faire une demande anticipée.
    C'est ce qu'on s'apprête à faire au Québec, je crois. Cependant, je dois dire que je suis totalement en désaccord.
    Selon vous, en peu de mots, quelle forme devrait prendre ce processus de préparation pour s'assurer que les gens qui demandent l'aide médicale à mourir prennent vraiment une décision éclairée?
    Lors de ma comparution devant la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, au Québec, j'ai suggéré la création d'un organisme quelconque qui pourrait s'occuper de tout le travail d'information et de formation à l'intention des gens intéressés, un peu comme le fait l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM, du côté anglophone. Il nous faudrait quelque chose du genre, selon moi.
    Madame Bernier, je vais poursuivre avec vous dans la même veine.
    Vous disiez tantôt qu'il fallait s'assurer d'être encadré par des professionnels de la santé. Personnellement, je viens d'une région rurale. Dans les régions urbaines, on a accès à toutes sortes de professionnels, alors qu'en région rurale, il faut peut-être attendre un an et demi avant de voir un de ces professionnels. Alors, cela m'inquiète beaucoup.
    J'aimerais m'assurer que les gens dans les régions rurales, les régions éloignées ou les régions nordiques peuvent recevoir les mêmes services que ceux des régions urbaines. J'aimerais donc que vous me disiez ce que vous entendez, au juste, quand vous parlez de professionnels.
    En fait, il y a différentes catégories de professionnels. Comme le disait Mme Chalifoux, il peut s'agir de gens formés dans différents domaines de la santé qui auraient une accréditation. Cependant, je pense vraiment que cela doit devenir une norme de soins, en quelque sorte. Ces gens auront reçu un diagnostic, alors ils feront l'objet de suivis...
(1905)
    Excusez-moi de vous interrompre. Donc, une infirmière praticienne formée dans ce but ferait l'affaire, est-ce exact?
    Absolument. En fait, il faut qu'il y ait un suivi. Il faut qu'il y ait une façon de transmettre l'information. Je pense aussi qu'on devrait le faire de façon continue, au fur et à mesure de l'évolution de la maladie, et non une seule fois de façon définitive.
    Quand vous parlez de quelque chose qui ressemblerait à une norme, ce serait à l'échelle nationale, n'est-ce pas?
    Je pense que cela pourrait se faire du côté des ordres professionnels. Il faudrait aussi déterminer certains éléments: si cela devient un acte protégé, est-ce que c'est rémunéré, et comment doit-on organiser cela? Cela va un peu au-delà de mon champ de compétence, mais je pense qu'on a vraiment une belle occasion d'établir des normes.
    Un professionnel venu nous parler de cette question, la semaine dernière, nous a dit que, selon lui, les demandes anticipées devraient être révisées tous les cinq ans.
    Qu'en pensez-vous?
    Je pense que cela pourrait se faire selon l'évolution de la maladie. Cela pourrait être tous les cinq ans, ou encore un peu plus tôt si la maladie évolue très vite. Il n'y a peut-être pas de règle absolue, mais il faudrait certainement que cela se fasse minimalement tous les cinq ans, effectivement.
    Je pense qu'il serait très sage de prévoir la révision de la demande, étant donné que les choses évoluent. Nous avons plein de données sur le savoir expérientiel et sur la perception des gens qui peut changer à la suite d'une annonce, parce qu'ils finissent par s'habituer à certaines choses. Peut-être que les gens ne changeront pas d'idée, finalement, mais il faut avoir l'occasion de revisiter certains choix.
    Est-ce qu'il me reste du temps, monsieur le président?
    Il vous reste une minute.
    Monsieur Lemmens, je ne suis pas certain d'avoir compris vos propos, alors j'aimerais obtenir des précisions. Pour votre part, vous n'êtes pas en faveur des demandes anticipées, et vous dites qu'il faut être prudent.
    Jusqu'à quel point faut-il être prudent? Autrement dit, parlez-vous de prudence jusqu'au point d'empêcher les demandes anticipées? Est-ce bien ce que vous dites?
     Oui. Je dirais que l'expérience des Pays‑Bas et de la Belgique montre que les demandes anticipées d'aide médicale à mourir créent des problèmes insurmontables sur les plans éthique et juridique. De plus, aux Pays‑Bas, la pratique suppose parfois, de façon involontaire, de donner des médicaments aux patients pour les endormir et finir la procédure d'euthanasie ou de...
    Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Lemmens, mais il ne me reste que 20 secondes.
    Peu importe ce qui se fait ailleurs — bien entendu, nous sommes au Canada, nous allons élaborer notre propre projet de loi —, vous croyez qu'il est impossible de mettre en place des mesures de sauvegarde permettant de protéger quelqu'un jugé sain d'esprit qui fait une demande anticipée d'aide médicale à mourir.
    Est-ce bien cela?
    Oui. Cela crée plus de problèmes. Il y a d'autres approches pour aider ces personnes.
    Pour qui cela crée-t-il des problèmes?
    Pour...
    Je vous remercie.
    Monsieur Thériault, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Mesdames Chalifoux et Bernier, au Québec, il y a ce que l'on appelle les directives médicales anticipées. Elles sont encore peu connues et, très souvent, elles s'appliquent à des situations données. Par exemple, on peut aborder la question du niveau de soins désiré au moment de l'arrivée d'un parent dans un centre d'hébergement et de soins de longue durée, ou CHSLD. Les directives médicales anticipées couvrent l'arrêt de traitement, le refus de traitement, le niveau de soins, la réanimation, et ainsi de suite, et cela est très peu connu.
    En ce qui concerne les demandes anticipées d'aide médicale à mourir, ne devrions-nous pas en faire un processus totalement distinct, comme certains témoins l'ont proposé? Cela s'appliquerait aux cas de maladies neurodégénératives, où les stades de développement sont prévisibles et où il y a un processus établi et toute une équipe qui suit le patient jusqu'à l'étape de l'aide médicale à mourir?
    Les cas dont vous parlez, soit les accidents cardiovasculaires, les anévrismes, et ainsi de suite, ne devraient-ils pas être couverts par les directives médicales anticipées?
    Ne serait-il pas avantageux, sur un plan conceptuel, de distinguer les deux mécanismes pour avancer prudemment, selon les circonstances?
(1910)
    À qui posez-vous la question?
    Madame Bernier, vous pouvez commencer à répondre à la question.
    J'aimerais d'abord entendre les commentaires de Me Chalifoux, puisque je voulais faire un lien avec le Québec.
    Je vois deux aspects à votre intervention. Je trouve vos questions très intéressantes.
    D'abord, les directives médicales anticipées que nous avons au Québec ne seraient pas applicables à l'aide médicale à mourir. En effet, elles ont une valeur contraignante, c'est-à-dire qu'elles ont un caractère obligatoire, et elles s'appliquent à des situations qui ne demandent pas une réflexion extrêmement longue et poussée. Elles sont donc plus simples à appliquer.
    C'est exact.
    C'est pour cela qu'elles ont été bien reçues.
     Prenons l'exemple d'une personne qui devient inapte à la suite d'un accident vasculaire cérébral et qui est dans la même situation qu'une personne souffrant de troubles neurocognitifs, c'est-à-dire que sa maladie est grave et incurable, qu'elle vit des souffrances qu'elle juge intolérables, et ainsi de suite. Il faut assurément distinguer un tel cas de ceux qui relèvent des directives médicales anticipées dont traite la Loi concernant les soins de fin de vie, au Québec. À mon avis, ce sont deux choses complètement différentes.
    Vous êtes donc d'accord avec moi pour dire que la distinction est nécessaire.
    Oui.
    Toutefois, vous n'êtes pas d'accord pour dire que la situation médicale dont vous parlez relève des directives médicales anticipées, même si...
    Non.
    D'accord, je comprends bien cela.
    Cependant, vous êtes d'accord pour dire qu'il faut distinguer les deux régimes, parce qu'il ne s'agit pas de la même chose.
    C'est exact. Il ne s'agit pas de la même chose.
    En ce qui concerne l'accompagnement et le processus, madame Bernier, nous n'avons pas siégé longtemps, mais nous avons entendu plusieurs choses.
    On a parlé d'un formulaire officiel distinct et d'un diagnostic. On a dit qu'il faudrait réitérer cette demande et lui donner une valeur contraignante. On a dit que les patients devaient pouvoir révoquer la demande en tout temps et qu'il fallait établir des critères objectivables. On a parlé de la désignation d'un mandataire, qui ne déciderait pas du moment, mais qui communiquerait avec l'équipe soignante pour lui demander de déterminer si le patient avait franchi le seuil du tolérable.
    Ces mesures de sauvegarde ne donnent-elles pas lieu à un accompagnement raisonnable, dans les circonstances?
    Cela peut-il calmer votre crainte pour ce qui est de possibles dérapages?
    Je vous remercie de la question, qui est très intéressante.
    J'ai beaucoup de choses à vous dire, mais je vais essayer de résumer mon commentaire.
    J'ai beaucoup étudié le régime qui encadre les directives médicales anticipées, et, comme vous le savez, très peu de gens y ont eu recours. On parle d'un peu plus de 100 000 personnes au Québec, ce n'est donc pas un régime très utilisé.
    Je ne suis pas de l'avis de Me Chalifoux. Je pense que les directives médicales anticipées couvrent très bien les accidents vasculaires cérébraux. On devrait séparer cela et s'en tenir à des diagnostics de troubles neurocognitifs.
    Pour ce qui est de l'accompagnement, la question est très intéressante, mais je ne pense pas que nous puissions faire l'économie d'une discussion en amont. Il y a un problème lié à la mise en œuvre. On lève un drapeau à cause de ce qui a été dit, mais il n'y a pas eu de discussion.
    Selon des études très récentes qui ont été réalisées en 2022 au sujet de l'importance de cette discussion, cette dernière est beaucoup plus importante que le formulaire pour les patients. Il est donc important de discuter des divers scénarios et de dresser un profil de valeurs. Je crois qu'il est important de dire à l'avance que le processus ne se limitera pas au formulaire et que l'on va expliquer dans quoi s'ancre cette décision.
    Il est aussi important que la famille soit présente.
    Je vois vraiment cet accompagnement en deux temps.
    Je vous demanderais de bien vouloir conclure rapidement votre intervention, madame Bernier.
    Il y a les mesures, puis il y a le dialogue. Je pense qu'il faut préserver cela.
    Vous parlez de la famille ou du mandataire?

[Traduction]

     Merci beaucoup, monsieur Thériault.
    C’est maintenant le tour de M. MacGregor. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le coprésident.
    Il est tout à fait évident, au vu de l'état des soins de santé au Canada, que de nombreux groupes n’ont tout simplement pas accès à des soins équitables. De nombreux groupes sont très préoccupés par les échanges qui ont cours ici même et l’orientation que le projet de loi pourrait prendre.
    Madame Bernier, je m'adresse d'abord à vous.
    À propos du consentement éclairé concernant les demandes anticipées, nous avons remarqué que bien des gens redoutent de devenir un fardeau pour leur famille. Compte tenu de l’état des soins de longue durée au Canada, ils ont également peur de perdre leur autonomie. Devant des personnes qui peuvent avoir un handicap, ils craignent d’éprouver les mêmes difficultés.
     Notre débat porte sur une question très lourde. Comment le Comité va‑t‑il donc pouvoir s'acquitter de son mandat, si nous ne sommes pas...? Il semble que nous mettions la charrue avant les bœufs si nous ne nous attaquons pas à ces grandes questions sociétales, aux problèmes plus vastes et imposants que soulève l'accès à des soins équitables pour tant de groupes sous-représentés.
     Si nous n'abordons pas ces questions, comment allons-nous nous y prendre? Qu’en pensez-vous?
(1915)

[Français]

    Selon moi, ces deux éléments ne sont pas mutuellement exclusifs. Si nous tenons le débat sur l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour inclure les directives anticipées, il est tout à fait possible que nous constations que les gens choisissent cette option tout en étant conscients qu'ils font ce choix parce qu'ils ne veulent pas avoir à vivre une situation qui n'est pas équitable.
    En ce qui a trait à l'autonomie relationnelle dont je parlais tout à l'heure, vous avez raison de mentionner que nos choix s'ancrent dans un contexte qui est à la fois culturel et familial. Nous sommes influencés par beaucoup de facteurs. C'est vrai qu'il est fort possible que le choix d'avoir recours à l'aide médicale à mourir soit, comme le disait M. Lemmens, ancré dans la perception que nous avons des soins disponibles.
    Il est possible qu'une personne ne veuille pas se voir diminuée et que ce soit un choix assumé. Je ne remets pas cela en question. Ce que je dis, c'est que, si nous prenons cette direction, il ne faut certainement pas que cela devienne la seule option. Je parlais tout à l'heure d'abandon thérapeutique. Je pense qu'il est vraiment important de continuer à mettre énormément d'énergie et de ressources dans la qualité des soins pour la population.
    Je ne sais pas si cela répond bien à votre question. N'hésitez pas à me relancer au besoin.

[Traduction]

    Non, non. Merci beaucoup.
    Monsieur Lemmens, je vais peut-être m’adresser à vous.
    J'ai pris des notes pendant votre exposé. Vous avez parlé du problème des mesures mises en place et de leur incapacité à régler les problèmes d’éthique plus vastes.
    Voulez-vous prendre le temps de nous en dire un peu plus à ce sujet? C'est là une question très épineuse. C’est le nœud du problème dont nous sommes saisis.
     Je dirai d’abord que les outils dont il est question dans le rapport du Conseil des académies canadiennes sont axés sur les questions de communication, même lorsqu'il s'agit de garantir le respect des choix futurs de la personne, à un moment où elle n'est plus la même ou n'a plus les mêmes intérêts.
    Comme l’a montré Mme Bernier à propos des demandes anticipées — il ne faut pas oublier son travail avec sa collègue, Mme Régis, de l’Université de Montréal —, il est déjà très difficile de prévoir ce qu’on va penser, ce qui va se passer et quel genre d’intérêts on va avoir. C’est déjà une chose qui échappe aux diverses mesures qu'on peut mettre en place.
    Les procédures ne tiennent certainement pas compte de préoccupations sociétales plus vastes. Ainsi, nous franchissons une certaine ligne de démarcation en permettant à des tiers de décider si les souffrances d'une personne sont intolérables et si sa vie peut être interrompue. Nous franchissons donc cette limite, ce qui a également une incidence sur notre perception des déficiences cognitives en général. Si nous agissons de la sorte pour des personnes qui, avant d'avoir une déficience cognitive, disent qu’elles vont vouloir mourir parce qu’elles vont perdre leur dignité, que dit‑on à des gens qui ont déjà un handicap cognitif et qui n’ont pas fait ce choix?
    Nous franchissons une certaine limite en acceptant une pratique qui trahit l’engagement fondamental à permettre aux personnes ayant une déficience cognitive d’être traitées avec respect et dignité et de participer à la prise de décisions. La Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées insiste sur ce point. Il n’est pas vrai que, lorsqu’une personne a un déclin cognitif, on peut lui dire: « Oh, dans le passé, vous avez pris cette décision et maintenant, nous n'allons pas tenir compte de la personne que vous êtes devenue ni de vos intérêts actuels et nous allons vous donner des médicaments subrepticement contre votre consentement explicite, puis nous allons mettre fin à votre vie. » Ces problèmes ne peuvent être résolus par quelque procédure que ce soit.
(1920)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer aux sénateurs. Ce sont des tours de trois minutes.
    Tout d'abord, le sénateur Kutcher.
    Sénateur Kutcher, vous avez trois minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J’ai deux questions à poser à Me Chalifoux.
    Voici la première. Le fait que des préoccupations aient été soulevées au sujet de la façon dont les demandes anticipées sont gérées dans certains pays est-il une raison valable pour que les demandes anticipées soient interdites au Canada? Le Canada peut-il mettre en place pour les demandes anticipées son propre système complet de mesures de protection, qui peut différer de celui d’autres pays?
    Deuxièmement, dans l'affirmative, qui devrait élaborer ces mesures de protection et comment devraient-elles être appliquées? Un programme national de normes et de formation certifiée pour les fournisseurs d’aide médicale à mourir serait-il un moyen utile d'aborder ce problème?

[Français]

    En ce qui concerne votre première question, il y a effectivement des exemples de ces pratiques ailleurs dans le monde. La Hollande a mis en place des directives médicales anticipées depuis un peu plus de 20 ans. Cela fait quand même assez longtemps pour qu'elle ait pu acquérir une certaine expertise.
    Je tiens simplement à souligner qu'au Québec, un comité d'experts dont j'ai fait partie a soumis au gouvernement une façon de procéder et plein de directives pour l'application et la mise en œuvre des directives médicales anticipées. Nous sommes vraiment allés dans le détail, et je crois que cela représente un corpus original, parce nous n'avons rien vu de ce genre ailleurs. Ce corpus répondrait vraiment aux besoins pour ce qui est de la mise en œuvre des demandes anticipées d'aide médicale à mourir.
    Je crois que votre deuxième question portait surtout sur les mesures de sauvegarde. Il est assurément plus compliqué d'évaluer la situation dans le cas des directives médicales anticipées que dans le cas des demandes contemporaines.
    Je rejoins un peu les propos de Mme Bernier quand elle parle de l'importance de dresser un profil de valeurs et de réfléchir aux choix individuels. Il faut que les gens soient vraiment au courant de ce qu'ils veulent faire. Si nous voulons protéger le droit à l'autodétermination dans le cadre des demandes anticipées d'aide médicale à mourir, nous avons le devoir de donner toute l'information nécessaire et d'offrir aux gens les meilleures conditions possible pour qu'ils puissent faire une demande qui résulte d'un consentement libre et éclairé.
     Je vous remercie beaucoup.
    Je vais maintenant donner la parole à la sénatrice Mégie.
    Madame Mégie, vous avez la parole pour e trois minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Maître Chalifoux, je sais que l'Institut de planification des soins du Québec, dans un mémoire adressé au Conseil des académies canadiennes concernant les directives médicales anticipées, avait présenté cinq ou six mesures de sauvegarde.
    Pourriez-vous nous les citer au complet et nous faire parvenir le document, même s'il date de 2017?
    Nous pourrions voir si l'Institut a changé d'avis depuis ce temps. Ce serait bien que nous ayons ce document.
    Je vous remercie.
    Je serai heureuse de vous le faire parvenir. Ce document date déjà de plusieurs années, et je crois qu'il y a peut-être eu une certaine évolution quant à l'Institut de planification des soins du Québec depuis ce temps. Je ne dispose pas de toutes les conditions dont il a été fait mention, mais l'essentiel, en ce qui concerne les demandes anticipées, encore une fois, c'est d'encadrer la personne au moment où elle fait sa demande afin de s'assurer que le consentement a été donné de façon libre et éclairée.
    L'autre moment crucial est celui où il faut déterminer si la personne a atteint le stade où, selon elle, il est temps de lui prodiguer l'aide médicale à mourir. Il est très important de toujours respecter les volontés exprimées par la personne. C'est pourquoi la demande d'aide médicale à mourir devrait être détaillée. La personne devrait y mentionner le seuil de souffrance correspondant au moment où elle veut recevoir l'aide médicale à mourir de façon à faire respecter ses volontés. Les gens de son entourage, que ce soit l'équipe médicale multidisciplinaire, la famille ou les proches aidants, vont l'accompagner, mais ce ne sont pas ces personnes qui devraient prendre la décision. Pour respecter le droit à l'autodétermination des gens, il est très important que soient consignées de façon claire et précise, dans la demande anticipée, les intentions de la personne.
    D'autres conditions étaient certainement mentionnées dans le mémoire, mais malheureusement, madame Mégie, je ne l'ai pas devant moi. Je vous le ferai parvenir sans faute.
(1925)
    Me reste-t-il quelques secondes, monsieur le président?
    Il vous reste 15 secondes, madame Mégie.
    Madame Bernier, j'étais très contente de vous entendre parler du devoir d'accompagnement.
    À votre avis, à quel moment devrait être prodiguée l'aide médicale à mourir après réception de la demande anticipée?
    Je vous demanderais de répondre rapidement, madame Bernier.
    D'accord.
    Cela dépend vraiment de l'évolution de la maladie. Mme Vien me demandait ce qui me mettait mal à l'aise, et c'est cela. Il s'agit de déterminer le moment approprié à l'avance, sans savoir tout à fait comment la maladie va évoluer. Il y a divers scénarios possibles, et la souffrance est l'un des éléments au sujet desquels j'ai de la difficulté à prendre position.
    Lorsqu'une personne évalue la souffrance de façon anticipée, c'est le soi du présent qui décide pour le soi du futur. La littérature scientifique est abondante là-dessus. La personne change-t-elle d'identité ou non?
    Lorsque quelqu'un ne semble pas souffrant, il est difficile de déterminer quel serait le bon moment pour lui prodiguer l'aide médicale à mourir en toute légalité, tout en respectant nos obligations sur le plan déontologique, professionnel et éthique comme soignants. L'évaluation de la souffrance est donc un élément auquel il faut réfléchir de manière approfondie.
    Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à la sénatrice Wallin.
    Madame la sénatrice Wallin, vous avez trois minutes.
    Madame la coprésidente et monsieur le coprésident, j'aurais une observation à faire, si vous me le permettez. Au cours des dernières séances, il est arrivé très souvent que des témoins utilisent des mots péjoratifs et fassent des allégations, par exemple au sujet de l'utilisation subreptice de médicaments. À mon avis, il faut rappeler aux témoins, avant leurs interventions, que leurs affirmations doivent être étayées par des faits et une documentation si nous voulons qu'elles soient utiles au Comité, et qu'ils doivent avoir les compétences voulues pour s'exprimer, car le mandat du Comité est d'étudier la question des demandes anticipées.
    Ma question s’adresse à Me Danielle Chalifoux.
    On parle beaucoup de mesures de sauvegarde pour les professionnels de la santé. Vous en avez encore parlé ce soir. Ce qui me préoccupe sans doute, ce sont les mesures de protection et les garanties pour les personnes qui, étant saines d’esprit, demandent à l’avance à recevoir l’aide médicale à mourir lorsque certaines conditions seront remplies ou que leur état aura décliné jusqu'à un certain niveau.
    Comment pouvons-nous les assurer de ces mesures de protection sans une demande anticipée et reconnaître qu’il n’y a tout simplement pas d’autre moyen?

[Français]

     En fait, c'est exactement ce que l'Institut veut faire ressortir. Si une personne veut faire cesser ses souffrances lorsqu'elle sera inapte et qu'elle répondra aux conditions lui permettant de recevoir l'aide médicale à mourir, il n'y a pas d'autres moyens de le faire que par la demande anticipée. À partir du moment où la personne va être inapte, il sera trop tard. Elle ne pourra pas donner son consentement. De plus, il est illégal d'obtenir un consentement substitué.
    La très grande majorité de la population ne veut pas vivre cette situation. Les gens me l'ont très souvent dit au cours de mes conférences, surtout les personnes souffrant de troubles cognitifs. Il faut comprendre que ces personnes ont souvent vu des membres de leur famille souffrir terriblement et perdre toute leur dignité. Les gens ne veulent pas vivre cela. Il faut donc leur faciliter la vie de toutes les façons possibles.
    Je sais que c'est une situation délicate et que ce n'est pas nécessairement facile, mais on ne se retrouve pas toujours nécessairement dans des conditions idéales. Je crois qu'il serait certainement possible de prendre des mesures de sauvegarde acceptables, qui pourraient permettre aux gens de ne pas souffrir de façon intolérable à la fin de leur vie, une fois qu'ils seront devenus inaptes.
(1930)

[Traduction]

     Pour quiconque a connu une situation semblable — c'est-à-dire un proche ou un membre de la famille soumis à cette épreuve, atteint d'une maladie comme la démence ou la maladie d'Alzheimer — sait que l'issue est raisonnablement prévisible. Par conséquent, il semble que nous pourrions faire une demande anticipée.

[Français]

    Je suis tout à fait d'accord avec vous, madame Wallin.
    Je vous remercie beaucoup, mesdames Wallin et Chalifoux.
    Nous allons maintenant céder la parole au sénateur Dalphond.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leurs témoignages, qui sont toujours très éclairants.
    Maître Chalifoux, vous dites qu'il ne faut pas limiter les demandes anticipées aux cas de maladie neurocognitive parce que cela exclut tous les autres types de problème médical, comme l'accident vasculaire cérébral, ou AVC.
    Si nous allons dans ce sens, il faudrait avoir deux régimes de directives anticipées. Le premier cas suppose qu'une personne a reçu un diagnostic et qu'elle est encore capable de faire un choix, mais que ce choix ne peut pas être révisé par la suite parce que sa capacité à donner un consentement éclairé aura disparu. Dans l'autre cas, la personne ayant subi un accident vasculaire cérébral ou souffrant d'une autre maladie a peut-être fait son choix 10 ans, voire 20 ans plus tôt, et il serait possible d'envisager un mécanisme prévoyant la révision de sa situation tous les 5 ans, par exemple.
    En réalité, ce que vous suggérez, c'est la mise en place de régimes différents en fonction du type de directives anticipées.
    Est-ce exact?
    En fait, les deux aspects de la question ne sont pas tout à fait différents, parce que la philosophie qui sous-tend notamment le respect du droit à l'autodétermination continue de s'appliquer dans les deux régimes. Les lois de la génétique font en sorte que les personnes dont les parents ont eu un accident vasculaire cérébral, par exemple, risquent aussi d'en subir un, et elles sont probablement inquiètes. Elles se disent qu'elles aimeraient pouvoir garantir leur droit à l'aide médicale à mourir au moyen de directives médicales anticipées.
    Je crois me souvenir que M. Arseneault a suggéré plus tôt qu'il y ait une actualisation de la demande anticipée tous les cinq ans pour que la personne confirme sa décision ou l'annule, s'il y a lieu. À ce moment-là, il y aurait quand même un caractère un peu contemporain à la demande, si je peux m'exprimer ainsi, et il reviendrait à la personne de se manifester pour confirmer sa décision ou l'annuler. Ce serait une garantie, une mesure de sauvegarde qui pourrait faciliter les choses.
    J'aimerais simplement mentionner qu'il m'est arrivé très souvent de voir, dans des CHSLD et dans des unités de soins palliatifs, des personnes ayant subi un accident vasculaire cérébral qui étaient devenues inaptes, qui souffraient et qui demandaient à mourir tous les jours.
    Je ne vois donc pas comment, sur le plan juridique, on pourrait faire une distinction entre les personnes ayant reçu un diagnostic de maladie à laquelle elles ne peuvent absolument rien et celles ayant subi un accident vasculaire cérébral. Un AVC survient soudainement, de manière inattendue et imprévisible. On priverait donc des personnes d'un droit qui est accordé à d'autres.
    Je comprends que c'est un régime différent, qui va peut-être exiger certaines garanties ou sauvegardes différentes.
    Oui, exactement.
    Merci.
    Merci, sénateur Dalphond.

[Traduction]

     Nous passons maintenant à la sénatrice Martin.
    Sénatrice Martin, vous avez trois minutes.
    Merci, et merci à tous les témoins. Ma question s'adresse à M. Lemmens.
     Nous avons l'occasion de tirer des enseignements des erreurs d'autres pays. Selon ce que vous savez des pays du Benelux, y a‑t‑il des préoccupations en ce qui a trait aux abus ou aux pressions subtiles exercées dans le contexte d'une demande anticipée? Pouvez-vous répondre à certaines des questions posées par d'autres membres du Comité et nous faire part de vos recommandations ou de vos mises en garde?
(1935)
    Je vous remercie de me donner l'occasion de répondre, contrairement à ce que la sénatrice Wallin a fait. Elle a essentiellement mis en doute mon intégrité.
    J'ai étudié ce qui se passe aux Pays-Bas, et la pratique qui y est décrite explique qu'il y a là‑bas plus de médecins qui s'opposent maintenant à l'aide médicale à mourir dans le cas des personnes atteintes de démence qu'il n'y en avait auparavant. Contrairement à ce que dit Me Chalifoux, les Pays-Bas n'autorisaient pas les demandes anticipées d'aide médicale à mourir dans les premières années de légalisation de l'aide médicale à mourir. Il a fallu de nombreuses années avant qu'on ne commence à autoriser ces demandes, et cette pratique est devenue et demeure plus problématique précisément à cause de ce que je viens de décrire.
    La plupart des médecins sont maintenant réticents à cause de l'incertitude et de ce que ces demandes impliquent. Autrement dit, mon message est le suivant: nous donnons de faux espoirs à ceux qui font une demande anticipée en leur disant que leur demande sera facilement satisfaite, puisque nous ne savons pas comment la maladie évoluera. Dans 4 des 16 cas que le groupe d'experts du Conseil des académies canadiennes a étudiés — il ne s'agit donc pas de la pratique générale mise en place —, il s'agissait de patients à la capacité incertaine qui ont reçu l'aide médicale à mourir. Dans ces cas, les comités d'examen, qui font un travail beaucoup plus détaillé que celui que nous faisons actuellement au Canada, ont jugé que les critères de diligence raisonnable n'étaient pas respectés. Il se pose donc des questions au sujet de la pratique.
    Je ne fais qu'énoncer les faits. Il y a un problème si une sénatrice met mon intégrité en doute alors que j'ai étudié la question avec honnêteté et professionnalisme. Je comparais à titre d'expert pour expliquer ce qui se passe aux Pays-Bas et l'état des discussions récentes des juristes et des éthiciens. C'est le dilemme auquel nous sommes confrontés. Nous devrons administrer subrepticement des médicaments aux patients. Il faudra les priver de leur capacité d'exprimer leur volonté du moment pour pouvoir mettre fin plus facilement à leur vie.
    En fait, je suis très inquiet de voir qu'une sénatrice complique la tâche des témoins qui sont là pour transmettre leurs connaissances sur les pratiques qui ont cours dans d'autres pays. C'est tout à fait déplacé. Nous avons un régime de démocratie parlementaire. Vous invitez des experts à venir parler de ce qu'ils savent, et c'est ainsi que vous les traitez? C'est inadmissible.
    Excusez-moi, monsieur le président et madame la présidente, d'avoir exprimé ce point de vue, mais je suis profondément troublé par cette attitude.
    Merci beaucoup. Malheureusement, cela met fin aux témoignages du premier groupe.

[Français]

    Il ne me reste qu'à vous remercier, maître Chalifoux, professeur Lemmens et maître Bernier, d'avoir été parmi nous ce soir, et ce, malgré un court préavis d'une semaine. Je vous remercie grandement d'avoir témoigné et répondu à nos questions sur un sujet qui, comme vous l'appréciez, est tellement sérieux et a tellement de conséquences importantes sur notre population. Vos témoignages feront partie de notre rapport, qui sera déposé à l'automne.
    Merci, encore une fois, de votre présence aujourd'hui.

[Traduction]

    Je vais suspendre la séance pendant un petit moment pour nous préparer à accueillir le deuxième groupe.
    Merci à tous.
(1935)

(1940)
    Sénatrice Martin, vous allez présenter le deuxième groupe de témoins?
    Oui, monsieur le coprésident.
    Pour la gouverne des nouveaux témoins, je signale que, avant de prendre la parole, il faut attendre d'être désigné par son nom.
    Je rappelle aussi que tous les propos doivent être adressés aux coprésidents.
    Chacun doit s'exprimer lentement et distinctement. L’interprétation de la vidéoconférence se fait comme dans une séance en personne. Chacun peut choisir, au bas de l’écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Lorsqu'on n'a pas la parole, il faut mettre le microphone en sourdine.
    Je souhaite maintenant la bienvenue aux témoins du deuxième groupe.
    Nous accueillons, à titre personnel, Jocelyn Downie, professeure de recherche universitaire, Facultés de droit et de médecine, Dalhousie University, la Dre Catherine Ferrier, médecin, Division de la médecine gériatrique, Centre universitaire de santé McGill, et la Dre Susan MacDonald, professeure agrégée en médecine et médecine familiale, Memorial University de Terre-Neuve.
    Merci à vous toutes de vous joindre à nous ce soir.
    Nous écouterons d'abord l'exposé liminaire de Mme Downie, qui sera suivie de la Dre Ferrier et de la Dre MacDonald.
    Madame Downie, vous avez cinq minutes. La parole est à vous.
     Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître.
    Comme vous l'avez entendu, je m'appelle Jocelyn Downie et je suis professeure de recherche aux facultés de droit et de médecine de Dalhousie University.
    J'ai remis aux greffiers des mémoires, qui proposent des références pertinentes, et dans les cinq minutes qui me sont allouées, je vais exposer quelques points clés.
    Sauf erreur, le Comité est saisi de trois grandes questions qui portent sur les demandes anticipées d'aide médicale à mourir: premièrement, faut‑il les autoriser? Dans l'affirmative, quand peut‑on les présenter? Enfin, comment y donne-t‑on suite?
    Tout d'abord, un mot de la terminologie: tout au long de mon exposé, j'utiliserai l'expression « demandes anticipées » plutôt que « directives anticipées ». La distinction est essentielle si on veut éviter toute confusion entre un régime fédéral d'AMM relativement nouveau, régi par le Code criminel, et les régimes provinciaux et territoriaux déjà bien établis pour d'autres soins de santé.
    Passons maintenant aux questions dont le Comité est saisi.
     Faut‑il autoriser les demandes anticipées d'aide médicale à mourir? J'encourage le Comité à recommander au Parlement de les autoriser, et ce, pour une foule de raisons.
     Tout d'abord, les préconisations de tous les nombreux comités et groupes d'experts qui ont étudié la question et ont été appelés à formuler des recommandations vont en ce sens.
    Deuxièmement, l'opinion publique est fermement et systématiquement favorable aux demandes anticipées.
    Troisièmement, les tribunaux, les provinces et les territoires ont dit que la personne devrait pouvoir, lorsqu'elle a toujours la capacité de le faire, refuser des traitements, refus qui est exécutoire après qu'elle a perdu la capacité de prendre des décisions. Ce que cela signifie, c'est que je peux donner une directive anticipée qui dit que, lorsque j'en serai au stade 7 de la maladie d'Alzheimer ou que j'aurai perdu ma capacité en raison de la maladie de Huntington, je refuse qu'on continue de m'alimenter et de m'hydrater. Les cliniciens doivent respecter ma directive. Je vais mourir de déshydratation et d'inanition, ou, si vous modifiez la loi, je pourrai avoir l'aide médicale à mourir. Refuser l'aide médicale à mourir est à la fois illogique et cruel.
    Quatrièmement, le Parlement a déjà décidé d'autoriser certaines demandes anticipées d'aide médicale à mourir. En effet, la « Renonciation au consentement final » et le « Consentement préalable », prévus dans le projet de loi C-7, sont deux formes de demandes anticipées.
    Cinquièmement, certaines personnes atteintes de démence ont déjà accès à l'aide médicale à mourir. Elles sont suivies de près par un fournisseur de soins qui observe attentivement la diminution de leur capacité, le déclin de leurs facultés et l'évolution de leurs souffrances. Une fois que sont respectés les critères d'admissibilité à l'AMM, mais avant qu'elles n'aient perdu leur capacité, elles peuvent soit accéder à l'AMM au moyen de ce qu'on appelle le protocole de « minuit moins cinq », soit signer une renonciation au consentement final, mais elles doivent être accompagnées par un fournisseur qui est disposé et apte à le faire. Elles risquent de vivre pendant des années dans la crainte de ne pas choisir tout à fait le bon moment et de ne pas obtenir l'aide médicale à mourir.
    Sixièmement, les préoccupations dont vous entendrez parler au cours de votre étude ne sont pas cohérentes sur le plan conceptuel, s'appliquent à des pratiques déjà autorisées ou peuvent être dissipées au moyen de mesures de protection. Dans le temps qui m'est imparti, il m'est impossible de rendre justice aux complexités des notions d'identité personnelle, d'intérêts critiques, d'autonomie antérieure et de paradoxe du handicap, mais je peux vous recommander l'analyse qui se trouve dans le rapport que le groupe d'experts québécois sur la question de l'inaptitude et de l'aide médicale à mourir a publié en 2019.
    Enfin, je dirai qu'il y a eu suffisamment de temps pour examiner cette réforme législative, depuis le groupe consultatif provincial-territorial d'experts, en 2015, jusqu'au comité mixte spécial de la Chambre et du Sénat en 2016, en passant par le groupe d'experts du Québec en 2019 et la commission spéciale du Québec en 2021. Il n'y a eu aucune précipitation, loin de là.
    Passons maintenant rapidement à la question de savoir « quand » les demandes peuvent être faites.
    Je vous encourage à recommander que les demandes anticipées soient autorisées après le diagnostic d'une maladie grave et incurable.
    Enfin, passons rapidement à la question des modalités.
     Je vous encourage à tenir compte dans vos recommandations des justifications philosophiques des demandes anticipées et des mesures de protection, des valeurs reflétées dans nos lois existantes et des réalités de la pratique clinique.
    À cette fin, je vous invite à recommander que la loi exige d'abord qu'un document de demande anticipée valide énonce ce que la personne considère comme des souffrances intolérables ainsi que des conditions objectivement évaluables qui entraîneraient l'exécution de la demande anticipée.
    Deuxièmement, il faut établir ce qu'il y a lieu de faire si la personne devenue incompétente semble avoir changé d'avis ou ne semble pas souffrir — plus précisément, il faut respecter ce que la personne a dit qu'il fallait faire si elle semblait avoir changé d'avis ou ne pas souffrir — et exiger, relativement au consentement éclairé, que cette éventualité soit abordée.
(1945)
     Troisièmement, il faut exiger que la demande soit renouvelée régulièrement, tant que la personne demeure compétente.
    J'ai épuisé mon temps de parole. Je vous remercie de votre attention et je me ferai un plaisir de répondre à vos observations et questions sur tout ce que j'ai dit ou sur toute autre question qui vous intéresse.
    Merci, madame Downie.
    Nous allons maintenant entendre la Dre Catherine Ferrier.
     Merci beaucoup, madame la présidente et monsieur le président. C'est un plaisir de comparaître devant le Comité.
    Je suis médecin à la Division de la médecine gériatrique du Centre universitaire de santé McGill depuis 1984. Les patients atteints de démence sont au centre de ma pratique. Je suis une spécialiste de l'évaluation de la capacité décisionnelle. Je vois des aînés victimes de maltraitance. Je donne des cours sur ces sujets et je témoigne souvent devant les tribunaux pour mes patients.
    J'ai soigné et accompagné des milliers de personnes atteintes de démence et leur famille. Ma façon de voir est bien différente du point de vue de ceux qui perçoivent mes patients dans une optique universitaire ou politique. J'ai appris que les patients s'adaptent bien aux changements qui surviennent dans leur vie à cause du déclin cognitif. Les difficultés sont nombreuses et l'âgisme, le capacitisme et la négligence dont ils sont victimes dans le système de soins de santé ne sont pas des moindres.
    Malgré tout, la plupart des patients s'en sortent bien lorsque des mesures sont mises en place pour les soutenir, eux et leur famille. En 38 ans, aucun de mes patients ou de leurs proches n'a jamais demandé l'aide médicale à mourir à cause d'un diagnostic de démence.
    J'ai remarqué au cours du débat qu'on présume que les directives anticipées écrites sont un moyen éprouvé qui rend l'autonomie possible et assure un consentement libre et éclairé adéquat pour les interventions médicales. C'est faux. Pour que le consentement soit valide, il doit être donné volontairement. Le patient doit avoir la capacité de consentir et doit être informé. Le consentement est éclairé lorsque le patient a reçu et comprend les renseignements détaillés du diagnostic, notamment sur le degré d'incertitude, les examens ou les traitements proposés, les chances de réussite, les solutions possibles et leurs risques, et enfin les conséquences possibles du refus de traitement.
    Le consentement anticipé ne peut jamais être pleinement éclairé.
     En 2018, le comité d'experts du CAC sur l'AMM par demande anticipée a signalé des lacunes dans nos connaissances et un manque d'éléments probants au sujet de la sécurité de cette pratique. Les experts ont étudié la littérature publiée sur la planification préalable des soins, ou PPS, discipline qui s'est développée pour améliorer la prise de décisions médicales vers la fin de la vie. La PPS ne se limite pas aux directives anticipées. En fait, sa portée s'élargit avec le temps, à mesure que les limites des directives aussi appelées testaments biologiques deviennent évidentes. Au nombre des articles publiés par des experts, notons « Why I don't have a living will », en 1991, et « Enough: The Failure of the Living Will », en 2004.
    Les définitions de la PPS renvoient à un processus de réflexion et de communication visant à assurer aux personnes qui n'ont pas la capacité de prendre des décisions des soins conformes à leurs objectifs, vers la fin de la vie. Les composantes comprennent une discussion des objectifs généraux de vie et des soins de santé et la désignation d'un subrogé.
    Très peu de travaux de recherche examinés par le groupe d'experts du CAC ont porté uniquement sur les directives écrites. Le rapport ne fait état d'aucune preuve montrant que les directives écrites ont eu des résultats significatifs. Selon une étude canadienne, les préférences documentées ne correspondaient pas aux souhaits exprimés par le patient dans 70 % des cas.
    Un examen de 69 études effectué en 2020 n'a révélé aucun effet de la planification préalable des soins sur les soins correspondant aux objectifs ou sur la qualité de vie. Ces résultats sont logiques, car on prédit mal la qualité de vie qu'on aura soi-même dans des situations hypothétiques. Cela tient à divers facteurs: biais cognitifs connus, tels que le biais de projection et la projection des préférences actuelles sur des situations futures; focalisme accordant plus l'importance à ce qui s'aggrave qu'à ce qui reste positif; négligence de la compétence immunitaire, sous-estimant la capacité d'adaptation d'une personne.
    Nous constatons souvent un changement dans les préférences en matière de soins lorsqu'une personne s'adapte à l'évolution de la maladie. C'est vrai même dans le cas de la démence, et c'est pourquoi nous respectons les souhaits au présent des patients incapables, pourvu que leurs choix ne leur soient pas préjudiciables.
    De plus en plus d'experts de la fin de vie expriment de sérieux doutes au sujet de l'utilité des directives anticipées écrites. Parmi les articles récents, je signale « Advance Directive/Care Planning: Clear, Simple, and Wrong », de 2020, « What's Wrong with Advance Care Planning? », de 2021 et « Should we still believe in advance care planning? », de 2022.
    Morrison et ses collaborateurs, les auteurs de l'un de ces articles, écrivent:
Les choix de traitement vers la fin de la vie ne sont pas simples, cohérents, logiques, linéaires ni prévisibles, mais plutôt complexes, incertains, chargés d'émotion et changeants. Les préférences des patients sont rarement statiques et elles sont influencées par l'âge, la fonction physique et cognitive, la culture, les préférences familiales, les conseils des cliniciens, les ressources financières et le fardeau perçu pour les aidants naturels.
    Pour ces raisons, la pratique a évolué, délaissant les documents écrits pour leur substituer un processus dynamique de dialogue. C'est la norme de soins pour la prise de décisions en fin de vie.
     Il est absurde et alarmant que des directives écrites, qui ont échoué pour les décisions de traitement ordinaires, soient maintenant envisagées pour l'aide médicale à mourir.
    Causer la mort d'une personne atteinte de démence qui ne le demande pas, au nom d'un consentement préalable qui est nécessairement mal éclairé, est contraire à l'autonomie et à la bienveillance et n'a rien en commun avec les décisions de retrait des traitements. Il existe un large consensus en éthique et en médecine selon lequel causer directement la mort n'est pas la même chose que permettre la mort par la progression naturelle d'une maladie.
    Les directives anticipées portant sur l'AMM mèneraient à la maltraitance des aînés par la manipulation et la falsification de directives. Je l'ai vu dans le cas des procurations, où les conséquences sont loin d'être aussi graves.
    Si l'aide médicale à mourir par demande anticipée devenait légale et exécutoire, le Canada serait le seul endroit au monde où un organisme d'État est tenu par la loi de tuer une personne innocente et sans défense.
(1950)
     Merci, docteure Ferrier.
    La dernière intervenante est la Dre Susan MacDonald.
    Vous avez cinq minutes.

[Français]

[Traduction]

    Je pratique en soins palliatifs depuis 30 ans et j'ai eu le privilège de prendre soin de milliers de patients et de familles. Je fournis des évaluations secondaires pour l'aide médicale à mourir, et j'ai un proche parent qui a eu recours à cette aide. Mes propos d'aujourd'hui seront donc inspirés par mes réflexions personnelles sur le sujet au lieu de viser à appuyer quelque organisation.
     J'estime que l'aide médicale à mourir peut être une option de fin de vie qui fait partie des soins palliatifs, mais sans être pour autant réservée à la fin de vie. Bon nombre de ceux d'entre nous qui prodiguent des soins palliatifs participent, dans une certaine mesure, à la prestation de l'aide médicale à mourir, qu'il s'agisse d'informer les patients de toutes les possibilités qui s'offrent à eux, y compris l'aide médicale à mourir, de discuter en profondeur de cette option avec eux, d'être le deuxième évaluateur ou le principal dispensateur de ce soin. Il y aura toujours un fossé entre les cliniciens à ce sujet, mais peu importe leurs sentiments personnels, le patient a le droit de connaître cet acte médical et de savoir quels en sont les critères et comment l'obtenir.
    D'un point de vue pratique, voici ce que je pense de l'aide médicale à mourir et des directives anticipées.
    Ce qui m'intéresse d'abord, ce sont les soins palliatifs. Tous n'y ont pas accès. Diverses circonstances aux niveaux provincial ou local déterminent si un soignant ayant des compétences dans ce domaine de la médecine est disponible. Les soins virtuels ont des limites et ne peuvent pas compenser entièrement. Certains patients pourraient bénéficier de nos services, mais ils y ont un accès limité parce que leur médecin refuse de les diriger vers nous, parce que le programme local impose des limites quant aux patients qui peuvent avoir ces services et pendant combien de temps ou parce qu'il n'y a peut-être personne de disponible pour fournir des soins à domicile. Il n'y a peut-être pas d'ambulanciers paramédicaux formés pour offrir des soins palliatifs à domicile. Dans ma province, grâce à ce service, beaucoup moins de patients sont admis en établissement. Une bonne gestion des symptômes et un soutien en fin de vie, que ce soit au cours des dernières années, des derniers mois, des derniers jours ou des dernières heures, est un droit de la personne. Nous laissons tomber les Canadiens si l'accès dépend de l'endroit où on habite.
    Mon autre préoccupation, c'est que la possibilité de l'aide médicale à mourir n'est pas automatiquement présentée au patient. Idéalement, tous les choix devraient être présentés à un stade précoce afin que le patient ait assez de temps pour réfléchir à ce qui lui convient ou pas. Ne pas faire savoir au patient que l'aide médicale à mourir est une possibilité est injuste pour lui et c'est un manquement aux lignes directrices sur le consentement éclairé. Par exemple, envisagerions-nous d'offrir à un patient qui vient de recevoir un diagnostic de cancer seulement la chirurgie, la radiothérapie et la simple gestion des symptômes alors que la chimiothérapie est également possible? Nous dirions-nous: « Nous n'offrons pas la chimiothérapie à moins que le patient ne pose des questions précises à ce sujet »? Bien sûr que non. Pourtant, cela se produit à maintes reprises dans le cas de l'aide médicale à mourir. Certains cliniciens pensent qu'ils ne peuvent pas aborder le sujet, que ce serait encourager ou inciter le patient à faire ce choix. Le patient a besoin de temps pour examiner les choix possibles: « Tel choix est‑il conforme à ma philosophie personnelle? Que puis‑je me permettre? Que puis‑je obtenir? Quel est le bon choix, à la lumière de ma culture, de ma religion et de mes valeurs personnelles? »
    Au Canada, certaines populations ont moins accès que d'autres à l'aide médicale à mourir. Nous devons toujours en être conscients et travailler fort pour que tous les Canadiens aient la possibilité de faire tous les choix qui peuvent leur convenir en fin de vie. Les patients devraient pouvoir obtenir l'AMM où qu'ils habitent.
    Or, il y a encore des établissements et des organisations qui refusent que l'aide médicale à mourir soit donnée chez eux. Ma propre parente n'a pas pu l'obtenir du centre local de soins palliatifs. Cette aide y était interdite.
    Ceux qui dispensent l'aide médicale à mourir devraient recevoir une formation et un soutien adéquats. Cette formation et ce soutien doivent être normalisés dans tout le Canada. Un grand nombre de ceux qui s'occupent de l'AMM trouvent qu'ils ont besoin de pauses ou d'un soutien adéquats lorsqu'ils assurent des soins de ce type. Nous devons veiller à ce qu'il y a suffisamment de cliniciens qui comprennent parfaitement ce qu'ils font et comment le faire. Il faut maintenir une surveillance claire, recueillir des données et faire des évaluations fréquentes.
    Chacun devrait être en mesure de décider s'il veut obtenir l'aide médicale à mourir à une date ultérieure, au cas où il perdrait les compétences pour prendre cette décision. Bon nombre de mes patients m'ont dit au fil des ans que ce qui les inquiète le plus, au‑delà de la douleur, de l'essoufflement ou de quelque autre problème, c'est la perte de la capacité de prendre leurs propres décisions. C'est la source d'énormes souffrances humaines.
    L'aide médicale à mourir a été un ajout positif à la liste des soins que je peux offrir à mes patients. C'est un cadeau pour ceux qui veulent pouvoir exercer un contrôle. Il y a toujours une porte de sortie si la situation devient trop pénible. Malheureusement, de nombreux patients ne savent même pas que cette possibilité existe. Ils ne peuvent pas créer un moyen de s'assurer d'obtenir l'aide médicale à mourir quand ils le veulent.
    Les décès par AMM dont j'ai été témoin ont été les plus faciles et les plus paisibles que j'ai vus dans toute ma carrière. Bien que la plupart de mes patients n'y recourent pas, ils sont de plus en plus nombreux à le faire.
(1955)
    Il vous reste 30 secondes.
     En tant que médecin qui dispense des soins palliatifs, j'ai le privilège d'aider tous mes patients à obtenir la mort qu'ils veulent.
    Merci beaucoup.
     Merci, docteure MacDonald.
    Nous allons maintenant passer aux questions des membres du Comité.
    Ce sera d'abord M. Cooper. Cinq minutes.
    Je crois que c'est plutôt M. Barrett.
    Désolée. C'est M. Barrett.
    Je remercie les témoins d'avoir accepté de comparaître.
     Docteure Ferrier, comment pouvons-nous assurer la sécurité des demandes anticipées en veillant à ce que la personne qui signe la demande soit pleinement consciente de ce qu'elle signe et de l'autorisation ainsi donnée?
    Je vous remercie de cette question. Je me ferai un plaisir d'en parler en m'adressant à la présidence.
    Au cours de la dernière heure, j'ai beaucoup entendu parler de la façon de préparer les gens à signer des demandes anticipées, mais à mon avis, et selon la littérature médicale sur la planification préalable des soins, le consentement n'est toujours pas suffisant, parce qu'il manque de nombreux éléments de ce qu'il faut savoir pour consentir à toute forme d'intervention.
    D'après mon expérience, on signe toutes sortes de choses sans savoir exactement de quoi il s'agit. J'ai vu beaucoup de ce que nous appelons au Québec des « mandats de protection », dont la simple fonction était de nommer un mandataire. Pour quelque raison, on a commencé à y ajouter des indications sur ce que la personne souhaite pour sa fin de vie, mais elles sont tellement vagues et générales qu'elles autorisent essentiellement tout médecin qui se trouve à prendre en charge le patient aux urgences à décider que tel traitement est superflu compte tenu de l'état du patient.
     C'est très dangereux. Lorsque je demande aux patients ce qu'ils veulent dire, ils répondent qu'ils ne veulent pas être réduits à l'état végétatif. Essentiellement, le contenu du mandat ne correspond pas à leurs volontés. C'est plutôt un texte qui leur a été remis par quelqu'un en qui ils avaient confiance, et ils l'ont signé.
    Je soupçonne que la même chose se produira, peu importe toutes les mesures de sauvegarde dont j'ai entendu parler au cours de la dernière heure environ. Aujourd'hui, à cause du régime d'AMM qui existe au Canada, toutes sortes de personnes trouvent la mort de cette façon, ce qui horrifie l'ensemble du pays. Je peux vous raconter d'autres histoires encore, tirées de ma propre expérience et de celle de mon entourage, pour montrer que les mesures de sauvegarde sont stériles et qu'on peut abuser des documents signés.
    Dans ma pratique gériatrique, je constate qu'on fait sans cesse une utilisation abusive des documents. J'aurais bien des choses à vous raconter, mais je ne crois pas en avoir le temps.
(2000)
    D'accord. Merci, docteure.
    Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé des demandes anticipées d'aide médicale à mourir dans des cas de maltraitance d'aînés. Pouvez-vous m'en dire plus à ce sujet, s'il vous plaît?
    Oui, avec plaisir.
    De toute évidence, cela ne s'est pas produit à cause des demandes anticipées, puisqu'elles ne sont pas légales dans notre pays, mais il y a des documents qui délèguent le pouvoir de décision à une autre personne, et j'ai souvent dû me présenter devant les tribunaux avec des familles qui se disputaient pour savoir qui avait autorité à l'égard du patient. C'est souvent une question d'argent. Il s'agit souvent de savoir quelle partie de la succession servira à payer les soins de la personne âgée. On n'en est pas à 100 %, mais je pense que la même chose se produira avec les demandes d'aide médicale à mourir. Prendre soin des patients coûte cher. Les membres de la famille et de l'entourage de mes patients ne sont pas toujours bienveillants et n'agissent pas toujours dans l'intérêt du patient. J'ai vu des mandats falsifiés. J'ai vu des mandats signés sans que les signataires comprennent ce qu'ils faisaient.
     Il y a beaucoup de groupes sociaux dysfonctionnels dans notre monde, y compris des familles. Le problème va prendre des proportions inimaginables, vu le nombre de personnes atteintes de démence. Je suis très inquiète. Mes patients sont très vulnérables, et on parlera tant qu'on voudra d'autonomie, mais même s'ils n'ont pas de problèmes de démence, ils ne sont souvent pas aussi autonomes que les théoriciens le pensent.
    D'accord, et je vous remercie d'avoir précisé dans votre réponse que les demandes anticipées n'ont pas d'existence légale chez nous, mais c'est le cas ailleurs. Les demandes anticipées sont légales dans d'autres pays. Pouvez-vous faire le lien avec votre réponse précédente?
    Votre question porte‑t‑elle précisément sur la maltraitance des aînés?
    Oui. Pour faire suite à votre réponse précédente, quel a été l'effet des demandes anticipées dans d'autres pays?
    Il vous reste 40 secondes.
    Je ne peux pas mieux dire que M. Lemmens. Il a expliqué au cours de l'heure précédente que, aux Pays‑Bas, par exemple, la popularité des demandes anticipées est à la baisse — et non à la hausse — à cause de tous les dangers, des problèmes et des exemples de manque de sécurité observés dans ce pays. Ce sont des faits très valables pour éclairer nos décisions, au Canada.
     D'accord. Je n'ai plus de temps. Merci beaucoup, docteure Ferrier.
    Merci, madame la coprésidente.
    C'est maintenant au tour de M. Anandasangaree. Cinq minutes.
    Merci, madame la coprésidente. Je tiens à remercier les témoins.
    Je vais adresser mes questions à Mme Downie.
    Vous avez dit dans votre témoignage que les demandes anticipées devraient se faire au moment du diagnostic ou après. Pouvez-vous nous dire s'il y a des situations où une telle demande peut se faire avant un diagnostic?
    Du point de vue de la politique d'intérêt public, ce n'est pas ce que je préconise en ce moment. Je ne m'y opposerais pas et je ne voudrais pas essayer de soutenir devant les tribunaux qu'il ne faut pas une approche plus large. Vous avez entendu les thèses à ce sujet. Elles sont diverses, mais l'une des grandes différences tourne autour de la quantité de renseignements qu'on peut avoir à sa disposition pour prendre une décision.
    Une fois qu'on a reçu un diagnostic de maladie grave et incurable, on peut absolument prendre une décision libre et éclairée au sujet d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Il faudrait aborder la question différemment si la demande venait plus tôt.
(2005)
    Pouvez-vous expliquer les modalités d'une demande anticipée en fin de vie, au moment où la personne perd sa capacité de prendre une décision?
    Voulez-vous dire lorsqu'il est donné suite à la demande? Ce qui est vraiment important, c'est que nous devons aborder la question différemment, selon les mesures de protection, la nature des documents et la démarche suivie.
    Il est vrai que les régimes de directives anticipées ont des imperfections. Je n'envisage pas de les reprendre dans notre régime. Il s'agirait pour la personne d'établir un document avec la collaboration d'un clinicien. Il s'agit d'une entente écrite — un accord entre deux personnes—  qui établirait ce que la personne considère comme des souffrances intolérables et des critères objectifs dont on peut vérifier le respect.
    Par exemple, ma souffrance intolérable peut concerner la perte de mon identité personnelle, de mon intégrité personnelle et de ma dignité, selon ma propre conception. Ce que je ne pourrais pas faire, c'est simplement dire: « Quand je n'aurai plus mon intégrité personnelle. » Comment quelqu'un d'autre peut‑il évaluer ce critère? Par contre, il est possible de faire une évaluation si je décris des faits précis: je ne peux plus trouver le nom de mon conjoint ou de mes enfants à chaque jour pendant deux semaines d'affilée. Je pourrais donner cette indication. Ou alors dire: quand j'en serai au stade 7 de la démence. Il s'agit d'un état objectivement évaluable que je rattache à ma détermination personnelle de ce qui constitue une souffrance intolérable.
    Quelqu'un pourrait alors dire: « Cette personne a perdu sa capacité de prendre des décisions. Elle a fait une demande anticipée. Voici les critères objectivement évaluables pour accorder l'aide. Sont-ils respectés? » Le clinicien serait en mesure de faire une évaluation.
    Madame Downie, à ce moment‑là, s'agit‑il d'une décision clinique, d'une décision d'un subrogé ou d'une combinaison des deux?
    À mon avis, ce n'est jamais la décision d'un subrogé. Il n'y a pas de place pour la procuration dans ce contexte. C'est la personne qui a précisé ce qu'il fallait faire au moment où elle perdrait sa capacité de prendre des décisions, et le clinicien évalue objectivement les divers facteurs parce que la personne a donné toutes les précisions dans sa demande écrite. Elle a décrit comment les choses se passeraient. Les cliniciens peuvent faire une évaluation et décider si les conditions sont respectées ou non.
    Aucun subrogé ne prend de décision.
    Merci, madame Downie. Je vais céder le reste de mon temps de parole à M. Maloney.
     Il reste une minute et demie.
    Merci. Ma question s'adresse à la Dre Ferrier.
    Docteure, vous avez dit que le consentement anticipé ne peut jamais être pleinement éclairé. Le consentement éclairé est une notion juridique conçue pour protéger un patient, si je comprends bien. On peut soutenir que personne ne peut être pleinement informé lorsqu'il donne son consentement en cas de problèmes médicaux, mais il fait de son mieux. Ce n'est guère différent dans le cas qui nous occupe.
    Ma question, docteure, porte sur la situation suivante: j'ai une maladie terminale que je sais incurable. Je n'ai pas peur de mourir, mais de vivre dans un état misérable. Si l'un des facteurs dont je tiens compte pour décider de donner mon consentement anticipé est que je ne pourrai pas communiquer le moment venu, n'est‑ce pas un consentement éclairé? Je prends les faits en considération. Je suis tout à fait au courant des circonstances et de ce qu'elles pourraient être.
    Théoriquement, on vous informe de ce que pourrait être l'expérience de la démence pour vous.
    Non, docteure. J'ai un cancer en phase terminale et je sais que je vais mourir. Je sais que je pourrais me trouver dans une situation où je n'aurai pas forcément la capacité cognitive de changer d'avis, mais j'ai décidé d'exclure la possibilité de changer d'avis et je sais que je ne veux pas vivre dans un état misérable. N'est‑ce pas là un consentement éclairé?
     C'est déjà légal, d'une part. Ce n'est pas ce dont nous parlons ici, je ne crois pas, mais...
    Non, non; vous parlez d'une directive anticipée par opposition à une instruction préalable pour l'AMM.
    Mais la dispense de consentement est déjà prévue dans la loi. Vous ne pouvez pas...
    Non. Je parle de la prestation de l'AMM, et non de l'arrêt des services médicaux.
    Oui. Je comprends. C'est ce dont je parle aussi.
    C'est maintenant au tour de M. Thériault, pour cinq minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je vais d'abord m'adresser à la professeure Downie.
    Prenons la situation où une personne qui se trouve dans un processus de dégénérescence cognitive fait une demande anticipée d'aide médicale à mourir. De toute évidence, il arrivera un moment où la personne commencera à perdre ce qu'on appelle les attributs de la vie personnelle, par exemple la conscience de soi et la capacité relationnelle, à quoi s'ajoutera de la souffrance existentielle. Lorsqu'elle sera rendue au stade terminal de la maladie, par exemple la maladie d'Alzheimer, la personne se trouvera dans un état de vie biologique, un état plutôt végétatif.
    Dans un contexte où une demande anticipée a été faite, faut-il attendre que le patient ait atteint cet état ultime pour considérer comme moralement acceptable l'aide médicale à mourir, ou celle-ci peut-elle être administrée à un stade précédent de la maladie, en fonction des critères que le patient aura lui-même définis?
(2010)

[Traduction]

    Je crois absolument qu'il appartient à la personne de déterminer ce qui constitue des souffrances durables, intolérables et irrémédiables pour elle. Il est très clair qu'il peut s'agir de souffrances physiques, psychologiques ou existentielles. C'est à la personne de décider de ce que ce sera et de l'énoncer ensuite très soigneusement, de sorte que lorsqu'elle n'aura plus ses capacités et ne sera plus apte à prendre des décisions pour elle-même, cette demande écrite pourra parler en son nom.
    Il n'est pas nécessaire que ce soit au stade terminal. Les gens peuvent considérer que des souffrances intolérables surviennent beaucoup plus tôt qu'au stade terminal de la démence, par exemple. Ils sont autorisés à prendre cette décision.

[Français]

    Oui, effectivement. Il peut arriver qu'une personne atteinte de démence survive très longtemps après avoir atteint le stade terminal de sa maladie et que, au bout du compte, elle ne meure pas de cette maladie, mais plutôt d'effets collatéraux. C'est d'ailleurs ce qui m'amène à poser ma prochaine question.
    Préconisez-vous deux régimes différents pour couvrir deux types d'affections médicales, soit un régime de demandes anticipées d'aide médicale à mourir et un régime de directives médicales anticipées comme celui que nous avons au Québec?
    Puisque nous n'avons pas beaucoup de temps, j'ajoute tout de suite ma question suivante: est-ce que vous considérez qu'il est nécessaire que le patient ait reçu un diagnostic au préalable?

[Traduction]

    La première chose que je dirais, c'est qu'il ne faut pas mélanger les deux régimes — s'il vous plaît, ne le faites pas — et penser que s'il s'agit de démence, on doit avoir une demande anticipée, et s'il s'agit d'autres affections, avant le diagnostic, il faut passer par le mandat ou les directives anticipées dans toute autre province. Ne les mélangez pas. C'est un enjeu fédéral. Cela relève du Code criminel. L'AMM ne peut être abordée que de cette façon, je crois.
    Vous pourriez avoir deux régimes pour les demandes anticipées en vertu du Code criminel fédéral. L'un serait pour les personnes qui ont reçu un diagnostic de maladie grave et incurable. L'autre pourrait s'appliquer avant le diagnostic. Je pense qu'ils auraient des garanties procédurales différentes. Vous disposez de différentes quantités de renseignements. Ces régimes peuvent s'appliquer à des moments différents. Ils sont beaucoup plus susceptibles d'intervenir à des moments différents si la demande précède le diagnostic, par exemple. Je pourrais donc envisager deux régimes fédéraux, mais je ne vois pas comment l'AMM pourrait être traitée dans le cadre d'un régime provincial de directives anticipées.

[Français]

    Est-ce que vous préconisez l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir de sorte qu'une personne puisse faire une demande avant d'avoir un diagnostic, ou considérez-vous qu'il faut absolument un diagnostic au préalable?

[Traduction]

    Je pense que votre demande est beaucoup plus solide lorsque vous avez reçu un diagnostic de maladie grave et incurable. Vous pouvez répondre à bon nombre des préoccupations que suscitent les demandes anticipées. Si vous ne savez même pas quel sera le diagnostic, comment pouvez-vous vous projeter dans l'avenir et savoir que cela vous causera des souffrances intolérables? Le diagnostic vous permet de mieux prédire l'avenir, et cela aide les gens à se sentir plus à l'aise, et en fait, cela sape certains des arguments contre les demandes anticipées.
    J'ajouterais quelque chose à propos d'une observation que vous avez faite...
     Soyez très brève, madame Downie.
    En ce qui concerne les gens qui n'ont pas encore reçu de diagnostic — et nous avons parlé des accidents vasculaires cérébraux, etc. —, nous devons également informer les patients des solutions autres que l'AMM dans ces circonstances. Cela comprend la sédation palliative et l'arrêt volontaire de manger et de boire. Le Québec a fait un bien meilleur travail en matière de sédation palliative que le reste du Canada. Nous devrions parler de l'ensemble des soins de fin de vie.
(2015)
    C'est maintenant au tour de M. MacGregor, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la coprésidente.
    Madame Downie, je vais poursuivre avec vous.
    C'est vraiment une question de pouvoir personnel et de choix très personnels et difficiles.
    Je dirais que si on en parle avec beaucoup de gens, on doit reconnaître qu'il y a beaucoup de stigmatisation entourant la démence. Les gens ont très peur de recevoir ce diagnostic. Ils ont de sérieuses inquiétudes à l'égard des soins de longue durée. Nous avons vu le pire scénario possible au cours des deux dernières années, et vu à quel point la situation pouvait dégénérer. Le niveau de soins existant suscite des craintes bien réelles.
    L'une des choses qui me préoccupent personnellement, c'est que si nous autorisons un régime dans lequel les demandes anticipées sont faites ou permises, quelles seront, à votre avis, les craintes que les gens éprouveront devant l'absence d'options de soins pour les personnes atteintes de démence? Comment pensez-vous que cela influencera leur décision de présenter une demande anticipée? Comment le Comité peut‑il s'attaquer de façon appropriée à ce problème bien réel?
    Oui, ce problème est bien réel.
    Il y a plusieurs façons de le faire, et il faut d'abord souligner que la stigmatisation va dans les deux sens. Si vous ne permettez pas aux gens de présenter des demandes anticipées, cela revient en quelque sorte à dire qu'on ne peut pas faire confiance aux personnes atteintes de démence pour prendre des décisions pour elles-mêmes à l'avenir parce qu'elles sont trop vulnérables aux pressions externes, etc. Je pense que cela stigmatise les personnes atteintes de démence.
    Deuxièmement, c'est à l'intéressé de décider. Ce n'est pas à la société de dire: « Votre vie en tant que personne atteinte de démence ne vaut pas la peine d'être vécue. » C'est uniquement du ressort de cette personne. Je ne dirais jamais à quelqu'un qui est atteint de démence que sa vie ne vaut pas la peine d'être vécue; il appartient à la personne de dire s'il s'agit de souffrances intolérables. Comme c'est son propre jugement, ce n'est pas de la stigmatisation.
    En ce qui concerne le soutien et les services, c'est l'occasion pour vous d'être audacieux. Il faut être audacieux au sujet des voies parallèles. Vous êtes un comité qui siège à la Chambre et au Sénat. Vous avez des leviers fédéraux pour améliorer le soutien et les services aux personnes handicapées et aux personnes atteintes de maladies mentales. J'ai toujours préconisé des voies parallèles.
    Une personne a accès à l'AMM pendant qu'elle est apte à décider, ou grâce à une demande anticipée. En même temps, nous exerçons d'énormes pressions. Nous mettons les choses en lumière et exigeons des comptes pour améliorer les mesures de soutien et les services dont nous avons désespérément besoin. Les deux voies ne sont pas mutuellement incompatibles. En fait, en ayant une conversation sur l'AMM, nous avons maintenant l'occasion d'écouter une conversation sur le soutien aux personnes handicapées et aux personnes atteintes de maladies mentales au Canada. C'est là où j'espère que le Comité fera preuve d'audace et trouvera des façons d'utiliser les deniers publics fédéraux et les pouvoirs de convocation. Vous avez toutes sortes d'outils. Utilisez-les pour régler les problèmes qui sont mis au jour et auxquels les gens s'intéressent enfin. Ne restreignez pas l'accès à l'AMM, car vous ne devriez jamais tenir des personnes en otages pour régler des problèmes systémiques.
    Pour approfondir la question, il ne s'agit pas seulement de la crainte des gens de recevoir un diagnostic de démence, mais aussi du fait qu'au Canada, de nombreux groupes marginalisés, comme les personnes handicapées et d'autres groupes, ont souffert d'un manque systémique d'accès équitable aux soins de santé tout au long de leur vie.
    Avez-vous quelque chose à ajouter au sujet des craintes très réelles dont ces groupes nous parlent également?
    Je pense qu'ils ont besoin d'entendre les preuves de l'impact sur les populations vulnérables. Ce n'est pas ce qui est présenté. Je vous implore de parler aux auteurs principaux des recherches empiriques qui ont été effectuées aux Pays-Bas, en Belgique et au Canada, et qui n'ont pas démontré cette vulnérabilité. En fait, le manque d'accès à l'AMM de ces populations constitue une vulnérabilité. Ce serait la première chose à faire.
    La deuxième chose que je dirais, c'est que si l'on refuse l'AMM aux gens, cela ne veut pas dire qu'ils auront accès aux mesures de soutien et aux services en question. Il ne leur reste que la vie qu'ils viennent de vous décrire comme une vie de souffrances intolérables. Ils sont laissés à eux-mêmes parce qu'au niveau individuel, on ne leur offrira pas soudainement toutes ces autres options.
    Je réponds à cela: « Nous comprenons vos préoccupations. » Pour revenir à ce que j'ai dit plus tôt, « Vous avez raison d'être mécontents de la façon dont le Canada et les provinces vous ont soutenu, mais ne craignez pas que cela vous mette en danger. » Permettre l'accès à l'AMM au moyen de demandes anticipées ou de la disposition de temporarisation ne causera pas cela.
(2020)
     Merci, madame Downie.
    Je vais maintenant céder la parole au coprésident pour qu'il réponde aux questions des sénateurs.
     Merci, sénatrice Martin.
    Nous allons passer aux sénateurs. Ce sont des tours de trois minutes, et nous allons commencer par le sénateur Kutcher.
    Allez‑y, sénateur Kutcher.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Avant de commencer mes trois minutes, j'aimerais demander à la Dre Ferrier de nous fournir des éléments de preuve concernant la maltraitance des aînés par la falsification des directives anticipées dont elle a parlé. Nous aimerions voir la recherche à ce sujet, s'il vous plaît.
    Ces questions s'adressent à Mme Downie.
    Nous avons entendu des opinions selon lesquelles un clinicien ou une tierce partie devrait définir ce qu'est un problème de santé irrémédiable pour un patient. D'autres sont d'avis que c'est le patient qui détermine ce qu'est pour lui un problème de santé irrémédiable. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Ma deuxième question est la suivante. Nous avons entendu l'opinion selon laquelle les procédures ou les mesures de sauvegarde ne peuvent pas rassurer la société en ce qui concerne le traitement des demandes anticipées. Qu'en pensez-vous?
    En ce qui concerne l'irrémédiabilité, deux choses se passent.
    L'une concerne le patient et l'autre, le clinicien. Le patient décide des traitements, s'il y en a, qu'il est prêt à essayer. Ensuite, le clinicien dit: « Voici mon opinion quant à savoir si cela marchera ou non. » C'est un choix clinique, mais pour la personne qui veut suivre le traitement, c'est un choix moral et personnel.
    Nous devons penser à l'incurabilité de la même façon. Nous devons considérer l'un et l'autre comme ayant des rôles différents et limiter chacun à son propre champ d'expertise. Le patient a l'expertise de ce qui constitue la souffrance pour lui, de ce que sont ses valeurs et de ce qui leur donne un sens. Le clinicien a une expertise sur ce qu'un traitement peut faire pour cette maladie, sa trajectoire, etc.
    En ce qui concerne les mesures de sauvegarde, je dirais que nous n'avons pas de preuve que le risque dont vous avez parlé existe, en partie parce que je n'ai pas vu les preuves de ce qui a été décrit comme étant des préjudices et des abus. Je ne crois pas que ce soit le cas. C'est la façon dont les gens voient les choses. Je pense qu'avec des garanties, nous pouvons absolument le faire.
    L'autre chose que je dirais, c'est que nous le faisons déjà. Si nous pensons que nous n'avons pas de mesures de sauvegarde adéquates, nous devons alors changer toute une série d'autres choses que nous faisons, y compris les directives anticipées, la prise de décisions au nom d'autrui dans les unités de soins intensifs et les dispenses de consentement final. Tout cela repose sur des mesures de sauvegarde adéquates. Ces mêmes mesures de sauvegarde feront l'affaire si elles sont améliorées.
    Avez-vous terminé, sénateur Kutcher?
    Oui. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Madame Mégie, vous avez la parole pour trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous.
    Ma question s'adresse à Me Downie.
    En quoi la demande anticipée d'aide médicale à mourir et les directives médicales anticipées sont-elles semblables ou différentes en vertu des régimes provinciaux et territoriaux actuels?
    Si les demandes d'aide médicale à mourir étaient autorisées après un diagnostic de démence ou sans diagnostic, en quoi les cadres réglementaires respectifs différeraient-ils?

[Traduction]

    Les directives anticipées sont autorisées au niveau provincial ou territorial. Elles portent en grande partie sur le refus ou l'arrêt des traitements; les gens peuvent décider maintenant quelles décisions de traitement ils veulent prendre et comment ils veulent qu'elles soient prises à l'avenir s'ils perdent leur aptitude à prendre des décisions.
    Il est important de noter que cela revêt deux formes, soit l'instruction et la procuration. L'instruction, c'est quand je dis: « Voici ce que j'ai décidé. » C'est consigné par écrit. Je vous dis ce que je souhaite. La procuration, c'est quand je dis: « Je veux que ma sœur prenne des décisions en mon nom. » Aucun des partisans des demandes anticipées d'AMM ne suggère d'avoir des directives par procuration. Nous n'aurions que les instructions. C'est le contexte provincial.
    Le contexte des demandes anticipées est fédéral. C'est prévu dans le Code criminel. C'est seulement pour l'AMM. Il s'agit seulement d'une demande écrite élaborée et signée dans le contexte d'une relation établie entre le clinicien et le patient — probablement de multiples cliniciens — au fil du temps; la personne est pleinement informée et tous les critères d'admissibilité à l'AMM sont vérifiés, comme le caractère volontaire de la demande, le fait d'avoir l'information, etc.
    Ces demandes couvrent différentes interventions en matière de soins de santé et sont régies par des règles différentes. Elles sont réglementées de différentes façons, parce qu'au niveau fédéral, elles sont réglementées par le gouvernement fédéral et au niveau provincial, elles le sont par les provinces, par les collèges de médecins, etc.
(2025)

[Français]

    Est-ce qu'il me reste du temps pour poser une brève question à la Dre MacDonald?
    Il vous reste 45 secondes.
    Docteure MacDonald, pouvez-vous me dire brièvement où se situe l'approche palliative dans le contexte de la fin de vie d'une personne démente?
    Je sais que vous travaillez avec ces personnes.

[Traduction]

     Oui.
    Une partie du processus de fin de vie consiste à s'assurer que les patients sont au courant de leurs options et des choix qui s'offrent à eux. Cela signifie qu'il faut comprendre la nature de leur maladie, ce qu'ils peuvent attendre de la maladie, la façon dont elle va évoluer, le genre de symptômes qu'ils sont susceptibles d'éprouver et ensuite, du point de vue du clinicien, ce qu'on peut leur offrir pour aider à traiter chacun de ces symptômes.
    C'est pourquoi j'ai dit tout à l'heure que les patients ignorent souvent que l'AMM est un des choix possibles. Nous en savons beaucoup à ce sujet parce que nous y consacrons beaucoup d'énergie et que nous sommes tous ici pour en parler, mais le patient moyen — vous seriez surpris — ne sait même pas que c'est une possibilité, et beaucoup de cliniciens attendent que le patient prononce le mot « euthanasie » à voix basse pour en parler.
    Ce n'est pas un consentement éclairé lorsque les patients n'ont pas tous les renseignements dont ils ont besoin pour choisir ce qui leur convient. Les gens ont besoin de temps pour réfléchir à toutes les options.
     Merci, docteure MacDonald.
    Sénatrice Wallin, vous avez trois minutes.
    Merci beaucoup.
    J'ai une question pour Mme Downie, mais je vais d'abord lui demander de clarifier quelque chose que j'ai lu dans le compte rendu de nos réunions. Je pense que c'était une question à un témoin. La voici.
la Cour suprême du Canada a déclaré sans équivoque trois fois dans l'arrêt Carter que l'aide médicale à mourir ne peut être fournie que si le patient donne un consentement clair. [...] Compte tenu de la décision de la Cour suprême, croyez-vous qu'une directive anticipée puisse être une véritable expression de consentement libre et éclairé comme le veut l'arrêt Carter?
    C'était la citation.
    Pourriez-vous préciser si c'était votre interprétation de l'arrêt Carter en ce qui concerne le consentement préalable? J'ai ensuite une question au sujet de... En fait, répondez à cela, s'il vous plaît.
    C'est tout simplement faux. Ce n'est pas ce que la Cour suprême du Canada a dit.
     La Cour suprême du Canada a dit qu'une interdiction est nulle si elle empêche une personne d'avoir accès à l'AMM alors qu'elle y consent clairement. Ce n'est pas la même chose que de dire que l'AMM n'est permise que lorsque quelqu'un y consent clairement. Les juges ont répondu à la question qui leur avait été posée qui portait sur les gens clairement consentants. Ils ont dit que si vous empêchez des gens qui peuvent clairement donner leur consentement d'y avoir accès, vous contrevenez à la Charte. Cela ne dit rien sur ce que doivent être les exigences.
    C'est ce que j'ai entendu plus tôt aujourd'hui, en fait, et c'est ce qu'a dit un autre témoin. Je trouve cela bizarre.
    Merci de cette précision. Je pense que c'est extrêmement important. Je sais que vous avez des préoccupations au sujet des demandes préalables au diagnostic.
    J'ai deux brèves observations à faire. Premièrement, une fois qu'ils ont reçu leur diagnostic, je suppose que les gens pourraient contester votre compétence. Plus important encore, est‑ce qu'un historique détaillant une demande anticipée et des préoccupations au sujet d'une vie prolongée dans des souffrances intolérables, selon la définition du patient, ne serait pas utile pour évaluer si la demande postérieure au diagnostic était valide?
(2030)
    Absolument. Je pense que plus vous parlez longtemps de ce que la personne désire, mieux vous êtes en mesure de comprendre la demande et, plus important encore, la demande est mieux formulée.
    Ce que nous ne voulons pas, c'est le genre de situation que la Dre Ferrier a mentionnée, c'est‑à‑dire que quelqu'un dise ne pas vouloir être un légume. Nous ne pouvons pas travailler avec cela. Il faut que ce soit très clair. Nous devons comprendre les valeurs et les significations qui sous-tendent les demandes.
    C'est ce que disait la Dre MacDonald au sujet de l'éducation.
    Absolument. Oui. Avec le temps, c'est vrai.
    Si je suis entièrement d'accord après un diagnostic grave, et je semble peut-être plus tiède avant le diagnostic, c'est en partie parce que j'ai des doutes. Je pense que c'est absolument défendable du point de vue de la politique publique, mais qu'en fait, il faut que ce soit après le diagnostic en raison des rapports qui ont été produits, de l'opinion publique, des cliniciens, de tout cela.
    D'un point de vue philosophique personnel, je pourrais envisager des demandes anticipées avant le diagnostic; je pense que nous pouvons régler ces problèmes. Cependant, j'essaie de vous présenter ce que je pense être les meilleurs arguments en matière de politique publique à l'heure actuelle, et je sais que l'on compte vraiment sur le travail des comités et des groupes d'experts précédents.
     Merci.
     Je vous remercie également de ces précisions.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Sénateur Dalphond, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Ma question s'adresse à Mme Downie.
    Nous sommes tous d'accord pour dire que les demandes anticipées devraient être présentées dans le cas d'une affection irrémédiable, et cela devrait être bien défini. Ce qui semble embêter certaines personnes, c'est la notion de « souffrances intolérables ». Vous dites que lorsque vous perdez vos capacités, vous ne souffrez pas toujours de votre nouvelle situation. Nous devrions peut-être parler d'une affection irrémédiable, d'une affection qui, aux yeux de la personne, est irrémédiable et inacceptable. Ne serait‑ce pas mieux que de parler de « souffrances intolérables »?
    Je pense que l'on peut certainement avancer cet argument sur le plan conceptuel. Les gens peuvent s'inquiéter de ce qui les attend. C'est pourquoi j'ai tendance à m'en tenir au langage consistant à dire que c'est à la personne de décider de ce qui constitue des « souffrances intolérables », alors du point de vue de la politique publique, je préconiserais de parler de « souffrances intolérables ».
     D'un point de vue philosophique, je suis tout à fait d'accord avec vous. Sous quelles conditions pouvez-vous décider qu'à l'avenir, lorsque vous ne serez plus apte, vous voulez que votre vie se termine parce que votre état de santé sera inacceptable?
    Derrière cela, il y aura les principes d'autonomie et le droit à la dignité...
    Mme Jocelyn Downie: Oui.
    L'hon. Pierre Dalphond: ... au lieu de retirer « souffrances intolérables ». Certaines personnes en sont au stade 7, mais elles ne souffrent pas. Elles ne sont plus les personnes qu'elles étaient, mais elles ne souffrent pas forcément, selon ceux qui les observent.
    Oui. Je pense qu'au stade terminal, on peut encore dire qu'elles souffrent selon leur conception de la souffrance, parce que c'est une souffrance existentielle.
     Je pense que la situation à laquelle s'appliquerait ce que vous dites serait probablement l'inconscience. Lorsque vous êtes vraiment inconscient, il est probablement plus difficile de démontrer que vous souffrez, mais vous pourriez dire: « J'estime inacceptable de continuer à vivre dans de telles conditions, et je demande donc l'AMM. »
    Merci.

[Français]

    Je vais maintenant donner la parole à la sénatrice Martin.

[Traduction]

    Sénatrice Martin, vous avez trois minutes.
     Merci. Ma question s'adresse à la Dre Ferrier.
    Mon collègue parlait de souffrances intolérables. Ma mère souffrait de démence et elle a éprouvé des craintes lorsqu'elle a dû subir une intervention chirurgicale pour sa fracture de la hanche. Je voulais simplement qu'elle ne souffre pas et que ses tourments prennent fin. C'était mon propre point de vue, et pourtant elle s'est remise très vite, et à chaque étape, j'ai vu qu'elle avait une vraie joie de vivre.
    Pourriez-vous nous parler de votre expérience concernant les personnes atteintes de démence et souffrant?
    Oui. Je vous remercie de cette question.
    Je pense que les personnes atteintes de démence souffrent si elles sont mal soignées. C'est comme pour tout le monde. Si vous êtes mal soigné, vous souffrez, et si vous recevez des soins, entouré d'affection et de tout ce dont vous avez besoin, alors, en général, vous ne souffrez pas. Il y a des symptômes de démence, comme l'agitation, etc., que nous pouvons généralement gérer. Dans certains cas extrêmes, nous ne le pouvons pas.
    Beaucoup de choses ont été dites au cours de cette réunion au sujet du refus d'être dans la situation d'une personne atteinte de démence. Je pense qu'il y a beaucoup de préjugés. Les gens disent: « Ma souffrance, maintenant, c'est de me voir dans la situation de ces gens qui sont dans les maisons de soins infirmiers, et je ne veux pas que cela m'arrive. » Cela me met très mal à l'aise.
     Je ne vois pas mes patients souffrir; j'ai vu beaucoup de patients atteints de démence, et c'est très rare. Bien sûr, vous connaissez des moments difficiles, et bien sûr, nous réparons les hanches parce que cela fait marcher les gens à nouveau. Nous n'envoyons pas toujours à l'urgence les gens soignés dans les maisons de soins infirmiers. S'ils ont de la fièvre, nous pouvons les traiter sur place, même s'ils meurent plus tôt de l'infection qu'ils ont, parce que le stress d'aller à l'urgence serait terrible pour eux. Cela les rendrait encore plus confus. Ils attendraient peut-être des heures sur une civière.
     Il y a beaucoup de choses qui peuvent causer de la souffrance à une personne atteinte de démence, mais nous n'avons pas à faire toutes sortes de choses. Nous faisons ce que nous croyons être dans leur intérêt et qui les rassure. Nous n'allons pas leur faire subir un triple pontage cardiaque. Nous n'allons pas faire un grand nombre des choses qu'une personne ayant une cognition normale pourrait subir beaucoup plus facilement parce qu'elle comprend ce qui se passe.
    Je pense que la notion de souffrance est très subjective. Je suis troublée d'entendre les gens parler de mes patients en employant beaucoup des termes qui ont été utilisés ce soir et dire qu'ils ne veulent pas être comme ça.
(2035)
     Merci, monsieur le coprésident.
     Vous avez eu 30 secondes, mais je vous remercie, sénatrice Martin.
    Je remercie tous les témoins de ce soir de leur expertise, de leurs témoignages et de leurs réponses à nos questions. Nous vous en sommes très reconnaissants, madame Downie, docteure Ferrier et docteure MacDonald. C'est une heure tardive pour certains d'entre vous sur la côte Est, alors nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de vous joindre à nous ce soir. Votre contribution est très importante pour nos délibérations.
    Merci.
    Sur ce, nous allons suspendre la séance pendant quelques instants pour nous préparer à accueillir le prochain groupe de témoins. Merci.
(2035)

(2040)
     Nous reprenons nos travaux.
    Bienvenue aux témoins. Je vais prendre une minute pour dire quelques mots.
    Tout d'abord, avant de prendre la parole, veuillez attendre que l'un des coprésidents vous donne la parole en vous désignant par votre nom.
    Deuxièmement, je vous rappelle que toutes les remarques doivent s'adresser aux coprésidents. Lorsque vous avez la parole, parlez lentement et clairement. Ceci concerne les interprètes. L'interprétation de cette vidéoconférence fonctionnera comme pour les réunions en présentiel du Comité. Au bas de l'écran, vous avez le choix entre le parquet, l'anglais et le français. Lorsque vous ne parlez pas, veuillez mettre votre microphone en sourdine.
    Sur ce, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos trois témoins de ce soir.
    Nous accueillons, à titre personnel, la Dre Romayne Gallagher, professeure clinicienne en médecine palliative à l'Université de Colombie-Britannique; la Dre Lilian Thorpe, professeure à l'Université de la Saskatchewan; et nous avons... Je devrais peut-être le dire en français.

[Français]

    Nous accueillons également le Dr Laurent Boisvert, qui est médecin.

[Traduction]

    Merci de vous joindre à nous.
    Nous allons commencer par la déclaration préliminaire des trois témoins. Vous aurez chacun cinq minutes. Essayez de vous en tenir à ces cinq minutes. Nous allons commencer par la Dre Gallagher, suivie de la Dre Thorpe, puis du Dr Boisvert.
    Docteure Gallagher, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je suis médecin à la retraite et j'ai plus de 25 ans d'expérience dans la prestation de soins palliatifs dans tous les lieux de soins. J'ai été médecin traitante et consultante en soins palliatifs auprès de personnes atteintes de démence, ainsi que médecin directrice des soins de longue durée et médecin leader en soins palliatifs universitaires.
    J'ai pris soin de ma voisine âgée qui voulait rester dans sa maison, où elle vivait seule, malgré sa démence. Elle n'avait ni enfant ni conjoint, alors nous étions sa famille. J'ai été sa mandataire pendant les quatre dernières années de sa vie. Elle est décédée à 96 ans, après avoir vécu dans la même maison depuis l'âge de huit ans.
    En ce qui concerne les demandes anticipées d'aide médicale à mourir, même s'il a été démontré de façon convaincante que nous voulons être en mesure de faire certains choix, la littérature médicale et les sciences sociales nous rappellent que les gens sont incapables de prévoir à quoi ressemblerait leur vie s'ils devenaient gravement malades ou handicapés. Les gens s'adaptent à la maladie et au handicap et adaptent leurs besoins pour avoir une qualité de vie décente. De nombreux problèmes de santé sont longs et imprévisibles. Les tendances suicidaires causées par ces troubles peuvent durer longtemps.
    Dans les administrations où les demandes anticipées sont permises, les médecins ont de la difficulté à suivre des directives anticipées pour accélérer la mort parce qu'ils ne peuvent pas obtenir une réaffirmation du consentement et ne peuvent pas établir la souffrance actuelle. Les membres de la famille ont les mêmes difficultés et trouvent que c'est un fardeau.
    Je vais centrer mon propos sur la souffrance des personnes atteintes de démence.
    Les personnes atteintes de démence peuvent évaluer elles-mêmes leur qualité de vie. Nous savons qu'elles l'évaluent constamment, plus que leurs aidants naturels. Les capacités cognitives ont peu d'incidence sur leur qualité de vie, mais les bonnes relations, l'engagement social et les croyances spirituelles et religieuses aident à maintenir la qualité de vie. Nous savons cependant que la perte de capacité fonctionnelle, la douleur et la dépression peuvent réduire la qualité de vie.
    Une étude de 2018 sur l'expérience vécue de plus de 600 personnes atteintes de démence a révélé l'importance de leur environnement physique et des personnes avec lesquelles elles interagissent. Un environnement positif permet aux personnes atteintes de démence de continuer à participer à la vie, et cela inclut des aidants qui facilitent le maintien du contrôle et d'un sentiment d'utilité. Grâce à des environnements physiques adaptés comme les villages de démence, les personnes atteintes de démence peuvent continuer à sortir et à exprimer leur identité émotionnelle, relationnelle, spirituelle et créative.
    La technologie peut également aider à leur rappeler leur identité et leurs souvenirs. La peur de perdre leurs capacités et le contrôle de leur vie peut leur être évitée parce qu'elles sont encore reconnues et traitées comme des personnes.
    Le Dr Tom Kitwood a fait de la recherche sur la démence et le maintien de l'identité individuelle. Il a conclu que l'identité individuelle est « un statut conféré à un être humain par d'autres... Cela implique la reconnaissance, le respect et la confiance. » Il a décrit comment nos actions minent l'identité d'une personne atteinte de démence. Il s'agit, par exemple, de converser avec les autres comme si la personne atteinte de démence n'était pas présente, d'infantiliser et déresponsabiliser la personne en ne lui permettant pas de se promener sans surveillance, de traiter les gens comme des objets et de leur enlever le contrôle de chaque décision. C'est le comportement de notre société qui contribue à la souffrance des personnes atteintes de démence et qui alimente la stigmatisation à l'appui de l'idée qu'avec la démence, une personne meurt à l'intérieur d'un corps vivant.
    Ceux qui ont de l'argent peuvent acheter des environnements adaptés avec des soins de soutien. Si on permet les demandes anticipées, ceux qui n'ont pas les moyens de s'adapter n'auront qu'une illusion de choix. Ils choisiront des soins dépersonnalisants ou l'AMM.
    Il est essentiel d'adopter une approche palliative des soins axée sur le maintien de la qualité de vie et la prestation de soins qui répondent aux préférences des gens. Pourtant, une étude de l'ICIS menée en 2017 a révélé que seulement une personne atteinte de démence sur 20 reçoit des soins palliatifs.
    J'ai rédigé un mémoire à l'intention du Comité dans lequel j'affirme que les personnes qui souffrent sans avoir accès à des soins palliatifs de qualité ou qui ne les reçoivent qu'après avoir demandé l'AMM constituent une erreur médicale. L'erreur n'est pas qu'elles reçoivent l'AMM, car la personne peut répondre à toutes les exigences. L'erreur d'omission se produit dans les mois qui ont précédé, lorsque la douleur, l'essoufflement, l'anxiété et le sentiment d'être un fardeau pour les autres ont commencé, mais n'ont pas été reconnus et traités. C'est une erreur, car nous savons que les soins palliatifs peuvent aider à améliorer la qualité de vie.
(2045)
    Toutes les organisations oeuvrant dans le domaine des maladies chroniques recommandent un accès rapide aux soins palliatifs. J'aimerais que l'un d'entre vous me demande comment le gouvernement fédéral pourrait améliorer l'accès aux soins palliatifs.
     Merci, docteure. Vous devez conclure.
    D'accord.
    Le Parlement a voté trois fois en faveur du financement d'une stratégie de soins palliatifs. Nous sommes en 2022, et sa mise en œuvre n'est pas encore faite. Les Canadiens souffriront de maladies limitant l'espérance de vie, qu'ils aient accès à l'AMM à mourir ou qu'ils en meurent naturellement. Ils comptent sur vous tous pour assurer des soins palliatifs de qualité en temps opportun et pour veiller à ce qu'ils soient offerts à tous les Canadiens.
    Merci.
    Merci, docteure Gallagher. Nous passons maintenant à la Dre Thorpe.
    Docteure Thorpe, vous avez cinq minutes.
    Merci pour les excellents exposés que j'ai entendus jusqu'à maintenant.
    J'aimerais dire que je suis psychiatre gériatrique. Je vois des personnes atteintes de démence et je travaille auprès d'elles. Je suis tout à fait d'accord avec bon nombre des observations qui ont été faites au sujet de l'individualité et du développement d'environnements où les gens peuvent vivre une vie productive et de qualité, même en cas de démence.
    Je pense qu'il est très clair que la plupart des gens que je connais veulent avoir accès aux demandes anticipées d'AMM. Je pense aussi que ce sera très difficile. Nous allons devoir réfléchir sérieusement à ces lignes directrices et à la façon dont nous allons procéder.
    Tout d'abord, les gens changent vraiment. Je vois des patients à l'hôpital, dans mon service de consultation qui, il y a des années, ont donné une directive anticipée qui n'est souvent plus ce qu'ils désirent. Ils disent: « C'était à ce moment‑là, mais plus maintenant. »
    Les gens changent. Ils ne comprennent pas nécessairement ce à quoi ils s'adaptent au fil du temps, et c'est ce dont la Dre Gallagher a parlé. Beaucoup changent vraiment et s'adaptent à des étapes de leur vie, comme la démence, auxquelles ils ne s'attendaient pas auparavant.
    Ces personnes ne sont pas nécessairement celles qu'elles étaient lorsqu'elles ont fait cette demande. Je pense que dans la vraie vie, nous cherchons à établir un équilibre entre la personne actuelle et tous ses besoins. Une personne atteinte de démence a besoin de beaucoup d'aide pour ce qu'elle voulait auparavant. C'est une question d'équilibre. Cet équilibre fait souvent l'objet de discussions au sein d'un groupe mixte de gens qui réfléchissent ensuite à toutes les questions qui doivent être prises en considération pour prendre une décision très complexe.
    Sur le plan pratique, je pense que dans certains cas, il sera assez simple d'approuver une demande anticipée si la personne a encore la capacité de dire ce qu'elle veut. J'ai mentionné que j'ai vu près de 700 évaluations de demandes d'AMM. J'évalue et je fournis l'AMM. Bon nombre de mes patients atteints de démence à un stade précoce ont encore une certaine aptitude à dire ce qu'ils veulent. Certains disent qu'ils veulent avoir accès à l'AMM. Lorsqu'ils en sont aux premières phases, même s'ils n'ont pas donné un consentement pleinement éclairé, leur demande peut être acceptée. Je pense que nous pouvons nous occuper de ceux‑là.
    Il y a des gens qui sont dans un état végétatif chronique vers la fin. Ils ne souffrent peut-être plus, mais nous trouvons que c'est raisonnablement faisable pour nous en tant que fournisseurs de soins. Cela nous semble acceptable.
    Le problème se pose pour les gens qui ont une perte graduelle de leur capacité et de la conscience de leur état. Mes patients me disent souvent: « En fait, je ne me sens plus si mal. Je ne suis même plus certain d'être atteint de démence », à mesure que la maladie progresse. Ils peuvent apprécier leur environnement. Ils ne centrent plus leur attention sur la progression de la démence, parce qu'ils ne savent plus vraiment qu'ils en sont atteints. Il est très difficile pour nous de faire face à ces cas, comme à ceux des patients qui manifestent beaucoup d'agitation et de résistance. Il est même difficile de les convaincre de prendre leurs médicaments, sans même parler des grandes quantités de médicaments administrés par voie orale pour l'AMM, ou de commencer une injection intraveineuse pour l'AMM. C'est très difficile, et très traumatisant pour les membres de la famille et les fournisseurs de soins.
    J'ai un certain nombre de suggestions et je les ai incluses dans mon rapport écrit. Je pense que dans des situations simples, comme lorsqu'une personne laisse constamment entendre qu'elle souhaite mourir, comme cela arrive parfois, ou lorsqu'elle est dans un état végétatif chronique et que sa demande anticipée est suffisamment détaillée pour appuyer la situation, ces demandes pourraient être approuvées par les évaluateurs de l'AMM habituellement formés et objectifs.
    Cependant, il y a des situations beaucoup plus complexes où il n'y a pas de communication cohérente de la part d'une personne qui dit vouloir mourir, ou lorsqu'il y a beaucoup de conflits entre les membres de la famille quant à savoir si la demande anticipée est vraiment cohérente dans la situation actuelle. Dans ces cas‑là, je pense qu'il faut un processus très différent incluant des consultations avec certains d'entre nous, tels que les psychiatres gériatriques comme moi, les gériatres, les psychologues, etc. J'aimerais voir des preuves de souffrances constantes et importantes, et aucune preuve que la personne continue de profiter de la vie. Si une personne garde la joie de vivre et de faire des activités, je me sentirais très mal à l'aise en tant que fournisseur d'AMM. J'aimerais que les patients n'opposent pas de résistance à l'évaluation ou à la prestation de l'AMM, en essayant d'empêcher la perfusion ou en refusant de prendre des médicaments oraux. Je ne pense pas qu'un seul d'entre nous se sentirait à l'aise dans ces circonstances.
    Cela veut dire, je pense, que nous avons besoin de réunions interactives entre l'équipe de soins, les membres de la famille, les mandataires du secteur de la santé et les évaluateurs de l'AMM, et de nous pencher sur ces questions. Il y a peut-être là un problème d'éthique. Il y a peut-être un certain nombre de personnes, pas seulement une ou deux, qui prennent ces décisions complexes. Les travailleurs sociaux sont peut-être là pour aider les membres de la famille qui sont très en détresse.
(2050)
     Je dirais simplement que nous avons une dispense de consentement final. J'ai eu deux filles qui sanglotaient en parlant de cette dispense, parce qu'elles disaient qu'elles auraient l'impression de tuer leur père. Les patients qui ont eu des relations conflictuelles avec des membres de leur famille sont les plus bouleversés par cette situation. Il faut aussi qu'un comité de fin de vie dûment constitué puisse examiner les cas complexes. Ce sera très difficile, et nous allons avoir beaucoup de discussions à ce sujet.
    C'est ce que j'avais à dire. Je suis désolée. C'est très concret. Je ne pourrai pas vous donner tous les détails concernant les autres pays. Je vous parle de moi en tant que psychiatre gériatrique qui voit des patients tous les jours. Je voulais parler de ces aspects pratiques.
    Merci de m'avoir invitée.
(2055)
     Merci, docteure Thorpe.

[Français]

    Docteur Boisvert, vous avez maintenant la parole pour cinq minutes.
    J'aimerais d'abord remercier le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir de m'avoir invité à témoigner dans le cadre de ses travaux afin d'aborder la question des demandes anticipées dans le contexte de l'aide médicale à mourir.
    Je m'appelle Laurent Boisvert et je suis médecin spécialiste en médecine familiale. J'ai exercé la médecine en tant qu'omnipraticien et urgentiste pendant 35 ans et en tant que professeur au centre affilié universitaire, sur la Rive‑Sud de Montréal.
    Dès l'entrée en vigueur de la Loi concernant les soins de fin au Québec, en 2015, je me suis assuré que l'aide médicale à mourir était disponible aussi bien en établissement que hors établissement. Je pratique donc activement l'aide médicale à mourir depuis sept ans, ce qui représente près de 400 cas d'euthanasie.
    Afin d'aborder la question des demandes anticipées, j'aimerais vous présenter deux cas de personnes atteintes de démence.
    Je vous présente d'abord le cas de M. Yves Monette. Je me permets de nommer ce malade, puisque son histoire a été abondement médiatisée. M. Monette était atteint de dégénérescence fronto-temporale, qui entraînait des symptômes variés et atypiques. En plus de perdre la maîtrise de ses membres de façon transitoire, il pouvait parfois prendre sa douche tout habillé ou encore aller marcher dehors en camisole. Autrefois un homme très actif et enjoué, entraîneur d'arts martiaux et gardien de sécurité, il était maintenant un malade isolé et incapable de se réaliser. La vie était devenue insignifiante à ses yeux. Il a demandé l'aide médicale à mourir à de multiples reprises, mais, dans le contexte législatif de l'époque, c'est-à-dire avant mars 2021, il n'y était pas admissible. La maladie lui rendait toutefois la vie de plus en plus difficile.
    Je l'ai donc rencontré en avril 2021, à la suite d'un article de presse. Lors de la rencontre, je lui ai confirmé que sa demande était recevable, mais, sa mort n'étant pas raisonnablement prévisible, il y aurait une période d'attente de 90 jours. Il accepte sur le champ, trop heureux de savoir qu'il n'aura plus à subir cette existence plus longtemps. Il demande, dans le même souffle, de faire don de ses organes, étant par ailleurs en excellente forme.
    Nous nous sommes rencontrés à quelques reprises, mais il n'est jamais revenu sur sa décision. Malgré sa démence, il est demeuré apte à réitérer clairement sa demande jusqu'à la toute fin. Ce n'est pas le cas de toutes les personnes atteintes de ce type de maladie, comme nous le verrons dans le deuxième cas.
    Il est décédé sereinement, bien qu'il ait été triste de partir. Il était entouré de plusieurs amis et proches. Il avait revêtu un uniforme prêté par la police de Longueuil et il portait des gants de boxe.
    Je vous présente maintenant le cas de Mme C., une malade de 84 ans. C'est une personne qui a toujours été active et enjouée, elle est mère de famille et elle vit avec son conjoint. Je la rencontre en mai 2021 dans le cadre de sa demande d'aide médicale à mourir.
    L'automne précédent, lors d'une rencontre familiale, les enfants de Mme C. avaient remarqué qu'elle avait des comportements bizarres. Elle était un peu désinhibée, elle qui est particulièrement prude. Elle tenait aussi à l'occasion des propos incohérents, mais cela demeurait subtil. Elle a rencontré son médecin de famille, accompagnée de l'une de ses filles et de son conjoint. À la suite d'examens, elle a reçu un diagnostic de maladie d'Alzheimer, une forme de démence, sans que cela n'ait été une surprise pour personne.
    Au moment où je rencontre la famille, la malade comprend sa maladie et explique pourquoi elle ne veut pas étirer sa vie inutilement jusqu'au moment où elle ne pourra plus être autonome pour mener ses activités de la vie quotidienne et où elle deviendra un fardeau pour son conjoint et sa famille. Elle comprend très bien la nature de sa demande et de ses conséquences irrémédiables, mais elle veut pouvoir profiter de la vie le plus longtemps possible. Elle n'arrête donc pas de date pour recevoir l'aide médicale à mourir.
    J'informe la malade et sa famille de la Loi et de ses contraintes. La malade devra demeurer apte à consentir à l'aide médicale à mourir jusqu'au moment où la décision sera prise d'y recourir. Cela veut dire qu'elle devra être suivie de très près, car, au moment où il deviendra évident qu'elle n'est plus apte à exprimer ses volontés, il faudra procéder à l'aide médicale à mourir. Toutefois, et c'est là le drame, le cadre législatif actuel nous force à voler du temps de qualité à cette malade et à ses proches.
    J'informe donc son médecin de famille de la situation et nous suivons de près la malade, qui est toujours capable d'exprimer clairement ses volontés pendant un certain temps. Toutefois, tout bascule soudainement quelques semaines plus tard. La malade revoit son médecin de famille, accompagnée de ses proches, et elle n'est plus en mesure d'exprimer clairement ses demandes. Elle est confuse, désorientée, et même incohérente. Elle n'est plus apte. En conséquence, elle ne pourra plus avoir recours à l'aide médicale à mourir et elle devra donc subir ce qu'elle ne voulait pas vivre ni faire vivre à ses proches. Sa maladie l'amènera dans un état de déchéance progressive. Ses proches ne reconnaîtront plus la personne qui est devant eux et, dans le pire des cas, ils devront faire face à un individu qui peut être agressif et imprévisible, ou encore à un corps recroquevillé qui n'a plus aucune interaction avec le monde extérieur.
    En ce qui concerne les demandes anticipées, je fais miennes les positions du Dr Alain Naud qui vous ont été présentées ainsi que celles du Collège des médecins du Québec, notamment que la Loi doit permettre à un malade ayant reçu un diagnostic de troubles neurocognitifs ou de démence confirmé de faire une demande d'aide médicale à mourir anticipée. Cette demande contraignante, que personne ne peut remettre en question, devra préciser les critères d'application, c'est-à-dire l'état clinique qui enclenche la procédure. Le malade est la seule personne qui est en mesure de définir ce qui est souffrant ou inacceptable pour elle et ce qui est un déclin tout aussi inacceptable.
    Le régime d'application devrait être défini et établi par les autorités compétentes en matière de soins de santé.
(2100)
    Le régime d'application devra prévoir la possibilité de faire appel à un tiers ou à des tiers désignés par le malade au moment de la rédaction de la demande anticipée. Ces personnes seront responsables d'enclencher la procédure, en concertation avec les équipes soignantes, au moment défini dans la demande.
    En l'absence de proches liés à la demande anticipée, les autorités compétentes devront prévoir un mécanisme de recours pour enclencher la procédure. Au Québec, le curateur public, qui est déjà partie prenante dans les niveaux de soins, pourrait très bien remplir ce rôle.
    Je vous remercie de votre attention et je vous souhaite le courage nécessaire pour faire avancer cette importante question avec la plus grande clairvoyance.
     Je vous remercie, docteur Boisvert.
    Nous allons maintenant passer à la période des questions.
    Je vais laisser la coprésidente, la sénatrice Martin, présider le reste de la réunion.

[Traduction]

    Encore une fois, merci aux témoins.
    Nous allons passer au premier tour de questions des députés.
    Monsieur Cooper, vous avez cinq minutes pour poser vos questions.
    Merci beaucoup, madame la coprésidente, et merci aux témoins.
    Je vais adresser mes questions à la Dre Gallagher.
    Dans le dernier groupe de témoins, Mme Downie a dit qu'il serait illogique de ne pas élargir les demandes anticipées — il y a déjà des demandes anticipées dans le contexte de l'AMM dans certaines circonstances limitées — que les décisions anticipées, y compris celles concernant l'arrêt des traitements qui maintiennent la vie et d'autres interventions médicales sont déjà disponibles pour les patients s'ils le désirent, et que les mesures de sauvegarde en place pour ces décisions anticipées pourraient facilement être adoptées dans le cas des demandes anticipées d'AMM.
    Qu'en pensez-vous, docteure Gallagher? Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Merci beaucoup de la question.
    J'ai entendu ce commentaire. Je pense qu'il y a un énorme défi à relever à cause des choses que j'ai mentionnées dans mes observations. Après 30 ou 40 ans de recherche sur les prévisions efficaces, nous savons que les gens ont tendance à penser que la situation sera toujours pire à l'avenir qu'elle ne le sera en réalité. Nous savons aussi que les gens s'adaptent.
    Je pense que dire: « J'arrive à la fin de ma vie. Je veux l'aide à mourir au cours des prochains jours », n'est pas du tout la même chose que de dire: « Voici ce que je souhaite si je perds mes capacités. » L'espérance de vie moyenne des personnes qui reçoivent un diagnostic de démence est de cinq ans. Dans le cas de l'idée mentionnée par Mme Downie — « Si je ne reconnais pas ma famille pendant deux semaines, vous pouvez mettre fin à mes jours », comment allons-nous obliger les médecins à le faire?
    Ce sera extrêmement difficile à régler. Les gens changent de médecin, de lieu et de province. Ce sera un cauchemar, et je ne vois pas comment l'entente conclue avec un fournisseur de soins pourra durer pendant le long déroulement de la maladie.
    Mme Downie a semblé dire qu'il serait très facile de s'asseoir pour trouver une solution et discuter des souffrances intolérables. Bien sûr, vous n'éprouvez pas encore ces souffrances intolérables, alors vous en discutez à l'avance, sans les vivre. Toutefois, d'après Mme Downie, cela donnera lieu à une demande écrite qui pourra parler au nom du patient sans qu'on ait besoin des conseils d'une tierce partie, parce que tout cela pourra être évalué objectivement pour déterminer si les volontés du patient pourront être respectées.
    Qu'en pensez-vous?
(2105)
    Je pense que ce serait extrêmement difficile. Mon travail dans le domaine des soins de longue durée m'a appris que les gens qui arrivent dans ces établissements survivent souvent plus longtemps qu'on pourrait s'y attendre. Ce sera plus compliqué que vous ne le pensez. Essayer de présenter cela comme un simple échange entre deux personnes est sûrement compliqué.
    Je crois que la Dre Ferrier a mentionné précédemment à quel point la situation est compliquée avec les familles reconstituées, avec des gens qui ont des idées différentes au sujet des testaments, et ainsi de suite. Cela complique vraiment les choses, surtout lorsque les gens ont une relation antérieure tendue avec le patient.
     Merci. Mon temps est écoulé.
    Il vous reste environ 20 secondes.
    Y a‑t‑il autre chose que vous aimeriez ajouter au cours de ces 20 secondes, docteure Gallagher?
    J'espérais que quelqu'un me poserait la question, mais je ne peux pas répondre en 20 secondes.
    Il s'agit de savoir comment nous pourrions améliorer les soins palliatifs parce que, grâce à l'accréditation, nous pourrions élargir les normes et le dépistage de la détresse dans toutes les maladies chroniques. La façon de mettre cela en œuvre, c'est grâce à l'accréditation. Cela ferait une énorme différence.
    Merci, docteure Gallagher.
    Nous passons maintenant à M. Maloney, pour cinq minutes.
    Merci, madame la coprésidente.
     Merci à tous nos témoins. C'est une discussion difficile, mais nous devons nous y attaquer.
    Docteure Gallagher, je vais vous poser une question.
    Vous avez commencé par dire que la littérature démontre que les gens ne sont pas capables de prévoir le changement. Y a‑t‑il un scénario dans lequel vous pensez que les demandes anticipées d'AMM seraient appropriées, ou les excluez-vous complètement?
    J'ai tendance à ne pas me baser sur un seul cas, sur un cas rare ou sur des choses de ce genre. Je pense que nous devons élaborer des politiques qui seront efficaces pour la plupart des Canadiens. Je pense souvent, comme nous le faisons dans les situations médicales lorsque nous parlons d'avantages et de risques, qu'on a fortement tendance à dire: « Bon sang, sortez-moi de là. » J'avais l'habitude de penser ainsi avant d'avoir passé beaucoup de temps dans les établissements de soins de longue durée. J'entrais et je me disais: « Ça a vraiment l'air terrible », mais quand j'ai travaillé là, j'ai trouvé que c'était très différent, alors je...
    Merci, docteure Gallagher. Je ne veux pas vous interrompre, mais je n'ai pas beaucoup de temps.
    La réponse est non. Est‑ce en partie parce que, selon vous, à partir du moment où les gens sont dans un certain état, ils ne sont plus en mesure de donner leur consentement?
    C'est en partie à cause de cela, mais c'est aussi parce qu'ils n'ont peut-être pas le même degré de souffrance et qu'ils se sont peut-être adaptés à leur situation. C'est extrêmement difficile à juger pour quelqu'un d'autre, surtout quand les gens sont incapables de communiquer aussi bien qu'auparavant.
     Je vais poser cette question aux deux autres témoins.
    Pour ce qui est du consentement, le consentement éclairé est un concept juridique. Il est conçu pour protéger les patients, mais nous parlons ici de décisions personnelles réelles que les gens doivent prendre au sujet de leur propre santé. Ma question est la suivante: ne diriez-vous pas que les gens peuvent prendre une décision éclairée lorsqu'ils demandent l'AMM, sachant que lorsqu'il sera temps de l'administrer, ils n'auront pas la capacité de changer d'avis?
    Docteure Thorpe, allez‑y en premier.
    Non, plus le temps s'écoule entre une demande et l'événement lui-même, plus il est difficile d'anticiper comment on se sent et comment on interagit avec le monde.
    Je pense qu'il est possible d'obtenir un consentement éclairé pour une très courte période, mais plus le délai est long, plus vous changez. Je pense qu'il serait très difficile d'obtenir un consentement éclairé. Je crois que cela deviendra un processus décisionnel collaboratif. Je ne pense pas qu'il suffit de prendre ce que quelqu'un décrit comme ce qu'il souhaite et ce que sera sa souffrance, puis de permettre à tout le monde d'agir en conséquence. Je crois que ce serait vraiment compliqué.
    Docteur Boisvert, c'est une bonne transition pour vous, car vous avez parlé d'une patiente atteinte de la maladie d'Alzheimer.
    N'aurait-elle pas été en mesure de vous donner un consentement éclairé et de ne pas se retrouver dans la situation où elle se trouve maintenant dans le scénario que je viens de présenter?
(2110)
    Allez‑y, docteur Boisvert.

[Français]

    Quand j'ai rencontré la malade, elle était effectivement tout à fait capable de définir ce qu'elle voulait vivre et ce qu'elle ne voulait pas vivre. Elle était capable de le définir de façon précise.
    Si la malade avait pu remplir une demande anticipée, nous y aurions inscrit ces précisions. Le nom de la personne désignée, en cas d'inaptitude de la malade, y aurait aussi été consigné. Cette tierce partie aurait été responsable d'enclencher la procédure, soit de faire appliquer l'aide médicale à mourir, selon les critères déjà définis par la malade alors qu'elle était encore apte à le faire. L'équipe soignante, de concert avec la personne désignée, ferait le constat et l'évaluation, comme l'a dit la Dre Downie, puis nous procéderions à l'aide médicale à mourir.

[Traduction]

    Dans ce cas, docteur Boisvert, qui déciderait si les critères ont été respectés ou non?
    Docteur Boisvert, vous avez environ 30 secondes.

[Français]

     Le tiers fait partie de la procédure et connaît les critères définis par le malade quant au déclenchement de la procédure. Cependant, ce sont les cliniciens, soit les deux médecins, parce que nous conservons la même approche, qui doivent établir si les critères sont satisfaits et si la demande devient admissible. Ce sont les cliniciens qui prennent la décision.

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    C'est maintenant au tour de M. Thériault, pour cinq minutes.

[Français]

    Docteur Boisvert, je vous remercie de nous avoir présenté ces deux cas.
    Cela illustre bien les situations dans lesquelles les patients et les médecins se retrouvent.
    Certains témoins nous ont dit qu'il était quasi impossible d'avoir un jugement éclairé quand il s'agit de prendre une décision plusieurs années à l'avance.
    Qu'en pensez-vous?
    Je ne pense pas que ce soit quasi impossible pour une personne qui est apte, qui connaît la situation dans laquelle elle prend cette décision et qui connaît les raisons pour lesquelles elle la prend.
    Elle doit définir les critères et la situation clinique qui va déterminer le moment où cela va se réaliser. La personne fait cette démarche de façon tout à fait libre et éclairée, sachant très bien là où elle s'en va.
    Faut-il qu'un diagnostic ait été établi, docteur Boisvert?
    Je suis tout à fait d'accord avec la Dre Downie à ce sujet. Il ne serait possible de faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir que lorsque le malade aura reçu un diagnostic de troubles neurocognitifs ou de démence confirmé, maladie qui portera atteinte, de façon certaine, à l'aptitude du patient au fil du temps. Le diagnostic devra donc être confirmé pour qu'une personne puisse faire une demande anticipée.
    Les demandes d'aide médicale à mourir seraient-elles donc strictement limitées aux cas de maladies neurocognitives dégénératives?
    En fait, la demande anticipée est faite essentiellement parce que le malade sait qu'il va perdre son aptitude à exprimer ses volontés un jour ou l'autre en raison de sa maladie. Il s'agit effectivement de troubles neurocognitifs dégénératifs.
    Toutefois, cela peut englober d'autres diagnostics. Pensons, par exemple, à la maladie de Parkinson, qui fait partie des troubles neurologiques dégénératifs, mais qui peut donner lieu à un problème cognitif. C'est beaucoup moins fréquent dans les cas de sclérose latérale amyotrophique et de sclérose en plaques, qui n'entraînent généralement pas d'atteintes cognitives chez les malades.
    Cela ne pourrait donc pas couvrir les questions d'AVC, d'anévrisme, et ainsi de suite, qui pourraient créer une incapacité ou une inaptitude.
    Ces problèmes médicaux pourraient-ils être gérés au moyen des directives médicales anticipées?
    Il ne serait pas possible pour quelqu'un qui est bien portant de dire qu'il désire l'aide médicale à mourir dans le cas où il subirait un AVC.
    Présentement, on peut faire une demande médicale anticipée pour préciser, par exemple, que l'on ne veut pas être réanimé si un AVC ou un arrêt cardiaque se produit. Une personne peut vouloir éviter de subir les risques de séquelles découlant d'un tel événement.
    Cela existe déjà, n'est-ce pas?
(2115)
    Les directives médicales anticipées, au Québec, couvrent déjà ce type de cas. Toutefois, le mécanisme est complètement différent, puisque la personne demande à ne pas recevoir de soins.
    Dans le cas d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir, la personne demande à recevoir cette aide lorsque certaines conditions seront remplies.
    À partir du moment où un patient se retrouve en stade terminal, que ce soit parce qu'il souffre de la maladie d'Alzheimer ou de démence, qu'il est recroquevillé sur son lit, par exemple, pourrions-nous considérer que les soins palliatifs, qui sont tout de même des soins, constituent une sorte d'acharnement thérapeutique puisque l'on ne répondrait pas à la demande du malade, que l'on ne respecterait pas sa volonté?
    Parlez-vous d'un cas où le malade aurait fait une demande anticipée d'aide médicale à mourir et où nous ne l'appliquerions pas?
     Oui, c'est cela.
    Dans un tel cas, ce ne serait pas seulement de l'acharnement. Comme je l'ai précisé plus tôt en vous parlant des mesures, l'une d'entre elles n'est pas nécessairement une mesure de sauvegarde. La demande anticipée d'aide médicale à mourir est contraignante et elle ne peut pas être remise en question. Si nous allions à l'encontre de cela, ce serait plus que de l'acharnement.
    Le caractère contraignant est donc fondamental.
    Il est fondamental, en effet.
    Certains témoins nous ont dit que, lorsqu'ils expliquaient à leurs patients quelles étaient les options s'offrant à eux, ceux-ci n'optaient pas pour des solutions comme la demande anticipée.
    Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Merci. Nous n'avons plus de temps pour cette question.
    C'est maintenant au tour de M. MacGregor, pour cinq minutes.

[Français]

    Je faisais allusion au paternalisme médical.

[Traduction]

    Merci, madame la coprésidente.
    Dans sa déclaration préliminaire, la Dre Gallagher nous a dit que les gens ne savent pas vraiment à quoi ressembleront les affections dans l'avenir. De nombreux témoins ont parlé de la difficulté à déterminer le consentement.
    Docteure Thorpe, notre comité ne nous a pas encore distribué votre mémoire, mais nous serons heureux de le lire en détail. Je vous remercie de l'avoir soumis.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez exhorté notre comité à réfléchir très sérieusement aux lignes directrices qui doivent être établies, parce que les gens changent et, dans certains cas, s'adaptent à leurs nouvelles réalités médicales.
    D'un point de vue pratique, pour ce qui est des recommandations que notre comité pourrait faire, si nous autorisons les demandes anticipées d'aide médicale à mourir, pour vous à titre de praticienne, à quelle fréquence voudriez-vous que quelqu'un soit tenu par la loi de revoir ses demandes anticipées afin que nous puissions être certains que... Chaque année, aux deux ans, aux trois ans? Je ne sais pas.
    Est‑ce un aspect que le Comité doit vérifier pour que les gens soient tenus d'examiner leurs demandes anticipées afin de s'assurer que c'est toujours ce qu'ils souhaitent?
    Merci. C'est une bonne question.
    Je pense que cela dépend de ce qui ne va pas chez la personne. Si nous adoptons l'idée de Mme Downie selon laquelle nous n'avons ces données que pour quelqu'un qui a reçu un diagnostic, disons de démence, alors il faudra probablement refaire le processus chaque année, parce qu'il y aura un déclin chaque année, et je pense que c'est ce qui devrait être fait.
    Si l'on n'avait pas l'obligation de poser un diagnostic, ce que je n'exclurais pas en fait... Je pense que certaines personnes ont des antécédents familiaux de démence très grave, et elles pourraient vouloir indiquer ce qu'elles souhaitent après s'être retrouvées, disons, dans un état végétatif chronique. Cela pourrait être très différent. Cela peut prendre cinq ans, mais une fois qu'on est atteint d'une maladie dégénérative chronique, très souvent... C'est encore plus rapide dans le cas, par exemple, de la maladie de Creutzfeldt‑Jakob qui progresse très rapidement. Je pense qu'il y a beaucoup de choses très particulières au contexte auxquelles nous devons réfléchir très sérieusement.
     Je ne pense pas que ce soit faisable, et je ne dis pas que nous ne devrions pas avoir de demandes anticipées. Je dis simplement que nous devons vraiment réfléchir à la question et aux aspects pratiques pour ceux et celles d'entre nous qui finiront par voir quelqu'un qui ne reconnaît plus les membres de sa famille, tout en continuant de profiter de la vie. Comment allons-nous procéder? Allons-nous les retenir? Je ne vois aucun d'entre nous faire cela.
(2120)
    En votre qualité de médecin, souhaiteriez-vous un type de demande normalisé, qui préciserait le strict minimum des détails requis sur un formulaire et qui devrait aussi être accompagné d'une note personnelle pour mieux remplir les espaces vides que le formulaire peut présenter? Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Tout à fait, et vous savez quoi? Mme Downie en a parlé. Il sera vraiment important de savoir exactement ce que cette personne souhaite à ce moment‑là.
     Il est également important que cette personne rencontre quelqu'un de bien informé, un médecin ou une infirmière, qui sait à quoi ressemble la démence, et que ce spécialiste renseigne le fait que la personne comprend vraiment ce dont il lui parle à ce moment‑là. Il se peut que cette personne ne comprenne pas tout à fait ce qui se passera dans 20 ans, mais au moins nous aurons la preuve qu'elle a eu une discussion avec quelqu'un pour réfléchir à toutes les questions. Je pense que les gens signent très souvent des choses qu'ils ne comprennent pas. C'est très courant.
     Pour ce qui est de savoir exactement à quoi ressemble la démence, nous avons souvent entendu parler au Comité de la stigmatisation dont sont victimes de nombreuses personnes qui peuvent se dire: « Oh, mon Dieu, avec un diagnostic d'Alzheimer, ma vie serait essentiellement terminée. » Il suffit d'examiner l'état des soins de longue durée au Canada, pour voir que cette crainte est fondée.
    Dans vos conversations, comment cela s'est‑il passé pour vous, sur le plan pratique, face à ces questions et ces craintes très réelles que les gens ont?
     Il vous reste une trentaine de secondes.
    Nous disons que la démence est toujours terrible, mais ce n'est pas systématique. Dans nos bons foyers pour personnes âgées, il y a des gens qui chantent et dansent. Ils ne peuvent pas reconnaître leur famille, mais ils ont quand même une certaine qualité de vie. Ce n'est pas ce qu'ils avaient prévu, mais ils ont quand même une qualité de vie. Ce sont les bons cas.
    Nous devons absolument améliorer les soins palliatifs et les établissements de soins de longue durée en offrant davantage de soins axés sur la personne.
    Merci.
    Je vais céder la parole à notre co‑président pour les questions des sénateurs.
     Merci, sénatrice Martin.
    Sur ce, nous allons commencer par le sénateur Kutcher. Ce sont des tours de trois minutes.
    Allez‑y, sénateur.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais vous parler d'un cas que je connais. J'aimerais entendre le Dr Boisvert et la Dre Thorpe à ce sujet.
    Voici une personne atteinte de démence au stade 7. Elle ne peut pas se laver elle-même. Elle étend ses matières fécales sur le mur ou les mange. Elle ne reconnaît pas sa famille. Elle tombe si elle n'est attachée à sa chaise. Elle ne peut pas manger des aliments solides par crainte qu'elle s'étouffe. Cependant, elle reçoit de très bons soins. Chaque fois qu'elle se salit, on la nettoie. On l'habille. Elle passe toute sa journée assise devant un téléviseur à rire et à chanter, à applaudir à des émissions de télévision et à bouger son corps au rythme de la musique.
    La personne souffre‑t‑elle? Comment savoir si elle souffre? Si elle vous avait présenté une demande anticipée en vous disant: « Si je suis dans cet état, j'aimerais bénéficier de l'aide médicale à mourir », est‑ce que cela vous aiderait à prendre cette décision?
     Docteure Thorpe, voulez-vous commencer?
    Cela m'aiderait certainement à savoir ce qu'elle pensait au départ, mais je ne pense pas non plus que la personne serait nécessairement en mesure de prédire si elle souffre ou non, parce qu'elle n'est pas dans cette situation. Cette personne change. C'est une personne dont toute l'expérience personnelle, affective et physique change.
    C'est une situation terrible. À ce moment‑là, que faites-vous? Les aspects pratiques seront très difficiles. Quand quelqu'un est rendu à ce point, il peut être beaucoup plus facile d'instaurer des mesures de soutien et de soins de fin de vie que de fournir activement des médicaments à une personne qui, comme je l'ai déjà dit, ne prend même plus ses médicaments. Elle ne s'alimente plus que très peu.
    Je persiste à croire que la situation sera difficile. Il y aura des situations — j'ai eu des patients atteints de démence qui ont reçu l'aide médicale à mourir — où ce sera réalisable, mais beaucoup, comme dans ce cas‑ci, seront très difficiles pour toutes les personnes concernées, les membres de la famille, les aidants naturels et les fournisseurs de soins.

[Français]

    Docteur Boisvert, voulez-vous ajouter des commentaires?
    Oui, certainement.
    Si ce malade a fait une demande anticipée d'aide médicale à mourir pour ne pas se retrouver dans la situation que vous avez décrite, il est certainement souffrant. S'il a défini ses conditions et qu'il en est rendu à ce point, alors on pratique l'aide médicale à mourir, selon ses volontés telles qu'elles ont été définies dans la demande anticipée.
    Personne n'est en mesure d'affirmer qu'un malade, parce qu'il bouge son corps au son de la musique, est heureux. La démence heureuse n'existe pas; la démence existe et elle se manifeste de diverses façons. La personne qui est apte au moment où elle définit sa demande anticipée et qui donne son consentement libre et éclairé ne veut pas vivre une situation comme celle-là.
(2125)
    Merci, docteur Boisvert.
    Je vais maintenant céder la parole à la sénatrice Mégie pour trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins.
    Ma première question s'adresse au Dr Boisvert.
    J'aimerais que vous complétiez ce que vous avez répondu à la question de M. Thériault concernant le refus d'administrer l'aide médicale à mourir à un patient qui l'avait demandée.
    Par ailleurs, si la demande anticipée était autorisée, quels obstacles pourraient compliquer l'administration de l'aide médicale à mourir, à votre avis?
    En ce qui concerne la première question, au sujet du refus d'administrer l'aide médicale à mourir, je répète qu'on va à l'encontre du code de déontologie si on refuse d'administrer l'aide médicale à mourir à un malade qui en a fait la demande et qui, selon l'évaluation des praticiens, répond aux critères d'admissibilité.
    À l'heure actuelle, certains ne respectent pas leur code de déontologie en ce qui concerne l'aide médicale à mourir. Certains agiront peut-être de la même façon à l'égard des demandes anticipées. Je ne peux pas vous dire autre chose que cela. À la rigueur, cela ira même à l'encontre de la loi, advenant qu'on intègre dans le Code criminel des dispositions établissant les procédures qu'il est possible d'appliquer dans le cadre de l'aide médicale à mourir.
    La deuxième question concernait, je crois, ce qui apparaît comme étant difficile.
    J'aimerais savoir ce qui pourrait faire obstacle à l'administration de l'aide médicale à mourir.
    À l'heure actuelle, on n'administre pas l'aide médicale à mourir à tous les types de patients. En outre, ce ne sera certainement pas tous les médecins, ni toutes les infirmières praticiennes, dans les autres provinces, qui administreront l'aide médicale à mourir dans le cas de demandes anticipées.
    Ces situations ne sont pas faciles, parce qu'on se retrouve face à une personne qui n'est plus la même que celle qui a fait sa demande anticipée. Il s'agit effectivement d'une personne complètement différente, dont des milliards de neurones sont détruits par la démence ou par la maladie. Ce n'est plus la même personne.
    La maladie peut se manifester de diverses façons. On peut se retrouver face à une personne agressive, tout aussi bien que devant une personne qui, comme le décrivait le sénateur Kutcher, se balance en écoutant de la musique. Il va néanmoins falloir administrer l'aide médicale à mourir à cette personne, parce que c'est ce qu'elle a déterminé. Ce ne sera pas nécessairement facile, mais, oui, cela pourra se faire d'une façon tout à fait correcte.
    Me reste-t-il quelques secondes, monsieur le président?
    Il ne vous reste que 10 secondes, alors je pense que nous allons passer au prochain intervenant.
    Merci, sénatrice Mégie.

[Traduction]

     Sénatrice Wallin, vous avez la parole pour trois minutes.
    Merci beaucoup.
     J'ai deux questions pour la Dre Thorpe.
    Nous venons de la même région, la Saskatchewan. J'aimerais vous poser une question au sujet de l'accès et de l'aspect rural-urbain.
    En supposant que la pandémie a donné à tout le monde une certaine expérience à cet égard, êtes-vous maintenant à l'aise de faire des évaluations sur Zoom ou sur une autre plateforme technologique? Est‑ce que cela crée un meilleur accès parce que les gens n'ont pas à se déplacer et que vous pouvez le faire plus souvent?
    Merci. C'est une bonne question.
    En fait, la Saskatchewan offre un programme centralisé d'aide médicale à mourir. Nous avons un très bon accès dans toute la province. Nous avons des gens dans la plupart des régions de la province. Il y a maintenant un financement pour que les évaluateurs et les fournisseurs puissent se déplacer, et leur temps est remboursé.
    Certaines évaluations se font virtuellement. Nous nous en tirons tous mieux maintenant, mais nous aimons avoir au moins une des évaluations en personne. En général, nous avons pu obtenir une réponse très rapidement. Nous sommes probablement l'une des régions du pays où nous obtenons les réponses le plus rapidement. C'est habituellement dans la semaine, et souvent beaucoup plus rapidement.
    Nous avons de toute évidence appris à faire les évaluations en distanciel. La deuxième évaluation est parfois plus facile à faire en virtuel. J'en ai fait plusieurs, tout comme je verrais la plupart des cas plus complexes. Il y a eu une certaine amélioration, mais je préfère rencontrer les gens en personne.
(2130)
    Merci.
    Pour ce qui est de ma deuxième question, nous avons entendu des déclarations à ce sujet au cours de nos audiences. Comme vous évaluez les cas d'AMM depuis longtemps, êtes-vous au courant de cas d'AMM forcée — d'un praticien ou d'un membre de la famille forçant quelqu'un, manifestement contre son gré, à se soumettre à l'AMM?
    Non, pas du tout. Ce que je constate beaucoup plus souvent, c'est que les membres de la famille dissuadent un parent de recourir à l'aide médicale à mourir. C'est beaucoup plus courant.
    Je n'ai jamais vu quelqu'un pousser une personne à opter pour l'aide médicale à mourir. Vous avez besoin de deux évaluateurs. Avec deux évaluations distinctes, vous seriez tout à fait conscient de cette pression.
    Les mesures de protection sont donc en place.
     Je crois que oui.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Sénateur Dalphond, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Docteur Boisvert, ma question s'adresse à vous.
    En vous fondant sur votre expérience et votre spécialité, me diriez-vous si, depuis que la loi a été modifiée, vous avez vu des situations où des patients, de peur de perdre la capacité à y consentir plus tard, ont choisi de devancer la date à laquelle ils recevraient l'aide médicale à mourir et ont ainsi perdu peut-être six beaux mois ou une belle année de leur vie, et ce, parce qu'ils voulaient s'assurer de pouvoir décider à quel moment leur vie prendrait fin?
    J'ai effectivement administré l'aide médicale à mourir à quelques patients atteints de démence qui ont conservé leur aptitude jusqu'à la dernière minute, évidemment, mais qui auraient assurément aimé passer encore plus de temps avec leurs proches. Si elles avaient pu faire une demande anticipée, ces personnes auraient choisi comme critères le fait qu'elles soient incapables de s'occuper d'elles-mêmes ou de reconnaître leurs proches, ce qui leur aurait laissé beaucoup de temps de plus. En effet, cela peut prendre des mois, et même des années, dans certains cas, avant d'atteindre cet état.
    Je pense que les gens ont entendu parler du cas de Mme Demontigny, qui se bat pour les demandes anticipées. Elle se bat pour ces années de plus qu'elle pourrait avoir.
    J'ai effectivement eu des patients malades qui ont reçu trop vite l'aide médicale à mourir, en quelque sorte, parce qu'ils n'avaient pas la possibilité de faire une demande anticipée.
    Donc, en ne changeant pas le système actuel, on prive les gens de leur choix de continuer à vivre pendant des mois ou des années, car ils sont obligés de choisir de mourir maintenant pour être capables d'exercer leur choix.
    Tout à fait.
    Merci, docteur Boisvert.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à la sénatrice Martin.
    Sénatrice Martin, vous avez trois minutes.
     Merci, monsieur le président. Ma question s'adresse à la Dre Gallagher.
    D'après votre expérience et vos connaissances, quels sont les principaux risques liés à la planification préalable des soins, ce qui comprend l'aide médicale à mourir? Que devrions-nous savoir?
    Eh bien, je pense que vous devriez être conscients des difficultés extrêmes à décider effectivement quand et comment le faire. Je pense qu'il y a peu de données probantes qui indiquent que le fait de procéder de telle ou telle façon, ou de définir une sorte de modalité entre deux personnes, réglera les problèmes.
    La vie est difficile, et les choses ne fonctionnent pas toujours comme on le veut. Je pense qu'il faut savoir, comme la Dre Thorpe l'a si bien dit, que la vie est compliquée et que les choses sont complexes, et que ce n'est pas une tâche facile.
    Il y a beaucoup de risques, et les avantages sont difficiles à mesurer. Je ne crois donc pas que l'adoption de ce genre de loi soit la meilleure chose à faire. Je pense que cela pose vraiment un problème.
    Dans le temps qu'il me reste, pourriez-vous nous parler un peu plus de ce que le gouvernement fédéral devrait faire en matière de soins palliatifs?
    Oh, merci.
    Ce que nous voulons, c'est un système où vous...
    Nous savons que toutes les provinces doivent compter sur l'agrément de leurs organisations. Par conséquent, vous pouvez adopter des normes et des mesures sur la qualité des soins palliatifs. Vous pouvez également mettre en œuvre le dépistage des symptômes et de la détresse dans toutes les cliniques de maladies chroniques.
    Je crois que les médecins ont d'excellentes intentions, mais souvent, ils ne se concentrent pas sur les symptômes; ils se concentrent sur les indices de maladie, les tests, etc. Nous devons entendre les gens. Ils se classent souvent très différemment dans un sondage par rapport à ce qu'ils admettent à leur médecin de famille. Nous devons déceler la souffrance tôt. Nous devons mettre en place un système qui nous permette de déceler les cas et de nous y attaquer rapidement, avant que les gens ne souffrent au point de dire: « Ma vie en ce moment est intolérable. »
    J'espère, sachant que cela relève du gouvernement fédéral, que dans le cadre de votre rôle d'examen de l'état des soins palliatifs, vous prendrez cette mesure incroyable pour amener un changement dans notre système qui profitera à tout le monde, peu importe que les gens reçoivent l'aide médicale à mourir ou qu'ils meurent de causes naturelles. Je pense que c'est très important.
    Je vous remercie.
(2135)
    Merci beaucoup.
    J'aimerais remercier la Dre Gallagher et la Dre Thorpe.

[Français]

    Merci au Dr Laurent Boisvert également.
    Je vous remercie d'avoir témoigné ce soir et d'avoir répondu à nos questions sur un sujet important, mais très complexe. Nous vous en sommes très reconnaissants. Je vous remercie de vous être rendus disponibles à une heure tardive. C'est d'autant plus vrai pour ceux qui se trouvent dans l'Est du pays.

[Traduction]

     Merci beaucoup. Nous vous sommes très reconnaissants de votre visite ce soir.
    Sur ce, je rappelle aux membres du Comité que notre prochaine réunion aura lieu dans une semaine. Elle durera trois heures. Comme il a été convenu au début, nous réserverons la troisième heure pour les travaux du Comité. Ce sera à huis clos.
    Avant de terminer, il a été proposé de prolonger la période de présentation des mémoires, étant donné que la présentation de notre rapport final a été prolongée jusqu'en octobre. J'aimerais que ceux et celles qui sont en faveur que la présentation des mémoires soit prolongée jusqu'au 30 mai lèvent la main.
    Quelqu'un y voit‑il un problème?
    Je ne peux pas voir tout le monde dans la salle, mais je regarde...
     Il y a beaucoup de gens qui lèvent le pouce. Tout le monde lève le pouce.
     Oui. Il y a beaucoup de gens qui lèvent le pouce.
    Cela semble très bien. Nous aviserons les gens qu'ils peuvent présenter des mémoires — la longueur est toujours de 1 000 mots — jusqu'au 30 mai.
    Merci beaucoup.
     La séance est levée.
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