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AMAD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir


NUMÉRO 040 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 28 novembre 2023

[Enregistrement électronique]

(1830)

[Traduction]

    Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins présents ce soir et à ceux qui se joignent à nous en ligne.
    Je m'appelle Yonah Martin et je suis la coprésidente du Sénat à ce comité. Je suis accompagnée de Shelby Kramp-Neuman, la vice-présidente de la Chambre des communes au Comité.
    Aujourd'hui, nous poursuivons notre examen visant à vérifier le degré de préparation atteint pour une application sûre et adéquate de l’aide médicale à mourir lorsque le trouble mental est le seul problème médical invoqué, conformément à la recommandation 13 du deuxième rapport du Comité.
    Avant de présenter nos témoins, je tiens à informer nos collègues de la Chambre qu'il pourrait y avoir des votes au Sénat à la deuxième heure. Nous serons alors tenus de nous absenter et de suspendre la séance du Comité. Nous ne savons pas encore ce qui va se passer, mais ce serait au cours de la deuxième heure.
    Dans notre premier groupe de témoins ce soir, nous accueillons H. Archibald Kaiser, professeur à l'École de droit Schulichla et au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine à l'Université Dalhousie, qui comparaît à titre personnel par vidéoconférence. Nous avons le Dr Tarek Rajji, médecin-chef du Comité médical consultatif au Centre de toxicomanie et de santé mentale. Nous recevons enfin les représentants du Collège des médecins du Québec: le Dr Mauril Gaudreault, président, et le Dr André Luyet, médecin psychiatre, témoignent par vidéoconférence.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins du premier groupe. Vous disposerez de cinq minutes chacun pour votre déclaration préliminaire. Nous espérons que vous ne dépasserez pas le temps imparti.
    Nous allons commencer par M. Kaiser, qui sera suivi du Dr Rajji et du Dr Gaudreault. Je ne sais pas si le Dr Luyet partagera les cinq minutes, ou si le Dr Gaudreault parlera seul.
    Nous allons commencer par M. Kaiser. Vous avez cinq minutes.
    Je m'oppose à cette modification du droit pénal canadien. Je doute que le Canada ne soit jamais prêt, du point de vue de la politique publique, à offrir l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale. L'adoption de cette mesure aliénerait ces gens au Canada et leur causerait du tort, ce qui est contraire à notre charte et à nos obligations internationales en matière de droits de la personne, en plus de ternir notre réputation bien méritée auprès des Nations unies.
    Premièrement, l'aide médicale à mourir est une appellation qui ne convient pas aux personnes atteintes de maladie mentale qui meurent d'autres facteurs de vulnérabilité, comme la stigmatisation, la discrimination, l'exclusion sociale, l'appauvrissement, la violence d'autrui et une mauvaise santé physique.
    Ensuite, les réalités intersectionnelles de la maladie mentale, de la déficience intellectuelle et de la toxicomanie amplifient mes préoccupations. Les taux de suicide sont plus élevés non seulement pour les personnes atteintes de maladie mentale, mais aussi pour d'autres personnes qui subissent des inégalités en matière de santé, y compris les Autochtones, les transgenres, les survivants de traumatismes et le nombre croissant de personnes qui subissent des stress psychosociaux et économiques.
    Comme l'a souligné le représentant du Centre de toxicomanie et de santé mentale, différentes stratégies de prévention du suicide seront nécessaires pour différentes populations, mais tout le monde mérite que des efforts soient déployés, plutôt que nous assistions à une banalisation légale du suicide.
    En 1991, la Cour suprême a conclu que les personnes atteintes de maladie mentale ont toujours été victimes de mauvais traitements, de négligence et de discrimination. En 2020, elle a affirmé que les attitudes stigmatisantes subsistent, et qu'elles jouent en rôle dans le soutien des solutions législatives et des justifications des inégalités et des injustices sociales.
    Il s'agirait ici d'un élargissement considérable des motifs actuels d'admissibilité à l'aide médicale à mourir, qui permettrait de s'éloigner du droit pénal habituel devant protéger les personnes les plus vulnérables. Ceux qui participent de bonne foi à l'aide médicale à mourir ne sont pas individuellement coupables, mais la société fera clairement la preuve de ses motifs ignobles si elle élargit la portée de l'aide médicale à mourir, comme le craignait la Commission de réforme du droit du Canada il y a 40 ans.
    Cette prolongation de l'aide médicale à mourir ne favorise pas l'égalité. C'est tout le contraire. Elle accentue la discrimination, la marginalisation et les inégalités. En 2020, la Cour suprême nous a mis en garde qu'une législation comme celle‑ci donne « force de loi à la discrimination » parce qu'elle « renforce, perpétue ou accentue le désavantage subi [par un groupe] » et « porte atteinte à la garantie d'égalité ».
    Les principes de la Convention relative aux droits des personnes handicapées sont obligatoires. L'article 4 exige l'abolition des « lois [...] qui sont source de discrimination ». L'article 10 exige la « jouissance effective » du « droit [inhérent] à la vie ». L'article 25 porte sur le « droit de jouir du meilleur état de santé possible », y compris le droit à un niveau de vie adéquat.
    L'extension de l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale représenterait un important recul en vertu de la convention. Cette décision est déconcertante sur le plan moral et contraire aux valeurs démocratiques, étant donné que les protestations des personnes handicapées n'ont pas été écoutées. C'est aussi contraire à l'article 4 de la convention, qui nous oblige à consulter « étroitement et [faire] activement participer [les personnes handicapées] » afin qu'elles « puissent effectivement et pleinement participer à la vie politique et à la vie publique », selon l'article 29.
    La proposition reçoit une vive opposition, notamment du Conseil des Canadiens avec déficiences, qui parle au nom de 170 ONG. Ces gens disent ceci: « Les députés [...] ont obstinément ignoré les préoccupations de la collectivité [des personnes handicapées]. [...] Nous nous battons pour nos vies. »
    Des organisations comme Personnes d'abord du Canada, pour laquelle je suis actuellement conseiller provincial, ont également rejeté cette initiative. Elles disent qu'il serait alors plus facile que jamais d'écarter ces gens. C'est dangereux et discriminatoire. La mesure pourrait être fatale aux Canadiens handicapés. Le président vous implore avec force de tuer le projet de loi, mais pas les personnes handicapées.
    Le Canada a entaché sa réputation auprès des Nations unies. La rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées a dit, en 2019, que le Canada doit « veiller à ce que les personnes handicapées ne demandent pas d'aide médicale à mourir simplement parce qu'il n'y a pas de solutions de rechange communautaires ».
    En 2021, trois envoyés spéciaux de l'ONU ont exprimé une crainte inhabituelle selon laquelle il pourrait s'ensuivre un renforcement subtil, et que la société conçoive qu'il vaut mieux être mort que de vivre avec un handicap. L'ajout se traduirait par un système à deux vitesses dans lequel certains bénéficieraient de mesures de prévention du suicide, et d'autres, d'une aide au suicide, en fonction de leur handicap et de leurs facteurs de vulnérabilité.
    Le Canada est à la croisée des chemins. Il peut soit protéger les droits des personnes handicapées, en particulier celles atteintes de maladie mentale, soit accroître l'accès à la mort autorisée par l'État, et faire en sorte que les personnes handicapées se sentent encore plus réduites au silence, dévalorisées, trahies et abandonnées.
    Je vous remercie infiniment de me donner l'occasion de témoigner.
(1835)
    Merci beaucoup, monsieur Kaiser.
    Nous passons maintenant au Dr Rajji, qui a cinq minutes.
    Vous avez la parole.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner au nom du Centre de toxicomanie et de santé mentale, ou CTSM.
    Le CTSM est le plus grand hôpital d'enseignement en santé mentale au Canada et l'un des meilleurs centres de recherche au monde dans son domaine. Le CTSM mène des recherches révolutionnaires, offre de la formation spécialisée aux professionnels de la santé et aux scientifiques, élabore des stratégies novatrices de promotion de la santé et de prévention et se prononce sur des enjeux de la politique gouvernementale.
    Plus important encore, nous offrons chaque jour des traitements et des soins fondés sur des données probantes et axés sur le rétablissement à des centaines de patients souffrant de maladies mentales aiguës et chroniques et de troubles liés à la consommation de substances.
    Au cours des dernières années, le CTSM a présenté plusieurs mémoires aux comités gouvernementaux concernant l'aide médicale à mourir et la maladie mentale. Nous sommes toujours préoccupés par l'élargissement de l'accès à l'AMM aux personnes dont la seule condition médicale sous-jacente à ce moment est la maladie mentale.
    Nous tenons à préciser que nous ne croyons pas que la souffrance causée par la maladie mentale n'est pas comparable à celle d'une maladie physique. Il ne fait aucun doute que la maladie mentale peut être pénible et causer des souffrances physiques et psychologiques. Nous ne sommes pas ici pour en débattre.
    Le CTSM craint que le système de soins de santé ne soit pas prêt pour mars 2024. Les lignes directrices cliniques, les ressources et les processus ne sont pas en place pour évaluer les personnes, déterminer leur admissibilité et dispenser l'aide médicale à mourir lorsque l'admissibilité est confirmée pour les personnes dont la seule condition médicale sous-jacente est la maladie mentale. Il faut notamment faire la distinction entre les plans suicidaires et la demande d'aide médicale à mourir. Il faut plus de temps.
    Les normes de pratique fédérales sont une première étape encourageante. Elles mettent en évidence les critères que les organismes de réglementation des professionnels de la santé peuvent exiger de leurs membres, lorsqu'ils choisissent d'offrir l'aide médicale à mourir. Mais ce n'est pas suffisant. Ces organismes de réglementation s'attendent également à ce que leurs membres aient accès aux meilleures données probantes disponibles sous forme de guide de pratique clinique.
    Il n'existe actuellement aucune ligne directrice pour les cas d'aide médicale à mourir où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée. C'est pourquoi les médecins, les infirmières praticiennes et les autres cliniciens disent clairement au CTSM avoir besoin de directives mieux définies sur la façon de déterminer qu'une personne a une maladie mentale irrémédiable et est admissible à l'aide médicale à mourir, y compris de distinguer une demande d'AMM d'une tentative de suicide ou d'un projet suicidaire.
    Pour combler cette lacune, les experts du CTSM ont travaillé d'arrache-pied avec leurs partenaires cette année afin d'élaborer un guide de pratique, qui est fondé sur le peu de données probantes disponibles à l'heure actuelle. Il permettra de normaliser les évaluations et de prendre des décisions plus éclairées lorsque l'aide médicale à mourir est demandée alors que la maladie mentale est la seule condition sous-jacente.
    Fait important, étant donné qu'il manque de données probantes dans le domaine à l'heure actuelle, le CTSM et d'autres organismes ont clairement indiqué que ces lignes directrices doivent faire consensus. C'est loin d'être simple. Nous y travaillons, mais n'obtenons pas l'unanimité sur les renseignements qui doivent être recueillis et la façon d'établir le caractère irrémédiable du problème de santé.
    Nous faisons des progrès, mais il faut plus de temps et d'argent pour assurer une collaboration interprofessionnelle et interorganisationnelle. Il faudra plus de temps pour qu'un consensus se dégage au sein des organismes de santé et des organismes communautaires du pays. Étant donné que ces décisions sont des questions de vie ou de mort, nous voulons bien faire les choses, et nous savons que c'est aussi le souhait du gouvernement.
    Le gouvernement doit également comprendre que le système de santé n'est pas outillé pour faire face à l'augmentation des demandes d'aide médicale à mourir attendue en mars 2024. En Ontario, il y a déjà un manque de ressources dans la deuxième voie de l'aide médicale à mourir, et l'infrastructure en place ne sera pas en mesure de répondre à la demande accrue.
    Le CTSM et nos hôpitaux partenaires, par l'entremise du Toronto Academic Health Science Network, ont présenté au gouvernement provincial une proposition visant à améliorer le service existant de coordination de l'aide médicale à mourir et à créer une table de consultation sur la deuxième voie pour répondre à l'augmentation du nombre de questions et de demandes d'aide médicale à mourir où la maladie mentale est la seule condition médicale sous-jacente. Nous attendons une réponse.
    Ce qui est au cœur de notre proposition, c'est la reconnaissance qu'il y a déjà un nombre limité d'évaluateurs et de prestataires d'aide médicale à mourir qui s'occupent des cas pour la deuxième voie. Le nombre de personnes qui ont une expertise en santé mentale et qui font des évaluations de santé mentale est encore plus limité. Il est essentiel d'avoir plus de temps pour bâtir cette communauté de pratique.
    Si nous n'avons pas le temps nécessaire pour mettre en place les lignes directrices, les ressources et les experts, l'accès à l'AMM des personnes dont la seule condition médicale sous-jacente est la maladie mentale sera limité et non uniforme, et pourrait exacerber les inégalités qui existent déjà dans le système de soins de santé. Cela peut aussi entraîner de la confusion, de la détresse et de la frustration pour les patients, leur famille et les fournisseurs de soins de santé.
    Par conséquent, le CTSM exhorte le gouvernement à retarder davantage l'admissibilité à l'aide médicale à mourir des personnes dont la seule condition sous-jacente est la maladie mentale, jusqu'à ce que le système de soins de santé soit prêt et que les fournisseurs aient les ressources dont ils ont besoin pour dispenser des services de haute qualité, uniformes et équitables.
(1840)
    Enfin, il est important de souligner de nouveau ce qui a été mentionné au début. La maladie mentale peut être grave et causer des souffrances comparables à la maladie physique, mais les soins de santé offerts en maladie mentale ne sont pas comparables à ceux auxquels ont droit les personnes atteintes de maladie physique. Les soins en santé mentale sont nettement sous-financés par rapport aux soins de santé physique.
    Il y a aussi des incohérences dans les traitements couverts par les différents régimes provinciaux de soins de santé. Cela signifie que de nombreuses personnes au Canada n'ont pas facilement accès à la gamme complète de traitements fondés sur des données probantes qui peuvent les aider à se rétablir.
    Pour cette raison, retarder l'élargissement de l'aide médicale à mourir permettrait également aux gouvernements et aux experts en soins de santé de travailler ensemble pour trouver la meilleure façon d'intégrer l'AMM au vaste système de soins de santé mentale.
    Je vous remercie de votre attention.
    Je vous remercie, docteur Rajji.
    Pour terminer, nous allons écouter le Dr Mauril Gaudreault, qui a cinq minutes.

[Français]

    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, vous nous avez entendus, il y a presque un an jour pour jour. Merci de nous permettre aujourd'hui de nous exprimer de nouveau, cette fois sur le volet des troubles mentaux.
    Je vous rappelle que la mission du Collège des médecins du Québec est de protéger le public en offrant une médecine de qualité. Pour nous, une médecine de qualité signifie soulager des personnes qui souffrent, peu importe leur trouble ou leur maladie.
    Pour le Collège des médecins du Québec, les balises médicales pour encadrer l'aide médicale à mourir sont claires. Ce qui ne l'est pas, ce sont les balises juridiques. Il est nécessaire d'harmoniser le Code criminel et la Loi québécoise concernant les soins de fin de vie. Cela favoriserait l'uniformité de l'application de ce soin d'un océan à l'autre.
    Entretemps, cette situation engendre de la confusion parmi les patients et les médecins.
    Dans une vision inclusive, sans discrimination, basée sur le diagnostic et qui tient compte de la globalité de l'être humain, les maladies mentales sont maintenant désignées comme des troubles mentaux dans les classifications médicales internationales des maladies, et ce, au même titre que n'importe quelle maladie.
    La prévalence des troubles mentaux est maintenant bien connue en épidémiologie. D'ailleurs, on estime qu'une personne sur cinq présentera un trouble de santé mentale au cours de sa vie.
    Le Collège des médecins du Québec ne prétend pas que l'aide médicale à mourir constitue une réponse appropriée pour l'ensemble des personnes touchées par des troubles mentaux. Pour la plupart d'entre eux, il existe des avenues thérapeutiques spécifiques basées sur des données scientifiques probantes, qui ouvrent des perspectives de plus en plus porteuses en matière de traitement biopsychosocial, de réadaptation et de réhabilitation.
    Le Collège des médecins du Québec croit cependant qu'on ne peut priver d'aide médicale à mourir des patientes et des patients atteints d'un trouble de santé mentale. Nous basons ce positionnement médical sur les facteurs suivants. Tout d'abord, il faut reconnaître que le niveau de souffrance engendré par certains problèmes de santé mentale peut être aussi intense que celui rencontré lors d'autres problèmes de santé dits physiques. De plus, on ne peut discriminer les patientes et les patients en santé mentale en regard de l'aide médicale à mourir. Il faut respecter le droit d'aspirer à l'universalité d'accès aux soins. Il faut aussi protéger la personne vulnérable, mais également actualiser son potentiel et lui permettre d'être autonome. Enfin, on doit considérer l'erreur qui consiste à associer trouble de santé mentale et aptitude à consentir.
    Cependant, des conditions spécifiques strictes sont essentielles pour éviter toute dérive. Nous en avons établi cinq.
    Premièrement, la décision d'accorder l'aide médicale à mourir dans un cas de trouble mental ne doit pas s'inscrire uniquement dans un épisode de soins, mais doit être prise au terme d'une évaluation globale et juste de la situation de la patiente ou du patient.
    Deuxièmement, il ne doit pas y avoir d'idéation suicidaire, comme dans un cas de trouble dépressif majeur.
    Troisièmement, la souffrance psychique intense et continue, confirmée par des symptômes graves et une atteinte du fonctionnement global, est présente sur une longue période et enlève à la patiente ou au patient tout espoir d'allègement quant à la lourdeur de sa situation. Cela l'empêche de se réaliser dans un projet de vie et fait perdre toute signification à son existence.
    Quatrièmement, on doit être en présence d'un long parcours de soins avec des suivis appropriés, des essais multiples de thérapies disponibles et reconnues comme efficaces, de même qu'un accompagnement psychosocial soutenu et éprouvé.
    Cinquièmement, une évaluation multidisciplinaire des demandes doit avoir été faite en présence essentielle du médecin ou de l'infirmière-praticienne spécialisée en santé mentale ayant assumé le suivi de la personne, et celle d'un psychiatre consulté dans le cadre précis de la demande d'aide médicale à mourir.
    Nous estimons que, si ces balises étaient respectées, les personnes souffrant d'un trouble grave et irréversible de santé mentale pourraient bénéficier, elles aussi, de l'aide médicale à mourir.
    Il faut éviter que les personnes qui n'ont pas accès aux soins appropriés, qui ne jugent pas acceptables les services offerts, par exemple l'hébergement prolongé sans perspective de regagner davantage d'autonomie, optent, en désespoir de cause, pour l'aide médicale à mourir.
    Pour le Collègue des médecins du Québec, peu importe sa maladie, une patiente ou un patient demeure une personne qui a droit, selon sa condition, à tous les soins médicaux disponibles, sans discrimination.
    Nous sommes convaincus que les balises précédemment établies encadreront bien le soin, qu'elles guideront les cliniciennes et les cliniciens et qu'elles éclaireront la patientèle autant que son entourage.
(1845)
    Nous savons que cette question est d'une extrême sensibilité. Sur le plan médical, cependant, il y a une réalité principale: celle de la souffrance de la personne. Notre devoir est de l'apaiser, selon le souhait de la patiente ou du patient, lorsque tous les autres moyens ne sont pas parvenus à la ou le soulager.
    Je vous remercie.
(1850)

[Traduction]

    Merci beaucoup, docteur Gaudreault.
    Nous allons entamer notre première série de questions, en commençant par M. Fast.
    Monsieur, vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie.
    Ma première question s'adresse à vous, docteur Rajji. Dans l'exposé que vous avez présenté à un comité le 5 novembre 2020, vous proposiez de retarder la mise en œuvre de l'AMM pour la maladie mentale parce que la question du caractère irrémédiable n'avait pas été réglée. Vous avez dit que le caractère irrémédiable « est établi au terme d'un processus objectif tenant compte des meilleures données médicales disponibles. » Ensuite, vous avez mentionné être inquiet qu'il « n'existe pas de critères bien définis pour déterminer qu'une maladie mentale doit être considérée comme étant irrémédiable, et à quel moment elle doit l'être. » Vous avez également laissé entendre qu'en l'absence de critères objectifs convenus, « tout diagnostic établissant le caractère irrémédiable de la maladie mentale d'une personne serait essentiellement subjectif et donc arbitraire. »
    Avez-vous changé d'avis au cours des trois années et demie suivantes?
    Je vous remercie de la question.
    C'est toujours le cas, étant donné qu'il n'y a aucune preuve scientifique à l'appui. Nous ne pouvons toujours pas, à l'heure actuelle, déterminer sur le plan individuel si la personne a une maladie irrémédiable ou non à partir de la trajectoire de la maladie. C'est pourquoi j'ai mentionné dans ma déclaration d'aujourd'hui que tout critère sur le caractère irrémédiable de la maladie doit être fondé sur des lignes directrices consensuelles. Il faut faire cet exercice. Ces discussions doivent avoir lieu au sein du groupe d'experts afin de déterminer, pour une condition donnée, quels critères faisant l'unanimité permettent d'établir que cette maladie est irrémédiable, de sorte que tous les médecins arrivent à la même conclusion.
    Ces critères pourraient être différents dans le cas d'une autre maladie. Les critères — j'insiste encore sur la nécessité qu'ils fassent consensus — du caractère irrémédiable de la dépression seraient peut-être différents de ceux pour la schizophrénie ou une autre maladie.
    Monsieur Kaiser, vous avez déjà déclaré que la voix des Canadiens autochtones a été ignorée dans les discussions sur le projet de loi C‑7. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la mesure dans laquelle les communautés autochtones ont été ou n'ont pas été consultées au sujet de l'élargissement de l'AMM aux personnes atteintes de maladie mentale?
    Évidemment, il vaut mieux poser cette question aux représentants des peuples autochtones, de sorte que la teneur de ma réponse s'inspire d'eux.
    En février 2021, par exemple, de nombreux signataires autochtones distingués ont écrit au Parlement pour dire que la consultation à ce chapitre n'a pas été suffisante et qu'elle n'a pas tenu compte des disparités existantes en matière de santé et des inégalités sociales que rencontrent les Autochtones par rapport aux personnes non autochtones. Ils affirment que leur peuple est vulnérable à la discrimination et à la contrainte, et devrait être protégé des conseils non sollicités.
    Un autre témoin ayant comparu devant le Sénat en février 2021 était le Dr Rod McCormick, lui-même Autochtone, qui a dit que les « Autochtones meurent de maladies complexes et dans des proportions plus élevées que la population en général. Il semble donc ironique, quand nous sommes déjà surreprésentés à tous les niveaux de ce système de santé, de nous offrir un autre chemin vers la mort. »
    Enfin, la Dre Richardson, qui a comparu devant le Sénat le 3 février 2021, a affirmé ceci: « Dans un environnement où il existe à la fois du racisme systémique et du racisme interpersonnel, je ne crois pas que les Autochtones seront en sécurité. » Elle a ajouté qu'un « projet de loi qui ne tient pas réellement compte de la façon dont les inégalités sociales affectent de manière disproportionnée les populations autochtones est très problématique. »
    Essentiellement, dans quelle mesure pourrait‑on tenir des consultations qui élimineraient les préoccupations profondes, constantes et permanentes des Canadiens autochtones dans le système de soins de santé mentale au Canada compte tenu des facteurs de stress psychosociaux auxquels ils sont confrontés? Je ne crois pas qu'il pourrait y avoir une consultation suffisante, mais je trouve que ces voix représentent bien les Autochtones.
    Il vous reste une minute.
    En ce qui concerne le caractère irrémédiable, croyez-vous qu'un consensus se dégage dans le milieu de la santé mentale à ce sujet, ou est‑ce toujours une question non réglée?
    Il n'y a catégoriquement pas de consensus. Tout d'abord, je pense que vous devriez écouter les Canadiens handicapés, qui disent... Par exemple, l'Association canadienne pour la santé mentale dit que « les cas de maladie mentale sévère et persistante qui sont initialement résistants au traitement peuvent faire preuve d'un rétablissement important au fil du temps. »
    Mais aujourd'hui, sur le site d'Impact Ethics, un groupe de professionnels de la santé mentale dit que l'aide médicale à mourir est pour les problèmes de santé incurables dont on ne peut prévoir l'amélioration. C'était leur conclusion générale, à laquelle s'ajoutait le fait que les outils de mesure permettent de parvenir à un pronostic juste dans seulement la moitié des cas...
(1855)
    Je vais vous interrompre une seconde. Il ne m'en reste que cinq.
    Y a‑t‑il des critères établis qui permettraient aux professionnels de la santé mentale de déterminer le caractère irrémédiable?
    Je ne fais que réagir au point de vue de ces fournisseurs de soins. Ils ont dit que plus de la moitié du temps...
    Je suis désolée, monsieur le professeur. Veuillez répondre par oui ou non.
    La réponse est que, non, on ne peut pas donner de pronostics sûrs, selon les professionnels de la santé.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Fisher.
    Vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci à tous nos témoins aujourd'hui.
    Je vais poser la même question que j'ai posée à d'autres témoins du Comité compte tenu de la portée limitée de ce que nous essayons de décider ici.
    Docteur Rajji, pensez-vous que le système de santé est prêt à ce que, le 17 mars 2024, les personnes dont le seul problème médical sous-jacent est un problème de santé mentale aient également accès à l'aide médicale à mourir?
    Non, nous ne pensons pas que le système sera prêt en mars 2024.
    Docteur Rajji, voici deux ou trois petites choses que j'ai griffonnées pendant votre témoignage: « faisons les choses correctement », « parvenons à un consensus » et « il faut plus de temps ». Si vous pensiez que le système de santé était prêt — si jamais —, seriez-vous d'accord pour que les personnes dont le seul problème médical sous-jacent est un problème de santé mentale aient accès à l'aide médicale à mourir? Je suppose que je peux vous demander le point de vue du Centre de toxicomanie et de santé mentale, pas votre opinion.
    Le Centre ne dit pas que la maladie mentale ne peut pas être un critère pour obtenir l'aide médicale à mourir ou qu'elle doit être exclue. Ce que nous disons clairement, c'est qu'il y a du travail à faire en vue de déterminer les critères retenus pour définir qu'une maladie est incurable ou curable. Ces critères doivent être établis par consensus, car il n'existe aucune preuve objective claire au niveau individuel pour établir qu'une personne est atteinte d'une maladie incurable. Ce travail n'a pas encore été fait.
    Pour être un peu pointilleux une seconde et obtenir une précision... La position du Centre de toxicomanie et de santé mentale est qu'il n'appuie pas nécessairement l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir.
    En ce moment, nous exhortons le gouvernement à ne pas l'élargir, effectivement.
    Qu'avez-vous entendu de la part des médecins qui travaillent au Centre? Ont-ils l'impression d'être outillés pour réaliser les évaluations, prendre les mesures nécessaires et mener les consultations afin d'offrir l'aide médicale à mourir lorsque la maladie mentale est le seul problème sous-jacent?
    Ce ne sont pas des experts, et c'est ce que nous avons entendu. Nous avons plusieurs médecins et infirmières qui sont disposés à participer au processus d'évaluation de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir, mais ils nous disent haut et fort qu'ils ont besoin de directives plus précises. Ils n'ont pas de normes consensuelles pour déterminer, lorsqu'ils voient un patient dans leur cabinet, si cette personne a une maladie incurable ou non. C'est un travail auquel nous participons. Nous nous penchons là‑dessus à l'interne au Centre de toxicomanie et de santé mentale. Il faut beaucoup de temps pour déterminer quel type d'évaluation doit être effectuée, quel type de questions doivent être posées, quel type d'information nous devons recueillir et puis, en fonction de ces renseignements, comment il faut établir que la maladie de la personne est incurable plutôt que l'inverse. Ces décisions doivent s'appuyer sur des normes consensuelles. La réponse, c'est qu'ils disent manifestement qu'ils ne sont pas prêts.
    Que voyez-vous? Vous pouvez peut-être en dire plus sur les lacunes et les défis qui pourraient entraver ou limiter la volonté des psychiatres qui travaillent au Centre d'effectuer des évaluations de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir.
    Il manque de lignes directrices. La façon dont on a abordé l'aide médicale à mourir ne correspond pas à la façon dont nous exerçons habituellement la médecine en tant que cliniciens. Je vais vous donner un exemple. Lorsque les psychiatres prescrivent un antipsychotique, qui est un médicament, à quelqu'un qui souffre de dépression grave par rapport à quelqu'un qui est atteint de schizophrénie ou de démence, les directives diffèrent. Les membres de la profession suivent des directives pour réduire la variation et assurer la qualité des soins. Ces discussions n'ont pas eu lieu pour l'aide médicale à mourir.
(1900)
    Excusez-moi, monsieur Fisher, mais il reste environ 40 secondes.
    En moins de 30 secondes alors, docteur, pouvez-vous résumer ce qu'il faut faire d'autre pour être prêt?
    En plus de l'élaboration de ces directives, il faut déployer des efforts, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, pour renforcer la capacité, pour également tenir compte de la façon dont les déterminants sociaux de la santé mentale contribuent à la souffrance et aux torts par rapport à la maladie proprement dite, et aussi pour reconnaître les intentions suicidaires dans les demandes d'aide médicale à mourir. Il y a également...
    Merci beaucoup, docteur Rajji. Le temps est écoulé.
    Je vois que le docteur Luyet a levé la main.
    Docteur Luyet, j'espère qu'il y aura également des questions pour vous. Nous avions des questions de M. Fisher pour le témoin.
    Nous allons passer au prochain intervenant.
    Monsieur Thériault, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Madame la présidente, pour ce qui est de mon temps de parole, je vous serais reconnaissant de tenir compte du délai nécessaire pour l'interprétation.
    Docteur Rajji, vous dites qu'il n'existe pas de normes ni de lignes directrices. J'ai pourtant en main le « Modèle de norme de pratique en matière d'aide médicale à mourir », un document de 52 pages destiné aux autorités réglementaires, aux médecins, etc. Il a été préparé par le groupe de travail chargé d'élaborer les normes de pratique de l'aide médicale à mourir, notamment pour les patients de la voie 2.
    Avez-vous pris connaissance de ce document?

[Traduction]

    Je crois que vous parlez du document du groupe d'experts sur le modèle de soins, n'est‑ce pas?

[Français]

    Avez-vous pris connaissance de ce document?

[Traduction]

    Oui, et je m'y suis référé...

[Français]

    Ne considérez-vous pas qu'il s'agit de lignes directrices et de normes de pratique?

[Traduction]

    Non. Il est indiqué dans le document que ce ne sont pas les lignes directrices.

[Français]

    D'accord, merci beaucoup. Je voulais juste savoir si vous en aviez pris connaissance et si, pour vous, c'étaient des normes de pratique. Je n'ai pas beaucoup de temps de parole.
    Docteur Luyet, vous êtes médecin psychiatre. Que pensez-vous de la position de vos collègues ici présents? Par exemple, que pensez-vous de la position du Dr Rajji?
    D'abord, je dois dire que c'est une question extrêmement délicate et complexe. Il faut prendre le temps de bien faire les choses. Cependant, l'absence de normes et de directives acceptées par tous ne devrait pas nous conduire à une position qui consiste à fermer la porte de l'aide médicale à mourir aux personnes dont le seul motif de la demande est un trouble mental. Il faut continuer d'y réfléchir et de travailler ensemble à établir des balises et à trouver des normes de bonne pratique pour rendre accessible un soin qui est offert depuis maintenant quelques années au Canada et qui délaisse un grand pan de la société, en l'occurrence des citoyens aux prises avec des troubles de santé qui génèrent énormément de souffrance.
    Alors, il faut continuer à travailler là-dessus. On ne peut pas simplement fermer la porte à cela.
    Est-ce que le Collège des médecins considère que le degré de préparation sur le terrain au Québec est suffisant pour aller de l'avant? D'après vous, est-ce que les balises que vous avez établies et énumérées tout à l'heure sont suffisantes pour avoir une pratique sûre de l'aide médicale à mourir pour les gens atteints de troubles mentaux?
    Je vais répondre à la question.
    Ces balises ont été élaborées par un comité qui a siégé pendant plusieurs mois au cours des années 2021 et 2022. Elles ont aussi fait l'objet d'un sondage auprès de la communauté médicale. De plus, nous avons reçu des avis d'experts. Dans la mesure où on tient compte des cinq conditions que j'ai énumérées, je pense qu'on peut démontrer l'irréversibilité de la maladie ou du trouble mental en question qui affecte la personne. Dans ce cas, il s'agit souvent de situations qui existent depuis des dizaines d'années.
    Je pense que la communauté médicale est effectivement prête à aller de l'avant, en respectant très bien les conditions que nous avons énumérées, bien sûr.
(1905)
    Il arrive que des psychiatres nous disent avoir des réserves quant à l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes ayant des troubles mentaux précisément parce qu'il est difficile d'établir le caractère irrémédiable de ces troubles.
    Par contre, quand on leur pose la question, ils nous disent qu'au cours de leur pratique, certains de leurs patients n'ont jamais réussi à guérir, même après des années, voire des décennies. N'est-ce pas là une preuve du caractère irrémédiable ou incurable de ces troubles?
     Oui, tout à fait. Pour nous, cela démontre l'irréversibilité de la maladie. Il faut vraiment très bien tenir compte des conditions que nous vous avons présentées. Par exemple, le patient doit avoir eu un long parcours de soins au cours duquel il a eu accès à tous les traitements possibles, de même qu'à tout l'accompagnement psychosocial. À notre avis, lorsque toutes les conditions énumérées sont réunies, on peut déclarer que la maladie est irréversible et cette patiente ou ce patient devrait avoir droit à l'aide médicale à mourir.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Pour terminer, nous avons M. MacGregor pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la coprésidente.
    J'aimerais également remercier les témoins qui se sont joints au Comité et qui nous prêtent main-forte.
    Monsieur Kaiser, j'aimerais commencer par vous, puisque vous occupez un poste qui englobe le droit et la médecine.
    Je siège au Comité depuis le début. Ce qui me pose problème personnellement, c'est qu'il est question, d'une part, des droits de personnes qui peuvent exercer leur libre arbitre, qui ont la capacité et le droit de prendre des décisions concernant leur propre corps et, d'autre part, du concept plus vaste de notre devoir de protéger les gens les plus vulnérables.
    Vous avez clairement dit que nous ne sommes pas prêts. Pouvez-vous faire part de vos réflexions sur les difficultés que ces deux concepts présentent au Comité?
    Au bout du compte, pensez-vous que nous allons parvenir un jour au point où nous respectons le libre arbitre des gens ou pensez-vous que le devoir de protéger les plus vulnérables va toujours l'emporter lorsqu'il s'agit de problèmes de santé mentale en tant que seul problème médical sous-jacent?
    La réponse rapide est que nous devons dissocier le concept de choix et d'autonomie d'une personne atteinte d'une maladie mentale grave compte tenu de tous les facteurs psychosociaux qui imprègnent le diagnostic et l'expérience vécue. Lorsqu'on pense aux personnes handicapées en général, leurs choix sont motivés par la pauvreté, l'isolation, les préjugés, la solitude, le sentiment d'être un fardeau et ainsi de suite, et il est également possible qu'elles agissent sous la contrainte. Il y a aussi l'idée, implicite ou autre, qui préoccupe les Nations unies, selon laquelle il vaut mieux être mort qu'être handicapé.
    Lorsqu'on parle d'autonomie, il ne faut pas y penser de la même façon qu'on le ferait lorsque la personne ne se heurte pas à tous ces obstacles à la participation dans la société. Je n'ai pas de maladie mentale aujourd'hui, mais si vous supprimez toutes les bases sur lesquelles je m'appuie et qui me protègent, je ne pense pas alors que j'aurais le même degré d'autonomie. Je ne crois pas que je pourrais faire le même genre de choix à propos de la mort que d'autres personnes qui n'ont pas été privées de ces droits fondamentaux feraient.
    Le commissaire canadien des droits de la personne a dit que « l'aide médicale à mourir ne peut être un substitut lorsque le Canada manque à remplir ses obligations en matière de droits de la personne », car « l'inégalité systémique est le résultat d'un manque d'accès aux services sociaux » et « dans de nombreux cas, les personnes handicapées considèrent que mettre fin à leur vie est la seule option possible. »
    C'est ce que le commissaire canadien des droits de la personne a dit.
(1910)
    Merci.
    Je suis désolé de vous interrompre. Mon temps est un peu limité et j'aimerais passer au Dr Rajji.
    Monsieur, vous avez clairement dit au Comité que vous ne croyez pas que le Canada sera prêt d'ici mars 2024. C'est assez frappant, car le Parlement a dû adopter rapidement le projet de loi C‑39 pour nous donner une année de plus. Au bout du compte, ce comité se verra confier la tâche de présenter un rapport avec des recommandations aux deux Chambres du Parlement.
    Pour ce qui est de formuler une recommandation, avez-vous un délai en tête? Savez-vous environ combien de temps il faudra au milieu médical pour parvenir aux conditions que vous avez données dans votre déclaration liminaire et présentées à d'autres collègues présents?
    Vous avez environ une minute, docteur Rajji.
    Je n'ai pas de délai. Je représente ici le Centre de toxicomanie et de santé mentale, où nous avons des discussions. Il nous faut beaucoup de temps pour penser à ces lignes directrices, pour les rendre plus précises. Les discussions doivent se tenir à l'échelle du pays pour pouvoir se faire une idée du temps qu'il faudra.
    Je ne peux pas vous dire combien de temps cela pourrait prendre.
    Dans les 30 secondes qu'il me reste, pouvez-vous en dire plus sur la réponse précédente que vous vous apprêtiez à donner à propos de la difficulté que les professionnels pourraient avoir au moment de cerner les idées suicidaires dans les demandes d'aide médicale à mourir?
    Pouvez-vous en parler un peu également?
    Oui, c'est difficile en ce moment. Il n'y a pas de moyen évident de cerner les idées suicidaires ou une intention suicidaire dans les demandes d'aide médicale à mourir. Il faut donc tenir des discussions pour parvenir à un consensus et à un accord, entre professionnels, au sujet de la partie de l'histoire d'une personne atteinte d'une maladie qui permettrait de distinguer les deux cas.
    Ce n'est pas simple.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Sénatrice Mégie, vous avez la parole pour trois minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Ma question s'adresse au Dr Gaudreault, du Collège des médecins du Québec.
    J'aimerais que vous disiez au Comité si le Collège a déjà mis en place une sorte de réglementation visant à encadrer la pratique des membres du Collège qui donnent l'aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème médical invoqué est un problème de santé mentale.
    Je m'excuse, je n'ai pas compris toute la question.
    Au Collège, avez-vous déjà planifié, organisé ou mis en place de la réglementation visant à encadrer vos membres au sujet de l'aide médicale à mourir pour les personnes dont le seul problème médical invoqué est un problème de santé mentale?
    Non, madame. Nous n'avons pas fait cela du tout. Nous en sommes encore à participer à la discussion.
    Ce que nous avons exprimé, ce sont vraiment les cinq conditions qui nous mèneraient à orienter les médecins prestataires de l'aide médicale à mourir si cela devenait possible dans les cas où le seul problème médical invoqué est un problème de santé mentale.
    Au Québec, y a-t-il un groupe en particulier ou certains groupes qui soutiennent l'aide médicale à mourir dans cette condition, c'est-à-dire pour les problèmes de santé mentale?
    Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons mené un sondage auquel des médecins ont participé. Parmi ces derniers, 55 % étaient d'accord pour que nous travaillions à élaborer des critères précis qui permettraient à des patients aux prises avec des troubles de santé mentale de recourir à ce soin. En ce sens, on peut dire que la majorité de la communauté médicale, soit un peu plus de 50 %, serait d'accord pour aller de l'avant dans ce cas.
    Évidemment, c'est un problème complexe. Nous sommes d'accord sur tout ce qui a été dit. Cependant, au Collège, nous pensons qu'il faut continuer à travailler pour permettre à ces patients de recourir un jour à ce soin.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame la présidente.

[Traduction]

    Sénateur Kutcher, vous avez trois minutes.
(1915)
    Merci, madame la présidente.
    Docteur Rajji, vous répétez sans cesse que vous parlez au nom du Centre de toxicomanie et de santé mentale. J'ai ici les dernières lignes directrices et considérations du Centre pour opérationnaliser l'aide médicale à mourir. Pour que le Comité sache à quoi s'en tenir, rien dans le document ne dit qu'il faut que ce soit plus précis, comme vous l'avez dit. Dans le document, rien ne dit que les lignes directrices doivent reposer sur un consensus. En fait, on n'y parle pas, contrairement à vous, de critères consensuels. Il n'en est pas question dans le document du Centre. Je vais transmettre le document à tout le monde.
    À vrai dire, contrairement à ce que vous avez affirmé sur le caractère irrémédiable, le document dit que le Centre de toxicomanie et de santé mentale doit procéder au cas par cas:
Le Centre de toxicomanie et de santé mentale croit que pour déterminer si un patient est atteint d'une maladie mentale grave et incurable qui pourrait le rendre admissible à l'aide médicale à mourir, il faut s'appuyer sur le meilleur jugement clinique possible et sur un processus décisionnel partagé avec la personne qui présente la demande et toute autre personne qu'elle identifie [...] Cette décision devrait être fondée sur des normes de pratique élaborées à l'échelle nationale [...]
    L'élaboration de ces normes est terminée. Vous n'êtes peut-être pas personnellement d'accord dans tous les cas, mais elles ont été élaborées conformément à la procédure établie.
    L'autre problème ici, c'est que le Centre de toxicomanie et de santé mentale parle de l'importance de chaque effort pour faire une distinction entre « une demande d'aide médicale à mourir, présentée après avoir déterminé de façon éclairée que la vie avec une maladie mentale grave et incurable n'est pas ce que souhaite la personne », et « l'intention suicidaire en tant que symptôme d'une maladie mentale incurable ».
    Vous dites que cela ne pourrait pas se faire, mais ce n'est pas ce que dit le document du Centre. Soyons clairs: parlez-vous en votre nom ou au nom du Centre de toxicomanie et de santé mentale? Je pose la question parce que votre témoignage contredit tout ce que j'ai lu ici dans le document du Centre.
    Je parle au nom du Centre de toxicomanie et de santé mentale. Le service des affaires publiques du Centre a transmis au Comité la déclaration que je viens tout juste de lire. Je ne parle pas en mon nom, mais au nom du Centre. Je peux vous l'assurer.
    Excusez-moi. Je suis désolé, mais nous avons vraiment très peu de temps. Je vais transmettre le document pour que les membres du Comité puissent eux-mêmes voir si le discours du témoin et l'information du Centre sont conformes ou non.
    En passant, docteur Rajji, le Dr Mark Lachmann, en Ontario, le responsable médical de l'hôpital Bridgepoint du réseau Sinai Health, à qui on a demandé d'examiner l'aide médicale à mourir lorsqu'un trouble mental est le seul problème médical invoqué, a dit que nous sommes prêts à aller de l'avant en Ontario le 17 mars 2024. Il contredit directement ce que vous venez de dire. Je vais remettre au Comité le rapport complet du Dr Lachmann.
    Merci, sénateur Kutcher.
    Nous avons ensuite la sénatrice Osler pour trois minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.

[Traduction]

    Ma question est pour le Dr Rajji.
    Docteur Rajji, j'ai été frappée par ce que vous avez dit, à savoir que les discussions sur la qualité des soins n'ont pas eu lieu. Notre comité a entendu la Fédération des ordres des médecins du Canada, ou FOMC, dont la mission est de faire progresser la réglementation médicale au nom de la population grâce à la collaboration, à des normes communes et à des pratiques exemplaires. Lorsque la FOMC était ici, son représentant nous a dit qu'ils étaient prêts. Ma question pour vous porte sur vos préoccupations concernant les discussions sur la qualité des soins qui n'auraient pas eu lieu. Avez-vous rencontré les responsables de la FOMC pour en discuter ou leur avez-vous écrit au sujet du manque de discussions? Dans l'affirmative, quelle a été leur réponse?
    Non, je ne les ai pas rencontrés.
    Je répète que je ne suis pas le seul à avoir ces préoccupations. Elles sont partagées par plusieurs médecins qui participent à l'élaboration de ces lignes directrices. Les lignes directrices ne sont pas des normes. Je voulais également le préciser. Le document sur les normes, celui préparé par le groupe d'experts, dit que ce ne sont pas des lignes directrices cliniques, et c'est ce qui manque pour assurer la qualité des soins. C'est la position du Centre de toxicomanie et de santé mentale que nous décrivons pour expliquer pourquoi nous ne sommes pas prêts.
    Si le Centre a effectivement ces préoccupations, pourquoi n'en avez-vous pas discuté avec la Fédération des ordres des médecins du Canada?
(1920)
    Nous avons des discussions internes. Nous avons fait part de cette préoccupation au groupe d'experts lorsqu'il élaborait le modèle qui a expliqué les normes aux organismes de réglementation. C'était notre contribution. C'est ce que nous avons indiqué au groupe d'experts avant [difficultés techniques]
    Nous allons faire une courte pause.
    Voulez-vous poser votre question à un autre témoin?
    J'aimerais entendre le reste de sa réponse.
    J'ai arrêté le chronomètre.
    Docteur Rajji, il y a des problèmes de connexion, et nous essayons de vous ravoir en ligne.
    Docteur Rajji, on dirait que vous êtes de retour.
    Oui, cela fonctionne. Je suis désolé, mais j'ai perdu la connexion Internet à l'hôpital. Je ne sais pas si vous avez entendu...
    Oui, la sénatrice Osler a encore environ 45 secondes.
    Voulez-vous terminer? Vous étiez au milieu de...
    Docteur Rajji, avez-vous terminé votre réponse? Nous avons perdu la connexion au milieu.
    Je ne sais pas quand j'ai perdu la connexion. Je ne vais pas prendre de risque.
    Nous avons indiqué au groupe d'experts qu'il n'y avait pas de lignes directrices cliniques. Nous avons recommandé de ne pas se limiter aux normes et d'élaborer ces lignes directrices. C'est ce que nous avons indiqué, au nom du Centre de toxicomanie et de santé mentale, en tant qu'organisation, au groupe d'experts lorsqu'on a demandé nos commentaires.
    Merci, madame la présidente.
    Sénatrice Osler, nous vous donnons un peu plus de temps.
    Docteur Rajji, vous avez parlé du processus décisionnel fondé sur le consensus. Pourriez-vous fournir au Comité des exemples dans le domaine de la médecine, ou peut-être de la psychiatrie, où ce processus est utilisé pour orienter les décisions liées aux traitements?
    Ce processus est utilisé lorsqu'il manque de données scientifiques de qualité fondées sur des données expérimentales pour s'orienter vers une intervention ou un traitement plutôt qu'un autre. La décision concernant les lignes directrices reposera alors sur un consensus de spécialistes de la condition médicale en question.
    Merci, docteur Rajji.
    Sénatrice Martin, vous avez trois minutes.
     Merci beaucoup.
    Ma question s'adresse à M. Kaiser. Vous avez parlé de plusieurs articles de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Vous accordez de toute évidence une grande importance à la contribution et à l'influence des organismes qui représentent les personnes handicapées.
    Avez-vous une théorie qui expliquerait pourquoi ces organismes se sentent à ce point ignorés?
    Cette question est complexe pour différentes raisons, mais la réponse est simple. Ces organismes affirment que la société est capacitiste et que les normes qui dévalorisent les personnes handicapées — surtout les personnes atteintes de maladie mentale, mais pas seulement elles — sont ancrées dans les systèmes médicaux et dans le système juridique. Nous constatons que les personnes qui vivent avec ces conditions ne sont pas entendues, alors que ce sont elles qui en savent le plus sur le caractère irrémédiable de la maladie, les stresseurs psychosociaux et la prédictibilité. Depuis l'affaire Rodriguez, ces personnes affirment toutes qu'elles ne veulent pas de cette solution, notamment parce que cela contrevient au principe du « rien de ce qui nous concerne ne doit se faire sans nous », qui est l'esprit de la convention.
    Les législateurs au Parlement et les tribunaux ont opéré un changement total de paradigme concernant les personnes handicapées. Ce changement a pour effet de dévaluer systématiquement et insidieusement la contribution des personnes handicapées aux politiques publiques, ce qui est interdit selon la convention.
(1925)
     Il existe des dissensions sur la question de savoir si l'AMM pour les personnes atteintes de maladie mentale enfreint ou respecte les droits garantis par la Charte.
    Comment devrions-nous gérer ces divergences d'opinions?
    Tout d'abord, je regrette profondément que l'arrêt Truchon n'ait jamais été porté en appel devant une cour d'appel ou devant la Cour suprême du Canada. Si le gouvernement avait eu le courage de renvoyer le cas à la Cour suprême, une décision plus progressive aurait été rendue. Les tribunaux auraient refusé d'accorder la prorogation additionnelle.
    Examinons simplement la question sous l'angle de l'article 15 de la Charte. La loi établit une distinction fondée sur le handicap, ce qui cause de la souffrance aux personnes handicapées, tandis que d'autres personnes aux prises avec des problèmes ne sont pas admissibles à l'AMM. La distinction est discriminatoire, car elle renforce un stéréotype éculé voulant que la vie des personnes handicapées ne vaille pas la peine d'être vécue, alors que tous les autres qui ne peuvent pas participer à la société en raison d'obstacles autres que la santé mentale sont dirigés davantage vers des ressources de prévention du suicide que vers l'aide au suicide.
    La Charte offre une réponse claire. La loi contrevient à l'article 15 qui garantit l'égalité. Elle viole également l'article 7, qui énonce le principe fondamental de justice et le principe universel d'égalité.
     Merci beaucoup, monsieur Kaiser.
    Messieurs, merci beaucoup de vous être joints à nous ce soir. Vos témoignages sont précieux.
    Chers collègues, nous allons suspendre brièvement la séance pour permettre au prochain groupe de témoins de s'installer. Merci.
(1925)

(1930)
     Chers collègues, nous reprenons nos travaux.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue au deuxième groupe de témoins. Nous accueillons le Dr Sonu Gaind, chef du Département de psychiatrie au Sunnybrook Health Sciences Centre.
    Par vidéoconférence, nous recevons, de la Société canadienne de psychologie, la Dre Eleanor Gittens et le Dr Sam Mikail, psychologue.
    Merci à tous de votre présence.
    Nous allons commencer. Vous disposez chacun de cinq minutes. Le Dr Gaind interviendra en premier.
     Vous avez la parole, docteur Gaind.
    Je m'appelle Sonu Gaind et je suis professeur titulaire, psychiatre et membre du conseil des gouverneurs à l'Université de Toronto, chef du Département de psychiatre à Sunnybrook et ancien président de l'Association des psychiatres du Canada et de l'Ontario Psychiatric Association.
    Mon domaine d'expertise est la psycho-oncologie. Je travaille avec les patients atteints du cancer et avec leur famille. Je ne suis pas un objecteur de conscience. J'étais médecin président de l'équipe d'aide médicale à mourir à mon ancien hôpital. Les fonctions que j'assume conditionnent mon expertise, mais je témoigne à titre personnel, et non pas au nom d'un groupe.
    Merci de me donner la chance de m'exprimer. Mon témoignage ne sera pas facile à livrer ni facile à entendre, mais il doit être dit. Les personnes qui demandent un élargissement qualifient de discriminatoire le refus de fournir l'AMM fondée sur un trouble mental. Leur position concorde avec celle du sénateur Kutcher.
    En fait, le contraire est vrai pour trois raisons. L'AMM est offerte aux personnes atteintes de problèmes de santé irrémédiables dont on peut prévoir qu'ils ne s'amélioreront pas. Or, les données produites un peu partout dans le monde démontrent que le caractère irrémédiable ne peut pas être prédit dans le cas des maladies mentales. Autrement dit, la première mesure de sauvegarde de l'AMM serait déjà court-circuitée selon les données qui révèlent que les prédictions sont erronées dans plus de la moitié des cas.
    Les données scientifiques démontrent l'impossibilité de distinguer entre les idéations suicidaires causées par la maladie mentale et les conditions qui conduisent à faire une demande d'AMM pour des motifs psychiatriques. Les caractéristiques en commun dans les deux situations laissent entendre qu'il n'y a peut-être aucune distinction à établir.
    Finalement, les personnes aux prises avec une maladie mentale ont une incidence plus élevée de souffrance psychosociale. Tout cela signifie que les évaluateurs de l'AMM feront fausse route au moins la moitié du temps lorsqu'ils prédiront l'irrémédiabilité. Ils croiront à tort qu'ils auront éliminé les idéations suicidaires. En fait, ils aideront à mourir des Canadiens marginalisés et suicidaires dont la situation aurait pu être améliorée. Voilà la discrimination suprême.
    Les décideurs nous ont assurés que nous étions prêts à mettre en œuvre l'AMM pour maladie mentale. J'ai passé en revue les textes, les normes de pratique de Santé Canada et la formation de l'ACEPA sur les demandes d'AMM fondées sur un trouble mental. J'appuie l'AMM de façon générale, mais je vous assure que nous ne sommes pas prêts.
    À propos de l'irrémédiabilité, la Dre Gupta a reconnu dans le rapport de 2020 de l'Association des médecins psychiatres du Québec qu'« une personne qui demande l'AMM [...] pourrait éventuellement retrouver le désir de vivre », ce qui veut dire que la décision pourrait s'avérer éthique dans tous les cas. Le groupe d'experts dont elle fait partie a refusé en 2022 de recommander des mesures de sauvegarde supplémentaires même si les lois au Canada, contrairement à celles d'autres pays, ne renferment pas d'exigences relatives à la diligence raisonnable et aux solutions alternatives de traitement autres que l'AMM.
    Mme Downie a fait valoir que l'irrémédiabilité est un terme juridique, et non pas un concept clinique. Faites ces contorsions mentales avec vos électeurs. Dites-leur que leur proche atteint de maladie mentale a obtenu l'AMM, non pas à la suite d'une évaluation clinique fondée sur la médecine ou la science, mais plutôt à la suite d'une décision éthique de l'évaluateur, et essayez ensuite de les convaincre que c'est tout à fait correct.
    Au sujet des idéations suicidaires, le sénateur Kutcher et la Dre Green affirment que les personnes suicidaires n'obtiendront pas l'euthanasie psychiatrique. La Dre Gupta soutient que les évaluateurs peuvent repérer et séparer les idéations suicidaires dans les demandes d'AMM parce qu'ils font cela...

[Français]

    Madame la présidente, est-ce que le témoin peut ralentir son débit? Il aura l'occasion de dire tout ce qu'il a à dire. En ce moment, c'est un peu trop rapide pour les interprètes. Ils doivent pouvoir rendre les propos de façon intelligible.
(1935)

[Traduction]

    J'espère que je ne suis pas en train de perdre du temps.
     Nous avons arrêté le chronomètre dès qu'il y a eu une intervention.
    Poursuivez. Veuillez ralentir le débit.
    Merci.
    Si je ralentis, je ne pourrai pas terminer ma déclaration.
     Il faudrait parler un peu plus lentement en raison de l'interprétation.
    Je suis désolé, mais j'aimerais prononcer tout le contenu que j'ai préparé.
    Très bien. Nous sommes à 2 minutes et 54 secondes. J'ai arrêté le chronomètre dès qu'il y a eu une intervention.
    Merci.
    Merci.
    Ce n'est pas en répétant une fausseté que nous la transformons en vérité, et les données démontrent que la distinction que ces personnes se croient capables de faire est impossible à établir. La formation de l'ACEPA ne montre pas aux évaluateurs comment établir la distinction entre les idéations suicidaires et les demandes d'AMM fondées sur des motifs psychiatriques, mais elle les convainc qu'ils en sont capables. Certains font alors des déclarations marquantes. Par exemple, le Dr Gubitz se demande « si le patient est suicidaire ou s'il a un motif valable de souhaiter mourir, ce qui n'est pas la même chose. »
    Ce que je viens d'exposer met en évidence un des principaux problèmes des évaluations des demandes d'AMM pour des motifs psychiatriques, c'est‑à‑dire l'orgueil des évaluateurs qui pensent être en mesure de déterminer l'irrémédiabilité et d'établir la distinction entre les idéations suicidaires et les demandes d'AMM pour des motifs psychiatriques, alors que les données disent le contraire.
    Étonnamment, le module sur le suicide de la formation de l'ACEPA ne mentionne pas les risques connus que courent les populations marginalisées. Des données européennes révèlent que deux fois plus de femmes que d'hommes recourent à l'euthanasie psychiatrique. Les données démontrent aussi un écart entre les sexes concernant les cas de souffrance sociale non résolus. Étrangement, la Dre Gupta a balayé cette lacune du revers de la main en disant que cet écart entre les sexes ne la concerne pas, puisque personne ne sait vraiment ce que cela signifie. Les signes d'écart entre les sexes dans le deuxième volet émergent déjà au Canada.
     Les tenants de l'élargissement ont donné des assurances à profusion, mais n'ont ajouté aucune mesure de protection.
    Dans les dernières semaines, j'ai travaillé avec plus de 200 collègues à déboulonner le flot de désinformation qui oriente les politiques. Vous pouvez voir la publication d'aujourd'hui sur impactethics.ca. Vous trouverez aussi d'autres liens sur le nouveau site de la Society of Canadian Psychiatry, socpsych.org.
    La présidente de l'Association des psychiatres du Canada, la Dre Freeland, a admis du bout des lèvres que les choses ne sont pas tout à fait prêtes. La responsable de la formation de l'ACEPA, la Dre Li, a écrit qu'elle avait de graves préoccupations concernant le degré de préparation. La Dre Gupta a mentionné lors de son témoignage qu'une ou deux personnes parmi ses patients seraient admissibles. Je ne peux pas me prononcer sur la gravité des maladies en question, mais M. Scott Kim, chercheur au National Institutes of Health, estime à plus de 2 000 le nombre de patients qui se sont vu accorder l'euthanasie pour des motifs psychiatriques.
    Cette augmentation n'est pas vraiment une pente glissante. C'est un train dont on a perdu le contrôle, comme celui qui a causé le désastre de Lac-Mégantic. Une multitude de signes montrent au gouvernement qu'il ne devrait pas aller de l'avant. S'il choisit de le faire, il ne pourra pas dire qu'il n'aura pas été averti.
    Nous ne sommes pas prêts. Vous devrez soit conserver la date butoir arbitraire, soit arrêter le train de manière responsable.
    Merci.
     Merci, docteur Gaind.
    Docteure Gittens, vous avez cinq minutes.
     Madame la présidente, distingués membres du comité spécial, je vous remercie d'avoir invité la Société canadienne de psychologie à témoigner.
    Je suis la Dre Eleanor Gittens, présidente de la Société canadienne de psychologie, ou SCP. Je suis aussi professeure et coordinatrice du programme de traitement et de prévention des dépendances au Georgian College. Je suis accompagnée du Dr Sam Mikail, ancien président de la SCP et professeur clinicien auxiliaire à l'Université de Waterloo.
     La SCP est l'association nationale qui représente la pratique et l'enseignement de la psychologie au Canada, ainsi que la recherche dans le domaine. Le Canada compte environ 19 000 psychologues agréés.
    La SCP reconnaît le travail important effectué par le comité mixte spécial sur la question très délicate et controversée de l'aide médicale à mourir. Au sujet de l'admissibilité possible des demandes d'AMM où le trouble mental est le seul problème médical invoqué, la SCP a formulé une série de recommandations en réponse au rapport du Groupe d'experts sur l'AMM et la maladie mentale publié en mai 2022, et avant la publication du rapport provisoire du comité mixte spécial en juin 2022. Ces recommandations ont été communiquées à la ministre de la Santé mentale et des Dépendances, au ministre de la Santé, au ministre de la Justice, ainsi qu'au Comité.
    La SCP a mis sur pied un groupe de travail chargé de se pencher sur l'aide médicale à mourir. Elle a également produit deux rapports. Le premier, publié en 2018, portait sur diverses questions relatives à l'AMM, telles que la capacité décisionnelle, les directives anticipées et le rôle des psychologues. Le second, produit en 2020, présentait les lignes directrices de pratique clinique à l'intention des psychologues qui participent aux décisions de fin de vie.
    En raison des contraintes de temps, nous ne verrons pas toutes les recommandations présentées dans nos rapports. Nous nous attarderons seulement aux trois suivantes.
    Premièrement, le rapport du groupe d'experts recommande qu'un évaluateur indépendant participe au processus d'évaluation relatif à l'AMM lorsque le trouble mental est le seul problème médical invoqué. Les psychiatres sont les experts désignés. Nous sommes tout à fait d'accord pour dire que ces cas doivent faire l'objet d'une évaluation indépendante de l'équipe traitante ou des prestataires de soins. Toutefois, nous recommandons fortement que les psychologues soient désignés comme évaluateurs experts supplémentaires. Les psychologues forment le groupe le plus nombreux de fournisseurs de soins de santé mentale membres d'une profession réglementée au pays en mesure d'évaluer, de diagnostiquer et de traiter des troubles mentaux. Ils peuvent fournir une expertise dans le cadre des décisions relatives à l'AMM et élargir le bassin d'évaluateurs qualifiés. L'expertise des psychologues dans l'administration et l'interprétation de mesures objectives est considérée comme valide et fiable. Elle comprend des indicateurs visant à repérer les réponses incohérentes, les réponses feintes, l'exagération des symptômes et les idéations ou les intentions suicidaires. Cette expertise est essentielle à l'évaluation des demandeurs d'AMM lorsque le trouble mental est le seul problème médical invoqué.
    Deuxièmement, la SCP n'a pas eu l'occasion d'examiner le programme de formation à l'intention des évaluateurs de l'AMM et de fournir des commentaires lors de l'élaboration dudit programme. Vu l'expertise des psychologues dans la mise au point, l'administration et l'interprétation de mesures psychométriques dans le cadre d'évaluations complexes, il s'agit selon nous d'une omission importante. Dans les décisions de fin de vie, qui peuvent être compromises par une altération, même infime, des fonctions cognitives, le plus grand soin doit être apporté à la réalisation d'évaluations objectives qui orienteront la détermination de l'admissibilité à l'AMM. Les psychologues sont des spécialistes de l'évaluation et du diagnostic du fonctionnement cognitif. Ils sont particulièrement bien placés pour garantir ce niveau de diligence.
    En raison de leur formation et de leurs connaissances poussées de la méthodologie de la recherche, les psychologues devraient eux aussi participer à la recherche sur l'AMM portant sur les soins de fin de vie lorsque la maladie mentale est le seul problème médical invoqué. Nous renvoyons à la recommandation no 19, qui énonce que « le gouvernement fédéral devrait financer des recherches libres périodiques, tant ciblées qu'amorcées par des enquêteurs, sur des questions relatives à la pratique de l'AMM. »
    Troisièmement, nous aimerions mentionner également la recommandation no 2, selon laquelle « les évaluateurs de l'AMM devraient établir l'incurabilité en se référant aux tentatives de traitement effectuées jusqu'à ce jour, aux résultats de ces traitements ainsi qu'à la gravité et à la durée de la maladie, de l'affection ou du handicap. »
(1940)
     Cette recommandation...
    Merci, docteure Gittens.
    Nous passons à la première série de questions.
    Nous allons commencer par M. Cooper pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la coprésidente.
    Mes questions s'adressent au Dr Gaind.
    Vous avez dit que la formation de l'ACEPA sur l'aide médicale à mourir et les maladies mentales ne préparait pas adéquatement les évaluateurs.
    Pourriez-vous en dire plus?
    J'en serais ravi, et je répéterai que je pense que c'est tout à fait inadéquat. Je serai plus ferme en disant cela.
    Je pense que nous aurions pu faire une meilleure utilisation des 3,3 millions de dollars qui y ont été consacrés. Toutefois, si l'on met de côté les commentaires péjoratifs, c'est quelque chose qui, lorsque je l'examine, me permet de voir si cela aide les évaluateurs, de manière avérée ou raisonnable, à distinguer des choses comme le caractère irrémédiable. Comme je l'ai dit, la question n'est pas de savoir si une situation est irrémédiable, mais si nous pouvons prédire qu'elle le sera. C'est là toute la question. Nous faisons des prédictions avant de donner la mort à quelqu'un lorsqu'il n'est pas en train de mourir. Il n'y a rien là qui nous aide à prédire ce qui est irrémédiable.
    Il y a aussi les idées suicidaires. Je dois dire que ce facteur m'a littéralement choqué. Je suis en train de l'examiner, mais le module sur les idées suicidaires comprend 10 pages, dont cinq diapositives avec du contenu et un clip audio de quatre minutes et demie.
    Il n'y a rien dans ce document sur, par exemple, le ratio femme-homme de l'euthanasie psychiatrique dans les endroits où elle est pratiquée, qui est de 2 pour 1. Il n'y a rien sur le risque de suicide chez les populations marginalisées. On se contente de faire des commentaires de la sorte: « La gestion des idées suicidaires est une chose que la plupart des cliniciens ont apprise à un moment ou à un autre de leur formation [...] Les principes généraux de la gestion des idées suicidaires s'appliquent généralement dans le contexte de l'aide médicale à mourir, l'AMM, que la personne fasse une demande dans le cadre de la voie 1 ou de la voie 2. » Je ne sais même pas ce que cela signifie. Cela ne fournit pas d'orientation. Mais cela dit dangereusement aux gens qu'ils pensent pouvoir séparer les idées suicidaires d'une demande d'AMM psychiatrique, alors qu'aucune preuve n'étaye cette idée.
(1945)
    En ce qui concerne le caractère irrémédiable et les idées suicidaires, la Dre Gupta, dit, dans le cas du caractère irrémédiable, que les psychiatres sont outillés pour prendre des décisions au cas par cas, en exerçant leur jugement clinique.
    En ce qui concerne les idées suicidaires, la Dre Gupta a affirmé qu'il n'y avait pas de problème pour déterminer s'il s'agissait d'une demande rationnelle ou d'une demande motivée par des idées suicidaires, parce que les psychiatres le font tout le temps.
    J'aimerais entendre vos observations à ce sujet.
    J'ai entendu de nombreuses personnes dire cela, et ce n'est tout simplement pas vrai.
    Les évaluations sur le suicide que nous sommes forcés de fournir dans le cadre de la résidence ne permettent pas de distinguer les idées suicidaires de la question de savoir si quelqu'un veut mourir par l'entremise de l'AMM. C'est une chose complètement différente.
    L'orientation de l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'aide médicale à mourir, l'ACEPA, met beaucoup l'accent sur le caractère impulsif ou non du suicide, passant complètement à côté du fait que de nombreux suicides sont en fait planifiés, mûrement réfléchis sur une période de temps. Il n'y a rien dans ce document qui nous aide à faire la part des choses.
    En outre, les données recueillies dans les pays européens montrent que les caractéristiques des personnes qui font une tentative de suicide — dont la plupart ne recommencent pas et ne mettent pas fin à leurs jours par suicide, et qui bénéficient de la prévention du suicide — se recoupent avec celles des personnes qui demandent et obtiennent l'euthanasie psychiatrique.
    La préoccupation évidente est la suivante: sommes-nous en train de convertir des tendances suicidaires transitoires, qui peuvent être fixées pour une période de temps relativement longue, mais qui diminuent encore avec la prévention du suicide, en une létalité à 100 % par l'entremise de l'AMM? C'est pourquoi le ratio de 2 pour 1 entre les femmes et les hommes qui obtiennent une euthanasie psychiatrique devrait terrifier n'importe quel psychiatre, car ce ratio est exactement le même que le ratio de 2 pour 1 entre les femmes et les hommes qui tentent de se suicider lorsqu'ils souffrent de troubles mentaux, comme je l'ai dit, et dont la plupart ne meurent pas par suicide et ne tentent pas à nouveau de se suicider.
    Nous pensons que cela reflète une marginalisation fondée sur le genre. Comment pouvons-nous ignorer cela, en tant que pays, et dire que nous sommes prêts à aller de l'avant en mars 2024?
    Dans son témoignage, Dre Gupta a affirmé que « certaines des voix qui disent que nous ne sommes pas prêts n'ont en rien aidé à la préparation ».
    Êtes-vous d'accord pour dire que c'est une description juste?
    Je ne suis pas d'accord pour dire que c'est une description juste. Je suis en fait choqué qu'elle ait dit cela. Elle devrait savoir mieux que quiconque que de nombreuses personnes ont souhaité être impliquées et n'en ont pas eu l'occasion. Cela vaut pour de nombreuses choses sur lesquelles je peux donner plus de détails, mais je sais que le temps imparti pour votre question est limité, mais je ne partage pas cet avis.
    Je vous remercie.
    La prochaine intervenante est Mme Koutrakis, pour cinq minutes.
    Merci, madame la coprésidente.
    Merci à nos témoins d'être des nôtres ce soir.
    Mes questions s'adresseront à la Dre Gittens et au Dr Mikail. Nous avons entendu cette question à maintes reprises et d'autres témoins y ont répondu. Je vais donc la poser à nouveau pour voir si votre point de vue est différent, le cas échéant.
    Pensez-vous que le système de santé est prêt pour une extension de l'admissibilité à l'AMM le 17 mars 2024 pour les personnes dont la seule condition médiale sous-jacente est un trouble mental?
    Je pense qu'il faut examiner plusieurs éléments dans la question de l'état de préparation.
    Premièrement, il y a la loi. Est-elle en place? Oui, elle l'est.
    Deuxièmement, des règlements sont-ils en place? Je dirais que les règlements sont incomplets, car ils n'ont pas été examinés par la communauté de la santé mentale dans son ensemble. Ils ont été examinés, comme on l'a dit plus tôt, par la Fédération des ordres des médecins du Canada. C'est un groupe restreint, je pense, qui œuvre dans les soins de santé mentale, et il y a donc du travail à faire à ce chapitre.
    Troisièmement, pour déterminer l'état de préparation, il faut avoir une idée de ce que sera la demande, et nous n'en avons aucune idée. Il est évident que nous devons mesurer la demande par rapport aux ressources disponibles en termes de personnes qui sont préparées à effectuer ces évaluations, et nous ne connaissons pas ce ratio.
    Je pense qu'il y a de nombreuses lacunes pour ce qui est de prendre cette décision.
(1950)
    Selon vous, que faut‑il faire pour que le système de santé soit prêt à faire face à l'AMM et aux maladies mentales? Pourriez-vous formuler une recommandation à ce comité? Quels sont les points qui, selon vous, en tant qu'organisation ou que personne, permettraient d'assurer la préparation?
    Je pense que l'un des points soulevés par la Dre Gittens dans sa déclaration liminaire est qu'il est vraiment essentiel d'envisager une méthode approfondie et exhaustive d'évaluer la demande d'AMM d'une personne, qu'il s'agisse d'une personne souffrant de troubles mentaux ou d'une autre demande dans le cadre des troubles de la voie deux.
    Je pense qu'il est malavisé et inadéquat de faire cela en se fondant sur un simple entretien. Les entretiens et les conversations avec les patients sont susceptibles d'être biaisés, et nous avons besoin d'indices plus objectifs pour évaluer l'état mental d'une personne et placer la demande dans le contexte de cet état mental.
    Il existe de nombreuses recherches qui remontent aux années 1950 et qui se poursuivent depuis, qui révèlent très clairement que les prévisions actuarielles sont de loin supérieures aux prévisions cliniques. À tout le moins, je pense que c'est l'une des choses nécessaires pour que nous soyons prêts. Il faut examiner la manière dont ces évaluations sont effectuées et voir si elles répondent réellement aux normes.
    Estimez-vous, docteur Mikail, que les ressources actuellement en place sont suffisantes pour aider les gens à évaluer...? Nos prestataires de soins de santé disposent-ils des ressources, de la formation adéquate, des outils adéquats dont ils auraient besoin pour déterminer si une personne doit être admissible à l'AMM ou non lorsqu'elle est aux prises avec des troubles mentaux?
    Je dirais que non. Je ne pense pas que nous soyons rendus là. Encore une fois, si nous voulons prendre la question de l'évaluation au sérieux, l'étendre au‑delà d'une simple conversation ou d'un entretien clinique avec la personne, de l'examen des dossiers, etc., et ensuite inclure des mesures plus objectives, je ne crois pas que la formation soit au point, du moins pas dans sa forme actuelle.
    Il vous reste environ 40 secondes.
    Merci.
    Pensez-vous que nous y parviendrons en tant que pays, compte tenu de ce que nous avons vu jusqu'à présent? Pensez-vous que nous parviendrons un jour à un consensus?
    Non. Je ne pense pas qu'il y aura de consensus un jour. Je crois qu'il y aura toujours des personnes dans un segment de la communauté des soins de santé et de la société qui ne pense pas que c'est quelque chose qui devrait se produire, et un autre segment de la communauté, évidemment, qui y est favorable.
    Je pense que l'un des problèmes liés aux troubles mentaux est que nous disons qu'ils sont la seule condition médicale sous-jacente. Tous les troubles mentaux ne sont pas des conditions médicales, et je pense nous sommes acculés au pied du mur en utilisant cette terminologie.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant entendre M. Thériault, pour cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Docteur Gaind, depuis combien d'années pratiquez-vous la psychiatrie?

[Traduction]

    Si je dois répondre publiquement à cette question, c'est peut-être 25 ans, à peu près. C'est entre 20 et 25 ans.

[Français]

    Dans toutes vos années de pratique, avez-vous rencontré des patients dont l'état était irrémédiable?

[Traduction]

    Au cours de ma pratique, j'ai rencontré des patients dont l'état ne s'est pas amélioré, mais j'en ai rencontré d'autres dont je ne pensais pas qu'ils se porteraient mieux, et leur état s'est amélioré.

[Français]

    On l'espère bien, puisqu'il faut que la psychiatrie puisse offrir autre chose que des soins palliatifs ad vitam æternam à des patients qui souffrent, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Absolument. Il s'agit d'essayer d'aider quelqu'un à retrouver un sens et un but à sa vie. Nous sommes en mesure de le faire.
    Le point que je faisais valoir dans mes observations précédentes, c'est que je n'aurais pas pu prédire quels patients iraient mieux ou n'iraient pas mieux. L'état de la grande majorité d'entre eux s'est amélioré, et si j'avais cru qu'ils auraient...
(1955)

[Français]

    Oui, j'ai bien compris cela. C'est un peu particulier, effectivement. C'est ce qui fait que les troubles mentaux forment une catégorie particulière. C'est beaucoup plus simple lorsqu'il s'agit d'une personne atteinte d'un cancer de stade 4 ou qui est en phase terminale. On comprend cela.
    En raison de cette difficulté, justement, il me semble que le rapport des experts contenait un certain nombre de balises. Par exemple, il y avait l'idée que le trouble mental de la personne devait s'inscrire dans une chronicité. Au fil de cet état chronique, il se peut que la personne ait des idées suicidaires. Or, à ma connaissance, l'état suicidaire est réversible. Quoi qu'il en soit, au bout du compte, il demeure un petit nombre de patients qui, même après des années où ils ont essayé tous les traitements possibles censés améliorer leur état, continuent de penser, dans les derniers moments, que leur vie n'a pas de sens. Je ne sais pas si vous l'avez entendu tout à l'heure, mais le président du Collège des médecins parlait de cas où le patient n'arrive toujours pas à donner un sens à sa vie.
    Ne trouvez-vous pas que ce rapport du groupe d'experts contient certaines balises qui nous permettent au moins d'espérer pouvoir établir une pratique sûre et durable pour les personnes atteintes de troubles mentaux, plutôt que de les discriminer tout simplement parce qu'elles sont dans une catégorie de patients qui, du point de vue médical, sont difficiles à soigner?

[Traduction]

    Ce n'est pas une question de personnes qui sont difficiles à soigner sur le plan médical. C'est qu'il est impossible de prédire correctement que ces personnes ne se porteront pas mieux. Cela signifie que l'on offrirait la mort sous de faux prétextes. C'est ce qui me pose problème.
    Pour répondre à votre question, je répondrai deux choses à propos des gens dont l'état ne s'améliore pas.
    Pour ceux dont les essais de traitement sont aussi longs et qui ont souffert très longtemps, je vous rappelle qu'il n'existe aucune protection législative. Le groupe d'experts de la Dre Gupta a explicitement déclaré qu'il ne recommandait aucune protection législative supplémentaire.
    C'est remarquable, car tout le reste n'est que suggestions et assurances. Même la Dre Li, la responsable scientifique de l'ACEPA l'a dit.

[Français]

    Excusez-moi de vous interrompre.
    Dans le rapport, il y a la recommandation 10, qu'on ne retrouve pas dans les autres cas de figure de pratique de l'aide médicale à mourir. Selon cette recommandation, on doit obtenir l'avis d'un deuxième psychiatre indépendant ou d'une autre personne spécialisée dans le trouble mental en question avant de pouvoir administrer l'aide médicale à mourir.
    Il y a aussi la recommandation 16, où il est question de surveillance prospective. Que pensez-vous de cette recommandation, qu'on ne retrouve aucunement dans une autre pratique d'un océan à l'autre au Canada ni même au Québec?

[Traduction]

    En ce qui concerne les choses que vous citez, tout d'abord, je ferai remarquer que ce n'est pas dans la norme de pratique en matière de santé. En fait, la suggestion de faire appel à un spécialiste a été retirée; elle ne s'y trouve plus. La Dre Gupta était l'une des six personnes qui l'ont rédigée.
    Dans ce même rapport, le groupe d'experts dit littéralement qu'il n'est pas en mesure de fournir des orientations sur la durée, le nombre ou les types de traitements requis avant de fournir l'AMM pour des maladies psychiatriques.
    Ce n'est pas une orientation.
    Je vous remercie.

[Français]

    Ce n'est pas parce que c'est absent du rapport que nous ne pouvons pas le faire ou le proposer. Vous seriez donc d'accord pour qu'on remette en place la recommandation 10.

[Traduction]

    Monsieur Thériault, le temps est écoulé. Nous l'avons dépassé de plusieurs secondes.
    Vouliez-vous répondre rapidement par oui ou non?

[Français]

    Il aurait quand même été intéressant que le Comité ait la réponse. Compte tenu du délai nécessaire pour l'interprétation, j'aurais aimé avoir une réponse. Le fait que ce ne soit pas dans les normes ne devrait pas empêcher le Comité de remettre en place la recommandation 10.

[Traduction]

    D'accord, monsieur Thériault.
    Répondez brièvement par oui ou non à la question.
    Non, cela n'offrirait pas la protection à laquelle vous pensez.

[Français]

    D'accord, merci.

[Traduction]

    M. MacGregor aura la parole pour les cinq prochaines minutes.
    Je vous remercie, madame la coprésidente.
    Docteur Gaind, j'aimerais vous adresser mes questions.
    On a beaucoup parlé du fait qu'une personne qui souffre d'une maladie mentale incurable devra présenter des antécédents de traitement complets pour avoir accès à l'AMM TM‑SPMI. Nous avons le groupe d'experts du gouvernement fédéral, le groupe de travail sur les normes de pratique en matière d'AMM et l'ACEPA. Le groupe d'experts a déclaré qu'aucune autre mesure de protection législative n'était nécessaire, si vous lisez le Code criminel, vous constaterez qu'une personne doit être « informée des moyens disponibles ».
    Qu'en pensez-vous? Vous avez déjà exprimé un certain malaise à ce sujet. Pourquoi ces normes ne sont-elles pas suffisantes par rapport à une véritable protection législative dans le Code criminel?
(2000)
    Il y a quelques éléments. Tout d'abord, il faut garder à l'esprit que je ne connais aucune autre activité médicale qui nécessite une dérogation au Code criminel pour éviter les poursuites pour homicide. Ce dont nous parlons, c'est d'aider les gens à mourir lorsqu'ils sont en train de mourir — c'est essentiellement ce dont il est question.
    En ce qui concerne les protections potentiellement requises, pour répondre à votre question, lorsqu'elles ne figurent pas dans la loi, les conséquences sont, disons‑le, que les évaluateurs disposent d'une grande marge de manœuvre. Ce n'est pas moi qui le dis; ce sont des personnes qui travaillent sur le terrain qui le disent. La Dre Li, qui a dirigé l'élaboration des lignes directrices de l'ACEPA, a précisément déclaré que la loi actuelle laisse trop de place aux valeurs personnelles des praticiens. À l'heure actuelle, c'est une fiction juridique que l'admissibilité à l'AMM soit déterminée en fonction d'un jugement clinique objectif. En fait, je constate régulièrement que les valeurs des praticiens influencent l'interprétation des critères d'admissibilité à l'AMM et des protections.
    Si vous vous souvenez du témoignage de la Dre Gupta — que j'ai trouvé tout à fait remarquable —, elle semblait utiliser le fait qu'aucun évaluateur n'ait été poursuivi comme un indicateur que tout allait bien et qu'il ne fallait donc pas s'inquiéter. Ce n'est pas le genre de seuil que j'utilise. Si les gens ne sont pas au courant, les lignes directrices de l'ACEPA — ce n'est pas dans la partie sur les maladies mentales, mais dans un document antérieur qui date de 2022, intitulé « The Interpretation and Role of 'Reasonably Foreseeable' », soit l'interprétation et le rôle de ce qui est raisonnablement prévisible — sont assujetties à un processus. Il vise à fournir des conseils aux évaluateurs pour qu'ils convertissent les demandes d'AMM de la voie 2 à la voie 1 pour qu'ils procèdent à l'AMM de la voie 2, contournant ainsi toutes les protections de la voie 2, y compris la période de 90 jours, même si les évaluateurs ne sont pas d'accord que le patient devrait faire partie de la voie 1.
    Merci de ces observations, docteur Gaind.
    À mon avis, il y a eu des rapports contradictoires sur les chiffres concernant le nombre de psychiatres au Canada qui sont à l'aise avec cette évolution par rapport à ceux qui ne le sont pas. Je pense que vous avez déjà fait référence à l'Association médicale de l'Ontario et aux psychiatres du Manitoba. Avez-vous quelque chose à dire au Comité sur les chiffres que vous connaissez?
    En outre, comment ce comité pourrait‑il mettre la main sur des sondages menés auprès de psychiatres par des organisations telles que l'Association médicale de l'Ontario, le Manitoba, afin d'obtenir les chiffres définitifs?
    Devrions-nous demander ces documents pour qu'ils soient déposés dans le cadre de ce rapport?
    Je ne peux pas parler au nom du Manitoba, mais pour l'Ontario, je me ferai un plaisir de les faire parvenir au Comité pour que vous puissiez voir exactement les questions qui ont été posées et les réponses reçues. Les résultats de ces sondages sont cohérents avec la grande majorité des sondages menés auprès des psychiatres. Ils révèlent que...
    Vous souvenez-nous des chiffres?
    Oui, c'est...
    Tout d'abord, la plupart des psychiatres ne sont pas des objecteurs de conscience. Comme moi, ils soutiennent l'AMM — je ne suis pas un objecteur de conscience — à hauteur de 80 à 85 %, mais pour le ratio de 2 pour 1, ils ne soutiennent pas l'AMM pour les maladies mentales. Ce ne sont pas les gens les plus discriminatoires et qui ont le plus de préjugés; ils ont consacré leur vie à travailler avec des personnes atteintes de maladie mentale.
    Je me ferai un plaisir de vous transmettre ces chiffres plus tard.
    Enfin, j'aimerais que vous fassiez une petite observation.
    On a beaucoup dit... qu'il n'est pas nécessaire de parvenir à un consensus sur cette question, mais que pensez-vous du fait qu'un nombre aussi élevé de personnes semblent s'y opposer, avec de tels ratios?
    Soyez bref, je vous prie.
    Ce que cela signifie pour moi, c'est que non seulement il n'y a pas eu de consensus, mais qu'une petite minorité de personnes aux opinions idéologiques a été à l'origine de l'expansion.
    Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.
    Sénatrice Osler, vous avez trois minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Pour changer, j'ai une question pour la Dre Gittens et le Dr Mikail.
    En août 2022, la Société canadienne de psychologie a répondu au « Rapport final du Groupe d'experts sur l'AMM et la maladie mentale » par une série de recommandations. Il y avait notamment une déclaration selon laquelle les psychologues doivent être inclus.
    En dehors des services de santé mentale gérés par le gouvernement, les psychologues sont-ils couverts par un régime d'assurance-maladie provincial ou territorial?
(2005)
    À l'heure actuelle, les séances avec les psychologues ne sont pas couvertes par les régimes d'assurance-maladie.
    En fait, il est important de souligner que, dans le contexte dont nous discutons, lorsqu'il est question d'aide médicale à mourir, ou AMM, où le trouble mental est le seul problème médical invoqué, nous demandons vraiment d'examiner la maladie mentale au même titre que la maladie physique. Au Canada, nous n'avons pas encore établi la parité. Les soins et les traitements de la maladie mentale ne sont pas couverts par l'assurance-maladie et ils ne sont pas facilement accessibles.
    Dans ce contexte, où de nombreux patients paient de leur poche les services de psychologie, comment la participation de psychologues pourrait-elle contribuer à l'état de préparation de notre pays?
    Je pense que c'est une préoccupation cruciale. Bien entendu, une évaluation approfondie demande beaucoup de temps. C'est un processus assez détaillé. Cela peut coûter cher à un patient qui cherche à obtenir une évaluation psychologique pour déterminer son admissibilité.
    À moins que le processus n'ait lieu dans un milieu hospitalier ou par l'entremise d'Anciens Combattants, je pense que la grande majorité des gens ne pourraient pas obtenir une telle évaluation.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais céder le reste de mon temps de parole au Comité.
    Sénateur Kutcher, vous avez trois minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Docteur Gaind, je vais vous poser quelques questions. La plupart d'entre elles n'exigent que des réponses par oui ou par non, alors si vous pontifiez, je vais malheureusement vous interrompre parce que nous n'avons que trois minutes.
    La première question est la suivante: les ordres de médecins de chaque province sont-ils responsables de la surveillance de la pratique médicale sur leur territoire?
    Je suppose que oui.
    La réponse est donc oui.
    Le Dr Grant, qui est le président de la Fédération des ordres des médecins du Canada, ou FOMC, nous a dit que la profession est prête. J'ai également reçu des lettres de personnes qui ont une certaine responsabilité à l'égard de l'état de préparation à l'AMM dans leur propre province.
    Le Dr Hayden Rubensohn, de l'Alberta, a affirmé: « L'Alberta et d'autres provinces et territoires canadiens sont prêts à ce que la disposition de temporisation interdisant l'AMM lorsqu'un trouble mental est le seul problème médical invoqué [...] devienne caduque. »
    La Dre Selene Etches, de la Nouvelle-Écosse, a dit: « Malgré les défis » que représente notamment la légalisation, « nous nous sentons bien préparés en Nouvelle-Écosse. »
    La Dre Lilian Thorpe, de la Saskatchewan, a dit: « Je crois que nous pouvons élargir la portée de l'AMM de façon sécuritaire et appropriée aux personnes pour qui un trouble mental est le seul problème médical invoqué. Je crois que nous sommes prêts. »
    C'est intéressant, parce que les gens qui sont responsables de faire ce travail affirment être prêts.
    Pouvez-vous aider le Comité à comprendre? Y a‑t‑il des organismes au Canada qui accréditent des programmes de formation médicale?
    Comme vous le savez, sénateur Kutcher, il y en a.
    Le Comité ne le sait peut-être pas. Quels sont les deux organismes qui accréditent les programmes de formation médicale?
    Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions, mais on dirait que vous connaissez les réponses que vous demandez.
    Je vous pose la question.
    Je comprends cela.
    Quels sont-ils?
    Il s'agit du Collège royal et du CMFC.
    C'est le Collège des médecins de famille du Canada.
    Savez-vous qu'ils ont accrédité le programme de l'ACEPA?
    Je sais que 100 personnes semblent s'être inscrites au programme de l'ACEPA...
    Non, je vous demande si vous savez que le CMFC a accrédité le programme de l'ACEPA.
    Je ne suis pas au courant, et cela ne veut rien dire pour moi.
    D'accord, cela ne veut rien dire.
    Non.
    Je pense que ce commentaire nous aide à mieux comprendre votre témoignage.
    Assurons-nous que le compte rendu indique que les organismes responsables de l'accréditation des programmes de formation en médecine, soit le Collège royal et le Collège des médecins de famille du Canada, ont accrédité le programme. Ils ont la responsabilité de garantir que ces programmes de formation répondent aux normes attendues.
    Êtes-vous en train de nous dire que votre opinion sur le programme l'emporte sur le processus d'accréditation du Collège royal et du Collège des médecins de famille?
    Je vous dis que ces décisions ne sont pas fondées sur des données probantes. Ce n'est pas mon opinion: elles ne sont fondées sur aucune donnée probante.
    Vous êtes donc d'avis que ces collèges qui accréditent notre formation médicale au pays devraient vous écouter.
    Non, je n'en fais pas une question personnelle. Comme je l'ai dit, c'est une question de données probantes.
    Avez-vous suivi le programme de formation ou avez-vous seulement lu le module?
(2010)
    Je ne voulais pas que le numéro de mon téléchargement soit récupéré comme signe de préparation. Cela s'est produit dans une séance de comité antérieure.
    Ce n'est pas ce que j'ai demandé. Je vous ai demandé si vous aviez suivi le programme de formation.
    J'ai lu le module.
    Merci, sénateur Kutcher.
    Nous devons terminer la discussion, parce que le module n'est pas le programme de formation.
    Non. Nous avons été plus que généreux avec le temps. Vous discutez depuis plus de trois minutes. Nous devons donner la parole à quelqu'un d'autre.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Sénatrice Martin, vous avez trois minutes.
    Ma question s'adresse au Dr Gaind.
    Dans votre témoignage, vous avez mentionné les données européennes et l'écart entre les sexes qui en ressort. Pensez-vous qu'il est important que Santé Canada recueille des données sur les conditions socioéconomiques des personnes qui reçoivent l'AMM?
    Oui.
    J'ai été très déçu que les données qui seraient utiles n'aient pas été fournies dans le dernier rapport qui a été publié, pour les données de 2022. Malgré cette absence de données, certaines données du rapport laissent présager des problèmes pour l'expansion en cours.
    Je me ferai un plaisir de vous en dire plus à ce sujet, si vous le souhaitez.
    Oui. Pourriez-vous nous en dire plus?
    Absolument.
    À l'heure actuelle, la collecte de données pour repérer la marginalisation... C'est ce dont il est question. Il est vrai que beaucoup de gens reçoivent encore l'AMM pour le cancer et d'autres problèmes, mais nous élargissons l'admissibilité pour permettre à d'autres patients de la recevoir pour toutes sortes d'autres raisons. Si nous faisons fi du fait que les personnes marginalisées peuvent demander l'AMM pour des raisons différentes de celles des privilégiés, c'est un problème.
    Nous ne recueillons pas les données correctement — ou du moins, elles ne sont pas déclarées —, mais nous constatons néanmoins une augmentation de certains phénomènes frappants. Je crois que c'est dans la catégorie « autre » que l'augmentation a été la plus importante. Ce chiffre est passé à 15 % — et je vous rappelle que c'est 15 % de 13 000 décès. Il s'agit maintenant de la troisième catégorie la plus courante. Dans cette catégorie, il y a un écart entre les sexes: 17 % de femmes et 12,8 % d'hommes.
    La catégorie « autre » comprend aussi la fragilité. On observe un écart semblable entre les sexes: plus de femmes se font administrer l'AMM pour de multiples comorbidités, comme l'arthrite et la perte auditive. Le taux est de 12 % comparativement à environ 8,3 % pour les hommes. De plus, environ le tiers des gens disent qu'ils ont l'impression d'être un fardeau pour leur famille. Il y a un écart encore plus marqué entre les sexes si on ventile ensuite les données selon le critère de la mort non raisonnablement prévisible — le deuxième volet. À cet égard, l'écart entre les sexes peut atteindre 60 % de plus pour les femmes que pour les hommes.
    Il vous reste environ une minute.
    Eh bien, 13 000, c'est un nombre très stupéfiant à mes yeux.
    J'ai parlé à un fonctionnaire d'un pays comparable au Canada où le nombre se compte en centaines. Les chiffres me surprennent vraiment.
    Vous dites que Santé Canada devrait faire rapport plus en détail de la qualité, de la nature et du caractère adéquat des services que les gens reçoivent avant de recourir à l'AMM.
    Soyez bref, s'il vous plaît.
    Santé Canada devrait produire des rapports plus détaillés, et le ministère était censé le faire après l'adoption du projet de loi C‑7. En fait, je pensais que c'était la raison pour laquelle le rapport de 2022 a été retardé de plusieurs mois. Il a été publié quelques jours après le vote sur le projet de loi C‑314, et il ne contenait pas de données différentes comparativement aux rapports antérieurs.
    Nous allons passer à la deuxième série de questions.
    Monsieur Cooper, vous avez trois minutes.
    Mes questions s'adressent au Dr Gaind.
    Docteur Gaind, Santé Canada a publié des données récentes sur l'AMM pour 2022. Avez-vous des commentaires ou des observations sur ces données et, plus précisément, sur tout ce qui pourrait être pertinent à la question de l'élargissement de l'AMM pour la maladie mentale?
    Oui, et en fait, j'ai commencé à y faire allusion dans la réponse précédente. Il y a certaines différences entre les sexes — l'écart entre les sexes — qui émergent dans certains volets de l'AMM, y compris le deuxième volet et les autres domaines dont j'ai parlé.
    Évidemment, par rapport aux chiffres qui font les manchettes — 4,1 % de tous les décès au Canada — je dois dire que la façon dont Santé Canada a rendu compte de ce sujet me surprend. Le ministère semble plutôt blasé. Le ministère dit que le taux d'augmentation est constant et de 30 % par année. Ce n'était pas la façon de faire des calculs lorsque j'allais à l'école, alors peut-être que cela devrait faire sourciller... Aucun autre pays au monde n'a connu une telle augmentation au cours des six ou sept premières années où ils ont appliqué des politiques d'AMM. Je ne sais pas ce que cela signifie, mais les chiffres sont considérables.
    L'autre élément qui me préoccupe, c'est que, honnêtement, nous ne savons pas combien de personnes faisaient vraiment partie du premier volet. J'ai lu les lignes directrices de l'ACEPA. Voici ce qu'elles disent essentiellement:
Une personne peut satisfaire au critère de la « prévisibilité raisonnable » si elle a démontré une intention claire et sérieuse de prendre des mesures pour que sa mort naturelle se produise bientôt ou pour que sa mort soit prévisible. Par exemple, on pourrait déclarer refuser le traitement antibiotique d'une infection grave actuelle ou future [...] ou cesser volontairement de manger et de boire.
    J'ai entendu dire que certaines personnes avaient été converties, pour ainsi dire, du deuxième au premier volet. Dans ses lignes directrices, l'association dit qu'on peut faire cette conversion, alors je ne sais même pas combien de patients étaient réellement dans le deuxième volet comparativement au premier. De plus, le nombre de refus — le nombre de refus pour l'AMM — est extrêmement faible. Les nombres révèlent des signes inquiétants.
(2015)
    La Dre Gupta et d'autres militants, comme Jocelyn Downie, ont affirmé que l'exclusion des personnes dont le trouble mental est le seul problème médical invoqué constitue une approche paternaliste présumant que ces personnes sont incapables de prendre des décisions par elles-mêmes.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    La coprésidente (L'hon. Yonah Martin): Soyez très bref, docteur Gaind.
    Je ne souscris pas à cette affirmation.
    Nous avons un article sur le site impactethics.ca aujourd'hui qui traite de cette question. Même lorsqu'une personne est en mesure de faire un choix de façon entièrement autonome, si l'évaluateur pense qu'il peut faire quelque chose qu'il ne peut en fait pas faire, c'est là que le bât blesse. L'enjeu ne porte pas sur le choix autonome du patient, mais plutôt sur le fait que l'évaluateur prétend faire une évaluation qu'il ne peut pas faire.
    Merci beaucoup, docteur Gaind.
    La parole est à M. Maloney. Vous avez trois minutes.
    En fait, M. Scarpaleggia va utiliser le temps qu'il reste.
    La coprésidente (L'hon. Yonah Martin): D'accord. Merci.
    Merci, monsieur Maloney. C'est très aimable à vous.
    Lorsqu'on occupe ce rang dans l'ordre d'intervention, toutes les questions ont déjà été posées; néanmoins, je vais revenir sur certains éléments.
    Vous avez dit, docteur Gaind, que les programmes de formation ne sont pas fondés sur des données probantes.
    C'est exact.
    Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Oui, surtout en ce qui concerne les deux questions clés qui posent problème pour l'AMM dans les cas où la maladie mentale est le seul problème médical invoqué. La première question est de savoir comment prédire le caractère irrémédiable, c'est-à-dire que l'état de la personne ne s'améliorera pas. Le deuxième concerne la façon dont on est censé séparer les tendances suicidaires — pour lesquelles la prévention du suicide est utile — des motivations des personnes qui demandent l'AMM pour des problèmes psychiatriques. La formation, surtout en ce qui concerne ce dernier point, ne prévoit aucune marche à suivre, sinon qu'il faut faire la distinction.
    La formation aborde les pensées suicidaires comme étant des pensées, des plans ou des actions pour mettre fin à sa vie. Elle présente quelques autres caractéristiques, et presque toutes s'appliquent également à une personne qui demande à mettre fin à sa vie au moyen de l'AMM pour un trouble psychiatrique.
    Je ne peux parler pour les autres membres du Comité, mais j'ai toujours supposé — ou pris cette idée pour acquise — qu'une personne ne serait admissible qu'après avoir suivi — prenons un nombre d'années au hasard — un traitement d'une durée de 15 à 20 ans qui n'a pas porté ses fruits. Mais vous dites que ce n'est pas dans la loi, bien sûr. Avez-vous dit que ce n'était pas dans le module non plus?
    Dans les lignes directrices, il est vrai que...
    Faites-vous référence aux lignes directrices de Santé Canada?
    En fait, c'est même tiré du rapport du groupe d'experts. Il indique qu'on devrait tenir compte de la durée du traitement, mais le nombre de traitements, leur durée ou leur type ne sont pas précisés. C'est très différent de toutes les autres directives que nous avons, même sur des questions qui ne mènent pas à la mort.
    Lorsqu'on évalue la prochaine étape pour une personne qui souffre d'une dépression résistante au traitement, par exemple, nous avons des conseils sur les types de trajectoires que nous devrions emprunter. Ici, c'est laissé entièrement à la discrétion de l'évaluateur, et c'est là le problème, car il n'y a pas de mesures de protection législatives. Certains évaluateurs peuvent être très dévoués et faire des réflexions exhaustives; d'autres ne sont pas aussi rigoureux.
    Je peux vous dire — très brièvement — que j'ai parlé à un collègue hier...
    Je suis désolée, docteur Gaind. Il vous reste quelques secondes.
    ... d'un patient qui a reçu l'AMM alors qu'il était en congé d'hospitalisation psychiatrique, et l'équipe psychiatrique n'avait même pas été mise au courant.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Thériault, vous disposez de deux minutes.

[Français]

    D'accord, merci.
    Tantôt, vous avez dit qu'en 25 ans de pratique, un petit nombre de patients vous avaient échappé, c'est-à-dire que vous n'aviez pas été capable de les guérir. Cela ne prouve-t-il pas que, contrairement à ce que vous disiez, nous n'aurions pas affaire à un nombre incroyable de cas potentiels, mais que seulement un petit nombre de personnes pourraient avoir accès à l'aide médicale à mourir?
    Si elles devaient y avoir accès, quelles seraient vos conditions?
(2020)

[Traduction]

    Je vais répondre à votre question en m'inspirant de l'analyse de données que quelqu'un a effectuée. C'est un chercheur de renommée internationale sur l'AMM et sur les statistiques sur le suicide. Il estime qu'il y aura au minimum de 1 250 à 2 500 cas par année, mais les nombres seraient en fait plus élevés. Cela s'explique par le fait qu'environ 5 à 10 % des demandes d'AMM sont approuvées aux Pays-Bas. En transposant ces données au Canada, on peut croire que nous finirions par avoir entre 2 500 et 5 000 demandes, et les règles au Canada sont plus permissives...

[Français]

    Nous savons déjà cela.
    Je vous ai posé une question précise.

[Traduction]

    Excusez-moi, j'ai mal compris. Je pensais que vous m'aviez demandé si le nombre de cas serait faible, et j'ai répondu que non. Ai‑je mal compris la question?

[Français]

    Ce que j'ai dit, c'est que vous nous aviez démontré qu'en 25 ans de pratique, un petit nombre de patients vous avaient échappé. Alors, contrairement à ce que vous prétendez, c'est sûrement un petit nombre de patients qui pourraient demander l'aide médicale à mourir ou y avoir accès.
    Vos patients que vous n'avez pas réussi à guérir auraient-ils été admissibles à l'aide médicale à mourir, selon vos critères, ou nous opposez-vous une fin de non-recevoir, c'est-à-dire qu'il n'y aura jamais de bonnes conditions, selon vous, pour permettre à des gens qui le demandent de recevoir l'aide médicale à mourir?
    C'est ça, ma question.

[Traduction]

    Je suis désolée, docteur...
    Je comprends votre question, monsieur Thériault. Comme je n'ai pas de machine à voyager dans le temps, je ne peux pas retourner dans le passé et faire des prédictions. Si je le pouvais, mes patients auraient en fait été plus nombreux à penser qu'ils n'iraient jamais mieux.
    Nous passons maintenant au dernier intervenant. Monsieur MacGregor, vous disposez de deux minutes.
    Docteur Gaind, je vais vous poser une question que j'ai aussi posée à l'un des témoins du groupe précédent.
    Je siège au Comité depuis le premier jour. Ce que je trouve difficile, c'est que d'un côté, il faut reconnaître les droits des personnes qui peuvent exercer leur libre arbitre et qui ont la capacité de prendre des décisions. Ces droits sont protégés par la Constitution. Cependant, d'un autre côté, la société a le devoir de protéger les gens les plus vulnérables. Je fais allusion aux arguments constitutionnels soulevés dans ce débat: oui, nous avons des droits et des libertés, mais en vertu de l'article premier, ces droits et ces libertés peuvent être soumis à une analyse et ils peuvent être restreints dans des limites raisonnables.
    En votre qualité de médecin et de psychiatre ayant de nombreuses années d'expérience dans ce domaine particulier, avez-vous personnellement tenté de concilier, d'une part, les droits des personnes qui peuvent exercer leur libre arbitre et qui ont la capacité de prendre des décisions concernant leur propre corps et, d'autre part, le droit de la société de défendre les gens les plus vulnérables?
    C'est une excellente question. Elle touche au cœur du problème.
    Je peux vous dire qu'au début, je concluais mes exposés en laissant entendre qu'on trouverait un point d'équilibre, une ligne distincte entre ce qui est bon et ce qui est mauvais. Je ne parle plus de cette façon parce que je ne crois pas qu'on puisse trouver un point d'équilibre. Soit c'est trop large, soit c'est trop étroit. Selon moi, la question est donc de savoir quelles erreurs on veut faire. À mes yeux, offrir et donner la mort sous un prétexte fallacieux est une grave erreur.
    L'autre chose que je veux dire, c'est qu'offrir l'aide médicale à mourir lorsque le trouble mental est le seul problème médical invoqué, sous le prétexte fallacieux que l'état de santé de la personne ne s'améliorera pas — dans plus de la moitié des cas, c'est faux —, et penser pouvoir séparer les tendances suicidaires... Nous avons aussi affaire à des personnes marginalisées qui subissent des souffrances psychosociales, et l'on sait que plus l'on s'éloigne du critère de la mort raisonnablement prévisible, plus ce type de souffrances alimente les demandes d'aide médicale à mourir. Les gens cherchent à échapper à une vie de souffrance. C'est un défi.
    Merci, docteur Gaind.
    Sur ce, j'aimerais remercier tous les témoins de s'être joints à nous ce soir et d'avoir répondu à nos questions. Nous sommes arrivés à la fin de cette partie de la réunion.
    Madame la présidente, j'ai vu que M. Cooper avait levé la main.
    La coprésidente (L'hon. Yonah Martin): D'accord.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Très brièvement, j'ai deux questions pour le greffier. Aux fins du compte rendu, peut‑il nous dire combien de mémoires ont été envoyés au Comité? Combien de mémoires le Comité pourra‑t‑il utiliser pour préparer son rapport d'étude?
(2025)
    Madame la présidente, nous passerons aux travaux du Comité dans un instant. Je pense que cette question fera partie de celles que nous examinerons. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas lieu de la soulever à un autre moment, mais je ne crois pas qu'il convienne d'en parler maintenant.
    Je demande juste une clarification. Je vais en rester là.
    J'ajouterais simplement que c'est la première fois qu'on discute de ce sujet en séance publique.
    Jusqu'à quand? Aujourd'hui?
    Non, avant l'échéance.
    La parole est à M. Arseneault.

[Français]

    Je suis d'accord avec M. Maloney pour dire que cette question devrait être discutée pendant la période à venir qui est réservée aux travaux du Comité.
    Toutefois, si nous devions en discuter maintenant, j'aimerais qu'on explique de quelle façon un mémoire se distingue d'une correspondance, d'un courriel ou d'une opinion. Il faut faire la part des choses. J'aimerais savoir ce qu'on considère comme un mémoire, comparativement à un simple courriel, par exemple.

[Traduction]

    Si je peux prendre la parole...
    La vice-présidente (Mme Shelby Kramp-Neuman): Nous vous écoutons, monsieur Cooper.
    M. Michael Cooper: ... je ne veux pas en débattre ici. Je pose la question aux fins du compte rendu parce qu'il y avait de l'incertitude quant au nombre...
    Excusez-moi. Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Cooper.
    Tout d'abord, je pense qu'on devrait donner congé au témoin, à moins qu'il souhaite entendre notre discussion.
    Oui, je crois que c'est le temps de le faire.
    Docteur Gaind, vous pouvez vous en aller si vous le voulez. Merci beaucoup pour votre témoignage. Un grand merci aussi à tous les témoins qui sont en ligne pour leurs observations réfléchies.
    Nous allons passer aux travaux du Comité. Merci.
    Dr K. Sonu Gaind: Merci de votre accueil.
    Tout ce que je voulais dire, c'est que nous sommes en train de poursuivre en séance publique une discussion que nous avons commencée à huis clos. Cela place tous les membres du Comité dans une situation inconfortable.
    Par précaution et pour éviter de dire des choses qui ne devraient pas être dites en séance publique, je recommande d'avoir une discussion à huis clos. Nous pourrons toujours la reprendre plus tard au besoin. C'est tout ce que je voulais dire.
    Je présume que j'ai la parole.
    La vice-présidente (Mme Shelby Kramp-Neuman): Oui.
    M. Michael Cooper: En bref, je précise, pour le compte rendu, que d'après ce que j'ai compris, le Comité a reçu plus de 900 documents dont il ne pourra pas se servir parce qu'ils ne seront pas traduits à temps. À mes yeux, c'est un signe très clair que nous ne sommes pas prêts.
    Ma deuxième question concerne une motion que le Comité a adoptée en séance publique durant la dernière réunion. Cette motion ordonnait à l'ACEPA de produire immédiatement le module 7, qui porte sur la maladie mentale. « Immédiatement » veut dire « immédiatement ».
    Je donne la parole au sénateur Kutcher.
    Merci beaucoup.
    Chers collègues, puisque la discussion est ouverte, j'aimerais dire que M. Cooper a tort de déclarer que le nombre de documents que nous avons reçus prouve que nous ne sommes pas prêts. C'est ce qu'il a affirmé. Je ne pense pas même qu'il a vu les documents en question; ainsi, je ne sais pas comment il peut faire une affirmation pareille. En outre, comme M. Arseneault l'a dit, tous les documents ne méritent pas nécessairement... Ils comprennent peut-être toutes sortes de courriels qui ne sont pas des mémoires.
    Deuxièmement, en ce qui concerne le programme de formation, je tiens à souligner très clairement que le module écrit n'est pas le programme de formation. Ce n'est même pas le module. Les modules sont conçus pour être présentés par un expert. Ils comprennent des discussions de cas particuliers. Selon moi...
(2030)
    Je suis désolé, sénateur Kutcher, mais je vais vous interrompre pour la même raison que j'ai interrompu M. Cooper. C'est un rappel au Règlement, et je crois qu'il est fondé. Vous pouvez être en désaccord avec moi. Nous sommes en train de discuter de questions que nous avons examinées à huis clos. Nous ne pouvons pas avoir la même discussion en séance publique et à huis clos; c'est ce que nous essayons de faire. D'après moi, en poursuivant à huis clos, nous pourrons régler toutes ces questions rapidement et nous pourrons nous entendre ouvertement. Nous devons faire preuve de prudence, sénateur Kutcher. On nous oblige à avoir une discussion contre notre gré, et je ne crois pas que ce soit nécessaire.
    D'accord, monsieur Maloney. Nous allons suspendre la séance pour permettre à nos collègues qui participent en ligne d'utiliser le nouveau lien pour se joindre à la réunion.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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