:
Merci, monsieur le coprésident
[Français]
Bonjour.
Je souhaite la bienvenue aux membres du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, aux témoins et aux membres du public qui suivent cette réunion sur le Web.
Je m'appelle Yonah Martin, et je suis coprésidente de ce comité. Je suis accompagnée de l'honorable Marc Garneau, coprésident de ce comité, député de la Chambre des communes.
Aujourd'hui, nous continuons notre examen prévu par la loi des dispositions du Code criminel concernant l'aide médicale à mourir et leur application.
[Traduction]
Pour assurer la santé et la sécurité de tous les participants, le Bureau de régie interne exige que les comités se conforment aux protocoles sanitaires en vigueur jusqu'au 23 juin 2022. À titre de coprésidents, nous verrons à l'application de ces mesures et nous vous remercions à l'avance de votre coopération.
Je rappelle aux membres du Comité ainsi qu'aux témoins de garder leur microphone en sourdine tant que l'un des coprésidents ne leur a pas donné nommément la parole.
Autre rappel, toutes les interventions doivent être faites par l'entremise des coprésidents. Veuillez parler lentement et distinctement. Pour cette vidéoconférence, l'interprétation fonctionnera de la même manière que pour une réunion en présentiel dans la salle de comité. Vous avez le choix au bas de votre écran entre la transmission du parquet, l'anglais et le français.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins de notre premier groupe.
Nous accueillons le Dr James Downar, médecin en soins intensifs et en soins palliatifs et le Dr Pierre Viens, médecin de famille, qui comparaissent tous les deux à titre personnel. Nous recevons également la Dre Ebru Kaya, présidente de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs, qui est aussi professeure à la faculté de médecine de l'Université de Toronto.
Merci à tous les trois d'être des nôtres pour la poursuite de cette étude très importante.
Nous allons maintenant entendre vos observations préliminaires en commençant par le Dr Downar qui sera suivi du Dr Viens puis de la Dre Kaya.
Vous avez droit à cinq minutes chacun, et je vous ferai signe lorsqu'il vous restera 30 secondes.
Nous allons d'abord écouter ce que le Dr Downar a à nous dire.
Je vais m'efforcer d'être aussi bref que possible. Je vous ai déjà fait parvenir quelques notes pour vous aider à suivre.
Je suis chef de la division des soins palliatifs à l'Université d'Ottawa. Je suis titulaire d'une chaire de recherche clinique sur les soins palliatifs et de fin de vie et détenteur d'une maîtrise en éthique.
Voilà un bon moment déjà que je m'intéresse à cet enjeu. J'ai témoigné à titre d'expert dans diverses causes concernant l'aide médicale à mourir en plus d'avoir conçu du matériel pédagogique sur le sujet pour différents gouvernements, y compris ceux du Canada et de l'Australie. J'ai en outre dirigé quelques études portant sur l'aide médicale à mourir et les patients qui en bénéficient afin de mieux comprendre leur expérience et savoir qui sont ces gens. Je tiens toutefois à préciser que je ne représente aucune organisation ou agence.
Je me suis déjà prononcé en faveur de la légalisation de l'aide médicale à mourir, mais je ne suis pas ici pour en faire la promotion et certainement pas pour défendre un point de vue ou un autre relativement aux questions encore à régler par le Parlement, comme celles des mineurs matures et des directives préalables.
Je veux surtout vous dire aujourd'hui que je suis vraiment reconnaissant pour l'augmentation du financement octroyé aux fins des soins palliatifs et de la recherche en la matière, tout en soulignant que cette aide plus sentie a déjà produit certains résultats particulièrement probants. Je tiens à remercier sincèrement le Parlement et Santé Canada pour cet appui, mais je veux vraiment insister sur la nécessité de poursuivre les efforts en ce sens afin d'éliminer les obstacles de manière à pouvoir améliorer la façon dont nous traitons la souffrance chez les personnes en fin de vie.
Il a beaucoup été question précédemment des déterminants sociaux de la santé et des personnes vulnérables. J'estime primordial de vraiment faire le nécessaire au chapitre de ces déterminants sociaux, comme le logement, la sécurité alimentaire, l'assurance-médicaments et les soins dentaires, parce que ce sont des éléments très importants pour la santé de tous les Canadiens. Il convient cependant de reconnaître que ces mesures ne concernent pas du tout l'aide médicale à mourir, car les personnes en situation de vulnérabilité structurelle sont déjà beaucoup moins susceptibles d'y avoir recours. Nous devrions prendre des mesures en ce sens, simplement parce que c'est la bonne chose à faire.
On entend beaucoup parler de l'aide médicale à mourir au Canada. Le discours à ce sujet est souvent guidé par des visées idéologiques ou politiques qui n'ont rien à voir avec les vies à sauver ou la protection des plus vulnérables. Selon moi, les 20 dernières années nous en ont beaucoup appris quant à la façon dont l'aide médicale à mourir est offerte dans différents pays, y compris le Canada, et quant à savoir qui en fait la demande et qui en bénéficie.
Nous savons maintenant très bien que les choses sont différentes de ce que nous avions imaginé. C'est en grande partie une détresse existentielle qui est à la base de ce phénomène. C'est un type de souffrance pour lequel nous avons très peu, voire pas du tout, de solutions à offrir. Il faudrait vraiment que nous nous efforcions de mieux comprendre ce genre de souffrance et de trouver de nouvelles formes de traitement en appuyant les recherches à cette fin. C'est ainsi que nous pourrons mieux nous attaquer à cette souffrance qui est vraiment la cause profonde des demandes d'aide médicale à mourir. Je pense que tout le monde pourra en convenir, même si nous traitons ici d'un enjeu qui prête beaucoup à controverse.
Je voudrais aussi mentionner que les projets de loi et nous ont permis de constater que le Parlement préférait ne pas s'attaquer de façon proactive à la question de l'aide médicale à mourir et aux principaux enjeux qui en découlent, mais laisser plutôt les tribunaux invalider les lois pour que le gouvernement les remplace par la suite. Il faut cependant regretter que cela se fasse généralement dans le cadre d'un processus fortement teinté par la partisanerie — et pouvant presque tourner au cirque — qui se déroule en accéléré avec des résultats prévisibles.
Je suis vraiment heureux qu'il existe maintenant un comité comme le vôtre qui va pouvoir se pencher sur certains de ces enjeux cruciaux. Je vous encourage vivement à vous inspirer du travail accompli par le Parlement du Québec pour traiter des questions qui restent à régler en matière d'aide médicale à mourir. Le fédéral devrait ainsi agir de façon proactive pour étudier à fond ces questions en formant des comités qui lui permettront d'aller au fond des choses et de proposer des solutions nuancées. Je ne suis pas en train de dire que nous devrions procéder de la même manière que le Québec dans ce dossier. C'est tout simplement que j'admire la façon dont les Québécois s'y sont pris et que je pense que nous devrions leur emboîter le pas.
Nous pourrions certes discuter plus à fond de certains éléments déterminants, mais je tiens à souligner qu'il n'existe absolument aucune donnée permettant de conclure que le recours à l'aide médicale à mourir serait à ce moment‑ci le résultat, dans quelque mesure que ce soit, d'un accès insuffisant aux soins palliatifs, d'un dénuement socioéconomique ou d'un isolement quelconque. Ce serait plutôt le contraire. Les personnes qui bénéficient de l'aide médicale à mourir ont presque toujours beaucoup plus facilement accès à des soins palliatifs que le reste de la population. Ce sont généralement des gens bien nantis, privilégiés, non institutionnalisés et mariés, plutôt que des veufs ou des célibataires.
Les études nationales à ce sujet ont révélé que le nombre de personnes recevant l'aide médicale à mourir qui ont difficilement accès à des services liés à l'incapacité et à des soins palliatifs est vraiment minuscule. Voilà qui est très rassurant. Il pourrait bien sûr y en avoir encore moins que 1 % ou 3 %, mais c'est déjà très bien. Il est en tout cas faux de prétendre que le recours à l'aide médicale à mourir est alimenté par un accès insuffisant aux différents services.
J'aimerais vraiment vous entretenir de certains travaux de recherche et des bons résultats qui ont pu être mis au jour…
Je vous remercie de m'accueillir à ce comité.
Je pratique la médecine dans le domaine des soins palliatifs depuis 30 ans, et j'ai donné l'aide médicale à mourir 180 fois depuis six ans, la plupart du temps à domicile.
On m'a suggéré de parler un peu des soins palliatifs. À la fin de ma présentation, je vous ferai part de mon opinion en ce qui concerne les directives médicales anticipées.
Cinq pour cent des patients en fin de vie, lesquels reçoivent d'excellents soins palliatifs, restent quand même des demandeurs d'aide médicale à mourir. Pourquoi? Parce que les souffrances existentielles en fin de vie ne peuvent être soulagées à la satisfaction du patient par aucune approche palliative classique actuelle.
D'abord, il ne faut pas oublier que tout soin curatif ou palliatif peut être légalement refusé. Il ne faut pas non plus oublier le principe éthique de respect de l'autonomie de la personne. Une personne est la seule habilitée à prendre les décisions concernant sa propre fin de vie et à juger des résultats des soins qui lui ont été donnés.
Lorsque les médecins en soins palliatifs prétendent que l'aide médicale à mourir ne serait pas nécessaire si de bons soins palliatifs étaient disponibles partout, il faudrait d'abord définir ce que l'on entend par de « bons » soins palliatifs.
Lorsque j'évalue une demande d'aide médicale à mourir pour savoir si elle est conforme aux critères d'admissibilité, la loi me recommande de m'assurer que la personne connaît les options alternatives à l'aide médicale à mourir qui sont disponibles, dont les soins palliatifs. Pourquoi la loi n'oblige-t-elle pas le médecin en soins palliatifs, qui s'apprête à plonger le patient en sédation continue jusqu'à son décès, à s'assurer que ce patient est au courant de l'existence de l'aide médicale à mourir afin de lui permettre un choix, alors que, moi, j'ai cette obligation?
J'ai aidé des milliers de personnes à mourir. Je peux témoigner que l'aide médicale à mourir est probablement le soin de vie le plus compatissant, le plus respectueux de la personne et de ses valeurs, et le plus confortable pour elle et sa famille. L'aide médicale à mourir devrait être considérée comme un soin approprié dans un continuum logique de soins palliatifs de fin de vie, un soin que l'on peut réclamer quand tous les efforts raisonnables, de l'avis du patient, ont été faits. Il devrait être clairement précisé dans la loi que l'aide médicale à mourir est dans un continuum de soins palliatifs.
L'objection de conscience des intervenants quant à l'administration de l'aide médicale à mourir doit être maintenue, mais l'objection de conscience ne concerne que l'intervenant comme individu. Elle ne peut s'appliquer à une institution, à un établissement de soins ou à un groupe social professionnel.
La loi québécoise de 2015 permettait aux maisons de soins palliatifs de ne pas offrir l'aide médicale à mourir. Depuis ce temps, 50 % d'entre elles ont changé d'idée sous la pression sociale de la communauté. Tous les établissements de santé au Canada, publics ou privés, surtout si ces derniers sont partiellement financés par des fonds publics, devraient être tenus d'offrir ce soin, quitte à faire appel à des médecins extérieurs pour son application.
Enfin, il serait nécessaire que ce que l'on entend par « soins palliatifs » soit défini de façon plus conforme à la réalité. Penser, ou même souhaiter que la densité de soins que l'on retrouve dans la plupart des maisons de soins palliatifs soit érigée en norme est irréaliste et, à la limite, non souhaitable. Les soins palliatifs de base, ce sont les soins de confort. Le médecin de famille qui soulage la douleur de son vieux patient en fin de vie souffrant d'un cancer généralisé prodigue des soins palliatifs. Quand je rapporte à Santé Canada une aide médicale à mourir que j'ai réalisée, on me demande dans la formule de déclaration si cette personne a reçu des soins palliatifs et pendant combien de temps. Laissez-moi vous dire que les milliers de réponses à cette question reçues à ce jour n'ont probablement aucune signification, parce que le terme « soins palliatifs » n'a jamais été défini sur le plan opérationnel.
Il me restait quelques idées à vous communiquer concernant les directives médicales anticipées, mais vu qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, je vais essayer de le faire très brièvement, si vous me le permettez.
Premièrement, quand une personne vient de recevoir un diagnostic d'Alzheimer, le médecin devrait l'informer adéquatement de la nature de sa maladie, de son évolution et de son pronostic, ainsi que des possibilités thérapeutiques envisageables. Cette personne pourrait alors définir dans ses mots...
:
Merci de me donner l'occasion de parler de la situation des soins palliatifs dans le cadre de l'examen prévu par la loi des dispositions législatives régissant l'aide médicale à mourir au Canada.
Je suis une experte des soins palliatifs. J'ai une formation en médecine palliative et je dirige le programme de résidence de deux ans en soins palliatifs du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada à l'Université de Toronto. Je suis également présidente de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs qui s'emploie à améliorer la qualité de ces soins et à les rendre accessibles à tous les Canadiens en misant sur la sensibilisation, les partenariats, la recherche et la formation des médecins. Nous sommes la société nationale représentant l'ensemble des médecins en soins palliatifs et des médecins ayant un intérêt spécial en la matière partout au Canada.
Je travaille à l'Hôpital général de Toronto où j'offre des soins palliatifs à des patients auxquels on a diagnostiqué une maladie potentiellement mortelle. Certains de mes patients combattent un cancer à un stade avancé. D'autres souffrent d'une néphropathie chronique ou d'une insuffisance cardiaque. Je gère leurs symptômes, aussi bien physiques que psychologiques, sociaux et spirituels.
La vaste majorité des patients et de leurs proches ne comprennent pas le rôle joué par les soins palliatifs. Je passe du temps à expliquer ce que nous faisons et qui nous sommes afin de démystifier et de déstigmatiser notre travail. Il n'est pas rare que j'aie à convaincre des patients qu'en gérant leurs symptômes, je ne hâte pas leur décès. La plupart des patients sont en fin de compte soulagés et heureux d'être suivis par notre équipe de soins palliatifs.
Il arrive, surtout lors de la consultation initiale, que des patients me disent qu'ils envisagent l'aide médicale à mourir. Mon travail consiste alors à explorer les motifs pour lesquels ils pourraient formuler une telle demande, et à leur offrir des suggestions et du soutien en m'appuyant sur mon expertise et ma formation, plutôt que de simplement appeler l'équipe responsable de l'aide médicale à mourir. Si on leur propose des options psychothérapeutiques fondées sur des données probantes pour traiter leur dépression, leur anxiété, leur découragement et leur désespoir, la plupart des patients finissent par renoncer à l'aide médicale à mourir. Ce modèle décisionnel de soins concertés axés sur le patient est l'un des éléments distinctifs des soins palliatifs de qualité.
J'enseigne également aux résidents en soins palliatifs de même qu'à d'autres cliniciens offrant des soins dans le cadre d'une approche palliative adaptée aux populations de patients qu'ils traitent. Il s'agit notamment de médecins de famille et de spécialistes, comme les cardiologues et les néphrologues, ainsi que de nombreux collègues d'autres disciplines travaillant avec eux. C'est un travail extrêmement important, car il a été établi, au Canada comme ailleurs dans le monde, qu'une approche palliative des soins permet d'atténuer les symptômes ressentis par les patients et de leur offrir une meilleure qualité de vie. Lorsque les problèmes de santé sont plus complexes, la manière dont les soins palliatifs sont présentés au patient influe sur sa décision d'accepter ou non des services spécialisés en soins palliatifs comme ceux que je dispense.
Les soins palliatifs doivent être offerts séparément de l'aide médicale à mourir et bénéficier d'un soutien distinct pour ce qui est du financement et des ressources à déployer. Les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir doivent demeurer deux choses distinctes et séparées. Nos spécialistes des soins palliatifs ont redoublé d'efforts au fil des 40 dernières années pour que l'on cesse de les associer uniquement aux soins de fin de vie. Nous ne voulons pas revenir en arrière. Si l'on établit cette distinction, les soins palliatifs pourront demeurer le mécanisme de protection qu'ils sont censés être. Les évaluateurs et prestataires de l'aide médicale à mourir sont en conflit d'intérêts s'ils offrent en même temps des soins palliatifs. Cela n'empêche pas les médecins en soins palliatifs d'administrer l'aide médicale à mourir. Ils ne devraient cependant pas enchaîner soins palliatifs et aide médicale à mourir pour un même patient.
Nous avons un besoin urgent d'investissements dans des programmes de soins palliatifs gérés et financés séparément de l'aide médicale à mourir de telle sorte que les deux secteurs n'aient pas à se livrer concurrence pour obtenir les mêmes ressources. De nombreux programmes ont dû utiliser une partie de leurs ressources déjà rares pour financer les services d'aide médicale à mourir. C'est ainsi qu'il est devenu encore plus difficile d'offrir des soins palliatifs dans un contexte de pénurie de spécialistes à l'échelle nationale qui fait en sorte que l'accès à ces soins est encore plus problématique pour les patients. Il nous faut des données précises sur la qualité et l'accessibilité des soins palliatifs et sur les professionnels qui les dispensent aux patients optant pour l'aide médicale à mourir. Il n'existe pas actuellement de données à ce sujet.
Nous avons besoin d'un financement qui permettra à chaque Canadien d'avoir droit à des soins palliatifs complets de grande qualité. Nos programmes de résidence en soins palliatifs offrent une expérience pédagogique exceptionnelle en formant les futurs grands spécialistes du domaine. Nous assurons tous ensemble la formation, l'orientation et le soutien clinique dont les praticiens ont besoin pour offrir les soins palliatifs de base. Il n'y a malheureusement pas assez de postes de résidence et de médecins spécialisés en soins palliatifs au Canada. Il est vraiment urgent que l'on investisse partout au pays pour accroître le financement des programmes qui permettront de former un plus grand nombre de médecins spécialisés en la matière et d'enseigner à tous les médecins la façon d'intégrer une approche palliative aux soins qu'ils offrent à leurs patients.
Pour plus de détails, je vous invite à prendre connaissance du document que nous vous avons transmis ainsi que de celui soumis par notre présidente sortante, la Dre Léonie Herx.
Merci.
:
Non. Les données auxquelles le Dr Downar fait référence et celles qui sont communiquées par Santé Canada ne sont pas celles dont nous aurions besoin pour ce genre d'exercice. Elles ne permettent pas de tirer des conclusions semblables. Elles sont en effet fondées sur l'autodéclaration.
J'ai justement le formulaire sous les yeux. On y demande simplement: « Est‑ce que le patient a reçu des soins palliatifs, oui ou non? », et « À votre connaissance, si la réponse est non, est‑ce que le patient avait accès à des soins palliatifs, oui ou non? ». Ce n'est pas suffisant.
Nous avons besoin de données nettement plus détaillées. Nous devons en savoir beaucoup plus. Il nous faut pouvoir évaluer la qualité des soins offerts et leurs incidences sur les soins palliatifs. Ce n'est pas chose possible avec ce genre de données administratives sur les services de santé.
Il nous faudrait également des normes nationales pour évaluer la qualité des soins palliatifs offerts dans les différentes régions du pays. Le tout devrait être assorti d'une obligation de faire rapport à Agrément Canada de telle sorte que les autorités sanitaires soient pour ainsi dire tenues de rendre des comptes.
Merci.
:
Tout à fait. J'estime qu'il est illogique de demander à la même personne d'effectuer les deux tâches. Il faut assurément qu'elles soient séparées.
Non seulement y a‑t‑il conflit d'intérêts, mais aussi conflit dans nos rangs. Nous sommes en concurrence pour obtenir les mêmes ressources.
En Ontario, en Alberta, au Québec et en Nouvelle-Écosse, les infirmières en soins palliatifs effectuent des évaluations pour l'aide médicale à mourir, plutôt que de prodiguer des soins. En Ontario, les codes de facturation sont utilisés pour les évaluations au titre de l'aide médicale à mourir. Des incitatifs financiers destinés à encourager les médecins de famille à dispenser des soins primaires sont plutôt versés aux prestataires de l'aide médicale à mourir. Ces derniers peuvent en outre facturer leur travail clinique indirect, comme le temps de déplacement et les formalités administratives, alors que ce n'est pas chose possible pour ceux qui offrent des soins palliatifs. Il y a donc de nombreux conflits au sein même de notre communauté en plus du conflit d'intérêts dans lequel se trouvent les prestataires de l'aide médicale à mourir.
Les soins palliatifs primaires sont dispensés par des médecins, comme les médecins de famille, qui ont une formation de base leur permettant d'offrir des soins à leurs patients dans le cadre d'une approche palliative. Certains patients ont toutefois des besoins plus complexes qui exigent l'intervention d'équipes spécialisées dans les soins palliatifs qui sont dirigées par des médecins comme moi qui ont une formation plus poussée en la matière.
Les professionnels offrant des soins palliatifs primaires sont l'épine dorsale de notre réseau au Canada, et nous devons les appuyer. Nous devons veiller à ce que toutes les écoles de médecine du pays et leurs programmes de résidence offrent une formation de premier cycle et d'études supérieures de telle sorte que tous les médecins qui obtiennent leur diplôme possèdent les compétences de base nécessaires pour prodiguer des soins palliatifs. Nous manquons toutefois également au Canada de médecins spécialisés en soins palliatifs. Il faut de toute urgence que nous appuyions financièrement davantage de résidents pour qu'ils suivent la formation avancée, comme je l'ai fait, et nous devons nous assurer que toutes les compétences ainsi acquises soient intégrées à l'ensemble de nos programmes.
De plus, pour ce qui est de la qualité…
:
Je vous remercie, madame la présidente.
Je remercie également les témoins de leur témoignage.
Je m'adresserai d'abord au Dr Viens, puis au Dr Downar.
Je viens d'une région extrêmement rurale, éloignée des grands centres urbains. Je suis probablement député de l'une des régions où la moyenne d'âge de la population est la plus élevée au pays. J'ai vécu des expériences d'accompagnement dans la mort, par exemple, avec des proches de la famille. Ma sœur est morte très jeune, à 46 ans. Elle avait décidé de ne pas aller dans un établissement de soins palliatifs et de mourir à la maison, tout en y recevant des soins infirmiers deux fois par jour.
D'autres gens que je connaissais bien sont morts à la suite de longues maladies dans des établissements de soins de longue durée. Dans ma région, les petits établissements de soins de longue durée ont aménagé une salle pour les soins palliatifs, où la famille peut venir. C'est plus confortable pour le malade et pour la famille. Nos petits hôpitaux ont aménagé des chambres de soins palliatifs à certains étages.
Cela m'amène à poser la question qui suit. Lors de votre présentation, docteur Viens, vous avez dit qu'il n'y avait jamais eu de définition de ce que sont les soins palliatifs. Certains documents dont j'ai pris connaissance distinguent les soins palliatifs de qualité des soins palliatifs médiocres.
Pour le patient qui est en fin de vie, qu'est-ce que cela veut dire? Comment définit-on de bons soins palliatifs?
:
C'est quoi, des soins palliatifs?
Des soins palliatifs, ce sont des soins de confort. Ces soins ne visent pas à guérir, et les patients en fin de vie n'ont que les soins de confort pour les soulager.
Que sont les soins de confort? Ils sont de plusieurs natures. Il peut s'agir d'un traitement, de gestion de la douleur et de gestion des autres symptômes physiques, comme les nausées, les problèmes d'équilibre, et ainsi de suite. Au-delà de cela, il y a toute la catégorie de ce que l'on appelle les souffrances psychiques, notamment la souffrance existentielle en fin de vie. Il n'y a ni traitement pharmaceutique ni aucun autre traitement qui soit suffisant pour répondre aux besoins de ces patients. Je pense qu'il n'y en aura jamais.
J'ai été médecin dans une excellente maison de soins palliatifs pendant 25 ans, avant de me consacrer exclusivement à l'aide médicale à mourir. J'y ai été obligé parce que, dans cette maison de soins palliatifs, lorsque la loi a été adoptée...
:
Je l'ai vécue profondément.
Quand j'ai commencé à travailler dans le domaine des soins palliatifs, je travaillais à la Maison Michel‑Sarrazin.
La Maison Michel‑Sarrazin est l'une des maisons les plus renommées pour ce qui est de la qualité des soins. Quand j'ai commencé à travailler à cet endroit, la loi sur l'aide médicale à mourir n'existait pas. Au bout de quelques années, je me suis aperçu que, même en poussant plus loin les soins palliatifs, que ce soit sous forme de traitements médicamenteux ou d'autres traitements de soutien, nous n'étions pas capables de répondre aux souffrances du domaine psychique, comme la souffrance existentielle.
Pour vraiment répondre adéquatement aux patients en fin de vie qui nous demandaient de les soulager, j'ai toujours pensé que la panoplie de soins palliatifs disponibles n'était pas toujours suffisante, surtout pour répondre à cette fameuse souffrance existentielle.
C'est pour cela que, après l'entrée en vigueur au Québec de la Loi concernant les soins de fin de vie, en 2015, le Collège des médecins du Québec a défini l'aide médicale à mourir comme étant dans un continuum de soins palliatifs. Autrement dit, ce sont des soins palliatifs parmi d'autres. Ces soins sont destinés à répondre, à la demande du patient, aux situations auxquelles les soins palliatifs traditionnels ne répondent pas.
Dans ma pratique, je n'ai jamais eu à faire face à une situation de conflit mettant en opposition les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir.
Merci, monsieur Johns, d'avoir gardé une place pour moi.
Je remercie nos témoins. Je suis désolé d'avoir manqué vos déclarations préliminaires. Pardonnez-moi si je reviens sur des points déjà abordés, mais cela vous donnera peut-être l'occasion d'en dire plus sur des réponses précédentes.
Nous avons tenu une réunion plus tôt cette semaine, soit lundi, au cours de laquelle nous avons également parlé des soins palliatifs. Certains des témoins que nous avons entendus nous ont dit que de nombreux Canadiens ne comprennent pas les soins palliatifs. Dans bien des cas, ils sont aiguillés vers ces soins beaucoup trop tard en fin de vie. Ils auraient pu être mieux servis s'ils en avaient été informés plus tôt et s'ils y avaient eu accès plus tôt.
Je demanderais peut-être à la Dre Kaya de répondre à ma question d'abord, puis chacun d'entre vous sera invité à y répondre par la suite. En ce qui concerne les recommandations que notre comité peut faire au gouvernement fédéral, que pouvons-nous faire pour nous assurer que plus de gens sont mieux informés au sujet des soins palliatifs? Comment le gouvernement fédéral peut‑il aider les provinces à s'assurer que l'information est accessible, même dans les collectivités éloignées, où l'accès n'équivaut peut-être pas à celui dans les grands centres urbains?
Il faut absolument que plus de ressources et de financement soient consacrés aux soins palliatifs, mais il faut que ce soit fait séparément de l'aide médicale à mourir. À l'heure actuelle, nous rivalisons essentiellement tous pour les mêmes ressources. Comme je l'ai déjà mentionné, dans bon nombre de nos provinces, il y a des infirmières en soins palliatifs qui effectuent des évaluations pour l'aide médicale à mourir. Ma communauté est en détresse. Nous sommes épuisés. On nous demande d'en faire davantage avec moins de ressources. Certains membres de notre communauté ont pris leur retraite prématurément. D'autres ont quitté le domaine.
Nous devons vraiment être en mesure d'assurer des investissements soutenus dans les soins palliatifs. Nous avons certains des meilleurs chercheurs en soins palliatifs ici au Canada, mais lorsqu'il s'agit de nos programmes cliniques, nous sommes loin derrière les autres nations développées. Il faut absolument que les choses changent à cet égard.
En ce qui concerne la communication, en tant qu'organisations nationales qui représentent les soins palliatifs au Canada, nous aimerions pouvoir collaborer de façon significative avec nos représentants gouvernementaux. En tant que spécialistes dans le domaine, nous pouvons vous aider à obtenir l'information et les conseils dont vous avez besoin, de sorte que nous puissions travailler ensemble et améliorer les soins palliatifs au Canada pour les Canadiens. Nous ne pourrons pas le faire si on nous ignore ou si on nous appelle à la dernière minute.
:
Je suis tout à fait d'avis que nous devons continuer à redoubler d'efforts pour améliorer l'offre de soins palliatifs et la qualité des soins palliatifs que les Canadiens reçoivent. En règle générale, la plupart des Canadiens peuvent et devraient bénéficier d'approches palliatives intégrées plus tôt. Cependant, je pense qu'il est important de distinguer cette question de celle de l'aide médicale à mourir. Il n'y a vraiment aucune indication que c'est ce qui alimente le recours à l'aide médicale à mourir à quelque niveau que ce soit. Lorsqu'on a recours à des soins palliatifs, souvent, on y a recours pendant une période assez longue avant qu'une demande d'aide médicale à mourir ne soit présentée et avant que l'aide médicale à mourir ne soit administrée.
Je veux seulement corriger l'idée fausse selon laquelle les données de cette étude ne sont fondées que sur l'autodéclaration, et je pense que M. Barrett avait posé une question à ce sujet. Ce n'est pas le cas. Nous avons réalisé une étude en Ontario. Dans cette province, chaque dossier est examiné par une infirmière surveillante qui travaille pour le bureau du coroner en chef. Évidemment, il s'agit de personnes qui n'ont pas d'intérêt personnel en jeu et qui n'auraient rien à perdre ou à gagner des évaluations qu'elles effectuent. Leurs évaluations concordaient presque exactement avec les mêmes chiffres en ce qui concerne la durée des soins palliatifs. Je pense qu'il est vraiment important de le préciser. L'aide médicale à mourir est prodiguée à peut-être 2 ou 3 % de la population.
Les soins palliatifs, les services sociaux et l'amélioration de tout ce que nous faisons pour les plus vulnérables et les mourants au Canada sont d'une importance capitale, parce que cela s'applique à 97 % de la population, la partie qui n'a pas recours à l'aide médicale à mourir. Cela fait deux ou trois ans maintenant que je n'ai pas eu un seul cas d'aide médicale à mourir. Je suis médecin en soins palliatifs. Depuis que j'ai déménagé à Ottawa, je n'ai eu aucun cas. Il y a beaucoup plus de gens qui reçoivent des soins palliatifs que de gens qui reçoivent l'aide médicale à mourir. C'est vraiment là‑dessus qu'il faut mettre l'accent. Je ne pense pas qu'il faille mélanger et confondre les deux.
Il est également important de dire que la notion de bassin commun de ressources est une idée fausse. En Ontario, il est certain qu'il n'existe pas de bassin commun de ressources en soins palliatifs spécifiques. Il s'agit d'un budget sur les services médicaux, dans lequel n'importe qui peut facturer n'importe quel nombre de codes. Ce n'est pas au détriment des soins palliatifs. Là où il y a des infirmières...
Je suis désolé. Je vais m'arrêter ici. Merci.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis très contente de me retrouver parmi des experts en soins palliatifs. Ayant moi-même été médecin de famille pendant 30 ans, je suis dans mon élément.
Ma première question s'adresse à la Dre Kaya.
D'abord, je vous remercie de votre témoignage, docteure Kaya.
Vous avez parlé tout à l'heure de normes nationales. J'estime qu'il en faudrait, mais dans quelle mesure croyez-vous que des normes nationales pourraient changer quelque chose dans le domaine des soins palliatifs?
:
Merci, monsieur le président.
J'ai deux questions à poser au Dr Downar.
Je vais les poser rapidement et le laisser y répondre.
Tout d'abord, dans chaque volet de la médecine — je suis moi-même médecin —, il y a un équilibre entre les soins spécialisés et les soins primaires. C'est pourquoi nous avons des soins primaires, secondaires et tertiaires. Tous les diabétiques n'ont pas besoin des services d'un endocrinologue.
Je crois comprendre que la plupart du temps, les soins palliatifs sont prodigués par des médecins de famille. Est‑ce que tous les patients qui ont besoin de soins palliatifs doivent recevoir des soins palliatifs spécialisés de la part d'un médecin en soins palliatifs ou est‑ce qu'un médecin de soins primaires bien formé et empathique peut fournir des soins palliatifs de haute qualité à de nombreux patients? C'est ma première question.
Je vais poser ma deuxième question. Au risque de confondre les soins palliatifs avec l'aide médicale à mourir, on a dit que les ressources fournies aux provinces ont été allouées à l'aide médicale à mourir plutôt qu'aux soins palliatifs. J'ai regardé les données de la Bibliothèque du Parlement que nous venons de recevoir. Nous pouvons peut-être inscrire au compte rendu que le financement fédéral des soins palliatifs a considérablement augmenté depuis 2017 à 2018. De quelle façon cet argent a‑t‑il été utilisé, à votre connaissance?
:
Je vais répondre à votre première question. Merci beaucoup, sénateur Kutcher.
Comme vous l'indiquez, une grande majorité des soins de fin de vie, ainsi que des soins palliatifs, peuvent être prodigués par des non-spécialistes. Je pense qu'à mesure que la complexité des symptômes augmente, il faut faire appel à des spécialistes, comme on le fait pour tout autre problème, comme un cas de diabète complexe ou des problèmes cardiaques complexes; on n'a pas besoin d'un cardiologue ou d'un endocrinologue à moins de se retrouver devant un cas complexe. Je pense que c'est tout à fait le cas. Il est certain que pour les symptômes physiques plus compliqués, il est préférable de consulter un spécialiste et de le faire intervenir.
Malheureusement, lorsqu'il s'agit des principaux éléments déterminants de l'aide médicale à mourir, ce n'est presque jamais lié aux symptômes physiques — et encore moins aux symptômes psychologiques —, mais bien à cette détresse existentielle, pour laquelle nous n'avons rien ou presque à offrir. C'est pourquoi il est important de faire la distinction, mais il est aussi très important de mettre l'accent sur la pyramide des soins palliatifs et de nous assurer que nous disposons de ressources spécialisées adéquates pour les cas symptomatiques compliqués.
Pour ce qui est de votre deuxième question, je suis très impressionné par le fait que vous ayez lu les documents qui traitent de la destination des fonds. Je suis heureux que quelqu'un l'ait fait. Je pense qu'il est très important de souligner que les provinces reçoivent l'argent et qu'elles décident de la façon dont il est dépensé, mais qu'il n'est jamais indiqué nulle part dans les budgets sur les services médicaux que « ceci est destiné aux soins palliatifs et à l'aide médicale à mourir », faisant en sorte qu'on doit se battre pour obtenir les fonds. Ce n'est absolument pas comme cela que les choses se passent.
Certaines personnes utilisent les mêmes codes pour les mêmes activités, mais comme je l'ai dit, ce n'est pas un jeu à somme nulle. L'un ne se fait pas au détriment de l'autre. Parfois, un plafond global aux budgets sur les services médicaux est fixé, mais cela ne signifie pas que l'aide médicale à mourir est pratiquée au détriment des soins palliatifs, et les personnes salariées qui font les deux pratiquent presque invariablement l'aide médicale à mourir pendant les temps d'arrêt en quelque sorte ou pendant les week-ends. Rien ne laisse croire, je pense, que ces ressources sont réaffectées.
Cela dit, si les soins palliatifs manquent de ressources au Canada, ce n'est pas à cause de l'aide médicale à mourir. La raison pour laquelle les soins palliatifs manquent de ressources au Canada, c'est que les soins palliatifs manquent de ressources au Canada.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Docteur Viens, je vous rappelle que je dispose d'un temps de parole de trois minutes. Je serai bref et je vous demanderais, malgré toute votre expérience, de l'être aussi dans votre réponse.
Vous avez repris un argument invoqué par des personnes qui s'opposent à l'aide médicale à mourir, soit que les données fournies par Santé Canada n'étaient pas fiables.
Pouvez-vous nous faire des suggestions pour ce qui est de rendre les données plus fiables, même si le Dr Downar nous a dit tantôt qu'en Ontario, le rapport du coroner avait confirmé la fiabilité des chiffres fournis par Santé Canada?
:
Les données fournies par Santé Canada sont correctes. Cela concerne seulement les données d'investigation sur les soins palliatifs prodigués aux patients avant l'aide médicale à mourir.
Il faudrait définir plus précisément de quels soins palliatifs il est question quand il est demandé si un patient a reçu des soins palliatifs. S'agit-il de soins ordinaires que peut fournir tout médecin de famille ayant un peu d'expérience et un minimum de formation, ou s'agit-il plutôt de soins palliatifs de deuxième ou de troisième niveau comme ceux prodigués dans les maisons de soins palliatifs?
Personnellement, j'ai toujours répondu par l'affirmative quand on me demandait si le patient à qui j'avais donné l'aide médicale à mourir avait reçu des soins palliatifs. Bien sûr qu'il en a toujours reçu. Il en a reçu de son médecin de famille ou de notre équipe de soins palliatifs, qui, incidemment, est la même qui prodigue l'aide médicale à mourir. De notre côté, nous ne faisons pas la différence entre les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir sur le plan opérationnel.
Ma remarque concernait essentiellement les données sur l'utilisation ou non des soins palliatifs. Le reste des données sont absolument correctes.
:
Je fais simplement référence au récent rapport de la commission spéciale de l'Assemblée nationale du Québec. Il contient, je pense, la base même de la façon dont nous devrions envisager l'inclusion de directives anticipées dans la loi sur l'aide médicale à mourir.
[Français]
La position actuelle de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, au Québec, c'est que les directives avancées devraient être réservées aux patients qui viennent de recevoir un diagnostic de maladie neurodégénérative cognitive, comme la maladie d'Alzheimer, et non pas dans n'importe quelle autre situation.
Je pense qu'il est important de situer le contexte. En procédant ainsi, cela permet aux médecins qui portent un diagnostic d'Alzheimer chez un patient de lui expliquer en détail ce qui se passe, quelle est la nature de sa maladie, qu'est-ce qui l'attend, quels sont les traitements possibles, et ainsi de suite.
Le patient est alors en mesure de prendre une décision éclairée, à savoir s'il veut risquer ou non, un jour, de devenir incapable de décider de son sort et de passer le reste de sa vie dans cette situation, ce genre d'agonie. Cela permettrait aux médecins d'avoir des directives médicales anticipées qui sont vraiment détaillées et personnalisées au moment où ils seront appelés, 10 ans plus tard, à mettre à exécution une demande anticipée d'aide médicale à mourir pour un patient qui ne se souviendra probablement pas de l'avoir faite. De plus, le patient serait incapable de communiquer avec le médecin parce que la démence serait bien installée.
Il faut absolument que le médecin puisse compter sur des directives médicales anticipées qui traduisent vraiment la volonté du patient, surtout du point de vue de sa souffrance existentielle.
Nous connaissons certainement des cas où des patients ont demandé l'aide médicale à mourir parce qu'ils n'avaient pas accès aux soins palliatifs. Cela peut être dû à des barrières linguistiques, ou à une incapacité à exprimer ce qu'ils souhaitent. Ils n'ont pas nécessairement un bon niveau de littératie en santé.
Nous avons également des populations spéciales et vulnérables. Elles ne sont pas comme les personnes ici dans cette salle, qui sont bien instruites, qui s'expriment clairement et qui sont capables de dire ce qu'elles veulent et de maîtriser ce qu'elles veulent. À l'autre bout du spectre, nous avons des groupes vulnérables qui ont de la difficulté à comprendre le secteur des soins de santé.
Si nous avons de la difficulté à comprendre les soins de santé, il n'est pas surprenant que ces personnes aient de la difficulté à les comprendre, sans parler de l'aide médicale à mourir. Nous voulons vraiment nous assurer que les renseignements que nous fournissons sont accessibles à tous, que l'on parle de questions liées à la langue ou de l'accès pour les personnes qui vivent dans des collectivités rurales et éloignées qui n'ont pas accès aux ressources et aux soins dont elles ont besoin. Il y a beaucoup de questions compliquées en jeu ici que nous ne maîtrisons pas bien.
:
Bonsoir. Bienvenue au deuxième groupe de témoins dans le cadre de notre étude continue sur les soins palliatifs.
Je rappelle aux nouveaux témoins et à tout nouveau membre du Comité qu'avant de prendre la parole, ils doivent attendre que je les reconnaisse par leur nom. Je suis l'un des coprésidents et je m'appelle Marc Garneau.
Je vous rappelle également que tous les commentaires doivent être adressés aux coprésidents. Lorsque vous avez la parole, veuillez parler lentement et clairement. L'interprétation pour la vidéoconférence fonctionnera comme lors d'une réunion de comité en personne. En bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet, l'anglais ou le français. Lorsque vous ne parlez pas, veuillez mettre votre microphone en sourdine.
J'aimerais donc souhaiter la bienvenue à nos trois témoins de ce deuxième groupe, à savoir le Dr Sandy Buchman, président et directeur médical, Freeman Centre for the Advancement of Palliative Care, North York General Hospital et président sortant de l'Association médicale canadienne, le Dr Harvey Max Chochinov, professeur distingué en psychiatrie, Université du Manitoba et la Dre Marjorie Tremblay, médecin.
Bienvenue à vous tous.
Pour commencer, chacun d'entre vous pourra faire une déclaration préliminaire de cinq minutes.
Docteur Buchman, vous avez la parole. Vous avez cinq minutes.
:
Bonsoir tout le monde. Je vous remercie de m'avoir invité à participer à cette importante discussion sur l'aide médicale à mourir et les soins palliatifs.
Tout d'abord, en ce qui concerne mes antécédents, j'ai reçu une formation de médecin de famille, une profession que j'ai exercée pendant 22 ans, et j'ai passé les 16 dernières années à titre de médecin en soins palliatifs à temps plein. J'ai travaillé à la fois dans les cliniques ambulatoires des hôpitaux et dans les soins palliatifs à domicile, y compris les soins palliatifs pour les sans-abri. De plus, comme l'a mentionné M. Garneau, j'ai une perspective nationale, car j'ai été président de l'Association médicale canadienne et du Collège des médecins de famille du Canada.
Je suis également un évaluateur et un fournisseur d'aide médicale à mourir, en plus de mon travail dans le domaine des soins palliatifs. Je participe actuellement à la construction d'un centre de soins palliatifs à Toronto. Il n'y a qu'un seul centre général de soins palliatifs pour adultes dans toute la ville de Toronto — on peut parler d'accès aux soins palliatifs — et je suis également partisan et fondateur de MAiDHouse, un organisme d'aide médicale à mourir situé à Toronto.
Je présume que ce que j'essaie de dire, c'est que je travaille sur deux fronts, car je suis en faveur d'une amélioration considérable de l'accès — je suis un ardent défenseur des soins palliatifs —, mais je soutiens aussi le droit des Canadiens d'évaluer l'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Je suis entré dans cette profession pour soulager la souffrance et, après des années de réflexion, j'en suis venu à penser que je pouvais faire le mieux pour soulager la souffrance lorsque je me heurte aux limites de la médecine moderne, y compris aux limites des soins palliatifs, et que je suis en mesure de soulager la souffrance de mes patients en leur offrant l'aide médicale à mourir. Je me considère comme un prestataire consciencieux.
Je tiens à dire d'emblée que je pense qu'il faut améliorer l'éducation et la formation, et peut-être même la certification, tant dans le domaine des soins palliatifs que dans celui de la prestation de l'aide médicale à mourir. Je crois fermement que la chose la plus importante à faire — et tout clinicien peut le faire dans le cadre d'une évaluation — lorsque les gens expriment le désir de précipiter leur décès, c'est d'aborder et d'explorer leur souffrance dans toutes ses facettes.
Dans le domaine des soins palliatifs, nous suivons les enseignements de Dame Cicely Saunders, l'un des premiers médecins spécialisés dans les soins palliatifs. Elle avait une expérience en travail social, en soins infirmiers et en médecine et elle a créé le St. Christopher’s Hospice, au Royaume-Uni, dans les années 1960. Elle parlait des quatre aspects de la souffrance, à savoir l'aspect physique, psychosocial, émotionnel et existentiel-spirituel. Je crois qu'un trop grand nombre de cliniciens dans le domaine de l'aide médicale à mourir préfèrent simplement qu'un patient demande une mort accélérée... plutôt que d'explorer sa souffrance. Je pense qu'il s'agit d'une compétence importante, et je serais heureux d'en parler davantage.
Au bout du compte, nous devons maintenir le droit des Canadiens d'avoir accès à l'aide médicale à mourir lorsque leurs souffrances sont jugées intolérables et que les autres formes de traitement ne sont pas acceptables.
Je vous remercie. J'ai hâte de répondre à vos questions.
:
Je vous remercie, honorables coprésidents.
À titre d'information, je suis professeur distingué de psychiatrie à l'Université du Manitoba et ancien président du Comité externe sur les options de réponse législative à l'affaire Carter c. Canada. Je suis également chercheur et clinicien de longue date, et j'ai publié de nombreux articles sur les questions psychosociales dans le contexte des soins palliatifs.
J'aimerais utiliser le peu de temps dont je dispose pour soulever cinq points précis.
Tout d'abord, certaines études, tant au Canada qu'aux États-Unis, laissent croire que l'aide médicale à mourir est réservée aux personnes dites blanches, riches et inquiètes. Autrement dit, ces études laissent entendre que nous n'avons pas à nous inquiéter du fait que les personnes qui cherchent à accélérer la mort sont vulnérables ou privées de leurs droits, car elles seraient plutôt bien placées pour faire des choix autonomes. Il s'agit d'une interprétation très étroite et, selon moi, problématique des données. Si l'on examine les décès liés à l'aide médicale à mourir signalés par Santé Canada, on constate que la plupart d'entre eux concernent des personnes âgées qui souffraient de divers handicaps et de troubles médicaux comorbides.
Cependant, la préoccupation la plus importante au sujet de ces données, c'est qu'elles concernent des patients qui avaient moins de six mois à vivre ou ceux dont le décès était raisonnablement prévisible.
Si l'on veut savoir comment la vulnérabilité et l'accélération du décès vont se manifester au Canada, il faut regarder du côté des pays du Benelux ou de la Suisse où, comme maintenant le Canada, il n'est pas obligatoire d'être mourant ou de s'approcher de la mort. En Suisse, l'aide médicale à mourir est plus fréquente chez les femmes — qui souffrent davantage de dépression clinique — et chez les personnes qui vivent seules, qui sont divorcées ou qui n'ont pas d'enfants. La solitude et le manque de soutien social sont des vulnérabilités importantes qui pourraient jouer un rôle dans l'aide médicale à mourir au Canada. De plus, 60 % des patients qui ont reçu l'euthanasie pour cause de maladie mentale aux Pays-Bas ont été décrits comme étant des personnes socialement isolées et solitaires.
Comme c'est le cas chez les personnes handicapées, nous savons que la maladie mentale est également associée à un taux plus élevé de pauvreté et à un manque d'accès aux services de soutiens essentiels, à la sécurité alimentaire et au logement, des éléments qui peuvent user l'esprit humain et miner le désir de vivre et les moyens de le faire.
Deuxièmement, on affirme également que peu importe si une personne est mourante, qu'elle souffre d'un handicap ou d'un trouble mental ou qu'elle souffre de manière chronique, elle est libre d'exercer son autonomie et de choisir si elle veut vivre ou mourir.
Si une personne se trouve sur le balcon ouvert d'un immeuble d'habitation qui est rapidement envahi par les flammes, est‑il raisonnable de dire que cette personne a le choix de sauter ou non? Exercer son autonomie signifie avoir des options réelles et viables. Si vous êtes mourant en l'absence de soins palliatifs de qualité et accessibles, si vous souffrez d'un handicap, mais que vous n'avez pas accès à des soutiens et à des services ou à des possibilités en matière de contacts sociaux, de logement ou d'emploi, si vous souffrez de douleurs chroniques ou de symptômes incontrôlés et que vous n'avez pas accès à un spécialiste en temps opportun, si vous êtes aux prises avec une maladie mentale et vous ne pouvez pas trouver un thérapeute prêt à vous aider à vous en sortir, peut‑on vraiment dire que vous exercez un choix autonome?
La femme ontarienne de 51 ans qui souffrait d'une grave sensibilité aux produits chimiques et qui a choisi l'aide médicale à mourir, il y a deux semaines, faute d'avoir trouvé un logement abordable exempt de contaminants a‑t‑elle vraiment fait un choix autonome? Ou bien en a‑t‑elle simplement eu assez d'être considérée, dans ses mots, comme un déchet superflu, une chialeuse et une personne inutile et, en désespoir de cause, a‑t‑elle fait le saut?
En ce qui concerne le troisième point, je ferais valoir que l'autonomie individuelle est comme l'hélium, c'est‑à‑dire qu'elle a tendance à s'étendre et à occuper tout l'espace qui lui est donné. Regardez ce qui se passe au Canada. Nous avons supprimé les mots « mort raisonnablement prévisible » et nous allons bientôt inclure la maladie mentale. Nous envisageons maintenant de nous pencher sur le cas des enfants et sur les directives préalables. Si l'autonomie individuelle est le moteur et si nous observons ce qui se passe chez nos amis européens, nous verrons l'aide médicale à mourir s'étendre pour inclure des raisons comme « en avoir fini avec la vie » et « être fatigué de vivre ».
Quatrièmement, divers chercheurs en soins palliatifs, dont moi-même, font progresser l'art et la science de traiter la souffrance des patients atteints d'une maladie potentiellement mortelle ou limitant leur espérance de vie. Bien que la thérapie de la dignité, mise au point par mon groupe à Winnipeg — ou d'autres, comme la psychothérapie axée sur le sens et la thérapie du calme —, ne soit pas une panacée pour la souffrance, elle s'avère efficace pour atténuer la détresse tout en améliorant l'expérience de fin de vie.
Cinquièmement, quelle que soit la direction prise par le Canada en ce qui concerne l'aide médicale à mourir, il doit d'abord et avant tout soutenir l'étude continue et la prestation continue des soins palliatifs. Moins de 2 à 3 % des Canadiens auront un jour recours à l'aide médicale à mourir, mais presque tous les Canadiens qui vivent avec une maladie potentiellement mortelle ou limitant l'espérance de vie pourraient bénéficier de soins palliatifs, même si seule une minorité les recevra. Dans les cas où il n'y a pas de véritable choix, nous devons avancer prudemment dans les conversations sur le droit de sauter et faire tout ce que nous pouvons pour éteindre les flammes de la souffrance humaine d'un bout à l'autre du Canada.
Je vous remercie.
J'aimerais d'abord remercier les membres du Comité de m'avoir invitée à participer à cette réunion.
Je suis médecin de famille. Je donne, depuis 20 ans, des soins palliatifs. J'en donne dans les hôpitaux, à domicile et dans une maison de soins palliatifs. Je suis directrice médicale de la Maison de la Sérénité. Je suis également chercheuse au Comité de direction du Réseau québécois de recherche en soins palliatifs et de fin de vie, ou RQSPAL, au Québec.
J'aimerais tout d'abord dire que je soutiens entièrement les propos tenus par la Dre Kaya. Je ne vais donc pas répéter tout ce qu'elle vient de dire.
J'aimerais rectifier un peu les propos de M. Thériault et du Dr Viens voulant que le Québec ait fait de l'aide médicale à mourir un continuum de soins. Si l'on se fie à la Loi concernant les soins de fin de vie — nous devons nous reporter à la Loi, et non à son interprétation —, la définition est claire. Comme l'a dit le Dr Downar, ce sont des soins de fin de vie et, dans la Loi, il est clairement établi qu'il y a les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir. Il s'agit donc de deux entités différentes. Cela ne veut pas dire, parce que nous en faisons deux entités différentes, que nous y sommes opposés. Il est important de le dire. En effet, chaque fois que nous faisons la distinction entre les deux entités, certains semblent croire que nous y sommes opposés, mais ce n'est pas du tout le cas. Selon la définition de « soins palliatifs » dans la Loi concernant les soins de fin de vie, il s'agit de soins liés au respect d'un processus naturel. Nous sommes là pour soulager tout ce qui donne lieu à de l'inconfort, sans hâter la mort ni prolonger la vie. Il s'agit de respect quant à l'état naturel de la maladie avancée.
En 20 ans, je n'ai jamais vu autant de confusion relativement à ces deux notions qu'à l'heure actuelle. Ce soir, il est clair, en vous écoutant, que tout semble un peu confus.
Quand on utilise l'expression « soins palliatifs », beaucoup trop de gens pensent que ces soins sont donnés pour quelques heures, quelques jours ou quelques semaines avant le décès d'un patient. Les soins palliatifs ne sont pas que cela. Ce sont effectivement des soins palliatifs de fin de vie, mais ils sont assortis d'une option différente, qui est l'aide médicale à mourir. Le recours à des soins palliatifs est une approche palliative et elle intervient pendant des mois, voire des années, avant le décès du patient. L'approche palliative, que nous pourrions qualifier d'approche palliative intégrée, vise à ce que le patient atteint d'une maladie avancée, qui commence à avoir des symptômes d'inconfort affectant sa qualité de vie, puisse éventuellement demander des soins palliatifs, sachant ce qu'ils peuvent offrir. S'il ne le sait pas, il ne peut pas les demander, et, si le patient a l'impression que ce sont juste des soins de fin de vie, il ne les demandera pas plus tôt.
Ce manque d'information fait en sorte que les patients ne sont pas repérés, et ce manque de repérage précoce coûte cher au système de santé. Le patient, qui ne devrait pas être aux soins intensifs, compte tenu de son état, finit par subir énormément de souffrance. Il devrait plutôt être dans une maison de soins palliatifs ou, tout simplement, à la maison, entouré de sa famille, avec des soins appropriés quant à son état.
Les ressources sont là, mais elles sont déficientes, car la population est vieillissante et les besoins ne font qu'augmenter. Il faut donc injecter de l'argent dans le système. Il faut surtout savoir que l'état du patient et le type de soins doivent être en adéquation pour que le patient soit au bon endroit et qu'il puisse avoir accès aux bonnes ressources. Il faut protéger la qualité de vie des patients pendant deux, trois, quatre ou cinq ans, tant que le patient va en avoir besoin. C'est cela, offrir de bons soins palliatifs.
L'un d'entre vous a demandé ce que l'on entendait par « avoir de bons soins palliatifs ». À mon avis, c'est d'avoir accès à assez de ressources, tant sur le plan matériel que sur celui des ressources humaines, et d'avoir accès à tous les lieux qui prodiguent de tels soins pour toutes les maladies, pas seulement pour le cancer. Je pense notamment aux patients souffrant d'insuffisance cardiaque. Prenons l'exemple d'un patient souffrant d'insuffisance cardiaque, dont le cœur est en train de mourir tranquillement. Il se peut qu'il lui reste deux, trois ou quatre ans encore à vivre. S'il a des symptômes d'inconfort, il devrait avoir la possibilité de consulter un médecin en soins palliatifs.
Ce patient pourra-t-il avoir accès à un médecin en soins palliatifs spécialisés? Il est fort possible que non. C'est là que nous voyons les besoins. En effet, la complexité des cas exige parfois de pouvoir recourir à un spécialiste en soins palliatifs possédant de l'expérience dans ce domaine.
Il faudrait qu'il y ait une campagne nationale de sensibilisation sur les soins palliatifs. De toute évidence, au Canada, nous ne savons pas très bien en quoi consistent les soins palliatifs. Nous nous fions à l'interprétation de certaines personnes et nous nous disons que c'est ce que nous faisons, alors que nous dénaturons un peu la nature des soins palliatifs.
:
Je remercie les coprésidents et je tiens également à remercier les témoins.
J'aimerais parler des soins palliatifs. À la suite de l'étude du Comité spécial sur la décision Carter et de sa recommandation selon laquelle, en l'absence de soins palliatifs de bonne qualité, il n'y a pas vraiment de choix, j'ai présenté le projet de loi — dont je suis très fière — pour créer un cadre sur les soins palliatifs.
Dans le Budget 2018, le gouvernement avait promis 6 milliards de dollars sur 10 ans pour les soins palliatifs. Malheureusement, en fin de compte, il n'a dépensé que 200 000 $ de ce montant, et cela a été regroupé avec l'aide médicale à mourir, ce qui n'a jamais été l'intention. L'Organisation mondiale de la santé a clairement indiqué que les soins palliatifs n'accélèrent pas la mort; c'est une chose complètement différente de l'aide médicale à mourir.
Ma première question est facile et s'adresse à tous les témoins. Nous savons que le cadre visait également à s'attaquer au problème des 60 000 ressources manquantes en matière de médecins, de personnel infirmier et d'autres prestataires de soins palliatifs. Seriez-vous d'accord pour dire que le gouvernement devrait respecter son engagement à verser 6 milliards de dollars sur 10 ans pour les soins palliatifs et ainsi combler le manque de ressources?
Docteur Buchman, j'aimerais d'abord entendre votre réponse.
Encore une fois, toutes mes félicitations pour le cadre. Comme le disait Dr Buchman, la réalité, c'est que les services nécessaires ne sont pas offerts aux patients et à leur famille. Je ne pense pas que nous puissions être rassurés par le fait que 15 à 30 % des personnes ont accès à ces ressources. Il est honteux que nous n'offrions pas de meilleurs soins.
Pour préparer ma déclaration d'aujourd'hui, j'ai parlé au chef de notre programme de soins palliatifs et, à titre d'information, le financement des soins palliatifs à Winnipeg — une ville d'environ 1 million d'habitants — n'a pas augmenté au cours des 20 dernières années. Nous avons 16 lits de soins palliatifs, tous situés près de l'autoroute périphérique…
:
Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Je tiens à remercier les témoins d'être venus et de nous accorder du temps si tard dans la soirée.
J'ai écouté la dernière réunion que nous avons eue et la présente réunion, et j'entends des histoires différentes sur les soins palliatifs. Comme je suis médecin, je pense savoir ce que sont les soins palliatifs, et j'ai entendu certains de nos médecins spécialisés en soins palliatifs expliquer ce qu'ils sont. Au bout du compte, ces soins font partie d'un continuum de soins. Ce ne sont pas les mêmes soins, et ce ne sont pas nécessairement des soins parallèles, mais c'est un continuum de soins.
J'ai également entendu dire qu'il y a des ressources concurrentes. Nous avons demandé à la Bibliothèque du Parlement de faire des recherches à ce sujet, et je n'ai pas nécessairement constaté que c'était vrai.
Les fonds donnés par le gouvernement fédéral pour les soins palliatifs et le cadre connexe sont versés aux provinces. Le gouvernement fédéral, sauf lorsqu'il s'agit des peuples autochtones, des forces armées, etc., ne s'occupe pas de cela lui-même. Il donne l'argent aux provinces, et tout dépend donc des priorités des provinces et de la façon dont elles décident d'utiliser ces fonds. Je sais que certaines provinces n'ont pas assez d'argent pour les soins à domicile dans leur système de soins palliatifs.
Toutefois, j'aimerais comprendre ce qui se passe si — et je vais poser cette question au Dr Buchman — un patient venait vous voir… Vous avez souligné trois catégories très importantes des soins de fin de vie, à savoir les soins corporels, les soins psychosociaux et la question existentielle. Nous comprenons bien la catégorie des soins psychosociaux. Il s'agit surtout de femmes et de nombreuses personnes qui vivent seules et qui sont manifestement isolées, etc. Toutefois, peu de gens parlent — à part le Dr Viens, qui en a parlé aujourd'hui — des soins liés à la question existentielle, c'est‑à‑dire du fait que l'on peut soulager la douleur, assurer le confort des gens et les entourer de personnes qui les aideront à surmonter leur solitude, car en fin de compte, il y a cette dimension spirituelle, lorsqu'une personne réfléchit aux options offertes.
Si un patient venait vous voir pour une maladie chronique accompagnée de douleurs chroniques, que vous l'accompagniez en soins palliatifs et qu'il semblait recevoir l'aide nécessaire sur le plan physique et psychosocial… Au bout d'un certain temps, les patients finissent par se dire, d'un point de vue existentiel, que ce n'est pas une façon de vivre. Ce ne sont pas des soins qui offrent une bonne qualité de vie. Ce n'est pas vraiment vivre, ils veulent davantage et ils veulent prendre la décision de probablement mettre fin à leur vie comme ils l'entendent. Que diriez-vous à un patient dans cette situation? Insisteriez-vous pour qu'il continue à recevoir des soins palliatifs ou lui expliqueriez-vous les options de manière simple, sans tenir compte de la terminologie, etc., pour lui permettre de prendre ses décisions, et respecteriez-vous sa décision au sujet de sa personne?
:
Merci, docteur Buchman.
J'interroge maintenant la Dre Tremblay.
Je crois que vous avez exprimé un sentiment semblable, que, en fin de compte, l'important, c'est le patient, pas seulement l'opinion du médecin; ce sera toujours axé sur le patient.
Pouvez-vous dire ce que vous feriez si le patient, après avoir reçu des soins palliatifs, décidait de mettre fin à ses souffrances?
:
Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Docteure Tremblay, dans un autre forum, nous pourrons tenir un débat sur l'intention législative du Québec. Je souhaite maintenant passer à une autre question.
Les soins palliatifs, tels que le concevait Mme Cicely Saunders, consistent en une approche holistique, en un accompagnement vers la mort, en un soulagement de la douleur et de la souffrance sur les plans psychique et physique ainsi qu'en un accompagnement de la famille, et ce, dans un environnement le plus naturel possible.
Quand on a commencé à prodiguer des soins palliatifs, cela ne signifiait pas qu'il fallait laisser le patient mourir dans un coin. Les soins palliatifs permettent de ralentir le processus de la mort, lorsque celui-ci est irrémédiablement installé. Les patients se sentent mieux et ils vont mieux lorsqu'ils sont dans une unité de soins palliatifs. Il arrive même, parfois, qu'il faille les sortir des unités de soins, car ils ne peuvent y rester plus de trois mois. Vous avez raison de revendiquer plus d'accès aux soins palliatifs.
Ma prochaine question s'adresse au Dr Buchman et à la Dre Tremblay.
Si un patient en fin de vie, qui a reçu de très bons soins palliatifs, qui a été bien accompagné et qui se sent serein et prêt à lâcher prise, demande l'aide médicale à mourir, considérez-vous cela comme un échec des soins palliatifs?
Pourquoi faut-il séparer ces deux approches alors qu'elles s'inscrivent dans un continuum de soins de fin de vie?
:
Je n'y vois pas l'échec des soins palliatifs. Il est improbable qu'une personne, à son réveil, un bon matin… Mais le désir de hâter la mort est très répandu dans notre domaine. Parfois, malgré nos meilleurs efforts… Comme en tout, il y a des limites à ce que la médecine peut faire. Il se peut que ce soit simplement notre incapacité de diminuer les souffrances par des moyens acceptables au patient.
En fin de compte, les Canadiens ont accès à l'admissibilité, mais il est également vrai que la loi sur l'aide médicale à mourir nous permet de donner des soins palliatifs.
J'ai eu un patient séropositif et, en plus, atteint de sclérose latérale amyotrophique, qui avait perdu l'usage du haut de son corps ou de ses bras. Il dépendait complètement d'autrui pour son alimentation et son hygiène personnelle. Il vivait au 22e étage d'une haute tour d'habitation à Toronto, où je prenais soin de lui, et il m'a dit que c'était cette loi et la possibilité, pour lui, de choisir ou d'exercer ce choix quand il serait prêt… Sinon, il acceptait tout ce que nous pouvions lui accorder de soins palliatifs. C'est la loi sur l'aide médicale à mourir qui lui a permis de les accepter, sinon, il l'a clairement exprimé, il se serait jeté dans le vide. Bref, ça n'arrive pas d'un coup. Nous avons des limites, et l'existence de la loi sur l'aide médicale à mourir nous permet souvent d'accorder d'excellents soins palliatifs au mieux de nos capacités.
:
Merci beaucoup, madame la coprésidente.
Docteur Buchman, c'est vous que je questionnerai.
Vous avez dit, dans votre déclaration préliminaire, que vous aviez donné des soins palliatifs à des sans-abri — une population très vulnérable. Vous apportez là un point de vue unique en son genre, parce que vous préconisez de suivre ces deux voies. Vous avez également été évaluateur, dans le processus de l'aide médicale à mourir, et fournisseur de ce service.
Ces sans-abri forment une population très vulnérable, dont les déterminants sociaux de leur santé sont très évidents et très présents. Ils vivent l'insécurité sur le plan du logement, ils ignorent souvent à quel moment ils pourront prendre leur prochain bon repas, et leur vie quotidienne est remplie d'incertitudes et d'un stress incroyable pour leur santé.
Avec les incurables, dont l'état de santé est irrémédiable, que vous évaluez en vue des soins palliatifs ou, peut-être, de l'aide médicale à mourir, pouvez-vous aborder l'effet de ces déterminants sur leur santé? Vous heurtez-vous souvent à des maladies qu'on aurait pu prévenir au stade où cette population vous consulte la première fois, si elle avait eu un accès plus rapide ou meilleur à des soins?
:
Sans détour, la réponse est probablement oui.
Quand la souffrance d'une personne est une conglomération de son passé — elle peut avoir souffert de graves traumatismes —, son histoire marquée par les traumatismes peut être très révélatrice. Sa situation est l'aboutissement d'une suite d'événements, compte tenu des déterminants sociaux et structuraux de son existence, de tout ce qui va du racisme systémique, peut-être, et qui englobe jusqu'aux problèmes de santé mentale et de toxicomanie.
Nous agissons très loin en aval. Il est vraiment capital d'examiner les événements très anciens, non seulement de reconnaître le sens des causes profondes des déterminants sociaux tels que le racisme, le sexisme, l'homophobie, la transphobie, le colonialisme, etc. Voilà les racines des déterminants sociaux de la santé et voilà pourquoi il est indispensable de commencer à s'y attaquer dès le début. Voilà pourquoi aussi, pour les personnes qui y ont été exposées, un accès équitable aux soins, et, particulièrement, aux soins palliatifs est si indispensable.
Comme par hasard, nous avons un programme dans le centre-ville de Toronto — et une poignée d'autres sont répartis à la grandeur du pays — mais la plupart des gens n'ont pas accès aux services de soins palliatifs ni même à ceux de soins primaires, de santé mentale et de traitement des toxicomanies qui leur sont indispensables. Nous intervenons donc presque à la toute fin, en aval, et tout ce que nous pouvons alors faire contre leurs souffrances, c'est notre mieux, sur tous les plans, comme je l'ai dit.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur témoignage.
Je remercie également mon ex-collègue la docteure Tremblay d'être ici avec nous.
Docteure Tremblay, je sais que vous avez travaillé avec l'Institut national de santé publique du Québec sur les indicateurs de soins palliatifs. On a entendu et on entend toujours dire qu'il faut améliorer les soins palliatifs, qu'il faut des soins palliatifs de qualité.
Pouvez-vous nous parler de ces indicateurs? Quels sont les critères ayant servi à leur sélection? Comment ces indicateurs peuvent-ils permettre aux divers paliers de gouvernement d'améliorer les soins palliatifs?
:
Je vous remercie, docteure Mégie.
Le dernier rapport date d'avril 2021. Malheureusement, au Québec, les données sur les soins palliatifs sont très rares. Dans le cadre de cette étude, qui a été menée de 2002 à 2016 , nous avons recueilli des données sur huit indicateurs de soins palliatifs. Ces indicateurs avaient déjà été utilisés dans le passé et ils ont été revus. Des dix indicateurs auparavant utilisés, nous en avons gardé huit. Dans ce rapport, nous avons examiné ce qui se passait pour la population qui pouvait bénéficier des soins palliatifs en établissement. Cette étude ne s'est pas penchée sur les gens qui recevaient des soins palliatifs à leur domicile ou dans des milieux comme les centres d'hébergement et de soins de longue durée. Ces indicateurs fournissent beaucoup de renseignements sur ce qui se passe au Québec.
Je vais vous donner un exemple. Grâce à ces indicateurs, on connaît maintenant le lieu de décès au Québec. Le lieu principal de décès au Québec est l'hôpital. Quatre patients sur dix susceptibles de bénéficier de soins palliatifs vont visiter une salle des urgences dans les deux dernières semaines de leur vie. Une personne sur dix susceptible de bénéficier de soins palliatifs séjournera aux soins intensifs. Ces indicateurs nous démontrent que le repérage précoce ne se fait pas et qu'il n'y a pas d'approche palliative intégrée.
On dit que les patients ont accès à des soins palliatifs, mais ils ont en fait accès à des soins palliatifs de fin de vie lorsqu'une catastrophe ou une complication survient et que le patient ne savait pas qu'il allait mourir. Le patient subit alors un choc et il vit de la détresse. C'est de cela qu'il s'agit. Le patient est en détresse en raison de sa fin de vie imminente. On le transfère en soins palliatifs, parce que les soins curatifs ne sont plus possibles, et l'on commence à lui administrer des médicaments pour soulager ses symptômes.
Il y a une mauvaise interprétation de la population en général, et même de certains professionnels, selon laquelle un patient qui reçoit de la morphine va bientôt mourir. Si l'on avait commencé cinq ans plus tôt à donner de la morphine au patient pour soulager sa douleur ou son essoufflement en raison d'une insuffisance cardiaque, par exemple, personne ne dirait que la morphine l'a tué en fin de vie. Les mythes cesseraient et les gens cesseraient d'avoir peur des médicaments. Les indicateurs sont extrêmement importants, car ils permettent à toutes les autorités responsables de comprendre les répercussions sur tout le monde des décisions prises et de suivre l'évolution de la situation.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'interroge le docteur Buchman.
Nous savons que les soins palliatifs sont sous-financés et que l'accès du public à ces soins présente des difficultés considérables. Également, l'accès à l'aide médicale à mourir peut poser des problèmes semblables. Ces deux services sont sous-financés. La solution est‑elle d'en financer un aux dépens de l'autre, en dépouillant Pierre pour habiller Paul?
Ensuite, on a parfois prétendu que les soins palliatifs de qualité devaient être fournis par des spécialistes, dans des centres de soins palliatifs. D'autres ont fait remarquer que les soins palliatifs de très bonne qualité pouvaient être donnés à domicile par des médecins de première ligne.
Quelles sont vos opinions sur ces questions?
:
Je répondrai d'abord à la deuxième question, si vous permettez. Je consacre la plus grande partie de mon temps à donner des soins palliatifs à domicile ou, comme on l'a dit, dans la rue. Je suis tout à fait convaincu que des médecins de première ligne, des médecins de famille, des infirmières praticiennes, etc. peuvent en donner. Peut-être que 70 %, environ, pourraient se donner en première ligne.
Malheureusement, pour de nombreuses raisons, faute de formation suffisante ou simplement faute de confiance, faute aussi de modèle adapté de paiement, etc., très peu de médecins de famille continuent de donner des soins quelconques à domicile, sans parler de soins palliatifs.
Je travaille beaucoup à des modèles qui sont de soins palliatifs « à flux tendus », accessibles par un numéro 1‑800, qui permettrait à un médecin de famille d'appeler un spécialiste des soins palliatifs pour obtenir un appui juste à temps pour gérer les crises de douleur ou le délire nocturne. Je crois très fermement en la nécessité d'appuyer cette formule, ainsi que la formation continue.
Le problème du sous‑financement est évidemment omniprésent dans le réseau de santé. L'enveloppe budgétaire ne bouge pas. Nous devons pouvoir financer généreusement l'accès aux soins palliatifs. Je consacre la plus grande partie de mon temps à le préconiser. En même temps, l'accès à l'aide médicale à mourir n'est nulle part équitable au Canada, et la situation s'aggravera, après l'adoption du projet de loi et peut-être même après, en mars 2023, quand des problèmes médicaux deviendront une condition sous-jacente reconnue par la loi.
Cela étant dit, nous avons besoin d'un financement très généreux, à partir du très essentiel pour les soins de première ligne, bien sûr… Nous avons préconisé cette voie, avant la pandémie, alors que le gouvernement libéral actuel était au pouvoir et nous n'avons jamais vraiment obtenu le financement nécessaire pour les soins de première ligne. D'après moi, nous devons sans cesse militer pour une formation suffisante et l'accès aux soins palliatifs et à l'aide médicale à mourir.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
[Traduction]
J'interroge le Dr Buchman.
Vous soignez les personnes les plus vulnérables de la société, celles qui sont souvent isolées et qui ont été laissées pour compte par la société en général. Quand elles s'adressent à vous, c'est parce qu'elles ont besoin de soins palliatifs ou qu'elles veulent l'aide médicale à mourir. Vous êtes un évaluateur pour l'aide médicale à mourir.
Dans votre pratique, avez-vous remarqué que ce sous-groupe de personnes parmi les plus vulnérables agissait différemment des autres, qu'il comptait davantage sur l'aide médicale à mourir, chacun de ses membres estimant que sa vie n'avait aucune valeur?
:
Non. Ce n'est absolument pas ce que j'ai constaté. En fait, c'est très intéressant. Mes patients les plus vulnérables réclament des soins médicaux actifs.
Il est souvent question, entre nous, d'objectifs des soins ou de dispositions de fin de vie, pour savoir s'ils veulent être réanimés, bénéficier de plus de mesures de confort. La plupart des patients les plus vulnérables sont extrêmement méfiants, pour de multiples bonnes raisons, envers le système de santé. Ils commencent à se méfier dès qu'on envisage la « non‑réanimation » ou qu'on craint que ça ne cause plus de tort que de bien, etc. En fait, ils veulent que tout ce qui est possible soit fait, même, peut-être, d'un autre point de vue, à leur détriment.
En fait, il n'est pas commun que les personnes les plus vulnérables demandent l'aide médicale à mourir. Comme le montrent de nombreuses données, c'est habituellement les personnes qui ont un sentiment de contrôle sur leur vie, habituellement des couches socioéconomiques supérieures, de race blanche, etc. Tous ces facteurs sont très évidents.
Je dois ajouter que des patients l'ont demandé, et ça survient lorsque l'on envisage toutes les questions de souffrance, notamment les problèmes psychologiques et les problèmes de santé mentale qu'ils éprouvent.
J'ai deux questions pour le docteur Buchman.
Selon d'autres spécialistes du domaine des soins palliatifs qui sont venus témoigner, ce n'est inexplicablement pas leur responsabilité, à la fin de ces soins, de vraiment offrir l'option de l'aide médicale à mourir ou même d'avoir cette discussion dès avant le début du choix des soins palliatifs.
J'y reviens sans cesse, et je ne suis pas certaine que ce soit le bon terme, mais ne devons-nous pas, à un certain niveau, considérer cette situation comme un continuum et avoir cette discussion dès le début?
Vous avez également dit quelque chose d'intéressant, c'est‑à‑dire que l'offre de l'aide médicale à mourir permet à certains d'opter pour les soins palliatifs, sachant qu'ils peuvent opter pour autre chose si ses soins ne donnent pas de résultats.
:
La question du moment où on offre l'option de l'aide médicale à mourir ou on en suggère l'idée est très intéressante et très épineuse. Dans certains pays, comme l'Australie, où j'en ai discuté, on interdit aux médecins de la proposer.
Entre les médecins et les patients, il y a inégalité des forces. Ce genre d'autorité peut influencer beaucoup les patients. D'autre part, évidemment, c'est comme parler de cancer et passer sous silence la chimiothérapie offerte, ce qui fait acquérir au consentement en pleine connaissance de cause à ce qui est offert au patient une importance que je crois capitale tout comme son droit moral et éthique de disposer de tous les renseignements accessibles.
C'est là que je reviens à la compétence et au talent d'informer. En fin de compte, je crois que, effectivement, les patients ont droit à la pleine connaissance et à toutes les informations sur le sujet. Ça se fait quand le talent et le meilleur jugement professionnel interviennent.
Certains patients, quand le médecin examine leurs diverses options, qu'il s'aperçoit de ce à quoi ils veulent en venir et qu'il cherche, comme je l'ai dit, à diminuer leurs souffrances — j'y reviens sans cesse, parce que c'est la clé — acceptent, nous le constatons, ce qu'il offre, mais il y en aura toujours une fraction qui trouve absolument que le traitement offert est inacceptable. C'est à ce moment que je crois qu'il nous incombe à nous, en notre qualité de professionnels, de les informer de l'existence d'une option permettant d'évaluer leur admissibilité à l'aide médicale à mourir. Je ne dis pas qu'ils ont droit à cette aide; je dis qu'ils disposent de l'option de faire évaluer leur admissibilité à l'aide médicale à mourir. Je pense que la nuance est fondamentale.
:
À plusieurs reprises aujourd'hui, j'ai entendu divers témoins affirmer qu'il n'y a rien que nous pouvons faire au sujet de la détresse existentielle, qu'il n'existe aucun traitement ni aucune approche efficace. Cela fait 35 ans que je travaille dans le domaine des soins palliatifs et que je me penche exclusivement sur la détresse en fin de vie, la détresse existentielle ainsi que la détresse psychiatrique et psychologique.
Pendant 15 ans, j'ai été corédacteur en chef du Handbook of Psychiatry in Palliative Medicine, qui porte sur les soins psychosociaux prodigués aux malades en phase terminale. La troisième édition de cet ouvrage sera publiée en septembre. Il contient 45 chapitres rédigés par divers experts de partout dans le monde, alors, je m'inscris en faux contre l'idée qu'il n'y a rien que nous pouvons faire.
La littérature qui se penche sur les façons d'alléger la détresse en fin de vie est abondante. Je suis aussi le corédacteur en chef d'une revue publiée régulièrement qui s'intitule Palliative & Supportive Care. Cette revue est consacrée entièrement aux moyens d'alléger la détresse existentielle en fin de vie. Il n'est pas juste de faire valoir que l'aide médicale à mourir est la seule option à notre disposition, car diverses approches existent.
Par exemple, ce qui cause beaucoup de souffrance chez les patients en fin de vie, c'est l'érosion de leur identité individuelle, de leur dignité, alors, nous trouvons des façons d'affirmer leur identité individuelle. Cela nous amène à examiner, notamment, l'attitude et l'état d'esprit des fournisseurs de soins de santé et nous leur expliquons que leurs propres perspective et état d'esprit peuvent avoir une grande influence sur le sentiment de bien-être et de dignité du patient. Nous nous penchons aussi sur des interventions adaptées au patient.
Entre autres, nous nous posons une question liée à la dignité du patient. Nous nous demandons ce que nous devons savoir à propos du patient afin de lui prodiguer les meilleurs soins possible. Cela nous donne l'occasion de tenir compte de l'identité individuelle.
Il existe aussi de nombreuses psychothérapies. Dans mon mémoire, je mentionne que j'ai élaboré une thérapie axée sur la dignité, qui est fondée sur la pérennité et l'idée de donner au patient la possibilité de laisser un héritage. De son côté, Gary Rodin, à Toronto, est en train d'élaborer ce qu'il appelle la thérapie CALM, et Bill Breitbart, du Memorial Sloan Kettering Centre, se penche sur la thérapie axée sur le sens de la vie.
Je ne veux pas que le Comité pense qu'il n'y a rien à faire au sujet de la détresse existentielle. De toute évidence, cette idée est véhiculée avec une certaine intention ou un objectif que je ne comprends pas, mais nous devons comprendre et savoir que de nombreux professionnels partout dans le monde, et pas seulement à Winnipeg ou dans l'ensemble du Canada, tentent de comprendre et d'atténuer la détresse grâce à des approches, qui font l'objet d'études et de recherches, notamment des essais randomisés contrôlés, qui montrent leur efficacité.
:
Je remercie tous les témoins.
L'heure prévue avec nos témoins est écoulée. Vos propos ont été extrêmement utiles, Dr Chochinov, Dr Buchman et Dre Tremblay. Je vous remercie d'avoir pris du temps aujourd'hui pour répondre à nos questions. Vos réponses nous aideront dans notre étude de ce sujet très important et difficile, comme vous l'avez tous très clairement souligné. Nous vous sommes très reconnaissants. Nous vous remercions d'avoir comparu devant le Comité.
Je vais maintenant m'adresser aux membres du Comité. Il semble que nous allons nous réunir deux fois la semaine prochaine, à savoir lundi soir, bien sûr, et jeudi, semble‑t‑il. Nous allons nous pencher sur les demandes anticipées.
La séance est levée. Merci.