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AMAD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir


NUMÉRO 027 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 18 novembre 2022

[Énregistrement électronique]

  (0850)  

[Traduction]

    Bonjour, chers collègues. Bienvenue à la réunion du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.
    J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue à nos témoins, ainsi qu'à ceux qui nous regardent sur le Web, et vous faire savoir que nous poursuivons notre étude, c'est‑à‑dire notre examen prévu par la loi des dispositions du Code criminel concernant l'aide médicale à mourir et leur application.
    Je m'appelle Yonah Martin. Je suis la coprésidente du Comité qui représente le Sénat, et je suis accompagnée de l'honorable Marc Garneau, coprésident du Comité qui représente la Chambre des communes.
    J'ai de l'information pour nos témoins.
    Nous rappelons aux membres et aux témoins qu'ils doivent laisser leur microphone en sourdine à moins d'être nommés par l'un des coprésidents, et je vous rappelle que vous devez vous adresser aux coprésidents.
    Quand vous prenez la parole, veuillez parler lentement et clairement. L'interprétation au cours de cette vidéoconférence fonctionnera comme lors d'une réunion de comité en personne. Vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais et le français.
    Encore une fois, bienvenue à nos témoins. Nous avons une témoin, Mme Gabrielle Peters, dont la caméra n'est pas activée, mais nous devrions être en mesure d'entendre sa voix. Elle est assistée par une personne qui l'aidera pour l'interprétation au besoin.
    Bienvenue également à Mme Peters.
    Je vous présente nos témoins.
    Nous accueillons Mme Sylvie Champagne et Mme Catherine Claveau, du Barreau du Québec. Je crois savoir que vous allez partager votre temps de parole de cinq minutes.
    Nous accueillons également Mme Gabrielle Peters, cofondatrice de l'organisation Le filibuster du handicap. Comme je l'ai dit, il se peut que sa caméra soit éteinte pendant son témoignage. Nous verrons comment cela se passe.
    Puis, nous recevons Mme Krista Carr, vice-présidente à la direction d'Inclusion Canada, qui participe également par vidéoconférence. Pour elle, il est 5 h 45 du matin. Merci de vous être levée tôt pour vous joindre à nous.
    Nous allons commencer par la déclaration liminaire de Mmes Champagne et Claveau, qui se partageront les cinq minutes. Elles seront suivies de Mme Peters, puis de Mme Carr.
    Mesdames Champagne et Claveau, vous disposerez chacune de deux minutes et demie pour vos déclarations liminaires, je pense bien.
    Je vous remercie beaucoup. Vous pouvez commencer.

[Français]

     Madame la présidente, monsieur le président, madame et messieurs les vice-présidents et membres du Comité, je m'appelle Catherine Claveau et je suis la bâtonnière du Québec. Je suis accompagnée de Me Sylvie Champagne, directrice du Secrétariat de l'Ordre et des affaires juridiques. Je vous remercie de nous avoir invités à participer à la consultation sur les enjeux liés à l'aide médicale à mourir pour les personnes handicapées.
     Depuis le début, soit en 2010 pour le Québec, le Barreau du Québec a contribué activement à la réflexion entourant le dossier de l'aide médicale à mourir. L'aide médicale à mourir et son élargissement soulèvent des questions juridiques et éthiques sérieuses. C'est la raison pour laquelle notre réflexion est guidée par les principes fondamentaux suivants: le droit à l'autodétermination de la personne et de sa dignité; le droit à l'accès aux soins de fin de vie et à l'aide médicale à mourir partout sur le territoire du Québec; le droit à l'égalité, un droit incontournable lorsque vient le temps de réaliser pleinement le droit à la vie et le droit à l'autonomie de chaque personne apte à consentir à l'aide médicale à mourir; et, finalement, la protection contre la discrimination, plus particulièrement en évitant de perpétuer les stéréotypes visant les groupes de personnes considérées vulnérables en concluant d'entrée de jeu à leur incapacité à pleinement consentir à l'aide médicale à mourir.
    La décriminalisation de l'aide médicale à mourir et son encadrement juridique ont été confirmés par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Carter. Dans cet arrêt, la Cour a reconnu que l'aide médicale à mourir devait être accessible à tout adulte capable, dans les cas où la personne touchée:
(1) consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition.
    En 2016, le Code criminel a été modifié pour répondre à cet arrêt. Désormais, l'alinéa 241.2(2)a) prévoit expressément qu'une personne atteinte d'un handicap grave et incurable remplit le critère énoncé à l'alinéa 241.2(1)c), soit qu'« elle est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables ».
    En 2019, dans la décision Truchon, la Cour supérieure du Québec a conclu que les critères relatifs à la fin de vie et à la mort naturelle devenant raisonnablement prévisible compromettent le droit à la vie et le droit au respect de la dignité de la personne. Nous soulignons qu'elle a aussi conclu que cela compromettait le droit à l'égalité des personnes, particulièrement celles considérées comme vulnérables. En effet, ces dernières sont erronément considérées comme inaptes, car elles sont vulnérables du simple fait de leur handicap. Les personnes handicapées peuvent être parfaitement aptes à exercer des choix fondamentaux concernant leur vie ou leur mort et cette aptitude doit être évaluée au cas par cas.
    En outre, la Cour supérieure a affirmé ceci:
La pleine autonomie des personnes [affectées d'un handicap] doit pouvoir s’exercer non seulement en fin de vie, mais aussi à tout moment au cours de leur vie et ce, même si cela signifie la mort, lorsque les autres conditions d’admissibilité à l’aide médicale à mourir sont satisfaites.
     Nous invitons également le Comité à tenir compte de la position énoncée dans la décision, à savoir:
 [...] comme toute autre personne apte et bien renseignée, les personnes handicapées peuvent entretenir un désir rationnel et légitime de vouloir mettre fin à leurs jours, compte tenu de leur condition, mais aussi et surtout à cause des souffrances intolérables et persistantes qu’elles vivent. [...]

Même s’il faut rester vigilant, il est loin d’être évident qu’une personne pourra ou voudra recevoir l’aide médicale à mourir uniquement en raison de son handicap.
    Nous reconnaissons que le droit à l'égalité à l'aide médicale à mourir présente des défis bien réels. Elle doit être offerte à tous, en tenant compte de la spécificité du handicap, en outillant adéquatement l'équipe soignante pour évaluer le consentement aux soins et en offrant les moyens et les ressources nécessaires pour permettre aux personnes handicapées de prendre une décision éclairée au regard à la situation.
    Cela dit, nous sommes d'avis que l'arrêt Carter et la décision Truchon sont suffisamment clairs et cohérents pour guider le Comité dans sa réflexion concernant les personnes handicapées et l'aide médicale à mourir.
    En terminant, l'absence d'harmonisation du Code criminel et de la Loi concernant les soins de fin de vie ne peut être passée sous silence. Depuis 2015, une multitude de projets de loi et de modifications législatives ont vu le jour et ont fait qu'il a été difficile, voire périlleux, pour les juristes, pour les patients et pour les médecins de s'y retrouver. Nous vous avons transmis un document intitulé « Ligne du temps de l'aide médicale à mourir », qui illustre bien cette situation.
    Depuis 2016, le Barreau du Québec et cinq autres ordres professionnels ont demandé à maintes reprises une harmonisation des lois. Il est primordial, pour assurer la protection du public et pour guider les professionnels qui auront à administrer l'aide médicale à mourir, que les conditions soient claires, précises et, surtout, qu'elles ne soient pas contradictoires.

  (0855)  

     À ce chapitre, l'exercice des compétences constitutionnelles provinciales et fédérales peut se faire de manière concurrente sans que les lois qui en découlent soient considérées comme incompatibles. La réflexion québécoise concernant l'aide médicale à mourir est très avancée et jouit d'un consensus social et transpartisan.
    Nous vous invitons donc à soutenir les provinces dans leurs démarches visant l'élargissement de l'aide médicale à mourir, par exemple celles considérées par le gouvernement du Québec à l'égard des demandes anticipées d'aide médicale à mourir.
    Nous vous remercions de votre écoute, et nous sommes prêtes à répondre à vos questions.

[Traduction]

    Je vous remercie. J'avais mal compris. Vous présentiez une déclaration pour vous deux. Nous allons donc passer à notre témoin suivante.
    Madame Peters, je pense que nous pouvons vous entendre, et si vous pouvez activer votre caméra, ce serait également utile.
    C'est à vous. Vous disposez de cinq minutes.
    Je m'appelle Alex Cosh. Je serai la voix de Gabrielle Peters aujourd'hui.
    Bonjour, je me joins à vous très tôt dans la journée depuis les territoires non cédés des nations Squamish, Musqueam et Tsleil-Waututh.
    Le capacitisme occidental moderne, et en particulier le capacitisme scientifique, constitue un lien historique et permanent entre le colonialisme et l'aide médicale à mourir. Le capacitisme occidental moderne est à la fois la base et le cadre rhétorique et pseudo-scientifique qui mènent à la construction de hiérarchies, à la définition de l'autre et du moindre, ainsi qu'à la délimitation de limites arbitraires entre « les méritants » et « les non-méritants ». Au sein de votre système capacitiste, le deuxième volet de l'aide médicale à mourir élargit le pouvoir coercitif, mais apparemment indépendant, que l'État peut exercer pour offrir à une classe désignée de citoyens une mort prématurée aux mains de l'État.
    Je m'adresse à vous aujourd'hui en tant que cofondatrice de l'organisation Le filibuster du handicap, une initiative populaire nationale lancée par Catherine Frazee et moi-même à la veille de l'adoption du projet de loi C‑7 et de la création du deuxième volet de l'aide médicale à mourir.
    Le filibuster du handicap était en partie une réponse à la marginalisation des personnes handicapées dans la discussion et la prise de décision autour du projet de loi C‑7, et à notre frustration de voir notre colère collective circonscrite et isolée, tout comme nos vies.
    Le filibuster du handicap était le seul espace à avoir été créé pour que les seules personnes ciblées par l'expansion de l'aide médicale à mourir puissent exprimer leurs points de vue. Les médias se sont fermés à nous et ont été dominés par l'interminable travail de relations publiques de ceux qui font pression pour l'expansion de l'aide médicale à mourir.
    Les préoccupations concernant la contagion sociale causée par la couverture de la fin d'une vie ont été mises de côté. La ligne de démarcation entre le traitement éditorial et la couverture médiatique s'est estompée au point de tomber dans le romantisme et de glorifier ceux qui ont fait le choix de ne pas continuer à être un « fardeau pour ceux qui les entourent » et de « terminer les choses comme ils l'entendent ». On pouvait entendre Frank Sinatra chanter en arrière-plan.
    Personne n'a mentionné le soutien public accordé avec enthousiasme à l'euthanasie involontaire de personnes handicapées, à l'époque du meurtre de Tracy Latimer, pour refaçonner le récit et faire de ces mêmes personnes les champions de l'autonomie. La sphère politique a été dominée par la représentation disproportionnée de politiciens enthousiastes à l'idée d'étendre la portée de l'aide médicale à mourir, et tout cela pour être vus sous un jour favorable par leurs partisans bien connectés et bien nantis. Une fondation ayant le même nom et la même lignée que le premier ministre n'a pas joué qu'un rôle mineur pour propulser les appuis sur le devant de la scène.
    Les personnes handicapées forment une importante minorité, mais nous sommes toujours la minorité, une minorité qui est, de manière disproportionnée, pauvre et racisée, et qui n'est pas réputée pour sa grande valeur et son influence sur le plan politique, comme en témoigne notre absence des plateformes politiques et des campagnes électorales. Nous n'avions aucune chance. Aucune place n'a été laissée aux personnes handicapées dans le discours entourant la politique qui affecte précisément et uniquement les personnes handicapées; personne d'autre.
    Même aujourd'hui, la seule place que nous réserve la couverture médiatique est celle des histoires à dimensions humaines sur ceux d'entre nous qui se sont résignés à faire une demande d'aide médicale à mourir après s'être lassés de chercher des mesures de soutien inexistantes, incapables de se résigner à la perspective d'un avenir de pauvreté correspondant à un minimum vital, pauvreté infligée et normalisée comme étant une partie intégrante de notre déshumanisation et de notre oppression. Pour avoir le droit d'être présent, vous devez accepter de mourir.
    Nos politiciens et nos médias sont si détachés et si mal informés de nos vies et de nos discussions, et ils s'y intéressent si peu, que nous nous retrouvons régulièrement qualifiés de fanatiques religieux de droite. Cette caractérisation est si ridiculement incorrecte que j'ai du mal à en exprimer l'absurdité.
    En deux ans, Le filibuster du handicap a tenu environ 80 heures de réunions sur Zoom: des tables rondes, des lectures, des activités artistiques, des conversations informelles et des séances pendant lesquelles nous nous efforcions d'exorciser notre chagrin, notre rage et notre épuisement. De vastes connaissances ont ainsi circulé.
    En vérité, je n'ai pas aujourd'hui l'illusion de pouvoir faire changer les mentalités ou de pouvoir transmettre de l'information à ceux qui ont choisi de manière constante, persistante et délibérée d'en faire le moins possible pour s'informer sur la vie des personnes handicapées, en particulier celles qui vivent dans la pauvreté et bien en marge de la société... de votre société.
    Je suis là pour que soit consigné ceci: élargir la portée de l'aide médicale à mourir pour inclure les personnes handicapées dont le décès n'est pas raisonnablement prévisible, c'est réifier et renforcer la déshumanisation actuelle des personnes handicapées au Canada et donner un nouveau souffle aux objectifs d'un eugénisme jamais démantelé. Tout cela se fonde sur le capacitisme qui est à la base de ce pays et, en tant que tel, représente une menace sérieuse.
    Les conditions matérielles et sociales et l'absence de liberté positive des personnes handicapées au Canada se distinguent fondamentalement de la situation des personnes non handicapées. Le contrat social très différent qui est offert aux personnes handicapées ne nous garantit toujours pas la liberté de vivre dans la communauté, de ne pas être forcés d'aller dans des institutions si nos besoins dépassent ceux de personnes considérées comme adéquatement humaines. Nous n'avons toujours pas le même droit de voyager et nous n'avons toujours pas d'infrastructure qui ferait de nous des participants intentionnels — et non des participants involontaires — de la société.

  (0900)  

    Je ne me berce pas d'illusions en témoignant aujourd'hui. Mon but est de vous rappeler que l'histoire change, qu'un jour nos rôles seront inversés et que c'est vous qui devrez répondre aux questions.
    Merci, madame Peters.
    Nous allons maintenant écouter le témoignage de Mme Krista Carr.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Je m'adresse à vous aujourd'hui en provenance du territoire traditionnel et non cédé des peuples Lkwungen, Songhees et Esquimalt.
    Inclusion Canada est une organisation populaire nationale composée de 13 associations provinciales et territoriales et de 300 associations locales représentant plus de 40 000 personnes ayant une déficience intellectuelle ainsi que leurs familles. Depuis plus de 60 ans, nous militons pour que les enfants et les adultes ayant une déficience intellectuelle soient reconnus comme des êtres humains à part entière, de valeur égale. Notre fédération est à l'avant-garde des efforts visant à mettre fin à l'institutionnalisation, à protéger des vies et à assurer un accès égal aux soins de santé.
    Les Canadiens handicapés ne jouissent pas encore d'une vie assortie de droits et de possibilités équivalentes à celles des personnes non handicapées. C'est la nature même du capacitisme qui est profondément enraciné. Pas une seule organisation nationale de personnes handicapées n'a soutenu l'expansion de la portée de l'aide médicale à mourir, et plus de 200 organisations indépendantes et non affiliées représentant les personnes handicapées se sont activement opposées à cette expansion.
    Une seule voix organisationnelle semble avoir pris le dessus sur toutes nos voix. Cette organisation n'est pas constituée de personnes handicapées et n'a jamais été en première ligne pour réclamer des mesures de soutien, des fonds ou des changements systémiques nécessaires pour améliorer la vie des personnes handicapées. Pourtant, sa voix prédomine alors qu'elle prétend que la dignité des personnes handicapées tient simplement à leur mort. Je ne peux penser à un exemple plus éloquent de paternalisme et de capacitisme, qui, ensemble, sont aussi insidieux et laids que le racisme, et maintenant aussi mortels.
    Nous connaissons le Canada qui a enfermé des dizaines de milliers de personnes ayant une déficience intellectuelle dans des institutions, lesquelles étaient dirigées par des professionnels de la santé qui ont isolé, maltraité, stérilisé de force et enterré anonymement les personnes ayant une déficience intellectuelle. Nous connaissons le Canada qui a refusé aux Canadiens handicapés l'égalité d'accès aux greffes vitales, qui a laissé des enfants atteints de maladies traitables sans traitement et qui les a laissés mourir de maladies évitables, et qui a imposé ou fait imposer à d'autres des ordonnances de non-réanimation sans leur consentement ou celui de leur famille. Nous connaissons le Canada où un parent qui assassine son enfant handicapé est qualifié de « tueur par compassion » et où, pendant la pandémie de COVID, les personnes handicapées étaient menacées par les protocoles de triage.
    C'est dans ce contexte que nous voyons l'aide médicale à mourir. Il est impossible que la vie des personnes handicapées soit protégée par un système reposant sur l'opinion subjective des praticiens de la santé, comme s'ils vivaient, travaillaient et pensaient en dehors de notre culture du capacitisme endémique.
    En tant que Canadiens, nous reconnaissons que les taux de suicide beaucoup plus élevés chez les jeunes et les adultes autochtones sont une conséquence tragique de la dévalorisation historique et sociétale, et qu'il est urgent d'y remédier. Personne ne suggère qu'un si grand nombre d'Autochtones se tuent ou tentent de se tuer en raison de leur appartenance à la population autochtone, mais plutôt en raison de facteurs extérieurs à eux-mêmes qui les poussent au suicide. Au contraire, nous reconnaissons que c'est une tragédie sur les plans personnel, familial, communautaire et national et qu'il faut la prévenir en prenant des mesures pour remédier aux facteurs sociohistoriques et actuels qui font que beaucoup trop d'Autochtones se suicident ou tentent de le faire.
    Dans ce cas, le choix d'un individu de mettre fin à sa vie ne l'emporte pas sur la nécessité de maintenir la protection de ce groupe et d'autres groupes en vertu de la Charte des droits et libertés en interdisant le suicide assisté sur la base de l'appartenance à un groupe autochtone, de la race, du sexe ou de toute autre population particulière. Seules les personnes handicapées, en tant que groupe identifiable, sont maintenant moins protégées par notre Charte.
    Imaginez une file d'attente de personnes qui cherchent à mettre fin à leur vie et qui seraient départagées en deux catégories: celles dont le suicide doit être évité et celles qui souffrent d'un handicap et à qui on propose simplement la mort. Soyons honnêtes: ce n'est pas leur souffrance perçue qui sépare les uns des autres, mais le jugement sur la valeur d'une vie par rapport à une autre, compte tenu de leur handicap.
    Les personnes handicapées luttent pour être perçues comme ayant la même valeur, pour échapper à la pauvreté, pour obtenir du soutien essentiel, pour trouver un lieu de vie abordable et accessible, pour trouver un emploi et pour obtenir les mêmes soins médicaux. Puis, lorsqu'elles sont dépassées par tous ces défis, la solution que nous leur proposons est « la mort ». C'est la manifestation de la cruauté d'une loi que l'on envisage maintenant d'étendre aux personnes atteintes d'une maladie mentale, aux mineurs adultes et à d'autres personnes, y compris les enfants et les adultes handicapés.

  (0905)  

    En conclusion, nous ne soutenons pas l'extension de la portée de l'aide médicale à mourir et demandons au Parlement de rétablir les dispositions qui la limitaient aux personnes en fin de vie, ces dispositions n'établissant pas de discrimination sur la base du handicap en autorisant l'aide médicale à mourir uniquement pour les personnes en fin de vie. Dans ce contexte, le handicap n'est pas un facteur préjudiciable. Il est de plus en plus urgent que nous rendions aux Canadiens handicapés leurs droits inhérents et complets en limitant l'aide médicale à mourir aux Canadiens en fin de vie.
    Merci.

  (0910)  

    Merci beaucoup à chacune d'entre vous.
    Je dois également remercier Mme Peters de s'être levée si tôt. Vous êtes également sur la côte Ouest. Merci beaucoup de votre témoignage.
    Nous allons maintenant passer à notre première série de questions. La parole est à M. Cooper, qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente, et merci aux témoins.
    Je vais adresser mes questions à Mme Peters.
    Madame Peters, vous avez dit que le capacitisme moderne et le capacitisme scientifique sont à la base du deuxième volet de notre régime d'aide médicale à mourir. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce point?
    C'est le racisme scientifique qui a justifié le colonialisme blanc. Le capacitisme scientifique et médical sert de la même manière à soutenir l'aide médicale à mourir pour les personnes handicapées. Par exemple, c'est à cause du capacitisme scientifique qu'il n'y a pas si longtemps, l'homosexualité était considérée comme un handicap. Si cela n'avait pas changé, nous serions probablement en train de discuter de la possibilité de permettre l'aide médicale à mourir pour les personnes homosexuelles.
    Aujourd'hui, plus de 80 % des médecins américains déclarent que les personnes souffrant de handicaps importants ont une moins bonne qualité de vie. Cette fausse supposition contribuerait à la disparité en matière de santé que subissent les personnes handicapées.
    Le capacitisme médical fournit à l'aide médicale à mourir une fausse façade de légitimité et de rigueur selon laquelle nos souffrances ne peuvent pas être atténuées et que nous sommes mieux morts.
    Je vous remercie.
    Pouvez-vous approfondir ce que vous avez dit à propos de l'absence de liberté positive pour les personnes handicapées et des conséquences sur l'autonomie personnelle?
    Les lobbyistes de l'euthanasie, du suicide assisté ou de l'aide médicale à mourir parlent de concepts tels que la liberté, l'autonomie et la dignité. Dans le cas de l'aide médicale à mourir, l'État fournit le financement et l'infrastructure nécessaires à la réalisation de l'acte, ce qui constitue une liberté positive. Ils affirment que les gens ont la liberté de faire ce choix. Imaginez cependant un pays qui organise des élections, mais qui n'installe qu'un seul bureau de vote dans tout le pays et ne l'ouvre qu'une heure par jour. Il se peut qu'aucune loi n'interdise à quiconque de voter, mais il n'y a pas non plus de loi qui permette de le faire.
    Il faut que les conditions soient réunies pour que vivre en tant que personne handicapée soit réellement possible et souhaitable. Un choix entre l'institutionnalisation forcée, la pauvreté et l'aide médicale à mourir n'est pas un choix libre.
    Pourriez-vous nous parler de la façon dont le régime d'aide médicale à mourir est très axé sur les souffrances individuelles, ce qui a des répercussions non seulement sur les personnes qui souffrent, mais aussi sur la société dans son ensemble?
    L'un des aspects les plus difficiles de ce soi-disant « débat » est la façon dont ceux d'entre nous qui s'opposent à l'aide médicale à mourir voient une personne qui a obtenu l'aide médicale à mourir s'opposer à eux dans une sorte de compétition de la souffrance. Les personnes handicapées sont-elles un groupe opprimé? Oui. Dans ce cas, est‑il possible de désigner sans risque un autre groupe qui aurait le droit légal de provoquer leur mort? Les conditions nécessaires à l'exercice du choix existent-elles? Sont-elles même possibles?
    Il faut que vous compreniez que nous sommes loin d'être en mesure, en tant que société, de garantir qu'une politique qui permet la mort par l'État est sûre pour les personnes handicapées.
    Madame Carr, pouvez-vous nous parler de l'expérience vécue par les Canadiens qui vivent avec un handicap depuis l'adoption du projet de loi C‑7, et plus particulièrement de la suppression de ce que je crois être la garantie la plus importante, à savoir que la mort doit être raisonnablement prévisible?
    Nos bureaux ont été inondés d'appels partout au pays. Les gens sont désespérés, et il y a plusieurs raisons à cela.
    Les gens nous demandent toujours de donner des exemples. Nous avons des cas documentés, les récits des gens, avec noms et photo. Les cas ne font que s'accumuler de plus en plus. Ce sont toutes des personnes en situation de handicap qui veulent vivre et qui ont essayé de vivre dans la dignité, dans ce pays, et qui n'en ont pas eu la possibilité. Il n'existe pas de droit aux soutiens et services pour les personnes en situation de handicap. Il n'existe pas de droit à la protection contre la discrimination fondée sur les capacités dans le système de soins de santé. Il n'existe pas de droit aux soins palliatifs, mais nous avons le droit de « mettre fin à leurs souffrances » en provoquant leur mort, alors que ce qu'ils veulent vraiment, c'est de vivre, mais de vivre sur la base de l'égalité avec les autres.
    Nous n'offrons ce droit spécial qu'à un seul groupe protégé par la Charte au pays, à savoir les personnes en situation de handicap. Ce droit n'est accordé à aucun autre groupe. Pour tous les autres, nous voulons faire de la prévention du suicide, nous voulons offrir du soutien, nous voulons essayer de leur donner ce dont ils ont besoin et nous assurer qu'ils savent qu'ils sont précieux pour notre société.
    Il ne faut pas se leurrer et prétendre que nous donnons de l'autonomie aux gens, là. Il ne peut y avoir d'autonomie lorsqu'on n'a pas accès aux soutiens et aux services, qu'on est sans abri, qu'on vit dans la pauvreté, qu'on est mal logé, qu'on est isolé, qu'on est marginalisé et qu'on ne peut même pas satisfaire à ses besoins de base. Ce n'est pas offrir aux gens la possibilité de choix autonomes.

  (0915)  

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Brière, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, madame la coprésidente.

[Français]

     Je salue tous les témoins.
    Je vais poser mes questions à Me Claveau.
    D'abord, je vous remercie de vos commentaires.
    Dans votre déclaration d'ouverture, vous avez parlé de l'importance du droit à l'autodétermination et du droit à l'égalité, et vous avez dit qu'il ne fallait pas conclure, d'entrée de jeu, à l'incapacité des personnes en situation de handicap à consentir à l'aide médicale à mourir.
    Croyez-vous que des mesures supplémentaires devraient être prévues dans la loi, dans ces cas?
    Je vous remercie de votre question.
    Je vais laisser ma collègue, Me Sylvie Champagne, le soin de vous répondre.
    En fait, nous croyons que des balises sont prévues au Code criminel et dans la Loi concernant les soins de fin de vie du Québec, pour s'assurer, comme le disait Mme Carr, que tous les citoyens, y compris les personnes handicapées, peuvent faire un choix, selon un consentement libre et éclairé.
    Selon nous, il n'est pas nécessaire d'ajouter de nouvelles balises.
    Avez-vous rencontré vous-même différents groupes ou organisations de personnes en situation de handicap pour étayer votre point de vue et aller chercher un son de cloche sur le terrain?
    Nous suivons les débats concernant l'aide médicale à mourir depuis le début. Comme le disait Mme la bâtonnière, nous sommes conscients des défis réels sur le terrain, c'est-à-dire des enjeux en matière de soins et des difficultés que peuvent avoir les personnes en situation de handicap en ce qui a trait aux services sociaux.
    Nous croyons, évidemment, que les gouvernements doivent s'assurer d'offrir toute la panoplie de services et de soins aux personnes en situation de handicap. Ce faisant, évidemment, on doit trouver cet équilibre. Selon nous, il faut éviter de faire de la discrimination en ce qui a trait à ce droit qui est offert à tous les citoyens.
    Lorsqu'une personne est déclarée inapte, lorsqu'on homologue un mandat ou qu'on ouvre un régime de protection, qu'il s'agisse de la tutelle, qu'on appelle maintenant la curatelle, on demande un rapport psychosocial et un rapport médical. On s'en remet à l'expertise d'une travailleuse sociale et d'un médecin.
    Dans votre déclaration d'ouverture, maître Claveau, vous avez également parlé de l'importance de bien outiller l'équipe soignante.
    Actuellement, croyez-vous que la formation soit suffisante?
    Estimez-vous que nos médecins sont en mesure de bien évaluer si une demande est faite de façon rationnelle et bien éclairée?
     Le Barreau du Québec collabore avec les cinq ordres professionnels concernés par l'aide médicale à mourir.
    Vous allez recevoir aujourd'hui des représentants du Collège des médecins du Québec et vous pourrez leur poser cette question. Je peux toutefois vous dire qu'au Québec, de la formation est offerte à tous les professionnels qui interviennent dans des dossiers d'aide médicale à mourir. Je ne peux pas dire ce qu'il en est dans les autres provinces du Canada, mais je sais qu'au Québec, il y a de la formation.

  (0920)  

    Lors de témoignages précédents, on a dit qu'on pourrait inclure le consentement d'un parent, d'un proche ou d'un proche aidant.
    Est-ce une chose qui pourrait être envisagée dans le processus de demande d'aide médicale à mourir?

[Traduction]

    Veuillez répondre très brièvement. Il reste environ 30 secondes.

[Français]

    Si la personne est apte à prendre cette décision, nous croyons que c'est elle qui doit donner son consentement. Évidemment, ces discussions ont lieu avec l'équipe soignante, et les proches sont habituellement impliqués dans la démarche.
    Néanmoins, d'un point de vue légal, c'est la personne en cause qui doit donner son consentement.
    Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Thériault pour cinq minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Madame Carr, vous avez beaucoup parlé d'autonomie. L'État pourrait décider d'exclure toute personne en situation de handicap de l'accès à l'aide médicale à mourir. Cela correspond-il à la position des personnes en situation de handicap? Est-ce là la conclusion de votre témoignage?

[Traduction]

    Essentiellement, mon opinion sur le sujet est que lorsque nous commençons...

[Français]

    Je perds beaucoup de temps à cause de l'interprétation. J'espère que la présidence va tenir compte du fait que j'ai besoin de tout mon temps de parole et que les délais d'interprétation ne seront pas comptés.
    Allez-y, madame Carr.

[Traduction]

    Très bien. Merci.
    Concernant l'autonomie, notre position, en tant qu'organisation, et la position de la communauté des personnes handicapées en général, est qu'à l'origine, l'aide médicale à mourir était limitée à la fin de vie. Elle était offerte, de façon uniforme, aux personnes dont la mort est raisonnablement prévisible...

[Français]

    Ce n'est pas ma question, madame Carr. Je vous demande si vous êtes d'accord sur le fait que l'État ne devrait pas permettre l'aide médicale à mourir pour les personnes en situation de handicap.
    Est-ce bien la conclusion de votre témoignage?

[Traduction]

    La conclusion de mon témoignage, c'est que l'aide médicale à mourir ne devrait pas être offerte aux personnes dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible, qui ne sont pas en fin de vie, car c'est ainsi qu'on évite de faire d'un groupe de personnes qui ne sont pas mourantes un cas particulier.
    Je vous remercie.

[Français]

    D'accord, merci.
    Vous parlez d'autonomie. L'autonomie au sens éthique et moral du terme ne se réduit pas à l'autonomie physique, à l'autonomie sociale et à l'autonomie psychique de la personne. L'autonomie au sens moral du terme est liée à la capacité et au respect de la capacité d'une personne à pouvoir porter un jugement critique le plus juste possible sur sa condition humaine.
    Êtes-vous d'accord là-dessus?

[Traduction]

    Je conviens que l'autonomie est plus que... Pour prendre une décision autonome, il faut pouvoir le faire sur une base d'égalité avec les autres.
    Ce que je veux dire, c'est qu'une personne qui vit dans la pauvreté — qui est sans abri ou marginalisée, de manière intersectionnelle, en raison de sa race, de son identité autochtone, de son genre ou d'autres facteurs — ne peut, dans ces conditions, faire des choix en toute égalité par rapport à quelqu'un d'autre. L'intolérable souffrance de cette personne découle des facteurs socioéconomiques et communautaires de sa vie, et ne découle pas vraiment de son handicap. C'est ce que nous constatons constamment.
    Ce n'est pas à moi de...

[Français]

     Merci.
     Qu'est-ce qui a donc motivé Mme Gladu et M. Truchon, qui étaient des personnes en situation de lourd handicap, à demander l'aide médicale à mourir à la fin d'une vie pleine et entière?
    L'ont-ils demandée parce qu'ils étaient victimes de ce que vous décrivez?

  (0925)  

[Traduction]

    Je connais très bien l'histoire de ces deux personnes.
    M. Truchon vivait sa vie dans la communauté, mais il était atteint d’une invalidité progressive. Il s'est retrouvé en établissement en raison de la nature du système québécois de soutien aux personnes handicapées. Il a vécu en établissement pendant cinq ans. Il a tout fait pour en sortir, mais il n'y est pas arrivé. Il a fini par abandonner, se disant que tant qu'à vivre ainsi, il valait mieux mourir. Voilà les facteurs qui ont incité M. Truchon à prendre cette décision.
    Mme Gladu souffrait également d'une maladie évolutive. Elle savait ou avait le sentiment qu'elle serait aussi obligée de quitter son domicile et sa communauté pour vivre en établissement lorsque sa maladie atteindrait un certain stade, ce qu'elle ne voulait pas.
    Ces facteurs..

[Français]

    Excusez-moi, mais Mme Gladu avait pourtant attendu plus d'un an et s'était dite soulagée d'avoir enfin un choix. Vous, vous vouliez lui retirer ce choix.

[Traduction]

    Ce n'est pas un choix qui est donné à tout le monde. Ne voyez-vous pas que ce choix n'est donné qu'à un groupe de personnes ayant un ensemble de conditions très précises?
    Mme Gladu ne voulait pas se retrouver en établissement à quelque moment de sa vie. Voilà pourquoi elle voulait avoir le choix. Si elle avait pu vivre le reste de sa vie chez elle, dans sa communauté, cela aurait été très différent, mais n'oubliez pas que nous sommes seulement... Vous parlez d'un groupe précis de personnes qui est protégé sur la base d'un ensemble de caractéristiques.
    Merci, madame Carr.
    Pour terminer, nous passons à M. MacGregor pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la coprésidente.
    Je remercie tous les témoins de leurs témoignages d'aujourd'hui.
    Lorsque cette motion a été adoptée à la Chambre des communes, notre comité a été chargé d'explorer cinq thèmes différents. Oui, c'est dans le contexte de l'aide médicale à mourir, mais je pense aussi que notre comité a une certaine marge de manœuvre et une certaine liberté pour examiner de nombreux aspects également liés à l'aide médicale à mourir.
    Je sais que plus tôt cette année, nous avons examiné ce thème dans le cadre de notre étude sur la protection des personnes en situation de handicap. Donc, nous avons déjà entendu d'excellents témoignages, mais je pense qu'il est important, alors que le Comité étudie ce thème précis, de comprendre que cette étude se situe dans le contexte du Plan pour l’inclusion des personnes handicapées du gouvernement fédéral. En outre, évidemment, un autre comité de la Chambre examine actuellement le projet de loi C‑22, Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées.
    Madame Carr, permettez-moi de changer un peu de sujet. Avez-vous quelque chose à ajouter? Votre groupe a‑t‑il été consulté ou impliqué pour ces autres mesures, à savoir le Plan pour l’inclusion des personnes handicapées et la Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées?
    Je suis conscient que la sécurité économique n'est qu'une petite partie de l'équation, mais j'ai parlé avec bon nombre de mes électeurs de Cowichan—Malahat—Langford qui ont milité activement pour la création d'une prestation canadienne pour les personnes handicapées d'environ 2 200 $ par mois. Ils pensent que... Eh bien, je pense qu'il est indéniable, lorsqu'on regarde le nombre de personnes handicapées dans chaque province, qu'il y a là une situation de « pauvreté légiférée », comme on dit.
    Concernant la Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées et le Plan pour l’inclusion des personnes handicapées, avez-vous des observations que vous souhaiteriez que le Comité prenne en considération dans la préparation de son rapport et de ses recommandations?
    Il y avait là beaucoup de questions.
    Premièrement, oui, nous avons été consultés. J'ai témoigné au comité HUMA plus tôt cette semaine et nous avons évidemment participé aux consultations sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées et le Plan d'action pour l'inclusion des personnes handicapées. Nous avons participé très activement à toutes ces discussions.
    De toute évidence, ce sont de bonnes mesures à prendre, et nous les appuyons sans réserve. Je pense que tout ce que le Comité peut faire pour appuyer ces mesures est le bienvenu.
    Je dirais simplement qu'une prestation canadienne pour les personnes handicapées contribuera sans aucun doute à la sécurité économique pourvu qu'elle soit à la fois bien conçue et adéquate en tous points. Beaucoup de Canadiens en situation de handicap — 73 % des personnes que je sers qui vivent hors du foyer familial — vivent dans la pauvreté.
    Toutefois, cela ne remplace pas le maintien de la législation sur l'aide médicale à mourir pour les personnes en fin de vie. Je ne peux donc pas comparer les deux et affirmer que si vous allez de l'avant à cet égard, vous rendrez acceptable cette deuxième voie du régime de l'aide médicale à mourir. Cela aura certainement pour effet d'améliorer la vie des personnes handicapées, et nous continuerons à nous battre pour ces choses, mais il n'en demeure pas moins que le manque de soutien, de services et d'options de logement, l'institutionnalisation et tous les autres facteurs avec lesquels les gens doivent composer auront toujours une grande incidence sur la discussion que nous avons aujourd'hui. La seule « garantie » que nous avons, c'est que les gens sont censés être informés de ce qui leur est offert. Je peux vous garantir que lorsque les gens viennent nous voir et posent des questions sur l'aide médicale à mourir, ils savent ce qui est offert, mais ils n'ont jamais pu l'obtenir. Dans d'autres cas, ce n'est pas disponible, ou les gens sont sur une liste d'attente depuis 10 ans, etc.

  (0930)  

    Je comprends cela.
    Je dis simplement qu'étant donné que la Chambre n'est saisie d'aucune mesure législative à cet égard actuellement, je pense que le Comité a une certaine latitude quant à la portée des recommandations de son rapport final pour chacun de ces cinq thèmes.
    Madame Peters, il me reste 45 secondes, et je ne veux pas vous tenir à l'écart.
    Si vous voulez ajouter quelque chose, allez‑y.
    Veuillez m'excuser, j'ai la voix enrouée.
    Premièrement, je pense que beaucoup de faussetés circulent sur ce qui est nécessaire à la prise de décisions autonomes. Dans le cas de la pauvreté, il faut comprendre que la pauvreté est à la fois la cause de notre oppression et la manifestation de la position qu'occupent les personnes handicapées dans la société.
    Personne qui n'est pas handicapé ne serait admissible en vertu de la deuxième voie, donc la question de... Non, cela n'a absolument aucun sens.
    Concernant les problèmes et préoccupations liés à la pauvreté, de nombreuses préoccupations sont soulevées auprès de notre organisme, Le filibuster du handicap, au sujet de la prestation pour les personnes handicapées, notamment sur les contrôles, les critères et la façon dont ces choses seront mises en œuvre. Il y a beaucoup d'inconnues, mais cela ne semble même pas offrir l'espoir de passer au‑dessus du seuil de pauvreté.
    De nouvelles recherches ont montré que le seuil de pauvreté est une notion empreinte de discrimination fondée sur la capacité physique. Un article publié dans une revue évaluée par des pairs a démontré ce que les personnes handicapées affirment depuis toujours: il coûte plus cher de vivre au Canada lorsqu'on est une personne handicapée...
    Merci beaucoup, madame Peters.
    Je passe la parole à mon coprésident pour la prochaine série de questions.

[Français]

     Madame la sénatrice Mégie, vous avez la parole pour trois minutes.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Madame Carr, lors de l'étude du projet de loi C‑7 au Sénat, nous avons entendu des témoins issus de la communauté des personnes en situation de handicap. Ils disaient que beaucoup d'entre vous pensaient qu'ils étaient vulnérables. Selon eux, leur mettre cette étiquette, c'est déjà les stigmatiser. Ils ont le droit, comme tout le monde, de donner leur consentement ou de faire une demande d'aide médicale à mourir.
     Quel est le rôle de l'État pour ce qui est de tracer une ligne entre la protection des personnes handicapées susceptibles d'être vulnérables et la nécessité de respecter les choix individuels de ces personnes? Comment peut-on éviter de les infantiliser? Ils ont utilisé ce terme-là. En les disant vulnérables, on tente de les infantiliser.
    Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Les personnes handicapées ne sont pas vulnérables; elles sont rendues vulnérables. Elles sont placées dans des situations de vulnérabilité en fonction du contexte socioéconomique... et de toutes les choses dont nous avons déjà parlé. Je ne les répéterai donc pas.
    Je pense que votre question est de savoir si certaines personnes handicapées souhaiteraient avoir la possibilité de décider de leur mort ou non. Je n'essaie pas d'infantiliser qui que ce soit. Ce dont il est question, c'est le fait qu'il y a deux voies. Il y a une voie pour les personnes en fin de vie qui subissent d'intolérables souffrances. Ces personnes ont le droit de choisir le moment, etc. Toutefois, il y a cette autre voie qui vise un groupe de personnes en particulier. Au pays, n'importe quelle autre personne appartenant à une autre population marginalisée — les Autochtones, les personnes racisées, etc. — qui dit subir d'intolérables souffrances découlant de facteurs autres que ses caractéristiques personnelles ne se verra pas offrir la mort, mais plutôt du soutien afin qu'elle puisse vivre une bonne vie.
    Voilà ce que je veux dire. Nous nous trouvons à marginaliser, à dévaloriser et à confronter les gens... Essentiellement, nous disons aux personnes handicapées qu'avoir un handicap est un sort pire que la mort.
    La question n'est pas seulement que des gens demandent l'aide médicale à mourir, mais que des personnes handicapées se font maintenant constamment proposer l'AMM comme choix de soins de santé. Elles consultent pour un problème de santé qui n'est pas de nature terminale, et elles vivent dans des conditions difficiles. Nous avons de nombreux témoignages de gens qui se font proposer l'aide médicale à mourir comme solution à leur problème de santé.

  (0935)  

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant au sénateur Kutcher, pour trois minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux témoins.
    Je veux m'assurer que je comprends bien la position du Barreau du Québec, alors j'ai deux questions.
    Voici la première.
    Est‑ce qu'une personne en situation de handicap devrait se faire refuser l'aide médicale à mourir seulement en raison de son handicap, si elle satisfait à tous les critères juridiques et médicaux établis?

[Français]

     La question s'adresse aux représentants du Barreau du Québec.
    C'est exact.
    Les mêmes critères s'appliquent à une personne en situation de handicap, c'est-à-dire qu'il faut qu'elle ait un problème de santé grave et irrémédiable. Par conséquent, une telle personne qui n'aurait aucun problème de santé grave et irrémédiable lié à son handicap ne serait pas admissible à l'aide médicale à mourir. Il faut aussi que ces problèmes graves et irrémédiables lui causent des souffrances persistantes qui lui sont intolérables. L'évaluation médicale demeure la même, comme nous en avons parlé tout à l'heure, pour une personne dans la situation de M. Truchon ou de Mme Gladu, et pour une personne qui n'est pas handicapée. Les critères du Barreau sont donc les mêmes, et l'évaluation, qui est faite par l'équipe soignante, est la même également.
    Pour ce qui est du consentement libre et éclairé, c'est la même chose. Lorsqu'une personne demande l'aide médicale à mourir, il faut qu'on lui offre les soins et les services nécessaires pour voir s'il y a des solutions de rechange et s'assurer de son consentement libre et éclairé.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Ma deuxième question est la suivante. Plus tôt, vous avez parlé de balises législatives, mais il y a également des balises cliniques.
    Pensez-vous qu'un rapport devrait être fait pour examiner les besoins des personnes en situation de handicap — des besoins considérables auxquels nous ne répondons pas bien —, comme l'a fait un groupe d'experts sur la question des troubles mentaux comme seule condition sous-jacente? Un examen de ce genre pourrait‑il contribuer à orienter cette discussion?

[Français]

    Veuillez répondre brièvement à la question.
     Oui, c'est certain.
     Il faut savoir aussi qu'au Québec, il y a la Commission sur les soins de fin de vie, qui reçoit les demandes et les formulaires, qui tient des statistiques et qui s'assure du suivi de l'application des balises.
    Devrait-il y avoir une telle commission qui pourrait suivre, justement, les conditions plus médicales pour être en mesure d'expliquer quels ont été les motifs invoqués pour recevoir l'aide médicale à mourir?
    Le Rapport annuel d'activités, du 1er avril 2020 au 31 mars 2021, de la Commission sur les soins de fin de vie fournit certaines statistiques sur les personnes qui avaient demandé l'aide médicale à mourir. Les chiffres indiquent que 73 % de ces personnes étaient atteintes de cancer et que 83 % d'entre elles avaient un pronostic de survie de six mois ou moins.
    Nous avons donc tout de même certaines informations médicales permettant d'établir le profil des personnes qui reçoivent l'aide médicale à mourir au Québec et pour quelles raisons.

  (0940)  

    Je vous remercie, sénateur Kutcher.
    C'est au tour du sénateur Dalphond.
    Je remercie également nos invités de ce matin.
    Mes questions s'adressent aux représentantes du Barreau du Québec, que je remercie en particulier de participer à nos travaux. Nous sommes toujours enrichis par la participation du Barreau du Québec.
    Je crois que le Barreau du Québec était intervenu dans la cause Truchon et Gladu devant la Cour supérieure du Québec.
    Dans ce cadre-là, que dites-vous à ceux qui jugent que les personnes comme madame Gladu, qui est née avec des problèmes médicaux qui l'ont gravement handicapée toute sa vie, ne peuvent pas faire un choix libre et éclairé, et qu'elles devraient, par conséquent, être juridiquement exclues de l'aide médicale à mourir?
    Selon vous, cela passerait-il le test de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne?
    Non, le Barreau du Québec n'est pas intervenu dans le dossier de Mme Gladu, mais il l'a fait dans le dossier de Mme Leblanc, qui est décédée avant que la Cour ne se prononce.
    Le Barreau du Québec appuie la décision de la Cour supérieure du Québec, qui a invalidé le critère de mort raisonnablement prévisible parce qu'il violait la Charte canadienne des droits et libertés et qu'il n'était pas justifié par l'article 1.
    Nous maintenons cette position, aujourd'hui.
    Vous êtes donc d'avis qu'il serait contraire à la Charte canadienne des droits et libertés d'exclure les personnes handicapées de l'aide médicale à mourir parce qu'elles sont dans une situation de vulnérabilité.
    Oui, tout à fait.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Nous passons à la sénatrice Wallin pour trois minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    [Difficultés techniques]
    Je suis désolée de vous interrompre, sénatrice Wallin. Le son est très mauvais. Il est très difficile d'entendre et de comprendre ce que vous dites.
    Si vous augmentez le volume, le son sera peut-être un peu meilleur.
    Allez‑y.
    [Difficultés techniques]
    Un peu plus fort, s'il vous plaît.
    [Difficultés techniques]
    Ce n'est pas mieux.
    Malheureusement, vous ne pourrez pas poser vos questions, sénatrice Wallin. La qualité du son n'est pas assez bonne.
    Nous passons maintenant à la sénatrice Martin.
    Madame Carr, votre groupe de défense des droits des personnes handicapées s'est rallié à l'opposition au projet de loi C‑7. Vous avez expliqué que vous êtes depuis inondés d'appels et de messages.
    Pensez-vous que les voix de ceux et celles que vous représentez ont été entendues par les personnes qui doivent entendre vos préoccupations?
    Non, elles ne l'ont pas été et ne le sont toujours pas vraiment.
    Avant l'adoption du projet de loi C‑7, toute la communauté des personnes handicapées avait prédit que nous nous retrouverions exactement là où nous sommes actuellement. Outre les appels effectués à notre bureau et à notre fédération au pays, on ne peut pas ouvrir un journal sans tomber quotidiennement sur une ou plusieurs histoires qui sont publiques et qui font les nouvelles. Toute notre communauté se désole de la situation.
     Vous témoignez aujourd'hui au nom des personnes que vous représentez. Il existe d'autres groupes de défense des droits des personnes handicapées, comme celui de Mme Peters.
    Mon temps est limité, mais y a‑t‑il quelque chose que vous souhaiteriez dire au Comité? Nous écoutons, et nous voudrions connaître vos préoccupations ou vos recommandations.

  (0945)  

    Plus de 200 organisations représentant des personnes handicapées ont signé une lettre ouverte. Ce n'est pas une question de droits religieux, mais de droits des personnes handicapées. Vous avez peut-être l'impression de donner à ce groupe de personnes protégé le droit de mourir, mais c'est du droit de vivre sur un pied d'égalité avec les autres dont ces personnes ont réellement besoin. Sans ce droit, le droit de mourir signifiera simplement qu'il y aura beaucoup moins de personnes handicapées au pays, et ce serait une véritable parodie de justice.
    Madame Peters, vous avez indiqué que vous avez tenu 80 conférences Zoom. Quels sont les principaux constats ou peut-être les tendances communes que vous en avez tirés et que nous devrions connaître?
    J'ai remarqué de la crainte, beaucoup de crainte, et énormément...
    Vous devez comprendre qu'aucun d'entre vous ne comprend ce que c'est que de consulter un médecin pour demander de l'aide et de se voir proposer la mort. Cela modifie irrévocablement la relation. Bien des gens évitent les soins médicaux dont ils ont besoin, alors que d'autres voient leurs idées suicidaires revenir alors qu'ils les maîtrisaient après des années et des années de thérapie.
    La question nous taraude. Des gens suggèrent... Les questions qu'on pose dans ce comité sur ce que les gens disent que nous disons n'ont aucun sens à mes yeux. Comment pouvez-vous faire la part des choses? Comment pouvez-vous demander si nous disons que seules les personnes handicapées ne devraient pas être admissibles à l'AMM, alors qu'elles sont les seules à l'être? Ce n'est pas une question...
    C'est vous qui nous avez choisis, pas nous. C'est vous qui nous ciblez.
    Je vous remercie beaucoup, madame Peters.
    Je vous remercie, sénatrice Martin. Je vous rends le fauteuil.
    Je vous remercie.
    Une fois de plus, nous voulons remercier tous les témoins d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Le sujet est très difficile pour nous tous. Nous vous remercions d'avoir témoigné.
    Sur ce, nous suspendrons la séance quelques instants pour nous préparer à accueillir notre deuxième groupe de témoins.

  (0945)  


  (0950)  

     Honorables collègues, nous sommes prêts à reprendre la séance. Nous voulons remercier les témoins qui comparaissent en personne, ainsi que ceux qui participent par vidéoconférence.
    Nous recevons Alicia Duncan et Christie Duncan, qui témoignent à titre personnel par vidéoconférence.

[Français]

     Du Collège des médecins du Québec, nous recevons le Dr André Luyet, directeur général, et le Dr Mauril Gaudreault, président.

[Traduction]

     Nous recevons également Kerri Joffe, avocate-conseil à l'interne pour l'ARCH Disability Centre, qui comparaît également par vidéoconférence.
    Je vous remercie tous de témoigner devant nous.
     Nous commencerons par les allocutions d'ouverture. Chacun d'entre vous disposera de cinq minutes. Si deux d'entre vous se partagent ce temps — la dernière fois, je pensais que deux témoins se partageaient leur temps —, veuillez me l'indiquer.
    Nous commencerons par les exposés d'Alicia et de Christie Duncan.
     Partagerez-vous votre temps ou est‑ce qu'une seule personne parlera?
    Nous partagerons notre temps. Je commencerai, puis ma sœur continuera.
    C'est excellent. Je vous remercie. Vous disposez de cinq minutes.
    Nous entendrons ensuite le Dr Luyet et le Dr Gaudreault, puis Mme Joffe.
     Mais nous entendrons d'abord un témoignage de cinq minutes de la part d'Alicia et de Christine Duncan.
    Vous avez la parole.
    Je vous remercie.
    Bonjour. Je m'appelle Christie Duncan. Je témoigne aujourd'hui aux côtés de ma sœur Alicia pour vous faire part de l'expérience de notre famille en matière d'aide médicale à mourir.
    Même si nous ne sommes pas philosophiquement opposées à l'AMM, nous craignons que le projet de loi soit rédigé de telle manière que de nombreux Canadiens y recourront par désespoir et non pour des questions de dignité, conformément à l'intention initiale.
    Notre mère, Donna Duncan, a choisi de mettre fin à ses jours en recevant l'AMM le 29 octobre 2021, quelques heures après avoir été libérée d'une unité psychiatrique où elle était gardée parce qu'elle avait tenté de se suicider 72 heures auparavant. Aujourd'hui, nous mettrons l'accent sur les faits que nous avons découvert dans ses dossiers médicaux et dans le cadre de l'enquête de police que nous avons réclamée afin de déterminer si les mesures de protection relatives à l'AMM avaient été suivies avant que notre mère reçoive l'injection mortelle.
    En février 2020, à la suite d'un accident de voiture sans gravité, notre mère a reçu un diagnostic de syndrome post-commotion cérébrale par le médecin qui était son généraliste depuis plus de 20 ans. Cependant, en partie en raison de la pandémie, elle n'a pas pu recevoir immédiatement des services de thérapie et de réadaptation physique.
    Comme ses symptômes s'aggravaient, elle a été dirigée vers une clinique traitant les maladies chroniques complexes, où la liste d'attente était de plus d'un an. Pendant ce temps, sa sensibilité tactile, visuelle et olfactive a empiré. Elle affirmait éprouver de la douleur en mangeant, ce qui l'a amenée à refuser de manger la plupart des aliments. Elle a ainsi perdu beaucoup de poids.
    Le 14 octobre 2021, elle a demandé à son généraliste de l'évaluer en vue de recevoir l'AMM, mais il a refusé, jugeant qu'elle n'avait pas suivi ses recommandations médicales et qu'elle ne se dirigeait pas vers la mort. Le 24 octobre 2021, notre mère a eu son évaluation initiale de l'AMM, rencontrant d'abord la Dre Grace Park et, deux jours plus tard, Sean Young, un infirmier praticien qui a approuvé sa demande de mourir 48 heures plus tard, alors qu'il ne l'avait rencontrée qu'une fois.
    Comment l'avis d'une personne qui s'était occupée de ma mère pendant plus de 20 ans a‑t‑il eu moins de poids que celui de deux personnes qui venaient juste de la rencontrer et qui ont simplement coché des cases sur un formulaire d'évaluation de l'AMM?
    Après l'approbation, ma sœur et moi avons pu retarder sa mort en nous adressant aux tribunaux, puisque sa santé mentale entrait en ligne de compte. Par la suite, elle a de nouveau été évaluée par plusieurs psychiatres, qui ont tous indiqué qu'ils considéraient que la décision de recevoir l'AMM était prise à la hâte, mais qu'ils ne pouvaient légalement rien faire pour l'empêcher de recevoir l'AMM si elle était jugée saine d'esprit. Notre mère a été infirmière psychiatrique toute sa carrière, et notre famille pense qu'elle a manipulé les psychiatres parce qu'elle savait quelles réponses fournir.
    À ce jour, nous n'avons toujours pas pu accéder aux documents relatifs à l'AMM de notre mère, malgré le fait que ma sœur était l'exécutrice testamentaire de notre mère. Nous sommes donc incapables de confirmer dans quelle voie notre mère a présenté une demande qui a été approuvée et nous ignorons quelles mesures de protection ont été suivies ou violées.
    Je céderai la parole à Alicia.

  (0955)  

     Je vous remercie.
    Pour être admissible à l'AMM au Canada aujourd'hui, il faut avoir un trouble médical incurable et être aux prises avec une souffrance insupportable. Selon cette définition, la majorité des Canadiens sont admissibles à l'AMM. La loi de base elle-même est problématique.
    En nous fondant sur notre expérience, nous avons formulé les recommandations suivantes pour votre rapport final.
    Premièrement, il faudrait obligatoirement avoir accès à des soins de santé. Si le fait de ne pas accorder l'AMM à des Canadiens brime leurs droits de la personne, le fait de ne pas leur donner accès en temps opportun aux soins de santé dont ils ont tant besoin les brime également. Nous demandons des définitions claires. « Imminent » se définit comme « étant sur le point d'arriver ». La loi doit définir clairement ce terme dans le contexte de l'AMM et préciser quand la mort imminente est prévisible.
    Nous réclamons en outre des mesures de protection clairement définies. Les mesures actuelles sont tout simplement trop ambiguës.
    Deuxièmement, il faudrait augmenter le nombre de témoins indépendants. Il faudrait qu'au moins trois témoins indépendants soient officiellement interrogés dans le cadre de l'évaluation.
    Troisièmement, il faudrait également procéder à une évaluation avant la mort. Les médecins devraient remettre toutes les évaluations à un comité de révision indépendant avant la mort d'un patient.
    Quatrièmement, il faudrait assurer la continuité des soins. Plusieurs évaluations devraient être effectuées par le même professionnel des soins de santé. C'est l'opinion du médecin principal qui devrait avoir le plus de poids dans une évaluation de l'AMM.
    Cinquièmement, il faudrait respecter des périodes d'attente obligatoires, sans exemption pour les patients atteints de maladie mentale ou ayant un handicap non mortel.
    Sixièmement, la divulgation des dossiers devrait être obligatoire. Les hôpitaux et les autorités sanitaires devraient être obligés de remettre des copies non caviardées de leurs dossiers d'évaluation de l'AMM à ceux qui ont le droit de les réclamer.
    Notre mère s'appelait Donna Duncan. Ne l'oubliez pas et aidez-nous à faire en sorte qu'elle ne soit pas morte en vain.
    Je vous remercie.
     Je vous remercie beaucoup de ce témoignage.
    Nous entendrons maintenant...

  (1000)  

    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    Pouvons-nous aviser les témoins ou les personnes dans les tribunes de ne pas prendre de photos pendant la séance? Il se prend des photos et s'effectue des enregistrements. Je pense que les règles interdisent la prise de photos pendant une séance.
    Oui. Je vous remercie de le signaler.
    Docteur Luyet et docteur Gaudreault, partagerez-vous votre temps également?
    D'accord. Je vous remercie. Vous disposez de cinq minutes en tout.

[Français]

[Traduction]

    Avez-vous pris une décision au sujet du point que j'ai soulevé. Je n'ai pas entendu...
    Oui, j'ai convenu que c'est effectivement la règle.
    Je ne vous ai pas entendue avertir les témoins.
    Les gens ont-ils été avertis de ne pas prendre de photos?
    J'ai présumé que tout le monde écoutait. Je suis désolée.
    Je vous avertis qu'aucune photo ne devrait être prise au cours de nos délibérations.
    Je pense que quelqu'un a pris des photos, mais quelqu'un a également fait un enregistrement, madame la présidente.
    Oh, les photos et les enregistrements ne sont certainement pas autorisés. Tout le monde le comprend.
    Avant de poursuivre, pourrions-nous nous assurer que personne ne fait d'enregistrement et ne prend de photos?
    Je ne peux pas voir l'écran au complet. Dites-vous que quelqu'un enregistre en ligne ou que quelqu'un le fait dans la salle?
    Est‑ce que tout le monde comprend la règle? Je vois que vous opinez.
    Je vous remercie de ce rappel.
    Nous entendrons maintenant le Dr Luyet.

[Français]

     Si vous me le permettez, je vais commencer, madame la présidente.
    Madame la présidente et monsieur le président, membres du Comité, bonjour.
    Je suis le Dr Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec, qui regroupe plus de 30 000 médecins et aspirants médecins au Québec, toutes spécialités confondues. Je suis accompagné du directeur général du Collège, le Dr André Luyet. Je suis médecin de famille depuis plus de 40 ans. Le Dr Luyet est médecin psychiatre, lui, depuis plus de 30 ans.
    Je vous remercie de nous accueillir et de nous permettre de nous exprimer sur la question du handicap et de l’aide médicale à mourir.
    Tout d’abord, je vous rappelle que la mission du Collège est de protéger le public en offrant une médecine de qualité. Nous sommes un ordre professionnel qu’il ne faut pas confondre avec les fédérations médicales qui, elles, défendent les intérêts de leurs membres.
    Le Collège s'est fait entendre ici même sur l'aide médicale à mourir, par la voix du Dr Louis Roy, il y a quelques semaines à peine. Ce n’est pas passé inaperçu. Même la ministre fédérale de l'Inclusion des personnes en situation de handicap, Carla Qualtrough, s'est indignée de ce qu'on lui disait être la position du Collège sur les bébés de 0 à 1 an.
    Remettons les pendules à l'heure, s'il vous plaît. L'aide médicale à mourir est un soin. C'est un acte médical qui peut être approprié dans certaines circonstances. Ce n'est pas une question de politique, de morale ou de religion, c'est une question médicale.
    L'aide médicale à mourir est encadrée par le Code criminel, est balisée par des jugements des tribunaux et fait l'objet de discussions éthiques et déontologiques depuis près de deux décennies. Son acceptation est maintenant accomplie. La société a évolué. On constate une individualisation grandissante des soins. Maintenant, on tient compte de chaque individu à part entière, et non seulement de son appartenance à un groupe de référence.
    Sur la question des bébés de 0 à 1 an, maintenant, le Collège croit que, pour eux aussi, l'aide médicale à mourir peut offrir une solution éthique et responsable pour éviter une fin de vie inacceptable et inéluctable dans des circonstances inapaisables.
    En 2021, nous avons rédigé un rapport sur la question de l'aide médicale à mourir. C'est un rapport rigoureux qui a nécessité une année de réflexion de la part d’experts reconnus, dont le Dr Luyet. Nous l'avons présenté au gouvernement du Québec, en décembre 2021. Ce rapport disait que, dans le cas d’un pronostic très sombre et de conditions de vie épouvantables, dans des cas de lourdes malformations ou de syndromes polysymptomatiques graves annihilant toute perspective de soulagement et de survie, l'aide médicale à mourir pouvait faire partie des options à considérer par les parents.
    Jamais le Collège n’a parlé d’euthanasier des bébés, et encore moins d’administrer l'aide médicale à mourir sans le consentement des parents. Le Collège a dit que c'était une voie à explorer et qu'il fallait aussi tenir compte de la souffrance des parents, point.
    Dans la même veine, pour les mineurs matures âgés de 14 à 18 ans, notre réflexion se base sur les considérations suivantes. Tout d'abord, la souffrance ne tient pas compte de l'âge. La souffrance n'a pas d'âge. Ensuite, la loi reconnaît déjà aux mineurs, à partir de 14 ans, le droit de consentir seuls à certains soins, comme l'avortement. Finalement, le consentement des parents ou du tuteur est obligatoire, bien sûr, lorsque les soins représentent un risque sérieux pour la santé du mineur.
    Sur la question des handicaps, le Collège estime qu'ils entraînent eux aussi chez certains patients des souffrances tout aussi intolérables et malheureusement inapaisables que celles causées par certaines maladies graves. Sur le plan médical, la souffrance physique et morale peut être évaluée cliniquement, notamment par l'observation directe, un questionnaire et un examen clinique par le médecin. C'est aussi un fait que la personne éprouvée, lorsqu'elle en est capable, est à même d'exprimer ce qu'elle ressent. Cela s'applique aussi aux clientèles vulnérables, comme les personnes sous curatelle ou inaptes à donner un consentement.
    En terminant, nous profitons de cette tribune pour rappeler l'urgence d'harmoniser les lois québécoise et canadienne au sujet de la notion de handicap. La loi canadienne utilise les termes « maladie », « affection » et « handicap », tandis que la loi québécoise emploie uniquement le mot « maladie ». Cela limite le recours à ce soin pour certains Québécois qui y auraient droit s'ils habitaient n'importe où ailleurs au pays. Pour le Collège des médecins, il ne peut plus y avoir deux lois pour une même souffrance.
    Nous vous remercions de votre écoute et sommes prêts à répondre à vos questions.

  (1005)  

[Traduction]

    Je vous remercie, docteur Gaudreault.
    Nous accordons maintenant la parole à Mme Joffe.
    Bonjour, honorables membres du Comité. Je suis avocate pour l'ARCH Disability Law Centre, un bureau d'aide juridique spécialisé qui offre des services juridiques aux personnes handicapées de l'Ontario. Comme l'ARCH travaille en droit des pauvres, il offre la majorité de ses services juridiques à des personnes handicapées à faible revenu. L'ARCH œuvre également dans le domaine du droit national et international des personnes handicapées.
    Nous nous préoccupons énormément du fait que les personnes handicapées dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible soient admissibles à l'AMM. Certains clients de l'ARCH ont reçu l'AMM, alors que d'autres l'ont demandée ou l'envisagent. Ce n'est pas parce qu'ils veulent mourir, mais parce qu'ils ne peuvent pas avoir accès au logement, aux soins médicaux, aux services pour personnes handicapées ou au soutien dont ils ont besoin, et ils sont trop pauvres pour payer eux-mêmes ces services au privé.
    Je vous donnerai juste un exemple, en modifiant les détails et les renseignements permettant d'identifier la personne concernée. Cette personne a la mi‑trentaine et est atteinte d'une affection neurologique dégénérative. Sa mobilité est fortement réduite et elle a besoin d'aide pour toutes les activités de la vie quotidienne, y compris pour sortir du lit, s'habiller, faire sa toilette, cuisiner, faire le ménage et les courses, etc. Cette personne a des besoins qui exigent beaucoup de soutien, mais elle mène pleinement sa vie dans son propre appartement. Elle travaille à temps partiel et passe du temps avec des amis et des bénévoles. C'est possible parce qu'elle reçoit des fonds de la province pour engager ses propres aides et peut compter sur un membre de la famille pour les autres heures de soutien.
    Ce membre de la famille est toutefois décédé récemment. Notre personne se retrouve ainsi privée de soutien plusieurs heures par jour. Elle s'est vue refuser des suppléments monétaires pour obtenir des services d'aide. On l'a informée que le seul moyen d'obtenir l'important soutien dont elle a besoin est d'aller vivre dans un centre de soins de longue durée. Si cette personne déménageait, elle perdrait sa communauté, une bonne partie de son emploi et son indépendance, et vivrait dans un établissement complètement inapproprié parmi des aînés qui ont le double de son âge.
    Devant ce choix qui n'en est pas vraiment un, cette personne a demandé l'AMM. Elle s'est montrée très claire: elle ne veut pas mourir. Son handicap ne la fait pas souffrir. Elle veut continuer de vivre avec dignité au sein de la communauté, mais ce n'est pas possible parce qu'elle ne peut obtenir le soutien dont elle a besoin.
    Ce genre d'expérience que vivent des clients et les nombreux autres cas qui ont été dévoilés dans les médias suscitent en nous de vives craintes quant à l'effet dangereux de la deuxième voie sur les personnes handicapées à faible revenu. Les mesures de protection que la loi prévoit dans la deuxième voie visent peut-être à protéger les personnes vulnérables et à faire en sorte que les décisions relatives à l'AMM soient libres, éclairées et sans ambiguïté, mais d'après notre expérience, le fait est que les personnes handicapées qui vivent dans une misère socioéconomique généralisée et qui sont à court de solutions pour vivre dignement dans la communauté n'ont pas vraiment de liberté de choix.
    Je n'exprime pas une opinion idéologique contre l'AMM, pas plus que je ne cherche à porter atteinte à l'autonomie ou au droit de prendre des décisions au sujet de sa propre vie. Chacun doit être libre de choisir, particulièrement quand il est question de décisions profondément personnelles en matière de vie et de mort. Ce que je fais valoir aujourd'hui, c'est que selon l'expérience vécue par les clients et les personnes handicapées, notre loi semble offrir la liberté de choisir l'AMM, alors qu'en fait, de nombreuses personnes handicapées n'ont pas la liberté de choisir.
    À l'occasion d'une conférence des Nations unies tenue en juin, M. Gerard Quinn, le représentant spécial des Nations unies sur les droits des personnes handicapées, a déclaré que sur le plan de l'autonomie, il importe de faire la distinction entre les mythes et les faits. Il existe un mythe selon lequel l'AMM nous confère à tous des droits égaux de prendre des décisions à propos de notre mort, mais dans les faits, pour de nombreuses personnes handicapées, ce choix est influencé par une accumulation de désavantages. Nous ne pouvons pas parler de choix libre pris sans contrainte si, par ailleurs, nous n'améliorons pas les soutiens sociaux et économiques, n'élargissons pas l'accès aux soins de santé et aux réseaux de logements et, en bref, ne donnons pas aux personnes handicapées les ressources nécessaires pour vivre la vie qu'elles veulent mener au sein des communautés de leur choix.
    Le droit canadien reconnaît également ce concept. La Cour suprême du Canada a indiqué que l'égalité dépend non seulement des choix qui s'offrent aux personnes, mais aussi des environnements sociaux et économiques où ils s'effectuent. Dans le droit canadien, l'analyse des inégalités reconnaît que certaines personnes peuvent être touchées de manière disproportionnée par les conditions structurelles qui limitent leurs choix.
    L'ARCH exhorte le Comité à indiquer clairement dans son rapport final que certaines personnes handicapées sont poussées à envisager, à demander et à recevoir l'AMM non pas à cause des souffrances découlant de leur handicap, mais en raison d'inégalités sociales et économiques.
    Je vous remercie.

  (1010)  

     Je vous remercie beaucoup.
    Une fois encore, je remercie tous nos témoins alors que nous poursuivons notre étude sur ce sujet important.
    Nous commencerons par M. Cooper pour les cinq premières minutes.
     Merci, madame la coprésidente.
    Ma question s'adresse à Mmes Alicia et Christie Duncan, peu importe laquelle des deux souhaite y répondre. Dans votre témoignage, vous avez dit que vous n'aviez pas pu accéder aux dossiers relatifs à l'aide médicale à mourir de votre mère.
    Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Je peux répondre à la question.
    J'ai fait une demande d'accès à l'information pour obtenir l'évaluation de ma mère, et je vais vous lire la réponse qu'on m'a donnée.
    On a déterminé de manière subjective que je n'agissais pas au nom de ma mère et on m'a dit que lorsqu'un demandeur n'agit pas clairement au nom de la personne décédée, la demande doit être traitée comme une demande ordinaire qu'un individu a soumise pour obtenir l'information d'une autre personne.
    On dit ensuite...
    Je suis désolé de vous interrompre. Qui est « on »?
    Il s'agit de Fraser Health.
    En tant qu'exécutrice testamentaire de ma mère, j'ai légalement le droit d'accéder à son dossier médical. J'ai demandé ses documents relatifs à l'AMM, et ma demande a été refusée. On a décidé de manière subjective que je n'agissais pas dans l'intérêt de ma mère. J'essaie de m'assurer que les mesures de protection ont été suivies et je ne sais même pas si elle a fait une demande au titre du premier ou du deuxième volet, car je ne peux obtenir aucun renseignement à ce sujet.
    On a également refusé de fournir cette information à la police.
     L'accès à cette information a été refusé à la police? Vous...
    Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet et nous dire où en est l'enquête? Cela semble tout simplement incroyable.
    Je vais laisser ma sœur en parler.
    À l'heure actuelle, la police a mis fin à l'enquête policière en attendant d'autres renseignements. Elle nous a dit que les organisations et Fraser Health n'avaient pas coopéré. Elle s'est adressée au commissaire à la protection de la vie privée pour demander d'obtenir cette information. On ne la lui a pas fournie.
    Quelle information précisément?
    L'accès aux évaluations médicales de ma mère et aux communications concernant son évaluation de l'AMM. Les policiers nous ont informées qu'ils auraient besoin d'une ordonnance de communication pour accéder à cette information. Cependant, ils n'ont pas été en mesure d'obtenir suffisamment de renseignements pour pouvoir rédiger une ordonnance. En gros, ils ont dit qu'ils s'étaient heurtés à un mur et qu'ils n'avaient pas pu obtenir ce dont ils avaient besoin pour leur enquête.
    Ils n'avaient pas assez de renseignements pour obtenir une ordonnance de communication parce qu'ils s'étaient heurtés à un mur.
    Essentiellement, ils tournaient en rond.
    Exactement.
    Pouvez-vous nous en dire plus sur ces efforts qui ont été déployés pour faire dérailler l'enquête et sur les personnes qui y ont participé? Cela sent le camouflage.

  (1015)  

    S'il n'y a pas eu de négligence, alors il serait dans leur intérêt de fournir les documents. Jusqu'à présent, ils ne l'ont pas fait, ce qui me fait penser la même chose. Cela sent le camouflage.
     J'ai le rapport de police. Je peux lire exactement ce que...
    Veuillez le lire, s'il vous plaît, aux fins du compte rendu.
    Permettez-moi seulement de le chercher.
    Pendant que ma soeur fait les recherches, j'aimerais ajouter que c'est le service de police d'Abbotsford qui a enquêté sur la mort de ma mère. Les policiers nous ont dit que si nous trouvions d'autres renseignements qui leur permettraient de rouvrir le dossier, ils seraient très heureux de le faire. Cependant, comme nous l'avons mentionné, nous nous sommes heurtés à un mur et puisque les policiers n'ont accès à aucune autre information, ils ne peuvent pas poursuivre l'enquête.
    Allez‑y.
    J'ai ici les observations finales du lundi 29 août 2022, 14 h 39.
     « Après avoir mené une enquête complète sur la question de l'AMM dans l'aide fournie à Duncan à la fin de sa vie, les enquêteurs n'ont pu trouver aucun acte lié à l'AMM qui contrevient au Code criminel du Canada. »
     « Après avoir examiné tous les documents et toutes les procédures concernant les dossiers d'hôpital des médecins de Duncan, Fraser Health et l'AMM qu'a reçue Duncan à la fin de la vie, la police a appris que Duncan était lucide, selon plusieurs avis médicaux, dont celui du médecin de famille de Duncan, et qu'elle était apte à prendre sa propre décision tout au long du processus relatif à l'AMM. »
     « Le détective Poulin n'a pu trouver aucun motif appuyant l'allégation des filles de Duncan selon laquelle on avait contrevenu au Code criminel dans le processus lié à l'AMM et amené Duncan à mettre fin à sa vie contre sa volonté. »
     Cependant, ce qu'ils nous ont dit en personne, c'est qu'ils n'ont pas pu trouver de motifs pour soutenir l'allégation parce qu'on ne leur a pas fourni les documents.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Arseneault, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous nos témoins.
    C'est un sujet très difficile pour les membres du Comité. Je suis donc bien heureux que vous soyez parmi nous, chers témoins, pour nous appuyer dans nos réflexions.
    Je commencerai par les sœurs Duncan. Dans votre cas, c'est une situation extrêmement cruelle et vous vivez beaucoup de frustration.
    D'entrée de jeu, j'ai compris que vous ne vous opposiez pas à l'aide médicale à mourir, mais que votre situation était particulière. Vous nous avez expliqué que votre mère était une personne brillante qui avait travaillé dans le domaine. Par conséquent, son passé professionnel lui permettait de dire exactement ce que devait entendre quelqu'un qui analysait sa demande d'aide médicale à mourir.
    Je ne veux pas être impoli. J'espère que l'interprète va bien résumer ce que je vais dire. Si je comprends bien ce que vous nous avez dit, elle avait le même médecin de famille depuis 20 ans. Ce dernier refusait de lui accorder l'aide médicale à mourir et votre mère a réuss à faire du « magasinage », c'est-à-dire qu'elle est allée chercher cette aide ailleurs. Est-ce exact?
    Vous avez parlé d'un grand nombre de mesures de sécurité ou de sauvegarde et j'ai bien apprécié cela. Cependant, pour quelqu'un comme moi qui vient d'une région rurale, il ne faudrait pas que les mesures de sauvegarde nuisent à quelqu'un qui demande, à bon escient, l'aide médicale à mourir. En effet, des mesures de sauvegarde trop rigoureuses, trop strictes ou trop propres aux régions urbaines pourraient faire en sorte qu'une personne d'une région éloignée ne puisse pas obtenir l'aide médicale à mourir.
    Ai-je raison de dire qu'une des premières mesures de sauvegarde serait que le médecin de famille d'une personne qui demande l'aide médicale à mourir devrait être le premier à être consulté par l'équipe?
    L'une de vous deux peut répondre.

[Traduction]

    Ma sœur et moi pensons que l'un des principaux facteurs dans le décès de ma mère, c'est qu'il n'y a eu aucun suivi des soins. Chaque évaluation a été effectuée par un psychiatre différent. Nous avons constaté qu'à un moment donné, dans son dossier médical, on lui a diagnostiqué un trouble psychosomatique. À ce moment‑là, le partenaire de ma mère a pris le contrôle de ses médicaments. Ma mère a immédiatement demandé une autre évaluation. Elle savait tout ce qu'il fallait dire pour pouvoir continuer.
    Elle était très malade et...

  (1020)  

[Français]

    Excusez-moi de vous interrompre, mais j'ai tellement peu de temps.
    Savez-vous si ce psychiatre a consulté les notes du médecin de famille de votre mère? Êtes-vous au courant de cela, oui ou non?

[Traduction]

    Tu peux répondre, Christie.
    Oui, je crois que le premier psychiatre a appelé le médecin généraliste et qu'ils ont eu une discussion à ce sujet. Ils étaient tous deux préoccupés par la santé mentale de ma mère.
    Il faut également souligner qu'ils ont tous travaillé ensemble de manière professionnelle. Ils connaissaient ma mère d'un point de vue professionnel, tout en ayant une relation patient-médecin. Ils pouvaient donc constater que son état se détériorait. Ils ont tous les deux dit — et c'est consigné dans son dossier médical — qu'ils ne croyaient pas qu'elle devait recevoir l'AMM.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je vais me tourner vers les Drs Gaudreault et Luyet.
    Dans le cas d'une personne en situation de handicap qui demande l'aide médicale à mourir, comment peut-on déterminer clairement sa situation peut-être précaire et le manque de ressources par rapport à sa souffrance morale? Comment peut-on voir clair et s'assurer que la personne est bien consciente lorsqu'elle demande l'aide médicale à mourir?
    Je vais laisser la parole à mon collègue.
    Je vais répondre. Ensuite, le Dr Luyet, qui est psychiatre, pourra poursuivre.
    L'important, dans cette situation, c'est la relation du médecin avec son patient. C'est la même chose pour les sœurs Duncan qui ont parlé tout à l'heure. La relation doit être établie entre un médecin et son patient, particulièrement lorsque ce médecin suit la personne depuis 20 ans. À mon avis, tout est dans la relation entre le patient et le médecin ainsi que dans l'écoute et l'empathie qu'il doit manifester envers son patient ou sa patiente.
    Docteur Luyet, je vous cède la parole.

[Traduction]

     Veuillez être très bref, docteur Luyet.

[Français]

     Reconnaître que la souffrance peut être également très grande dans une situation de trouble de santé mentale nous apparaît être une évidence. C'est quelque chose d'important à reconnaître.
    Cependant, il y a des conditions d'accès à l'aide médicale à mourir. Cela ne doit jamais être un choix par défaut causé par un manque d'accès aux services. Cela ne doit pas, non plus, être vu comme une façon de mettre fin à des souffrances parce que les solutions de rechange les plus porteuses, efficaces et reconnues n'ont pas été offertes.
    Nous avons eu l'occasion de réfléchir à cette question et nous avions posé cinq critères relatifs à l'évaluation d'une demande d'aide médicale à mourir en lien avec la santé mentale. Je sais que le temps est limité, mais je pense qu'il est important de vous les résumer.
    D'abord, c'est une décision qui est prise au terme...

[Traduction]

    Je suis désolée, docteur Luyet...

[Français]

    ... d'une évaluation globale et juste de la situation par le demandeur, et non prise uniquement pendant un épisode de soin.

[Traduction]

    Je m'excuse. Nous avons dépassé d'une minute le temps prévu. Voulez-vous soumettre au Comité les cinq points que vous étiez sur le point d'énoncer?
     Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Thériault, qui dispose de cinq minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je vais adresser mes questions aux représentants du Collège des médecins du Québec. Je vous remercie de comparaître en personne.
    D'entrée de jeu, je voudrais dire que j'ai bien entendu ce que vous avez dit concernant les patients de 0 à 1 an, mais le Comité ne se penche pas sur cette question.
    Vous avez mentionné le problème de l'harmonisation des deux lois, advenant le cas où l'on ne mettrait pas de balises supplémentaires à celles qui existent présentement lorsqu'on parle de maladie, affection, handicap.
    Qu'est-ce qui a causé l'émoi au Québec? Quel était le problème? Dans le cas de M. Truchon et de Mme Gladu, la cour a bien dit que ces personnes avaient porté atteinte à leur droit à la vie. Il s'agissait de personnes lourdement handicapées. Dans le cas où il n'y a pas de lien avec une maladie ou dans le contexte d'un accident d'automobile, par exemple, il y aurait eu un émoi tout à coup. Les gens disaient qu'on ne pouvait pas leur donner accès à l'aide médicale à mourir, que le débat ne s'était pas fait au Québec.
    Quelle est votre position sur le sujet? Pourriez-vous nous éclairer sur ce qui a créé l'enjeu dont il est question et ce qui a fait reculer le ministre de la Santé?

  (1025)  

    Au Québec, on parle encore seulement de maladie, on ne parle pas d'affection ni de handicap. Il y a donc la loi canadienne et la loi québécoise. Les médecins, les membres de l'ordre que j'ai le privilège de présider peuvent se retrouver dans des situations difficiles en ce qui concerne des demandes de patients à cet égard. Au Québec, c'est la loi québécoise qui doit primer et non pas la loi canadienne. C'est la raison pour laquelle je dis qu'il ne peut pas y avoir deux lois pour une même souffrance.
    Souvent, les médecins sont en contact avec des patients qui nécessiteraient l'aide médicale à mourir et dont la demande devrait être acceptée, mais la loi québécoise ne le permet pas.
    Pourquoi disait-on que le débat n'a pas été fait au Québec, alors qu'il y a eu la décision Truchon qui permet à une personne en situation de handicap de recevoir l'aide médicale à mourir?
    Quelle était la difficulté?
    Je pense que le gouvernement du Québec discutera à nouveau de cet enjeu dans le cadre d'un nouveau projet de loi qui mettrait cela en évidence. Le problème réside dans le fait qu'un médecin du Québec ne peut pas, actuellement, administrer l'aide médicale à mourir à une personne en situation de handicap dans la province, mais il pourrait le faire si un patient dans le même état se trouvait dans une autre province. Voilà pourquoi il est nécessaire d'harmoniser les lois. Je pense que le Barreau du Québec vous a dit la même chose ce matin.
    Le Code criminel, à mon avis, a préséance en matière d'acte médical. Qui, au Québec, sanctionnerait un comportement qui respecterait le Code criminel?
    Honnêtement, ce n'est pas encore arrivé. Les médecins et le Collège ont dit que les médecins pouvaient suivre l'une ou l'autre des deux lois, mais nous nous sommes fait rabrouer à la suite de cette déclaration. Nous n'avons pas changé d'avis, et il n'y a pas eu de problèmes à cet égard.
    Les médecins se trouvent toutefois dans des positions difficiles qui génèrent une anxiété qui ne devrait pas être.
     Je comprends bien votre point de vue. Cependant, quel est le problème? J'ai été très surpris d'entendre des parlementaires nous dire que le débat n'avait pas eu lieu.
    On fait souvent référence à l'exemple d'un jeune qui deviendrait quadriplégique à la suite d'un accident d'automobile. On lui refuserait alors le droit à l'aide médicale à mourir.
    D'un point de vue clinique, comment cela se passerait, si vous aviez une demande d'aide médicale à mourir à la suite d'un accident qui aurait eu lieu deux mois auparavant?
    Pensez-vous qu'un jeune quadriplégique après deux mois aurait accès à l'aide médicale à mourir en vertu de la loi canadienne actuellement?
    Comment percevez-vous cela d'un point de vue clinique?

[Traduction]

     Veuillez être très bref. Vous disposez de 30 secondes.

[Français]

    Ce que nous pensons — nous l'avons dit tout à l'heure —, c'est que la demande n'a pas d'âge. Cela dépend de chacun des cas, il faut individualiser chaque demande. L'aide médicale à mourir est un soin. Pour nous, cela s'inscrit dans une logique de soins.
    Il faut considérer l'aide médicale à mourir parmi les soins possibles à administrer.
    Êtes-vous en train de nous dire qu'après deux mois, ce jeune aurait accès à l'aide médicale à mourir?
    La situation clinique fait qu'on aurait épuisé l'ensemble des recours et des soins possibles à donner à ce jeune et qu'on s'assurerait qu'il n'est pas dans un état suicidaire ou dépressif et que, dans le temps, cela suivrait un continuum de temps qui dépasserait de beaucoup les deux mois.
    C'est la réalité clinique...
    Je ne suis pas en train de dire cela. Ce que je suis en train de dire, c'est que c'est un éventail de soins auquel ce patient a droit et que, peut-être dans le décours de son problème, sur un certain nombre d'années, l'aide médicale à mourir pourrait être un de ces soins.

[Traduction]

     Nous passons à M. MacGregor. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la coprésidente.
    Je remercie tous nos témoins de leur présence.
    Je vais d'abord m'adresser à Mme Joffe, de l'ARCH Disability Law Centre.
     J'ai écouté votre déclaration préliminaire et j'ai pris un certain nombre de notes. Puisque, bien sûr, vous êtes dans le domaine du droit, peut-être pourriez-vous nous donner un avis éclairé.
     En ce qui concerne les mesures de sauvegarde lorsque la mort naturelle n'est pas prévisible, le Code criminel stipule que la personne doit « [avoir] été informée des moyens disponibles pour soulager ses souffrances, notamment [...] les services de consultation psychologique, les services de soutien en santé mentale, les services de soutien aux personnes handicapées, les services communautaires [...] », etc. Je sais que cela fait défaut dans de nombreuses régions du pays.
     D'après votre expérience avec vos clients, comment les médecins répondent-ils à ce critère? Doivent-ils désigner des services spécifiques? Je me demande ce que vos clients vous disent sur la façon dont cette partie du Code criminel, cette exigence, est respectée.

  (1030)  

    Je vous remercie de la question.
    Je ne peux pas dire que j'ai eu des conversations approfondies avec mes clients sur toutes les mesures que prennent les médecins pour les informer des services auxquels ils pourraient accéder pour soulager leurs souffrances. Toutefois, d'un point de vue plus général, je peux vous dire que ce qui préoccupe les clients avec lesquels j'ai travaillé, ce n'est pas tant qu'on ne les informe pas de ce qui est offert, mais c'est que, pendant des années, des mois ou de longues périodes, ils ont essayé de se prévaloir des services qui sont, en fait, à leur disposition, et qu'ils se sont heurtés à des obstacles importants qui les ont empêchés d'y accéder ou que le soutien dont ils avaient besoin n'était tout simplement pas offert.
     Cela nous ramène à l'exemple dont j'ai parlé dans ma déclaration préliminaire, celui d'une personne qui a des besoins qui exigent beaucoup de soutien, qui a besoin de services d'aide. L'État, les autorités provinciales lui ont dit qu'on n'allait pas lui fournir un tel niveau de soins dans la communauté, et que si elle voulait accéder à de tels soins, elle devait être placée dans un établissement.
     Bien que je ne puisse pas parler des mesures prises par les médecins, j'imagine qu'ils se retrouvent dans une position très difficile. Ils sont tenus d'informer les gens de ce qui est disponible, mais souvent, ce qui est disponible ne répond pas aux besoins des gens. C'est le cœur du problème dont nous parlons ici lorsque nous nous demandons si les gens sont vraiment capables de prendre une véritable décision.
    Oui, je crois que je comprends ce que vous dites. Cette mesure de sauvegarde n'entre en jeu qu'après qu'une personne a fait une demande d'AMM, et c'est généralement au bout d'un très long parcours au cours duquel elle a fait face à un manque de services. Votre point de vue est très pertinent.
    J'ai une question qui s'adresse aux sœurs Duncan. Alicia, je pense que c'est vous qui avez fait quelques recommandations à la fin: définitions plus claires, accès obligatoire à des soins de santé, mesures de protection claires, etc. Sur ce même point, pour la deuxième voie — c'est‑à‑dire lorsque la mort naturelle n'est pas prévisible —, il est exigé que l'évaluateur s'assure que la personne est au courant de tous ces différents services. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet? C'est le même type de question.
     J'ai quelques observations à faire à ce sujet.
    Essentiellement, notre mère était pleinement consciente qu'elle avait des options. Son état s'était tellement détérioré à ce moment‑là qu'elle avait des idées suicidaires. Parce qu'elle n'a pas pu accéder aux soins dont elle avait besoin en temps voulu — je pense qu'il est important de le préciser —, son état était tel que même si elle savait qu'elle pouvait avoir accès à toutes ces cliniques, cela lui semblait tellement lourd qu'il était plus facile pour elle de mettre fin à ses jours à ce moment‑là.
     Je pense que cela renvoie à ce que Mme Joffe vient de dire: les médecins se retrouvent dans une position difficile. Ils demandent aux patients s'ils savent que des traitements sont disponibles. Ensuite, l'évaluateur de l'AMM coche la case.
     Ils leur demandent s'ils sont au courant de l'existence de ces traitements, et non quelles étapes ils ont suivies, s'ils ont pu accéder à tel service et pourquoi. Il faut chercher à approfondir la question plutôt que de simplement cocher une case. On ne fait pas d'évaluation approfondie.

  (1035)  

    Je vous cède la parole, monsieur le coprésident.
     Merci, madame la coprésidente.

[Français]

     Je cède maintenant la parole à Mme la sénatrice Mégie pour trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse aux représentants du Collège des médecins.
    À part les anecdotes citées dans les médias, est-ce que, parmi vos membres qui prodiguent l'aide médicale à mourir, vous avez entendu une histoire semblable à celle qu'a décrite Mme Joffe tout à l'heure? Elle a parlé d'un jeune handicapé qui veut vivre, mais qui, parce qu'il doit aller dans un établissement de soins de longue durée, demande l'aide médicale à mourir.
    Si un de vos membres vous avait parlé de cela, quel conseil lui auriez-vous donné?
    Je vais vous en donner un, et le Dr Luyet va en donner un aussi.
    Toutes les personnes, dans toutes les conditions, doivent avoir accès à toute la gamme de soins médicaux requis adaptés à leur situation, de la prévention à la réadaptation, y compris l'aide médicale à mourir. Dans sa relation avec son patient, le médecin doit voir à ce que toute la gamme de soins possibles soit discutée.
    De plus, il est important de bien éclairer le consentement. On doit parler au patient des possibilités et des conséquences des différentes options qui s'offrent à lui, de l'aide qui peut lui être offerte dans les circonstances et de l'accessibilité de cette aide. Toutes ces choses doivent être abordées en toute transparence et en toute franchise au coeur de la relation entre le patient et le professionnel qui l'accompagne dans ces soins.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Joffe.
    Quand un médecin évalue un patient pour l'aide médicale à mourir, il le fait selon certains critères. Certaines personnes pourraient-elles mettre en doute l'évaluation du médecin en alléguant qu'il s'est basé sur l'état de stigmatisation dans lequel se trouvent toutes les personnes handicapées? Tout ce que vous dites pourrait créer chez le public une sorte de méfiance envers les professionnels de la santé. Avant l'existence de l'aide médicale à mourir, ces mêmes personnes avaient le même médecin ou la même infirmière.
    Le fait de laisser l'aide médicale à mourir possible pourrait-il créer un sentiment de méfiance du patient à l'égard du professionnel de la santé? Cela pourrait être le cas de ce jeune de 31 ans dont vous avez parlé.

[Traduction]

    Madame Joffe, vous avez peu de temps pour répondre à la question, si vous l'avez bien entendue.
    Je vous remercie de la question. Je l'ai entendue.
    Je pense qu'il ne fait aucun doute que cela peut rendre la relation entre les personnes handicapées et leurs fournisseurs de soins de santé très difficile.
    Dans le cadre de mon travail, les clients ayant un handicap me disent qu'ils se sentent abandonnés par le gouvernement. Ils se demandent pourquoi le gouvernement ne leur fournit pas le soutien dont ils ont besoin pour soulager leur souffrance plutôt que de leur offrir la mort pour mettre fin à leur souffrance. Je dirais donc simplement, comme je l'ai dit auparavant, que je pense que cela place certains professionnels de la santé dans une situation très difficile.
    Nous avons vu des articles d'opinion dans les médias, et je pense que le Comité a entendu des témoignages de médecins au sujet de certaines des situations difficiles dans lesquelles le régime les place.
    La parole est à vous, sénateur Kutcher.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ai deux questions, d'abord pour les représentants du Collège des médecins du Québec, et ensuite pour Mme Joffe.
     Le groupe de témoins précédent a parlé de balises relativement à l'AMM pour les personnes handicapées. Il était question de balises législatives. Concernant le recours à l'AMM lorsqu'un trouble mental est le seul problème de santé sous-jacent, le groupe d'experts sur l'AMM a produit un rapport très complet qui comprend diverses balises.
    Pensez-vous qu'un processus similaire, la production d'un rapport semblable, serait utile pour répondre aux préoccupations très légitimes des personnes handicapées?

  (1040)  

[Français]

     J'en ai fait mention brièvement tout à l'heure, et j'avais commencé à les énoncer. Je pourrai laisser un écrit qui précise cinq critères pour orienter la prise de décision de façon sécuritaire dans ces situations très précises.

[Traduction]

    J'imagine que votre réponse est « oui », alors?

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Madame Joffe, des craintes très légitimes ont été soulevées à l'idée qu'un grand nombre de personnes handicapées soient contraintes de demander l'AMM en raison d'aspects insupportables de leurs conditions de vie. Vous avez parlé de certaines personnes auprès desquelles vous avez travaillé et qui vous ont fait part de cette préoccupation.
    Nous n'avons pas suffisamment de données fiables. L'AMM existe en Europe depuis beaucoup plus longtemps qu'au Canada. Avez-vous des données qui nous permettraient de savoir combien de personnes qui ont reçu l'AMM en Europe avaient un handicap ou auraient reçu l'AMM parce qu'elles n'étaient pas en mesure d'accéder à des ressources? Je comprends que certains de ces pays peuvent avoir de meilleures ressources que le nôtre. Auriez-vous de telles données à nous communiquer?
    Je n'ai pas de données. Je peux vous fournir des renseignements qui se fondent sur mon expérience et ma pratique juridique et celle de l'ARCH, ainsi que sur l'information que nous donnent certains de nos partenaires, des groupes de défense des personnes handicapées, de partout au pays.
    Je voudrais également ajouter deux ou trois points.
     Sénateur Kutcher, vous avez fait référence aux craintes quant aux répercussions qu'ont les dispositions législatives sur les personnes handicapées. Je suis ici aujourd'hui pour vous dire qu'il ne s'agit pas seulement de craintes, mais d'une réalité. Nous avons des clients qui vivent dans la pauvreté, qui vivent avec un handicap, qui envisagent sérieusement de recourir à l'AMM, qui ont fait une demande d'AMM ou qui se sont rendus au bout du processus. Ces gens ont clairement dit que ce n'est pas en raison de souffrances physiques liées à leur handicap, mais que c'est entièrement en raison de souffrances qui découlent de l'impossibilité de combler leurs besoins liés à leur handicap, que ce soit sur le plan social ou économique.
     Je ne peux pas vous fournir de données, mais je peux vous parler de mon expérience.
    Merci, sénateur Kutcher.
    Allez‑y, sénateur Dalphond.
    Mes questions s'adresseront à Mme Joffe, et je vais poursuivre dans la même veine que le sénateur Kutcher.
    Vous avez donné l'exemple d'un trentenaire qui avait malheureusement perdu le soutien familial nécessaire, et pour qui la seule option offerte par le système de santé provincial était de s'installer dans un établissement de soins de longue durée.
    Êtes-vous en train de dire qu'il ne faudrait pas permettre aux cas du volet deux d'avoir accès à l'aide médicale à mourir, que ce serait inacceptable?
    Le système de santé provincial n'offre pas seulement des établissements de soins de longue durée. Êtes-vous en train de dire que la personne devrait être placée dans un établissement de soins de santé et y rester sans avoir la possibilité de demander l'aide médicale à mourir? Nous traitons ici du Code criminel, et non pas des dispositions liées aux services de santé.
    Je ne dis pas qu'une personne devrait accepter d'être placée dans un établissement et d'y vivre toute sa vie dans un cadre qui ne lui convient pas du tout. Je vous dis que c'est exactement le genre de discrimination et de privation de la capacité de vivre sa vie dans la dignité qui pousse les personnes avec lesquelles je travaille à envisager, à demander ou à avoir recours à l'aide médicale à mourir. C'est le...
    Je suis désolé de vous interrompre, mais mon temps est limité.
    Dans ce cas, je présume que vous vous êtes adressée à la régie du logement ou à une autre autorité au nom de votre client pour obtenir un soutien provincial plus important.
    Oui. Mon rôle consiste à défendre les intérêts de mon client autant que possible afin qu'il obtienne le soutien et le financement nécessaires pour ne pas avoir à envisager l'aide médicale à mourir.
    Je comprends.

  (1045)  

    Le problème, c'est que ces démarches se soldent souvent par un échec.
    Vous parlez d'échec, et c'est une raison de refuser l'accès à l'aide médicale à mourir selon vous. Je comprends votre point de vue.
    Ma prochaine question s'adressera aux autres témoins.
    Je m'adresse à la famille Duncan. Votre mère avait un conjoint de fait. Les médias ont rapporté les propos de M. Rick Hansum sur les souffrances insupportables que votre mère a endurées pendant des mois. S'est‑il joint à vous dans ce processus d'allégations criminelles? Pense‑t‑il qu'elle a été victime d'un système défectueux?
    Je suis désolée...? Demandez-vous s'il ne croit pas que le système est défectueux?
    Non. Vous dites que le système a été défaillant dans le cas de votre mère, et j'ai demandé si son conjoint de fait, M. Hansum, était du même avis. Fait‑il partie de vos tentatives d'obtenir des enquêtes judiciaires, des enquêtes policières ou des enquêtes du collège de médecine?
    Non.
    Mme Alicia Duncan: Je...
    Mme Christie Duncan: Il ne nous appuie pas. Il souffrait de l'épuisement des proches aidants. C'était quelque chose. Il prenait soin de ma mère. Ma sœur et moi venions les fins de semaine pour aider notre mère à prendre son bain, mais lui était là 24 heures sur 24, et nous croyons qu'il souffrait de l'épuisement des proches aidants.
    Il nous a dit que même si ce serait difficile...
    Mme Christie Duncan: ... horrible...
    Mme Alicia Duncan: ... horrible que notre mère meure, au moins il pourrait retrouver une vie normale. Il nous a dit cela deux semaines avant sa mort.
    Merci, sénateur Dalphond.
    Nous allons faire un nouvel essai, sénatrice Wallin. J'espère que votre qualité de son s'est améliorée.
    D'accord. [Difficultés techniques]
    Je suis désolé, mais ce n'est pas mieux. Toutes mes excuses.
    Nous allons maintenant passer à la sénatrice Martin.
    Je vais m'adresser aux sœurs Duncan. Tout d'abord, je veux juste dire que je vous admire pour la façon dont vous travaillez toutes les deux si dur pour affronter le système afin d'aller au fond des choses. Ma sœur et moi avons vécu des moments difficiles, et nous avons pensé devoir faire la même chose après la mort de notre père, mais nous n'avions tout simplement pas l'énergie ni les moyens de le faire. J'ai beaucoup d'empathie pour vous.
    Pouvez-vous expliquer l'intervention de la police d'Abbotsford? Est-elle simplement intervenue à votre demande? La police devait avoir une raison ou des motifs de lancer une enquête.
    Oui, merci.
     J'avais contacté la police d'Abbotsford. Ma sœur travaille pour la GRC, et nous avons décidé d'examiner le Code criminel après avoir reçu le dossier médical de ma mère. Rien n'indiquait... On n'y faisait pas état d'une maladie terminale. Les médecins avaient fait des tests approfondis pour écarter toute forme de maladie terminale. De plus, une autopsie a été faite après sa mort pour confirmer qu'elle ne souffrait pas d'une maladie terminale.
    Il y a tellement de contradictions dans le Code criminel, et nous n'avons pas compris comment elle pouvait ne pas répondre aux critères de mort prévisible tout en n'ayant pas à passer par la période d'évaluation de 90 jours. Tout s'est fait très vite. Elle est morte dans la semaine qui a suivi sa demande initiale. Le médecin qui l'a évaluée a décidé subjectivement que sa mort était prévisible.
    Ma mère se laissait essentiellement mourir de faim. Elle était paranoïaque. J'ai des preuves. Elle a dépensé plus de 6 000 $ pour qu'une voyante lui dise si sa nourriture était contaminée par le saturnisme. Elle testait l'énergie de sa nourriture avant de la manger. Elle était très paranoïaque. C'était insensé. Nous sommes allés voir la police avec toutes les informations que nous avions. Les policiers ont également convenu que la situation n'était pas claire, et c'est pourquoi ils ont ouvert l'enquête.
    Ils ont mené une enquête très approfondie. Ils y ont consacré près de huit mois, car ils ne comprenaient pas non plus pourquoi les critères n'avaient pas été appliqués. Il y a tellement de contradictions entre ce qu'on nous a dit et ce qui figure dans la documentation que cela leur a semblé suspect à eux aussi. C'est pourquoi ils ont fait enquête pendant huit mois.

  (1050)  

    Vous avez dit qu'il n'y a pas eu de continuité de soins. Il est donc difficile de savoir ce qui s'est passé.
    Vous avez aussi dit que vous ne savez pas si elle a fait sa demande en vertu du volet un ou du volet deux, parce que tout s'est fait rapidement. Est‑ce exact?
    C'est exact. Elle n'avait pas reçu de diagnostic de maladie terminale, alors nous avons présumé qu'elle avait fait sa demande en vertu du volet deux, mais elle n'a pas eu à passer par la période d'évaluation de 90 jours.
    Nous avons juste besoin d'éclaircissements. Nous avons besoin de la documentation pour confirmer que toutes les mesures de sauvegarde ont été suivies.
    Elle ne risquait pas de perdre sa capacité à consentir. Elle était saine d'esprit, mais cela ne veut pas dire qu'elle n'était pas suicidaire. Être déprimé ne vous fait pas perdre la tête. Cela vous donne envie de mourir, et c'est ce qu'elle a vécu.
    Lorsque nous sommes passées devant les tribunaux et que nous avons obtenu le report de sa demande, elle était tellement bouleversée qu'elle s'est tranché les poignets. C'est à ce moment‑là qu'elle a été jugée suicidaire et elle a passé les deux derniers jours de sa vie dans une unité psychiatrique. Elle a reçu l'aide médicale à mourir dans les quatre heures suivant sa sortie.
    Merci, sénatrice Martin. Je vous cède la parole à nouveau.
    J'aimerais remercier tous les témoins d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.
    Je vous remercie d'avoir pris le temps d'être ici, mais aussi de nous avoir fait part de vos témoignages très importants.
    Sur ce, chers collègues, voilà qui conclut la réunion.
    La séance est levée.
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