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Bonsoir et bienvenue à la réunion du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.
Je souhaite la bienvenue aux membres du Comité, aux témoins et aux personnes qui suivent la réunion sur le Web.
Je m'appelle Marc Garneau et je suis le coprésident de la Chambre des communes de ce comité.
[Français]
Je suis accompagné de l'honorable Yonah Martin, coprésidente représentant le Sénat.
Aujourd'hui, nous continuons notre examen prévu par la loi des dispositions du Code criminel concernant l'aide médicale à mourir et leur application.
[Traduction]
Le Bureau de régie interne exige que les comités respectent les protocoles sanitaires suivants, qui sont en vigueur jusqu'au 23 juin 2022. Le port d'un masque ou d'un couvre-visage est obligatoire pour toute personne présente dans la salle de comité, à l'exception des membres du Comité qui sont à leur place pendant les travaux parlementaires. Toutes les personnes se trouvant dans la salle doivent respecter la meilleure pratique consistant à maintenir une distance physique avec les autres personnes. Je suis sûr que vous connaissez très bien ces protocoles.
Maintenant, voici quelques consignes d'ordre administratif.
[Français]
Je rappelle aux membres du Comité et aux témoins de mettre leur microphone en sourdine en tout temps, à moins que la présidence ne les nomme. Je rappelle également que toutes les observations doivent être adressées à la présidence.
Lorsque vous parlez, exprimez-vous lentement et clairement.
Les services d'interprétation offerts dans le cadre de cette vidéoconférence sont les mêmes que ceux offerts pour une réunion en personne.
Au bas de votre écran, vous pouvez choisir entre le parquet, l'anglais ou le français.
[Traduction]
Enfin, je souhaite la bienvenue aux témoins qui se joignent à nous pour la première partie de la réunion de ce soir, qui porte sur la protection des Canadiens handicapés et sur la santé mentale.
Nous accueillons, à titre personnel, Mme Cheryl Romaire, M. Gary Nichols et Mme Trish Nichols.
Merci de vous joindre à nous. Nous allons commencer par la déclaration préliminaire de Mme Romaire. Ensuite, Mme Nichols prendra la parole au nom des Nichols.
Madame Romaire, vous disposez de cinq minutes. La parole est à vous.
Quand j'ai été frappée par la maladie il y a quatre ans, le déclin de mes capacités physiques est survenu rapidement et brutalement, et malheureusement, ce déclin est en grande partie irréversible. En quelques mois, j'ai perdu la santé et l'indépendance; je suis devenue incapable de monter et de descendre mes propres escaliers sans assistance.
Je suis atteinte d'une arachnoïdite adhésive et de spondylarthrite axiale — deux maladies inflammatoires auto-immunes touchant la colonne vertébrale —, ainsi que de plusieurs affections connexes causant toutes de nombreux symptômes neurologiques, notamment de la douleur insupportable. Mon système immunitaire est affaibli, ce qui augmente le risque de complications si je tombe malade. Les médicaments que je prends pour traiter mon auto-immunité causent des effets secondaires parfois aussi néfastes que les affections qu'ils sont censés soigner. Je prends actuellement 18 médicaments différents.
J'ai fait une première demande d'aide médicale à mourir en juin 2019, mais ma demande a été refusée parce que ma mort naturelle n'était pas raisonnablement prévisible. J'ai présenté une deuxième demande en avril 2022, et cette fois‑ci, elle a été approuvée. Je demeure admissible à l'aide médicale à mourir; je choisis d'attendre le moment où je prendrai la décision très difficile d'y avoir recours.
Je souffre d'une maladie chronique limitant l'espérance de vie qui me cause tellement de douleur que je souhaite parfois mourir, mais je n'ai pas obtenu la grâce de recevoir aussi un diagnostic de maladie terminale. Au cours des quatre dernières années, j'ai essayé par tous les moyens possibles de soulager ma douleur et mes autres symptômes. J'ai subi 41 interventions effractives et douloureuses de la colonne vertébrale, telles que des injections de stéroïdes, des blocs nerveux et des péridurales. J'ai également subi trois opérations chirurgicales de la colonne vertébrale, ainsi que des ablations par radiofréquence; j'ai essayé l'acupuncture, la physiothérapie et la prolothérapie; et j'ai terminé tout le programme offert par la clinique de gestion de la douleur chronique.
À la fin de février 2022, un stimulateur a été implanté dans ma colonne vertébrale, dans l'espoir que ce dispositif soulagerait suffisamment la douleur pour la rendre supportable. Le dispositif fonctionne, mais pas aussi bien que nous l'aurions souhaité. J'ai continué à travailler sur ma santé et à suivre des traitements tout au long du processus de demande d'aide médicale à mourir. L'aide médicale à mourir est mon dernier recours.
Quand j'ai présenté ma deuxième demande d'aide médicale à mourir, il a fallu cinq semaines pour que le service de coordination des soins réussisse à trouver deux évaluateurs de l'aide médicale à mourir prêts à examiner mon dossier étant donné sa complexité et l'absence d'une mort raisonnablement prévisible. S'il m'avait fallu une troisième évaluation, il aurait été impossible de trouver un troisième évaluateur en Alberta à ce moment‑là. La légalité et l'accessibilité ne sont pas synonymes.
Les évaluations auxquelles j'ai été soumise dans le cadre du processus d'aide médicale à mourir étaient extrêmement rigoureuses, et mon prestataire d'aide médicale à mourir et moi sommes en communication constante. À titre d'évaluateur, il a examiné ma vie dans son ensemble, et non seulement mes dossiers médicaux. La mesure de sauvegarde la plus importante pour les personnes handicapées, ce sont les évaluateurs — l'excellence des évaluateurs.
Il est à noter que j'ai reçu un diagnostic de trouble bipolaire de type I il y a 15 ans, quand j'avais 29 ans. Ce trouble est bien maîtrisé depuis des années, mais par précaution, la première fois que j'ai suivi le processus d'aide médicale à mourir, j'ai été soumise à une évaluation psychologique rigoureuse afin d'établir que j'étais apte à donner mon consentement et que mon trouble bipolaire n'était pas un facteur dans ma demande d'aide médicale à mourir.
Je n'ai pas eu à faire une évaluation psychologique la deuxième fois que j'ai demandé l'aide médicale à mourir, mais si une nouvelle évaluation avait été nécessaire, il se trouve que ma deuxième évaluatrice était psychiatre, ce qui aurait simplifié le processus.
Pendant huit mois l'an dernier, ma famille et moi avons participé à l'enregistrement d'un documentaire avec Citytv sur mon cheminement vers l'aide médicale à mourir. Le documentaire rend compte des défis que j'ai eu à relever durant le processus même. J'y parle aussi des répercussions émotionnelles de l'aide médicale à mourir, non seulement sur moi, mais sur toute ma famille. Nous sommes tous transformés à jamais.
En janvier 2021, j'ai demandé des soins palliatifs avant de demander l'aide médicale à mourir une deuxième fois. Ma demande a été refusée parce que je n'ai pas de diagnostic de maladie terminale. Quand ma demande d'aide médicale à mourir a été approuvée, j'ai présenté une nouvelle demande de soins palliatifs, qui a aussi été refusée. Ce jour‑là, en juin 2022, les Services de santé de l'Alberta m'ont dit sans équivoque que les soins palliatifs ne sont pas offerts aux personnes n'ayant pas une maladie terminale.
J'ignore si l'accès à des soins palliatifs aurait soulagé ma souffrance physique. Toutefois, je crois que ma qualité de vie est tout aussi importante que celle d'une personne ayant reçu un diagnostic de maladie terminale. J'aurais accepté tout soutien qu'on m'aurait offert.
Ma famille et moi avons engagé une doula de fin de vie. Notre expérience a été très négative, mais je crois au concept des doulas de fin de vie et j'espère que les bonnes personnes poursuivront ce travail.
Les soins palliatifs pour la gestion de la douleur mentionnés dans les politiques et les foires aux questions des Services de santé de l'Alberta sur l'aide médicale à mourir — qui ont été publiées après la modification de la loi en mars 2021 — ne semblent pas exister. À l'avenir, tous les patients dont la demande d'aide médicale à mourir a été approuvée devraient avoir accès à des soins palliatifs bien définis, peu importe leur diagnostic.
J'espère que l'expérience que j'ai vécue aidera à mettre en lumière les aspects du processus d'aide médicale à mourir qui nécessitent des améliorations, ainsi que ceux qui n'en nécessitent pas. Je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter. Je répondrai volontiers à vos questions.
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Merci beaucoup. Je prends la parole aujourd'hui au nom de notre frère, Alan Nichols, qui a reçu l'aide médicale à mourir. Alan a reçu l'aide médicale à mourir — l'aide au suicide — le 26 juillet 2019, à l'époque où l'aide médicale à mourir était encore réservée aux personnes dont la mort était prévisible. Alan ne répondait pas aux critères d'admissibilité: sa mort n'était pas prévisible. Il vivait des crises de santé mentale récurrentes, mais il s'en remettait toujours.
Le 16 juin 2019, Alan a été placé contre son gré dans une ambulance et transporté à l'Hôpital général de Chilliwack. En vertu de la Loi sur la santé mentale, il a été admis à l'hôpital pour assurer sa sécurité et sa protection après qu'un voisin a appelé la GRC pour lui demander de procéder à une vérification de son état de santé.
Mon mari Gary a pris l'avion d'Edmonton le jour même pour aller voir son frère. Alan a demandé à Gary de le sortir de l'hôpital, mais Gary pensait que c'était l'endroit le plus sécuritaire pour lui et qu'il recevrait l'aide dont il avait besoin. Mon mari Gary vit avec le regret d'avoir décidé de confier le bien-être d'Alan aux soins d'un établissement médical.
Le lendemain, Alan a été transféré au service psychiatrique. Il refusait de recevoir des visiteurs, y compris les membres de sa famille. Cela nous inquiétait, mais nous faisions confiance à son équipe soignante. Notre famille a dû attendre huit jours après son admission au service des urgences avant de recevoir une communication de la part de l'hôpital.
Le médecin d'Alan a dit à Gary qu'elle s'informerait auprès du personnel et elle lui a demandé de la rappeler. Quand Gary a essayé de la rappeler, il a appris qu'elle était partie en vacances pour trois semaines. Pendant les trois semaines suivantes, la travailleuse sociale d'Alan a induit notre famille en erreur; elle nous assurait qu'Alan se portait bien. À ce moment‑là, nous ignorions qu'une tentative de lui administrer l'aide médicale à mourir le 19 juillet avait échoué. L'hôpital n'avait pas suivi le protocole d'aide médicale à mourir: aucun médecin n'était présent, aucun membre de la famille n'avait été informé et l'hôpital n'avait pas reçu de directive quant à l'endroit où envoyer le corps d'Alan.
Le médecin d'Alan a appelé Gary trois jours après la tentative ratée pour lui annoncer qu'Alan recevrait l'aide médicale à mourir à la fin de la semaine. Elle était ravie qu'Alan ait accepté de nous voir une dernière fois et elle nous a recommandé de ne pas soulever d'objection, car il pourrait refuser notre visite. Après 12 heures de route, nous avons été forcés d'attendre au lendemain pour lui rendre visite.
Cinq semaines après l'admission d'Alan au service des urgences pour assurer sa sécurité et sa protection, nous avons enfin été autorisés à le voir. Alan s'exprimait de manière illogique. Son refus de porter son appareil cochléaire rendait la communication difficile.
C'est alors que la peur nous a envahis. Nous avons commencé à supplier le personnel médical d'arrêter la procédure d'aide médicale à mourir. Nous lui avons demandé d'attendre parce que nous n'arrivions pas à joindre notre frère aîné, Wayne. Puis, la rage s'est emparée d'Alan; il s'est mis à crier de manière incontrôlée. J'ai alors demandé à son médecin: « C'est ce que vous appelez “sain d'esprit”? » Alan a été euthanasié quelques minutes plus tard.
Sur le formulaire de demande d'aide médicale à mourir d'Alan, la raison donnée pour la demande est la perte auditive. Comment les médecins peuvent-ils approuver une demande et administrer la mort pour une raison pareille? Alan n'était pas atteint d'une maladie terminale, son audition avait été corrigée, et il avait été admis à l'hôpital contre son gré pour le protéger contre le suicide.
Alan n'avait pas un diagnostic le rendant admissible à l'aide médicale à mourir. D'après sa travailleuse sociale, il mangeait, il marchait et il parlait. S'il ne recevait pas de traitement et s'il ne présentait pas un danger pour lui-même, pourquoi le personnel de l'hôpital ne lui a‑t‑il pas donné son congé? C'est le confier contre son gré aux soins de l'hôpital qui a mis Alan en danger imminent. Malgré plusieurs tentatives de faire ouvrir une enquête sur sa mort, nous n'avons toujours aucune réponse.
Aujourd'hui, vous sentiriez-vous en confiance de demander des soins médicaux pour le rétablissement d'un être cher ayant des pensées suicidaires, tout en sachant qu'une procédure utilisée pour causer la mort n'est pas assortie de mesures de sauvegarde et de surveillance rigoureuses?
Alan avait choisi de vivre seul. Il s'occupait lui-même de ses affaires quotidiennes. Il était propriétaire de son appartement. Il avait des économies. Chaque semaine, un membre de sa famille l'accompagnait à l'épicerie et l'aidait à gérer ses finances. Il ne recevait pas de soutien de la part du système de soins de santé. Sa famille et ses voisins veillaient sur lui. C'est à cause des lacunes de notre système de soins de santé et de la loi qu'Alan a subi une mort prématurée et injustifiée.
Depuis trois ans maintenant que nous vivons ce cauchemar. Nous sommes tellement fâchés et insultés que le personnel ait ignoré nos supplications pour sauver la vie d'Alan. Savez-vous quel effet la mort d'Alan a eu sur notre famille? Comment le gouvernement peut‑il envisager d'élargir les dispositions législatives sur l'aide médicale à mourir en l'absence de justice, de reddition de comptes et de mesures de sauvegarde rigoureuses pour prévenir une mort injustifiée pareille?
À l'heure actuelle, aucune loi ne protège les personnes vulnérables et leurs familles contre l'aide médicale à mourir. La majorité des Canadiens pense que l'aide médicale à mourir est une mesure visant à soulager les souffrances physiques à la fin d'une vie, et non un stratagème pour mettre fin à une vie.
Merci beaucoup pour votre attention.
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Je vous remercie, madame la coprésidente.
Madame Romaire, je vous remercie de vous joindre à nous aujourd'hui pour nous faire part de votre expérience personnelle.
Madame Trish Nichols, monsieur Gary Nichols, je vous remercie tous les deux de vous joindre à nous pour nous raconter, vous aussi, votre histoire très personnelle.
Madame la coprésidente, ma question s'adresse à Mme Nichols. Je le répète, je suis reconnaissant à tous les témoins de nous avoir présenté des témoignages très personnels et touchants.
Madame Nichols, pouvez-vous confirmer à quel moment Alan a reçu l'aide médicale à mourir, et quel était son diagnostic?
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Nous avons déposé de nombreuses plaintes.
Nous avons porté plainte auprès de l'ordre des médecins de la Colombie-Britannique, qui nous a dit qu'il mènerait seulement une enquête si la GRC ouvrait une enquête criminelle. Nous nous sommes adressés à la GRC, qui nous a répondu que ce n'était pas de son ressort.
De plus, nous avons écrit au , au ministre provincial de la Santé et aux députés provinciaux. Le seul qui a essayé de nous aider, c'est le député provincial de Chilliwack, et il a obtenu les mêmes résultats que nous. Ses questions sont restées sans réponse; il a été renvoyé d'un endroit à l'autre; il s'est fait dire par les gens à qui il s'adressait que ce n'était pas de leur ressort ou qu'ils transmettraient le dossier à quelqu'un d'autre.
Après trois ans, nous n'avons toujours reçu ni justification ni réparation. Les démarches s'avèrent lentes et difficiles, et nos émotions sont mises à rude épreuve. C'est très éprouvant.
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Merci beaucoup, madame la coprésidente.
Je tiens à remercier Mmes Nichols et Romaire pour leurs témoignages différents, mais également éloquents.
Il est évident, comme vous l'avez dit, qu'il faut des mesures de sauvegarde claires assorties de normes nationales concrètes imposées à l'échelle du pays; les provinces ne peuvent pas établir leurs propres normes. C'est ce que nous entendons de la part de beaucoup de gens. À l'heure actuelle, il n'y a pas de normes nationales, et ce ne sont pas toutes les provinces qui ont élaboré des normes, comme nous l'a dit Mme Romaire. En Alberta, elle s'est vu refuser l'accès aux soins palliatifs, même si elle y était admissible. Elle n'a pas pu recevoir les soins dont elle avait besoin.
Je suis d'accord avec vous et je vous remercie toutes les deux, car la situation tragique de ne pas avoir accès à l'aide médicale à mourir ou de ne pas vouloir l'aide médicale à mourir... Il faut absolument établir des pratiques et des lignes directrices claires pour l'ensemble du pays, et non à l'échelle provinciale.
J'ai une question pour Mme Nichols et M. Nichols. Avez-vous reçu le moindre renseignement de la part de l'ordre des médecins de la Colombie-Britannique?
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Je suis vraiment désolée que vous ayez à subir tant d'épreuves. Je ne peux qu'imaginer la douleur que vous devez ressentir en ce moment.
Madame Romaire, votre témoignage reflète exactement ce que nous entendons... Je suis ravie que nous recevions des personnes représentant toute la gamme de points de vue. Certaines veulent l'aide médicale à mourir, d'autres s'y opposent.
Je pense que ce que vous nous dites, c'est qu'il faut recommander l'adoption de lignes directrices nationales claires et précises en matière de pratique, pour tout le pays.
Cela nous place dans une situation difficile parce que la pratique relève des provinces et non du gouvernement fédéral. C'est problématique. Les provinces prennent leurs propres décisions, et deux problèmes différents ont été portés à notre attention, un en Alberta et un en Colombie-Britannique.
Je vous remercie. Je ne veux pas vous poser d'autres questions parce que vos témoignages étaient clairs.
Je trouve très important que les évaluations pour l'aide médicale à mourir soient réalisées par des personnes ayant la formation et les compétences voulues. De plus, la personne qui demande l'aide médicale à mourir doit avoir comme défenseur un médecin qui connaît sa vie et ses antécédents, et qui peut la représenter.
Monsieur et madame Nichols, ce n'est pas ce qui semble s'être passé dans votre cas.
Le problème du Comité, c'est que nous allons devoir... Puisque la pratique et les lignes directrices en matière de pratique sont de compétence provinciale, ce sera très difficile pour le gouvernement fédéral d'imposer des normes de pratique nationales. Toutefois, les ordres de médecins et de psychiatres pourraient jouer un rôle dans ce dossier; ils pourraient être chargés d'élaborer des lignes directrices claires pour régir la pratique.
Je suis vraiment désolée d'apprendre que vos souffrances ont été amplifiées, comme si, pour chacun et chacune de vous, le fer avait été enfoncé dans la plaie.
Je vous remercie sincèrement pour vos témoignages francs et clairs.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je remercie M. et Mme Nichols ainsi que Mme Romaire de leurs témoignages. Ceux-ci étaient très touchants et très troublants.
Dans leur allocution d'ouverture, ils nous ont fait part des problèmes qu'ils vivent. Or je trouve difficile de faire un travail adéquat, en quelques minutes, pour comprendre et décortiquer les lacunes liées au système. Grosso modo, mon impression, c'est qu'il s'est passé quelque chose d'anormal.
En 2019, monsieur et madame Nichols, l'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de troubles mentaux ne faisait pas partie de la Loi. Je ne vais pas vous poser davantage de questions.
Madame Romaire, vous avez soulevé un problème qui a aussi été soulevé au Québec.
En matière de soins de fin de vie, le Québec a été l'un des premiers endroits à autoriser l'aide médicale à mourir pour les personnes en phase terminale d'une maladie. La province a même instauré une commission qui assure le suivi des actes qui sont posés en matière d'aide médicale à mourir, soit la Commission sur les soins de fin de vie. Cette dernière doit superviser les interventions et demander à tous les praticiens qui interviennent dans de tels cas de rendre des comptes.
Le phénomène dont vous avez parlé, ce que vous avez vécu, a trait au fait que les personnes qui demandent l'aide médicale à mourir sont exclues des soins palliatifs, quelle que soit la phase de leur maladie. Il pourrait s'agir de personnes qui sont en phase terminale ou en phase préterminale.
C'est ce que vous avez vécu, et c'est ce que vous nous avez dit aujourd'hui.
Vous pourriez être admissible à recevoir l'aide médicale à mourir, mais vous dites que cela vous aiderait énormément si vous pouviez aussi recevoir des soins palliatifs. Certains témoins nous ont dit qu'il existait des soins palliatifs, non seulement pendant la phase terminale, mais aussi avant celle-ci.
Madame Romaire, j'aimerais connaître votre opinion à cet égard. Je veux être certain de bien comprendre ce que vous avez dit. On vous a dit que vous n'aviez pas droit aux soins palliatifs parce que vous aviez fait une demande d'aide médicale à mourir.
Est-ce bien cela?
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Quoi qu'il en soit, si vous aviez eu accès à des soins palliatifs, on aurait pu vous aider pour ce qui est de soulager la douleur et la souffrance. Vous auriez été accompagnée à cet égard.
Ce que je soulignais, c'est que, au Québec, on refuse que les personnes en phase terminale — ce qui n'est pas votre cas — reçoivent des soins palliatifs.
C'est pourquoi, au Québec, une nouvelle loi a été proposée. Si elle avait été adoptée, les maisons de soins palliatifs auraient été obligées d'accepter de fournir des soins aux personnes ayant fait une demande d'aide médicale à mourir.
Le fait de classer dans deux catégories distinctes les personnes qui font une demande d'aide médicale à mourir et celles qui font une demande pour recevoir des soins palliatifs est une pratique répandue, pas seulement dans votre province, mais aussi au Québec.
Les témoins nous disent fréquemment que les soins palliatifs régleraient tout et que les gens ne feraient pas de demande d'aide médicale à mourir s'ils y avaient accès. Cela est peut-être vrai, mais il faudrait aussi offrir un contexte empreint de compassion et d'accueil aux personnes qui attendent la mort.
C'est ce que je voulais soulever. J'ai bien compris votre propos, madame Romaire.
Je vous remercie.
Je vous suis reconnaissant d'avoir partagé votre histoire. Je n'ai pas beaucoup de temps, malheureusement.
J'aimerais maintenant m'adresser à vous, madame Romaire. J'aimerais aussi profiter de cette occasion pour vous remercier de comparaître au Comité et de nous avoir fait part de votre expérience personnelle.
Comme vous l'avez indiqué à mon collègue, on vous a refusé les soins palliatifs, car même si votre demande d'aide médicale à mourir était approuvée, votre maladie n'est pas terminale. Madame Romaire, je me demande simplement, considérant les services auxquels vous auriez eu accès si votre demande de soins palliatifs avait été approuvée, si cela aurait eu une incidence sur votre décision concernant l'aide médicale à mourir. Je veux juste mettre cela en contexte. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
Pouvez-vous nous faire parvenir le rapport de l'hôpital, si cela est possible? Peut-être que vous ne pourrez pas l'obtenir, puisque le cas fait l'objet d'une enquête. J'aimerais aussi recevoir le rapport du Collège des médecins. Je vous en serais très reconnaissante.
Je vais maintenant m'adresser à Mme Romaire.
Madame Romaire, j'ai été très déçue d'apprendre que vous n'avez pas pu recevoir de soins palliatifs. Vous y avez droit. Les soins palliatifs ne sont pas faits uniquement pour les gens qui vont mourir. Ils sont aussi offerts aux gens qui n'ont pas accès à des soins curatifs, des soins pouvant les aider à guérir. L'objectif des soins palliatifs est d'accompagner les malades et de les empêcher de souffrir.
Bien que je ne sache pas comment cela fonctionne en Alberta, je vous conseillerais tout de même d'insister pour recevoir des soins palliatifs. Cela permettrait à votre famille et à vous-même d'obtenir du soutien. C'est cela, les soins palliatifs. Ce n'est pas seulement pour les mourants. C'est le message que je voulais vous transmettre.
Par ailleurs, il sera important que le Comité se penche là-dessus.
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Il a rempli le formulaire.
Vous savez, nous ne savons pas vraiment ce qui s'est passé. Nous essayons toujours d'obtenir des informations auprès de l'hôpital. Nous avons demandé des formulaires précis, que nous avons maintenant reçus. Nous voulions voir le formulaire de demande.
Ce jour‑là, le 26 juillet, lorsque l'aide médicale à mourir a été administrée, nous avons demandé au médecin si nous pouvions voir sa signature, sur quelque document que ce soit, et elle a répondu que nous devrions le demander à Alan, car il est le seul à pouvoir l'autoriser. Eh bien, il se préparait à sa fin de vie. Il ne voulait rien savoir de cela.
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Je vous remercie, monsieur le président.
[Traduction]
Je tiens à remercier les témoins de leur présence aujourd'hui. Je sais qu'il est difficile de raconter ces histoires au monde entier. Nous espérons que... Madame Romaire, je suis plutôt choqué d'apprendre qu'on vous a refusé des soins palliatifs ou l'aide dont vous avez besoin.
Ma question s'adresse à M. et Mme Nichols.
Votre histoire a commencé en 2019. J'ai lu le reportage à votre sujet que CTV a publié sur Internet. Cela fait près de trois ans déjà. Dans le reportage, on indique que vous avez embauché un avocat pour vous aider. Où en sont les choses? Selon le reportage de CTV, votre avocat devait obtenir l'accès aux dossiers médicaux, et je suppose que vous examinerez alors la pertinence d'intenter des poursuites. Avez-vous eu accès aux dossiers médicaux et à tout le reste?
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Je me suis permis de consigner vos questions.
Premier conseil: n'élargissez pas la portée des lois ou des autres projets de loi tant que vous n'aurez pas compris ce qui se passe réellement sur le terrain en Alberta.
Deuxièmement, aucun patient ne devrait être considéré comme admissible à l'aide médicale à mourir ou se voir proposer cette aide pendant qu'il reçoit des soins intensifs. C'est choquant. Ils sont déjà à l'hôpital et déjà vulnérables. Il n'est tout simplement pas approprié de leur offrir cette aide.
Il faut également obliger les praticiens à consulter leur famille, leurs amis et leurs autres proches pendant les processus de demande et d'évaluation de l'aide médicale à mourir. Il s'agit là d'une mesure sensée qui permet à une équipe médicale de faire preuve de diligence raisonnable et d'obtenir tous les renseignements nécessaires sur les personnes qui présentent une demande d'aide médicale à mourir. Cette mesure est extrêmement importante pour les personnes vulnérables comme Alan Nichols, qui ont des déficiences et des troubles mentaux. Nous parlons en ce moment de la mort d'une personne. Cette mort ne peut pas être sur demande.
Il faut créer une commission d'examen fédérale indépendante, un groupe qui pourrait enquêter sur tout soupçon... Nous n'avions personne vers qui nous tourner. Nous avons écrit plus de 40 lettres, au , à l'... Nous avons écrit tant de lettres pour essayer de trouver ou d'obtenir une raison pour laquelle Alan a été autorisé à recevoir l'aide médicale à mourir.
Est-ce parce qu'il avait signé un formulaire et qu'il était atteint d'une perte auditive...? Ce n'est pas une bonne raison, ou pas une assez bonne raison. Combien d'autres familles canadiennes vont devoir vivre ce que nos familles ont dû vivre jusqu'à ce que ces lois sur l'aide médicale à mourir soient concrètes et absolues, jusqu'à ce qu'il n'y ait pas de zone grise et que ces lois ne soient pas ambiguës? Nous devons répondre aux préoccupations des équipes médicales en abordant adéquatement la question des conditions à remplir avant de mettre en œuvre l'aide médicale à mourir.
Enfin, j'aimerais ajouter qu'avant que leurs demandes d'aide médicale à mourir soient approuvées, les personnes qui ont présenté ces demandes devraient avoir épuisé toute l'assistance possible en matière de soins. Alan n'a même pas eu la chance de bénéficier d'une aide à la vie autonome. Il n'en voulait pas, car il n'était pas sûr de ce dont il s'agissait réellement et de la manière dont cela pourrait l'aider, compte tenu de son état dépressif à ce moment-là. J'ai parlé à l'infirmière... En fait, j'ai parlé au médecin ce jour-là. Je lui ai dit, « Vous devez arrêter ça ». Elle a répliqué, « Que voulez-vous que je fasse, Trish? Quelle mesure voudriez-vous que je prenne? » J'ai répondu: « Écoutez, vous avez hospitalisé Alan pendant 38 jours, et vous avez tenu notre famille à l'écart. Accordez 38 jours à notre famille, et je peux vous garantir que vous obtiendrez un résultat différent. Alan a déjà été déprimé. Il a déjà vécu cela auparavant, et il s'est toujours rétabli, alors vous faites erreur en ce moment ».
Pour mettre quelqu'un... pour avoir littéralement... Je veux que vous imaginiez que c'est votre frère qui souffre d'une dépression, et que vous suppliez les médecins de ne pas lui ôter la vie.
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Au nom du Comité, je tiens à remercier les témoins qui se sont joints à nous ce soir: Mme Nichols, M. Nichols et Mme Romaire.
Les témoignages que vous avez apportés ce soir ne peuvent être décrits que comme étant, d'une part, percutants et, d'autre part, extrêmement révélateurs. Je pense qu'il a été très instructif pour le Comité de vous entendre.
Nous sommes très heureux que vous ayez pris le temps de nous raconter vos histoires. Cela n'a pas été facile pour vous, mais nous vous sommes très reconnaissants d'avoir comparu ce soir, d'avoir répondu à nos questions et de nous avoir fait prendre conscience de certains aspects que nous devons vraiment connaître, en tant que membres du Comité.
Bien entendu, l'étude du Comité n'est qu'à mi-chemin. Nous allons poursuivre nos travaux, mais nous le ferons maintenant avec la connaissance des témoignages que vous avez apportés ce soir. Merci beaucoup.
Chers membres du Comité, nous allons suspendre la séance très brièvement afin de passer à la prochaine période qui se déroulera à huis clos.
[La séance se poursuit à huis clos.]