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D'accord. Nous allons vérifier auprès des interprètes.
Tout fonctionne maintenant, monsieur Motz, et je vous remercie de m'avoir prévenu.
Bienvenue à la 19e réunion du Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise, qui a été créé conformément à l'ordre de la Chambre des communes du 2 mars 2022 et à l'ordre du Sénat du 3 mars 2022.
La réunion d'aujourd'hui se déroule selon une formule hybride, conformément à l'ordre du Sénat et de la Chambre des communes.
En cas de problème technique, veuillez m'en avertir pour que nous puissions au besoin suspendre la séance quelques minutes afin que tous les membres puissent pleinement participer à la réunion.
Les témoins doivent également savoir que l'interprétation est accessible au moyen de l'icône représentant un globe au bas de leur écran.
La cogreffière me signale que tous les tests de son requis ont été effectués avec succès auprès des témoins qui participent en ligne.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins de ce soir: M. Drew Dilkens, maire de la ville de Windsor, et, par vidéoconférence, M. Jim Willett, maire du village de Coutts.
Avant de débuter, j'aimerais demander ce qui suit aux membres du Comité. Comme vous le savez, notre motion de régie interne prévoit que chacun des témoins dispose de cinq minutes pour son allocution d'ouverture. Or, M. Dilkens a demandé 10 minutes pour la sienne. En ce qui me concerne, je suis d'accord pour les lui accorder, à moins qu'un des membres du Comité ait une objection, auquel cas nous nous conformerons aux dispositions de la motion de routine.
Ai-je le consentement unanime du Comité pour accorder 10 minutes à M. Dilkens pour sa présentation?
Des députés: D'accord.
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Merci, beaucoup, monsieur le président. Je vais essayer de dire ce que j'ai à dire dans le temps alloué.
Monsieur le président, distingués membres du Sénat et de la Chambre des communes, merci de me permettre de prendre la parole aujourd'hui.
Le 7 novembre dernier, j'ai témoigné devant le commissaire Rouleau et la Commision sur l'état d'urgence.
Le barrage illégal du pont Ambassadeur dans la ville de Windsor qui a commencé le 7 février 2022 a perturbé les échanges commerciaux et posé un risque majeur pour l'économie nationale.
Le barrage a également eu des répercussions désastreuses pour la ville, les résidents, les écoles et les entreprises jusqu'à ce que la crise soit dénouée de façon pacifique et que le pont soit rouvert le 14 février, un peu après minuit.
Je voudrais exprimer ma profonde gratitude à tous les membres du Service de police de Windsor, de la Police provinciale de l'Ontario, la PPO, de la Gendarmerie royale canadienne, la GRC, et des autres organismes policiers partenaires pour leur efficacité et leur travail exemplaire. Grâce à eux, l'occupation illégale a pris fin rapidement et de manière sécuritaire, et la sécurité a été maintenue sur le chemin Huron Church, où transitent chaque jour 400 millions de dollars de biens.
Comme je l'ai dit devant la Commission au début du mois, à titre de maire de Windsor, j'ai toujours senti que j'avais l'oreille des représentants des gouvernements fédéral et provincial aux plus hauts échelons, et notamment du , du , de la solliciteure générale de l'Ontario, du premier ministre Ford et du . Mon personnel était en communication et coordonnait les interventions avec le personnel politique des cabinets des ministres fédéraux et provinciaux, ainsi qu'avec les autorités responsables de la sécurité.
Parallèlement, le Service de police de Windsor, la PPO et la GRC ont mis en place une chaîne de commandement efficace et réussi à mobiliser les ressources requises pour mettre fin à l'occupation de manière sûre et efficiente.
Le système a fait son travail face à ce barrage qui posait une menace sans précédent pour le bien-être économique de tout le pays.
L'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence était une réponse sans précédent et, bien que je n'aie pas été consulté, j'étais tout à fait d'accord parce qu'elle donnait le message clair que les autorités canadiennes ne toléreraient aucune tentative de bloquer le pont Ambassador après le 14 février.
C'était aussi une façon pour le Canada d'assurer à ses partenaires commerciaux américains que nos chaînes d'approvisionnement resteraient accessibles et que nous allions prendre les mesures requises pour empêcher une nouvelle entrave à la circulation sur le pont.
La Ville de Windsor estime que les coûts imprévus avoisinent 5,7 millions de dollars, y compris les coûts supplémentaires des services policiers qu'il a fallu déployer pour démanteler le barrage illégal et maintenir la sécurité du chemin Huron Church au bénéfice de l'ensemble de la province et, à vrai dire, de tout le pays. Il n'est pas raisonnable de demander aux contribuables d'une municipalité de payer la facture d'une crise qui a eu des répercussions provinciales et nationales. Depuis mars, la Ville demande une aide financière aux gouvernements de l'Ontario et du Canada, mais nous attendons toujours la réponse.
Devant le juge Rouleau et la Commission sur l'état d'urgence, j'ai indiqué que le barrage du pont Ambassador représentait un phénomène nouveau. J'ai ajouté que la Ville de Windsor est responsable des infrastructures locales et que le Service de police de Windsor peut fournir des services d'application de la loi adéquats et efficaces à notre communauté, mais qu'il est devenu évident que nous aurons besoin de la collaboration et d'appuis accrus des gouvernements provincial et fédéral pour renforcer la sécurité de nos frontières.
J'exhorte les députés et les sénateurs à appuyer la proposition de Windsor de réunir les trois ordres de gouvernement afin qu'ils étudient et élaborent de concert une stratégie viable à long terme qui assurera la protection de nos infrastructures frontalières essentielles et leur collaboration efficace pour prévenir et gérer les perturbations qui paralysent notre économie nationale.
Les municipalités frontalières comme Windsor doivent participer au processus de planification. C'est essentiel pour établir un cadre qui garantira le soutien efficace des autorités locales pour l'intervention d'urgence de première ligne, ainsi que pour établir une stratégie qui donnera la priorité aux préoccupations locales et communautaires, et qui garantira que les municipalités ont accès aux ressources et aux outils nécessaires pour renforcer la résilience communautaire et intervenir en cas de danger pour les infrastructures essentielles à la frontière.
C'est particulièrement important lorsqu'on trouve sur le territoire d'une municipalité une infrastructure qui est sous réglementation fédérale.
Merci de votre attention. Je serai heureux de répondre aux questions et d'aider le Comité à remplir son mandat.
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Merci, monsieur le président.
Bonsoir à tous. Je suis honoré de comparaître devant le Comité.
Je n'ai pas de déclaration politique à vous faire. Je vais rapidement passer en revue ce qui s'est passé durant les 18 jours qu'ont duré les manifestations et le barrage à Coutts.
Je m'appelle Jim Willett. Je suis le maire de Coutts, et j'y réside depuis 2013. J'ai été membre du conseil du village pendant cinq ans, et j'en suis le maire depuis quatre ans.
Le village de Coutts, comme vous le savez, est situé à la frontière, au sud de l'Alberta. Les seuls services offerts dans notre village sont un dépanneur, un restaurant et une banque. Les services de police y sont assurés par la GRC provinciale, et plus précisément par un détachement de quatre agents de la ville de Milk River.
L'après-midi du 26 janvier, j'ai vu passer un message sur les médias sociaux qui annonçait une « opération escargot » en Alberta. Le 27 janvier, soit deux jours environ avant le barrage du poste frontalier, j'ai vu un autre message sur les médias sociaux dans lequel il était question d'une tentative de bloquer la frontière dans le cadre des manifestations.
Le 27 janvier, j'ai écrit à la solliciteure générale alors en poste, Mme Sonya Savage, pour l'informer qu'une manifestation se préparait. Le lendemain matin, un porte-parole du bureau de la solliciteure générale m'a appelé pour m'indiquer que la GRC était au courant de la situation et que je n'avais pas à m'inquiéter.
Le 29 janvier, le convoi a défilé jusqu'au poste frontalier de Coutts. J'ai regardé la GRC escorter les camions jusqu'à l'endroit où le barrage a été érigé, à l'intersection de l'autoroute 500, qui se trouve à 1,3 kilomètre au nord du poste frontalier. Le convoi a alors fait demi-tour et a emprunté l'autoroute 4 vers le nord mais, 45 minutes après, les véhicules ont traversé le terre-plein central et le fossé, puis ils ont bloqué la route.
Ma préoccupation et ma responsabilité premières étaient, de toute évidence, de dégager l'accès pour les véhicules d'urgence entrants et sortants afin de maintenir les services d'incendie et d'ambulance pour les résidents de Coutts et des environs. Je précise que notre corps de pompiers volontaires dessert toutes les zones périphériques.
Après les deux ou trois premiers jours, une voie de circulation est restée ouverte pendant cinq jours environ pour laisser passer quelques camions à la fois en direction nord ou sud, selon le moment de la journée. Des camionneurs qui étaient restés bloqués ont été autorisés à partir.
Le 3 février, je me suis rendu au Smuggler's Saloon et j'y ai rencontré des manifestants. Ce bar n'était pas en activité. Je n'y suis pas allé pour prendre une bière. J'ajoute que le Smuggler's Saloon est un lieu désaffecté et que les manifestants de Coutts en ont fait de facto leur quartier général. Le groupe de manifestants m'est apparu assez désorganisé et sans direction claire. Le porte-parole m'a avoué que les manifestants n'avaient pas vraiment de plan et qu'il n'y avait pas de structure claire de leadership à ce moment.
Le 3 février 2022, assez tôt le matin, le pasteur Artur Pawlowski est arrivé de Calgary et a prononcé un sermon qui a renforcé la détermination des manifestants de Coutts. Après le sermon de M. Pawlowski, la voie était ouverte pendant quelques heures. Les tracteurs sont ensuite arrivés et ont bloqué la circulation de nouveau.
Le 4 février, je suis retourné au Smuggler's Saloon. J'y ai rencontré un avocat qui conseillait les manifestants. Ils étaient certains que leurs activités étaient légales puisqu'ils laissaient une voie ouverte. L'avocat leur a expliqué qu'ils n'étaient pas des manifestants légitimes.
J'ai rencontré les manifestants une troisième fois le 5 février au Smuggler's Saloon. J'étais accompagné de Glen Motz, député, et de Lorne Buis, le maire du village de Foremost, en Alberta.
Le 8, j'ai appris que j'avais contracté la COVID et j'ai dû cesser les rencontres en personne.
Les manifestants m'ont dit qu'après la descente de la GRC le 14 février et la saisie d'une cache d'armes dans une maison privée, ils se sont réunis au Smuggler's Saloon et ont décidé de lever le barrage. Une rumeur circulait sur leurs médias sociaux concernant l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence. Ils discutaient du risque des perdre des clients, le droit de voyager et d'autres choses du genre.
Je communiquais régulièrement par téléphone et par texto avec Rajan Sawhney, la ministre des Transports en poste à ce moment. La ministre voulait venir à Coutts, mais elle m'a dit qu'elle n'avait pas le feu vert du patron.
Le 14 février, j'ai reçu un appel du premier ministre Kenney. Nous avons discuté en termes généraux de la réponse à la pandémie, de la levée des exemptions de vaccination pour les camionneurs et du fait que c'est ce qui semble avoir été le déclencheur des manifestations.
La population de mon village est formée en majorité de personnes âgées. Pour beaucoup de résidents, il était intimidant de traverser la zone des manifestations pour se rendre à Milk River pour avoir accès aux services essentiels. Il arrivait même qu'ils doivent rouler hors de la route et dans les fossés pour contourner les manifestants. Plusieurs résidents âgés avaient très peur quand ils traversaient la zone des manifestations, et certains préféraient rester à la maison.
Une résidente, une ancienne combattante qui souffre d'un trouble de stress post-traumatique depuis son retour d'Afghanistan, a dû quitter le village pendant les manifestations parce qu'elles déclenchaient ses symptômes.
Durant les premiers jours, l'autobus scolaire local ne passait pas parce que le chauffeur refusait de circuler. Il arrivait aussi que des véhicules de services de messagerie soient incapables de traverser la zone des manifestations. Au moins une entreprise locale — qui transporte du bétail — a dû interrompre ses activités tant que le barrage a été en place.
Le barrage a énormément perturbé la vie quotidienne à Coutts. Le village est plus polarisé depuis les manifestations.
J'ai personnellement reçu une menace de mort pendant la période des activités de manifestation, et j'ai aussi reçu quelques menaces par téléphone. Un jour, un camion était garé devant ma maison et une personne à bord prenait des photos. J'ai fait un signalement à la GRC.
Si vous m'accordez 30 secondes de plus, j'aimerais souligner que je préside une initiative de développement économique régionale. Les perturbations de la circulation transfrontalière nous ont fait perdre des millions de dollars.
Je vous ai présenté en rafale ce dont j'ai été témoin durant les 18 jours de manifestation.
Merci de m'avoir donné la possibilité de prendre la parole.
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Merci, monsieur le président.
Bonsoir, et merci aux deux maires d'être ici aujourd'hui et de prendre part à cette importante étude.
Je vais commencer avec vous, monsieur Dilkens. Tout d'abord, je vais faire dire quelque chose qui semble très évident, mais qui doit être répété.
À titre d'élus, vous et moi représentons les gens qui nous ont soutenus et qui ont voté pour vous, mais tous les autres également.
Vous, à titre d'élite municipal, représentez tous les citoyens de votre ville, aussi bien ceux qui ont respecté les mesures sanitaires que ceux qui ont manifesté contre ces mesures. Même si vous n'étiez pas d'accord personnellement avec les prises de position de ceux qui ont protesté, vous avez néanmoins respecté leurs opinions minoritaires.
Vous n'avez pas démonisé ces personnes. Vous ne les avez pas stigmatisées. Vous ne les avez pas invectivées. Vous ne les avez pas traitées de racistes ou de misogynes, ou proféré le genre de propos que des élus ne devraient jamais proférer à des personnes avec qui ils ne sont pas d'accord, au contraire de notre . Notre premier ministre a tenu des propos extrêmement clivants. Vous avez fait très attention de ne pas recourir à ce genre de discours et à ne pas jeter de l'huile sur le feu.
Êtes-vous d'accord avec cette déclaration?
Je voudrais utiliser le reste de mon temps pour vous féliciter du leadership dont vous avez fait preuve. À mes yeux, vous avez été un modèle d'excellence quant à la manière de coordonner efficacement l'ensemble des partenaires qui ont contribué à une sortie de crise réussie.
Vous avez su immédiatement qu'une manifestation se préparait. Vous étiez au courant de l'opération escargot qui s'est déroulée dans votre ville pendant quelques jours. Comme vous l'avez dit, vous aviez remarqué ce qui circulait sur les médias sociaux. Vous aviez compris que la tension montait. Dès que le barrage s'est installé, vous avez, comme tout bon leader efficace, contacté la cheffe de police, ou vice versa, et vous avez établi un plan coordonné.
Vous lui avez demandé directement de quoi elle avait besoin. Elle vous a répondu sans hésiter qu'elle avait besoin d'effectifs. Quand vous lui avez demandé de combien de personnes elle avait besoin, elle a répondu une centaine.
Sans tarder, vous avez entamé un dialogue politique avec tous vos contacts. Vous avez probablement parlé à des gens au gouvernement provincial et au gouvernement fédéral. Vous avez identifié ceux à qui vous deviez parler. Je trouve important de le répéter. Lors de ces discussions fructueuses, on vous a assuré d'emblée que tout serait mis en œuvre pour répondre aux besoins de Windsor. En fait, il a fallu à peine quelques jours pour que non pas 100, mais bien 500 agents supplémentaires arrivent à Windsor.
Est‑ce exact?
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Oui et non. D'autres choses s'étaient passées avant que mon bureau soumette la demande.
Au vu de ce que nous observions dans nos rues, la question qui m'est venue naturellement pour la cheffe de police concernait ce dont elle avait besoin pour y faire face. Elle m'a répondu qu'elle avait besoin d'effectifs. Je lui ai demandé de combien de personnes elle avait besoin, et elle m'a répondu une centaine.
J'ai transmis l'information aux personnes avec qui j'étais en contact aux échelons politiques supérieurs. Plus tard dans la soirée, il m'a été demandé de soumettre la demande par écrit.
J'ai dit à la cheffe qu'il fallait soumettre la réponse par écrit. Elle a rédigé une lettre. Elle et son bureau ont transmis la lettre au bureau du solliciteur général de l'Ontario, de même qu'au , je crois, pour demander qu'on envoie 100 agents. Le soutien de la GRC était sollicité.
Quand j'ai reçu une copie de ces lettres — j'ai reçu une copie du courriel —, je les ai transmises directement au et à Sylvia Jones. J'ai dit au premier ministre de l'Ontario que 100 agents étaient demandés.
La cheffe a fait la demande selon les règles. J'ai simplement transmis la demande parce que tout le monde voulait savoir quels étaient nos besoins. Nous avons consigné la demande par écrit parce que d'autres nous l'ont demandé. Quelqu'un a ensuite décidé que 100 agents ne suffisaient pas et qu'il en fallait plutôt 500, et le nécessaire a été fait pour que ces 500 personnes soient dépêchées à Windsor.
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La police a élaboré un plan opérationnel qu'elle a commencé à mettre en œuvre le samedi, c'est‑à‑dire vers le 13. Elle a agi de façon très systématique avec ses unités de maintien de l'ordre et tout le matériel et les ressources dont elles avaient besoin.
Elle a réussi à déplacer quelques personnes ce jour‑là. Alors que le jour déclinait — vers 14 heures ou 15 heures peut-être —, un prêtre d'une église locale, qui était opposé dès le début de la pandémie à toute restriction, aux vaccins et ainsi de suite, a lancé un appel à la congrégation. En moins de deux heures, environ 600 personnes de plus se sont présentées. Il y avait des enfants dans des poussettes et de jeunes enfants. La scène était presque incroyable, à vrai dire.
La police a pris la décision très raisonnable de ne pas continuer. Imaginez, cependant, de nombreux policiers — 80 ou 90 en ligne d'un point à l'autre — remontant la route, avançant toutes les 30 ou 60 secondes.
La police a pris la bonne décision, c'est‑à‑dire d'attendre que les enfants aient faim, qu'ils aient besoin d'aller aux toilettes ou qu'ils aient envie de dormir. Nous étions en février. À un moment ou à un autre, ces enfants allaient partir et la police mènerait l'opération le lendemain.
C'est ce qu'elle a fait. Elle est intervenue le 14 très tôt et a déplacé le reste des personnes qui se trouvaient encore là. Tous les enfants étaient alors partis.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur Dilkens et monsieur Willett, de votre présence aujourd'hui.
Dans un souci de totale transparence, je précise que M. Willett fait partie de mes concitoyens. Coutts se trouve dans ma circonscription, tout comme Windsor se trouve dans celle de M. Masse, et je représente cette région au palier fédéral.
Monsieur Willett, je vais me concentrer sur vous, si vous le permettez, pour ces questions.
À Coutts, un certain M. Van Huigenbos faisait partie des organisateurs. Il a déclaré à la Commission Rouleau que votre message en tant que maire et mon message en tant que représentant fédéral étaient de dire de dégager suffisamment la route pour n'enfreindre aucune loi et qu'ensuite, on pouvait manifester autant qu'on voulait. Est‑ce que cela correspond bien aux conversations que vous avez peut-être eues avec lui séparément de moi et aux conversations que nous avons eues ensemble avec lui?
:
Oui, je vous comprends.
Le 12 février, vous avez envoyé un texto à M. Graveland qui est, je crois, journaliste à La Presse canadienne. Dans ce texto, vous déclarez, monsieur, et je vous cite:
« Bonjour, Bill. Plus ça change, plus c'est pareil.
« Il faut trouver quelqu'un à un poste protégé qui n'hésitera pas à leur dire ce qu'ils sont, des terroristes intérieurs. Ce ne sera pas moi. Ils campent sous mes fenêtres. Je me ferais pendre, littéralement.
« C'est juste une idée comme ça. »
Vous craigniez pour votre propre sécurité dans ce texto, mais vous les qualifiiez de « terroristes intérieurs ». Qu'entendiez-vous par là?
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Après les événements à Windsor, j'ai envoyé au gouvernement fédéral et au gouvernement provincial une lettre demandant qu'on s'assoie pour une séance de planification pour parler de ce que nous ferions s'il se produisait encore quelque chose.
Il ne fait aucun doute que, bien que des gens ailleurs aient dit que nous avions très bien réagi à Windsor... La situation a été réglée en une semaine environ. Pour beaucoup, c'était une bonne réponse. Nous aurions probablement pu gagner encore un jour ou deux si nous avions eu un plan un peu plus rigoureux, mais si nous disions qui paie quoi, les choses seraient beaucoup plus simples. Nous n'aurions pas le maire d'une petite ville comme Windsor qui ramperait pour les 5,7 millions de dollars dépensés pour aider face à une urgence économique nationale. Nous aimerions avoir cette conversation. Le chemin Huron Church est toujours là. Le pont Ambassador aussi.
Quant à la possibilité qu'il se reproduise quelque chose comme cela à l'avenir, je ne peux rien prédire. Je n'ai aucun moyen, concrètement, de l'empêcher aujourd'hui. Nous avons besoin d'une réponse coordonnée pour régler la situation très particulière d'un chemin municipal qui relie une route provinciale à un pont sous réglementation fédérale qui se trouve appartenir à des capitaux privés.
Nous devons trouver un moyen de régler cette situation d'une façon sensée qui permette une réponse appropriée, très efficace et rapide, en précisant qui paie quoi. Dans ce genre de situation, il est tout à fait injuste que les contribuables municipaux paient la facture.
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Nous reprenons maintenant nos travaux avec un deuxième groupe de témoins.
Nous avons ici, avec nous, M. Brian Kingston, président-directeur général de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules, et Mme Jennifer Steeves, directrice de l'Industrie et des Affaires aux consommateurs, pour la même association.
Par vidéoconférence, nous avons, de l'Alliance canadienne du camionnage, M. Stephen Laskowski, qui en est le président, et M. Geoffrey Wood, qui en est le vice-président principal des Politiques.
Je souhaite donc la bienvenue aux quatre témoins, qui disposeront chacun de cinq minutes pour leur allocution d'ouverture.
Monsieur Laskowski, je vous invite à commencer.
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Je vous remercie, monsieur le président, membres du Comité.
L'ACC est une alliance de sept associations de camionnage provinciales au Canada. Son conseil d'administration se compose de dirigeants de plus de 70 transporteurs allant de petites à de très grandes entreprises.
En ce qui concerne la position de l'ACC par rapport à la manifestation, bien avant et pendant les événements de 2022, l'ACC a fait connaître sa position sur les manifestations visant l'infrastructure routière publique. L'ACC n'appuie aucune manifestation sur les routes, voies et ponts publics et elle les désapprouve vivement. L'ACC estime que ce n'est jamais par de telles actions, surtout lorsqu'elles compromettent la sécurité publique, que devraient s'exprimer des désaccords avec les politiques gouvernementales.
L'ACC recommande au Comité qu'un plan national concernant toutes les provinces, le palier fédéral et tous les organismes d'application de la loi compétents ainsi que les ponts internationaux soit créé afin d'élaborer des plans pour protéger les infrastructures commerciales essentielles de notre pays de futures manifestations et/ou pour mettre fin à de telles manifestations très rapidement et pacifiquement.
Pour ce qui est des répercussions des blocages sur le secteur commercial, ces blocages ont eu des conséquences très préjudiciables pour nos membres, leurs chauffeurs, leurs clients et leurs entreprises. La majeure partie de nos observations aujourd'hui portent sur l'incidence économique sur le secteur du commerce international, mais n'oublions jamais l'impact de ces événements sur le pilier économique de notre main-d'œuvre nationale, le camionneur commercial. Ces blocages ont eu des répercussions importantes sur leur santé physique et mentale, comme sur leur possibilité de gagner leur vie.
Comme nous le savons tous, les échanges commerciaux avec les États-Unis sont essentiels pour la santé économique du Canada. Plus de la moitié des 850 milliards de dollars de commerce mené avec les États-Unis, d'après les données douanières de 2021, se sont faits par camion.
N'oublions pas non plus que plusieurs postes frontaliers ont été touchés dans tout le Canada. Tout le secteur du commerce a été touché et en a ressenti les ondes de choc, ce qu'ont fait remarquer le sous-ministre de Transports Canada, la Banque du Canada et la Chambre de commerce du Canada pendant toute la crise.
Nous avons également entendu les réactions de politiciens américains, y compris d'un démocrate du Michigan qui a déclaré qu'il ne pouvait être plus évident qu'il fallait rapatrier la fabrication américaine aux États-Unis, dans des États comme le Michigan. Même la porte-parole de la Maison-Blanche a mentionné que le président Biden était préoccupé par ce qui se passait au Canada.
Très rapidement, en Colombie-Britannique, près de 2 000 camions par jour franchissent de poste de Pacific Highway. En février, le nombre de camions commerciaux a baissé de 6 % en moyenne annuelle. Le Surrey Board of Trade a déclaré que « ces manifestations continues sabotent vraiment notre économie, notre infrastructure et le moyen d'existence d'entreprises, d'emplois et de familles ».
En Alberta, les blocages ont duré près de deux semaines. Ce sont 800 camions par jour qui franchissent la frontière à Coutts. La a déclaré que ces blocages faisaient perdre 48 millions de dollars par jour en échanges commerciaux.
Au Manitoba, 1 100 camions par jour franchissent la frontière à Emerson. La estimait l'impact commercial à 73 millions de dollars par jour.
Le pont Ambassador, que je laisserai aux représentants de l'association des constructeurs automobiles, a évidemment été touché. Le trafic de camions a chuté de près de 27 % en moyenne annuelle en février à cause de ces blocages. Chaque jour, ce sont 7 000 camions qui franchissent ce pont.
Au pont Blue Water, il y a eu des manifestations spontanées ces mêmes jours. Quand l'industrie du camionnage s'est reportée sur le pont Blue Water parce que le pont Ambassador était fermé, les manifestants en ont fait autant, et cela a été pareil au pont Peace, qui a aussi connu ses manifestations spontanées. Environ 2 600 camions par jour franchissent la frontière à cet endroit.
En Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, les deux provinces ont dû prendre des mesures pour interdire les manifestations sur la voie publique.
L'ACC est fermement convaincue que tous les ponts frontaliers et leur administration, les provinces et les organismes d'application de la loi fédéraux ont fait de leur mieux pendant toute la crise pour mettre fin à ces blocages aussi rapidement que possible et de manière pacifique. La commission cherche actuellement à établir s'il était approprié dans les circonstances que le gouvernement invoque la Loi sur les mesures d'urgence.
Nous avons tous entendu plusieurs témoignages favorables et certains témoignages opposés à la décision du gouvernement. Ni moi ni l'ACC ne sommes des experts en matière de sécurité. Cela dit, en quelques jours après l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence, le processus s'est arrêté. Il n'y a plus eu de blocages spontanés. Les ponts ont rouvert, le commerce a redémarré et les camionneurs commerciaux canadiens ont retrouvé leur vie d'avant.
Je tiens à souligner que, quand la Loi sur les mesures d'urgence a été invoquée, l'ACC a appuyé son utilisation. De notre point de vue, l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence a permis d'atteindre l'objectif voulu, qui était de mettre fin rapidement et pacifiquement aux blocages et aux manifestations spontanées sur les routes et les ponts.
On peut ne pas s'entendre sur le fait que la loi soit destinée ou pas à être invoquée dans des situations et des circonstances telles que celle dans laquelle nous nous trouvions l'hiver dernier. Encore une fois, je ne suis pas un expert en matière de sécurité nationale. De mon point de vue, si des gens hésitent à invoquer la Loi sur les mesures d'urgence dans des situations comme celle‑ci, nous devons travailler de concert pour la remplacer par une loi dont les effets soient aussi rapides, puissants et efficaces.
Je terminerai en rappelant ce que j'ai dit au début de mes observations. Pour répéter un commentaire précédent, l'ACC recommande de créer un plan national concernant toutes les provinces, le gouvernement fédéral et les organismes d'application de la loi compétents. Le plan tiendra compte de différents contrôles structurels et administratifs des postes frontaliers internationaux, et il élaborera un plan pour protéger les infrastructures commerciales essentielles du pays de futures manifestations et/ou pour mettre fin à de telles manifestations très rapidement et pacifiquement.
Je vous remercie, monsieur le président.
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Je vous remercie, messieurs les coprésidents, membres du Comité.
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui devant vous dans le cadre de votre étude.
L'Association canadienne des constructeurs de véhicules, l'ACCV, est l'association professionnelle qui représente les principaux constructeurs canadiens de véhicules motorisés légers et lourds. Nous comptons parmi nos membres Ford, General Motors et Stellantis, aussi connue sous le nom de FCA Canada.
On doit à l'industrie automobile pour environ 13 milliards de dollars d'activité économique annuelle, 117 000 emplois directs et 371 000 emplois indirects dans les services après-vente et les réseaux de concessionnaires. Avec 36,5 milliards de dollars d'exportations en 2021, l'industrie se classe au deuxième rang des secteurs qui exportent.
L'industrie automobile est très intégrée avec les États-Unis dans le cadre des relations de chaîne d'approvisionnement et dans l'expédition de véhicules finis. Il arrive que des pièces traversent la frontière entre le Canada et les États-Unis de sept à neuf fois avant l'installation sur un véhicule. Plus de 90 % des véhicules fabriqués au Canada sont exportés, très majoritairement aux États-Unis.
La production automobile dépend d'une logistique de chaîne d'approvisionnement efficace pour l'expédition de pièces, de composants et de véhicules. Les usines de montage dépendent de la livraison régulière et prévisible de pièces pour tourner à plein régime. Tout retard ou interruption de la chaîne d'approvisionnement — même très mineur — peut avoir un effet immédiat sur la production et le commerce. Étant donné l'intégration de l'industrie avec les États-Unis, la bonne circulation des marchandises à la frontière tous les jours est particulièrement importante.
Le pont Ambassador, principal poste frontalier du Canada, joue un rôle clé dans l'industrie. Environ 25 % du commerce annuel de marchandises canadiennes transite par ce pont. Avec cinq équipementiers qui assemblent des véhicules en Ontario, le pont est un élément essentiel pour les véhicules automobiles et les pièces.
Le blocage en février du pont Ambassador a exposé des faiblesses dans les pratiques de gestion de la frontière et dans l'infrastructure commerciale du Canada auxquelles il faut remédier pour que la chaîne d'approvisionnement soit plus résiliente.
Il y a une complexité supplémentaire pour ce corridor commercial particulier, car l'esplanade des douanes relève de la compétence fédérale; la 401, de la compétence provinciale; et la route qui mène à l'esplanade est municipale. Il a fallu beaucoup de temps pour trouver les responsables administratifs respectifs et pour coordonner, partager l'information et déterminer quelles capacités étaient nécessaires pour mettre fin au blocage du commerce.
Afin d'accélérer le processus, l'ACCV a déposé un affidavit en appui à l'injonction des fabricants de pièces d'automobile contre les manifestants, le 10 février.
Nos membres sont très reconnaissants de tous les efforts déployés par tous les ordres de gouvernement qui ont cherché des solutions pour atténuer l'impact, mais le blocage a obligé les entreprises automobiles des deux côtés de la frontière à prendre des mesures extraordinaires et très coûteuses pour dérouter les échanges commerciaux vers d'autres postes frontaliers. Ces autres postes frontaliers n'avaient tout simplement pas la capacité nécessaire pour traiter des volumes commerciaux plus importants sans perturber considérablement les calendriers d'approvisionnement, ce qui est, bien entendu, arrivé. Les usines automobiles ont donc dû arrêter la production, ce qui a touché des milliers d'employés de l'industrie, pas seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis.
Le blocage du pont s'est produit à une période déjà difficile pour l'industrie en raison de chaînes d'approvisionnement fragiles mises sous pression par les pénuries et les retards liés à la pandémie. En fait, la production nord-américaine de véhicules n'a toujours pas retrouvé ses niveaux d'avant la pandémie.
Cet incident, ajouté à d'autres perturbations récentes dans les ports et les chemins de fer, a nui à la réputation que le Canada avait de pays fiable pour la production et la circulation de marchandises. Nous devons tirer les leçons de ces événements pour que le Canada ait des plans en place afin de réagir rapidement à de futures perturbations. Si nous ne remédions pas à ces faiblesses, notre compétitivité pourrait en pâtir, pas seulement dans la construction automobile existante, mais aussi pour ce qui est d'investissements futurs dans l'automobile.
Nous devons établir des processus qui permettent une coordination et une communication rapides et efficaces entre l'industrie, différents ordres de gouvernement et d'autres acteurs concernés afin d'atténuer de futures perturbations de la chaîne d'approvisionnement.
Nous recommandons ceci.
Premièrement, désigner clairement un responsable fédéral qui donnera des conseils et des directives si quelque chose menace d'interrompre la circulation des marchandises commerciales. Ce responsable devra être en mesure de travailler en coordination avec tous les autres ordres de gouvernement et les homologues aux États-Unis afin que des décisions soient prises rapidement et qu'il soit mis fin sans tarder aux perturbations, en tenant l'industrie régulièrement informée de l'évolution de la situation.
Deuxièmement, renforcer les instruments législatifs pour remédier à de futurs blocages ou perturbations, comme la Loi de 2022 visant à ce que l'Ontario reste ouvert aux affaires, qui a établi des interdictions et des mécanismes d'exécution pour que nul n'entrave l’accès à une infrastructure protégée ou la sortie de celle‑ci ou son utilisation ordinaire. Le gouvernement fédéral devrait envisager de plus vastes pouvoirs pour mettre fin rapidement aux blocages, des pouvoirs qui rendraient inutile l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence.
Je vous remercie de votre attention et je répondrai volontiers à vos questions.
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Avant de céder la présidence, j'aimerais profiter de la prérogative de la présidence. Monsieur Laskowski, je sais que cela peut sembler un peu antagoniste. Il n'est pas nécessaire qu'il en soit ainsi.
Je tiens à vous rappeler, monsieur, que ce comité n'est pas comme les autres comités auxquels vous avez participé ici à la Chambre des communes. Il est question de la Loi sur les mesures d'urgence, qui est importante en raison de sa préséance, de son impact et de l'importance nationale pour la sécurité.
Monsieur, je vous demande qu'après cette réunion, vous envisagiez de vous employer avec votre administration à fournir les réponses aux questions qui vous ont été posées. Les noms sont pertinents. Ils ne le sont peut-être pas pour vous, monsieur, mais ils le sont pour nous. Je vous demande de collaborer en fournissant tous les détails, même si vous ne vous en souvenez peut-être pas ce soir. Vous pouvez les soumettre par l'entremise des greffiers.
Je tiens à souligner à nouveau l'importance de ce comité et sa nature, pour laquelle votre franchise et votre honnêteté sont requises.
Une fois que le blocage s'est produit, nous avons vu instantanément... Les constructeurs automobiles sont les meilleurs de leur catégorie lorsqu'il s'agit d'exploiter une chaîne d'approvisionnement efficace. Ils ont plusieurs plans pour détourner les échanges afin d'acheminer les pièces à leur usine. Immédiatement, les camions ont été détournés vers des ponts comme le pont Blue Water, mais le défi que nous avons constaté alors est que l'infrastructure de l'ASFC n'y est pas suffisante pour accueillir de grands volumes de camions. Comme nous l'avons entendu plus tôt, le pont Ambassador peut accueillir 7 000 ou 8 000 camions par jour.
Le résultat est que nous avons eu des files d'attente, puis des camionneurs dont le temps de conduite était dépassé, ce qui signifiait qu'ils ne pouvaient plus poursuivre leur route. Bien qu'il y ait eu des déviations, ce n'était pas une solution parfaite.
Dans certains cas, les constructeurs automobiles ont pris des mesures extraordinaires pour acheminer les pièces vers les usines. Il y avait des moyens de contourner le problème, mais rien n'avait la capacité que vous auriez au pont Ambassador, ce qui explique pourquoi il s'agit d'un élément d'infrastructure si essentiel.