:
Je déclare la séance ouverte.
Bonsoir, tout le monde. Je vous souhaite la bienvenue à la 16e réunion du Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise, créé conformément à l'ordre de la Chambre des communes du 2 mars 2022 et à l'ordre du Sénat du 3 mars 2022.
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride conformément aux ordres du Sénat et de la Chambre des communes. En cas de problème technique, veuillez m'en avertir, pour que nous puissions, au besoin, suspendre la séance quelques minutes, afin que tous les membres puissent participer pleinement à la réunion.
Je rappelle aux témoins qu'un service d'interprétation est mis à leur disposition. Pour y avoir accès, veuillez cliquer sur l'icône représentant un globe au bas de votre écran.
Si je comprends bien, aucun témoin ne participe à la réunion de façon virtuelle. Puisque tout le monde est présent, ce que je viens de dire est inutile. Je tiens aussi à dire qu'aucun test de son n'a été fait au préalable par le cogreffier ou la cogreffière, puisque tous les témoins sont dans la salle. Ainsi, nous n'aurons aucun problème de son.
Avant que je laisse la parole aux témoins, je crois que M. Motz veut déposer une motion, qui nous a été transmise quelques minutes avant le début de la réunion.
Je vous laisse la parole, monsieur Motz.
:
Bonsoir, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je vous remercie de m'avoir invité à participer aux travaux du Comité dans le cadre de l'examen de l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence.
Je suis conseiller municipal pour le quartier Rideau-Vanier depuis 2010. La limite ouest de mon quartier longe le canal Rideau jusqu'au Château Laurier. Le Parlement et de nombreuses autres institutions fédérales qui étaient au coeur de la manifestation bordent les quartiers de Sandy Hill, de la Basse-Ville et de Vanier, qui ont été les plus durement touchés par l'occupation.
[Français]
Je dispose de quelques minutes pour vous faire part de mes observations. Je voudrais consacrer ce temps à informer le comité des répercussions que les manifestations ont eues sur les résidents et les entreprises du centre-ville d'Ottawa.
[Traduction]
Les répercussions de l'occupation sur les résidants de ma communauté ont été insupportables. Elle a eu de graves répercussions sur leur bien-être, l'habitabilité de leur quartier et leur sécurité et elle a obligé de nombreux commerces à fermer leurs portes pendant toute sa durée.
Dès l'arrivée du « Convoi de la liberté », l'occupation a eu des effets dévastateurs sur nos résidants et nos commerces. Cela s'est d'abord fait sentir par le bruit insupportable. Les manifestants ont fait retentir des klaxons de camions et de trains presque sans interruption, jour et nuit. Des feux d'artifice sont venus s'ajouter à ce barrage sonore constant. Les klaxons ont été traumatisants pour les résidants de mon quartier et ceux du quartier voisin de Somerset.
Aux audiences de la Commission sur l'état d'urgence, des résidants ont témoigné des répercussions négatives du bruit sur leur santé mentale et psychologique. La privation grave de sommeil était courante. Ces conditions ont rendu le centre-ville invivable.
[Français]
Aujourd'hui encore, certaines personnes continuent de souffrir de traumatismes en raison de l'expérience qu'elles ont vécue. Ces préoccupations m'ont été communiquées à l'époque par des centaines de courriels et des appels téléphoniques que j'ai reçus des entreprises et des résidents qui ont été touchés. Les camions stationnés dans nos rues avaient non seulement des conséquences sur eux en raison du bruit constant des moteurs et des émanations qu'ils dégageaient, mais ils ont aussi créé un environnement chaotique avec leur façon de stationner, qui donnait l'impression d'une forteresse. Dans ce contexte, ces camions étaient utilisés comme une arme.
[Traduction]
J'ai parcouru les rues de mon quartier pendant les manifestations. Je peux vous dire que les rues du centre-ville d'Ottawa étaient dans un chaos total. J'ai vu des feux à ciel ouvert dans les rues, des livraisons de réservoirs de carburant aux manifestants tout près de résidences et de commerces. À l'intersection Rideau-Sussex, juste à côté de l'édifice du Sénat, des manifestants ont installé des kiosques de présentateurs de disques et des barbecues. J'ai vu aussi de gros camions circuler dans des rues résidentielles et, dans certains cas, à contresens. Dans le marché By, qui se trouve aussi dans mon quartier, de nombreuses camionnettes se sont garées partout et n'importe comment, y compris sur les trottoirs, sans aucune conséquence: il n'y a eu ni contravention ni remorquage. En plus d'occuper l'espace dans notre ville et sur nos trottoirs, ces camions avaient un autre but: ils représentaient une agression contre nos communautés par le comportement agressif et intimidant des participants à l'occupation, ce qui a créé un environnement de chaos et d'anarchie.
Ce chaos a forcé de nombreux commerces et institutions du secteur à fermer leurs portes, notamment le Centre Rideau, la succursale de la bibliothèque Rideau, l'Université d'Ottawa, la garderie Andrew Fleck et bien d'autres.
Historiquement, le Centre Rideau n'a jamais eu à fermer plus d'un jour par an. Le Centre a été fermé pendant 24 jours consécutifs en raison de cette occupation. Cela signifie que 300 magasins et plus de 1 500 employés à temps partiel n'ont pas pu générer de revenus.
Pour le Centre Rideau, chaque jour a représenté une perte de revenus de 2 millions de dollars pour les commerces. La fermeture du Centre Rideau a aussi aggravé les effets sur les quartiers voisins de la rue Rideau et du marché By. Les petites entreprises et les commerces indépendants ont été durement touchés. La plupart des commerces de la rue Rideau et du marché By ont été contraints de fermer. Même si les restrictions liées au confinement n'étaient plus en vigueur, la plupart de ces commerces n'ont pu rester ouverts. Des groupes de manifestants ont exigé de manger à l'intérieur des restaurants locaux, en violation des mesures et des décrets de santé publique. Les restaurateurs ont été confrontés à des choix difficiles: fermer complètement, affronter les manifestants et leur demander de partir, ou les servir en violation des règles de santé publique. La peur a poussé beaucoup d'entre eux à fermer leurs portes.
Merci, monsieur le président.
:
Bonsoir. Je remercie le Comité et ses membres de m'avoir invité à participer à cet important examen du recours à la Loi sur les mesures d'urgence.
Ce soir, je compte vous parler un peu de mes antécédents et de quelques sujets d'intérêt, et bien sûr de l'enquête publique devant laquelle j'ai témoigné lundi.
À titre d'information, j'occupe le poste de directeur municipal de la Ville d'Ottawa depuis 2016. Auparavant, j'ai été directeur général du Service de police régional d'Ottawa-Carleton, le prédécesseur du Service de police d'Ottawa. J'ai quitté la police et je suis entré à la Ville d'Ottawa en tant que directeur général des Services d'urgence et de protection en 2000. J'ai ensuite occupé différents postes au sein de la Ville avant de devenir directeur municipal.
J'aimerais donner d'abord au Comité un aperçu de mon rôle et de mes responsabilités en tant que directeur municipal.
La Ville d'Ottawa compte 10 services, chacun ayant un directeur général qui relève directement de moi. Le directeur relève du conseil municipal par l'effet de différents arrêtés et résolutions qui lui délèguent différents pouvoirs et responsabilités. À mon tour, je délègue les demandes du conseil aux 10 directeurs généraux qui m'épaulent. À ce titre, je supervise M. Kim Ayotte, le directeur général des Services d'urgence et de protection.
Je tiens à ce que le Comité comprenne que le Service de police d'Ottawa était l'organisme responsable de la réponse au « Convoi de la liberté ». Il lui incombait de prendre les décisions opérationnelles et tactiques en réaction au convoi. Entretemps, le rôle de la Ville était d'appuyer le Service de police d'Ottawa au besoin et de gérer les services municipaux afin d'atténuer les répercussions de cette manifestation sur ces services.
À l'arrivée du convoi, la Ville n'a pas cherché à verbaliser ni à remorquer les poids lourds à l'intérieur de la zone de contrôle. Le SPO, la police d'Ottawa, craignait que l'application des règlements dans la zone de contrôle ne déclenche de la violence. La Ville ne pouvait pas non plus décider indépendamment de fermer certaines rues, car le SPO était l'organisme responsable et nous faisions partie d'un système de gestion intégré.
En plus de gérer les opérations de la Ville pendant la manifestation, j'ai aussi engagé des négociations avec les manifestants à la demande de la police d'Ottawa.
Le 8 février 2022, j'ai reçu un appel du chef adjoint Bell du Service de police d'Ottawa. Il m'a dit que des membres de l'Équipe de liaison du Service de police d'Ottawa allaient venir à mon bureau. Il a dit que l'ÉLP — le sigle de cette équipe — voulait discuter d'une rencontre potentielle avec certains manifestants. J'ai assisté à la réunion et on m'a dit que les négociations du SPO avec les manifestants étaient rompues.
On m'a informé que les manifestants voulaient rencontrer un haut fonctionnaire de la Ville et on m'a demandé si j'accepterais de participer à une telle rencontre. J'ai accepté de rencontrer les manifestants, sur les conseils et avec l'appui du commandement supérieur du SPO. L'ÉLP a suggéré que je demande aux manifestants de retirer les camions de certains quartiers en échange d'une rencontre avec le maire. Plus tard dans la journée, j'ai rencontré certains dirigeants de la manifestation. Je les ai informés que le maire pourrait envisager de les rencontrer si les manifestants retiraient les camions des secteurs résidentiels. Des membres de l'ÉLP étaient présents à une partie de cette réunion. Après la réunion, j'ai informé le maire et son chef de cabinet des principes généraux dont il avait été question lors de cette réunion.
Je me suis ensuite entretenu au téléphone avec le commandement supérieur du SPO, soit le 11 février avec le chef Sloly, et le 13 février avec le chef Sloly, la cheffe adjointe intérimaire Ferguson et le chef adjoint Bell, pour les mettre au courant de l'état des discussions de la Ville à propos des manifestants. Tous s'entendaient pour dire que le retrait des manifestants des secteurs résidentiels serait positif pour les résidants et réduirait l'empreinte des manifestants.
J'ai assisté à une autre réunion avec les manifestants et M. Ayotte le 13 février pour discuter de la logistique du déplacement des camions hors des quartiers. Le surintendant intérimaire Rob Drummond nous a accompagnés. Le commandement supérieur du SPO l'avait chargé de négocier les détails et les modalités du déplacement.
Les jours suivants, le maire, par l'entremise de son chef de cabinet, et un facilitateur tiers, M. Dean French, ont entamé des discussions avec les manifestants pour retirer certains camions du centre-ville. Grâce à nos efforts, environ 40 poids lourds et un nombre inconnu de camions légers et de véhicules ont quitté les secteurs résidentiels.
À peu près au même moment où nous avons réussi à déplacer ces camions, le gouvernement fédéral a invoqué la Loi sur les mesures d'urgence. À ma connaissance, la Ville n'a jamais demandé l'invocation de cette loi.
Cela dit, et pour conclure, le « Convoi de la liberté » a eu d'importantes répercussions sur les services de notre ville et sur ses habitants. À ma connaissance, c'était la première fois que des manifestants utilisaient des poids lourds pour paralyser une ville. Bien que la Ville n'ait pas demandé au gouvernement fédéral d'invoquer la Loi, nous avons été reconnaissants lorsqu'il l'a finalement fait.
Monsieur le président, je suis prêt à répondre aux questions du Comité, et je vous remercie de m'avoir invité.
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Bonsoir, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je vous remercie de m'avoir invité. J'ai hâte de répondre à vos questions et d'aider le Comité de toutes les façons possibles.
Je suis le directeur général des Services d'urgence et de protection de la Ville d'Ottawa. À ce titre, je supervise environ 2 500 employés. Je suis épaulé par le directeur des Services de sécurité publique de la Ville, le directeur des Services des règlements municipaux, le chef des pompiers et les Services d'incendie et paramédicaux qui relèvent tous directement de moi. Auparavant, j'étais le chef du Service des incendies d'Ottawa avant d'être promu à mon poste actuel. En tant que directeur général des Services d'urgence et de protection, je relève du directeur municipal, Steve Kanellakos.
Avant de répondre à vos questions, j'ai pensé que je pourrais mieux vous aider en vous donnant un aperçu du Centre des opérations d'urgence de la Ville, le COU. Le COU a joué un rôle central dans les efforts déployés par la Ville pendant le « Convoi de la liberté ». Le COU reçoit les renseignements de tous les services de la Ville, se réunit et surveille les situations d'urgence dès que la situation est portée à son attention. Pendant une situation d'urgence, le statut du COU peut passer de « surveillance » à « vigilance accrue », de « vigilance accrue » à « activé », puis de « activé » à « état d'urgence ». Cette progression exacte a eu lieu pendant le « Convoi de la liberté ».
Le COU est composé d'agents de service de chacun des services municipaux. Il fonctionne sous la supervision du groupe de contrôle du Centre des opérations d'urgence, lequel est présidé par le directeur municipal, M. Kanellakos. La Ville est aussi membre du Centre de commandement régional de la capitale nationale, le CCRCN. Ce dernier comprend des représentants de la GRC, de la PPO, du Service de police d'Ottawa et du Service de protection parlementaire.
Le CCRCN agit comme un commandement régional lors d'une opération policière menée par plusieurs organismes dans la région. Il a été mobilisé le 28 janvier 2022 pour réagir au « Convoi de la liberté ». Le Service de police d'Ottawa a dirigé le Centre d'intervention du CCRCN et était donc l'organisme responsable pendant la manifestation à Ottawa.
En gardant cette structure en tête, j'aimerais maintenant aborder le rôle de la Ville pendant le « Convoi de la liberté ». La gestion du « Convoi de la liberté » relevait de la gestion des interventions du Service de police d'Ottawa. Le rôle de la Ville — et le mien — était d'aider le SPO à atténuer les répercussions de la manifestation sur les résidants et les commerces. L'objectif de la Ville était de faire transiter le convoi dans la Ville le plus rapidement possible. À cette fin, nous avons répondu aux décisions opérationnelles prises par la police d'Ottawa.
Par exemple, le 29 janvier 2022, la police d'Ottawa a demandé aux agents d'exécution des arrêtés municipaux de ne pas verbaliser ou remorquer les véhicules dans la zone rouge sans l'approbation de la police. Plus tard, les agents d'exécution des arrêtés municipaux et d'autres employés et services municipaux ont reçu l'ordre de ne pas entrer en zone chaude — ou en zone rouge — sans escorte policière, pour des raisons de sécurité.
Malgré nos efforts et ceux de la police d'Ottawa, les manifestations ont eu de graves répercussions sur les communautés et les services sociaux de notre Ville. Ainsi, des itinéraires ont dû être détournés et des personnes recevant des soins à domicile ont dû être relocalisées. La Ville a aussi dû collaborer avec les organisateurs des convois pour maintenir une voie d'urgence dans tout le centre-ville pour les véhicules des services d'urgence pendant toute la période concernée. La Ville a connu des revers et des succès tout au long de cette période.
De mon point de vue, la Ville a tiré des leçons précieuses de la manifestation du convoi. La réponse de la Ville à l'événement « Rolling Thunder » en est un bon exemple. Avant l'arrivée du « Convoi de la liberté », la Ville n'a pas installé de barrières de circulation après que la police d'Ottawa lui ait conseillé de ne pas le faire. Cependant, lorsque nous avons eu connaissance de la manifestation « Rolling Thunder », nous avons collaboré avec la police d'Ottawa pour bloquer les rues menant au centre-ville, en nous appuyant sur les connaissances acquises lors du « Convoi de la liberté ». Je soupçonne qu'à l'avenir, les efforts de cette nature seront précieux pour empêcher qu'un événement comme le « Convoi de la liberté » ne se reproduise.
Je suis heureux d'être ici pour vous faire part des leçons à retenir et j'ai hâte de répondre à vos questions.
Merci beaucoup.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Membres du Sénat et députés de la Chambre des communes, c'est un plaisir pour moi d'être ici à titre de maire de la Ville d'Ottawa.
[Traduction]
Je suis maire pour encore 18 jours, quatre heures, trois minutes et deux secondes.
Je vous remercie de m'offrir l'occasion de comparaître devant vous. J'ai récemment comparu devant le juge Rouleau et la Commission sur l'état d'urgence le 18 octobre 2022.
Je crois et j'espère vivement que l'important travail effectué par la Commission et ce comité mixte contribuera à empêcher les résidants de cette ville et d'autres villes canadiennes d'avoir à subir un jour une occupation aussi horrible.
[Français]
Au cours des 25 dernières années, j'ai eu le privilège de représenter les résidants d'Ottawa à Queen's Park ainsi qu'à l'Hôtel de Ville.
[Traduction]
En tant que maire de la ville d'Ottawa, j'ai vu ses résidants surmonter de nombreux défis hors du commun, notamment la COVID‑19, avec laquelle nous avons dû tous composer dans nos propres collectivités.
Ces dernières années à Ottawa, cela comprend des événements comme les crues record de la rivière des Outaouais en 2017 et 2019 qui ont forcé beaucoup de nos résidants à évacuer leurs maisons. Entre les deux inondations, Ottawa et ses environs ont été secoués par une tornade qui a renversé des lignes électriques et fait valser des maisons, et comme vous vous en souvenez peut-être, pas plus tard que cet été, les résidants ont enduré un orage qui a détruit des dizaines de milliers d'arbres et de propriétés dans toute la région et a laissé des dizaines de milliers de personnes sans électricité pendant des jours et, dans bien des cas, des semaines.
L'arrivée du convoi de camions en janvier 2022 et l'occupation de notre Ville qui s'en est suivie ont constitué une autre menace pour la sécurité et la sûreté de nos résidants.
[Français]
Le Service de police d'Ottawa et la Ville ont bien travaillé ensemble à plusieurs reprises pour protéger la ville dans le contexte de plusieurs crises au cours des années.
[Traduction]
Les camions ont commencé à arriver à Ottawa, devant les édifices du Parlement, le 27 janvier 2022. Je me souviens avoir vu quelques camions stationnés dans les rues de la Ville, tandis que d'autres camions sont arrivés le lendemain.
Après le premier week-end de manifestation, il m'est apparu évident que le Service de police d'Ottawa avait perdu le contrôle de la rue Wellington. Une manifestation avait pris fin et une occupation avait commencé.
Permettez-moi de commencer par planter le décor pour les députés, les sénateurs et les membres du public. Pouvez-vous imaginer qu'une manifestation similaire d'un convoi de camions s'empare de votre centre-ville ou de votre village? Pouvez-vous imaginer que je me présente dans votre ville natale avec ces manifestants, que je les côtoie, que je les photographie, que je leur apporte du café et des Timbits? Pouvez-vous imaginer à quel point cela aurait été dégoûtant et irrespectueux pour vos concitoyens si leur propre communauté avait été assiégée par le bruit et les émanations 24 heures sur 24 et sept jours sur sept pendant trois semaines?
En tant que maire, j'ai été en communication régulière avec le SPO, comme demandé, pendant toute la durée du convoi. J'ai compris presque immédiatement que le SPO avait besoin de ressources supplémentaires.
Le 3 janvier, j'ai reçu un appel du . J'ai expliqué que des agents supplémentaires de la Gendarmerie royale du Canada étaient nécessaires. À partir de ce moment, j'ai continué à faire pression pour obtenir l'aide de nos partenaires fédéraux et provinciaux. Le 3 février 2022, je me suis entretenu avec le et je lui ai fait comprendre la nécessité de ressources supplémentaires. Le 7 février, à la demande de la Commission de services policiers d'Ottawa, mon bureau a préparé une lettre que j'ai cosignée avec la présidente de la Commission pour obtenir des ressources supplémentaires. La lettre était adressée au premier ministre Trudeau, au ministre Mendicino, au premier ministre Ford et à la solliciteure générale de l'Ontario de l'époque, Sylvia Jones. L'objet de la lettre était très clair: Ottawa avait besoin de ressources supplémentaires pour mettre fin à la manifestation.
[Français]
Ce geste est extraordinaire, car ce type de demande serait normalement fait par le chef de police à la Gendarmerie royale du Canada ainsi qu'à la Police provinciale de l'Ontario.
[Traduction]
J'ai accepté de signer ces lettres. On m'a dit que le SPO n'avait pas obtenu gain de cause dans sa demande d'obtenir plus de policiers.
À peu près au même moment, j'avais aussi déclaré l'état d'urgence dans la ville d'Ottawa. Bien que cette déclaration n'ait pas conféré à mon bureau de nouveaux pouvoirs substantiels, je crois qu'elle était importante d'un point de vue symbolique. Elle a permis de faire comprendre à nos résidants et au pays que la ville d'Ottawa était en fait assiégée et que nous ne pouvions pas mettre fin à l'occupation par nos propres moyens.
J'ai également participé à des réunions avec nos partenaires fédéraux. Comme je l'ai dit, la province de l'Ontario a malheureusement refusé de prendre part à ce dialogue au sein du comité tripartite. Lors de ces réunions, j'ai réitéré notre demande de ressources policières supplémentaires pour soutenir le SPO dans ses efforts de reconquérir notre ville.
Comme vous le savez, le 14 février 2022, la Loi sur les mesures d'urgence a été invoquée pour la première fois depuis son adoption en 1988. Bien que le gouvernement fédéral ne m'ait pas consulté à ce sujet, j'ai pleinement appuyé et j'appuie encore pleinement l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence. Jusqu'à ce moment‑là, je n'étais pas certain que les efforts antérieurs de la police réussiraient à mettre un terme pacifique à une manifestation aussi massive.
Je profite de l'occasion pour rappeler aux honorables membres du comité mixte que la présence combinée de ces véhicules, de ces centaines de 18 roues et de véhicules plus petits a été ressentie comme une armada écrasante et menaçante par les résidants d'Ottawa.
Je crois que le plus grand défi pendant la manifestation a été l'incapacité de déplacer les camions qui se sont incrustés dans nos rues. La Loi sur les mesures d'urgence a résolu ce problème en obligeant les entreprises de remorquage à fournir des véhicules de remorquage.
Au bout du compte, plus de 1 800 agents — ce que nous avions demandé — sont venus à Ottawa sous le commandement du SPO, y compris des agents de la PPO, de la GRC et de plusieurs services de police municipaux venant d'aussi loin que l'Alberta. Les résidants d'Ottawa seront à jamais reconnaissants envers ces hommes et ces femmes en uniforme qui sont venus en aide à notre Ville pendant l'occupation illégale.
L'occupation de notre ville a été une expérience horrible pour les résidants du centre-ville et n'avait aucune commune mesure avec ce que notre ville avait déjà connu. Elle a touché les personnes qui travaillent au centre-ville et qui s'y sentent chez elles, les touristes qui veulent visiter les édifices du Parlement et les commerces locaux qui dépendent de la paix et de la stabilité pour leur survie. Elle a eu des effets durables sur la santé mentale et physique de certains de nos résidants, et elle a nui à notre industrie touristique.
Pour conclure, je tiens à vous citer quelques exemples.
[Français]
Le premier exemple que je veux soulever est celui de l'Hôpital Montfort.
[Traduction]
Il est très important pour notre communauté et il a dû loger des membres de son personnel dans des chambres d'hôtel à proximité pour éviter d'importants ralentissements de la circulation, qui en sont venus à compromettre leurs quarts de travail pendant deux semaines. Cela a entraîné une forte baisse d'activité dans la salle d'urgence, au détriment des patients.
De plus, 13 familles qui se rendent au Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario pour des traitements d'oncologie ont été touchées par le convoi. Elles ont dû soit retarder, soit reprogrammer leur traitement. Un porte-parole du CHEO a décrit l'occupation comme un stress inutile qui vient s'ajouter à ce qui est déjà une situation stressante pour les enfants et leurs familles dont les traitements sont essentiels pour obtenir les meilleurs résultats possible.
Le 1er février, un organe de presse locale a rapporté qu'une résidante anonyme du centre-ville « vivait un cauchemar dans sa maison située à quelques minutes seulement de la Colline du Parlement, et que les klaxons et le bruit constants à l'extérieur de son immeuble, ainsi que les émanations du carburant diesel l'avaient empêchée de dormir. La femme a déclaré que cela la rendait si déprimée et si triste de voir que ces gens se souciaient si peu des personnes comme elle, ou des personnes handicapées... »
La Commission sur l'état d'urgence a entendu le témoignage d'une résidante du centre-ville légalement aveugle qui a décrit les difficultés qu'elle a vécues pendant l'occupation, notamment la difficulté à se déplacer en raison du bruit constant et de la perte d'audition causée par le bruit extrêmement fort des klaxons pendant des jours et des jours.
Centraide Est de l'Ontario et 35 de ses agences de services sociaux ont étudié les répercussions de l'occupation sur les communautés vulnérables et marginalisées. Plus particulièrement, le Centre de détresse d'Ottawa et de la région a constaté que plus de la moitié de ses appels durant la période de 24 heures provenaient de résidants en détresse ou en crise. De plus, et c'est très, très triste, 12 % de ces clients avaient des pensées suicidaires par suite des événements qui se sont déroulés.
Et pourtant, les résidants d'Ottawa ont été aussi résilients qu'ils l'ont été dans le passé et qu'ils le seront à l'avenir.
[Français]
Monsieur le président, je suis prêt à répondre aux questions du Comité.
Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner et de donner le point de vue des membres du conseil municipal et des résidants de la ville d'Ottawa.
Rien ne se compare à ce que nous avons vu. C'était hors du commun. Nous sommes très bons pour accueillir des manifestants à Ottawa, comme vous le savez — surtout dans votre circonscription, car ils viennent ici pour manifester devant la Colline du Parlement, la Cour suprême et d'autres édifices importants le long de la rue Wellington.
Au bout du compte, à presque toutes les manifestations auxquelles j'ai assisté au cours de mes 25 années de vie publique à Ottawa, les gens arrivent, ils manifestent, ils font des discours, puis ils s'en vont.
Cette fois‑ci, c'était tout à fait différent en fait de volume, de degré de colère que l'on pouvait observer chez les gens, de manque total de respect de la part de beaucoup d'individus qui sont venus ici et qui ont participé à des activités tout simplement méprisables, et du tort qu'ils ont causé aux résidents du centre-ville.
Le centre-ville est une communauté dynamique, tout comme la Basse-Ville, qui est représentée par mon ami Mathieu. Le marché By et Overbrook-Forbes, près du stade de baseball, ont été touchés. Il y a eu de nombreux exemples documentés de ce genre de comportement grossier — uriner sur le cénotaphe, danser sur la Tombe du Soldat inconnu, voler la nourriture des Bergers de l'Espoir, poser des pancartes et afficher le manifeste sur la statue de Terry Fox.
J'ai posé la question aux députés et aux sénateurs: « Si cela se produisait dans votre communauté, le toléreriez-vous sous le couvert de la liberté d'expression? » Absolument pas. Vous pouvez être libre de vous exprimer, mais vous ne pouvez pas commencer à détruire un quartier.
Je suis d'avis qu'au cours des travaux de la Commission, il y a eu pas mal de révisionnisme historique dans certains des témoignages. Il y a eu des témoignages contradictoires lors de certaines réunions du Comité, ici, par nos organismes d'application de la loi qui ont été impliqués, et la nature changeante de la menace. Le mandat de ce comité est de déterminer si oui ou non le seuil de sécurité nationale était atteint, et à ce stade, je ne suis toujours pas clair à ce sujet.
Cependant, ce qui est clair pour moi, indépendamment de la nature juridique de l'invocation de la loi, c'est qu'il y a eu un effondrement pratique des services de police dans la Ville d'Ottawa. Le Service de police d'Ottawa était tout à fait incapable et inadéquat pour répondre à la taille et à l'échelle de l'opération qui a été décrite ici.
Conseiller Fleury, étant donné que vous avez été en contact direct avec vos résidents au sujet de l'impact et de la nature... Étant un représentant du quartier le plus touché, je veux vous donner l'occasion d'expliquer si votre expérience de la manifestation, et les renseignements que vous avez reçus des résidents étaient conformes aux communications du Service de police d'Ottawa sur le convoi et, en particulier, ce qui concerne certains reportages qui ont peut-être été décrits par Rex Murphy, et d'autres choses ridicules.
Pourriez-vous nous dire si, d'après votre expérience, il s'agissait simplement de filles et de garçons qui venaient en ville pour parler avec le .
:
Merci, monsieur le président.
Nous parlons de ce qu'il faut retenir, des leçons apprises de cette situation de crise. En y réfléchissant, une des choses qui me saute aux yeux est la naïveté impressionnante de plusieurs organismes. Les services de police, les hauts fonctionnaires et vous, messieurs, et particulièrement le maire Watson… Vous étiez tous convaincus que l'affaire serait bouclée en 48 heures.
L'organisation a débuté plusieurs semaines avant l'arrivée des camionneurs et de leurs sympathisants à Ottawa. Ils arrivaient de la côte Ouest, de la côte Est et d'un peu partout entre les deux. Considérant qu'ils s'étaient donné comme mission, comme ils l'ont abondamment annoncé sur toutes sortes de plateformes de médias sociaux, de rester tant que le fédéral ne lèverait pas ses mesures obligatoires, comment quiconque a pu se montrer assez naïf pour croire que ces gens, qui arrivaient de Vancouver en Colombie-Britannique, se diraient « mission accomplie » après 48 heures et plieraient bagage?
Ils voulaient parler à un porte-parole du gouvernement. Ils n'ont pas eu cette chance. Je le souligne parce que cela mérite réflexion.
Monsieur Virani, mon collègue, est revenu à deux reprises sur les interventions d'un certain député.
J'ai écouté très attentivement vos réponses, monsieur le maire. Votre indignation à l'égard de ce député est évidente. Vous avez dit entre autres qu'il avait donné de la crédibilité au mouvement et qu'il avait remué le couteau dans la plaie.
Je ne vous ai pas vu vous indigner devant les sorties du de notre pays, qui ont attisé la colère de beaucoup de monde contre ses mesures obligatoires. C'est ce premier ministre qui a traité les gens d'extrémistes, de racistes et de misogynes, qui leur a dit que leurs points de vue étaient inacceptables, qu'ils ne faisaient pas confiance à la science et qu'ils prenaient trop de place.
Trouviez-vous déplorable que le tienne ce genre de propos, monsieur Watson?