Bienvenue à la 10e séance du Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise, créé conformément à l'ordre de la Chambre des communes du 2 mars 2022 et à celui du Sénat du 3 mars 2022.
La séance se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre que la Chambre a adopté le 25 novembre 2021.
Je rappelle à ceux qui sont présents dans la salle qu'ils doivent, pour préserver la santé et la sécurité de tous, se conformer aux recommandations des autorités de la santé publique et aux directives du Bureau de régie interne.
Si des problèmes techniques surviennent, veuillez m'en informer, car nous devrons peut-être suspendre la séance pendant quelques minutes pour nous assurer que tous les membres sont en mesure de participer pleinement.
Les témoins doivent aussi savoir que des services d'interprétation sont offerts. Il suffit de cliquer sur l'icône représentant un globe, au bas de leur écran.
Nous accueillons aujourd'hui, de 18 h 30 à 20 heures, l'honorable Chrystia Freeland, ministre des Finances.
Bienvenue à vous.
La ministre est accompagnée de fonctionnaires: Isabelle Jacques, sous-ministre adjointe, Direction de la politique du secteur financier; Jenifer Aitken, sous-ministre adjointe par intérim, Direction juridique; Sarah Paquet, directrice et présidente-directrice générale, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le CANAFE.
Madame la ministre, nous vous souhaitons la bienvenue. Vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire.
La parole est à vous. Je vous en prie.
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Merci beaucoup à vous tous, madame la présidente et mesdames et messieurs les députés et sénateurs.
Le travail du Comité est très important et j'espère que ma comparution sera utile.
Je suis accompagnée aujourd'hui de représentantes du ministère des Finances, Isabelle Jacques, sous-ministre adjointe, Jenifer Aitken, sous-ministre adjointe, Direction juridique, et Sarah Paquet, présidente-directrice générale du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada.
Mes collègues ministres ont expliqué comment la Loi sur les mesures d'urgence a été invoquée et appliquée. Je suis là pour parler des coûts économiques de l'occupation et des barrages, et des mesures prises en vertu du Décret sur les mesures économiques d'urgence.
Il y a à peine trois mois ont été levés les barrages aux principaux postes frontaliers et l'occupation de la capitale nationale, qui causaient beaucoup de tort à l'économie canadienne et à notre réputation de partenaire commercial fiable.
Des échanges commerciaux se chiffrant en dizaines de millions de dollars par jour ont été perturbés par les barrages aux postes frontaliers. Selon Statistique Canada, à Coutts, en Alberta, le volume des échanges quotidiens touchés a représenté environ 48 millions de dollars par jour. À Emerson, au Manitoba, le montant a atteint environ 73 millions de dollars par jour.
Le barrage du pont Ambassador a entravé des échanges d'environ 390 millions de dollars par jour. Trente pour cent des échanges canado-américains acheminés par la route transitent par ce pont.
La confiance du monde envers le Canada comme destination des investissements a été minée. Nous nous sommes battus farouchement pour protéger la relation commerciale privilégiée du Canada avec les États-Unis pendant les négociations de l'ALENA et face aux droits illégaux et injustifiés imposés en vertu de l'article 232. Nous ne pouvions pas tolérer que cette réussite acquise de haute lutte soit compromise, et nous ne pouvions pas permettre que le gagne-pain des travailleurs canadiens continue d'être menacé, alors que nous travaillions tous si fort pour relancer l'activité après avoir subi les conséquences économiques de la COVID‑19.
[Français]
Ainsi, le lundi 14 février, plus de deux semaines après le début de l'occupation et des blocages, le gouvernement du Canada a invoqué, en dernier recours, la Loi sur les mesures d'urgence pour rétablir l'ordre public.
Dans le cadre de cette mesure nécessaire, le Décret sur les mesures économiques d'urgence est entré en vigueur le 15 février et a mis en place plusieurs mesures financières temporaires.
En raison de la fin des blocages, le 23 février, le gouvernement a révoqué la déclaration d'état d'urgence en vertu de la Loi sur les mesures d'urgence ainsi que de toutes les mesures temporaires prévues dans le Règlement sur les mesures d'urgence et le Décret sur les mesures économiques d'urgence.
Madame la présidente, j'aimerais expliquer les mesures temporaires prévues dans le Décret et montrer pourquoi l'application des mesures était nécessaire et efficace.
Le Décret contient des mesures visant à limiter le financement des activités illégales qui ont mené à l'état d'urgence, c'est-à-dire le financement provenant de diverses organisations et de particuliers.
[Traduction]
Ces mesures ont obligé les fournisseurs de services financiers canadiens — et non le gouvernement du Canada — à bloquer ou à suspendre le compte de particuliers ou d'entreprises participant aux barrages, et à refuser de fournir des services ou de faciliter toute opération liée au financement de l'occupation et des barrages illégaux, sans pour cela que des ordonnances judiciaires soient nécessaires. Concrètement, ils l'ont fait soit en se fondant sur les renseignements reçus des organismes d'application de la loi, renseignements dont la communication était autorisée par le Décret sur les mesures économiques d'urgence, soit en se fiant aux renseignements recueillis au moyen de leurs propres processus internes.
Je tiens à souligner un point crucial à ce propos: les fournisseurs de services financiers ont pris ces décisions de façon indépendante. Il n'y a pas eu de directives politiques.
Le 21 février, au cours de la période où le Décret était en vigueur, les mesures d'exécution prises en vertu du Décret sur les mesures économiques d'urgence ont abouti au blocage d'environ 280 produits financiers, comme des comptes d'épargne et des comptes-chèques, des cartes de crédit et des lignes de crédit, pour un total d'environ 8 millions de dollars, dont 3,8 millions de dollars d'une entreprise de traitement des paiements. De plus, 170 adresses Bitcoin ont été repérées et communiquées aux échangeurs de devises virtuelles.
Les organismes d'application de la loi étaient autorisés à communiquer des renseignements aux fournisseurs de services financiers canadiens, ce qui comprenait l'identité des particuliers et des entités soupçonnés de participer à des barrages illégaux. Si les organismes d'application de la loi étaient convaincus des faits, cette communication allait aider les fournisseurs de services financiers à appliquer le Décret.
Pour leur part, les fournisseurs de services financiers canadiens ont reçu la directive d'examiner leurs relations avec toute personne impliquée dans les barrages de façon constante et de signaler l'existence d'avoirs et d'opérations liés aux barrages à la GRC ou au SCRS.
Madame la présidente, comme le gouvernement l'a dit à ce moment‑là, et comme les faits l'ont montré, ces mesures étaient temporaires.
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... ma question portait sur votre propre ministère. Vous n'êtes peut-être pas au courant, mais je ne pose pas cette question sans raison.
Pour votre gouverne, je rappelle que, dans votre exposé, vous avez avancé que... Vous avez dit que le commerce avait été « perturbé ». Mais Statistique Canada a signalé que le commerce transfrontalier en Ontario et en Alberta au moment des blocages avait en fait été en hausse de 16 % par rapport à l'an dernier. Bien qu'ils aient perturbé les échanges, qu'ils aient été inacceptables ou illégaux, il semble que les barrages aux frontières n'aient pas eu les répercussions économiques que vous alléguez, et qu'ils ne justifiaient certainement pas le recours à la Loi sur les mesures d'urgence comme vous le prétendez.
J'ai une autre question. Vous avez dit que vous avez bloqué environ 280 comptes — environ 8 millions de dollars, selon vous. Qu'est‑ce qui a poussé le gouvernement à continuer de bloquer ces comptes bancaires après que les barrages ont été levés et que les camions ont quitté Wellington?
Je comprends que bon nombre d'entre nous sont élus et avons un travail partisan à faire, mais je tiens vraiment à m'exprimer très sincèrement en tant que ministre des Finances du Canada, moi qui me suis battue si fort, appuyée vraiment par l'ensemble de notre pays, pour maintenir cette relation commerciale essentielle avec les États-Unis. Il était clair pour moi qu'à chaque heure qui passait, notre réputation auprès des États-Unis comme partenaire commercial fiable et comme destination d'investissement sûre était malmenée.
Je vais citer Elissa Slotkin, membre du Congrès du Michigan. Voici ce qu'elle avait à dire:
Peu importe qu'il s'agisse d'un adversaire ou d'un allié, nous ne pouvons pas compter sur la livraison de pièces provenant de pays étrangers.
Il est on ne peut plus clair que nous devons rapatrier le secteur manufacturier américain dans des États comme le Michigan. Sinon, ce sont les travailleurs américains [...] qui écoperont.
Elle s'est engagée ensuite:
à poursuivre le travail que les habitants du Michigan réclament depuis 30 ans, c'est‑à‑dire à ramener la fabrication des biens essentiels aux États-Unis afin que notre sécurité économique ne dépende plus des autres.
Il y a là un grave danger pour le Canada, chers collègues. Je redoutais très fort que ces barrages illégaux et cette occupation illégale ne fassent naître une toute nouvelle vague de protectionnisme et n'érodent profondément nos relations commerciales avec les États-Unis. C'était une véritable menace économique.
Pour revenir à ce que disait M. Motz, le préjudice à la réputation ne se fait pas nécessairement sentir immédiatement. On peut en ressentir les effets des années plus tard. Je citerai tout à l'heure Flavio Volpe, qui a déclaré, à ce moment‑là, que les investisseurs ne choisiraient pas de placer leur argent au Canada, se disant, tout à fait raisonnablement, que rien ne garantit que les pièces fabriquées au Canada pourront être acheminées librement et facilement aux États-Unis.
J'ai également parlé directement avec des représentants du gouvernement américain. Ils étaient extrêmement inquiets. Je ne l'étais pas moins. Les mesures que nous avons prises étaient conséquentes. Les membres du Comité ont raison de les examiner attentivement. Mais je tiens aussi à rappeler à tout le monde que le préjudice économique — dans l'immédiat et dans les semaines, les mois et les années à venir — était grave, et qu'il s'aggravait de jour en jour.
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Merci, madame la ministre.
Moi aussi, j'étais extrêmement inquiète à ce moment‑là. Lorsque la Loi sur les mesures d'urgence a été invoquée, si j'ai bien compris — d'après ce qui s'est passé alors et les témoignages entendus au Comité —, le blocage de la frontière à Coutts, en Alberta, était en cours et la frontière n'allait rouvrir que le 15 février. Le blocage à Emerson, au Manitoba, était également en cours et la frontière n'allait rouvrir que deux jours après la mise en vigueur de la Loi sur les mesures d'urgence. À Surrey, en Colombie-Britannique, c'était la même chose. La frontière n'allait rouvrir que quelques jours plus tard. Il y avait une menace constante que d'autres barrages soient dressés à la frontière de Windsor, ce qui, comme vous l'avez dit, madame la ministre, a touché des échanges commerciaux d'environ 400 millions de dollars par jour.
Que pensez-vous de l'importance économique de ces incidents non seulement pour notre pays, mais aussi pour les travailleurs? J'ai lu une citation de Dave Cassidy, président de la section locale 444 des Travailleurs unis de l'automobile, qui représente les travailleurs de l'usine de Windsor. Il a dit:
L'ensemble de notre économie […] dépend de l'ouverture du pont.
Si les lignes de production ne fonctionnent pas et si les travailleurs sont renvoyés chez eux, ces familles de travailleurs deviendront malheureusement des dommages collatéraux de la manifestation qui se déroule au pont.
Madame la ministre, à quel point est‑il important d'appuyer les travailleurs canadiens en ce moment?
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Je vous remercie, madame la présidente.
Madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue au Comité.
Je suis content d'apprendre que vous travaillez déjà à la production des documents que nous avons demandés. Je comprends ce qu'est le secret ministériel. J'imagine que vous comprenez également l'importance des travaux que nous menons et le fait que nous sommes assermentés et que nous pouvons recevoir des documents confidentiels et de l'information confidentielle.
Nous ne pourrons pas réaliser notre mandat si nous n'avons pas toute l'information et tous les documents nécessaires pour le faire. J'ose espérer que, de votre côté, vous êtes également consciente de cela. Je vous accorde la bonne foi nécessaire pour faire ce qu'il faut pour que nous ayons cette information et ces documents.
Cela étant dit, j'aimerais clarifier un point.
Avez-vous participé aux discussions du Cabinet avant que la Loi sur les mesures d'urgence soit proclamée?
D'entrée de jeu, je vous souhaite la bienvenue, madame la vice-première ministre. Vous êtes ici en votre qualité de vice-première ministre et de ministre des Finances.
Je dois dire que je suis très préoccupé par la nature de vos réponses. Je suis le quatrième intervenant, mais je ne suis pas sûr que vous ayez apporté des faits nouveaux. Vous citez des articles. Vous citez des gens. Vous parlez de sources premières.
Je vous dirais que nous avons besoin de vous en tant que source principale d'information, vous qui avez appuyé cette mesure. J'ai besoin de savoir si le gouvernement avait, au ministère — dans votre ministère — des faits qui montraient que les répercussions économiques de l'occupation étaient suffisamment importantes pour atteindre le seuil de « menaces envers la sécurité du Canada » défini à l'article 2 de la Loi sur le SCRS. Je ne parle pas de vagues impressions. Je ne parle pas de réputation et de l'image défavorable qu'on pourrait avoir du Canada à l'étranger. Je parle de faits quantifiables que votre ministère aurait présentés pour montrer que le recours à la Loi était inévitable.
Voici la question que je vous pose directement: quelles ont été les répercussions économiques de l'occupation? Ont-elles été suffisamment importantes pour qu'on atteigne le seuil d'une menace envers la sécurité du Canada, aux termes de l'article 2 de la Loi sur le SCRS?
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Si je comprends bien dans quel esprit votre question est posée, je commencerai peut-être par parler un peu des torts causés à l'économie d'Ottawa.
Je signale tout d'abord que la Ville d'Ottawa a publié la semaine dernière un rapport détaillant le coût des barrages illégaux à la Ville d'Ottawa elle-même. Elle a établi le coût à 37 millions de dollars. Larry Andrade, associé chez Deloitte, a calculé que les dommages subis par les entreprises et les employés de la région d'Ottawa pendant la période d'occupation se situaient entre 150 et 207 millions de dollars. Le Conseil canadien du commerce de détail a estimé qu'il y avait des pertes de 3 millions de dollars par jour en ventes.
Quant à la deuxième partie de votre question, qui porte sur notre réflexion, je tiens à assurer les membres du Comité que je suis très consciente du fait que le recours à la Loi sur les mesures d'urgence est une intervention grave. Je sais très bien que c'était une grosse décision. En tant que ministre des Finances, je tiens à vous dire, à vous et aux Canadiens, que la gravité de cette décision a été soupesée, dans ma propre réflexion et dans les discussions à l'intérieur de mon ministère, au regard de la gravité des dommages économiques qui étaient causés. Les dommages économiques se multipliaient. Chaque jour, des dommages précis étaient causés, mais chaque jour, la réputation du Canada en souffrait davantage. C'était un coup dur pour tous les Canadiens qui essaient d'intéresser des investisseurs à notre pays. C'était un coup dur pour tous les Canadiens qui essaient de devenir des fournisseurs d'un partenaire américain. Des chefs d'entreprise canadiens qui ont communiqué avec moi m'ont fait part de leurs vives inquiétudes. J'ai entendu le point de vue de membres du Comité qui m'ont interpellée pendant la période des questions et qui, à l'époque, étaient très inquiets. Bien sûr, je n'étais pas la seule, au ministère des Finances, à travailler sur ce dossier. Mes collaborateurs et mes collègues politiques ont tous entendu exactement la même chose.
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Je vais tenter de poser une autre question qui vous a déjà été posée.
En tant que ministre des Finances, vous connaissez les chiffres.
Pouvez-vous chiffrer les répercussions économiques des mesures qui ont été prises, des blocages et des effets néfastes qu'ils ont occasionnés autrement qu'en citant un rapport de la Ville d'Ottawa trois mois plus tard?
Au moment où vous avez pris la décision, aviez-vous un chiffre en tête pour appuyer cette prise de décision? J'aimerais avoir un chiffre.
On vous a posé la question en anglais, mais je vous la pose en français.
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Il y a dans ce groupe‑ci des sénateurs qui s'y connaissent mieux que moi en matière policière.
En tant que ministre des Finances, je peux vous dire que, constamment, des dirigeants d'entreprises canadiens communiquaient avec moi, mes collaborateurs et mes collègues politiques. Ils étaient très inquiets. Ils m'ont fait part du point de vue de leurs clients et de leurs investisseurs, en des termes très clairs. Ce ne sont pas des gens qui paniquent inutilement. Ils pouvaient vraiment voir s'éroder chaque jour leurs entreprises et, par conséquent, l'économie nationale.
J'ai aussi pris très au sérieux, sénateur Harder, les points de vue exprimés par nos partenaires américains dans les échanges que nous avions, ainsi que dans les déclarations publiques d'hommes ou de femmes politiques américains qui sont à la recherche du moindre prétexte pour imposer des mesures protectionnistes au Canada. Cette occupation et ces blocages illégaux étaient des prétextes parfaits pour faciliter la tâche aux protectionnistes américains qui veulent nous fermer leur marché.
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Je vous remercie, madame la ministre. C'est vraiment à ce genre d'intervention que je songeais. Le 17 février, une injonction Mareva a été présentée par un avocat local et un groupe de gens d'affaires qui ont fait exactement la même chose que la Loi sur les mesures d'urgence. Par conséquent, cette option aurait certainement dû être envisagée.
Je ne pense pas que la GRC ait jamais discuté de la possibilité de recommander le recours à la Loi sur les mesures d'urgence une semaine plus tôt, au moment où nous avons entendu ses représentants. Il sera intéressant de les entendre lorsqu'ils comparaîtront de nouveau.
Puisque l'objectif n'était pas de saisir les avoirs, mais seulement de les bloquer, je suppose que, en posant ma question, je voulais savoir pourquoi le gouvernement n'avait pas pris cette mesure, et vous y avez répondu, merci.
Quels autres moyens avez-vous envisagés, en dehors du recours à la Loi, pour certains avoirs? Il aurait été possible qu'un organe policier, notamment la GRC, vienne en aide au pouvoir civil. La GRC se sert du pouvoir civil probablement bien des fois en une année, le plus souvent pour du matériel. A‑t‑on envisagé cette possibilité, si la Loi sur les mesures d'urgence n'avait pas été invoquée? Si oui, pourquoi le gouvernement a‑t‑il décidé de ne pas se prévaloir de cette possibilité?
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Monsieur le sénateur, en ce qui concerne les pouvoirs dont la GRC estimait avoir besoin, je pense qu'il conviendrait tout à fait de s'adresser directement à elle.
J'ai parlé des ordonnances judiciaires et des démarches beaucoup plus longues qu'elles nécessitaient, puisqu'il fallait une ordonnance pour chaque compte, par opposition à l'approche permise par la Loi sur les mesures d'urgence.
Cela dit, je tiens à souligner une chose: je suis très consciente du fait que les pouvoirs conférés par la Loi sur les mesures d'urgence au sujet du blocage des comptes bancaires sont sérieux, graves. Je reviens donc sur un point que vous avez soulevé. Il s'agissait de bloquer, de suspendre les comptes. Il n'était absolument pas question de confisquer quoi que ce soit. Je tiens également à souligner que ces comptes ont été débloqués dès le 24 février. J'ajoute également que les décisions ont été prises par les institutions financières elles-mêmes en fonction de leur interprétation de la Loi et de leurs échanges avec la GRC.
Il ne s'agissait pas de décisions politiques, et les petits donateurs n'ont aucunement été ciblés.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Madame la ministre, je vous remercie de votre présence aujourd'hui.
Comme vous le savez, madame la ministre, je représente la circonscription d'Ottawa-Centre, qui a été l'épicentre de l'occupation, juste en face de cet édifice. Ce n'était pas seulement dans la rue Wellington, mais au‑delà, dans tout le quartier entourant la Colline du Parlement. Les manifestations ont fait du tort à des centaines de commerces, dont le Centre Rideau, que nous sommes nombreux à fréquenter, j'en suis certain. C'est le plus important centre commercial de la ville et des milliers de personnes y travaillent. La veille de la réouverture au terme du décret de fermeture pris par le gouvernement provincial, ces commerces ont été forcés de fermer leurs portes durant trois semaines consécutives.
Nous avons constaté un impact réel. En fait, mon bureau a répondu à de nombreuses questions provenant de travailleurs et de propriétaires de commerces qui voulaient avoir de l'aide, premièrement pour que nous mettions fin au blocage et à l'occupation, et deuxièmement, pour que nous leur fournissions une aide financière leur permettant de traverser cette période.
D'après votre analyse, pouvez-vous nous parler des préjudices économiques particuliers que vous constatiez à cause de cette occupation et nous dire également quelles auraient été les conséquences économiques pour la ville d'Ottawa si vous n'aviez pas mis fin à l'occupation en invoquant la Loi sur les mesures d'urgence? Pouvez-vous également nous parler de ce qui se passait à Windsor et aux postes frontaliers de Pacific Highway, de Coutts et d'autres et des répercussions que ces barrages ont eues sur l'économie canadienne en général?
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Je vous remercie de votre question, monsieur Naqvi.
Je tiens à vous dire, en votre qualité de député d'Ottawa-Centre, que vos électeurs et vous-même avez été parmi les personnes les plus durement frappées par ce barrage illégal et cette occupation. Le sénateur Harder m'a demandé pourquoi cette situation a pu se poursuivre aussi longtemps. D'après les échanges que nous avons eus, je sais que de nombreux résidents vous ont également posé cette question. Je pense qu'elle est tout à fait légitime.
Je voudrais leur dire, par votre entremise, que je regrette sincèrement et profondément ce qu'ils ont vécu. J'espère qu'avec le temps, ils comprendront que la raison pour laquelle nous avons agi de façon prudente et réfléchie, c'était parce que pour nous, c'était vraiment une mesure de dernier recours. Je suis fermement convaincue que c'était la meilleure chose à faire. C'est ce que je crois maintenant, avec le recul. Ces mesures devaient être prises et elles l'ont été après mûre réflexion.
Quant aux répercussions économiques pour la ville d'Ottawa, comme vous le savez pertinemment, la ville a présenté un rapport faisant état de l'impact direct pour la ville elle-même. Le coût est évalué à 37 millions de dollars. Le Conseil canadien du commerce de détail a calculé que les pertes, juste pour le Centre Rideau auquel vous avez fait allusion, et pour les ventes s'élevaient à trois millions de dollars par jour.
J'ai déjà cité Larry Andrade, de Deloitte, qui a calculé que les préjudices subis par les entreprises et les employés pendant l'occupation d'Ottawa se situaient entre 150 et 207 millions de dollars. Et c'est seulement pour Ottawa. Il s'agit donc d'un impact très très important. Et vous connaissez très bien les répercussions psychologiques et personnelles que cela a eues sur tellement de gens.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Madame Freeland, j'aimerais faire une petite remarque préliminaire.
Tantôt, vous avez dit à M. Brock qu'un juge considérerait qu'il vous harcelait ou qu'il harcelait le témoin. Personnellement, je crois qu'un juge vous dirait que c'est assez et que vous devez répondre aux questions qui vous sont posées. Nous vous en serions reconnaissants.
En ce moment, nous perdons notre temps. Cela fait presque une heure que vous témoignez, mais vous tournez en rond. On vous a demandé ce qui a été fait avant que l'on invoque la Loi sur les mesures d'urgence, mais vous n'avez pas répondu à la question, vous avez patiné. On vous a demandé pourquoi vous aviez attendu si longtemps, mais vous avez encore patiné. Le sénateur Carignan vous a demandé si les États‑Unis vous avaient offert d'envoyer des dépanneuses et vous avez encore patiné. C'est vraiment décevant, madame la ministre.
Je ne sais pas comment nous allons faire pour nous acquitter du mandat que la Chambre des communes nous a donné. Nous avons besoin d'information et de documents, pas d'un spectacle de patinage artistique. Sauf votre respect, je souhaiterais que vous répondiez à nos questions.
Je vais vous le demander une dernière fois: pouvez-vous nous dire, en trente secondes, ce qui a été tenté avant que l'on invoque la Loi sur les mesures d'urgence?
Je suppose que le chronomètre est remis en marche.
Madame la ministre, merci encore de votre présence.
J'ai été déçu de vous entendre dire que c'était une séance de confrontation, parce que je considère que c'est une séance de recherche de faits, tout à fait conforme à la loi. C'est seulement une opinion, parce que je ne pense pas que cela devrait être une confrontation.
Cependant, j'avais plusieurs préoccupations à l'esprit pendant que nous franchissions le barrage. Je vis à Ottawa et, en tant que sénateur, je représente cette ville.
La première, c'est de voir le maire négocier une entente avec des gens qui, nous étions tous d'accord là‑dessus, commettaient un acte criminel. Est‑ce que le fait de voir le maire signer un contrat avec Mme Lich, je pense, pour autoriser les manifestants à ériger une forteresse autour de la Colline du Parlement, en échange de la libération d'autres secteurs, a incité le gouvernement fédéral à invoquer la Loi sur les mesures d'urgence?
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Merci beaucoup, sénatrice.
Tout d'abord, je tiens à remercier très sincèrement le Comité de m'avoir invité et de me donner l'occasion de prendre la parole devant lui aujourd'hui.
Madame la coprésidente, le recours à la Loi sur les mesures d'urgence le 14 février a été le premier depuis la création de la loi en 1988. La décision d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence est une décision importante pour tout gouvernement et, à ce titre, elle mérite un examen attentif. Je suis reconnaissant au Comité de l'excellent travail qu'il accomplit pour jouer ce rôle important au nom de tous les Canadiens.
La responsabilité du maintien de l'ordre public au Canada, de l'application des règlements municipaux, des lois provinciales et du Code criminel relève des corps policiers compétents. Ces derniers ont également l'importante responsabilité de faire respecter la Charte des droits et libertés afin de faciliter les manifestations licites et pacifiques. En Ontario, ces pouvoirs et cette responsabilité sont bien définis dans la Loi sur les services policiers de l'Ontario. Pour la gouverne du Comité — je sais, madame la coprésidente, que c'est un sujet que vous connaissez très bien —, j'ai apporté, dans les deux langues officielles, un exemplaire de la Loi sur les services policiers de l'Ontario qui, je l'espère, vous sera utile.
Au fur et à mesure que les événements et les manifestations se déroulaient, d'abord avec des convois roulant à travers le Canada, puis avec l'établissement d'un campement de manifestants dans la ville d'Ottawa, nous avons pu observer la fortification de ce campement avec des camions lourds et des remorques. Nous avons ensuite été témoins de blocus ciblés, qui ont effectivement bloqué des corridors commerciaux vitaux et coupé le mouvement des biens et des services essentiels vers notre secteur manufacturier et le mouvement des biens et des services essentiels dans tout le pays. Ces blocus, surtout les blocus frontaliers, ont eu des répercussions particulièrement importantes.
Je sais que des témoins précédents ont expliqué au Comité certaines de ces répercussions. J'ai également reçu des lettres de mes collègues ministres en Alberta, du premier ministre du Manitoba et d'ailleurs au pays, expliquant certains des énormes défis que ces barrages représentaient et la menace à la sécurité économique des administrations provinciales et des municipalités de tout le pays. Nous avons également reçu de nombreux rapports d'entreprises de fabrication du secteur privé au sujet de l'impact énorme de ces barrages.
Tout au long de cet événement, nous avons constaté dans de nombreuses administrations — y compris ici même à Ottawa — que les organismes d'application de la loi étaient incapables de régler rapidement et efficacement les comportements graves et nuisibles de certains participants. Par exemple, la police a été incapable d'enlever les camions lourds qui bloquaient bon nombre de rues à Ottawa ainsi que des routes municipales et provinciales à Ottawa, à Windsor, à Emerson au Manitoba, à Coutts en Alberta et Pacific Highway en Colombie-Britannique.
Afin de déterminer pourquoi la police éprouvait ces difficultés, j'ai eu des discussions et j'ai consulté directement les dirigeants de la police et le maire ici à Ottawa, par exemple. J'ai demandé au chef de police d'Ottawa s'il pouvait me dire pourquoi ils n'étaient pas en mesure d'identifier et de remorquer les véhicules. D'après mon expérience — j'ai passé de nombreuses années dans la police —, il me semblait que l'identification et le remorquage de ces véhicules auraient été une étape logique. Le chef m'a toutefois dit, et j'ai accepté son explication, qu'il ne croyait pas que cela pouvait se faire sans provoquer une explosion de violence, et que cela ne pouvait pas être fait en toute sécurité par ses agents chargés de l'application des règlements. Je lui ai ensuite parlé du remorquage des véhicules dans la rue, et il m'a dit qu'en dépit du fait qu'ils avaient conclu un certain nombre de contrats de service avec des entreprises de remorquage dans la région de la capitale nationale, aucune de ces entreprises n'était disposée à venir retirer ces véhicules. Le chef Sloly nous a dit qu'ils se préoccupaient de leur sécurité ou de leurs relations d'affaires avec l'industrie du camionnage. Quoi qu'il en soit, ils avaient décidé de ne pas intervenir.
Il est ressorti les mêmes renseignements, soit dit en passant, de mes discussions avec le ministre McIver, en Alberta, qui a indiqué qu'ils n'étaient pas en mesure d'assurer la sécurité des dépanneuses pour remorquer les véhicules qui bloquaient l'autoroute Coutts. Il a demandé, et nous avons examiné, s'il y avait d'autres dépanneuses à la disposition du gouvernement canadien. Nous avons dressé la liste des véhicules à la disposition des Forces armées canadiennes, par exemple, et on nous a dit qu'elles n'avaient pas les véhicules appropriés à cette fin et qu'elles n'étaient pas en mesure d'aider. Le problème a donc traîné en longueur.
J'ai également eu des discussions avec la commissaire de la GRC au sujet des défis que devait relever la GRC dans l'élimination des barrages routiers sur l'autoroute de Coutts. J'ai demandé pourquoi on ne recourait pas à l'Alberta Traffic Safety Act pour détourner la circulation à l'extérieur de ces routes ou pour remorquer les véhicules qui bloquaient la circulation. La commissaire m'a informé que selon les renseignements qu'elle détenait et relativement auxquels ils menaient une enquête, on soupçonnait la présence d'armes à feu chez les participants à ce blocus en particulier. Elle était, à juste titre, très préoccupée par la sécurité de ses agents qui auraient participé à l'opération, mais en fin de compte, on m'a dit que, tant qu'ils n'étaient pas en mesure — par la suite, au terme d'une enquête — de procéder à des arrestations et de saisir ces armes, le contexte ne leur permettait pas d'invoquer les pouvoirs à leur disposition en vertu des lois municipales, provinciales et fédérales.
Par conséquent, ces barrages ont persisté pendant une assez longue période, soit plus de deux semaines en Alberta et plus de sept jours à Windsor. Tout au long de cette occupation, on nous a également informés qu'il y avait une forte probabilité que d'autres barrages soient érigés aux points d'entrée, comme au pont Blue Water à Sarnia, sur Pacific Highway à Surrey ou au Peace Bridge à Fort Erie. Nos fonctionnaires nous ont fourni de l'information solide indiquant que les participants à ces barrages avaient l'intention de retourner aux endroits qu'ils avaient déjà bloqués ou de bloquer de nouveaux points d'entrée parce que c'était une tactique très efficace.
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Merci, madame la coprésidente.
Merci, monsieur le ministre, d'être ici.
Monsieur le ministre, vous venez de nous expliquer que vous avez eu de nombreux contacts avec les responsables de l'application de la loi avant l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence, et pourtant, lorsque mon collègue, M. Fortin, a demandé au témoin précédent, la , si elle avait parlé à la police, elle a dit qu'il serait tout à fait inapproprié qu'un ministre fasse une telle chose.
Lequel de vous deux a raison?
Monsieur le ministre, lorsque vous étiez chef du Service de police de Toronto en 2010, vous aviez près de 20 000 policiers supplémentaires à votre disposition pendant le sommet du G20. Ce soutien vous a été fourni — financé et organisé — par le gouvernement fédéral.
Ici, à Ottawa, nous avons accueilli l'ex‑chef de police Sloly, qui a témoigné devant le Comité, et les médias ont révélé qu'il ne demandait au gouvernement fédéral que 1 800 agents, soit environ le dixième de ce que l'on vous avait fourni à Toronto.
Pourquoi n'avez-vous pas mis l'accent sur la prestation de ces ressources au lieu d'invoquer des pouvoirs extraordinaires sans précédent dans la Loi sur les mesures d'urgence?
Les consultations que j'ai eues avec les forces del'ordre portaient sur l'exercice de leurs fonctions en vertu des règlements municipaux, des lois provinciales et du Code criminel. Elles avaient clairement des difficultés à atteindre l'objectif légitime de rétablir l'ordre public à Ottawa, de protéger la population de la ville et d'ouvrir ces corridors commerciaux vitaux qui étaient bloqués. Les forces de l'ordre avaient clairement du mal à le faire, et il me fallait comprendre pourquoi. J'ai posé un certain nombre de questions aux responsables policiers sur la façon dont leurs forces s'acquittaient de leurs fonctions et sur les obstacles qu'elles rencontraient pour faire leur travail.
Avant d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence, le gouvernement doit notamment veiller à ce qu'aucune autre loi du Canada ne puisse s'appliquer dans ces circonstances. Je pense qu'il était absolument essentiel et approprié de consulter les forces de l'ordre pour comprendre pourquoi elles n'étaient pas en mesure d'atteindre cet objectif légitime afin que nous puissions, en fonction des renseignements qu'elles nous fournissaient, prendre des décisions sur ce qui leur permettrait de rétablir l'ordre, de rétablir la paix, d'ouvrir ces corridors commerciaux et de mettre fin à ce qui était clairement une urgence nationale.
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C'est une question très importante. Nous avons examiné très attentivement ce qui se passait à Ottawa, à Windsor, à Coutts, en Alberta, et partout au pays. Nous avons pris une décision, en nous fondant sur les renseignements que nous transmettaient nos fonctionnaires et les forces de l'ordre locales, au sujet des défis auxquels ils faisaient face.
Vous remarquerez dans ces dispositions, par exemple, que de nombreuses administrations nous ont dit qu'elles étaient pratiquement dans l'incapacité d'obtenir les dépanneuses dont elles avaient besoin pour évacuer les gros camions lourds qui étaient utilisés dans les blocages. Ces véhicules ont ancré les barrages et il était presque impossible pour la police de trouver une solution pacifique à ces manifestations en raison de la présence de ces camions, cependant elle n'était pas en mesure de les évacuer. Nous avons ajouté une disposition dans la loi qui nous permettait d'exercer un certain contrôle et de réquisitionner ces véhicules auprès des entreprises de remorquage. Je pense qu'en réalité ces entreprises étaient reconnaissantes que nous ayons pris cette mesure, parce que cela leur a permis de faire leur travail sans crainte de représailles.
Nous avons donc inclus cette disposition. C'est une mesure extraordinaire. Je tiens à préciser que nous avons travaillé en étroite collaboration avec la province de l'Ontario qui quelques jours plus tôt, comme vous vous en souviendrez, avait invoqué sa propre loi sur les mesures d'urgence avec un certain nombre de mesures très importantes. Mais la province n'a pas réglé le problème auquel les forces de l'ordre étaient confrontées, alors nous l'avons fait dans le cadre de notre loi.
Il y avait aussi des questions concernant la nécessité de désigner certaines zones à protéger afin que la police puisse prendre des mesures efficaces pour le faire. Par exemple, nous avons la Loi sur les ponts et tunnels internationaux qui protège le pont Ambassador, mais elle ne s'appliquait pas dans ces circonstances, parce que les barrages ont été érigés sur une route municipale. Nous devions avoir la capacité d'exercer un contrôle sur cette zone et de la désigner comme lieu à protéger en vertu de la Loi sur les mesures d'urgence. Cela n'était pris en charge par aucune autre loi fédérale, provinciale ou municipale.
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Oui, monsieur. Tout d'abord, il y avait un lien évident entre les manifestations et les blocages qui se déroulaient ici à Ottawa d'une part, et, pour parler clairement, les personnes qui aidaient la manifestation par l'entremise de collectes de fonds et d'autres activités ainsi que les porte-parole de la manifestation d'autre part. Nous voyions ces convois roulant, et ils surgissaient à un certain nombre de points d'entrée. À mon avis, le choix de ces points d'entrée a représenté une menace très importante pour la sécurité nationale, parce qu'il s'agit d'infrastructures essentielles. Ces corridors de transport, ces routes de ravitaillement essentielles, le lien avec le secteur manufacturier en Ontario et dans d'autres régions du Canada sont des infrastructures essentielles pour notre pays.
Nous pensions qu'il était nécessaire de mettre fin aux blocages à Ottawa et de mieux protéger tous ces points d'entrée en raison des problèmes que les forces de l'ordre avaient rencontrés pour les maintenir ouverts.
Nous avons eu quelques succès. Par exemple, à la suite d'une enquête de la GRC, un certain nombre de personnes ont été arrêtées pour des crimes très graves. Le barrage a été levé à Coutts, mais il a persisté à Emerson et sur l'autoroute du Pacifique. Il a fallu sept jours pour ouvrir le corridor à Windsor, mais nous recevions de solides renseignements, et, franchement, les manifestants ont dit haut et fort qu'ils allaient se rendre au pont Blue Water à Point Edward. Ils voulaient se rendre au Peace Bridge. Ils étaient menaçants, et nous estimions que ces points d'infrastructure essentiels étaient également en péril. Des mesures préventives ont été prises pour décourager ces actions et pour le faire d'une manière qui ne nécessitait pas le recours à une force écrasante. Il s'agissait plutôt de créer de fortes désincitations à la perturbation durable des infrastructures essentielles, ce qui constitue une urgence nationale.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Bonjour, monsieur Blair.
Monsieur Blair, je vous remercie de votre témoignage. Vous êtes peut-être l'un de ceux qui ont été les plus clairs jusqu'à maintenant, et j'en suis ravi.
Nous nous entendons sur le fait que le convoi qui est venu bloquer la rue Wellington à Ottawa était déjà annoncé depuis un certain temps. Un article paru dans Le Nouvelliste le vendredi 20 janvier 2022, soit une semaine avant l'arrivée du convoi, disait que:
[...] vendredi de la semaine prochaine, les camionneurs se réuniront avant l'aube aux postes frontaliers de Saint‑Théophile dans Chaudière‑Appalaches, de Stanstead en Estrie et de Saint‑Bernard‑de‑Lacolle, en Montérégie, avant de se regrouper dans le secteur de l'autoroute 40 à Vaudreuil, à l'ouest de Montréal, pour prendre la route d'Ottawa.
Des camionneurs en colère doivent aussi provenir ce jour-là d'autres provinces canadiennes. La manifestation à Ottawa devrait culminer vers midi, selon ce qui est prévu.
Dans les journaux, on prévoyait au moins une semaine d'avance la venue à Ottawa d'un convoi qui regroupait beaucoup de camions d'un peu partout au Canada, et même des États‑Unis.
Vous êtes ministre à cette époque. Qu'est-ce qui se passe au Conseil des ministres? Quelqu'un dit-il qu'il faudrait faire quelque chose, qu'il faudrait empêcher ce qui s'en vient?
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J'ai une note devant moi. Je vais vous en lire une partie, si vous le permettez, sénatrice.
Tout d'abord, le 11 février, le premier ministre de l'Ontario a déclaré l'état d'urgence à l'échelle de la province, en raison de « la perturbation de l'infrastructure de transport » et « d'autres infrastructures essentielles » partout dans la province. Des ordonnances ont été rendues au sujet des autoroutes de la série 400, des aéroports, des hôpitaux, etc., outre une ordonnance interdisant un certain nombre d'activités, dont les déplacements à destination et en provenance d'infrastructures essentielles.
À ce que je sache, et cela me paraît assez important, le décret d'urgence n'a pas créé de pouvoir d'arrestation. Il n'a pas abordé la question des dépanneuses. Il ne nous permettait pas de réserver des espaces pour les activités policières nécessaires à la protection des lieux. Il n'y était pas question de mesures financières susceptibles de régler efficacement certains des problèmes auxquels nos agents de suivi financier étaient confrontés.
Lorsque l'administration provinciale a jugé bon de rendre des ordonnances, elle l'a fait. Soit dit en passant, on y prévoyait un certain nombre d'amendes qui, à ma connaissance, n'ont pas vraiment été appliquées. Mais je crois que les forces de l'ordre avaient besoin de pouvoirs supplémentaires pour trouver une solution pacifique à la situation et pour faire face à ce que nous pensions très sincèrement être une menace importante pour la sécurité nationale et, par conséquent, une urgence. Nous avons donc adopté des mesures qui n'étaient prévues ni dans la loi de réglementation en vigueur ni dans la déclaration d'urgence de l'Ontario.
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Cela ne nous était pas possible en vertu des pouvoirs législatifs régissant les services de police à Ottawa et en Ontario. Je pense que les responsabilités sont très clairement énoncées.
Par ailleurs, ce n'est pas une responsabilité fédérale, si je peux, en tout respect, me permettre de le rappeler. La prestation de services de police suffisants et efficaces incombe d'abord et avant tout à la commission locale des services de police. Et, au final, la responsabilité en revient au solliciteur général de la province de l'Ontario.
J'ai eu un certain nombre de conversations avec le solliciteur général et avec des chefs de police au sujet de l'aide fournie dans la province et ailleurs. Nous avons discuté, par exemple, de la situation sur le pont de Windsor. En fait, je connais le commissaire de la PPO, tout comme vous. C'est un chef de police très expérimenté et compétent. J'ai beaucoup de respect et de confiance à l'égard des dirigeants de tous les services de police qui sont venus à la rescousse, mais ils affrontaient des situations auxquelles les pouvoirs juridiques en vigueur — à l'échelle municipale, provinciale et fédérale — ne leur permettaient pas de trouver une solution pacifique.
C'est sur la foi de ces renseignements que nous avons pris des décisions sur ce qu'il fallait faire pour faciliter cette solution pacifique.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci de votre visite, monsieur le ministre.
Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier de votre franchise, non seulement ce soir, mais tout au long de l’événement. Je remarque, par exemple, qu’au début du processus d’observation de ce mouvement d'occupation, vous avez dit que la police devait faire son travail. Ce soir, vous avez reconnu que les forces de l’ordre n’étaient pas en mesure de trouver une solution pacifique à ce problème.
Nous avons eu le plaisir d'observer tout cela à Ottawa, et pendant plusieurs jours. Pourquoi a‑t‑il fallu tant de temps au gouvernement pour en arriver à la conclusion qu’il fallait agir?
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Je n’ai pas personnellement pris part aux opérations policières. En fait, j’ai beaucoup de respect pour l’intégrité opérationnelle et l’indépendance de la police pour ce qui est de la prise de décisions. La police est régie par la primauté du droit, par la Charte des droits et libertés, et je m’attends à ce que ses interventions soient efficaces et proportionnelles.
Nous avons constaté que, pendant un certain nombre de semaines, les forces de l’ordre, particulièrement ici à Ottawa, mais pas seulement, n’avaient pas été en mesure de résoudre rapidement cette paralysie des infrastructures essentielles au pays. Les barrages routiers à Windsor, par exemple, ont duré sept jours. Au bout du compte, la police a réussi à briser le siège, mais à un coût énorme non seulement pour l’économie du Canada, mais aussi pour les gens. Les travailleurs, qui étaient au ralenti quand leurs usines ont dû fermer, ont perdu des heures de travail. Ils ont perdu leur capacité de subvenir aux besoins de leur famille et de la nourrir.
Ces barrages ont eu un impact très réel sur ces Canadiens.
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Bonsoir, monsieur le ministre. Je tiens à vous remercier sincèrement de votre présence aujourd’hui.
Dans la foulée des observations du sénateur Harder, je tiens à vous remercier sincèrement de votre franchise et de votre disponibilité à répondre convenablement à toutes les questions qui vous ont été posées. Vous ne vous êtes pas montré agressif et vous nous avez donné des réponses détaillées.
Tout le processus vise à découvrir la vérité, à déterminer s’il était légalement justifié d'invoquer la loi. Contrairement à la , qui a fait perdre 90 minutes d'un temps précieux au Comité, je vous en remercie sincèrement.
Je commencerai toutefois par vous dire tout mon étonnement et toute ma confusion de constater qu’une personne de votre expérience au sein du gouvernement, une personne ayant votre expérience des services de police pendant plusieurs décennies, une personne ayant participé à l’invocation de pouvoirs d’urgence qui n’ont jamais été utilisés dans l’histoire de ce pays n'ait pas pris de notes. Je trouve cela absolument incroyable.
Je vous pose carrément la question. Êtes-vous en train de dire au Comité que, dans vos échanges avec le Cabinet ou vos fonctionnaires, vous n’avez pas pris de notes? Vous n’avez jamais pris de notes, peu importe le nombre de réunions?
Si je puis me permettre, l’une des choses que le ministre de l’Alberta demandait était... Il essayait d’avoir accès à des dépanneuses. Il ne pouvait pas les obtenir des entreprises de remorquage de l’Alberta qui ne voulaient tout simplement pas intervenir, pour un certain nombre de raisons que le ministre m’a expliquées. Il a demandé si les Forces armées canadiennes disposaient de véhicules adaptés pour remorquer jusqu’à 70 véhicules de l’autoroute Coutts, et nous nous sommes renseignés. C’est une de mes responsabilités, parce que je réponds aux demandes d’aide.
Nous nous sommes informés auprès des Forces armées canadiennes qui nous ont indiqué qu’elles n’avaient pas de véhicules appropriés. Le ministre McIver n’était pas le seul à avoir de la difficulté à faire retirer ces véhicules. Ils faisaient office de point d'ancrage des manifestations. C’était vraiment un défi important pour les organismes d’application de la loi et cette demande illustre certains des défis qu’on nous demande de relever.
Nous avons réagi, grâce à l’une des mesures de la Loi sur les mesures d’urgence, en mettant ces véhicules à la disposition de ceux qui en avaient besoin.
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Dans ce document, il est indiqué que le premier ministre de l'Alberta a déclaré sur Twitter que le gouvernement albertain s'opposait à l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence. Il s'y opposait le 14 février 2022.
Ensuite, il est indiqué que la première ministre du Manitoba a déclaré que la situation variait considérablement selon la province et le territoire. Elle a dit, au sujet de cette déclaration, ne pas être convaincue pour le moment que la Loi sur les mesures d'urgence devrait être appliquée au Manitoba. Vu la vaste portée de cette loi jamais invoquée encore et le signal que donne son utilisation, elle était d'avis qu'il n'était pas constructif d'y avoir recours au Manitoba.
Ainsi, le 14 février 2022, les premiers ministres respectifs du Manitoba et de l'Alberta vous ont dit qu'ils n'avaient pas besoin de la Loi sur les mesures d'urgence.
Or, le gouvernement l'a quand même invoquée. Ne trouvez-vous pas cela un peu étonnant?
Monsieur le ministre, j'ai déjà parlé de la juxtaposition des différents styles de police. J'ai parlé de ce qui s'est passé avec les Wet'suwet'en et la « force dominante pouvant être mortelle ». Nous avons parlé du G20.
À votre avis, que pensez-vous de la juxtaposition? Comment expliquez-vous aux Canadiens que les gens qui protestaient contre le G20 se sont retrouvés face à des policiers en tenue anti-émeute, qu'ils se sont fait bousculer et ont été généralement privés de leurs droits garantis par la Charte, tandis qu'on se trouvait à dérouler le tapis rouge pour les manifestants à Ottawa? On leur a permis d'être hébergés à l'extérieur de la ville, et on a souvent eu l'impression qu'il existait une sorte de collaboration entre la police et les manifestants occupant les lieux.
Pouvez-vous nous parler de la juxtaposition de ces deux états des services policiers au Canada?
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Je vous remercie, madame la présidente.
Monsieur le ministre, j'ai lu les deux lettres que vous nous avez remises. Les premiers ministres respectifs du Manitoba et de l'Alberta vous demandent que le gouvernement fédéral prenne des mesures, mais il n'est mentionné nulle part que l'on vous demande d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence. On vous demande de les aider en fournissant du matériel et du personnel pour remorquer les véhicules.
Encore une fois, quand nous regardons l'annexe dont nous parlions tantôt, nous constatons que trois provinces ont demandé l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence. Il s'agissait de l'Ontario, de la Colombie‑Britannique et de Terre‑Neuve‑et‑Labrador. Les autres provinces s'y opposaient toutes.
Monsieur le ministre, sur quoi vous êtes-vous basé au juste pour invoquer la Loi sur les mesures d'urgence? Les provinces n'en voulaient pas, les policiers ne vous le demandaient pas.
Sur quoi vous êtes-vous basé pour décider d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence?