Bonsoir à tous. Bienvenue à cette réunion du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.
Je souhaite la bienvenue aux membres du Comité, aux témoins et à ceux qui suivent cette réunion sur le Web.
Je m'appelle Marc Garneau, et je suis, désigné par la Chambre des communes, coprésident du Comité. Je suis accompagné de l'honorable Yonah Martin, désignée coprésidente du Comité par le Sénat.
Nous poursuivons aujourd'hui notre examen des dispositions du Code criminel relatives à l'aide médicale à mourir et de leur application.
[Français]
Vous connaissez tous les directives du Bureau de régie interne concernant les protocoles sanitaires, je ne suis donc pas obligé de les répéter. J'espère que vous allez tous les respecter.
J'aimerais aussi rappeler aux membres et aux témoins de mettre leur microphone en sourdine en tout temps, à moins que la présidence ne vous nomme. Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la co-présidence. Lorsque vous parlez, s'il vous plait, exprimez-vous lentement et clairement.
Les services d'interprétation offerts pour cette vidéoconférence sont les mêmes que ceux qui sont offerts pour une réunion en personne. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir entre le parquet, l'anglais ou le français.
[Traduction]
Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous devons prendre un moment pour régler une question interne.
Le mercredi 20 avril, le Sous-comité du programme et de la procédure s'est réuni pour discuter des travaux du Comité et a formulé des recommandations. Celles‑ci, pour être mises en application, doivent être entérinées par le Comité, conformément à la procédure de la Chambre des communes.
Voici ces recommandations: premièrement, que les audiences soient divisées en trois groupes d'une heure chacun; deuxièmement, que les mémoires écrits soient reçus au plus tard le 9 mai et ne dépassent pas 1 000 mots; troisièmement, que les témoignages d'aujourd'hui proviennent de praticiens et de membres de la famille et que le thème de la prochaine réunion soit les soins palliatifs; quatrièmement, que les thèmes à étudier soient les soins palliatifs, les directives anticipées, les handicaps, les mineurs matures et la santé mentale, dans cet ordre.
Les greffiers ont distribué le rapport du Sous-comité du programme et de la procédure. Les membres souhaitent-ils proposer des changements au rapport ou sont-ils disposés à l'adopter tel quel?
Quelqu'un souhaite‑t‑il apporter un changement?
Personne ne se manifeste. Plaît‑il au Comité d'adopter le rapport?
Je constate qu'il y a unanimité.
Cette question étant réglée, je souhaite la bienvenue à nos témoins du premier groupe et je cède la parole à la sénatrice Yonah Martin.
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Merci, monsieur Garneau.
J'aimerais présenter nos témoins. Nous accueillons d'abord le Dr Félix Pageau, gériatre, éthicien et chercheur, Université Laval, qui témoignera à titre personnel. Nous entendrons ensuite la Dre Stefanie Green, présidente de l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'aide médicale à mourir, praticienne de l'AMM et conseillère du ministère de la Santé de la Colombie-Britannique, ainsi que deux représentants de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, Tim Guest, son directeur général, et Barbara Pesut, titulaire de la chaire de recherche principale en soins palliatifs et en soins de fin de vie, Université de la Colombie-Britannique, à Okanagan.
Avant de laisser la parole à nos témoins, je voudrais faire quelques observations à leur intention.
Avant d'intervenir, veuillez attendre que je vous désigne nommément. Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la coprésidence. Lorsque vous parlez, exprimez-vous, s'il vous plaît, lentement et clairement. Les services d'interprétation seront disponibles pendant cette vidéoconférence, comme pour une réunion en présentiel. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir entre le parquet, l'anglais et le français. Lorsque vous ne parlez pas, assurez-vous de mettre votre microphone en sourdine.
Cela étant dit, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins. Vous avez chacun cinq minutes. Nous allons commencer.
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Bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de faire cette présentation.
Je vais vous lire les lignes principales de mon mémoire.
Des organismes canadiens et québécois donnent à penser que l'aide médicale à mourir pour les gens atteints de troubles neurocognitifs majeurs pourrait réduire leurs souffrances. On suppose aussi que la démence peut être vue comme une tare horrible et que ce serait la vision de la majorité des Canadiens et des Québécois. Ceux qui craignent d'être atteints de troubles cognitifs iront jusqu'à souhaiter leur propre mort. Nous vous démontrerons dans ce court mémoire les raisons pour lesquelles il n'est pas éthique de permettre l'administration de l'aide médicale à mourir, ou AMM, pour les gens atteints de démence par la voie de directives médicales anticipées, ou DMA.
Mon argumentaire est de trois ordres: il est pratique, il est lié aux émotions et il est sous-tendu par le principe d'autonomie mise en contexte.
J'aborderai d'abord le côté pratique. Sur le plan des soins de santé au Canada, il subsiste un manque important de gériatres. Bien que plusieurs médecins de famille évaluent les démences et leurs conséquences, il semble qu'un regard expert soit nécessaire à la détermination du niveau de souffrance d'une personne en démence avancée. Il est très difficile de prédire avec certitude l'évolution d'une maladie cognitive. Peu de critères fiables existent aussi pour juger de la douleur, des atteintes de l'humeur et de la souffrance existentielle. Souvent, lorsque aucun outil fiable n'existe en clinique, l'avis d'un expert est demandé. En ce qui concerne la démence avancée, il existe peu d'experts du genre, soit les gériatres, les gérontopsychiatres et les médecins qui travaillent en CHSLD ou en maisons de soins infirmiers. Il y a très peu de ces spécialistes au Canada.
Aussi, aux Pays‑Bas, le seul pays où l'on permet l'euthanasie par demande anticipée, la majorité de ces médecins experts ne suivent pas les directives médicales anticipées, car, souvent, ces dernières ne sont pas assez claires ou sont même incohérentes relativement à la réalité des soins. Ainsi, en pratique, l'AMM par DMA n'est pas applicable au Canada à cause du manque de spécialistes en mesure d'évaluer les gens atteints de démence qui souhaiteront avoir recours à l'AMM. Aussi, lorsqu'on permet l'accès à l'euthanasie par directives médicales anticipées, comme aux Pays‑Bas, ces dernières ne sont que très rarement applicables.
De plus, au Québec, un groupe de chercheurs a souligné que les Québécois participant à leur étude ne comprenaient pas vraiment ce que sont l'AMM et les directives médicales anticipées. Or ce n'est pas l'argument éthique le plus fort, car on pourrait augmenter considérablement le nombre de gériatres, de gérontopsychiatres et de médecins en CHSLD. Ce serait évidemment tout un défi, mais ce n'est pas impossible dans l'absolu. Avec plus de recherche en gérontologie, on pourrait établir des échelles d'évaluation de la souffrance physique, psychologique et existentielle fiables pour les patients atteints de démence avancée. Encore faut-il financer suffisamment ces recherches.
Finalement, guidés par leur médecin pour remplir leurs DMA, les patients pourraient écrire des directives qui ont du sens selon leur réalité clinique, ou presque. Il importe donc d'analyser d'autres arguments émotifs et éthiques contre l'AMM pour les patients atteints de démence.
Je parlerai maintenant de la peur de la déchéance. La démence cause des pertes d'autonomie fonctionnelle. Cela signifie qu'elle cause des difficultés à effectuer les tâches domestiques et quotidiennes. Nous comprenons, bien sûr, que les gens aient peur de devenir déments en raison de l'hécatombe vécue dans les CHSLD et les maisons de soins infirmiers à cause de la pandémie de la COVID‑19. Cette crainte n'est qu'en partie justifiée, par contre. Il y a eu des manques de soins et il faudra encore améliorer les services gériatriques. On pourra former et embaucher plus de soignants au Canada. Aussi, la valorisation du travail des proches aidants et l'ajout de ressources de tout ordre seront essentiels.
Au-delà de la volonté forte d'améliorer les soins gériatriques au Canada, d'autres interventions seront nécessaires pour réduire la crainte de la « déchéance » liée aux pertes cognitives. Il nous faut aussi lutter contre l'âgisme ambiant. Ce terme désigne la discrimination des personnes âgées par des attitudes malveillantes, des comportements désobligeants et des paroles blessantes. Le corps médical et la culture ambiante sont empreints d'âgisme en Occident, et cela mène à des dérives. Selon nous, l'une d'elles est l'AMM pour les patients atteints de démence avancée. Bien souvent, l'aîné qui se trouve en situation de vulnérabilité en raison de troubles cognitifs n'est plus considéré comme un citoyen à part entière puisqu'il ne travaille pas et n'est pas rentable pour la société. C'est la vision de l'économie libérale de la personne humaine, qui définit la valeur d'un individu par sa capacité de travailler, et elle est fausse. Elle mène à la discrimination, et même à la haine des personnes souffrant de démence. On suppose une déchéance, parce que l'individu a des handicaps, une maladie mentale et des atteintes cognitives liés à la démence. Or nous devrions, comme Canadiens et Canadiennes, nous porter à la défense des aînés vulnérables.
Suivant mon expérience professionnelle, il faut même parfois convaincre les gens âgés qu'ils ont encore une valeur malgré leur déficit cognitif ou leur maladie psychiatrique. En effet, les personnes âgées peuvent intérioriser cette haine d'eux-mêmes. Ce que j'entends par « intérioriser » est un concept bien connu pour d'autres formes de discrimination. La personne qui entend fréquemment des propos désobligeants envers elle finira par croire que ses supposés défauts ou problèmes sont réels. C'est la même chose pour l'âgisme. Même si elle devrait se défendre, la personne en vient à accepter, et même à croire les préjugés négatifs envers elle, et elle en arrive à demander l'AMM. Toutefois, il faut reconnaître sa valeur individuelle, qui ne se limite pas à son âge, à sa productivité ou à l'absence de handicap.
L'individu humain a une valeur intrinsèque: c'est la dignité, la vraie, celle qu'on ne peut jamais perdre, au sens du philosophe Emmanuel Kant.
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Je remercie le Comité de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à lui aujourd'hui.
Je suis ici à titre de présidente de l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM, les spécialistes cliniques de l'aide médicale à mourir au Canada, et en tant que praticienne d'expérience.
Comme mes observations sont forcément limitées, je ne m'attarderai pas sur les éléments de la mise en œuvre qui se sont avérés importants et réussis. Ceux‑ci sont étoffés dans mon mémoire, mais je vais souligner les plus importants et je suis disposée à en discuter davantage si vous le souhaitez.
Le fait d'autoriser l'aide médicale à mourir administrée par un clinicien, le fait de ne pas limiter l'aide médicale à mourir aux cas de maladie en phase terminale ou de mort imminente et le fait d'assurer simultanément un très bon accès aux soins palliatifs sont tous des points essentiels à des soins de grande qualité pour les Canadiens.
Je souligne que le projet de loi a corrigé l'inconstitutionnalité de l'exigence d'une mort naturelle raisonnablement prévisible, a supprimé le délai problématique de 10 jours et a ajouté une importante renonciation au consentement final. Les données recueillies à ce jour laissent voir que le nombre de Canadiens qui ont accès à l'aide médicale à mourir et qui la reçoivent est conforme aux prévisions, et que ceux qui y ont recours se retrouvent, de façon disproportionnée, parmi les gens favorisés, par rapport gens vulnérables sur le plan socioéconomique. Bravo.
Dans le cadre de mon travail, j'ai vu des preuves de la distinction entre ce que certains pourraient souhaiter confondre: l'aide médicale à mourir et le suicide. Le suicide est presque toujours un événement dramatique, souvent violent, fréquemment impulsif, qui s'accomplit habituellement dans la solitude ou le secret. Il a des séquelles dévastatrices pour les familles, les premiers intervenants et, souvent, des collectivités entières. En revanche, l'aide médicale à mourir implique un cadre juridique, un processus rigoureux, la participation de multiples professionnels de la santé et la possibilité d'y associer de nombreux proches. J'ai été témoin des effets thérapeutiques du simple fait de dire aux gens qu'ils sont admissibles à l'aide à mourir et j'ai vu des gens vivre plus longtemps qu'ils pensaient pouvoir le faire parce qu'ils avaient cette option. Comme un collègue l'a dit si éloquemment, le suicide implique une certaine forme d'autodestruction, tandis que l'aide à mourir est une forme d'autopréservation. Ce n'est tout simplement pas la même chose.
Ce travail a été particulièrement difficile au début: absence de formation, de documents d'orientation et de normes. L'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM et d'anciens praticiens ont comblé ce vide et, bien que nous soyons extrêmement fiers de tout ce que nous avons accompli, je cite une collègue qui, il y a quelques jours à peine, déplorait le manque de praticiens dans sa région. Elle a dit: « Le gouvernement fédéral doit travailler avec les établissements de formation en médecine et en soins infirmiers, ainsi qu'avec les ministères provinciaux de la Santé, pour régler la pénurie de prestataires et d'évaluateurs, sans quoi ces changements seront sans effet. » Nous sommes tout à fait d'accord. Je vous invite à consulter mon mémoire pour connaître les facteurs qui jouent.
L'établissement d'un système à deux voies d'accès à l'AMM a amené certains praticiens à s'en retirer en raison de la complexité, réelle ou perçue, du processus, ainsi que de la catégorie de patients. Le projet de programme d'études de l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM, financé par le gouvernement fédéral, est une étape importante et positive pour aider à corriger le grave manque d'uniformisation des soins au pays. Il aidera à établir une norme de pratique et devrait inspirer aux cliniciens et au public un certain degré de confiance. Toutefois, le manque de compétences ou de ressources accessibles pour les patients continue de nuire aux efforts concrets. Des cliniciens ont commencé à éprouver de la détresse devant les situations où des personnes admissibles à l'AMM éprouvent des souffrances principalement attribuables à un manque de ressources appropriées. Nous ne suggérons aucunement que l'AMM soit réduite du fait des défaillances de notre société; nous préconisons fortement plutôt que l'AMM et les ressources communautaires consacrées à la santé mentale, aux soins palliatifs et aux soutiens aux personnes handicapées soient élargies et financées en parallèle.
Du fait de mon expérience en médecine familiale, j'ai vu le tourment des familles aux prises avec l'insoutenable, la naissance d'un enfant non viable ou frappé d'une maladie incurable, et j'ai parcouru ce chemin avec elles. Déjà des mineurs matures au Canada prennent leurs propres décisions en matière de soins de santé en refusant ou en acceptant des produits sanguins ou en exerçant des choix en santé génésique, par exemple. Nous avons déjà fait l'expérience de vérifier leur capacité de prendre des décisions indépendantes. Dans la situation catastrophique de mineurs matures atteints d'une maladie qui cause des souffrances insupportables et qui, dans de très rares cas, pourraient demander l'accès à l'AMM, exercer une discrimination en fonction de l'âge semble indéfendable, et carrément cruel. Malgré une réticence initiale, vous pourriez bien trouver que la question d'une mesure de sauvegarde de l'AMM pour les mineurs matures sera la plus claire de toutes celles que vous avez à examiner.
Je vais laisser à d'autres le soin de parler des demandes anticipées, sauf pour signaler que le manque de disponibilité est la préoccupation dont on me parle chaque fois que je fais un exposé sur l'AMM. Nous exhortons le Comité à entreprendre un examen exhaustif des rapports et recommandations antérieurs et actuels, à demander l'avis des cliniciens de première ligne et à prendre une décision sur cette question que la majorité des Canadiens souhaitent voir réglée.
En terminant, je tiens à vous dire que je ne sais toujours pas à quoi tiennent les problèmes d'accès. Est‑ce qu'ils découlent de la loi fédérale ou est‑ce que ce sont les établissements financés par les contribuables provinciaux qui sont réticents? Les cliniciens chargés de ce travail sont encore beaucoup trop rares. Aidez-nous à en former. Rémunérez-nous et donnez des ressources suffisantes à nos collectivités, sans quoi nous ne serons pas en mesure d'aider les gens de la façon que vous nous demandez de le faire.
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Merci, madame la coprésidente, monsieur le coprésident, ainsi que les membres du Comité.
Nous sommes heureux d'être invités à vous communiquer le point de vue des infirmières et infirmiers sur cette importante étude. Je m'adresse à vous aujourd'hui depuis Mi'kma'ki, le territoire ancestral et non cédé des Micmacs.
Je m'appelle Tim Guest, et je suis infirmier autorisé et directeur général de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada. Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Barbara Pesut, infirmière autorisée et titulaire de la chaire de recherche principale en soins palliatifs et en soins de fin de vie à l'Université de la Colombie-Britannique.
L'AIIC est le porte-parole national et mondial de la profession infirmière au Canada et représente les infirmières et infirmiers dans les 13 provinces et territoires. Nos 440 000 membres touchent la vie des patients à chaque point d'intervention et aucun groupe de fournisseurs de soins n'a autant d'interaction directe avec le public lorsque surviennent des problèmes humains complexes, comme l'aide médicale à mourir.
Les infirmières et infirmiers ont acquis une connaissance et une expérience considérables de la pratique de l'AMM depuis près de six ans, et ont de précieuses connaissances à partager. En fait, les infirmières et infirmiers sont les professionnels de la santé les plus consultés lorsque les praticiens de l'AMM cherchent à éclairer leurs évaluations. Aujourd'hui, je vous ferai part des principales constatations d'une étude réalisée par Mme Pesut sur l'expérience de nos membres de l'AMM, ainsi que de certains points saillants préliminaires des consultations menées par l'AIIC auprès de ses membres.
En 2017, Mme Pesut et son équipe ont entrepris une étude de trois ans sur l'expérience des infirmières et infirmiers canadiens de la pratique de l'AMM. Les 59 personnes interviewées avaient des opinions diverses au sujet de l'AMM, éclairées par différents niveaux d'engagement. L'étude fait ressortir la grande variabilité de la mise en œuvre de l'AMM dans les milieux de travail du personnel infirmier. Les infirmières et infirmiers ont insisté sur l'importance du travail d'équipe dans la prestation de soins de grande qualité dans le cadre de l'AMM, même si bon nombre d'entre eux travaillaient sans l'aide d'une équipe.
Le travail infirmier associé à l'AMM est très complexe en raison de l'impératif de soins axés sur les patients dans des systèmes qui n'ont pas toujours été conçus pour soutenir de tels soins. Sans soutien adéquat, des infirmières et infirmiers ont choisi de limiter leur niveau de participation à l'AMM. L'étude conclut qu'en l'absence de soins palliatifs accessibles, d'un nombre suffisant de fournisseurs de soins, d'une équipe de soutien, de mesures de soutien à la pratique et d'un environnement admettant une gamme de positions face à l'AMM, les infirmières et infirmiers se sentaient légalement et moralement à risque.
De son côté, l'AIIC a tenu en 2020 et 2021, en partenariat avec la Société de protection des infirmières et infirmiers du Canada, des consultations auprès de ses membres qui participent à l'AMM. Ceux‑ci ont communiqué d'intéressantes leçons tirées de leur expérience, leurs opinions qualifiées sur l'AMM en général et sur son application éventuelle aux trois catégories spéciales de patients, soit ceux dont la maladie mentale est l'unique condition médicale invoquée, les mineurs matures et ceux qui font une demande anticipée.
Les infirmières et infirmiers ont fait ressortir le manque d'accès aux soins palliatifs au Canada et l'importance de les étendre, de même que d'autres genres de services, de façon à éviter que des patients optent pour l'AMM faute d'avoir accès à d'autres solutions acceptables. Par exemple, nous avons entendu dire que l'accès limité aux soins primaires dans les régions rurales et éloignées a amené des patients à se tourner directement vers les centres urbains pour obtenir des services d'AMM. De plus, les infirmières et infirmiers insistent sur la nécessité de mettre en place des mesures de sauvegarde solides afin de garantir l'utilisation appropriée de l'AMM pour les trois catégories spéciales de patients, si l'admissibilité à l'AMM devait leur être reconnue. Nous avons également entendu dire que les praticiens possédant les compétences voulues relativement à ces trois catégories doivent participer au processus d'AMM, bien que cela risque fort, nous le reconnaissons, de susciter également des difficultés en créant des obstacles et en limitant l'accès.
Enfin, nous demandons instamment que, si des modifications du Code criminel sont proposées, elles le soient de manière à ce que les mesures de sauvegarde et les dispositions soient claires et comprennent des critères objectifs. Nous devons veiller à ce que les praticiens puissent, en toute confiance, comprendre et respecter les dispositions du Code criminel.
En conclusion, la pratique des soins infirmiers a été profondément affectée par la disponibilité de l'AMM au Canada et par les ambiguïtés morales qu'elle crée dans le monde de la pratique clinique. L'AIIC a entendu des infirmières et infirmiers dire que l'AMM peut constituer un fardeau émotionnel pour les cliniciens qui l'assurent, notamment dans les régions où les ressources sont rares et où d'autres traitements importants, comme les soins palliatifs, font défaut.
Je vous remercie de votre attention. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
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Je vous remercie de votre question.
Cela faisait partie de la dernière partie de mon mémoire. Je n'ai pas eu le temps de tout lire, en raison du stress. Je suis désolé.
Pour ce qui est de l'autonomie, celle-ci doit effectivement être exercée en contexte. Nous avons besoin du contexte, nous avons besoin de savoir qui prend part à la décision, quel est l'environnement et quel est le contexte sociosanitaire.
Imaginons que je vous aie demandé, il y a trois ans, de prendre une décision concernant vos soins de fin de vie. Vous n'auriez probablement pas pris la même décision qu'actuellement, après la pandémie, après tout ce qui s'est passé dans les CHSLD. L'autonomie doit s'exercer avec les éléments présents dans la décision.
De façon anticipée, nous ne sommes pas vraiment dans un contexte d'exercice d'autonomie. Les directives médicales anticipées, bien qu'on croie y faire prévaloir l'autonomie, servent beaucoup plus de guide à la décision, c'est-à-dire de guide à la décision substituée. Je parle ici d'un consentement substitué pris par les proches ou d'une décision qui, à la limite, est beaucoup plus bienveillante et plus bienfaisante pour le patient.
Nous sommes donc dans un registre qui n'en est pas vraiment un d'autonomie avec les directives médicales anticipées, parce que nous n'exerçons pas une autonomie en contexte, mais vraiment une autonomie au moment de prendre la décision. Cependant, à ce moment-là, on ne sait pas ce qui va se passer dans l'avenir. Aucun d'entre nous n’est capable de prédire ce qui va arriver, surtout pas en situation de démence ou de troubles cognitifs évolutifs. Le contexte peut toujours évoluer, surtout en ce qui a trait aux soins gériatriques, comme nous l'avons vu au cours des dernières années.
En tant que gériatres, nous étions au courant qu'il y avait des problèmes dans les CHSLD, mais la pandémie les a vraiment révélés au public. Imaginez si vous aviez pris une décision il y a cinq ou dix ans. Votre décision aurait-elle changé? Voilà ce que je dirais concernant le contexte.
Par ailleurs, la personne aussi change avec la démence. L'expérience de la démence est extrêmement bouleversante. Elle change les vies de tous ceux entourant la personne atteinte. On ne parle même plus de la même personne. Celle-ci a changé. Elle n'exerce plus son autonomie à ce stade. C'est très risqué de permettre l'aide médicale à mourir dans un contexte où on n'est pas en situation d'autonomie, mais bien de consentement substitué ou même de décision bienveillante de l'équipe médicale ou de l'équipe soignante. Cela ne devrait pas être permis dans ce contexte.
Ce serait une grave dérive. Je parlais de l'âgisme, du capacitisme et des enjeux de discrimination et de stigmatisation liés aux problèmes de santé mentale. Même la décision concernant le recours à l'aide médicale à mourir en situation de démence est très déformée par toutes ces composantes qui peuvent être internalisées par la personne. Pour moi, ce n'est pas de l'autonomie réelle. Celle-ci doit être exercée en contexte. Le risque est très grand d'inclure l'aide médicale à mourir dans les directives médicales anticipées parce que, du côté médical, il peut y avoir aussi toutes sortes d'éléments créant des conflits d'intérêts, par exemple la nécessité de libérer des lits d'urgence, de répartir les ressources différemment, etc.
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Merci, madame la présidente.
Dans un premier temps, pour faciliter les travaux du Comité, nous devrions nous entendre sur l'utilisation des termes. Présentement, on utilise les directives médicales anticipées, ou DMA, pour parler de demande anticipée d'aide médicale à mourir. Les directives médicales anticipées ne posent pas problème. Elles font partie des pratiques médicales convenues de refus et d'arrêt de traitement. Si on confond constamment les demandes anticipées d'aide médicale à mourir et les directives médicales anticipées, on n'y arrivera pas, conceptuellement. Il faudrait s'entendre là-dessus.
Docteur Pageau, à votre décharge, vous n'avez pas eu beaucoup de temps pour exposer votre pensée. Je comprends qu'il y ait une obligation de faire très attention à différents pièges comme l'âgisme, entre autres. Vous semblez penser que, dans sa volonté de faciliter l'accès à l'aide médicale à mourir ou de l'étendre à certaines situations, l'État procéderait d'une logique de la malveillance.
Pourtant, lorsqu'on porte atteinte à l'autonomie d'une personne, à son libre arbitre, à sa capacité à prendre ses propres décisions, à son libre choix, à mon avis, on porte atteinte à sa dignité, au sens où Kant l'entend. Vous soulignez dans d'autres textes que la mort, ce n'est pas beau, que cela pue. Cela n'a rien à voir avec l'état d'incontinence.
Par définition, le réseau de la santé, la profession médicale et les intervenants en santé doivent être bienveillants. S'ils sont malveillants ou malfaisants, il faut les mettre dehors, un point c'est tout. C'est prévu dans le Code criminel. On ne peut pas être bienfaisant, comme État, si on porte atteinte à l'autonomie d'une personne. Quand une personne est atteinte fatalement d'une démence, au nom de quoi l'État aurait-il le droit de définir son seuil de ce qui est tolérable? Selon vous, en quoi est-ce plus digne et éthique?
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Vous avez raison de dire que Kant base l'autonomie sur la notion de dignité et de valeur humaine. Ce sont deux concepts un peu différents. L'autonomie est la capacité rationnelle de prendre ses propres décisions, mais la bienfaisance n'est pas nécessairement en lien avec l'autonomie. C'est vrai que certains auteurs disent qu'il est malfaisant de ne pas respecter l'autonomie et qu'il est bienfaisant de la respecter. Dans leur sens classique, ces deux principes sont très différents. Effectivement, on peut brimer l'autonomie d'une personne en faisant le bien.
Je veux plutôt rappeler ici qu'en démence, l'autonomie est perdue. L'autonomie qui s'exerce dans les directives médicales anticipées ou dans tout ce qui est guide antérieur est une façon de représenter l'autonomie dans l'avenir. Or cette autonomie ne peut pas s'exercer pleinement parce que la personne n'est pas au courant de ce qui se passe. On entre alors dans le registre de la bienfaisance.
L'État n'empêche pas les gens d'être bien en les empêchant d'avoir accès à l'aide médicale à mourir, c'est tout le contraire, en fait. Mon argument est plutôt que, si on permet l'aide médicale à mourir, on risque d'encourager les gens à croire qu'ils n'ont plus de valeur, qu'ils sont mauvais, qu'ils sont puants — c'est le mot que vous avez utilisé — lorsqu'ils sont atteints de démence avancée et parfois couchés dans leurs excréments, malheureusement. On les nettoie, on s'occupe d'eux, on les soigne. Ce soin est bienfaisant parce que l'autonomie antérieure n'est plus présente...
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Merci beaucoup, madame la coprésidente.
Docteure Green, j'aimerais commencer avec vous.
Dans la motion adoptée par la Chambre autorisant le Comité à entreprendre ses travaux, l'un de nos grands sujets d'étude était la protection des Canadiens handicapés. Je prenais des notes sans relâche pendant votre déclaration liminaire. Je sais que vous avez parlé de la nécessité des mesures de soutien pour les personnes handicapées.
J'ai entendu les préoccupations, comme beaucoup de mes collègues aussi, j'en suis sûr, exprimées par des commentateurs qui craignent que l'AMM soit demandée par des gens vulnérables, incapables d'obtenir le soutien permettant d'assurer une qualité de vie minimale aux personnes malades ou handicapées. Vu ces préoccupations, je me demandais si vous pouviez nous parler de rencontres que vous, ou l'un de vos collègues auriez eues dans le cadre de votre pratique avec des personnes qui ont demandé l'AMM et dont la demande semblait être l'aboutissement d'un manque de soutien. Si oui, comment vous ou vos collègues avez-vous conseillé ces personnes?
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Je ne parlerai pas de cas particuliers, puisqu'il y a très peu de gens de la deuxième voie qui se présentent, et encore moins dans les circonstances que vous décrivez, même si je suis sûre qu'il y en a.
Je pense que ce qu'on commence à voir, comme je l'ai mentionné, ce sont des gens qui disent que leurs souffrances sont extrêmes et intolérables et des cliniciens qui ont l'impression que, si les ressources étaient disponibles, leur situation pourrait s'améliorer et leurs souffrances être amoindries.
Cela ne vient pas nécessairement des patients. C'est peut-être le cas, et il se peut qu'ils aient fait savoir qu'ils n'avaient accès à quelque chose. Cela vient plutôt des professionnels qui font le travail et les évaluations, qui constatent que tel patient n'a peut-être pas eu accès à un médecin expert en douleur, par exemple, parce qu'il vit dans une région rurale où il n'y a pas un tel expert.
Le dilemme intéressant est le suivant: que faisons-nous dans la situation où une personne répond vraiment aux critères d'admissibilité à l'AMM, mais où le clinicien croit qu'on pourrait peut-être lui offrir quelque chose de plus qui n'est pas raisonnablement accessible à ce patient? C'est une cause de détresse chez certains de mes collègues, et nous ne faisons pas avancer ces dossiers, mais nous demandons cependant aux gouvernements, fédéral et provinciaux, de nous aider à corriger la situation et de fournir des ressources plus étoffées.
Forcément, en tant que cliniciens, nous ne sommes pas en mesure de réparer le système de soins de santé, et nous ne préconisons certainement pas de réduire l'AMM en général. Cependant, nous ne croyons pas qu'on doive faire payer à des particuliers les défaillances de la société et du système de soins de santé. Ce serait tout simplement injuste. C'est pourquoi nous appuyons l'accroissement des ressources à un niveau suffisant en parallèle avec l'élargissement et le financement de l'AMM.
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C'est intéressant que vous me posiez la question, car j'ai eu une discussion à ce sujet, aujourd'hui, avec mon infirmière. Son travail consiste à s'occuper de personnes atteintes de démence. Son argumentaire était de dire que nous n'avons pas les soins adéquats. Elle ne veut pas dépendre de personnes malveillantes, qui sont parfois dans les centres hospitaliers de soins de longue durée, ou CHSLD, ou dans les résidences pour personnes âgées. Sa crainte, c'était de se retrouver dans un contexte de malveillance, c'était que les gens s'occupent mal d'elle, qu'ils la méprisent ou ne lui offrent pas les soins adéquats.
En fait, mes patients sont tous âgés de plus de 65 ans. Toutefois, il arrive fréquemment que les enfants de nos patients nous fassent ce type de demande. Souvent, ils s'occupent longtemps de leurs proches, deviennent très fatigués et voient la démence comme un fardeau assez lourd à porter. Ils ne veulent pas que leur famille vive la même chose. Je comprends cela.
Les soins à donner aux personnes souffrant de démence exigent beaucoup de ressources et il s'agit de soins très spécialisés. Il y a différents types de démence. Il y a ce que certains appellent la « démence heureuse », qui ne demande pas beaucoup de soins. Toutefois, dès que des troubles de comportement et des troubles psychologiques sont associés à la démence, cela demande des soins très spécialisés. Les gens qui ne sont pas formés dans ce domaine peuvent effectivement trouver la situation extrêmement difficile. Ils se projettent en se disant que leurs proches n'ont pas eu les soins nécessaires et qu'ils ne veulent pas vivre cela. C'est là qu'entre en jeu la crainte de la déchéance, dont je parlais un peu plus tôt. Ils en viennent à demander l'aide médicale à mourir pour eux-mêmes, parce qu'ils internalisent cette vision d'âgisme et de capacitisme. Ils ne veulent pas être handicapés ou âgés dans la société canadienne actuelle et ils ne veulent surtout pas être atteints d'une maladie mentale dans la société canadienne actuelle. La société canadienne est quand même très stigmatisante, voire méprisante, pour les gens qui ont des défis au quotidien.
Dans le domaine de la gériatrie, mon domaine d'expertise, et dans ceux de la gérontopsychiatrie et des soins palliatifs, si les gens recevaient de bons soins, ils pourraient aller bien et aller mieux et ne plus être vus comme un fardeau par leur famille. La famille pourrait alors reprendre sa place, que l'on parle des enfants, du conjoint, de la conjointe ou d'un proche aidant. Les gens ne devraient plus porter cette charge mentale au quotidien.
Je comprends cette crainte de la déchéance et ce désir de l'éviter, mais, comme je l'ai dit à mon infirmière, il faut lutter et parler au gouvernement pour faire en sorte d'améliorer les soins gériatriques et gérontopsychiatriques ainsi que les soins palliatifs au Canada. L'amélioration des soins permettrait de réduire la crainte de la déchéance, dont nous parlent souvent les gens dans la cinquantaine.
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Je vous remercie de la question.
L'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM est particulièrement fière d'avoir créé ce programme. Il s'agit d'un programme national, pluriannuel, financé par Santé Canada. Il vise à aider les cliniciens qui sont nouveaux dans le domaine ainsi que ceux qui y sont déjà et qui cherchent à élargir leurs compétences.
C'est un très gros programme. Notre équipe a lancé, je crois, environ 90 invitations. Il y a actuellement, à partir de la base, huit groupes de travail. Ils sont diversifiés sur le plan géographique, par la représentativité des disciplines médicales et infirmières et dans l'optique de l'EDI. Chacun travaille sur un module qui sera un élément constituant du programme d'études global.
Les groupes de travail relèvent d'un comité directeur composé des chefs de chacun de ces groupes. Ils sont aussi sous la supervision du conseil d'administration de l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM et, peut-être plus important encore, d'un comité national d'intervenants composé de 17 différents organismes nationaux membres, chacun étant un intervenant important dans l'AMM au Canada. Je ne les nommerai pas tous, mais ils comprennent, outre le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, le Collège des médecins de famille du Canada, l'AIIC et le Collège des médecins du Québec, des médecins ruraux, une représentation autochtone, des praticiens des soins palliatifs et des psychiatres. C'est un groupe très diversifié. Il y a plusieurs niveaux de supervision. Nous avons une équipe de projet de trois employés à plein temps.
Je répète que le projet durera jusqu'en 2025. À la fin, nous aurons sept modules en ligne, hors ligne, synchrones, asynchrones, bilingues, facilement accessibles et entièrement accrédités par les organismes nationaux, y compris ceux représentant les médecins de famille, le Collège royal et l'Association des infirmières et infirmiers, qui se sont déjà engagés à nous aider à obtenir l'accréditation appropriée.
Il ne s'agit pas d'une reconnaissance des titres de compétence, et nous n'apposerons pas de sigles à la suite des noms de ceux qui terminent le cours, mais ils pourront néanmoins en faire état dans leur curriculum vitae. Nous espérons que cela contribuera à une normalisation à l'échelle du pays, ce qui est important en ce moment, et aidera à donner confiance aux cliniciens et au public.
J'espère avoir répondu à votre question.
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Je ne m'y oppose pas, parce que les directives médicales anticipées font office de loi. Je dois donc les suivre. Je me conforme à la loi, mais je crois néanmoins qu'il faut éviter d'inclure l'aide médicale à mourir dans des directives aussi contraignantes sur le plan légal. À mon avis, il n'y a pas d'autonomie possible dans des directives médicales anticipées ou dans des directives anticipées d'euthanasie. Cela rejoint ce que je disais plus tôt à propos de tout document qui contraint légalement l'équipe médicale à prodiguer un soin précis, contrairement aux directives médicales anticipées, qui empêchent le médecin ou l'équipe de soins de faire des choses contre le gré de la personne. L'aide médicale à mourir serait incluse comme une directive obligatoire à suivre. On oblige donc le médecin à poser un geste.
C'est d'abord à ce sujet que je ressens un malaise. Il faut aussi considérer que, dans bien des cas, les gens ne sont pas guidés adéquatement et qu'ils ne comprennent pas bien en quoi consistent l'aide médicale à mourir, les directives médicales anticipées ou les directives anticipées d'euthanasie. L'expérience des Pays‑Bas démontre aussi que, souvent, les directives ne sont pas fiables, qu'elles ne cadrent pas vraiment avec le contexte ou la pratique et que les gens n'ont pas toujours inclus des éléments qui avaient vraiment du sens pour eux.
Une personne peut penser, parce qu'elle exprime des volontés à l'avance, que ce sera fiable, cohérent et applicable. Or, cela ne traduit pas toujours bien l'expérience de la personne. On constate, lorsque la situation réelle survient, que des directives ne sont pas toujours fiables, cohérentes et applicables. Mon malaise est dû au fait que l'on se retrouve devant quelque chose de contraignant et d'incohérent, qui n'est parfois ni fiable ni compréhensible.
Mon malaise concerne surtout le fait de mettre fin aux jours de personnes âgées atteintes de démence, des personnes très vulnérables qui n'ont pas pris une décision éclairée. Il se peut que le document n'ait pas été fiable et qu'elles aient pris une décision faussée. Selon moi, pour donner la mort à quelqu'un, il faut être assez certain que c'est ce que souhaite la personne.
Je disais ne pas pratiquer l'aide médicale à mourir, parce que la majorité...
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Je suis désolée. Je pense que nous parlions en même temps, mais si vous me demandez de poursuivre, j'y vais. Merci.
Monsieur Pageau, avant de poser mes questions, je me demande si vous pourriez nous fournir des preuves en provenance des Pays-Bas au sujet de cas de personnes qui ont été forcées contre leur volonté, je crois que c'est ce que vous avez dit, de signer des documents. On ne demande généralement pas aux gens de signer des documents. Ils ont le droit d'en faire le choix ou de le demander. Si vous avez des exemples précis et que cela constitue une preuve, j'aimerais les entendre.
Ma question s'adresse à la Dre Green.
Comme nos témoins l'ont dit tout à l'heure, bien entendu, personne ne peut prédire l'avenir, mais nous le faisons constamment dans le domaine des soins de santé. Nous choisissons de subir une intervention chirurgicale alors que nous n'en connaissons pas le résultat. On opte pour des ordonnances de non-réanimation dans le cas d'accidents ou de problèmes de santé qui pourraient survenir; on n'en connaît pas les détails, mais on en fait la demande.
Dans le cas du déclin cognitif, nous savons que l'issue est inévitable. Il en résulte un déclin physique. Nous savons que c'est inévitable. Ce qui est plus difficile à gérer que cette crainte du déclin, c'est la crainte d'être privé du droit d'avoir le choix ou le contrôle sur son état de santé, un droit qui est respecté dans les autres cas. Craignez-vous que dans certains cas cela puisse accélérer le déclin de l'état cognitif et physique? De plus — et j'en connais des exemples —, certaines personnes choisissent de mettre fin à leurs jours plus tôt, parce qu'elles craignent de ne pas pouvoir faire un choix plus tard ou de ne pas être autorisées à le faire.
Il y a plusieurs choses. Si j'en oublie, n'hésitez pas à me le rappeler.
Je pense que nous avons eu des précédents. Nous avons accumulé de l'expérience au cours des cinq dernières années, avant les amendements. Nous avons vu des patients qui approchaient de la fin et qui craignaient vraiment de perdre leur aptitude à faire le choix de l'aide médicale à mourir. Cela causait énormément d'anxiété aux patients et à leur famille, au point où nous avons pu faire remonter cette information au gouvernement. Nous avons été entendus et le gouvernement a créé la renonciation au consentement final pour des cas très précis afin que les personnes prennent leurs médicaments ou leurs analgésiques à la fin de leur vie et qu'elles ne s'en privent pas de peur de perdre leurs capacités.
Je pense qu'il y a des preuves que des patients font des choix prématurés par crainte de ce qui s'en vient ou par crainte de perdre la capacité de faire ces choix ou de perdre le contrôle. Nous avons beaucoup entendu parler aujourd'hui des directives préalables. Je pense qu'il est très bien établi en médecine depuis des décennies maintenant que les patients ont le droit de donner une directive préalable pour leurs soins dans des situations qu'ils ne comprendront peut-être pas entièrement à ce moment‑là, de sorte que s'ils étaient sous médication essentielle au maintien de la vie ou s'ils étaient sous respirateur, ils pourraient choisir d'arrêter ces traitements. Ils ont la possibilité de faire ce choix maintenant et de façon claire, dans un document qui, nous en convenons tous, doit être respecté. Je pense que nous avons de bons précédents en matière de directives préalables.
Ma question s'adresse au Dr Pageau.
Je suis cette femme de 57 ans dont la mère a été atteinte de démence pendant 12 ans. Elle a reçu des soins palliatifs pendant moins de deux semaines, alors j'ai vu un très... Quand je dis « positif », j'ai vu ma mère vivre sa vie au mieux de ses capacités. Si tel n'avait pas été le cas, je sais que sous l'effet de la peur, si on m'avait proposé une directive préalable ou une discussion sur les directives préalables et l'aide médicale à mourir, j'aurai pu faire ce choix étant donnée l'expérience absolument terrifiante que je vivais avec ma mère.
Pourriez-vous nous parler un peu plus de l'importance du moment choisi? Quand faut‑il discuter des directives et de l'aide médicale à mourir? Comme personne de 57 ans, j'imagine quel choix j'aurais pu faire si mon expérience avait été différente.
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Je ne sais pas si je devrais répondre à la question précédente sur les données probantes. Dans mon mémoire, j'ai cité l'étude de Mme de Boer ainsi que le Conseil des académies canadiennes, qui a fait une revue de la littérature scientifique sur les cas. On y retrouve celui de la personne dont je parlais plus tôt, aux Pays-Bas. Vous pourriez donc consulter mon mémoire.
Pour ce qui est de la démence, je trouve extrêmement triste que l'aide médicale à mourir soit considérée comme préférable aux soins palliatifs et gériatriques offerts au Canada, comme cela a été le cas pour votre mère. C'est justement ce que je veux faire valoir dans le débat.
Je comprends donc votre tristesse, parce que les familles et les personnes qui s'occupent des personnes âgées me disent exactement la même chose que vous. Au lieu de choisir des soins de santé, les patients préfèrent recevoir l'aide médicale à mourir ou l'euthanasie active, comme nous la pratiquons ici, bien plus souvent que le suicide assisté. Le système est âgiste et ne favorise pas l'intérêt supérieur des patients et la plus grande bienveillance à leur égard. Il y a encore beaucoup de maltraitance organisationnelle, physique et autre dans nos réseaux de santé. L'aide médicale à mourir semble être une solution. Pourtant, la solution ne consiste pas selon moi à éliminer les patients, mais plutôt à les soigner.
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Nous allons maintenant passer au deuxième groupe de témoins.
Bienvenue à nos deux témoins.
Avant de prendre la parole, je demanderais aux gens d'attendre que la coprésidente ou moi-même vous donnions la parole. Tous les commentaires doivent être adressés aux coprésidents. Lorsque vous parlez, parlez lentement et clairement pour permettre l'interprétation.
L'interprétation de cette vidéoconférence fonctionnera comme pour une réunion de comité en personne. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet, l'anglais ou le français. Lorsque vous ne parlez pas, veuillez mettre votre microphone en sourdine.
Sur ce, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins du deuxième groupe. Nous accueillons la Dre Leonie Herx, présidente et professeure agrégée, Médecine palliative, Université Queen's, et présidente, Comité de spécialité en médecine palliative du Collège Royal.
[Français]
Nous recevons aussi le Dr Alain Naud, médecin de famille et médecin en soins palliatifs.
Je vous remercie tous les deux de vous joindre à ce groupe, ce soir.
Je vais maintenant inviter chacun de vous à faire une présentation de cinq minutes.
[Traduction]
Nous allons commencer par la Dre Herx.
Vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
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Bonsoir. Je vous remercie de me donner l'occasion de parler des soins palliatifs dans le cadre de l'examen législatif de la loi canadienne actuelle sur l'aide médicale à mourir.
Je m'adresse à vous aujourd'hui en tant que colon sur les territoires traditionnels de la Confédération de Haudenosaunis et de la nation anishinabek. Je suis reconnaissante de pouvoir vivre, apprendre et jouer sur ces terres.
Je m'appelle Leonie Herx. Je suis médecin spécialiste en soins palliatifs; directrice de la médecine palliative à l'Université Queen's; directrice médicale des soins palliatifs au Centre des sciences de la santé de Kingston et à l'Hôpital Providence Care; présidente sortante de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs, où j'ai été membre du conseil d'administration élue par mes pairs ces neuf dernières années et présidente du Comité de spécialité en médecine palliative du Collège Royal.
Les soins palliatifs constituent une approche holistique des soins qui vise à améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies potentiellement mortelles et de leur famille au moyen d'une identification précoce et d'une évaluation et d'un traitement impeccables des symptômes, en particulier les problèmes physiques, psychosociaux et spirituels. Ces soins aident une personne à bien vivre jusqu'à sa mort. Il s'agit de l'aide médicale à vivre, si vous voulez. Les soins palliatifs n'accélèrent pas la mort et sont reconnus à l'échelle internationale comme une pratique distincte de l'aide médicale à mourir sur les plans philosophique, clinique et juridique.
Seulement 30 à 50 % des Canadiens qui en ont besoin ont accès à des soins palliatifs dont on ne connaît pas la qualité, et très peu, seulement 15 %, ont accès à des soins palliatifs spécialisés pour traiter des problèmes plus complexes. Vous avez moins de chances de recevoir des soins palliatifs si vous êtes pauvre, Autochtone, sans abri, incarcéré ou si vous vivez dans une région rurale.
Des études menées partout dans le monde ont montré que l'intégration précoce des soins palliatifs améliore la qualité de vie, réduit l'anxiété et la dépression, réduit la détresse des soignants et peut même aider les gens à vivre plus longtemps. La prise en charge de toutes les maladies graves doit s'accompagner de soins qui intègrent la dimension palliative, et ce, rapidement après le diagnostic. Cependant, en raison de la stigmatisation continue des soins palliatifs et de la confusion entre ces derniers et les soins de fin de vie, on nous demande souvent d'intervenir lorsqu'il est beaucoup plus tard.
Lorsque les besoins en soins palliatifs des patients ne sont pas satisfaits, les souffrances physiques, émotionnelles et spirituelles qui en découlent peuvent les mener à se sentir déprimés, désespérés et à se considérer comme un fardeau pour les autres, ce qui constitue un grand nombre des facteurs qui motivent les demandes d'aide médicale à mourir. Des soins palliatifs précoces peuvent atténuer la souffrance avant qu'elle ne devienne irrémédiable. Comme l'ont affirmé la Dre Romayne Gallagher et ses collègues, ne pas le faire devrait être considéré comme une erreur médicale.
L'aide médicale à mourir a été établie pour des circonstances exceptionnelles, et non comme une procédure de routine de fin de vie pour mettre un terme à une souffrance qui pourrait être prise en charge par les services de santé et les services sociaux qui aident les gens à vivre dans la dignité. Depuis l'adoption du projet de loi C‑7, nous voyons désormais dans les médias et dans nos propres cabinets médicaux d'innombrables cas de personnes qui demandent et reçoivent l'aide médicale à mourir parce qu'il n'y a pas suffisamment d'aides de base nécessaires pour vivre, avec en particulier un manque de soins palliatifs, de soins à domicile et de soins aux personnes handicapées.
Le rapport annuel de Santé Canada sur l'aide médicale à mourir montre qu'un nombre important de personnes qui reçoivent l'aide, soit 15 %, n'ont reçu aucun soin palliatif, ou que les soins palliatifs sont arrivés beaucoup trop tard, 18 % d'entre elles les ayant reçus dans les deux semaines précédent l'aide médicale à mourir et 19 % dans les quatre semaines précédent la demande. Pour 3 % des personnes, on ne sait pas. Au moins 35 % des personnes qui ont reçu l'aide médicale à mourir ont reçu peu ou pas de soins palliatifs. Cela concorde avec une étude canadienne réalisée par Munro en 2020, selon laquelle 40 % des patients n'avaient pas reçu de soins palliatifs avant de demander l'aide médicale à mourir. Cela devrait être considéré comme un échec de notre système de soins de santé. Avec l'élimination de la période d'attente de 10 jours prévue dans le projet de loi C‑7, ces chiffres vont probablement augmenter davantage, parce qu'il n'y a pas d'incitation à demander les soins palliatifs.
Dans l'affaire Carter c. Canada, la Cour suprême du Canada a discuté des répercussions que pourrait avoir sur l'élaboration d'un système de soins palliatifs robuste la mise en œuvre d'une loi sur l'aide à mourir avant que l'accès universel aux soins palliatifs ne soit assuré. Avec maintenant près de six ans de recul, nous avons constaté que la mise en application de l'aide médicale à mourir avait des effets néfastes importants sur la pratique des soins palliatifs, notamment la diminution des ressources et l'augmentation de la détresse vécue par les cliniciens en soins palliatifs. Je vais donner quelques exemples.
Certaines autorités sanitaires ont intégré l'aide médicale à mourir aux programmes de soins palliatifs et de soins de fin de vie. Cela a amené des infirmières en soins palliatifs à quitter leur emploi parce qu'elles ne se sentaient pas en mesure de fournir des soins palliatifs. En Ontario, certaines infirmières praticiennes en soins palliatifs emploient leurs postes en soins palliatifs rémunérés à temps plein pour fournir l'aide médicale à mourir.
Les cliniciens en soins palliatifs doivent consacrer beaucoup de temps aux questions administratives liées à l'aide médicale à mourir, ce qui réduit le temps consacré aux soins palliatifs.
L'accès aux lits de soins palliatifs spécialisés est réduit lorsque les autorités de la santé exigent que les centres de soins palliatifs et les unités de soins palliatifs admettent des patients aux seules fins de l'administration de l'aide médicale à mourir.
Nous constatons une augmentation de la détresse morale chez les cliniciens en soins palliatifs qui sont forcés de participer à l'aide médicale à mourir, parce que certaines autorités de la santé exigent que les centres de soins palliatifs et les unités de soins palliatifs fournissent l'aide médicale à mourir, faute de quoi ils perdent leur financement. Il en résulte des difficultés de maintien en poste et des départs à la retraite anticipés en soins palliatifs, ce qui accentue et accélère la pénurie déjà critique de médecins spécialistes et généralistes en soins palliatifs.
Nous voyons aussi des patients qui refusent les soins palliatifs parce qu'ils les associent à l'aide médicale à mourir et craignent que les soins palliatifs accélèrent leur mort ou que l'aide médicale à mourir leur soit fournie sans leur consentement.
Des patients ont accès à l'aide médicale à mourir en raison d'un manque de soins palliatifs. Les patients demandent l'aide médicale à mourir parce qu'un médecin de confiance leur a suggéré...
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je tiens d'abord à remercier les membres du Comité de m'offrir l'occasion de leur faire part de mon expérience et de mes observations sur l'aide médicale à mourir.
Je suis médecin de famille et médecin en soins palliatifs depuis 37 ans. J'ai agi comme témoin expert en matière d'aide médicale à mourir et en soins palliatifs au procès de Mme Gladu et de M. Truchon en 2019. Les autres détails me concernant sont dans le mémoire de 18 pages que j'ai déjà déposé au Comité. Ce mémoire contient plusieurs références à divers documents et rapports que je vous invite à consulter. J'y fais état de la situation actuelle et j'aborde la question de l'élargissement de l'accès à la santé mentale pour les mineurs et, plus particulièrement, celui des demandes anticipées après un diagnostic de la maladie d'Alzheimer ou d'autres troubles neurocognitifs majeurs.
Après plus de six ans d'expérience en matière d'aide médicale à mourir au Québec et presque autant au Canada, il y a un constat clair que la fameuse pente glissante et les dérapages promis par les opposants n'ont jamais eu lieu et que l'aide médicale à mourir est administrée de façon rigoureuse et en tout respect des lois.
L'aide médicale à mourir est un soin médical, moral, éthique, légitime et parfaitement légal. Il n'y a aucune opposition entre l'aide médicale à mourir et les soins palliatifs, bien au contraire. Ce sont, avec la sédation palliative et le refus de traitement, des options de fin de vie interreliées et complémentaires dont le choix appartient exclusivement au malade apte et bien informé. Au Québec, environ 80 % des malades qui sont décédés après avoir reçu l'aide médicale à mourir recevaient déjà des soins palliatifs. Les 20 % qui restaient ont refusé les soins palliatifs, et ils en avaient parfaitement le droit.
Je vais maintenant parler de la maladie d'Alzheimer et des demandes anticipées. C'est le premier élargissement d'accès qui est attendu depuis longtemps par une majorité indéniable de la population et sur lequel il existe un large consensus. Deux sondages pancanadiens menés respectivement en 2019 et en 2021, qui figurent dans mon mémoire, ont démontré que 85 % des Québécois et 80 % des Canadiens souhaitaient de telles directives.
Au Québec, un groupe d'experts indépendants mandaté par le gouvernement pour étudier la question sous les angles éthique, clinique et juridique a travaillé pendant deux ans, de 2017 à 2019, et a déposé un rapport qui recommande, au terme d'un remarquable exercice de réflexion et de documentation, de rendre disponibles les demandes anticipées. La référence à leur rapport exhaustif en français et en anglais est disponible dans mon mémoire. Mon mémoire donne aussi sur cette question les références au forum québécois qui s'est tenu en janvier 2020 et au rapport de la commission spéciale du gouvernement québécois qui a été déposé en décembre 2021 et qui recommande aussi d'instaurer les demandes anticipées.
Je fais état d'un sondage du Collège des médecins du Québec qui a été mené auprès des médecins et de la population, et surtout de la position du Collège, entérinée par son conseil d'administration en décembre 2021, sur les demandes anticipées, la santé mentale et les mineurs.
Je commente longuement la démence joyeuse qui est parfois invoquée par certains pour s'opposer aux directives anticipées, et je propose dans mon mémoire un mécanisme et des mesures de sauvegarde à mettre en place qui sont basées sur le choix, par la personne elle-même, de signes observables et objectifs de gravité de la maladie quand elle est rendue au stade d'inaptitude, et non sur un stade clinique. Ces directives doivent absolument être contraignantes et non soumises au veto de l'entourage, comme c'est déjà le cas pour les mandats en cas d'inaptitude, les testaments et, au Québec, le Registre des directives médicales anticipées.
Il faut rendre les demandes anticipées accessibles pour éviter le suicide de certains malades atteints de la maladie d'Alzheimer. C'est méconnu, mais cela existe. Je pense aux histoires de trois personnalités publiques.
Concernant la vulnérabilité, je me réfère au jugement de la Cour supérieure du Québec dans la cause Gladu et Truchon. La Cour a entendu pendant deux mois de nombreux experts, elle a analysé une volumineuse preuve et elle a conclu ceci:
1. L’aide médicale à mourir telle que pratiquée au Canada constitue un processus strict et rigoureux qui, en lui-même, ne présente pas de faiblesse évidente;
2. Les médecins impliqués sont en mesure d’évaluer la capacité des patients à consentir et de déceler des indices d’ambivalence, de troubles mentaux affectant ou susceptibles d’affecter le processus décisionnel ou encore les cas de coercition ou d’abus;
3. La vulnérabilité d’une personne qui demande l’aide médicale à mourir doit exclusivement s’apprécier de manière individuelle, en fonction des caractéristiques qui lui sont propres et non pas en fonction d’un groupe de référence dit « de personnes vulnérables ». Au-delà de divers facteurs de vulnérabilité que les médecins sont en mesure d’objectiver ou de déceler, c’est l’aptitude du patient lui-même à comprendre et à consentir qui s’avère somme toute déterminante en sus des autres critères prévus à la loi;
Je vous invite à lire ce jugement remarquable, qui est disponible en anglais.
Au sujet de la santé mentale, j'aborde les raisons, en m'appuyant sur les rapports d'experts, pour lesquelles la santé mentale ne peut plus être exclue de l'admissibilité. Il est important, dorénavant, de se pencher sur les balises à mettre en place avant l'expiration du délai du projet de loi .
Pour terminer, concernant les mineurs, je m'appuie encore une fois, dans mon mémoire, sur la position du Collège des médecins du Québec, que j'endosse totalement, sur l'expérience depuis 2002 de la Belgique et des Pays‑Bas, en particulier avec son Protocole de Groningen, et sur le document de 2018 de la Société canadienne de pédiatrie. Cette dernière a mené un sondage auprès des pédiatres canadiens, qui démontre bien que les pédiatres d'ici reçoivent des demandes d'aide médicale à mourir et discutent de ce sujet avec les jeunes et leurs parents.
J'illustre cela par une situation vécue au Québec. L'été dernier, un jeune homme est décédé à 17 ans et 9 mois d'un cancer très agressif et il aurait souhaité recevoir l'aide médicale à mourir. Il n'a pas pu y avoir accès parce qu'il lui manquait trois mois pour y avoir droit.
Je vous remercie encore une fois de m'avoir invité à comparaître devant le Comité.
Je suis disponible pour répondre à vos questions ou à celles que vous pourriez avoir après la lecture de mon mémoire.
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Merci de la question, madame la présidente.
Les données recueillies par Santé Canada, dont Mme Hoffman a fait état, posent vraiment un problème. J'ai écouté son témoignage et je connais très bien les rapports de Santé Canada. Ceux‑ci dépendent entièrement de l'autodéclaration par les fournisseurs d'aide médicale à mourir, et il n'est pas possible à l'heure actuelle au Canada de mesurer la qualité ou la quantité des soins palliatifs fournis, ni de savoir qui les fournit. Nous n'avons pas de normes ni la capacité de recueillir des données à l'échelle nationale, comme nous pouvons le faire pour les statistiques sur l'aide médicale à mourir. Malheureusement, il n'est pas possible de tirer de telles conclusions.
Nous savons que les cliniciens comprennent très mal les soins palliatifs et ne comprennent pas comment ces soins peuvent faire une telle différence dans la vie d'une personne dès le début de la maladie pour éviter d'en arriver à une souffrance irrémédiable. La façon dont les soins palliatifs sont expliqués aux patients lorsqu'ils demandent l'aide médicale à mourir dépend entièrement de la personne qui donne l'explication. Nous savons que les patients obtiennent souvent des renseignements erronés et ont une compréhension très limitée.
Je pense que l'une des plus grosses difficultés, c'est que si vous n'entendez parler des soins palliatifs que lorsque vous en arrivez au point où vous demandez la mort, alors nous avons un gros problème, parce que nous avons échoué à le traiter en amont. C'est ce sur quoi nous devons nous concentrer.
Il y a tellement de souffrances qui ne sont pas apaisées parce que les soins palliatifs ne sont pas facilement accessibles aux patients lorsqu'ils en ont besoin, lorsqu'ils commencent à avoir des symptômes et qu'ils commencent à souffrir à cause d'une maladie grave. Les soins palliatifs doivent être intégrés de façon précoce dans le traitement des maladies chroniques et, à l'heure actuelle, d'après nos meilleures données, c'est‑à‑dire les rapports subjectifs des fournisseurs d'aide médicale à mourir qui ne comprennent peut-être pas ce qu'impliquent les soins palliatifs, nous constatons que 35 % des gens reçoivent des soins palliatifs dans les deux semaines qui précèdent leur demande, ce qui est probablement beaucoup trop tard, ou peut-être ne reçoivent-ils rien du tout. Même quatre semaines avant la demande, je dirais, ne suffisent pas à prévenir les souffrances irrémédiables.
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Merci beaucoup. Je tiens à remercier tout le monde d'être venu aujourd'hui et de nous avoir consacré du temps sur une question très complexe.
Je suis médecin de famille, ou plutôt j'ai été médecin de famille pendant de très nombreuses années, et j'entends aujourd'hui des gens dire que c'est une chose ou l'autre, que vous demandez soit l'aide médicale à mourir soit des soins palliatifs. Je ne pense pas que ce soit vrai.
D'après mon expérience avec les patients, je crois vraiment que les soins palliatifs ont leur place. Beaucoup de gens souhaitent obtenir des soins palliatifs, puis ils en arrivent au point où ils décident que ce qui se passe dans leur vie est insupportable et qu'ils veulent avoir accès à l'aide médicale à mourir.
Vous avez remis en question le rapport de Mme Hoffman et de Santé Canada selon lequel 82,8 % des personnes qui ont eu recours à l'aide médicale à mourir avaient reçu des soins palliatifs. L'idée que ce soit tout l'un ou tout l'autre me préoccupe un peu, l'idée qu'il y a une solution miracle qui, si tout le monde y avait accès, leur permettrait de se sentir mieux.
Je pense que le Dr Naud l'a très bien dit. J'ai failli me lever et applaudir lorsqu'il a dit que l'évaluation ou l'administration de l'aide médicale à mourir ou des soins palliatifs à un patient, ou quoi que ce soit d'autre que vous pourriez faire pour le soutenir, concerne le patient. Il ne s'agit pas de savoir si le médecin croit que sa décision est la plus importante pour le patient; il s'agit de connaître et d'évaluer votre patient et de savoir quand votre patient en est arrivé au point où il peut vous faire suffisamment confiance pour vous dire « Vous savez quoi? Cela fonctionne bien. Je me sens très bien dans ma peau, mais je ne veux vraiment plus continuer. J'en ai eu assez, je suis vieux, etc. » Je pense qu'il est vraiment important pour nous de commencer à parler de ce qui se passe si un patient en soins palliatifs dit: « J'aimerais avoir accès à l'aide médicale à mourir. » Que diriez-vous à ce patient, docteure Herx?
Je sais que le Dr Naud a parlé du patient et de ses limites, de sa tolérance. Au bout du compte, il s'agit du patient. J'aimerais aborder la question des directives préalables, mais je ne pense pas avoir le temps de le faire.
Comment prenez-vous une décision dans le meilleur intérêt de votre patient, docteur Naud, quand votre patient est en fin de vie, quand il souffre, etc.? Comment prenez-vous ces décisions au cas par cas?
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Je vous remercie beaucoup de la question, qui est effectivement importante.
Les opposants à l'aide médicale à mourir ont longtemps voulu opposer l'aide médicale à mourir et les soins palliatifs. C'est la tactique selon laquelle on est avec quelqu'un ou contre lui. Dans les faits, il n’y a aucune opposition. Comme je le mentionnais, ce sont des soins complémentaires et interreliés.
Au Québec, quand la Loi concernant les soins de fin de vie a été adoptée et que l'on a commencé à offrir l'aide médicale à mourir, tous les établissements de santé publics du Québec ont eu l'obligation d'offrir ces soins de fin de vie à tous les Québécois, de les rendre disponibles.
L'idée, ce n'est pas d'imposer l'aide médicale à mourir, mais de la rendre disponible. La seule exception concernait les maisons de soins palliatifs, qui sont des établissements autonomes gérés par leur propre conseil d'administration. Au départ, en décembre 2015, tous ces établissements avaient affirmé qu'ils n'offriraient jamais l'aide médicale à mourir, car cela allait à l'encontre des soins palliatifs.
Déterminer pour un patient ce qui est pour lui la meilleure façon de mourir relève d'un paternalisme médical qui n'a plus sa place en 2022. Comme soignants, comme médecins, notre rôle est d'informer le patient des options qui s'offrent à lui, de nous assurer qu'il les comprend bien et de respecter son choix, peu importe notre propre choix, nos propres valeurs et nos propres convictions.
En matière de fin de vie, il n'y a pas 50 options, il y en a quatre: les soins palliatifs, l'aide médicale à mourir, la sédation palliative et le refus ou la cessation du traitement.
Je reviens aux 34 maisons de soins palliatifs — maintenant, il y en a beaucoup plus que cela au Québec — qui refusaient d'offrir l'aide médicale à mourir. Aujourd'hui, plus de la moitié d'entre elles offrent aussi l'aide médicale à mourir dans leur offre de soins. Elles n'offrent pas de moins bons soins palliatifs pour autant.
Nous nous sommes centrés sur la demande de la population et sur l'intérêt des malades. Une réalité a toujours existé: parmi les patients qui entraient dans les maisons de soins palliatifs, de nombreux patients demandaient l'aide médicale à mourir en cours de route, parce qu'ils n'en pouvaient plus de souffrir. Tout ce que l'on pouvait leur offrir, c'était de les endormir jusqu'à ce qu'ils décèdent. Or ce n'était pas ce que les gens voulaient.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Docteur Naud, vous avez tout à fait raison de parler de l'expérience du Québec, qui a inscrit dans un continuum de soins la possibilité qu'émerge en cours de route une demande d'aide médicale à mourir, plutôt que de considérer que c'était en opposition aux autres soins.
La Dre Herx a dit qu'il fallait une approche holistique, et je suis absolument d'accord. Cependant, en quoi les soins palliatifs, cet accompagnement global vers la mort, susciteraient-ils tout à coup un sentiment d'échec si, un bon matin, parce que le mourant a reçu de bons soins palliatifs, il se sent totalement serein et se dit prêt à lâcher prise? C'est peut-être aussi un succès des soins palliatifs que de permettre un réel accompagnement vers la mort, n'est-ce pas?
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Vous avez tout à fait raison. Il ne faut pas du tout voir cela comme un échec, mais comme un élément dans un continuum de soins, tout simplement.
Encore une fois, l'aide médicale à mourir est un soin légitime et légal, ce n'est pas un soin honteux. Je suis impliqué en soins palliatifs depuis 37 ans et en aide médicale à mourir depuis le début, et je n'ai jamais fait la promotion de l'aide médicale à mourir. Pour moi, ce soin n'est pas plus digne ni moins digne que les soins palliatifs, la sédation ou le refus de traitement. Ce qui est important, c'est d'offrir au patient les options qui sont disponibles, de bien les lui expliquer et de s'assurer qu'il prend la décision en fonction de ses propres valeurs, croyances et convictions.
Dans le domaine des soins palliatifs, plusieurs des opposants à l'aide médicale à mourir s'y opposent par conviction religieuse, laquelle est souvent soigneusement cachée, certains par conviction idéologique. Là, il y aurait toute une réflexion psychanalytique à faire. On sait combien les soins palliatifs ont été importants et ont pris une place considérable dans les 30 dernières années. Il était essentiel qu'on puisse les offrir à tous les Québécois. Alors, je pense que certains médecins voient l'aide médicale à mourir comme un constat d'échec. Ils ressentent peut-être inconsciemment un sentiment d'échec lorsqu'ils se retrouvent dans une situation où, après avoir promis à un patient de l'accompagner jusqu'à son décès, ils doivent lui dire qu'ils ne peuvent plus l'accompagner dans sa fin de vie parce qu'il a fait un choix auquel ils s'opposent.
Moi, en tant que médecin en soins palliatifs, quand je reçois la demande d'un patient qui me dit que, selon l'oncologue, il n'y a plus rien à faire, je lui dis que tout reste à faire, qu'on va le faire ensemble et que je lui tiendrai la main jusqu'à la fin, peu importe le choix de fin de vie qu'il fera. Je lui dis que je serai avec lui et que je respecterai son choix.
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Merci, madame la coprésidente.
Docteure Herx, je vais peut-être commencer par vous. J'étais député lors de la 42e législature, lorsque le débat initial sur le projet de loi a eu lieu en 2016. Je me souviens des débats passionnés qui ont eu lieu à la Chambre à cette époque. Les opinions exprimées par les députés étaient très diverses. Parallèlement à ce débat, on a également reconnu que notre pays devait faire mieux pour offrir aux patients des choix en matière de soins palliatifs. Dans ma propre collectivité, dans la vallée de Cowichan, sur l'île de Vancouver, le centre de soins palliatifs de Cowichan a énormément bénéficié de la construction d'un nouveau centre de soins palliatifs, qui a permis d'augmenter le nombre de lits disponibles.
J'aimerais que nous revenions un peu sur ces dernières années.
Le projet de loi initial a été adopté en 2016. En 2017, tous les partis ont appuyé le cadre des soins palliatifs. Docteur Herx, lorsque vous avez vu l'intérêt renouvelé accordé aux soins palliatifs au Canada, qui a commencé en 2016 avec le débat sur le projet de loi , puis avec l'adoption du cadre sur les soins palliatifs, avez-vous vu une amélioration en 2017, 2018 et 2019, puis est‑ce que cela s'est dégradé? Avons-nous un peu perdu le fil et devons-nous recentrer notre attention? J'aimerais que vous me disiez à quoi ont ressemblé ces dernières années.
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Comme vous l'avez dit, on s'intéresse de nouveau à l'importance des soins palliatifs, et tant la Cour suprême que le projet de loi ont établi qu'ils étaient susceptibles d'atténuer les souffrances qui pourraient mener à une demande de mort accélérée. Nous avons eu la chance d'appuyer, par l'entremise de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs, le projet de loi , qui a créé le cadre national pour les soins palliatifs. Cela nous a permis de réunir tout le bon travail qui a été fait partout au pays, selon les normes internationales, pour consolider ce que nous devons accomplir au Canada pour faire des soins palliatifs une réalité.
Malheureusement, nous n'avons rien fait de plus que de mettre un cadre sur le papier. Ce dont nous avons besoin, c'est de l'argent et de l'infrastructure nécessaires pour déployer des troupes sur le terrain. Nous avons maintenant des compétences nationales clairement définies pour tous les professionnels qui fournissent une approche palliative aux soins de leurs patients et pour la formation spécialisée qui est nécessaire, mais elles ne sont pas intégrées dans les programmes d'études partout au pays. Nous n'avons pas de normes de qualité pour évaluer les soins palliatifs offerts dans l'ensemble du pays. Cela nous ramène aux données de Santé Canada. Nous ne savons tout simplement pas ce qui se passe et qui fournit les soins, bien que nous ayons maintenant ces programmes d'habilitation.
Nous avons besoin d'un système national lié aux normes d'Agrément Canada et administré de façon à ce que les provinces recueillent des données sur les résultats qui soient déclarées par les patients. Nous avons également besoin de normes de qualité pour nous assurer que les provinces sont responsables de l'amélioration de la qualité des soins palliatifs et de l'accès à ces soins. Pour y arriver, il faudra investir des ressources sur le long terme afin d'intégrer ces formations aux cursus, renforcer les normes et obliger les provinces à rendre des comptes au moyen de normes d'agrément. C'est absolument nécessaire, et nous n'avons rien vu de tel. Il n'y avait pas d'argent dans le dernier budget fédéral, et cela doit changer. Au moins 95 % des Canadiens ne veulent pas mourir en ayant recours à l'aide médicale à mourir, alors investissons de l'argent pour répondre aux besoins de tous ceux qui ne veulent pas de l'aide médicale à mourir.
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Nous nous entendons tous pour dire que les soins palliatifs doivent être offerts partout et à tous ceux qui en ont besoin. Personne ne s'oppose à cela.
De ma position, ici, dans la ville de Québec, j'entends l'argument selon lequel l'aide médicale à mourir a entraîné une réduction des fonds budgétaires affectés aux soins palliatifs. Or, je n'ai jamais vu une démonstration de cela. J'attends encore les preuves, tout simplement. Je pense que les soins palliatifs sont sous-financés en général, et ce, depuis fort longtemps. Cela n'a rien à voir avec l'arrivée de l'aide médicale à mourir.
Encore une fois, il faut cesser de percevoir la possibilité de recourir à l'aide médicale à mourir comme quelque chose qui s'oppose à des soins palliatifs de qualité. Il s'agit d'avoir l'un et l'autre et de respecter le choix libre et éclairé du patient. On en revient encore au principe de l'autodétermination.
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Merci de la question, madame la sénatrice.
C'était un argument des opposants à l'aide médicale à mourir. Au Québec, nous avons commencé à parler d'aide médicale à mourir en 2009, lorsque le gouvernement a mis sur pied la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, jusqu'à ce que la Loi concernant les soins de fin de vie soit adoptée en juin 2014. C'est un argument que nous entendions continuellement. Cependant, nous savions que c'était faux, et notre expérience de presque six ans et demi a démontré que c'était faux. Aucun patient ne reçoit l'aide médicale à mourir parce qu'il n'a pas eu accès à des soins palliatifs de qualité.
Au Québec, on compile d'excellentes statistiques là-dessus, contrairement à certains autres endroits au Canada. La Commission sur les soins de fin de vie, qui a été instituée en vertu de la Loi concernant les soins de fin de vie du Québec, compile des statistiques rigoureuses. Comme je le mentionnais dans mon allocution, 80 % des malades au Québec qui reçoivent l'aide médicale à mourir recevaient déjà des soins palliatifs; les autres, qui représentent 20 %, ont refusé volontairement de recevoir des soins palliatifs. Quand nous rencontrons un malade qui fait une demande d'aide médicale à mourir, nous avons l'obligation de lui parler des possibilités de traitement et de soulagement qui s'offrent encore à lui. Nous avons l'obligation de lui parler de la possibilité de recevoir des soins palliatifs s'il n'en reçoit pas déjà. Malgré tout, 20 % des gens qui reçoivent l'aide médicale à mourir ont refusé volontairement de recevoir des soins palliatifs.
Je vous ai aussi parlé de l'expérience des maisons de soins palliatifs, qui, au début, refusaient d'offrir l'aide médicale à mourir. Il n'empêche que, dans toutes ces maisons, il y avait des demandes. Alors que ces malades étaient à deux ou trois jours de leur décès et qu'ils se trouvaient dans des états épouvantables, on les transférait dans un hôpital pour qu'ils y reçoivent l'aide médicale à mourir. Maintenant, plus de la moitié de ces maisons offrent l'aide médicale à mourir et ne prodiguent pas de moins bons soins palliatifs pour autant. C'est une question de temps. Quand la Loi concernant les soins de fin de vie du Québec sera modifiée, je suis convaincu qu'on lèvera cette exemption dont bénéficient les maisons de soins palliatifs.
C'est donc un faux argument, et nous pouvons faire la preuve et la démonstration que cet argument était faux depuis le début.
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Bien sûr, madame la sénatrice. Dans mon mémoire, je fais référence à la prise de position du Collège des médecins du Québec, à l'expérience de la Belgique et des Pays‑Bas, ainsi qu'aux rapports d'experts en psychiatrie qui proposent des mesures. Je pense entre autres à l'Association des médecins psychiatres du Québec, qui a produit un volumineux document où l'on parle de mesures à mettre en place. Je pense qu'il faut le faire avec les experts.
En ce qui concerne les mineurs, aux Pays‑Bas et en Belgique, par exemple, en plus des deux médecins, il y a l'obligation d'avoir un avis d'un pédopsychiatre ou d'un psychiatre sur la maturité du mineur. Il faut comprendre que les adolescents de 14 à 18 ans ne sont pas immatures. Bien au contraire, ces jeunes qui ont été très malades ont souvent une maturité que la plupart des jeunes de leur âge n'ont pas. Il est donc faux de penser que, parce qu'ils ont moins de 18 ans, ils ne sont pas aptes à consentir à l'aide médicale à mourir. Comme médecins ou spécialistes, nous sommes capables de bien évaluer cette aptitude à consentir à l'aide médicale à mourir.
Ce sont effectivement des clientèles pour lesquelles nous devrons avoir des mesures de sauvegarde supplémentaires, en plus de celles que nous avons déjà.
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Je vous remercie, monsieur le sénateur.
Il n'y a pas de difficulté à cet égard. La seule difficulté relève du soignant lui-même. Vous savez que les opposants à l'aide médicale à mourir utilisent beaucoup le terme « euthanasie » avec mépris, en disant que c'est de l'euthanasie. Or, il faut remonter à la racine grecque du mot « euthanasie » pour comprendre que ce mot veut dire « une belle mort ». En Belgique, on n'hésite pas à utiliser ce terme, qui figure d'ailleurs dans le nom de la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation de la loi relative à l'euthanasie.
L'aide médicale à mourir est un acte d'euthanasie. C'est un soin médical qui consiste à soulager la souffrance. Quelle est la meilleure façon de soulager la souffrance? Comme soignant, il ne nous appartient pas de le déterminer. Lorsqu'il s'agit de dignité en fin de vie et de la meilleure façon de mourir, je n'ai pas la réponse. Ce n'est pas à moi de choisir ou de décider pour un malade. Encore une fois, mon rôle de soignant est d'exposer au malade les options qui s'offrent à lui et de respecter totalement son choix.
Les sondages révèlent que de 85 à 90 % de la population générale est favorable à l'aide médicale à mourir. La proportion est même un peu plus élevée parmi les médecins du Québec, d'après un sondage réalisé par le Collège des médecins du Québec sur la question. C'est donc dire que de 10 à 15 % de la population s'oppose à l'aide médicale à mourir. C'est certain que, si vous demandez à ceux qui s'opposent à l'aide médicale à mourir depuis le début s’ils sont favorables à un élargissement de l'accès, leur réponse sera négative. Cette proportion de la population s'opposera toujours à ce qu'on élargisse l'accès à l'aide médicale à mourir.
Pour ma part, je pense qu'il faut respecter les souhaits de la majorité de la population canadienne et québécoise et savoir à quoi exactement répondra un élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir. Nous pouvons débattre longtemps de la mort, de la dignité en fin de vie et de la meilleure façon de mourir. Selon moi, il revient à chaque individu de déterminer quelle est la meilleure façon de mourir.
Certaines personnes diront que c'est Dieu qui leur a donné la vie et que c'est à lui de la reprendre. En tant que médecin en soins palliatifs, je respecte totalement ce point de vue. Ces gens veulent vivre une phase de coma terminal ou d'agonie terminale. Je pense que nous avons tous vu ce genre de situation dans nos familles, où la personne va mourir en râlant, la bouche ouverte, pendant 10 jours. À l'inverse, certaines personnes n'envisagent absolument pas leur fin de vie de cette façon, car elles ont vu leur parent mourir ainsi et elles se disent que leur vie à elles ne se terminera pas de cette façon.
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Merci, madame la sénatrice Martin.
Malheureusement — et cela vient compléter ma réponse à la question que M. MacGregor m'a posée tout à l'heure —, non seulement nous n'avons pas vu de nouveaux investissements dans les soins palliatifs pour améliorer l'accessibilité et mesurer la qualité des soins dont il est question dans les rapports de Santé Canada, mais nous avons vu une perte de ressources en soins palliatifs.
Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, et il y a des détails complémentaires dans mon mémoire, les ressources existantes en soins palliatifs ont été utilisées pour fournir l'aide médicale à mourir. Le financement des soins palliatifs dans différentes provinces est utilisé pour financer les programmes d'aide médicale à mourir, de sorte que nous avons moins accès aux soins palliatifs qu'avant la légalisation de l'aide médicale à mourir.
On demande maintenant aux cliniciens de fournir l'aide médicale à mourir. Beaucoup d'infirmières en soins palliatifs ont maintenant quitté leur emploi parce qu'elles sont tellement démoralisées de ne pas être en mesure de fournir les soins palliatifs pour lesquels elles ont commencé à travailler. L'aide médicale à mourir a été regroupée dans les budgets avec les soins palliatifs et les soins de fin de vie, et l'aide médicale à mourir est financée à même les fonds existants pour les soins palliatifs.
Cela met en péril les ressources déjà limitées pour les soins palliatifs et, comme je l'ai mentionné, certains centres de soins palliatifs ont été forcés d'admettre des gens simplement pour fournir l'aide médicale à mourir, et non pour fournir des soins palliatifs holistiques. Ils utilisent cette ressource rare en soins palliatifs, au détriment d'autres personnes qui veulent des soins palliatifs et une mort naturelle et qui ne peuvent y avoir accès. Nous avons vu des effets dévastateurs sur les soins palliatifs au cours des dernières années.
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Merci, monsieur le coprésident.
Ce troisième groupe sera composé de trois témoins. Si vous me le permettez, je vais faire quelques commentaires sur le déroulement de la séance.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que l'un des coprésidents vous donne la parole en vous interpellant par votre nom. Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés aux coprésidents.
Lorsque vous parlez, parlez lentement et clairement. L'interprétation de cette vidéoconférence fonctionnera comme une réunion en personne du Comité. Au bas de l'écran, vous avez le choix entre « Parquet », « Anglais » ou « Français ». Lorsque vous ne parlez pas, veuillez mettre vos microphones en sourdine.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins du troisième groupe. À titre personnel, nous accueillons Audrey Baylis, infirmière diplômée à la retraite. Nous accueillons Diane Reva Gwartz, infirmière praticienne en soins de santé primaires, et le Dr Sonu Gaind, professeur.
Merci à tous de vous être joints à nous. Nous allons commencer par une déclaration préliminaire de cinq minutes chacun. Nous entendrons d'abord Mme Baylis, puis Mme Gwartz et ensuite le Dr Gaind.
Madame Baylis, vous avez la parole.
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Merci, madame la présidente et merci aux membres du Comité.
Il y a deux raisons pour lesquelles j'ai demandé à comparaître devant le Comité. La première est que je souhaite que l'on modifie la loi pour qu'il soit possible de planifier à l'avance la fin de sa vie tant que l'on est encore en bonne santé et en mesure de faire un choix — par exemple, quand on rédige son testament. La deuxième serait la formation, car je crois que les attitudes ne changent pas sans formation.
Mon mari a reçu l'aide médicale à mourir le 23 novembre 2020.
Il a eu un double pontage en 2000 et on lui a installé un stimulateur cardiaque/défibrillateur en 2009. Il avait une bonne qualité de vie jusqu'en 2019, année où son état a commencé à s'aggraver. Au printemps 2020, son médecin de famille l'a informé qu'aucun autre traitement n'était disponible pour améliorer sa qualité de vie. Le médecin, qui était très proactif, a discuté de ce à quoi il devait s'attendre en matière de qualité de vie jusqu'à sa fin de vie et a décrit les choix qui s'offraient à lui: les soins palliatifs ou l'aide médicale à mourir. Au cours des six mois suivants, nous avons voyagé en Ontario pour rendre visite à des parents et amis.
Comme son état s'aggravait, il a demandé l'aide médicale à mourir. Une date a été fixée pour le 29 novembre, son anniversaire; cependant, son état s'est fortement aggravé et, le 23 novembre, il a reçu l'aide médicale à mourir. La famille est venue le matin de l'événement, et nous n'avons que de bons souvenirs, parce qu'il était présent pour toutes les conversations, et il a dit au revoir.
Lorsque le médecin est venu, elle a demandé s'il était prêt. Lester leur a fait un câlin et leur a dit qu'il les aimait. Il est entré dans la chambre et s'est étendu sur le lit. Je me suis couchée à côté de lui, j'ai tenu sa main et il m'a dit au revoir. Le médecin lui a demandé de nouveau si c'était ce qu'il voulait, et il a répondu: « Oui. » Quelle meilleure façon de finir sa vie? Nous n'avons que de bons souvenirs.
La raison pour laquelle la planification préalable me passionne tant, c'est qu'avant l'âge de 31 ans, j'ai eu trois arrêts cardiaques et les deux tiers de mon estomac m'ont été enlevés par chirurgie. J'avais trois enfants et je travaillais à temps plein, alors je m'inquiétais de mon avenir, et voici plus de 50 ans, j'ai mis en place un plan pour ma fin de vie. J'ai un document signé par ma famille et mes amis afin qu'ils m'emmènent en Suisse pour que j'y reçoive l'aide médicale à mourir. Le document énonce clairement ce que je souhaite et les critères qui permettront à ma famille de prendre cette décision.
Pour conclure, la planification préalable est nécessaire pour s'assurer que vous avez le choix de la façon dont vous voulez procéder à votre fin de vie, au‑delà de la religion et des influences externes, avant un événement médical ou un accident qui, plus tard, vous rendra incapable de faire ce choix.
Pour ce qui est de la deuxième partie, la formation, je recommande une initiative fédérale-provinciale pour ajouter au programme d'études de tous les établissements d'enseignement de la médecine la « dernière phase de la vie jusqu'à la fin de la vie », en insistant sur la nécessité que le patient participe à toutes les discussions médicales. Il faut briser ce moule qui consiste à parler à la famille et non au patient.
J'aimerais que cela se fasse en trois parties. Premièrement, dans la section « dernière phase de la vie jusqu'à la fin de la vie », le médecin déclare qu'il n'a pas d'autre traitement à offrir au patient pour améliorer sa qualité de vie et discute avec lui de ce à quoi il doit s'attendre à mesure que son état s'aggrave jusqu'à la fin de la vie et des choix qui s'offrent à lui. La deuxième partie porte sur les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir; ces soins devraient être enseignés en profondeur. Troisièmement, il y a la formation continue.
Voici ma dernière réflexion. Personnellement, j'ai de la difficulté à comprendre la négativité qui entoure l'aide médicale à mourir, car dans les deux cas, vous mourrez d'une drogue à moins que vous ne mouriez d'un infarctus. Les soins palliatifs sont un processus plus long au cours duquel on prend bien soin de vous et on fait en sorte que vous vous sentiez bien grâce à un médicament jusqu'à ce que votre corps s'arrête, la plupart du temps à cause du même médicament. Dans le cadre de l'aide médicale à mourir, vous choisissez la date, votre famille vous accompagne, et vous participez à toutes les conversations jusqu'à ce que vous disiez au revoir.
J'aimerais remercier M. Longpre de son aide au cours des derniers mois et Adam Moore de m'avoir recommandée.
Merci. Je suis tout à fait disposée à répondre à vos questions.
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Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant le Comité.
Je suis infirmière praticienne depuis plus de 20 ans. J'évalue les demandes d'AMM et dispense ce service depuis juin 2018. Quand j'ai commencé à m'en occuper, il n'y avait personne pour offrir l'aide médicale à mourir dans les services communautaires à Niagara, où je vis et travaille, et il n'y avait aucun mécanisme de financement pour aider les infirmières praticiennes à dispenser ces soins. J'ai travaillé comme praticienne de l'AMM sans aucune rémunération pendant près de trois ans, jusqu'à ce que des fonds soient expressément affectés à ce service, il y a un an.
À ce jour, j'ai évalué 55 demandes d'AMM et offert le service dans 24 cas. Je suis une membre active de la Canadian Association of MAID Assessors and Providers.
En outre, il est sans doute bon que le Comité sache qu'un membre de ma famille a reçu l'aide médicale à mourir. Il s'agit de ma mère, qui souffrait de graves problèmes de santé physique et était depuis longtemps affectée par la maladie mentale. Elle a reçu l'aide à mourir en août 2018.
On m'a demandé de vous entretenir de la mise en œuvre de l'aide médicale à mourir au Canada. Je vais parler des principales réussites et difficultés qui, à mon point de vue, ont jalonné cette mise en œuvre et formuler des recommandations pour la suite des choses.
Premièrement, je félicite le Canada d'avoir fait de l'aide à mourir un service universel en matière de soins de santé pour tous ceux qui répondent aux critères d'admissibilité et d'avoir mis l'accent sur les besoins et les volontés des patients.
De plus, je crois que le projet de loi , présenté en mars 2021, a amélioré le processus de l'AMM, notamment en éliminant la période de réflexion, en ajoutant la renonciation au consentement final et en donnant à ceux dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible la possibilité de demander l'AMM.
La praticienne de l'aide médicale à mourir que je suis considère que c'est un privilège de pouvoir offrir ces soins à des personnes qui endurent des souffrances intolérables. C'est aussi le travail le plus émouvant de ma carrière en soins infirmiers. Compte tenu du nombre croissant de demandes d'AMM et de la charge de travail importante liée à l'évaluation des patients dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible, la pénurie de praticiens de l'AMM constitue un défi de taille pour la prestation des soins.
Si un projet de loi prévoyant que la maladie mentale puisse être le seul problème médical invoqué, la charge de travail augmentera sans aucun doute de façon très marquée. Partout au Canada, des infirmières praticiennes souhaitent fournir l'AMM, mais il leur faut un mécanisme de financement. Le réseau des praticiens de l'AMM qui existe au Canada est une ressource extraordinaire qu'il faut protéger et accroître si nous voulons que l'AMM soit pour tous les Canadiens l'un des choix possibles parmi les soins en fin de vie.
Malheureusement, dans de nombreuses collectivités, les politiques institutionnelles empêchent de fournir l'aide médicale à mourir à ceux qui en font la demande. Chez moi, par exemple, vu les politiques et les ressources des hôpitaux, il est difficile de recevoir l'AMM dans le système hospitalier. Le centre de réadaptation et le centre de soins palliatifs ont tous deux des politiques qui en interdisent expressément la prestation chez eux. Il est inéquitable et injuste que les divers établissements puissent établir des politiques qui privent ceux qui ont besoin de leurs services de la possibilité d'obtenir cette aide.
Les dernières difficultés dont je voudrais dire un mot, à propos de l'aide à mourir, sont une sensibilisation ainsi qu'un soutien et un accès limités au niveau local.
Dans bien des collectivités, comme la mienne, on est très peu au courant du fait que l'AMM est, parmi les soins en fin de vie, l'un des services dont ils peuvent se prévaloir. On en parle peu aux patients et aux familles. De plus, les services de soutien pour l'AMM sont extrêmement limités. Les fournisseurs de services communautaires ont besoin de l'aide du système de soins de santé pour la gestion de l'aiguillage vers les services, le soutien administratif et les activités de liaison avec la collectivité. Enfin, l'inégalité d'accès à l'aide médicale à mourir selon les régions constitue un obstacle important au Canada.
Enfin, voici mes recommandations.
Comme vous le savez sûrement, la notion de demande anticipée d'aide à mourir suscite beaucoup d'intérêt. Les patients qui entrevoient un déclin de leur état de santé et de leurs facultés, par exemple ceux qui sont atteints de démence ou de troubles neurologiques, pourraient préciser les critères ou circonstances qui activeraient leur demande d'aide médicale à mourir. À l'heure actuelle, les patients sont souvent coincés entre deux possibilités: avoir recours à l'aide médicale à mourir avant d'être réellement prêts ou rater l'occasion d'avoir accès à l'aide médicale à mourir parce qu'ils n'auraient plus les facultés nécessaires pour en faire la demande.
Le besoin de ressources accrues pour les praticiens de l'AMM est déjà un problème non négligeable. Toutefois, compte tenu des changements possibles à compter de mars 2023, la planification des ressources en soins de santé est essentielle. Un financement adéquat pour que les praticiens de l'AMM puissent fournir les soins et que de nouveaux praticiens prennent une formation est indispensable, vu l'augmentation prévue du nombre de demandes et le temps à consacrer à l'évaluation dans le cas des personnes ayant une maladie mentale comme problème principal.
De plus, il faut élaborer un plan de mise en place des ressources psychiatriques nécessaires pour appuyer ce travail. Il est essentiel de prévoir des fonds et un soutien suffisants avant la mise en œuvre des modifications législatives.
Enfin, ceux d'entre nous qui fournissent l'aide médicale à mourir dans la collectivité ont désespérément besoin de soutien. Il faut mieux financer le travail de ceux qui fournissent l'aide médicale à mourir dans la collectivité, dont les infirmières praticiennes, et mettre en place une infrastructure organisationnelle pour appuyer ce travail. Ainsi, ceux qui souhaitent mourir paisiblement chez eux, selon leurs vœux et entourés de ceux qui comptent le plus pour eux, pourront bénéficier de l'aide médicale à mourir.
Je suis heureuse d'avoir pu témoigner devant le Comité et vous faire part de mes réflexions sur la mise en œuvre de l'aide médicale à mourir au Canada. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Merci, madame la présidente, de me donner l'occasion de prendre la parole.
Je m'appelle Sonu Gaind. Je suis professeur à l'Université de Toronto et chef de la psychiatrie à l'hôpital Humber River, où je suis au service d'une population diversifiée, formée notamment de groupes marginalisés. J'ai été président de l'Association des psychiatres du Canada et de l'Association des psychiatres de l'Ontario et j'ai siégé au comité du Conseil des académies canadiennes chargé de la maladie mentale. J'ai travaillé en psycho-oncologie auprès de patients mourants et de leurs familles tout au long de ma carrière.
Je m'exprime ici à titre personnel; je ne représente aucun groupe avec lequel je travaille.
Je suis également médecin président de l'équipe d'aide médicale à mourir de mon hôpital et je ne suis pas un objecteur de conscience. Je n'aborde pas la question avec une idéologie particulière, si ce n'est que je préconise une démarche qui s'appuie sur des données probantes. Les politiques d'intérêt public délicates comme celles‑ci exigent une approche dénuée de toute idéologie et fondée sur des faits. J'ai vu les avantages de l'AMM dans des situations où elle a sa place, comme celles évoquées par Mme Baylis. J'ai également été sensibilisé aux dangers de l'aide médicale à mourir là où elle ne constitue pas une réponse. J'en suis venu à m'apercevoir que notre volonté d'offrir l'AMM à ceux qui ne sont pas proches de la mort et souffrent uniquement de maladie mentale révèle un clivage: nous sommes en fait en présence de deux mondes étrangers l'un à l'autre.
Les faits montrent que, lorsque la mort est prévisible, ceux qui demandent l'AMM le font pour préserver leur dignité et leur autonomie et éviter une mort douloureuse. Ceux qui la demandent en pareilles circonstances sont le plus souvent, pour reprendre les termes des chercheurs, des blancs, instruits et privilégiés. On en a conclu qu'il était sans danger d'étendre ce service à d'autres situations.
Or, si l'AMM est étendue aux malades mentaux qui ne sont pas proches de la mort, le paradigme change du tout au tout. C'est un groupe différent qui obtient ce service. Il s'agit de personnes marginalisées, non mourantes, qui n'ont jamais eu l'autonomie nécessaire pour vivre dans la dignité. Elles cherchent non à mourir dans la dignité, mais à échapper à la souffrance de la vie. Il y a là un recoupement avec la situation des personnes suicidaires au sens classique du terme.
Les faits montrent que ce groupe est plus marginalisé et porte des souffrances psychosociales non résolues, comme la solitude et l'isolement. Un fossé terrifiant entre les sexes se creuse, car deux fois plus de femmes que d'hommes reçoivent la mort pour fuir les souffrances de la vie.
L'élargissement de l'AMM, prévue au départ pour éviter à des patients une mort douloureuse, permet à ces personnes marginalisées qui ne sont pas proches de la mort d'échapper à une vie douloureuse. Pis encore, l'état de bon nombre de ces personnes pourrait s'améliorer. Le CAMH, l'Association canadienne pour la prévention du suicide et d'autres ont conclu que, d'après les faits observés, nous ne pouvons jamais nous prononcer sur l'irréversibilité de la maladie mentale.
Je ne peux rien dire des recommandations précises du groupe fédéral d'experts sur la santé mentale, puisque la production de son rapport a été repoussée. Quoi qu'il en soit, ce groupe ne peut pas fabriquer de toutes pièces des éléments de preuve. Il a été chargé de recommander des protocoles, des lignes directrices et des mesures de protection relativement à l'aide médicale à mourir en cas de maladie mentale, et non de s'assurer qu'on peut l'offrir en toute sécurité.
Cette façon de faire et la disposition de caducité sont étrangères à la démarche scientifique. Aucune société pharmaceutique ne se fait demander un mode d'emploi pour un somnifère dont on lui dit qu'il sera approuvé dans deux ans sans preuve d'efficacité ou d'innocuité. La disposition de caducité et le mandat du groupe fédéral d'experts s'appuient sur des bases moins solides que ce qu'on exige pour autoriser la mise en marché d'un somnifère.
Si on contourne la principale mesure de protection contre la mort prématurée, c'est-à-dire la limitation de l'AMM aux cas où l'irréversibilité est prévisible, toute autre précaution ne peut être qu'une fausse assurance et un vœu pieux. Des personnes marginalisées désespérées dont l'état pourrait s'améliorer obtiendront l'aide médicale à mourir. Il n'est guère rassurant qu'une membre du groupe de 12 experts ait démissionné il y a des mois et que son nom figure toujours sur le site Web ouvert au public.
Alors que plus de 85 % des psychiatres de l'Ontario qui ont répondu à un récent sondage appuient l'AMM en général, moins de 30 % d'entre eux sont d'accord si elle est justifiée uniquement par la maladie mentale. Ils se sont opposés à la disposition de caducité dans une proportion de trois contre un. La commission du Québec vient de recommander de ne pas offrir l'AMM si la maladie mentale est la seule justification.
En mars dernier, à la Chambre, M. Thériault a dit: « Si le comité d'experts et le comité spécial arrivent à la conclusion que la maladie mentale doit être exclue, elle sera exclue. » Vu, son étroit mandat, le groupe ne peut même pas, normalement, envisager d'exclure le motif des problèmes de santé mentale. Je demande maintenant au Comité spécial de tenir compte des faits et de respecter l'engagement évoqué par le député.
Enfant, j'entendais parler du Komagata Maru, de ceux que le Canada a refoulés et qui ont été renvoyés en Inde, où certains ont trouvé la mort. J'ai donc appris dès l'enfance que la politique, la loi sur le passage sans escale, pouvait sembler être la même pour tout le monde, alors qu'elle avait en fait une dimension raciste pour certains. Je vois l'expansion actuelle de l'aide médicale à mourir de la même façon. Nous sommes en présence de deux mondes différents. C'est la même loi, mais ses répercussions diffèrent d'un groupe à l'autre.
Il est faux de prétendre qu'il faut élargir l'accès à l'AMM simplement au nom de l'autonomie. L'élargissement prévu de l'accès et la disposition de caducité assureront peut-être une plus grande autonomie à certains pour qu'ils puissent mourir dans la dignité, mais cela se fera au détriment de Canadiens marginalisés qui mourront prématurément pour échapper à une existence misérable parce que la société ne leur aura pas permis de vivre dans la dignité. Ce n'est pas le Canada que je souhaite. Ce ne devrait pas être non plus celui que vous souhaitez.
Merci de m'avoir écouté. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
:
Merci, madame la présidente.
Madame Baylis, je tiens à vous féliciter pour votre carrière d'infirmière, même si vous êtes maintenant à la retraite. Vous en avez vu de toutes les couleurs au cours de votre carrière. Vous avez maintenant atteint ce qu'on appelle l'âge de la sagesse.
Comme vous le savez, le Canada offre des soins palliatifs depuis belle lurette; ce n'est que très récemment qu'il a commencé à offrir l'aide médicale à mourir. Selon les statistiques, à peu près 80 % des gens qui demandent l'aide médicale à mourir reçoivent déjà des soins palliatifs et ne veulent pas finir leur vie ainsi. En effet, ils souhaitent plutôt recevoir l'aide médicale à mourir. De plus, après y avoir réfléchi, 20 % des gens qui demandent l'aide médicale à mourir ne veulent pas recevoir de soins palliatifs.
En tant qu'infirmière, quels sont vos commentaires à ce sujet?
[Français]
Madame Gwartz, je viens d'une région extrêmement rurale. D'ailleurs, je pense être un des rares membres du Comité, sinon le seul, qui vient d'une région extrêmement éloignée des grands centres.
Au début de votre présentation, vous avez fait allusion au fait qu'à Niagara, qui est une grande région populeuse comparativement à ma région, on manquait de ressources pour offrir l'aide médicale à mourir.
Pourriez-vous m'en parler davantage, s'il vous plaît?
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je voudrais d'abord m'adresser à Mme Baylis.
Votre témoignage m'a beaucoup touché, madame Baylis. Je ne pense pas qu'il y ait une chose plus belle à souhaiter à un être humain que de pouvoir être entouré des siens et de se sentir, tout à coup, serein au seuil de la mort et entouré de l'amour des siens. Cela m'a vraiment beaucoup touché. Je vous remercie de nous avoir fait part de ce moment.
Vous avez une expérience assez incroyable des soins de santé, non seulement comme infirmière, mais aussi comme personne. Cela n'a-t-il pas aidé votre réflexion pour faire en sorte, par exemple, de comprendre ces questions de directives anticipées ou de demandes anticipées, ou de préparation? Je me pose une question à ce sujet. Vous avez parlé d'essayer de mettre en place des directives ou un processus au moment où l’on fait un testament. Est-ce nécessaire que tout cela soit notarié, selon vous?
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Merci beaucoup, madame la coprésidente.
Madame Baylis, je voudrais, tout comme mon collègue, M. Thériault, vous remercier d'avoir raconté au Comité cet épisode très personnel de votre vie, celui du décès de votre mari, du parcours qu'il a suivi pour exercer ses volontés, car, il voulait quitter ce monde avec, près de lui, l'amour de sa vie et les membres de sa famille.
Dans le document que vous avez remis au Comité, vous écrivez: « Je crois fermement que mes droits de citoyenne canadienne sont violés, car je n'ai pas la possibilité de prévoir dès maintenant comment se passera ma fin de vie. » Vous réclamez un protocole médical et juridique plus complet qui exclurait toute ingérence extérieure, qu'il s'agisse de groupes politiques, religieux ou d'intérêts spéciaux, de sorte que l'instance même de la personne s'exprime.
Madame Baylis, parmi les témoins de la première heure de séance, un médecin nous a parlé de ce qui se passerait dans le cas d'une personne qui aurait signé une directive anticipée et qui, de longues années après l'avoir signée, aurait perdu ses facultés, mais aurait aussi changé d'avis. Vous êtes-vous déjà interrogée à ce sujet?
Disons que vous signez une directive anticipée qui est parfaitement légale au Canada. Avez-vous déjà craint, personnellement, de changer d'avis par la suite, après avoir perdu la capacité de faire savoir que vous vous êtes ravisée?
Lorsqu'une personne demande l'AMM, elle peut le faire de façon informelle ou souvent, comme c'est le cas en Ontario, par l'entremise d'un guichet central. C'est ainsi qu'on nous renvoie des patients. Je communique directement avec eux par téléphone et je fixe un rendez-vous pour leur rendre visite. À ce moment‑là, je leur demande leur consentement pour pouvoir consulter leur dossier médical grâce au réseau hospitalier en ligne et prendre connaissance de certains renseignements de base. Ainsi, lorsque je me présente chez eux, je suis déjà renseignée sur leurs antécédents en matière de santé.
Lorsque j'arrive chez les patients, j'ai trois points que j'essaie habituellement de voir avec eux. D'abord, j'explique tout le processus d'approbation de l'AMM ainsi que l'intervention proprement dite. Deuxièmement, je décris le déroulement de l'aide médicale à mourir pour qu'ils comprennent de quoi il s'agit. Enfin, je leur offre la possibilité de commencer l'évaluation formelle. Je fais alors la première partie de l'évaluation, essayant de bien comprendre à partir de ce qu'ils me disent: leur parcours personnel, leurs symptômes, les causes de leurs souffrances, les traitements qu'ils ont pu recevoir, ce qui leur a été proposé, les changements que la maladie a apportés dans leur vie.
Cette visite dure habituellement entre une heure et une heure et demie. Je peux donc apprendre à connaître assez bien les personnes, qui peuvent également apprendre à me connaître.
Selon les résultats, nous discutons des étapes. Il arrive que la personne veuille seulement avoir de l'information. Parfois, elle est prête à aller de l'avant. À ce moment‑là, si elle n'a pas déjà rempli la demande écrite, elle le fait, et nous prenons des dispositions pour qu'une deuxième personne vienne faire l'évaluation de confirmation.
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Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse au professeur Gaind.
Si j'ai bien compris, il s'oppose au fait d'offrir l'aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème en est un de santé mentale, sans comorbidité. Selon lui, rien ne justifie le fait d'élargir cela.
En tant que spécialiste de la question, a-t-il étudié la situation des Pays‑Bas et de la Belgique, où l'aide médicale à mourir est disponible pour les gens souffrant uniquement de problèmes de santé mentale?
Les études menées là-bas, notamment les rapports annuels des commissions, indiquent-elles qu'il y a un problème? Aux Pays‑Bas, moins de 1 % des cas se termine par l'euthanasie; en Belgique, en 2020, on parlait de 21 cas sur 2 444.
Si je puis, je vais adresser ma première question à Audrey Baylis.
Vous dites qu'on vous refuse le droit de choisir à l'avance. Nous avons parlé de ce problème, de la situation impossible où nous placent la démence ou la maladie d'Alzheimer. On ne peut pas faire de demande anticipée, mais une fois qu'on a reçu un diagnostic, il est difficile de faire une demande après coup.
Quelle issue entrevoyez-vous? Avez-vous discuté avec d'autres professionnels de la santé? Dressez-vous une liste de choses qui, selon vous, constitueraient des souffrances intolérables et une situation dans laquelle vous voudriez avoir accès à l'AMM? Comment vous préparez-vous, même si vous n'avez pas encore le droit de faire une demande?
:
J'ai 84 ans et j'ai l'impression d'avoir eu une très belle vie.
J'ai expliqué très clairement dans mon document qu'il fallait que mes proches m'emmènent quelque part où j'aurais droit à l'AMM — des patients sont allés en Suisse —, quand ils pourront prendre une décision, si je ne peux pas le faire. Je refuse absolument d'aller dans un centre d'hébergement. Je ferai tout le nécessaire.
J'y pense beaucoup. Mes amis sont dans la même situation que moi. Nous en serons tous là d'ici quelques années. Si nous ne voulons pas aller dans un centre d'hébergement, que pouvons-nous faire? Il n'y a qu'une issue.
Je ne comprends pas que, de nos jours, nous ne puissions pas parler de la mort. Il semble que ce soit tabou. Nous allons tous mourir. Pour moi, c'est une affaire très personnelle. J'ai prévu ce qui se passera lorsque je ne pourrai plus me débrouiller seule.
:
Je vous remercie de vos deux questions. Je vais y répondre dans l'ordre où vous les avez posées.
Quelqu'un pourrait‑il retrouver la volonté de vivre même s'il est admissible à l'AMM pour cause de maladie mentale? L'AMPQ, l'association québécoise des psychiatres, a rédigé un document en faveur de l'élargissement de l'AMM aux cas de maladie mentale. L'un des principaux auteurs est en fait le président du groupe d'experts fédéral. Même s'ils appuient l'AMM pour cause de maladie mentale, ces psychiatres reconnaissent ceci, même dans leur énoncé de position: « Une personne qui demande l’AMM, peu importe son état, pourrait éventuellement retrouver le désir de vivre. » Ils ajoutent que les évaluateurs devront répondre à cette question d’ordre éthique pour chaque requête.
Ce que je veux dire, c'est que la loi ne dit pas que les problèmes de santé graves et irréversibles doivent faire l'objet d'une décision d'ordre éthique. Ce doit être une décision scientifique. À ce sujet, il ne fait aucun doute qu'il est impossible de faire des prédictions lorsqu'il s'agit de maladie mentale. La CAMH et tous les autres groupes qui se sont penchés sur la question, y compris l'AMPQ, l'ont admis.
En ce qui concerne les excuses nationales, vous faites sans doute allusion à l'article que j'ai écrit dans la Conversation. En somme, si nous n'offrons pas l'AMM pour un problème médical irréversible, un problème dont l'irréversibilité est prévisible, pourquoi l'offrons-nous? Force est de constater que nous le faisons pour toutes sortes d'autres souffrances qui gravitent dans une forte proportion autour de la maladie mentale.
Nous exposons à des risques des personnes marginalisées et vulnérables dont l'état pourrait s'améliorer. À mon avis, nous faisons de leurs cas des évaluations non scientifiques qui concluent à l'irréversibilité des problèmes alors que personne ne peut se prononcer là‑dessus. Sur la base de ces évaluations, des personnes marginalisées recevraient l'aide médicale à mourir.
À mon avis, c'est là une orientation pour laquelle notre pays devra un jour présenter des excuses.
Je remercie les trois témoins de ce soir à la fois de leurs exposés et des réponses qu'ils ont données à nos questions. Votre contribution est importante dans l'étude parlementaire d'un sujet très difficile et important.
Je vous remercie également d'avoir accepté de vous joindre à nous, surtout à cette heure tardive.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, nous avons quelques points à examiner très rapidement. Cinq minutes devraient suffire, je l'espère. Je vous soumets tout de suite la question.
Premièrement, nous sommes d'accord pour dire que les mémoires doivent être présentés au plus tard le 9 mai et qu'ils ne devraient pas dépasser 1 000 mots. Cette information sera affichée sur le site Web d'AMAD à plusieurs endroits. Si vous souhaitez la diffuser plus largement et publier un communiqué de presse, il faudrait que le Comité adopte une motion en ce sens.
Le Comité veut‑il publier un communiqué ou est‑il convaincu qu'il suffira de diffuser l'information sur son site Web?
Personne ne lève la main. C'est simplement une question à prendre en considération.
:
Vous avez sans doute raison.
Le deuxième point est un élément d'information. Il a été question que le Comité demande une prolongation. Il me semble prématuré de le faire à ce stade‑ci, mais si le Comité fait cette demande, je dois vous dire que, d'après les précédents de la Chambre des communes, le rapport devrait résumer le travail effectué jusque‑là et recommander que le Comité soit autorisé à poursuivre ses délibérations après le 23 juin et obtienne une prolongation d'un certain nombre de jours de séance pour présenter son rapport final.
À mon sens, il est un peu prématuré de prendre cette décision à ce stade‑ci. Il nous reste encore un certain nombre de séances, mais c'est une question qu'il serait peut-être bon de garder à l'esprit.
[Français]
La troisième chose que je veux mentionner, c'est que nous allons nous réunir, jeudi soir, pour une période de deux heures. Vous le savez peut-être déjà. Nous avons eu la confirmation que le Comité pourra continuer son travail jeudi soir, de 18 h 30 à 20 h 30.
[Traduction]
Je précise que les délibérations porteront sur les soins palliatifs. Comme vous l'avez tous remarqué, le Comité sera très occupé. Cela ne fait aucun doute.
Les échanges sur les soins palliatifs dureront deux heures jeudi soir. La séance suivante aura lieu lundi prochain, dans une semaine. Voulez-vous consacrer les trois heures aux soins palliatifs, ou avez-vous l'impression que deux heures suffiront et que nous pourrons passer au sujet suivant, soit les demandes ou les directives anticipées?
M. René Arseneault: Vous voulez parler du lundi suivant ce jeudi‑ci?
Le coprésident (L'hon. Marc Garneau): Oui, jeudi sera consacré aux soins palliatifs, mais voulez-vous une deuxième séance complète qui porterait sur le même sujet, ou êtes-vous prêts à passer aux directives anticipées?
Madame la sénatrice Wallin, vous avez levé la main.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
D'abord, je tiens à vous remercier d'avoir évoqué la possibilité d'un rapport provisoire, ou d'un rapport incomplet. Nous pourrons réfléchir à cette possibilité. La question à l'étude est tellement importante qu'il ne serait pas juste pour ceux qui attendent le rapport que nous agissions dans la précipitation.
Mon deuxième point porte sur les soins palliatifs. Les témoins que nous allons entendre pourraient-ils nous aider à résoudre une énigme qui est ressortie des échanges d'aujourd'hui? Selon certains, le financement des soins palliatifs aurait diminué. D'autres pensent le contraire et estiment qu'un plus grand nombre de gens reçoivent des soins palliatifs. J'ai du mal à y voir clair et la réponse m'échappe. Nous devons vraiment savoir de quoi il retourne. C'est un point fondamental.
Les témoins que nous allons entendre la prochaine fois ont-ils cette information, ou la Bibliothèque du Parlement pourrait-elle nous la fournir si nous la lui demandions? Je n'en sais pas assez sur la façon dont il faut s'y prendre.
:
Merci, monsieur le coprésident.
La sénatrice Wallin a parlé d'un plan de travail. Ne serait‑il pas prudent de le produire dès que possible? En effet, lorsque nous avons discuté du temps nécessaire aux analystes pour rédiger des rapports de diverses longueurs, nous comptions avoir quatre séances de trois heures. Il est maintenant question d'ajouter des heures de séance, peut-être même 12, à la semaine du 22 mai. Quelle répercussion cela aurait‑il sur la capacité des analystes de produire un rapport de 10 pages ou plus?
Quant au nombre de séances à consacrer à chaque sujet, je dirais que les questions sur les soins palliatifs ne sont pas une affaire réglée. Le sénateur Kutcher a posé une autre question à ce sujet. Il y a encore des choses à apprendre. Si nous ajoutons 12 heures de séance, je ne voudrais pas prématurément passer à une autre question ou sous-question, pour ainsi dire.
Il nous faut un plan de travail dont nous pourrions discuter ou dont le Sous-comité pourrait se saisir. Il pourrait faire l'objet de discussions en parallèle avant que nous ne reprenions une autre séance complète.
Merci.
J'ai demandé si nous devions poursuivre sur le même sujet lundi prochain. J'ai l'impression que vous penchez en faveur d'une deuxième séance pour l'étude des soins palliatifs.
M. Michael Barrett: Effectivement, monsieur.
Le coprésident (L'hon. Marc Garneau): Quant au plan de travail, deux ou trois points sont à l'étude pour le moment. Je pense que le Sous-comité va devoir se réunir.
La première chose, et cela a une influence sur le travail des analystes, c'est la taille du document que nous voulons produire. Il y a une grande différence entre 10 000 et 20 000 pages. C'est une décision que nous devons prendre, parce que cela a une incidence sur le temps dont ils auront besoin pour rédiger le rapport.
Il faut aussi tenir compte de la traduction. Il s'agit probablement du service le plus demandé à l'heure actuelle, et cela peut aussi nous retarder. Voilà pourquoi nous n'avons pas encore établi un plan de travail ferme et prévisible. Nous devons tenir compte de ces facteurs. Je vais demander au Sous-comité d'en discuter, car il nous faut trouver une solution.
Nous serons peut-être alors mieux en mesure d'élaborer le plan de travail que vous réclamez, mais je vous exhorte à la patience. Nous essayons de répondre à quelques questions avant de pouvoir produire ce plan.
M. Michael Barrett: Voilà qui m'éclaire grandement. Merci, monsieur le coprésident.
Le coprésident (L'hon. Marc Garneau): À vous, madame Fry.
:
Merci, monsieur le président.
Selon moi, la question des soins palliatifs n'est pas vraiment réglée. Toutefois, le sénateur Kutcher a soulevé un très bon point en demandant si les services de soins palliatifs étaient en baisse dans différentes provinces. Cela ne relève pas du gouvernement fédéral. Si les services de soins palliatifs sont en diminution, cela relève des provinces.
Ce sont des données factuelles que nous pouvons obtenir. Si les services de soins palliatifs diminuent, nous pouvons obtenir les données qui le montrent. Si ces services sont en repli et sont remplacés par des services d'AMM, nous pouvons aussi demander à la Bibliothèque du Parlement de faire des recherches à ce sujet.
Il ne nous reste pas beaucoup de séances et nous n'avons toujours pas abordé les questions très difficiles et épineuses. Santé mentale, maladie mentale, c'est un problème unique. Nous n'avons pas parlé des mineurs. Nous devons nous attaquer à ces questions très complexes. Les questions de soins palliatifs sont claires et sont de l'ordre des données factuelles, mais ces autres questions sont d'ordre cognitif; elles sont complexes et nous devons aller au fond des choses.
Nous devrions passer à autre chose à la prochaine séance. Nous pouvons obtenir de l'information sur les soins palliatifs et y revenir lorsque la Bibliothèque du Parlement nous la communiquera.
:
Merci, monsieur le coprésident.
À propos de la question de la sénatrice Wallin au sujet de jeudi, je n'ai pas eu l'occasion de communiquer avec tous les sénateurs parce que tout s'est passé rapidement, mais ma priorité absolue sera de veiller à ce que l'information soit communiquée plus vite. Je voulais simplement le faire savoir à la sénatrice Wallin et à mes collègues.
Quant aux soins palliatifs, c'est une question très importante et complexe. Au‑delà des chiffres, nous devons en entendre davantage. Il aurait dû y avoir un examen des soins palliatifs. Nous n'avons pas eu l'occasion d'évaluer la situation, surtout sous l'angle du recoupement avec l'AMM.
Je recommande instamment que nous consacrions deux séances à chaque question. À mon avis, elles sont toutes complexes.
:
Monsieur le président, d'une part, nous savons que nous allons nous rencontrer ce jeudi. C'est une bonne chose puisque le Bureau de régie interne, le BRI, ne siégera pas jeudi. Cela nous permettra de nous rencontrer.
Toutefois, nous ne savons pas si le BRI va siéger ou non jeudi prochain. Avant de nous réunir en sous-comité dans une situation que nous ne connaissons pas, je préférerais que nous prenions du temps pour tenir une réunion en sous-comité à la suite de notre rencontre jeudi, mais pas avant jeudi.
Présentement, nous tournons un peu en rond. Nous n'avons pas les informations nécessaires pour établir un plan de travail. Ce que nous avons établi, c'était qu'il n'y aurait pas de prolongation de nos travaux, du moins pour l'instant. Selon le plan de travail, nous devions respecter la date limite du 23 juin, ce qui, à mon avis, est un peu irréaliste, mais, bon, nous avons déjà débattu de cette question la dernière fois.
Nous savons maintenant que quatre séances de trois heures seraient ajoutées durant la semaine de relâche, mais attendons un peu de voir de combien de réunions du BRI nous disposerons pour établir le plan de travail.
Que nous nous rencontrions ce jeudi pour discuter des soins palliatifs, ça va. À la suite de cette rencontre, si nous n'avons pas d'autres informations, nous verrons si nous allons continuer sur cette thématique ou si nous allons passer directement aux demandes médicales anticipées. C'est mon point de vue.
En ce qui nous concerne, je pense que nous avons une semaine assez bien remplie.
:
Merci, monsieur le président.
Je voudrais juste faire une petite remarque. Je sens que nous voulons travailler rapidement. Je trouve un peu difficile de procéder de cette manière sans que nous ayons les documents des gens qui témoignent devant nous.
Aujourd'hui, plusieurs témoins ont fait référence à ce qu'ils avaient dit dans leurs mémoires, que nous n'avons pas vus. J'avoue que j'aurais aimé pouvoir leur poser des questions en fonction de leurs mémoires et non pas entendre un résumé de leurs mémoires. C'est que, par la suite, si j'ai des questions à leur poser, les témoins ne seront plus là.
Peu importe les thèmes que vous voulez étudier et l'ordre dans lequel vous voulez les faire, je suggérerais que les documents écrits arrivent avant la comparution des témoins. Si des traductions et des documents sont déjà prêts pour la semaine prochaine, je serai prêt à jouer avec les thèmes pour entendre le point de vue des témoins après avoir lu leurs mémoires. En fait, c'est très rare que je prenne position sur quelque chose sans avoir lu les documents de la personne qui témoigne.
:
Je comprends la logique derrière ce que vous dites.
Encore une fois, le problème, c'est que nous ne pouvons pas exiger que les témoins nous remettent leurs documents dans les deux langues officielles quand ils vont comparaître. Ils peuvent nous envoyer des documents. S'ils les envoient et que les documents sont dans une seule langue, nous devons les faire traduire avant de vous les remettre. Nous ne pouvons pas vous remettre les documents traduits dans les deux langues à temps pour la réunion à moins qu'ils ne soient déjà bilingues. C'est un inconvénient, mais, si nous procédons ainsi, cela prolongera beaucoup notre horaire, malheureusement.
Rappelez-vous, nous avons commencé il y a seulement quelques jours à contacter tous les témoins pour les inviter à comparaître, pour ne pas perdre trop de temps. Ils ne peuvent pas nous fournir leurs mémoires dans les deux langues officielles avant leur comparution. Dans certains cas, ils ne sont pas obligés de nous envoyer leurs mémoires. Ils peuvent les envoyer après leur comparution, s'ils le veulent.
[Traduction]
Il se fait tard, mais trois choses me semblent ressortir des échanges.
Nous devrions demander à la Bibliothèque de faire un peu de recherche sur les questions que vous avez soulevées au sujet des soins palliatifs, sénateur Kutcher.
Nous essaierons d'avoir une réunion du Sous-comité — je ne peux pas vous dire quand au juste — pour discuter d'un plan de travail, mais il sera fondé sur nos décisions concernant la taille du document et ce genre de choses.
La troisième chose, pour le moment, c'est qu'étant donné qu'il y a différents points de vue, je suggère que nous discutions des soins palliatifs jeudi et lundi soir prochain. Êtes-vous d'accord là‑dessus pour le moment?
Un instant, madame Fry. Notre analyste, Marlisa Tiedemann, a levé la main en premier.
Allez‑y.
:
Comme nous avons épuisé la liste des témoins, nous devrions peut-être passer à autre chose. Nous pourrons toujours revenir aux soins palliatifs si les données font ressortir un aspect qu'il nous faudrait vraiment approfondir. Je suis d'accord avec Mme Fry pour dire que nous devons vraiment passer à d'autres questions.
Nous manquons de temps parce qu'on a tardé à convoquer le Comité, et nous essayons maintenant de siéger jour et nuit. Il y a eu des réflexions sur la façon dont nous avons convenu de faire ceci et cela, ce dont je n'ai pas été informée, et, comme je l'ai dit, nos horaires sont très différents. Nous sommes en déplacement à différents moments. Certains d'entre nous se rendent dans des endroits difficiles d'accès.
Je voudrais m'assurer que nous abordions au moins tous les principaux sujets dans le temps qui nous est imparti, au cas où des jours supplémentaires ne seraient pas prévus ou au cas où certains d'entre nous ne pourraient pas participer. Ensuite, peut-être le plus tôt possible, nous pourrons discuter de la possibilité de demander plus de temps pour présenter un rapport provisoire, car ce calendrier est tout à fait insensé alors que les questions à l'étude sont tout à fait fondamentales. C'est ce qui me préoccupe vraiment.
Merci.
Nous formons une société d'admiration mutuelle. Je suis d'accord avec la sénatrice Wallin, car, quelle que soit l'information que nous obtiendrons sur les soins palliatifs grâce aux données que nous allons recueillir, nous allons devoir en discuter de toute manière. Mais si nous passons à d'autres aspects de notre étude, nous pourrions constater que nous voulons plus d'information sur certaines choses.
Si nous pouvons commencer, aborder tous les éléments, chercher l'information et nous la faire transmettre pour en discuter, cela me semblerait beaucoup plus logique que de demander aux témoins de nous parler des soins palliatifs à la prochaine séance, quitte à constater qu'ils n'ont toujours pas répondu à nos questions et à nos préoccupations. Il ne me semble tout simplement pas logique que nous procédions de cette façon. Nous devrions d'abord obtenir l'information dont nous avons besoin, puis revenir ultérieurement aux soins palliatifs.
[Traduction]
Permettez-moi de préciser une chose. Nous essayons d'aller de l'avant et d'utiliser notre temps de la façon la plus productive possible. Quant au plan de travail, nous devons être prêts à nous adapter au fur et à mesure, mais nous devons aller de l'avant et utiliser notre temps le plus judicieusement possible.
La sénatrice Mégie a proposé que nous décidions par un vote si, lundi prochain, nous passerons à un autre sujet ou si nous consacrerons une deuxième séance aux soins palliatifs. Je vais demander à ceux qui sont ici de lever la main. Que ceux qui souhaitent étudier les soins palliatifs jeudi et passer à autre chose la semaine prochaine veuillent bien lever la main.
On dirait qu'une majorité se dégage. Il s'agit très clairement d'étudier les soins palliatifs uniquement ce jeudi et de passer aux demandes ou directives anticipées à compter de lundi prochain.
Le Comité pourra décider de revenir sur un point ultérieurement, mais pour l'instant, la majorité souhaite étudier les soins palliatifs jeudi et les directives anticipées lundi prochain.
Autre chose?
Merci.
La séance est levée.