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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING JOINT COMMITTEE ON OFFICIAL LANGUAGES

COMITÉ MIXTE PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 24 avril 2001

• 1530

[Français]

Le coprésident (M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.)): Je demanderais qu'on retire les caméras des lieux, s'il vous plaît.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous, en particulier à Mme Adam.

Nous sommes ici pour nous entretenir avec la commissaire aux langues officielles de son rapport et, par la suite, d'un autre document. La première heure sera consacrée au rapport et on discutera ensuite de l'autre document. Je vais essayer de respecter les délais parce qu'il doit se tenir un vote et que, par conséquent, la cloche commencera à sonner à 17 h 15. Toutefois, avant de débuter, j'aimerais me permettre un petit accroc à cette règle pour, en votre nom, féliciter la commissaire aux langues officielles.

Certains d'entre vous auront sans doute eu connaissance d'une décision prise par la Cour fédérale il y a un mois dans un dossier assez compliqué; elle porte sur la permission qu'accordait la Loi sur les contraventions de déléguer en quelque sorte aux provinces une certaine responsabilité. La commissaire aux langues officielles et l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario avaient contesté cette décision. La décision a donné, en grande partie, raison au Commissariat aux langues officielles et, hier, le gouvernement du Canada a décidé de ne pas faire appel de la décision.

Alors, je voulais, en votre nom, reconnaître le travail du Commissariat aux langues officielles dans ce dossier qui, en bonne partie, touche à l'article 41 de la Loi sur les langues officielles ainsi qu'à l'article 25. Grâce à ce travail, la question a connu un dénouement heureux.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier (Ontario, Lib.): J'aimerais faire un rappel au Règlement.

Vous venez de dire que Mme McLellan ne portera pas la cause en appel.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): C'est ce que je viens de dire.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: De qui tenez-vous cette information?

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): La décision a été prise hier et rendue publique aujourd'hui.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: On est toujours un petit peu en retard.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Madame la commissaire.

Mme Dyane Adam (commissaire aux langues officielles): Pour rassurer le sénateur Gauthier, je dirai que moi aussi, je l'ai appris seulement ce matin.

Aujourd'hui, j'ai l'intention de vous faire une présentation PowerPoint, en bon français.

La première partie de ma présentation portera sur le premier rapport annuel que j'ai déposé au Parlement le 5 octobre dernier. J'aimerais vous faire remarquer que je ne vous présenterai ni un résumé ni une synthèse du rapport, mais que je vais plutôt souligner quelques-uns des grands thèmes de ce rapport et, notamment, revenir sur le diagnostic ou ce qu'on pourrait appeler l'état de santé actuel de la politique canadienne des langues officielles.

Les autres thèmes seront les transformations gouvernementales, le leadership, le développement des communautés, la promotion du français et de l'anglais ainsi que la langue de travail. Comme certains de ces dossiers ou situations ont évolué depuis la publication du rapport annuel, vous me permettrez des commentaires qui débordent du contenu du rapport.

La seconde partie de ma présentation portera sur une étude que nous venons de compléter et qui s'intitule Bilan national des services au public en français et en anglais—Un changement de culture s'impose.

• 1535

[Traduction]

Passons maintenant au diagnostic donné dans le rapport annuel. Essentiellement, on constate qu'après 30 années de bilinguisme officiel, il est inacceptable de relever le manque fréquent de respect pour la Loi sur les langues officielles. Ces lacunes sont assez évidentes étant donné la nature répétitive des plaintes que nous recevons. Nous avons observé que les mesures correctives prises par les organismes sont généralement superficielles et ne changent rien à la véritable nature des problèmes qui ont tendance à se répéter. Nous sommes pris dans un cercle vicieux, dans une sorte d'impasse en ce qui concerne la mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles dans les institutions fédérales.

Nous avons également constaté un manque chronique de suivi en profondeur de la part des institutions dans la mise en oeuvre des recommandations faites dans nos enquêtes sur les plaintes et dans nos rapports. Un élément important de ce diagnostic concerne la question des transformations gouvernementales.

[Français]

On observe non seulement un piétinement dans la mise en oeuvre de la loi, mais également un recul en matière de respect des droits linguistiques. Les nombreuses transformations gouvernementales des années 1990—la réorganisation des programmes, la délégation d'autorité, le retrait des champs de compétence, les privatisations—ont eu pour effet de faire régresser les droits linguistiques. Toute transformation gouvernementale doit pourtant non seulement éviter l'érosion des droits linguistiques, mais, au-delà du maintien de l'acquis, favoriser le principe constitutionnel de progression vers l'égalité du français et de l'anglais.

D'ailleurs, la récente décision de la Cour fédérale, rendue en mars 2001 et concernant justement la Loi sur les contraventions à laquelle faisait référence M. le coprésident, est claire à ce sujet. Le gouvernement fédéral ne peut plus se soustraire à ses obligations linguistiques en transférant ou en déléguant à d'autres paliers gouvernementaux ses responsabilités en matière de service au public canadien.

Toute la question du leadership fait partie des quelques autres constats contenus dans notre rapport annuel. En fait, c'était un des aspects centraux du rapport qui demandait un changement majeur afin de remettre la dualité linguistique au coeur des priorités en s'appuyant d'abord sur une responsabilisation politique et administrative concrète. Les élus et les fonctionnaires doivent réaffirmer leur engagement et donner l'exemple en intégrant les langues officielles en tant que valeur fondamentale du Canada dans leurs discours, dans leur vision et dans leurs pratiques.

Notre rapport annuel a fait un constat clair: l'engagement est déficient et doit être pris au plus haut niveau. Le leadership et l'exemple doivent s'exercer à ce niveau-là.

Il y a quand même eu, depuis mars 2000, quelques signes encourageants que je tiens à souligner. Il y a eu d'abord, au niveau administratif, un mandat renouvelé du Comité des sous-ministres responsable des langues officielles, comité appuyé par un coordonnateur au Bureau du Conseil privé. Il y a eu, bien sûr, le discours du Trône en janvier 2001 qui a fait une mention des langues officielles d'une importance qu'on n'avait plus entendue depuis 1985.

La nomination, aujourd'hui, du ministre Stéphane Dion comme responsable des langues officielles est un autre geste concret qui va dans le sens d'un engagement réaffirmé en matière de leadership politique. Bien sûr, notre approche est d'appuyer le gouvernement pour que cet engagement se concrétise par un train de mesures d'envergure et une action concertée.

Également, sur le plan administratif, comme vous le savez peut-être, le greffier, M. Cappe, a inclus les langues officielles parmi les cinq priorités et établi des objectifs de rendement pour l'évaluation annuelle des sous-ministres et des cadres supérieurs du gouvernement. On note donc déjà des changements positifs dans ce sens-là.

• 1540

[Traduction]

Je vais maintenant aborder brièvement cinq questions essentielles pour le développement des communautés. D'abord, la partie VII: l'éducation, la petite enfance, la santé et l'immigration. Cette liste n'est pas exhaustive, comme vous le savez, mais nous allons nous concentrer sur ces questions aujourd'hui.

[Français]

En ce qui a trait à la Partie VII, l'appui des gouvernements est indispensable à l'épanouissement des communautés minoritaires de langues officielles. Dans la Partie VII de la Loi de 1988, le gouvernement fédéral s'engage à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada, à appuyer leur développement ainsi qu'à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.

Entre 1988, année de l'adoption de la nouvelle loi, et 1994, aucune mesure pour mettre en oeuvre cet engagement statutaire n'a été prise. Depuis 1994, 27 institutions sur 200 doivent consulter les communautés, élaborer un plan d'action et faire rapport des résultats au Parlement par l'entremise du ministre du Patrimoine canadien. Donc, 27 sur 200, c'est une proportion assez mince, et les résultats aujourd'hui demeurent nettement insuffisants.

Pourquoi? Certes, il y a d'abord une question de ressources. Mais c'est surtout parce que le régime actuel d'application de la Partie VII de la loi est inadéquat et parce que le gouvernement a adopté une approche minimaliste par rapport à sa portée. Le gouvernement doit démontrer l'importance qu'il attache à la vitalité des communautés et à la reconnaissance des deux langues officielles au Canada. Il faut essentiellement repenser le régime d'application. Le leadership doit découler d'une approche concertée des huit organismes centraux. Aujourd'hui, on est peut-être plus en droit d'espérer que cela soit possible.

Pour que soient réalisés les deux objectifs de la Partie VII, ces objectifs qui touchent au coeur même du Canada, ils doivent faire l'objet d'une préoccupation centrale du gouvernement dans toutes ses décisions concernant ses politiques, ses programmes et, bien sûr, l'affectation de ses ressources.

Sur le plan de l'éducation, la pleine mise en oeuvre de l'article 23 de la Charte est vitale pour les communautés minoritaires de langues officielles. Comme le disait le jugement de la Cour suprême Arsenault-Cameron, l'école est l'institution la plus importante pour la survie de la minorité linguistique officielle.

Pour la communauté de langue officielle francophone, l'effectif scolaire cible, en vertu de l'article 23, se situait à environ 232 942 élèves lors du recensement de 1996. En ce moment, les inscriptions plafonnent dans les écoles de langue française. Seulement 54 p. 100 de l'effectif cible est présentement inscrit dans les écoles de langue française, cela 19 ans après l'adoption de la Charte.

Notre recommandation, dans le cadre d'une étude récente publiée il y a à peine quelques semaines, est l'établissement d'un plan national en vue de recruter environ 50 000 enfants de plus d'ici 2010, donc d'ici 10 ans environ. Pour que ce plan se réalise, il faut nécessairement que plusieurs joueurs travaillent en synergie, notamment les autorités scolaires de concert avec les parents, le gouvernement fédéral de concert avec les provinces et les professionnels de concert avec les autres partenaires de l'éducation.

• 1545

Pour sa part, la communauté anglophone du Québec bénéficie d'un réseau d'éducation assez complet jusqu'au palier universitaire. Néanmoins, ce réseau est soumis à des pressions croissantes et exige déjà un réinvestissement ciblé, particulièrement dans les régions à l'extérieur de Montréal où les nombres d'élèves sont plus petits et dispersés. On ressent de plus en plus le besoin d'aller vers des méthodes alternatives d'enseignement, comme on en retrouve dans d'autres provinces, en matière d'éducation dans la langue de la minorité.

Au niveau de la petite enfance

[Traduction]

c'est également un secteur important pour l'application intégrale de l'article 23 de la Charte.

Les services suivants sont nécessaires; tout d'abord, un réseau de garderies adéquat, des services préscolaires d'appoint et des programmes appropriés pour la petite enfance des communautés minoritaires de langues officielles. Ces services préscolaires sont essentiels pour que les écoles puissent remédier à l'érosion graduelle des communautés minoritaires et permettre leur épanouissement. Le Programme national de l'enfance devrait fournir les ressources nécessaires aux communautés minoritaires anglophones et francophones en ce qui concerne les objectifs et les besoins de la petite enfance.

La santé est l'une des priorités principales de tous les Canadiens et c'est une priorité que nous partageons. La langue dans laquelle la prestation des services de santé de qualité est assurée revêt une importance fondamentale. Dans ce domaine, assurer aux communautés leurs propres institutions est une question de dignité humaine.

C'est pour cette raison que le commissariat a donné son appui au mouvement destiné à sauver l'hôpital Montfort, y compris dans sa démarche devant les tribunaux. Au Québec, le commissariat est intervenu pour encourager le gouvernement provincial à maintenir l'entente fédérale-provinciale sur la santé et les services sociaux pour la communauté anglophone.

Dans le domaine de la santé, il y a eu certains signes encourageants. Santé Canada a fait preuve de leadership en créant un comité national de fonctionnaires et de représentants des communautés francophones et acadiennes, qui conseille le ministre sur la prestation de services aux communautés minoritaires. Un comité semblable a aussi été créé afin d'examiner les défis particuliers auxquels fait face la communauté anglophone au Québec. Ce sont des initiatives positives.

Je voudrais aussi vous parler aujourd'hui de l'immigration. Depuis la Confédération, 14 millions de personnes ont immigré au Canada. L'immigration a permis de soutenir et de renforcer la position de la population anglophone tandis que chez les Francophones, la croissance démographique était surtout attribuable aux taux de natalité. La baisse des taux de natalité chez les Francophones survenue dans les années 60, et le taux important de transferts linguistiques au profit de l'anglais, sont deux facteurs qui expliquent pourquoi l'immigration est devenue importante pour les communautés des langues officielles. Au cours des 15 dernières années seulement 3 p. 100 des immigrants qui sont arrivés au Canada avaient le français comme langue maternelle et 82 p. 100 de ces personnes se sont établies au Québec.

Les résultats préliminaires de l'étude que nous avons entreprise au commissariat confirment l'absence d'efforts de recrutement d'immigrants francophones dans les collectivités à l'extérieur du Québec et aussi la difficulté que représente leur intégration. L'approche du Canada doit se fonder sur une politique démographique conforme à l'engagement statutaire du gouvernement envers le développement des communautés minoritaires de langue officielle.

Comme vous le savez, un comité est actuellement saisi du projet de loi C-11 et le commissariat... Nous avons fait la recommandation suivante, c'est-à-dire d'ajouter à l'objectif l'énoncé suivant:

    afin d'assurer le renouveau démographique des communautés canadiennes de langue officielle par la sélection et (l'établissement) d'immigrants et leur intégration dans la société canadienne.

• 1550

C'est une des deux modifications au projet de loi C-11 que nous avons recommandées, et votre comité se rangera peut-être à notre avis.

[Français]

Un autre objectif central de la politique canadienne des langues officielles touche la promotion du français et de l'anglais dans la société canadienne. Aujourd'hui, je vais aborder cette question sous deux angles seulement: la question de la capitale nationale et, bien sûr, la question de la société canadienne en général.

La reconnaissance du français et de l'anglais en tant que langues officielles de la Ville d'Ottawa est acquise depuis 1970, mais avec la nouvelle ville, le concept a changé. Comme vous le savez, les nouveaux édiles se penchent présentement sur la place des langues officielles dans la nouvelle ville agrandie d'Ottawa.

Cette reconnaissance des langues officielles est indispensable pour notre capitale nationale et même, selon moi, incontournable. Une des recommandations que nous faisons, c'est que Patrimoine Canada développe un programme d'appui à la transition pour favoriser la reconnaissance des langues officielles à la Ville d'Ottawa. À notre avis, ce serait un geste concret que pourrait poser le fédéral pour soutenir le gouvernement municipal dans la pleine réalisation d'une capitale nationale bilingue.

Enfin, passons à la question de la promotion du français et de l'anglais dans la société canadienne. La dualité linguistique canadienne doit être portée par tous, et il est très important que les députés, les sénateurs et les ministres donnent au français et à l'anglais la visibilité, l'image d'égalité qui convient à leur statut de langue officielle au Canada. Ils doivent démontrer leur attachement à la dualité linguistique canadienne et être prêts à la défendre et à la promouvoir, tant dans la gestion de leurs dossiers que dans leurs affirmations publiques.

Je pourrais donner plusieurs exemples de personnes ou de leaders qui n'ont pas craint de se manifester, entre autres devant ce comité-ci, lors de l'étude de la question de CPAC et du bilinguisme puisque la Chambre des communes, c'est quand même important. Quant à Air Canada, le ministre Collenette, lors de la révision de la loi concernant ce transporteur, s'est assuré de renforcer cette loi ou, du moins, de clarifier certaines obligations.

Bien sûr, toujours en rapport avec la question de la société canadienne, chaque ministre, chaque organisme ou chaque société d'État doit, dans le secteur d'activité de son mandat, contribuer à faire reconnaître l'égalité du français et de l'anglais dans l'ensemble de la société canadienne. Je crois qu'il est important, afin de remettre la question de la dualité linguistique au coeur des préoccupations tant des Canadiens que des Canadiennes, que les élus et les personnes qui les représentent tiennent vraiment le flambeau et ce, de façon très visible.

Enfin, la langue de travail est, bien sûr, un autre aspect de la politique canadienne des langues officielles. On se rappelle que la loi établit que les employés fédéraux ont le droit d'employer leur langue au travail et que les institutions ont l'obligation de créer et de maintenir un milieu propice à l'usage effectif des deux langues.

Nos enquêtes et études démontrent que le français occupe encore une place limitée dans les activités des institutions. Le manque de bilinguisme chez les cadres et les surveillants est un obstacle majeur.

La présidente du Conseil du Trésor, le greffier du Conseil privé et le Comité des sous-ministres responsable des langues officielles ont fait de la langue de travail leur priorité. Le message doit être clairement transmis aux dirigeants des institutions et on doit s'attendre à ce qu'eux-mêmes et leurs gestionnaires donnent l'exemple. Un milieu bilingue se fonde sur le respect de la langue de l'autre et reconnaît l'enrichissement qui en résulte pour la personne et l'organisation.

• 1555

Les interrelations entre les deux groupes linguistiques sont un facteur clé dans la création d'une culture axée sur l'apport des deux langues. Le commissariat et le Conseil du Trésor mèneront, dans les prochains mois, des projets conjoints d'étude pour mieux comprendre la dynamique de ces interrelations et proposer les interventions appropriées.

D'ailleurs, un milieu où les deux langues sont utilisées couramment favorise une meilleure prestation de services dans les deux langues.

[Traduction]

En ce qui concerne la qualité des services en français et en anglais, il s'agit ici d'un élément clé du Programme fédéral des langues officielles. Dans notre rapport annuel, au chapitre 4, nous traitons de cette question. Dans le nouveau rapport, nous allons au-delà des questions dont nous discutions dans notre rapport annuel d'octobre. Si vous me le permettez, je vais donc maintenant vous expliquer rapidement en quoi consiste le nouveau rapport national sur la qualité des services en français et en anglais.

[Français]

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Permettez-moi, madame Adam, de vous poser une question. Parlez-vous du rapport qui s'intitule: Un changement de culture s'impose, Time for a Change in Culture.

Mme Dyane Adam: Oui.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Vous devriez mentionner que vous le présentez pour la première fois, à ce moment-ci, si je comprends bien.

Mme Dyane Adam: Oui. On a choisi d'en faire la primeur au Comité mixte permanent des langues officielles.

D'abord, passons à l'objectif de ce rapport. Après une étude initiale en 1994 sur les services au public canadien, le commissariat a fait des suivis dans les bureaux désignés bilingues au pays entre 1996 et 2000. Nous avons mené des suivis dans chaque province et territoire et dans la région de la capitale nationale, et nous avons fait près de 1 400 recommandations aux 514 bureaux vérifiés.

C'est essentiellement le bilan d'un ensemble de vérifications qui ont été réalisées sur une période d'environ six ans. Alors, c'est vraiment un résumé et une analyse de ces études.

L'objectif de ce bilan n'est pas seulement de faire des constats, mais aussi de proposer des pistes d'action et des principes directeurs pour amener des changements durables et réels dans la prestation des services dans les deux langues officielles. D'ailleurs, ce rapport s'inscrit dans une démarche de soutien au changement favorable au plein respect de la Loi sur les langues officielles. C'est par de telles actions que le commissariat agit comme agent de changement.

On ne se contente pas de faire des diagnostics et des constats; on veut également intervenir pour le curatif ou pour favoriser les changements. Le rapport contient 22 recommandations, dont la plupart s'adressent au Conseil du Trésor, mais certaines recommandations visent le Centre canadien de gestion, la Commission de la fonction publique et l'ensemble des institutions soumises à la loi et plus particulièrement les hauts fonctionnaires et les dirigeants des institutions.

[Traduction]

La Loi sur les langues officielles et la réglementation précisent que les institutions fédérales doivent offrir leurs services en anglais et en français dans tous les bureaux désignés bilingues où la demande est suffisante ou encore lorsque cela est justifié par la nature du service offert. Certaines de nos conclusions sont tirées de notre étude complémentaire. Premièrement, les deux tiers des bureaux désignés ont une capacité bilingue suffisante alors qu'en 1994 cette proportion était des trois quarts.

En ce qui concerne les éléments matériels du service, la documentation, les formulaires, les pictogrammes, tout cela présente encore des problèmes, en dépit du fait qu'il serait relativement simple de rectifier ces situations.

• 1600

En ce qui concerne les éléments humains des services, il est certain que les gens ne sont pas suffisamment accueillis d'une façon bilingue. En effet, un seul bureau sur cinq accueille ses clients dans les deux langues officielles. Les services téléphoniques se sont détériorés: en 1994, les services étaient offerts dans les deux langues huit fois sur dix, aujourd'hui, ce n'est plus que sept fois sur dix. Quant aux services en personne, cela n'a pas changé depuis 1994, ils sont disponibles dans les deux langues 75 p. 100 du temps.

[Français]

Dans notre rapport, face à ce constat, nous mettons l'accent sur le besoin d'un changement majeur dans la culture organisationnelle fédérale en regard de la dualité linguistique. La culture doit être favorable à la prestation de services dans les deux langues. C'est une condition fondamentale. Pour changer la situation actuelle, il faut intégrer les langues officielles dans la culture même des organisations.

Les fonctionnaires de tous les niveaux ont besoin de comprendre le projet social et humain derrière le projet législatif. Servir le public dans les deux langues officielles en assurant une qualité équivalente doit être bien plus qu'appliquer une série de règles prescrites par une loi: c'est reconnaître et respecter le citoyen dans sa spécificité et dans sa langue et sa culture.

J'aimerais vous lire, d'ailleurs, un jugement dans l'arrêt Bilodeau qui, à mon avis, va au coeur de ce que doit être l'intégration de la dualité linguistique dans la culture organisationnelle de nos institutions et démontre l'ancrage humain qui est nécessaire pour qu'il y ait une véritable amélioration dans les services en français et en anglais dans nos institutions.

La Cour suprême du Canada dit:

    L'importance des droits en matière linguistique est fondée sur le rôle essentiel que joue la langue dans l'existence, le développement et la dignité de l'être humain. C'est par le langage que nous pouvons former des concepts, structurer et ordonner le monde autour de nous. Le langage constitue le pont entre l'isolement et la collectivité, qui permet aux êtres humains de délimiter les droits et obligations qu'ils ont les uns envers les autres, et ainsi, de vivre en société.

Les langues officielles, à notre avis, doivent être intégrées à l'ensemble de la philosophie de services qui oriente les politiques, les décisions, les attitudes et actions des fonctionnaires, sinon nous en restons à une interprétation de services codifiée réduite à une simple obligation légale et désincarnée de son sens véritable et des ancrages humains.

Quelles sont les conditions favorables à la prestation de services dans les deux langues officielles? D'abord, il faut un leadership. On revient souvent à cela, mais c'est là que ça commence. Un leadership politique et administratif fort, cohérent et fondé sur les valeurs partagées est essentiel. Les valeurs des leaders se révèlent beaucoup plus par les gestes qu'ils posent que par leurs paroles.

Une autre condition: le programme des langues officielles doit être intégré à la planification stratégique des institutions. Tous les paliers de l'organisme doivent s'engager à assurer la qualité du service dans les deux langues, et pas seulement les titulaires des postes désignés bilingues.

La formation linguistique et celle portant sur les programmes de langues officielles pour les employés, les cadres et les nouvelles recrues doit être un élément stratégique du fonctionnement de l'institution. Les contacts suivis avec les communautés minoritaires de langue officielle ont des répercussions positives sur la prestation de services bilingues et sont également une condition favorable à la prestation de services. Pour s'assurer que les objectifs sont atteints, on doit mettre en place des indicateurs de rendement et des outils de mesure.

• 1605

Enfin, le premier ministre vient de nommer un nouveau groupe de travail pour moderniser la gestion des ressources humaines dans la fonction publique. C'est une occasion inouïe. J'ose espérer que ce groupe tiendra compte de mes recommandations. Il s'agit d'une occasion unique pour s'assurer que les langues officielles soient intégrées à cette réforme et il est important que vous, les membres de ce comité, appuyiez cette orientation.

[Traduction]

Ainsi, en ce qui concerne ces différents facteurs, nous devons jouer un rôle actif et nous assurer que la dualité linguistique fait partie intégrante de la culture de la fonction publique. Je considère que le Comité permanent des langues officielles, le Conseil privé, le Conseil du Trésor, les sous-ministres, les chefs d'organismes, les directeurs régionaux des institutions, et les administrateurs des bureaux désignés, tous ces gens-là viennent tout en haut de la liste. Il s'agit d'un effort commun.

En collaboration avec d'autres organismes centraux, le Centre canadien de gestion doit préparer les administrateurs et les recrues de la fonction publique aux difficultés qu'on rencontre lorsqu'on veut offrir aux citoyens des services bilingues. En plus des plans et des mesures correctrices proposées par les institutions, le Conseil du Trésor doit exiger que ces institutions réalisent les objectifs du Programme des langues officielles. Il faut absolument faire appel plus fréquemment à la dotation impérative et évaluer périodiquement le niveau linguistique des détenteurs de postes bilingues.

Pour conclure cet exposé, j'aimerais dire que la route qui conduit à l'égalité linguistique, c'est-à-dire à l'entière reconnaissance des droits des communautés en ce qui concerne les langues officielles, est loin d'être droite. Toutefois, ses obstacles seront surmontés si les dirigeants politiques et administratifs s'y engagent sans réserve. C'est seulement en respectant le principe de la dualité linguistique de façon profonde que les institutions réussiront à la réaliser pleinement.

Merci beaucoup de m'avoir écoutée.

[Français]

Ça me fera plaisir de répondre à vos questions ou d'entendre vos commentaires ou suggestions.

[Traduction]

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci, madame la commissaire.

Comme nous allons tous vouloir parler, je vais devoir nous imposer des limites très strictes. Au premier tour, nous disposerons de sept minutes, après quoi ce temps sera ramené à cinq minutes.

Monsieur Reid.

M. Scott Reid (Lanark—Carleton, AC): Merci beaucoup.

[Français]

Bon après-midi, madame la commissaire. Cela me fait grand plaisir de vous voir parmi nous cet après-midi.

[Traduction]

Je représente au Parlement une circonscription qui est située en partie dans la nouvelle ville d'Ottawa fusionnée. J'aimerais donc poser des questions sur cet aspect-là de votre exposé, et également sur votre rapport annuel.

Je vais vous soumettre une thèse et vous demander ce que vous en pensez, si vous le voulez bien. Il me semble qu'une politique linguistique équitable et raisonnable, comme celle qui avait été préconisée par André Laurendeau et Davidson Dunton, devrait servir les Canadiens unilingues des deux groupes. Si nous étions tous bilingues, nous pourrions tous nous parler dans la langue dans laquelle nous sommes le plus à l'aise.

Toutefois, ce sont les Canadiens unilingues, les francophones et les anglophones, qui ont le plus besoin de services sur lesquels ils peuvent compter, et qui en même temps, ont besoin d'un accès raisonnable et équitable à des postes dans la fonction publique fédérale et également dans les services provinciaux et municipaux.

Cela dit, il faut trouver un point d'équilibre, c'est inévitable, entre l'accès à des postes au gouvernement fédéral, lorsque cela est possible, et faire la part à des intérêts légitimes des communautés minoritaires, qu'il s'agisse des francophones à l'extérieur du Québec et des anglophones à l'intérieur du Québec. Tous ces gens-là ont besoin de services bilingues et il faut défendre les intérêts légitimes de la communauté majoritaire. Je pense ici aux unilingues qui sont en majorité, car des deux côtés, il faut bien le dire que les unilingues sont majoritaires.

• 1610

On note dans le rapport de la Commission B et B que l'équité est indispensable et que les postes devraient rester unilingues dans toute la mesure du possible. Il convient d'exiger le bilinguisme uniquement lorsque, et je crois que c'est une citation: «c'est le langage qui définit la description d'emploi».

Je passe maintenant au statut de la ville d'Ottawa, qu'elle devienne une ville officiellement bilingue ou pas. Si vous vous référez à la page 23 de votre rapport, vous faites une excellente observation à propos de la ville de Montréal, vous dites:

    [...] le Commissariat a demandé aux autorités d'assurer le maintien du statut bilingue des districts anglophones après une éventuelle fusion du Grand Montréal.

...évidemment, c'est précisément ce qui est en train de se passer. On peut bien sûr en déduire qu'il y aura également des districts unilingues francophones, avec le français uniquement comme langue officielle des services offerts par les autorités municipales.

Par conséquent, la recommandation différente que vous faites à la page 24 à propos d'Ottawa, me surprend beaucoup. Là encore je cite:

    La Commissaire est intervenue à plusieurs reprises dans le dossier de la fusion municipale à Ottawa. Elle attache une importance cruciale au cas d'Ottawa puisqu'il s'agit de la capitale du Canada, et il serait inconcevable que les deux langues officielles n'y aient pas un statut égal.

Le problème avec cette observation, c'est qu'Ottawa n'est pas une ville homogène. Autrement dit, la population francophone très importante et la population anglophone très importante qui y vivent ne sont pas réparties uniformément dans toute la ville.

En effet, nous le savons tous, il y a un secteur important d'Ottawa où les francophones représentent la moitié de la population approximativement, et même un peu plus, selon la façon dont on mesure cela. Je pense à Vanier, c'est l'exemple le plus évident.

Mais par ailleurs, si je considère certains secteurs de ma circonscription, à l'intérieur de la ville d'Ottawa, ce qui était jadis la municipalité de Carleton-Ouest, je vois que sur 16 000 résidents, il y a 13 000 unilingues anglophones et seulement 15 unilingues francophones. Dans un tel cas, je pense qu'on exagérerait en prétendant que des services bilingues sont indispensables. De la même façon, sur 48 000 résidents de Kanata, il y a seulement 185 francophones unilingues.

Je pense donc qu'il est dangereux d'essayer d'adopter une politique taille-unique et d'ailleurs, je ne suis pas certain que vous réclamiez cela. Toutefois, si nous choisissions cette voie, nous aboutirions probablement à une solution qui ne serait pas aussi satisfaisante qu'une démarche régionale. En effet, cette option d'une démarche régionale a été retenue dans plusieurs villes où la population est aussi importante et aussi inégalement répartie.

Cela dit, je vais écouter vos observations.

Mme Dyane Adam: Pour commencer, j'aimerais discuter de la politique officielle du bilinguisme au niveau fédéral. Vous avez dit que la politique visait principalement les unilingues. En fait, la politique est très claire, le fait qu'on soit bilingue ou pas n'entre pas dans l'équation. L'élément important au niveau du gouvernement fédéral, c'est qu'on puisse fonctionner dans la langue de son choix.

M. Scott Reid: Vous avez raison. C'est l'objectif de la Loi sur les langues officielles. Après avoir lu les différents rapports de la Commission B et B, j'ai l'impression qu'en fait, il s'agit d'offrir des services aux unilingues. Mais en même temps, bien sûr, les francophones unilingues en particulier se sont vus privés de postes dans la fonction publique. C'est à cela que je faisais allusion.

Mme Dyane Adam: Oui, mais les données actuelles sont probablement plus intéressantes. Notre politique actuelle n'est pas axée sur les opinions de la B et B à l'époque.

Donc pour l'instant, le principe que nous suivons, c'est le principe selon lequel les Canadiens doivent être servis dans la langue de leur choix. D'accord?

• 1615

Vous avez dit qu'Ottawa n'était pas une ville homogène, que les anglophones, les francophones et les gens bilingues sont éparpillés un peu partout...vous avez dit que des services différents pourraient être offerts dans divers secteurs de la ville. Cela me fait penser beaucoup au reste du Canada. Nous sommes un pays bilingue, nous avons une politique officielle de bilinguisme, et nous avons adapté cette politique aux réalités régionales. Dans les populations qui sont plus homogènes, il y a moins de bureaux désignés qui offrent les services dans les deux langues officielles.

Par conséquent, si cela est possible dans l'ensemble du Canada, je pense que cela devrait être possible dans la capitale, Ottawa, on devrait pouvoir élaborer une politique qui tienne compte la nature bilingue de notre pays tout en restant suffisamment adaptable pour tenir compte des particularités que vous avez mentionnées.

M. Scott Reid: Merci. Thank you.

[Français]

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci.

Sénateur Gauthier.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Merci, monsieur le président.

Bonjour, madame. Ça fait longtemps que j'attends le plaisir de vous rencontrer en comité. Je suis très content que cela se produise. En cinq ans, ce comité a rencontré quatre fois le commissaire aux langues officielles pour discuter de son rapport annuel; quatre fois en cinq ans. On ne peut pas dire que cela nous a fatigués.

Je suis bien content de vous voir parce que votre rapport est détaillé, simple et facile à lire. Il ne tient pas vraiment ensemble, par exemple. Il faudrait peut-être qu'il soit un peu mieux collé parce qu'il se défait facilement. J'ai dû en utiliser deux copies, la première n'étant plus qu'un paquet de feuilles. Je dis cela en passant.

J'ai apprécié la nuance que vous avez faite entre bilinguisme et dualité linguistique, si j'ai bien compris votre commentaire. Notre pays a deux langues officielles. Cela ne veut pas dire que tout le monde doive devenir bilingue. Cependant, cela veut dire que les établissements fédéraux doivent pouvoir servir les citoyens dans la langue de leur choix, le français ou l'anglais.

Pour en revenir au rapport, la loi vous autorise à enquêter et à faire des recommandations aux responsables administratifs des institutions fédérales. Si vous n'êtes pas satisfaite de la réaction ou du suivi à votre recommandation, vous pouvez en informer le gouverneur en conseil. Si vous n'êtes pas heureuse de l'accueil réservé à votre rapport par le Cabinet, vous avez le droit de le déposer au Parlement.

Vous avez l'obligation de déposer un rapport par année. Je n'ai pas eu connaissance que d'autres rapports aient été déposés depuis que vous êtes commissaire, soit depuis 16 ou 18 mois. Avez-vous déposé d'autres rapports auprès des instances gouvernementales depuis que vous êtes commissaire aux langues officielles?

Mme Dyane Adam: En fait, je n'ai pas déposé d'autres rapports directement au Parlement, du genre de celui-ci, qui est un rapport annuel. Cependant, j'ai déposé plusieurs études et rapports spéciaux. Je peux en énumérer quelques-uns: sur Internet, un rapport sur le sport canadien; bien sûr, ce dernier rapport-ci, qui porte sur la réalisation de l'article 23, donc sur les effectifs scolaires. J'en oublie. Je ne sais pas s'il y en a d'autres. Ce sont les principaux.

Il y a eu quelques autres rapports, par exemple sur la collaboration entre les communautés et les institutions fédérales, en fait sur les modes de collaboration, justement pour inciter les institutions fédérales à agir, à développer de nouvelles façons d'intervenir et d'entrer en relation avec les communautés.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Pourrions-nous, membres du comité, avoir accès à ces recommandations et à ces études?

Mme Dyane Adam: Ces études sont toutes disponibles. Normalement, on les envoie à tous les membres des comités. Elles sont également disponibles sur les sites web.

• 1620

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Vous avez également indiqué dans vos commentaires qu'un changement majeur s'imposait et qu'il fallait une responsabilisation politique. Vous dites que vous voulez devenir une agente de changement et que vous allez faire bouger les choses. Parlez-moi donc un peu des mesures que vous pouvez prendre pour faire bouger les choses, pour que les choses soient un peu mieux comprises.

Mme Dyane Adam: La loi est assez claire. Elle nous dit que la commissaire doit prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que la loi soit pleinement respectée par les institutions fédérales, par le Parlement, etc. Donc, la commissaire peut prendre toutes les mesures nécessaires, qui peuvent inclure des recours judiciaires, des enquêtes qui sont au coeur des rapports spéciaux au gouverneur en conseil, des rapports spéciaux, des rapports annuels, des études, des recherches, des interventions médiatiques, des publications, des communications, des CD-ROM.

J'ai bien l'intention de diversifier mes approches. Ce qui est le plus important quand on veut être un agent de changement, c'est d'abord de lire la situation correctement et ensuite d'intervenir de la façon la plus pertinente possible. Quand on parle de pertinence, ça ne veut pas nécessairement dire qu'on intervient toujours de la même façon. Donc, on intervient d'une façon diversifiée. Par moments, ça peut être beaucoup plus vigoureux et dans certaines situations, ça peut être beaucoup plus gentil et même moins affirmatif.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Il y a la Charte, les droits constitutionnels énoncés aux articles 16 à 23, et la Partie VII de la Loi des langues officielles, dont l'article 41 en particulier me cause des problèmes, comme vous le savez, madame. Il cause des problèmes aux communautés francophones et anglophones. J'admets que la loi impose des obligations au gouvernement, aux ministères.

Vous connaissez la position du ministère de la Justice en ce qui a trait à l'interprétation de l'article 41. On est allé devant les tribunaux récemment et on a eu un jugement favorable, et je viens d'apprendre qu'on ne testera pas la décision de la cour. J'en suis très heureux, mais il va falloir que le gouvernement s'ajuste, parce qu'il y a des choses qui s'imposent.

Vous connaissez l'article 41 de la Loi sur les langues officielles. Je peux bien vous le lire si vous le voulez:

    41. Le gouvernement fédéral s'engage à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu'à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.

Justice Canada est un ministère important. Son interprétation de l'article de la loi est différente de celle des groupes visés par la loi. Je parle des communautés. Pour certains juristes, l'article 41 est l'expression de voeux pieux. C'est déclaratoire, disent-ils. J'estime qu'ils se trompent. On peut comprendre que les autres ministères, qui considèrent Justice Canada comme un des ministères clés, ne puissent pas avoir la conviction qu'il faut mettre en oeuvre la Loi sur les langues officielles. C'est ça, je pense, qui fait qu'il y a un recul dans l'application de la Loi des langues officielles, du moins au niveau fédéral.

En ce qui me concerne, l'article 41 de la loi est exécutoire. Je souligne le mot «exécutoire». Si vous préférez, je dirai qu'il est impératif, ce qui veut dire la même chose. Il s'agit d'un article de la loi qui permet au gouvernement fédéral d'utiliser son pouvoir de dépenser.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Sénateur Gauthier, rapidement.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Oui, deux minutes.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Non, 30 secondes.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: C'est un article qui donne au gouvernement fédéral le droit de dépenser. Il ne crée pas de nouveaux droits. Il dit qu'on peut favoriser l'épanouissement des minorités et payer pour leur développement. Il dit qu'on peut dépenser des fonds publics.

Madame, quelle est votre interprétation de l'article 41?

Mme Dyane Adam: Vous serez content de savoir que je partage votre opinion. Le commissariat soutient que la Partie VII est exécutoire ou impérative, selon ce que vous préférez. D'ailleurs, dans le recours concernant la Loi sur les contraventions, c'était la position formelle adoptée et défendue par le commissariat.

• 1625

Si vous me le permettez, je vous dirai qu'à mon avis, un des freins majeurs à la mise en oeuvre de la Partie VII est effectivement le fait qu'aucun consensus n'a émergé au niveau de l'administration publique fédérale quant à la portée véritable de la Partie VII.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci beaucoup.

Monsieur Plamondon.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Il y a une question importante qui suit cette réponse-là.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): C'est noté. Monsieur Plamondon.

M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): Merci, monsieur le président. Comme on n'a pas beaucoup de temps, je poserai deux brèves questions pratico-pratiques ayant trait à votre rapport.

Dans votre rapport, vous vous réjouissez des implications de la Loi sur les transports au Canada en ce qui concerne l'obligation qu'ont maintenant les filiales d'Air Canada de se soumettre aux exigences linguistiques de la Loi sur les langues officielles. Vous vous rappelez que c'était à la suite d'une plainte des Gens de l'air au sujet de la proportion de pilotes francophones chez Air Canada.

Depuis l'assujettissement des filiales à cette loi, quelle est la situation des deux plaintes déposées par l'Association des Gens de l'air du Québec contre Air Canada?

Mme Dyane Adam: Comme vous le dites, c'est la participation des pilotes francophones et anglophones qui faisait l'objet de la plainte. Comme cette question fait l'objet d'une enquête, ça limite mon intervention. On n'a pas encore terminé.

En ce qui concerne Air Canada et le rapport annuel, j'aimerais noter que ce que nous avons célébré dans le rapport, ce n'est pas la participation des pilotes, mais le fait que la nouvelle loi a permis de clarifier les obligations des transporteurs régionaux. Cette loi n'est pas parfaite, mais cela constitue un gain par rapport à ce qui existait avant.

Pour ce qui est de votre deuxième question au sujet des deux plaintes, nous sommes assez avancés dans ce dossier, mais je ne peux pas vous parler de son contenu. Normalement, je n'interviens pas quant au contenu d'une plainte avant que ça soit rendu public et terminé.

M. Louis Plamondon: D'accord. Ma deuxième intervention est plutôt d'ordre philosophique.

Le mois dernier, on disait dans les journaux que c'est la première fois depuis plus de 20 ans qu'on a aussi peu de sous-ministres en poste qui sont bilingues. Les mauvaises langues diront que les sous-ministres mènent le pays et que les ministres paradent. Le pouvoir immense des sous-ministres est bien connu.

En terminant votre allocution, vous avez parlé de votre conception du bilinguisme. Vous avez parlé de la culture des institutions. Dans votre rapport, vous avez parlé de valoriser les services dans les deux langues. Vous avez dit que la culture englobait les attitudes, les comportements et les valeurs. Comment peut-on transmettre ça à partir d'un pouvoir très grand, le pouvoir du sous-ministre, si on n'est pas soi-même bilingue ou, à tout le moins, sensible à l'autre culture? La meilleure façon d'y être sensible, c'est de parler les deux langues, de connaître les deux cultures et les deux langues.

Quelle est votre réaction par rapport à cette problématique, une nouvelle problématique qui est apparue au cours des 20 dernières années? C'est un phénomène qui apparaît et dont les journaux ont parlé il y a environ un mois et demi.

Mme Dyane Adam: J'aimerais nuancer ce qui a été rapporté dans les journaux, parce que je crois que les statistiques qui ont été notées n'étaient probablement pas tout à fait exactes. Cela dit, il demeure qu'à l'heure actuelle, la représentation des sous-ministres francophones n'est pas équivalente à la représentation des francophones dans la population.

• 1630

Monsieur Plamondon, plusieurs personnes n'en sont pas conscientes, mais la politique actuelle n'exige pas des sous-ministres qu'ils soient bilingues. On l'exige des hauts fonctionnaires de la catégorie EX, mais à ce que je sache, les sous-ministres ne sont pas tenus d'être bilingues.

M. Louis Plamondon: En tant que commissaire aux langues officielles, est-ce que vous souhaiteriez qu'ils soient bilingues?

Mme Dyane Adam: Bien sûr. Ça irait sûrement dans le sens de tout ce que je dis.

M. Louis Plamondon: De ce que vous avez dit.

Mme Dyane Adam: D'ailleurs, beaucoup des recommandations vont aux sous-ministres.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci beaucoup.

Monsieur Bellemare.

M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir sur la question de la capitale du Canada. C'est une chose qui me tient à coeur étant donné que j'ai été conseiller municipal ici pendant 20 ans.

Comme le sénateur Gauthier le mentionne, la question est bien celle de la dualité des langues et non celle du bilinguisme. Pour moi et pour le sénateur Gauthier, le bilinguisme est la capacité d'un individu à parler les deux langues. Pour certaines personnes, cela peut être institutionnel.

Mon collègue de l'Alliance a fait mention d'un vieux principe. Il ne l'a pas nommé, mais c'est cela qu'il voulait dire: where numbers warrant.

Pendant les 20 années où j'ai été conseiller municipal, quand les gens venaient me voir au sujet d'une pancarte, je ne leur demandais pas s'il y avait beaucoup de francophones dans leur secteur. S'il n'y en a que deux, on n'a pas droit aux pancartes municipales bilingues. Mais si on vient d'Orléans, on a droit à des pancartes bilingues, et ceux qui n'aiment pas les pancartes bilingues n'ont qu'à déménager dans le comté de M. Reid, parce que là on peut imposer aux francophones une seule langue même s'ils sont dans un pays où il y a une dualité linguistique, un pays où il y a deux langues officielles, un pays où on reconnaît aux gens le droit à l'éducation dans leur langue et à leur développement personnel.

Quand les gens venaient aux divers comités, ils pouvaient s'exprimer dans les deux langues. Lorsque les gens se présentaient, on ne leur demandait pas s'ils venaient de la rue Cumberland ou de la rue... Lorsque quelqu'un a une contravention à Orléans, il peut avoir cette contravention de la sûreté municipale dans les deux langues, mais M. Laplante qui demeure dans le comté de M. Reid et qui fait partie d'une très petite minorité aura sa contravention seulement en anglais parce que la règle de la majorité prévaut à cet endroit-là.

C'est la même chose pour les pancartes sur les édifices. Il y a deux semaines, je suis allé au Nepean Sportsplex pour une activité. Je faisais partie de la minorité. Il y avait environ 5 000 personnes et, parmi elles, il y avait peut-être 50 francophones. Je n'ai pas compté ceux qui étaient unilingues francophones ni ceux qui étaient unilingues anglophones. Si on disait qu'on doit maintenant écrire sur l'édifice «Aréna» avec un accent aigu et «Arena» sans accent aigu, est-ce qu'il y aurait un problème quelconque? Est-ce une question de nombre ou si c'est une question du principe de la reconnaissance de la dualité des langues? La question n'est pas de desservir une minorité qui ne peut pas parler l'autre langue, mais plutôt d'être accueillant envers chacun, qu'il soit de langue française ou de langue anglaise, d'être accueillant envers un étudiant du comté de M. Reid qui apprend le français et qui aimerait bien être exposé aux deux langues pour pouvoir se développer afin que plus tard, lorsqu'il deviendra un professionnel, il soit professionnel dans tous les sens du terme et puisse parler de commerce international et de toutes sortes de choses internationales. Ainsi, il pourra vivre dans un village mondial, et non avec un esprit villageois.

• 1635

D'après vous, madame Adam, est-ce que la Loi sur les langues officielles doit s'appliquer seulement where numbers warrant ou bien s'appliquer là où, d'une façon, on reconnaît la dualité linguistique? Est-ce qu'il s'agit, non pas d'un accommodement pour ceux qui ne sont pas compétents dans la langue de la majorité, mais plutôt d'accueillir les gens dans un pays bilingue, dans la capitale d'un pays bilingue, de façon à ce qu'on se sente à l'aise alors qu'on peut parler parfois mieux, en tant que francophones, que certains anglophones?

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Madame la commissaire, vous allez faire comme si vous étiez à la période de questions. Vous avez 35 secondes pour répondre.

Mme Dyane Adam: Je vais répondre de la façon suivante. Selon moi, il faut percevoir le projet humain et social associé au projet législatif. Dans la capitale nationale, les édiles doivent décider quel genre de ville ils veulent, et ensuite la loi ne fera que traduire cette volonté. Bien sûr, ils peuvent limiter ou restreindre des services parce qu'ils les jugent superflus. Au moment où ils auront décidé d'avoir une capitale bilingue dans un pays bilingue, ils se diront probablement qu'il est important de lui donner un visage bilingue, donc d'afficher dans les deux langues partout, parce que les gens bougent et ne vivent pas seulement dans un quartier.

Dès qu'on s'entend sur les principes, sur les valeurs, sur le projet humain et social, les questions de ce genre se règlent parce que les gens sont raisonnables. Souvent, les personnes qui s'attardent aux détails ont oublié le fond du problème. Moi, je ramènerais leur attention sur le fond de la question.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Monsieur Godin.

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, monsieur le président.

Je vous souhaite la bienvenue à ce comité. Je sais qu'on a seulement sept minutes... Cinq minutes! Ça commence à descendre. Plus la côte descend, plus il y a une limite de temps. Plus on approche des lieux francophones bilingues, plus ça descend. Bon, on n'en parlera pas davantage.

Je vais poser mes questions rapidement. Ce sont des sujets que vous connaissez certainement. Les sommes transmises à la Nouvelle-Écosse pour l'éducation en français ont été affectées par le gouvernement à d'autres budgets l'an dernier. Le gouvernement l'a lui-même reconnu. Avez-vous fait un suivi de cela? Pour ce qui est de cette année, ils ne veulent pas se compromettre et dire qu'ils vont les utiliser ailleurs.

Je ne sais pas si vous comprenez bien ma question. Il paraîtrait qu'ils n'ont besoin que de 4,1 millions de dollars. Comme ils vont recevoir 4,5 millions de dollars, que feront-ils des 402 000 $ qui devraient servir aux francophones et non à d'autres budgets?

Ma deuxième question porte sur la Gendarmerie royale du Canada au Nouveau-Brunswick. Dans votre rapport, vous mentionnez le Nouveau-Brunswick, mais dans les recommandations, vous ne parlez que du Manitoba et non pas du Nouveau-Brunswick. J'aimerais savoir pourquoi.

Je poserai une autre question sur le service à la clientèle que donne Air Canada à l'aéroport d'Ottawa, la capitale du Canada. Quand on a fait la queue pendant une demi-heure avant d'atteindre le guichet et qu'on se fait dire par le préposé qu'il ne parle qu'anglais, c'est dur de reculer et d'aller à un autre guichet attendre encore une autre demi-heure. Je me suis aperçu qu'il en était ainsi du service qui se donne au guichet d'Air Canada, il y a plus d'un mois; on peut se trouver devant une personne qui ne parle qu'anglais.

Voici un court commentaire sur Ottawa qui me fait penser à Moncton. À Moncton, j'aime bien les Français qui sont là. Il y a mon université qui est française. Il y a aussi l'Hôpital régional Dr-Georges-L.-Dumont. Mais c'est un endroit où on n'aime pas dire qu'on est francophone même si le Sommet de la Francophonie s'y est tenu. À Ottawa, il faut le souhaiter, on se décidera plus rapidement à représenter notre pays.

Ma dernière question porte sur Développement des ressources humaines et m'amène à vous raconter une petite histoire. Je sais que je n'ai que cinq minutes, mais il est à souhaiter que le président soit un peu patient parce qu'elle parle d'un gros problème. Je vais essayer de le faire le plus rapidement possible.

Comme j'ai un problème, j'appelle Développement des ressources humaines au numéro 1-800. Je m'attends à ce qu'avec la technologie d'aujourd'hui, on me dise bientôt d'appuyer sur le 1 pour le service en anglais et sur le 2 pour le service en français. Je m'aperçois qu'il n'y a pas de 1 ou de 2. On me répond donc en anglais et je me retrouve à Chatham, en Ontario, où le service est unilingue anglais.

Quand j'ai demandé d'être servi en français, on m'a rappelé d'un autre numéro à Toronto, en anglais à nouveau. J'ai dit que j'étais vraiment fâché. Une dame s'est excusée le lendemain en disant que ce n'était pas facile pour eux; il y a 350 employés au bureau de Développement des ressources humaines, dont seulement cinq parlent le français. Finalement, je me suis retrouvé à Québec pour discuter d'un problème au Nouveau-Brunswick.

En tout cas, je souhaite que le président ait assez de patience pour vous donner le temps de répondre à toutes ces petites questions que je vous ai posées, parce que je pense qu'elles sont vraiment importantes pour les Canadiens et les Canadiennes.

Merci.

• 1640

Mme Dyane Adam: Monsieur Godin, je crois qu'il s'agit à la fois de commentaires et de questions. On s'entend là-dessus, je crois?

M. Yvon Godin: Non.

Mme Dyane Adam: Non?

M. Yvon Godin: Non.

Mme Dyane Adam: D'accord. Vous allez m'aider.

M. Yvon Godin: Venez vous asseoir ici et je vais aller répondre aux questions.

Mme Dyane Adam: Pour la Nouvelle-Écosse, vous m'avez demandé si nous avions fait un suivi sur l'utilisation des fonds destinés à l'éducation dans la langue de la minorité francophone. Ce n'est pas au commissariat de faire cette vérification. Cela revient à Patrimoine Canada. J'avoue ne pas savoir où ils en sont dans leur vérification.

Pour ce qui est de la Gendarmerie royale, nous avions effectivement signalé des difficultés la concernant, à la fois au Manitoba et au Nouveau-Brunswick, particulièrement au Nouveau-Brunswick, quant au mode de désignation des postes. C'est mentionné ailleurs dans le rapport annuel. À quel endroit exactement? Je pourrai vous le dire si mes collègues m'aident.

On pourrait dire que le rapport final a été déposé et remis à la fois aux plaignants et à la Gendarmerie royale, en ce qui touche le Nouveau-Brunswick. Le rapport du suivi, qui est final, déclare que la Gendarmerie royale n'a mis en oeuvre aucune des recommandations faites par la commissaire il y a environ une année.

M. Yvon Godin: En plus, ils ne sont pas d'accord avec vous.

Mme Dyane Adam: Vous ne seriez pas d'accord avec...

M. Yvon Godin: Non, non. La GRC n'est pas d'accord avec vous.

Mme Dyane Adam: Je ne le sais pas. Je n'ai pas eu de réponse.

M. Yvon Godin: C'est cela qui a été déclaré la semaine dernière.

Mme Dyane Adam: D'accord. Alors, c'est là que nous en sommes.

Pour le service à la clientèle d'Air Canada, j'ai la réponse.

Quant au Nouveau-Brunswick, on en parle à la page 56 et à la page 95 du rapport annuel.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Air Canada doit comparaître devant le comité durant le mois de mai.

Mme Dyane Adam: Pour revenir à Air Canada, en ce qui concerne le service à la clientèle et le guichet unique, ce que vous avez expérimenté, et que vous mentionnez, constitue un des problèmes fondamentaux qui ont été identifiés au cours de la réorganisation de leurs services. Comme il n'y a qu'un seul guichet, c'est le hasard qui détermine si vous tombez sur une personne bilingue ou une personne unilingue. À ce moment-là, c'est un bris en matière de droits linguistiques, puisque vous n'avez pas droit à un service équivalent. Cela ne respecte pas les droits.

À la question sur Ottawa, j'ai pensé que vous aviez répondu par l'affirmative, mais...

M. Yvon Godin: Je vais le concéder. Je vous fais cette concession.

Mme Dyane Adam: Quant à Développement des ressources humaines, j'ai l'impression que cela pourrait presque faire l'objet d'une plainte, n'est-ce pas?

M. Yvon Godin: Et je suis en train d'assurer le suivi.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci.

Sénateur Fraser.

La sénatrice Joan Fraser (De Lorimier, Lib.): Merci, monsieur le président. Vous savez que je n'ai pas l'habitude de faire des discours en guise de questions, mais cette fois-ci, je vais faire un petit discours avant ma question.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Cela va compter dans les cinq minutes qui vous sont accordées.

[Traduction]

La sénatrice Joan Fraser: Madame Adam, je ne voudrais pas que vous pensiez, ou que quiconque pense que seuls les francophones s'intéressent aux langues officielles dans la capitale du Canada. Personnellement, je suis anglophone, et je ne me sentirais pas à l'aise dans la capitale de mon pays si celle-ci n'accordait pas le même statut aux deux langues officielles de notre pays, à la fois en droit et dans la pratique. Je pense que c'est au coeur même de ce qui caractérise notre pays. Ottawa n'est pas une ville comme les autres, c'est la capitale du Canada. Ce fait est au coeur même de l'identité d'Ottawa.

[Français]

Voilà.

Ma question va concerner les fusions municipales.

[Traduction]

Dans votre rapport annuel, vous dites que vous vous êtes intéressée aux fusions municipales, à la fois en Ontario et au Québec. Je connais mal ces situations en Ontario, mais je sais qu'elles sont importantes. Je connais un peu mieux ces situations au Québec, et je sais qu'en dépit des assurances données par le gouvernement du Québec au départ, bien qu'on ait prétendu que tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, y compris pour les anglophones, ce qui a suivi pourrait faire craindre que les anglophones ne verront pas ces assurances traduites dans la pratique.

• 1645

En votre qualité de commissaire, êtes-vous prête à continuer à surveiller la situation dans les deux provinces et à présenter au Parlement et au public un rapport régulier sur les problèmes que vous constatez?

Mme Dyane Adam: Je suis de près les fusions municipales, surtout en Ontario. En règle générale, je dois dire que dans des villes comme Ottawa et Sudbury, qui vient d'adopter une politique bilingue, la population semble satisfaite du résultat.

Quant au Québec, nous suivrons cette situation aussi, et je m'y intéresse à différents niveaux, en particulier au niveau des commissions de transition. J'ai envoyé plusieurs lettres, j'ai rencontré le président de la commission de transition à Montréal et également dans le bureau de Mme Harel. J'ai également demandé à rencontrer la commission de transition de Sherbrooke.

Nous suivons de près ce qui a été proposé aux tribunaux, les recours légaux. Je pense qu'une audience est maintenant prévue pour le mois de mai. Mes conseillers juridiques suivent cette situation de très près. Le moment venu, je suis prête à transmettre ces informations ainsi que notre analyse à ce comité.

La sénatrice Joan Fraser: Je me permets de vous demander de le faire le plus tôt possible?

Mme Dyane Adam: D'accord.

La sénatrice Joan Fraser: Merci, monsieur le président.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Il vous reste du temps.

La sénatrice Joan Fraser: Je ne sais pas si vous avez les documents nécessaires sous la main.

Mme Dyane Adam: Je les ai, mais j'aimerais mieux préparer une réponse car je ne m'attendais pas à devoir vous fournir une évaluation complète de la situation. Je préférerais m'informer d'abord.

[Français]

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald A. Beaudoin (Rigaud, PC): Je débuterai par un commentaire, puisqu'il y a longtemps que je me dis que la cour, à un moment donné, devra dire que l'article 41 est exécutoire ou impératif en droit. C'est fait. Je trouve formidable que la ministre de la Justice ne porte pas appel. Cela prouve que c'est réglé.

Vous vous êtes battue pour cela. Je vous félicite. En ce qui me concerne, il s'agit d'un jour remarquable sur le plan du droit constitutionnel. Mon collègue le sénateur Gauthier a parlé du pouvoir de dépenser. N'oubliez pas qu'il s'agit d'un pouvoir fédéral. Le fait que l'article 41 est exécutoire signifie qu'une cour de justice pourra dire un jour: c'est impératif, vous devez vous servir du pouvoir de dépenser; non seulement vous pouvez, mais vous devez en droit le faire. Alors, pour moi, c'est vraiment extraordinaire.

Ma question porte sur la capitale bilingue. Sur les plans constitutionnel et fédéral, le Canada est un pays qui est bilingue. Cela est clair, net et précis. D'après moi, la capitale d'un pays bilingue devrait être bilingue. Je ne vois pas pourquoi on distinguerait entre le haut et le bas d'une côte, la rue à droite ou la rue à gauche ou encore la rive gauche et la rive droite. En ce qui me concerne, c'est constitutionnellement impossible. Jamais, jamais, jamais la Cour suprême ne tranchera de cette façon. On oublie toujours—et cela répond peut-être à M. Bellemare, qui est allé dans cette direction—que ce sont les langues qui sont bilingues. Il ne faut jamais oublier cela.

• 1650

Ce qui est extraordinaire dans la Loi sur les langues officielles, c'est qu'on a rendu les deux langues égales au Canada. Évidemment, l'article 23 parle de «là où le nombre le justifie», mais il s'agit là des droits scolaires. Ce n'est pas le principe du bilinguisme. Le principe du bilinguisme, c'est que les deux langues sont égales. Alors, quel est votre avis sur le plan de la capitale bilingue? Quant à moi, je pars du principe qu'un pays bilingue doit avoir une capitale fédérale bilingue.

Deuxièmement, il est vrai que les municipalités relèvent des provinces, mais il y a un article de la Constitution qui dit que la capitale du Canada est le choix de la Reine ou du Parlement, etc. On est en train de faire une étude là-dessus et je pense qu'on pourrait dire que le fédéral aussi peut intervenir sur ce plan-là.

Comme commissaire aux langues officielles, faites-vous une étude approfondie de ce domaine-là? En tout cas, moi, je le fais. Je trouve qu'on ne doit pas laisser passer cette chance inouïe d'avoir une capitale bilingue dans un pays bilingue. C'est tellement évident. On dit que le domaine municipal relève des provinces. Eh bien, oui, il relève des provinces, mais Ottawa n'est pas juste une ville. C'est la capitale. C'est différent, ça.

On a 10 capitales provinciales et on légifère là-dessus. Pourquoi ne pourrait-on pas légiférer aussi? Je ne parle pas sur le plan municipal, mais sur le plan du visage bilingue de la capitale d'un pays bilingue. Pourquoi ne pourrions-nous pas le faire? C'est peut-être une bataille qu'on devrait commencer.

Mme Dyane Adam: Avant de répondre à la question sur la capitale, j'aimerais vous décevoir un peu. Vous avez affirmé votre joie de constater que dans la dernière décision touchant la Loi sur les contraventions, le juge avait tranché sur le caractère exécutoire ou impératif. Ce n'est pas le cas. Disons que le commissariat a eu raison sur plusieurs points dans cette cause-là, mais que le juge s'est abstenu de porter un jugement en ce qui touche la Partie VII. Il a seulement affirmé, ce qui est déjà beaucoup, que le fédéral ne pouvait pas se soustraire à ses obligations en déléguant ses responsabilités à des tiers ou à d'autres paliers de gouvernement, et il a fait référence à l'article 16 de la Constitution.

Le sénateur Gérald Beaudoin: À l'article 16?

Mme Dyane Adam: Oui, mais il n'est pas vraiment allé aussi loin que vous le pensiez. Je voulais juste vous dire cela. Ce n'est pas un jugement qui clarifie vraiment la portée de la Partie VII de la loi.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Mais la Partie VII de la loi est-elle obligatoire ou non? Pour ma part, je pense que l'article 41 est obligatoire.

Mme Dyane Adam: Moi aussi, mais le juge...

Le sénateur Gérald Beaudoin: Le juge n'a pas dit cela?

Mme Dyane Adam: Le juge Blais n'a pas...

Le sénateur Gérald Beaudoin: Alors, pourquoi parle-t-on de...

Mme Dyane Adam: Il a rendu un jugement sur d'autres aspects qui sont importants. On parle de la Loi sur les contraventions. Le gouvernement fédéral, en transférant des responsabilités au palier provincial, dans ce cas-ci, ne s'était pas assuré que la province ou encore la municipalité qui avait la responsabilité d'appliquer des lois de nature fédérale fasse en sorte que les droits linguistiques soient respectés. Le juge a dit que le fédéral ne pouvait pas se soustraire à ses obligations en les passant à d'autres paliers de gouvernement.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Si le fédéral est obligé, de par sa loi, de respecter le bilinguisme quand il délègue ses pouvoirs à un pouvoir inférieur, le pouvoir inférieur est obligé de respecter le bilinguisme.

Mme Dyane Adam: Oui.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Bon. C'est évident, ça.

Mme Dyane Adam: Eh bien, ce n'était pas évident. Nous sommes allés en cour contre Justice Canada pour faire trancher cette question.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Ce n'était pas évident, mais je pensais que c'était évident depuis le début.

Mme Dyane Adam: Je ne suis pas juriste, monsieur.

• 1655

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Madame la commissaire, me permettez-vous de faire une suggestion? Est-il possible que vos services nous distribuent un sommaire de l'argumentation de la décision?

Mme Dyane Adam: Oui, et même une interprétation.

Le sénateur Gérald Beaudoin: S'il n'est pas allé aussi loin que cela, il faut revenir. Tant qu'on n'aura pas gagné cela, d'après moi, il faudra continuer. Un pays bilingue doit avoir une capitale bilingue.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci, monsieur le sénateur.

Sénateur Bacon.

La sénatrice Lise Bacon (De la Durantaye, Lib.): Merci, monsieur le président.

Madame la commissaire, j'aimerais revenir à votre rapport puisque le temps est limité. Aux pages 79 et 80 de votre rapport, vous faites un constat désolant des communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire et vous dites également qu'une certaine inertie prévaut en ce qui concerne le recours uniquement à la presse dominante dans diverses régions du pays. Pour atténuer le problème, vous parlez d'une stratégie d'annonces publicitaires dans la presse.

J'aimerais que vous élaboriez là-dessus.

Mme Dyane Adam: Permettez-moi de me situer.

La sénatrice Lise Bacon: C'est aux pages 79 et 80, où vous parlez des médias et des communautés minoritaires laissées pour compte. Vous parlez d'un constat désolant à la page 80.

Mme Dyane Adam: Selon la loi, nos institutions fédérales sont tenues de publier dans les deux presses. Bien sûr, dans certaines provinces, c'est surtout la presse minoritaire. Beaucoup des plaintes que nous recevons portent sur des infractions à cette partie de la loi. On parle de manquements répétés, et vous me demandez quelles sont les stratégies envisagées pour remédier à cela.

À l'heure actuelle, nous sommes en train de réaliser une étude qui examine en profondeur ce problème. Il faut comprendre que, du point de vue du commissariat, une communauté vivant en situation minoritaire a besoin d'outils pour favoriser son développement et doit avoir accès à une presse qui reflète ses réalités, qui parle d'elle, etc. C'est au coeur de l'épanouissement de cette communauté. Une des façons de financer la presse est la publicité.

Si nos institutions fédérales enfreignent la loi, cela a un impact indirect sur l'épanouissement des communautés parce qu'elles ne soutiennent pas les institutions de ces communautés. Nous allons examiner cette étude.

Quand prévoit-on publier cette étude, Gilbert?

M. Gilbert Langelier (directeur, Division des enquêtes spéciales, Commissariat aux langues officielles): Vers la fin de l'année du calendrier.

Mme Dyane Adam: Avant la fin de 2001.

La sénatrice Lise Bacon: Dans un autre ordre d'idées, je vous réfère aux pages 36 et 37 de votre rapport. Il est mentionné que la moitié des enfants admissibles à l'instruction dans la langue de la minorité en vertu de la Charte ne fréquentent pas les écoles de langue française. Avez-vous identifié les raisons pour lesquelles les parents décident de ne pas envoyer leurs enfants dans les écoles de langue minoritaire? Comment pensez-vous pouvoir convaincre les parents d'inscrire leurs enfants dans des écoles francophones?

Mme Dyane Adam: C'est une question à laquelle il pourrait être long de répondre, mais je vais tenter d'être brève.

Nous avons fait deux études qui touchent la mise en oeuvre de l'article 23, donc de toute cette question du droit à l'instruction dans la langue de la minorité. Une première avait trait à la motivation des parents. Parmi les raisons qui motivent les parents à inscrire ou non leurs enfants dans les écoles françaises, il y en a de très banales, comme le fait que l'école est près ou pas de la maison. Il est aussi question, bien sûr, de l'offre des programmes. Plus on progresse dans le cycle scolaire, plus l'enfant et les parents recherchent des cours diversifiés. Or, on sait fort bien que dans les écoles de la minorité, les nombres sont souvent moins élevés; le choix de cours est donc plus restreint. C'est un facteur. Il y aussi des facteurs comme le lien que la famille entretient avec la langue française: un sentiment d'appartenance, un sentiment de fierté. Il y a aussi le fait qu'une famille soit mixte ou pas: homogène francophone ou exogame. C'est aussi un facteur déterminant parce que les parents veulent souvent alterner, ou du moins envoyer leurs enfants dans le système scolaire français pour une partie de leur éducation et dans le système scolaire anglais pour l'autre partie.

• 1700

Mais il y a vraiment un facteur clé, à mon avis, qu'il faut examiner. La gestion des écoles de langue française et les conseils scolaires existent depuis très peu d'années dans certaines de nos provinces. Dans certains cas, on ne peut même pas parler de consolidation d'un système scolaire, car on en est encore à la mise en oeuvre. Comme ces écoles-là ont souvent été établies dans un contexte de coupures budgétaires, elles ont des ressources réduites, ce qui est un problème majeur.

Le système scolaire en milieu minoritaire est immature. Il n'a pas atteint son rythme de croisière. Dans certaines provinces, il y a seulement 10 p. 100 des ayants droit qui sont inscrits. Cela reflète la maturité du système.

Comment peut-on en arriver à un plan de redressement pour augmenter les effectifs scolaires? La deuxième étude porte spécifiquement sur cela. C'est l'étude qui a été réalisée par la chercheure Martel. Je ne vous donnerai pas trop de détails parce que c'est vraiment assez lourd, mais ça me fera plaisir d'en parler si on m'y invite.

La sénatrice Lise Bacon: Pensez-vous que le principe que vous mentionnez à la page 36, celui de la scolarisation en français de ces enfants, est une condition pour assurer la vitalité de la dualité linguistique canadienne?

Mme Dyane Adam: Cela ne fait pas de doute.

La sénatrice Lise Bacon: Il n'y a pas de doute là-dessus.

[Traduction]

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): L'intervenant suivant devait être M. Rahim Jaffer, mais il m'a fait savoir qu'il avait cédé son temps à M. Reid.

Monsieur Reid.

M. Scott Reid: Merci. J'aimerais revenir à notre discussion sur le statut de la ville d'Ottawa, que la ville soit déclarée bilingue ou pas. Il me semble que certaines observations méritent d'être approfondies.

Comme la sénatrice Fraser l'a dit, Ottawa n'est pas une ville comme les autres. Nous devons prendre garde et ne pas décider que les 700 000 personnes qui vivent à Ottawa ne jouissent pas des mêmes droits que les autres Canadiens, et ne veiller en particulier à ce que les résidents unilingues de cette ville ne sont pas évincés simplement parce que nous avons décidé que ce n'était pas une ville comme les autres.

Il me semble essentiel d'insister pour qu'on arrive à un compromis raisonnable entre les droits de la minorité en cette nouvelle mégaville et les droits des unilingues qui ne réussiront pas à trouver du travail si nous dépassons toute mesure dans la nouvelle ville.

En effet, il y a 440 000 personnes, une majorité absolue, qui sont unilingues dans notre ville. Il faut noter également que 97,6 p. 100 d'entre eux sont des anglophones unilingues. Par conséquent, si on exagère, on risque de pénaliser un très grand nombre de gens.

Il me semble possible de trouver une solution raisonnable et rationnelle à ce problème. Quand j'y réfléchis, je vois qu'un certain nombre de services pourraient être offerts dans toute la ville sans pour autant ignorer les distinctions géographiques.

Parmi ceux-ci, le plus important est probablement le service 911, l'accès au téléphone et à toutes sortes de services Internet, et, à un niveau moindre mais important tout de même, le droit de lire vos contraventions de stationnement—si vous en avez—dans les deux langues, ce genre de chose.

En même temps, si nous partons de l'hypothèse que tous les services doivent être fournis par les autorités locales dans les deux langues, nous risquons de priver les gens du droit de travailler dans un environnement qui correspond aux caractéristiques de la communauté. Cela ne serait tout simplement pas acceptable pour des gens qui ont travaillé pour les autorités municipales de villes comme Kanata ou Carleton-Ouest ou encore l'ancienne municipalité de Rideau, des gens qui pendant des années ont utilisé une seule langue, servi leur communauté et qui n'ont jamais eu besoin de travailler d'une façon différente. Aujourd'hui, à cause de la fusion des municipalités une chose qui échappe totalement à leur contrôle, ils s'aperçoivent que leur environnement de travail a changé du tout au tout. Il convient de protéger ces gens-là, c'est absolument indispensable.

• 1705

Je continue à penser qu'André Laurendeau et Davidson Dunton avaient raison il y a des années lorsqu'ils ont dit qu'aucun emploi ne devrait être désigné bilingue, nomination impérative à moins que le bilinguisme ne définisse l'emploi. Nous devons toujours tenter, dans toute la mesure du possible, de réserver le plus d'emplois possible aux unilingues, simplement pour tenir compte du fait que la communauté abrite un très grand nombre de gens qui sont unilingues et qui devraient pouvoir gravir les échelons de la fonction publique municipale aussi facilement que les autres.

De plus, il y a une chose que mes électeurs ne cessent de me répéter, et qui devrait être présente dans la politique d'Ottawa, quelle qu'elle soit, c'est le fait que lorsqu'un emploi exige vraiment un employé bilingue, il n'y a pas de possibilités de formation. C'est vrai également au niveau du gouvernement fédéral. Les possibilités de formation ne sont tout simplement pas à la hauteur. Les gens sont écartés parce qu'ils n'ont pas la possibilité de se libérer, d'avoir du temps libre pour suivre des cours dans la deuxième langue. Dans certains cas, ils sont écartés simplement parce que sur la base d'un test on juge leur capacité insuffisante, même pour suivre des cours. J'en ai vu des exemples au niveau fédéral et il faut absolument éviter cela au niveau municipal.

J'espère que vous pourrez faire passer du moins une partie de ce message lorsque vous interviendrez plus tard cette semaine ou la semaine prochaine devant un comité de la ville d'Ottawa.

Mme Dyane Adam: Nous n'avons pas encore décidé si je vais intervenir, mais si je le faisais je parlerais des mythes qui existent, monsieur Reid, relativement au bilinguisme et au bilinguisme officiel, parce même si un certain nombre de vos affirmations reflètent des préoccupations tout à fait légitimes, il y a aussi des craintes chez certains pour qui le bilinguisme signifie un bilinguisme intégral. Ils croient que si le bilinguisme officiel est adopté dans la ville d'Ottawa tout le monde devra être bilingue ce qui est coûteux. Je crois que cet aspect a été exagérément amplifié.

Je crois que les trois mythes auxquels il faut s'attaquer, je ne vais pas en parler aujourd'hui, les mêmes que l'on retrouve relativement au bilinguisme fédéral ou la politique fédérale sur les langues officielles. L'un est que ça coûte trop cher. Un autre c'est que les unilingues sont exclus et n'ont aucune chance d'emploi. Les statistiques n'appuient pas cette déclaration. Il y a un autre mythe que les gens vont perdre leur emploi.

Puis, il y a la question de la formation. Pour avoir une deuxième langue il s'agit d'une compétence qu'on peut acquérir, qu'on doit pratiquer, dont on doit se servir. Cela veut dire qu'on doit s'atteler à la tâche. Donc afin de devenir bilingue il faut en prendre la décision. Nous voyons qu'au sein de la fonction publique fédérale quelque 31 p. 100 des postes sont désignés bilingues. Donc 69 p. 100 des postes ne le sont pas. Je vous demanderais d'étudier le niveau de bilinguisme nécessaire. On n'entend pas par là d'être parfaitement bilingue ou même fonctionnel. Il s'agit plutôt du niveau de compréhension. Selon les besoins de la population et le niveau établi, on constaterait que ce serait donc accessible à bien des gens et que personne ne serait laissé-pour-compte. Il y a suffisamment de postes qui sont unilingues. Voilà ce que je répondrais.

• 1710

M. Scott Reid: Mais...

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Je suis désolé, votre temps est épuisé. Je vous ai accordé beaucoup plus que votre temps de parole, monsieur Reid.

[Français]

Sénateur Gauthier, une courte intervention, s'il vous plaît.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Merci. J'ai plusieurs questions, mais je vais en poser une. J'espère qu'on va y revenir, monsieur le président, parce qu'on n'a pas encore étudié les crédits, qui sont devant nous jusqu'au 31 mai. On a à peine un mois pour étudier les crédits. J'espère qu'on va le faire.

Ma question, madame la commissaire, a trait à Justice Canada. Vous aviez raison, monsieur Beaudoin, de dire que dans le rapport du juge Blais, il n'est pas question de 41. Il dit que les institutions fédérales ont désobéi à la Loi sur les langues officielles et à la Charte. Il ne parle pas de l'article 41. Il se tient loin de ça. J'ai déjà eu l'appui de la commissaire sur l'article 41. Comme on dirait en droit, c'est impératif ou exécutoire.

Madame la commissaire, on interprète cette loi depuis 1988. Elle a été revue en 1988 par le Parlement, il y a 13 ou peut-être 14 ans. Depuis ce temps-là, Justice Canada nous donne à penser que cet article 41 est déclaratoire. Moi, je suis tanné. Je vais vous poser une question, madame la commissaire. Est-ce que vous consentiriez à appuyer ce comité s'il adoptait une résolution demandant au Cabinet fédéral d'obtenir, par renvoi, une définition claire et précise de l'article 41? Est-ce qu'il est déclaratoire ou exécutoire? Si le comité vous demandait votre appui, est-ce que vous le lui donneriez?

Mme Dyane Adam: Sûrement. Je ne connais pas beaucoup les méandres juridiques ou judiciaires, mais pour moi, le fait que nous n'ayons pas un consensus au sein de l'appareil fédéral en ce qui a trait à la portée réelle de cet article est un frein majeur à sa mise en oeuvre en ce moment. Une clarification ne pourrait que nous aider à aller plus loin dans la mise en oeuvre de cet article qui, bien sûr, est au coeur du développement des communautés de langue officielle.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Monsieur le président, j'ai une autre question, aussi simple que l'autre. Dans votre livre, vous parlez d'éducation. Moi, je vais vous parler de formation.

L'Ontario est la seule province au Canada qui n'ait pas signé d'entente avec Développement des ressources humaines pour la formation de la main-d'oeuvre. L'Ontario a dit qu'il ne signait rien, ce qui fait que les francophones de l'Ontario n'ont pas actuellement accès à des programmes de formation de la main-d'oeuvre dans leurs collèges postsecondaires. Il est impossible de demander à ces collèges de financer des programmes. Le fédéral ne finance plus les collèges. Il finance les individus. En vertu de l'amendement qui a été apporté il y a quelques années, c'est maintenant à l'individu de décider où il veut aller pour sa formation professionnelle.

Est-ce que vous ne pourriez pas nous donner un petit coup de main en Ontario et peut-être parler à Mme Stewart, la ministre du Développement des ressources humaines, afin qu'on puisse en arriver à une entente et que le fédéral prenne sa place dans la promotion, la protection et l'épanouissement des langues et des communautés et permette aux francophones de l'Ontario d'avoir des programmes de formation professionnelle dans leurs institutions postsecondaires? On n'en a pas beaucoup. Il y en a seulement à un collège à Ottawa, la Cité collégiale. Il n'y en a pas à Alfred. Il n'y en a pas dans le Nord et il n'y en a pas dans le Sud. Il me semble qu'il est temps qu'on le fasse.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Veuillez répondre rapidement.

Mme Dyane Adam: En ce qui concerne l'entente, le jugement Blais concernant la Loi sur les contraventions, à mon avis, définit clairement les obligations qu'aura le fédéral quand il aura signé cette entente. On espère qu'il le fera. Évidemment, il y a deux parties dans une entente. Pourquoi, exactement, cette entente n'a-t-elle pas été signée? Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais je pourrai sûrement... Ce sera sûrement un beau dossier pour M. Dion en sa qualité de ministre responsable des langues officielles.

[Traduction]

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Chers collègues, deux autres personnes ont demandé à intervenir. J'imagine que le timbre va retentir d'un moment à l'autre, donc je vais permettre quelques petites interventions. Ensuite j'ai moi-même quelques brèves courtes pendant une minute, mais pas de questions. J'adorerais poser des questions. Je me suis retenu.

• 1715

[Français]

Sénateur Beaudoin, monsieur Bellemare et ensuite on conclura.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je pense qu'il serait possible pour le gouvernement fédéral de saisir la Cour suprême d'un renvoi: est-ce que l'article 41 est impératif ou exécutoire, ou est-ce qu'il est purement déclaratoire? Il peut le faire. Maintenant, je dois vous dire que d'habitude, les gouvernements sont portés à attendre qu'il y ait un cas précis devant les tribunaux et qu'un plaideur soulève la question. C'est bien dommage que ça n'ait pas été soulevé jusqu'à présent. J'espère que ce le sera dans un avenir rapproché, parce que si on arrive à la conclusion, au niveau des tribunaux, que l'article 41 est impératif, ça changera considérablement la force de la Loi sur les langues officielles.

Peut-être me suis-je enthousiasmé trop vite. On n'est pas rendu là. Mais vous savez que la Constitution évolue tout le temps.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Monsieur Bellemare.

M. Eugène Bellemare: Monsieur le président, dans le comté de Lanark—Carleton, d'après les statistiques de 1996, si ma mémoire est bonne, 27 000 personnes se disaient bilingues. On sait que 4 000 personnes étaient unilingues francophones, ce qui veut dire qu'au moins 23 000 anglophones parlaient français.

Je dois féliciter M. Reid pour son français fonctionnel. Je veux aussi profiter de l'occasion pour remercier sincèrement M. Reid pour sa générosité envers ceux qui se servent du 911 et ceux qui ont des contraventions.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Monsieur Bellemare...

M. Eugène Bellemare: J'aimerais demander à Mme Adam de nous préciser un principe de base. Les employés, peu importe pour qui ils travaillent, sont-ils là pour eux-mêmes ou pour desservir, dans le cas d'une municipalité, la communauté entière?

Mme Dyane Adam: Dans mon métier, on dirait que c'est une loaded question, en ce sens qu'elle est assez bien dirigée. Ça va de soi qu'on travaille tous en vue d'atteindre les objectifs de notre organisation, quelle qu'elle soit. Vous avez posé une question très bien dirigée.

[Traduction]

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Bon pour être juste, monsieur Reid, voudriez-vous avoir une minute pour poser une question?

M. Scott Reid: Très bien. Ma question ne s'adresse pas à M. Bellemare. Elle s'adresse à la commissaire. Plusieurs commissaires avant vous ont signalé qu'on n'offre pas suffisamment de cours de formation linguistique financés par le gouvernement fédéral. C'est à cela que je faisais allusion. Je crains simplement que la même chose ne se produise à Ottawa. Vous avez parfaitement raison de dire qu'il est extraordinaire d'avoir des gens qui parlent les deux langues. Mais cela prend du temps. Je crois que le Conseil du Trésor avait fixé à peu près 1 600 heures la durée de la formation il y a dix ans. C'est-à-dire à peu près 10 mois de travail à temps complet avant que la personne moyenne n'atteigne un niveau acceptable de connaissance. C'est ce qui m'inquiète. Pourriez-vous en parler?

Mme Dyane Adam: Je crois que vous avez raison de dire qu'à la suite des compressions budgétaires et tout le reste, le Conseil du Trésor a mené une étude et a trouvé que nous n'avons pas les ressources suffisantes à l'heure actuelle pour répondre au besoin de formation au niveau fédéral. Donc il y a des pressions. Vous avez tout à fait raison de dire que nous devons réévaluer la question et les méthodes de formation. La nouvelle technologie nous offre de nouvelles possibilités, et cela pourra réduire le coût, du moins pour la portion écrite de l'apprentissage linguistique.

M. Scott Reid: Merci.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci.

[Français]

Merci beaucoup.

[Traduction]

Chers collègues, demain matin vous allez recevoir...

Avez-vous une question, sénateur?

La sénatrice Joan Fraser: Quand vous aurez fini de parler.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Vous allez recevoir dans vos bureaux par courriel l'ébauche confidentielle du rapport de nos délibérations sur CPAC. C'est le rapport que nous allons examiner à huis clos demain après-midi. Vous devriez donc recevoir une première ébauche du rapport par voie électronique dans vos bureaux demain matin.

• 1720

J'ai pris beaucoup de notes pendant la réunion, et j'ai constaté que nous allons peut-être avoir d'autres questions à étudier: la formation linguistique, question qui a déjà été proposée; le ministère de la Justice en vertu de l'article 41; Air Canada, sujet que nous allons aborder; la GRC,

[Français]

la GRC; la formation linguistique en Ontario.

[Traduction]

Il y a donc un certain nombre de questions. J'aimerais rappeler aux membres du comité que si jamais vous voulez soulever une question pour étude, vous pouvez l'envoyer à l'un des deux coprésidents. Le comité de direction va se réunir bientôt pour planifier les travaux du comité au-delà du mois de mai.

Madame la commissaire, vous avez beaucoup de pain sur la planche, au point où elle en déborde. Vous avez prouvé sans équivoque qu'il existe des lacunes dans l'application de la Loi sur les langues officielles. Nous vous en remercions. De plus, vous nous avez suggéré des moyens pour remédier à certaines de ces lacunes. Vous avez aussi affirmé la volonté du gouvernement de remédier à la situation. Comme vous l'avez bien dit dans votre rapport, au point 5.1, c'est la responsabilité de ce comité-ci de faire ce travail.

Au nom de mes collègues, je vous promets au nom du comité qu'il tâchera de veiller à ce que la loi soit appliquée pleinement.

Je crois que les membres de la Chambre des communes doivent voter dans cinq ou dix minutes. Je vois qu'il y a deux questions. Je vais les aborder rapidement. Sénatrice.

[Français]

La sénatrice Joan Fraser: Merci, monsieur le président. C'est au sujet de la réunion de demain après-midi.

[Traduction]

Ce n'est malheureusement pas la première fois que ce comité a prévu une réunion supplémentaire pour le mercredi après-midi. Le mercredi après-midi pose des problèmes presque insurmontables pour les sénateurs. C'est le jour où nous avons le plus de séances de comités. Moi-même, j'ai deux réunions de comité prévues pour demain après-midi. Je sais que le sénateur Beaudoin a une réunion de comité à l'heure exacte de la réunion prévue par ce comité-ci. Je gagerais que la sénatrice Bacon a elle aussi une réunion à un moment donné, demain après-midi.

Même si je comprends bien qu'il est difficile de choisir un moment pour des réunions supplémentaires, le mercredi après-midi n'est pas une bonne solution.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Reprenez-moi si je me trompe, chers collègues, mais le comité s'est entendu pour tenir deux réunions par semaine afin de bien fonctionner. Si le mercredi après-midi pose problème, nous pourrions songer à d'autres possibilités. Mais l'idée de tenir une seule séance par semaine, si je comprends bien, ne répond pas aux voeux de notre comité. Il veut prévoir deux réunions par semaine afin de pouvoir s'attaquer à notre charge de travail qui est assez considérable.

Nous pourrions repenser l'idée de tenir une réunion le mercredi après-midi, et nous allons le faire au comité de direction.

Sénateur Gauthier.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Monsieur le président, le témoin a indiqué qu'il y avait 12 priorités, à son avis, que nous devions étudier en comité. Je voudrais que ces priorités soient fixées maintenant. Notre témoin a un échéancier à gérer; c'est vrai aussi pour moi et pour les autres membres du comité. Si nous ne savons pas quand nous allons la rencontrer, cela ne va pas. Je suis d'avis que nous devrions décider de cela maintenant.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Sénateur Gauthier, c'est le comité de direction qui établit les travaux du comité. Je m'en remets au comité de direction et au comité au complet. C'est la façon dont nous allons continuer à planifier les travaux du comité.

La séance est levée.

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