SJCA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE CHILD CUSTODY AND ACCESS
COMITÉ MIXTE SPÉCIAL SUR LA GARDE ET LE DROIT DE VISITE DES ENFANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 18 février 1998
[Français]
Le coprésident (M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Good afternoon.
Nous avons aujourd'hui comme témoins quatre membres du Barreau du Québec qui sont venus pour nous aider à faire notre travail. Je souhaite la bienvenue à ces personnes. Je pense que Mme Vadboncoeur va commencer.
Madame Vadboncoeur.
Mme Suzanne Vadboncoeur (directrice, Service de recherche et de législation du Barreau du Québec et secrétaire du Comité du Barreau sur le droit de la famille): Madame la coprésidente, monsieur le coprésident, il me fait plaisir, au nom du Barreau du Québec, d'être ici parmi vous aujourd'hui au Comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes sur la garde et le droit de visite des enfants.
Je suis accompagnée pour la présentation d'aujourd'hui de Me Miriam Grassby, avocate de pratique privée à Montréal et présidente du Comité du Barreau sur le droit de la famille; de Me Roger Garneau, avocat de pratique privée à Québec et membre du Comité du Barreau du Québec sur le droit de la famille; et de Me Dominique Goubau, professeur en droit de la famille à la Faculté de droit de l'Université Laval et également membre du Comité du Barreau sur le droit de la famille. Pour ma part, je suis secrétaire du Comité du Barreau et directrice de la législation au Barreau du Québec.
• 1535
Pour commencer cette présentation d'environ une
quinzaine de minutes, j'aimerais, pour ceux qui
connaissent un peu moins le système
juridique du Québec, vous expliquer
comment il fonctionne par
rapport à celui du reste du pays.
Comme vous le savez probablement, le Québec est une province de droit civil, une province de tradition civiliste, alors que les neuf autres provinces sont de common law.
Cela veut dire que toutes les lois fédérales, par exemple la Loi sur le divorce, sont d'application générale au Québec, mais que tout ce qui a trait au droit privé, c'est-à-dire les relations entre individus, entre personnes morales et entre personnes physiques, est régi par des lois particulières, mais surtout, d'abord et avant tout par le Code civil du Québec. Donc, toutes les règles de droit civil sont codifiées chez nous, de même que les règles de procédure civile.
Au cours de la présentation, on fera à l'occasion allusion à certaines règles du droit civil qui sont codifiées dans le Code civil du Québec, lequel est tout nouveau. Le nouveau Code civil du Québec est entré en vigueur le 1er janvier 1994; donc, c'est très récent.
Quant à la garde et au droit de visite, le droit civil québécois met l'accent sur l'intérêt des enfants. Le Code civil du Québec a une règle fondamentale, et je vous cite son article 33:
-
33. Les décisions concernant l'enfant
doivent être prises dans son intérêt et dans le respect
de ses droits.
-
Sont pris en considération, outre les
besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques
de l'enfant, son âge, sa santé, son caractère, son
milieu familial et les autres aspects de sa situation.
Donc, vous voyez qu'on met vraiment l'accent sur les besoins et les intérêts de l'enfant dans toute décision, non seulement les décisions judiciaires, mais toute décision qui est prise lorsque son intérêt est en jeu. Il est important de le signaler.
Dans le document de la Direction de la recherche parlementaire qui nous a été remis, on a exposé plusieurs problèmes. Quand on lit ce document sur la garde et le droit d'accès, on a l'impression de faire face à une multitude de problèmes. Or, il y en a certains qui ont été réglés, en tout cas chez nous. Quand je dis chez nous, j'entends au Québec.
Par exemple, il y a le droit d'accès des grands-parents. Je sais qu'il y a eu quelques tentatives ici, à la Chambre des communes, de faire adopter un projet de loi sur l'accès des grands-parents. Au Barreau du Québec, on s'est opposés à cela parce que c'est de juridiction provinciale, croyons-nous, et que le Code civil du Québec y pourvoit. C'est l'article 611 du Code civil du Québec qui dit que les père et mère ne peuvent, sans motif grave, faire obstacle aux relations personnelles de l'enfant avec ses grands-parents. À défaut d'accord entre les parties, les modalités de ces relations sont réglées par le tribunal. Il y a évidemment possibilité de révision de ces ordonnances chaque fois que la nécessité s'en fait sentir, et c'est l'article 612 du Code civil du Québec qui y pourvoit.
Donc, le problème du droit d'accès des grands-parents, quant à nous, est réglé par la loi. Certains problèmes ont également été réglés par les tribunaux. Par exemple, les problèmes de la mobilité des parents ou de déménagement ont été réglés par la Cour suprême dans deux causes importantes, dont Gordon c. Goertz en 1996. Le problème des libertés religieuses a également été réglé par les tribunaux, notamment par la Cour suprême. Si jamais vous voulez des renseignements supplémentaires là-dessus, mon collègue, le professeur Goubau, se fera un plaisir de vous en dire un peu plus long.
Il y a certains problèmes qui, quant à nous, ont été réglés et ne nécessitent pas d'amendement législatif ou d'autres types d'accommodement.
Quant aux difficultés qui demeurent, il y en a, évidemment. Là-dessus, je passe tout de suite la parole à mon collègue Dominique Goubau, qui vous entretiendra de certaines difficultés qui nous sont annoncées dans le document de travail.
Me Dominique Goubau (professeur en droit de la famille, Faculté de droit de l'Université Laval (Québec) et membre du Comité du Barreau sur le droit de la famille): Pour ma part, je vais traiter d'une question qui est soulevée dans le document qui nous a été soumis et qui traite de la problématique du langage utilisé en matière de garde et d'accès. C'est une problématique qui est soulevée à la page 15 du document qui nous a été remis et qui revient souvent.
Des témoins ont soutenu que les expressions «garde» et «parent non gardien» ont un effet réducteur sur la famille, que ce n'est pas une bonne terminologie. C'est vrai que c'est une question qui revient souvent sur le tapis.
Nous pensons que c'est la signification de la garde et les conséquences de ne pas être gardien qui posent problème, bien plus que la terminologie. Mais quand même, la terminologie est un irritant, il faut le reconnaître, et quand on parle de gardien versus non gardien, on a un peu l'impression qu'il y a un gagnant et un perdant. C'est vrai.
Je peux vous dire que la question ne se pose pas qu'au Canada ou au Québec. Il y a bien des pays qui sont pris avec la même terminologie et qui ont tenté de trouver des solutions. Je vais vous donner deux exemples. En France, en 1993, on a laissé tomber la terminologie «gardien» et «non gardien». En Belgique, en 1995, on a fait la même chose.
On cherche d'autres termes et on en a trouvé quelques-uns qui pourraient les remplacer, mais qui, à notre sens, ne changent pas grand-chose. Voici ce qu'ils ont trouvé. On parle, par exemple, de «parents résidentiels» et de «parents non résidentiels», mais dans le fond, cela pourrait sans doute devenir tout aussi péjoratif que «gardien» et «non gardien».
Dans les écrits sur la problématique de la terminologie, on voit qu'on utilise la terminologie suivante: «le parent qui assume l'hébergement principal de l'enfant» et «le parent qui assume l'hébergement secondaire ou l'hébergement subsidiaire». D'autres auteurs ont suggéré de parler de la résidence, du parent qui assume la résidence habituelle de l'enfant. Bref, il y a partout—j'ai cité deux pays et je pourrais en citer 12—une recherche d'une terminologie différente, parce que le terme «gardien» semble péjoratif.
Mais il faut comprendre que, dans les pays où on a changé cette terminologie, cela s'est fait dans un contexte totalement différent, dans un contexte où, au moment de la séparation, après la séparation ou après le divorce, les deux parents, quel que soit le gardien, quelle que soit la personne qui a l'enfant le plus souvent physiquement avec lui, continuent à exercer l'autorité parentale, en ce sens que les deux parents continuent à participer aux grandes décisions concernant l'enfant, c'est-à-dire l'éducation, les problèmes médicaux, le choix des écoles, le choix de la religion, etc.
Par conséquent, si on pose la question du langage, je pense qu'on ne peut pas ne pas mener la réflexion plus loin et se demander ce que cela signifie quand on parle de «garde» et de «non gardien». Dans le document qu'on nous a donné, on dit à la page 7, en parlant du Canada:
-
Depuis toujours, le pouvoir de
décider est assumé par le parent qui s'occupe de
l'enfant au jour le jour et qui lui fournit un toit.
C'est précisément là qu'est le problème. En common law, comme dans le cadre de la Loi sur le divorce, lorsque le tribunal accorde la garde exclusive d'un enfant à un parent, ce parent exerce exclusivement l'autorité lorsqu'il s'agit non seulement de décisions quotidiennes, mais également de décisions importantes pour l'enfant. C'est précisément là que se trouvent un des problèmes et sans doute une des grandes sources de frustration du parent non résidentiel ou du parent non gardien.
Au Québec, la situation est différente. Au Québec, nous avons l'institution de l'autorité parentale, et la notion de garde n'est qu'un élément parmi d'autres de cette notion de «parental authority». Lorsque le tribunal accorde la garde d'un enfant à un des parents de façon exclusive, sans autre indication dans le jugement, cela n'affecte pas l'autorité parentale conjointe, sauf dans les petites décisions quotidiennes qui, de toute évidence, appartiennent au parent qui a l'enfant avec lui au quotidien. De même que le parent gardien prend ces décisions lorsque l'enfant est avec lui, de la même façon, le parent «non gardien» prend ces mêmes décisions lorsqu'il exerce son droit d'accès, son droit de visite, son droit de sortie.
• 1545
Cela n'affecte donc pas son droit de
participer aux décisions les plus importantes
concernant l'enfant. Autrement dit, le parent, à moins
que le tribunal n'ait décide le contraire, n'est pas
dépossédé de son droit de décider à l'égard de
l'enfant en dépit du fait qu'il n'a pas la «garde» de
cet enfant-là.
Je pense que cette réalité et ces conséquences de l'attribution de la garde sont extrêmement importantes dans toute réflexion qu'il faut mener lorsqu'il s'agit de s'interroger sur le fait de savoir s'il est opportun ou non d'introduire une présomption en matière de garde. C'est bien ce que soulève le document que vous nous avez soumis.
Faut-il, par exemple, introduire une présomption de «primary caretaker»? Faut-il une présomption de garde conjointe? Le Barreau du Québec ne veut pas prendre position parce que c'est un vaste débat de société. Tout ce que nous voulons dire, c'est qu'avant de décider, et tout en discutant de cette question, il faut être bien conscient qu'il s'agit de deux choses: il s'agit non seulement de la garde dans le sens de la présence physique de l'enfant, mais aussi du pouvoir décisionnel sur ces enfants, indépendamment de la façon dont la garde a été attribuée ou aménagée.
Nous trouvons, par exemple, que le document qui nous a été soumis est peut-être un petit peu tendancieux à l'égard de certaines présomptions et, plus précisément, à l'égard du «primary caretaker», alors que le débat n'a pas été fait. Quant on dit, à la page 6 du document, que cette présomption du «primary caretaker» est un critère fort utile, la discussion est ouverte. Il l'est pour qui? Il est utile dans quel contexte? Il est utile de quelle façon? Quelles études ont démontré son utilité?
On dit à la page 15, toujours en traitant des questions de garde conjointe et de l'opportunité d'introduire une présomption, qu'il existe plusieurs États américains qui ont introduit cette notion de garde conjointe. Mais attention, dit-on, plusieurs de ces pays ont retiré...
[Traduction]
La sénatrice Anne C. Cools (Toronto-Centre, Lib.): Je crois que les témoins se réfèrent à un document particulier et que les membres du comité ne savent pas trop de quel document il s'agit. Nous avons du mal à nous y retrouver. De quelles pages veut-on parler? Je pense que le témoin cite un document.
Sauf erreur, vous avez dit: «Le document que nous vous avons remis...».
Me Dominique Goubau: Il s'agit d'un document de la Bibliothèque du Parlement, qui s'intitule La Garde d'enfants et le droit d'accès. C'est le document que nous avons reçu.
La sénatrice Anne Cools: Il vous a été envoyé par nous, par notre comité?
Me Dominique Goubau: Je suppose que oui.
Une voix: En avons-nous une copie?
La sénatrice Anne Cools: Pourriez-vous simplement nous donner le nom du document?
Me Dominique Goubau: C'est un document intitulé La Garde d'enfants et le droit d'accès, qui a été rédigé par Kristen Douglas. Il date de juillet 1997.
La sénatrice Anne Cools: Oh! Il s'agit simplement d'un document de recherche.
Me Dominique Goubau: Vous y êtes?
La sénatrice Anne Cools: Oui, ça va. Merci.
[Français]
Me Dominique Goubau: Je vais terminer là-dessus. À la page 15 de ce document, on dit que plusieurs États américains ont adopté la présomption de garde conjointe. Mais attention, dit le document, la plupart de ces États l'ont retirée. C'est vrai, mais j'ajoute qu'il eût été plus exact de mentionner également que d'autres États américains ont adopté la «primary caretaker presumption» et qu'ils l'ont retirée également.
Je peux citer l'exemple du Minnesota, qui a adopté cette présomption et qui, aujourd'hui, a changé sa loi pour l'interdire et qui interdit donc aux tribunaux de baser leurs décisions concernant l'attribution de la garde des enfants sur une présomption telle que celle du «primary caretaker». Donc, nous disons qu'il faut voir toutes les facettes de cette problématique quand on prend une décision et non donner dès le départ la préférence à une présomption plutôt qu'à une autre.
Cela dit, et je terminerai là-dessus, vous avez vu que la terminologie pose un problème, mais qu'au-delà de la terminologie, la question de fond est beaucoup plus importante. En effet, au-delà de toutes ces questions de présomption, il n'est pas seulement question de la présence physique de l'enfant, mais aussi du partage de l'autorité des parents entre eux après la séparation ou le divorce.
Nous soumettons que la solution actuellement en vigueur dans le droit québécois, qui prévoit qu'indépendamment de l'attribution de la garde, l'autorité parentale demeure conjointe, sauf quand le tribunal a décidé le contraire, est sans doute une avenue intéressante qui enlève certainement certaines sources d'irritants pour le parent non résidentiel.
[Traduction]
Me Miriam Grassby (avocate de pratique privée et présidente du Comité du Barreau sur le droit de la famille, Barreau du Québec): Je vais traiter de la question du droit d'accès. Je ne sais pas exactement où en est votre comité à cet égard, quels points de vue il a entendus jusqu'à maintenant à ce sujet, mais c'est une question très épineuse sur laquelle les tribunaux, les avocats et les parents n'arrivent toujours pas à s'entendre.
Permettez-moi d'abord de faire une distinction. Deux types de problèmes se posent relativement au droit d'accès. Il y a, d'une part, la difficulté d'attribuer adéquatement ce droit, puis, d'autre part, celle de veiller à ce qu'il soit exercé convenablement.
L'exercice de ce droit peut poser problème, tout comme d'ailleurs son non-exercice. Nous entendons souvent parler de parents non gardiens qui prétendent que le parent gardien ne leur donne pas accès à l'enfant aux moments convenus, mais il y a aussi des parents gardiens qui se plaignent de ce que leur ex-conjoint ne profite pas de son droit de visite au moment où il devrait le faire. Il y donc deux types de problèmes liés à l'exercice du droit d'accès, et j'y reviendrai une fois que nous aurons examiné la question de l'attribution de ce droit.
Je me souviens qu'à l'occasion d'une tribune téléphonique à laquelle je participais et où il était question du droit de la famille, j'avais constaté que tous mes interlocuteurs prétendaient que les juges avaient des préjugés. Les hommes disaient que les femmes juges n'étaient pas impartiales, et les femmes, de leur côté, y allaient des mêmes réflexions à propos des juges masculins. Je sais bien que ce n'est pas drôle de se présenter devant un tribunal, d'y voir ses problèmes personnels discutés en public et de subir un jugement fondé sur des paramètres auxquels on ne souscrit peut-être pas entièrement.
Il se dit un tas de choses au sujet de ces problèmes, qui suscitent d'ailleurs énormément d'agressivité, mais, en fait, il n'est pas simple de décider de l'attribution du droit d'accès. Bien des facteurs entrent en ligne de compte. Par exemple, il peut arriver qu'un parent soutienne que ce qui compte pour l'enfant, c'est la routine, la stabilité et l'acquisition du sens de l'organisation. Il est par contre important que l'enfant puisse être le plus possible en contact avec le parent non gardien pour bénéficier de son soutien émotionnel. Ce sont là autant de facteurs antagonistes qu'il faut prendre en considération.
Par exemple, un parent gardien dira qu'il ne veut pas que l'enfant passe la nuit ailleurs que chez lui un mercredi soir parce que l'enfant a des travaux scolaires et qu'il doit apprendre à faire la distinction entre la routine de la semaine et les congés, alors que le parent non gardien, de son côté, croira que l'enfant a besoin de sortir de chez lui. Selon le type de famille, de parents et d'enfant, une telle visite pourrait être soit bénéfique, soit inopportune. Selon le niveau d'entente ou de mésentente entre les parents, une telle visite sera dans certains cas fort bienvenue, mais dans d'autres, absolument perturbante.
Pour beaucoup de parents qui se montrent extrêmement souples, une chose aussi simple qu'une visite au milieu de la semaine peut se révéler fantastique pour les enfants. Dans certains cas, c'est le contraire. Quand les parents n'arrivent pas à s'entendre sur ce genre de question, la responsabilité des tribunaux consiste à établir où se situe l'intérêt de l'enfant.
De nombreux facteurs entrent en ligne de compte dans ce genre de décision. S'il y a déjà eu de la violence dans la famille, on doit, par exemple, se demander, dans l'attribution des droits de garde et d'accès, dans quelle mesure il faut prendre en considération le risque de violence conjugale. En fait, il est arrivé très souvent dans le passé que les tribunaux canadiens fassent tout à fait abstraction de ce facteur lorsque aucune violence n'avait été dirigée contre l'enfant. Nombreux sont ceux qui voient là un problème, car, selon eux, le risque de violence est un facteur dont il peut falloir tenir compte dans l'attribution du droit d'accès.
Le Barreau du Québec est d'avis qu'en matière de droit d'accès, il y a des choses qui s'imposent davantage que l'adoption de modifications législatives. Nous croyons que les intervenants dans ce domaine ont besoin d'un soutien beaucoup plus poussé. Il faudrait, par exemple, donner aux juges une formation qui leur permettrait de mieux comprendre les dilemmes et les problèmes qui se posent en cette matière.
Nous vivons dans une société où nous en apprenons constamment au sujet des enfants et des droits de visite. Nous critiquons souvent les tribunaux, mais on ne saurait exiger d'eux qu'ils précèdent la société dans son évolution; ils peuvent au mieux la suivre, tenir compte de son évolution au fur et à mesure qu'ils en prennent conscience. Il faut donc sensibiliser les juges à ces questions. Nous avons besoin d'experts capables d'enseigner ces choses aux juges et aux avocats.
Nous devons aussi faire prendre conscience aux parents du genre de problèmes auxquels ils auront à faire face en cas de séparation. Ainsi, il se peut qu'en principe un parent préfère ne jamais revoir son ex-partenaire, mais il est drôlement important qu'il tienne compte des intérêts de son enfant dans tout cela, qu'il soit prêt à revoir au besoin l'autre parent de son enfant, par exemple lors de rencontres de parents à l'école.
Les parents ont des choses à apprendre. Il y a des choses que nous devrions faire pour eux et que nous n'avons pas faites, comme de leur expliquer que le parent non gardien est tout aussi important que le parent gardien. Il se peut qu'une mère qui ne souhaite pas avoir la garde de son enfant ait honte de ne pas réclamer cette garde, mais elle doit comprendre qu'elle peut quand même jouer un rôle primordial en tant que parent non gardien, et je ne crois pas que nous ayons fait suffisamment d'efforts pour expliquer aux parents non gardiens comment le soutien moral qu'ils peuvent apporter à leur enfant est essentiel. Judith Wallerstein a écrit un ouvrage où elle explique que ce qui compte pour l'enfant, c'est de savoir que quelqu'un se soucie de ce qui lui arrive au quotidien, même si cette personne n'est pas présente auprès de lui chaque jour.
• 1555
Les tribunaux manquent également de ressources. Les rapports
psychosociaux sont un outil que les juges réclament dans les cas
compliqués, mais nous n'avons pas les moyens de les leur fournir.
Par ailleurs, il faut parfois attendre de six à neuf mois—et je
suis sûr que c'est partout pareil au Canada—pour obtenir des avis
d'experts susceptibles d'aider le juge à rendre une décision.
Il nous faudrait davantage de ressources. Il y a des cas, par exemple, où l'on pourrait offrir au parent non gardien un service de visites sous surveillance, mais le manque de fonds rend la chose extrêmement difficile. Si un tel service était offert sur une plus grande échelle, les juges, de même que les parents, pourraient y recourir davantage.
Je crois qu'il est important de garder à l'esprit que la plupart des couples réussissent à s'entendre à l'amiable sur l'attribution du droit d'accès. Certains y parviennent en recourant à la médiation.
Au Québec—et je vais m'attarder quelques secondes sur ce point, car nous avions l'intention d'en parler, mais cet aspect a malencontreusement échappé à notre analyse—, nous pouvons, depuis quelques mois, offrir aux parents qui le désirent six séances gratuites de médiation. Les parents doivent d'abord obligatoirement se présenter à une séance de groupe, où on leur enseigne ce qu'est la médiation, après quoi ils ont le droit, s'ils le désirent, de participer à six séances gratuites de médiation avec leur ex-conjoint ou l'autre parent de leur enfant.
La médiation est un moyen qu'utilisent certaines personnes pour arriver à s'entendre sur l'attribution d'un droit d'accès, d'un droit d'accès spécialement conçu en fonction des besoins de leur couple ou de leur famille. Les ex-conjoints peuvent donc fixer eux-mêmes ensemble les conditions de l'accès aux enfants, ou le faire par voie de médiation. Beaucoup de couples s'adressent au tribunal, s'en remettent à la décision du juge, se montrent satisfaits de cette décision et s'y conforment.
Mais il y a aussi de vrais cas problèmes, que souvent les tribunaux sont appelés à revoir à répétition. Vous devez vous garder de légiférer en fonction de tels problèmes, qui souvent tiennent à la personnalité des partenaires en cause—hautement conflictuels et très colériques—qui ne sont pas représentatifs de la norme. Nous aurions tort, je crois, d'élaborer nos lois sur la base de tels cas.
Puis, il y a la question de l'exercice du droit d'accès. Là encore, la médiation peut, à mon avis, se révéler très utile. On devrait offrir aux parties davantage de soutien. Sauf erreur, on a à certains endroits, dans certains États, mis sur pied un genre de système de soutien aux parents qui ont du mal à obtenir de l'aide et des conseils des travailleurs sociaux, et je pense que nous devrions nous inspirer de ce qui s'y fait.
Par ailleurs, il y a une solution à laquelle nous avons souvent songé et qui pourrait être utile dans les cas où la question du droit d'accès est très conflictuelle, où l'on constate qu'on ne parvient jamais à s'entendre sur ce point dans une famille—soit que les enfants ne rendent pas visite à leur parent non gardien, soit que celui-ci n'exerce pas son droit de visite. Dans ce genre de situation, on pourrait faire en sorte que la famille se présente toujours devant le même juge. Ainsi, on ne reviendrait pas à la case départ chaque fois qu'il y a un problème. C'est un même juge qui assurerait le suivi de la famille et qui essaierait de comprendre comment elle fonctionne, sans devoir constamment tout reprendre à zéro.
Une autre façon d'améliorer la gestion du droit d'accès consisterait à prévoir une procédure accélérée en cette matière. On éviterait ainsi de laisser pourrir les problèmes.
La question de l'accès comporte de multiples facettes. Souvent, c'est l'enfant qui refuse de voir l'autre parent. Il est facile de rejeter le blâme sur le parent gardien lorsqu'un enfant ne veut pas se rendre chez son parent non gardien. Il se présente ainsi toutes sortes de situations problématiques.
Je me rappelle un cas dont j'ai eu à m'occuper et où l'on avait affaire à un problème de violence conjugale. On accusait la mère d'empêcher son fils de 5 ans d'aller passer la nuit chez son père. Or, c'est cet enfant de 5 ans qui avait lui-même défini ce qu'il souhaitait. Il voulait aller chez son père toutes les deux fins de semaine, y passer toute la journée du samedi et toute celle du dimanche, sans toutefois accepter d'y coucher dans la nuit du samedi au dimanche. C'était en quelque sorte le moyen qu'avait imaginé ce bambin pour atténuer son inquiétude et se sentir davantage en sécurité dans une situation qui l'effrayait par ailleurs, car il était conscient du grave problème de violence qui existait chez son père.
En cherchant à définir ce qui est bon pour un enfant et sa famille, il faut prendre en considération ce qui les caractérise. Nous devons nous garder de légiférer en cette matière sans tenir compte du fait que les problèmes varient selon les personnalités et les familles auxquelles nous avons affaire.
Roger.
[Français]
Me Roger Garneau (avocat de pratique privée et membre du Comité du Barreau sur le droit de la famille): Mesdames et messieurs, j'ai moi-même pris connaissance du document auquel on a attiré votre attention, document qui nous a été transmis de votre part et qui est signé Kristen Douglas.
En pages 14 et 15, ce document conclut qu'il y a encore plusieurs questions qui sont demeurées en suspens.
• 1600
Je désire donc attirer votre attention sur le fait que plusieurs de
ces questions, dont on dit qu'elles demeurent
en suspens, ont fait l'objet
d'une étude approfondie de la part d'un comité spécial
organisé par la Fondation du Barreau du Québec. Comme
vous le savez, le Barreau du Québec a une fondation
qui a été créée en 1969. C'est un organisme à but non
lucratif financé par des dons du secteur privé.
La Fondation, en 1995, a décidé de soutenir en priorité un projet de recherche en droit de la famille. Ce projet de recherche a été fait sur une période d'environ un an et demi.
À cette fin, la Fondation a mandaté la firme de sondages Sondagem de Montréal pour faire un vaste sondage scientifique auprès d'un échantillon de la population de la province de Québec qui avait eu l'expérience d'un divorce.
Ce sondage, réalisé auprès de plus de 1 000 personnes divorcées et des conjoints, a été complété de rencontres avec les principaux intervenants de la société, juges, avocats, travailleurs sociaux, psychologues, spécialistes en médiation et administrateurs dans le système judiciaire.
J'aimerais attirer votre attention sur le fait que la Fondation a déposé il y a quelques mois un rapport qui est clair et précis, et qui apporte quelques ébauches de solutions à certaines des questions qui se posent à votre comité.
Je mets à votre disposition quelques exemplaires de ce rapport de la Fondation du Barreau, rapport daté de juillet 1997. Si vous avez besoin de copies additionnelles, la Fondation, dont le siège social est à la Maison du Barreau à Montréal, se fera un plaisir de vous les transmettre.
Permettez-moi d'attirer votre attention sur quelques-unes des conclusions et recommandations de ce comité spécialisé de la Fondation. D'abord, à la surprise générale des juges et des avocats qui faisaient partie de ce comité, il s'est avéré que la très grande majorité des personnes divorcées qui ont été rencontrées avaient éprouvé une très grande satisfaction lors de leur expérience de divorce, satisfaction à l'égard des juges et de leurs avocats.
Je vous avoue que nous, avocats et juges, qui avons tendance à nous critiquer—cela ne fait pas longtemps, mais cela existe—, avons été surpris de voir une aussi grande satisfaction chez les judiciables. Si vous me demandez s'il s'agit de conclusions scientifiques, eh bien, les spécialistes qui ont fait l'enquête disent que oui, le sondage a été fait suivant les normes les plus scientifiques et rigoureuses. On voit qu'une très grande majorité des dossiers de divorce se terminent sans procès et de manière quasi administrative.
Malgré tout cela, il y a quand même des problèmes. Le comité en a été saisi et, à la suite de cela, il a fait des recommandations. J'attire votre attention sur les principales.
Tout d'abord, la Fondation a étudié les problèmes d'exécution des droits d'accès qui ont été évoqués par mes collègues.
Plus précisément, à la recommandation 2.0.4, que vous allez trouver à la page 62 du rapport, on voit que la Fondation recommande que d'office ou à la demande des parties, dans les cas de garde ou d'accès où il y a crainte qu'il y ait des difficultés dans l'exécution du jugement, le juge demeure saisi du dossier pour une période déterminée de deux ou trois mois et qu'il ait avec les parties et leurs avocats une entrevue au cours de laquelle on lui fera un compte rendu de la situation qui lui permettra, s'il y a lieu, d'apporter à la décision rendue les correctifs et les aménagements nécessaires.
• 1605
Cette solution est préconisée par la
Fondation. Elle pourrait donner de bons résultats.
Il y aurait peut-être un certain danger que des juges,
moins compétents, s'accaparent de dossiers et jouent au
moraliste. Mais s'il y a une présomption selon
laquelle tous les juges sont compétents, enfin que les
juges que le gouvernement nomme sont compétents,
consciencieux et objectifs, eh bien, je pense que ce
problème devrait être peu fréquent.
J'attire votre attention sur une autre recommandation de la Fondation, la recommandation 2.0.5, que vous retrouvez à la page 63 du rapport, où la Fondation recommande le «fast track» dans les cas où les droits d'accès sont spoliés, où il y a des problèmes d'exécution.
La Fondation recommande que le justiciable, au lieu d'avoir recours à l'outrage au tribunal, arme inutile et belliqueuse qui existe, mais qui est souvent dangereuse d'utilisation en matière familiale—on suggère de la bannir—, ait plutôt recours à une simple requête qu'on adresserait au juge en Chambre lui disant: «Écoutez, il y a eu un jugement de rendu à telle date, mon client ou ma cliente a obtenu des droits d'accès à ses enfants, et il y a une partie, en l'occurrence le conjoint sans doute, qui fait obstruction. On vous demande, monsieur le juge ou madame le juge, d'intervenir rapidement pour corriger cela, non pas dans un mois, dans trois mois ou dans un an, mais dans quelques jours.»
C'est une mesure possible qui exigerait un certain réaménagement dans l'organisation judiciaire des cours, mais qui n'exigerait aucune modification à la loi. Cela exige de la bonne volonté et un désir d'efficacité de la part des juges et des avocats.
Cela dispose de l'exécution des droits d'accès.
La Fondation a fait d'autres recommandations ayant trait aux problèmes que vous énumérez, notamment essayer de prévenir les effets négatifs du divorce sur la psychologie des enfant. Je vous demande de vous reporter à la recommandation 2.0.1 de la Fondation, selon laquelle il est recommandé que soit mis en oeuvre un ensemble de moyens pour combattre le sentiment d'impuissance et de désaffectation chez un certain nombre de juges, hommes ou femmes, en regard du droit familial, pour stimuler leur intérêt et pour développer chez eux une attitude plus empathique et plus positive vis-à-vis de la clientèle dans ce domaine.
La Fondation recommande tout spécialement de favoriser davantage la tenue de conférences, pour les juges et les avocats, sur la psychologie des enfants du divorce et sur les réactions émotives des conjoints et des ex-conjoints au cours du processus. La Fondation encourage les juges et les avocats à participer activement, durant l'audition, à la résolution des questions en litige de façon humaine, parce que le but que nous poursuivions, à la Fondation, était d'humaniser le droit de la famille.
Enfin, j'attire votre attention sur les recommandations relatives à la formation et à l'information des justiciables, des avocats et des juges. Nous croyons, au Barreau du Québec, que les lois et le Code civil qui sont à notre disposition sont des outils précieux qui doivent être utilisés par des juges et avocats compétents, préparés au droit de la famille, qui ont un bon jugement, un bon discernement.
La Fondation recommande, au paragraphe 3.0.4, que les associations de familialistes, les avocats praticiens en droit de la famille, préparent des feuillets expliquant à leurs clients chacune des étapes judiciaires du divorce et en recommandent l'utilisation. Ces feuillets contiendraient des détails pertinents à telle étape et seraient remis aux clients un certain temps avant la date de cette étape, afin de les renseigner sur l'aventure judiciaire qu'ils vont vivre.
• 1610
La Fondation, à la page 69 du rapport, recommande, au
paragraphe 3.0.5, que la spécialisation en droit
familial soit reconnue par un certificat qui pourrait
être publié et qui témoignerait des connaissances et de
l'expérience acquises en ce domaine par son détenteur.
Plus les avocats seront compétents, moins ils
seront chicaniers, et plus les juges seront compétents et
empathiques pour les problèmes de la famille, plus les
problèmes de cette famille seront réglés dans un climat
de sérénité et dans le respect de la loi et de
l'équité.
Enfin, la Fondation du Barreau recommande, au paragraphe 3.0.6, à la page 70 du mémoire, que des cours soient offerts dans le domaine familial et qu'ils soient rendus plus accessibles à l'ensemble des avocats et des juges. Ces cours devraient être offerts à des coûts modiques et être dispensés à plusieurs points stratégiques en province et non seulement à Montréal et à Québec.
Enfin, j'attire votre attention sur la dernière recommandation de la Fondation, voulant que les avocats spécialistes en droit de la famille se regroupent au sein d'associations qui auront des règles d'éthique tendant à humaniser le droit de la famille.
Voilà les principales considérations que je voulais porter à votre attention. Je vous rappelle que ce mémoire de la Fondation est à votre disposition. S'il était réalisé, et les conditions actuelles de la loi permettent sa réalisation, cela permettrait d'humaniser tout le droit de la famille.
Me Suzanne Vadboncoeur: Si vous permettez, madame la coprésidente et monsieur le coprésident, j'ai deux copies du rapport de la Fondation à votre disposition. J'ai également deux copies, une pour le Sénat et une pour la Chambre des communes, du mémoire du Barreau sur la médiation familiale. Le Barreau du Québec a passé quatre jours complets en commission parlementaire et s'est prononcé contre la médiation obligatoire. Je pense qu'il est important de le souligner. Vous auriez tout intérêt à prendre connaissance du mémoire du Barreau.
Je pourrai, en quittant, déposer deux copies de chacun.
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Pour la période des questions, nous allons procéder aujourd'hui dans un ordre légèrement inhabituel. Nous commencerons par la sénatrice Cohen.
La sénatrice Erminie J. Cohen (Saint John, PC): Je tiens à vous dire que vos exposés m'ont vivement impressionnée. En ce qui a trait à l'humanisation du droit de la famille, il ne me fait aucun doute que le Code civil du Québec a du mérite en ce sens. On s'y montre beaucoup plus sensible aux besoins respectifs des deux parents et on y favorise une approche plus juste envers chacun d'eux, un objectif que nous cherchons tous à atteindre pour rendre la vie plus facile aux enfants.
Vous ayant fait part de mes remerciements, je tiens maintenant à vous assurer qu'en tant que grand-mère, je suis ravie de constater que le Code civil du Québec reconnaît aux grands-parents le droit d'accès à leurs petits-enfants. Ma question est la suivante: concrètement, l'exercice de ce droit est-il effectif? Les parents doivent-ils faciliter cet accès? Qu'arrive-t-il s'ils ne le font pas?
Me Miriam Grassby: Je vais répondre en tant que praticienne. Je suis certes ravie qu'une telle disposition existe dans la loi. Je pense que c'est important.
Mais il faut garder à l'esprit, je crois, que lorsqu'un grand-parent en est réduit à devoir réclamer un tel droit d'accès au tribunal, c'est que la cellule familiale est devenue, une fois rompue, très dysfonctionnelle. En règle générale, un grand-parent a accès à son petit-enfant par l'intermédiaire de son propre enfant, que celui-ci ait la garde ou non de l'enfant. Si un grand-parent a un problème d'accès, c'est donc souvent que son fils ou sa fille n'exerce pas son droit d'accès à l'enfant, car autrement, le grand-parent profiterait normalement des visites du petit-enfant chez son parent pour entrer en contact avec l'enfant.
De telles situations sont moins fréquentes qu'on a tendance à le croire, et elles procèdent généralement d'un certain niveau de dysfonctionnement. Quoi qu'il en soit, c'est un droit qui est prévu dans le Code, que les grands-parents peuvent invoquer et dont certains d'ailleurs se sont déjà réclamés.
La sénatrice Erminie Cohen: Pourrait-on améliorer les dispositions législatives relatives à ce droit?
Me Miriam Grassby: Je ne suis pas sûre qu'il y ait lieu de les améliorer. Ce droit est prévu dans la loi, et les gens le savent. Ils savent également que le recours à ces dispositions doit être motivé. En règle générale, cependant, quand le parent non gardien exerce son droit de visite, le grand-parent a accès à son petit-enfant. Il en va naturellement de même quand son fils ou sa fille a la garde de l'enfant.
Donc, cette situation ne se présente pas forcément très souvent. Peut-être mes collègues voudront-ils rectifier mes propos à ce sujet, mais, à ma connaissance, c'est ce qu'il en est.
[Français]
Me Dominique Goubau: Je pourrais ajouter quelque chose là-dessus.
En 1991-1992, j'ai mené un projet de recherche sur cette question précise, basé sur toutes les décisions québécoises publiées en la matière, mais également sur les décisions non publiées.
• 1615
À l'époque, j'ai écrit aux différents juges en chef des
cours supérieures, qui m'ont envoyé et qui ont invité
des juges de la Cour supérieure à m'envoyer différents
jugements sur les grands-parents. J'ai rassemblé à
peu près 70 jugements, publiés ou non publiés, portant
sur les grands-parents.
Le résultat de cette recherche, notamment, est que généralement, les tribunaux sont très favorables aux demandes des grands-parents sur le principe mais que, par contre, ils ont tendance à réduire les demandes des grands-parents qui en demandent un peu trop. Généralement, j'imagine que c'est le principe général: j'en demande tant pour en recevoir tant. Généralement, les grands-parents en demandent énormément, et les tribunaux ont donc tendance à freiner les demandes des grands-parents, à accepter le droit d'accès mais à le limiter.
Les seuls dossiers où le droit d'accès des grands-parents est refusé, ce sont évidemment les cas où il y a de la violence familiale, mais aussi les cas où il a été démontré que les grands-parents ont tendance à vouloir se substituer aux parents dans leur rôle d'éducateurs. Dans ces cas-là, les tribunaux ont tendance à rejeter les demandes d'accès des grands-parents.
[Traduction]
La sénatrice Erminie Cohen: Merci. Vos explications m'éclairent un peu.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. Madame Bakopanos.
Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Merci.
[Français]
Merci beaucoup pour les renseignements. J'ai trouvé fort intéressant que vous ayez mis l'accent sur l'éducation, pas seulement des parents, mais aussi des juges et des avocats. On a eu plusieurs exemples de changements de décision de la part des juges, et je crois qu'une formation un peu plus à jour va aider un peu au niveau des jugements qui sont rendus.
J'ai aussi été très intéressée par l'une des recommandations du rapport de la Fondation, celle qui a trait à la préparation des parents. Je crois que les parents se sentent parfois perdus. Selon la qualité des avocats et des juges, ils se retrouvent dans un chemin qui n'est pas toujours le meilleur pour l'enfant ou pour les parents.
Je vais vous poser une question dont vous n'avez pas traité dans vos recommandations, mais que je trouve intéressante. C'est un phénomène qu'on constate aux États-Unis. Parfois, des enfants d'un certain âge, d'une certaine maturité, demandent leur propre avocat parce qu'ils ne sont peut-être pas satisfaits de la situation des parents. Vous n'avez pas abordé cet aspect. Je sais que ce n'est pas dans le document qui a été soumis. Croyez-vous qu'on doit, en tant que comité, examiner cet aspect?
Me Suzanne Vadboncoeur: Oui, certainement.
Mme Eleni Bakopanos: C'est dans le meilleur intérêt de l'enfant, n'est-ce pas?
Me Suzanne Vadboncoeur: Évidemment. D'ailleurs, cela existe au Québec. C'est vrai qu'on ne l'a pas mentionné, mais la représentation des enfants par avocat existe au Québec depuis longtemps. On a également fait un rapport assez substantiel au Barreau du Québec là-dessus, que je pourrai envoyer avec plaisir au Comité mixte.
Le droit à la représentation des enfants existe. Dans le Code de procédure civile, il y a des dispositions particulières qui s'appliquent à la représentation des enfants. C'est assez courant. Au Québec, les parents sont tuteurs légaux de leurs enfants depuis le nouveau Code. Mais quand les intérêts de l'enfant divergent de ceux des parents, il y a lieu, justement, que le tribunal nomme un avocat à l'enfant. C'est quand même assez courant. Cela se fait. Il y a d'ailleurs plusieurs avocats qui se spécialisent dans le droit de l'enfant au Québec.
Donc, c'est quelque chose qui existe, mais on ne veut pas être excessifs—mes collègues praticiens me compléteront là-dessus—quant à l'obligation des enfants de venir témoigner dans tous les cas, parce que c'est une expérience assez traumatisante, assez pénible. Il ne faudrait pas non plus que les enfants se sentent obligés de prendre parti. Enfin, tout le phénomène psychologique est assez important dans ces conflits.
Il n'en reste pas moins que l'avocat de l'enfant joue un rôle assez substantiel en droit de la famille au Québec ainsi qu'en droit des enfants en général. Donc, oui, c'est un phénomène qui existe et qui est courant.
[Traduction]
Me Miriam Grassby: J'aimerais simplement ajouter ceci. D'abord, je vous signale que le Barreau du Québec a préparé un vidéo à ce sujet et que bien des juges insistent pour que les parties à un recours en justice concernant la garde d'un enfant voient ce vidéo avant de saisir le tribunal de leur cas. Il traite des difficultés inhérentes à ce genre de procédures judiciaires et propose aux parties d'essayer d'en arriver plutôt à une entente de gré à gré.
Par ailleurs, en ce qui a trait au rôle des avocats, rien, évidemment, n'est simple sur ce plan, et les opinions divergent sur l'attitude que doit adopter un avocat qui représente un enfant. Doit-il s'en tenir à véhiculer le point de vue de l'enfant, ou doit-il plutôt chercher à prôner ce qui lui semble être dans l'intérêt de l'enfant? Par exemple, il arrive souvent qu'un enfant dont un des parents est alcoolique veuille aller vivre chez ce parent pour prendre soin de lui, ce qui n'est toutefois pas forcément dans l'intérêt de cet enfant. Il est donc parfois fort malaisé pour un avocat de bien représenter un enfant.
Mme Eleni Bakopanos: J'ai aussi trouvé particulièrement intéressants vos propos sur la médiation.
[Français]
Vous dites que vous n'êtes pas en en faveur de la médiation obligatoire. Ce n'est pas un phénomène nouveau, mais vous avez pris position.
Me Suzanne Vadboncoeur: Oui. La position du Barreau du Québec est très claire sur ce point. Elle a toujours été claire.
Mme Eleni Bakopanos: Voulez-vous la résumer rapidement?
Me Suzanne Vadboncoeur: La procédure de médiation existe depuis longtemps. Ce n'est rien de nouveau. Déjà, en 1993, une loi avait été adoptée au Québec, qui modifiait le Code de procédure civile afin de permettre à un juge saisi d'une cause en matière familiale d'ajourner l'audition et de renvoyer les parties à une procédure de médiation.
Le Barreau s'était prononcé en faveur de cette loi, mais elle n'avait jamais été promulguée. Elle n'avait donc jamais été mise en vigueur. En 1996, le ministère de la Justice, ou le gouvernement du Québec, avait présenté à l'Assemblée nationale le projet de loi 65, qui a fait par la suite l'objet de nombreux débats. C'est que les premières versions de ce projet de loi rendaient la médiation obligatoire. Selon nous, médiation et obligation ne pouvaient aller de pair. C'était antinomique, pour employer un terme d'érudition.
Donc, on était tout à fait favorables à ce que le recours à la médiation soit encouragé, à ce que les avocats même poussent leurs clients à l'employer, évidemment dans les cas où la médiation pouvait être efficace. Donc, on est tout à fait favorables à l'encouragement de la médiation, mais uniquement lorsque les parties y consentent. Ainsi, dans un cas de violence familiale, forcer les parties à recourir à la médiation rendra la situation 20 fois pire par la suite. La violence va augmenter.
En somme, le mémoire du Barreau, grosso modo, gravite autour du principe que le recours à la médiation doit être maintenu à la condition, toutefois, d'être consensuel. C'est finalement ce qui a été accepté.
La loi, qui est contenue dans le chapitre 42 des Lois du Québec 1997, oblige les parties à se rendre à une session d'information, soit en groupe, soit en couple. Donc, le couple qui ne fonctionne pas très bien n'est pas obligé d'assister ensemble à cette séance. Une des deux parties peut invoquer auprès d'un médiateur son droit de ne pas assister à cette séance, pour quelque motif que ce soit. Il n'a pas à se justifier de ne pas participer à cette séance d'information.
Si la personne, qui normalement est obligée en vertu de la loi d'assister à une session d'information, ne croit absolument pas en la médiation, elle ne sera certainement pas portée à s'y rendre. Elle n'a qu'à obtenir une dispense signée selon une formule très simple et c'est tout.
Pour tout résumer, la médiation est devenue aujourd'hui, dans les termes de la loi, beaucoup plus souple et correspond davantage à la conception qu'on s'en faisait.
Elle a commencé à être mise en application seulement l'été dernier, le 1er septembre. C'est encore assez récent. On verra mieux, au bout d'un an, quels en seront les résultats. Sur ce sujet, la position du Barreau du Québec a toujours été la même et elle est très ferme.
Mme Eleni Bakopanos: Merci.
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Forseth, s'il vous plaît.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): J'aurais un certain nombre de questions très précises à vous poser pour vous amener à répondre à celle que j'ai principalement à l'esprit.
Prenons une situation où l'on n'en est pas encore au point de réclamer un divorce. Les parents cohabitent. Ils ont des enfants. Un conflit survient. Ils se séparent.
Je présume que le Code civil du Québec permet au tribunal d'émettre des ordonnances en ces matières, ou encore, de confirmer les conditions d'une entente qui serait intervenue entre les deux parents. Il pourrait arriver, n'est-ce pas, que, conformément aux dispositions du Code civil, un des parents verse à son ex-conjoint une pension alimentaire pour lui permettre de subvenir aux besoins de l'enfant?
Très bien. Donc, je suppose que le Code civil prévoit une procédure pour faire exécuter l'ordonnance si la pension alimentaire n'est pas versée. L'entente peut également préciser les conditions d'exercice du droit d'accès. Vous avez signalé que si ces conditions ne sont pas respectées, il y a possibilité de poursuite pour outrage au tribunal, ce que vous ne privilégiez toutefois pas. Vous avez aussi fait mention d'une autre procédure qui peut être utilisée quand le recours à la médiation ou à d'autres mécanismes de règlement des différends aboutit à un échec. Quelle procédure prévoit explicitement le Code civil pour assurer l'exécution du droit d'accès? Que fait le tribunal en cas de non-exécution de ce droit, et de quels pouvoirs dispose-t-il à cet égard?
[Français]
Me Roger Garneau: J'aimerais d'abord préciser qu'en droit québécois, les enfants nés hors mariage ont les mêmes droits et les mêmes avantages que les enfants du divorce. Ils bénéficient des mêmes avantages et leur intérêt, bien compris, est ce qui doit primer et ce que les tribunaux recherchent dans l'adjudication de la garde, des droits d'accès ainsi que des aliments. Exactement.
Alors, si les aliments ne sont pas payés ou si les droits d'accès ne sont pas accordés, ils bénéficient des mêmes droits que ceux que nous avons évoqués devant vous tout à l'heure, à savoir que la partie privée de ses droits doit s'adresser à un juge pour demander la correction ou des sanctions, exactement de la même façon.
Si la pension alimentaire n'est pas payée, on s'adresse au percepteur. Au Québec, comme vous le savez, nous avons un percepteur des pensions alimentaires, qui représente les créanciers alimentaires. Il va percevoir et exiger du parent responsable le paiement des sommes d'argent qui sont dues. C'est le ministère du Revenu qui est le percepteur au Québec.
Est-ce que cela répond à votre question? Pas entièrement?
[Traduction]
M. Paul Forseth: Je ne me sers de cet exemple que pour en venir à la question de savoir ce que fait le tribunal pour assurer le respect des conditions d'exercice du droit d'accès.
Me Miriam Grassby: Je vais compléter la réponse de mon collègue. Il a magnifiquement répondu à la première partie de votre question, mais la deuxième est plus complexe. En réalité, tout ne fonctionne d'ailleurs pas à merveille dans le cas du premier volet non plus. Voyons ce qu'il en est.
Des voix: Oh!
M. Paul Forseth: Très bien.
Me Miriam Grassby: Le problème est le même partout, car si aux termes d'une ordonnance de droit de visite un des parents est censé prendre l'enfant à tel moment mais ne le fait pas, il y a lieu de se demander ce qu'on y peut. Doit-on faire appel à la police? En sommes-nous là comme société? À notre avis, non. Nous pouvons intenter une poursuite pour outrage au tribunal. Mais dans quelle mesure cette option est-elle praticable? Supposons que le jugement établisse que l'enfant doit être gardé par un des parents tel ou tel jour. En cas de refus manifeste de la part de ce parent, on peut toujours invoquer l'outrage au tribunal, ce qui se fait d'ailleurs parfois.
Le sénateur Duncan J. Jessiman (Manitoba, PC): C'est lorsque le parent non gardien ne se pointe pas, n'est-ce pas?
Me Miriam Grassby: C'est exact. Ou si le parent gardien empêche l'enfant de visiter son autre parent. On peut invoquer l'outrage...
Le sénateur Duncan Jessiman: Je présume que le problème, c'est plutôt lorsque la situation inverse se présente.
Une voix: Cela fait une demi-heure que nous sommes ici...
Une voix: Si vous demandez ce qui est arrivé...
Une voix: Oh!
Le coprésident (M. Roger Gallaway): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous aimerions entendre une personne à la fois. Pour l'instant, c'est M. Forseth qui pose les questions, et Mme Grassby qui y répond.
M. Paul Forseth: Vous disiez qu'une des procédures possibles consistait à intenter une poursuite pour outrage au tribunal. En Colombie-Britannique, un des moyens que nous avons utilisés pour contourner cette difficulté, une approche en quelque sorte moins rigide, consistait à permettre aux parties de demander à répétition que l'ordonnance initiale soit modifiée... sous prétexte que les circonstances avaient changé et que, partant, le droit d'accès ne pouvait être exercé, ou que les parents ne coopéraient pas. Il s'agissait donc d'une sorte de compromis.
Il en est résulté que les parties n'avaient de cesse de retourner devant les tribunaux pour demander qu'on apporte telle ou telle nuance à l'ordonnance précédente, mais on ne parvenait jamais à faire en sorte que le droit d'accès soit dûment exécuté.
• 1630
Vous avez, je crois, laissé entendre dans votre exposé que la
loi était quelque peu différente au Québec et que vous obteniez
peut-être plus de succès sur le plan social que les autres
provinces. J'aimerais que vous nous expliquiez comment vous vous y
prenez au Québec pour régler les cas de non-exécution du droit
d'accès.
Me Miriam Grassby: Il n'y a pas de différence. Les problèmes sont les mêmes.
M. Paul Forseth: Les problèmes sont sans doute les mêmes, mais je voulais savoir quelle solution pratique vous aviez trouvée.
Me Miriam Grassby: Je vous dis que nous n'avons pas de solution pratique qui soit meilleure que celles qu'on applique ailleurs au Canada.
M. Paul Forseth: Mais quelle est la vôtre?
Me Miriam Grassby: Me demandez-vous quelle est la solution?
M. Paul Forseth: Non, je vous demande à quelles procédures vous recourez.
Me Miriam Grassby: La partie qui s'estime lésée peut retourner devant le juge et réclamer qu'il y ait poursuite pour outrage au tribunal, ou encore qu'on modifie l'ordonnance relative à la garde, en alléguant que l'autre parent n'a pas une attitude convenable et refuse de collaborer. Ce sont là autant de moyens que l'on peut prendre, mais aucun d'eux n'est parfaitement efficace. Il s'agit plutôt, en réalité, d'un problème d'ordre sociétal.
M. Paul Forseth: Que fait la cour civile au Québec lorsqu'elle juge qu'un parent s'est rendu coupable d'outrage au tribunal? Elle réprimande le parent et rend une nouvelle ordonnance lui imposant de respecter désormais les conditions d'accès? Quand un parent s'est vu imposer deux ou trois de ces ordonnances d'outrage au tribunal, que fait la cour au Québec?
Me Miriam Grassby: Tout d'abord, le parent fautif peut se voir imposer une amende ou même être condamné à la prison pour outrage au tribunal.
M. Paul Forseth: C'est précisé dans le Code?
Me Miriam Grassby: Oh oui!
M. Paul Forseth: Vous pouvez me citer les articles pertinents?
Me Miriam Grassby: Malheureusement, je ne puis vous citer les articles en question. Je suis de ces avocats qui, lorsqu'un problème leur est posé, doivent aller vérifier ce qu'il en est dans le Code. Dans ce cas-ci, il s'agit du Code de procédure civile.
M. Paul Forseth: Donc, vous dites que des sanctions précises sont prévues. Normalement, il n'y a pas de peines de prévues pour un outrage au tribunal. C'est normalement au juge qu'il appartient d'en décider.
Me Miriam Grassby: Le juge peut, à sa discrétion, imposer une amende ou une peine d'emprisonnement. Je vous avouerai honnêtement qu'on n'y recourt pas très fréquemment, car souvent le problème est plus complexe que cela.
M. Paul Forseth: Qu'on n'y recoure pas souvent n'a rien qui puisse nous étonner, mais l'avantage de pouvoir se référer facilement à ces dispositions, c'est qu'elles ont au moins une valeur symbolique qui incitent les gens à adopter une ligne de conduite socialement acceptable.
Mais vous me dites que le Code civil du Québec va au-delà de la simple référence à une possibilité de poursuite pour outrage au tribunal non assortie de sanctions précises. Vous affirmez que la possibilité, par exemple, de donner à un agent de la paix instruction d'aller chercher un enfant pour l'amener chez l'autre...
Me Miriam Grassby: Je n'ai pas dit cela. Ce que j'ai dit, c'est qu'un juge qui déclare quelqu'un coupable d'outrage au tribunal peut ordonner le paiement d'une amende ou imposer une peine d'emprisonnement en vertu du Code de procédure civile, qui est notre recueil de procédures d'application du Code civil. Peut-être que Dominique Goubau pourrait vous donner une réponse plus complète.
[Français]
Me Dominique Goubau: Le problème que pose la procédure d'outrage au tribunal prévue dans le Code de procédure civile, et la jurisprudence est très claire là-dessus, c'est qu'elle nécessite une preuve, comme c'est le cas en droit pénal. C'est-à-dire qu'il faut faire la preuve qu'il y a intention de ne pas respecter un ordre de la cour, ce qui est très difficile à faire. Donc, l'outrage au tribunal est utilisé avec beaucoup de parcimonie par les tribunaux lorsqu'il s'agit d'un enfant.
C'est arrivé récemment à Québec. On a vu un tribunal ne pas hésiter à mettre une femme en prison parce que, de toute évidence, elle faisait systématiquement obstruction. Elle avait déclaré d'ailleurs devant les journalistes qu'elle ne voulait pas respecter l'ordre de la cour. L'affaire était claire. Mais ce n'est évidemment pas ces cas-là qui nous intéressent car ce sont des exceptions.
Je pense que votre question est une question fondamentale. Quelles sont les façons de faire respecter des ordres de droit d'accès? Vous les avez nommées. Il y a ultimement l'outrage au tribunal, mais personne n'y croit vraiment. Il y a la possibilité de faire modifier l'ordonnance initiale. Il y a aussi, et ça se voit parfois mais c'est plus rare, la possibilité de renverser la décision initiale et de changer carrément la garde de l'enfant quand les circonstances s'y prêtent. Là encore, ce n'est pas très satisfaisant. Nous sommes tous à la recherche de mécanismes qui permettraient d'agir sur le respect des ordonnances.
• 1635
Nous en avons discuté. Je peux vous
signaler que le nouveau système de fixation des
pensions alimentaires, que le Québec
a adopté en parallèle avec les orientations
fédérales, prend notamment en considération dans
l'établissement de la pension alimentaire le temps de
garde, le temps de présence physique de l'enfant et
le fait qu'un parent exerce un droit d'accès,
un droit de visite assez étendu. C'est évidemment
un peu indirect.
S'il est évident ici qu'on tient compte de ce droit dans l'établissement de la pension, il est tout aussi évident que, si ce droit accordé n'a pas été exercé, on pourrait revenir devant le tribunal et éventuellement faire rectifier la pension en conséquence.
On voit qu'aujourd'hui, avec le nouveau système de fixation des pensions alimentaires, il y a là une toute petite arme supplémentaire qui permet éventuellement de réagir au non-respect de l'exercice du droit d'accès.
Ultimement, si on veut d'autres solutions, il faut sans doute regarder ce qui se passe ailleurs, dans d'autres pays. Pour ma part, je sais que certains pays adoptent la solution de ce qu'on appelle l'astreinte, c'est-à-dire une espèce d'amende civile, une amende privée, qui fait que si la personne ne ne présente pas l'enfant au droit d'accès ou n'exerce pas son droit d'accès, elle peut être soumise à une amende payable à l'autre parent.
Est-ce une bonne solution? Je ne le sais pas, mais elle mériterait peut-être d'être étudiée plus en détail. Je sais que cela existe en Belgique, en France et aussi en Italie, je crois.
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): J'ai bien peur que votre temps ne soit écoulé.
Le prochain intervenant sera Mme St-Hilaire.
[Français]
Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Je pense que c'est au tour de Mme Dalphond-Guiral.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Je vous remercie tout d'abord d'être ici, par un beau mercredi après-midi.
Il y a un certain nombre de valeurs que j'ai pu cerner dans vos différentes interventions. Bien sûr, en premier lieu, on parle du bien de l'enfant. On parle de réserves importantes à l'endroit d'une certaine rigidité de la loi, la protection des enfants étant l'objectif premier d'une loi qui veut les protéger dans une situation difficile.
On a parlé aussi de maintenir le soutien accordé par une sorte de suivi. Évidemment, on n'a pas l'habitude de voir les juges comme des gens qui accordent un soutien. Cependant, en droit familial, ils ont à jouer, d'une certaine façon, un rôle de thérapeute.
Vous avez parlé d'un sondage qui a été fait auprès de parents divorcés. Est-ce que dans le cadre de ce sondage, on a été en mesure d'évaluer, je ne dirais pas la satisfaction des enfants, mais la façon dont les enfants vivent un divorce et les périodes qui suivent?
C'est certain qu'on ne peut pas le faire à l'aide de réponses du type «un peu, beaucoup, passionnément». J'imagine qu'il faudrait avoir des psychologues. Est-ce qu'on a quelques données sur le sujet? Comme l'objectif est le bien des enfants, ceux qu'on devrait évaluer—même si je n'aime pas le mot—sont les enfants. A-t-on des données là-dessus? Est-ce que cela a déjà été fait?
Me Roger Garneau: Je regrette de devoir vous dire que le sondage n'a pas été fait auprès des enfants du divorce. Non, il n'a pas été fait. Nous avons constaté que la majorité des couples en viennent à une entente qui préserve l'intérêt de leurs enfants.
Les problèmes que nous soulevons depuis une heure et demie, ce sont des problèmes qui se présentent dans la province de Québec seulement dans 20 p. 100 des cas au maximum. Ce sont des problèmes importants et graves, mais qui ne sont pas ceux de la majorité.
Dans la plupart des dossiers de divorce que nous avons, les parents sont conscients des problèmes et de l'intérêt de leurs enfants et conviennent, par-delà leurs passions et leurs griefs l'un à l'égard de l'autre, de respecter l'intérêt et le bien-être des enfants.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Il y a des groupes de soutien, des groupes de parents qui ont vécu des divorces ou de la violence, qui s'entraident. Êtes-vous en mesure de nous dire si ces groupes ont, eux aussi, un impact extrêmement positif sur la façon de vivre à la suite d'un divorce et sur la façon de vivre dans la meilleure harmonie? Si tel est le cas, ces organismes ne devraient-ils pas bénéficier d'un soutien financier adéquat qui leur permettrait de rendre des services utiles, réels et nécessaires?
Me Roger Garneau: La Fondation du Barreau recommande que l'État et les institutions soutiennent ces groupes d'intervenants, que nous connaissons, qui ont été interrogés et dont vous avez une liste exhaustive dans le mémoire.
Oui, ces groupes jouent un rôle social extrêmement important. Ce sont des groupes de bénévoles, de gens qui s'intéressent aux problèmes de la famille. Nous avons tenté de tous les rencontrer. Ils ont été sondés et nous avons tenu compte de leurs opinions et de leurs expériences. Oui, je pense que c'est un champ où l'État devrait ajouter des ressources pour que ce travail de soutien à la famille puisse se poursuivre.
Me Miriam Grassby: J'aimerais juste ajouter, si je puis, qu'il existe quand même une étude longitudinale, pas au Canada mais en Californie. Elle a été menée auprès d'enfants de divorcés sur une période de 10 et même 15 ans par Judith Wallerstein. C'est une étude extrêmement intéressante, parce qu'elle a fait des entrevues avec les enfants un an après le divorce, cinq ans plus tard, 10 ans plus tard et même, pour certains d'entre eux, 15 ans plus tard. L'étude fait ressortir ce qui a été le plus important pour ces enfants, ce qui a été le plus décevant et quels ont été les effets du divorce à long terme.
Ce qu'elle conclut de son étude, c'est que le conflit entre les parents était la chose la plus dure à supporter pour les enfants. La chose la plus importante était de sentir que le parent qui n'avait pas la garde existait toujours pour eux, qu'il pouvait fournir un soutien. Il n'était pas important que la garde soit partagée ou qu'un parent ait la garde exclusive et l'autre, un droit de visite.
C'est une étude extrêmement importante, pertinente aussi pour chez nous, parce que cela touche aux enfants et à la façon dont ils ont vécu le divorce.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Nous sommes donc certains que vous allez nous fournir les références de cette étude, si nos recherchistes ne l'ont pas déjà.
Me Miriam Grassby: C'est un livre dont le titre est Second Chances.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci.
Me Miriam Grassby: C'est excellent.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci.
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Mancini.
M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Je vous remercie et vous prie d'excuser mon retard. J'en suis désolé.
J'aimerais revenir sur une question qu'a posée la sénatrice Cohen concernant le droit d'accès que peuvent réclamer les grands-parents, car je ne suis pas certain d'avoir bien compris. Le tribunal examine-t-il systématiquement ce genre de requête, ou bien le grand-parent doit-il au préalable démontrer qu'il est souhaitable qu'on lui accorde ce droit? Voilà pour ma première question.
Me Dominique Goubau: C'est systématique.
M. Peter Mancini: Très bien, je trouve ce détail intéressant. Dans la province d'où je viens, la Nouvelle-Écosse, le grand-parent doit d'abord faire la preuve qu'il est souhaitable qu'on lui attribue ce droit.
À ma connaissance, l'historique des causes concernant de telles requêtes de la part de grands-parents n'est pas très encourageant. Je me demande si vous avez constaté qu'en permettant aux grands-parents de saisir directement les tribunaux de ce genre de requête on ne favorise pas tout simplement la multiplication des recours en justice et des poursuites judiciaires.
[Français]
Me Dominique Goubau: C'est précisément une des objections qui avaient été faites par le ministre de la Justice lui-même en 1981. Le Parti québécois était au pouvoir à l'époque, lorsqu'on a inséré dans le Code civil du Québec la disposition protégeant le droit d'accès des grands-parents. C'est l'opposition qui avait demandé que ce droit soit prévu dans le Code civil.
Finalement, on s'est accordé pour accorder ce droit. Malgré les craintes que l'on avait d'une flambée de recours de la part des grands-parents, cela ne s'est pas du tout constaté dans les faits. Au fond, on a constaté que nombre de causes impliquant les grands-parents ne se rendaient pas devant les tribunaux. Elles se règlent par convention et le nombre de dossiers qui aboutissent ultimement devant le tribunal est très faible.
Me Miriam Grassby: Le nombre est de 60, sur quelle période de temps, maître Goubau?
Me Dominique Goubau: Eh bien, je ne peux pas garantir que les 60 ou plutôt les 70 dossiers que j'ai rassemblés constituent la totalité des dossiers. C'en est tout de même une grande partie. Ils datent de 1992, donc après plus de 10 années d'application de la loi. C'est donc peu.
[Traduction]
M. Peter Mancini: J'aurais une seconde question. J'espère que cela ne pose pas problème.
Me Garneau a mentionné qu'une des recommandations de l'étude à laquelle vous avez fait référence disait qu'on devrait offrir davantage de cours de perfectionnement aux avocats qui pratiquent ailleurs qu'à Montréal—du moins, avez-vous dit, je crois, dans les régions. D'après votre expérience, les problèmes de garde, de droit d'accès et d'exercice de ce droit y sont-ils plus complexes que dans les grands centres, étant donné que les services y sont moins développés? Cela correspond-il à ce que vous avez pu observer?
Me Roger Garneau: À ma connaissance, tel n'est pas le cas.
[Français]
Non, je ne le crois pas. Le problème, lorsqu'il existe, se retrouve toujours au même endroit. Cependant, les gens des régions, comme les avocats, en dehors de Québec et de Montréal, ont moins de facilité à suivre les cours de formation permanente du Barreau et à assister à des cours et à des conférences. S'ils veulent le faire, c'est plus onéreux pour eux. C'est plus difficilement accessible.
Je n'ai rien à ajouter là-dessus pour ma part, mais je pense que ma collègue voudrait continuer.
Me Suzanne Vadboncoeur: Oui, j'aimerais compléter. J'ai même l'impression que les problèmes qui se posent quant à l'exercice du droit d'accès sont probablement pires à Montréal, parce qu'il y a une plus grande mobilité des parents.
Les gens qui demeurent en province, en dehors de Québec et Montréal, sont beaucoup plus sédentaires. Ils demeurent dans leur ville. C'est alors plus facile d'exercer son droit d'accès. Je ne parle pas, évidemment, d'un refus de donner accès à l'enfant dont on a la garde, qui serait fondé sur la mauvaise volonté. Je parle du droit d'accès en général.
À Montréal ou à Québec, le parent qui n'a pas la garde, le père parce que c'est très souvent lui, sera appelé à aller travailler à l'extérieur, dans une autre ville. Ou encore, c'est la mère qui peut vouloir déménager avec son enfant. Dans les grandes villes, la situation est peut-être plus difficile à cause de la mobilité plus grande des parents.
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Hill, s'il vous plaît.
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Réf.): Merci, monsieur le président. J'aurais une question à propos de la garde partagée.
Je suis l'auteur d'un projet de loi d'initiative parlementaire prônant la garde partagée. Je l'ai déposé à deux reprises: au cours de la dernière législature et au cours de celle-ci. J'y préconise que les deux parents divorcés aient un statut égal, si je puis m'exprimer ainsi, car je crois fermement qu'il y va du meilleur intérêt de l'enfant que les deux parents aient également accès à leur enfant après un divorce.
Il m'a vraiment intéressé d'entendre les commentaires qu'a formulés à cet égard Me Goubau dans son exposé, de même que ceux où l'on mentionnait que divers gouvernements avaient expérimenté la formule de la garde partagée—je suis bien au fait des recherches sur cette question—, et qu'après avoir examiné le pour et le contre de cette hypothèse, vous aviez plutôt opté pour ce que vous avez appelé, je crois, l'«autorité parentale conjointe».
Cette option m'a d'abord paru emballante, jusqu'à ce que mon collègue M. Forseth vous pose des questions concernant l'accès et les moyens que vous preniez pour garantir l'exécution des ordonnances d'accès et que je constate que, de toute évidence, le Québec n'en connaissait pas moins exactement les mêmes problèmes que nous en Colombie-Britannique, d'où je viens, en ce sens qu'alors qu'on réussit à faire appliquer rigoureusement les ordonnances de pension alimentaire, on a vraiment beaucoup de mal à faire respecter celles relatives au droit d'accès.
J'aimerais donc que vous nous expliquiez la différence entre l'autorité parentale conjointe et la garde partagée, et pourquoi la notion d'autorité parentale conjointe ne permet pas aux tribunaux de garantir au parent non gardien l'accès à son enfant.
[Français]
Me Dominique Goubau: Je ne sais pas si j'ai bien compris votre question. Quand on parle de garde conjointe, il y a souvent cette difficulté que l'on confond la garde physique, la présence de l'enfant, d'une part, et le droit de prendre à l'égard de cet enfant des décisions importantes, d'autre part, quelle que soit la décision concernant la présence physique de l'enfant.
[Traduction]
M. Jay Hill: Je veux parler de ce second aspect, de l'égalité juridique des deux parents en matière de prise de décisions concernant l'enfant.
[Français]
Me Dominique Goubau: Au fond, au Québec, l'autorité conjointe des parents n'est pas affectée par une décision sur la garde. On se comprend? C'est-à-dire que si le tribunal décide d'accorder la garde à un parent plutôt qu'à un autre, les deux parents continuent d'exercer l'autorité conjointe. D'accord? C'est ce que j'ai dit.
[Traduction]
M. Jay Hill: Oui, mais...
[Français]
Me Dominique Goubau: Ce que je voudrais ajouter, c'est qu'il n'y a pas de problème d'exécution dans cela. Qu'est-ce que ça veut dire? Cela veut tout simplement dire qu'il y a une participation a priori aux décisions importantes concernant l'enfant. Autrement dit, le parent qui a la garde de l'enfant, la garde physique, ne peut pas se permettre de ne pas consulter l'autre parent lorsqu'il s'agit de prendre une décision. Voilà ce que signifie essentiellement l'exercice conjoint de l'autorité parentale après la séparation.
Maintenant, ce que je peux ajouter à cela, c'est que c'est aujourd'hui la tendance à peu près généralisée en droit européen, dans à peu près tous les pays. J'en ai cité quelques-uns et je pourrais en citer d'autres. L'Allemagne vient de changer sa loi cet été. L'Angleterre a aussi modifié la sienne il y a quelques mois. Toutes ces lois vont, sinon carrément, du moins généralement, dans le sens du respect de ce qu'ils appellent là-bas la coparentalité. Il ne s'agit pas de la présence à tout prix de l'enfant chez les deux parents, mais du maintien d'une autorité effective, quel que soit le choix sur la présence physique.
Maintenant, si votre question porte sur la façon de garantir l'exécution de cet exercice-là, je pense qu'on rencontre effectivement les mêmes problèmes que l'on rencontre en matière de droit d'accès. Il se pourrait qu'un parent prenne une décision de façon unilatérale à l'égard d'un enfant alors que l'autorité est conjointe, mais la preuve n'est pas très difficile à faire.
[Traduction]
M. Jay Hill: Vous touchez là, je crois, au point que j'essaie de vous amener à éclaircir. Dans votre exposé, vous avez dit que vous aviez au Québec une formule d'exercice conjoint de l'autorité parentale. Autrement dit, je présume que les deux parents sont juridiquement égaux lorsque vient le temps de prendre des décisions dans l'intérêt de l'enfant.
Mais lorsqu'il est question de faciliter au parent non gardien l'exercice de son droit d'accès—supposons que cet accès lui soit refusé—, le fait d'avoir un statut égal concernant l'exercice conjoint de l'autorité parentale ne lui garantit nullement cet accès. C'est là que réside le problème.
[Français]
Me Dominique Goubau: Comment le droit d'accès est-il garanti? Le droit d'accès constitue en fait une situation par laquelle le parent non gardien n'a pas l'enfant tout le temps avec lui. C'est sûr qu'il faut vivre avec la séparation. Donc, le parent non gardien n'a que ce droit d'accès. C'est là la limitation essentielle à son autorité.
Mais elle ne porte que sur la présence physique de l'enfant et évidemment aussi sur les décisions quotidiennes à l'égard de l'enfant, mais ça n'a pas d'influence sur son droit d'accès à l'enfant. Son droit d'accès est garanti par quoi? Il est garanti soit par l'enfant...
[Traduction]
M. Jay Hill: Mais si on refuse au parent non gardien l'accès à son enfant, l'exercice conjoint de l'autorité parentale n'améliore nullement ses chances d'obtenir du tribunal qu'il fasse respecter son droit d'accès. C'est ce que j'essaie de savoir.
Me Miriam Grassby: Vous avez le même problème. Ce qu'il faut essayer de faire, si vous me permettez d'intervenir, c'est de départager les problèmes.
D'abord, l'exercice conjoint de l'autorité parentale confère aux deux parents le droit de prendre part aux décisions, par exemple lorsqu'il s'agit de changer l'enfant d'école ou de religion. Donc, ce droit, les deux parents l'ont, et ils l'exercent. Mais cela ne règle qu'un problème, ce qui est déjà mieux qu'ailleurs où ce droit n'existe pas. Le problème d'accès, lui, demeure entier.
Vous devez toutefois garder à l'esprit que les problèmes relatifs à l'accès tiennent souvent à l'agressivité que se manifestent les deux parents. Nous sommes d'avis qu'en sensibilisant...
M. Jay Hill: Il existe presque invariablement de l'animosité chez les couples divorcés.
Me Miriam Grassby: Une des choses à garder à l'esprit lorsqu'il est question de sensibilisation, c'est que...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous prie de m'excuser, madame Grassby.
Sénateur Jessiman, je vous rappelle que notre comité compte beaucoup de membres.
Le sénateur Duncan Jessiman: Cela fait une heure que je demande la parole.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je veux bien, mais lorsque vous l'avez fait, votre nom a été inscrit sur la liste à la suite des autres.
Je comprends que vous devez nous quitter pour participer à une autre réunion. Si vous voulez faire un échange avec un de vos collègues, ça ira, mais nous nous devons de respecter cette liste. Nous siégeons jusqu'à 17 h 30. Si vous voulez poser une question, vous pouvez toujours rester avec nous pour le faire.
Me Miriam Grassby: Nous parlons de divorces. Certains se règlent harmonieusement, mais il arrive que des personnes vivent très mal cet événement et y réagissent avec énormément de rancoeur.
Voici un exemple d'amélioration possible. Si les tribunaux et les avocats s'y connaissaient un peu plus en psychologie, ils seraient peut-être plus habiles à reconnaître les cas susceptibles de poser problème. Ainsi, on peut présumer qu'il y aura problème quand un des parents décrit l'autre comme un irresponsable, alors qu'aux yeux de tous, cet autre parent ne semble pas mal du tout. Mais le sujet, lui, est littéralement aveuglé par l'ampleur de son ressentiment à l'endroit de l'autre.
Cela peut jouer dans les deux sens. Parfois, ce sont les deux parents qui s'accusent mutuellement des pires choses, alors qu'ils sont peut-être tous les deux de bons parents. Leur vision est brouillée par la rancoeur qu'ils éprouvent l'un envers l'autre.
Ce sont là les cas où l'on doit le plus s'attendre à ce que l'exercice du droit d'accès pose problème, car ces gens ne s'améliorent généralement pas avec le temps. Si leurs problèmes sont d'ordre purement pathologique, ils risquent fort de perdurer.
Dans la plupart des cas, toutefois, les choses vont normalement s'améliorer. Il n'y a que très rarement lieu de désespérer.
• 1655
Vous nous demandez comment résoudre les problèmes
qu'engendrent l'animosité et l'aveuglement. Qui connaît la
solution?
La sénatrice Anne Cools: Une ordonnance du tribunal.
Me Miriam Grassby: Comment faites-vous alors pour faire appliquer l'ordonnance? Faites-vous intervenir la police? Personne n'a la réponse. Nous sommes tous...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice Cools, s'il vous plaît, ce n'est pas votre tour.
Nous allons manquer de temps. J'aimerais donc pouvoir poursuivre. Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci.
Mes questions aideront peut-être à trouver réponse au problème qu'ont soulevé MM. Forseth et Hill. Vous avez signalé, je crois, que lorsqu'un couple se présente de nouveau au tribunal, sa cause est normalement entendue par le juge qui a déjà été saisi de son cas antérieurement. Si je me fonde sur mon expérience de médecin de famille, j'estime que cela fait toute une différence quand le même juge voit les mêmes personnes chaque fois qu'elles demandent une ordonnance modificative. Vous nous avez indiqué là, je pense, une des solutions possibles au problème. À mon avis, nous ferions de grands progrès dans la réforme de notre système judiciaire si nous nous assurions que le juge en vienne à bien connaître les conjoints auxquels il a affaire, notamment ceux qui ont des problèmes d'ordre pathologique.
Je suis une fervente adepte de la pratique fondée sur des faits vérifiés. Si l'on entend faire en sorte que la loi privilégie l'intérêt de l'enfant..., je me demande si les mesures que nous avons prévues sont suffisantes pour garantir le respect de ce principe. Se fait-il des recherches au Québec pour évaluer les répercussions qu'ont sur l'enfant les mesures que nous adoptons, qu'il s'agisse de leur incidence sur le rendement scolaire, le niveau d'anxiété, le nombre de cas de dépression et de suicide, le sentiment de culpabilité ou d'impuissance ou la propension à rejeter le blâme sur soi-même? Avons-nous des instruments qui nous permettent de vérifier périodiquement si nous sommes sur la bonne voie?
D'après mon expérience auprès des alcooliques, ceux-ci se comportent parfois très bien lorsqu'ils ont la responsabilité de l'enfant. Mais du moment que l'enfant leur est retiré, ou qu'ils y ont moins accès, le découragement s'empare d'eux et ils rechutent.
J'aimerais savoir si l'on dispose d'instruments efficaces pour mesurer ce genre de choses, afin que ceux d'entre nous qui auront à prendre des décisions sur cette question puissent avoir le moindrement l'assurance que pour établir qu'une option quelconque sert l'intérêt de l'enfant on s'est fondé sur des observations sérieuses auxquelles nous pourrons nous référer.
Quand les représentants du ministère de la Justice ont comparu devant nous, ils ont fait état d'une recherche longitudinale qui serait en cours au Canada à ce sujet, mais y a-t-il...? Lorsque la Fondation a formulé ses recommandations, s'est-elle appuyée sur de véritables travaux de recherche pour définir ce qui correspond à l'intérêt de l'enfant et comment il faut s'y prendre pour établir ce qu'il en est?
Me Miriam Grassby: À ma connaissance—mes collègues pourront me corriger au besoin—, on n'a pas effectué de telle recherche longitudinale. J'ai vraiment l'impression qu'il n'en existe pas.
J'aimerais par ailleurs clarifier ce que j'ai dit quand j'ai parlé des alcooliques. Je n'ai pas voulu donner à entendre que ceux qui ont un problème d'alcoolisme ne peuvent pas être de bons parents gardiens ou de bons parents tout court. J'ai simplement voulu dire qu'il y a des cas où les enfants veulent faire des choses qui ne sont peut-être pas dans leur intérêt. Nous devons être habiles à les écouter, mais aussi être prêts à les aider à éviter de faire de mauvais choix.
Je ne crois pas qu'il existe de telle recherche, et c'est là, à mon avis, un aspect du problème.
Mme Carolyn Bennett: Je continue de me préoccuper du père ou de la mère qui se trouve dans la situation inverse. Il se peut que les décisions qui sont prises en cette matière ne soient pas toujours dans leur intérêt.
Me Miriam Grassby: Oui, mais quand l'enfant s'avise de vouloir prendre soin de son parent, ce n'est pas forcément dans son intérêt non plus. C'est un aspect dont il ne faudrait pas oublier de tenir compte.
Mme Carolyn Bennett: Sauf s'il s'agit d'une situation qui a toujours existé comme telle.
Me Miriam Grassby: Vous avez raison.
Mme Carolyn Bennett: Si l'enfant vit cette situation depuis qu'il a quatre ans, et que soudain on lui dit qu'il doit cesser de le faire, il se peut qu'on n'agisse alors pas dans son intérêt.
L'autre chose, c'est que...
Me Suzanne Vadboncoeur: Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose.
[Français]
Il n'y a peut-être pas de recherche au plan juridique, mais il y en a sans doute en sciences sociales: psychologie, sociologie, psychologie de l'enfant. Je suis certaine qu'il existe des recherches, ne serait-ce que des thèses de maîtrise ou de doctorat en psychologie de l'enfant ou dans d'autres domaines sociaux. Il y a sûrement des choses qui existent, mais nous ne les avons pas sous la main actuellement.
[Traduction]
Mme Carolyn Bennett: S'il existe quoi que ce soit que nous aurions intérêt à connaître, j'espère qu'on nous en fera part avant que nous rédigions la loi, car cela nous aiderait à faire les bons choix.
Je passe maintenant à mon deuxième point. Vous avez parlé d'une formation qui devrait être donnée aux avocats, aux parents et aux juges. Dans l'exercice de ma profession de médecin de famille, j'étais très consciente de l'importance de mon rôle entre l'apparition d'un climat de mésentente chez le couple et l'imminence d'un divorce, ainsi que des conséquences que pouvait avoir pour les enfants une situation qui, dans certains cas, pouvait n'être que passagère, et dans d'autres, s'éterniser. Obtient-on la collaboration des médecins de famille à cet égard?
• 1700
J'aimerais aussi savoir ce qu'il en est de la contribution des
prêtres et des autres catégories de personnes à qui les couples
s'adressent lorsqu'ils estiment que leur mariage est en péril. À
mon avis, les conseils qu'on prodigue à ces couples, en principe
pour les aider à se réconcilier, sont parfois extrêmement néfastes,
surtout si la situation est virtuellement abusive, et je crois
vraiment que nous devrions inviter ces intervenants à participer
eux aussi...
Me Miriam Grassby: Je vois. Vous souhaiteriez que nos programmes de formation soient également offerts aux prêtres, aux familialistes, aux ministres...
Des voix: Oh!
Mme Carolyn Bennett: Plus nous serons nombreux à participer à cette formation, meilleures seront nos chances d'être efficaces. Si au contraire les couples en difficulté reçoivent des avis divergents de gens qui exercent sur eux un très grand ascendant et qui leur ont déjà apporté un soutien considérable, nous allons, à mon avis, avoir beaucoup plus de mal à faire évoluer la situation dans le sens de l'intérêt de l'enfant.
Me Miriam Grassby: Je crois que vous venez de souligner éloquemment que nous avons tous en cette matière quelque chose à apprendre les uns des autres, car nous avons vraiment affaire à la première génération d'enfants du divorce. Les travailleurs sociaux et les médecins, les avocats, les juges et les parents sont tous en train de se sensibiliser à cette réalité, et nous devons nous intéresser à tout ce qui s'écrit sur ce sujet.
[Français]
La sénatrice Marisa Barth Ferretti (Repentigny, Lib.): Merci, monsieur le président. J'aimerais vous...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Excusez-nous un moment, je vous prie.
[Traduction]
La sénatrice Mabel Margaret DeWare (Moncton, PC): Je vais céder mon tour au sénateur Jessiman, pourvu que je puisse me reprendre plus tard.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Il vous est tout à fait loisible d'échanger votre droit de parole avec le sien. Allez-y sans crainte.
La sénatrice Mabel DeWare: Je vais vous laisser mon tour, et je reviendrai plus tard.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: Dites-moi si, au Québec, c'est la Cour supérieure qui entend les causes de divorce et de séparation.
Me Roger Garneau: Oui.
Le sénateur Duncan Jessiman: Et vous avez une division spéciale qui s'occupe du droit de la famille?
Me Suzanne Vadboncoeur: Non.
Me Roger Garneau: Non.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous n'avez pas de division spéciale.
Me Roger Garneau: Malheureusement non.
Le sénateur Duncan Jessiman: C'est vraiment dommage, n'est-ce pas?
[Français]
Me Roger Garneau: Malheureusement.
[Traduction]
Le sénateur Duncan Jessiman: Très bien. Vous avez dit heureusement oui, mais quelqu'un d'autre a dit heureusement non. Je crois que ce devrait être malheureusement non. Je sais qu'il existe des instances judiciaires où des juges s'occupent uniquement de droit de la famille. C'est d'ailleurs le cas chez nous, au Manitoba.
Je sais par ailleurs que dans l'établissement du montant que doit payer le parent non gardien, vous vous écartez des lignes directrices du gouvernement fédéral. C'est exact, n'est-ce pas?
Me Roger Garneau: Oui.
Le sénateur Duncan Jessiman: Êtes-vous assujettis aux mêmes lignes directrices même si les versements que vous exigez sont différents? Avez-vous vos propres lignes directrices?
Me Miriam Grassby: Oui.
Le sénateur Duncan Jessiman: Dans ce cas, j'aimerais obtenir une copie du libellé de vos lignes directrices—peut-être pas aujourd'hui même, mais il m'intéresserait d'en prendre connaissance.
Dans vos lignes directrices, il est question, j'en suis sûr, de garde exclusive. Il m'a intéressé d'apprendre que même si un conjoint obtient un droit de garde exclusive, les deux conjoints n'en ont pas moins des droits en commun. C'est ce qui a été dit. Avez-vous aussi ce qu'on appelle la garde conjointe, la garde partagée? Toutes ces options existent-elles au Québec?
Me Miriam Grassby: Oui, sauf qu'elles portent toutes des noms français.
Des voix: Oh!
Le sénateur Duncan Jessiman: D'accord, je ne parle pas français. On vient au monde quelque part sur la Terre et on est ce qu'on est.
Quoi qu'il en soit, ces diverses possibilités existent chez vous.
Le projet de loi à l'origine de cette discussion—qui justifie notre présence ici à vous comme à moi—nous a amenés à prendre connaissance de tous les griefs des parents non gardiens à propos des restrictions au droit d'accès. D'aucuns nous ont reproché de faire la vie dure aux parents non gardiens qui doivent verser une pension alimentaire, et de ne rien faire pour les aider à avoir accès à leurs enfants. Un des exemples qu'on nous a donné—il nous a été rapporté par la ministre de la Saskatchewan, et je suis surprise que cette mesure se soit révélée efficace—c'est qu'on retire le passeport aux mauvais payeurs. La ministre nous a affirmé que ce moyen avait donné de bons résultats dans quatre cas. Lorsque les personnes en défaut ont constaté qu'elles ne pourraient plus se servir de leur passeport, elles se sont mises à payer.
À votre avis, quel mal y aurait-il à enlever le passeport d'un parent gardien qui aurait refusé pendant un certain temps à son ex-conjoint l'accès à ses enfants? Ne serait-il pas normal de considérer que ce qui est valable pour l'un vaut également pour l'autre?
Une voix: Non.
Le sénateur Duncan Jessiman: Non? Qu'on me laisse au moins poser ma question. C'est ma question, après tout.
Ne croyez-vous pas que dans le cas d'un parent gardien à qui on verse régulièrement une pension alimentaire et qui refuse de donner accès...? Vous avez répondu qu'une personne qui agit de la sorte se rend coupable d'outrage au tribunal et qu'après quelques récidives, elle s'expose à être condamnée à la prison. Nous savons tous que cela est impraticable, mais nous pourrions sûrement trouver d'autres moyens.
• 1705
Je ne suggère le retrait du passeport que parce qu'on y
recourt déjà contre les mauvais payeurs. Pourquoi
n'imposerions-nous pas cette même sanction dans les cas de
non-exécution d'une ordonnance de visite? J'aimerais que, dans un
premier temps, on me dise ce qu'on pense de ce moyen.
La sénatrice Anne Cools: Voilà qui devient profond.
Le sénateur Duncan Jessiman: J'ignore à quel point mes propos sont profonds, mais ils me semblent logiques.
Me Miriam Grassby: Nous ne sommes pas autorisés à prendre position sur cette question au nom du Barreau du Québec, mais je puis me permettre d'en discuter à titre personnel...
Le sénateur Duncan Jessiman: Parfait, nous sommes ici pour enrichir nos connaissances.
Me Miriam Grassby: Pour fins de discussion simplement, je dirais que, dès le départ, le retrait du passeport n'est pas un moyen particulièrement efficace de régler des questions d'ordre monétaire, car il ne peut s'appliquer qu'à un nombre très limité de gens. Il est toutefois drôlement efficace chez ceux qui tiennent à leur passeport. En principe, je ne vois pas pourquoi, dans des cas où le juge aurait constaté que rien ne justifie le non-respect d'une ordonnance de droit de visite, on n'envisagerait pas de recourir à cette mesure. Je me demande si...
Le sénateur Duncan Jessiman: Il y a d'autres mesures qu'on pourrait prendre également. Le retrait du permis de conduire, par exemple.
Me Miriam Grassby: Pourrait-on aussi imposer cette sanction dans le cas inverse, lorsque, par exemple, des parents n'exercent pas leur droit de visite?
Le sénateur Duncan Jessiman: Pourquoi pas? Bien sûr, je n'y vois aucune objection. Nous sommes ici pour essayer d'être équitables. Les témoins que nous avons entendus se plaignaient principalement de ce qu'ils étaient forcés de verser la pension et que nous—du fait que c'est nous qui adoptons les lois—nous montrions plus sévères envers eux et ne faisions rien pour les aider, eux—c'est ce qu'ils nous ont dit—qui ont du mal à avoir accès à leurs enfants. Devant ces doléances, nous nous sommes tous demandé—comme d'ailleurs vous l'avez vous-même fait—comment répondre à cela? Vu que les parents qui refusent l'accès se rendent coupables d'outrage au tribunal, on n'a peut-être qu'à les emprisonner. Mais voilà qui n'est pas forcément réaliste non plus.
Là résiderait peut-être la solution, mais il doit bien y avoir d'autres moyens que l'emprisonnement pour pénaliser un parent gardien fautif. Nous parlons tous comme si les coupables étaient invariablement des femmes, mais ce n'est pas toujours le cas de nos jours.
[Français]
Me Roger Garneau: Là-dessus, la Fondation du Barreau a recommandé le «fast track», le libre accès, un accès rapide à un juge pour qu'il intervienne et révise peut-être la décision. Il peut y avoir un changement de garde. Pour le parent qui veut avoir la garde d'un enfant, être menacé d'en perdre la garde parce qu'il s'oppose au droit d'accès peut être une solution efficace, je pense, si le juge prend ses responsabilités. Cela ne coûte pas un sou mais c'est bien plus important.
La personne qui abuse de ses droits de gardien doit être menacée de les perdre. Je pense que c'est un moyen efficace. Vous en suggérez d'autres auxquels, oui, on peut penser.
[Traduction]
Le sénateur Duncan Jessiman: Le seul problème concernant cette possibilité, c'est-à-dire le retrait de la garde, c'est que l'autre parent n'est pas toujours en mesure de prendre soin de l'enfant; il n'est pas nécessairement équipé pour le faire. Je n'y vois qu'un moyen parmi d'autres.
J'aurais une autre question, si vous me le permettez, après quoi je céderai la parole à d'autres.
Avez-vous déjà songé, au Québec, à l'option du droit d'accès sous surveillance?
Me Miriam Grassby: Nous recourons parfois à cette option dans des cas où cela s'impose, et c'est une des solutions qui, comme je l'ai déjà expliqué, requerrait un financement accru, car si elle était plus facilement accessible, un peu plus facile à gérer, nous pourrions l'appliquer plus fréquemment. L'accès sous surveillance est l'option toute indiquée dans les cas où malgré l'existence de sérieux problèmes, il est souhaitable que les deux parents maintiennent des rapports entre eux.
Le sénateur Duncan Jessiman: L'expérience montre que là où cette solution a été utilisée, elle s'est révélée efficace. Est-ce votre...
Me Miriam Grassby: Elle est indéniablement efficace, mais ce qu'il faut déplorer, c'est qu'à Montréal, par exemple, il n'y a qu'un seul endroit où l'on offre ce service et qu'il faut donc prendre rendez-vous à l'avance. Il serait vraiment souhaitable qu'on augmente notre budget. Nous sommes à court de ressources.
Le sénateur Duncan Jessiman: J'aurais une autre question brève. Vous dites que les parents doivent obligatoirement se présenter à une séance et que la participation est facultative s'ils veulent... La présence à cette séance est obligatoire avant de pouvoir obtenir un divorce ou la garde des enfants. Est-ce une séance de trois heures ou...?
Me Miriam Grassby: Il s'agit d'une séance de soixante-dix minutes, mais les conjoints ne sont pas tenus d'y assister ensemble. La participation à cette séance est obligatoire pour que les parents puissent être mis au fait de ce qu'est la médiation. À cause des luttes de pouvoir qui existent parfois entre les deux membres du couple, quand un des partenaires a le dessus sur l'autre, il a été décidé de ne pas exiger que les deux conjoints y assistent au même endroit en même temps.
Le sénateur Duncan Jessiman: Seriez-vous portée à croire qu'il serait utile que les conjoints soient tenus de faire plus que d'assister à une séance d'information d'une heure et demie?
Me Miriam Grassby: Non.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous ne croyez pas que ce serait souhaitable?
Me Miriam Grassby: Nous avons bien étudié la question.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vraiment?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: Merci, monsieur le président. Je suis heureuse de pouvoir intervenir dans cette discussion.
Je tiens à remercier les témoins de leur présence parmi nous. Je crois qu'au moins l'une d'entre eux a comparu devant nous l'an dernier. Je sais que Me Grassby est venue témoigner, mais peut-être que d'autres l'ont fait aussi. Est-ce le même groupe que nous avons reçu l'an dernier?
Me Suzanne Vadboncoeur: Oui, à l'occasion de l'étude du projet de loi C-41.
La sénatrice Anne Cools: Du projet de loi C-41? C'est exact. Encore une fois, bienvenue parmi nous.
J'aurais deux ou trois questions, que je précéderai d'une brève introduction. Après avoir entendu Me Goubau, j'étais prête à inviter notre comité à recommander l'adoption des dispositions et des principes du Code civil, mais maintenant que Me Grassby nous dit qu'on ne parvient pas à faire adéquatement exécuter les ordonnances d'accès au Québec non plus, j'hésite un peu à formuler cette recommandation.
J'aurais deux ou trois choses à vous demander. Réglons d'abord les pures questions techniques, les plus faciles. Le témoin a fait allusion à une liste de cas de jurisprudence—70, à ce qu'il a dit—dont quelques-uns seraient relatifs au droit d'accès des grands-parents. Pourriez-vous nous fournir des copies de cette liste?
[Français]
Me Dominique Goubau: Oui, oui. Mais je pourrais vous fournir le texte que j'ai écrit et qui est basé sur l'étude de ces cas-là.
[Traduction]
La sénatrice Anne Cools: D'accord. J'aimerais bien en avoir une copie, car si vous vous êtes donné toute cette peine, aussi bien nous en faire profiter. Je vous remercie à l'avance pour cette liste.
Dans un autre ordre d'idée, vous avez dit tout à l'heure dans votre témoignage—ce sont, sauf erreur, les mots exacts que vous avez employés—qu'il fallait humaniser le droit de la famille. C'est, je crois, Me Goubau qui a formulé cette remarque, à savoir que le droit de la famille s'était déshumanisé, remarque qui m'a beaucoup frappée, pour ne pas dire renversée.
Le témoin pourrait-il nous expliquer ce qu'il veut dire lorsqu'il affirme que le droit de la famille a été déshumanisé et nous indiquer quels facteurs sociaux, juridiques et politiques ont pu causer cette déshumanisation du droit de la famille.
[Français]
Me Roger Garneau: J'aimerais préciser que je ne crois pas avoir dit que le droit de la famille s'était déshumanisé. Ce que j'ai mentionné, c'est que la Fondation du Barreau avait formé un projet de recherche précisément dans le but d'essayer de rendre plus humaine la pratique du droit de la famille dans la province de Québec, de l'humaniser davantage. Je ne dis pas qu'elle s'est déshumanisée, mais il y a place pour de l'amélioration. C'est qu'on veut s'occuper d'abord de l'intérêt des enfants et on veut que les parents soient bien reçus par les tribunaux, qu'ils soient bien écoutés, bien compris et que leurs problèmes soient résolus d'une façon sereine et humaine.
[Traduction]
La sénatrice Anne Cools: Je croyais que vous aviez dit qu'il fallait humaniser le droit de la famille. Je me trompe peut-être, mais je suis à peu près certaine d'avoir entendu l'un de vous dire...
[Français]
Me Roger Garneau: Ah, je suis certain qu'il y a lieu de l'humaniser.
[Traduction]
La sénatrice Anne Cools: ...qu'il fallait l'humaniser. Humaniser veut dire faire disparaître les facteurs de déshumanisation.
Une voix: Non, cela veut dire humaniser davantage.
[Français]
Me Roger Garneau: Non. Je pense qu'on peut humaniser davantage le droit de la famille. Certainement.
[Traduction]
La sénatrice Anne Cools: Je vois. En d'autres termes, vous trouvez qu'il n'y a pas assez d'humanité dans le droit de la famille—c'est bien ce que vous dites, n'est-ce pas?
Me Roger Garneau: Pardon?
La sénatrice Anne Cools: Vous dites donc qu'à l'heure actuelle le droit de la famille manque d'humanité dans votre province.
Me Roger Garneau: Parfois, oui.
La sénatrice Anne Cools: Très bien; je voulais simplement m'assurer que j'avais bien compris.
Me Roger Garneau: En pratique.
La sénatrice Anne Cools: En pratique—très bien.
Me Roger Garneau: Pas en principe.
La sénatrice Anne Cools: Dans ce cas, comment se manifeste en pratique ce manque d'humanité dans votre droit de la famille?
[Français]
Me Roger Garneau: Par exemple, la Fondation a remarqué qu'un des grands griefs des contribuables divorcés, c'étaient les longs délais qu'ils devaient subir pour régler parfois de petits problèmes: les délais dans les palais de justice, les vacations inutiles, les auditions remises, les remises, les nombreuses remises des procédures qui occasionnent des coûts élevés aux justiciables. Cela est contraire à l'intérêt des gens, et ce sont des irritants qui ont été soulevés par la plupart des gens: les délais.
• 1715
On a aussi mentionné le manque
d'empathie et le manque d'intérêt de la part du juge pour
les contribuables qui viennent exposer leurs problèmes
humains. On a parlé du manque de temps dont souffrent
parfois les justiciables, qui sont privés d'exposer tous leurs
problèmes aux juges. Certains juges n'ont pas la
préparation pour entendre ces causes-là, n'ont pas
d'intérêt pour ces causes et, malheureusement,
donnent une mauvaise image de la
justice. Même s'ils sont en minorité, ils en donnent une
mauvaise image. On a remarqué que ce sont des
cas isolés, mais on souhaiterait quand même que ces cas
soient aussi peu nombreux que possible.
[Traduction]
La sénatrice Anne Cools: Je vois. Merci. Mon autre question a trait à l'expression «l'intérêt de l'enfant», qu'on utilise très couramment de nos jours. Quelle est l'origine de l'expression «l'intérêt de l'enfant»?
[Français]
Une voix: L'origine?
[Traduction]
La sénatrice Anne Cools: Elle ne figure pas dans la Loi sur le divorce. Des témoins que nous avons entendus il y a quelques jours nous ont laissé entendre que cette expression était employée dans la Loi sur le divorce, mais ce n'est pas le cas. Quelle est l'origine de l'expression «l'intérêt de l'enfant»?
[Français]
Me Dominique Goubau: C'est une notion jurisprudentielle; ce sont d'abord les tribunaux qui ont commencé à parler de cette notion-là. En droit anglais, dès le XVIIe siècle, on a des traces de la notion d'intérêt de l'enfant dans certaines décisions en Angleterre. Au XIXe siècle, les tribunaux ont commencé à parler de plus en plus souvent de la notion d'intérêt de l'enfant. Le Code Napoléon, en 1804, la reprend telle quelle, en parlant plus des besoins que de l'intérêt.
Sa généralisation, c'est-à-dire son caractère central, dans nos lois canadiennes, que ce soit dans les provinces ou au fédéral, date surtout de la fin des années 1970 et du début des années 1980. À ce moment, c'est devenu un incontournable, en même temps que cette notion était reconnue dans certains instruments internationaux comme étant le pivot central de...
[Note de la rédaction: Inaudible] ...à l'égard des enfants.
Je pense que le début des années 1980 peut être pointé du doigt comme étant la période qui a fait que cette notion est devenue universelle, lorsqu'on parle du droit de la famille.
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.
Une voix: Non.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame St-Hilaire.
[Français]
Mme Caroline St-Hilaire: Je voudrais d'abord remercier les témoins. Je trouve le débat fort intéressant et j'imagine que vous avez très bien expliqué le système québécois à mes collègues du comité. Ce que je me demande d'ailleurs depuis la mise en place du comité, c'est jusqu'à quel point le fédéral peut intervenir pour améliorer le droit familial. J'aimerais peut-être connaître la position du Barreau là-dessus.
Vous avez parlé du droit d'accès des grands-parents qui est, justement, de juridiction provinciale. Jusqu'où le fédéral peut-il agir sans que ce soit de l'ingérence? Pensez-vous que le fédéral devrait intervenir si le Québec n'en a pas besoin, peu importe que cela fonctionne plus ou moins bien? Il faut, je pense, tenir compte du fait que certaines choses sont encore très récentes, comme la médiation, par exemple. J'aimerais donc connaître votre position sur ce point. C'est ma première question.
Me Suzanne Vadboncoeur: Écoutez, de façon générale, Me Grassby a dit plus tôt que le Barreau du Québec était plutôt défavorable à des solutions législatives en cette matière. Deuxièmement, quand vous nous demandez quelle est la position du Barreau sur l'ingérence possible du fédéral, évidemment, tout dépend. On parle de façon fort hypothétique. C'est vrai que le Barreau est déjà intervenu. J'ai même ici copie de la lettre qui avait été envoyée par la bâtonnière du Québec à l'époque, en 1994, au ministre d'alors, M. Allan Rock, sur la loi qui était à l'étude pour donner un droit d'accès aux grands-parents.
Cela dit, il faudra voir. C'est sûr que nous sommes ici pour vous donner notre avis, mais si jamais vos travaux débouchaient sur des recommandations législatives, le Barreau du Québec serait certainement présent encore une fois pour donner son opinion. Cependant, en général, nous ne sommes pas favorables à des amendements législatifs à ce stade-ci.
Mme Caroline St-Hilaire: Ma deuxième question s'adresse à Me Garneau. Vous avez parlé rapidement tout à l'heure du «fast track». Je ne sais pas—pardonnez mon ignorance—si c'est en application ou s'il s'agit simplement d'une suggestion.
Me Roger Garneau: C'est une suggestion de la Fondation et ce n'est pas encore appliqué.
Mme Caroline St-Hilaire: Pensez-vous que ce soit faisable?
Me Roger Garneau: Je crois que c'est faisable, mais cela exigerait une grande collaboration de l'administration, des palais de justice et des juges.
Mme Caroline St-Hilaire: Très bien. Parfait.
Me Miriam Grassby: Il faut comprendre qu'un mouvement se dessine dans les tribunaux pour tenter d'améliorer la situation. Par exemple, je pense que le Québec a été une des premières provinces à l'avoir. Nous avons maintenant le «fast track» pour certains types de procès.
Quand on a un modèle, c'est plus facile par la suite de l'appliquer ailleurs où il existe des problèmes. Tout cela s'inscrit dans un mouvement général en vue d'améliorer le système, tout comme on voit que le travail de la Fondation, qui s'est fait par le Barreau, avait pour but d'essayer d'améliorer le système.
Madame nous demande si nous travaillons avec d'autres, si nous faisons de la recherche. Nous pouvons répondre que lorsque des problèmes surgissent, nous essayons de trouver la façon de les régler.
Mme Caroline St-Hilaire: Merci.
Me Suzanne Vadboncoeur: Pour compléter la réponse que je vous ai faite à l'heure, j'ajouterai qu'il est certain que le Barreau ne s'opposerait pas à ce que certains critères du Code civil du Québec soient incorporés à la Loi sur le divorce.
Une voix: Je pense que c'est correct.
Me Suzanne Vadboncoeur: Je mentionnais tout à l'heure l'article 33 du Code civil du Québec qui donne au tribunal certains critères à prendre en considération dans la prise de décision concernant les enfants. C'est sûr, je pense, qu'on ne s'opposerait pas à ce que cet article soit incorporé à la Loi sur le divorce.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.)): Sénatrice DeWare.
La sénatrice Mabel DeWare: Merci. Je suis vraiment ravie de votre comparution devant notre comité. Étant donné que j'ai assumé la présidence du comité chargé de l'étude du projet de loi C-41, j'aimerais simplement rappeler que c'est là que tout a commencé.
La majorité des témoins que nous avons alors entendus se sont montrés très préoccupés par les questions relatives à l'accès et à la garde. Ils s'écartaient fréquemment du sujet à l'étude: celui des pensions alimentaires au profit de l'enfant. Nous devions constamment leur rappeler la raison de leur présence devant le comité. De là l'importance qu'on attache à la question dont nous sommes maintenant saisis.
Je me réjouis de vous entendre parler de la nécessité de parfaire la formation des praticiens dans ce domaine, et j'entends par là les juges et peut-être aussi les familialistes.
Docteure Bennett, j'ai un fils qui est lui aussi médecin de famille. Il me dit que dans une large mesure sa pratique consiste à conseiller à maints égards des jeunes et des familles. Je crois donc qu'il serait utile d'inclure les médecins de famille parmi ce petit groupe de professionnels qui, selon vous, ont besoin de... Je ne pense pas qu'ils aient tellement besoin d'être formés, mais plutôt...
Mme Carolyn Bennett: d'être consultés.
La sénatrice Mabel DeWare: ...d'être dûment consultés.
Je m'intéresse toujours à l'option de la médiation. Notre comité a entendu des témoignages à ce sujet concernant l'Alberta. Je ne sais trop si la médiation y est obligatoire ou simplement offerte, tout comme au Québec, mais elle y donne vraisemblablement de très bons résultats. Si jamais nous nous rendons en Alberta, j'espère bien que nous y entendrons des témoins qui pourront nous renseigner là-dessus.
Je crois comme vous que la médiation ne peut être que profitable à toutes les parties. Là où il y a de l'espoir, c'est sans doute un excellent moyen de favoriser le maintien de liens familiaux. Je sais que lorsqu'on s'apprête à divorcer, on est en quelque sorte en conflit par définition, et que parfois la médiation n'est pas praticable. J'estime cependant que dans les cas où elle peut être praticable, c'est l'option que nous devrions privilégier.
Une autre option que nous devrions promouvoir, c'est la garde partagée, et j'entends par là l'octroi d'un droit d'accès effectif à l'enfant. Avez-vous des chiffres...?
Me Miriam Grassby: À propos de la garde physique partagée?
La sénatrice Mabel DeWare: Oui. J'ignore s'il faut, pour parler de garde physique partagée, que cette garde soit partagée dans une proportion de 40-60 p. 100 ou de 30-70 p. 100, par exemple, mais avez-vous des chiffres basés sur les cas de jurisprudence qui pourraient nous indiquer quelle est la proportion idéale de partage de la garde?
Me Miriam Grassby: Demandez-vous si la jurisprudence nous donne quelque indication à ce sujet?
La sénatrice Mabel DeWare: Oui.
Me Miriam Grassby: La réponse est non. Comme l'a mentionné Me Goubau, certains régimes favorisent cette formule, mais d'autres l'ont abandonnée après en avoir fait l'essai.
Ce que j'ai personnellement observé, entre autres choses, c'est que certaines familles ont la souplesse voulue pour s'en accommoder, et là où il n'y a pas d'hostilité et où tout le monde collabore, elle est parfois tout à fait convenable. Mais elle n'est pas forcément heureuse, et je doute que nous soyons ici aujourd'hui pour discuter à fond de cette question. Nous n'avons pas pris position à ce sujet, mais si nous options en faveur de cette formule, ce serait tout un changement d'orientation. Au Québec, nous aimons bien notre principe d'autorité parentale.
La sénatrice Mabel DeWare: Mon autre question est la suivante: Y a-t-il chez vous des juges, eux qui revoient les mêmes gens lorsqu'ils sont saisis de nouveau du cas, qui en viennent à suggérer la médiation en cours de route?
Me Miriam Grassby: Il y a des juges qui suggèrent des moyens comme la médiation ou la thérapie, qui disent voilà un cas où la thérapie familiale serait bénéfique, ou encore, lorsqu'un enfant refuse... car il y a des enfants qui refusent de se conformer aux arrangements convenus. J'ai vu des cas où des enfants refusaient d'aller chez leur père, par exemple, souvent parce que celui-ci avait commis des erreurs, soit que son départ de la maison avait bouleversé les enfants, soit qu'il avait emménagé trop vite avec une nouvelle compagne qui avait elle aussi des enfants. La famille est souvent alors placée dans une situation très pénible. En voyant cela, le juge peut parfois suggérer aux parties de laisser un peu le temps arranger les choses, ou encore, de suivre une thérapie.
J'ai récemment été témoin d'un cas singulièrement problématique où le juge a recommandé une thérapie. En fait, les juges essaient de résoudre les problèmes avec les moyens dont ils disposent.
La sénatrice Mabel DeWare: C'est très intéressant.
À propos du mot «garde», vous a-t-on suggéré d'essayer de trouver un autre mot que le mot «garde», ou avez-vous vous-mêmes songé à remplacer ce terme par l'expression «exercice des responsabilités parentales», par exemple, ou par quelque chose de ce genre?
Des voix: Oh!
Me Miriam Grassby: Vous savez, il y a un problème... Vous pourriez peut-être répondre à cette question, maître Goubau, si vous le voulez. Vous devez garder à l'esprit que s'il se peut que le terme choisi pose problème, il n'en est pas moins évident que le problème réside avant tout dans le fait que le sujet est moins maître de la situation qu'auparavant, qu'on lui dicte de l'extérieur une façon de gérer sa vie. Je doute donc que le fait de changer le mot puisse améliorer les choses, car il y aura toujours des gens pour affirmer que le mot ne sert pas leur intérêt.
Ce qu'a dit Me Goubau, éloquemment d'ailleurs—et il voudra peut-être y ajouter quelque chose—, c'est que, même dans les cas où la garde des enfants n'est confiée qu'à un seul des parents, le fait de permettre aux deux parents d'exercer conjointement l'autorité parentale procure au parent non gardien le sentiment qu'il n'a pas trop perdu dans tout cela puisqu'il peut quand même prendre part aux décisions concernant les enfants.
Il est d'ailleurs quelque peu malaisé pour nous du Québec de répondre à certaines questions concernant la garde, car, pour nous, la notion de garde s'accompagne de diverses autres considérations et, du fait que nous appliquons le principe de l'exercice conjoint de l'autorité parentale, elle n'a pas chez nous tout à fait la même signification qu'ailleurs.
La sénatrice Mabel DeWare: Oui, mais quand notre comité s'est penché sur ce projet de loi, la question a été soulevée à plusieurs reprises. Les gens estimaient vraiment que le mot «garde»... J'ignore pourquoi ce terme ne leur plaisait pas, mais ils espéraient vivement qu'on le remplace par un autre.
Me Suzanne Vadboncoeur: Peut-être la solution consisterait-elle à cesser d'employer le mot «accès». En français, si nous disons
[Français]
«garde», la garde pourrait être de 60 et 40 p. 100, ou bien de 70 et 30 p. 100. Si on ne parle que de garde, sans parler d'accès, il s'agirait nécessairement de garde physique et on conserverait le concept juridique d'autorité parentale, à ce moment-là.
[Traduction]
La sénatrice Mabel DeWare: Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Le dernier mais non le moindre, M. Lowther.
M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président. La séance touche à sa fin, et, même si nous avons tous probablement un peu moins de souffle qu'au début, je tiens à revenir sur une question qui a été posée il y a un moment.
On a parlé de la nécessité d'amener les tribunaux et les avocats à «humaniser»—je crois que c'est le terme qu'on a employé—un peu plus le système. Pour ma part, j'ai toujours cru qu'il ne fallait pas confondre le rôle de la loi et de ceux qui sont chargés de l'appliquer avec celui que doivent normalement jouer les conseillers en matière familiale. Selon moi, l'humanisation et la formation dont on a parlé il y a un moment sont un peu... Voulons-nous vraiment que l'appareil judiciaire délaisse d'une certaine manière sa mission d'interprétation et d'application des lois pour devenir une sorte d'organe de counseling familial? Je sais que ces rôles peuvent avoir certains points en commun, mais vous semblez vouloir que nos instances judiciaires s'immiscent carrément dans le domaine du counseling familial. Est-ce le cas?
Me Miriam Grassby: Quand les gens viennent nous demander des conseils en matière de contrat, par exemple, nous nous servons de notre expérience pour les conseiller. Si un client se présente à nous et, tout fulminant, déclare vouloir ceci et cela, y compris avoir la peau de son ex-conjoint, il fait partie de notre rôle, comme avocats, de lui dire: «Permettez-moi de vous signaler que la position que vous adoptez là pourrait être lourde de conséquences pour vous. Si vous vous montrez trop agressif maintenant, vous allez peut-être le regretter plus tard, car votre attitude engendrera forcément du ressentiment. Vous auriez probablement avantage à voir les choses sous un autre angle.» Cela fait partie du rôle du familialiste de penser aux intérêts à long terme des enfants.
M. Eric Lowther: Mais j'aurais cru que le rôle de l'avocat consistait bien davantage à interpréter la loi qu'à offrir des services de counseling familial.
Mais si c'est effectivement là l'orientation que vous préconisez, à savoir la prestation de services de counseling familial, j'aimerais bien que vous nous donniez une idée de ce que vous entrevoyez comme priorités dans l'exercice de ce rôle. Selon quels paramètres allez-vous concevoir ce programme de counseling familial? En fonction de quels critères allez-vous établir ce qu'il vous faudra privilégier, en vous appuyant d'une certaine manière sur un fondement juridique, dans l'exercice de ce rôle de counseling familial? Quelles seront vos priorités?
Me Miriam Grassby: Je ne crois pas qu'il soit juste d'affirmer qu'il s'agit d'un rôle de counseling familial. C'est d'ailleurs pourquoi il nous faut recourir à des spécialistes dans ce domaine, car il s'impose parfois dans une décision de prendre en considération ses conséquences non seulement à court terme mais aussi à long terme.
M. Eric Lowther: Excusez-moi, mais vous avez bien dit qu'il fallait parfaire la formation des avocats en matière familiale et de counseling familial.
Me Miriam Grassby: Oui, en étant bien conscients de ce que vivent les parents qui divorcent, de la manière dont ils prennent leurs décisions et des conséquences qu'ont ces décisions pour leurs enfants. Voici le genre de questions que nos clients sont parfois amenés à se poser quand ils ont à prendre des décisions d'ordre juridique: Vais-je porter ma cause devant le tribunal? Vais-je en appeler de cette décision? Vais-je interjeter appel si je n'obtiens pas la garde des enfants ou devrais-je plutôt m'abstenir de le faire? Quand ils se posent de genre de questions, cela fait partie de notre rôle, comme avocats, de les aider à faire les bons choix. Nous devons être en mesure de conseiller nos clients sur ce qui est dans l'intérêt des enfants. Je ne considère pas qu'il s'agit là de counseling familial. J'estime que c'est le rôle de l'avocat de...
M. Eric Lowther: En ce cas, est-ce là la grande priorité à laquelle vous songez quand vous parlez d'approche plus humaine? Est-ce que le souci pour ce que vous avez appelé aujourd'hui «l'intérêt des enfants» fait partie de cette priorité numéro un?
Me Miriam Grassby: À mesure qu'évolue le droit de la famille, les avocats s'efforcent de plus en plus, je crois, de bien conseiller les parents en fonction de l'intérêt des enfants. En constatant, par exemple, à l'examen des résultats d'une étude aussi impressionnante que celle qu'a effectuée le Comité du Barreau auprès d'un millier de personnes divorcées, à quel genre de situations a souvent mené l'absence de ce souci pour l'intérêt de l'enfant, les avocats se disent qu'il y a à cet égard de la place pour de l'amélioration et que c'est dans ce sens qu'ils tiennent à s'orienter.
Il y a un ouvrage intéressant qui a été écrit au sujet de la protection des droits et de la protection de—malheureusement, j'ai oublié le terme. Dans ce domaine, vous pouvez soit vous en tenir strictement à défendre des droits, soit vous employer à défendre des droits en prenant en considération les intérêts à long terme de toutes les parties en cause—l'ensemble des parties correspondant, en l'occurrence, à la «cellule familiale». Je crois que c'est cette dernière attitude que les familialistes s'efforcent maintenant d'adopter.
M. Eric Lowther: Je vois.
Me Miriam Grassby: Et les tribunaux aussi, d'ailleurs.
M. Eric Lowther: Je n'ai pas l'intention de m'allonger outre mesure là-dessus, monsieur le président, mais je me demande ceci. Ne privilégierions-nous pas les intérêts des enfants en nous orientant résolument vers l'attribution aux enfants du droit d'accès à leurs deux parents s'il peut être clairement démontré qu'il y va de l'intérêt des enfants?
Évidemment, vous avez probablement été témoin, dans toute votre expérience, de cas où l'accès à un des parents a pu être jugé contraire aux intérêts de l'enfant. Mais dans la majorité des cas—ou du moins dans un certain nombre de cas—, il est prouvé que l'accès aux deux parents est bénéfique pour l'enfant. Il y en aura toujours d'autres pour prétendre le contraire, mais je connais des études qui ont conclu que l'enfant a avantage à demeurer en contact avec ses deux parents.
Si, pour humaniser le système, vous avez décidé d'agir à titre de conseillers des familles et si l'appareil judiciaire vous appuie dans cette orientation, je me serais attendu à ce que, en constatant qu'un des parents prive son enfant de l'accès à son autre parent pour se venger de son ex-conjoint, vous vous montriez on ne peut plus disposés à chercher à obtenir que cet enfant puisse avoir accès à ses deux parents et ne soit pas, par exemple, utilisé par un des deux comme moyen de chantage contre l'autre. Je ne perçois pas cette volonté dans votre projet d'humaniser davantage le système. En préconisant une formation plus poussée, on cherche en fait tout simplement à plaire à tout le monde, mais je n'y vois rien qui touche à cet autre aspect.
Me Miriam Grassby: À mon sens, c'est tout simplement que vous ne voyez pas ce qu'il en est vraiment, car je ne crois pas qu'il s'agisse là d'un aspect qui était... Ce qu'on vous a dit, c'est que ces milliers de personnes qui se sont divorcées étaient satisfaites du système parce qu'il les avait bien servies. Il n'y était pas question de cas particuliers. Ces personnes avaient réglé leurs problèmes d'accès et de garde, et elles s'étaient généralement déclarées satisfaites de la tournure des choses.
Je crois qu'il faut éviter de sauter rapidement aux conclusions. De toute façon, je ne suis même pas sûre d'avoir bien compris votre question. Voulez-vous nous faire dire qu'il est toujours souhaitable qu'un enfant ait accès à ses deux parents et que, par conséquent, nous devrions préconiser la garde partagée? Je pense que la preuve de ce postulat n'a encore jamais été faite, et je ne tiens pas à me lancer dans un tel débat en cette fin de séance.
Il va sans dire toutefois que si vous constatez—et c'est ce que nous disons nous-mêmes—que la restriction de l'accès tient à de la mauvaise foi, il s'impose qu'on règle le problème.
[Français]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. Cet après-midi a été très intéressant. Nous apprécions beaucoup que vous soyez venus nous parler. Chacun de vous a présenté un point de vue particulier qui a beaucoup ajouté à notre compréhension du sujet que nous avons à étudier. Merci beaucoup.
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Avant d'interrompre nos travaux, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous signale que nous tiendrons notre prochaine séance lundi après-midi. Nous examinerons et, je l'espère, nous approuverons alors notre plan de travail et, surtout, notre budget. Quant au comité directeur, il se réunira demain à 9 heures.
Merci. La séance est levée.