SJCA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE CHILD CUSTODY AND ACCESS
COMITÉ MIXTE SPÉCIAL SUR LA GARDE ET LE DROIT DE VISITE DES ENFANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 29 avril 1998
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.)): Bonjour. La séance est ouverte. Nous avons quelques minutes de retard. Nous avons un programme très chargé aujourd'hui car nous avons de nombreux témoins à entendre et il faut faire avancer les choses.
Je souhaite la bienvenue à toutes les personnes présentes et je vous rappellerai tout d'abord ce qu'est le mandat de notre comité.
Le mandat de ce comité mixte spécial est d'examiner et d'analyser les questions relatives à la garde et au droit de visite des enfants après une séparation ou un divorce, et en particulier d'évaluer la nécessité de faire plus attention aux besoins des enfants dans les politiques et les pratiques du droit familial afin de mettre l'accent sur les responsabilités des deux parents, et sur des arrangements dans lesquels les besoins et l'intérêt des enfants ont la priorité.
Nous entendrons tout d'abord, M. John Booth, du gouvernement de l'Alberta, qui est avocat spécialisé en droit familial.
M. John Booth (avocat, Droit de la famille, gouvernement de l'Alberta): Merci, madame Pearson et membres du comité. Comme vous l'avez noté, je suis avocat et je travaille pour la direction du droit de la famille au ministère de la Justice de l'Alberta. Je représente donc le gouvernement albertain, ce matin. À ce titre, je voudrais tout d'abord souhaiter la bienvenue au comité en Alberta et à Calgary.
Plus tôt cette année, en février, les coprésidents du comité ont écrit à l'honorable Jon Havelock, ministre de la Justice de l'Alberta. Dans cette lettre, ils indiquaient que le chevauchement des compétences dans le domaine du droit de la famille requiert une approche coordonnée des autorités fédérales, provinciales et territoriales. Dans sa réponse, M. Havelock reconnaissait qu'il fallait trouver des solutions grâce à la coordination des efforts des trois ordres de gouvernement.
C'est dans ce contexte que je voudrais vous parler brièvement, ce matin d'un comité de l'Assemblée législative de l'Alberta qui a été établi par le ministre Havelock en juillet 1997. Des membres de l'assemblée législative, sous la présidence de Marlene Graham, députée de Calgary—Lougheed, ont été invités à effectuer un examen en deux parties de tout ce qui touche au droit familial en Alberta. La première partie a été un examen du programme albertain d'exécution des ordonnances alimentaires. La seconde partie de l'examen a consisté à déterminer dans quelle mesure le rôle joué par le gouvernement pour faire respecter le droit de visite répondait aux besoins des Albertains.
Au cours de cet examen, le comité albertain a pu entendre des parties concernées et des intéressés au système de justice; il a eu l'occasion d'étudier une bonne partie des publications sur la garde et le droit de visite aux enfants, et d'examiner les programmes et activités existant dans ce domaine en Alberta et dans le reste du Canada. Le plus important c'est que le comité a pu entendre des parents qui ont exprimé des points de vue opposés sur la question des visites. Ces parents ont d'ailleurs parlé avec beaucoup d'éloquence de leur amour pour leurs enfants et de la médiocre façon dont le système actuel servait les intérêts des uns et des autres.
Le comité espérait que son rapport serait déjà terminé. Marlene Graham, la présidente, avait espéré pouvoir vous le soumettre et être en mesure de discuter avec vous de ses conclusions et recommandations. Malheureusement, la présentation du rapport a été retardée, et elle ne peut donc pas le faire.
Je tiens donc à vous informer que le rapport de l'Alberta est presque terminé. Une fois achevé, il sera soumis au ministre de la Justice de l'Alberta. Comme promis, M. Havelock communiquera aux coprésidents du comité un exemplaire du rapport dès que celui-ci sera disponible. Je suis donc désolé de ne pas pouvoir le faire aujourd'hui, mais je suis certain que ce document vous sera utile pour vos délibérations.
Une des choses dont on m'a demandé de vous parler est le Programme de formation au rôle de parent après la dissolution de la famille que nous avons en Alberta. C'est un programme conçu pour permettre aux parents de mieux comprendre l'effet de leur divorce sur leurs enfants et pour leur suggérer des moyens de partager leurs responsabilités parentales après leur séparation. Ce programme a été lancé comme projet pilote à Edmonton en 1995. C'était le fruit d'une coopération entre la Cour du Banc de la Reine, le ministère de la Famille et des services sociaux, et le ministère de la Justice.
Le programme est maintenant étendu à l'ensemble de la province et existe donc à Edmonton, Calgary, Red Deer, Lethbridge, Grande Prairie, Medicine Hat, Fort McMurray et Peace River, c'est-à-dire en fait, dans tous les districts judiciaires où siège une Cour du Banc de la Reine.
Le programme est obligatoire pour les parents qui veulent divorcer. Avant de pouvoir le faire, ils doivent obtenir un certificat d'assiduité au cours. Il n'est cependant pas toujours bon d'obliger les parents à suivre le cours. Dans ce cas, les parents, ou l'un des deux, peuvent obtenir une dispense de la cour pour que l'action en divorce puisse être intentée sans qu'ils aient suivi le cours.
• 1050
Je n'ai pas de statistiques pour l'ensemble de la province,
mais pour vous donner une idée de la situation, Calgary a délivré
environ 1 500 attestations d'achèvement du cours entre septembre
1997 et avril 1998.
À la fin du cours, on demande aux participants d'évaluer le programme. Habituellement, leur première réaction est la rancoeur devant l'obligation de suivre le cours, mais ils déclarent ensuite avoir beaucoup apprécié ce que le cours leur a apporté. On leur demande de noter celui-ci. En moyenne, cette note est de 8,5 sur 10, chiffre jugé très élevé pour un cours obligatoire.
Nous ne disposons pas pour le moment d'évaluation formelle du programme, mais la réaction des participants montre clairement qu'il est utile.
Voilà ce que j'avais à dire au comité.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer aux questions.
Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Soyez le bienvenu au comité.
Je souhaiterais que vous décriviez brièvement en quoi consiste ce cours. Est-ce un séminaire d'un après-midi pendant lequel on visionne deux ou trois vidéos? Faites-nous une esquisse rapide de son contenu. Je vous poserai ensuite quelques questions supplémentaires.
M. John Booth: Je ferai de mon mieux pour répondre à votre question. Ce n'est pas un programme dont je connais tous les détails. Je n'en connais que les grandes lignes.
Il s'agit, je crois, d'un cours de six heures, donné par un avocat et par un psychologue-conseiller. Je crois qu'il se présente surtout sous la forme d'un exposé, mais un petit manuel est remis aux participants. Je sais également que l'on prépare une vidéo qui a essentiellement la même fonction que le cours et qui pourrait être utilisée dans les petits centres n'ayant pas accès au cours lui-même.
M. Paul Forseth: Bien.
Pourriez-vous nous dire comment il est légalement possible de dire, «Désolé, mes amis, mais vous ne pourrez pas aller plus loin dans votre projet de divorce à moins d'obtenir l'attestation»? En quelque sorte, à quel moment peut-on utiliser le mécanisme légal qui permet d'interrompre la procédure ou la laisser se poursuivre?
M. John Booth: La Loi sur le divorce prévoit la possibilité d'adopter des règlements. Je ne me souviens pas exactement de l'article, mais il y en a un qui le prévoit.
Le sénateur Duncan J. Jessiman (Manitoba, PC): Quel règlement? Un règlement établi par qui?
M. Paul Forseth: Vous avez dit la Loi sur le divorce. C'est de la loi fédérale que vous parlez?
M. John Booth: Oui.
La sénatrice Anne C. Cools (Toronto-Centre, Lib.): Qui donc sont les auteurs de ce règlement?
M. John Booth: Les règles de procédure peuvent être établies...
La sénatrice Anne Cools: Un instant...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Laissez-le parler.
M. Paul Forseth: L'administration de la justice est une responsabilité provinciale, et la province adopte un ensemble de règlements portant sur le fonctionnement des tribunaux. Ces règlements varient peu d'une province à l'autre.
Bien. Vous vous prévalez donc de cet article. En arrive-t-on au point où la procédure n'est pas engagée ou l'action en divorce n'est pas enregistrée, à moins de pouvoir produire l'attestation? Est-ce ainsi que cela se passe?
M. John Booth: Je crois que oui, monsieur.
M. Paul Forseth: J'ai une dernière question à poser à ce sujet. Pourriez-vous me dire quels sont les principes qui vous ont poussé à donner ce cours? Quels sont les grands objectifs que l'on espère atteindre en introduisant cet élément nouveau dans le système?
M. John Booth: Je crois que l'initiative vient de la Cour du Banc de la Reine. Constatant que, pour des problèmes de garde et de droit de visite, les mêmes affaires revenaient devant eux, les juges ont sans doute pensé que bien que le divorce mette manifestement fin à la relation entre mari et femme, dans la pratique, il ne met pas fin—et ne devrait pas le faire—à la relation entre parents et enfants.
• 1055
Certains ont pensé que si l'on réglait cela avant le divorce,
il serait peut-être moins nécessaire d'imposer l'observation des
ordonnances de garde et de visite par la suite, et que si les
parties pouvaient s'entendre d'avance, ou au moins mieux comprendre
les effets de leurs actes, il y aurait moins de problèmes plus
tard.
M. Paul Forseth: Vous avez dit que le programme existe dans la plupart des grands centres de la province, et qu'il s'agit d'un service provincial. Avez-vous une idée du budget global de ce programme et savez-vous si les requérants doivent eux-mêmes participer aux frais de cours?
M. John Booth: Comme il ne s'agit pas de mon programme, je ne peux pas vous répondre, mais je peux certainement prendre note de la question et fournir plus tard ce renseignement au comité.
M. Paul Forseth: Bien. Merci.
Avez-vous quelque chose à ajouter?
M. John Booth: J'ajouterais simplement que le programme a été étendu à l'ensemble de la province à cause des mesures prises par celle-ci pour faire respecter les lignes directrices relatives à la garde des enfants. Une des choses que le gouvernement fédéral a demandées aux provinces de faire est de s'occuper de ce genre de question, et voilà une des méthodes utilisées par l'Alberta pour cela. Le gouvernement fédéral apporte donc sans doute une aide financière à l'expansion du programme.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: Merci, madame la présidente.
Monsieur Booth, quel poste occupez-vous au gouvernement provincial?
M. John Booth: Je suis avocat à la direction du droit de la famille, au ministère de la justice.
Le sénateur Duncan Jessiman: Très bien.
Savez-vous si la Cour du Banc de la Reine comporte une division du droit de la famille?
M. John Booth: Elle n'a pas de division dédiée au droit de la famille.
Le sénateur Duncan Jessiman: Donc, n'importe quel juge de cette cour pourrait instruire une cause familiale?
M. John Booth: C'est exact, monsieur, mais dans la pratique, certains juges se consacrent surtout au droit de la famille. En un sens, on peut donc dire qu'il y a une cour du droit familial.
Le sénateur Duncan Jessiman: Mais ce n'est pas la même chose. Au Manitoba, par exemple, il y a une division spéciale, ce que vous n'avez pas.
M. John Booth: En effet, monsieur.
Le sénateur Duncan Jessiman: Le gouvernement lui-même offre-t-il des services de médiation aux personnes qui ont des problèmes de séparation ou de divorce?
M. John Booth: Oui. Le ministère de la Famille et des Services sociaux a un programme de médiation. Je crois que ce service est offert par la Cour du Banc de la Reine ou par la cour provinciale.
Le sénateur Duncan Jessiman: À titre purement facultatif. Les gens ne sont pas obligés d'utiliser ces services. Les avocats sont tenus de les informer de leur existence, en vertu de la Loi sur le divorce, mais la médiation n'est pas obligatoire.
M. John Booth: C'est exact.
Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce un secret ou pouvez-vous nous donner d'avance une idée des recommandations du rapport? Ou peut-être n'êtes-vous pas en mesure de le faire?
M. John Booth: Je ne suis pas en mesure de le faire, monsieur.
Le sénateur Duncan Jessiman: Parce que vous ne savez pas ou parce qu'on vous a demandé de ne rien dire?
M. John Booth: Je ne sais rien du contenu du rapport final et je pense donc qu'il est préférable que je ne me livre pas à des conjectures.
Le sénateur Duncan Jessiman: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci. Sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup, madame la présidente.
Permettez-moi tout d'abord de dire au témoin et à notre membre de l'Alberta que nous sommes effectivement ravis et honorés de nous trouver dans leur province. Comme beaucoup le savent, c'est toujours un plaisir pour moi de venir en Alberta.
J'attendais Mme Graham, mais vous me paraissez être un remplaçant parfaitement compétent, monsieur Booth. Depuis notre venue, je me suis efforcée de suivre vos travaux. Il est clair que votre groupe, ou celui de Mme Graham, a très sérieusement étudié la question.
• 1100
J'ai une double question à vous poser. Vous avez dit combien
il était important que le rôle parental soit partagé et vous m'avez
donné l'impression que cela ferait partie des recommandations du
rapport. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet—mais si vous
devez tout d'abord consulter vos maîtres politiques, je le
comprendrai fort bien. Nous espérions que ces derniers allaient
comparaître devant nous; le comité est quelque peu handicapé du
fait de l'absence de maître politique. Pourriez-vous nous dire si
le partage des responsabilités parentales, qui, je crois, a
largement soutenu sur le plan politique dans tout le pays, sera une
des questions traitées dans votre rapport.
Ma seconde question—je vous pose les deux en même temps de manière à ce que vous puissiez y réfléchir. Au cours de vos voyages et de votre étude de ces questions, je suis certaine que vous avez entendu évoquer des préoccupations et des problèmes divers. Pourriez-vous nous dire en deux mots quels étaient les principaux sujets de préoccupation?
Vous pouvez répondre à mes deux questions dans l'ordre qui vous convient, monsieur.
M. John Booth: J'y répondrai dans l'ordre où vous les avez posées, madame la sénatrice.
Premièrement, je peux vous assurer que le partage des responsabilités familiales est une des questions auxquelles le rapport fait une place importante. Je ne peux pas vraiment vous dire ce qui sera proposé à ce sujet, mais je vous dirai simplement que cela a un rapport avec les déclarations faites au comité par les intéressés. Celui-ci a donc examiné de très près la question et le rapport contiendra un examen du partage des responsabilités parentales et présentera un certain nombre de recommandations à ce sujet.
La sénatrice Anne Cools: Voulez-vous répondre à ma seconde question ou puis-je réagir tout d'abord à votre réponse?
Savez-vous si le comité souhaite que ces recommandations soient incluses dans les lois provinciales? Il ne vous appartient pas de modifier la Loi sur le divorce, mais vous pouvez, à tout le moins, présenter des recommandations. Votre comité penche-t-il aussi en faveur du maintien des principes du partage des responsabilités parentales dans la législation provinciale?
Si je vous pose des questions auxquelles vos maîtres politiques devraient probablement répondre, c'est parce que je sais que votre position est délicate.
M. John Booth: Elle l'est sans doute, mais je peux vous donner un début de réponse.
La situation est simple parce que le droit de la famille est appliqué par deux ordres de gouvernement. Les recommandations du comité s'adressent donc à ces deux ordres de gouvernement.
En ce qui concerne votre question, sénatrice, à propos des principaux sujets de préoccupation dont on entend parler, la première chose à dire, je crois, est que les parents jouissant du droit de visite avaient vraiment le sentiment d'être tenus à l'écart de la vie de leurs enfants. C'était un sentiment très fort chez eux. Une fois prise l'ordonnance de garde et de droit de visite, on a souvent l'impression que l'on tient éloigné le parent auquel le droit de visite a été accordé si bien qu'il finit par devenir un visiteur intermittent ou un parent du dimanche. C'est une question qui nous préoccupait.
Je suppose que la crainte, pas nécessairement d'ailleurs de l'autre partie, mais la crainte générale, était que lorsque l'on traite de questions de garde et de droit de visite, on parle d'un ensemble de droits limités. Si l'on oppose les droits d'un parent à ceux de l'autre, on a effectivement affaire à un ensemble limité de droits partagés. Si vous essayez de rétablir l'équation sous une autre forme, vous constatez qu'il n'existe pas de réserve de droits indéfinis dans lesquels vous pouvez puiser pour les donner à une des parties. Lorsque vous privez un groupe de certains droits, vous donnez ces droits à l'autre groupe. Pour que le comité présente des recommandations sur la manière de rééquilibrer les droits, il faut donc tenir compte du fait que ces droits sont au départ partagés.
• 1105
Le troisième problème d'ordre général dont on nous a parlé
tenait au fait que dans le système actuel, on se préoccupe surtout
des droits des parents et qu'il arrive bien souvent que les droits
des enfants ou leurs intérêts soient, sinon oubliés, peut-être
subordonnés à la question de savoir ce qui est vraiment dans
l'intérêt des enfants.
La sénatrice Anne Cools: J'entends bien, mais je sais dans quelle situation vous vous trouvez et j'essaie de présenter mes questions avec un peu de doigté.
Ma dernière question—à moins que nous n'ayons une seconde série de questions—a trait à la violence à l'égard des enfants et aux mauvais traitements qui leur sont infligés. Au comité, nous avons souvent entendu employer des termes tels qu'aliénation parentale et aussi, utiliser de fausses accusations d'exploitation sexuelle lors de procédures de garde d'enfants.
On nous a constamment répété que les dispositions régissant la protection de l'enfance relèvent manifestement de la compétence provinciale, et que depuis 50 ans, la Loi sur la protection de l'enfance ne tient aucun compte de ces deux phénomènes. Dans le cadre de votre travail, avez-vous rencontré ces deux phénomènes et avez-vous l'intention, dans votre rapport de présenter des recommandations à ce sujet à l'intention des responsables de la protection de l'enfance? Avez-vous aussi l'intention de modifier la Loi sur la protection de l'enfance afin d'y intégrer ces formes d'exploitation des enfants?
M. John Booth: Je crois qu'on peut dire que l'on reconnaît l'existence des problèmes dont vous parlez, mais je ne peux pas en dire plus sur la manière dont nous allons nous y attaquer, ni même si nous allons le faire.
La sénatrice Anne Cools: Bien sûr. C'est simplement que cela pique beaucoup ma curiosité. J'ai pas mal travaillé dans ce domaine et j'ai été frappée par l'importance des efforts des services de protection de l'enfance—nous savons bien tous les deux que ces services ont été soumis à d'énormes pressions au cours de ces deux dernières années et, soyons francs, à de violentes attaques. Les gens sont un peu sensibles à cela et un peu prudents. Mais ce que m'ont révélé toutes ces morts d'enfants—et vous savez combien elles sont tragiques—c'est qu'un certain nombre de personnes qui ont participé aux enquêtes et aux poursuites, et même lors des autopsies et de l'enquête elle-même, ont toutes déclaré que d'une façon ou d'une autre, c'était aux responsables du bien-être de l'enfance qu'il appartenait de prendre note du sort de ces petites victimes.
C'était très intéressant. Nous avons passé toute la journée d'hier à Vancouver. Je m'attendais à ce qu'il y ait des progrès car dans cette ville, et à Toronto aussi, des recommandations extrêmement importantes ont été présentées dans ce domaine.
Je me demande si Mme Graham et M. Havelock—je me réjouissais à l'avance de pouvoir les rencontrer et j'espère que vous voudrez bien leur dire combien j'ai été déçue de ne pas pouvoir le faire. Ce que je voudrais savoir c'est si vous vous occupez de ce problème, car j'estime, mesdames et messieurs, que l'époque est révolue où un parent pouvait tenir son ex-conjoint totalement à l'écart de la vie de son enfant sans que les responsables du bien-être de l'enfance s'en préoccupent. Je crois que tout cela appartient au passé. C'est en tout cas mon avis.
• 1110
Peut-être ne l'avez-vous pas encore noté. Je comprends, car je
sais que vous ne pouvez pas me répondre pour des raisons d'ordre
politique, mais vous pourriez au moins essayer de répondre à
certaines questions.
M. John Booth: En effet. D'une façon générale, je dirai que lorsqu'il y a allégation d'actes abusifs, cela crée une situation très difficile, car il n'est pas possible de l'ignorer. En revanche, on ne peut pas non plus négliger le fait que, dans certains cas, il s'agit de fausses allégations faites de propos délibéré. Il y a là un dilemme.
La sénatrice Anne Cools: Précisément, et qui va donc résoudre ce dilemme? La protection de l'enfance est, après tout, une responsabilité provinciale.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Sénateur Jessiman, vous avez une question supplémentaire à poser?
Le sénateur Duncan Jessiman: Oui.
Vous avez dit que le comité de votre province va bientôt présenter un rapport qui traitera notamment du partage des responsabilités parentales. Je voudrais être bien certain qu'il s'agit du droit de visite effectif et non de la garde partagée, ce qui n'est pas la même chose. Il y a beaucoup d'ordonnances de garde partagée, mais si cette garde s'exerce dans de nombreux domaines, elle ne signifie pas que le parent s'occupe physiquement de l'enfant, les jours où il en a la garde, par exemple. Lorsque vous parlez de garde partagée, s'agit-il de s'occuper physiquement de l'enfant et de toutes les autres choses qui ont trait à cette responsabilité, notamment les prises de décision, etc.?
M. John Booth: Monsieur le sénateur, c'est un point qui sera traité dans le rapport, et je ne pense pas pouvoir me permettre de spéculer sur son contenu.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je crois que c'est assez important, car on nous a dit que dans de nombreux cas, les tribunaux avaient, à toute fin pratique, ordonné la garde partagée, mais qu'en fait un parent ne bénéficiait du droit de visite que toutes les secondes fins de semaine ou une fois par semaine, le jeudi, ou un autre jour. Mais la garde physique partagée, le partage des responsabilités parentales et leur partage sur le plan physique, sont des choses différentes. Cela nous pose un problème et je voudrais que les sénateurs, tous les législateurs et vous-mêmes le sachiez. Les tribunaux donnent une interprétation différente aux mots que nous utilisons dans ces textes de loi.
Je suis certain que lorsque dans une loi, nous parlons de garde partagée, cela n'a pas le même sens pour tout le monde. Si vous partagez la garde de l'enfant, vous êtes en droit de penser que vous pouvez passer un temps égal avec lui, mais ce n'est pas ainsi que cela se passe. Je ne suis pas certain qu'il ne devrait pas en être ainsi dans tous les cas. Il arrive bien souvent que ce soit en fait préférable.
M. John Booth: Je crois que vous apprécierez la manière dont la question de la garde partagée est traitée dans le rapport. Il ne s'agit pas de resservir les mêmes idées éculées sous un nom différent. Je crois que notre rapport sera utile au comité.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Mabel DeWare.
La sénatrice Mabel M. DeWare (Moncton, P.C.): J'ai une brève question et aussi une observation à faire.
Au cours de l'examen du projet de loi C-41 nous avons entendu des commentaires favorables sur la méthode utilisée par l'Alberta pour traiter le rôle des parents après la dissolution de la famille; on nous a dit que ce programme donnait de bons résultats. Vous vous êtes donc fait une réputation dans ce domaine.
Je suis très déçue de voir que le rapport n'est pas encore prêt. Il était censé l'être à l'automne. J'espère qu'il sera publié avant que le comité achève ses délibérations. Nous aimerions beaucoup pouvoir le consulter.
Vous avez dit que vous distribuiez un petit manuel aux participants à ce cours de six heures. Pourriez-vous nous en fournir un? Nous vous en serions très reconnaissants.
M. John Booth: Oui, certainement, sénatrice, je vais m'en occuper.
La sénatrice Mabel DeWare: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cools, nous avons une longue journée de travail devant nous.
La sénatrice Anne Cools: Oui, mais ce n'est pas souvent que nous entendons des représentants des gouvernements eux-mêmes qui travaillent sur la question. C'est donc pour nous une occasion tout à fait exceptionnelle.
Ma dernière question au témoin porte sur l'application des ordonnances relatives au droit de visite. Je m'étonne depuis longtemps que l'autorité tout entière de l'État, en particulier ses pouvoirs de coercition, soit utilisée pour imposer le paiement des pensions alimentaires pour enfants et l'application des ordonnances connexes. Toute l'autorité de l'État, en particulier son pouvoir de coercition, perd beaucoup de sa force lorsqu'il s'agit d'appliquer les ordonnances du tribunal concernant les droits de visite. Pourriez-vous nous en expliquer la raison?
Je ne sais pas exactement s'il s'agit d'un comité législatif. L'est-il?
M. John Booth: C'est un comité de députés provinciaux.
La sénatrice Anne Cools: C'est donc bien un comité législatif. Comment est-il composé? Tous les partis sont-ils représentés?
M. John Booth: Non, je crois que ce sont des députés du parti au pouvoir.
La sénatrice Anne Cools: La question qui m'intéresse est celle de l'application du droit de visite des enfants. Je me demande dans quelle direction on s'oriente à ce sujet. Je voudrais encore une fois évoquer pour vous les difficultés et les problèmes auxquels sont confrontés de nombreux juges dans ce domaine. Actuellement, ces juges vivent dans la crainte panique des réactions des groupes dits d'intérêt lorsque ces magistrats doivent déclarer que les individus qui ne respectent pas le droit de visite sont coupables d'outrage au tribunal.
Permettez-moi d'attirer votre attention sur un cas célèbre en Ontario, jugé par un magistrat provincial, le juge Patrick Dunn. Il s'agit de l'affaire L.B. c. R.D. Elle ne remonte qu'à quelques semaines. Je crois que le juge avait condamné à 60 jours de prison une femme qui avait refusé le droit de visite à son ex-conjoint. Cela avait provoqué de vigoureuses réactions chez certaines organisations féminines. Permettez-moi de vous lire ce qu'a dit le juge Dunn:
-
L.B. a pris la loi en main et a refusé d'accorder le droit de
visite de manière répétée. En agissant ainsi, elle a privé sa
petite fille de son droit de continuer à avoir des contacts avec
son père.
-
Cet outrage au tribunal et le manquement de L.B. au devoir de
respecter le besoin de sa petite fille de voir son père appellent
de sévères sanctions.
Je vais poursuivre la lecture car cela me paraît important.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): C'est important, mais pour que tout le monde puisse avoir l'occasion de prendre la parole, soyez aussi brève que possible.
La sénatrice Anne Cools: Ce que j'essaie de montrer, c'est que cette affaire représentait une véritable collection de ce que j'appellerais des situations pathologiques, car elle met également en jeu de fausses allégations de violence sexuelle.
Un peu plus loin, il disait de la même personne:
-
L.B. a brouillé les cartes, elle a dénaturé les éléments de preuve
et a même essayé d'induire la police en erreur... J'ai trouvé que
le témoignage de L.B. était intéressé et manipulateur.
... et ainsi de suite.
Voilà un cas dans lequel les services de protection de l'enfance laissent le soin à un juge de régler le problème.
Je vous ai donné cet exemple pour que vous le soumettiez à M. Havelock. Veuillez dire à Mme Graham et à M. Havelock qu'ils devraient faire plus d'efforts pour comparaître devant nous. Je crois que nous avons bien des choses à discuter.
Des voix: Bravo! Bravo!
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je tiens à informer les membres du public qu'il s'agit d'un comité parlementaire et que nous pratiquons les mêmes règles que celles qui sont en usage à la Chambre. Nous vous demandons donc de ne pas applaudir et de vous abstenir d'interrompre l'audience de quelque façon que ce soit.
Merci, Monsieur Booth.
M. Paul Forseth: J'ai une brève question supplémentaire à poser. Je tiens à rappeler aux visiteurs qu'ils doivent se considérer dans une salle de tribunal et se comporter en conséquence.
• 1120
Je voudrais vous demander si, dans votre loi provinciale, il
y a un article qui dispose que le non-respect d'une ordonnance
constitue une infraction. Cela existe dans la Loi de la
Colombie-Britannique. Les Territoires du Nord-Ouest envisagent
d'adopter également cette disposition. Ces articles traitent donc
clairement cette situation comme une infraction qui pourrait faire
l'objet de poursuites devant une cour provinciale et donner lieu à
tous les recours prévus par le Code criminel en vertu de la Loi sur
les poursuites sommaires.
Avez-vous un article de ce genre, et avez-vous des protocoles d'application?
M. John Booth: La Loi sur la cour provinciale contient un article qui prévoit une amende d'un maximum de 1 000 $ ou une peine de prison d'un maximum de quatre mois en cas de non-observation d'une ordonnance de garde ou de droit de visite. En ce qui concerne la cour supérieure, on applique les règlements relatifs à l'outrage civil, et les recours sont les mêmes: une amende ou une peine de prison.
Le comité législatif a, entre autres choses, étudié les dispositions d'application, car très franchement, elles ne sont pas particulièrement claires en Alberta. Une des tâches du comité est donc de réfléchir à ce que devraient être des dispositions relatives à l'application.
M. Paul Forseth: Si je vous comprends bien, même s'il y a un tel article dans la loi de la Colombie-Britannique, il n'est pas vraiment utilisé, et les protocoles d'application sont tels que cela ne changerait pas grand-chose s'il n'existait pas. Vous me dites que c'est à peu près la même chose ici, qu'il y a un article mais qu'il n'est pas vraiment appliqué et que vous étudiez donc les moyens d'utiliser des services de soutien connexes.
M. John Booth: Oui, le comité a effectivement adopté une approche holistique à l'égard de la question. En premier lieu, il étudie la manière dont les ordonnances de garde et de droit de visite sont élaborées; il étudie les questions d'accès aux tribunaux et à la loi, qui concernent plus particulièrement l'Alberta; il étudie les questions d'application.
Le problème actuel est que si vos seules armes sont la capacité d'imposer une amende ou d'emprisonner quelqu'un, dans 50 p. 100 des cas, lorsqu'une amende est imposée, ce sont les enfants qui en souffrent, et lorsqu'on emprisonne le parent, cela a indiscutablement un effet sur les dispositions relatives à la garde et risque en fait de vicier les rapports entre les enfants et le parent qui a déposé une plainte. Ces deux méthodes ne sont donc pas à recommander. Elles peuvent être bonnes dans certains cas, mais nous pensons qu'il faudrait donner plus de pouvoirs aux tribunaux.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup, monsieur Booth. Nous attendons le rapport avec impatience, et nous sommes certains qu'il nous sera très utile dans un bref avenir.
Les témoins suivants sont Sherry Wheeler et Mike Day, de Children's Advocate. Soyez les bienvenus.
M. Day parlera le premier. Je crois que nous disposons d'une demi-heure; nous attendons donc de vous des déclarations qui nous permettront de vous poser des questions précises.
M. Michael Day (défenseur des droits des enfants, Bureau de l'Alberta, Children's Advocate): Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Mike Day et je suis accompagné de ma collègue, Sherry Wheeler.
Nous représentons ici ce matin le bureau de l'Alberta de Children's Advocate. C'est une direction du ministère provincial des services sociaux. Notre mandat est de travailler avec les enfants qui bénéficient de services d'aide à l'enfance et de promouvoir les intérêts, les droits et les points de vue de ces enfants pour tout ce qui a trait aux questions qui les concernent dans le cadre de la Loi sur la protection de l'enfance.
Nous avons des contacts quotidiens directs avec les enfants. Nous ne sommes pas responsables de tous les enfants impliqués dans des affaires de garde et de droit de visite et nous n'intervenons pas dans ce domaine, mais les enfants dont nous nous occupons et qui bénéficient de l'aide sociale à l'enfance sont souvent impliqués dans des procédures de garde et de droit de visite, et dans certains cas, nous nous occupons directement d'eux.
Nous avons même aidé des enfants à présenter des requêtes au tribunal lorsqu'ils étaient mécontents de certaines situations concernant la garde et le droit de visite. Mais ce qui compte le plus dans le contexte de l'audience de ce matin, c'est que nous avons tiré d'importantes leçons de l'expérience de ces enfants et que nous voulons fonder nos commentaires sur ce qu'ils nous ont dit de l'effet de ces situations sur eux au quotidien.
• 1125
Nous tenons à vous dire combien nous sommes heureux de pouvoir
témoigner au sujet d'un projet de loi et des processus qui en
découlent et qui ont un effet aussi profond sur la vie des enfants
concernés. Encore une fois, nous insistons sur le fait que les
idées et les observations que nous allons présenter sont fondées
sur l'expérience d'enfants et d'adolescents avec qui nous
travaillons tous les jours. Nous nous efforcerons donc de demeurer
fidèles à cette perspective.
Les adultes semblent souvent vouloir se placer dans la perspective des enfants. Je crois en fait que beaucoup d'actions en justice engagées en vertu de la Loi sur le divorce partent de là. Mais bien souvent, avec le temps, ce sont les préoccupations des adultes qui semblent prédominer. Dans les commentaires que nous allons faire ce matin, nous essayerons d'éviter ce piège.
Le bureau du Children's Advocate en Alberta est membre du Canadian Council of Provincial Children's Advocates. Nous savons que cet organisme a déjà témoigné devant vous—je crois que c'est Judy Finlay, de l'Ontario, qui a parlé—et nous nous tenons à déclarer officiellement que nous appuyons ses recommandations; nous sommes totalement d'accord avec son rapport.
Aujourd'hui, nous voudrions insister sur plusieurs thèmes et les commenter. Je décrirai brièvement deux d'entre eux et Sherry parlera plus en détail d'un troisième.
Le premier thème est celui de la crainte que le système actuel de détermination de la garde et du droit de visite risque de transformer les enfants en simples pions dans le combat qui oppose les adultes concernés à cause de différends non réglés et qui n'a parfois que peu de rapports avec l'intérêt de ces enfants. C'est un processus qui semble s'appuyer sur des prises de décision litigieuses, ce qui ne fait qu'aggraver le conflit entre les adultes. Bien souvent, cela les éloigne l'un de l'autre au lieu de les rapprocher. Les principes qui sous-tendent nos notions de garde et de droit de visite sont issus du droit des biens et de la propriété et visent essentiellement les droits parentaux, alors que, du point de vue de l'enfant, ce dont il faut parler, ce sont les responsabilités et les obligations des parents.
Il y a diverses solutions possibles: un retour à une perspective vraiment axée sur l'enfant, l'élaboration et la promotion de mécanismes de remplacement pour le règlement des différends, en dehors du recours au tribunal, et même peut-être, la révision complète de notre conception de la garde et du droit de visite.
Le second thème dont nous voudrions parler est celui du droit de visite des enfants et des adolescents à leurs frères et soeurs et aux autres membres de leur famille élargie. L'expérience nous a montré que de plus en plus, il y a des exemples de frères et de soeurs, de demi-frères et soeurs, et de demi-frères et soeurs par alliance qui se trouvent séparés lors de la dissolution des familles dans lesquelles ils avaient grandi. Les liens entre ces enfants et ces adolescents sont fréquemment aussi importants que ceux qu'ils ont avec leurs parents; pourtant, nous semblons uniquement nous préoccuper du rapport entre l'adulte et l'enfant, au lieu de celui qui existe entre l'enfant et les autres membres de sa famille. Une solution possible consisterait à prévoir le droit pour l'enfant de présenter des demandes pour pouvoir rendre visite non seulement à ses parents mais aux autres membres importants de sa famille.
Je vais maintenant demander à Sherry de vous parler de l'autre thème.
Mme Sherry Wheeler (défenseur des droits des enfants, Bureau de l'Alberta, Children's Advocate): Merci, bonjour, mesdames et messieurs.
La séparation et le divorce sont traumatisants pour les enfants, quel que soit leur âge. Lorsqu'on leur annonce la décision, ils ont peur, s'inquiètent et se posent des questions. Quelles sont ces questions? Voici ce qu'ils se demandent: Où vais-je vivre? Avec qui? Suis-je obligé de partir? Et mes amis? Irons-nous encore en vacances? Est-ce que je pourrai voir mon père? Ma grand-mère? Et le chien? Et le chat? Combien de temps passerai-je avec les uns et les autres? Pourrais-je encore prendre des leçons, jouer au hockey, patiner?
• 1130
Toutes ces questions nous en disent long sur ce qui intéresse
les enfants. Il faut écouter ces derniers pour pouvoir prendre la
meilleure décision possible à leur sujet.
Pourquoi devrions-nous les écouter? Parce que leur vie est irrémédiablement transformée—sur le plan émotionnel, social et économique. Ils n'ont aucun contrôle sur la décision. Ils sont obligés de l'accepter et effectivement, ils ont du mal à le faire. Beaucoup d'entre eux ont des problèmes à cause de cela. Aucun enfant ne veut que ses parents se séparent et divorcent.
À ceux qui se soucient surtout des enfants, qui font passer l'intérêt de ceux-ci avant le leur, et à ceux qui réussissent à gérer la situation sans faire des enfants le centre du conflit, j'adresse mes félicitations. C'est exactement ce dont les enfants ont besoin. Le modèle est celui du rôle parental positif.
Je vous parle aujourd'hui au nom des enfants et des adolescents. Je vous demande d'envisager des changements qui tiennent compte des droits et des intérêts de ces enfants au cours du processus de divorce.
Le Canada a ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies en décembre 1991. Cette convention est en vigueur et ses dispositions s'appliquent à toutes les provinces de notre pays. Les Canadiens peuvent être fiers de cette reconnaissance des droits supérieurs des enfants.
La Loi sur le divorce devrait être évaluée en fonction de la manière dont elle respecte cette convention. L'article 2 concernant le droit à la non-discrimination; l'article 3 sur l'utilisation du critère d'intérêt supérieur dans les prises de décision; l'article 6 qui privilégie la survie et le développement; et les parties 1 et 2 de l'article 12 sur le droit de respect des opinions des enfants et leur droit d'être entendu et représenté sont les principes qui inspirent les valeurs fondamentales de la convention. Étant donné le peu de temps dont nous disposons, j'attire votre attention sur les paragraphes 1 et 2 de l'article 12 et sur l'article 3.
L'article 12 dit:
-
1. Les États parties garantissent à l'enfant qui est capable de
discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute
question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment
prises en considération eu égard à son âge et à son degré de
maturité.
Cet article signifie que l'enfant a le droit d'exprimer ses voeux, ses préférences, ses craintes et ses préoccupations. L'enfant apporte sa propre perspective à la décision à prendre et peut contribuer à la rendre meilleure. Il ne faut pas confondre cela avec le droit de décision ou le droit à l'autodétermination.
Les adultes continuent à prendre les décisions, que ce soit le parent ou, dans le processus judiciaire, un juge. Le droit de décider ou de choisir serait beaucoup trop difficile à exercer pour l'enfant. Il le placerait dans une situation délicate vis-à-vis de deux parents sur l'amour desquels il compte. Les enfants ont besoin de leurs deux parents et il faut éviter de les exposer à un conflit de devoir.
Bien sûr, certains enfants refusent parfois d'exprimer une opinion, ce qu'il faut aussi respecter.
L'article 12, paragraphe 2, dit:
-
2. À cette fin, on donnera notamment à l'enfant la possibilité
d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative
l'intéressant soit directement, soit par l'intermédiaire d'un
représentant ou d'un organisme approprié, de façon compatible avec
les règles de procédure de la législation nationale.
Cet article donne le droit aux enfants de participer au processus de prise des décisions et d'être entendus au cours de celui-ci ainsi que d'être représentés par une personne dont le mandat est la défense des intérêts, des droits et des points de vue de l'enfant. Étant donné la gamme de mécanismes de règlement des différends qui pourraient et devraient être disponibles, des dispositions doivent être prises pour que l'enfant et (ou) son représentant soient entendus et participent. L'enfant doit pouvoir se faire représenter par un avocat dans une procédure judiciaire...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Excusez-moi de vous interrompre. Vos cinq minutes sont écoulées. Pourriez-vous conclure rapidement?
Mme Sherry Wheeler: Certainement.
Je ne vous répéterai pas l'article 3. Il figure dans la convention. Il a trait au critère d'intérêt supérieur qui, à mon avis, est extrêmement subjectif.
Le comité des Nations Unies a recommandé de surveiller l'observation de la convention en suggérant que des critères soient établis en droit conformément aux principes.
• 1135
Je vous renvoie à la Loi de l'Alberta sur la protection de
l'enfance de 1989, dans laquelle ces principes sont codifiés.
Actuellement, la Loi sur le divorce n'accorde pas aux enfants des droits qui, à mon avis, permettraient de légitimer leur apport réel au processus. Nous recommandons que l'on modifie la Loi sur le divorce, 1) pour accorder aux enfants la pleine égalité au cours des instances, quel que soit leur âge; 2) pour donner le droit aux enfants d'exprimer leur opinion, d'être entendus et de participer avec un représentant à toutes les instances, quel que soit leur âge; 3) d'inclure un article établissant une série de critères axés sur les besoins de l'enfant et destinés à inspirer une décision prise dans leur intérêt fondamental.
Je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: Merci beaucoup à tous deux. Depuis combien de temps le Children's Advocate existe-t-il en Alberta?
M. Michael Day: Ce service a été intégré au fonctionnement du ministère provincial des services sociaux vers la fin de 1989.
Le sénateur Duncan Jessiman: Cela fait donc bientôt neuf ans. Combien de personnes avez-vous environ dans votre ministère?
Mme Sherry Wheeler: Nous avons deux bureaux, un à Edmonton et l'autre à Calgary. Au total, nous avons dix employés qui travaillent directement avec les enfants, des gestionnaires et le personnel chargé du programme.
Le sénateur Duncan Jessiman: Dans chaque quoi? Dans chaque région?
Mme Sherry Wheeler: Environ cinq dans chaque bureau.
Le sénateur Duncan Jessiman: Bien. Jusqu'à quel point êtes-vous parvenu à amener les parents à comprendre leurs responsabilités plutôt que leurs droits, comme vous l'avez souligné? Avez-vous eu du succès? Je sais que vous ne vous occupez que des indigents, mais certains d'entre eux sont séparés. N'est-ce pas exact?
M. Michael Day: Oui.
Le sénateur Duncan Jessiman: Ce que je voudrais découvrir ou vous amener à nous dire, c'est si c'est une bonne formule? Et si elle l'est, devrait-elle être généralisée?
M. Michael Day: Je crois qu'il faut bien préciser que dans ces situations, notre tâche est d'aider les enfants à participer au processus et non de rapprocher les adultes.
Je crois que votre question est fondamentale. Une grande partie de l'effet que ce genre de situation aura sur les enfants dépendra en fin de compte de l'attitude des parents: continueront-ils à n'y voir qu'un affrontement ou parviendront-ils à se mettre d'accord sur les intérêts de leurs enfants?
Dans notre travail quotidien, nous n'avons pas pour mandat d'essayer de rapprocher les parents. L'essentiel de notre tâche consiste à aider les enfants à participer au processus. Indiscutablement, les enfants nous disent, ainsi qu'à tous ceux à qui ils ont affaire, qu'ils préféreraient qu'il y ait moins d'hostilité entre leurs parents et je crois qu'ils le leur répètent aussi régulièrement.
Le sénateur Duncan Jessiman: D'autres ont également dit qu'ils pensaient que les enfants devraient faire partie de l'équation. Mais vous avez ajouté un élément, madame Wheeler, que nous n'avions pas encore entendu, lorsque vous avez dit «Quel que soit leur âge». Il est bien évident que lorsqu'ils sont très jeunes, les enfants ne peuvent ni parler ni communiquer. Donc, même à l'âge tendre de trois, quatre ou cinq ans, vous pensez qu'ils devraient figurer dans l'équation?
Mme Sherry Wheeler: Je crois que lorsqu'il s'agit d'enfants aussi jeunes, leurs intérêts, sinon leurs points de vue, peuvent être expliqués et représentés au cours du processus de prise de décision, qu'il soit formel ou informel.
Le sénateur Duncan Jessiman: Merci beaucoup.
Merci, madame la présidente.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Sénatrice DeWare.
La sénatrice Mabel DeWare: Je tiens à vous remercier d'être venu exprimer vos vues devant le comité aujourd'hui. J'ai trouvé intéressant que vous mentionniez les frères et soeurs et les frères et soeurs par alliance de ces enfants. Nous avons entendu des témoins; c'étaient des jeunes filles venues expressément pour apporter leur soutien à une soeur ou à une soeur par alliance. Leurs témoignages faisaient chaud au coeur car elles étaient venues se battre pour le droit de visite ou pour obtenir ce que leurs frères ou soeurs désiraient.
Pourriez-vous, à titre d'avocat comparaître vous-même au nom des enfants dont vous vous occupez lors d'un divorce?
M. Michael Day: Devant un tribunal?
La sénatrice Mabel DeWare: Oui.
M. Michael Day: À ma connaissance, nous n'avons jamais comparu au tribunal avec des enfants. Nous avons parfois fait le nécessaire pour qu'ils soient représentés par un avocat. Sherry et moi-même ne sommes pas des avocats, bien qu'il y ait dans notre programme des personnes ayant une formation juridique. Mais nous avons fait le nécessaire pour que des enfants soient officiellement représentés par un avocat.
• 1140
J'imagine que dans certains cas, nous pourrions comparaître au
tribunal pour apporter un soutien aux enfants—je songe aux
demandes en vertu de la Loi provinciale sur les relations
familiales—mais à ma connaissance, cela ne s'est encore jamais
produit.
La sénatrice Mabel DeWare: Vous avez également évoqué vos discussions avec les enfants au sujet de leur droit de visite à une demi-soeur ou à une soeur ou frère par alliance. Ces enfants mentionnent-ils parfois le droit de visite à leurs grands-parents?
Mme Sherry Wheeler: Oui, j'ai déjà eu des enfants qui désiraient vivement pouvoir rendre visite à des grands-parents, des tantes, des oncles... Des personnes qu'ils connaissaient. Ce qui est important, c'est que les enfants vous diront qui occupe une place importante dans leur vie si vous leur posez les questions suivantes: Qui compte beaucoup pour toi? Qui a de l'affection pour toi? Qui te comprend? En qui as-tu confiance? Cela nous permet d'examiner les diverses personnes avec lesquelles les enfants souhaitent maintenir des contacts.
La sénatrice Mabel DeWare: Comme vous le savez, les associations de grands-parents de tout le pays qui ont comparu devant notre comité s'inquiètent beaucoup qu'il leur soit parfois totalement interdit de voir leurs petits-enfants. Il serait donc intéressant d'avoir le point de vue de ces derniers, car, comme vous le savez, chaque histoire a toujours plusieurs facettes, et ce qui préoccupe notre comité c'est qu'il ne lui est pas toujours possible d'entendre l'autre son de cloche.
J'apprécie beaucoup ce que vous faites pour les enfants. Nous attendons avec impatience le rapport de l'Alberta.
Je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame St-Jacques.
Mme Diane St-Jacques (Shefford, PC): Je vais poser ma question en français.
[Français]
[Note de la rédaction: Inaudible]
[Traduction]
[Note de la rédaction: Difficultés techniques]
Mme Sherry Wheeler: ... familles, et il appartient aux personnes qui les représentent de faire valoir leurs demandes individuelles.
Avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Michael Day: Excusez-moi; je n'ai pas entendu la question.
La sénatrice Mabel DeWare: Elle va vous répéter la question, si vous le désirez.
Mme Diane St-Jacques: Voulez-vous que je la répète?
M. Michael Day: S'il vous plaît.
[Français]
[Note de la rédaction: Inaudible]
[Traduction]
[Note de la rédaction: Difficultés techniques]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): ... intérêts différents, si l'un préfère être avec son père à un certain moment au lieu d'être avec sa mère, et le genre de procédure qu'il faut utiliser dans une telle situation.
M. Michael Day: Nous considérerions alors que les enfants sont des individus, au même titre que les adultes, et qu'ils ont droit qu'on les aide à exprimer leur point de vue. Habituellement, tant que les diverses opinions des enfants ne sont pas contradictoires—elles peuvent être différentes, mais pas contradictoires—un avocat ou un représentant personnel pourrait aider ces enfants.
Nous avons cependant connu des situations dans lesquelles les intérêts des enfants étaient opposés, et dans ce cas, ils ont droit à une aide indépendante. Donc, s'il s'agissait d'un soutien à notre programme, nous assignerions un avocat différent à chaque enfant. S'il s'agissait d'une question traitée devant le tribunal, chaque enfant devrait avoir son propre avocat.
Mme Diane St-Jacques: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): J'ai une brève question à poser pour terminer.
Des enfants nous ont dit que lorsque certaines dispositions ont été prises sans les consulter, ils ne se sentaient pas toujours à l'aise. Ils craignent parfois d'avouer qu'ils ont peur de passer la nuit ailleurs que chez eux. Il n'y a personne vers qui ils peuvent se tourner pour apaiser leurs craintes. Je me demandais si l'intercesseur pour les enfants pourrait jamais jouer un tel rôle—celui d'une personne à qui pourrait téléphoner un enfant inquiet de devoir passer une nuit quelque part, par exemple. Est-ce même faisable?
Mme Sherry Wheeler: L'enfant devrait pouvoir examiner toute disposition prise au sujet des visites et exprimer son opinion lorsque celles-ci ne leur conviennent pas. Une forme quelconque de suivi permanent est donc indispensable. Ce que nous savons des enfants c'est qu'ils grandissent, mûrissent, que les choses changent et évoluent, et que leurs activités et préoccupations changent et évoluent également. Ce qu'il faut donc, c'est un processus fluide de suivi.
Il pourrait y avoir quelqu'un vers qui les enfants pourraient se tourner, que ce soit un membre de notre programme qui est vraiment axé sur leur protection—il faudrait alors modifier notre législation—ou quelqu'un d'autre qui s'intéresse à eux et a les compétences et les connaissances nécessaires. En ce qui concerne le suivi de ce genre de suggestions, je précise que la Convention des Nations Unies envisage un programme d'éducation du public, des parents, et des personnes qui travaillent avec les enfants.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup, et merci d'être venue.
La sénatrice Anne Cools: Madame la présidente, je constate que des caméras viennent de faire leur apparition dans la salle. Comme vous le savez, le comité est libre de les accepter et je vous suggère d'autoriser les opérateurs à nous filmer pendant quelques instants. Je vais présenter la chose au comité et voir si les témoins sont d'accord.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): D'accord, merci.
Merci beaucoup.
Les prochains témoins sont les suivants: Sean Cummings qui représente les Calgary Divorced Parents' Resources, et M. Kent Taylor, coordonnateur du Northern Custody and Mediation Program.
Monsieur Cummings, voulez-vous commencer?
M. Sean Cummings (Calgary Divorced Parents' Resources): Bonjour. Je demande que mon témoignage soit versé verbatim au procès-verbal.
Je m'appelle Sean Cummings et je représente l'organisation Calgary Divorced Parents' Resources. Mon expérience des questions de divorce est assez étendue. Je suis un parent divorcé, l'oncle d'enfants du divorce dans ma famille et je suis moi-même un enfant du divorce, aujourd'hui adulte. Je représente les parents et les enfants qui vivent le processus de divorce.
Il y a trois ans, lorsque j'ai formé la Nova Scotia Shared Parenting Association à Halifax, je me serais gaussé à l'idée qu'un jour je conseillerais de modifier la Loi sur le divorce à un comité composé de députés et de sénateurs. Je vous remercie donc d'être venus à Calgary et je me réjouis de l'existence de ce comité très important.
Le moment est venu pour les parents et les enfants qui ont vécu cette terrible épreuve de mettre fin à leur silence, car le divorce fait du mal à tous. C'est un processus qui révèle aux enfants le côté peu attrayant de leurs parents. Il les expose à d'incroyables niveaux de mesquinerie et de méchanceté. Il les place au centre d'un conflit entre leurs parents, qui sont pourtant les personnes qui comptent le plus au monde pour eux et cela leur enseigne de bien tristes leçons au sujet de la réalité. L'atmosphère du divorce dans laquelle tous les coups sont permis encourage la cupidité, le manque de sensibilité, la colère, la haine, la méfiance, la violence et les menaces.
Lorsque les parents entament la procédure de divorce, ils n'ont qu'une idée très vague de l'effet que cela aura sur leur propre vie et en fin de compte, sur celle de leurs enfants. Ils le font sans réfléchir à ce que serait une solution équitable, et dans bien des cas, la solution qu'ils recherchent est purement égoïste. On ne leur apprend pas à communiquer avec leurs anciens conjoints. C'est leur avocat qui s'en charge, à 150 $ la lettre. Et croyez-moi, à Calgary, ce n'est pas si cher. Les parents engagent donc la procédure de divorce sans se rendre compte qu'ils seront obligés de continuer à entretenir des rapports avec leurs anciens conjoints.
• 1150
À mon avis, voici ce qu'il faudrait développer pour créer une
procédure de divorce plus équitable: la confiance, le soutien, la
compréhension, l'appréciation des valeurs, la coopération, le
partage des responsabilités parentales, la guérison et la manière
de mettre un terme à l'épreuve.
Les deux scénarios sont opposés et distincts. Ils représentent ce que les parents ont de meilleur et de pire à offrir. Ils représentent ce dont les gens sont capables: des actes de haine et d'agression inspirés par un égoïsme incroyable ou des actes extraordinairement généreux d'initiative et de considération.
La question à laquelle le comité devra répondre est la suivante: Que faire pour que le second scénario se réalise? La notion de l'intérêt supérieur des enfants est en effet primordiale dans la Loi sur le divorce. Dans une situation de conflit, c'est cependant une notion assez vague qui est habituellement sujette à l'interprétation d'un juge qui entend les arguments pressants de deux avocats engagés dans un processus accusatoire.
Un témoin a tout à l'heure évoqué la question des droits des parents, qui semblent inhérents au processus. Je considère, moi, que dans ce processus, c'est sur les droits des enfants que l'on devrait mettre l'accent, alors que les parents n'ont que des responsabilités et des obligations.
Pour changer le processus il faut donc que nous remplacions la notion d'intérêt supérieur par une nouvelle approche dans laquelle les droits et les besoins des enfants primeront sur tout le reste. En réalité, ce qu'il faut faire, c'est inscrire les droits fondamentaux des enfants dans la Loi sur le divorce afin de contraindre les avocats et les juges à protéger ces enfants contre les effets d'un processus accusatoire. Il faut apprendre aux parents, aux avocats et aux juges à se poser une question simple lorsqu'ils sont confrontés à un divorce: En quoi ce que je fais personnellement profite-t-il à ces enfants? Dans le régime actuel de règlement des divorces, c'est une idée qui n'entre jamais en ligne de compte.
Cela me contraint à soulever quelques questions importantes devant le comité. Réfléchissez à ceci: Qu'apportent aux enfants les milliers de dollars dépensés par les parents au cours du litige? Qu'apportent à leurs enfants des parents qui, sciemment, se dénigrent mutuellement en leur présence? En quoi les enfants profitent-ils de ce que disent les avocats lorsque ceux-ci laissent entendre qu'un parent est irresponsable ou de moralité douteuse? Qu'apporte aux enfants un avocat qui donne pour consigne au client qui a la garde de l'enfant de limiter les contacts que ce dernier a avec l'autre parent afin de conserver le droit de garde? Qu'apportent aux enfants des termes inquiétants tels que «garde et droit de visite»? Que leur apporte un processus qui veut que les compétences parentales d'un père ou d'une mère mises en doute par un avocat au cours d'un contre-interrogatoire? Qu'apporte aux enfants un processus qui veut qu'un parent soit considéré comme le tuteur et l'autre comme un simple visiteur ou la personne qui paie la pension alimentaire? Qu'apporte aux enfants un processus qui établit un rapport direct entre le montant de cette pension et le désir du parent d'avoir plus de contacts avec son enfant? QU'apportent aux enfants de fausses allégations de mauvais traitements et d'abandon? Qu'apporte aux enfants l'interdiction d'avoir des contacts avec les membres de leur famille élargie et avec leurs grands-parents au moment du divorce.
Il est bien évident que cela n'apporte rien aux enfants, et que le résultat est un système imparfait dans lequel un parent est le gagnant et l'autre le perdant. Comment donc espérer que les parents guériront dans ce climat de guerre ouverte? Et s'ils ne guérissent pas, qui aidera les enfants à guérir? Le droit familial actuel est fondé sur la méfiance, la colère, la haine et l'adversité. Il favorise le conflit et fait ressortir les pires défauts des parents. Il blesse les enfants et déchire le tissu familial.
Il est temps de changer. Mes recommandations au comité sont les suivantes.
Tout d'abord et avant tout, je tiens les responsabilités parentales pour acquis. En vertu des articles 16 et 17 de la Loi sur le divorce concernant les ordonnances relatives à la garde, le tribunal doit présumer que ce sera la méthode retenue. Dans la pratique, il appartiendra donc au parent qui ne désire pas partager les responsabilités parentales de prouver que le partage des responsabilités est préjudiciable à l'enfant.
Deuxièmement, le plan de partage des responsabilités parentales. L'alinéa 11(1)(b) et les articles 16 et 17 de la Loi sur le divorce devront être modifiés afin d'exiger la présentation d'un plan de partage des responsabilités parentales acceptable pour les deux parents, qui pourrait être mis en oeuvre avec l'aide d'un médiateur professionnel. Ce plan couvrirait une période de trois à cinq ans, à l'issue de laquelle il serait réévalué afin d'accroître les chances des enfants d'avoir de meilleurs rapports avec leurs parents.
Troisièmement, je propose un plan de gestion du divorce. L'alinéa 11(1)(b) et les articles 16 et 17 de la Loi sur le divorce devraient être modifiés afin d'imposer la présentation d'un plan de gestion du divorce dans lequel les parents seront tenus d'indiquer les mesures que chacun d'entre eux a prises: Préparation au divorce, développement des compétences parentales après le divorce, développement des compétences en matière de règlement des conflits, ainsi que les mesures prises par chaque parent pour aider leurs enfants à guérir plus vite du traumatisme causé par le divorce.
• 1155
Quatrièmement, la médiation obligatoire. Sauf dans les cas de
violence familiale ou de mauvais traitements des enfants, il
faudrait modifier l'article 10 de la Loi sur le divorce en incluant
un paragraphe, qui deviendrait le paragraphe 10(6), établissant le
processus de médiation obligatoire dans la préparation du plan de
partage des responsabilités exigé. Il est absolument indispensable
que le plan soit élaboré avant le règlement de tous les autres
conflits, lors d'un divorce.
Cinquièmement, les devoirs des avocats et du tribunal. On devrait modifier les articles 9, 11 et 17 afin de s'assurer que ce sera le devoir de l'avocat, ainsi que des tribunaux, de présumer le partage des responsabilités parentales et l'obligation de présenter un plan de partage de ces responsabilités dans le processus de médiation ou tout autre mécanisme de règlement des différends. D'autre part, il faudrait établir une société dont le statut exigerait la participation de professionnels accrédités de la médiation et du règlement des différends.
Sixièmement, il faudrait imposer le respect du temps fixé pour l'exercice du rôle parental, et c'est un très gros problème. La Loi sur le divorce devra être modifiée afin de mieux faire respecter le temps réservé à l'exercice de ce rôle tel qu'il a été ordonné par le tribunal et convenu par les deux parents. Il faudra également établir un organisme d'application du droit de visite dans chaque province et territoire, qui soit comparable aux programmes d'exécution des ordonnances alimentaires qui existent actuellement dans tout le pays. Il faudrait également inclure le déni volontaire du temps d'exercice du rôle parental convenu par les parents et ordonné par le tribunal, le traiter comme une forme de violence à l'égard des enfants et l'assujettir à un examen obligatoire par un tribunal de l'arrangement relatif à l'exercice des responsabilités parentales.
Septièmement, les fausses allégations. Le Code criminel du Canada devrait être modifié afin d'inclure le dépôt de fausses allégations d'exploitation d'enfants, d'exploitation sexuelle, ou de violence et de négligence physique et d'en faire des infractions criminelles. D'autre part, il faudra abroger le droit de publier le nom de la personne faussement accusée.
Enfin, il y a la préparation au divorce, dont je suis totalement convaincu qu'elle est la clé du règlement d'un grand nombre de nos problèmes. Il faut que l'éducation permanente de tous les juges et avocats soit rendue obligatoire en droit. Le gouvernement fédéral devrait fournir l'aide financière nécessaire pour le lancement d'une campagne nationale de préparation en cas de divorce afin de mettre le public et les parents en garde contre les dangers du conflit que constitue le divorce pour les enfants.
Il faut que le gouvernement fédéral aide à établir des services de médiation et de préparation en cas de divorce à l'intention des parents vivant dans les zones rurales du Canada. Que cela se fasse grâce à des téléconférences ou à d'autres techniques, les habitants des zones rurales en ont indiscutablement besoin.
Le gouvernement fédéral devrait fournir une aide financière aux gouvernements provinciaux afin de leur permettre d'élaborer des programmes communautaires d'éducation sur le divorce, axés sur l'acquisition d'habiletés pratiques par les parents, le développement de rapports parents-enfants positifs, le partage des responsabilités parentales par les parents après le divorce, les capacités de communication et, enfin, la protection des enfants pris entre deux feux.
C'est à peu près toutes les recommandations que je voulais présenter au comité. Je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Monsieur Taylor.
M. Kent Taylor (médiateur/coordonnateur, Edmonton and Northern Custody and Mediation Program): Bonjour. Ayant d'innombrables fois joué le rôle de médiateur, j'ai voulu réfléchir à ce que je ferais au cours des cinq prochaines années si je continuais à faire ce travail.
Je crois que pour beaucoup, l'objectif idéal est un partage égal des responsabilités familiales entre les pères et les mères, que ce soit sur le plan physique, émotionnel ou économique. Que faire pour que cela fonctionne bien et qu'on ne sacrifie pas les rapports familiaux au nom d'une politique sexiste? Je voudrais bien avoir réponse à tout cela, mais peut-être puis-je, au moins, offrir un début de solution.
Premièrement, je supprimerais les termes «droit de visite», «garde exclusive», et «garde conjointe» et je ferais comme l'État de Washington, qui a adopté une loi établissant un plan d'exercice du rôle parental. Cela consisterait à adopter des clauses relatives au temps de résidence et au règlement des différends et à éliminer tous ces termes belliqueux. L'expérience m'a appris que lorsque les parents se montrent coopératifs, ils sont capables de concevoir un plan bénéfique pour leurs enfants. Ils font passer les besoins de ces derniers avant les leurs.
Deuxièmement, je voudrais parler des avocats et d'un certain nombre de mesures possibles. Beaucoup d'avocats spécialisés dans le droit de la famille sont excellents; quelques-uns ont tendance à ne pas tenir compte de la dynamique familiale car ils sont eux-mêmes prisonniers d'une autre dynamique, celle que leur imposent les procédures légales et l'institution juridique dont ils font partie. Beaucoup de parents se polarisent et les avocats ont plutôt tendance à contrôler qu'à laisser faire. Il est indispensable que les avocats soient considérés comme de simples conseillers et non pas comme des vedettes.
Il y a des jours où ils me donnent l'impression qu'ils essaient de désherber une roseraie avec un bulldozer. Comme un parent le disait à son ancien conjoint, «La confiance que j'ai en toi se détériore un peu plus chaque fois que je reçois une nouvelle lettre de ton avocat qui attaque mes capacités parentales.»
• 1200
Il faut de trois mois à un an pour que les parents deviennent
objectifs, et les avocats ont tendance à l'oublier. Ce n'est pas
une partie de poker, et rares sont les gens qui veulent se risquer
à ce jeu. Nous n'avons pas besoin de guerres à coups de
télécopieurs entre les avocats.
Que peut-on faire dans ce domaine? Je crois qu'il faudrait que les avocats et les juges comprennent un peu mieux ce qu'est la dynamique familiale et ce qui se passe au début des divorces. Peut-être des négociations fondées sur les intérêts des deux parties seraient-elles préférables à un procès. Bien que cela soit prévu dans la Loi sur le divorce et qu'ils devraient le faire, beaucoup d'avocats n'informent pas leurs clients que la médiation est possible. C'est une excellente chose que les gens puissent consulter des avocats et obtenir d'eux des conseils, mais il est indispensable qu'ils reviennent à un processus de médiation afin de pouvoir échapper à ce véritable jeu de stratégie militaire qu'est le divorce.
Le droit de visite est une question extrêmement importante. J'entends souvent dire, «J'ai porté cet enfant pendant neuf mois; nous sommes unis par un lien indissoluble» ou «Le sperme ça ne coûte pas cher; on en trouve partout», ou encore «Je ferai tout mon possible pour t'enlever les enfants», et c'est ce que font beaucoup de gens. La question qui se pose donc pour moi est de savoir pour quelle raison certains enfants doivent être placés dans une situation où un parent éprouve le besoin d'être beaucoup plus important que l'autre? La plupart des enfants auxquels j'ai parlé voudraient être avec leurs deux parents; c'est tout ce qu'ils veulent. Ils laissent inconsciemment traîner des objets chez le parent avec qui ils ne vivent pas.
Que faut-il donc faire pour les cinq à 10 p. 100 qui sont vraiment des adversaires et veulent la guerre? Je crois qu'il faudrait pouvoir compter sur plusieurs mécanismes, et sur quelqu'un qui connaît la différence entre eux. En Alberta, un des mécanismes que nous avons mis en place est un programme obligatoire de formation aux responsabilités parentales, après la séparation. Les résultats ont dépassé tous mes espoirs, et la médiation est devenue beaucoup plus simple pour moi. Pour certains de ceux qui ont suivi ce cours, il faut très peu de négociations avant de parvenir à un règlement. Pour cinq à 10 p. 100 des gens, la médiation obligatoire... Je suis d'accord avec cette formule, et je pense effectivement qu'une équipe composée d'un avocat et d'un spécialiste des sciences sociales, tel qu'un psychologue ou un travailleur social, serait une bonne solution.
Dans les cas graves où un parent refuse totalement le droit de visite à l'autre, je souhaiterais qu'il y ait un changement du droit de garde, sans possibilité de visite pour l'autre parent tant qu'ils ne se seront pas soumis tous les deux à une forme quelconque de counseling. Un autre mécanisme qui pourrait donner de bons résultats est celui du recours à un médiateur-arbitre, dans lequel si le médiateur échoue, il y a arbitrage—bref toute formule qui permet la déjudiciarisation.
Pour ces cinq à 10 p. 100 de personnes, il n'est pas bien difficile de faire appel au tribunal. Les tribunaux ne sont pas là pour régler les problèmes de garde et de droit de visite. À mon avis, les tribunaux ne devraient jamais intervenir dans le conflit qui oppose les parents. Il est trop facile de dire, «Nous avons un problème, allons le régler au tribunal.» Je crois que le tribunal doit être considéré comme une solution de dernier ressort ou comme un moyen de hâter une solution. Comme le disait un parent, «Je n'ose rien faire avec mes enfants. S'ils s'écorchent les genoux, je vais me retrouver au tribunal».
Au tribunal de la famille, si vous aviez un médiateur à plein temps pour chaque demande de garde et de droit de visite, les parents seraient obligés de recourir à la médiation et de suivre le cours de formation aux responsabilités parentales après la séparation.
Les lignes directrices relatives à la pension alimentaire pour enfants, la règle des 40-60—cette nouvelle disposition est en fait très intéressante—ont durci l'enjeu. Gagner ou perdre sont maintenant très importants pour les couples. J'entends de plus en plus parler de «garde exclusive». Une partie de la créativité... et je suppose que c'est la raison pour laquelle on a élaboré ces lignes directrices. Une partie de la créativité des anciennes lignes directrices a aujourd'hui disparu parce que l'on est obligé de suivre ces tableaux. Il arrivait que cela ne gênait pas trop ceux qui devaient payer la pension alimentaire pour enfants parce qu'ils savaient qu'ils bénéficieraient d'un remboursement d'impôt à la fin de l'année. Beaucoup me disent aujourd'hui, «Je n'y tiens pas tellement. Je veux simplement être traité équitablement, mais il est devenu maintenant impossible de négocier». D'autres, à cause de ces lignes directrices, sont obligés de gratter les fonds de tiroir et ils éprouvent beaucoup de rancoeur à cause de cette impossibilité de négocier...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Taylor, excusez-moi de vous interrompre, mais le temps dont vous disposiez est épuisé. Veuillez donc présenter vos recommandations afin que mes collègues puissent passer aux questions.
M. Kent Taylor: D'accord.
Une solution possible qui me plaît beaucoup est celle des centres d'aide aux enfants. J'y envoie toujours les deux parents avant même qu'ils rencontrent leurs avocats.
Que se passe-t-il tous les vendredis et dimanches soir? La police ou la GRC est appelée parce que les enfants ne sont pas là ou qu'ils ne sont pas rentrés. S'il n'y a pas de clause d'application, il n'y a personne d'autre à qui ces parents puissent faire appel. Peut-être faudrait-il avoir un numéro 1 800 ou quelque chose du même genre.
Dans d'autres cultures—ce ne sont pas les modèles qui manquent: il y a le modèle du conseil de quartier de San Francisco; celui de l'avocat-médiateur, du juge ou de l'agent de police sensibilisé à ces questions. Il y a toutes sortes de modèles, en particulier dans les pays riverains du Pacifique.
Je m'en tiendrai là.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Soyez le bienvenu au comité. Vous avez tous deux fait des allusions directes et indirectes aux nouvelles lignes directrices, et je souhaiterais que vous me disiez, selon vous, comment elles fonctionnent en Alberta. Jouent-elles contre l'égalité et l'équité à l'égard des enfants? Par exemple, le temps que les enfants passent avec chacun de leurs parents sera-t-il affecté par les nouvelles directives relatives à la pension alimentaire pour enfants?
Ce qui m'intéresse, c'est la dynamique de l'exercice des responsabilités parentales et les effets positifs ou négatifs d'un nouveau système de paiement sur le bien-être des enfants.
M. Kent Taylor: Cela tend à devenir un problème lorsque, comme le disait un parent, «Vous avez 50 p. 100 du temps pendant lequel votre enfant est éveillé, toutes les secondes fins de semaine et deux fois pendant la semaine. Cela représente de 40 à 50 p. 100 du temps; de quoi vous plaignez-vous donc?»
Peut-être faudrait-il que la règle des 40-60 s'applique au temps de veille, encore que certains parents garderaient leurs enfants éveillés pendant toute la fin de semaine pour être bien sûrs que la règle des 40-60 soit respectée.
M. Paul Forseth: Vous avez utilisé le terme «temps de veille».
M. Kent Taylor: C'est la période pendant laquelle les enfants sont réveillés—pas pendant qu'ils sont à l'école, pas pendant qu'ils dorment, mais lorsqu'ils sont réveillés et sont avec leurs parents.
M. Paul Forseth: Cela signifie donc qu'à cause des nouvelles lignes directrices, les parents en sont arrivés à compter les heures pendant lesquelles leur enfant est endormi ou réveillé et à se demander si la règle des 40 p. 100 est valable pour les périodes où ils sont au lit ou à l'école.
M. Kent Taylor: Absolument. À qui est attribué le temps consacré à une partie de soccer lorsque les deux parents sont présents?
Une voix: Il faudrait le partager.
M. Kent Taylor: Oui, entre les deux parents. C'est une bonne idée.
M. Sean Cummings: Le problème que pose la loi c'est qu'elle oblige les parents à calculer littéralement à la seconde près le temps qu'ils passent avec leurs enfants. Dans tout le pays, des groupes avaient prédit que la règle des 40 p. 100 aurait un effet négatif sur la pratique des responsabilités parentales, et dans bien des cas, elle pousse un parent à demander la garde exclusive de l'enfant afin d'éviter cette disposition.
D'autre part, si vous voulez savoir ce que certains parents disent de la loi, c'est qu'un de ses gros problèmes est qu'elle a un effet de déplacement de la charge fiscale. D'autre part, beaucoup de parents m'ont dit qu'ils voudraient que la pension alimentaire pour enfants n'ait pas de répercussions sur le plan fiscal.
M. Paul Forseth: J'ai également constaté qu'alors qu'auparavant, les paiements alimentaires pour enfants étaient déterminés en fonction du principe fondamental du besoin manifeste et non de la capacité de payer, seule la capacité de payer entre aujourd'hui en ligne de compte. Avez-vous des remarques à faire à ce sujet?
M. Kent Taylor: Je crois que cela est lié à cette règle des 40 et 60 p. 100.
En ce qui concerne la capacité de payer, voici un autre cas qui m'a été soumis. Que préféreriez-vous payer, 1 200 $ ou 78 $? Si votre enfant passe 39 p. 100 de son temps avec vous vous payez 1 200 $; s'il passe 40 p. 100, vous payez 78 $. Il est bien évident que vous vous arrangerez pour que votre enfant passe 40 p. 100 de son temps avec vous.
M. Paul Forseth: Si je comprends bien, la règle des 40 p. 100 crée donc un sérieux problème.
M. Kent Taylor: Oui.
M. Paul Forseth: Avez-vous d'autres remarques à faire au sujet du changement et de son effet sur les enfants, du point de vue de ces derniers?
M. Kent Taylor: Comme je l'ai déjà dit, on a durci l'enjeu. Ce qui compte maintenant, c'est de gagner, et cela va affecter les enfants. Lorsque je fais mon travail de médiateur, je sais que si je parviens à amener les parents à se mettre d'accord, les enfants seront les gagnants.
M. Sean Cummings: Il me semble que sous sa forme actuelle, la législation dissuade les parents de collaborer.
Si nous étions capables de créer un climat positif qui permettrait aux parents de se mettre d'accord sur une formule de partage des responsabilités parentales avec l'aide d'un médiateur professionnel, ils parviendraient souvent eux-mêmes à régler les difficultés d'ordre financier. Dans un tel cas, il ne serait plus nécessaire d'avoir des lignes directrices relatives à la pension alimentaire pour enfants.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice DeWare, aviez-vous une question à poser?
La sénatrice Mabel DeWare: Pas pour le moment.
Le sénateur Duncan Jessiman: J'en ai une. Je ne sais pas si c'est un point dont on a déjà parlé; dites-le-moi si c'est le cas.
Certains nous ont dit que les juges ont un préjugé favorable à l'égard des femmes lorsqu'il s'agit de questions de garde. D'autres, en revanche, déclarent que c'est totalement faux; la raison pour laquelle ce sont les femmes qui obtiennent habituellement la garde des enfants est que les hommes n'y tiennent pas vraiment.
Dites-nous ce qu'est la situation, à votre connaissance. Nous savons qu'effectivement dans 85 à 90 p. 100—je pense qu'on sera d'accord avec moi—c'est ce qui se passe, mais est-ce vraiment parce que les hommes ne veulent pas avoir la garde de leurs enfants? Je parle de garde exclusive ou de garde pendant 40 p. 100 à 50 p. 100 ou plus du temps. Où est-ce au contraire parce qu'il existe un préjugé à l'égard des femmes? Quelle est votre expérience dans ce domaine?
M. Kent Taylor: Cela soulève vraiment un problème pour moi. Les hommes veulent-ils vraiment avoir la garde des enfants? En réalité, les hommes veulent un plan de partage des responsabilités.
Le sénateur Duncan Jessiman: Si vous avez un tel plan...
M. Kent Taylor: Lorsque vous avez la garde, vous avez aussi le contrôle.
Le sénateur Duncan Jessiman: Lorsque vous parlez de ce plan, voulez-vous dire qu'il s'agit d'un partage des responsabilités, avec deux domiciles différents et...
M. Kent Taylor: Peu importe le plan, pourvu qu'il fonctionne bien. L'expérience m'a appris que si j'aide deux parents à préparer ce genre de plan, ils vont en concevoir un qui, dans la plupart des cas, sera celui qui est le meilleur pour leurs enfants. Cependant, lorsque vous utilisez des termes tels que «Qui va avoir la garde», vous touchez à la question du contrôle. Je voudrais qu'on supprime ces termes. Je ne peux pas les supporter.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je suis d'accord avec vous, mais avez-vous constaté que les hommes avec qui vous traitez tiennent vraiment à être responsables de leurs enfants?
M. Kent Taylor: Je crois que beaucoup d'entre eux le veulent. C'est une bonne façon de dire les choses.
Le sénateur Duncan Jessiman: Seraient-ils prêts à les loger trois, quatre ou cinq nuits par semaine?
M. Kent Taylor: D'après ce que j'ai vu, ils le feraient, du moins la majorité d'entre eux.
Le sénateur Duncan Jessiman: Bien.
M. Sean Cummings: Je suis aussi d'accord. Je crois que ce que recherchent en général les hommes, c'est la possibilité de jouer un rôle réel, après que le divorce a été prononcé.
D'après les pères à qui j'ai eu affaire, tous les hommes, qu'ils soient célibataires, mariés ou en cours de divorce, ont l'idée préconçue que s'ils divorcent et s'ils ont des enfants, ils perdront le rôle dont ils jouissaient jusque-là; ils se disent qu'ils vont perdre leurs enfants. Je crois que c'est cela qui crée le syndrome de la forteresse assiégée chez beaucoup d'hommes.
C'est donc un problème très sérieux, mais j'ai également été témoin d'actes de générosité incroyables, merveilleux, de la part de certains hommes; en dépit du climat d'hostilité inhérent au système, afin de faciliter les choses pour leur ancien conjoint et d'essayer de régler la question de manière pacifique.
Je crois que c'est ce que recherchent la plupart des pères. Je crois que cette idée de contrôle ne compte vraiment pas pour eux.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je n'ai pas d'autre question. Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Sénatrice DeWare.
La sénatrice Mabel DeWare: Je crois que ce dont nous devons tous nous souvenir, c'est que les parents sont parents pour la vie. Une fois que vous êtes parent, vous ne pouvez plus rien y changer.
Ne croyez-vous pas qu'au lieu de continuer à nous débattre avec ces termes de garde et de droit de visite, nous ferions mieux de les éliminer de la loi et de parler des responsabilités parentales, de leur partage? Cela crée beaucoup de confusion.
M. Sean Cummings: Je suis d'accord.
La sénatrice Mabel DeWare: Je crois que les enfants... Que veulent donc dire les mots garde et droit de visite? Je crois qu'il va falloir faire le tour de la question des responsabilités parentales. Au cours du mois écoulé, ce qui est ressorti des audiences de ce comité, ce sont les questions liées aux responsabilités parentales, à la planification et au partage de ces responsabilités. Il va falloir que nous réfléchissions à la manière de traiter tout cela.
J'étais heureuse de vous entendre parler des lignes directrices, car c'est une question avec laquelle nous nous sommes colletés. Sean, avez-vous comparu devant ce comité?
M. Sean Cummings: Oui. C'était l'avant-veille de la fin des audiences.
La sénatrice Mabel DeWare: Oui, je pensais bien avoir reconnu votre nom. Vous êtes de Halifax, n'est-ce pas?
M. Sean Cummings: C'est exact.
La sénatrice Mabel DeWare: Je crois qu'il y a deux ou trois choses dont nous devrions discuter.
Vous avez dit, je crois, qu'il fallait éliminer l'affrontement. Je crois que c'est une des premières choses que vous ayez dites. Il ne s'agit pas d'un concours pour déterminer qui sera le vainqueur. Je crois qu'il faut éliminer cela. Nous y parviendrons peut-être si l'on oblige les gens à s'interroger sérieusement et à se dire, «Il ne s'agit pas de nous, il s'agit de nos enfants». Je reconnais que tous ces rapports sont difficiles, mais cela marche parfois. J'imagine que vous avez une certaine expérience de la question. Cela marche bien lorsque deux parents acceptent de trouver une solution satisfaisante qui tient à la fois compte de leur décision de se séparer et du sort de leurs enfants.
Il faut donc que nous éliminions l'affrontement entre les parents. Je crois que c'est possible, si nous cherchons sérieusement une sorte de... Ce qu'il nous faut c'est une claire orientation et des lignes directrices en ce qui concerne le partage des responsabilités parentales.
M. Sean Cummings: Je suis absolument convaincu qu'à partir du moment où les parents se séparent, il faut les engager dans un processus qui leur fera franchir une étape de plus que celle que représente le programme de formation offert en Alberta, c'est-à-dire, leur apprendra littéralement à être de bons parents. La famille a changé de forme et il faut donc apprendre aux parents à communiquer avec quelqu'un qu'ils n'aiment pas. Il faut leur apprendre à partager leurs responsabilités parentales avec quelqu'un qu'ils haïssent. Il faut leur apprendre à faire toujours passer les besoins de leurs enfants avant les leurs. Ce sont des qualités qui peuvent être enseignées. Dans notre collectivité, il y a beaucoup de professionnels capables de le faire.
La sénatrice Mabel DeWare: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci. Sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: J'ai une brève question à poser. Nous sommes un peu en retard, mais je tenais à remercier les témoins.
Je voudrais remercier monsieur Kent Taylor de ce qui m'a paru extrêmement... [Note de la rédaction: Inaudible]. D'une façon générale, je voudrais souligner l'intérêt du témoignage de M. Taylor au sujet de la nécessité d'examiner le rôle des avocats dans le processus. Beaucoup de témoins nous ont dit—et je crois que M. Kruk a fait beaucoup de recherches là-dessus en Colombie-Britannique—que de nombreux parents se séparent en disant qu'ils veulent demeurer de bons parents, et que le flot constant de lettres exaspérantes qu'ils reçoivent au cours du processus contribue à miner la confiance que chacun avait au départ dans les intentions et les qualités parentales de son conjoint. Il faudra bien, à un certain moment, que notre comité en vienne à étudier le rôle des avocats dans ce processus et prenne note de cette remarque essentielle de M. Taylor.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Je me souviens très clairement qu'une des parties était allée voir un avocat—c'était la femme—et il n'avait pas fallu beaucoup de temps pour qu'elle remette le passeport de son mari à l'avocat, qu'une requête en divorce soit présentée et qu'une foule de choses désagréables se produisent. Cet homme était ensuite venu me voir pour essayer de débrouiller la situation créée par cet avocat. Je n'oublierai jamais le pauvre homme. Je n'oublierai jamais ses mots. Voici ce qu'il m'a dit, «J'ai besoin de quelques jours. Je traverse une telle crise de confiance que j'ai vraiment besoin de quelques jours pour me résoudre à discuter encore une fois de tout ce qui s'est passé». C'est le point que vous avez soulevé.
• 1220
Lorsqu'un homme et une femme ont un enfant, ils créent entre
eux un lien qui durera toute leur vie. On ne peut rien changer à
cela. Tous ceux qui s'occupent de questions de divorce doivent bien
comprendre qu'ils demeurent la mère et le père de leurs enfants,
qu'ils continuent à constituer une famille, même s'ils sont
divorcés. Il faut respecter ces liens. Il faudra bien, à un moment
ou à un autre, que nous nous penchions sur ce phénomène. Et je
considère que c'est une forme d'abus que d'aggraver ce genre de
situation.
Je vous remercie d'avoir soulevé la question. Vous l'avez présentée avec énormément de sensibilité et de chaleur, et je vous en suis reconnaissante.
Des voix: Bravo! Bravo!
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Non, je vous en prie. Il s'agit d'une audience parlementaire. Pas d'applaudissements. Merci.
Avez-vous un commentaire à faire?
M. Kent Taylor: Non.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Bien. Je vous remercie tous deux de vos exposés.
Notre prochain témoin est M. Herbert Allard, juge en retraite du tribunal de la famille.
M. Herbert Allard (témoignage à titre personnel): Mesdames et messieurs, je me trouve dans un rôle peu familier pour moi. J'ai l'impression de me trouver un peu dans une tanière de loups, à moins qu'il ne s'agisse de lions.
Il serait peut-être préférable que je vous explique tout d'abord très brièvement pourquoi je suis ici. J'ai travaillé toute ma vie, 49 ans pour être précis, dans le système de tribunaux pour la famille de l'Alberta, où j'ai commencé comme travailleur social préposé à la protection de la jeunesse. Je suis finalement devenu directeur adjoint de l'aide à l'enfance. C'est moi qui ai créé la première structure administrative pour les tribunaux de la famille dans le sud de l'Alberta. J'ai engagé les premiers conseillers auprès des tribunaux provinciaux de cette région. Nous sommes les pionniers d'un programme organisé d'application des ordonnances alimentaires axé sur la médiation, car nous croyions que les hommes, qui étaient en général les principaux pourvoyeurs de soutien financier, accepteraient de payer et de le faire plus régulièrement s'ils avaient le sentiment que les paiements étaient justes et équitables. Nous avons également recruté du personnel chargé d'aborder le système sous cet angle mais aussi de prendre des mesures rigoureuses d'application en cas de non-respect des obligations.
J'ai été nommé juge au tribunal de la famille il y a 39 ans. Cela a été une expérience intéressante pour moi; pendant tout ce temps-là, j'ai été juge administratif à Calgary. J'ai également ceci de particulier que je n'ai jamais pratiqué le droit. Si vous voulez lapider les avocats, ne me prenez pas pour cible. Et si vous voulez vous en prendre aux juges, n'en faites rien—je suis en retraite. Je suis maintenant libre de parler, et je me sens obligé de vous parler de mon expérience. Je crois avoir quelque chose d'intéressant à vous apporter.
Premièrement, je ne peux m'empêcher de noter qu'il y a quelque chose d'insolite dans cette pièce. Il y a un tas d'hommes présents, ce qui n'arrivait jamais dans mon tribunal. Je ne sais pas où ils étaient, mais lorsque les enfants étaient en difficulté, c'étaient les mères qui venaient. Les hommes se présentaient en général à contrecoeur—lorsqu'il s'agissait d'un défaut de paiement de la pension alimentaire ou d'un autre problème. J'entends beaucoup parler autour de moi du mal qu'on fait aux hommes. L'absence des femmes signifie-t-elle qu'elles sont satisfaites de leur sort, ou qu'elles ne se sentent plus menacées? Ou y a-t-il ici beaucoup d'hommes qui ont souffert et qui sont venus pour quelque raison obscure?
Je suis alarmé de voir la quantité d'histoires anecdotiques auxquelles nous croyons. Nous avons tendance à le faire lorsqu'il s'agit de problèmes sociaux. Un des exemples les plus classiques est l'attaque injustifiée contre la Loi sur les jeunes contrevenants. Tout cela a un caractère purement anecdotique. Mais lorsque vous étudiez les choses vraiment de très près, vous vous apercevez que ce qui est dit est délibérément trompeur. Je vais moi-même essayer d'éviter de tomber dans le même travers.
Garde conjointe, garde partagée, partage des responsabilités parentales, médiation, conciliation, négociation, compromis, règlement, règlement sous contrainte, entente véritable, etc., voilà des mots que j'entends prononcer depuis près de 50 ans. Ce sont les termes qui font l'objet du débat.
• 1225
Un terme dont nous n'avons pas beaucoup entendu parler ce
matin, est le critère d'intérêt supérieur; à mon avis, c'est
probablement un des termes utilisés à plus mauvais escient. On le
définit rarement. Selon moi, personne n'est d'accord sur ce que
signifie exactement «intérêt supérieur».
Lorsque les gens vivent comme mari et femme, il est rare que les responsabilités et les prises de décision soient également partagées. Elles le sont dans une certaine mesure, mais pas également. C'est en tout cas très rare, sur le plan du travail. À mon avis, ce sont les femmes qui travaillent encore toute la journée et qui lavent les couches le soir—excusez-moi, cela trahit bien mon âge. Cela ne se fait plus. Elles sont tout de même obligées de se débarrasser des Pampers.
C'est une différence culturelle, un point c'est tout. Qui reste à la maison lorsque les enfants sont malades? Les mères. S'il y a un choix à faire, et que les deux parents ont un emploi, ce sont les mères qui restent à la maison. Peut-être nos rapports sont-ils déterminés par notre histoire culturelle.
Pour revenir au critère d'intérêt supérieur, nous avons un problème à résoudre à cause de tous ces points de vue culturels et historiques qui sont d'ailleurs en train d'évoluer. Il y a encore des familles traditionnelles dans lesquelles la mère reste au foyer; et il y en a d'autres, aujourd'hui, où c'est la mère qui touche le plus gros salaire. À mon avis, les femmes sont cependant encore désavantagées.
Le critère d'intérêt supérieur est un terme que nous utilisons pour déguiser le fait que nous ne nous soyons pas encore décidés. Il est arbitraire, il n'est pas réglementé, il est anecdotique, et il signifie souvent le meilleur avocat.
Permettez-moi de dresser une liste de problèmes très pratiques, persistants et tout à fait ordinaires que pose cette notion d'intérêt supérieur.
La religion: En cas de séparation, que faisons-nous lorsqu'il y a conflit sur le plan religieux? Certaines religions sont plus militantes que d'autres. Supposons qu'il y ait conversion à une autre religion après la séparation et qu'il y ait un préjugé quelconque contre le parent non religieux. C'est quelque chose dont on ne parle jamais.
La culture: Que se passe-t-il lorsqu'il y a une différence de culture, qu'un conjoint est militant et insiste sur la prééminence de sa culture, alors que l'autre se montre plus souple? Les questions autochtones constituent un problème particulier, surtout en ce qui concerne les Indiens inscrits—le fait que l'on décrète qu'à cause de ce statut, l'enfant ne peut être élevé, par exemple, que dans une réserve ou par une personne inscrite.
Il y a aussi bien sûr la question des sexes. Pères et fils, mères et filles, et tout le reste. Il y a enfin celle de l'âge de l'enfant qui fait que l'on se demande si les pères sont vraiment capables de s'occuper de nourrissons.
Je dirais à ce propos, en passant, que l'expérience m'a appris que la plupart des pères ayant des enfants très jeunes—et cela n'a rien à voir avec le profond respect que j'éprouve pour certains pères qui ne se comportent pas du tout comme cela—cherchent à obtenir la garde afin de pouvoir confier l'enfant à quelqu'un d'autre. Il est rare qu'ils s'en occupent personnellement. Ils confient l'enfant à leur propre mère ou père, à leur nouvelle épouse ou amie, etc.
Je sais qu'aujourd'hui, il y a des pères au foyer. Le problème est que des considérations économiques entrent en jeu. En général, les pères gagnent plus et ne peuvent pas se permettre de rester au foyer. En cas de séparation, deux familles ne peuvent pas vivre d'une manière aussi économique qu'une seule, en dépit de tous les arguments contraires.
Il y a aussi la fiction et le préjugé de la richesse. Les préjugés à l'égard des mères assistées sociales sont particulièrement forts, et on a aujourd'hui les mêmes réactions à l'égard des pères qui sont assistés sociaux. Bien entendu, dans le passé, il ne serait jamais venu à l'idée de quiconque que le père puisse se trouver dans une telle situation avec ses enfants, mais il s'agit d'un problème nouveau. En Ontario, par exemple, il existe, mais savez-vous...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Allard, j'hésite à interrompre un juge, même à la retraite, mais pourriez-vous en venir à votre...
M. Herbert Allard: Bien. J'ai énuméré ces problèmes parce que l'on dit qu'il est possible de les régler tous en en parlant. Voici ce que je voulais dire.
Permettez-moi de vous donner l'exemple classique. La mobilité est un nouveau phénomène qui est lié au problème de droit de visite et de privation de ce droit. Permettez-moi de prendre le problème à l'envers. On dit aux femmes qu'elles ne peuvent pas aller vivre ailleurs avec leurs enfants, car les pères ne pourraient plus rendre visite à ceux-ci et c'est les enfants qui seraient punis. Avons-nous jamais dit que le père ne devrait pas déménager, parce que cela l'empêcherait de rendre visite à son enfant et que celui-ci serait privé du droit de voir son père? Devrions-nous punir le père s'il ne se présente pas lorsqu'il devrait le faire ou lorsqu'il dit qu'il voudrait le faire?
• 1230
Je ne pense pas non plus que nous ayons vraiment réglé la
question du partage des soins aux enfants. Pour moi, de jeunes
enfants qui font la navette entre les domiciles de leurs parents,
sac au dos, ne jouissent pas de ce que je considère comme une bonne
qualité de vie.
En fait, je ne crois pas que la majorité des familles aient les moyens de satisfaire aux arrangements concernant le logement, et la Loi de l'impôt sur le revenu n'arrange rien car elle ne favorise pas les véritables formules de partage. Je crois que c'est une pure fiction. Certains ont les moyens de le faire, mais il s'agit seulement de personnes aisées ou riches. Pour les pauvres, ces arrangements sont impossibles.
Il appartient donc au juge de se retrouver dans ce labyrinthe de systèmes de convictions et de valeurs. Et c'est à cela que je voulais vraiment en venir. Je crois que les juges ont un rôle à jouer dans tout cela et qu'en fait, ils le remplissent. Je ne crois pas qu'on puisse résoudre tous les problèmes par la douceur et la gentillesse. Je crois qu'il y a parfois des décisions difficiles à prendre.
C'est ce qu'espèrent parfois les gens. Ils veulent que quelqu'un prenne cette dure décision à leur place. Ils espèrent qu'elle sera prise de façon juste et équitable, dans l'intérêt général des enfants, ce qui implique qu'il faut entendre ce que ceux-ci ont à dire.
Je dirai, à ce propos, que je suis totalement d'accord avec M. Wheeler lorsqu'il dit de quelle manière on devrait procéder pour entendre les enfants. Considérez le dilemme que cela crée.
Je voudrais faire une dernière remarque; après, vous pourrez me poser toutes les questions que vous voulez; vous pourrez même me demander combien je gagne.
Je dirais que les pères reconnaissent aujourd'hui qu'ils ont un rôle important à jouer. Malgré tout, la situation des femmes est pire après le divorce que celle de leurs anciens maris.
À mon avis, la pension alimentaire est inséparable du droit de garde ou des arrangements de partage des responsabilités, mais on a déjà discuté de la Loi de l'impôt sur le revenu et du nombre d'heures et de minutes nécessaires pour être admissible. On se livre à toutes sortes de manigances. Chaque parent déclare un enfant pour lequel il est le principal fournisseur de soins afin d'obtenir le statut équivalent à celui d'une personne mariée. À mon avis, le non-paiement de la pension alimentaire, que cela plaise ou non aux hommes, est un scandale national, et toutes les données le confirment.
J'ajouterai que beaucoup d'hommes sont un danger pour les enfants. Les données le confirment aussi. J'ai été membre du comité Badgley, et nous avons été choqués de voir le nombre de cas de violence et de situations tragiques existant entre le parent et l'enfant. Ce qui est lamentable, c'est que c'étaient surtout les fournisseurs de soins masculins qui étaient responsables de ces situations.
Je voudrais simplement faire une autre remarque au sujet des grands-parents.
Excusez-moi, auparavant je voudrais ajouter un mot au sujet de la pension alimentaire. À mon avis, elle demeurera toujours un élément de négociation dans le conflit qui oppose les parents, quels que soient nos efforts pour changer la situation. Le syndrome du père Noël existera toujours. C'est la personne qui a de l'argent qui peut acheter. C'est elle qui peut inscrire les enfants dans une école privée, et cela lui donne le beau rôle.
En ce qui concerne le counseling, domaine que je connais bien, je m'interroge très sérieusement sur les compétences et la formation de certains de ceux qui prétendent être des médiateurs. Un cours de six heures ou six semaines au Mount Royal College ne suffisent pas, à mon avis, pour qu'on puisse se faire passer pour un expert.
Je crois que ce qu'il nous faut, ce sont des données fiables. Par exemple, est-il vraiment exact que le droit criminel est souvent utilisé mal à propos dans le conflit qui oppose les parents, ou est-ce vraiment une histoire qu'on raconte? Le sort des mères au foyer s'est-il amélioré en quoi que ce soit du fait des nouvelles dispositions? Le nouveau régime permet-il de toucher la pension alimentaire de manière plus juste et efficace?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Pouvons-nous vous poser des questions?
M. Herbert Allard: Oui.
Je voudrais dire un dernier mot au sujet des grands-parents. J'en suis moi-même un.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oh!
M. Herbert Allard: Je tiens à rappeler au comité que chez les grands-parents, il y a aussi des belles-mères. Je sais que c'est un terme péjoratif, mais je veux faire cette dernière observation. La belle-mère qui s'immisce dans la vie familiale demeure la même belle-mère envahissante après le divorce ou la séparation.
Je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Merci, soyez le bienvenu au comité.
Dans vos déclarations préliminaires, vous avez dit qu'on a toujours pensé que les paiements augmenteraient ou seraient faits régulièrement s'ils étaient considérés comme fondamentalement équitables. Selon vous, les nouvelles lignes directrices, le nouveau régime nous ont-ils fait perdre quelque chose?
M. Herbert Allard: Oui. En fait, depuis l'adoption de ces lignes directrices, les anciennes épouses et les enfants touchent moins d'argent en Alberta. Les choses marchaient mieux dans notre province avant l'adoption de ces mesures, qu'il s'agisse des montants versés en dollars absolus ou de la manière dont le conflit entre les parents était traité.
M. Paul Forseth: Pourquoi?
M. Herbert Allard: Je n'en sais rien.
M. Paul Forseth: Avez-vous une idée là-dessus?
M. Herbert Allard: Je crois devoir rappeler au comité que dans tout le Canada, deux paliers de tribunaux s'occupent de ces questions: les tribunaux de la famille provinciaux et la cour fédérale.
M. Paul Forseth: Je le sais.
M. Herbert Allard: Ces lignes directrices s'appliqueraient-elles dont au niveau provincial? Le fait que les questions de séparation et de pension alimentaire sont réglées à deux niveaux différents ajoute un élément de confusion de plus à la situation.
Les nouvelles dispositions avantagent l'épouse-mère qui a un revenu élevé, parce qu'elle n'est pas imposée. Si elle a un faible revenu, il est préférable qu'elle soit imposée et c'est plus avantageux pour le payeur, puisqu'il peut déduire ces paiements de ses impôts.
Nous avons créé un nouveau système qui offre de larges possibilités de machination.
M. Paul Forseth: Et nous avons également modifié l'ancien principe d'équilibre entre le besoin manifeste et la capacité de payer; il ne reste plus aujourd'hui que la capacité de payer.
M. Herbert Allard: Non, je ne pense pas que votre interprétation soit correcte. Je ne pense pas que ce soit aussi tranché que cela.
En fait, si vous me permettez d'ajouter un mot, le rêve poursuivi était d'égaliser la situation entre les parties, mais il n'a jamais été réalisé. Il est rare que les hommes paient des montants d'une importance telle qu'ils se trouvent ramenés au même niveau de vie que la femme qui s'occupe des enfants; il en va de même, à l'inverse, lorsque la mère est aisée.
M. Paul Forseth: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: Juge Allard, vous avez siégé dans les tribunaux pendant 39 ans?
M. Herbert Allard: Non, 37, mais j'ai parfois l'impression que cela a duré 39 ans.
Le sénateur Duncan Jessiman: Quand étiez-vous juge au tribunal provincial de la famille?
M. Herbert Allard: Pendant toute ma carrière.
Le sénateur Duncan Jessiman: Quand avez-vous pris votre retraite?
M. Herbert Allard: Il y a un an et demi environ. J'ai déjà d'ailleurs l'impression d'être devenue un dinosaure.
Des voix: Oh, oh!
Une voix: À vous entendre, on pourrait effectivement le penser.
M. Herbert Allard: Oui.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Pas de commentaires du public.
Le sénateur Duncan Jessiman: Au cours de ces 39 années, avez-vous jamais accordé la garde exclusive des enfants à un homme?
M. Herbert Allard: Oui, mais je dois vous dire que je n'ai jamais vraiment eu à traiter de demande de ce genre. En fait, je ne pense même pas avoir été obligé d'en rejeter une seule. Habituellement, les hommes avaient des motifs valables et avaient un plan qui se tenait.
D'après mon expérience, ce genre de situation ne se présentait jamais devant les tribunaux provinciaux.
Le sénateur Duncan Jessiman: Mais vous avez dit que vous vous souveniez d'un cas particulier.
M. Herbert Allard: Plus d'un, mais c'était rare.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous ne pensez pas que vous étiez un peu prévenu? Aviez-vous vraiment l'esprit ouvert au départ?
M. Herbert Allard: Voici ce que je peux vous dire. J'ai été élevé par un parent seul. J'estimais que j'avais une identité—et donc une culture, qu'il fallait que je fasse attention.
Le sénateur Duncan Jessiman: Quel parent?
M. Herbert Allard: Ma mère.
J'étais obligé de faire attention et de toujours tenir compte du fait que j'apportais peut-être une interprétation très personnelle de l'effet des maux d'argent, des difficultés d'une mère seule qui doit s'occuper d'un enfant. J'étais très conscient des problèmes d'argent. Je n'étais cependant pas vraiment compétent dans le domaine du partage des responsabilités. J'ai un diplôme de psychologie et de sciences sociales, mais c'est l'expérience, année après année... Peut-être répète-t-on parfois les mêmes erreurs année après année.
Il n'existe pas de critère qui vous permette de savoir si vous avez des préjugés. Comment peut-on vraiment sonder son propre coeur et comment faire pour savoir si on manque d'impartialité?
Le sénateur Duncan Jessiman: Votre père était-il décédé ou étiez-vous...
M. Herbert Allard: Oui.
Le sénateur Duncan Jessiman: Il est mort quand vous étiez très jeune?
M. Herbert Allard: Oui, et cela dit en passant, ma mère a toujours dit qu'elle était un parent unique méritant. Elle était heureuse de ne pas avoir été abandonnée ou de ne pas avoir divorcé. Elle aurait alors été considérée comme une épouse indigne pour avoir chassé son mari ou avoir failli d'une manière ou d'une autre. La mort n'est pas un échec.
Le sénateur Duncan Jessiman: Considérez-vous donc que vous avez des préjugés en faveur des femmes?
M. Herbert Allard: Non, mais je crois que j'ai compris ce que c'était que de vivre dans la pauvreté. J'ai compris ce qu'était le sort d'une mère seule qui essaie d'élever des enfants sans avoir de métier ou de revenu suffisant. Si c'est là un préjugé...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Pouvons-nous continuer, sénateur Jessiman?
Le sénateur Duncan Jessiman: Oui.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame St-Jacques.
[Français]
Mme Diane St-Jacques: Dans vos commentaires,
[Editor's Note: Interpretation] ...you mentioned that the interest of the children is not well defined. We don't know what it represents. Do you think, as Mrs. Wheeler does, that children should be consulted in divorce proceedings, regardless of their age?
[Traduction]
M. Herbert Allard: Je crois qu'elle a expliqué avec éloquence qu'il faut agir avec beaucoup de tact car on risque autrement de créer un sentiment d'aliénation entre un enfant et un parent. Autrement dit, lorsque le parent dit «Tu ne m'as pas choisi», ou «Tu t'es plaint de moi», il risque de le perdre.
Je remarque que le mot «amour» n'a pas été prononcé une seule fois ce matin. Comment cesse-ton d'aimer? On cesse d'aimer parce qu'on a été blessé. La séparation ne tue pas toujours l'amour, mais c'est un rôle très difficile lorsqu'il y a tant de haine et de colère.
Je crois, par exemple, que c'est une erreur de demander à l'enfant avec quel parent il veut vivre. Le choix est souvent fait pour eux sans tenir compte de leurs intérêts. L'enfant pourra répondre, ma mère a besoin de moi, ou mon père a besoin de moi. Mais qui songe à leurs propres besoins?
Je crois qu'il vaut mieux leur poser la question suivante: «Que fais-tu lorsque tu es avec ta mère? Que fais-tu lorsque tu es avec ton père?», quelque chose de ce genre.
D'autre part, l'enfant est déçu lorsque vous n'acceptez pas ce qu'il vous demande. Quand il s'agit d'un adolescent, il est tout à fit vain de rendre un jugement avec lequel il n'est pas d'accord. Il ne perdra pas de temps à enfreindre votre ordonnance, et vous risquez même de faire de lui quelqu'un de très malheureux... Et ce que vous jugez ne pas être dans l'intérêt supérieur de l'adolescent, s'il refuse de bouger, que pouvez-vous faire? Vous ne pouvez pas le traîner contre son gré chez le parent avec qui il ne veut pas vivre.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: Merci, madame la présidente.
Si je puis me permettre de vous poser une question, juge Allard, vous étiez ce que, dans l'ancien système, on appelait un magistrat. C'est bien cela?
M. Herbert Allard: Non, à ce niveau, en Alberta, nous sommes des juges depuis plus de 40 ans. Mais j'étais un juge non professionnel, selon le terme consacré. J'étais le dernier à ne pas avoir de formation juridique, si je peux me permettre de l'exprimer ainsi.
La sénatrice Anne Cools: Exactement. Je ne connais pas très bien l'Alberta, mais je sais qu'en Ontario, les juges des tribunaux de la famille étaient appelés des magistrats; en tout cas, cela n'a pas d'importance. Trente-neuf années, c'est manifestement très long; cela veut donc dire que vous remplissiez déjà ces fonctions avant 1968.
M. Herbert Allard: J'ai débuté en 1949.
La sénatrice Anne Cools: Bien, vous avez débuté en 1949. Dans les affaires que vous avez traitées au tribunal de la famille, quel a été le pourcentage des cas de divorce de personnes mariées par rapport au nombre de séparations de conjoints de fait?
M. Herbert Allard: La cour provinciale n'a pas compétence en matière de divorce, mais nous étions habilités à émettre des ordonnances d'entretien si la question n'était pas réglée au niveau de la cour supérieure.
La sénatrice Anne Cools: Voilà ce que j'essayais de vérifier, madame la présidente. Chaque province a une loi ancienne. En Ontario, elle s'appelait la loi sur l'obligation d'entretien envers les femmes et les enfants.
M. Herbert Allard: En effet.
La sénatrice Anne Cools: Je comprends bien, mais ce n'était pas là ma question.
Ce que je voulais savoir c'était le nombre de personnes qui ont comparu devant vous. En gros, quel était le pourcentage des divorces de couples mariés par rapport à celui des séparations de couples de fait?
M. Herbert Allard: Nous n'avions pas compétence en ce qui concernait les enfants nés hors mariage, comme nous les appelions alors. Ces enfants n'avaient pas de beau-père. La mère était considérée comme la seule tutrice, et l'est toujours, je crois, dans la loi de l'Alberta. Il fallait donc une instance spéciale pour qu'elles obtiennent une ordonnance alimentaire lorsque leur enfant était né hors mariage.
La sénatrice Anne Cools: Bien. Quelle était la situation des personnes qui comparaissaient devant vous?
M. Herbert Allard: Pour pouvoir présenter une demande de pension alimentaire, il fallait qu'elles soient mariées ou qu'elles l'aient été ou qu'elles demandent l'application d'une ordonnance d'une cour supérieure.
La sénatrice Anne Cools: Bien. Je vais vous lire quelque chose et je souhaiterais, si vous le voulez bien, que vous me disiez ce que vous en pensez.
Il y a quelques semaines, à Toronto, juste en dehors de la ville, dans l'affaire L.B. c. R.D., un juge de la cour provinciale, le juge Patrick Dunn, a condamné une femme qui avait refusé le droit de visite 41 fois à son ex-conjoint. Devant ces 41 refus et des infractions répétées à la décision du tribunal, ainsi que pour d'autres raisons, le juge Patrick Dunn a condamné Lisa Barbosa à 60 jours de prison pour outrage au tribunal. Je vais vous lire ce que le juge Dunn...
M. Herbert Allard: Je connais bien ce jugement.
La sénatrice Anne Cools: Bien. Vous savez donc qu'elle a utilisé de fausses allégations d'agression sexuelle?
M. Herbert Allard: Oui.
La sénatrice Anne Cools: Vous savez donc qu'elle a maintes fois comparu devant les tribunaux.
Bien, et puisque vous êtes maintenant dégagé de vos responsabilités, si cette affaire avait été portée devant vous, qu'auriez-vous fait? Quelle décision auriez-vous prise?
M. Herbert Allard: Vous m'aviez entraîné sur une voie un peu différente en me parlant de personnes mariées, non mariées, d'unions de fait, etc. J'aurais dû ajouter que la compétence des tribunaux a été modifiée en Alberta et que la notion d'enfants nés en dehors du mariage a également changé. Il y a une nouvelle loi. Mais je tenais simplement à le préciser aux fins du compte rendu.
Cela présente le même genre de difficulté que l'emprisonnement d'un homme pour défaut de versement d'une pension alimentaire. C'est totalement vain. Une fois que cet homme sera en prison, vous ne pourrez certainement pas en obtenir de l'argent. Le recours a des sanctions telles que l'emprisonnement pour ce que l'on pourrait considérer comme un outrage civil ne constitue donc pas un dilemme nouveau, et il n'y a jamais de solution facile. En Alberta, en vertu de la Loi sur les poursuites sommaires, nous avons condamné des hommes et des femmes pour outrage au tribunal. Mais cela ne change pas grand chose à quoi que ce soit.
La sénatrice Anne Cools: Je voulais avoir votre avis, car c'est le genre de situation que vous avez eu à traiter pendant 39 ans. Je compatis avec les juges qui ont été confrontés à ce genre de situations extrêmement difficiles, et ce que je voudrais déterminer, c'est le genre de conseil ou d'aide que nous pouvons donner à ceux qui font face à ces terribles problèmes.
Comme vous avez très clairement dit que vous connaissiez fort bien cette affaire, je voudrais savoir ce que vous auriez vous-même fait dans ce cas?
M. Herbert Allard: Je n'aurais probablement pas fait grand chose de différent. Ce que je voudrais savoir, c'est ce qui est arrivé aux enfants et quel a été l'effet à long terme sur eux? Leur situation en sera-t-elle améliorée? Je n'en sais rien. C'est une question de pure forme, mais je continue à me demander en quoi cela a été utile aux enfants? Je ne sais pas, mais la loi poursuit son petit bonhomme de chemin. Nous n'avons pas trouvé d'autre remède à ce genre de situation.
La sénatrice Anne Cools: Avec tout le respect que je dois au témoin, je dirais que le problème tient au fait que les enfants n'enfreignaient pas les décisions du tribunal, pas plus qu'ils n'étaient coupables d'outrage au tribunal de Sa Majesté ou aux lois de Sa Majesté. À mon avis, ils sont innocents. Ce dont ils ont besoin, c'est de notre amour, de notre affection, de nos soins et, j'ajouterai, de notre protection. Ma question, étant donné que d'anciens juges ont déjà comparu devant le comité...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Veuillez conclure rapidement.
La sénatrice Anne Cools: C'est ce que je fais.
Dans la situation très difficile à laquelle le juge Dunn a été confronté, je me demande si, au cours de votre carrière, face aux mêmes circonstances, vous auriez pris la même décision?
M. Herbert Allard: C'était un cas scandaleux de non-observation.
Un témoin précédent a dit quelque chose qui m'a paru très important. Les hommes ont l'impression que l'État utilise tous ses pouvoirs pour les obliger à verser la pension alimentaire, mais qu'il ne fait rien pour faire respecter leur droit de visite. Je crois que c'est très légitime de leur part. C'est sur ce plan que se pose la question de l'équilibre des pouvoirs.
Il y a cependant un autre problème dont les gens ne parlent pas. C'est celui de l'équilibre de l'argent. Il est beaucoup plus fréquent que le pouvoir de l'argent et la possibilité de faire appel aux meilleurs avocats et conseillers peut influer sur les résultats, mais c'est une chose dont nous ne parlons pas beaucoup.
La sénatrice Anne Cools: Nous n'y pouvons pas grand chose, mais je suis convaincue que le Parlement a le devoir d'apporter son soutien aux juges qui se trouvent dans des situations aussi délicates, et j'essaie simplement de me faire une idée de la manière dont nous pourrions procéder.
M. Herbert Allard: Je vais vous dire ce qu'on ne devrait pas faire... on ne devrait pas laisser entendre que parce que quelqu'un ne respecte pas l'ordonnance, ils peuvent tout simplement arrêter de payer la pension alimentaire. C'est une menace courante. Les tribunaux sont complètement submergés par ce genre de cas—«Si je ne peux pas voir le résultat, je ne paie pas». Mais l'allocation versée n'est pas la contrepartie de quelque chose de tangible; le paiement, c'est pour l'entretien des personnes concernées.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice DeWare, avez-vous une brève question?
La sénatrice Mabel DeWare: Je pense que vous et moi, monsieur Allard, pouvons probablement évoquer les 40 dernières années—puisque nous avons l'air d'être dans la même fourchette d'âge—et témoigner de l'évolution des familles et des responsabilités familiales au fil de ces années. La plupart de nos belles-filles et de nos fils doivent travailler à deux pour gagner...
Je ne suis pas ici pour protéger une partie plutôt que l'autre, mais je voudrais néanmoins faire remarquer une chose. Vous avez dit que selon vous, sous le nouveau régime d'entretien, les pères s'en tiraient mieux qu'avant. Je veux simplement éclaircir un point. Deux ou trois de ces pères nous ont fait remarquer qu'ils ne remettaient pas en question les paiements du nouveau régime ni le barème et que ceux qui ne veulent pas payer sont rares. Mais quand ils se remarient et qu'ils ont une nouvelle famille, ils trouvent difficile de lui offrir le même soutien qu'à la première. Souvent, ils doivent trouver un deuxième emploi, à temps partiel, pour les aider.
Les ex-conjointes, dans deux cas qui m'ont été rapportés, ont découvert que leur ex-conjoint avait un deuxième emploi et avait un supplément de revenu. Elles sont revenues devant le tribunal et ont reçu, ou reçoivent, une partie de ce second salaire. Les hommes lèvent les bras au ciel en disant qu'ils ne savent plus que faire. Ils estiment qu'ils se conforment à la loi...
M. Herbert Allard: Vous savez, j'ai déjà parlé de ça plus tôt, mais je pourrais peut-être répondre à votre question de cette façon. Malgré tout, en dépit de ce qui se produit un peu partout, le partage égal n'est pas monnaie courante.
La sénatrice Mabel DeWare: Vous avez raison.
M. Herbert Allard: C'est également un dilemme et cela l'a été tout au long de ma carrière—qu'est-ce qu'il faut faire? À quelle famille donner la priorité pour ce qui est de l'argent? Pour dire les choses carrément, la seconde épouse devrait-elle rester à la maison alors que la première travaille? Je ne peux répondre à ces questions. Le problème vient du fait, je pense, que dans notre société, nous n'avons pas encore pris de décision. En plus, nous avons des politiques d'assistance sociale qui ont une incidence sur la question.
La sénatrice Mabel DeWare: Et comment, monsieur, pourrions-nous réglementer les relations humaines?
M. Herbert Allard: Sans doute, pour dire le fond de ma pensée, la question est loin d'être aussi simple que ne laissent entendre, je pense, les gens qui vous présentent leur mémoire. Je ne pense pas, comme je l'ai déjà fait remarquer, qu'on puisse changer le cours d'une vie en six heures d'entretien. On peut aider, je ne le conteste pas, mais je pense qu'il serait trop optimiste de croire que nous allons sortir d'ici avec les grandes lignes d'un projet de loi, avec une panacée.
Écoutez, nous sommes passé de la Loi sur les jeunes délinquants à la Loi sur les jeunes contrevenants, et qu'est-ce que ça a donné? Nous avons provoqué une nouvelle levée de boucliers. Pourquoi? Juste parce que nous avons changé l'étiquette. Et, à mon humble avis, en changeant l'étiquette, nous n'avons rien résolu.
La sénatrice Mabel DeWare: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci bien, monsieur Allard.
M. Herbert Allard: Merci. Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je voudrais, en réponse à la sénatrice DeWare et à vos propres observations, partager une citation de Samuel Johnson.
Combien minuscules, parmi tous les tourments du coeur humain, sont
ceux que les lois ou les rois peuvent causer ou guérir!
M. Herbert Allard: Et vous vous souvenez sûrement du fameux litige biblique portant sur la garde de l'enfant.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je m'en souviens.
M. Herbert Allard: Merci beaucoup. C'est un honneur pour moi d'être ici. Je savoure ma liberté nouvellement retrouvée, même si plusieurs, dans les tribunes pensent que je suis un dinosaure.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
J'appelle à la table les témoins suivants. De la Men's Educational Support Association, Gus Sleiman et Paul Miller; du Men's Education Network, Jay Charland; et de l'Equitable Child Maintenance and Access Society, section d'Edmonton, Carolyn VanEe et Brian St. Germaine.
Je pense que la plupart d'entre vous avez été ici une bonne partie de la matinée; je voudrais quand même vous rappeler que si vos observations sont concises, il restera plus de temps pour la période de questions.
Qui aimerait commencer? Commençons par ici cette fois-ci.
M. Paul Miller (membre, Men's Educational Support Association): Je m'appelle Paul Miller. Je suis membre de la Men's Educational Support Association.
Le Canada se sert depuis toujours du sexe des parents pour orienter les décisions relatives à la garde des enfants. Cette préférence accordée à l'un des deux groupes est créée et entretenue par les juges dans les salles d'audience, même s'il n'est nullement prouvé qu'un des deux sexes a une compétence parentale supérieure innée. En réalité, le fait de s'appuyer sur le sexe des parents pour déterminer la garde peut défavorise les enfants en les privant du parent qui leur convient le mieux.
• 1255
Nous sommes en présence de deux populations de parents, où les
habiletés parentales sont équitablement réparties, mais nous ne
sélectionnons qu'au sein d'une de ces populations. Cela produit des
résultats qui ne vont pas toujours dans le sens de l'intérêt de
l'enfant.
Au cours de la dernière décennie, ce préjugé sexiste a pris de l'ampleur après qu'on a eu enseigné aux juges que les femmes désireuses d'obtenir la garde partaient avec un handicap dans la salle d'audience. Les pères qui veulent s'occuper de leurs enfants après un divorce font face à une situation encore plus difficile que celle des femmes qui, il y a à peine quelques décennies, voulaient accéder au marché du travail.
La situation des enfants et de leurs parents à l'issue d'un divorce peut être améliorée par certaines des mesures suivantes:
- les séminaires sur les préjugés qui peuvent fausser les décisions judiciaires devraient être modifiés pour refléter le vécu des pères divorcés. Notre témoin précédent est probablement un bon exemple à cet égard;
- les juges doivent apprendre que, dans une cour de justice, les pères n'obtiennent presque jamais la garde et que cette pratique ne va pas dans le sens de l'intérêt des enfants;
- un programme de promotion sociale devrait être créé au sein du système judiciaire pour encourager la garde des enfants par les pères;
- il devrait exister un organisme de surveillance des arrangements de garde conjointe dont le mandat consisterait à équilibrer le temps de garde et à aider les parents à faire face à leurs sentiments d'aliénation;
- il faudrait restaurer le droit de visite des deux parents auprès des enfants;
- il faudrait adopter des stratégies de communication non agressives—appels téléphoniques, surveillance de la supervision parentale, counseling—pour remplacer les outils émoussés que propose la Maintenance Enforcement Act;
- une section devrait être ajoutée à la Loi sur le divorce afin de reconnaître officiellement que les deux parents des deux sexes ont une capacité égale d'élever leurs enfants à l'issue d'un divorce;
- un fonds d'aide juridique devrait être créé pour permettre aux pères de contester légalement le handicap que les lois sur la famille leur ont imposé de longue date.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Sleiman.
M. Gus Sleiman (président, Men's Educational Support Association): Je m'appelle Gus Sleiman. Je suis le président de la Men's Educational Support Association, ou MESA. Ce mémoire est déposé au nom des membres de la MESA et de leurs familles.
Notre mission est de préserver l'intégrité de la paternité pour le bien des enfants. La MESA estime que les intérêts des enfants sont les mieux servis lorsque les deux parents sont pleinement présents dans leur vie, même après une séparation ou un divorce.
La MESA traite de questions comme la violence familiale. Nous croyons que la violence familiale est liée à l'humanité et non au sexe des personnes. La MESA appuie la dynamique de la réunification et non la dynamique de l'isolement.
Je suis très honoré de votre invitation à témoigner et à offrir un éclairage susceptible d'infléchir les amendements à la Loi sur le divorce. Si ces modifications sont proposées, c'est peut-être en raison du taux inacceptable de rapts d'enfants à l'échelle nationale et internationale ou d'abandon d'enfants par les parents.
Les mesures de garde actuelles sont essentiellement injustes et favorisent un parent par rapport à l'autre. Les réactions abusives dans des situations de divorce et de garde favorisent un climat destructeur, teinté de sentiments violents de colère, de peine et de frustration, qui conduit fréquemment à l'enlèvement ou à l'abandon des enfants. Le préjugé sexiste généralisé de nos tribunaux encourage les femmes à intenter toutes les poursuites qu'elles veulent intenter sans avoir à en craindre les conséquences. Profitant de ce préjugé, qui n'épargne pas notre Parlement, les ravisseurs séquestrent les enfants dans des provinces lointaines ou des pays étrangers.
Les femmes enlèvent et abandonnent leurs enfants comme s'il s'agissait d'un privilège. Les hommes ne le font qu'en désespoir de cause et parce qu'ils en sont dépossédés. Les hommes ont moins de chance de récupérer leurs enfants enlevés par leur conjointe. Les femmes, au contraire, reçoivent toutes sortes d'appuis et, quand il s'agit de récupérer leurs enfants après un enlèvement. elles ont une bonne longueur d'avance.
Les gouvernements n'ont éliminé les préjugés sexistes envers les femmes que pour les remplacer et s'en servir contre les hommes. Le système actuel aboutit en dernier ressort au refus des hommes de soutenir leurs enfants de qui ils sont séparés de façon injustifiable et avec qui tout contact mène à l'excommunication.
L'engouement que manifestent les juges pour le concept de gardien naturel dans leur processus de prise de décision est une politique judiciaire et sociale unilatérale, désaxée et inadéquate, et qui a sans doute contribué à l'érosion et à la sape de nos familles.
Les statistiques montrent une augmentation du taux de divorce, de crime, de suicide et de grossesse chez les adolescentes, ainsi qu'un grand nombre d'enfants qui, en grandissant, sont privés d'équilibre affectif et de sens commun.
L'insensibilité choquante de ces juges dans le traitement des affaires de divorce et de garde appelle un démantèlement systématique de la paternité par les conjointes. Le parti pris des tribunaux ressort de leur propension à identifier, de manière absolue et irrationnelle, l'enfant avec la mère, en ne tenant aucun compte du fait qu'il dépend également du père et qu'il en a besoin.
• 1300
Les pères, d'un bout à l'autre du pays, sont hantés par la
colère de leurs enfants qui crient justice. Quelle sorte de
gouvernement avons-nous qui permet à ses propres organes et à son
propre système judiciaire de discriminer aux dépends d'une ou de
plusieurs classes de citoyens, de dépouiller et de faire sombrer
ainsi son propre peuple?
Il y a environ 2 000 ans, quelqu'un a dit: «Laissez venir à moi les petits enfants.» Hier, au tribunal, j'ai entendu un juge qui disait: «Faites sortir les enfants.» C'est très gratifiant pour moi de voir des pères qui peuvent voir leurs enfants. Mon combat continue dans les salles d'audience, mais maintenant je le mène aussi dans les salles de comité. Les salles d'audience ne sont pas des cours de justice, mais des enceintes où on applique la loi. Je veux que la justice triomphe; par conséquent, je dois changer la loi.
Lorsque ce comité déposera ses conclusions et ses recommandations pour une législation plus équilibrée, je pense qu'il sera impératif qu'il prenne en considération la loi naturelle et la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. La nouvelle loi doit mettre un terme à la spéculation et à l'interprétation que font les juges et remplacer cela par une coopération parentale logique et mutuelle. Si ce gouvernement veut mettre un terme aux injustices perpétrées à l'endroit des enfants et des hommes, s'il a à coeur de réduire les effets émotionnels et financiers engendrés par les interminables litiges en matière de divorce, il doit agir sur l'heure et mettre en oeuvre le concept de garde conjointe. Les enfants ont besoin de leurs deux parents.
Nous préconisons la garde conjointe. Nous proposons un programme éducatif obligatoire et un programme de médiation obligatoire.
En ce qui concerne l'éducation, nous recommandons que les parents suivent jusqu'au bout un cours obligatoire sur la séparation des parents avant d'intenter toute poursuite judiciaire. Ce modèle est actuellement à l'essai en Alberta et dans certaines autres provinces, je pense.
Certains gouvernements sont en train de construire de nouveaux tribunaux de la famille; d'autres édictent de nouvelles lois sur la violence familiale. Chaque gouvernement a le devoir d'aider les parents à trouver des solutions qui ne se limitent pas à l'ouverture de nouveaux palais de justice. Il est recommandé que les pouvoirs publics inaugurent un centre familial dans chaque localité dotée d'un tribunal. Ce centre contribuera à la formation des parents et les aidera à trouver un terrain d'entente pour assurer le bien-être de leurs enfants. Le centre familial sera l'antichambre où il faudra passer avant d'intenter toute poursuite judiciaire. Je suis heureux de vous annoncer aujourd'hui que le Men's Educational Support Association ouvrira sous peu son premier centre réservé aux parents, financé par un mécène anonyme.
La médiation doit devenir obligatoire à la fin du cours qui porte sur le rôle des parents après la dissolution de la famille. Néanmoins, pour que la médiation fonctionne et soit efficace, il convient d'éliminer tous les incitatifs aux poursuites judiciaires visant à obtenir la garde des enfants.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Excusez-moi, il vous reste cinq minute à vous deux. Pouvez-vous nous communiquer vos conclusions?
M. Gus Sleiman: D'accord.
La sénatrice Mabel DeWare: Pourriez-vous nous donner vos recommandations?
M. Gus Sleiman: Nous avons une recommandation visant à modifier la Loi sur le divorce. Je vais vous en faire part.
Nous recommandons que le terme «garde» soit aboli de tous les articles de la Loi sur le divorce. Nous recommandons que le paragraphe 16(1) se lise comme suit:
-
Le tribunal compétent peut, sur demande des époux ou de l'un d'eux,
rendre une ordonnance relative au partage du rôle de parent, à
l'égard de certains ou de tous les enfants issus du mariage.
Je voudrais me réserver le droit de vous présenter d'autres observations sur cette affaire dans le court laps de temps qui nous est assigné.
Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Monsieur Charland.
M. Jay Charland (porte-parole, Men's Education Network): Bonjour. Je m'appelle Jay Charland. Je représente le Men's Education Network. Mes excuses au traducteur; je ne suivrai probablement pas le plan que j'ai préparé.
La première chose que je voudrais faire, c'est présenter à ce comité toutes mes excuses pour le fait que l'assemblée législative de la province de l'Alberta a fait preuve de si peu de considérations à votre égard qu'ils ont délégué un juriste pratiquement ignorant de tout de ce qui se passait. À mes yeux, c'est un geste disgracieux pour lequel, en tant que citoyen de cette province, je vous présente toutes mes excuses.
Le sénateur Jessiman a fait observer, il y a quelque temps, que court une rumeur voulant que les hommes ne veulent pas avoir la garde. J'ai pris quelques notes à ce sujet, parce que je pense que c'est très intéressant.
Ce petit livre vert est le catalyseur qui nous a tous rassemblé ici aujourd'hui. Ce petit livre vert est le Rapport du Comité fédéral/provincial/territorial sur le droit de la famille et les recommandations en matière d'aliments destinés aux enfants. Pendant les quatre ans au cours desquels les membres de l'équipe ont travaillé à sa rédaction, ils n'ont pas consulté un seul groupe d'hommes.
• 1305
Nous avons découvert cela, lorsqu'en avril 1995, cet
organisme, Mme Brazeau et ses collègues, sont venus ici en Alberta
pour assister à une réunion de l'ECMAS. Elle m'a confié qu'ils n'en
avaient pas consultés. Je lui ai demandé pourquoi—et c'est une
citation textuelle; je l'ai transcrite pour m'assurer que j'avais
bien compris—ils n'ont consulté aucun groupe d'hommes parce que,
«Nous avons demandé aux mères, et elles nous ont dit que les pères
n'étaient pas intéressés.»
Malheureusement, c'est comme ça que le gouvernement traite les pères depuis des années.
M. Booth vous a entretenus plus tôt ce matin de ce qui se passe en Alberta. Ce qu'il a omis de vous dire, c'est que l'Alberta a déposé une loi appelée la Protection against Family Violence Act, laquelle n'est rien d'autre qu'une façon de contourner la Loi sur le divorce.
Ils voudraient enchâsser dans la loi la capacité d'aller chercher une ordonnance ex parte et d'obtenir tous les actifs du mariage de façon à ce que, lors de la comparution devant un tribunal de divorce, une des parties ait déjà au moins ça en mains et que le juge puisse dire: «Que l'on en reste au statu quo». Ce sont là, dans le cercle des juges, des paroles célèbres: «Que l'on en reste au statu quo».
Je sais cela parce que ça m'est arrivé il y a neuf ans. Il y a neuf ans, en raison d'une fausse accusation de comportement violent, j'ai dû quitter le domicile familial. Lorsque nous l'avons finalement réintégré, j'avais, heureusement, un juge qui ne prétendait pas que le statu quo se perpétue. Il était tellement furieux qu'il a rétabli la garde conjointe en ma faveur.
Je fais maintenant l'objet d'une ordonnance légale de garde conjointe. J'ai en poche une ordonnance consacrant mon droit de visite légal. Je n'ai pas vu ma fille depuis plus de trois ans. Comment les juges réagissent-ils? Comment l'Alberta réagit-elle?
Je déposerai les pièces justificatives plus tard, parce que je n'ai ni le temps ni les ressources requises pour les faire traduire. Il s'agit d'une opinion juridique d'une association scolaire de l'Alberta proposant qu'une mère ait le droit, pourvu qu'elle n'apporte aucune modification aux dossiers officiels, de changer le nom de l'enfant. La commission scolaire m'a dit qu'il s'agissait d'une décision, mais c'est une opinion.
Les juges de cette province—je ne peux pas citer de nom, même si, je le répète, j'ai l'intention de déposer le jugement—ne font exécuter aucune ordonnance défavorable à la mère.
Il y a eu une cause, ici en Alberta, où la mère a été incarcérée pendant deux semaines. Il a fallu 26 requêtes pour faire bouger les choses. Les accusations portées contre le père, cependant, reviennent toutes à établir qu'il n'est pas un bon parent. Vingt-six requêtes. Ensuite, ils se plaignent parce que le père est en retard dans le paiement de sa pension alimentaire ou de son «allocation d'entretien»—on ne parle plus de pension alimentaire de nos jours.
Je vous le demande, combien parmi vous pourraient se permettre de payer pour l'entretien de sa famille et le dépôt de 26 requêtes devant le tribunal pour avoir l'autorisation de rencontrer son propre enfant. Je soupçonne que très peu d'entre vous toléreriez cette situation.
Le juge, dans cette décision—je vous y renvoie—a également fait des remarques désobligeantes à propos du père, par exemple en disant que sa participation tapageuse aux activités de certains groupes de défense des droits des parents n'avait pas fait progresser sa cause.
Vous savez, je n'ai jamais entendu un juge dire à une femme: «Vous êtes une féministe et cela ne vous aide pas par rapport à vos enfants.»
Si je présente ce point devant ce comité, c'est parce que les juristes et les politiciens vivent dans la pureté du droit: «Vous avez un problème? Vous avez des ressources? Intentez des poursuites!» Mais cela ne fonctionne pas ainsi. Nous devons vivre dans la réalité du droit. Le temps où un parent pouvait séquestrer son enfant est-il révolu? Pas en Alberta.
J'ai une ordonnance du tribunal qui déclare que j'ai la garde conjointe. En raison du fait que ma femme faisait entrer et sortir ma fille de l'école comme un yo-yo, cette ordonnance judiciaire précise également que ni moi ni ma conjointe ne pouvons apporter de changements à l'éducation de ma fille. Mais elle en a apporté. Elle a changé son nom. Je me suis présenté devant le tribunal et j'ai demandé l'exécution de l'ordonnance.
Madame «l'ingénieure sociale» Trussler, qui a exercé de vigoureuses pressions pour obtenir des mesures—et je trouve tout à fait scandaleux qu'un juge puisse exercer des pressions politiques...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Si un cas comme celui-ci met un juge en cause, il faut fournir les références sur le tribunal et autres données administratives, parce que nous ne pouvons pas...
M. Jay Charland: Je les déposerai. Il y a une ordonnance de non-publication des noms des parties. Par conséquent, conformément à l'avis de mon conseiller juridique, je ne vous dirai ni le nom ni le numéro du rôle, mais je...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous préférerions que vous vous absteniez de parler des juges de cette façon et que vous continuiez à présenter vos recommandations à ce comité.
M. Jay Charland: D'accord.
La sénatrice Anne Cools: Vous pouvez vous exprimer, mais vous ne pouvez pas le faire de manière à porter préjudice aux personnes. C'est simple.
M. Jay Charland: Je vous donnerai le numéro du dossier qui me concerne personnellement; il est dans une chemise à mes pieds.
Le juge m'a dit: «Je ne vais pas faire exécuter votre ordonnance. Vous devriez peut-être obtenir un conseil pour savoir comment procéder». Et l'affaire s'est arrêtée là.
Nous n'en avons pas fini en Alberta. Je crois fermement que la seule chose qui nous reste est la désobéissance civile. Les juges disent que ce sont les législateurs qui font problème. Les législateurs disent que nous avons un problème avec les juges. Je prétends que le problème vient des deux.
Si je n'avais qu'une recommandation exécutoire à proposer à cette assemblée, je dirais carrément que la jurisprudence féministe n'a pas davantage sa place dans un tribunal qu'une jurisprudence réservée à la race blanche. Je crois que c'est la situation à laquelle nous sommes confrontés dans ce pays.
Lors de la dernière Journée du droit, on m'a demandé pourquoi nous manifestions à l'extérieur de la salle d'audience et pourquoi nous n'avions pas installé de table. J'ai répondu sans mettre de gants blancs à la personne qui m'interrogeait, qu'étant donné ce qui se passait dans l'édifice, très peu d'hommes se sentaient les bienvenus. Je pense que les choses deviennent encore plus difficiles quand on essaie de résoudre le problème.
Merci pour votre temps et pour votre patience.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci. Vous disposez de cinq minutes, madame VanEe.
Mme Carolyn VanEe (présidente, Equitable Child Maintenance and Access Society, section d'Edmonton): Merci.
Bonjour, honorables sénateurs et députés. Je suis Carolyn VanEe, présidente de l'Equitable Child Maintenance and Access Society, section d'Edmonton. Brian St. Germaine, notre vice-président m'accompagne. La ECMAS est une société sans but lucratif financée entièrement par ses membres. Elle compte trois sections en Alberta qui représentent plus de 1 700 familles. Nous représentons des parents qui ont la garde et d'autres qui n'ont pas la garde de leurs enfants, et de 30 à 40 p. 100 de nos membres sont des femmes jouant des rôles nouveaux et multiples: conjointe, grand-mère, membre de la famille élargie et amie.
Les trois principaux buts poursuivis par notre société sont les suivants: qu'il y ait une présomption légale de garde conjointe des enfants; que les enfants de parents séparés ou divorcés aient un droit de visite égal auprès de leurs parents; que les ordonnances judiciaires régissant le droit de visite soient exécutées. La position de la société est précisée dans un mémoire préparé pour ce comité.
À partir de cette information de base, la société présente les recommandations suivantes: premièrement, que la Loi sur le divorce soit amendée pour créer une présomption de garde conjointe des enfants de parents divorcés à moins qu'un des parents n'ait été déclaré inapte; deuxièmement, que la Loi sur le divorce soit amendée pour octroyer aux enfants un droit de visite également réparti auprès des parents; troisièmement, que la Loi sur le divorce soit amendée pour assurer que les ressources financières sont réparties équitablement entre les deux foyers en vue d'assurer un droit de visite significatif auprès des deux parents ainsi qu'un soutien financier approprié lorsque les enfants sont à la garde des deux parents; quatrièmement, qu'une banque nationale de données informatisées soit créée pour enregistrer les ordonnances attributives de droit de visite prononcées par les tribunaux; cinquièmement, que la Loi sur le divorce impose qu'une clause d'exécution soit insérée au texte des ordonnances attributives de droit de visite s'il y a lieu; et sixièmement, que chaque province et territoire ait un coordonnateur responsable de l'exécution des ordonnances attributives de droit de visite ayant pour mandat d'assurer la conformité avec les dispositions judiciaires qui régissent le droit de visite.
Dans le contexte du droit familial, en recourant à des tactiques de manipulation et d'intimidation, on dissuade les pères de tenter d'obtenir la garde conjointe, ce qui explique la majorité des décisions confiant la garde exclusive à la mère. Les doctrines désuètes du parent prioritaire, des années tendres, de la gardienne naturelle et de l'intérêt de l'enfant favorisent un des parents et ne tiennent pas compte des besoins des enfants. Une présomption de garde conjointe favorise les deux parents et répond aux besoins des enfants, particulièrement de ceux qui vivent en-dessous du seuil de la pauvreté.
Au-delà de la tragédie du divorce, les enfants ont besoin que leurs parents jouent, dans leur vie, un rôle aussi actif que possible. Des dispositions légales sur la garde conjointe présomptive se retrouvent dans un nombre croissants d'instances judiciaires et il a été dit que dans des pays qui ont un taux élevé de garde conjointe, on assiste à un déclin significatif du taux de divorce. Dans l'ensemble, on a constaté que la diminution du taux de divorce, dans ces pays à haut taux de garde conjointe, est quatre fois plus rapide que dans ceux où les cas de garde conjointe sont rares.
• 1315
L'importance d'un droit de visite également réparti ressort
clairement des répercussions de l'absence du père dans notre
société. Aux États-Unis, le nombre des détenus purgeant une peine
de longue durée qui n'ont pas connu leur père est beaucoup trop
élevé. Un droit de visite également partagé permet aux deux parents
de veiller à ce que leurs enfants soient à l'abris de tout mauvais
traitement et de tout abus et à ce qu'on en prenne soin.
L'exécution des ordonnances judiciaires réglant le droit de visite peut être assurée dans le cadre législatif actuel et la mise sur pied de mécanismes accessibles d'exécution des dispositions sur le droit de visite ne serait ni coûteuse ni complexe. En Alberta, nous avons dépensé presque cinq millions de dollars par année à faire exécuter les ordonnances alimentaires et nous n'avons rien dépensé du tout pour l'exécution des ordonnances attributives de droit de visite.
Les parents qui n'ont pas la garde, et en particulier les pères, ne sont pas des personnes isolées; ils font partie d'une famille élargie qui les appuie et ils entretiennent avec leurs enfants d'importantes relations. Nous avons besoins dans l'immédiat de lois et de dispositions de droit familial visant à protéger les enfants des mauvais traitements qu'on leur inflige aujourd'hui. Des lois conviviales à l'endroit des enfants reconnaîtraient l'égalité des deux parents, répondraient aux besoins des enfants et renforceraient leur sentiment d'appartenance.
Chaque jour il y a de nouveaux cas d'enfants qui sont privés de contact avec leurs deux parents en vertu d'ordonnances qui imposent une garde exclusive. Le montant des allocations de soutien alimentaire est établi de telle sorte que l'enfant ne reçoit aucun appui financier pendant qu'il est confié au parent qui paie l'allocation et ce montant ne tient pas compte de la capacité des deux parents d'assumer les coûts réels de la garde, en totalité ou en partie. Chaque jour il y a de nouveaux exemples d'ordonnances judiciaires régissant le droit de visite des enfants auprès des parents qui restent tout simplement lettre morte et les enfants concernés sont privés de la présence d'un de leurs parents.
Il faut agir aujourd'hui. Le mémoire sur lequel s'appuie cette présentation expose de façon plus détaillée les arguments justifiant les changements d'envergure qui s'imposent et il explique en détail les mesures à prendre pour assurer l'efficacité des mesures adoptées. Nos familles s'attendent vraiment à avoir sous la main, sans autre délai, des solutions justes et équitables. Je vous prie de bien vouloir lire l'information fournie et d'agir pour le bien de nos enfants.
Au nom de nos membres, nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de défendre les intérêts de nos familles.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Merci beaucoup, et bienvenus au comité. On a fait allusion au représentant que le gouvernement de l'Alberta a dépêché ici; je voudrais souligner qu'au moins, il a envoyé quelqu'un.
De nombreuses provinces préfèrent des communications directes de gouvernement à gouvernement. C'est en grande partie en raison du protocole et des règles de préséance. Les ministres provinciaux et leurs ministères communiquent directement avec leurs homologues. Je n'aime pas particulièrement ça mais c'est la façon dont ça fonctionne actuellement. Ce genre de situation peut être exploité pour se soustraire à l'obligation de rendre compte de ses interventions politiques. Ceux qui ont le pouvoir n'aiment pas que le public voit ce qu'ils font parce qu'ils oublient souvent pour qui ils travaillent.
Mais je voudrais revenir au thème général qui est ressorti de vos exposés, à savoir le parti pris qui a cours dans le système judiciaire en général. Ce que nous avons entendu lorsque la question a été soulevée, n'est-ce pas ce qui sous-tend le parti pris dont vous parlez? Pourquoi le nombre de mères assumant un rôle prédominant au terme du débat judiciaire est-il beaucoup plus élevé que celui des pères? Est-ce parce que la répartition des responsabilités quotidiennes et les arrangements familiaux internes conclus entre les parents quand ils vivaient ensemble tendent à se maintenir après la séparation? Ce que nous avons entendu dire, c'est que maintenant les pères se présentent devant les comités. Plusieurs se demandent où ces pères étaient quand il s'agissait d'exercer leur rôle de parent, et si l'ordonnance a vraiment changé quelque chose.
J'aimerais que vous répondiez à cela, à la question du soi-disant parti pris que vous constatez dans le système judiciaire. On nous a fait remarquer, par ailleurs, qu'il ne s'agit peut-être pas vraiment d'un parti pris, mais plutôt un reflet de la façon dont les parents organisent leur vie sociale et font leurs choix avant que la famille n'éclate; par conséquent, ce serait pour ce motif qu'on obtient de tels résultats à l'autre bout.
M. Paul Miller: Je vais répondre à cela puisque j'ai passé un temps assez considérable à étudier toute cette question.
Une des choses que nous constatons dans la société, depuis les dernières décennies, c'est que les femmes participent de plus en plus aux activités rémunérée à l'extérieur du foyer et que les hommes participent davantage aux tâches ménagères. Ce à quoi nous assistons, cependant, dans le système judiciaire, c'est en réalité un mouvement en sens inverse; en d'autres termes, un renversement qui fait en sorte que, depuis dix ans, la garde est confiée aux femmes.
C'est devenu particulièrement évident, depuis que nous avons commencé à enseigner aux juges dans le cadre de séminaires sur les préjugés contre l'autre sexe, que les femmes ne reçoivent pas la garde aussi souvent que les hommes. Quand nous donnons aux juges de faux renseignements, leur jugement est faussé. Je ne veux pas donner l'impression que je ne respecte pas les juges. Il s'agit de personnes extrêmement intelligentes et cultivées, qui ont accumulé, dans la profession juridique, de nombreuses années d'expérience. Néanmoins, nous sommes tous influencés par l'information que nous recevons et par nos impressions.
• 1320
La preuve fournie par les sciences sociales, en fait la seule
preuve d'importance que je voudrais vous apporter, est une étude
entreprise par le ministère de la Justice, publiée en 1990 sous le
titre «Examen de la Loi sur le divorce». D'après cette étude, la
garde est l'enjeu le plus hautement disputé d'un divorce et
lorsqu'il y a poursuite devant les tribunaux—cela a été prouvé sur
un échantillon de 1 100 à 1 200 cas répartis dans quatre
juridictions vers la fin des années 80, aux environ de
1989—environ neuf fois sur dix, la garde exclusive est attribuée
à la mère plutôt qu'au père. Dans la salle d'audience, nous sommes
tout simplement victimes d'un énorme parti pris en faveur des
femmes.
Les féministes prétendent souvent que c'est à l'extérieur de la salle d'audience que les hommes renoncent à leur droit de garde et dans l'enceinte des tribunaux qu'ils sont traités équitablement. Si on voulait trouver un meilleur modèle d'analyse, il faudrait voir les salles d'audience comme des endroits de prestige et noter que quand on négocie la garde de ses enfants à l'extérieur, on devient très conscient de ce qui risque d'arriver au tribunal. On désigne ce modèle de prise de décision par l'expression «négocier à l'ombre de la loi». C'est une théorie élaborée par quelques professeurs de droit. C'est un modèle beaucoup plus susceptible de coller à la réalité. Si vous savez que vous allez comparaître en cour et que vous aurez la garde si vous vous présentez devant le tribunal, et que vous pouvez vraiment compter là-dessus, eh bien, cela va se produire hors cour de la même façon.
Mes observations, les preuves que j'ai été en mesure de recueillir, tiennent au fait qu'en réalité nous devrions assister, dans le domaine de la garde, à une élimination graduelle des frontières entre les sexes, à mesure que les changements sociaux se produisent. C'est le changement social qui mène, ou qui, tout au moins, devrait mener à l'évolution des jugements dans le temps, mais cela ne se passe pas comme ça. Je voudrais vous faire remarquer qu'il se peut que l'une des choses sur lesquelles vous devrez vous pencher à titre de comité, sera d'examiner la cause de cette situation et comment, en tant que nation, nous pouvons tenir compte des changements sociaux et en arriver à une solution équitable, étant donné ceux qui viennent de se produire.
M. Paul Forseth: D'accord. Peut-être devrions-nous donner la parole à quelqu'un d'autre.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur St. Germaine.
M. Brian St. Germaine (vice-président, Equitable Child Maintenance and Access Society, section d'Edmonton): Je voudrais répondre à cette question.
Lorsque vous dites des mères qu'elles participent davantage, vous vous appuyez en fait sur la doctrine du parent prioritaire, qui est très subjective. Qu'est-ce qui est le plus important? L'entraînement au hockey ou la préparation du lunch de l'enfant? Cela a été remplacé essentiellement par la doctrine de l'intérêt de l'enfant, laquelle est également très subjective.
Le faible taux de demande de garde conjointe ou de garde exclusive exercée par les pères tient entre autre au fait que lorsque ceux-ci se présentent au bureau de leur avocat, on leur dit souvent qu'il y aura un marchandage entre la garde, les actifs familiaux et la valeur du soutien monétaire octroyé à l'enfant ou au conjoint, ou quelque chose de cet ordre. La garde fait dès lors partie intégrante des négociations. Semblables négociations sont longues et coûteuses et les échanges de correspondance sans fin peuvent ruiner bien des gens. Ces négociations de longue haleine forcent également le statu quo et les enfants restent là où ils sont, dans le cas présent, avec la mère. Quand vous comparaîtrez devant le tribunal un an et demi plus tard, le juge confirmera le statu quo.
Si vous choisissez de contester la demande de garde exclusive déposée par votre conjointe, on vous fera savoir que vous devez avoir en main une étude de soutien communautaire faite par un psychologue accrédité ou par un travailleur social chevronné. Le coût d'une telle étude en dollars actualisés est d'environ 5 000 $, et vous devez payer d'avance. Si vous devez continuer à verser les honoraires de l'avocat et des auteurs de l'étude pour démontrer votre capacité de parent, il se peut que, comme de nombreux pères, vous n'ayez tout simplement pas assez de ressources financières ou que vous décidiez de les consacrer à d'autres fins.
• 1325
Voici quelques-unes des principales raisons qui expliquent
pourquoi la garde des enfants continue à être confiée en
exclusivité à la mère. Au cours de la dernière partie de ce siècle,
nous avons vu les pères s'occuper de plus en plus de leurs enfants
et le faire plus ouvertement. Je ne prétends pas qu'au début du
siècle les pères ne participaient pas du tout à leur éducation,
mais plutôt que les lois et la société ont changé suffisamment pour
qu'on s'en aperçoive.
Ce que nous recommandons, c'est l'adoption d'une disposition sur la garde conjointe pour que toutes ces tactiques antagonistes et ces processus conflictuels diminuent et que nous puissions en arriver au point où les deux parents participent pleinement à la garde, ce qui, pour les enfants, est de toute évidence très avantageux.
M. Jay Charland: Si je peux me permettre d'ajouter quelque chose, monsieur le président, je parle à environ 200 pères par année, probablement cinq ou six nouveaux interlocuteurs chaque mois. Une des questions qui fait constamment surface est la suivante: «J'ai eu un entretien avec mon avocat et il recommande...». Je dis «Attendez une minute, laissez-moi vous dire que si vous voulez contester la garde exclusive de votre enfant, cela va vous coûter 20 000 $ en pure perte, car même après que vous aurez dépensé cette somme, il est hautement probable que le juge persistera à confier la garde à votre conjointe.» Le gars rétorque du tac au tac: «Connaissez-vous mon avocat?» Ce sont les tractations habituelles. Vous consultez votre spécialiste du droit de la famille et il vous dit: «Vous avez 20 000 $? Si vous ne les avez pas, vous pouvez renoncer à votre enfant». C'est la raison pour laquelle nous avons tant d'ordonnances par consentement.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Est-ce qu'il y a d'autres questions?
La sénatrice Anne Cools: Oui. Je voudrais remercier les témoins de leur présentation. Je me demande s'ils pourraient nous donner une idée du nombre de personnes et de familles avec lesquelles ils travaillent annuellement.
Mme Carolyn VanEe: Note organisme regroupe environ 1 700 familles de toute la province. Nous avons aussi des membres en Colombie-Britannique et en Saskatchewan et même quelques contacts au Manitoba. En outre, et Dieu en soit loué, nous vivons à l'ère de l'électronique et, grâce aux ordinateurs, nous sommes en contact avec des gens de toutes les régions du pays, des États-Unis et de plus loin encore, de telle sorte qu'il s'agit, à mon avis, d'un nombre impressionnant de personnes.
Par ailleurs, on nous a dit qu'au sein de notre régime politique, une personne qui se met en valeur en représente environ 40 autres ou quelque chose d'approchant. Nous avons 1 700 membres ou davantage, c'est juste une petite partie des gens qui sont prêts à faire quelque chose et qui sont assez stables, sur le plan émotif, pour devenir membres de notre organisme. Je pense qu'il y a une foule de gens qui, tout simplement, ne nous connaissent pas encore.
La sénatrice Anne Cools: À mon sens 1 700 est un nombre considérable.
M. Brian St. Germaine: Je pourrais ajouter que nous opérons une ligne téléphonique à message à Edmonton; en moyenne, je dirais que nous avons reçu deux appels par jour de gens qui cherchent des renseignements ou de l'aide. La plupart d'entre eux affrontent une forme ou l'autre de détresse.
M. Jay Charland: J'ai dit plus tôt que j'ai parlé à environ 200 pères pendant l'année écoulée... probablement environ cinq à six nouveaux interlocuteurs chaque mois. Il y a environ 50 hommes qui travaillent de concert à ce projet. Il y a neuf ans, quand j'ai commencé cette entreprise, il était presque impossible de trouver le moindre soutien.
M. Gus Sleiman: À la MESA, nous recevons environ 3 000 appels par année à divers sujets. La plupart du temps, ces appels concernent la garde, les droit de visite, l'aide financière et la violence familiale. Nous répondons à tous les appels dans un délai maximal de 24 heures.
La sénatrice Anne Cools: Merci infiniment. Je pense avoir fait valoir mon point de vue: certains témoins se sont présentés devant nous et j'ai eu d'énormes difficultés à obtenir d'eux des renseignements sur leur population cliente et sur le nombre de personnes qu'ils servent. Je vous remercie de votre franchise.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous représentez un grand nombre de personnes et je comprends que, ce que vous nous dites, c'est que les tribunaux n'appliquent tout simplement pas le paragraphe 16(10) de la loi, qui traite des ordonnances de garde et des ordonnances attributives de droit de visite.
Je vais le lire et vous me direz si les tribunaux l'ont suivi:
-
(10) En rendant une ordonnance conformément au présent article, le
tribunal applique le principe selon lequel l'enfant à charge doit
avoir avec chaque époux le plus de contact compatible avec son
propre intérêt et, à cette fin, tient compte du fait que la
personne pour qui la garde est demandée est disposée ou non à
faciliter ce contact.
Lorsque, dans vos causes, la question se pose, la portez-vous à l'attention du juge... qui devrait le savoir de toute façon?
M. Jay Charland: Les juges ne suivent pas cette disposition, et en fait...
Le sénateur Duncan Jessiman: Il faut donc que cela soit plus fort.
M. Jay Charland: Oui, cela devrait être plus fort. En fait, en ce qui a trait à l'intérêt de l'enfant, je recommanderais à ce comité que la lecture et l'étude de l'affaire Young c. Young de la Cour suprême du Canada soit obligatoire, parce qu'on trouve, dans le jugement dissident de madame la juge Dubé, de nombreuses interprétations de ce paragraphe.
Les femmes ont appris que même si vous refusez la médiation, et quelle que soit d'ailleurs votre réaction, vous continuerez à avoir la garde de vos enfants. Dans ma propre cause, nous avons tenté, à plusieurs reprises, d'aller en médiation, et le juge a continué à dire de laisser faire.
La personne qui a fait l'évaluation dans mon cas—je peux en fournir un exemplaire—a déclaré que je n'avais aucun problème à donner le droit de visite à la mère. En fait, je me suis battu pendant cinq ans avant qu'elle ne réussisse finalement à détourner l'enfant de moi.
J'ai déménagé à moins de trois blocs d'eux juste pour que mon enfant n'ait pas à faire la navette d'un bout à l'autre de la ville. Je tiens à vous dire que vous n'avez encore rien vu tant que votre enfant de 11 ans ne vous a pas dit: «Je ne viendrai plus te voir parce que je dois mener ma vie de façon autonome». Si vous en parlez à un juge, il vous dira: «Seigneur! Je ne ferai sûrement pas exécuter votre ordonnance.»
M. Paul Miller: Il y a une chose que j'aimerais souligner: dans mes recherches j'ai trouvé que la législation en soi n'a guère d'incidence sur le comportement judiciaire. Il faut bien davantage que des lois justes. Nous avons besoin de politiques. Nous avons besoin de programmes pour surveiller le comportement judiciaire. Ce n'est pas parce que vous apporterez des changements à la législation que vous réussirez automatiquement à encadrer la pratique judiciaire. Cela ne se produira pas automatiquement. Il faudra adopter d'autres mesures pour que cela se produise.
M. Gus Sleiman: À propos du contact maximal, je voudrais vous dire deux mots de mon histoire personnelle.
Après que mon fils a été enlevé par sa mère et qu'ils ont quitté la province—ça nous a pris environ six mois avant de réussir à aborder l'affaire officiellement—j'ai finalement pu demander au juge l'autorisation de voir mon fils avec qui je n'avais à l'époque aucun contact et il a répondu qu'il ne permettrait pas que mon fils soit séparé de sa mère. Je me suis levé et j'ai dit: «Je suis entièrement d'accord avec vous, mais comment se fait-il que vous autorisiez que l'enfant soit séparé de son père?» Il a répondu en disant qu'il était juge et grand-père et que dans sa famille c'était les femmes qui s'occupaient des enfants et les pères qui allaient travailler pour eux. De telle sorte que cela n'avait à ses yeux guère d'importance que je le voie ou non et il n'a pas rendu d'ordonnance. Jusqu'ici, sauf à trois occasions, je n'ai pas vu mon fils au cours des quatre dernières années.
Je peux préciser davantage. Lorsque j'ai réussi à comparaître devant le tribunal d'Ottawa pour demander le droit de visite pour mon fils, après que mon ex-conjointe ait allégué à l'époque que j'avais l'intention de l'enlever, le juge a décidé d'imposer une condition... Je suis un citoyen canadien d'origine libanaise. C'est la raison pour laquelle cette condition a été imposée. Je suis encore en train de la contester.
-
Le demandeur
... qui est moi-même...
-
ou son conseil fourniront des documents écrits du consulat du
Liban, soit tous les passeports ou autres titres de voyage délivrés
au nom du requérant par l'État du Liban.
-
Le requérant fournira une confirmation écrite de l'engagement du
consulat du Liban de ne pas délivrer de passeport ou autre document
de voyage au nom du requérant ou de l'enfant.
Ce genre de condition équivalait à une dénégation du droit de visite par les tribunaux...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Pourriez-vous consigner au procès-verbal la citation de l'affaire?
M. Gus Sleiman: Le no de dossier. Bien entendu, oui. Il s'agit du dossier no 51750-95.
M. Paul Forseth: Quel tribunal?
M. Gus Sleiman: C'est à la Division générale de la Cour de l'Ontario à Ottawa.
La sénatrice Anne Cools: Quel est l'intitulé de la cause?
M. Gus Sleiman: Le nom du juge?
La sénatrice Anne Cools: Non, l'intitulé de la cause. Qui est le requérant et qui est l'intimé?
M. Gus Sleiman: Le requérant est Gustav Sleiman et l'intimée Madeleine Sleiman.
M. Jay Charland: Si je peux me permettre de vous interrompre un instant, j'avais promis que je ferais consigner ce numéro au procès-verbal en votre nom. Le numéro du greffe de la Cour est xxx 480376185, demanderesse Barbara Heidi Himmel; Jay Charland, défendeur.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
La sénatrice Anne Cools: Je pense qu'il est très important que les témoins qui comparaissent devant nous citent des causes et fournissent au comité la preuve qu'ils citent des causes qui sont devant les tribunaux.
J'ai une brève question sur la question du rapt d'enfants. Puis-je la poser, madame la présidente?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oui.
La sénatrice Anne Cools: Merci.
Le comité n'a pas encore vraiment fait le point sur cette question controversée de l'enlèvement. Comparativement au rapt à l'intérieur des frontières du pays, l'enlèvement international est un problème encore plus vaste.
À propos de cette question d'enlèvement, et en se référant à votre cas particulier, lorsque ces individus disparaissent avec les enfants, où trouvent-ils refuge pendant qu'ils sont en fuite?
M. Jay Charland: Vous entendrez les représentants de Child Find Alberta plus tard cet après-midi, et je suis sûr qu'ils vous en diront beaucoup plus que je ne pourrais le faire.
Je vous dirai toutefois que je connais un père qui travaille en collaboration avec nous de façon tout à fait régulière et dont la conjointe a disparu avec leur enfant. Il s'est présenté à la GRC et a demandé de l'aide. Le préposé de la GRC, comme c'est généralement le cas, a dit qu'il ne pouvait intervenir puisqu'il n'y avait pas d'ordonnance de garde. Le père a ensuite fait appel au tribunal et le juge a rendu une ordonnance de garde. Le père est retourné à la GRC, qui n'a, cette fois encore, rien fait de concret pour retrouver sa femme.
Un jour ce père s'est dit: «Je vais essayer quelque chose». Il est entré dans le terrain de stationnement de la GRC, est sorti de sa voiture, a couru vers l'édifice où il est entré hors d'haleine et a dit au préposé: «Vous me dites que vous ne pouvez pas trouver ma femme et je viens de la voir en voiture en train de se diriger vers la maison de ses parents». Eh bien! Le pauvre type est devenu rouge comme un homard. Lorsqu'ils ont ouvert le dossier, ils ont constaté que non seulement la GRC savait qu'elle résidait chez ses parents, mais aussi que le dossier contenait des enregistrements d'entretiens téléphoniques qu'elle avait eus avec des gendarmes.
Nous avons eu le cas récent d'une mère—du Texas, je pense— qui avait enlevé l'enfant. Il a été ramené dans l'Est, et le tribunal n'est pas intervenu.
Je pense que les tribunaux ont de la difficulté à imposer des sanctions aux gens.
La sénatrice Anne Cools: Je ne parle pas de la question des sanctions.
M. Jay Charland: Je comprends.
La sénatrice Anne Cools: Où vont-ils pour se loger? Souvent, le fait de leur offrir un logement est en réalité...
M. Jay Charland: Le plus souvent, ils vont chez des parents. Il y a aussi les groupes religieux, comme dans le cas que je vous ai décrit et pour lequel je ne peux mentionner de nom en raison d'une ordonnance de non-publication. C'est un groupe religieux qui a caché les enfants. Dans ce cas, comme dans beaucoup d'autres, les services sociaux interviennent et ils sont très bons pour promener les enfants à droite et à gauche. Si vous voulez vraiment les trouver en vous adressant aux services sociaux, vous aurez du fil à retordre.
M. Gus Sleiman: Il y a, au sein même du système, un plan organisé. La première fois que la mère se présente au centre d'hébergement, ce n'est que la première étape d'un processus d'endoctrinement au sexisme féministe; on lui montre comment agir avec les enfants, comment les cacher et comment se battre devant les tribunaux. Nous avons des témoignages à ce propos et des rapports rédigés par les employés des services sociaux eux-mêmes au moment où ils prennent leur retraite et acceptent d'en parler.
En second lieu, elles vont voir les avocats...
La sénatrice Anne Cools: Je vous demande où ils vivent.
Mme Carolyn VanEe: Je dirais, qu'à mon avis, ils trouvent le plus souvent refuge dans leur propre maison. Ils ne vont nulle part, mais à cause de l'incapacité des parents de faire exécuter les ordonnances attributives de droit de visite ou tout ce qui a quelque chose à voir avec la garde conjointe, le parent qui n'a pas la garde ne peut voir ses enfants. Il n'est pas nécessaire que les enfants soient enlevés et emmenés dans une autre localité, ville ou province.
La sénatrice Anne Cools: Oui, mais je parle de cas d'enlèvement où ils ont réellement... particulièrement les enlèvements vers...
M. Gus Sleiman: Si je peux me permettre de répondre à cela, apparemment les parents de certaines de vos familles sont dans le cas. J'en connais au moins une.
Ils les amènent à l'extérieur du pays. Il y a, je suppose, tellement de façon de les cacher.
La sénatrice Anne Cools: De toute façon, distingués collègues et présidents, il faudra bien qu'à un certain moment nous prenions le temps de nous pencher sur toute cette question du rapt d'enfants.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oui. C'est à l'ordre du jour.
La sénatrice Anne Cools: Il persiste à soulever la question des centres d'hébergement pour femmes. Peut-être que lorsque nous recevrons le prochain groupe de lobbyistes représentant ces centres, nous pourrons leur demander des précisions sur le rapt et sur le nombre d'enfants enlevés qui se voient offrir le gîte et le couvert dans leurs locaux.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je remercie tous les témoins.
M. Jay Charland: Un dernier point. Avez-vous besoin de la référence concernant le jugement de la Cour suprême prononcé par Raphia?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Non, nous connaissons ce cas, merci.
M. Jay Charland: D'accord.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Notre dernier témoin ce matin, sera M. Joe Hornick de l'Institut canadien de recherche sur le droit et la famille. Il est accompagné de Janet Walker, directrice.
Je ne sais plus qui, de vous deux, va prendre la parole. Je vous en prie, allez-y, l'un ou l'autre.
M. Joe Hornick (directeur exécutif, Institut canadien de recherche sur le droit et la famille): Je prendrai la parole. J'ai demandé à Janet de m'accompagner parce qu'elle est membre du conseil d'administration de l'Institut canadien de recherche sur le droit et la famille et il se trouve qu'elle était en ville. Elle doit, je pense, revenir témoigner à une date ultérieure.
Je suis le directeur exécutif de l'Institut canadien de recherche sur le droit et la famille, ou ICRDF, un institut de recherche indépendant sans but lucratif. L'Institut a principalement pour mission d'entreprendre et de promouvoir des recherches interdisciplinaires qui fournissent une information objective sur des questions qui touchent au droit de la famille.
Au cours des 11 ans d'existence de l'ICRDF, nous avons mené à bien plus de 50 projets de recherche d'envergure. Parmi ces projets, seulement quatre concernent directement les questions de garde et de droit de visite. Je vais en ajouter une cinquième, parce que je viens de découvrir que nous avons rédigé pour la GRC, il y a quelques années, un manuel sur le rapt d'enfants. Au début, je ne pensais pas qu'il s'agissait d'un sujet connexe, mais j'ai changé d'avis aujourd'hui.
Notre activité limitée dans ce secteur ne reflète pas un manque d'intérêt de notre part—nous avons probablement fait plus de recherche dans ce domaine que tout autre organisme—mais plutôt la pénurie des fonds alloués à la recherche qui aborde les questions de droit de visite et de garde. Ainsi, une question clé, d'importance primordiale dans le cadre du mandat de ce comité mixte spécial, tient à la difficulté de revoir les lois et de faire des propositions de réforme juridique de la Loi sur le divorce sans disposer des résultats d'une recherche empirique de qualité. En l'absence de preuves ou de témoignages objectifs et de qualité, nos décisions se fondent trop souvent sur l'expérience historique—anecdotique et personnelle. Tout en gardant à l'esprit cette limitation majeure, je voudrais aborder les deux problèmes sur lesquels nos recherches limitées se sont penchées, et leurs solutions.
La recherche sur la garde et le droit de visite, entreprise en Alberta en 1990, par l'ICRDF, indiquait que plus de 16 p. 100 des Albertains de plus de 16 ans avaient une expérience directe, en tant que parent, du problème du droit de visite. Si on extrapole à la population canadienne de 1997, cela laisse entendre qu'environ cinq millions de parents canadiens ont une expérience directe de la garde et du droit de visite. Je pense qu'il s'agit là d'une estimation très conservatrice.
Il est important de noter que l'étude de l'ICRDF laisse également entendre qu'alors que la majorité des parents ont dit avoir fait face à certaines difficultés pour obtenir le droit de visite, la grande majorité ont résolu le problème de manière officieuse. En outre, dans un petit groupe de cas, environ 22 p. 100 de ceux qui ont comparu devant un tribunal, on avait affaire à des personnes «habituées au conflit» et qui représentaient un fort pourcentage de l'activité judiciaire dans ce domaine.
Les questions habituellement associées au droit de visite et à la garde sont les suivantes: lieu de résidence; prise de décision; soutien, droit de visite, refus de reconna«itre le danger que court l'enfant; manque d'intérêt du parent qui n'a pas la garde; violence et voies de fait perpétrées par le conjoint.
Si on examine la recherche dans ces domaines, on constate qu'un certain nombre de projets ont été menés à bien sur la violence familiale. Malheureusement, on a rarement établi des distinctions claires entre les couples mariés et les conjoints de fait dans le cadre de ces études. En outre, la «pension alimentaire pour enfants» fait actuellement l'objet de recherches en raison de la mise en oeuvre des lignes directrices fédérales sur la pension alimentaire pour enfants.
En ce qui concerne les solutions potentielles, bien qu'il soit difficile de faire des recommandations fermes sur les questions de droit de visite et de garde relevant de la Loi sur le divorce, certaines innovations et expériences récentes d'autres pays qui ont entrepris un volume considérable de recherche laissent entrevoir la résolution de ces questions.
• 1345
En terme d'encadrement, il est important de disposer d'un
système proactif qui a pour but de minimiser ou d'éviter les
problèmes, par opposition à un système qui ne fait que réagir quand
le problème se pose. Nous voudrions recommander, en gardant cela à
l'esprit, d'apporter les modifications suivantes à la loi.
D'abord, le régime juridique devrait minimiser le conflit, tel qu'il se présente dans une dynamique contradictoire. La loi devrait refléter la réalité et appuyer les efforts des parents divorcés qui tentent de résoudre leurs problèmes avec un minimum de controverse et d'agitation. Pour y parvenir, on peut par exemple adopter de nouveaux concepts comme l'Angleterre et l'Australie l'ont fait, minimiser le conflit, par exemple en présumant que les deux parents vont continuer à prendre soin des enfants, et adopter de nouveaux concepts plus souples tels que la résidence et le contact.
Deuxièmement, l'intérêt de l'enfant devrait continuer à primer. Néanmoins, la notion d'intérêt devrait être plus clairement appliquée et il conviendrait de choisir des options les moins dérangeantes pour l'enfant, de désigner le pourvoyeur principal et de tenir compte de l'opinion des enfants plus âgés.
Troisièmement, la loi devrait reconnaître explicitement l'incidence de la violence familiale sur la garde et le droit de visite, tel que cela a été fait dans d'autres pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et l'Australie. En outre, dans la ligne de ces questions, la législation devrait prévoir des dispositions explicites de visites et d'échanges supervisée comme en Australie et en Nouvelle-Zélande.
D'autres mécanismes devraient être envisagés. Ils peuvent être renforcés par la législation, ou tout simplement mis en oeuvre. Ils comprendraient les éléments suivants:
D'abord, des cours sur le rôle de parent après la séparation devraient être offerts à tous les parents séparés et divorcés. L'Alberta et le Manitoba ont une nette avance dans ce domaine. Les recherches préliminaires, bien que limitées, laissent entrevoir l'utilité de ces programmes. L'Angleterre expérimente également ce genre de cours.
Deuxièmement, il faudrait envisager de faire appel à des plans d'intervention parentale, particulièrement en cas de conflit. Ces plans sont obligatoires pour toutes les causes de l'État de Washington depuis 1991 et ils sont utilisés également par un nombre assez considérable de médiateurs dans tout le Canada, l'Angleterre et le pays de Galles et ils sont actuellement à l'étude en Angleterre et au pays de Galles.
Enfin, l'utilisation de mécanismes obligatoires de résolution de conflit avant procès, telle que la médiation, devrait être envisagée avec le plus grand soin. Il s'agit d'une méthode déjà utilisée en pratique à un certain nombre d'endroits au Canada, et les résultats empiriques sont très prometteurs.
Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Questions?
Sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: Pouvez-vous me dire quelque chose de votre organisme, l'Institut canadien de recherche sur le droit et la famille? Faites-vous partie du Barreau canadien? Quelle forme d'association avez-vous? Vous dites que le financement est source de problème, mais dites-moi donc comment vous faites ce genre de...
Dr Joe Hornick: Nous sommes un organisme de recherche indépendant incorporé comme organisme de charité sous le régime fédéral. Nous avons un conseil d'administration d'environ 20 membres qui comprend un large éventail de personnes depuis des juges de la Cour d'appel jusqu'à des avocats de la défense et des spécialistes en politique provenant de tous les coins du pays. Nous avons un membre nommé par la Law Society of Alberta, et des membres nommés par chacune des facultés de droit de l'Alberta. Nous représentons donc une groupe interdisciplinaire assez représentatif...
Le sénateur Duncan Jessiman: Existe-t-il des associations similaires dans les autres provinces?
Dr Joe Hornick: Non, il n'y en a pas, mais ce que nous faisons souvent, dans toutes sortes de projets, c'est nous associer avec d'autres. J'ai entendu dire que Nick Bala vous a présenté plus tôt le rapport d'un de ces projets. Nick est un des membres de notre conseil d'administration et un collègue qui travaille avec nous et je pense qu'il vous a présenté ce projet pour le rapport de Condition féminine Canada.
Le sénateur Duncan Jessiman: Et combien de personnes travaillent à ces projets à temps plein? Vous avez réalisé 50 projets dont quatre ou cinq n'ont rien à voir avec notre propos.
Dr Joe Hornick: Nous avons un noyau de cinq employés, mais n'importe quel projet, comme vous pouvez le voir... J'utiliserai comme exemple le projet que nous avons mené à bien sur la violence familiale et la garde. En réalité, trois membres de notre personnel y ont travaillé—moi-même, Lorne Bertrand et Joanne Paetsch. C'est inhabituel. Normalement, un seul membre de l'équipe est affecté à ce genre de projet. Mais comme vous pouvez le constater, nous ratissons ensuite le pays pour sélectionner les personnes les plus qualifiés pour étudier les questions sur lesquelles portent nos recherches. Nous leur demandons d'apporter leur contribution au projet et ensuite, en tant qu'organisme, nous faisons la synthèse des données.
Le sénateur Duncan Jessiman: Présentez-vous vos observations au Barreau canadien ou à tout autre...
Dr Joe Hornick: Non. Lorsque nous avons mis l'ICRDF sur pied, il y a quelque 11 ans, nous devions être très prudents. Au début, notre mandat incluait des recommandations en matière de droit mais on nous a fait biffer cet énoncé. Nous devons donc être très prudents maintenant et nous contenter de «fournir des renseignements qui peuvent être utilisés pour la formulation de recommandations». Ainsi, nous fournissons de l'information à divers groupes canadiens. Cela s'adresse pratiquement à tout le monde.
Le sénateur Duncan Jessiman: Comment êtes-vous financé?
Dr Joe Hornick: Nous recevons une subvention de base de l'Alberta Law Foundation, mais tel que je le précise dans mon mémoire, la plus grande partie de notre financement vient des fonds alloués aux projets pour lesquels nous sollicitons l'intervention des fondations et des gouvernements fédéral et provinciaux.
Le sénateur Duncan Jessiman: Et vous dites qu'il n'y a pas, à votre connaissance, d'organismes similaires dans d'autres provinces.
Dr Joe Hornick: Non, nous travaillons à l'échelle nationale et la plupart de nos travaux sont de portée nationale. Nous travaillons de concert avec d'autres organismes, mais il n'en existe pas d'autres similaires au nôtre.
L'organisme de Janet, en Angleterre, est semblable au nôtre. Le mieux connu est probablement l'Australian Institute of Family Studies. Il s'agit toutefois d'un organisme qui a une base législative que nous n'avons pas. Mais il s'occupe du même genre de projets que nous.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval Centre, BQ) (interprétation): Merci de votre invitation.
Vous avez mis de l'avant quelques idées et vous avez parlé du système d'éducation. Vous avez dit qu'il serait intéressant d'offrir des cours aux parents qui se séparent.
J'ai une question. En réalité, il y a de plus en plus de familles et de parents, jeunes ou moins jeunes, qui décident de se séparer. La plupart du temps, c'est une bonne décision—probablement. Mais je me demandais si ce ne serait pas une bonne idée d'ajouter à ces cours ou aux programmes scolaires une définition de la notion de parent. Nous avons de jeunes parents qui ont 16, 17 et 18 ans, et nous savons que ces familles très jeunes sont plus vulnérables que d'autres. Il serait sans doute bien de leur offrir une formation quand les problèmes surgissent, mais ne serait-il pas intéressant de favoriser l'adoption d'attitudes différentes, d'offrir à ces gens une formation préalable pour qu'ils sachent ce que cela représente d'avoir des enfants, quelles sont leurs responsabilités envers ces enfants? Je voudrais connaître votre opinion à ce sujet.
Dr Joe Hornick: Je crois certainement qu'il devrait y avoir des programmes de formation accessibles aux futurs parents. Toute cette information les aiderait très certainement. Elle les aiderait en leur fournissant des renseignements sur toutes sortes de questions de développement social qui, comme vous le savez, dépassent largement la question des taux de divorces élevés et les problèmes de garde et de droit de visite. Ainsi, en principe, j'appuierais certainement une telle initiative.
Je ne vois pas cela comme un programme qui se substituerait à l'éducation parentale. Celle-ci vise des personnes qui sont arrivées à des périodes très stressantes de leur vie. La plupart d'entre elles font face à toutes sortes de problèmes qui s'ajoutent à celui des effets du divorce sur l'enfant. Elles découvrent ce que c'est que la procédure judiciaire et le rôle qu'elles auront à jouer.
Tout cela est très important. Ça contribue à abaisser le niveau de stress. Si les gens abordent les situations de leur vie en étant au courant de ce qui va se passer, ça réduit la tension et les risques de conflits et de malentendus.
• 1355
Ainsi, même la partie juridique du cours pour les parents est
très importante.
Mais par-dessus tout, il faut noter que même les bons parents affronteront des difficultés dans le domaine de la garde et du droit de visite, parce que ce n'est tout simplement pas facile. J'ai un enfant de quatre ans et je ne peux imaginer à quoi ressemblerait ma vie si je ne pouvais pas vivre au même endroit que lui. Mais ce que je sais c'est que je voudrais très certainement me préparer à une telle éventualité avant qu'elle ne se concrétise; c'est la raison d'être de ces cours.
Ainsi, dans le domaine de ce que j'appellerais la prévention de base, votre suggestion est certainement bien accueillie. Je pense que nous devons examiner la chose beaucoup de beaucoup plus près, comme une sorte de mesure préventive pouvant s'appliquer aux maux de notre société. Mais je continue à penser que nous avons besoin d'examiner très soigneusement ces cours d'éducation parentale préalables à la séparation et au divorce.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice DeWare.
La sénatrice Mabel DeWare: Dans votre mot d'ouverture, monsieur Hornick, vous avez fait référence aux enfants plus âgés, je ne savais pas à quel groupe d'âge exactement vous faisiez allusion. Pourriez-vous élaborer un peu à ce sujet?
Dr Joe Hornick: Oui. Nous avons dit que les enfants d'un certain âge devraient participer d'une manière ou d'une autre à la prise de décisions. Ils ne devraient pas prendre les décisions mais devraient faire partie du processus. Je sais que leur participation au processus de médiation est controversée. À mon avis, plus grande est leur maturité et plus ils avancent en âge, plus ils devraient, sans doute, participer au processus, et ce, pour un certain nombre de motifs.
La Charte des droits des Nations Unies laisse entendre, selon la façon dont on l'interprète, que ces enfants devraient participer. Deuxièmement—chose plus importante encore probablement—nous avons découvert dans nos études que lorsqu'il s'agit d'enfants plus âgés, ce ne sont pas les parents qui prennent les décisions de visite ou de garde, ce sont les enfants eux-mêmes. Quand ils atteignent l'âge de 14 ou 15 ans, si les parents refusent de les laisser participer à la décision, ils le font d'eux-mêmes.
Il me semble qu'ils devraient participer aux négociations de manière plus officielle plus tôt dans le processus pour que celui-ci devienne affaire de communication, ou ce que j'appellerai familièrement des «négociations de table de cuisine»: «Alors tu veux aller vivre avec papa pendant un certain temps. Sais-tu ce que cela veut dire vraiment? Est-ce que papa veut réellement que tu vives avec lui tout le temps?» Asseyez-vous autour de la table et discutez-en avec vos enfants. Certains disent qu'ils sont prêts à laisser les enfants choisir la couleur du papier peint après qu'ils auront déménagé. Ce n'est pas une manière très positive d'envisager la question.
La sénatrice Mabel DeWare: Est-ce que vous pensez à une fourchette d'âge? Je suppose que cela dépend des enfants eux-mêmes et de leurs capacités.
Dr Joe Hornick: Pour parler de ma situation personnelle—je peux vous assurer que je n'ai aucune idée de me séparer ou de divorcer en ce moment—je me rendais en Angleterre, il y a quelques mois, afin de travailler au projet de Janet sur le divorce, et mon fils m'a demandé: «Qu'est-ce que c'est le divorce, papa?» Je lui ai répondu: «C'est quand deux parents découvrent, après un certain temps, qu'ils ne peuvent plus vivre ensemble et qu'ils devraient se séparer.» Il a ensuite ajouté: «Pourquoi vouloir qu'une chose pareille se produise, papa?». Et j'ai répondu: «Tu sais, quelquefois ce n'est pas facile de vivre ensemble et les gens n'arrivent pas toujours à planifier ces choses-là de la meilleure façon.» Il a répondu: «Et qu'est-ce qui arrive aux enfants?» Je lui ai dit: «Habituellement, ils s'en vont vivre avec un des parents et rendent visite à l'autre, et nous étudions cette sorte de situation.» Il a dit: «Toi et maman vous n'avez pas l'intention de faire ça j'espère.» J'ai dit «Non». Et il a dit: «Si jamais ça arrive, est-ce que vous pourriez m'en parler?»
La sénatrice Mabel DeWare: Parfait. Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Dr Walker, vous n'intervenez pas beaucoup, je suppose que c'est parce que vous êtes ici à titre de visiteuse. Mais comme vous êtes restée ici une bonne partie de la matinée, je me demandais si vous aviez quelque chose à ajouter.
Mme Janet Walker (directrice, Institut canadien de la recherche sur le droit et la famille): Merci beaucoup.
Je pense que j'aurai l'occasion, plus tard dans l'année, de participer à une vidéo conférence. C'est un fait qu'il y a, en Angleterre actuellement, un volume impressionnant de résultats de recherche à propos des changements que nous avons apportés aux politiques afin d'aider les parents à faire face aux difficultés de ce que nous appelons maintenant «résidence et contact».
Je pense que nous avons assez bien réussi à désamorcer les rixes et les disputes par la voie législative. Mais, chose intéressante, nous sommes en train de terminer, à mon centre, une étude qui examine la formation portant sur les relations et le rôle des parents offerte dans les écoles—une des questions à l'étude ici—et je vous en ferai parvenir un exemplaire.
En outre, une des choses que nous sommes en train d'évaluer à l'heure actuelle, dans le cadre de cette nouvelle loi sur le droit familial, la possibilité d'empêcher les contacts entre parents, tant dans l'intérêt des adultes que dans celui des enfants. On revient à la question que vous venez de poser.
• 1400
Il y a maintenant, en Angleterre, des brochures conçues pour
un public d'enfants de différents âges visant à leur faire
comprendre quelles sortes de questions ils pourraient avoir à
vérifier de manière approfondie, ce qui pourrait leur arriver et ce
que leurs parents pourraient vivre. Ce qui ressort de notre
recherche, c'est que ces parents et ces enfants accueillent
réellement avec plaisir l'occasion qui leur est donnée de partir de
quelque chose de tangible comme base de discussion.
Alors une fois de plus, je m'assurerai que le comité disposera de tous les documents pertinents pour ses délibérations.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. Nous les lirons avec intérêt.
Est-ce qu'il y a d'autres questions?
M. Paul Forseth: Oui, merci. Je serai bref.
Il est intéressant de noter qu'au lieu des mots garde et droit de visite, vous arrivez avec ces nouveaux termes «résidence» et «contact». Ces termes rendent la situation un peu plus diffuse et s'écartent du principe sous-jacent de propriété.
Je m'interroge sur la question plus large de la garde. Si, comme une ombrelle coiffant une ordonnance ou un accord régissant des choses comme le lieu de résidence quotidien, les soins, le contrôle et les contacts, les parents continuaient à assumer la garde légale de façon conjointe, qu'arriverait-il de ces principes fondamentaux qui permettent par exemple, de signer au nom de l'enfant pour son traitement médical, de prendre des décisions de base sur son éducation religieuse, d'obtenir un passeport...; enfin, toutes ces choses qui ont trait à la garde. Si c'est conjoint, comment faire le tri, comment savoir quand un parent a l'impression de ne pas avoir été consulté et d'être tenu à l'écart? Ils ont une garde conjointe, à proprement parler, sur papier, mais cela ne semble pas vraiment se produire entre eux dans la réalité.
Mme Janet Walker: Le terme que nous utilisons est «responsabilités parentales conjointes» et, au moment de la séparation ou du divorce, puisque, naturellement, cela s'applique aux parents non mariés comme à ceux qui sont mariés et qui divorcent, on rappelle aux parents en quoi consistent leurs responsabilités parentales conjointes et on s'attend à ce qu'ils se consultent vraiment, chaque fois qu'il faut prendre des décisions qui affectent la vie de l'enfant.
Néanmoins, nous croyons que la responsabilité de la prise de décision, pour les questions routinières, suit l'enfant. Ainsi, chaque fois que l'enfant se trouve avec sa mère, celle-ci est responsable des décisions quotidiennes. Lorsque l'enfant est avec le père, c'est le père qui décide. Les décisions importantes sont censées être débattues conjointement.
S'il appert que l'un ou l'autre des parents ne respecte pas ces dispositions, ils ont alors, bien sûr, la possibilité de revenir devant le tribunal pour demander une opinion juridique. Toutefois, en Angleterre, on exerce de plus en plus pression pour encourager les couples à rencontrer un médiateur et je pense que de plus en plus, les questions de responsabilité et de prise de décision quotidiennes passent par un processus de médiation plutôt que d'être renvoyées devant les tribunaux. De toute évidence, les recherches sur la médiation que nous avons entreprises dans ces cas pourraient laisser entendre qu'il existe beaucoup moins de différends qui refont surface à long terme que chez les gens pour qui la décision initiale a été prise par les tribunaux.
Je pense toutefois que la dilution de la notion de propriété vient de cas où l'enfant est avec un de ses parents qui en a alors la responsabilité, et je pense que cela a modifié de façon assez radicale la façon dont les pères, particulièrement ceux chez qui les enfants ne vivent pas, voient leurs responsabilités en tant que parents.
M. Paul Forseth: L'adoption ici d'un système parallèle, même si les appellations sont différentes, serait une situation de garde conjointe. L'un des parents s'occuperait de la surveillance et des soins quotidiens et l'autre bénéficierait du droit de visite. Ce sont les termes que nous avons utilisés, mais cela correspond exactement à votre système. Cela décrit de façon exacte ce qui nous appartient. Ainsi, vous nous permettez d'espérer que ce changement de termes peut servir à quelque chose.
Mme Janet Walker: C'est plus que de changer les mots. Je pense qu'il s'agit en réalité de changer la compréhension que l'on a de responsabilités parentales qui ne s'éteignent jamais, quelle que soit la situation: mariage, divorce ou vie avec l'enfant.
Il n'existe aujourd'hui que très peu de situations où le tribunal rend une ordonnance de résidence et de contacts. On s'attend à ce que les parents prennent de telles dispositions pour eux-mêmes et qu'ils soient appuyés ou aidés d'une autre façon par le tribunal au cours du processus. Mais dans l'ensemble, les ordonnance réglant des questions de résidence ou de contacts sont très rares, parce qu'on croit que la cour ne devrait rendre d'ordonnance que si le statu quo allait à l'encontre de l'intérêt de l'enfant.
La présomption n'est pas une ordonnance judiciaire. La présomption est une entente entre parents, et les attentes du parent chez qui l'enfant vit porte sur la façon dont il s'y prendra pour maintenir le contact. La responsabilité d'assurer que ce contact se produira, est entre les mains du parent chez qui vit l'enfant.
• 1405
Nous avons, en réalité, modifié de fond en comble notre façon
de penser au rôle de parent après un divorce, et je pense qu'un
simple changement de terme ne suffira pas. Il faudra changer la
façon d'amener les parents à penser aux mesures qu'ils vont prendre
pour assumer ces responsabilités sur une base quotidienne.
M. Paul Forseth: Vous opérez ce changement par l'entremise de programmes d'éducation parentale et...
Mme Janet Walker: C'est modifié grâce à un certain nombre de moyens. Cela évolue parce que quand un parent demande à un avocat d'essayer d'obtenir une ordonnance ayant trait à l'enfant, l'avocat a tendance à répondre qu'il ne veut pas le faire, que ce n'est pas dans l'intérêt de ce parent ni dans celui de l'enfant, et qu'il faut essayer de régler la question avec l'autre parent. Ainsi, une culture non contradictoire a émergé du traitement des questions qui concernent les enfants. Néanmoins, il faut reconnaître qu'on insiste maintenant davantage sur l'éducation et sur l'information, et que lorsque le nouveau Family Law Act entrera en vigueur, dans un an ou deux, chaque couple, chaque parent qui souhaite obtenir un divorce devra assister à une réunion d'information où on lui fournira des renseignements sur toute une gamme de sujets, y compris sur leurs responsabilités parentales et sur leurs enfants.
M. Paul Forseth: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cools, vous aviez une question.
La sénatrice Anne Cools: Oui. Merci beaucoup, madame la présidente. Nous n'avons pas souvent le plaisir d'entendre des témoins de l'étranger et c'est intéressant et même passionnant d'écouter ce que vous avez à nous dire. Je veux être sûre de comprendre ce que vous avez dit. Vous avez dit que quiconque a la garde de l'enfant à un moment donné en est entièrement responsable.
Mme Janet Walker: Pour les décisions portant sur les affaires courantes, oui.
La sénatrice Anne Cools: C'est ce qui est fantastique. En d'autres termes, si l'enfant rend visite au parent que nous appelons ici le parent qui n'a pas la garde et devient malade—parce que la situation est conflictuelle—et que ce parent doit agir rapidement et amener l'enfant à l'hôpital, ce que je comprends dans vos paroles, c'est que la décision de ce parent d'amener l'enfant à l'hôpital sera appuyée par l'autre.
Mme Janet Walker: Absolument.
La sénatrice Anne Cools: Et défendue et maintenue: il y a toujours beaucoup de conflits dans ce genre de situation: «Pourquoi l'as-tu amené à cet hôpital et pas à tel autre?», et ainsi de suite.
Prof. Janet Walker: Oui, la responsabilité accompagne l'enfant, où qu'il soit.
La sénatrice Anne Cools: Excellent, parce que nous disposons aussi de la deuxième règle que vous avez articulée, à savoir que la responsabilité d'assurer le contact avec l'autre parent est confiée au parent qui a la garde. Nous avons la même règle, cela s'appelle la règle du parent prêt à coopérer avec l'autre; il s'agit du paragraphe 16(10), je pense, de la Loi sur le divorce. Malheureusement, personne ne met ce paragraphe en application et c'est donc comme s'il n'existait pas. Il serait intéressant d'examiner la loi anglaise pour voir l'application de ce principe.
Mme Janet Walker: La chose la plus utile serait sans doute que moi-même et mes collègues, en Angleterre, rassemblions une bonne partie de ces documents. Il y a un comité qui surveille l'application de notre loi des enfants depuis 1989 et je pense que vous pourriez probablement tirer profit des rapports et des résultats de recherche de ce comité.
La sénatrice Anne Cools: C'est merveilleux, mais peut-être...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous pourrions avoir avec eux une vidéo conférence.
La sénatrice Anne Cools: Excellent.
La baronne Faithfull, est-ce que c'était bien son nom?
Mme Janet Walker: Oui.
La sénatrice Anne Cools: A-t-elle participé à cela?
Mme Janet Walker: Elle y a beaucoup contribué.
La sénatrice Anne Cools: Elle est décédée maintenant.
Mme Janet Walker: C'est vrai. Elle a largement contribué à la promulgation du Children Act ainsi qu'à celle du Family Law Act juste avant sa mort. Et je peux vous dire qu'elle a joué un rôle de premier plan, tant pour la réforme de la législation que pour l'adoption et la promotion de la médiation familiale.
La sénatrice Anne Cools: Magnifique, peu de temps avant sa mort, je devais aller en Angleterre pour la rencontrer; c'était une femme fantastique, la baronne Faithfull.
Mme Janet Walker: Oui, absolument.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénateur Jessiman, une dernière question rapidement pour que nous puissions prendre une pause.
Le sénateur Duncan Jessiman: Avez-vous des lignes directrices établissant qui paie qui et combien?
Mme Janet Walker: Oui. Nous avons un Child Support Act, qui est tout à fait impopulaire, si j'ose dire.
Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce la même chose en Angleterre qu'en Amérique du Nord, où bon nombre de conjointes et de mères travaillent à plein temps?
Mme Janet Walker: Oui.
Le sénateur Duncan Jessiman: Ainsi, elles apportent leur contribution et la responsabilité est partagée. On s'accorde en général sur le financement?
Mme Janet Walker: Oui. En Angleterre, les questions financières sont de plus en plus souvent réglées dans le cadre de la médiation. Par contre, le paiement des pensions alimentaires reste une pratique qui est loin d'être aussi souple. Le Child Support Act repose sur l'application d'une formule, et je pense qu'il a été fort problématique en soi pour les parents qui veulent essayer de négocier les questions financières et se heurtent à un système passablement rigide. C'est actuellement en révision en Angleterre, et nous nous attendons à des changements qui assoupliront le régime parce que, trop souvent, ce sont les arrangements financiers qui entraînent les plus gros conflits, souvent par rapport aux enfants.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je vous remercie infiniment.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci d'être venus. Nous allons maintenant prendre une pause et nous reprendrons à 13 h. Pour la gouverne des membres, une table a été réservée au restaurant de l'hôtel où nous pouvons partager notre repas.
SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI
Le coprésident (M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Bonjour et bienvenue à notre séance de l'après-midi de la 20e réunion de ce comité mixte spécial de la Chambre des communes et du Sénat institué pour étudier la Loi sur le divorce.
Je voudrais d'abord faire quelques observations de nature administrative.
Pour celles et ceux qui assistent à la séance, on peut obtenir des appareils qui amplifieront le son et qui retransmettront l'interprétation simultanée des débats. Vous pouvez en obtenir un à la porte.
Deuxièmement, il s'agit d'une procédure du Parlement du Canada, et je vous prierai de ne faire aucun commentaire. Les remarques spontanées ou les applaudissements ne sont pas de mise dans la salle d'audience. Si cela se produisait, nous devrions interrompre la séance.
Nous recevons, cet après-midi, pour la première session d'une demi-heure, Mme Byrnece Cortens et M. Tony Hall.
Je suppose que vous savez qu'étant donné le grand nombre de témoignages, nous devrons malheureusement limiter vos observations à cinq minutes.
Madame Cortens, si vous voulez commencer...
Mme Byrnece Cortens (témoignage à titre personnel): Je ferai ma présentation de manière aussi concise que possible.
Honorables Sénatrice, sénateurs et membres du comité mixte spécial, je demande respectueusement que ce mémoire soit versé au procès-verbal.
Je suis la grand-mère paternelle d'Evan Cortens, Adrien Cortens et Elizabeth Cortens, leur seule aïeule encore en vie. Mon mari John, leur grand-père paternel, et moi-même avons été constamment présents dans la vie de ces enfants depuis leur naissance jusqu'en septembre 1996. À ce moment-là, à cause d'une obligation financière portée à l'attention de la mère, qui ne concernait nullement—ou n'aurait pas dû concerner—les enfants, nous nous sommes vus refuser le droit d'entrer en contact avec eux, soit par téléphone ou en personne.
Ce jugement a été prononcé par une certaine juge nommée Carolyn Phillips sur la foi d'une preuve testimoniale, sans aucune prise en compte ni connaissance des détails de l'affaire. Leurs relations avec nous et avec leurs oncles, tantes et cousins paternels, avec ils avaient tissé, dans certains cas, des liens particulièrement étroits, ont été brutalement interrompues.
En juin 1993, leur mère, sans aucun avertissement, a quitté son domicile avec ses trois enfants, sans tenir compte le moins du monde de ce qu'ils souhaitaient. Elle s'est rendue, sous un faux prétexte, dans une maison d'hébergement pour femmes. Pendant un mois entier, notre fils Philip, leur père, n'a pas eu connaissance de leurs allées et venues et n'a eu aucun moyen d'entrer en contact avec eux.
Dans les cinq ans qui ont suivi, nous avons vu notre fils assujetti à des exactions inimaginables de la part de son ex-conjointe qui, avec la collaboration de ce soi-disant système de justice, l'a acculé à une dépression nerveuse pour laquelle il est toujours en traitement.
Il n'est pas acceptable que le parent qui a la garde, habituellement la mère, soit autorisé à exagérer ou même à mentir au tribunal alors que son témoignage est accepté sans preuve. Le fait qu'une femme haïsse son ex-conjoint ne devrait pas lui donner le droit de détruire la relation d'une vie que les enfants ont bâtie avec un père et des grands-parents qui les aiment et sont privés de leur présence.
À mon avis, l'intérêt de ces enfants n'a jamais été pris en considération. Au cours des cinq dernières années, soit depuis 1993, leur mère et son conjoint de fait ont contrôlé, manipulé l'information et leur ont menti, ce qui a eu pour résultat de les éloigner systématiquement de leur père et de nous-mêmes, peut-être pour toujours.
C'est vraiment inacceptable. Je voudrais ajouter que ces trois enfants ont tous été forcés de prendre un médicament appelé Ritalin sans le consentement de leur père ou sans même qu'il en soit averti. Ces enfants ne souffrent pas de trouble déficitaire de l'attention. Ils sont plutôt victimes du SAP, le syndrome d'aliénation parentale.
En ce qui concerne le combat que livre notre fils pour tenter d'avoir un contact minimal avec ses propres enfants et de voir ses droits reconnus, je voudrais préciser qu'il existe de nombreuses études mettant l'accent sur le rôle important que joue le père et les grands-parents naturels dans la vie des enfants. Les grands-parents sont un lien essentiel entre les enfants et leur patrimoine; ils leur offrent une stabilité et une sécurité qui leur manqueraient autrement, sans parler d'un amour inconditionnel.
J'en appelle à vous pour que nous soyons reconnus comme un apport essentiel dans leur vie et je vous remercie de nous avoir donné l'occasion d'être entendus.
J'ai une liste de recommandations que je voudrais vous soumettre.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y. Veuillez, s'il vous plaît nous les lire.
Mme Byrnece Cortens: Nous avons un urgent besoin de lois qui prennent le mariage au sérieux. Les couples qui ont des enfants ne devraient pas être autorisés à briser le mariage à cause d'un caprice d'une ou des deux parties. Avant que les parents puissent se séparer légalement, il devrait y avoir des séances de counseling obligatoires pendant une période pouvant aller jusqu'à trois ans, si nécessaire. C'est la stabilité mentale et émotive des enfants qui est en jeu.
Des procédures devraient être accessibles pour résoudre les questions contentieuses plutôt que d'acculer les parents et les grands-parents à la faillite financière et affective.
Les pouvoirs arbitraires, genre Gestapo, des autorités qui assurent l'exécution des ordonnances alimentaires doivent être abolis. Il est impensable que l'on puisse incarcérer un père qui généralement n'a pas la garde, pour n'avoir pas respecté l'ordonnance alors qu'il ne dispose pas de l'argent nécessaire pour effectuer le plein paiement. Où peut-il se procurer cet argent? Est-ce qu'il est censé le trouver en prison? Quel héritage à léguer aux enfants!
• 1520
Les engagements financiers réels—comme l'éducation, les
leçons de musique, les loisirs et les violons d'Ingres, les
vêtements, la nourriture et le logement—du parent qui n'a pas la
garde devraient être reconnus comme une contribution à l'entretien
de ces enfants. La loi ne devrait pas présumer que l'amour d'un
père pour ses enfants est moins grand que celui d'une mère ou que
les enfants doivent être avec leur mère plus qu'avec leur père.
Il faut mettre un terme aux pratiques légales abusives que constituent les ordonnances ex parte. La plupart des ordonnances qui concernaient notre fils ont été rendues en son absence et donc sans qu'il ait l'occasion de défendre sa cause.
Dans le cas de notre fils, de nombreuses décisions ont été prises par les juges et les avocats lors d'appels conférences ou à la cafétéria du palais de justice. Ces ordonnances ont été délivrées aux dépens de nos petits enfants et non dans leur intérêt.
Les grands-parents devraient avoir le droit de faire partie intégrante de la vie des enfants lorsque ceux-ci subissent un traumatisme causé par des parents égocentriques qui décident de divorcer. Cela devrait faire partie du processus de counseling obligatoire.
Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.
M. Hall, vous avez cinq minutes.
Dr Tony Hall (témoignage à titre personnel): Je vous renvoie à un document adressé à Catherine Piccinin, que j'ai fait parvenir au comité le 11 février 1998. Il décrit une affaire sur laquelle je veux me pencher et aborde la question des enfants autochtones et des services familiaux. Il s'agit de la poursuite Hall c. Navigon, qui a été intentée à Thunder Bay devant le juge Maloney, fin septembre dernier.
Avant d'aborder cette question, mesdames et messieurs les sénateurs et députés, je veux vous dire toute notre déception. Nous avions compris que vous veniez à Lethbridge.
Bill Tulloch, qui a consacré presque la moitié de sa vie à cette question, s'attendait à ce que vous veniez à Lethbridge jusqu'à il y a deux jours. Nous avons d'abord appris que vous alliez visiter quatre villes, puis deux villes, et maintenant vous êtes dans une de ces villes pour une journée et vous n'êtes même pas sortis de l'aéroport. Par ailleurs, je constate que les députés qui ne sont pas présents à ce comité sont de toute évidence en train d'étudier la question de l'hépatite C, cet épineux dossier où on voit le carriérisme l'emporter sur les principes.
Je vous prie instamment de revenir et de nous accorder plus de temps, parce qu'il y a des gens qui vivent là-bas dans les territoires; vous avez peut-être entendu la présentation des mémoires. Tout ce que j'ai entendu jusqu'ici, ce sont des causes urbaines, mais il y a également des gens qui vivent à la campagne.
Je voudrais vous renvoyer à mon témoignage du jeudi 10 décembre 1996 devant le comité du Sénat qui examinait le projet de loi C-41. Les sénateurs présents nous ont accordé environ deux heures de leur temps. Il me semble que cette pratique, qui consiste à nous faire défiler comme dans une usine de transformation de viande—nous donnant cinq minutes pour raconter notre histoire, la mettre en contexte et faire des recommandations—ressemble, à s'y méprendre, à la parodie à laquelle nous sommes conviés dans l'industrie du droit familial, où nous sommes traités de manière particulièrement expéditive.
Je ferai de mon mieux, maintenant que j'ai pris une minute et demie du temps qui m'est imparti sans même avoir abordé la question, mais vous devez creuser la question bien davantage. Vous devez abandonner ce rallye aérien qui ne fait escale que dans les grandes villes et pénétrer dans nos campagnes.
Je veux mettre l'accent sur les droits des enfants, et le fruit de ma réflexion, c'est que l'intérêt des enfants est une fausse piste; ce sont les droits des enfants qu'il faut préserver. Si nous choisissons ce point de départ, j'affirme et je veux faire savoir clairement qu'à mon avis—je pense ici à la Convention des Nations Unies sur les droits des enfants, que l'Alberta n'a pas approuvée—les enfants ont le droit inaliénable, en tant qu'êtres humains, de recevoir, chaque fois que c'est possible, l'amour, les soins et l'attention de leurs deux parents. Il y aura des cas où il ne sera pas possible que l'enfant soit l'objet de l'amour et des soins et de l'attention de ses deux parents, mais si nous adoptions ce point de départ, notre approche serait très différente.
• 1525
Je veux affirmer qu'à mon avis, l'enfant a le droit de ne pas
être forcé de vivre dans la pauvreté. À mon avis, il s'agit là,
bien sûr, d'une question explosive. J'entends le gouvernement
libéral proclamer que la pauvreté infantile le préoccupe beaucoup
et que les statistiques sur la pauvreté des enfants dans ce pays
sont obscènes et sont en train de grimper en flèche. Je connais
bien la question, et les abus et manipulations qui l'entourent
engendrent une multitude de cas de pauvreté infantile qui ne
devraient tout simplement pas exister.
Lorsque j'écoute les statistiques élevées sur la pauvreté infantile actuelle... Je paie 1 000 $ par mois de pension alimentaire. Je travaille à l'université. Je verse la pension. Ces 1 000 $ par mois assurent l'entretien de mon ex-conjointe et de mes deux enfants. Ce n'est pas suffisant. Ainsi ces enfants vivent dans la pauvreté et c'est une sorte de pauvreté imposée par l'État. C'est une décision politique de permettre l'existence même de ce genre de pauvreté. Elle ne devrait pas exister.
Je veux souligner qu'Anne McLellan, par exemple, à qui, à mon avis, on peut attribuer une grande part de responsabilité pour n'avoir pas mieux répondu aux besoins de ses électeurs en Alberta, devrait s'assurer qu'on accorde suffisamment de place aux Albertains à des endroits comme Lethbridge, Red Deer ou Burdett afin qu'ils aient l'occasion de prendre part à ces séances. Quand j'entends Anne McLellan, par exemple—ou les libéraux en général—exprimer ses préoccupations quant à la pauvreté des enfants, je pense qu'on est en présence d'une bonne dose d'hypocrisie et que l'État impose aux enfants une situation qui nie leurs droits personnels et les accule à la pauvreté.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): M. Hall, votre temps de parole est écoulé. Avez-vous des recommandations à présenter au comité?
Dr. Tony Hall: Je ne vous ai pas entendu couper la parole aux gens de façon si abrupte dans d'autres cas.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous sommes forcés de suivre un horaire.
Madame Johnson, veuillez procéder.
Dr Tony Hall: Je voudrais dire que vous n'avez pas abordé la question des peuples autochtones et des organismes autochtones de service à l'enfance qui...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Excusez-moi, Dr. Hall. Votre temps de parole est écoulé.
Dr Tony Hall: Je voudrais juste vous faire remarquer que c'est vous moquer de la question que d'y mettre un terme ici.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Est-ce que c'est une recommandation ou est-ce que c'est un commentaire? Votre temps de parole est écoulé.
Madame Johnson. Je suis désolé, est-ce que je me suis trompé de nom? Madame Hunter, excusez-moi.
Mme Gwen Hunter (témoignage à titre personnel): En réalité je ne suis plus Mme Hunter.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord.
Mme Gwen Hunter: Je voudrais vous donner un éclairage juste légèrement différent du point de vue que vient de nous livrer le Dr. Hall.
Mesdames et messieurs les invités et les membres du Comité spécial mixte sur la garde et le droit de visite des enfants, merci de m'autoriser à comparaître et à m'adresser à vous.
Je suis préoccupée depuis longtemps par les problèmes que posent la garde et le droit de visite après un divorce ou une séparation. Je voudrais vous parler, de première main, de ce que moi-même et 320 000 personnes dans la province de l'Ontario avons perçu en 1995 comme une exploitation frauduleuse des données sur la violence familiale.
En juillet 1995, deux autres femmes et moi-même ont lancé et fait circuler une pétition demandant une enquête publique sur les arrangements hors cour visant, en échange de son témoignage, à minimiser les chefs d'accusation d'une femme du nom de Karla Homolka qui, avec son mari Paul Bernardo, avaient enlevé et assassiné deux étudiantes du sud de l'Ontario. Il s'agissait de la plus importante pétition jamais présentée à Queen's Park à Toronto (Ontario). En à peine deux mois, 320 000 signatures ont été recueillies.
L'avocat a négocié avec les représentants de la couronne, une réduction du nombre et de la gravité des accusations pesant sur Karla Homolka en échange de son témoignage. Il a allégué pour sa défense qu'elle était elle-même victime. En mars 1993, deux ans auparavant, Karla Homolka avait été admise au Northwestern General Hospital de Toronto. Sur la recommandation de son avocat, du psychiatre Anne Hart, et du psychologue Alan Long, elle a fait l'objet de tests et a été soumise à un traitement pendant son séjour de sept semaines à cet hôpital.
L'évaluation du Dr Hart, citée partiellement, établit que ses expériences de vie, à l'âge de 17 ans pouvaient, jusqu'à un certain point, être comparées aux expériences des survivants des camps de concentration qui, aux prises avec d'horribles tragédies, devaient se conformer et commettre, pour préserver leur propre vie et la vie de leurs proches, des actes qu'en d'autres circonstances, ils n'auraient jamais commis.
• 1530
La question qu'il faut se poser est celle-ci: Quelle vie
a-t-elle préservée? Certainement pas celle des victimes, Leslie
Mahaffy ou Kristen French, ni celle de sa propre soeur, Tammy
Homolka. Et qu'est-ce que le Dr Hart considérait comme des
circonstances normales? Elle vivait au domicile de ses parents et
était, aux yeux de ses amis et des membres de sa famille, en forme
et heureuse au moment même où, avec son mari, elle a drogué et
exploité sa propre soeur comme objet de jeu sexuel. Tammy s'est
étouffé dans ses propres vomissures le soir où elle a été agressée.
Karla Homolka aidait son mari à attirer des jeunes filles pour qu'il puisse satisfaire ses perversions sexuelles et elle assistait subséquemment aux agressions sexuelles et à l'élimination des cadavres.
Pour le rôle qu'elle a joué dans la mort de Leslie Mahaffy et de Kristen French, on lui a infligé une peine de 12 ans. La mort de Tammy a été jugée comme accidentelle.
Je crois que le rapport psychiatrique et l'utilisation qu'a fait l'avocat de la défense de ce rapport ont constitué une exploitation frauduleuse de la violence familiale. Certains avocats font valoir et répandent les arguments de la presse dans le cadre des procédures judiciaires et ils se fient à la protection que leur confère l'immunité judiciaire et leur propre statut d'officiers de justice. Aujourd'hui, Karla Homolka est admissible à la libération conditionnelle. Je crois que dans ce cas, et dans de nombreux autres qui ne sont pas aussi horribles mais qui se fondent sur des tactiques judiciaires semblables, il y a eu, et il continuera à y avoir, une exploitation frauduleuse de la violence familiale.
Dans certains cas, la défense a permis à des personnes coupables, irresponsables et, dans certains cas, très dangereuses de recouvrer leur liberté et, ce qui est triste, dans les cas de divorce et de séparation, de s'assurer le contrôle et la garde d'enfants innocents. J'espère qu'à titre de membres de ce comité, vous rassemblerez suffisamment d'information exacte pour mettre un terme à cette exploitation frauduleuse de la violence, pour que les enfants victimes du divorce et de la séparation puissent s'épanouir dans un environnement sain et sans risque.
Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous remercie beaucoup.
Passons maintenant aux questions; monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Merci beaucoup.
Avant de poser ma question, je voudrais faire une observation d'ordre technique et souligner que les plans de voyage préparés par le comité étaient peut-être quelque peu optimistes, mais qu'ils ont été coupés par d'autres, et il ne faut pas attribuer à notre comité le calendrier que nous suivons.
Je veux également noter que nous avons aujourd'hui trois députéa à la table et quatre qui assistent aux audiences.
Je voudrais poser cette question au premier présentateur. Vous avez fait allusion aux ordonnances ex parte et aux abus qu'elles entraînent. Pourriez-vous me dire quand on vous a permis, pour la première fois, de prendre la parole dans une cour de justice pour vous opposer à ces ordonnances ex parte? À partir du moment où l'ordonnance ex parte a été prononcée, combien de temps cela a-t-il pris avant que vous puissiez comparaître dans une salle d'audience pour la contester? Quel était le délai?
Mme Byrnece Cortens: Dans le cas de mon fils, il n'a jamais eu l'occasion de se défendre et, à l'automne—je ne sais pas comment expliquer cela en résumé—on lui avait permis de consulter les professeurs à l'école pour obtenir les bulletins des enfants.
J'y suis allée avec lui. À ce moment-là, on lui avait dit qu'il ne devait avoir aucun contact avec les enfants. Malheureusement, c'était à la fin de la journée scolaire et les deux enfants étaient encore à l'école malgré l'heure un peu tardive.
Je l'accompagnais, comme je vous l'ai dit. Nous avons vu les deux enfants dans le hall. Nous les avons rejoints et leur avons parlé, naturellement, ce sont ses enfants et il les aime. Il leur a adressé la parole très gentiment.
Ensuite, nous sommes allés à l'entrevue prévue. J'ai laissé mon fils en ville et je suis revenue à Carstairs, l'endroit où il vit.
Peu de temps après, trois policiers comme des armoires à glace sont venus l'arrêter parce qu'il avait contrevenu à l'ordonnance. Il avait adressé la parole à ses enfants. Ils voulaient l'amener en prison. Cette fin de semaine-là, ils n'ont pas communiqué avec lui parce que je ne savais pas où il se trouvait en ville, mais je savais que la prochaine fois que nous allions comparaître devant le tribunal, ce qui devait se produire sous peu, ils allaient sûrement l'incarcérer pour avoir parlé à ses enfants.
C'est la seule audience que nous ayons jamais eue. Mais, à part cela, il n'y en a pratiquement jamais eu... c'était son avocat qui nous transmettait l'information.
M. Paul Forseth: D'accord, parce que généralement, lorsqu'une ordonnance ex parte est prononcée, un juge enjoint au greffier de faire inscrire au rôle une requête reconventionnelle et, généralement, vous pouvez vous faire inscrire en une ou deux semaines, pour présenter des preuves visant à contester l'ordonnance. Mais je suppose que cela dépend de l'énergie de l'intimé, votre fils dans ce cas, et de ce qu'il avait entrepris pour contester l'ordonnance ex parte, une ordonnance prononcée sans que l'autre partie ait été entendue.
D'après mon expérience, les juges sont très prudents quant à l'utilisation des ordonnances ex parte, et ils entendent les témoignages du requérant, souvent assermenté. Je voulais juste savoir comment le système avait fonctionné dans votre cas. Lorsque des ordonnances ex parte ont été prononcées, combien de temps cela a-t-il pris avant que votre fils ne retourne en cour pour offrir son témoignage, sa contre-preuve ou autre, en vue de contester le système d'ordonnances ex parte?
Mme Byrnece Cortens: Cela s'est produit relativement vite. Nous sommes allés au tribunal à propos de cet incident parce qu'ils voulaient le mettre en prison. Il bénéficie actuellement de l'aide juridique. Il a utilisé toutes ses réserves d'argent au cours des premières années où il a fait appel aux services d'avocats.
Mais il y a eu un autre cas où une juge a prononcé une ordonnance et nous ne l'avons jamais reçue par écrit, c'était au moment où nous sommes allés en cour provinciale, mon mari et moi-même pour tenter d'avoir la visite de nos petits-enfants. Nous pensions que cela pouvait se faire de cette façon. On nous avait conseillés de le faire.
Nous avons suivi toutes les procédures et fait tout ce qu'il fallait, et cette même juge a rejeté notre requête parce que, pour suivre les procédures, il fallait envoyer... Je ne suis pas certaine des termes juridiques, mais il aurait fallu envoyer un avis à la mère, au père et à l'aîné des garçons qui avait 13 ans à l'époque. La juge a prétendu que c'était un manque de délicatesse de notre part que de faire délivrer une ordonnance à l'endroit d'Evan, notre petit-fils et elle nous a donc interdit de les voir.
Cette ordonnance a été rendue. Nous n'étions pas présents. Nous n'avons jamais reçu de documents nous informant de la décision. C'est l'avocat de notre fils qui nous a dit que nous n'avions plus aucun accès, ni téléphonique ni autre, aux enfants. Je ne sais vraiment pas que faire. Je suis un peu confuse, réellement.
M. Paul Forseth: C'était au palier provincial?
Mme Byrnece Cortens: Oui, ce l'était, mais je ne sais quand elle est intervenue dans l'affaire, parce que je pense pas qu'elle soit un juge provincial.
M. Paul Forseth: D'accord.
Mme Byrnece Cortens: Je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas. Je suis désolée.
M. Paul Forseth: J'essaie simplement de mettre de l'ordre dans ces choses, parce que nous essayons d'examiner les amendements possibles à la Loi sur le divorce et parce que la façon dont fonctionnent les registres sur le divorce et les services sociaux dans ce domaine, constitue une question connexe. Naturellement, nous devons examiner l'utilisation qui est faite des ordonnances ex parte en Colombie-Britannique, des ordonnances provisoires délivrées par un protonotaire; ce sont là des choses que nous devons examiner.
Mme Byrnece Cortens: De la manière dont je peux voir les choses, ces deux juristes et les juges se rencontrent et ont des entretiens téléphoniques et prennent des décisions à propos de la cause puis votre fils reçoit la décision par l'entremise de son avocat et l'affaire se termine là.
M. Paul Forseth: D'accord. Je vous remercie.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice Cools, cinq minutes.
La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup, monsieur le président.
D'abord, je voudrais m'excuser auprès des témoins pour n'avoir pas entendu la plus grande partie de leurs mémoires. Je me suis présentée ici un peu tardivement, après avoir essayé tant bien que mal de me sustenter, ce qui est pratique courante ici.
Au témoin qui nous a parlé du syndrome de la femme battue, je veux dire que nous avons entendu de nombreux témoignages à ce comité sur la violence familiale mais pas à propos de ce que l'on pourrait décrire comme des cas habituels de violence familiale, mais ce que je dépeindrais comme des cas pathologiques graves de violence familiale. Malheureusement, aucun renseignement sûr n'est jamais confié au comité et cela rend notre tâche très difficile.
J'aurais aimé entendre ce que vous aviez à dire, parce que vous n'êtes pas seul à vous préoccuper de l'usage qui est fait du syndrome de la femme battue, pas seulement par la défense mais également par le ministère public, par exemple dans le cas Homolka-Bernardo. En tant que personne qui a beaucoup travaillé dans le domaine de la violence familiale, cela m'a préoccupée. Je dois dire que cela m'a aussi beaucoup chagrinée. J'ai été peinée par le recours au mensonge ou à des allégations frauduleuses de mauvais traitement. Cela m'attriste beaucoup, profondément, parce que ces menteurs sapent à la base les ressources valables qui devraient, à mon avis, profiter aux véritables victimes.
• 1540
Je ne sais pas si vous avez fait le point à ce sujet, mais
j'ai deux autres questions. Le syndrome de la femme battue n'est
pas une maladie. Ce n'est pas un désordre de la santé mentale. Ce
n'est pas un trouble psychologique. Il n'y a pas de thérapies. Cela
semble n'avoir aucune existence sauf à être un outil de
revendication dans le cadre de certaines formes de poursuites
criminelles et un mécanisme qui diminue la responsabilité de
certains actes passablement haineux.
C'est quelque chose qui a préoccupé un grand nombre de professionnels de la santé mentale, parce que cela émerge exclusivement dans ce genre de poursuites criminelles. J'ai raté une partie de votre témoignage, mais j'ai fait certains travaux sur ce thème il y a quelque temps. Je ne sais pas ce que vous avez dit, mais je me souviens très clairement des rapports psychiatriques dans cette cause décrivant Homolka comme une personne qui n'est pas dangereuse. Trois enfants ont été tués mais ces rapports psychiatriques la décrivent comme inoffensive.
Gardons à l'esprit que le fait que ces jugements aient été prononcés avant que le caractère vraiment haineux de sa participation ne soit devenu évident pour tous.
Vous avez fait un gros travail sur ce cas. Pendant le procès de Paul Bernardo, il y a eu une tentative de faire témoigner un grand nombre de personnes sur la question du syndrome de la femme battue. Si vous vous souvenez, le juge LeSage a été particulièrement dur avec certains de ces témoins.
Ce que nos collègues devraient savoir, c'est que la semaine dernière, le Dr Peter Jaffe était censé comparaître devant nous. Dans l'affaire Bernardo, il a témoigné en faveur de la poursuite sur le syndrome de la femme battue.
En gardant à l'esprit le fait que vous sembliez avoir étudié la question en profondeur, je me demande si vous n'avez pas certaines réflexions à partager avec les membres du comité sur les témoins entendus à ce propos lors de ce procès.
Mme Gwen Hunter: En réalité, Anne, je n'en ai pas. Je veux dire, qu'il s'est passé trois ans depuis que je me suis intéressée à l'affaire. Ce que je peux toutefois vous dire, c'est que le livre favori de Karla Homolka en prison pendant les deux ans qui ont mené au procès de Paul Bernardo était l'oeuvre de Lenore Walker, je pense, intitulé Le syndrome de la femme battue.
La sénatrice Anne Cools: Merci de votre témoignage.
Le livre auquel le témoin réfère est intitulé le Syndrome de la femme battue, il a été écrit par Lenore Walker. Si un membre de ce comité choisissait de feuilleter ce livre, il constaterait qu'il n'y a aucun renvoi à des ouvrages reconnus pour les nombreuses assertions que l'on y trouve. Pas une seule référence, pas une seule étude. Le livre est rempli d'énoncés du genre «Il est bien connu», «Il est de notoriété publique», «Tout le monde sait que»...
Nos chercheurs pourraient peut-être jeter un coup d'oeil à ce texte et nous fournir quelques renseignements à son sujet.
Merci de votre témoignage.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Désolé de devoir limiter la période de questions aujourd'hui, mais il se fait tard.
La sénatrice Anne Cools: Vous avez manqué le bateau, monsieur le président. J'ai terminé avant vous.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Pour la première fois en plusieurs mois.
Des voix: Oh, oh!
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: Dr Hall, pour mémoire, vous pourriez peut-être prendre une minute ou deux pour exposer les recommandations que vous vouliez rendre publiques.
Dr Tony Hall: Les recommandations que j'ai à proposer, bien entendu, sont liées à ce qui est arrivé.
J'ai été appelé en septembre dernier par Children's Aid quand la mère de mes enfants a été incarcérée. C'était sa troisième condamnation pour voies de fait. J'étais sa première victime. Le second épisode—pour lequel il y a eu condamnation—impliquait ma conjointe actuelle.
À ce stade, mon ex-conjointe est en prison. Je rentre à Thunder Bay. Je prends l'autobus. Dans les grandes lignes, je découvre que mes enfants ne peuvent me rendre visite, même si leur mère est en prison. Je me heurte à un organisme dénommé le Native Child and Family Services Agency et celui-ci m'informe qu'il ne peut me dire ce qu'il faut faire avant d'avoir eu un entretien avec la famille. Or, il est en train de parler au père de ces enfants! De toute évidence, je suis en dehors de son schème de référence quand il parle de la famille des enfants.
• 1545
Je pense que ce comité a la responsabilité particulière
d'examiner l'ensemble de la question des peuples autochtones, qui
ont une relation constitutionnelle totalement différente avec
l'État du Canada, le Dominion et les provinces, et qui se trouvent
sous autorité fédérale. Je pense qu'il faut entreprendre des
recherches d'envergure sur ces questions. Je peux voir émerger à
l'horizon une situation où un grand nombre d'Autochtones,
principalement des hommes, qui ont été criminalisés de diverses
façons, vont être confrontés à de nouvelles formes de
criminalisation.
Quand je soulève la question de la pauvreté des enfants, où rencontre-t-on le plus d'enfants pauvres? C'est souvent dans les réserves, dans les collectivités des premières nations.
Je voudrais donc proposer à ce comité d'aborder la question de la pauvreté en général et d'essayer de rattacher ces questions à la problématique de la pauvreté des enfants. Je propose qu'il y ait une recherche spéciale dans le domaine des affaires autochtones.
Je ressens tellement de pression lorsqu'il faut dire quelque chose en 30 secondes parce que je sais que l'on va me couper la parole n'importe quand. Si vous pouviez me poser une autre question ou me mettre sur la piste... Je pense que vous connaissez ma situation, sénateur.
Le sénateur Duncan Jessiman: Laissez-moi vous aider? Est-ce que vous avez des recommandations précises pour modifier la Loi sur le divorce elle-même?
Dr Tony Hall: Oui. Je pense que la Loi sur le divorce doit être fondée sur les droits des enfants. Nous devons aborder les concepts de maternité et de paternité. Quand on examine en détail cette loi et ses précédents, ni le langage de la jurisprudence, ni celui de la loi ne renvoient aux distinctions de sexe. On peut examiner la chose et dire que c'est neutre par rapport au sexe, mais naturellement le résultat n'est pas neutre du tout à cet égard. Il y a un traitement très différent des mères et des pères dans ce système.
Je crois que le juge Allard a fait ressortir, lorsqu'il a examiné ces questions, qu'il faudrait les lire à travers le prisme de l'appartenance à un sexe ou à l'autre—les mères et les pères. Je pense que ce comité devra affronter la réalité et accepter qu'il existe une chose comme la paternité et la maternité. Je ne peux pas être une mère, je ne peux être qu'un père. La Charte des droits et libertés parle de la nécessité d'instaurer une égalité de traitement des sexes devant la loi et c'est un exemple classique de domaine où il n'y a pas d'égalité devant la loi.
La question de la violence familiale a été encadrée dans des termes qui sont teintés par l'appartenance au sexe. Je suis une victime de violence familiale. La mère de mes enfants est allée en prison pour la troisième fois pour avoir agressé le professeur de mon enfant et pour avoir, après être entrée dans le hall en face de tous ses amis, envoyé au tapis le professeur d'éducation physique qui avait osé dire quelque chose. Elle a été incarcérée pour ce geste. Cela s'est produit après de nombreuses voies de fait perpétrées dans un contexte familial, que j'ai fini par dénoncer. Elle a été condamnée. Ensuite, ma conjointe actuelle a déposé plainte et mon ex-conjointe a été à nouveau condamnée.
La violence familiale est une question complexe et je peux vous dire que c'est une question très complexe dans les réserves; ce n'est pas du tout lié au sexe féminin ou masculin. Nous devons dépasser cette distinction. Je peux dire sincèrement qu'il y a, d'après moi, une tendance dans ce milieu à ne pas prendre au sérieux la violence familiale. Je pense qu'il faut trouver, dans la présentation de l'affaire Homolka, les motifs qui expliquent pourquoi cette question a été tellement rattachée à des stéréotypes sexistes. Je pense que le témoignage du juge Allard sonne l'alarme. On peut voir, dans toute cette affaire, combien l'opinion de juges qui ont créé le système dans cette province et qui ont jugé de nombreuses familles, est profondément enracinée dans la distinction de sexe. Malheureusement, on peut difficile mettre la main dessus parce que, où que l'on jette les yeux, tout est écrit dans un langage neutre qui évite toute allusion à l'appartenance à l'un ou l'autre sexe.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Madame DeWare, il faut essayer de respecter l'horaire.
La sénatrice Mabel DeWare: Je sais que nous sommes en retard.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bon. Allez-y.
La sénatrice Mabel DeWare: Le Dr Hall a témoigné devant notre comité au sujet du projet de loi C-41 et je crois que nous avons un résumé de son témoignage qui fait 28 pages.
Il a parlé d'un certain nombre de sujets que nous allons aborder et nous n'avons peut-être pas besoin d'une réaction là-dessus mais j'aimerais dire rapidement qu'il était contre l'emploi de certains termes et qu'il espérait que nous les changerions, principalement les termes garde et accès. Il semble que tous les membres du comité s'entendent pour reconnaître la nécessité de faire quelque chose sur ce point.
Un autre sujet était la façon dont on exploitait le divorce. Cela vous inquiète beaucoup. Vous avez sans doute entendu parler de la répartition des responsabilités parentales; on en parle depuis un certain temps et on en a parlé aujourd'hui au cours de nos discussions. J'espère que vous pensez aussi qu'un projet de répartition des responsabilités parentales aiderait à régler le genre de problèmes dont vous nous avez parlé au sujet du projet de loi C-41, si le comité décide de recommander une telle mesure, pour faire quelque chose à ce sujet.
Dr Tony Hall: En 30 secondes, je pourrais vous dire que le mot «garde» fait référence à la prison. Nous utilisons ce terme pour les gens que nous incarcérons.
Qu'est-ce qu'un «parent non gardien»? Où peut-on suivre des cours pour devenir un parent non gardien?
Les étiquettes que nous choisissons, les choses que nous identifions, tout cela est très important. Il faut expliquer à nos enfants ce que nous sommes et ce que les tribunaux disent que nous sommes, de sorte que le langage utilisé joue un rôle essentiel. Et que dire des notions de père et de mère que véhicule le projet de loi?
La sénatrice Mabel DeWare: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Je vous remercie tous d'être venus, d'avoir exprimé votre point de vue et vos frustrations. Ce n'est pas nouveau pour nous et nous apprécions vos commentaires. Cela dit, je vais vous demander de quitter la table et je vais inviter le groupe suivant à se présenter.
Je crois qu'il y a Kathy Thunderchild et le Dr Kneier.
En guide d'introduction, je devrais préciser que le Dr Kneier est un psychologue clinicien et Mme Thunderchild, je sais que nous avons correspondu récemment et j'essaie de me souvenir, mais vous faites des études de doctorat n'est-ce pas?
Mme Kathy Thunderchild (témoignage à titre personnel): C'est exact. Je suis une travailleuse sociale clinicienne qui fait des études de doctorat en politique sociale.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bienvenue. Je vais demander à Mme Thunderchild de commencer. Vous savez comment nous procédons. Il faut être bref.
Mme Kathy Thunderchild: Oui.
Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je suis reconnaissante d'avoir l'occasion de vous parler brièvement d'une recherche que j'ai effectuée sur des enfants de parents divorcés, et que je viens de terminer dans le cadre de mes études de doctorat à l'Université de Newcastle en Angleterre. J'ai étudié un échantillon de 20 étudiants ici à Calgary et 20 à Newcastle, au Royaume-Uni.
Je vais vous décrire rapidement les paramètres de l'étude, ensuite les conclusions et je vais vous présenter quelques recommandations.
Je tiens à vous préciser que l'étude comprenait deux étapes. La première était qualitative; il s'agissait d'une enquête rétrospective sur les expériences qu'avaient vécues ces jeunes adultes lors de la séparation et du divorce de leurs parents. Le deuxième volet comprenait des entrevues personnelles intenses au cours desquelles je cherchais à amener ces jeunes à parler de leur expérience et j'ai eu la chance d'avoir constitué un échantillon de jeunes qui étaient tout disposés à en parler.
Les conclusions de l'étude étaient que l'élément essentiel, du point de vue théorique, était d'examiner la dynamique familiale avant, pendant et après la séparation, et en particulier les conflits parentaux au sein de la famille ainsi que la façon dont fonctionnait la constellation familiale. C'est donc un point de vue théorique qui s'attache à l'étude des systèmes, des interactions, et enfin, une théorie de l'établissement de liens, à savoir la nature des relations existant entre les parents et les enfants.
Les conclusions ne sont guère surprenantes et confirment certaines hypothèses de recherche que l'on avait formulées, en particulier, au sujet des rapports entre les enfants et de jeunes parents. Dans mon échantillon, les parents qui se séparaient étaient des adultes d'âge mûr et la séparation n'était pas une surprise pour les enfants; elle a, tout de même, souvent demandé aux enfants d'opérer des ajustements difficiles. La relation matrimoniale durait dans la plupart des cas depuis assez longtemps, 22 ans en moyenne, et l'histoire du couple faisait état de conflits très ouverts et ces conflits avaient créé un stress chez les enfants du mariage.
• 1555
Les enfants étaient surpris et parfois soulagés mais ils ont
trouvé difficile la période d'ajustement, ce qui vient contredire
la sagesse populaire selon laquelle les adolescents sont
indépendants et tout à fait en mesure de se développer seuls sans
qu'ils aient besoin de beaucoup de soutien de la part de leurs
parents.
En un mot, j'ai constaté qu'un enfant était toujours un enfant. Il a besoin du soutien de ses parents toute sa vie.
De façon surprenante, j'ai constaté que l'adaptation était moins influencée par le conflit existant entre les parents que par la nature de la relation existant entre l'enfant et ses parents. Pour préciser un peu le tableau, je dirais que les enfants qui se sont le mieux adaptés avaient une relation solide avec un des parents, le père ou la mère. Cette relation solide manifestait par le fait que le parent s'inquiétait de l'enfant, qu'il était disponible pour le voir et la sécurité venait du fait que le parent était prêt à agir pour combler les besoins de son enfant. Les enfants, je les appelle des enfants mais ce sont en fait de jeunes adultes, puisqu'ils avaient de 18 à 23 ans, ont eu du mal à s'ajuster lorsque leur relation avec leurs parents n'était pas solide. En particulier, deux de mes 40 jeunes avaient des tendances suicidaires. Les parents de ces deux jeunes n'étaient pas là pour les rassurer, pour faire sentir leur présence, non pas qu'ils le faisaient de façon délibérée mais davantage pour répondre à la façon dont la famille réagissait à la situation. Autrement dit, il arrivait qu'un des parents soit tellement perturbé par le conflit matrimonial qu'il s'adressait à l'enfant pour obtenir un appui.
En résumé, les principales conclusions sont que les jeunes adultes qui avaient établi des liens solides avec leur famille se sont le mieux adaptés, ceux qui n'en avaient pas ont éprouvé de graves difficultés et ceux dont les relations étaient irrégulières ont eu beaucoup de mal à s'adapter. Ces jeunes ont souffert de troubles psychologiques graves, qui se sont traduits par des dépressions et de l'angoisse, et une grande inquiétude pour leur propre avenir par rapport à leurs relations romantiques en tant qu'adultes. L'étude a également permis de constater que ces jeunes étaient poussés à assurer leur propre sécurité par une réussite professionnelle et financière.
Mes recommandations concernent la notion de famille. En particulier, je crois que si l'on veut réviser la Loi sur le divorce, il faut tenir compte du fait que les familles continuent d'exister après un divorce. Les responsabilités parentales, les interactions familiales, le soutien affectif, l'amour, sont des aspects qui survivent au divorce, en particulier pour les enfants. Sur ce point, je recommanderais certaines choses précises, notamment la nécessité de fournir aux familles qui en ont besoin, non pas seulement aux enfants mais également aux adultes qui prennent soin des membres de leur famille, en particulier leurs enfants, tout l'appui dont ils ont besoin.
Je recommande que ces systèmes de soutien soient mis en place bien avant que les conflits naissent dans les familles. Autrement dit, je recommanderais que les parents suivent un programme d'initiation à la vie familiale, avant qu'ils ne soient amenés à établir des liens avec leur enfant dès sa naissance; il y a lieu de souligner l'importance des liens établis entre les parents et les enfants et les soins nourriciers. Je pense que l'on pourrait demander au système de santé publique de participer à ce processus. Cette sensibilisation pourrait être encore améliorée en introduisant l'initiation à la vie familiale dans les programmes éducatifs.
Je proposerais également que l'on offre des services de soutien communautaire aux parents pour qu'ils prennent conscience de leur besoin d'établir des liens avec leur ex-partenaire, besoin qui se fait sentir même lorsque la relation est négative, comme je suis certaine que le comité l'a entendu dire à plusieurs reprises, ce qui nuit aux enfants. Je proposerais également que l'on aide les parents à assumer leurs responsabilités après un divorce sur une base de collaboration.
Je sais que cela est très idéaliste et que cela vient du point de vue d'une étudiante mais cela vient aussi du coeur.
• 1600
Je sais que, lorsque les parents constatent que leur enfant se
développe harmonieusement grâce à une relation équilibrée avec les
deux parents, et qu'ils peuvent voir eux-mêmes les résultats d'une
telle relation, c'est, d'après ma recherche, la situation idéale
pour les enfants. Cela aide d'ailleurs les parents à demeurer
fonctionnels et d'être fiers de leur réalisation en tant que
parents.
Je terminerai par une brève citation du livre Le prophète:
Vous êtes les arcs
—et il parle là des parents—
qui lancez vos enfants tels des flèches vivantes. L'archer voit la
cible sur le chemin de l'infini et il vous courbe, par sa
puissance, pour que les flèches partent véloces et lointaines.
Acceptez d'un front serin ce que vous demande l'archer, car s'il
aime la flèche qui file, il aime aussi la sûreté de son arc.
Je crois que toute réforme du divorce devrait s'attacher à
assurer la stabilité de l'ensemble de la famille.
Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Docteur Kneier.
Dr Gary J. Kneier (témoignage à titre personnel): Que puis-je ajouter? Elle m'a volé ce que j'allais dire.
Je vais simplement vous parler de ce que je pense des familles et du divorce en me fondant sur ce que j'ai appris en travaillant avec des familles pendant une vingtaine d'années.
Je crois qu'après un divorce, il faut essayer de donner trois choses aux enfants. Premièrement, il faut favoriser l'établissement d'une relation saine entre l'enfant et ses deux parents. Deuxièmement, il faut lui donner un milieu de vie stable. Troisièmement, il faut les amener à accepter la situation.
Je crois que s'il y a un manque dans un de ces trois domaines, cela nuit aux enfants mais des trois domaines, je crois que ce sont les conflits, c'est-à-dire des conflits constants dans la famille entre les parents au sujet des enfants, qui nuisent le plus à leur développement. Je crois que ces conflits sont difficiles à éviter après un divorce, et ce, pour deux raisons.
Tout d'abord, l'établissement d'une relation satisfaisante avec les deux parents et l'aménagement d'un milieu stable sont des objectifs difficilement conciliables. Ils sont en situation de concurrence. Il faut donc être prêt à faire des compromis et des prouesses d'imagination. Cela est difficile pour des parents divorcés.
L'autre raison pour laquelle il est difficile d'éviter les conflits est que le divorce est une période très difficile. Le divorce fait sans doute ressortir le pire côté de notre personnalité. Les luttes de pouvoir et les conflits personnels continuent dans certaines familles après le divorce et ces conflits se manifestent surtout au sujet des enfants.
En général, une approche aux problèmes familiaux qui se fonde sur les droits des parents et sur un système accusatoire ne peut résoudre les conflits familiaux qui existent après un divorce. Il me semble qu'il faille envisager deux processus distincts. Le premier consisterait à mieux définir ce que sont les responsabilités des parents. Je ne pense pas que la loi, ni aucun autre document ne parle des responsabilités parentales.
Il s'agirait d'indiquer dans notre projet de loi et dans notre système que les personnes qui décident d'avoir un enfant doivent assumer certaines responsabilités et être prêts à répondre à certaines attentes. Il y a bien sûr l'obligation pour les parents de s'occuper de leurs enfants mais il y en a d'autres qu'il faudrait peut-être préciser, comme l'obligation de demeurer dans le même milieu, après un divorce, pour que les deux parents puissent préserver la relation qu'ils ont avec leurs enfants.
Si les parents savaient qu'ils devaient renoncer à certaines possibilités lorsqu'ils ont des enfants, et par la suite, s'ils divorcent, cela aiderait à coordonner leurs attentes avec ce qu'il faut donner aux enfants en cas de divorce.
Le deuxième aspect serait d'accorder une plus grande importance à la médiation, à l'information et aux autres processus thérapeutiques qui peuvent aider les familles au moment du divorce.
Vous savez, la société a mis en place tout un régime pour le mariage. Il y a toute une culture et plusieurs institutions qui nous aident à nous dire bonjour et ce bonjour a la bénédiction de notre société. Il n'y a pas de rituel, pas d'institution, pas de processus culturel qui nous aident à nous dire au revoir. Il est peut-être plus difficile de se dire au revoir que bonjour. Si le projet de loi pouvait prévoir des services de traitement, de formation, de médiation, je crois que nous avons un programme pilote de ce genre en Alberta, cela serait fort utile.
• 1605
Voilà ce que j'avais à dire.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Questions?
Madame.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je vais essayer de parler en anglais. Mon anglais n'est pas très bon mais dites-moi si vous ne comprenez pas et j'essaierai de le dire d'une autre façon.
La sénatrice Anne Cools: Tous les Albertains qui vont au Québec essaient de parler français.
Des voix: Oh, oh!
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Très bien. J'aimerais m'adresser à Kathy.
Votre recherche m'a beaucoup intéressée et j'aimerais savoir quelque chose. Vous avez dit que les enfants qui s'adaptaient le mieux à un divorce étaient ceux qui avaient eu la possibilité d'établir une relation stable et solide avec leurs parents. J'aimerais savoir si vous avez réussi à déterminer quelles étaient les caractéristiques de ces parents. Par exemple, les mères étaient-elles le plus souvent des femmes très indépendantes? Les parents étaient-ils particulièrement proches de leurs enfants sur le plan des sports ou des arts; je ne sais pas? Les pères étaient-ils des hommes dont les enfants pouvaient être fiers? Si l'on pouvait définir quelles étaient ces qualités, on pourrait alors tenter de les développer chez les jeunes.
Mme Kathy Thunderchild: Oui.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Était-ce clair?
Mme Kathy Thunderchild: Oui, très clair.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Très bien.
Mme Kathy Thunderchild: C'est également une excellente chose parce que je ne parle pas français, malheureusement.
Pour répondre à votre question, les qualités que possèdent les parents qui réussissent à établir des liens solides avec leurs enfants ne sont pas tant des qualités visuelles ou démographiques, mais plutôt la capacité de réagir sur le plan des émotions. Cela peut se mesurer en temps, en disponibilité, en capacité de communiquer et de réagir, et cette capacité doit être mutuelle, réciproque, entre le parent et l'enfant.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Très bien. Une sorte d'empathie.
Mme Kathy Thunderchild: L'empathie recouvre en fait une bonne partie de ces qualités.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Très bien.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): D'autres questions?
Madame Cools.
La sénatrice Anne Cools: J'aimerais poser quelques questions.
Je remercie Mme Thunderchild de nous avoir présenté des remarques particulièrement éclairantes, parce qu'il est vrai que lorsqu'un homme et une femme se sont épousés et ont mis des enfants au monde, ils demeurent à jamais les parents de ces enfants.
Mme Kathy Thunderchild: À jamais.
La sénatrice Anne Cools: C'est un fait que l'on oublie bien trop souvent et je vous remercie de nous l'avoir rappelé parce que c'est un aspect qui est au coeur de bien des problèmes.
En tant que professionnelle de la santé mentale, j'aimerais vous poser quelques questions que j'ai d'ailleurs déjà posées à d'autres spécialistes de ce domaine. Les professionnels de la santé mentale savent qu'il se prépare un nombre impressionnant d'expertises judiciaires et psychologiques. Lorsque j'ai lu les décisions et la jurisprudence, je me suis rendue compte que bien souvent la principale question qui se pose lors des contre-interrogatoires et des interrogatoires principaux, ce ne sont pas les capacités parentales des deux parents.
• 1610
Il semble parfois que ce soit plutôt la crédibilité des
professionnels de la santé mentale et de l'expertise qu'ils ont
préparée. J'ai commencé à poser des questions à ces spécialistes
pour leur demander ce qu'ils pensaient de la façon dont on
utilisait ces expertises. Il y a, dans ce domaine, un bon nombre de
professionnels qui, à parler carrément, s'occupent uniquement de
témoigner à titre d'expert dans ces affaires judiciaires.
C'est donc une industrie très lucrative, me dit-on, pour ceux qui réussissent bien dans ce domaine; pour ceux qui n'y parviennent pas, la situation est fort différente. Les personnes comme moi se posent beaucoup de questions sur l'importance que l'on accorde à ces expertises dans les instances de divorce et dans les litiges relatifs à la garde des enfants.
Je me demande si l'un de vous deux, ou les deux, veut commenter les questions que je viens de soulever, à savoir comment un juge peut déterminer la crédibilité et les capacités des spécialistes de la santé mentale qui préparent ce genre d'expertise.
J'ai devant moi ici une décision que je suis en train d'étudier. C'est une affaire intitulée K.M.W. v. D.D.W. qui a été entendue par la Cour de justice de l'Ontario. Dans cette affaire, le juge cite un autre juge, le juge Granger, et les questions qu'il a posées au sujet de la crédibilité du docteur en question, le Dr Albin. Que pensez-vous du fait que des juges formulent eux-mêmes des réserves au sujet de la qualité des expertises préparées par des professionnels de la santé mentale et de leur travail? J'ai essayé de poser cette question aux spécialistes qui comparaissent devant nous.
Mme Kathy Thunderchild: Puis-je répondre en premier?
Dr Gary Kneier: Bien sûr.
Mme Kathy Thunderchild: Tout comme la recherche, les expertises doivent se fonder sur des principes théoriques. Je crois que la principale question que doit se poser le juge qui tente d'évaluer les capacités et la crédibilité d'un témoin expert serait de l'interroger sur ses valeurs et ses croyances.
La sénatrice Anne Cools: Ses croyances. Est-ce bien ce que vous avez dit?
Mme Kathy Thunderchild: Oui, ses croyances, ses valeurs, les théories qu'il applique à l'étude de la santé, du bien-être et de la dynamique familiale.
C'est une question très difficile. Je ne voudrais pas minimiser l'importance de votre question mais j'estime qu'elle touche uniquement une minorité de familles.
La sénatrice Anne Cools: Absolument.
Mme Kathy Thunderchild: De sorte que, si l'on examine tout l'éventail des besoins familiaux, il y a lieu de préconiser un processus différent pour la résolution des litiges.
La sénatrice Anne Cools: Vous avez raison. Je comprends ce que vous dites. Il y a une question que j'ai soulevée à plusieurs reprises, j'ai même présenté un projet de loi au Sénat sur ce sujet, sur la question des fausses accusations d'agression sexuelle contre les enfants. Je suis sûre que vous reconnaissez qu'il doit être déchirant pour un parent d'être accusé de quelque chose d'aussi répugnant. C'est pourquoi il arrive souvent que les parties au litige et les juges eux-mêmes s'en remettent à «l'expertise professionnelle» du psychiatre ou du psychologue, disons le professionnel de la santé mentale, pour déterminer s'il y a eu ou non véritablement agression sexuelle.
C'est un problème très difficile. La réponse n'est pas facile. Je n'aimerais pas beaucoup être obligée de prendre ce genre de décision. Lorsqu'un spécialiste, comme dans l'affaire que je viens de citer, affirme qu'un parent a commis ce genre d'acte horrible, soyons francs là-dessus, cela est vraiment horrible, il assume un fardeau énorme.
Que pouvons-nous faire dans ce genre de situation en tant que députés?
Je peux vous donner un autre exemple.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Pourriez-vous leur demander de répondre à la question parce que vous avez largement dépassé vos cinq minutes?
La sénatrice Anne Cools: Cela a détruit la carrière de plusieurs spécialistes. J'en connais plusieurs dont la carrière a été détruite à cause des recommandations qu'ils avaient présentées, lorsque la vérité a été découverte par la suite. Je me demande si vous pouviez répondre à cela.
Mme Kathy Thunderchild: Très brièvement, j'aimerais replacer la solution dans un contexte plus large, aller au-delà de la personne qui préside une audience et dire qu'il serait souhaitable qu'il existe la volonté politique, dont j'ai déjà parlé, de fournir des services qui répondent à ce type de problèmes sociaux. En Australie, il y a un institut des études familiales qui a compilé et classé les études en matière de besoins familiaux. C'est un document de référence et une ressource pour les juges, aussi bien que pour les avocats et les spécialistes de la santé mentale.
En Grande-Bretagne, et je crois que vous allez parler à Janet Walker en Grande-Bretagne par satellite, on vient de préparer une compilation de toutes les études sur les enfants, sur le divorce, et les familles dans ce pays, dans le but d'informer les professionnels qui essaient d'aider ces familles.
Je crois qu'il faut prendre du recul et examiner toute la gamme des politiques que l'on peut adopter pour éviter ces problèmes.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Docteur Kneier.
Dr Gary Kneier: Le comité devrait savoir qu'il y a ici deux docteurs en psychologie. L'une fait de la recherche et l'autre travaille sur le terrain. Je prépare des expertises en matière de garde et cela fait 25 ans que j'en fait. Je proposais déjà la médiation dans cette ville en 1978 et ce mouvement a pris beaucoup d'ampleur depuis. Ce n'est pas grâce à moi, mais je veux simplement souligner que j'étais dans ce domaine avant qu'il n'existe. Je ne m'occupe pas uniquement des questions de garde. Je fais beaucoup de consultations et je suis spécialisé dans le domaine du divorce.
La question qui a été posée comporte en fait deux aspects. Le rôle du psychologue qui est appelé à examiner les allégations d'agression sexuelle est en fait très différent du rôle qui est le sien lorsqu'on lui demande de préparer une expertise en matière de garde et d'accès. J'aimerais en parler séparément.
Pour ce qui est des allégations d'agression sexuelle, c'est un domaine qui a été beaucoup étudié et qu'on étudie toujours beaucoup. Nous connaissons beaucoup de choses sur les allégations faites par des enfants, sur la façon dont elles se présentent. Nous savons comment analyser divers types d'allégations, la façon dont elles apparaissent et il y a des spécialistes dans ce domaine.
Les juges n'ont qu'à s'adresser à ces spécialistes dont la compétence est garantie. Il y en a quelques-uns qui ont beaucoup publié et l'étude de ces allégations est devenue une science; cette science s'appuie sur des chiffres en matière de fiabilité et de validité qui permettent d'évaluer la véracité des affirmations, ce qui en fait suffit au juge. Le psychologue a ici uniquement pour rôle d'informer les juges et habituellement, ces renseignements se fondent non seulement sur son opinion mais sur des données solides en matière de validité et de fiabilité.
Pour ce qui est de la garde et de l'accès, je crois qu'il faut regarder comment cela a commencé. Au départ, les psychologues ont été amenés à présenter aux juges des recommandations en matière de garde et d'accès parce que ces derniers estimaient avoir besoin de certains renseignements qu'ils ne pouvaient obtenir dans le cadre de l'instance judiciaire. Ce rôle des spécialistes de la santé mentale se justifie toujours. Lorsque je travaille dans le domaine de la garde et de l'accès, j'estime que j'offre au tribunal des renseignements très importants dont il a besoin pour prendre des décisions très importantes.
La difficulté vient du fait que les juges, qui ne sont que des hommes, veulent parfois s'en remettre à d'autres et essaient d'accorder de plus en plus de pouvoirs aux psychologues et aux psychiatres. Il y a beaucoup trop de psychologues et de psychiatres qui, sans s'en apercevoir et de bonne foi acceptent d'exercer ces pouvoirs alors qu'ils ne devraient pas le faire.
Personnellement, j'ai adopté, il y a bientôt 20 ans, pour principe de préciser le plus possible quelles sont les limites de mon intervention. Bien souvent, le juge aimerait que j'étende ces limites. Je ne pense pas que cela soit légitime; ce n'est pas moi qui juge.
• 1620
Je pense néanmoins que les spécialistes de la santé mentale
ont accès à des renseignements très importants. Nous parlons aux
enfants. Nous sommes en mesure d'évaluer les relations. Nous
pouvons fournir beaucoup d'éléments que le juge n'aurait pas
autrement.
Le problème est ce qui se passe ensuite et l'on voit parfois le psychologue en train d'interroger ce que nous appelons dans la profession «les proches». Cela revient à interroger des témoins et je ne me considère pas comme un expert dans ce domaine; je ne pense pas non plus que c'est un rôle que je devrais accepter. Il m'arrive parfois de parler à des sources d'information mais en fait, ce sont les tribunaux qui sont le mieux placés pour interroger et contre-interroger les témoins. Tant que les juges respectent le rôle qui doit être celui des psychologues, ces expertises peuvent être fort utiles.
La sénatrice Anne Cools: Vous pensez que le système judiciaire devrait laisser les spécialistes de la santé mentale faire leur travail. Je crois que vous avez raison parce que le juge Granger a déclaré que l'opinion du Dr Albin selon laquelle le sujet préparait sa fille de deux ans pour en faire une future partenaire sexuelle doit certainement être considéré comme absurde. Cette hypothèse ne reposait sur aucun fait.
Je pense, comme je l'ai déjà dit, madame la présidente, que nous allons devoir à un moment donné examiner le rôle que doivent jouer les spécialistes de la santé mentale dans ce domaine, la préparation des expertises et le rôle qu'on leur impose parfois.
Dr Gary Kneier: Exact.
La sénatrice Anne Cools: J'ai simplement saisi l'occasion d'aborder ce sujet. Merci, madame la présidente.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Y a-t-il d'autres questions?
Merci beaucoup. Cela a été fort utile.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): J'aimerais dire quelques mots aux membres du comité. Il y a un photographe qui voudrait prendre des photos mais avant qu'il en prenne, j'aimerais que le comité l'y autorise.
La sénatrice Anne Cools: D'accord. Pour qui travaille ce photographe?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je ne sais même pas.
Pour quelle publication travaillez-vous?
Une voix: L'Alberta Report.
La sénatrice Anne Cools: Oh, très bien.
Des voix: Oh, oh!
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y, prenez vos photos.
La sénatrice Anne Cools: S'il est un vrai photographe.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame la sénatrice, y a-t-il une liste des publications...?
La sénatrice Anne Cools: Je ne veux pas que cela soit quelqu'un qui cherche à nous retrouver.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien.
Nous allons demander au groupe de témoins suivant de prendre place. Il y a Hermina Dykxhoorn, Julie Black et Laurie Anderson. Comme vous le savez, nous ne disposons que d'une demi-heure et nous manquons de temps.
Madame Black et madame Anderson, laquelle d'entre vous va prendre la parole?
Mme Julie Black (coordonnatrice, Calgary Status of Women Action Committee): Nous allons partager le temps de parole et prendre chacune deux minutes et demie.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bien. Nous allons commencer par l'Alberta Federation of Women United for Families. Madame Dykxhoorn, veuillez commencer.
Mme Hermina Dykxhoorn (directrice exécutive, Alberta Federation of Women United for Families): Merci beaucoup et bon après-midi.
L'Alberta Federation of Women United for Families est un groupement féminin de l'Alberta, non confessionnel, composé de particuliers qui oeuvrent localement en Alberta. Nous appuyons les mesures législatives qui renforcent le rôle de la famille en tant qu'unité fondamentale de la société.
En 1951, un couple sur 24 divorçait. En 1987, année où le nombre des mariages a atteint un creux et les divorces un sommet, ce rapport était d'un couple divorcé pour deux couples mariés. Depuis 1987, cet écart a légèrement augmenté chaque année et en 1990, il y avait un couple divorcé pour 2,4 couples mariés. À partir de 1991, il y a également en le fait que plus de 11 p. 100 de tous les couples vivaient en concubinage, situation beaucoup moins stable que le mariage traditionnel.
Le projet de loi omnibus de 1969 qui a libéralisé le divorce a entraîné une forte augmentation du nombre des divorces au Canada. La loi de 1985 qui rendait le divorce encore plus facile a été à l'origine d'une autre augmentation.
Pour que les enfants se développent harmonieusement, il faut que leur mère et leur père s'occupent activement d'eux. Si le nombre impressionnant de divorces qui ont eu lieu depuis 30 ans nous a appris quelque chose, c'est que ces familles désunies ont causé un grave préjudice aux enfants canadiens.
• 1625
Dans son étude de 1996, Statistique Canada a suivi
23 000 enfants tous les deux ans jusqu'à l'âge de 11 ans. On
constate que 41 p. 100 des enfants qui ont été élevés dans des
familles monoparentales souffraient d'au moins un problème de
développement contre 26 p. 100 dans l'ensemble des familles. Les
enfants de parent célibataire ont une et demie à deux fois plus de
problèmes graves nécessitant l'intervention d'un professionnel que
les enfants qui vivent avec leurs deux parents.
Les garçons, en particulier, qui vivaient en 1986 avec un parent séparé, divorcé ou célibataire avaient davantage tendance en 1992 à souffrir de troubles somatiques, d'être qualifiés de délinquants, agressifs, angoissés, déprimés ou renfermés. Parallèlement, comparé aux autres filles vivant dans les familles intactes, celles qui vivaient dans des familles monoparentales en 1986 risquaient davantage de souffrir de problèmes d'attention en 1992 ou d'être qualifiées d'agressives. Les jeunes femmes ayant vécu un divorce ont souvent une faible estime de soi, ce qui, d'après les études, s'explique peut-être par l'effet qu'a eu le divorce sur leurs relations avec leurs parents. En particulier, le manque d'estime de soi des femmes a parfois été attribué à un manque de contact avec leurs parents.
Je pourrais continuer longtemps et parler de mauvais résultats scolaires, de taux d'abandon des études secondaires plus élevés, d'activités sexuelles précoces et de problèmes émotifs et de comportement plus fréquent chez les enfants du divorce. Toutes les études démontrent que le divorce est extrêmement préjudiciable aux enfants.
Des personnes plus intelligentes que moi, et vous en avez deux qui étaient assises ici avant que je n'arrive, vous ont présenté des recommandations, de façon fort éloquente.
La première recommandation que nous souhaitons vous faire est d'obliger les conjoints à consulter un conseiller matrimonial dès le début d'une instance en divorce, dès que la demande est présentée.
Par exemple, le programme de médiation familiale de l'Alberta a été mis sur pris le 1er septembre 1997 et je suis sûre que d'autres vous ont déjà parlé de ce programme, ce qui ne m'empêchera pas de vous en dire quelques mots. Les parents sont invités à conclure des ententes en matière de responsabilités parentales. Les deux parents doivent assister à ces séances et le programme est principalement axé sur l'effet de la séparation sur les enfants; il tente de sensibiliser les parents aux espoirs et aux craintes qu'éprouvent les enfants. Il est encore trop tôt pour pouvoir tirer des conclusions sur l'efficacité de ce programme mais il semble avoir déjà eu pour effet de réduire l'hostilité pouvant exister entre les parents et de les amener à envisager plus facilement la médiation plutôt que la confrontation. D'autres études sont en cours en vue d'obtenir des conclusions préliminaires mais il semble possible d'affirmer que le processus actuel accusatoire et acrimonieux n'est pas favorable à long terme au bien-être des adultes ni à celui des enfants.
Notre deuxième recommandation est fondée sur le principe que les enfants ont besoin d'une mère et d'un père qui s'occupent activement d'eux. C'est pourquoi la garde partagée devrait être la règle et non l'exception. Pour préparer cet exposé, j'ai lu des piles d'études qui se sont accumulées sur mon bureau depuis 1994 environ. J'ai été abasourdie de voir ce que nous faisions vivre à nos enfants.
En conclusion, compte tenu des preuves incontestables qui démontrent les effets négatifs du divorce sur les enfants, nous devrions, en tant que société, encourager la stabilité matrimoniale et non favoriser le divorce.
Dans une étude de 1997 intitulée «Parental Separation: Effects on Children and Implications for Services», les auteurs ont constaté qu'aucun des enfants examinés n'avait été heureux de voir ses parents divorcés; en fait, «tous les enfants ont exprimé le désir de voir leurs parents réunis». La plupart des enfants aimaient beaucoup leurs deux parents, quelle qu'ait pu être la gravité des conflits matrimoniaux. Les auteurs ont découvert qu'un certain nombre d'enfants étudiés «ne savaient pas très bien quel était le parent qu'ils aimaient le plus, situation terrible pour un enfant, et qu'ils voulaient que leurs parents arrêtent de dire des choses méchantes au sujet de l'autre parent». Aux États-Unis, à cause des effets dévastateurs du divorce, dont le nombre est encore plus élevé qu'au Canada, il y a près de 20 États qui ont resserré les conditions d'octroi du divorce, ou qui sont en train de le faire, et qui abandonnent le principe du divorce sans faute.
Les adultes ne le reconnaissent pas facilement mais le divorce est bien souvent une décision favorisant l'épanouissement personnel des parents plutôt que l'intérêt des enfants. Les problèmes de garde et d'accès ne sont que des symptômes; c'est le divorce qui est le problème. Si les adultes ne sont pas prêts à sacrifier leurs aspirations et même leur bonheur pour le bien de leurs enfants et si notre société ne s'engage pas à favoriser le mariage et à rendre le divorce plus difficile; nous ne ferons que jouer avec les symptômes sans toucher au véritable problème.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre Mme Black ou Mme Anderson, je ne sais pas qui va prendre la parole en premier.
Mme Julie Black: Bon après-midi. Nous sommes heureuses qu'on nous ait invitées à vous parler aujourd'hui. Je m'appelle Julie Black et je vais utiliser les premières minutes de notre temps de parole; ma collègue, Laurie Anderson, parlera pendant les minutes qui nous resteront.
Vous savez mieux que quiconque ici que le divorce, la garde des enfants et l'accès sont des sujets très controversés et très émotifs. C'est pourquoi nous avons pensé commencer notre exposé en vous disant quelques mots à notre sujet et en vous décrivant notre point de vue pour que nous nous comprenions mieux.
Le Calgary Status of Women Action Committee est un organisme sans but lucratif qui défend les droits des femmes depuis 1974. Nous sommes fières d'être un groupe féministe et antiraciste. Comme vous le savez très bien, ça ne veut pas dire que nous soyons contre les pères, contre les hommes, contre les mères ou contre la famille. En fait, les féministes sont des ardents défenseurs d'une redéfinition des rôles familiaux pour que les hommes puissent connaître les joies, les difficultés et les responsabilités qui viennent avec le fait d'être parent. Les hommes qui ont adhéré à notre organisation l'ont fait parce qu'ils sont d'accord avec nos positions.
Deuxièmement, à titre d'introduction à notre exposé, je mentionne que nous n'allons utiliser que deux sources d'information: le vécu des femmes qui ont contacté notre organisme pour obtenir des renseignements ainsi que les conclusions de Statistique Canada qui expliquent en partie, mais dans une perspective plus large, ce que nous avons vu de nos yeux. Nous avons pensé qu'on vous avait sans doute déjà présenté toute une série de données statistiques et d'études et que vous saviez qu'il faut toujours se méfier des erreurs systématiques et des défauts de conception de la recherche qui déforment les conclusions et c'est pourquoi nous avons décidé de nous limiter à ces deux sources-là.
Pour nous, ce n'est pas la Loi sur le divorce qui est à l'origine de la plupart des échecs matrimoniaux mais plutôt la violence familiale. Nous voulons insister sur deux points au sujet du divorce et de la violence familiale. Premièrement, la violence familiale comme cause de divorce n'a pas été suffisamment étudiée. Statistique Canada pourrait être d'un grand secours sur ce point si cet organisme effectuait des études fiables de cette question.
Deuxièmement, lorsque nous parlons de violence familiale, nous utilisons le féminin pour désigner la victime adulte ayant survécu et le masculin pour l'auteur des actes de violence parce que, si nous nous intéressons à toutes les victimes de mauvais traitements, les chiffres de Statistique Canada indiquent que 90 p. 100 des agressions commises dans un couple visaient les femmes. Dans les cas de maltraitance des enfants, Statistique Canada indique que 80 p. 100 des auteurs sont les pères.
Maintenant que nous avons situé le cadre de notre exposé, nous pouvons en arriver aux points essentiels. Vous devriez avoir reçu une copie de notre mémoire. Nous l'avons envoyé au bureau d'Ottawa la semaine dernière pour qu'il soit traduit.
Nous travaillons surtout avec des femmes qui cherchent à échapper à leurs partenaires maltraitants. Nous avons constaté que les ententes en matière de garde et d'accès n'empêchent pas la poursuite des mauvais traitements même lorsque la relation entre les parents a pris fin. Nous soutenons que les changements que l'on apportera aux dispositions législatives et aux politiques relatives au divorce, à la garde et à l'accès devront tenir compte des besoins des femmes et des enfants qui ont été maltraités. Ces femmes et ces enfants comptent parmi les membres les plus vulnérables de notre société et il nous faut respecter leurs besoins particuliers.
Au cas où vous seriez tenté de dire que la violence familiale n'est qu'un phénomène marginal, nous aimerions vous rappeler que la violence dans les couples est un problème social très répandu au Canada. D'après une autre enquête de Statistique Canada, l'enquête nationale de 1994, sur dix femmes qui étaient mariées ou qui l'avaient été, trois avaient vécu au moins une situation où leurs partenaires les avaient agressées physiquement ou sexuellement.
Les femmes et les enfants qui sont maltraités sont nos voisins, les membres de notre famille et nos amis et lorsque vous parlez de mettre sur pied un système axé sur l'enfant, il est évident qu'il faut considérer en premier lieu les besoins des enfants maltraités.
Malgré les déclarations émotives que l'on vous a sans doute faites, nous ne pensons pas que tous les échecs matrimoniaux soient nécessairement des tragédies. La plupart des échecs matrimoniaux résultent du fait que les femmes ont décidé de fuir le foyer pour éviter les mauvais traitements dont elles font l'objet tout comme leurs enfants. Dans ce genre de circonstances horribles, l'éclatement de la famille est souvent la meilleure des solutions et il n'est pas souhaitable d'obliger les membres de la famille à se visiter.
À l'heure actuelle, les tribunaux persistent à soutenir que l'homme qui agresse sa partenaire ne constitue pas nécessairement une menace pour les enfants. D'après notre expérience, dans les cas de violence familiale, les enfants en sont témoins, ils la vivent et ils en ressentent les effets. Là encore, d'après l'enquête nationale de Statistique Canada, les enfants sont témoins d'actes de violence commis contre leur mère dans 39 p. 100 des mariages où il y a de la violence. Dans la plupart des cas, les enfants sont témoins de formes de violence très graves.
Mme Laurie Anderson (membre du conseil d'administration, Calgary Status of Women Action Committee): Habituellement, les femmes qui quittent un partenaire maltraitant espèrent que les enfants pourront conserver une relation saine avec lui. Elles cherchent uniquement à mettre fin aux mauvais traitements dont elles sont l'objet. D'après notre expérience, les femmes font beaucoup d'efforts pour faciliter le maintien de la relation existant entre les enfants et leur père, même lorsque cela met en danger leur propre sécurité. Nous n'avons jamais remarqué que les femmes refusaient injustement aux hommes de voir leurs enfants. D'après notre expérience, le principal problème que soulève le droit de visite est qu'il arrive qu'un partenaire maltraitant se serve de cette occasion pour continuer à harceler, à agresser verbalement ou physiquement son ex-conjointe et ses enfants.
• 1635
Les femmes savent que le refus de laisser le père avoir accès
aux enfants est sévèrement sanctionné, notamment par la perte de la
garde à cause de la règle voulant que celle-ci soit attribuée au
parent qui est prêt à coopérer avec l'autre, et elles n'agissent de
cette façon qu'en dernier recours. Les femmes qui se sont adressées
à nous pour obtenir des renseignements ont refusé l'accès au père
pour les raisons suivantes: le père est en état d'ivresse ou a
consommé des drogues au moment où il vient chercher les enfants à
l'heure prévue; le père arrive plusieurs heures en retard, et les
enfants dorment; le père arrive sans prévenir pour tenter de
contrôler la vie du parent gardien; le père profite de son droit de
visite pour agresser, harceler ou effrayer les femmes et les
enfants; le père menace de battre ou de kidnapper les enfants
pendant qu'il...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Excusez-moi, avez-vous presque terminé? Votre temps est écoulé.
Mme Laurie Anderson: Oui, j'ai presque fini; permettez-moi de terminer.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très rapidement, alors.
Mme Laurie Anderson: Les enfants ont très peur de leur père et ne veulent pas partir avec lui; le père ne prend pas la mère au sérieux lorsqu'elle affirme que ses amis et des membres de sa famille vont maltraiter les enfants.
Compte tenu des données dont nous disposons au sujet de la fréquence de la violence familiale, nous devrions être surpris de voir combien sont rares les femmes maltraitées qui refusent au père l'accès à ses enfants. Il faut mettre sur pied un système qui donne au parent gardien le pouvoir de refuser l'accès aux enfants lorsque cela serait dangereux pour lui.
À l'heure actuelle, le système juridique vise à protéger le droit de visite du parent non gardien. Il faut concilier ces droits avec le droit des enfants de s'en remettre au parent gardien pour qu'il prenne des décisions visant à garantir leur sécurité. Il devrait être possible de contester ce genre de décisions, peut-être en facilitant le recours aux tribunaux et en confiant à ces derniers le soin d'examiner ce qui se passe dans la famille. Dans le cas où...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez largement dépassé votre temps de parole et je vais vous demander de vous arrêter. Je sais que l'on va poser beaucoup de questions et je vais commencer par donner la parole à Mme Cools.
La sénatrice Anne Cools: Vous êtes membre du Status of Women Action Committee. Je suppose que vous conseillez les femmes directement ou êtes-vous des travailleuses de première ligne?
Mme Julie Black: Nous informons le public et c'est pourquoi nous recevons de nombreux appels téléphoniques émanant de femmes se trouvant dans des situations difficiles. Les femmes appellent très souvent pour des problèmes de garde.
La sénatrice Anne Cools: Êtes-vous rémunérée pour faire ce travail?
Mme Julie Black: Pas pour le moment.
La sénatrice Anne Cools: Vous êtes un groupe de bénévoles. Vous n'êtes pas des lobbyistes rémunérés.
Mme Julie Black: C'est exact.
La sénatrice Anne Cools: Bien. En Alberta, savez-vous combien il y a de «femmes maltraitées»?
Mme Julie Black: Nous vous avons présenté les statistiques qui nous paraissaient fiables. Nous n'avons pas voulu...
La sénatrice Anne Cools: Je sais mais vous devez...
Mme Julie Black: Je suis sûre que votre équipe de recherche sera en mesure de vous fournir de meilleures données que nous.
La sénatrice Anne Cools: Notre équipe de recherche ne connaît pas vos clients. C'est vous qui possédez l'information concernant vos clients.
Mme Julie Black: Oui, mais aujourd'hui nous ne fournissons pas de statistiques sur le nombre des femmes dont nous nous occupons. Nous voulions parler de ce qu'elles ont vécu, et c'est ce que nous avons fait.
La sénatrice Anne Cools: Mais vous ne pouvez pas nous dire combien vous avez aidé de femmes?
Mme Julie Black: C'est exact.
Le sénateur Duncan Jessiman: Il y en a certainement plus qu'une, n'est-ce pas?
Mme Julie Black: Il y en a plus qu'une.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous affirmez cela mais comment pouvons-nous nous faire une idée...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je suis désolé, monsieur le sénateur, mais j'ai donné la parole à Mme Cools. Vous aurez votre tour.
La sénatrice Anne Cools: J'essaie simplement de savoir combien de femmes maltraitées vous aidez et je voudrais savoir parmi ces femmes-là, combien il y en a qui demandent le divorce.
Mme Julie Black: Je suis désolée, je ne peux pas vous fournir ces renseignements. Nous n'enregistrons pas ces données de cette façon.
La sénatrice Anne Cools: Très bien. En Alberta, quel est le nombre des femmes qui ont été tuées l'année dernière par leur conjoint?
Mme Laurie Anderson: Je n'ai pas ce chiffre mais nous pourrions certainement vous le communiquer. Il faudrait vérifier ce qui s'est passé dans toute la province.
La sénatrice Anne Cools: Je ne pensais pas que vous seriez obligée de vérifier dans toute la province. Je pensais que ce problème étant un élément essentiel de votre exposé, vous connaîtriez ces chiffres.
Mme Laurie Anderson: Nous pourrions certainement le demander aux foyers d'accueil ou aux journaux. Nous pouvons l'obtenir. Mais d'une façon générale...
Bien souvent, nous informons les femmes pour empêcher qu'on ne les tue, ou du moins pour essayer de l'éviter, de sorte que généralement, une fois qu'elles sont mortes, ces chiffres ne nous intéressent pas beaucoup. Nous nous attachons à servir les femmes qui communiquent avec nous et qui viennent nous voir. Mais je pourrais certainement vous donner ce renseignement, Mme Cools.
La sénatrice Anne Cools: J'essaie de savoir quel est le nombre de femmes battues qui sont parties à une instance de divorce.
Mme Laurie Anderson: Cela me paraît très difficile à déterminer. Nous pouvons toutefois essayer de vous fournir certaines données concernant ce problème.
La sénatrice Anne Cools: Non, je comprends que vous n'êtes pas en mesure de me donner un chiffre pour toutes les Canadiennes ou toutes celles qui vivent dans la province. Je vous demande uniquement de me donner le chiffre de celles que vous aidez.
Mme Laurie Anderson: D'après notre expérience?
La sénatrice Anne Cools: Oui.
Mme Laurie Anderson: En me basant sur les femmes à qui j'ai parlé, je dirais qu'il y en a au moins la moitié parce que la seule raison pour laquelle elles nous appellent... Si elles nous appelaient uniquement pour demander des renseignements généraux, ce serait différent, mais le nombre des femmes qui nous appellent parce qu'elles sont maltraitées représente au moins la moitié de toutes les femmes qui communiquent avec notre centre.
La sénatrice Anne Cools: Lorsque vous dites qu'elles communiquent avec vous, qu'est-ce que cela veut dire?
Mme Laurie Anderson: Elles utilisent le téléphone; elles communiquent avec nous par téléphone. Nous tenons également une assemblée générale annuelle à laquelle assistent un grand nombre de femmes. Nous essayons également d'être présentes aux réunions publiques pour être là si des gens ont besoin d'information. Cette semaine, quelqu'un est venu chez moi avec ses enfants pour parler de sa situation, c'est donc...
La sénatrice Anne Cools: Et vous faites vraiment de la consultation individuelle? C'est, je crois, ce dont les gens ont besoin.
Mme Laurie Anderson: Nous leur fournissons de l'information sur les services offerts, sur les foyers d'accueil, sur les endroits où elles peuvent obtenir des conseils juridiques, et où elles peuvent obtenir d'autres renseignements plus spécialisés.
La sénatrice Anne Cools: Je vais attendre la deuxième ronde.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: L'une d'entre vous a déclaré quelque chose qui était contraire à ce qui ressortait des autres témoignages. Vous avez parlé de la règle du parent prêt à coopérer avec l'autre. Avez-vous des éléments indiquant que les parents gardiens, sachant que cela arrive, facilitent l'exercice des droits de visite? C'est exactement le contraire de ce qu'on nous a dit.
Mme Laurie Anderson: Je sais et pour être franche avec vous, monsieur le sénateur, nous avons beaucoup de mal à comprendre d'où vient cette perception de la garde et de l'accès, parce que d'après notre expérience, les femmes sont... Même dans les cas où...
Je me suis trouvée avec une femme dont le visage était tuméfié et elle insistait encore pour trouver une façon de préserver la relation du père avec les enfants, par l'intermédiaire de la famille, d'amis ou de voisins. C'est le genre de réaction que nous voyons tous les jours. Même dans les cas où je craignais personnellement pour la sécurité de la femme, les parents gardiens voulaient tout de même permettre au père d'exercer son droit de visite.
Le sénateur Duncan Jessiman: Connaissez-vous des cas où, lorsque quelqu'un n'a pas respecté ce droit, a refusé l'exercice du droit de visite pour une raison ou une autre, le juge a déclaré «Eh bien, il y a le paragraphe (10), et il faut le faire»? Nous avons entendu un témoin, et Mme Cools l'a mentionné à plusieurs reprises, qui nous a dit que sa femme lui avait refusé 22 fois de voir ses enfants.
La sénatrice Anne Cools: Non, 41 fois.
Mme Laurie Anderson: Je ne serais pas surprise si cela arrivait de temps en temps. Cela ne me surprendrait pas.
Le sénateur Duncan Jessiman: Parlez-moi d'un cas où le juge a exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confie cet article et a déclaré «Vous n'avez pas respecté le paragraphe (10) de l'article 16 de la Loi sur le divorce et je vais prendre les mesures qui s'imposent». Parlez-moi d'un seul cas de ce genre.
Mme Laurie Anderson: Le problème est que les femmes à qui nous parlons sont absolument terrorisées à l'idée de perdre la garde de leurs enfants. Elles ont tellement peur qu'elles ne pensent même pas à refuser l'accès à leurs enfants ou, comme je l'ai dit, elles vont prendre d'autres arrangements ou demander l'aide d'un parent ou elles...
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous affirmez donc que les personnes que vous aidez...
Mme Laurie Anderson: Elles respectent les droits de visite.
Le sénateur Duncan Jessiman: Et, à votre connaissance, il n'y a pas eu de cas où...
Mme Laurie Anderson: Je ne peux pas vous parler d'un seul cas. Nous avons essayé...
Le sénateur Duncan Jessiman: Votre partenaire ne nous a pas dit combien de femmes vous aidiez, comment pouvons-nous savoir le nombre des gens...
Mme Julie Black: C'est parce que nous sommes un organisme de bénévoles, nous n'avons pas les moyens de...
Le sénateur Duncan Jessiman: Si vous n'avez pas ces renseignements, je comprends, mais si vous ne pouvez pas dire nous voyons 100 ou 200 personnes par an... Vous avez répondu «Nous savons, mais nous ne vous le dirons pas».
Mme Julie Black: Ce n'est pas en fait ce que j'ai dit. J'ai dit que nous ne savions pas. Nous n'avons pas ce genre d'informations statistiques.
Le sénateur Duncan Jessiman: Ce n'est pas la même réponse. Vous aviez dit «Nous ne vous le dirons pas». C'est ce que vous avez dit.
Mme Laurie Anderson: Si cela peut vous être utile, je peux vous dire que l'été dernier, entre le mois de mai et le début du mois d'août, j'ai vu trois à cinq femmes par jour. Je sais que ce n'est pas une période très longue.
Le sénateur Duncan Jessiman: Cinq jours par semaine?
Mme Laurie Anderson: Oui.
Le sénateur Duncan Jessiman: Cela nous donne une idée.
La sénatrice Anne Cools: Oui, cela nous donne une idée.
Le sénateur Duncan Jessiman: Parce que nous aimerions connaître le nombre de femmes dont vous vous occupez.
Mme Laurie Anderson: Une partie du problème vient du fait que nous sommes une organisation de bénévoles, nous travaillons dans tellement de domaines. Nous donnons la priorité aux femmes maltraitées, le projet de se réunir pour compiler des chiffres, vient loin derrière.
Mais si ce chiffre peut vous être utile, alors...
Le sénateur Duncan Jessiman: Je voulais simplement dire que nous avons entendu de nombreux parents non gardiens nous dire qu'on leur avait refusé la garde de leurs enfants, lorsqu'ils ont comparu devant nous... Nous ne connaissons qu'un cas de ce genre. J'ai pensé qu'il y en avait 22. Maintenant on me dit qu'on leur a refusé 41 fois le droit d'accès à leurs enfants avant que le tribunal ne fasse quelque chose.
Mme Laurie Anderson: Comme je l'ai dit, les femmes sont terrorisées par l'idée de perdre leur accès à ses enfants. C'est une menace très courante.
En fait, lorsque cette femme est venue me voir chez moi la semaine dernière avec ses enfants, je lui ai parlé des différentes solutions qu'il fallait envisager. Je lui ai demandé à quoi elle pensait en ce moment, ce que nous pourrions faire pour l'aider et quel était le genre de renseignements dont elle avait besoin. La première chose qu'elle m'a dit est qu'il lui avait dit que si elle essayait de le quitter, il prendrait les enfants.
Nous ne disposons d'aucune information à ce sujet, cette menace l'a terrorisée. C'était la menace la plus grave pour elle.
Cela est très courant chez les femmes qui demandent de l'information. Elles ne disposent d'aucune information concernant le processus alors elles respectent le droit d'accès.
Le sénateur Duncan Jessiman: Parmi les personnes que vous avez vues, y en a-t-il qui ont demandé le divorce après tous ces mauvais traitements? S'il y en a effectivement, vous pourriez peut-être nous donner un pourcentage, même des personnes à qui vous avez parlé entre mai et août.
Mme Laurie Anderson: La plupart étaient déjà en instance de divorce?
Le sénateur Duncan Jessiman: En instance de divorce ou de séparation seulement?
Mme Laurie Anderson: Bien souvent, elles cherchent encore à s'ajuster à la séparation qui est résultée de l'action qu'elles ont intenté à la suite de l'agression dont elles ont fait l'objet.
Le sénateur Duncan Jessiman: Mais vous ne pouvez pas nous affirmer, parce que vous ne le savez pas, si ces femmes ont finalement demandé le divorce.
Mme Laurie Anderson: Non, je ne peux pas faire un suivi sur ce cas.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous disposez donc de renseignements limités.
Merci beaucoup.
La sénatrice Anne Cools: Si je pouvais poursuivre, la personne dont vous étiez en train de parler, celle qui craignait de perdre ses enfants, a-t-elle présenté une demande de divorce?
Mme Laurie Anderson: Oh, non. À ce point-ci, elle essayait uniquement de demander des renseignements pour savoir comment elle pourrait faire, en cas de besoin, ou comment il faut procéder. Elle était en situation de crise pour ce qui est de la violence.
La sénatrice Anne Cools: Êtes-vous avocate?
Mme Laurie Anderson: Non. Je suis une étudiante en droit, Mme Cools.
La sénatrice Anne Cools: Et vous lui donniez des conseils sur la façon de présenter une demande de divorce?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Il y a quelqu'un d'autre qui veut poser une question...
Mme Laurie Anderson: Non, ce n'est pas ce que je faisais, Mme Cools. Je lui donnais de l'information sur ce qu'elle pouvait faire pour mettre fin à cette violence et ce que cela voudrait dire.
La sénatrice Anne Cools: Non, non, j'ai beaucoup de sympathie pour les gens qui donnent leur temps pour aider les autres. J'admire et je respecte ce qu'ils font. Je souhaiterais qu'il y en ait davantage. Mais j'essayais de savoir si parmi les personnes dont vous avez parlé, vous avez d'ailleurs décrit leur souffrance et leur angoisse avec beaucoup de passion, il y avait des personnes qui demandaient finalement le divorce.
La violence familiale comporte un aspect à la fois triste et terrible, c'est qu'il y a beaucoup de victimes qui ne demandent jamais le divorce. C'est un aspect douloureux et troublant. J'aimerais trouver le moyen de savoir, de me faire une idée de ce genre de situations, même un profil des personnes que vous aidez. Vous savez, fournissez-nous un profil, dites-nous quels âges elles ont, qui sont-elles, d'où viennent-elles, quelle est leur situation.
Il ne suffit pas de dire «Il y a des gens qui souffrent». Nous le savons qu'il y a des gens qui souffrent. Nous voulons savoir qui, comment, où, quand, combien parce qu'il est impossible d'adopter des politiques si l'on ne dispose pas de données concrètes.
Mme Laurie Anderson: Je crois que ces données existent, Mme Cools. C'est pourquoi nous avons des foyers d'accueil. L'année dernière, ces foyers d'accueil ont recueilli près de 11 000 femmes et enfants en Alberta.
• 1650
Il y a donc quelqu'un qui recueille ces renseignements et nous
devrions rechercher ces renseignements et en tirer des données
utiles. Ce n'est pas ce que nous faisons à l'heure actuelle.
La sénatrice Anne Cools: Je le sais mais d'après mon expérience, chaque fois que nous avons demandé à des personnes qui travaillent dans ces foyers ce genre de renseignement, combien de femmes ont-ils aidé, combien sont maltraitées, combien de femmes maltraitées demandent le divorce, ils nous répondent qu'ils ne peuvent nous fournir ces données.
Mme Laurie Anderson: Eh bien, il faudrait nous donner des fonds supplémentaires pour que nous le fassions.
La sénatrice Anne Cools: Ils ont beaucoup d'argent.
Le coprésident (M. Roger Gallaway) (interprétation): Madame St-Jacques, allez-vous poser des questions?
Mme Diane St-Jacques (interprétation): Vous parlez dans votre mémoire de la médiation dans les affaires de divorce et vous dites que la plupart des médiateurs ne sont pas capables de dépister la violence dans la relation entre un homme et une femme, ni de la circonscrire. Pensez-vous que la plupart des médiateurs ne sont pas sensibilisés à cet aspect-là?
Deuxièmement, pourriez-vous nous dire si vous avez des propositions précises à faire au sujet de la médiation? Quel genre de formation devrait recevoir les médiateurs pour qu'ils puissent dépister les cas de violence familiale?
Mme Laurie Anderson: Tout d'abord, pour ce qui est de la médiation, nous sommes contre la médiation, qu'elle soit obligatoire ou non, lorsqu'il y a de la violence dans la relation.
Notre inquiétude vient du fait que le médiateur a pour rôle d'en arriver à une entente négociée, ce qui est différent d'un système judiciaire où les deux avocats défendent principalement les intérêts de leur client. Notre principale préoccupation vient du fait que le médiateur a pour objectif d'en arriver à un accord et que les deux personnes qui assistent à la séance de médiation ou qui négocient un accord ne sont pas là pour les mêmes raisons. Bien souvent, la femme assiste à ces séances parce qu'elle craint de comparaître en cour, parce qu'elle a peur de perdre ses enfants si elle passe devant le tribunal, parce qu'elle est également forcée...
Là encore, je parle uniquement des cas où il y a de la violence familiale. Je ne dis pas que la médiation n'est pas un mécanisme approprié lorsqu'il n'y a pas de violence.
Les deux parties ne négocient pas sur un pied d'égalité. La médiation ne peut fonctionner que, lorsqu'il n'y a pas de graves déséquilibres entre les pouvoirs des parties, c'est là un principe fondamental. Or ici, les parties ne se présentent pas volontairement et elles ne possèdent pas les mêmes pouvoirs.
Il y a aussi les objectifs que l'on recherche en médiation. Par exemple, il y a l'idée qu'il faut progresser, la médiation est axée sur l'avenir, il ne faut pas trop examiner le passé et il faut partager la responsabilité de ce qui s'est passé, de ce qui a amené les gens là où ils sont en ce moment, ce qui est tout à fait ridicule dans les cas de violence familiale parce que c'est parfois la façon dont la femme a réussi à comprendre ce qu'elle a vécu qui lui a permis de survivre et d'assister à la séance de médiation. Cela soulève donc un certain nombre de problèmes.
Il y a un autre aspect qui nous paraît grave, c'est que les séances de médiation sont confidentielles et tenues en privé, ce qui veut dire que si les parties négocient un accord, c'est un accord qui ne peut être soumis au tribunal, qui ne peut faire l'objet d'un appel. Si l'une des parties viole l'accord, il n'y a aucun recours. C'est là un problème grave.
Et comment faire avancer le droit familial et suivre ce qui se passe pour essayer d'apporter les changements nécessaires? Cela est impossible s'il n'y a pas de dossier.
Voilà donc les graves préoccupations que soulève pour nous la médiation.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Avez-vous d'autres questions?
Mme Diane St-Jacques: Non.
Mme Hermina Dykxhoorn: Puis-je faire un commentaire sur les choses qui ont été dites?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y. Vous aurez le dernier mot.
Mme Hermina Dykxhoorn: Je crois que bien souvent le genre d'appels que reçoit une organisation, et le nombre de ces appels, dépend beaucoup de ce dont s'occupe cette organisation. L'année dernière, notre organisme a reçu près de 1 650 appels, dont 300 concernaient des problèmes familiaux. Il y a le mot famille dans notre nom et on nous parle de problèmes familiaux. Si vous avez le mot femme dans votre nom, ce sont les femmes qui vont appeler, puisque c'est votre préoccupation.
Sur ces quelque 300 problèmes familiaux, il n'y en avait peut-être que 10 qui se rapportaient à la violence familiale ou quelque chose du genre. La plupart concernaient la résolution de conflits, ce genre de chose, mon enfant ne m'écoute pas, etc.
• 1655
Il faut, je crois, revenir au fait que, lorsqu'on parle de
divorce, il faut parler de ce qui se passe dans la majorité des
cas. Les intervenants qui se trouvent à côté de moi ont beaucoup
parlé de la violence familiale, qui est une chose grave, mais la
grande majorité des affaires de divorce ne concernent pas la
violence et j'invite le comité à...
Pour notre organisme, les hommes et les femmes sont égaux. Il n'y a pas un groupe qui est plus mauvais que l'autre et dans la grande majorité des cas, il s'agit de l'éclatement d'une famille et non pas de violence familiale.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
J'aimerais remercier les témoins. Nous sommes encore un peu en retard mais nous sommes au milieu de l'après-midi et je vais proposer une pause. Nous allons prendre une pause de sept minutes.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je me demande si nous pourrions reprendre.
Nous avons trois intervenants auxquels nous souhaitons la bienvenue: M. Cummins, M. Witte et M. Buksa. Nous allons commencer par M. Buksa, qui va parler pendant cinq minutes.
M. Roy Buksa (témoignage à titre personnel): Merci. Bonjour. Hello. J'aimerais commencer par citer quelques lignes que j'ai trouvées sur Internet:
-
Lorsque les chercheurs du Relate Centre for Family Research en
Grande-Bretagne ont entrepris une étude pour découvrir pourquoi
tant d'hommes divorcés n'avaient plus de contact avec leurs
enfants, ils avaient, cinq ans plus tard, une perspective des
choses fort différente. Ce qui les a surpris, ont-ils conclu, ce
n'est pas que tant de pères aient perdu contact avec leurs enfants
mais que compte tenu des problèmes, les pères aient été si nombreux
à préserver ces contacts.
Le livre s'intitule Fatherhood Reclaimed: The Making of the Modern Father, et l'auteur en est A. Burgess, publié en 1997.
Vous trouverez dans mon mémoire les faits qui ont entouré mon divorce, la séparation et le procès et tout récemment, une audience en vue d'obtenir la modification du jugement à laquelle j'ai assisté au mois de mars. J'ai également inclus quelques conclusions et un certain nombre de recommandations. J'aimerais aborder aujourd'hui ces conclusions et ces recommandations. Je vais essayer de me limiter à celles qui pourraient être les plus intéressantes pour les problèmes de garde et d'accès.
Avant de commencer, je dois vous dire pourquoi je suis ici. Je suis séparé depuis quatre ans et je suis encore dans une colère noire. Le processus est vraiment dégueulasse, c'est tout ce que je peux dire. Après 24 ans de mariage, mon ex-conjointe a décidé que je lui devais quelque chose et qu'il était normal que je paie même si elle a dû se servir des enfants pour y parvenir.
Le système judiciaire lui a permis de m'accuser faussement de violence pour obtenir la garde des enfants, et les utiliser pour son avantage personnel. Le juge qui a prononcé l'ordonnance restrictive a accepté d'entendre les arguments d'un avocat qui avait organisé récemment une réunion en son honneur. Il s'est ensuite arrangé pour qu'il n'y ait pas de transcription des débats ni des notes du juge, même s'il s'agissait d'une cour d'archives. Je ne sais même pas ce qui s'est dit.
Les spécialistes qui ont conseillé mon ex-conjointe lui ont suggéré de commettre des actes criminels sans pour autant être sanctionnés par leur organisme professionnel ou par la loi. Le juge qui a présidé l'audience de divorce n'a pas essayé d'aller au-delà des apparences et m'a condamné à jouer un rôle marginal en rendant très difficile pour moi, sur le plan financier, de m'occuper de mes enfants ou de les avoir avec moi.
Mon avocate a répété à l'avocat de mon ex-conjointe des choses confidentielles, ce qui a nui à ma cause, et elle m'a ensuite mis au défi de faire quelque chose pour me venger. En appel, elle a représenté ma femme parce que j'ai été voir le principal associé de son cabinet d'avocats pour me plaindre de sa façon de travailler.
Les avocats critiquent les juges parce qu'ils rendent des jugements contradictoires et pour le genre de justice qu'ils rendent mais ils malmènent eux aussi le processus, font des déclarations fausses et trompeuses dans leurs arguments juridiques, manipulent l'information, révisent les affidavits et dissimulent des faits, en sachant que cela nuira à l'établissement de la vérité, mais tout cela est dans l'intérêt de leurs clients.
Les juges justifient leurs décisions en reprochant aux avocats de ne pas bien faire leur travail et en utilisant leurs pouvoirs discrétionnaires pour favoriser leurs propres préjugés au lieu d'administrer la loi. Ils violent la confiance qu'on a mise en eux et les responsabilités qu'on leur a confiées en rendant des jugements déraisonnables et discriminatoires. Ils ne se rendent pas compte qu'ils sont des serviteurs de l'État qui doivent servir le public et non pas la communauté juridique.
Il m'a fallu plus d'un an pour obtenir une ordonnance de modification après que les enfants soient venus vivre avec moi. En fait, je m'en veux parce que j'ai perdu quatre ans de ma vie à essayer d'arranger quelque chose qu'il ne sera pas possible de vraiment arranger ma vie durant.
• 1710
J'ai tiré ce commentaire d'un vidéo. Ce vidéo s'intitule
Children, the Experts of Divorce. La personne qui parle est
l'honorable Michael Murphy, un juge de la 3e Cour de district, Salt
Lake City, Utah.
Dans ce vidéo, il affirme qu'une des choses les plus préjudiciables et les plus dramatiques qui puisse arriver à un enfant, c'est d'être maltraité physiquement. Il est évident que l'agression est encore plus grave si elle est de nature sexuelle. Mais il existe une autre façon de nuire très gravement à un enfant, et qui est peut-être aussi grave, c'est lorsqu'un parent accuse faussement l'autre d'avoir fait ce genre de chose. Cela revient à utiliser l'enfant pour se venger contre l'autre parent.
J'en suis arrivé à une conclusion. À l'heure actuelle, le système judiciaire, y compris les barreaux, les juges et la plupart des avocats, lorsqu'il s'agit de faire respecter les ordonnances de soutien, considèrent que les hommes sont les seuls auteurs d'agression, que leur rôle est moins important lorsqu'il s'agit d'élever des enfants et qu'ils veulent uniquement obtenir la garde pour ne pas avoir à payer d'aliments.
Je ne pense pas que cela soit le cas. Je recommande que l'on modifie le projet de loi C-41 pour que la garde partagée, la répartition égale du patrimoine familial, et une répartition proportionnelle des frais d'entretien des enfants soient la règle pour tous les divorces.
J'ai été quelques instants ici au moment où le juge Allard parlait. Il a déclaré qu'en 37 ans, il n'avait vu que très peu de pères demander la garde. J'ai eu deux avocats, qui m'ont tous deux déclaré qu'il n'y avait rien à faire à moins que je ne puisse prouver que ma femme est incapable d'assumer ses responsabilités parentales. Ce n'est pas le cas; nous ne nous entendions pas. On m'a dit que, si je pouvais dépenser encore 10 000 $ et y consacrer une autre année, je pouvais essayer mais que mes chances d'obtenir la garde étaient minimes.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Pourriez-vous passer à vos recommandations?
M. Roy Buksa: Très bien.
Mes enfants changent de résidence tous les mois. Ils adorent cela. Ils le font. C'est eux qui l'ont choisi.
Voici une deuxième recommandation: transférer les subventions offertes aux groupes d'action et d'égalité des sexes aux organismes qui appuient à la fois les pères et les mères.
Quiconque conseille de faire ou fait de fausses allégations en matière d'agression sexuelle devrait être sanctionné par la loi et par les organismes professionnels. Le parent qui porte sans raison de telles allégations devrait immédiatement perdre à jamais le droit d'avoir la garde des enfants.
Je crois que notre système judiciaire ne répond plus aux besoins de la population. C'est un système lourd et statique. Je crois qu'il faut revoir le processus de nomination des juges. Il y a lieu de mieux concilier les précédents et les principes.
Il y a un processus que l'on appelle ISO 9000, qui fixe des normes pour l'industrie. Il y a un cabinet d'avocats d'Edmonton qui l'a fait. On pourrait adapter ce mécanisme au système judiciaire pour qu'il applique des normes minimales uniformes, et surtout, pour qu'il rende la justice.
Les juges n'ont plus à rendre compte de leurs décisions. Ils font ce qu'ils veulent sans se préoccuper de la loi.
Il faut prévoir la révision permanente des décisions judiciaires, tant sur le plan de leur conformité au droit que de leur conformité au bon sens. Les juges doivent faire l'objet des mêmes procédures disciplinaires que les autres employés publics. Les juges doivent recevoir une formation spéciale permanente en droit familial pour qu'ils traitent de façon impartiale les hommes, les femmes, les citoyens, et les juges. Tout le monde devrait être sur un pied d'égalité devant un tribunal. Les juges doivent demander davantage aux avocats...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Monsieur Witte.
M. Joern H.R. Witte (témoignage à titre personnel): Je suis à la retraite. J'ai travaillé dans les services de police de la ville de Calgary comme enquêteur dans l'escouade des crimes graves. J'ai travaillé comme sergent et comme constable. Je vais vous parler de choses que j'ai vécues en tant que policier mais surtout de choses que j'ai personnellement vécues.
Je suis né à Berlin, en Allemagne. Je suis venu ici à l'âge de 14 ans. J'ai grandi sans mon père. J'ai appris l'anglais avec des Suédois et des Norvégiens entre 14 et 16 ans, époque où je vivais loin de chez moi.
J'ai été marié pendant sept ans. Je n'ai pas été heureux en mariage. Ma femme a demandé le divorce en portant contre moi de fausses accusations. C'est mon ex-femme qui a demandé le divorce. Je ne connais que trop bien les questions de garde et l'accès.
J'ai fait l'objet de fausses accusations ici il y a huit ans et demi, j'ai été également poursuivi sans aucune raison. Mon ex-femme avait déjà un enfant illégitime lorsque je l'ai épousé. Cette enfant, lorsqu'elle a eu 29 ans, a lu quelques livres et étudié l'agression des enfants...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Pourriez-vous lire un peu plus lentement, s'il vous plaît? Les interprètes ont du mal à vous suivre.
M. Joern Witte: Elle a suivi un cours sur les agressions sexuelles données par une ancienne policière au Mount Royal College. Elle a lu plusieurs livres, et notamment un livre intitulé Michelle Remembers. C'est un livre satanique sur les agressions. Les allégations qui ont été portées contre moi peuvent se comparer à celles qui ont été portées contre Homolka, à l'exception du meurtre. C'est pourquoi je continue à suivre cette affaire.
• 1715
J'ai d'excellents états de service comme policier. Les
rapports qui ont été préparés par les services sociaux à l'occasion
de demandes d'adoption, de divorce et de garde ne correspondent pas
à ces allégations. Personne ne veut examiner ces allégations. Mon
ex-femme est schizophrène et elle nous a harcelé pendant 20 ans
jusqu'à mon procès. Je recevais des appels téléphoniques à 3 heures
du matin, parfois elle parlait, d'autrefois non. J'ai toujours pris
des précautions avec ma femme, à cause de ses troubles mentaux. Il
y a eu bien entendu ces fausses accusations en 1969.
Pour ce qui est de mes suggestions à propos du divorce, je dirais que la première étape serait l'intervention d'un médiateur bien formé. Lorsque les avocats s'en mêlent, les conflits s'accentuent et il n'y a personne qui gagne.
Lorsqu'il y a contestation judiciaire, ce sont les souhaits du parent gardien et des enfants qui ont la priorité. J'ai obtenu plusieurs ordonnances restrictives contre mon ex-femme. J'ai arrêté plusieurs hommes parce qu'ils violaient des ordonnances restrictives mais je n'ai pas pu obtenir de la police qu'elle arrête mon ex-femme. Elle souffrait de troubles mentaux. Elle recevait de l'aide sociale. Elle pouvait faire ce qu'elle voulait impunément.
Il y a ensuite l'importance de faire respecter les ordonnances restrictives visant les femmes, tout comme cela se fait pour les hommes. Je n'ai jamais arrêté une femme parce qu'elle avait violé une ordonnance restrictive, même si je me suis déplacé pour le faire. La police devrait disposer d'une plus grande latitude dans l'exécution des ordonnances restrictives.
Lorsqu'un parent a des revenus insuffisants, il devrait être subventionné.
Je recommande également une période de suivi au cours de laquelle on déterminerait si les ententes et les ordonnances judiciaires ont donné les résultats voulus.
Les femmes ont souvent l'avantage d'avoir accès à l'aide juridique, alors que les hommes qui assument la plupart du temps les obligations alimentaires n'ont pas les moyens de retenir les services d'un avocat et sont placés dans une situation financière difficile, qui leur laisse peu de ressources pour satisfaire leurs besoins personnels. C'est ce qui m'est arrivé. Mon épouse a fait de grosses dettes, elle a caché les factures, et lorsque tout cela a été découvert, elle s'est fait admettre dans un asile psychiatrique. Elle m'a laissé les deux enfants et toutes les dettes. J'ai vécu dans un sous-sol sans toilette, sans salle de bain; je faisais cela au travail. J'ai remboursé les dettes. J'ai eu pitié d'elle et je l'ai reprise. Un an plus tard, j'étais à la porte de la maison.
Je me suis ensuite remarié en 1970 et la Cour suprême de l'Alberta a demandé une expertise psychologique de toute la famille à cause des fausses allégations. Il y avait aussi les enquêtes des services sociaux, les visites à domicile, tout cela était en ma faveur. J'ai obtenu la garde des enfants, même si je n'étais pas le père naturel de cette fillette qui a, par la suite, porté ces accusations.
À 15 ans, elle a décidé d'aller vivre avec sa mère. J'ai signé les documents judiciaires opérant le transfert de garde. Elle dit qu'elle est partie parce que je l'agressais sexuellement, mais j'ai les documents judiciaires qui font état du changement de garde, qui a été transférée à la mère.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Witte, je suis désolé mais votre temps est écoulé.
M. Joern Witte: Très bien. Je recommande que l'on applique strictement le serment de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité; que l'on utilise les articles qui traitent du parjure et les articles connexes.
À l'heure actuelle, je n'arrive pas à faire porter des accusations de parjure contre un enquêteur policier. Je n'arrive pas à faire porter des accusations de parjure contre cette jeune fille, et j'ai des preuves. Bien sûr, j'ai poursuivi le procureur général, mais j'ai dû me désister à cause des frais. Ils ont fait l'imbécile, ils ont étiré les choses pendant huit ans. Je viens de recevoir le 25 avril les résultats de la dernière enquête. Elle a duré plus de deux ans; j'ai reçu neuf lettres dans lesquelles les enquêteurs disaient avoir besoin de délais supplémentaires. Personne ne veut se charger de l'enquête.
Il faut que l'on veuille vraiment faire enquête. Si l'enquêteur est convaincu que je n'ai rien fait, il devrait mettre un terme à l'enquête. La police n'est pas disposée à le faire parce que j'accuse d'entrave à la justice un haut gradé de la police.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien, merci. Monsieur Cummins.
M. Kim Cummins (témoignage à titre personnel): Merci de m'avoir demandé de venir ici aujourd'hui.
J'ai subi cinq procès. J'ai été incarcéré à la suite de fausses allégations. Quelqu'un m'a demandé... il est difficile de vous en parler ici. Lorsqu'ils vous mettent les menottes parce qu'on vous a faussement accusé, cela est très réel et je l'ai senti. Mon ex-femme pensait que c'était la meilleure façon de m'empêcher à jamais de voir les enfants.
• 1720
Au cours de mon dernier appel, le juge s'est excusé en disant
«Ce pauvre père, que lui avons-nous fait?» Qu'ont-ils fait? Que m'a
fait le système judiciaire? Cela va faire bientôt neuf ans que je
n'ai pas vu mes enfants. Je paie une pension alimentaire pour eux,
une pension généreuse.
J'ai eu une confrontation avec la GRC et un officier a été saisi de l'affaire. Je viens d'une petite ville, je le mentionne en passant. Vous savez comment ça se passe dans une petite ville. Il n'en faut pas beaucoup pour que tout le monde se ligue contre vous.
Mais pour ce qui est de l'officier mêlé à l'enquête, j'ai finalement saisi la commission des plaintes de la GRC. J'ai gagné. Il y avait 10 recommandations contre l'officier. Maintenant... en formation pour la GRC en Saskatchewan.
Je n'ai pas amené beaucoup de documents avec moi. Je sais que mon avocat, Lorne Goddard, en a une pile d'un mètre de haut, c'est ce que cela représente, après cinq procès, et une grosse note d'honoraires. Mais c'est un de mes meilleurs amis. C'est un ami loyal qui m'a soutenu à travers des moments très difficiles. J'ai voulu abandonner mais il m'en a empêché et ses autres associés m'ont aidé.
Je n'ai pu m'empêcher de noter ce qu'a déclaré la grand-mère ici. Je me souviens avoir parlé à ma mère un soir. Elle pleurait et elle me disait qu'elle voulait voir les enfants. Je lui ai promis qu'après le procès, en 1991, nous les verrions. Elle est morte d'une rupture d'anévrisme et elle ne les a jamais vus. Je n'ai pas pu respecter cette promesse.
Il est très dur de faire l'objet de fausses accusations. Cela fait mal. C'est comme si l'on vous arrachait le coeur. Cela ne disparaîtra jamais, comme certains vous l'ont déjà dit. Vous pouvez faire toutes les recommandations que vous voulez mais les cicatrices sont là. Je les porterai jusqu'à ma mort.
Mes enfants? Il faut que je demande à des amis de me les décrire. Je verse des aliments pour les enfants et elle a entamé une autre instance. On m'a signifié d'autres documents. À cause du projet de loi d'Allan Rock, le projet de loi C-41, il est possible de demander davantage.
Elle s'est remariée. Ils gagnent 160 000 $. «Va-t-en»: c'est ce qu'ils me disent.
J'aimerais beaucoup voir mes enfants. Je sais ce que c'est d'être à l'hôpital maintenant, j'ai des problèmes de rein, et je me demande si je vais mourir de la même façon que ma mère, sans pouvoir les voir.
Les fausses accusations sont une chose très grave qui mérite d'être examinée.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
La sénatrice Anne Cools: Monsieur le président, j'aimerais que ce cas soit consigné au procès-verbal. Il déclare avoir subi son procès. Pourrait-il mentionner le nom du juge?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Avez-vous entendu ce qu'a dit Mme Cools?
M. Kim Cummins: Oui.
J'ai les numéros des dossiers avec moi mais je n'ai pas apporté le reste. Je suis venu directement après le travail. Mon avocat, Lorne Goddard, peut vous envoyer tout ça.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Cela nous serait très utile.
M. Kim Cummins: Je vais lui demander monsieur.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien.
Qui veut commencer? Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Merci.
Pouvez-vous me dire dans quelle ville se trouvait le tribunal?
M. Kim Cummins: À Red Deer.
M. Paul Forseth: Était-ce une cour supérieure, celle qui accorde le divorce ou une cour provinciale?
M. Kim Cummins: C'était la Cour du Banc de la Reine. Les appels ont tous été entendus à Calgary.
M. Paul Forseth: Vous avez donc eu des appels. Quelle était la principale question en litige? S'agissait-il de garde ou de droit de visite?
M. Kim Cummins: Les appels? C'étaient des accusations pénales.
M. Paul Forseth: C'était donc à cause de la fausse accusation.
M. Kim Cummins: Oui.
M. Paul Forseth: Ce n'était pas une demande de divorce.
M. Kim Cummins: Les juges ont découvert que la seule raison qui pouvait expliquer les dernières fausses accusations était que l'on voulait m'empêcher de voir les enfants.
M. Paul Forseth: Vous étiez donc dans le système pénal.
M. Kim Cummins: Et le divorce en même temps.
M. Paul Forseth: Oui. Vous dites qu'on a utilisé le système pénal pour obtenir un avantage devant le tribunal de la famille.
M. Kim Cummins: C'est exact.
M. Paul Forseth: De combien d'enfants s'agit-il?
M. Kim Cummins: Deux filles.
M. Paul Forseth: Quel âge ont-elles maintenant?
M. Kim Cummins: Elles ont 15 et 13 ans.
M. Paul Forseth: Les voyez-vous parfois maintenant?
M. Kim Cummins: Non.
M. Paul Forseth: Ce sont-elles éloignées de vous? Autrement dit, souhaitent-elles vous rencontrer?
M. Kim Cummins: Elles le voulaient. J'avais des droits de visite au début. Elle a dit à un juge que j'avais menacé les enfants avec un couteau. Vous savez, ils n'ont même pas vérifié, et je n'ai jamais rien fait. Ils n'ont même pas vérifié. Le juge a supprimé mes droits de visite surveillée et je ne les ai pas vues depuis, si ce n'est à travers les portes des salles d'audience.
M. Paul Forseth: Et vous dites que votre fille de 15 ans ne souhaite pas communiquer directement avec vous, d'après ce que vous savez.
M. Kim Cummins: Eh bien, d'après ce que me disent mes amis, je crois qu'elle le souhaiterait. Je pense toujours qu'un jour elles vont venir me voir. Elles ne connaissent qu'une version des faits et je prie toujours que cela arrive, qu'elles me retrouvent.
M. Paul Forseth: Cela se produit parfois, et d'autrefois non.
M. Kim Cummins: C'est ce qui va peut-être se passer. Maintenant qu'elle demande plus d'argent, je vais essayer d'obtenir des droits de visite et la garde des enfants.
M. Paul Forseth: Il y a une autre chose que vous avez tous mentionné, c'est la difficulté que pose le parjure. J'ai demandé à des juges et à des avocats qui pratiquent dans ce domaine de me parler du parjure et ils lèvent les yeux au ciel en disant que c'est un problème très complexe: faut-il tenir des procès à l'intérieur d'un procès, comme l'ont fait pour les voir-dire, ou des procès supplémentaires pour savoir qui a dit quoi? C'est comme essayer de peler un oignon; il est difficile d'atteindre la vérité. Les spécialistes choisissent bien souvent de douter de tout ce qu'on leur dit, parce qu'ils savent qu'il y a toujours la possibilité que les témoins se parjurent.
Le problème se pose lorsqu'il faut prendre une décision en se fondant sur divers éléments de preuve qu'il faut apprécier, en sachant qu'ils ne contiennent pas nécessairement des mensonges mais qu'ils déforment la vérité et grossissent certains faits. Étant en politique, je sais très bien qu'il y a toutes sortes de façons d'interpréter une série d'événements. Nous le faisons à la Chambre des communes et...
La sénatrice Anne Cools: Pas au Sénat.
Des voix: Oh, oh!
M. Paul Forseth: Très bien, vous vouliez dire quelque chose.
M. Kim Cummins: Lorsque la GRC a fait une enquête à mon sujet, j'ai demandé de passer un test polygraphique et j'ai déclaré: «Vous pouvez faire ce que vous voulez et vérifier tout cela». Et ils ont dit non, pas du tout.
M. Joern Witte: J'aimerais intervenir à ce sujet. J'ai passé un test polygraphique. Je me suis rendu à Saskatoon pour passer ce test, qui m'a coûté 500 $. J'avais déjà demandé de passer ce test ici et on me l'avait refusé. Lorsque je suis revenu avec les résultats du test, on m'a demandé «Prouvez-nous que c'est un spécialiste du test polygraphique?» Il s'agissait de M. Robinson; il a travaillé 25 ans dans les enquêtes internes de la GRC.
Ils ont encore refusé de me faire passer un test polygraphique. J'ai dit «Faites passer ce test à la fille». Ils m'ont menti et m'ont déclaré qu'ils l'avaient déjà fait. Je leur ai dit: «Je sais qu'elle n'a pas passé le test polygraphique». Je me suis souvent servi du test polygraphique lorsque je travaillais dans la brigade des vols et c'est un test fiable, j'y crois beaucoup.
J'ai ces documents qui viennent de l'Alberta Guidance Clinic. J'ai des rapports des services sociaux de l'Armée du Salut qui indiquent que cette jeune fille a passé trois ans, de l'âge de 15 à 18 ans, dans une maison de l'Armée du Salut parce que ma femme actuelle ne voulait pas la reprendre. Ces rapports mentionnent son comportement schizophrénique.
Elle donne des témoignages à l'enquête préliminaire et au procès qui se contredisent. Elle contredit ses propres déclarations mais la police prétend que ce n'est pas le cas parce que je leur avais dit «Je vous poursuivrai bande de salauds».
Je les ai effectivement poursuivis. J'ai intenté une poursuite de 650 000 $ contre eux. Mais Code Hunter a demandé à Scott Brooker de cesser de me représenter. J'ai essayé de trouver un avocat et l'on m'a dit que cela me coûterait de 100 à 150 000 $. J'avais déjà dépensé 70 000 $. Ma femme m'a dit: «Il faut arrêter. Nous ne serons jamais tranquilles si tu fais cela.»
J'ai quand même de la chance. J'ai une petite ferme et une pension de retraite de la police. Si je n'avais pas ça... Je ne peux pas travailler comme détective. Je travaillais comme détective privé à l'époque.
J'ai travaillé comme policier pendant deux ans devant les tribunaux et il y a eu ensuite ces huit ans et demi et je sais que les policiers mentent comme tout le monde. J'ai cru à un moment donné que les policiers étaient intègres et honnêtes. Il y a beaucoup de policiers honnêtes; 99 p. 100 de mes partenaires étaient honnêtes.
Lorsqu'on s'adresse au ministère du Procureur général, on vous fait passer d'un avocat à un autre, ce qui dilue les responsabilités. Si vous voulez entamer une autre poursuite, l'affaire a pris des proportions telles que cela entraîne des coûts astronomiques.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Madame DeWare.
La sénatrice Mabel DeWare: Je voulais demander quelque chose à M. Buksa.
• 1730
D'après votre expérience, que pensez-vous d'un projet de
répartition des responsabilités parentales? Si l'on avait imposé un
tel plan à l'époque ou s'il en avait existé un, si vous aviez
rencontré votre femme, quels qu'aient pu être à l'époque les
sentiments que vous aviez à son égard, et si vous aviez planifié la
façon dont vous alliez vous occuper des enfants, est-ce que cela
vous aurait aidé?
M. Roy Buksa: Certainement. J'ai préparé près de 10 projets différents pour ce qui est des ententes relatives au partage de la garde et à la résidence des enfants. J'étais prêt à laisser les enfants vivre dans la maison et changer moi-même périodiquement de logement, ou vendre la maison familiale pour acheter deux appartements moins coûteux, qui auraient été situés près l'un de l'autre pour que les enfants puissent facilement passer de l'un à l'autre.
La sénatrice Mabel DeWare: Et qu'en pensait-elle? A-t-elle montré...
M. Roy Buksa: Elle a refusé ces solutions. Nous avons essayé la médiation. Nous y sommes allés trois fois. Elle n'est pas venue à deux occasions et elle est arrivée avec une heure de retard la troisième fois.
La sénatrice Mabel DeWare: Donc, si vous aviez pu négocier la répartition des responsabilités selon des modalités acceptables pour le juge, acceptables pour vous deux en fin de compte, cela vous aurait pris sans doute pas mal de temps pour y parvenir, mais vous pensez que cela vous aurait aidé.
M. Roy Buksa: S'il y avait eu un médiateur compétent pour le faire, oui. Il me paraît important que ce soit les gens qui vont avoir à exécuter l'entente qui la concluent. Si on passe par la voie judiciaire, c'est quelqu'un d'autre qui vous impose une décision et personne n'est d'accord avec cette décision.
La sénatrice Mabel DeWare: Quel âge avaient vos enfants à l'époque?
M. Roy Buksa: Ils avaient 12, 14 et 16 ans.
La sénatrice Mabel DeWare: Ils étaient donc suffisamment âgés pour donner leur avis.
M. Roy Buksa: Oui.
La sénatrice Mabel DeWare: Ils auraient pu mentionner leurs préférences même s'ils ne pouvaient prendre ce genre de décisions, bien entendu. Mais ils vous ont sans doute dit ce qu'ils pensaient.
M. Roy Buksa: Ils ont passé tous les dimanches avec moi pendant quatre ans et vous savez que, lorsque les enfants ont cet âge-là, ils ont souvent autre chose à faire qu'aller voir quelqu'un d'un peu chauve et qui a bientôt la cinquantaine.
La sénatrice Mabel DeWare: Il est important pour eux de passer le dimanche avec vous.
M. Roy Buksa: À cause de la façon dont s'est produit la séparation, ma femme a obtenu la garde exclusive des enfants. Le tribunal nous a accordé la garde partagée. Elle avait la garde physique.
Trois mois plus tard, les enfants m'ont demandé de déménager et de louer un logement près de la maison familiale. Ils ont ensuite commencé à changer de logement un mois sur deux, je ne pouvais me permettre qu'un appartement de deux chambres à coucher.
Quatre mois après, mon fils le plus vieux a emménagé avec moi à temps plein mais les deux autres ont continué à alterner. C'était un peu serré.
La sénatrice Mabel DeWare: Si nous arrivons à élaborer un mécanisme qui aiderait les parents à passer à travers cette épreuve, ce serait une chose positive...?
M. Roy Buksa: Oui, je le pense.
La sénatrice Mabel DeWare: Bien sûr, avec de fausses accusations, cela ne pourrait fonctionner; la médiation le permettrait probablement.
M. Roy Buksa: Lorsque j'ai fait quelques recherches pour me préparer, j'ai lu un commentaire d'un juge de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta, le juge Tevie Miller, qui faisait référence à ce que l'on appelait la flèche empoisonnée. Il a dit que la pratique consistant à faire de fausses accusations en matière d'agression existe en Alberta depuis longtemps.
La seule question que je me pose est pourquoi? Pourquoi les juges et les avocats le permettent? Pourquoi est-ce que les tribunaux l'acceptent? C'est une pratique inacceptable. C'est contraire à la morale. Cela ne devrait pas se produire.
La sénatrice Mabel DeWare: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous remercie tous les trois d'être venus ici aujourd'hui nous parler de votre vécu. Je sais que cela n'est pas facile. Je tiens à ce que vous sachiez que le comité apprécie ce que vous nous avez dit aujourd'hui et je suis certain que votre témoignage influencera nos travaux. Merci d'être venus.
Je vais maintenant demander aux représentants de la Canadian Grandparents Rights Association et de l'Orphaned Grandparents Association de prendre place. Nous allons entendre Annette Bruce, présidente d'Orphaned Grandparents Association; et Florence Knight, la présidente de Canadian Grandparents Rights Association, bureau de l'Alberta.
Bienvenue à toutes les deux. Nous allons commencer par Mme Knight.
Mme Florence Knight (présidente, Canadian Grandparents Rights Association, bureau de l'Alberta): Merci. Honorables membres du comité mixte spécial, je vous prie respectueusement de verser ce mémoire au procès-verbal.
Je m'appelle Florence Knight. Je suis la présidente du bureau de l'Alberta de la Canadian Grandparents Rights Association. Je suis une grand-mère à qui on refuse de voir sa petite-fille Sara depuis 1988, époque à laquelle elle avait cinq ans et où sa mère s'est remariée.
• 1735
Après huit ans sans visite, Sara a été forcée, à l'âge de
13 ans, de renoncer à son identité, à son nom, et ce qu'elle ne
savait pas encore, à son héritage lorsqu'en février 1997 elle a
demandé d'être adoptée par le mari de sa mère. L'audience a eu lieu
à huis clos, et seuls les avocats, son père, sa mère et le mari de
sa mère avaient la permission de se trouver dans la salle
d'audience.
Après l'audience, ma famille et moi marchions à l'extérieur du palais de justice au moment où nous avons vu qu'on emmenait Sara dans une voiture de sécurité avec un sac noir sur la tête. On voulait ainsi l'éloigner encore davantage de ses grands-parents et éviter qu'elle puisse conserver une image récente de la famille de son père.
Récemment, Sara a perdu deux êtres chers, puisqu'au début de l'année son arrière-grand-mère est décédée et peu après, une amie d'école a connu une fin tragique. Il aurait été bon pour Sara de nous entendre lui dire que nous l'aimons et que nous pensons beaucoup à elle.
Il faudrait présumer que les enfants ont besoin de leurs grands-parents parce que ces derniers jouent un rôle essentiel dans la vie des enfants; ils leur fournissent un amour et un soutien émotif inconditionnels. À l'heure actuelle, le droit de la famille tend à éloigner le père de ses enfants, ce qui en éloigne d'autant les grands-parents paternels lorsque leurs enfants adultes divorcent.
Dans la pièce A, un article intitulé «Grandparent-grandchild Contact Loss: Findings from a study 'Grandparents Rights' Members» dont l'auteur est le Dr Edward Kruk de l'université de la Colombie-Britannique, celui-ci déclare:
-
Comme le pensaient les grands-parents interrogés au cours de
l'étude, le fait d'avoir adopté aux États-Unis des lois attribuant
des droits aux grands-parents n'a pas augmenté sensiblement les
litiges; il semble qu'en fait la voie judiciaire ne soit utilisée
qu'en dernier recours. Si ces lois ont eu un effet juridique
minimal, leur répercussion sociale a été considérable (Wilson &
Deshane, 1982). Tout changement législatif ayant pour effet
d'élargir l'accès des grands-parents à leurs petits-enfants aura
comme conséquence de diminuer la nécessité de recourir aux
tribunaux et d'instituer des instances accusatoires.
Au sujet de l'idée d'accorder une reconnaissance juridique au syndrome de l'aliénation parentale, voir la pièce B, «Legal Recognition of the Parental Alienation Syndrome» de Nancy Rainey Palmer publiée dans The American Journal of Family Therapy. Palmer affirme:
-
Le présent article porte sur le syndrome de l'aliénation parentale,
que l'on peut définir comme étant le processus par lequel un des
parents, de façon détournée ou non, adopte une attitude méprisante
à l'égard de l'autre parent au cours d'une instance de divorce ou
par la suite, dans le but d'essayer d'éloigner les enfants de cet
autre parent.
Dans le même article, Palmer cite le juge Feder de la Cour de circuit du comté de Dade:
-
Le tribunal est convaincu que l'agressivité aveugle que manifestent
les enfants envers leur père est le fruit de la graine qu'a plantée
la mère dans leurs esprits et des soins attentifs qu'elle lui a
donné.
Feder poursuit
-
Elle [la mère] a petit à petit empoisonné l'esprit de ses enfants,
à un point tel que l'antidote que pourrait administrer le tribunal
restera peut-être sans effet.
Les grands-parents peuvent être victimes du même genre de comportement dont parle cette pièce.
Voir la pièce C, «Expanding the Parameters of Parental Alienation Syndrome» du Dr Glenn Cartwright, publiée dans The American Journal of Family Therapy, automne 1993:
-
Les enfants qui prétendent avoir pris seuls ces décisions
utilisent souvent les mots et les expressions du parent qui cherche
à éloigner l'autre, ce qui montre la fausseté de leur affirmation.
Parallèlement, ce genre de parents adopte souvent un comportement
qui indique que l'idée d'éloigner l'autre parent ne venait pas de
l'enfant.
Cartwright poursuit
-
l'animosité s'étend naturellement aux autres membres de la famille
du parent haï. «Sa mère m'a traité de sans cervelle». On applique
les mêmes épithètes aux grands-parents, aux oncles et tantes et aux
cousins...
Dans une lettre qu'il m'a envoyée, qui figure à titre de pièce D, datée du 23 novembre 1995, le Dr Cartwright affirme que «le désir d'éloigner l'autre parent des enfants est manifestement une forme d'agression contre les enfants». C'est pourquoi je propose que l'on voie dans cette attitude des parents une forme d'agression contre les enfants.
À l'heure actuelle, le droit familial tient pour acquis qu'il n'y a qu'un seul parent prioritaire. Il devrait plutôt reconnaître le principe selon lequel les parents biologiques sont tous les deux responsables du bien-être financier, émotif et physique de l'enfant.
Dans le cas où l'un des parents biologiques ne serait pas en mesure d'assumer ses responsabilités envers l'enfant, il faudrait alors présumer que ce sont les membres de la famille de ce dernier qui vont s'occuper de l'enfant, en commençant par les grands-parents pour ensuite rechercher les membres de la famille élargie. Autrement dit, il faudrait préférer la famille à l'État pour ce qui est des soins à donner aux enfants. Voir la pièce E ci-jointe «Kinship Care—a Natural Bridge» de la Child Welfare League of America; et la pièce F, «Promoting Contacts with Grandchildren and Grandparents» du Dr Barbara Thomlison, Université de Calgary, Faculté de travail social.
• 1740
Le Dr Thomlison a effectué une étude de 18 mois et conclut que
les résultats indiquent clairement que «pour que les enfants se
développent de façon harmonieuse, ils doivent savoir qui ils sont».
Elle affirme en outre que «les professionnels et les responsables
des politiques devraient accorder au moins autant d'attention au
processus visant à réconcilier les familles qu'à celui qui
s'applique en cas de séparation».
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je suis désolé, mais votre temps est déjà écoulé.
Mme Florence Knight: Il me reste un paragraphe.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien; allez-y.
Mme Florence Knight: Il devrait être présumé que les accusations portées par un parent contre l'autre ou les grands-parents sont fausses à moins que l'auteur des accusations ne soit en mesure d'apporter des preuves les justifiant.
Lorsque le tribunal ordonne la garde partagée ou accorde à un grand-parent des droits de visite, il devrait être présumé que l'exécution de ces ordonnances relève des autorités locales, et l'outrage au tribunal devrait être sévèrement sanctionné.
Je vous remercie.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. Vous savez, il y a une chose que j'ai appris, c'est qu'il ne faut pas contrarier les grands-parents.
La sénatrice Anne Cools: En particulier les grands-mères.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui. Vous nous le rappelez tout le temps, Mme Cools.
Madame Bruce.
Mme Annette Bruce (présidente, Orphaned Grandparents Association): Ce commentaire va peut-être m'aider. Je ne suis pas connue pour la concision de mes propos.
Je m'appelle Annette Bruce. Je suis la présidente de la Orphaned Grandparents Association. Notre association s'occupe de formation et de prévention et s'attache à sensibiliser le public à l'importance des liens qui unissent les grands-parents et leurs petits-enfants. C'est un aspect qui n'est guère valorisé dans notre société actuelle.
Je suis une grand-mère par ma fille. Depuis sept ans, je travaille bénévolement et quotidiennement avec des grands-parents qui n'ont plus de contact avec leurs petits-enfants, ou qui risquent de ne plus en avoir, à la suite de la séparation des parents.
Ce phénomène s'explique pour les raisons suivantes: unions de fait, 26 p. 100, divorce, 40 p. 100, familles intactes, 17 p. 100, décès des enfants adultes, 10 p. 100, et conflit avec un ou plusieurs parents, adoption par un beau-père ou une belle-mère, etc., 17 p. 100 environ.
Ces pourcentages ont été calculés à partir des appels reçus en 1997. Nous recevons de 75 à 100 appels par an de la part d'autres organismes et services juridiques qui sont à la recherche d'information. Les services sociaux, les services judiciaires de l'Alberta et du Canada, et bien sûr d'Europe aussi, nous réfèrent des cas.
Je peux affirmer de façon catégorique que l'existence de liens stables entre les petits-enfants et les grands-parents est nécessaire à l'équilibre émotif physique et au bonheur des trois générations. Ce lien est un droit naturel que les enfants acquièrent à la naissance et qui s'exprime par un attachement émotif. C'est un héritage légué par nous, les anciens, qui profite à tous les membres de la famille.
Malheureusement, les familles profitent rarement des aspects positifs qu'offre une telle relation. Pourquoi cela se produit-il? La plupart des gens ne connaissent pas l'importance des relations qui unissent les générations dans notre société actuelle. La deuxième raison est que notre société moderne, dans laquelle nous vivons aujourd'hui, qui est notre réalité, n'est pas structurée en fonction des générations. Les gens passent la plupart de leur temps avec des personnes appartenant à leur catégorie d'âge. Notre rythme de vie rapide nous empêche de former ces connexions vitales et, surtout, de développer des liens affectifs profonds.
La structure sociale est tellement forte que les personnes qui comprennent l'importance des liens entre les générations ont du mal à les établir et à les entretenir. Elles n'arrivent pas à surmonter les obstacles sociaux et personnels qui les empêchent de rejoindre les personnes qu'elles aiment.
On n'empêche pas seulement les grands-parents de jouer le rôle qui est le leur mais on va jusqu'à refuser de reconnaître qu'ils ont un rôle à jouer. La perspective d'avoir des petits-enfants n'est pas appréciée de la même façon que celle d'avoir un enfant ou de commencer une nouvelle carrière.
• 1745
De nos jours, les différentes générations ne semblent non
seulement pas prêtes à faire l'effort de nourrir les liens
affectifs qu'elles pourraient entretenir entre elles mais elles
semblent plutôt s'efforcer de s'isoler des autres et même à
l'intérieur de leurs propres familles. Tout le monde est trop
occupé de nos jours. Nous avons du mal à faire l'essentiel. Tout le
monde reconnaît que nous avons déjà trop de choses à faire. Les
enfants sont isolés des grands-parents et vice-versa. Nos petits
enfants passent plus de temps dans des établissements de soins
qu'avec nous.
Nos jeunes adultes n'ont pas beaucoup de temps à consacrer à leurs parents, même si ceux-ci sont tout prêts à passer du temps avec eux. L'idée qu'un jour eux, les jeunes, seront peut-être des grands-parents ne leur effleure même pas l'esprit. Et la génération du milieu n'a pas le temps de penser à ce que vivent ensemble leurs parents et leurs enfants à moins qu'ils fassent partie des heureux élus dont les parents viennent alléger leurs tâches quotidiennes. Pour ce qui est des grands-parents qui travaillent, qui ont déménagé pour prendre leur retraite ou qui vivent à proximité mais qui ne s'intéressent pas à leurs petits-enfants, je préfère m'abstenir de faire des commentaires à leur sujet. Je me sens coupable lorsque je pense à eux.
Certains estiment qu'il est gênant, voire irritant, de réfléchir à l'effet que peut avoir leur comportement actuel sur les générations futures. Est-ce que les grands-parents qui ont pris leur retraite veulent vraiment savoir que leurs petits-enfants sont tristes de ne plus voir des grands-parents qu'ils aimaient? Les parents tiennent-ils à connaître les effets qu'auront sur leurs propres parents et leurs enfants leur divorce et leur remariage? Cela veut dire pour eux avoir à s'occuper d'autres grands-parents, faire des efforts pour réunir les enfants et les grands-parents et acheter davantage de cadeaux? Il est plus facile d'ignorer tout cela.
Et que vont faire les grands-pères et les grands-mères? Il y aura bientôt plus de grands-parents et d'arrière-grands-parents qu'il n'y en a jamais eu depuis le début de l'humanité. La seule chose qui nous reste ce sont nos relations et lorsqu'ils entendent que la situation de nos jours n'est pas très bonne, pourquoi les grands-parents choisiraient-ils de parler? Il est plus facile pour eux de se décrire comme étant des victimes passives de leurs enfants.
Les institutions et les professions ne reconnaissent pas l'importance de la participation des grands-parents parce que cela leur causerait trop de problèmes. Le droit risque même d'interdire les contacts avec les grands-parents, lorsque le gardien de leurs petits-enfants, quelquefois leur propre enfant, les rejette et les tient à l'écart. Il est vrai qu'il y a des grands-parents qui sont rejetés par leurs propres enfants. Il est également vrai que les grands-parents méritent d'avoir un petit peu de tranquillité une fois que leurs enfants ont grandi. Mais qui rejette qui? Personne ne rompt le silence même si la famille élargie est déchirée et éclate de plus en plus souvent. Les nouvelles générations paient fort cher sur le plan affectif les progrès dont elles bénéficient.
Cela crée une situation paradoxale. La famille élargie est de plus en plus nombreuse, elle comprend des membres d'âges différents mais parallèlement ses membres se séparent et quittent leur famille pour consacrer davantage de temps à leur vie professionnelle dans un monde impersonnel qui les éloigne de leur famille.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Bruce, avez-vous presque terminé?
Mme Annette Bruce: Je suis une grand-mère. Je n'ai jamais terminé.
Des voix: Bravo.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez largement dépassé votre temps de parole.
Mme Annette Bruce: Merci.
La première recommandation porte sur le fait que les solutions accusatoires nuisent à nos petits-enfants. Et je peux vous en parler personnellement parce que mon petit-enfant, qui a maintenant neuf ans, m'a demandé de venir vous dire aujourd'hui qu'il faudrait interdire le divorce. Cela leur brise le coeur et celui des grands-parents.
Il faut que les attitudes changent. Il faut informer aussi bien les grands-parents que nos législateurs, nos juges et la population. Il faut mieux informer les gens pour qu'ils aient accès à d'autres solutions et à d'autres possibilités. Il faut que le droit reconnaisse l'importance des relations que nous entretenons avec les enfants pour leur développement harmonieux. Il faut utiliser les services des grands-parents; ils peuvent servir de soutien partiel et peuvent également accueillir les jeunes, en particulier les petits-enfants qui sont signalés aux services sociaux.
• 1750
Il faudrait accorder plus d'importance aux responsabilités
qu'aux droits. Si l'on respectait et protégeait les droits de nos
petits enfants, je n'aurais pas besoin de prendre la parole devant
votre comité. Et il faut de la médiation. Les médiateurs savent
comment aplanir les difficultés familiales et les complexités; il
faut nous permettre de participer à la médiation de façon plus
constructive qu'on nous le permet à l'heure actuelle.
Merci de m'avoir consacré votre temps.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.
Des questions? Madame DeWare.
La sénatrice Anne Cools: Vous voyez, les grands-parents passent en premier.
La sénatrice Mabel DeWare: Les arrière-grands-parents d'abord. Notre famille élargie comprend 22 personnes.
Vous avez utilisé une expression qui m'a intéressée, vous avez parlé de «structure agénérationnelle» de notre société. J'aimerais que vous m'en disiez davantage.
Mme Annette Bruce: «Structure agénérationnelle»?
La sénatrice Mabel DeWare: Oui.
Mme Annette Bruce: Notre société ne valorise pas les rapports que nous pouvons entretenir avec les petits-enfants et par conséquent, le rôle des grands-parents n'est pas valorisé. Nous ne créons pas d'emploi, nous ne générons pas de revenu pour l'économie et jusqu'ici, le gouvernement n'a pas réussi à nous faire payer des impôts. Nous sommes par contre valorisés en tant que personnes âgées, et nous devons nous considérer comme tel, parce qu'il y a toutes sortes d'organismes qui sont plus que désireux de se rapprocher de nous, comme ceux qui offrent des soins prolongés, les immeubles abritant des condominiums de luxe où les enfants ne sont pas admis, en particulier nos petits-enfants... Ce sont les valeurs que véhicule notre société.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): C'est l'autre grand-mère. J'ai 10 petits-enfants.
J'avais un commentaire. Je sais qu'il existe en Ontario un programme qui s'appelle les United Generations of Ontario. Existe-t-il un programme semblable en Alberta? C'est un organisme très intéressant qui cherche à revaloriser les interactions entre les générations.
Mme Annette Bruce: Les relations entre les générations?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oui.
Mme Florence Knight: Nous n'en avons jamais entendu parler.
Mme Annette Bruce: J'en ai entendu parler mais il n'existe pas d'organisation semblable ici en Alberta.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous invite à vous renseigner au sujet de cette organisation, parce qu'elle représente une possibilité très intéressante.
Mme Annette Bruce: Oui.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.
Le sénateur Duncan Jessiman: J'ai une question.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): C'est au tour d'un grand-père maintenant.
Le sénateur Duncan Jessiman: Pourriez-vous me dire ce que vous entendez par grand-parent orphelin? Est-ce que ce sont les enfants des grands-parents qui sont orphelins ou les petits-enfants qui sont orphelins ou les grands-parents? Qui sont les orphelins et quel est le sens...
Mme Annette Bruce: Premièrement, ce sont les grands-parents qui ont choisi ce nom parce que leur génération connaissait bien le terme orphelin, à cause notamment de la Deuxième Guerre mondiale. Le mot «orphelin» indique pour eux qu'ils sont séparés de leurs petits-enfants. Cela ne veut pas nécessairement dire que ces petits-enfants n'ont pas parents, ni qu'ils n'ont pas d'autre famille.
Le sénateur Duncan Jessiman: Bien. Je vous remercie beaucoup.
Mme Florence Knight: Depuis un certain temps, nous encourageons Mme Annette Bruce à changer le nom de son organisme pour Canadian Grandparents' Rights Association et à régler le problème.
Mme Annette Bruce: Nous ne sommes pas un groupe axé sur les droits, mais le mot «orphaned» suscite un intérêt comme celui que vous venez de manifester.
Le sénateur Duncan Jessiman: D'accord. Je vous remercie.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: Merci.
Je ne vous poserai pas de question parce que je connais très bien votre travail. Par contre, je tiens à vous remercier personnellement, du fond du coeur pour votre excellent travail et pour avoir choisi de renouveler votre engagement de parent envers vos propres enfants. Je vous remercie pour cela.
Mme Annette Bruce: Merci.
Mme Florence Knight: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous remercie beaucoup d'être venue.
Je demanderais maintenant aux témoins de Child Find Alberta et du Calgary Adhoc Committee de s'avancer, s'il vous plaît.
• 1755
Bon après-midi. Nous accueillons M. Alex Weir, directeur de
district de Child Find Alberta. Il est accompagné de M. Max Blitt,
président sortant de l'organisme. Nous accueillons aussi Mme
Hensley. Calgary Adhoc Committee On Children's Rights. Bienvenue à
vous tous. Je crois que nous entendrons d'abord M. Weir.
M. Alex Weir (directeur de district, Child Find Alberta): Je vous remercie beaucoup au nom de Child Find Alberta et de toutes nos sociétés provinciales Child Find d'un océan à l'autre et aussi des États-Unis. Nous n'aborderons aujourd'hui que des problèmes canadiens.
Le mémoire de Child Find que nous avons soumis à votre comité porte la date du 19 février 1998. Nous vous sommes reconnaissants de nous offrir cette occasion supplémentaire de communiquer avec votre merveilleux comité, qui se penche sur des questions qui nous tiennent tellement à coeur.
Nous, de Child Find, insistons lourdement sur le fait que nous sommes ici pour les enfants. C'est là notre seul intérêt. Nous souhaitons que les gens, particulièrement tous les enfants portés disparus, en viennent à la conclusion que Child Find représente, à la lumière de l'expérience acquise au cours des deux dernières décennies, une lueur d'espoir pour ces enfants, non seulement pour ceux que nous recherchons, mais pour tous les enfants portés disparus en général. Voilà pourquoi des mesures préventives comme la possibilité qui nous est offerte de comparaître devant votre comité, prennent une aussi grande importance pour nous.
Dans notre mémoire, nous avons insisté, comme vous l'avez noté, sur le fait que nous avons été à l'origine de cet appel particulier en faveur d'une réforme législative pour l'amour de tant d'enfants qui subissent les contre-coups des lois actuelles et de notre système judiciaire. Nous avons appris que la plupart des rapts d'enfants par le père ou la mère sont attribuables à l'envie ou à une lutte de pouvoir plutôt qu'à des motifs d'amour. Je dois avouer que cette constatation m'a causé un choc quand je me suis joint à Child Find il y a environ trois ans, car jusqu'à ce moment j'avais une opinion radicalement différente sur cette question. Quand j'insiste sur le fait que la plupart des rapts d'enfants par les parents sont attribuables à la jalousie ou des conflits de pouvoir, je vous fais part de l'expérience de Child Find.
J'aimerais revenir sur une des questions que nous avons abordées, c'est-à-dire les ordonnances de la cour concernant la garde d'un enfant dans chacune de nos provinces. Selon les ateliers de la GRC pour les agents de la paix, ces ordonnances ne peuvent être exécutées que dans la province visée. La meilleure solution serait que la première ordonnance soit émise dans chacune des provinces du Canada.
De même, nous avons constaté au sein de Child Find qu'il est plus facile de remettre l'enfant au père ou à la mère si l'enfant qui a fait l'objet d'un rapt a été emmené aux États-Unis plutôt que dans une des provinces du Canada. Cela me dépasse. Je ne comprends tout simplement pas.
Bien sûr, il est possible, dans certains cas, d'obtenir que l'ordonnance soit inscrite dans une autre province, mais il suffit que la demande soit déposée dans la province de résidence de l'enfant, où il se trouve en sécurité. Nous avons constaté un trop grand nombre de cas où même une personne qui n'est pas un parent a obtenu la garde de l'enfant dans une autre juridiction après que le parent résidant en Alberta, lieu de résidence habituel de l'enfant, ait obtenu une ordonnance de garde exclusive.
• 1800
Malgré un taux de succès phénoménal de repérage d'enfants
inscrits au registre des enfants disparus de Child Find Alberta,
qui se situe dans les 90 p. 100—je trouve merveilleux de pouvoir
rentrer à la maison à la fin de la journée en sachant que grâce à
un effort d'équipe nous avons pu retracer près de 95 p. 100 de ces
enfants—la triste réalité est que la réunification des familles
pose d'autres problèmes. C'est pourquoi nous vous demandons, nous
vous implorons, nous vous supplions de nous aider à convaincre les
provinces que la Convention de La Haye devrait être appliquée entre
les provinces et non seulement entre les pays. Je me reporte ici à
une opinion juridique qui nous a été fournie par le ministère de la
Justice de l'Alberta à ce sujet.
Nous inciterions aussi votre comité à exercer des pressions auprès d'un plus grand nombre de pays pour les amener à endosser les dispositions de la Convention de La Haye. Il s'agit d'un instrument formidable pour faire en sorte que la décision concernant la garde et le droit de visite s'applique dans la juridiction où les enfants sont supposés résider habituellement.
Un trop grand nombre de nos cas se retrouvent sur la scène internationale, et nous entendons tant d'histoires déchirantes. Un cas en particulier m'a beaucoup touché, de même qu'un député du Parlement, qui a organisé le programme de tribune libre. Il s'agit du cas d'une mère à qui on a fait croire que l'on emmenait tout simplement ses enfants aux Philippines pour l'anniversaire d'un des grands-parents, un merveilleux anniversaire de mariage, et elle a avalé toute l'histoire sans se méfier de quoi que ce soit. Ce n'est pas l'exception. C'est plutôt la norme dans la plupart des cas internationaux de rapt d'enfants.
Dans ce cas particulier, comme le pays visé n'était pas signataire de la Convention de La Haye, les obstacles à la réunion de la famille étaient presque insurmontables. Certains pays—franchement, mesdames et messieurs, vous le savez, je le sais—ne font même pas d'efforts. Quand nous découvrons qu'un enfant a été emmené dans un pays donné et que la police ne veut pas collaborer, les autorités ne font aucun effort pour rechercher l'enfant. Je parle ici seulement des enfants nés et élevés en Alberta et qui sont mêlés à de telles situations. Cela m'attriste et me pousse à vous prier de presser d'autres pays à faire comme le Canada et à accepter la Convention de La Haye et d'en faire la promotion.
Rappelez-vous que même si nous faisons l'envie de plusieurs pays pour ce que nous sommes parvenus à faire pour combattre le problème des enfants disparus, nous avons tout de même certaines choses à corriger. C'est pourquoi j'insiste sur la question de l'application interprovinciale de la Convention de La Haye.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Weir, mais vous avez dépassé le temps qui vous était alloué. J'établis presque une règle des grands-parents cet après-midi, c'est-à-dire que si vous reconnaissez être un grand-parent, nous pourrions vous accorder un peu plus de temps.
M. Alex Weir: J'ai quatre petits-enfants mais je cède la parole à M. Max Blitt.
Cette question suscite tellement de passion chez moi que je pourrais parler presque sans arrêt, comme certains de vos intervenants précédents, mais je suis conscient d'avoir dépassé le temps qui m'était alloué. Je vous remercie de l'occasion qui m'a été offerte d'être ici aujourd'hui.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Blitt, voulez-vous prendre la parole également?
M. Max Blitt (président sortant, Child Find Alberta): Oui, si on me permet de le faire.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous pouvons vous accorder quelques minutes. Vous faites partie de Child Find, n'est-ce pas?
M. Max Blitt: Oui.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien, allez-y.
M. Max Blitt: Je vous promets de ne pas être aussi volubile que M. Weir.
Je remercie les sénateurs et les membres de votre comité. Je vous parle aujourd'hui à deux titres. Je suis le président sortant de Child Find Alberta et actif au sein de cette organisation depuis près de 10 ans. J'ai donc été mêlé de très près à tous les dossiers, comme ce fut le cas en ma deuxième qualité, celle de spécialiste du droit de la famille ayant à traiter concrètement de rapts d'enfants.
• 1805
J'aimerais reprendre les propos de M. Weir et les développer
un peu plus en tenant compte des contraintes de temps. Il est
intéressant d'entendre qu'il est plus facile de rapatrier un enfant
enlevé au pays et emmené au pays dans un pays étranger qu'il ne
l'est de le rapatrier d'une autre province. Cela en supposant que
la Convention de La Haye s'applique.
Nous devons nous arrêter à cette question. Pourquoi serait-il plus facile de rapatrier un enfant d'une juridiction étrangère? Laissez-moi vous parler de certains problèmes que j'ai éprouvés à titre d'avocat.
Commençons par les aspects qui touchent la Convention de La Haye... J'ai remis aux membres de votre comité un mémoire que nous avons présenté à la législature de l'Alberta et qui résume ce que je ne pourrai vous exposer entièrement faute de temps. Dans les rapports entre provinces, chacune a ses propres règles concernant l'application réciproque des ordonnances de garde d'enfants.
Je puis vous parler d'un cas réel auquel j'ai été mêlé il y a quelques mois, et qui mettait en cause un couple de fait qui venait de se séparer. La mère a emmené l'enfant en Colombie-Britannique. Puis, nous avons obtenu une ordonnance en Alberta que nous avons tenté de faire appliquer en Colombie-Britannique, par réciprocité.
Malheureusement, les lois de la Colombie-Britannique précisent qu'il faut avoir donné un avis à la partie visée, en l'occurrence la mère ravisseuse, avant de pouvoir procéder à l'exécution réciproque de l'ordonnance d'une cour de l'Alberta. Vous pouvez facilement vous imaginer les difficultés que cela représente si la mère se cache.
Grâce à des mécanismes juridiques que je ne comprends pas tout à fait, un avocat de Colombie-Britannique a pu s'assurer de l'exécution réciproque de l'ordonnance après un assez long délai et des frais d'environ 2 000 $. La plupart des gens ne peuvent se permettre de pareils frais en plus des honoraires de la personne qui, comme moi, entame les procédures à partir de l'Alberta, par exemple.
Chose certaine—je suis très content que votre comité aborde cette question du point de vue du fédéral—nous devons tous travailler à la réalisation d'un objectif. Il faut une certaine uniformité pour l'application de la loi concernant le retour des enfants. Il faut que le gouvernement fédéral insiste et que les gouvernements provinciaux fassent en sorte que leurs législatures adoptent la Convention de La Haye.
J'ai communiqué avec la American Bar Association pour leur demander s'ils étaient au courant de cas où une autre juridiction appliquait la Convention de La Haye dans les limites de son propre territoire. Malheureusement, on ne connaît pas de pays qui l'ait fait. Nous pourrions être les premiers à le faire si votre comité et les gouvernements provinciaux décidaient de travailler en ce sens.
Je ne pense pas qu'il soit utile de fournir d'autres détails sur les mécanismes de la Convention de La Haye, sauf citer l'exemple suivant. Il y a eu des cas où le parent ravisseur était à bord d'un avion parti du Canada à destination de l'Australie, un pays signataire de la Convention de La Haye. Avant l'atterrissage en Australie, les documents pouvaient être exécutés grâce au télécopieur et à l'informatique. Avant l'atterrissage, le pays avec convention de réciprocité, c'est-à-dire l'Australie dans le cas présent, disposait des instruments requis pour retourner le conjoint ravisseur et les enfants au Canada.
J'aimerais terminer sur cette note. Je remercie tous les membres de votre comité d'avoir accepté d'entendre une seconde voix de Child Find Alberta. Je vous remercie.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Madame Hensley.
Mme Dale Hensley (avocate, Calgary Adhoc Committee): Je comparais au nom d'un comité qui, comme vous le savez, a un nom plutôt curieux. Ce comité a été mis sur pied spécifiquement pour faire un exposé devant votre comité parce que nous croyons que le sujet à l'étude est très important.
Les intérêts et les droits des enfants sont notre but et notre orientation. Le comité est constitué d'un représentant du bureau provincial de défense des droits des enfants, d'une conseillère juridique du Bureau des jeunes contrevenants de la province, un organisme financé par l'aide juridique, qui défend les intérêts des enfants qui ont maille à partir avec la loi. Le comité compte aussi un psychologue pour enfants spécialisé en thérapie pour les enfants et qui a déjà fait des expertises dans des conflits de garde et de droit de visite des enfants, mais qui ne le fait plus. Il y a aussi un consultant et un ancien conseiller scolaire ayant plus de 20 années d'expérience au sein d'un conseil scolaire catholique.
• 1810
Enfin, il y a moi, une avocate de pratique privée dont 75 p.
100 de la clientèle se situent dans le domaine du droit de la
famille. J'ai représenté des enfants dans quelques cas. En Alberta,
ce travail de représentation des enfants se fait surtout pour des
questions de protection de l'enfant, parce que la loi actuelle ne
contient aucune disposition pour la représentation d'enfants dans
des conflits de garde et de droit de visite des enfants.
Plus tard, nous vous remettrons un mémoire. Je vous remercie beaucoup de la possibilité que vous m'offrez de témoigner aujourd'hui.
Notre premier point est que les enfants ont le droit d'être entendus dans les conflits de garde et de droit de visite. Notre orientation et notre position sont fondées sur la Convention relative aux droits de l'enfant, dont vous avez assurément entendu parler abondamment tout au long de vos audiences. Nous nous fondons plus particulièrement sur les articles 12, 9(2) et 13. Comme vous le savez, l'article 12 traite du droit de l'enfant à former sa propre opinion et à la faire entendre, et aussi du droit de l'enfant à être représenté.
De toute évidence, les questions de garde et de visite mettent en cause des enfants. Ils sont touchés par ces questions. Selon nous, la possibilité pour l'enfant d'exprimer un point de vue est d'abord une question de connaissance et de participation. Nous ne parlons pas de la possibilité de prendre des décisions. L'important est de participer au processus.
On invoque toutes sortes d'arguments pour exclure une plus grande participation des enfants à ces processus, et nous aborderons la plupart de ces arguments dans notre mémoire. Il y en a trop pour les aborder tous ici. Nous voulons insister sur le fait que les enfants devraient être entendus dans le cadre du processus.
Le second point est que la Loi sur le divorce devrait comporter un article sur les principes directeur pour la prise de décisions en matière de garde et de droit de visite. Le but serait d'orienter les décideurs, les membres de la famille et les conseillers juridiques afin qu'ils centrent leurs efforts sur les besoins et les intérêts des enfants en cause. Vous avez entendu ce matin, par l'entremise des représentants de Children's Advocate, que l'article 2 de notre Child Welfare Act prévoit ce type d'orientation. Cet aspect ne peut être transféré à la Loi sur le divorce—il est très axé sur la protection de l'enfant—mais le principe, le fait même d'établir cet article est important. Il faudrait poser que les intérêts des enfants sont primordiaux et qu'ils doivent être notre objectif et notre priorité, plutôt que les intérêts concurrentiels des parents.
Nous avons parlé de la nécessité de modifier la formulation, bien qu'un tel changement ne soit pas suffisant en lui-même. Le changement doit être au niveau de la notion sous-jacente qu'un enfant est une possession des parents. Il faut se débarrasser de cette notion. Nous avons aussi évoqué la possibilité de nous écarter de la notion de garde et de droit de visite pour inciter les parents à planifier la façon dont ils continueront de s'acquitter de leurs obligations parentales. Par exemple, comment pourraient-ils organiser leurs carrières respectives afin que la situation soit à l'avantage de leurs enfants, plutôt qu'à leur seul avantage?
On a aussi beaucoup parlé de plans de partage des responsabilités parentales. Nous leur reconnaissons un certain mérite bien qu'à titre personnel je voie les choses un peu différemment. À titre d'avocats qui préparons les documents pour les parents qui veulent divorcer ou se séparer, nous élaborons toujours un document de partage de responsabilités si les parents sont capables de s'entendre sur certains aspects. Ces documents énoncent tous les aspects d'un projet de partage des responsabilités parentales. Actuellement, ce type d'entente n'est pas requis en vertu de la Loi sur le divorce.
À cause des changements apportés aux dispositions concernant la pension alimentaire, ce document sera de plus en plus nécessaire, puisque les tribunaux exigent maintenant que certaines choses soient indiquées dans le jugement de divorce. Il ne serait pas beaucoup plus difficile de préciser la façon de régler les conflits, de prendre des décisions, et ainsi de suite.
Dans tout projet de partage des responsabilités parentales, les enfants auraient la possibilité d'être entendus, tout comme c'est le cas dans les conflits touchant la garde et le droit de visite. Ils participeraient à l'élaboration du projet de partage des responsabilités, parce qu'ils sont intéressés au premier chef.
Le projet de responsabilités parentales devrait préciser un élément particulièrement important: qui sont les gens importants dans la vie de l'enfant ou des enfants, avec qui les enfants ont-ils un rapport important ou avec qui pourraient-ils avoir une relation importante? Cela permettrait de prévoir un droit de visite pour ces personnes.
• 1815
Troisièmement, nous ne sommes pas convaincus que le tribunal
ou le processus juridique tel que nous le connaissons soit le
meilleur forum ou la meilleure méthode pour régler les conflits
familiaux. Le tribunal et les forums juridiques sont bons pour
régler des faits qui sont contestés, mais ils ne sont pas des
instruments particulièrement utiles pour prendre des décisions
concernant les rapports ou pour porter des jugements de valeur,
éléments qui sont habituellement au coeur des conflits de garde et
de droit de visite.
Plusieurs autres raisons expliquent que le tribunal ne soit pas le meilleur endroit pour débattre de ces questions, et l'une d'elles, qui préoccupe tout particulièrement nos membres, est le besoin de prendre des décisions en temps utile pour les enfants.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Hensley, je regrette. J'interromps toujours les intervenants.
Mme Dale Hensley: J'ai deux points.
La sénatrice Anne Cools: Il s'agit d'un excellent exposé.
Mme Dale Hensley: Le système accusatoire est une des raisons qui fait que le tribunal n'est pas approprié. Le processus accusatoire sert à définir le conflit, de telle sorte que le caractère immédiat des questions est un problème de tribunal. De plus, la quantité d'information est limitée.
Bien que je reconnaisse que les tribunaux cherchent à devenir de meilleurs forums pour ce type de prise de décisions, les enfants doivent avoir qualité dans toutes les décisions qui les touchent en vertu de la Loi sur le divorce. Ce doit être un droit absolu. Ce droit ne saurait être conditionnel à une formulation verbale ou à l'âge. La convention est claire à ce sujet.
Quatrièmement, les enfants devraient avoir droit à une représentation. S'il s'agit bien d'un forum juridique, il doit y avoir représentation juridique, et la cour doit avoir l'autorité pour demander la désignation d'un avocat ou d'un représentant pour l'enfant. Il y aurait plusieurs aspects inhérents à cette recommandation, nous le savons, mais cela est fondamental. Toutefois, l'idéal serait que les avocats soient nommés bien avant que l'un des parents n'entreprenne le processus juridique ou ne conteste. De toute évidence, il ne serait pas nécessaire que cette personne soit un avocat.
Cinquièmement, notre travail nous permet de constater de nombreuses lacunes dans le système. Par exemple, le bureau de défense des droits des enfants reçoit, et je suis sûre que vous en avez entendu parler, des appels au sujet de conflits privés de garde et de droit de visite des enfants. Le bureau ne peut pas traiter de ces questions parce qu'il s'occupe exclusivement de questions relatives au bien-être de l'enfant. Les responsables doivent se contenter de répondre «Eh! bien, consultez un avocat». Si un enfant appelle, il n'y a personne à qui le référer.
Nos écoles sont prises entre les parents qui se disputent. Les responsables des écoles doivent pouvoir s'adresser à quelqu'un qui prendra la défense de l'enfant. Selon mon expérience de l'observation des conflits en matière de garde et de droit de visite—et je puis vous assurer que la plupart des avocats cherchent à délaisser le secteur de la pratique du droit de la famille, qui est trop exigeant au plan émotif—on n'entend que le point de vue des parents. L'enfant n'a aucune possibilité d'être représenté ou entendu dans notre système judiciaire en Alberta. Essentiellement, les enfants n'ont aucun droit.
Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.
Nous commencerons la période de questions avec le sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: Ma question s'adresse à MM. Weir et Blitt.
Existe-t-il d'autres organisations semblables à Child Find dans d'autres provinces?
M. Max Blitt: Oui, il y en a partout au Canada.
Le sénateur Duncan Jessiman: Y en a-t-il dans chacune des provinces?
M. Alex Weir: Oui.
M. Max Blitt: Oui. Il n'y a pas d'exception.
Le sénateur Duncan Jessiman: Et vous dites que votre taux de succès pour retracer les enfants est de 95 p. 100. Cela comprend-il les cas à l'intérieur et à l'extérieur du Canada, ou ce taux de succès est-il plus faible au Canada?
M. Alex Weir: Ces données concernent Child Find en Alberta et visent tous nos enfants.
Le sénateur Duncan Jessiman: Où qu'ils se trouvent?
M. Alex Weir: Oui, où qu'ils se trouvent, et nous les retraçons partout dans le monde.
Le sénateur Duncan Jessiman: Quel est le taux de succès pour ramener les enfants au parent auquel on les a ravis? Quel genre de résultat avez-vous à ce chapitre? Avez-vous des données à ce sujet?
M. Alex Weir: Nous sommes de plus en plus actifs dans ce domaine. Ironiquement, nous pensions au début des années 80, quand nous avons commencé, que tout ce qu'il y avait à faire était de retrouver les enfants et que le système se chargerait du reste. Nous constatons aujourd'hui qu'il faut parfois retracer les enfants à plus d'une reprise, surtout dans les cas de rapt par un parent.
• 1820
Dans un cas local bien connu ici à Calgary, les enfants ont
été retracés à quatre reprises aux États-Unis par Child Find
Alberta. La quatrième fois, la police s'est assurée qu'il y aurait
une escorte armée en tout temps pour éviter qu'il y ait d'autres,
disons, interceptions.
Le sénateur Duncan Jessiman: Avez-vous des données, des pourcentages? Quel est votre taux de succès à ramener les enfants au parent auquel il a été ravi?
M. Alex Weir: La proportion est très élevée. Je dirais que le taux d'insuccès est négligeable, sauf que la douleur des parents qui vivent ce cauchemar est indescriptible.
Le sénateur Duncan Jessiman: Il est plutôt triste qu'il vous soit plus facile de retracer les enfants aux États-Unis, mais il faut comprendre aussi qu'une entreprise peut commercer plus facilement avec les États-Unis qu'elle ne peut le faire avec chacune des provinces. Nous avons beaucoup à faire.
M. Alex Weir: Puisque vous traitez de la loi et de modifications proposées à la Loi sur le divorce, je crois qu'il importe de s'arrêter au système actuel et de favoriser ce que j'appellerais des moyens non juridiques ou une approche d'autojustice pour réunir les familles. Naturellement, nous ne saurions conseiller à quiconque d'enfreindre la loi.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous avez raison.
M. Alex Weir: Nous respectons rigoureusement cette façon de procéder bien que parfois, à la manière d'un personnage de bande dessinée, je doive me frapper la tête contre le mur quand je rentre à la maison le soir parce que je dois vivre avec les conseils que j'ai donnés à une personne. Il faut respecter le système, mais aussi il faut le corriger.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je vous remercie beaucoup.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup, monsieur le président.
Avant de poursuivre avec ces témoins, vous vous rappellerez que nous avions demandé aux témoins précédents le nom de leurs causes afin de les incorporer aux comptes rendus des délibérations. Ils m'ont communiqué ces noms afin que le compte rendu en fasse état.
Peut-être pourrais-je remettre ceci à notre greffier afin d'enregistrer le nom des causes de M. Buksa, de M. Cummins et de M. Witte. Avec l'approbation de notre comité, le type de cause—les avocats le sauraient—pourrait être incorporé au témoignage. Bien entendu, il faudrait que le comité soit d'accord.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Pourrions-nous avoir votre accord sur cet aspect?
Des voix: C'est d'accord.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord.
La sénatrice Anne Cools: Merci.
J'aimerais maintenant remercier les témoins qui nous ont fourni un témoignage étonnant. Je vous félicite d'avoir fait un aussi bon travail.
Cet ensemble de problèmes particuliers est profondément ancré dans notre système et comporte des tentacules qui plongent dans divers domaines de compétence. Bien souvent, ces problèmes sont renforcés par la lâcheté incroyable de plusieurs fonctionnaires, mais c'est une question que nous pourrions aborder une autre fois.
On me dit qu'il y a, à l'échelle du pays, un réseau favorable au rapt par un parent et qui aide les parents à le faire. Avez-vous des renseignements à ce sujet? Où les parents demeurent-ils lorsqu'ils s'enfuient avec les enfants? Où résident-ils? Qui les aide?
Il s'agit d'une question très délicate et très sensible, mais vous témoignez devant notre comité. Je me demande si vous accepteriez de partager avec nous tout renseignement que vous pourriez avoir.
M. Max Blitt: Je suis au courant de cette situation parce que dans ma pratique je dois en tenir compte et chercher à l'éviter.
Un des cas de rapt les plus graves auxquels j'ai été mêlé mettait en cause un couple grec. La mère accordait au père un droit de visite des enfants la fin de semaine. Grâce à une «filière», le père s'est enfui aux États-Unis avec un enfant qui avait à l'époque je crois, neuf mois, et un enfant d'un an et demi. En l'occurrence, je crois bien me souvenir qu'il l'a fait avec l'aide de la police et d'autres autorités.
Le Calgary Herald a publié un article qui traitait de ce cas. Il se trouve aux États-Unis certaines personnes qui parlent ouvertement de leur engagement dans ce domaine. Je ne saurais dire s'il y a quelqu'un en particulier au Canada, mais je suis sûr qu'il existe de ces personnes.
Nous avons retrouvé ces deux enfants quatre ans plus tard, dans un orphelinat de New York. Le père les voyait beaucoup moins que quand il se prévalait de son droit de visite au moment de la séparation. Je suis sûr qu'il a eu accès à cette filière pour s'enfuir aux États-Unis.
• 1825
Nous sommes très chanceux au Canada parce que nos bureaux de
douane et les autorités de l'immigration à la frontière sont mis au
courant des alertes. Vous savez probablement qu'il y a plusieurs
organismes fédéraux qui collaborent entre eux pour stopper le rapt
d'enfants. Nous cherchons à convaincre nos homologues des
États-Unis de demander aux agents des douanes et de l'immigration
de poser quelques questions supplémentaires à nos citoyens qui se
rendent aux États-Unis. Les choses s'améliorent, mais il faut du
temps.
La sénatrice Anne Cools: Peut-être qu'un peu plus tard nous voudrons tenir une réunion à huis clos afin d'entendre des policiers et des représentants de la cour qui s'occupent de ces questions très délicates. J'en fais une suggestion.
La question suivante... Allez-y.
M. Alex Weir: Pour ajouter à la réponse et à la lumière des observations que vous venez tout juste de faire, je me demande si votre comité aimerait que Child Find lui soumette des renseignements confidentiels...
La sénatrice Anne Cools: Ce serait merveilleux.
M. Alex Weir: ... non révisés sur ce que nous avons et sur ce que nous avons reçu, uniquement pour votre gouverne. J'aurais de sérieuses réserves à nommer des organismes en particulier, mais je puis vous assurer que dans le cas dont je parlais il y a un moment, dans cette même ville, il y avait assurément une solide protection et ce n'était un secret pour personne, particulièrement à la onzième heure. Mais je pourrais vous fournir ces renseignements si vous le souhaitez.
La sénatrice Anne Cools: Je suis sûre que notre comité serait très heureux de recevoir les renseignements, du moins je le serais, parce que, j'ai moi-même certains dossiers. Un des cas qui me vient à l'esprit, et je ne veux pas que les renseignements soient consignés pour diverses raisons, se situait dans le nord de l'Ontario. Tout le monde savait manifestement où la personne se rendait, quand elle se rendait en ville et où elle demeurait. Dans ce cas particulier, il s'agissait d'une mère qui s'était enfuie avec l'enfant.
Je crois que notre comité doit se faire un devoir d'examiner ces filières souterraines—elles ne sont pas véritablement souterraines—, ces réseaux à l'échelle du pays.
Vous l'avez peut-être dit dans vos observations, mais avez-vous des données réelles sur le nombre d'enfants qui sont enlevés dans ce pays à chaque année? Auriez-vous ces chiffres pour l'an dernier?
M. Alex Weir: Nous estimons qu'au Canada—aux États-Unis les données statistiques seraient similaires—environ 70 p. 100 des enfants qui sont portés disparus sont des fugueurs. Cela nous laisse environ 28 p. 100 de cas de rapt par le père ou par la mère, et 2 p. 100 ou moins de cas d'enlèvement par des étrangers.
En Alberta, ce serait environ 50-50, c'est-à-dire qu'environ 50 p. 100 de cas sont des rapts par un des parents.
Selon le registre de la GRC, le chiffre total des cas relevés par tous les agents de police serait de 55 000. Toutefois, même les policiers admettent que le nombre total, les chiffres réels sont plus probablement de l'ordre de 100 000 à 200 000 enfants portés disparus au Canada, ce qui signifie qu'aux États-Unis le nombre total d'enfants portés disparus se situerait aux environs d'un million, à tout le moins.
La sénatrice Anne Cools: J'ai une dernière question pour le premier témoin. Elle nous a dit que la Loi sur le divorce devrait être plus précise quant aux intérêts de l'enfant. À Toronto, il y a quelques semaines, nous avons entendu le témoignage d'une dame Sharman Bondy je crois. Je me souviens très bien que son prénom était Sharman. Elle a laissé entendre à notre comité que relativement à l'application du paragraphe 26(1) de la Loi sur le divorce, la Loi sur le divorce devrait recourir à un mécanisme semblable à celui des lignes directrices pour la pension alimentaire des enfants, c'est-à-dire la prise d'un règlement en matière de normes auxquelles les juges seraient soumis pour déterminer la notion «dans le meilleur intérêt de l'enfant».
• 1830
Avez-vous réfléchi à cela? Il s'agissait d'une suggestion. Ce
n'est pas moi qui propose. Je ne dis pas non plus que j'appuie
l'idée. Je me demande simplement ce que vous pensez de cette idée.
Mme Dale Hensley: Au sein de notre groupe nous avons parlé du test du meilleur intérêt. Au fil de mes lectures, j'ai constaté que le juge fait une évaluation subjective quand il est question du meilleur intérêt.
La sénatrice Anne Cools: Le juge en tant qu'individu?
Mme Dale Hensley: Oui. Nous serions d'accord quant à la nécessité d'une certaine forme de...
La sénatrice Anne Cools: Norme.
Mme Dale Hensley: Concernant les questions à l'étude, concernant la réflexion du juge quand il se prononce sur le meilleur intérêt.
Mais cela est différent, je crois. J'estime qu'il est très important qu'un tel article établissant des principes directeurs soit inclus dans la loi et non dans le règlement.
La sénatrice Anne Cools: J'essayais simplement de vous donner l'occasion de le dire clairement. Je vous remercie.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Dalphond-Guiral.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Plusieurs de nos témoins ont parlé du processus de médiation. Dans votre déclaration vous parlez de l'importance pour les enfants de faire partie du processus de décision et non de la décision. J'aimerais savoir si vous êtes d'avis que les enfants devraient être parties au processus de médiation, et le cas échéant, s'il vous serait possible d'élaborer un peu sur votre vision des choses?
Mme Dale Hensley: Nous avons également parlé de médiation et nous avons eu des discussions préliminaires. Nous n'avons pas eu de discussions en profondeur sur toutes nos idées, et c'est pourquoi je n'ai pas mentionné la médiation de façon spécifique. Nous avons assurément parlé de médiation et les membres de notre groupe sont favorables à la médiation. Nous sommes contre la médiation obligatoire parce que cela est contraire aux principes même de la médiation. La médiation suppose une bonne volonté de la part des parties et il faut que ces parties aient un pouvoir de négociation égal.
Nous croyons bien sûr que les enfants devraient faire partie du processus. Le fait d'inclure les enfants à la médiation suscite toutes sortes de problèmes; c'est pourquoi nous n'appuyons pas nécessairement cette approche. Tout dépendrait de l'âge de l'enfant, ou plutôt pas nécessairement de l'âge mais du développement de l'enfant, parce que l'âge n'est pas toujours le meilleur indicateur. Il faut bien sûr que leurs points de vue fassent partie du processus.
Il ne fait aucun doute dans notre esprit qu'il faut tenir compte du point de vue et des intérêts des enfants et qu'il faut le faire de manière indépendante. Une façon d'y parvenir serait, par exemple, de désigner un représentant de l'enfant, quelqu'un qui s'attacherait à représenter cet enfant en particulier comme si l'enfant était au tribunal. Il s'agirait d'un conseiller juridique qui prendrait à coeur les opinions et les intérêts de l'enfant.
Par contre, cela peut coûter très cher, mais il est possible que le processus de médiation ne se limite pas aux seules parties intéressées. Peut-être pourrait-il y avoir, outre les parties, quelqu'un qui représenterait leurs intérêts. En l'occurrence, un enfant suffisamment mûr pourrait être présent dans la salle en compagnie de quelqu'un qui l'appuierait.
Je crois donc qu'il faut revoir le processus de médiation. Il peut sembler audacieux de laisser entendre que les enfants et leurs points de vue doivent être représentés, mais nous croyons que cela est très important. Cela l'est d'autant plus qu'il est possible d'en arriver à de mauvaises décisions. Il est possible de prendre des décisions qui ne sont pas nécessairement dans l'intérêt de l'enfant lors de la médiation. Selon mon expérience, il est possible d'en arriver à de très mauvais règlements à la suite d'une médiation.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup. Je vous remercie tous d'être venus.
Oui, Monsieur Blitt.
M. Max Blitt: J'allais ajouter une petite donnée statistique. Je ne voudrais pas laisser votre comité sous l'impression que je ne connais pas les chiffres sur les rapts consignés au registre des enfants portés disparus de la GRC pour 1996. Je crois que le nombre dépasse un peu les 400. Nous n'avons pas encore les chiffres pour 1997, mais ils devraient être connus bientôt. Je n'hésiterai pas à vous les communiquer dès que je les connaîtrai.
Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je devrais vous dire que des représentants de la GRC viendront témoigner devant notre comité sur cette question, la semaine prochaine.
M. Max Blitt: Très bien.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je me demande si nous pouvons maintenant entendre les représentants de Fathers for Fair Treatment, de Family of Men et de Equitable Child Maintenance, chapitre de Calgary.
M. LaBerge président de la Equitable Child Maintenance and Access Society, chapitre de Calgary, ainsi que Mme Marina Forbister, présidente sortant, sont parmi nous. Prendrez-vous la parole tous les deux, ou seulement l'un d'entre vous le fera-t-il?
M. Michael A. LaBerge (président, Equitable Child Maintenance and Access Society, chapitre de Calgary): Oui, nous interviendrons tous les deux.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord.
M. Silverman, Family of Men, ainsi que M. David Merrell, directeur de Fathers for Fair Treatment, prendront la parole.
Monsieur Merrell, commençons par vous.
M. David Merrell (directeur, Fathers for Fair Treatment): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous prie de m'excuser si mon mémoire semble un peu confus. J'ai été avisé il y a deux semaines seulement, après avoir été en correspondance avec le ministre de la Justice depuis l'automne dernier.
Pour la grande majorité des parents non gardiens, le divorce entraîne des difficultés qui sont très différentes de celles du parent gardien—la perte de la garde réelle des enfants. Le parent non gardien doit s'adapter au fait de voir ses enfants moins fréquemment, et souvent selon un calendrier qu'il n'a pas choisi. Cette présence réduite dans la vie de ses enfants, combinée à une présence moindre des enfants dans sa propre vie peut causer et cause habituellement des blessures émotives extrêmement douloureuses et continuent, non seulement pour le parent non gardien, mais aussi pour les enfants.
Une des plus grandes tâches du parent non gardien est de chercher à redéfinir le rôle du parent. Les relations parent-enfant après le divorce sont particulièrement difficiles parce qu'il n'y a pas de modèle ou de situation comparable au sein de la famille. Le parent qui quitte le foyer commence un nouveau rôle pour lequel il n'y a pas de répétition générale ni de scénario. L'idée même de visites entre un parent et ses enfants est étrange par nature. La situation s'en trouve exacerbée lorsque le parent gardien s'éloigne avec les enfants.
La réinstallation du parent gardien suscite des désaccords. Trop souvent, les droits du parent non gardien sont écartés lorsque le parent gardien se réinstalle pour commencer un nouvel emploi ou une nouvelle vie. Il faut espérer qu'une entente de divorce accorde aux deux parents un droit de visite des enfants pour le bien des enfants. Cet objectif ne devrait pas être écarté simplement parce que le parent gardien déménage. Les enfants ont deux parents et il est dans le meilleur intérêt des enfants de voir les deux parents. Malheureusement, des questions de logistique et les coûts élevés des visites viennent compromettre cette équité.
Lors du règlement du divorce, on tient peu compte de ces questions et on offre peu d'options au parent non gardien. Il est malheureusement trop fréquent que le parent non gardien qui veut voir ses enfants soit obligé d'assumer seul les frais de déplacement et d'hébergement dans la nouvelle ville, de même que les dépenses encourues lorsqu'il est avec ses enfants. De plus, le parent non gardien qui veut que les enfants viennent à son domicile doit également assumer les frais du transport aérien de même que toutes les autres dépenses au cours de la période de visite. Ces visites ne doivent-elles pas être pour le bien des enfants des deux parents, et les deux parents ne devraient-ils pas être responsables?
La Cour suprême du Canada s'est penchée sur la jurisprudence pertinente afin de déterminer si un parent doit être autorisé à déménager avec un enfant sans tenir compte des souhaits de l'autre parent. La cour est divisée sur la question de la liberté d'établissement, tout comme elle l'était sur la question de la liberté de la religion. L'analyse de l'examen annuel du droit de la famille de 1996 indique clairement que les décisions de la cour ne sont pas uniformes en ce qui a trait aux requêtes d'un parent gardien de se réinstaller avec les enfants, du rajustement de la pension alimentaire pour tenir compte du droit de visite et des dispositions appropriées pour le maintien de ce droit de visite.
• 1840
La garde partagée fait référence à une entente de partage de
responsabilités parentales après un divorce où l'on tente d'établir
une relation parent-enfant similaire à celle qui existait dans le
foyer où les deux parents étaient présents. Non seulement les
parents ont-ils des droits et des responsabilités égales concernant
le bien-être et l'éducation de leurs enfants, mais aussi ils ont un
rôle actif à jouer au niveau des tâches quotidiennes pour le soin
et le développement des enfants, où les deux parents demeurent des
figures de référence dans la vie des enfants. La garde partagée
comprend les soins physiques partagés, les soins au jour le jour
des enfants et une autorité égale en ce qui a trait à l'éducation,
aux soins médicaux et à l'éducation religieuse des enfants.
À titre de père divorcé et de personne-ressource pour ce groupe, je crois fermement que la garde partagée comportant un aspect réel et juridique est la meilleure approche à suivre à moins qu'il n'y ait des cas manifestes d'abus ou de menace. Cette approche est certainement la meilleure pour les enfants puisque ce sont les parents qui divorcent et non les enfants.
Si le parent non gardien disposant de bonnes ressources financières connaît un succès mitigé devant un tribunal de la famille quand il est confronté à un ex-conjoint qui a une attitude d'opposition et qui porte le titre de parent principal, qu'en est-il du bon parent ayant des ressources limitées? Ses enfants sont tout aussi important pour lui que vos enfants le sont pour vous-même.
Les pensions alimentaires qui changent de main dans ce pays représentent un montant considérable, des centaines de millions de dollars. Cela ne devrait pas être considéré comme une mesure du succès du système, mais plutôt comme une mesure de l'échec, une mesure de la perte de l'amour et du soutien émotif pour de nombreux enfants et aussi une mesure de l'aigreur de nombreux parents qui sont privés de leurs enfants, mais non du paiement des factures.
Nous aimerions que soit créée une entité ou un organisme que j'appellerai organisme de soutien familial, une entité entièrement distincte et éloignée du système judiciaire. Si un tel organisme s'assurait que les parents divorcés logent et nourrissent leurs enfants indépendamment, dans deux foyers, il ne serait pas nécessaire de les obliger à transférer des sommes colossales. Je crois aussi que nous n'assisterions pas à l'explosion de familles monoparentales, presque toutes dirigées par des mères. L'absence des pères n'a rien à voir avec l'ambivalence ou une forme d'inaptitude face à la paternité; elle reflète plutôt un préjudice à l'endroit du parent moins important, qui est souvent le père. Plusieurs de ces parents moins importants disparaissent éventuellement. De nombreuses études montrent que 50 p. 100 des pères se détachent de leur famille.
Je souhaite conclure avec quelques recommandations particulières.
Nous sommes d'avis que la pension alimentaire pour enfants doit être assez bien équilibrée de sorte que chacun des parents ait le moyen d'offrir un toit à son enfant ou à ses enfants. Cela peut se traduire par des restrictions financières plus importantes pour les parents et les enfants, mais il faut se demander ce qui importe le plus pour un enfant: un logement ou des relations continues avec les deux parents?
Tous les parents divorcés doivent reconnaître l'obligation de continuer à veiller aux soins et à l'éducation de leurs enfants. La pension alimentaire pour enfants n'est pas qu'un soutien financier, c'est un soutien émotif et psychologique de la part des deux parents.
Tous les couples qui souhaitent se marier devraient signer une entente précisant qu'en cas de divorce ils accepteraient la garde partagée et conviendraient de ne pas brimer les droits et les obligations de garde relativement aux enfants en cause, dans le meilleur intérêt des enfants, aujourd'hui et toujours.
Les avocats devraient cesser de se comporter comme des francs tireurs. La profession juridique doit cesser de caractériser un groupe, que ce soit les hommes ou non, comme étant inaptes à s'occuper des questions relatives aux enfants. Cette croyance artificielle incite éventuellement les juges du tribunal de la famille à couper les ponts entre un plus grand nombre de familles et les pères, ce qui est à l'origine de ce qu'il est convenu d'appeler des enfants mal adaptés.
Si le projet de déménagement d'un parent gardien est accepté par le parent non gardien et qu'un «organisme de soutien familial» approprié intervient après l'émission d'une ordonnance de pension alimentaire pour les enfants, il faudra que le niveau de la pension fasse l'objet d'une révision approfondie en tenant compte des éléments mentionnés plus tôt et, dans la plupart des cas, il faudra que cette pension soit réduite de manière importante.
• 1845
Pourrait-il y avoir une loi qui exige la conclusion d'une
entente au moment du divorce pour des aspects comme le déménagement
du parent gardien? Pourrait-on fixer des lignes directrices
similaires à celles qui sont utilisées pour le calcul du revenu et
des dépenses du foyer, pour déterminer ce qui pourrait être une
façon équitable de tenir compte du droit de visite et des visites
dans ces situations?
Est-il possible d'établir des lignes directrices pour le parent gardien qui déménage, des lignes directrices qui tiendraient compte d'éléments comme des nouveaux droits de visite, qui seront certainement réduits de manière importante, et de la façon d'appliquer ces nouveaux droits de visite, et par qui?
Comment procéderait-on pour attribuer ces droits? Une façon de faire serait d'établir un processus d'arbitrage obligatoire où les deux parents devraient s'entendre avant tout déménagement. On pourrait y parvenir grâce à un nouveau mécanisme établi et supervisé par des personnes qui ne sont pas liées actuellement au système judiciaire, comme je l'ai mentionné plus tôt.
Le législateur fédéral devrait imposer un partage des responsabilités parentales sans faute et garantir la présomption d'égalité entre les parents à la suite d'un divorce. Il est plus avantageux pour les enfants que les deux parents aient un droit de visite sans entrave.
En résumé, nous estimons nécessaire que la loi établisse de manière plus rigoureuse et plus claire des mécanismes et des lignes directrices plus limpides prévoyant l'arbitrage obligatoire; le maintien de l'intégrité familiale grâce à la garde partagée, qui comprendrait la garde physique et légale conjointe, à moins d'abus ou de menaces évidentes; et la création d'un nouvel organisme, un organisme de soutien familial, comme je l'ai appelé, qui surveillerait l'élaboration d'exigences comme la garde, les droits de visite et la pension alimentaire—non seulement pour la mise en oeuvre d'un plan qui contribuera au maintien des familles et des contacts entre les enfants et les parents, mais aussi pour fournir des conseils sur une base continue et pour intervenir lorsqu'il y a des problèmes dans le développement des enfants.
Je vous remercie de m'avoir offert cette possibilité de m'exprimer aujourd'hui.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous remercie beaucoup. Vous avez commencé en disant que vous n'étiez pas très bien préparé... Je crois que vous avez très bien fait. Ne soyez pas nerveux.
Monsieur Silverman.
M. Earl Silverman (Family of Men): Merci. J'ai soumis des documents et j'aimerais que ces documents et mon exposé soient consignés.
Je serai très bref quant à la façon de procéder. Premièrement, qui suis-je? J'ai soumis un curriculum vitae pour vous donner une petite idée de qui je suis.
Pourquoi suis-je ici? Il y a environ 10 ans, j'ai demandé conseil parce que ma femme m'attaquait physiquement et mentalement et que je voulais comprendre pourquoi il en était ainsi. Après avoir consulté plusieurs conseillers, la frustration m'a fait abandonner ma démarche. J'estimais être une victime de violence, mais tous les conseillers me disaient ne pouvoir m'aider qu'au moment où j'accepterais le fait que j'étais un auteur de violence qui refusait de l'admettre, et qu'à ce moment, je serais admissible à un programme de maîtrise de la colère. Pour tout vous dire, je n'étais pas en colère et je ne comprends pas pourquoi les conseillers ne pouvaient entendre l'expression de ma douleur ou voir mes contusions. Je ne comprenais pas pourquoi j'étais considéré comme un auteur de violence.
J'ai découvert que les mâles ne sont pas considérés comme des victimes de violence aux mains des femmes. J'ai découvert que je n'étais pas seul. J'ai découvert que je n'étais pas le seul mâle à chercher un soutien en tant que victime de violence familiale. J'ai découvert que pour qu'il y ait un système de soutien pour les hommes, il faudrait que j'agisse et que j'en prenne l'initiative plutôt que de croupir dans mon angoisse. J'ai commencé à croire qu'une partie de mon processus de rétablissement était d'être un guérisseur.
J'ai donc entrepris ma quête en vue de comprendre les problèmes, de trouver des réponses aux questions et, finalement, d'éprouver un soulagement grâce à ces réponses.
On m'a notamment accusé de chercher à fermer les refuges pour femmes. Quand j'ai regardé la femme qui m'avait posé la question, j'ai réfléchi une fraction de seconde et je lui ai répondu, «Idéalement, j'aimerais vivre dans une société où les refuges pour femmes ne sont pas nécessaires. Oui, j'aimerais que l'on ferme les maisons pour femmes battues. J'aimerais vivre dans une société qui n'a pas besoin de telles maisons. N'est-ce pas ce que vous cherchez à faire?» Elle m'a regardé, puis elle s'est éloignée. Elle n'avait pas de réponse.
J'ai divisé ma démarche en cinq étapes. J'ai participé à l'établissement de la Men's Network Support Society, le premier groupe de soutien pour hommes de Calgary. Le réseau offrait la possibilité de groupes de discussion, mais n'abordait pas les problèmes. Les hommes étaient les victimes d'un système qui ne les aidait pas, mais le réseau n'était pas disposé à faciliter tout changement au système.
La deuxième étape a été d'établir le groupe de soutien Family of Men, qui est le premier groupe de soutien pour hommes de Calgary à aborder de front les problèmes et à mettre sur pied une ligne d'écoute téléphonique pour les hommes à Calgary, ligne qui existe depuis six ans.
• 1850
Malheureusement, Revenu Canada n'a pas accordé à Family of Men
le statut d'organisme de bienfaisance—les documents déposés
comprennent une brochure sur Family of Men—de telle sorte que la
troisième étape a été d'aider à l'établissement de la Men's
Educational Support Association (MESA). Cette association a obtenu
le statut d'organisme de bienfaisance et doit servir d'organisme de
financement de Family of Men.
La quatrième étape a été la mise sur pied, avec assistance, de la Equitable Child Maintenance and Access Society (ECMAS). Une grande partie des appels téléphoniques—j'ai apporté deux registres relatifs aux appels que nous avons reçus—provenaient de parents non gardiens qui cherchaient à améliorer leurs droits de visite. À la suite de l'émission-débat à laquelle j'ai participé à la radio, plusieurs personnes intéressées à mettre sur pied un groupe de parents non gardiens ont utilisé la ligne d'écoute téléphonique.
Comme l'objectif principal de Family of Men était d'aborder la violence familiale, on a décidé que ECMAS établirait un organisme similaire à Calgary et, à mon instigation, à Lethbridge, avec l'aide de ECMAS d'Edmonton. Le groupe d'Edmonton était déjà sur pied et j'ai aidé le groupe de Lethbridge à s'établir.
La cinquième étape est la mesure positive que je prends actuellement, c'est-à-dire établir la Men's Health Week Awareness Foundation pour sensibiliser la société, particulièrement les hommes, à l'importance du comportement préventif en matière de santé et la détection hâtive et du traitement des problèmes de santé qui affectent les hommes et leurs familles. Les renseignements font partie des documents que j'ai déposés.
J'ai également annexé à ces documents des listes obtenues de la bibliothèque publique de Calgary. J'y suis allé et j'ai constaté qu'il n'y avait pas d'entrée sous «violence à l'égard du mari» ni sous «maris maltraités». Finalement, j'ai communiqué avec la Librairie du Congrès, à Washington, D.C., qui m'a fait parvenir une lettre que j'ai transmise à la bibliothèque publique de Calgary. On trouve maintenant une entrée sous «maris maltraités» et sous «violence à l'égard du mari».
Depuis cinq ans maintenant, le nom de l'organisme est inscrit dans le répertoire téléphonique Telus de Calgary, à la rubrique Guide des services, au début. De plus, si je crois ce que l'on m'a dit, notre inscription dans le Calgary Street Survival Guide serait une première au Canada.
Quelles sont mes recommandations? Elles portent sur ces questions. En tant que groupe, les hommes manquent de modèles de comportement et d'images positives. Il y a une petite partie des gens qui sont mauvais, violents, de mauvais parents et de mauvais payeurs. Cela est une perception négative des hommes. Tout cela est une question de perception, et non de genre. Je le dis parce que, malheureusement, les mères non gardiennes sont placées dans la même catégorie que les «mauvais hommes et les mauvais pères». Comme Mme Linda MacLeod l'a dit, ces femmes prennent alors les caractéristiques applicables aux hommes.
Cela n'affecte pas la vaste majorité des hommes et des parents non gardiens, qui sont de bonnes personnes, qui sont attentives, qui sont responsables et qui peuvent rendre compte de leurs actions, qui sont des parents bons et aimants et qui veulent consacrer leur existence au développement de leurs enfants. Ne vous y trompez pas: les bonnes personnes qui font partie de votre comité sont ici à cause des efforts des parents et des grands-parents qui veulent voir leurs enfants.
J'ai cinq recommandations à formuler.
Premièrement, il faudrait que le public soit sensibilisé aux systèmes de soutien pour les parents qui divorcent.
Deuxièmement, il devrait y avoir des programmes relatifs aux responsabilités parentales après la séparation.
Troisièmement, le processus de divorce devrait s'étaler sur une période de douze mois. Il ne devrait pas prendre plus de 12 mois. Certains avocats semblent faire durer le processus pendant des années, puisque leur revenu est lié à la longueur des procédures de divorce. Hommes, femmes et enfants doivent avoir la possibilité d'aller de l'avant avec leur existence.
Quatrièmement, il devrait y avoir une clause d'exécution qui oblige l'intervention de la police pour l'application des ordonnances de visite, qui sont presque toujours exclues par les avocats. L'exclusion de cette clause rend l'application des ordonnances de visite sujettes à la justice civile et les soustrait à l'intervention de la police, qui réfère les problèmes aux tribunaux.
Qui gagne dans tout cela? Les avocats qui perçoivent des honoraires. Qui perd? Les enfants qui ne voient pas leurs parents et qui sont privés des sommes d'argent servant à payer les frais juridiques.
J'ai inclus trois lettres dans la documentation. La dernière est adressée à la Alberta Law Society pour demander que les responsabilités des avocats comprennent la clause d'exécution nécessaire. Il s'agit d'un problème complexe pour lequel la solution est simple.
Cinquièmement, il faut développer et améliorer l'image positive des hommes et des familles. À cette fin, la loi ne peut pas m'obliger à vous aimer, mais j'estime que d'être avec vous constitue une expérience positive et je suis prêt à l'accepter.
À ce titre, je vous prie de considérer cela comme une invitation personnelle à revenir à Calgary, le 20 juin, pour célébrer avec nous la Semaine de la santé des hommes. L'expérience positive que vous contribuez à créer améliorera les modèles de comportement pour tous les parents. Vous pourrez ramener dans vos provinces respectives l'expérience que vous partagerez, afin que la Semaine de la santé des hommes devienne un événement national.
Je vous remercie beaucoup.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous remercie, monsieur Silverman.
Monsieur LaBerge.
M. Michael LaBerge: Premièrement, monsieur le président et madame la présidente, je vous souhaite la bienvenue à Calgary. Je suis heureux que vous ayez pu vous rendre jusqu'ici. Vous avez dû amener le beau temps avec vous ou bien nous le gardions en réserve pour votre visite.
Il se fait tard et nous souhaitons entrer assez rapidement dans le vif du sujet. Nous nous attarderons à nos recommandations et aux changements proposés à la Loi sur le divorce. Toutefois, j'ai deux requêtes à soumettre à votre comité.
Premièrement, nous demandons que notre exposé sur les recommandations soit porté au registre tel que lu. J'en ai remis 20 exemplaires au greffier.
Deuxièmement, M. Booth, qui représente le gouvernement de la province de l'Alberta, nous a parlé ce matin d'un comité que l'on s'affaire à créer sous la direction de Mme Marlene Graham relativement aux questions de droit de visite. Afin d'éviter d'entrer dans les détails des problèmes de droit de visite, etc., j'aimerais également que l'on vous remette une copie du mémoire que nous avons présenté à ce comité en septembre, le comité du programme d'exécution du soutien et de l'examen des droits de visite des enfants.
La sénatrice Anne Cools: Il n'est pas nécessaire de noter ce que vous allez dire puisque le greffier recevra le mémoire au nom du comité.
M. Michael LaBerge: D'accord.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui.
M. Michael LaBerge: L'ECMAS représente collectivement environ 1 700 familles de l'Alberta et de l'ouest du Canada. Nous proposons des modifications précises aux lois actuelles de même que des solutions pour revoir le processus de divorce au Canada. La proposition sous-jacente est l'établissement dans la Loi sur le divorce du principe de partage des responsabilités parentales.
Nous avons entendu un représentant de Divorced Parents' Resources ce matin et nous sommes heureux de constater que Sean a adopté les recommandations telles que préparées par ECMAS. Mme Marina Forbister et moi-même nous contenterons d'aborder les résolutions visant les changements positifs à la loi. La première, la présomption de responsabilités parentales partagées, vise à modifier les articles 16 et 17 de la Loi sur le divorce concernant l'ordonnance de garde:
-
La cour fera comprendre aux intéressés que la présomption de
responsabilités parentales partagées comporte des périodes égales
et partagées de temps consacré aux enfants dont les parents
divorcent ou se séparent. La cour ordonnera un partage des
responsabilités parentales à moins qu'elle ne détermine
spécifiquement que cette responsabilité partagée n'est pas à
l'avantage de l'enfant.
Deuxièmement, une fois établi le principe du partage des responsabilités parentales, il faut proposer un plan de répartition de ces responsabilités qui modifie l'alinéa 11(1)(b) et les articles 16 et 17 de la Loi sur le divorce, afin de rendre obligatoire le dépôt d'un plan de trois à cinq ans qui soit acceptable par les deux parents ou les gardiens avant que la cour décrète le divorce ou modifie une ordonnance. Même si les membres d'un couple ne prévoient plus vivre comme homme et femme, ils seront toujours et à jamais la mère et le père. Par conséquent, ils doivent commencer à planifier cette réalité.
En vertu de ce plan, les parents doivent prévoir les dispositions suivantes: le lieu de résidence et la juridiction pour les enfants; l'éducation; les fonctions parentales, à titre individuel et en consultation; la prise de décisions au jour le jour; les décisions en matière de soins de santé, de soins dentaires et de situations d'urgence; ce que chacun peut faire à titre d'individu et collectivement; la formation morale, sociale et récréative; l'accès aux dossiers; des calendriers de partage du temps prévoyant des périodes pour chacun des parents, les périodes de congé, une forme de souplesse dans le calendrier, une forme de coopération en ce qui a trait au calendrier, les appels téléphoniques et les contacts imprévus, le temps à passer avec les grands-parents, les cousins, etc.; des plans de mobilité et des solutions de rechange qui font en sorte que si vous prévoyez pour une période de trois à cinq ans, vous devriez savoir que vous ne déménagerez pas le mois suivant, et que si vous le faites, vous avez déjà discuté de la façon dont on s'entendra; et, en dernier lieu,—il faut reconnaître que les personnes demandent le divorce—la médiation ou un mécanisme de règlement des différends pour résoudre d'autres conflits sans recourir à la justice.
Maintenant que nous connaissons le principe et le processus, la troisième partie consiste à imposer la médiation ou un autre mécanisme de règlement des différends. Cela signifie qu'il faut modifier l'article 10 de la Loi sur le divorce. À cette fin, il faudrait ajouter, dans un nouvel article 6, le processus de médiation obligatoire ou de règlement des différends et la préparation du plan de partage des responsabilités parentales.
Par la suite, on pourrait admettre dans toute procédure légale la preuve de coopération et de communication entre les conjoints en vue de satisfaire à l'entente de partage des responsabilités parentales.
• 1900
Par exemple, dans l'affaire Scott c. Scott, même s'il
s'agissait d'un divorce axé sur un différend de taille, nous avons
appris par d'autres témoins que rien n'oblige une personne à faire
quelque chose qu'elle ne veut pas faire. Cette cause était truffée
d'allégations d'abus, de refus du droit de visite et de rapts par
la mère, de sorte que la garde a été confiée au père. Les deux
protagonistes s'adressaient constamment à la cour jusqu'à ce qu'un
juge avisé leur demande de prévoir les choses un peu différemment.
Après quatre années de vie dans deux villes différentes et de
partage de la garde de l'enfant, il y a eu très peu de conflits et
personne n'est retourné devant le tribunal.
Il est possible d'en arriver à des résultats concrets si on a la volonté de le faire et si la loi vous y oblige. Habituellement, les Canadiens sont très respectueux des lois du pays. Si on modifie le principe de base de la Loi sur le divorce, comme nous le recommandons, l'ECMAS croit qu'il y aura une diminution du nombre de poursuites acrimonieuses.
Marina.
Mme Marina L. Forbister (présidente sortante, Equitable Child Maintenance and Access Society, chapitre de Calgary): Merci.
Je travaille comme comptable agréé dans le domaine du divorce depuis 1988 et j'ai eu à m'occuper de règlements matrimoniaux et de règlements de pension alimentaire pour les enfants. J'ai donc eu à collaborer avec bon nombre d'avocats du domaine.
Nos recommandations visent à modifier les alinéas 9(1)(a) et (b), 11(1)(b), 17(1)(b), et les paragraphes 17(5) et (6), afin que chaque avocat conseille ses clients en fonction d'un plan de partage des responsabilités parentales.
Nous croyons également qu'il faudrait créer une société enregistrée de médiation, dont les membres auraient suivi un cours accrédité en médiation familiale. En vertu d'un tel système il n'y aurait aucun avantage à retarder ou à prolonger le processus de poursuite. La rapidité, l'efficience et la coopération seraient dans l'intérêt du client. Il s'agit d'une façon rentable de régler un divorce.
Nous avons également suggéré l'établissement de frais juridiques fixes pour un divorce. Dans la plupart des autres professions, il y a des frais fixes pour les interventions, qu'il s'agisse de chirurgie cardiaque ou de préparation d'états financiers, peu importe la tâche professionnelle que vous êtes disposé à accomplir. En l'occurrence, il n'y aurait aucun intérêt à retarder la procédure.
Notre cinquième recommandation vise à établir des lignes directrices en matière de pension alimentaire pour les enfants. Il faudrait modifier les articles 15 et 17 de la Loi sur le divorce et toutes les références applicables aux lignes directrices concernant la pension alimentaire des enfants, afin d'inclure la présomption de partage des responsabilités parentales en vertu des principes de responsabilités parentales partagées. Il faudrait modifier les lignes directrices en conséquence.
Nous tenons à remercier le comité sénatorial qui est parvenu à faire accepter la règle des 40 p. 100 relativement au projet de loi C-41, et nous recommandons que cette règle s'étende à la reconnaissance du temps que parents et enfants passent ensemble. C'est essentiel à l'approche au partage des responsabilités parentales.
Notre sixième recommandation vise l'exécution du droit de visite. Bien que nous reconnaissions que l'exécution du droit de visite serait vraisemblablement de compétence provinciale, nous estimons que votre comité a peu de pouvoir pour modifier la Loi sur le divorce et la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales afin d'y ajouter l'exécution d'une ordonnance de la cour concernant le temps consacré aux responsabilités parentales par les deux parents.
Nous aimerions aussi que votre comité recommande aux provinces d'établir une réciprocité provinciale dans ces domaines.
Nous recommanderions aussi l'établissement dans chacune des provinces et dans chacun des territoires d'un organisme d'exécution des ordonnances du droit de visite comparable à un organisme d'exécution des ordonnances alimentaires.
Nous aimerions également que l'on considère comme de la violence faite à l'enfant le refus volontaire d'exécuter une ordonnance de partage des responsabilités parentales.
J'aimerais vous lire une déclaration d'un juge de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous prie de m'excuser, mais les cinq minutes qui vous étaient allouées en tant que groupe sont échues. De toute façon, vos documents ont été enregistrés puisque nous avons convenu qu'il en serait ainsi.
Mme Marina Forbister: D'accord. C'est merveilleux.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je crois que les gens ont hâte de vous poser des questions.
Mme Marina Forbister: D'accord. En guise de conclusion, je précise qu'il y a certaines choses à considérer sous la rubrique fausses allégations. Nous tenons à féliciter la sénatrice Cools au sujet du projet de loi S-12. Ce projet de loi est en seconde lecture et nous croyons qu'il traite très directement de la question des fausses allégations.
Le document aborde également les questions d'éducation et de financement. Nous aimerions recommander que le comité et les juges se familiarisent avec l'expression «syndrome d'aliénation mentale».
Enfin, nous aimerions vous dire que l'objectif d'ECMAS est de proposer et d'appuyer des politiques positives en matière de droit de la famille à mettre en oeuvre d'ici l'an 2000. Le délai est une condition essentielle puisque se sont nos enfants qui sont en cause.
M. Michael LaBerge: J'ai un dernier petit point, si vous me le permettez. Globalement, il est temps de reconstruire tout le système du droit de la famille. Ce système est cassé et il est temps d'en élaborer un qui soit basé sur des principes de coopération et de partage des responsabilités parentales plutôt que sur le système actuel de confrontation et de contrôle.
Je vous remercie beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Merci beaucoup.
Monsieur LaBerge, à la page 7 de votre mémoire, à l'article 5 des lignes directrices concernant la pension alimentaire des enfants, vous faites des recommandations assez précises. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous estimez que les nouvelles directives et les activités qui les entourent ne donnent pas de bons résultats ou ne sont pas appropriées et comment il faudrait corriger la situation.
M. Michael LaBerge: Je demanderai à Mme Marina Forbister de répondre parce qu'elle a le titre de CA et qu'elle s'y connaît en matière de chiffres.
La sénatrice Anne Cools: Demandez-le à la personne qui a cité les chiffres, puisqu'elle le sait.
M. Michael LaBerge: Bien sûr. Je renvoie la balle.
Mme Marina Forbister: Si vous me le permettez, je dirai que l'ECMAS s'est adressé au Comité sénatorial de la science et de la technologie concernant le projet de loi C-41 en décembre 1996 et, plus récemment, en mars 1998 relativement à la mise en oeuvre des lignes directrices concernant la pension alimentaire des enfants.
Pour ce qui est des recommandations que nous formulons, la première est à l'effet que les lignes directrices pour la pension alimentaire des enfants devraient tenir compte du revenu des deux parents. Cet aspect a été largement débattu lors de la mise en oeuvre des lignes directrices. On a laissé entendre qu'il s'agirait d'un ensemble de lignes directrices basées uniquement sur le revenu du parent non gardien. Cette question a suscité beaucoup de controverse et elle est perçue par les Canadiens comme étant injuste.
Dans sa sagesse en tant que province, le Québec a décidé d'adopter un ensemble de lignes directrices basées sur le revenu des deux parents, le gardien comme le non gardien. Un des témoins qui se sont présentés devant le comité sénatorial, M. Epstein, a dit qu'il y avait plus de 20 ensembles de lignes directrices et que pour une raison quelconque, on avait décidé de choisir celles-là. Même les témoins qui parlaient au nom du gouvernement ont affirmé que ces lignes directrices n'étaient pas nécessairement leur premier choix. C'est pourquoi nous recommandons que les lignes directrices tiennent compte des deux revenus.
Deuxièmement, les lignes directrices concernant la pension alimentaire des enfants devraient reconnaître les coûts fixes. Peu importe que vos enfants soient ici aujourd'hui et demain, et au domicile de l'autre parent le lendemain, ils doivent avoir un lit, un toit, des jouets et ainsi de suite. Certains coûts sont fixes, que vous ayez vos enfants pour le week-end ou qu'il s'agisse d'une garde véritablement partagée.
Je trouve intéressant que l'un des témoins du gouvernement ait mentionné au comité sénatorial qu'un enfant de 18 ans qui retourne régulièrement à son domicile peut avoir droit à une pension alimentaire au-delà de l'âge de 18 ans. Je soumets que le fait d'avoir un enfant d'âge mineur à la maison, de façon régulière et continue, représente des coûts fixes réels.
Troisièmement, nous souhaitons que les lignes directrices pour la pension alimentaire tiennent compte d'une échelle progressive du temps passé avec l'enfant. Je crois que cela a été reconnu au Sénat et je remercie les sénateurs d'avoir favorisé cette norme de 40 p. 100. Nous pensons que ce seuil de 40 p. 100 a été critiqué. Il s'agit d'un chiffre arbitraire qui pourrait être établi en fonction d'une échelle mobile.
Quatrièmement, nous recommandons que le principe de présomption de partage des responsabilités parentales ait force de loi. Le projet de loi C-41 élimine spécifiquement la responsabilité conjointe pour chacun des parents de pourvoir financièrement au bien-être des enfants. Nous croyons que cela devrait faire partie de la Loi sur le divorce. On a remplacé cette notion par la présomption que le parent gardien s'occuperait des enfants au plan matériel. Nous estimons que c'est là un droit de l'enfant en vertu de la loi.
M. Michael LaBerge: J'aimerais faire une dernière intervention sur le sujet. Pour ce qui est de l'échelle mobile, en tenant compte de la prémisse et de la présomption de partage des responsabilités parentales et de l'existence d'un plan parental, il faudrait que le plan tienne compte du temps que l'on entend passer avec les enfants, du coût que cela représentera et des coûts associés à l'éducation des enfants en tenant compte des deux foyers. À ce moment-là, il est possible d'aborder les deux questions, sur une période plus longue. C'est à partir de ce point de vue des parents qu'il faut négocier et non pas en fonction d'avocats.
M. Paul Forseth: D'accord. Vous avez déjà réfléchi à la question. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi le projet de loi C-41 a pris l'orientation que nous lui connaissons aujourd'hui? Manifestement, on a soumis une série d'arguments et de justifications pour que l'on prenne la décision en fonction de la capacité de payer du payeur seulement. Pouvez-vous donner les grandes lignes de ce que l'on a accepté? Peut-être pourriez-vous nous éclairer.
M. Michael LaBerge: Je serai bref sur la question, puis je demanderai à Mme Marina Forbister de vous fournir les chiffres.
Manifestement, il semble que les dispositions du projet de loi C-41 de même que les lignes directrices n'ont été soumises qu'à l'une des deux parties de l'équation. Si ce sont les renards qui s'occupent du poulailler et que vous voulez discuter avec eux du contrôle de la population des poules, vous n'aurez qu'un seul résultat. C'est essentiellement ce qui s'est produit si l'on tient compte des chiffres que nous avons ici, avec les lignes directrices. Voilà pourquoi il s'agit d'une question litigieuse.
• 1910
Quant aux détails, je laisse la parole à Marina...
Mme Marina Forbister: Le groupe de travail fédéral-provincial-territorial a consacré sept années à l'examen des lignes directrices sur la pension alimentaire des enfants et il a proposé un ensemble de lignes directrices. On se fondait sur le fait que pour des revenus équivalents, les parents apporteraient une contribution financière égale pour l'éducation de leurs enfants.
À ce moment, le groupe de travail a décidé qu'il serait équitable pour un parent non gardien de payer une partie de ces frais, et que cette partie de frais serait équitable peu importe le niveau de revenu du parent gardien. C'est sur cette base que la décision a été prise. J'estime que c'est un peu exagéré parce qu'on oublie qu'il y a toujours des coûts pour le maintien d'un domicile. Vous n'avez pas tenu compte du fait qu'il y a deux résidences à maintenir, et qu'il y a deux ensembles de dépenses à considérer.
Deuxièmement, j'ajouterais que tout cela faisait partie d'un réaménagement complet du système de pension alimentaire pour enfants et qu'il s'agit d'une ponction fiscale. Le projet de loi C-41 a été déposé conjointement avec le projet de loi C-92, qui élimine le caractère imposable et déductible des paiements de pension alimentaire pour enfants. Selon nos estimations, cette disposition permet au Trésor fédéral de s'approprier 270 millions de dollars, et probablement plus.
La sénatrice Anne Cools: Pourrais-je apporter une précision? Le ministère nous a dit qu'il s'agissait de 600 millions de dollars. C'est effectivement une somme très importante.
Mme Marina Forbister: Oui, une somme très importante.
M. Michael LaBerge: De fait, les fonds qui proviennent du supplément d'impôt servent à financer le crédit d'impôt pour enfants, de même que le programme gouvernemental de lutte contre la pauvreté chez les enfants.
Pour ce qui est des chiffres, je vous dirai que M. Barry Gardiner a fait un exposé devant le comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie, le 17 mars. Il a fourni les chiffres, décrit ce que serait la situation après impôt d'un parent non gardien et reconnu le tort que cela cause à plusieurs personnes. Nous le reconnaissons aussi au sein de notre société.
Les lignes directrices poussent les gens à la faillite sans que l'on considère le revenu disponible après impôt du foyer. Si on oublie de tenir compte des dépenses liées à l'éducation d'une famille, vous risquez de vous retrouver dans une situation financière précaire.
Si vous n'avez qu'un enfant, 20 p. 100 de votre revenu brut personnel serviront au paiement de la pension alimentaire de l'enfant. Si vous avez deux enfants, ce sera 30 p. 100 en moyenne, si on s'en tient aux chiffres. Pour trois enfants, ce sera 40 p. 100. Si, brusquement, 40 p. 100 de votre revenu brut passent dans une autre maisonnée sans même que l'on tienne compte des coûts de votre propre maisonnée, vous découvrirez que le montant est très élevé. Dans les circonstances, il n'est pas sain pour un enfant que l'un de ses parents soit dans une situation financière difficile.
Mme Marina Forbister: Permettez-moi de préciser que le gouvernement a également incorporé une disposition en cas de difficulté excessive qui permet au payeur de retourner devant le tribunal afin d'obtenir une réduction de ses paiements. Si on reprend les chiffres fournis par M. Gardiner, on constate que 1,25 p. 100 de toutes les demandes présentées à la cour en Alberta depuis la mise en oeuvre de cette disposition ont bénéficié de cette disposition de difficulté excessive. C'est un objectif impossible à atteindre.
M. Paul Forseth: J'ai une dernière question à poser.
Nous n'avons pas entendu beaucoup de témoignages sur ce point particulier. Selon vous, le gouvernement a vu la possibilité d'une ponction fiscale qui lui permettrait de remettre de l'argent à la population et d'obtenir du crédit politique. Je me demande si vous avez d'autres intuitions quant aux raisons de ce choix politique.
Mme Marina Forbister: Il s'agissait d'une décision politiquement correcte à l'époque, si vous vous souvenez du cas Thibaudeau qui a fait l'objet d'une publicité considérable.
M. Paul Forseth: Oui.
Mme Marina Forbister: C'était une belle occasion. Les groupes de lobbying disaient «Regardez, nous payons des impôts sur la pension alimentaire des enfants». En tant que professionnelle de l'impôt, je puis vous assurer que c'est le seul cas où il y a un transfert de fonds d'un foyer à un foyer sans qu'il y ait d'impôts après le transfert.
M. Paul Forseth: D'accord.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie.
Nous passerons maintenant au sénateur Jessiman qui posera des questions sur le même sujet, je crois.
M. Paul Forseth: D'accord, mais vous avez dit que la décision dans l'affaire Thibaudeau était la raison, mais peut-être s'agissait-il plutôt du prétexte.
Mme Marina Forbister: Vous avez tout à fait raison, il s'agissait du prétexte.
M. Michael LaBerge: C'était bel et bien le prétexte, parce que la Cour suprême a déjà déterminé dans une décision précédente que la personne devait payer. Par conséquent, il s'agissait d'un prétexte.
La sénatrice Anne Cools: Il s'agissait véritablement d'un montant astronomique. Cette personne ne voulait pas payer d'impôt sur un revenu non gagné de plus de 40 000 $ par année. Astronomique.
M. Michael LaBerge: On a déjà tenu compte de l'impôt, je crois.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je poserai mes questions à vous également.
Je veux verser au dossier ce que la situation était auparavant, puis verser au dossier ce qu'elle est maintenant et vous dire ce qu'il en était avant même que tout soit versé.
Dans toute ordonnance qui était émise en vertu de la Loi sur le divorce, la cour devait reconnaître que les conjoints avaient une obligation financière conjointe pour le maintien de l'enfant. Nous sommes d'accord? La cour devait également partager cette obligation entre les conjoints en fonction de leur capacité relative à contribuer à l'exécution de cette obligation.
Au moment du dépôt du projet de loi C-41 ou de l'étude au Sénat, ni l'une ni l'autre de ces dispositions ne se retrouvaient dans les lignes directrices ou même dans la loi. On les avait supprimées. Grâce à la sénatrice Cools, nous sommes parvenus à les remettre dans la loi, au paragraphe 26(2). Les lignes directrices seront basées sur le principe que les conjoints ont l'obligation financière conjointe de s'occuper des enfants du mariage conformément à leur capacité relative de participer à l'exécution de ces obligations.
Je ne suis pas sûr que les lignes directrices respectent ce point. On soutient assurément qu'elles le font, mais cela n'a pas été dit aux tribunaux. On argumente et je crois que les tribunaux ont accepté cette argumentation... Certains des spécialistes qui estiment qu'il faut tenir compte des deux revenus ne peuvent comprendre la méthode qui a été suivie. Il ne s'agit pas d'une exception complète à la règle, il faut le reconnaître. Il s'agit d'une ligne directrice sur 20. Mais ce n'est pas le seul cas où on ne tient compte que d'un revenu. La situation est plus facile, parce qu'il n'y a pas de calcul à faire. Il suffit de connaître le nombre d'enfants, le lieu de résidence et le niveau de revenu, puis d'aller à telle page. Vous habitez le Manitoba, vous avez trois enfants, votre revenu est de 100 000 $? Allez à telle page et vous avez le montant à payer. Si on tient compte des deux revenus, il faut des calculs plus complexes.
Au plan psychologique, vous avez parfaitement raison. Il est dommage que nous ne puissions replacer dans la loi le fait que les lignes directrices doivent répartir les obligations entre les conjoints en fonction de leur capacité de contribuer. Si nous pouvions remettre ces dispositions dans la loi, les lignes directrices pourraient ressembler à celles que le Québec s'est donné.
Mme Marina Forbister: J'ajouterais, monsieur le sénateur, que ces lignes directrices permettraient de simplifier le système et réduiraient le nombre de contestations. Je soumets à votre comité que cela ne s'est pas produit parce que, outre les lignes directrices, il y a aussi les dépenses prévues à l'article 7 qui sont considérées comme des ajouts. Ainsi, on en revient au problème de base. Vous versez une pension alimentaire pour l'enfant, puis vous payez aussi la part qui vous a été attribuée. Voilà qui ajoute encore au montant.
Le sénateur Duncan Jessiman: Certains des témoins qui sont venus auparavant croyaient que ces ajouts, comme vous les appelez—je crois que l'on parle de dépenses spéciales—sont véritablement incorporés aux lignes directrices de sorte que le paiement est double.
Mme Marina Forbister: C'est exact.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je ne sais pas si une cour voudra étudier cette question, peut-être bien.
Même si c'est juste—et je ne crois pas que ce le soit—je trouve dommage que les deux éléments soient liés.
Mme Marina Forbister: Il doit y avoir une perception d'équité de même qu'une équité absolue.
M. Michael LaBerge: Il y a présomption, et c'est tout.
Les données de Statistique Canada sont presque identiques aux chiffres que l'on retrouve dans les lignes directrices. Par contre, les lignes directrices et les données de Statistique Canada indiquent ce qu'est le coût total d'élever un enfant. Les chiffres des lignes directrices donnent le même résultat, mais on ne les applique qu'à un seul des deux parents en supposant que l'autre parent contribue d'une manière proportionnelle. Essentiellement, il s'agit d'une personne qui paie pour deux. C'est la façon dont on a aménagé la situation.
La sénatrice Anne Cools: C'est un concept nouveau: payer son hypothèque par présomption. Dites à votre créancier hypothécaire, je présume que je paie.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Y a-t-il d'autres questions? J'ai moi-même une brève question à poser.
La sénatrice Anne Cools: Je serai brève. Je crois qu'il faut remercier les témoins qui, selon moi, nous ont livré un excellent témoignage. Plus particulièrement, je tiens à remercier M. LaBerge et Mme Forbister.
Étant donné que faute de temps, les témoins ont dû se contenter des mémoires qu'ils ont déposés, je prie les membres du comité de se reporter à la page huit où l'on trouve deux citations très pertinentes de madame la juge Trussler. Je pense, tout particulièrement à celle où elle maintient le principe: «... un tel abus ou une telle négligence, comme d'être privé du droit de visite par d'autres parents, est en soi une forme de violence contre les enfants». Je trouve ce passage très pertinent au cas qui nous a été soumis. J'attire aussi l'attention des membres sur l'autre citation de madame la juge.
Je tiens à remercier Mme Marina Forbister et M. LaBerge pour la recommandation numéro six portant sur les fausses allégations. On n'a pas fait valoir encore devant le comité que les fausses allégations ne peuvent être retenues comme accusation de parjure en raison de la façon plutôt particulière et irrégulière dont elles sont faites dans le cadre des procédures de la cour. Je les félicite donc d'avoir abordé cette question directement. Je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oui. Sénatrice DeWare.
La sénatrice Mabel DeWare: Je veux simplement remercier M. Merrell et M. Silverman pour leur témoignage. Je crois qu'il faudrait considérer très sérieusement la déclaration de M. Merrell à l'effet que ce ne sont pas les enfants qui divorcent, mais bien les parents. Nous avons parfois tendance à nous égarer.
Monsieur Silverman, je vous remercie d'avoir reconnu que les hommes ont besoin d'un modèle de comportement. Je crois que vous en avez été un dans votre domaine, et j'apprécie cela.
M. Earl Silverman: Je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
J'ai une toute petite question concernant l'une de vos recommandations visant un organisme d'exécution du droit de visite. Certaines personnes ont soulevé l'aspect inverse de cette question. Ce n'est pas le problème des personnes à qui l'on refuse un droit de visite, mais plutôt le problème de celles qui ne se prévalent pas de ce droit de visite. Est-ce que vous souhaiteriez que l'organisme s'occupe des deux aspects?
Mme Marina Forbister: Je ne vois pas comment vous pourriez forcer quelqu'un à se prévaloir de ses droits. Je ne peux pas imaginer et je ne crois pas que les membres du comité puissent imaginer qu'on ne veuille pas passer du temps avec ses enfants. Cela me dépasse totalement. Je ne vois vraiment pas comment vous y arriveriez. Je me demande s'il est dans le meilleur intérêt de l'enfant de dire à quelqu'un qu'il doit s'occuper de l'enfant. Je crois que cela pourrait se régler au plan financier. Si vous ne voulez pas accepter la responsabilité émotive pour votre enfant, vous n'aurez aucune période réservée pour vos responsabilités parentales et il n'y aura aucun incitatif financier. Je ne vois vraiment pas comment on pourrait forcer quelqu'un à s'occuper d'un enfant.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je conviens que la question n'est guère facile, mais elle a été soulevée. Il y a eu certains cas—Dieu merci quelques cas seulement—où personne ne voulait de l'enfant.
Mme Marina Forbister: Ce problème s'est déjà présenté.
M. Michael LaBerge: Sénateur Pearson, je crois qu'il s'agit d'un problème. Toutefois, il faut savoir dans quelle situation les gens se trouvent et pourquoi une personne refuserait de se prévaloir de ses droits.
Il y a aussi une déclaration de Mme Trussler, dans la même cause, où il est question du droit de visite et du désir d'établir une relation:
-
Je crois que plusieurs parents non gardiens renoncent à voir leurs
enfants parce qu'ils sont désenchantés par les difficultés
d'établir une relation ou parce qu'ils n'ont pas les ressources
financières pour s'adresser à la cour et tenter d'établir une
relation avec leurs enfants.
Notre système actuel est malade, à cause de ces situations. Si nous apportons des correctifs au système, il est probable que ces situations n'existeront plus. S'il y avait un plan de partage des responsabilités parentales, ces cas surgiraient dès le début. Les parties qui choisiraient de ne pas respecter le plan, iraient en arbitrage. Si aucune solution ne pouvait être trouvée, vous auriez là une base juridique pour établir que vous n'y avez pas droit.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie beaucoup.
Nous en arrivons maintenant aux derniers témoins de l'après-midi, qui témoignent à titre individuel: M. Babatunde Agbi, M. Rob Huston et M. Stephen Jones.
Monsieur Jones, voulez-vous commencer?
M. Stephen Jones (témoignage à titre personnel): Je vous remercie d'accepter d'entendre mon témoignage cet après-midi.
• 1925
Je suis divorcé depuis 11 ans et les deux enfants de notre
mariage sont maintenant âgés de 17 et 13 ans. Ma femme en a eu la
garde complète et j'avais un droit de visite raisonnable. Les
paiements alimentaires pour les enfants ont commencé dès le début
et j'ai pu voir mes enfants de façon régulière. Toutefois, tout a
changé en 1994. Ma fille était très malheureuse avec sa mère et son
conjoint de fait et elle a fugué à deux reprises, se réfugiant une
première fois chez ses grands-parents, et la seconde fois, chez
moi. Elle est restée une semaine chez moi en me disant qu'elle
voulait demeurer chez moi. J'ai téléphoné à mon ex-conjointe afin
d'organiser une rencontre pour discuter de la situation malheureuse
de notre fille. Deux heures avant la rencontre prévue, elle a
annulé disant qu'elle était trop occupée. Le lendemain, sans
prévenir, elle a envoyé les policiers chez moi et ceux-ci ont usé
de force pour m'enlever ma fille, qui pleurait et ne voulait pas
partir. Le lendemain matin, j'ai consulté un avocat en vue
d'obtenir la garde de mes deux enfants.
C'est là que j'ai découvert les tribunaux canadiens de la famille, qui sont plutôt injustes. On y perçoit un préjugé défavorable à l'endroit des hommes et l'on n'accorde certainement pas la priorité aux intérêts des enfants.
Dans des documents judiciaires, mon ex-conjointe a fait de fausses accusations d'homosexualité et d'immoralité à mon endroit et à l'endroit de mon ex-amie et elle a aussi prétendu que je cherchais à influencer mon fils de neuf ans dans le même sens. Faut-il s'étonner, dans les circonstances, que je n'aie pu voir mon fils au cours des trois dernières années, parce que je crains de le faire? Quel autre mensonge ma femme ferait-elle sous serment?
Parallèlement à ces allégations monstrueuses pour me noircir face à la cour, mon ex-femme a entamé des procédures pour porter à 1 600 $ par mois le paiement alimentaire pour les enfants, une somme faramineuse pour quelqu'un dont le revenu net est de 1 000 $ toutes les deux semaines. Cette action contenait aussi des déclarations fausses et sans fondement concernant ses dépenses. Mon ex-femme a conservé la garde complète des deux enfants, j'ai obtenu un droit de visite à tous les deux week-ends, et on m'a obligé à verser 1 250 $.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous prie de m'excuser un moment. Si vous faites des allégations, il nous faut une référence à la cause.
M. Stephen Jones: Je vous ai tout remis.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Mais il faut que les renseignements soient consignés.
M. Stephen Jones: D'accord. Je vous ai tout donné, mais je tenterai de trouver les renseignements.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Ce n'est pas toujours consigné, à moins que...
Le sénateur Duncan Jessiman: Connaissez-vous le nom de la cause?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Avez-vous le nom de la cause?
M. Stephen Jones: Jones c. Jones.
Le sénateur Duncan Jessiman: Et la date...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Et la date de même que le numéro de référence.
M. Stephen Jones: Je dois vous fournir tous ces renseignements?
Le sénateur Duncan Jessiman: Autrement nous ne pourrions retracer la cause.
M. Stephen Jones: Ces allégations.
Le sénateur Duncan Jessiman: Il n'est pas nécessaire de nous les fournir aujourd'hui.
M. Stephen Jones: Il s'agissait de l'action numéro 480160161 de 1994.
Le sénateur Duncan Jessiman: À quel endroit était-ce? En Alberta?
M. Stephen Jones: À Calgary, en Cour du Banc de la Reine à Calgary.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Le sénateur Duncan Jessiman: D'accord, continuez.
M. Stephen Jones: Malgré ces paiements, mon ex-femme a fait l'objet au cours des trois dernières années de poursuites en justice pour des montants de plus de 16 000 $ pour non-paiement de loyer et non-paiement d'hypothèque. Je me demande comment cela est possible puisqu'elle a un emploi.
Je demande au comité si la cour a agi dans le meilleur intérêt de mes enfants? Ils sont devenus des étrangers pour moi et pour ma famille, ils sont utilisés comme des pions d'un jeu cruel et punitif auquel se livre leur mère pour obtenir contrôle et argent, ils vivent dans un milieu sans chaleur sous une supervision parentale douteuse et, qui plus est, j'ai été évincé d'une maison et j'en ai perdu une autre. Le tribunal a-t-il agi dans le meilleur intérêt de mon ex-femme en lui accordant une si grande proportion de mon revenu sans qu'elle soit tenue d'en rendre compte, elle qui croule maintenant sous le poids des dettes? La cour a-t-elle agi dans mon intérêt?
Nous avons beaucoup parlé cet après-midi de lignes directrices pour la pension alimentaire des enfants et de la mise en oeuvre de ces lignes directrices et des problèmes que cela comporte. L'été dernier, je me suis adressé à la cour pour obtenir de telles lignes directrices et le juge a refusé de m'entendre. Le juge de la Cour du Banc de la Reine m'a débouté en déclarant que la mise en oeuvre des lignes directrices ne constitue pas un changement de situation. Puis, le juge a accordé des dommages de 400 $ à mon ex-femme. Je croyais que ces lignes directrices étaient obligatoires.
Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Huston.
M. Rob Huston (témoignage à titre personnel): Je vous remercie de me permettre de m'adresser à vous. J'aimerais que soient consignés les renseignements que je vous fournirai oralement et par écrit.
Je veux vous dire que la pension de soutien des enfants est exigible vendredi, le vendredi 1er mai. Actuellement, je verse un montant pour l'enfant. Je soutiens l'enfant, et je reste en contact avec l'enfant. Vous parlez de soutien et vous ne parlez que d'engagements financiers, mais j'ai un engagement physique, mental et spirituel. J'ai tout. Je suis très heureux. Je suis un père non marié.
• 1930
En 1992, j'ai fait des démarches pour obtenir un droit de
visite 40 jours par année. Grâce à une session de médiation
gratuite avec M. Kent Taylor, qui était ici plus tôt aujourd'hui,
ce droit de visite est passé de 40 jours à 168 jours. Je suis très
heureux de la situation actuelle. Je suis favorable au fait de
garder l'argent dans la famille éclatée. Je ne veux pas que
l'argent aille aux avocats, et c'est là ce qui m'a fait le plus mal
dans ma situation.
Au fil des ans, j'ai participé au programme de responsabilités parentales après une séparation, à Edmonton. Mme Annette Bruce, qui fait partie de la Orphaned Grandparents Association, m'a dit que nous étions les principaux intervenants dans ce programme parce que notre intérêt est réel. Il y avait aussi d'autres personnes. Nous étions du premier programme, le 25 février 1993, à Edmonton. Je me suis inscrit à plusieurs reprises à ce programme.
Je voulais vous dire que j'ai parlé avec Kent Taylor et je lui ai posé quelques questions et j'ai demandé des clarifications—il en a pris note, quand M. Booth a témoigné plus tôt aujourd'hui. Ce programme de responsabilités parentales après une séparation est obligatoire et il est imposé par les juges. Les règles de la Cour du Banc de la Reine ont été modifiées afin d'incorporer ce programme. C'est ce que Kent Taylor a noté et je lui ai demandé si je pouvais citer son nom, et il a accepté.
Ce que j'ai bien aimé, c'est qu'au début il y avait un conflit, puis grâce à la médiation j'ai pu prendre mon enfant et le déposer à un endroit sûr. J'entends par endroit sûr, une garderie. Je le prenais à la garderie le vendredi, puis je le ramenais le lundi, ou lorsqu'il y avait un congé, le jeudi et le mardi. Nous avions un programme de partage des responsabilités parentales de six jours sur 14 jours et plus. Le programme a donné de bons résultats. Mon ex-conjointe a été transférée ici, il y aura deux ans le mois prochain, et la situation s'est améliorée. Nous travaillons ensemble comme une équipe. Les montants que je verse sont raisonnables, ce qui me réjouit. Elle et moi sommes parvenus à partager certaines dépenses, donc nous fonctionnons comme une équipe. Je suis très heureux de cette situation et j'aimerais qu'elle se poursuive.
Regardez tous les grands sportifs, gymnastes, golfeurs. Ils ont tous des entraîneurs et des mentors pour les aider. Je n'avais personne. J'ai commencé à chercher et j'ai obtenu du succès—c'est un succès pour moi et pour mon enfant. M. Kent Taylor et Mme Annette Bruce, de Orphaned Grandparents Association, de même que M. Ron Kuban ont été très solides, et ils m'ont aidé quand les choses n'allaient pas bien. M. Ron Kuban, dont j'ai parlé, n'a pas vu ses enfants depuis sept ans et demi, de sorte que j'ai souvent entendu les histoires qui vous ont été rapportées aujourd'hui. J'aimerais seulement que l'on connaisse un certain succès.
Je suis très fier que le programme ait fonctionné. Je fais la promotion du programme de partage des responsabilités parentales après la séparation. Pourquoi me direz-vous? Parce qu'il faut apporter des changements et qu'il faut changer la mentalité des autres parents. À Edmonton, l'été dernier, j'ai découvert qu'un couple avait suivi le programme, puis qu'il avait abandonné la bataille juridique. Les ex-conjoints ont plutôt travaillé ensemble. J'ai obtenu mon certificat et M. Kent Taylor et madame la juge Tressler l'ont signé. Je l'ai demandé et je l'ai obtenu.
Je voulais aussi vous dire que dans Communication in Marriage and Divorce, de Leeds, en Angleterre, on trouve beaucoup de renseignements utiles. J'en ai remis une copie à la sénatrice Mabel DeWare et j'en ai donné un à la sénatrice Anne Cools il y a environ un an et demi ou deux ans. Il faut apporter des changements. Il faut plus de renseignements. J'ai pu faire beaucoup de choses; et j'ai beaucoup appris.
• 1935
Au début, mon avocat m'avait dit d'attendre pour verser la
pension alimentaire. J'ai attendu pendant quelques mois au tout
début, parce que je croyais que c'était la façon de procéder. J'ai
été à l'origine de certains problèmes de la relation, et j'ai
attendu parce que je n'avais pas de droit de visite.
Puis j'ai payé à tous les mois, et je suis heureux de l'avoir fait. Je dois beaucoup à notre fils, parce que sans lui je ne serais pas ce que je suis devenu. Et je dois beaucoup aussi à mon ex-conjointe qui a rendu la situation possible. Comme je me plais à le répéter, notre entente fonctionne bien. J'ai des rêves que je n'aurais jamais cru possibles. Je n'avais jamais pu imaginer pouvoir assister au mariage de mon fils, parce que je ne voulais absolument pas de conflit.
Je crois que nous n'aurons pas de problème. Si jamais il y en avait un, nous serons en mesure d'y trouver une solution ensemble. Pourquoi n'est-il pas possible de reproduire le succès de certains et d'en faire bénéficier les autres parents?
Au chapitre des études, je suis fier de dire que mon fils est en septième année, et qu'entre la maternelle et la sixième année, je n'ai manqué que trois sorties scolaires, et cela comprend trois années de garderie auparavant. Je suis fier d'être comme je suis. J'étais un parent engagé avant que tout cela se produise, et je suis un parent engagé depuis ce temps.
Je vous en prie... Vos travaux sont censés être terminés en novembre. J'aimerais que quelque chose se produise à Noël pour tous ces parents. Il est difficile de voir d'autres parents dans cette situation et d'entendre les histoires d'autres enfants.
Pour terminer, je dois dire que j'ai animé ce programme et que j'ai aidé des amis avec leurs plans de partage de responsabilités parentales. De plus, la garderie que notre fils fréquente peut aider les parents grâce à ce programme et elle en a référé quand ce plan n'était pas obligatoire. L'an dernier, les enseignants de l'école où mon fils étudiait en sixième année ont suggéré le programme aux autres parents. Je compte donc qu'il y aura des changements utiles pour nous tous.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Agbi.
M. Babatunde Agbi (témoignage à titre personnel): Je vous remercie, madame la présidente.
Mon nom est Babatunde Agbi. J'ai 53 ans. J'ai immigré au Canada en 1969 et j'ai obtenu ma citoyenneté en 1974. Je réside au centre de Calgary depuis 1983 et à l'adresse actuelle depuis 1986. J'ai fait des études universitaires, je suis un homme d'affaires indépendant et je suis président et actionnaire majoritaire d'une entreprise qui contrôle une société ouverte.
La raison pour laquelle j'ai déposé un mémoire et demandé à comparaître est simplement pour aborder un petit aspect de la loi actuelle, c'est-à-dire le droit de visite.
Je suis ici pour ajouter à ce que d'autres témoins vous ont déjà dit concernant la partie visite de la bataille pour la garde et le droit de visite des enfants. Je partagerai avec vous mon expérience personnelle parce que je crois que cet exemple devrait vous inciter à comprendre que les modalités de visite des directives actuelles ne sont pas adéquates.
Après plusieurs années de débat sur la question de la pension alimentaire des enfants, il semble que le programme d'exécution du soutien à l'échelle du pays donne des résultats. Sans égard aux chiffres ou à la proportion, le nombre de parents non gardiens qui sont en défaut de paiement a connu une diminution sensible depuis l'entrée en vigueur de ce programme, du moins je l'espère.
Toutefois, il semble que le programme ait été associé à des questions de femmes en cours de route. On a perdu de vue la véritable raison pour les paiements de soutien, qui est celle d'assurer le bien-être des enfants visés par ces paiements.
Comme vous le constaterez à la lumière de mon expérience personnelle, il est grand temps de mettre en place un organisme d'exécution des droits de visite des enfants parallèlement au programme d'exécution du soutien. Il est grand temps de le faire parce que la question de la garde des enfants et de la pension alimentaire n'a rien à voir avec le genre; il s'agit d'une question propre à l'enfant. Par-dessus tout, un programme bien mené et bien exécuté contribuera grandement à la réalisation des objectifs de votre comité, c'est-à-dire évaluer la nécessité d'une approche axée sur l'enfant pour les politiques et les pratiques en matière de droit de la famille.
• 1940
Entre parenthèses, je suis d'avis que le système n'est pas
seulement malade, il est mauvais et il faut le remplacer. Il ne
peut être réparé, mais compte tenu des contraintes, il faut
corriger l'aspect visite du programme de garde et de soutien de
l'enfant.
Selon moi, le programme d'exécution du soutien a été un bon outil pour s'assurer que les parents non gardiens s'acquittent de leurs obligations financières envers leurs enfants. Il est défendable que les niveaux statutaires de soutien financier contribuent à défrayer plus que le coût réel d'être parent unique dans le contexte économique actuel. Cela étant dit, les pouvoirs quasi judiciaires conférés au programme d'exécution du soutien constituent une menace suffisante pour assurer que la plupart des parents non gardiens respectent leurs obligations. Toutefois, sans un projet pilote d'exécution des droits de visite, le programme d'exécution du soutien sert uniquement les besoins financiers des parents gardiens, et peut-être aussi leurs besoins de punir.
La blague d'usage entre mon fils et moi est que je suis le compte de banque à Calgary. Je ne suis pas du tout sûr que ce soit le type de message que je veuille transmettre à mon fils. Je ne pense pas qu'aucun des membres de votre comité souhaite que leurs enfants les perçoivent uniquement comme un compte de banque.
Les moeurs sociales actuelles font que l'on reconnaît depuis longtemps les avantages pour un enfant d'avoir accès aux deux parents. J'ai été chanceux, j'ai eu accès à mes deux parents. Historiquement, ces moeurs ont été soutenues par un certain nombre d'études sociales dans plusieurs disciplines des sciences sociales. Il existe une justification pour assurer ou appliquer les droits de visite des deux parents. Bien entendu, si quelqu'un ne souhaite pas avoir ce droit de visite, c'est son affaire. La majorité des parents que je connais veulent que leurs enfants puissent leur rendre visite et les enfants souhaitent qu'il en soit de même pour leurs parents.
Cela étant posé, je partagerai avec vous mon expérience particulière, peut-être en tant qu'étude de cas.
Mon fils est né à Calgary en février 1987. À l'époque, sa mère et moi n'étions pas mariés, mais par la suite nous avons pris toutes les mesures légales nécessaires pour que l'enfant soit légitime. À peine huit mois après la naissance de l'enfant, sa mère l'a kidnappé pour l'amener à Toronto.
Cela a marqué le début d'un conflit judiciaire entre la mère et moi-même, une question de compétence. L'enfant était né en Alberta, de sorte que nous soutenions que l'Alberta avait compétence en la matière. Cela a donné des résultats pendant un certain temps.
J'ai pris une action pour l'exécution des paiements de visite et de pension alimentaire, de même que pour les droits de visite. Les ordonnances ont été déposées en Ontario, ainsi qu'en Alberta, et la plupart du temps elles n'ont pas été respectées.
Dans le cadre de la bataille juridique—et la plupart des autres témoins y ont fait référence—un des avocats a soulevé la question de la paternité, ce que le juge a trouvé un peu ridicule. Nous avons contesté et la question a été réglée.
Éventuellement, la question de la compétence, de la garde physique et du droit de visite a été, semble-t-il, réglée dans un tribunal de Toronto en mai 1995. Après cinq années passées en Ontario, il semblait logique que l'Ontario soit considéré comme le lieu de résidence de l'enfant.
À la fin des procédures, en mai 1995, la contestation m'avait coûté environ 83 000 $. Ce montant est suffisant pour envoyer mon enfant dans n'importe quelle université du monde où il voudrait aller étudier.
Conformément au principe de la contradiction, le très sage juge Brownstone—le numéro du dossier est le D-00899/87—était furieux d'apprendre ce qui c'était passé avant que je me présente devant lui. Il a donc décidé de nous faire un exposé didactique sur la façon dont les deux parents devraient porter leur attention sur les besoins de l'enfant. Afin de s'assurer que sa décision serait respectée, il a rédigé l'ordonnance à la main avant de la remettre aux avocats pour la transcription.
En résumé, il a fait en sorte que la province de compétence soit l'Ontario. Il a confirmé l'ordonnance de garde partagée qui avait été précédemment émise en Alberta. Avec mon consentement, la garde physique a été confiée à la mère de mon fils. Le juge a confirmé les ordonnances volontaires émises en Alberta relativement aux paiements alimentaires, qui, m'a-t-on dit, dépassaient les lignes directrices dans les deux juridictions. Rétroactivement, il a adjugé les frais d'études que j'avais retenus, parce que je n'avais pas de droits de visite suffisants.
De plus, avant cette comparution, je pouvais visiter mon fils de manière sporadique, mais avec le recul, c'est parce que sa mère voulait obtenir un passeport pour l'enfant, demande que j'avais le droit de refuser.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Pouvez-vous conclure?
M. Babatunde Agbi: J'ai presque terminé.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): D'accord... et les recommandations? Nous les avons dans le dossier.
M. Babatunde Agbi: Ma recommandation est très simple, et elle vise un point. Puisqu'il y a un programme d'exécution du soutien qui donne de bons résultats, il devrait également y avoir un programme d'exécution du droit de visite. L'absence d'un tel programme est, selon moi, un oubli malheureux qui doit et devrait être corrigé le plus tôt possible. C'est là le but de mon exposé.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Monsieur Jones, vous parliez de vous adresser à la cour au sujet d'une demande de modification?
M. Stephen Jones: Oui, j'ai déposé une demande de modification.
M. Paul Forseth: Vous l'avez fait parce que vos paiements de soutien n'étaient plus déductibles d'impôt. Est-ce la raison pour laquelle vous avez déposé une demande de modification?
M. Stephen Jones: Actuellement, je verse 1 278,75 $ par mois. J'ai demandé l'application des lignes directrices. Selon ces lignes directrices, je devrais payer 597 $, et ce montant n'est pas imposable.
M. Paul Forseth: Avant de vous adresser au tribunal, avez-vous tenté une médiation ou cherché à obtenir qu'une modification soit apportée par consentement mutuel?
M. Stephen Jones: Non.
M. Paul Forseth: Je suppose que vous pensiez que l'autre partie ne consentirait pas à s'en tenir aux lignes directrices. Vous avez tout simplement déposé votre demande de modification.
M. Stephen Jones: C'est exact. J'ai consulté un avocat.
M. Paul Forseth: Très bien. Nous parlons de quel niveau ici, du tribunal de la famille ou d'une cour supérieure?
M. Stephen Jones: De la Cour du Banc de la Reine.
M. Paul Forseth: L'ordonnance de soutien visait combien d'enfants au départ?
M. Stephen Jones: Deux enfants.
M. Paul Forseth: Y a-t-il un montant pour le soutien du conjoint?
M. Stephen Jones: Non.
M. Paul Forseth: Il s'agissait d'une ordonnance de la Cour suprême. Vous avez déposé une demande de modification qui est fondée sur les lignes directrices elles-mêmes. Aviez-vous d'autres renseignements accessoires, comme un changement de la capacité de payer ou un changement manifeste des besoins?
M. Stephen Jones: Oui. Nous avons démontré que mon revenu avait diminué et que les lois avaient changé. C'est pour ces deux motifs que nous avons demandé une modification.
M. Paul Forseth: À la suite de cette démarche, qu'a dit le juge?
M. Stephen Jones: La juge a dit «Selon moi, la mise en oeuvre des lignes directrices elles-mêmes ne constitue pas un changement de situation». Elle a refusé ma demande et elle a adjugé des dommages de 400 $ contre moi.
M. Paul Forseth: Ce ne sont pas des dommages, mais des frais de cour.
M. Stephen Jones: Oui, des frais de cour.
M. Paul Forseth: Ainsi, il n'y avait pas d'autres preuves attestées concernant votre capacité de payer.
Vous dites que votre revenu avait diminué, aussi que votre capacité de payer les 1 200 $... Tout cela faisait partie de votre preuve. Vous nous dites qu'on n'en a pas tenu compte?
M. Stephen Jones: Oui. Plutôt que de considérer le revenu indiqué sur la formule de déclaration de revenu de l'année précédente, la juge a supposé que mon revenu atteindrait tel niveau à la fin de l'année, ce qui me placerait dans une catégorie supérieure selon les lignes directrices. Puis, elle a ajouté des montants supplémentaires prévus à l'article 7: assurance-maladie, régime de la Croix-Bleue, inhaleur de corticostéroïdes. Il n'y avait même pas de facture ou d'ordonnance pour cet inhaleur. Elle a dit «Voyez, si on enlève les avantages fiscaux, la situation demeure à peu près la même pour lui», et elle a refusé de me donner raison selon la loi.
M. Paul Forseth: Pourriez-vous nous donner une indication du niveau de revenu de l'autre foyer?
M. Stephen Jones: De fait, j'ai fourni une description très détaillée de tous ces éléments dans un dossier remis au comité sénatorial sur le bien-être social, la science et la technologie. Dans cette demande, mon ex-femme a invoqué des difficultés indues, bien qu'elle n'ait fourni aucun renseignement à cet effet. Son conjoint de fait est du même âge que moi. Il a produit une déclaration de revenu qui a été admise en preuve. Ce document montrait qu'il avait gagné 1 951 $ pour toute l'année.
• 1950
Nous vivons dans un petit monde et je connaissais des gens qui
connaissaient cette personne et qui m'ont dit où elle travaillait.
Je suis allé voir son employeur et lui ai montré ce qu'il avait
déclaré et ce qui se trouvait sur les affidavits. L'employeur était
dégoûté. J'ai par la suite soumis le montant de son revenu, mais la
juge n'en a pas tenu compte.
M. Paul Forseth: D'accord. La mère de l'enfant travaille-t-elle?
M. Stephen Jones: Oui, elle a un emploi.
M. Paul Forseth: Bien. Je présume que tout cela est consigné. Nous voulions plus de détails sur certaines des lacunes du système. Je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): J'aimerais remercier les personnes qui nous ont livré un témoignage aujourd'hui et dire à Rob combien il est agréable à l'occasion d'entendre des témoins qui ont des choses positives à dire. Nous supposons toujours qu'il y a des cas qui donnent de bons résultats. Je vous remercie Rob.
M. Rob Huston: Je vous remercie.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Comme nous en sommes à nos derniers moments à Calgary, je tiens à remercier nos témoins, de même que l'auditoire. À ce que je vois, certaines personnes ont passé la journée entière avec nous et je leur dis que nous apprécions beaucoup l'intérêt qu'elles portent aux travaux de notre comité.
Comme vous le savez, il s'agit d'un processus continu et nos travaux ne seront probablement pas terminés—je ne saurais vous le dire avec beaucoup de précision—avant le 30 novembre de cette année, date à laquelle nous devons soumettre notre rapport. Je serais trop optimiste de croire que nous pourrions terminer avant cette date.
Comme vous le savez, nous nous déplacerons encore et nous espérons revenir en Alberta, à Edmonton, plus tard au mois de mai. Encore une fois, je vous remercie d'être venus.
La séance est levée jusqu'à 9 h 30 demain matin, à Regina.