SJCA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE CHILD CUSTODY AND ACCESS
COMITÉ MIXTE SPÉCIAL SUR LA GARDE ET LE DROIT DE VISITE DES ENFANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 27 avril 1998
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.)): Il est 8 h 30 et nous amorçons nos travaux.
J'aimerais dire, au nom de mes collègues, à quel point je suis heureux d'être ici, à Vancouver. Un grand nombre d'entre nous viennent de l'Est et nous avons fait remarquer à quel point Vancouver est une belle ville, avec toutes ses fleurs et la belle température. C'est magnifique.
Nous en sommes maintenant à la séance numéro 19 du comité, qui a été mandaté par le Sénat et la Chambre des communes pour examiner les questions entourant la garde et le droit de visite au moment et à la suite du divorce.
Notre premier témoin ce matin nous vient de l'Office of the Child, Youth, and Family Advocate. Je demanderais à Joyce Preston de bien vouloir commencer. Nous nous sommes entretenus avant le début de la réunion et nous avons indiqué à quel point il est nécessaire de respecter l'horaire aujourd'hui.
Madame Preston, je vous souhaite la bienvenue. Je ne sais pas si vous avez déjà comparu devant un comité, mais le processus est le suivant. Vous pouvez nous présenter un résumé puis il y a une période de questions. Si vous êtes prête, vous avez la parole.
Mme Joyce Preston (Child, Youth and Family Advocate, Office of the Child, Youth, and Family Advocate): Merci beaucoup. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui. Je ne voudrais pas être la personne qui vous ferait commencer votre journée en retard.
D'ailleurs, quiconque vient à Vancouver doit absolument dire à quel point la ville est belle. Je suis donc heureuse que vous ayez satisfait cette obligation.
Des voix: Oh! oh!
Mme Joyce Preston: Je serai brève. J'aimerais vous dire que je suis heureuse qu'un comité examine cette question. C'est un problème qui a des proportions importantes. Nous le remarquons dans notre organisme et c'est le cas pour tous mes collègues partout au pays.
Une récente analyse statistique de nos travaux à l'Office of the Child, Youth, and Family Advocate indique que chaque jour ouvrable nous recevons en moyenne deux appels d'aide, pour le compte d'enfants, au sujet de différends relatifs à la garde et au droit de visite qui posent problème. Cette statistique est très révélatrice. Nous n'avons pas un mandat dans ce domaine et nous n'offrons pas de services, et les appels continuent à rentrer.
Je sais qu'à Toronto, en mars, Judy Finlay, au nom du Canadian Council of Provincial Child Advocates, a fait un exposé et le mémoire qu'elle vous a remis à l'époque est un mémoire auquel nous avons tous contribué. Je tenais simplement à dire que j'appuie tout ce qu'elle a dit dans ce mémoire.
Ce dont j'aimerais vous parler ce matin, c'est ce que pensent les enfants et les jeunes. Comme vous le savez, l'article 12 de la Convention de l'ONU sur les droits de l'enfant traite précisement d'obtenir l'avis des enfants sur les questions qui les touchent. La deuxième partie de cet article dit:
-
[...] donnera notamment à l'enfant la possibilité d'être entendu
dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant,
soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou
d'un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de
procédure de la législation nationale.
Ce que j'ai à vous dire, c'est que dans la province de Colombie-Britannique, cet article de la Convention de l'ONU n'est pas suivi d'aucune façon. Les enfants aux prises avec des différends de garde et de droit de visite dans notre province sont assujettis à la loi fédérale sur le divorce qui, je le constate, est de votre ressort, et deuxièmement ils sont assujettis à notre loi provinciale sur les relations familiales. À mon avis, ces deux lois comportent des problèmes.
Dans la loi provinciale, la loi sur les relations familiales, il est mentionné qu'un représentant des droits de la famille peut être nommé pour aider l'enfant. Il y a donc à tout le moins reconnaissance dans la loi que la participation de l'enfant ou des enfants et des jeunes existe.
• 1135
De fait, le programme qui verrait à ce que cela se réalise est
tellement sous-doté que sur le plan fonctionnel, cela ne se produit
pas du tout. Donc, bien que nous ayons sur papier un bel énoncé, la
réalité est tout autre. Dans la vaste majorité des cas, les enfants
et les jeunes qui font l'objet des présents débats ne sont tout
simplement pas entendus.
Dans la Loi sur le divorce, il n'est fait aucune mention, que je sache, d'une obligation de connaître l'avis des enfants et des jeunes. Je pense que c'est tout à fait inapproprié et je vous presse de recommander que cette loi soit changée. Les enfants et les jeunes ont une perspective unique dont ils peuvent nous faire part, et il est extrêmement important que nous ne laissions pas ces procédures devenir axées uniquement sur les querelles d'adultes, les enfants servant de pions, alors qu'en réalité ils sont laissés de côté. Ils ont le droit d'être là. Les procédures doivent être centrées sur l'enfant et on doit chercher à connaître l'opinion de ces enfants.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous allons commencer avec le sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan J. Jessiman (Manitoba, PC): J'ai seulement une question.
Vous dites que vous avez dans une loi de la Colombie- Britannique un article qui dit que les enfants peuvent être représentés, mais que dans la pratique cela ne se fait pas. Quelle est votre suggestion, si nous l'incluons dans la Loi sur le divorce, sur la façon de faire pour que nous puissions la mettre en application? Est-ce vraiment parce que vous pensez que la bourse fédérale va aider, que des fonds doivent être dégagés? Parce que le simple fait de mettre cet article dans la Loi sur le divorce, c'est la même chose que vous avez déjà dans les lois provinciales.
Mme Joyce Preston: Je m'excuse de ne pas avoir envoyé à l'avance le mémoire auquel je fais référence, vous ne l'avez pas. La loi provinciale dit effectivement qu'ils «peuvent» être nommés. C'est la loi en Colombie-Britannique.
Le sénateur Duncan Jessiman:
[Note de la rédaction: Inaudible]
Mme Joyce Preston: Oui, parce qu'alors les ressources ne sont pas discrétionnaires.
Le sénateur Duncan Jessiman: Bien, parfait.
Mme Joyce Preston: Sans cela, ce sera toujours la poule et l'oeuf—«C'est une bonne idée, mais nous ne pouvons pas nous le permettre cette année»—et ainsi de suite.
Le sénateur Duncan Jessiman: On nous a dit que les enfants d'un certain âge ne devraient absolument pas être près du tribunal lorsque les audiences se déroulent et qu'ils devraient être représentés par quelqu'un d'autre. Je pense que vous seriez d'accord avec cet énoncé.
Mme Joyce Preston: Je suis d'accord avec l'énoncé, mais j'ai une réserve. Je serais d'accord qu'il n'est pas sage dans toutes les circonstances que les enfants assistent aux procédures. Toutefois, pour certains enfants, il est très important qu'ils y soient, parce que la procédure est à leur sujet et que pour eux, d'être là, d'entendre et d'y participer est très important. Je laisserais donc cela au jugement d'une personne près de l'enfant et qui va jouer le rôle de défenseur de l'enfant—qu'il s'agisse d'un conseiller juridique ou d'un travailleur social—de sorte que leurs opinions soient représentées.
Je n'irais pas jusqu'à dire qu'ils ne devraient jamais être présents et je n'irais pas non plus jusqu'à dire qu'ils devraient toujours être présents, mais je voudrais...
Le sénateur Duncan Jessiman: Avez-vous des suggestions en ce qui concerne l'âge? Certains ont pensé que probablement à l'âge de 12 ou 14 ans; d'autres pensaient que ce pourrait être moins. Avez- vous des idées à ce sujet?
Mme Joyce Preston: Je pense que 12 ans, c'est trop vieux. Dans mon bureau, nous recevons des appels d'enfants qui ont à peine 8 ou 9 ans. Pour eux, c'est important d'être là, de participer à la procédure, parce que ce juge prend des décisions critiques pour eux. Pour certains enfants, c'est très important de voir et de vivre cette expérience. Le plus jeune qui ait appelé à mon bureau avait 8 ans et il voulait s'assurer que le juge savait ce qu'il pensait, parce qu'il n'était pas autorisé à aller devant le tribunal du fait qu'il n'avait pas 12 ans.
Le sénateur Duncan Jessiman: Merci beaucoup.
C'est tout.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Je ne suis pas certain qui veut être le prochain.
Sénatrice DeWare.
La sénatrice Mabel M. DeWare (Moncton, PC): Nous avons été témoins, au comité, de trois enfants... Bien, je ne devrais pas les appeler des enfants, je suppose. Une fille avait 15 ans et les deux autres avaient l'âge légal. Les trois supportaient leurs propres frères et soeurs, leur propre soeur ou demi-soeur. Une a dit qu'à l'âge de 12 ans—elle a 15 ans maintenant—elle avait le droit. Elle estimait que les enfants devraient avoir le droit de prendre une décision ou à tout le moins d'être entendus à cet âge.
Nous parlons de défenseurs qui appuieraient les enfants devant le tribunal. Nous avons également entendu beaucoup de personnes dire que l'aide juridique n'est pas disponible dans la plus grande partie du pays en raison des compressions. Que pensez-vous de l'aide juridique au sujet des familles? Comme vous le savez, la plupart de ces familles ont besoin d'aide et de soutien et trouvent qu'elles ne peuvent l'obtenir en raison des ressources. Avez-vous eu beaucoup de demandes de renseignements au sujet de l'aide juridique?
Mme Joyce Preston: Oui. C'est d'ailleurs l'une des principales critiques que nous entendons dans mon bureau dans le cas des différends relatifs à la garde et au droit de visite des enfants, à savoir qu'on ne peut obtenir d'avocat par l'entremise de l'aide juridique. Ce que vous entendez dans d'autres parties du pays s'applique également à la Colombie-Britannique.
Par contre, j'aimerais vous dire que si je peux revenir sur vos remarques d'ouverture, quand vous avez dit que leurs opinions devraient être entendues ou qu'ils devraient être autorisés à prendre une décision. Je pense qu'il est extrêmement important de faire une distinction entre entendre leurs opinions et en tenir compte, par opposition à qui prend la décision. Avoir voix au chapitre et pouvoir exprimer vos opinions ne signifie pas nécessairement que vous prenez les décisions. Mais nous devons écouter sérieusement ce qu'ils ont à dire et non prendre un air protecteur. Nous devons les entendre et les prendre en contexte, mais conserver notre obligation d'adulte de prendre de bonnes décisions en leur nom.
Je pense que ces opinions peuvent être représentées directement. Elles peuvent certainement l'être par des avocats, ce qui est la façon la plus répandue et sensée pour chacun, et nous n'avons aucune expérience...
J'ai souvent demandé à mes amis qui font partie de la magistrature pourquoi je ne pourrais pas représenter un enfant qui ne peut être présent, quelle que soit la circonstance. Bien qu'ils soient intéressés à ce que cela se produise, nous sommes actuellement organisés de façon à ce que vous devez être un avocat pour être présent. Je ne comprends pas tout à fait pourquoi nous ne pourrions pas donner un peu de marge de manoeuvre pour qu'il y ait un défenseur pour un enfant, une personne qui est tout simplement là pour exprimer ce qu'ils ont à dire, être leur porte-parole et pour les représenter à ce titre sans devoir entrer dans toute la question de représentation juridique des enfants. Je ne suis en tout cas certainement pas convaincue que ce doive être un avocat.
La sénatrice Mabel DeWare: Je pense que nous pourrions être d'accord avec vous, parce que la personne intéressée pourrait être une personne qui fait partie de la famille étendue et qui connaît la situation mieux que quiconque. Il peut s'agir d'une grand-mère ou d'une tante ou d'un autre parent, en plus des travailleurs sociaux qui doivent traiter de ces questions tous les jours. Donc je serais d'accord avec vous à cet égard.
Mme Joyce Preston: Le point critique dans tout cela, c'est que la personne qui représente les points de vue de l'enfant représente précisément leurs points de vue, et ne se présente pas avec son propre programme, et je pense que vous devez garantir une certaine neutralité de la part de la personne en question.
Mon travail à titre de défenseur de l'enfant, du jeune et de la famille en Colombie-Britannique est d'être le défenseur des gens, de m'assurer qu'ils ont tous les renseignements, qu'ils connaissent leurs droits et que leurs droits sont respectés, qu'ils ont une voix, qu'ils doivent obtenir une voix au chapitre dans les décisions qui les concernent et que les processus les incluent eux et qui que ce soit d'autre qui est important.
Mon travail n'est pas de prendre une décision dans le meilleur intérêt; c'est de m'assurer que le processus qui les entoure est juste.
Donc, lorsque nous songeons à des membres de la famille étendue pour représenter des enfants, ma seule petite inquiétude est que vous devriez vous assurer d'une façon ou d'une autre que cette personne est neutre, qu'elle ne se présente pas avec un point de vue particulier, mais qu'elle est vraiment là pour représenter l'enfant.
La sénatrice Mabel DeWare: Je peux certainement comprendre comment cela... Merci beaucoup.
Mme Joyce Preston: Je vous en prie.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Docteure Bennett, aviez- vous une question?
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Oui.
Je m'excuse d'avoir raté la plus grande partie de votre exposé, mais je pense que nous étions inquiets lorsque nous avons entendu en Ontario les ressources limitées dont dispose le bureau pour traiter des personnes dirigées, et qu'en fait ce ne soit que le groupe qui se présente en cours.
Une des orientations ou des thèmes qui revient continuellement, c'est celui de l'éducation. Est-ce que les gens savent réellement ce qui leur revient? Même dans le cas des personnes qui règlent hors cours, avez-vous été témoin d'un cas où parfois les enfants estiment qu'ils n'ont pas eu voix au chapitre en ce qui concerne le règlement à cause de la différence de pouvoir dans la famille, ou la décision a été prise sans que les enfants aient leur mot à dire, mais parce que le différend ne se rend pas au tribunal, on finit par supposer que tout va bien?
Y a-t-il à votre avis une suggestion que nous pourrions faire en tant que comité qui permettrait d'inclure la composante éducative pour la famille, y compris les enfants, comme par exemple la vidéo ou, comme on fait au Québec, où les enfants savent également le détail de ce qui peut survenir, de sorte que les gens ont l'impression qu'il n'y pas une seule façon de régler ces problèmes lorsque cela leur arrive?
Mme Joyce Preston: C'est une question très difficile.
Une de mes amis—et je n'ai aucune recherche pour appuyer ces statistiques—a dit qu'environ 90 p. 100 des séparations et des divorces finissent avec les gens qui décident nous allons faire ceci de telle façon et vous allez avoir cela et nous allons visiter ici et là, et environ 10 p. 100 de ces cas sont ceux dont nous, qui travaillons dans ce domaine, entendons parler et que ce sont ceux- là qui deviennent le point central de notre travail.
Il ne fait aucun doute dans mon esprit que dans cette tranche de 10 p. 100 nous devons avoir, à mon avis, une éducation obligatoire pour les parents. Je souligne le mot «obligatoire» parce que l'expérience nous démontre dans toutes les compétences où vous faites des recherches, que si c'est volontaire, la plupart des gens n'y vont pas. S'ils sont tenus d'y aller, ils disent presque toujours à la fin «c'est la meilleure chose que j'ai jamais faite. J'ai appris beaucoup; cela a changé toute ma façon de penser». Je suis tout à fait en faveur de l'éducation obligatoire en ce qui concerne les autres mécanismes de règlement des différends, y compris ceux qui sont respectueux des cas où la violence familiale est en cause.
Il y a beaucoup de travail qui s'est fait dans notre province, je ne sais pas pour ce qui est des autres provinces, en ce qui concerne l'utilisation de conférences préparatoires aux procès présidées par un membre de la magistrature. Nous y avons recours dans le domaine de la protection de l'enfant lorsque, avant qu'une cause se rende devant le tribunal, le juge préside une réunion pour déterminer quelles résolutions peuvent s'appliquer et pour déterminer quels sont les problèmes en suspens et alors, finalement, si le tout doit se rendre au tribunal, les enfants sont assurés d'une représentation juridique. Ce n'est pas discrétionnaire. Si vous franchissez ces étapes et que vous devez en débattre devant le tribunal, nous savons qu'il s'agit de querelles d'adultes et de processus d'adultes et que l'enfant est nettement désavantagé de ne pas avoir une représentation juridique.
Rendre la question d'éducation du public obligatoire plus que cela, pour les 90 p. 100 qui restent, c'est vraiment une idée intéressante—si je me sépare ou si je divorce, je ne peux obtenir mes papiers ou faire quoi que ce soit tant que je n'ai pas suivi pendant une heure ou trois heures, et toutes ces choses. Je pense que c'est parfait. Mais je veux d'abord qu'on s'intéresse à la tranche de 10 p. 100, parce que ce qui arrive dans cette tranche de 10 p. 100 est tellement néfaste pour les enfants. Un membre de mon personnel qui s'occupe d'un grand nombre de nos accueils initiaux m'a dit lorsque je lui parlais vendredi «Vous savez, il y a des jours où je veux tout simplement les prendre tous les deux et les secouer et leur dire, pour l'amour du Ciel, allez-vous accorder de l'attention aux enfants ici, et arrêter de parler de vos propres besoins et à quel point vous êtes en colère contre l'autre pour une raison ou une autre?»
Mme Carolyn Bennett: Vous avez raison.
Mme Joyce Preston: Je pense donc que dans un monde parfait ce serait l'autre extrémité, mais commençons par la première tranche de 10 p. 100.
Mme Carolyn Bennett: C'est une question que j'ai déjà posée.
Donc dans les 10 p. 100 qui aboutissent devant les tribunaux, pensez-vous que les enfants devraient toujours avoir un représentant?
Mme Joyce Preston: Oui.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: Nous avons eu d'autres audiences, au moment où le projet de loi C-41 était à l'étude à la Chambre et au Parlement. Dans certains groupes qui ont comparu devant nous, en particulier les groupes représentant des hommes parce que 90 p. 100 des parents qui n'ont pas la garde sont les hommes, ils disaient qu'ils n'avaient pas accès à leurs enfants tel que l'avait ordonné le tribunal et ils pensaient que c'était injuste qu'ils soient obligés de verser des aliments. Ils allaient retenir les paiements, ils savent tous maintenant que ce n'était pas correct. Ils ne devraient pas; on ne devrait pas réagir à l'autre. Mais ils posent la question, quel est notre choix?
Il ne semble pas y avoir de choix. Si un parent qui a la garde ne donne pas le droit de visite, les tribunaux sont très réticents. Ils prennent des ordonnances prévoyant que vous donnez un droit de visite. Il y a un cas en Ontario pour lequel, après que le parent qui avait la garde eut refusé 22 fois le droit de visite à la personne qui versait les aliments, elle a été condamnée à la prison.
J'ai deux questions. La première a rapport à ceci: lorsque le parent qui n'a pas la garde ne paie pas, on a modifié la loi maintenant de sorte que l'on peut retirer le permis de conduire; on peut également retirer le passeport.
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J'aimerais connaître votre avis, si vous en avez un à ce sujet, si
vous pensez que ce serait juste si un parent qui a la garde refuse
le droit de visite même si le parent qui n'a pas la garde se
présente, que le passeport ou le permis de conduire du parent qui
a la garde puisse être retiré. Les tribunaux ne l'enverront pas en
prison pour outrage.
Mme Joyce Preston: Sénateur Jessiman, j'adopte toujours une solution qui, pour moi, est axée sur l'enfant, j'espère plutôt que d'adopter une solution punitive à l'endroit de l'un ou de l'autre.
Il y a des ententes au sujet de la garde et du droit de visite qui semblent être pour toujours acrimonieuses, par exemple, «Nous ne nous entendrons jamais, et ce sera à chaque fois un combat», et je pense qu'il y a des façons de mettre sur pied des centres de service qui peuvent agir en tant qu'intermédiaires en ce qui concerne ces ententes, qui peuvent même être rattachés au système judiciaire ou quelque chose comme cela. Le recours au système punitif n'est jamais à l'avantage des enfants. Il punit en quelque sorte les adultes et il y a escalade qui finit par une guerre et rien dans tout cela n'est à l'avantage des enfants.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec cela, mais c'est certainement arrivé et je ne pense pas qu'il y en ait beaucoup qui se soient plaints, y compris les groupements d'hommes—du moins je ne pense pas qu'ils se soient plaints. Dans le cas de ceux qui ne paient pas et qui peuvent payer, leur permis de conduire et leur passeport leur sont enlevés. Donc, si c'est bon pour l'un, pourquoi est-ce que ce ne le serait pas pour l'autre?
Mme Joyce Preston: Parce que je pense que c'est une question de soutien financier pour les enfants. La question des droits de visite est différente.
Le sénateur Duncan Jessiman: Bien.
Mme Joyce Preston: Je ne pense pas qu'ils devraient être jumelés. Je pense que c'est très dangereux de les jumeler parce que nous donnons en quelque sorte plus de valeur au point de vue que les enfants sont une denrée. Nous parlons de la vie de ces enfants à mesure qu'ils vieillissent, du principe selon lequel c'est parfait s'ils ont deux parents et ont de bons rapports avec eux. Puis vous faites ce que vous pouvez avec cela comme fondation.
Le sénateur Duncan Jessiman: En supposant que les circonstances sont telles que les deux parents ont la capacité de s'en occuper—et il y a quelqu'un d'autre qui en a fait la suggestion; cette idée n'est pas de moi—diriez-vous qu'une fois que le droit de visite a été refusé un certain nombre de fois nous devrions avoir une disposition dans la loi qui dit que dans ces conditions, la garde devrait être donnée à l'autre parent?
Mme Joyce Preston: Non, je ne dirais pas que cela doive être automatique, parce que c'est...
Le sénateur Duncan Jessiman: Mais est-ce que le juge devrait avoir ce pouvoir? Bien, il l'a, mais...
Mme Joyce Preston: Je rendrais obligatoire les autres mécanismes de règlement des différends parce que si nous nous contentons de dire que le juge peut l'ordonner en ce qui a trait aux adultes, nous ne prenons pas des décisions axées sur l'enfant. Je dirais qu'ils soient tenus de recourir à ces autres mécanismes obligatoires de règlement des différends et qu'alors, le juge a le pouvoir de dire qu'il ou elle a entendu cette chicane une fois de trop; par conséquent ils doivent recourir à ces services de médiation, des services de négociation quelle que soit l'ampleur.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je ne pense pas qu'il y ait eu d'objections à ce que je vais vous suggérer, parce que nous avons entendu des témoins qui sont pour et d'autres qui sont contre.
Nous avons reçu des plaintes de parents qui n'ont pas la garde au sujet du paiement—pas le montant—au parent qui a la garde, à savoir si le parent qui a la garde l'utilise effectivement au profit des enfants. Et certains ont prétendu, comme l'ont fait d'autres groupes agissant au nom de parents qui ont la garde, que dans certaines circonstances et à certains âges, il serait certainement juste que l'argent aille directement à l'enfant et qu'alors l'enfant paie sa pension à sa mère ou au parent qui a la garde.
Premièrement, êtes-vous d'accord avec cet énoncé? Je vous dis que des groupes des deux allégeances ont dit que dans certaines circonstances ils pensent que ce serait juste. Et si vous n'êtes pas d'accord avec cet énoncé, vous allez me le dire. Ma deuxième question est, si vous êtes d'accord que cela se fasse dans certaines circonstances, à quel âge? Ou est-ce que cela aussi changerait selon la personne?
Mme Joyce Preston: La capacité d'administrer des fonds au nom des enfants, autrement que lorsque c'est l'un des deux parents qui le fait, dans certaines circonstances est probablement un mécanisme utile, dans la mesure où nous ne supposons jamais que nous y aurions recours dans tous les cas. Si cela avait pour effet de neutraliser les querelles au sujet de l'argent de sorte que l'accent puisse être mis sur le bien de l'enfant, je suis en faveur. C'est parce que les querelles d'argent peuvent être extrêmement dominantes. J'aimerais que ce soit dans les recours possibles du juge, mais que ce ne soit pas obligatoire.
Le sénateur Duncan Jessiman: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice Pearson.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.)): J'aurais une petite question. Je ne suis pas certaine si c'est comme cela que ça fonctionne, mais nous savons qu'en vertu de la Loi sur le divorce, lorsque vous vous rendez d'abord chez un avocat pour parler de divorce, l'avocat est tenu de signer un document disant qu'il a parlé à la personne venue le consulter de la médiation. Évidemment, ce n'est pas toujours ainsi que ça se passe.
Mme Joyce Preston: Tout dépend de la façon de le dire à quelqu'un.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Mais il n'y a aucune obligation de dire à la personne qu'il faut écouter ce que les enfants ont à dire. Est-ce que ce serait une solution possible? Est-ce que cela aiderait à amener les personnes à penser à obtenir le point de vue de l'enfant?
Mme Joyce Preston: Je ne pense qu'il y ait un simple énoncé comme celui qui dit que vous avez un droit à une médiation si cela convient. Je pense que nous devons nous retourner du côté de l'éducation obligatoire, et faire en sorte que cette éducation obligatoire explique pourquoi il est important de tenir compte des points de vue de vos enfants. Ils ne sont pas des non-personnes dans tout ce processus. Le faire sous la forme d'une ou de deux phrases dans un document ou quelque chose du genre, je doute que ce soit efficace. Mais en supposant que les gens doivent venir assister pendant une à trois heures, période pendant laquelle nous pouvons leur démontrer, même en utilisant la vidéo, à quel point les opinions des enfants sont importantes et comment cela pourrait modifier la façon dont vous vous comportez.
«Je déteste lorsque vous deux êtes toujours en train de vous quereller au sujet de l'argent» est une chose qu'un enfant pourrait dire à ses parents. J'ai vu des parents tellement pris par leurs querelles qu'ils ont oublié les répercussions que cela avait sur les enfants. Je ne sais pas si cela serait...
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Un petit programme obligatoire qu'ils seraient tenus de suivre permettrait au moins de passer le message.
Mme Joyce Preston: Oui, je suis d'accord.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Les documents seraient remis à chaque personne, tandis que la question de devoir parler de la médiation dépend entièrement de ce que l'avocat dit.
Mme Joyce Preston: Oui, vous auriez cette cohérence. Vous auriez, sous la forme d'une éducation obligatoire, les opinions de l'enfant.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je ne pose pas souvent des questions dans ce comité, mais je voulais en poser une ce matin. Comme vous le savez, l'opinion d'un enfant ou des enfants d'un mariage peut être entendue au moment du divorce lorsque la garde et le droit des visites sont en cause. Mais les problèmes surviennent souvent bien des années plus tard.
Je vais vous donner l'exemple d'un cas où, au moment du divorce, la garde et le droit de visite n'étaient pas un problème. Il y avait un enfant. Six ans plus tard, à l'âge de 10 ans, l'enfant déclare qu'elle ne veut pas voir son père. Elle le dit par l'intermédiaire de sa mère, et non de sa propre bouche. La mère ferme alors unilatéralement le droit de visite.
Comment pouvez-vous, en tant que défenseur d'un enfant, assurer le tribunal, l'autre parent, et le grand public que l'avis de cette enfant est en réalité un avis objectif, et non celui de la mère? Comment pouvez-vous, six ans plus tard, dire que vous voulez écouter ce que l'enfant a à dire alors qu'en fait son avis peut avoir, je dirais, été empreint de six années de vie avec un parent qui lui a laissé entendre que le parent qui n'a pas la garde est moins compétent?
Mme Joyce Preston: Puis-je dire en partant que personne dans le processus n'est à l'abri d'influencer quelqu'un d'autre. Si nous pensons pouvoir obtenir l'objectivité pure, nous l'aurons, du moins d'après ce que je sais du monde.
C'est une objectivité relative. Je pense que ce dont vous avez besoin dans de telles situations, ce sont des avocats compétents du tribunal de la famille, quelle que soit l'étiquette que vous leur donniez, qui pourraient procéder à une évaluation au nom du tribunal en ayant recours à des personnes qui sont importantes dans la vie de l'enfant ou dans la vie de l'adolescent pour aider le tribunal à comprendre où se situe l'enfant par rapport à tout cela. Même si une partie de la raison pour laquelle ils ont atteint ce point c'est l'influence du parent.
C'est là où se situe l'enfant actuellement. Quelle est sa résistance? Est-ce que quelqu'un lui a expliqué étape par étape ce que cela signifie en fait de rapports à long terme avec les deux parents et toutes ces choses? Je pense que l'enfant a besoin d'une certaine aide indépendante de ce côté, mais nous devons tenir compte qu'il puisse s'agir de là où ils en sont dans le temps. Je ne pense pas que qui que ce soit dans la famille puisse faire cela.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous faites un certain nombre de recommandations d'ajouter plusieurs niveaux d'expertise dans le système. Comme vous le savez, il y a un prix élevé qui se rattache à cela et, vous êtes peut-être au courant, il y a un virage parce que ces services relèvent de la compétence provinciale. Nous sommes un comité du gouvernement fédéral et nous en sommes conscients.
C'est donc bien de faire ces recommandations, mais je pense que la réalité est qu'il n'y a rien de tout cela qui est susceptible de passer. Je vous demanderais au moment où nous nous apprêtons à faire intervenir un plus grand nombre de spécialistes dans le système, qui d'après vous devrait les payer? Est-ce que ce sont les parties au litige, ou est-ce que ce sont les deniers publics?
Mme Joyce Preston: Je pense que ce devrait être les deux et je pense également qu'avec le temps, mais non au départ, les coûts qui sont économisés du fait qu'il n'y a pas de procédures acrimonieuses et prolongées devant les tribunaux permettra en fait de financer l'autre. Mais au départ vous devez avoir les deux, ce qui est le cas d'un grand nombre de programmes.
S'ils sont bien organisés au tout début, alors je pense que vous allez éviter la situation où chaque fois que vous ne me rappelez pas nous allons devant les tribunaux pour dire au juge que vous n'avez pas fait à la lettre ce que vous aviez dit. Les coûts pour cela sont indécents. Je pense qu'avec le temps nous allons réaliser des économies.
L'inquiétude au sujet de le faire autrement que dans le cadre d'un programme public est la répercussion qu'il a sur les personnes qui n'ont pas les moyens, et ce sont souvent des femmes, ce que disent de façon bien claire les statistiques. Cela devient une préoccupation lorsque nous prenons des décisions au sujet des enfants.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup. Le temps est écoulé et nous vous remercions d'avoir été la première. C'était relativement tôt. Merci d'être venue.
Mme Joyce Preston: Je vous en prie.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Parlant d'essayer de respecter l'échéancier, je demanderais si Mme McIvor, de la Native Women's Association de la Colombie-Britannique est ici.
Nous allons interrompre nos travaux jusqu'à l'arrivée de Mme McIvor. Étant donné que nous n'avons pas de témoin, nous allons faire une pause.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Le comité reprend ses travaux.
La personne qui devait témoigner ici à 9 heures n'est pas encore arrivée. Pour la prochaine période, nous avons Ruth Lea Taylor et Laraine Stuart. Est-ce correct? Les deux sont ici? Ainsi que le Dr Colleen Varcoe et Angie Lee?
Une voix: Elles sont de Women in Action.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): C'est donc le Vancouver Coordinating Committee qui est ici au grand complet aujourd'hui?
Une voix: Le Vancouver Coordinating Committee est ici, mais ils sont à l'extérieur. Le groupe Women in Action est ici.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Bien, elles sont toutes deux de la même organisation.
Très bien, vous pouvez commencer, s'il vous plaît avec un court exposé. Parfois il y a des questions, mais vous n'avez jamais plus de temps que vous pensiez avoir. Veuillez commencer.
Mme Angie Lee (membre, Women in Action): Bonjour. Je suis l'une des deux représentantes de Women in Action ici aujourd'hui.
Les membres de Women in Action ont toutes vécu la violence. Nous venons de cultures et de milieux différents. Depuis les deux ans que nous travaillons ensemble, nous avons fait sans financement d'un organisme. Nous faisons publier chaque année un article dans un journal local dans l'espoir d'informer le grand public sur les réalités des femmes et des enfants qui cherchent à fuir un milieu de violence. Women in Action vient tout juste de recevoir un financement de premier niveau pour «Action V-search» au sujet des femmes qui ont vécu de la violence.
Le processus visant à déterminer la garde et le droit de visite m'a porté un dur coup, parce que j'avais l'impression que le système fonctionnait. Ce n'est pas le cas. Ce que j'ai vu, c'est un système qui utilise des moyens brutaux pour évaluer la garde et le droit de visite, qui n'a aucun critère publié pour définir le travail des psychologues; qui n'a aucun processus publié en place, aucune liste de psychologues disponibles pour effectuer l'évaluation, et aucune compréhension quant aux dommages financiers à long terme pour une famille.
Plus que tout, c'est vrai que ma fille a appris des agents de la paix qu'ils interviennent seulement lorsqu'une violence physique est faite, une de préférence qui ferait que je sois hospitalisée; que les juges et les avocats jouent avec la loi comme ils jouent aux cartes; et que les psychologues doivent être craints et non être crus. De fait, ces professionnels qui sont censés aider ne le font pas. C'est l'image que nous donnons aux jeunes. Il faut faire mieux.
Je suis une mère de deux enfants âgés de 12 et 14 ans. Nous avons laissé notre domicile une soirée à l'Action de grâce en 1994. Pendant des années nous avons vécu dans la terreur absolue des agressions émotives et verbales croissantes, de l'accroissement de la violence, de l'humiliation et du comportement devant mes enfants, des blessures à mon corps—hypertension, craintes selon mon docteur d'une hypertrophie du coeur, des avertissements d'une insuffisance rénale ou d'une insuffisance d'un autre organe, et des faiblesses physiques. Je pesais 85 livres.
Je voulais vivre. Je savais que si j'étais restée je serais morte. Il m'aurait infligé des coups sans même me toucher, jusqu'à ce que je meurs, ou il m'aurait tout simplement éliminée. Et après ce boucan lors d'une nuit de l'Action de grâce, nous nous sommes enfuis.
J'avais été craintive de rester et j'avais peur de rester. Ma confiance et mon estime de soi ont été pulvérisées. Ce qui m'a fait quitter, ce sont mes enfants. Chaque fois que le carnage commençait, je pouvais entendre ma fille sangloter dans sa chambre, «Arrête, arrête, s'il te plaît arrête». Mon fils s'enfuyait dans une autre pièce et montait le volume du téléviseur jusqu'à ce qu'il soit à tue-tête. Il prétendait que tout allait bien. Il cachait ses émotions.
Nous avons vécu en essayant de faire plaisir à «papa», mais la violence venait toujours. Nous ne pouvions contrôler les images qu'il déformait, les faits ou les mots datant de deux jours, d'un mois, de cette année ou de quinze ans—quelque chose que j'avais dit ou omis de dire, ou quelque chose que quelqu'un d'autre a dit ou n'a pas dit; cela n'avait pas d'importance.
Nous avons vécu en menant une guerre, une guerre qui s'est déroulée à Burnaby, seule au milieu de tous ces gens. Nous n'avons pas besoin de regarder dans d'autres pays pour trouver des victimes. Elles sont ici. Nos voisins, familles, amis, collègues et connaissances et les enfants de la guerre n'ont pas cette énergie, ce temps ou l'argent après avoir essayé de survivre à leur guerre pour mener celle avec les professionnels que nous avons rencontrés, avec l'échec du processus, l'insensibilité, l'indifférence, l'arrogance et l'attitude hautaine des personnes qui ont le pouvoir de prendre des décisions. C'est trop.
• 1220
Par égard pour celles qui, en raison de barrières
linguistiques, de l'absence de soutien de la famille ou des amis ou
en raison de contraintes financières, craignent de demander ou
d'aller plus loin, par égard pour celles qui vivent des barrières
culturelles ou dont la santé est chancelante, et par égard pour
celles qui continuent de vivre la guerre, je n'ai pas peur de dire
ce que je pense.
Women in Action désire que nous soyons toutes entendues et a un certain nombre de recommandations.
Un, obliger les psychologues et les autres professionnels qui font des évaluations à: a) avoir de solides connaissances en matière de violence familiale et de terrorisme à la maison; b) comprendre la dynamique des enfants qui ont été témoins de violence; c) croire les enfants qui disent qu'ils craignent un parent et qui ont des témoins, au-delà de la famille et des amis, qui ont vu que les enfants craignaient ce parent.
Deux, considérer le paiement des pensions alimentaires pour les enfants et les droits de visite comme deux questions distinctes. Puis-je faire entrer de force mon enfant de 14 ans dans une auto pour visiter son père? Dois-je me battre avec elle? C'est une idée aussi absurde que l'idée de trahir sa confiance. Si je le faisais, je la forcerais à vivre dans la rue.
Trois, considérer en priorité la sécurité des femmes et des enfants au moment de déterminer les droits de garde et de visite, les échanges supervisés et les visites. Cessez d'envoyer les enfants chez un parent maltraitant qui, selon le psychologue, est susceptible de devenir violent envers ses proches lorsqu'il n'a plus de famille ou d'amis à qui il peut s'associer. Qui est alors la seule personne de qui le parent est proche? Ce n'est pas à un enfant de combler ce vide. Arrêtez de permettre des droits de visite à un parent qui n'est pas réhabilité.
Quatre, les enfants qui sont témoins de violence doivent être protégés contre le traumatisme continu et futur. Une histoire de comportement violent devrait être un motif suffisant pour limiter les contacts ou la garde.
De même, cesser d'insister pour qu'un enfant qui est terrifié par un parent doive être confronté à celui-ci dans le bureau d'un psychologue pour que le psychologue constate la peur. Cessez de croire que les enfants qui ont appris à cacher leurs émotions parce qu'ils ont été témoins ou victimes de violence montreront de la peur d'une manière prédéterminée. Pleurer, cacher ses sentiments ou montrer une réaction de surprise ont été extirpés de ces enfants. Cessez de penser que des enfants sont à l'aise de visiter un étranger dans un endroit étranger pour parler de leurs sentiments.
Cinq, considérer la nature grave de la violence psychologique, verbale ou physique. Est-ce que mes enfants ou moi-même devons être battus ou mourir avant que l'on nous croie?
Six, limiter les coûts des procédures relatives à la garde et aux droits de visite, qui peuvent dévaster une famille financièrement. Il a fallu un an pour compléter l'évaluation. Cette partie seulement m'a coûté 10 380 $. Cessez de permettre au psychologue de demander des honoraires de 4 000 $ pour pas plus de 15 heures de travail.
En conclusion, j'ai pris le risque de raconter mon histoire et celle d'autres personnes, et j'ai prélevé de l'énergie et du temps sur mon emploi—l'énergie et le temps pour soutenir mes enfants dans leur colère; l'énergie et le temps pour partager les préoccupations quotidiennes que peuvent avoir des enfants pré- adolescent et adolescent; et l'énergie et le temps pour les activités quotidiennes d'entretien d'une maison. J'espère que cette fois je ne l'aurai pas fait pour rien.
Merci.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci.
Docteur Varcoe, désirez-vous ajouter quelque chose?
Dr Colleen Varcoe (Membre, Women in Action): Je veux seulement ajouter qu'Angie a fait part d'une certaine façon de son propre cas, mais elle représente d'abord et avant tout un groupe de femmes qui vivent des expériences semblables. Nous nous sommes unies pour travailler ensemble à mettre fin à la violence. Ce sont toutes des femmes qui ont quitté des relations où elles subissaient de la violence et qui essaient de faire une certaine différence au moyen de différentes formes d'actions—rédaction de lettres, soutien à d'autres femmes, campagnes dans les médias ou toute autre action qui peut leur sembler appropriée.
Par-dessus tout, mon rôle est de travailler avec des femmes qui font de la recherche-action, ce qui fait que nous représentons en plus les femmes qui m'ont parlé directement dans le cadre du processus de recherche.
Je pense que l'expérience d'Angie est très représentative de celle des femmes qui sont placées en position d'essayer de protéger leurs enfants pendant les procédures en matière de garde et de droit de visite, lorsqu'il y a de la violence dans la famille.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. Y a-t-il d'autres questions?
Le sénateur Duncan Jessiman: Dites-moi, à propos de Women in Action. Qu'est-ce que c'est? En êtes-vous toutes les deux membres? Où est-ce? Est-ce partout en Colombie-Britannique, ou seulement à Vancouver?
Dr Colleen Varcoe: Nous sommes dans la région de Vancouver, Burnaby et New Westminster.
Le sénateur Duncan Jessiman: Combien avez-vous de membres?
Dr Colleen Varcoe: Cela varie. Les femmes d'une certaine façon vont et viennent. Je dirais qu'il y a environ 20 membres actuellement.
Le sénateur Duncan Jessiman: Avez-vous un bureau?
Dr Colleen Varcoe: Nous avons un espace à bureaux dans un service de consultation.
Le sénateur Duncan Jessiman: Votre organisation est-elle subventionnée d'une quelconque façon par le gouvernement?
Dr Colleen Varcoe: Nous n'avons pas de subvention. Nous avons reçu de petites bourses, et plus récemment, nous avons reçu une petite bourse de recherche de la B.C. Health Research Foundation. Je suis coordonnatrice du VINA Coordinating Committee. Je ne sais pas si vous connaissez cela, mais en Colombie-Britannique, la plupart des collectivités disposent de comités de coordination formés de conseillers, de policiers, du ministère de l'enfance et de la famille et de prestataires de services qui s'occupent de la violence faite aux femmes ou aux enfants.
Notre collectivité n'est pas subventionnée. À titre de présidente de ce comité, nous avons essayé de faire une certaine évaluation de nos services et de notre façon de travailler ensemble. Nous avons essayé de trouver quelques femmes qui ont utilisé ces services qui pourraient nous conseiller à propos de la recherche que nous essayons de faire. Dans ce processus, bon nombre de femmes nous ont dit qu'elles aimeraient participer plus activement que comme conseillères des prestataires de services. C'est de là qu'est né le comité il y a environ deux ans.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je viens du Manitoba et je sais que dans notre province il y a une politique de tolérance zéro envers la violence sous toutes ses formes. Je sais aussi, et je suppose que vous le savez, que c'est vraiment le gouvernement provincial qui doit faire appliquer les ordonnances qui sont émises. Est-ce une histoire qui date de quelques semaines ou de quelques mois? Est-ce que cela arrive encore? Vous répondez oui. Ils ne peuvent l'écrire si vous ne faites qu'opiner de la tête et que nous n'entendons pas. Ce n'est pas enregistré.
Dr Colleen Varcoe: Je ne savais pas que vous aviez fini de parler.
Le sénateur Duncan Jessiman: Pardon, vous faisiez signe de la tête, aussi je pensais que vous répondiez.
Dr Colleen Varcoe: Non, je vais attendre que vous ayez fini de parler, pardon.
Le sénateur Duncan Jessiman: Donc, le gouvernement de la Colombie-Britannique n'a pas de politique de tolérance zéro en ce qui a trait à la violence exercée par les parents qui ont la garde. Est-ce votre compréhension de la politique de la Colombie- Britannique?
Mme Angie Lee: Si vous faites référence à rien d'autre que...
Le sénateur Duncan Jessiman: Je parle de la violence faite aux femmes—toutes les formes de violence dont vous avez parlé précédemment.
Mme Angie Lee: Non, à partir de ma situation et de celle d'autres personnes qui ont parlé à notre comité ou qui en sont membres, nous entendons souvent parler de gens qui sont chargés d'appliquer la loi qui rient et qui disent: «Désolé, vous n'avez pas atterri à l'hôpital; vous avez êtes partie trop vite».
Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce là votre expérience personnelle?
Mme Angie Lee: J'ai vécu cette expérience à deux reprises.
Le sénateur Duncan Jessiman: Cela a eu lieu il y a combien de mois ou combien d'années?
Mme Angie Lee: C'était il y a trois ans, et c'est encore comme cela.
Le sénateur Duncan Jessiman: Cela vous arrive encore.
Mme Angie Lee: Oui. J'ai choisi mon appartement en fonction de la sécurité qu'il me procure ainsi qu'à mes enfants. Je dois aller chercher mon fils. Je ne peux pas permettre à son père de le ramener, parce que j'ai peur que si son père sait où nous habitons, nous ayons des problèmes. Aussi, chaque fois, je vais chercher mon fils, je roule d'abord dans le voisinage, regarde sur le toit et la voie d'accès pour l'auto, car j'ai toujours peur qu'il puisse être là. Je ne pense pas qu'il soit bien.
Dr Colleen Varcoe: Nous parlons avec bon nombre de femmes, y compris des femmes qui ne font pas partie de notre groupe. Mais certainement qu'au moyen de ma recherche—et ma recherche a débuté principalement dans les établissements hospitaliers—j'ai découvert que les femmes vivent continuellement dans la peur, et lorsqu'elles doivent entrer en contact avec leur ex-conjoint pour permettre aux enfants de le voir, elles sont soumises à toutes sortes de formes de violence, de la violence psychologique à la violence physique.
• 1230
Nous sommes aussi en contact avec des femmes qui doivent
choisir pour quel enfant elles essaieront d'obtenir la garde. Une
femme en particulier a un fils qui continue de vivre avec un père
très violent parce qu'elle craint que si elle tente d'obtenir la
garde de ce fils, elle perdra la garde de ses enfants. Je pense que
la recherche menée en Colombie-Britannique montre qu'il s'agit là
d'une réelle possibilité.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Docteure Bennett.
Mme Carolyn Bennett: J'étais intéressée par votre évaluation des experts-évaluateurs. Manifestement, les femmes de votre groupe ont eu de mauvaises expériences dans ce domaine et ont l'impression que certains experts-évaluateurs ne comprennent pas vraiment le contexte de la violence.
Que nous suggéreriez-vous en ce qui a trait à l'accessibilité pour les femmes, comme les femmes de votre groupe, à de meilleures évaluations? Selon mon expérience, il est évident qu'il en coûte des sommes d'argent énormes lorsque l'évaluation qui est faite ne semble pas adéquate. Comment traitons-nous le fait que dans presque toutes les situations, une partie ou l'autre ne sera pas satisfaire de ce que l'expert-évaluateur a dit? Comment pourriez-vous aider le comité à s'assurer que l'expertise concernant cette question précise de la violence est disponible pour les tribunaux?
Mme Angie Lee: Dans mon cas, le soi-disant jugement concernant la garde et la visite m'était favorable à bien des égards, mais même s'il m'était favorable, je demeure en désaccord avec cette façon de faire. Encore une fois, nous plaçons les enfants dans des situations qui les traumatisent.
Je pense que les personnes qui font partie du programme pour les enfants qui ont été témoins de violence seraient plus à même de répondre à cette question. J'insisterais en tout cas pour demander que les personnes qui rendent ces jugements et qui sont en contact avec les enfants dans ces périodes de fragilité émotionnelle aient une bonne connaissance de la violence familiale et de la situation des enfants qui ont été témoins de violence.
Selon ma perspective et mes antécédents, je serais mal avisée de faire une suggestion autre que celle-là. Vous devez aller vers ces enfants qui ont été témoins de violence et vers les professionnels qui sont en contact avec eux, qui travaillent avec eux et avec leurs parents.
Dr Colleen Varcoe: Je voudrais simplement compléter ce qu'Angie vient juste de dire, à savoir que la connaissance de la violence familiale et de sa dynamique est absolument essentielle, tout comme il est important d'aider les femmes à avoir recours à des psychologues et à des experts-évaluateurs qui auraient ce genre de connaissance et de compréhension, qui, à prime abord, traiteraient leurs enfants avec sensibilité alors qu'ils vivent le processus d'évaluation.
Mme Carolyn Bennett: Existe-t-il des recherches sur la question des enfants témoins de violence? Cela ne semble pas très connu. Pourrait-on apporter de l'aide par un aspect éducatif?
Dr Colleen Varcoe: Il existe de la documentation, mais je crois que vous avez raison de dire que c'est limité. De très bons rapports ont été publiés sur la garde et le droit de visite ainsi que sur les enfants témoins de violence, mais je ne connais pas de recherche approfondie.
Mme Carolyn Bennett: Savez-vous si l'étude longitudinale que nous regardons avec les enfants prendra cet aspect en considération?
Dr Colleen Varcoe: Je ne sais pas, je suis désolée.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci.
Madame Longfield.
Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Merci.
Nous avons entendu tout au long de ces audiences, et vous y avez fait allusion, parler du coût de tout ce processus. Par ailleurs, nous avons aussi entendu qu'il fallait que plus de professionnels soient impliqués. Comment pouvons-nous équilibrer le besoin d'ajouter des professionnels et l'accroissement des coûts?
Mme Angie Lee: Je pense que si les critères du processus étaient publiés et que si les gens considéraient le taux horaire de ces personnes qui sont les psychologues qui font les évaluations...
J'ai ressenti comme une perte. Je ne savais pas ce qu'était le processus. Je ne savais pas combien coûtait une évaluation. Je pense qu'il est important que le processus soit connu, et qu'un coût estimatif soit attaché au processus.
Mme Judi Longfield: Mais même si nous connaissons le coût... Dans bien des cas, qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme, le coût des poursuites, le coût d'un avocat pour l'enfant lorsque c'est nécessaire, ou d'un évaluateur indépendant—comme je l'ai dit, que l'on connaisse ou non les coûts—lorsque l'on atteint 20 000 $, 30 000 $ ou 40 000 $, c'est tout simplement prohibitif.
Dr Colleen Varcoe: Je pense que vous faites ressortir quelque chose qui s'est produit récemment, qui constitue une restriction sérieuse à l'aide juridique. Je ne sais pas si vous avez le pouvoir d'influencer cette situation, mais c'est certainement lié très directement. C'est une réforme en profondeur qui est nécessaire, particulièrement dans des situations de ce genre, alors que les femmes commencent déjà avec des moyens financiers moins importants.
Mme Judi Longfield: À part la suggestion que nous aidions en termes d'aide juridique, vous n'avez pas d'autre proposition concrète pour nous? Je sais que nous nous battons tous avec cela nous-mêmes.
Mme Angie Lee: Y a-t-il un organisme qui examine le processus utilisé par les psychologues? Y a-t-il quelqu'un qui s'assure qu'ils font leur travail?
Mme Judi Longfield: Selon moi, il serait injuste de supposer que chaque professionnel qui demande des honoraires que vous trouvez trop élevés ne fait pas son travail. Ce sont des professionnels et ils méritent de pouvoir demander les honoraires qu'ils demandent.
Je suis préoccupée par la question des honoraires, mais je suis aussi préoccupée par le fait que même s'ils demandaient des montants minimaux, même si vous obteniez un meilleur prix, un tarif réduit, en continuant d'ajouter une couche après l'autre...
Mme Angie Lee: Même ce processus où ils prennent un an pour faire une évaluation, on m'a dit de ne pas aller du côté des ressources humaines parce que ce serait trop long. Et en plus il a fallu un an au psychologue pour rédiger son rapport.
Vous devez comprendre que le coût initial de, disons 4 000 $, n'est rien en comparaison des autres coûts. Mon avocat m'a dit que je ne pouvais demander une pension alimentaire après deux ans et demi, tant que l'évaluation ne serait pas terminée. Il n'y a donc pas eu de pension alimentaire.
Je ne peux pas aller du côté de la répartition financière des biens tant que l'évaluation n'est pas terminée, et il y a d'autres coûts supplémentaires—les coûts de logement. Il habite toujours la maison. Il paie environ 200 $ d'hypothèque par mois. Je paie 900 $ de loyer. Je pense que le 4 000 $ n'est rien en comparaison des 30 à 35 000 $ que je dois à mes avocats.
Pendant cette année de délai, une foule de choses surviennent à nouveau en raison même du délai.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Je crois que le temps prévu pour ce groupe est terminé.
Dr Colleen Varcoe: Ma fidèle assistante de recherche a apporté une série de références sur les enfants qui font partie de ce programme. Si vous désirez les avoir, je vous les remettrai.
Mme Judi Longfield: Merci.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Si vous pouviez les remettre au greffier, nous pourrions ensuite les distribuer à tout le monde.
Dr Colleen Varcoe: Merci infiniment de votre attention.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Comment avez-vous entendu parler du comité et avez-vous ensuite communiqué avec nous? C'est seulement à titre d'information. Je vais le demander aux groupes aujourd'hui.
Mme Angie Lee: C'était par...
Dr Colleen Varcoe: Je crois que c'est relativement bien connu dans les comités de coordination contre la violence dans les collectivités. Nous savions que des audiences seraient tenues.
Mme Angie Lee: Puis-je faire une suggestion?
Si je n'avais pas travaillé pour Women in Action, je ne l'aurais pas su, mais j'aurais aimé venir. Ma crainte, c'est que bien souvent les femmes qui vivent ce genre de situation ne sont pas mises au courant. Je me demandais s'il arrivait que d'autres comités du Sénat fassent de la publicité dans les journaux locaux, fournissent des traducteurs aux personnes dont l'anglais n'est pas la langue d'usage et mentionnent même que certaines dépenses liées à l'absence du travail peuvent être remboursées. J'espère que cela fera partie de vos considérations, ou de celles des futurs comités du Sénat.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Une correction mineure: il s'agit d'un comité parlementaire mixte, c'est-à-dire de la Chambre des communes et du Sénat. C'est toujours une question de ressources. Dans notre cas, une publicité à l'échelle nationale représente une somme très importante, aussi nous nous en sommes tenus aux journaux locaux. Mais si un journal local ne l'a pas publié... Quoi qu'il en soit, merci de votre suggestion. Elle est enregistrée.
J'aimerais appeler nos prochains témoins, Ruth Lea Taylor et Laraine Stuart, s'il-vous-plaît, du Vancouver Coordinating Committee.
Bonjour. Nous disposons de 20 minutes, veuillez donc procéder.
Mme Ruth Lea Taylor (Vancouver Co-ordination Committee on Violence Against Women in Relationships): C'est très intéressant comme introduction. Je suis avocate et je pratique le droit de la famille et l'idée de disposer de cinq minutes était incroyablement...
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Non, c'est 20 minutes en tout, y compris les questions. C'est pourquoi nous essayons de nous en tenir au temps proposé, parce qu'autrement les membres du comité n'ont pas de temps pour poser des questions. Vous avez jusqu'à 11 h 00. Il s'agit de la période incluant toute la discussion, aussi essayez d'être aussi succincte que possible.
Mme Ruth Lea Taylor: Je vais essayer d'être aussi succincte que possible dans les limites de ma profession. Je suis ici pour représenter le Vancouver Coordination Committee on Violence Against Women in Relationships. Je suis accompagnée de Laraine Stuart, qui est la coordonnatrice. Le comité a été mis sur pied en 1989 par le procureur général de la province et son mandat est de coordonner tous les secteurs qui touchent ce domaine particulièrement pénible du droit.
Au sein du comité, nous avons des membres du Service de police de Vancouver, du ministère du Procureur général, des services de probation, des organisations qui travaillent avec les membres multiculturels de notre collectivité et des organisations qui travaillent avec les autochtones de notre collectivité. Il est divisé en sous-comités. Je fais partie du sous-comité de la justice et notre intérêt se porte sur la loi dans les secteurs de la violence conjugale contre les femmes.
J'ai préparé des notes sur un mémoire qui est en production et qui sera présenté dans sa forme finale au comité. D'abord, je dois dire que je pratique le droit de la famille dans le secteur de la violence contre les femmes depuis bon nombre d'années et que j'ai toujours espéré que les choses allaient changer, à la fois en termes de fréquence de cette infraction criminelle ainsi qu'en termes de réponse du système à ce problème. C'est à regret que je constate que je n'ai vu aucun changement significatif. Les changements ne se font que très lentement, à la pièce.
Notre comité fait la promotion de la tolérance zéro en matière de violence contre les femmes et les enfants dans tous les secteurs, et nous nous adressons à votre comité particulièrement en ce qui a trait au droit de la famille.
Selon moi, ce qu'il est important de considérer, c'est que le droit de la famille n'a rien à voir avec les familles et très peu avec le droit. En fait, il concerne la rupture d'une relation qui était une relation familiale. Il concerne les personnes qui formaient cette relation et qui essaient d'en sortir en demeurant raisonnable, et c'est là la partie qui concerne le droit.
• 1245
C'est un secteur du droit où nous faisons souvent face à
certaines mythologies. Mon inquiétude et celle du comité c'est que
ce sont ces mythologies qui mènent les lois plutôt que ce soit la
loi qui détermine la situation. Il n'est pas possible de ramener la
famille à sa condition originale, si jamais elle a eu une condition
originale, comme on la décrit dans Father Knows Best. Elle n'a
jamais existé, selon mes observations, et de tenter de la ramener
par le biais d'une législation est futile et très dommageable.
C'est ce qui semble ressortir des orientations vers la médiation, les régimes de garde partagée, le droit de garde obligatoire plutôt que d'accorder le droit de visite ou de le faciliter ou de faire face à la perte de la garde. Il semble que ce qui oriente ce point de vue, c'est que nous pouvons d'une certaine façon restructurer la famille d'une façon qui correspond à nos désirs et à nos fantaisies. Ceci ne peut arriver, n'arrive pas et ne pourrait peut-être pas arriver même dans le meilleur des mondes.
Il est vrai que pour bon nombre de parents, ce qui importe le plus c'est de réduire le traumatisme que subissent leurs enfants, et ces familles tentent de minimiser le plus possible le traumatisme de la séparation. Mais ce ne sont pas avec ces personnes que les gens du comité et moi-même, à titre d'avocate en droit de la famille, sommes confrontés tous les jours. Nous composons avec un père sur treize ou environ qui utilise les enfants pour manipuler sa conjointe et éventuellement la contrôler. C'est ce que nous voyons.
La tendance vers la médiation, les ententes conjointes pour les enfants, est particulièrement inadéquate lorsqu'il y a de la violence au sein de la structure familiale que ce soit alors que la famille est encore intacte, ou après la séparation. Vous entendrez et vous avez probablement déjà entendu que la violence connaît une escalade après la séparation, ce qui n'améliore pas la tendance vers la garde conjointe, ce qui force une femme battue et des enfants qui ont été témoins de violence à vivre un face-à-face en interaction continue.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Je ne veux pas vous interrompre, mais notre prochain groupe de témoins se présente à 10 h 00 et il est 9 h 47. Nous aimerions que vous nous fassiez part de vos recommandations.
Mme Ruth Lea Taylor: La première recommandation est qu'en examinant les modifications qui peuvent être apportées à la Loi sur le divorce, nous regardions la possibilité de ramener la notion de conduite antérieure, particulièrement en ce a trait à la garde et au droit de visite. En 1985, la loi a été modifiée et la notion de conduite a été supprimée. Nous recommandons que la cruauté mentale et la cruauté physique, qui sont des motifs de divorce, soient considérées de façon positive, c'est-à-dire pour donner au tribunal une obligation positive de soupeser les facteurs de cruauté mentale ou physique au moment de déterminer la garde et les droits de visite.
Deuxièmement, nous recommandons que le mandat contenu dans la Loi sur le divorce à l'effet que les juges doivent considérer la possibilité de faciliter le droit de visite par rapport à la garde soit retiré. Ce mandat entraîne un fardeau de la preuve inutile pour les victimes de violence. Il fait peser une menace sur ces femmes, celle qu'elles risquent de perdre la garde si elles ne coopèrent pas avec un contrevenant violent.
• 1250
Troisièmement, il est impératif que la pension alimentaire, la
garde et le droit de visite soient traités distinctement et qu'ils
ne se chevauchent pas. Les menaces d'ordre financier—j'ai presque
parlé de «coercition», mais nous en sommes assez près lorsque nous
parlons de la situation des mères seules—ne devraient pas être
utilisées pour demander ou ne pas demander le droit de visite. Quoi
qu'il en soit, les mères seules dont les pères n'ont pas de droit
de visite devraient se voir verser plus d'argent, puisqu'il leur en
coûte davantage pour les fins de semaine et les autres choses que
peut procurer le parent qui a des droits de visite.
C'est, de façon générale, l'essence de notre mémoire. Nous pressons le comité de bien se renseigner sur la gravité de la situation à laquelle sont confrontés les mères et les enfants qui sont victimes de violence dans notre société.
Merci.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Questions? Sénateur Jessiman et docteure Bennett.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je n'ai qu'une question. Vous avez fait référence au paragraphe (9) de l'article 16 de la loi concernant les ordonnances en matière de garde, en relation avec la conduite antérieure. Je lis textuellement:
-
(9) En rendant une ordonnance conformément au présent article, le
tribunal ne tient pas compte de la conduite antérieure d'une
personne, sauf si cette conduite est liée à l'aptitude de la
personne à agir à titre de père ou de mère.
N'est-ce pas suffisant? Je n'ai pas d'objection, mais j'ai regardé l'article lorsque vous avez dit cela et il me semblait qu'il y avait quelque chose à ce sujet—si nous parlons bien de garde d'enfants.
Mme Ruth Lea Taylor: Exactement. Ce que je recommande et ce que le comité recommande, c'est qu'il y ait une obligation positive à considérer la cruauté mentale ou physique. La façon dont cet article a été interprété—malgré mes objections, si je puis dire, par un tribunal—est qu'à moins que la conduite affecte directement l'enfant, elle ne peut être considérée. Ce n'est que dans les tous derniers mois qu'un tribunal a dit que les enfants qui sont témoins de la violence sont réellement affectés par la violence.
Il a fallu une longue et difficile bataille pour que les tribunaux consentent à examiner si les relations entre les parents affectaient les enfants. Et traditionnellement, la conduite n'a été considérée que si l'enfant a vraiment subi le résultat de violence physique directe—et dans certains cas, on ferme même les yeux.
Ce que nous disons et ce que disent tous les rapports ainsi que les études et les sources non juridiques, c'est que l'exposition à cette situation a des effets à long terme très graves et traumatisants pour l'enfant, et qu'à moins d'une orientation positive du tribunal, ces considérations ne seront pas prises en compte lors des déterminations.
Le sénateur Duncan Jessiman: Pouvez-vous nous dire si avant...
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Pardon, sénateur Jessiman, rapidement, s'il-vous-plaît.
Le sénateur Duncan Jessiman: Avant que cet article ne soit mis en vigueur, est-ce que la loi précisait qu'il fallait tenir compte de la conduite antérieure?
Mme Ruth Lea Taylor: Elle ne le faisait pas.
Le sénateur Duncan Jessiman: Elle ne le faisait pas. Même avant...
Mme Ruth Lea Taylor: Dans ce cas, le silence était d'or.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je vois.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci.
Docteure Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Je pense que le comité prend de plus en plus conscience que la question de la violence en cas de rupture du mariage fait partie d'une catégorie tout à fait à part.
C'est ma préoccupation. Beaucoup de gens pensent qu'on devrait avoir une approche favorisant le règlement des différends ou que nous devrions essayer de garder les gens loin des tribunaux, lorsque c'est possible. Existe-t-il une façon sûre de vérifier s'il existe de la violence dans une relation, de façon à pouvoir nettement placer ces gens dans une catégorie différente, permettant ainsi de considérer l'approche de règlement des différends ou la médiation pour l'autre groupe?
Mme Ruth Lea Taylor: C'est extrêmement préoccupant. Comme je l'ai dit, ma pratique régulière se passe auprès de femmes qui ont survécu à des voies de fait. Ce que je constate, c'est qu'un grand nombre refuse d'appeler les choses par leur nom. Si vous vivez depuis longtemps dans un régime de terreur, vous ne l'exprimez pas comme de la violence.
Ce que j'aimerais voir parmi les prestataires de services, c'est une formation sérieuse sur ce qu'est un comportement violent et sur la réaction à un comportement violent; une formation sur la façon dont les femmes ajustent leur pensée, leur style de vie et leur être dans le monde pour incorporer la violence, d'une certaine façon. Une réelle connaissance de cette problématique est essentielle et c'est, à mon avis, ce qui manque à nos prestataires de services.
Mme Carolyn Bennett: En médecine familiale, on dispose de certains outils. Un grand nombre de personnes n'admettront pas qu'elles sont déprimées, mais si vous leur posez des questions sur leur sommeil ou si vous leur demandez s'il leur arrive de se sentir désespérées ou inutiles... Il existe un test que vous pouvez administrer dans la salle d'attente de façon à ce que les personnes ne soient pas préparées à s'étiqueter elles-mêmes, si elles peuvent répondre aux questions honnêtement, cet outil nous montrera si cette personne présente réellement des symptômes de dépression. Existe-t-il un outil en mesure de distinguer l'existence de violence ou d'une relation de pouvoir, voire d'intimidation, dans une relation? Avec toute votre expertise... Évidemment les femmes qui viennent vers vous savent déjà cela.
Mme Ruth Lea Taylor: Oui. Bien souvent, l'étape la plus courageuse qu'elles franchissent est de venir à mon bureau.
Pour ce qui est de ce que nous avons, il existe des brochures dans lesquelles on trouve des listes de faits qui peuvent faire voir que si telle ou telle chose se produit, vous êtes victime de violence. Il y a donc un genre d'autoévaluation, mais je pense que cela appartient aux professionnels—comme dans la profession médicale, qui n'a commencé que récemment à examiner sérieusement la dépression—et il nous appartient en tant que société à commencer à regarder où se trouvent ces outils. Et il faut une participation de tous. Il faut que la profession médicale, la profession juridique et les législateurs disent vraiment qu'il y a un degré de tolérance zéro envers la violence sous toutes ses formes—c'est-à- dire la question du contrôle, l'intimidation, les menaces et le harcèlement avec menace.
Nous y arrivons, mais très lentement, et lorsque nous envisageons la possibilité de modifier la législation, il est nécessaire d'intégrer une obligation pour toutes les personnes concernées de mesurer ces aspects, et les mesures ne sont pas bonnes, mais elles sont là.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Puis-je continuer?
Mme Carolyn Bennett: Je voulais seulement revenir sur la question de la séparation des questions de pension alimentaire, de la garde et des droits de visite, en ce sens que je crois, peu importe tout le travail que les sénateurs ont déjà fait sur la question de la pension alimentaire, que nous devons vraiment traiter distinctement la garde, les droits de visite ou le plan parental ou peu importe, et que nous ne devons pas nous laisser diriger par une petite minorité.
Mme Ruth Lea Taylor: Exactement. Je suis préoccupée par ce qui arrive des lignes directrices où l'on parle du concept de garde partagée, qui était en fait le commencement d'un très gros morceau visant à lier ensemble la pension alimentaire, la garde et les droits de visite, ce qui fait qu'au bout du compte nous nous battons pour savoir ce que signifie «40 p. 100 du temps». On a ainsi créé, je le dis respectueusement, plus de problèmes qu'il n'était nécessaire de le faire. Et c'est ce qui arrive lorsque nous relions l'argent avec le temps et avec un enfant. Ce sont des aspects tellement différents.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Sénatrice DeWare, nous disposons d'environ trois minutes pour ces personnes et trois personnes désirent poser des questions.
La sénatrice Mabel DeWare: Étant donné qu'on a répondu à toutes mes autres questions, il ne m'en reste qu'une.
Le système judiciaire a été mis en cause à plusieurs reprises au cours de nos discussions, et on a fait la suggestion que les juges qui siègent dans les tribunaux de la famille et qui ont à juger des causes de divorce ne sont probablement pas formés pour être particulièrement réceptifs dans les causes de divorce où il y a de l'abus et de la violence. Peut-être devrions-nous créer une spécification des juges dans ce genre de cause. Auriez-vous un commentaire à faire à ce sujet?
Mme Ruth Lea Taylor: Je suis plus ou moins d'accord avec cette affirmation. Nous assistons à une tendance qui consiste à ramener la violence dans les tribunaux de la famille et à l'éliminer des cours criminelles.
Premièrement, nous devons savoir qu'en tant que société la violence familiale constitue une offense criminelle majeure et qu'elle devrait être jugée au même titre que les tentatives de meurtre, à mon point de vue. Les juges qui sont délégués dans l'un ou l'autre de ces secteurs commencent à souffrir de ce que les journalistes appellent la dysfonction archétypale. À moins que vous arriviez avec un bras cassé, ce n'est plus de la violence parce que l'on a vu tellement d'autres cas plus graves.
Il me semble que de façon générale les juges devraient être sensibilisés à cette question. La création d'une catégorie particulière de juges qui seraient plus sensibilisés à cette question est très délicate et risque à mon avis d'entraîner une désensibilisation potentielle, et cela me préoccupe. Il s'agit d'une manière générale d'un problème de société. Ce n'est pas une question que l'on peut remettre aux calendes ni une question à laisser entre les mains d'une poignée de juges.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Madame St-Jacques.
[Français]
Mme Diane St-Jacques (Shefford, PC): Mme Preston mentionnait qu'il était important, dans une cause de divorce, que la voix des enfants se fasse entendre. Donc, on les consulte dans une cause comme celle-là. Je me demandais si vous recommandiez la même chose lors d'un divorce avec violence. Est-ce que cela peut aider ou traumatiser l'enfant?
[Traduction]
Mme Ruth Lea Taylor: La question de la participation active des enfants me préoccupe un peu, parce que notre objectif est de protéger les enfants. La participation active des enfants exige d'eux qu'ils prennent des décisions concernant leur avenir alors que nous les adultes devrions les protéger et retirer ce fardeau de leurs épaules. Je ne voudrais pas changer la situation actuelle en ce qui concerne la participation des enfants parce que je soupçonne que cette façon de faire aurait pour effet d'augmenter de façon exponentielle la pression imposée aux enfants par un parent en opposition. J'aimerais que la formation donnée dans un monde adulte soit suffisamment large pour protéger adéquatement les enfants de ce type de participation active.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cools, avez-vous une question?
La sénatrice Anne Cools (Toronto-Centre, Lib.): Oui, merci, madame la présidente.
Je vous remercie d'être venue témoigner devant nous. Je pense avoir compris que vous disiez vouloir ramener le concept de la conduite ou de l'inconduite du conjoint. Est-ce bien cela?
Mme Ruth Lea Taylor: Oui.
La sénatrice Anne Cools: Dois-je comprendre, que vous dites, alors, que nous devrions nous débarrasser du divorce sans égard à la responsabilité et revenir à l'époque antérieure du délit conjugal? Est-ce bien ce que vous dites?
Mme Ruth Lea Taylor: Ce que je dis, c'est qu'à l'époque des délits conjugaux, les procédures étaient fondées sur le système criminel. L'adultère, par exemple, était considéré comme criminel, et tous les autres domaines aussi. J'affirme que lorsqu'il y a de la violence et une conduite qui constitue de la cruauté mentale et physique, il faut signaler qu'il s'agit toujours d'une conduite criminelle qui relève du droit criminel. J'affirme que la conduite criminelle qui est en cause dans la cruauté mentale et physique devrait être prise en compte dans des questions mettant en cause les mesures de redressement provisoires, particulièrement en ce qui concerne la garde des enfants et le droit de visite.
Je ne dis pas qu'il faut revenir aux délits conjugaux. En rejetant tous les délits conjugaux, nous avons créé un environnement qui les balaie sous le tapis, qui les recouvre pour ne plus les voir. Si nous aimons vraiment nos enfants, nous devons cesser d'agir ainsi.
La sénatrice Anne Cools: Cette question m'intéresse au plus haut point, parce que, si nous revenons en arrière en 1985-1986, à l'époque où la Loi sur le divorce a été modifiée, beaucoup pensaient que nous avions accompli des progrès énormes en adoptant ce qu'il était convenu d'appeler le divorce sans égard à la responsabilité. C'est pourquoi je trouve votre présentation des plus intéressantes, parce que je crois que vous dites que nous devrions revenir au divorce avec responsabilité, et dans ce cas, aussi aux délits conjugaux, peu importe la façon dont vous les décrivez ou les caractérisez. Je suis seulement curieuse, parce qu'il s'agit d'un concept intéressant, et aussi parce que nous avons entendu d'autres témoignages avant le vôtre au cours desquels certains témoins disaient désirer que l'on rédige de nouveaux articles portant sur la conduite ou l'inconduite du conjoint.
Ma deuxième question porte sur la question de la violence en général. Dans votre présentation, comment définiriez-vous la violence?
Mme Ruth Lea Taylor: La violence, comme vous le savez déjà, se présente sous divers aspects. Il y a l'aspect le plus évident de la violence physique et celui moins évident de la violence mentale et psychologique. Je crois que l'on devrait accorder davantage de crédibilité aux témoignages des femmes à cet égard.
Je constate que dans les tribunaux, les témoignages des femmes à cet égard ne sont pas crus. Il me semble que, cette fois encore, il s'agit du concept du dysfonctionnement archétypal. Nous entendons tellement de cas aujourd'hui que nous refusons de l'accepter, parce que c'est tellement fréquent. J'affirme que c'est aussi fréquent qu'on le dit.
J'aimerais vous demander, lorsque des allégations sont faites et que la preuve est fondée sur l'expérience de la femme« La violence familiale ne se fait pas habituellement devant témoin. Il s'agit d'une chose qui, je le répète, doit être crue sur la base d'une preuve prima facie.
La sénatrice Anne Cools: Ce que vous dites, c'est qu'une accusation pourrait devenir une conclusion, ce qui me semble des plus intéressants. Vous affirmez que les constatations de violence ne devraient pas être fondées sur les résultats d'une procédure au criminel, mais qu'elles devraient plutôt se fonder sur le témoignage d'une femme, ce qui me semble assez renversant dans notre société fondée sur la présomption d'innocence—jusqu'à preuve du contraire.
Mme Ruth Lea Taylor: Dans le Code civil... Par contre, en droit familial, il est question de la prépondérance des probabilités.
La sénatrice Anne Cools: C'est exact.
Mme Ruth Lea Taylor: Il s'agit d'un critère qui n'est pas aussi strict ni aussi poussé que le critère criminel, comme vous le savez. L'objectif visé est que la déclaration de violence doit être prise en compte. Je vous parle au nom du bien-être des enfants. Si nous devons commettre une erreur de droit, il est préférable de la faire du côté de la sécurité des enfants, et cette sécurité comprend la sécurité du parent ayant obtenu la garde. Cette sécurité inclut donc la sécurité des mères de ces enfants, et les mères en général n'inventent pas ce type de chose. Selon mon expérience, les femmes ont plutôt tendance à minimiser le degré de violence qui se produit dans leur foyer.
La sénatrice Anne Cools: D'accord. Seulement pour vérifier si j'ai tout bien compris, le fardeau de la preuve dans les actions au civil est habituellement fondé sur la prépondérance des probabilités. Le fardeau de la preuve, dans les procédures criminelles, est un doute raisonnable...
Mme Ruth Lea Taylor: Hors de tout doute raisonnable.
La sénatrice Anne Cools: Désolée—hors de tout doute raisonnable. Vous disiez que vous vouliez demander à ce comité de recommander quelque chose qui nous forcerait à abandonner une jurisprudence criminelle qui est recueillie depuis mille ans pour passer de la notion du doute raisonnable à celle de la prépondérance des probabilités.
Mme Ruth Lea Taylor: Nous parlons des amendements apportés à la Loi sur le divorce qui sont du domaine civil. Je dis que la nature des tribunaux qui assument le rôle de parens patriae, autrement dit de père ou mère de la patrie, est un rôle positif, un rôle fondamental qui transcende une grande partie des milliers d'années de jurisprudence dans quelque domaine que ce soit. Dans le cadre de ce rôle, il est préférable de commettre une erreur de droit en faveur de leur protection.
La sénatrice Anne Cools: En ce qui a trait à la commission d'une erreur au profit des enfants, et aussi en ce qui a trait à maintenir un niveau de tolérance zéro concernant la violence, quelle serait l'incidence de votre recommandation sur les femmes dans ces circonstances, particulièrement dans la perspective où toutes les données indiquent que la plupart des abus commis contre les enfants sont le fait des femmes?
Quelle sera l'incidence sur les femmes? Une petite tape ne signifie pas qu'une mère n'aime pas son enfant. Je vous demande de réfléchir très sérieusement à ce que serait l'incidence de votre recommandation sur les femmes qui divorcent, parce que si votre norme devait être appliquée, les conséquences pour les femmes de ce pays seraient désastreuses.
Mme Ruth Lea Taylor: Nous disposons d'une législation en matière de protection des enfants, et les services sociaux de tout le pays sont aux prises avec des abus et des abus présumés à l'endroit des enfants. Je dis que, dans le contexte de la rupture matrimoniale, l'abus qui est démontré à l'endroit des femmes de la part de leurs partenaires—et pas nécessairement contre les enfants mais contre la mère de ces enfants—doit être pris en considération dans une ordonnance relative à la garde et au droit de visite.
L'abus des parents à l'égard de leurs enfants est un domaine qui est de compétence provinciale. C'est réellement du domaine des appréhensions. Je ne vois pas de contradiction ni de conflit dans le fait que nous disposions de deux mécanismes différents pour régler ces cas. Je ne crois pas non plus que ce que je recommande et ce que le comité recommande concernant les changements à apporter à la Loi sur le divorce puissent avoir une incidence négative sur les femmes. Je parle de la relation entre les adultes.
La sénatrice Anne Cools: D'accord. Mais les cas particuliers...
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cools, vous avez épuisé vos dix minutes. Ceci devrait être votre dernière question.
La sénatrice Anne Cools: C'était seulement pour répéter l'article qu'elle vient de mentionner« Le sénateur Jessiman a consigné au dossier le paragraphe 16(9)qui porte sur la conduite passée, et qui dit notamment:
-
(9) En produisant une ordonnance en vertu du présent article, le
tribunal ne devra pas prendre en considération la conduite passée
d'une personne à moins que cette conduite soit pertinente en ce qui
concerne les aptitudes de cette personne à agir à titre de parent
d'un enfant.
Je voulais simplement vous rappeler que c'est ce même article qu'elle voulait elle-même que l'on modifie. Je vous remercie beaucoup.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci à vous.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): J'aimerais maintenant demander au prochain groupe de s'avancer. Voici M. Linde, M. Ken Wiebe du Dick Freeman Society, M. Maiello du Fathers' Rights Action Group, M. Maser du Victoria Men's Centre et finalement M. Benoît. Est-ce bien cela?
Je vous demanderais de limiter vos interventions à cinq minutes. Nous avons tendance à dépasser le temps alloué ici.
Monsieur Linde, voulez-vous commencer.
M. Carey Linde (Vancouver Men): Merci, monsieur le président.
Ma pratique du droit se limite au droit familial qui consiste à aider les enfants à voir davantage leurs deux parents. La vaste majorité de mes clients sont des hommes qui ont perdu leurs enfants. J'aide aussi certaines femmes qui, en de rares occasions, n'ont pas obtenu la garde de leurs enfants. J'exerce cette profession depuis 26 ans. Je suis aussi chef de famille monoparentale et j'ai élevé trois enfants.
J'aimerais vous parler aujourd'hui de ce que je considère comme un manque d'éthique chez les avocats de droit familial. En effet, il y a trop d'avocats en droit familial qui se rendent régulièrement devant les tribunaux pour le bénéfice de parents contrôlants, égoïstes et qui sont résolument décidés à nier à l'autre parent, habituellement le père, le droit de jouer un rôle réel et significatif dans la vie de leurs enfants. Ces avocats avancent qu'il est dans le meilleur intérêt des enfants de transformer leur père en un père de Disneyland.
Nous acceptons le fait qu'un parent qui refuse un droit de visite significatif à l'autre parent commet dans une certaine mesure un abus à l'égard de l'enfant. Les avocats qui facilitent les plans de ces parents égoïstes, qu'ils soient un homme ou une femme, sont des abuseurs d'enfants potentiels, des mercenaires qui louent leurs services. Le temps est venu pour la société de les démasquer.
Le seul débat valable concerne le degré de l'abus. Nous sommes en présence d'une forme grave d'abus à l'endroit des enfants lorsque l'un des parents empêche l'autre de voir son enfant. Statistiquement, il y a beaucoup plus de mères que de pères qui agissent ainsi. Il devrait y avoir des sanctions criminelles contre les parents aliénants.
Les avocats dont les services sont retenus par un parent aliénant collaborent à cette conspiration pour aliéner l'enfant. On constate que ces avocats adoptent une éthique douteuse lorsqu'on voit comment le même avocat agit le lendemain envers un parent, cette fois le père, qui essaie de passer davantage de temps avec ses enfants. Dans ce cas, l'avocat attaque de façon hypocrite la position de l'avocat de la mère, qui était leur propre position à tous les deux le jour d'avant, avec tout le raisonnement de haute moralité et la vigueur dont il est capable.
Du point de vue de l'enfant, il y a une chose très simple que les avocats de droit familial pourraient faire pour s'amender: cesser d'agir contre les meilleurs intérêts des enfants. Les avocats qui agissent à l'encontre des meilleurs intérêts des enfants tombent dans l'une des trois catégories suivantes.
La première regroupe les hommes et les femmes qui sont intimement convaincus que les mères sont de façon intrinsèque biologiquement supérieures aux hommes en ce qui a trait à l'amour, à l'affection et à l'établissement de liens avec les enfants. Ces avocats adhèrent toujours à la doctrine discréditée à laquelle on faisait référence antérieurement sous l'appellation de préférence maternelle ou doctrine du bas âge. Ils choisissent d'ignorer, ou plutôt ils rationalisent, toutes les preuves du contraire. Ils croient sincèrement que les différences dynamiques et reconnues entre les hommes et les femmes se traduisent devant les tribunaux par une supériorité des femmes sur les hommes.
Dans une communication qu'elle présentait en 1995 devant les avocats spécialisés en droit familial de la Colombie-Britannique, la psychologue Joan Kelly, l'un des experts les plus réputés en Amérique du Nord, déclarait qu'aucune preuve empirique ne soutient la distinction entre le pourvoyeur de soins primaires et secondaires après l'âge de cinq ans. Et pourtant, ce comité a accepté des mémoires dans lesquels on tentait de priver des enfants de la possibilité de passer plus de temps avec leurs pères parce que les mères sont considérées comme les principales pourvoyeuses de soins. On essaie de vous vendre des salades.
Deuxièmement, il y a aussi ces avocats et ces avocates qui défendront les deux parties du moment qu'ils sont payés. Après tout, il s'agit du credo de base de la plupart des avocats.
• 1320
Troisièmement, vous avez aussi ces avocats sexistes qui ont
leur propre dossier à défendre et malheureusement, cela n'inclut
pas les enfants, en tout cas pas les enfants de sexe masculin.
Tout comme les avocats spécialisés en droit criminel se voient constamment demander comment ils peuvent aller défendre des criminels, le public et les médias devraient demander aux avocats spécialisés en droit familial de se justifier lorsqu'ils vont défendre autre chose que de s'efforcer d'obtenir le maximum de contacts entre l'enfant et chacun de ses parents. Ce sont les paroles de Mme la juge McLachlin de la Cour suprême du Canada dans le jugement de la cause de Young contre Young en 1993.
La définition la plus courante du dictionnaire pour maximum est la suivante: la valeur la plus grande ou le plus grand nombre. Les principes et les normes élevés mis de l'avant par la Cour suprême à titre de critères devant déterminer les meilleurs intérêts de l'enfant se font démolir chaque jour dans les instances inférieures alors que l'approche à l'emporte-pièce qui consiste à accorder un week-end sur deux et le mercredi après-midi est régulièrement défendue et appliquée.
Ce fait—le gouffre énorme qui sépare les principes établis de la plus haute instance de notre pays et les pratiques de compromis dans les tribunaux de compétence inférieure—constitue le plus gros obstacle à une réforme significative dans ce pays. Des hommes aimants, attentifs, et généreux se voient chaque jour retirer injustement la garde de leurs enfants au Canada pour toutes les raisons que je viens de mentionner.
Un comité de parlementaires qui se préoccupe de justice et des questions de garde des enfants et de droit de visite doit réaliser que les lois sur le divorce non sexistes ne constituent pas la source du problème. Au contraire, le problème origine plutôt des «présomptions établies judiciairement» qui régissent la détermination des meilleurs intérêts de l'enfant dans les tribunaux inférieurs. Ces présomptions ne sont habituellement jamais soumises à des critères fondés sur des preuves mais elles originent plutôt de préjugés sexistes qui sont toujours enchâssés dans le système, et maintenus par ce dernier. Si la profession juridique se préoccupait de son image ternie, elle ne pourrait trouver de meilleurs moyens de redorer son blason que dans le domaine du droit de la famille.
Que peut faire ce comité? Il devrait montrer davantage de leadership. Ce n'est pas un euphémisme que d'affirmer que ce comité n'existerait pas si ce n'avait été de l'agitation caractérisée des pères de ce pays, et en fin de compte, ce sont les enfants qui en bénéficieront.
Les groupes de femmes organisés, malgré tous les résultats positifs qu'ils ont pu avoir, ont abandonné depuis longtemps des idées comme la garde partagée et le partage du rôle parental. Leur silence est assourdissant.
Ceci étant dit, il est important que je reconnaisse et que je remercie toutes les femmes, les mères, les soeurs, les épouses et les filles ayant un point de vue féministe très affirmé et même celles qui n'en ont pas, et qui appuient ces pères. J'appelle ces femmes des féministes de l'équité et elles sont dans leur vaste majorité, qu'elles l'avouent ou non des féministes.
Je fais la distinction entre les féministes sexistes, que l'on devrait de façon plus appropriée qualifier de féministes adolescentes. Les féministes adolescentes sont celles qui réclament à grands cris les privilèges et les droits sans vouloir assumer aucune des responsabilités connexes. Ce sont des adolescentes qui désirent emprunter la voiture mais qui ne veulent pas payer pour l'essence.
Faites particulièrement attention à ces féministes adolescentes qui ont un intérêt direct dans la victimisation et à entretenir les conflits. Comment les distinguer? C'est très simple. Chaque fois qu'elles viennent vers vous et qu'elles utilisent le mot «homme» dans une campagne de salissage, il suffit de remplacer le mot «homme» dans une phrase par le mot «noir» ou «juif» et vous serez à même de constater à quel point elles sont fanatiques.
Une tâche très difficile vous attend. Ne vous laissez pas détourner de votre tâche par les personnes de l'un ou l'autre sexe qui veulent maintenir le statu quo. N'écoutez pas les féministes ni les masculinistes, mais écoutez plutôt les humanistes. Leur approche est celle qui permettra de mettre fin à la guerre des sexes: hommes et femmes mettant les intérêts des enfants au-dessus des leurs.
Est-ce que cela fait cinq minutes?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vos cinq minutes sont écoulées.
Okay, monsieur Wiebe.
M. Ken Wiebe (membre, Dick Freeman Society): Je m'appelle Ken Wiebe et je suis un père n'ayant pas la garde de ses enfants. Mais je suis aussi un père ayant la garde. Je suis actuellement remarié et j'ai deux enfants. J'ai donc été à même d'envisager les choses de divers points de vue.
Aujourd'hui, je suis membre de la Dick Freeman Society, et nous rédigeons des articles sur divers sujets intéressant les hommes pour un journal de Victoria
J'aimerais vous parler des fondations philosophiques et morales du mariage, du rôle parental, du divorce et de la garde des enfants. Je vais passer rapidement sur le mémoire que je vous ai présenté.
Le mariage est un contrat d'un type particulier qui intervient entre deux personnes, et le rôle parental est aussi un contrat. Nous sommes forcés de constater que ni le mariage ni le divorce ne changent réellement les sentiments d'un parent à l'égard de ses enfants. En effet, cela ne change ni leur relation avec leurs enfants ou du moins ce n'est pas leur intention.
• 1325
La recommandation que j'aimerais faire est que sans preuve
évidente d'action criminelle grave, commise par l'un ou l'autre
parent à l'endroit de l'enfant, il n'y a vraiment aucune raison
valide de priver un parent de la garde de son enfant. Autrement
dit, la relation qu'ils avaient avant le divorce, qui est une
relation d'égalité en ce qui a trait au rôle parental, devrait être
maintenue après le divorce. Bien entendu, certaines difficultés
d'ordre pratique se présentent puisque, en règle générale, ils ne
vivent plus ensemble une fois qu'ils ont divorcé.
Lorsqu'un tribunal ou un juge ou encore un texte de loi particulier recommande ou suggère ou même permet qu'un parent, qui est parfaitement en mesure de s'occuper de ses enfants soit privé de leur présence de façon plus ou moins complète, cela constitue une punition terriblement cruelle et inhabituelle, non seulement pour le parent mais aussi pour l'enfant. La Dick Freeman Society recommande que nous exigions que toutes les décisions relatives à la garde des enfants prises par un tribunal le soient en accord avec les principes de justice. Je pense que, dans ce cas particulier, les principes de justice suggèrent que les parents sont égaux et que la situation d'égalité du rôle parental antérieure au divorce devrait être maintenue après le divorce de la manière qui convient le mieux aux circonstances particulières des parents.
Nous ne pensons pas qu'il existe un conflit entre le respect des principes de justice et les meilleurs intérêts de l'enfant. En réalité, s'il existe un conflit entre les principes de justice et les meilleurs intérêts de l'enfant, nous devrions repenser les deux de façon très sérieuse. Nous pensons qu'une présomption de rôle parental partagé ou en alternance est la seule présomption qui soit cohérente avec les principes de justice dans une situation de divorce.
Nous faisons six recommandations visant des modifications à apporter à la Loi sur le divorce:
- Exiger que les décisions relatives à la garde des enfants soient prises conformément aux principes de justice.
- Reconnaître que les deux parents sont égaux devant la loi avant, pendant et après le divorce.
- Interdire les décisions relatives à la garde fondées sur le sexe du parent.
- Garantir la stabilité du rôle parental aux enfants, ce qui signifie fondamentalement que les enfants ne seront privés d'aucun de leurs parents sans raison.
- Nous aimerions que l'on exige des parents qu'ils s'entendent sur les modalités de leur situation d'après le divorce, comme les modalités relatives au logement et au rôle parental avant qu'un juge rende sa décision.
- Nous souhaiterions aussi que la Loi sur le divorce soit modifiée de manière à respecter le droit à l'égalité de chaque parent, conformément à la charte.
Voici nos recommandations. Je vous remercie.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.
Le suivant est M. Maiello, qui est un représentant du Fathers' Rights Action Group.
M. Joseph Maiello (Fathers' Rights Action Group): Merci. Ma présentation comporte trois parties. La première consiste simplement en quelques statistiques que j'aimerais présenter au comité.
Une enquête réalisée en 1975 sur le premier refuge pour les femmes battues, situé en Angleterre, a démontré que sur les 400 femmes interrogées, 82,5 p. 100 participaient à une relation de violence réciproque. Certaines étaient plus violentes que les hommes dont elles cherchaient à se protéger, selon la première fondatrice d'un refuge pour femmes, Erin Pizzey.
Lorsqu'il s'agit de violence conjugale, il n'y a pas de plus haute autorité que Straus et Gelles, et pourtant ils ont été tournés en dérision par les féministes et on les a empêchés de s'exprimer lors de différents forums tenus sur les campus universitaires.
La plus récente enquête sur la violence en milieu familial réalisée aux États-Unis a révélé qu'une femme subit un assaut grave toutes les 17,5 secondes, tandis qu'un homme subit un assaut grave toutes les 15,7 secondes. Ces enquêtes ont été reproduites au Canada. Eugen Lupri a effectué une enquête nationale à l'aide de 1 123 questionnaires auxquels ont répondu 652 femmes et 471 hommes qui cohabitaient. Les résultats ont été semblables à ceux recueillis aux États-Unis: 2,5 p. 100 des hommes et 6,2 p. 100 des femmes admettaient avoir été battus par leurs partenaires; 18 p. 100 des hommes et 23 p. 100 des femmes ont déclaré faire preuve de violence à l'endroit de leur conjoint; 10 p. 100 des hommes et 13 p. 100 des femmes ont déclaré avoir agi avec violence grave à l'endroit de leur conjoint; 0,5 p. 100 des hommes et 0,7 p. 100 des femmes ont utilisé un couteau ou une arme contre leur conjoint.
Selon le ministère de la Justice des États-Unis, qui en 1994 a produit la première étude empirique détaillée sur les meurtres commis dans les familles en analysant près de 10 000 causes, 44,5 p. 100 des victimes étaient des femmes et 55,5 p. 100 des victimes étaient des hommes.
• 1330
Le Journal of Sex Research a trouvé que 12 p. 100 des hommes
homosexuels étudiés avaient déclaré être les victimes de relations
sexuelles forcées et 31 p. 100 des lesbiennes déclaraient avoir
subi aussi des relations sexuelles forcées.
Selon le ministère américain de la Justice, il y a davantage d'infanticides commis par des mères que par des pères, soit 55 p. 100 contre 45 p. 100.
Selon la publication de Santé Canada: The Invisible Boy: Revisioning The Victimization of Male Children and Teens, dont vous avez certainement entendu parler, à la page 49:
-
[...] les femmes sont les principaux abuseurs physiques et les
principales responsables de négligence à l'égard des enfants [...]
Étant donné que davantage d'actes de négligence et de violence de
type physique sont perpétrés contre les enfants que l'abus sexuel,
nous devons considérer sérieusement ces [...] problèmes d'abus.
En 1993, le gouvernement fédéral a publié le rapport du Comité canadien sur la violence faite aux femmes qui lui a coûté 10 millions de dollars et qui se concentrait sur les femmes plutôt que sur la violence.
En Colombie-Britannique, le ministère du Procureur général a publié sa politique sur la violence en milieu familial intitulée la Violence contre les femmes et les enfants.
La plupart des actes de violence perpétrés contre les enfants sont commis par des femmes et les gouvernements fédéral et de la Colombie-Britannique poursuivent leur campagne étroite concentrée sur la violence contre les femmes et les enfants. Même Statistique Canada, dont la réputation n'est plus à faire, se réfère souvent au rapport du Comité canadien sur la violence contre les femmes qui n'a pas de contrepartie masculine.
Qu'un étudiant rédige une communication sur la violence contre les femmes ou sur la violence contre les hommes ou encore sur la violence contre les enfants ou les animaux et ainsi de suite, est une chose, mais lorsqu'un gouvernement utilise une perspective aussi étroite pour rédiger ses politiques publiques est franchement immoral et destructeur pour la société qu'il est censé protéger.
La deuxième partie concerne la privation du père. La privation du père est un critère de prédiction de l'activité criminelle plus fiable que la race, l'environnement ou la pauvreté. En effet, les enfants privés de père comptent pour 72 p. 100 de tous les meurtriers adolescents; 60 p. 100 des violeurs; 70 p. 100 des enfants incarcérés et ont deux fois plus de chance de devenir des décrocheurs. Ils ont aussi onze fois plus de chances de devenir violents et ils représentent trois adolescents qui se suicident sur quatre, 80 p. 100 des adolescents dans les hôpitaux psychiatriques et 90 p. 100 des fugueurs. La privation du père est une forme sérieuse d'abus à l'égard des enfants qui est institutionnalisée et bien enchâssée dans notre système judiciaire.
En ce qui concerne la dernière partie, comment se fait-il que le jour avant le divorce, les deux parents ont leur mot à dire en ce qui concerne l'éducation de leurs enfants, c'est-à-dire qu'ils peuvent déterminer où les enfants iront à l'école, ce qu'ils vont manger, le temps qu'ils vont passer avec leurs enfants et combien d'argent ils pourront dépenser pour leurs soins. Comment se fait-il que le jour après le divorce cette égalité ne soit plus respectée par les tribunaux?
Modifier le statut d'égalité en niant l'égalité de l'autorité parentale me semble injuste. Les maris et les femmes ne sont peut- être plus des maris et des femmes lorsqu'ils demandent le divorce, cependant, l'autorité parentale ne devrait pas changer parce qu'ils ont demandé le divorce. Les tribunaux ont le pouvoir de modifier l'autorité parentale; toutefois, l'application de ce pouvoir n'est pas réellement en conformité avec les principes de justice.
Donc quel est le principe de justice dans ce contexte? Le rôle parental mutuel et égal existe dans les familles intactes et cette norme doit être préservée après la séparation.
Comme l'indique le paragraphe 16(6) de la Loi sur le divorce, «le tribunal peut produire une ordonnance en vertu de cet article...s'il le juge juste et raisonnable.» Ainsi, afin de maintenir cette position de justice et de raison, l'égalité après le divorce doit être maintenue. Le divorce n'est pas une raison suffisante pour enlever les enfants à un parent.
Nous, les membres du Fathers' Rights Action Group, demandons que dans le paragraphe 16(10) de la Loi sur le divorce, les mots «conformes aux meilleurs intérêts de l'enfant» soient remplacés par «conformes aux principes de justice». Les meilleurs intérêts de l'enfant sont inclus dans le contexte des principes de justice.
La Loi sur le divorce, telle qu'elle est actuellement libellée, s'appuie sur la théorie des meilleurs intérêts des enfants plutôt que sur la conformité aux principes de justice. Cette hypothèse erronée a détourné les tribunaux de leur rôle principal qui est d'appliquer les principes de justice. Étant donné que cette loi a entraîné des injustices infligées aux familles par les tribunaux, nous recommandons ce qui suit: la reconnaissance qu'il existe une lacune et des excuses pour les injustices, les dommages et les souffrances infligés par les tribunaux aux familles de ceux qui ont été touchés par cette loi.
Le Fathers' Rights Action Group a entendu d'innombrables récits relatant comment des parents ont perdu des sommes allant de 5 000 à plus de 150 000 $ en frais pour se présenter devant les tribunaux afin d'obtenir le droit de voir leurs enfants, en frais de pension alimentaire pour les enfants ou encore parce que le parent ayant la garde avait déménagé dans une autre partie du pays.
Nous suggérons que des compensations financières soient accordées aux familles qui ont été dévastées par les cours de divorce, un peu comme on a dédommagé dans le passé les victimes des injustices causées par une loi.
Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous remercie beaucoup.
Finalement, je m'adresse aux témoins du Victoria Men's Centre, je ne sais pas si vous voulez vous répartir le temps qu'il vous reste. Monsieur Maser, voulez-vous commencer.
M. Harvey Maser (président, Victoria Men's Centre): Je m'appelle Harvey Maser et je suis du Victoria Men's Centre.
Le Victoria Men's Centre est un organisme sans but lucratif constitué en vertu d'une loi provinciale qui existe depuis environ cinq ans. Nous utilisons une ligne de messagerie téléphonique à l'heure actuelle, même si l'organisation a des bureaux depuis environ un an.
Nous recevons des appels d'hommes et de femmes, ainsi que de mères et de pères, de la région de Victoria et de toute la province et nous les dirigeons vers diverses ressources. Nous référons aussi les hommes à des thérapeutes lorsque nous jugeons que la demande ou la préoccupation dépasse nos compétences.
Nous soutenons aussi diverses autres activités notamment: Fathers for Equality, Men Supporting Men, le Fathers' Advocacy Program, la Well Society, la National Shared Parenting Association, Fathers are Capable Too ainsi que le Dr Ferrel Christensen, qui travaille à l'Université de l'Alberta à Edmonton.
Durant les délibérations du Sénat et de la Chambre des communes sur le projet de loi C-41, le Victoria Men's Centre a joué un rôle actif dans la formulation de la politique concernant notre vision des changements qui devraient être apportés à la Loi sur le divorce, qui selon nous contribueront à réduire le potentiel d'animosité entre les parents au moment du divorce et à réduire les litiges jusqu'au point où les deux parents feront preuve de respect mutuel.
Le mémoire conjoint que nous avions présenté à l'époque est joint en annexe et peut se résumer en deux points: premièrement, l'enchâssement de la présomption du rôle parental partagé en alternance, qui inclut la garde partagée, les soins, la surveillance et la tutelle des enfants issus du mariage; et deuxièmement, la mise en application d'un programme de médiation obligatoire visant à améliorer la solution du divorce non contradictoire et à réduire largement le fardeau imposé au système judiciaire. Nous croyons toujours en la valeur de ces concepts et nous serions prêts à les défendre. Nous sommes par ailleurs convaincus qu'ils sont également justes pour les mères et pour les pères.
Nous recevons beaucoup d'appels d'hommes et, cela peut paraître surprenant, après analyse des appels de l'année dernière, nous avons aussi reçu 24 appels de femmes qui étaient très préoccupées au sujet de leur conjoint et des interactions de ce dernier avec leur mariage passé. Elles-mêmes s'inquiétaient de ce que le père devait affronter.
Nous avons reçu 33 rapports de la part d'hommes qui avaient des problèmes de garde, et 26 autres rapports concernant des problèmes de droit de visite de la part d'hommes qui n'avaient pas vu leurs enfants pour des périodes s'échelonnant entre six mois et cinq ans, et nous sommes navrés de constater une telle situation lorsque les pères désirent voir leurs enfants et que dans de nombreux cas, il n'y a aucune raison justifiant qu'on les empêche de le faire.
Les épisodes de violence familiale ne peuvent être séparés de la garde et du droit de visite, étant donné que la même violence se traduit souvent en animosité à l'égard de l'autre partenaire du divorce.
Ces épisodes sont bien documentés dans de nombreuses études. Aussi,nous avons joint à notre mémoire la bibliographie de 85 études auxquelles ont participé plus de 58 000 personnes. Les résultats tendaient à indiquer, comme nous l'avions déjà souligné, que la violence et la violence familiale sont, sinon égales, du moins légèrement prédominantes chez la mère ou chez la femme dans la famille. Nous devons admettre cela. Nous reconnaissons que la violence existe et je pense que nous devons nous ouvrir les yeux et considérer les deux côtés de la médaille si nous voulons en arriver à une solution satisfaisante.
Les nouvelles lois comme le projet de loi 2756 de l'État de Washington, qui est la loi sur la violence familiale, est un tissu très complexe de textes de lois prévoyant de nombreuses mesures punitives à l'endroit des actions ou des réactions d'un accusé. L'une de ces actions est représentée par l'interaction avec l'enfant à l'école; et cette loi stipule des critères très sévères pour les peines imposées pour les contacts indésirés ou non autorisés avec les enfants à l'école.
Nous constatons que les intérêts des hommes en ce qui concerne le rôle parental a des répercussions à l'école aussi, et nous nous inquiétons de savoir si une telle loi ne contribuera pas à limiter encore davantage les interactions des parents n'ayant pas la garde avec leurs enfants. Même si la législation de Washington prévoit le rôle parental partagé, je pense que les deux aspects de la loi doivent être reconnus et traités de façon également positive.
• 1340
La colère que certains hommes ont exprimé n'était pas
tellement dirigée contre les griefs retenus contre leur partenaire
durant le mariage que contre les actions posées par leur
ex-conjoint durant et après le mariage. Aussi, nous sommes d'avis
qu'une solution plus équitable du processus de divorce serait
utile.
Au sein du Victoria Men's Centre, nous sommes aussi très conscients de la pression imposée aux hommes durant un divorce et de l'abattement et du sentiment de désespoir qui peuvent survenir. En dépit de nos efforts intenses, des suicides se sont produits parmi les hommes avec lesquels nous sommes en interaction. Et comme nous avons pu le voir dans des cas très médiatisés, les hommes ont agi, ou peut-être devrions-nous dire, ont réagi de façon exagérée à la dérobade, à l'aliénation et à l'accusation. Même si les attentes d'un homme sont irréalistes, le fait qu'on l'écoute et qu'on le comprenne au cours du processus de médiation facilite les choses.
D'après les chiffres de Statistique Canada publiés en 1994, 20,5 hommes et 5,3 femmes sur 100 000 s'étaient suicidés. Ces chiffres indiquent à quel point la détresse des hommes est plus forte. En 1996, ces chiffres avaient atteint 22,8 suicides par 100 000 hommes. Lorsque nous extrapolons ces chiffres de la population totale, cela signifie qu'environ 6 000 hommes se suicident chaque année. Nous pensons qu'un grand nombre de ces suicides ont un lien avec les situations familiales et les divorces.
Au cours d'une étude réalisée par le service de police de Calgary, on a estimé que la moitié des hommes tués lors de confrontations armées étaient en réalité des victimes d'un suicide assisté. Ces décès ne sont pas classés comme des suicides, ce qui contribue à minimiser encore davantage la reconnaissance du problème que nous devons affronter. Nous avons le sentiment qu'en insistant davantage sur le plan légal sur la médiation obligatoire, nous obtiendrions le catalyseur nécessaire pour amener tous les participants au divorce à collaborer plus étroitement au processus et, indirectement, un mieux-être supérieur pour nos enfants.
Diverses compétences ont approché ou se préparent à approcher la loi concernant la garde des enfants et le droit de visite, des actions que nous appuyons avec réserve. Nous avons étudié de nouveaux projets de loi en Angleterre et au Colorado, ainsi que le projet HB 2407 de l'État de Washington, et nous constatons une tendance générale à la reformulation des lois visant à obtenir une certaine forme de responsabilité parentale partagée et la reconnaissance du rôle de la médiation pour modifier la dynamique de confrontation. Nous pensons que la médiation devrait être obligatoire, dotée de circonstances minimales permettant de l'éviter sans que la partie ou les parties non coopératives ne soient autrement punies.
Malgré la reconnaissance par la société du fait que la nourriture, le logement et la protection sont des nécessités de la vie, des projets de loi comme celui de Washington placent le soutien financier de l'enfant en sixième position du rôle de parent. Nous nous inquiétons du fait que cette fonction aura de moins en moins de signification et de reconnaissance par rapport à d'autres fonctions comme celle qui prévoit de «voir aux besoins quotidiens de l'enfant». Par comparaison, nous constatons dans le projet de loi C-41 et la récente loi de la Colombie-Britannique que c'est l'aspect punitif au soutien financier qui semble susciter le plus d'attention. Nous recommandons que cela soit reconnu...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): M. Maser, avez-vous bientôt terminé? Je suis désolé de vous interrompre, mais vous dépassez le temps qui vous est alloué.
M. Harvey Maser: D'accord. Nous recommandons que cela soit reconnu comme faisant partie intégrante et nécessaire du soin des enfants.
En conclusion, nous sommes convaincus que les parents demeurent des parents, même après un divorce. Nous pensons que les hommes ont été aliénés de leurs enfants pendant trop longtemps, et nous faisons particulièrement allusion aux hommes qui expriment très clairement leur désir de se rapprocher de leurs enfants. Les hommes et les femmes vivent beaucoup d'anxiété durant le divorce et ils risquent de réagir de manière exagérée s'ils ont peur. Essayons de réduire la peur et, selon toute vraisemblance, nous en arriverons plus facilement à une solution à l'amiable.
Nous constatons que le moment est bien choisi pour apporter des modifications aux lois de manière à enchâsser le concept que le partage du rôle parental est dans le meilleur intérêt des enfants. Nous insistons pour que ce principe soit enchâssé, de manière à offrir des directives claires aux administrations provinciales et à leur législation respective.
Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.
Nous commençons par les questions. Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Il y a une autre présentation.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je croyais que vous étiez ensemble. Vous faites partie du même groupe n'est-ce pas?
M. Moray Benoît (directeur, Victoria Men's Centre): Oui. Je serai très bref.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien.
M. Moray Benoît: Mon nom est Moray et je suis directeur du Victoria Men's Centre. Je suis conseiller depuis 14 ans; je travaille avec les enfants, les familles et les adultes. Je suis moi-même le père de trois jeunes enfants. Je suis divorcé légalement et j'aimerais parler de ce que cela représente réellement d'être un père.
Je me représente moi-même devant les tribunaux depuis deux ans et demi. La semaine dernière, notre plus jeune fille était à l'hôpital pour enfants de Vancouver dans un état critique, entre la vie et la mort. J'ai dû me battre pour pouvoir jouer mon rôle de père.
Si je suis ici aujourd'hui, c'est pour vous parler du coeur de la question c'est-à-dire de ce que vivent de nombreux hommes et de nombreux pères de famille qui sont fatigués de se voir refuser l'accès à leurs enfants en vertu de lois, de politiques et de préjugés injustes.
Présumés coupables jusqu'à ce que nous puissions prouver notre innocence, voilà bien comment nombre d'entre nous hommes et pères de famille nous sentons. On nous blâme pour l'échec de nos relations et de nos mariages. Pour être en mesure de voir nos enfants, nous en sommes réduits à des ordonnances accréditives de droit de visite. La plupart de ces ordonnances n'ont aucune base juridique. Nous devons ensuite nous rendre devant les tribunaux, afin de faire respecter ces ordonnances et de voir à leur mise en vigueur. Il y a tout autant de bon pères qu'il y a de bonnes mères de famille.
L'abus et la violence sont des problèmes de société, et non des problèmes propres à un seul sexe. Il y a autant de pères préoccupés au sujet de la violence à l'égard des enfants qu'il y a de mères. Ne condamnez pas les bons pères que nous sommes pour quelques-uns qui sont de mauvais pères. Beaucoup d'entre nous désirent participer pleinement à tous les aspects de la vie de leurs enfants. On nous refuse ce droit dans le cadre d'un système qui actuellement place les besoins de la mère des enfants en premier et réduit les hommes à des acteurs de soutien lorsque vient le moment pour eux de jouer leur rôle de père devant leurs enfants.
Les pères sont laissés sur la touche, tandis que leurs enfants grandissent avec leurs mères. Nous vivons dans une société où beaucoup d'enfants vivent sans la présence du père. Cette situation est devenue endémique. Pourquoi y a-t-il tellement d'enfants qui grandissent sans la présence de leur père? Cette question doit être étudiée. Les ramifications des enfants sans père sont présentes tout autour de nous et nous ne pouvons plus les ignorer.
Nous ne voulons pas que nos enfants fassent partie de cette tendance. Nous voulons participer également dans l'éducation de nos enfants en partageant les rôles et les responsabilités. Nous voulons que les mères de nos enfants relâchent leur emprise sur eux et relâchent aussi le contrôle qu'elles exercent sur la vie de nos enfants et qu'elles partagent la tâche de leur éducation avec nous.
Égalité signifie égalité. Nous voulons l'égalité dans l'éducation de nos enfants, que nous vivions dans le même ménage ou dans des ménages différents. Nos enfants ont le droit d'avoir une relation entière et significative avec leurs deux parents, le père et la mère doivent se voir accorder la même importance. Les soins de base de nos enfants ne doivent plus être laissés entre les seules mains des mères, mais plutôt entre les mains de deux parents capables. Il est sain pour nos enfants et il est sain pour nous d'être des parents égaux dans l'éducation de nos enfants.
Je vous remercie.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Okay, monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Merci beaucoup. D'après la saveur particulière du témoignage que nous venons tout juste d'entendre, nous devons certainement affirmer qu'il existe des pères abusifs et contrôlants dans la société. Je pense que toute la société reconnaît cela, mais il existe aussi des mères abusives et contrôlantes. Mais nous ne voulons pas de la guerre entre les sexes.
Ce matin, nous parlons des luttes de pouvoir, et il semble particulièrement que l'argent soit associé à l'autorité qui est acquise sur les enfants. Alors, comment pouvons-nous faire passer les droits parentaux et le désir de l'autorité parentale à la responsabilité parentale à l'égard des enfants? Peut-être pourriez- vous diriger vos commentaires plus spécifiquement sur la Loi sur le divorce elle-même, et sur la façon dont la Chambre des communes et le Sénat pourraient modifier la Loi sur le divorce afin d'essayer d'établir une base plus équitable des responsabilités parentales, de sorte que lorsque deux parents n'assumeront plus cette autorité ensemble, ils auront toujours les mêmes obligations et les mêmes responsabilités de faire tout en leur pouvoir pour leurs enfants même s'ils n'arrivent plus à bien s'entendre tous les deux.
• 1350
N'importe lequel des groupes ici présents pourrait se lever et
parler de ce sujet, en essayant de concentrer ses interventions sur
une modification particulière de la loi.
M. Carey Linde: C'est un art et non une science. Je ne sais pas si vous pouvez réellement modifier le comportement humain de cette façon. Il me semble que les gouvernements établissent des mandats et prescrivent des punitions, malheureusement et je n'aurais jamais pensé que je me retrouverais ici en train de suggérer une chose semblable, mais considérez un moment ce que certaines compétences américaines font. Lorsque un des parents refuse l'accès à l'autre parent, il ou elle risque de perdre la garde des enfants. La situation est différente ici. Dans notre pays, on peut s'en tirer à bon compte à cet égard et les gens fautifs savent très bien qu'ils s'en tireront avec une simple réprimande.
Pour modifier le comportement humain, les gens qui s'engagent dans une procédure de divorce doivent réaliser qu'ils courent certains risques s'ils ne se comportent pas d'une certaine manière. Et le seul risque auquel je pense est la question qui nous occupe. Jour après jour, je dois défendre des causes où l'un des parents a enfreint des ordonnances relatives au droit de visite et on lui dit de ne pas le faire encore et encore et les enfants sont bousculés. Si les gens étaient convaincus que la garde allait réellement passer à l'autre parent s'ils ne respectaient pas les ordonnances et s'ils ne faisaient pas certaines choses, peut-être que les ordonnances auraient plus d'effet.
Considérez un moment la conduite en état d'ébriété. Combien parmi nous pensent qu'ils ne boiront pas au-delà du .08 mais nous pouvons contourner cette exigence? Si c'était tout simple, s'il suffisait de se faire prendre pour être condamné, les choses seraient différentes. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre? Mais tant que les gens n'ont pas réalisé que la loi les oblige à faire certaines choses...
Considérez le paragraphe 10(6) de la Loi sur le divorce, cet article qui traite de la question de la garde des enfants... C'est le seul article de toute la Loi sur le divorce qui ordonne aux tribunaux de considérer un point en particulier, c'est-à-dire l'aptitude ou le désir des deux parents de faciliter les choses. Et pourtant, il n'y a pas une seule cause dans ce pays qui n'ait été décidée en fonction de cet aspect. La garde est parfois décidée en fonction d'un éventail de facteurs, mais ce n'est jamais en fonction d'une seule chose. Aussi, si vous le pouvez, essayez de bien comprendre que si vous êtes en infraction avec certains aspects, vous aurez des ennuis.
M. Paul Forseth: Monsieur Wiebe ou monsieur Maiello.
M. Ken Wiebe: Avec tout le respect que je vous dois, vous faites allusion aux responsabilités des parents à l'égard de leurs enfants. Moi, en tant que parent, j'ai certaines responsabilités envers mes enfants dont je suis parfaitement capable de m'acquitter. Si j'avais leur garde la moitié du temps, je devrais, par nécessité, m'acquitter dans une large mesure de ces responsabilités.
Je ne suis pas particulièrement intéressé—et je ne pense pas qu'aucun parent le soit—à ce que ce soit la législature ou les tribunaux qui décident de mes responsabilités parentales pour moi. Je suis convaincu qu'en tant que parent, en tant que père, j'ai une très bonne idée de ce que sont mes responsabilités envers mes enfants. Je ne suis pas particulièrement éclairé sur ce que vos responsabilités envers vos enfants pourraient être, et je ne pense pas non plus que la législature possède une idée particulière sur ce sujet.
En règle générale, je pense que les responsabilités dont nous nous acquittons envers nos enfants devraient être laissées aux parents. Dans une large part, la loi devrait rester silencieuse à cet égard. Ce n'est pas l'affaire de la législature ni celle des tribunaux d'établir des ordonnances à l'égard des parents et de leur dire quelles sont leurs responsabilités, que ce soit des responsabilités financières ou qu'il s'agisse du temps qu'ils doivent passer avec leurs enfants—ou de tout autre facteur.
La responsabilité de la législature et des tribunaux à cet égard est de s'assurer que la situation après le divorce respecte l'égalité, l'autorité parentale, l'intégrité et le caractère sacré de la famille—ma famille en l'occurrence, parce que c'est celle qui m'intéresse, mais j'ai des doutes très sérieux sur ce que tout autre père ou toute autre mère pourrait ressentir sur cette question.
M. Paul Forseth: Monsieur Maiello?
M. Joseph Maiello: Je passe.
M. Paul Forseth: Monsieur Maser ou monsieur Benoît?
M. Harvey Maser: Je passe moi aussi.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice DeWare.
La sénatrice Mabel DeWare: Merci beaucoup.
Je voulais simplement mentionner deux choses. Si vous désirez tous répondre, vous le pouvez. Tout d'abord, depuis plusieurs semaines au cours de nos audiences nous avons entendu passablement de témoignages au sujet d'un plan d'autorité parentale et sur le fait qu'il forcerait des parents à penser à ce qu'ils devraient faire au sujet de leurs enfants et comment ils s'en occuperaient. Pensez-vous qu'un plan sur le rôle parental devrait être obligatoire avant d'accorder le divorce? Cela signifie que les parents devraient présenter un plan, et peut-être que ce ne serait pas le bon, aussi ils devraient recommencer encore et encore.
• 1355
Vous parlez de médiation obligatoire. L'information que nous
obtenons de la part de certains avocats et de certains psychologues
est que la médiation ne devrait pas être obligatoire. Ces gens nous
informent que nous ne devrions pas emprunter cette avenue, et
particulièrement dans les cas de violence et d'abus. Vous ne
pourriez pas obtenir de deux personnes qu'elles s'assoient dans la
même pièce et qu'elles discutent tranquillement dans le cadre d'une
médiation obligatoire, aussi ils suggèrent que la médiation ne soit
pas obligatoire. Il devrait y avoir aussi des cours de formation.
Je voulais simplement aborder la question, et ceux d'entre vous qui veulent ajouter des commentaires peuvent le faire.
M. Harvey Maser: J'aimerais faire un commentaire à ce sujet.
Nous avons considéré la situation et les circonstances particulières de façon très attentive et nous sommes convaincus que la médiation obligatoire est nécessaire. Au cours du processus de médiation, la structure et l'animation du processus de médiation sont et devraient être établies par le médiateur. Je pense que le médiateur peut s'assurer que les deux personnes puissent s'exprimer et qu'elles puissent être écoutées avec respect et aussi que les situations particulières de déséquilibre, si elles existent...
Je ne pense pas que le déséquilibre existe toujours nécessairement. Je pense qu'il s'agit probablement d'une inquiétude à l'idée de perdre l'autorité lorsque le déséquilibre est envisagé. Des études ont démontré que souvent la personne qui se dit victime est très préoccupée de trouver un moyen de maintenir son pouvoir. Je pense qu'il faudrait aussi étudier cette situation.
M. Joseph Maiello: Si la médiation ne fonctionne pas, dans ce cas il faut aller devant les tribunaux et ceux-ci ont l'obligation d'établir des principes de justice qui soient équitablement répartis. Je pense que M. Wiebe a fait passablement de recherche dans ce domaine.
La sénatrice Mabel DeWare: J'ai été très intéressée de constater que deux d'entre vous ont parlé du principe de justice.
M. Joseph Maiello: Oui.
M. Ken Wiebe: En ce qui concerne votre question au sujet d'un plan parental, il n'y aurait certainement pas de mal à nous doter d'un plan de ce genre, même si d'après ma propre expérience et celle des gens que je connais, le fait d'avoir un plan sur la façon d'agir en tant que parent dans une situation d'après divorce avant d'avoir divorcé et d'être redevenu célibataire ne serait probablement pas très efficace. À ce moment-là, je ne pense pas que moi ou quiconque ait réellement une bonne idée de la façon dont il doit agir en tant que parent divorcé avec des enfants.
Pour ce qui est de la médiation obligatoire, nous ne précisons pas ce que nous entendons réellement par médiation obligatoire. Fondamentalement, c'est le couple qui divorce qui doit au moins essayer une séance de médiation avant qu'un juge puisse rendre sa décision. C'est réellement tout ce que cela signifie.
Ensuite, il y a la question du niveau de violence dans un mariage qui serait tellement élevé que l'un ou l'autre partenaire serait inconfortable ou ne serait pas en mesure de traverser le processus de médiation. En tant que victime de violence conjugale, je suis passé par le processus de médiation et j'ai trouvé que ce processus même avec la présence du médiateur dans la pièce n'était pas tellement différent de ce que la situation aurait été dans un tribunal avec un juge dans la pièce. À un certain moment donné, le couple qui divorce doit négocier quelque chose. Que cela se passe dans un tribunal ou dans le cadre d'une médiation, je ne pense pas que cela ait réellement de l'importance. Une situation n'est pas préférable à l'autre.
M. Carey Linde: Il me semble que le plan parental fonctionnerait beaucoup mieux si la Loi sur le divorce faisait passer l'hypothèse de la garde partagée et du partage du rôle parental à un niveau neutre. Je sais que j'ouvre un débat difficile et je suis sûr que vous en avez déjà parlé. J'espère que je ne suis pas sexiste, mais à l'heure actuelle les mères savent très bien que si les choses vont de mal en pis et s'il y a échec du mariage, elles auront l'occasion d'obtenir ce qu'elles veulent en fin de compte. Le préjugé existe. Qu'on le veuille ou non, il existe.
Il y a un grand débat en ce qui concerne les conséquences de cet état de chose. Et si vous déplacez le débat vers le centre et si les deux parties savent qu'elles devront penser et travailler réellement dans leur propre intérêt, cela pourrait fonctionner. Je suis en faveur de cette décision.
• 1400
Ce qui me déplaît le plus, c'est lorsqu'un type entre ici, que
lui et sa femme ont assez bien réglé la question; puis il sort
d'ici, et peu de temps après, elle se prend un avocat et la
première chose que vous savez elle ne communique plus. Pourquoi?
Parce qu'un avocat rusé lui a dit, si vous rompez la communication,
vous obtiendrez la garde. Tout le travail s'effondre et elle s'en
tire à bon compte généralement avec cet argument.
J'ai entendu des juges dire, «vous savez, il n'y a pas de communication ici. Je pense que ce conjoint le fait par exprès; et il n'y a rien que je puisse y faire.» Vous devez déplacer cette situation vers le centre.
La sénatrice Mabel DeWare: Vous parlez presque de sélection de l'offre finale ici.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: J'ai une couple de questions. La première s'adresse à Carey Linde.
Peut-être que je vous ai mal compris, mais il me semble que vous avez cité le paragraphe 10(6).
M. Carey Linde: Est-ce que c'est le bon paragraphe?
Le sénateur Duncan Jessiman: Il n'y a pas de paragraphe de ce numéro. Je pense qu'il s'agit de l'article 16.
M. Carey Linde: C'est le paragraphe 16(10).
Le sénateur Duncan Jessiman: Okay, je voulais simplement que cela soit consigné correctement.
M. Carey Linde: Merci.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je ne sais pas si l'un d'entre vous a entendu cette information mais est-ce que vous pourriez me dire quel est le pourcentage des parents ayant obtenu la garde de leurs enfants qui travaillent à temps plein à l'extérieur du foyer? Possédons-nous des statistiques sur ce sujet?
On nous dit que...et je sais, à toute fin pratique, que anciennement les femmes ne travaillaient pas, mais maintenant...
Une voix:
[Note de la rédaction: Inaudible]
Le sénateur Duncan Jessiman: À l'extérieur du foyer.
Mais aujourd'hui, la plupart des jeunes femmes, comme ma belle-fille, travaillent à l'extérieur et un certain nombre des enfants de mes amis qui sont mariés ont une épouse qui travaille. Aussi, si nous avions des statistiques qui pourraient nous dire, très bien, un certain pourcentage travaillent à l'extérieur, pourquoi est-ce que les tribunaux continuent, comme tout le monde ici l'a déjà dit, à faire en sorte que dans environ 85 p. 100 de toutes les causes de divorce où il y a des enfants, à accorder la garde à la mère? Si celle-ci travaille à plein temps et si le père travaille aussi à plein temps, quel est le problème? Quel est le problème avec les hommes? Pourquoi n'êtes-vous pas en mesure de convaincre les tribunaux que vous pouvez aussi bien faire l'affaire?
M. Carey Linde: Les maîtres et les juges dans une moindre mesure continuent d'appliquer le principe de la pourvoyeuse principale, de la préférence maternelle, de la stabilité. Ils associent... Je pense que la stabilité émotionnelle est en cause. Ils pensent que c'est une question de stabilité géographique, et si vous pouvez mettre la main sur les statistiques par l'entremise de votre gouvernement...
Mais il me semble que les couples qui se dotent d'un partage raisonnable du rôle parental sont ceux qui travaillent tous les deux et qui ont réussi à s'organiser de sorte que l'un travaillera peut-être pendant le week-end, du vendredi au mardi et que l'autre travaillera durant la semaine, et que l'enfant sera avec l'un des deux parents pendant trois ou quatre jours puis avec l'autre parent pour les jours suivants. Ils s'arrangent très bien.
Le sénateur Duncan Jessiman: Merci.
Est-ce que quelqu'un d'autre veut faire des commentaires?
M. Ken Wiebe: J'aimerais bien répondre à cette question.
J'ai une théorie sur le préjugé. Je pense que ce préjugé tient à la politique de la situation. Si un juge fait une erreur dans une décision relative à la garde des enfants, s'il fait une erreur en faveur d'une mère, il est peu vraisemblable qu'il ait à souffrir d'une mauvaise publicité à cet égard. Par contre s'il fait une erreur de décision en accordant la garde à un père, alors il va lui en coûter, et un grand nombre de groupes d'activistes feront en sorte que sa décision sera publicisée et même très bien et non seulement au sein du public mais aussi au sein de l'appareil gouvernemental et du système politique dont les juges dépendent pour diverses nominations pour leurs carrières.
Le sénateur Duncan Jessiman: J'aimerais vous demander, est-ce que la cause Young contre Young a quelque chose à voir avec cet aspect particulier?
M. Carey Linde: Au sujet du travail?
Le sénateur Duncan Jessiman: Non, au sujet de la garde et du parti pris contre l'autre sexe.
M. Carey Linde: Oui. Il y a seulement une couple de causes présentées devant la Cour suprême du Canada où les juges parlent des intérêts fondamentaux.
McLachlin en parle, et la seule phrase clé est qu'ils devraient maximiser les contacts avec les deux parents. Selon n'importe quelle définition donnée de «maximiser», au niveau des tribunaux d'instance inférieure, c'est une blague. Ils transforment les pères de cette province en pères de fin de semaine.
Le sénateur Duncan Jessiman: Cette cause est maintenant vieille de cinq ans. Aussi, pour les cinq dernières années vous pouviez l'utiliser, mais nonobstant...
M. Carey Linde: Vous pouvez l'utiliser tout aussi bien, et c'est «Merci beaucoup d'avoir amené le sujet, mais les faits dans cette cause sont quelque peu...» et ils trouvent toujours le moyen, consciemment ou inconsciemment de revenir à ce que les choses ont toujours été.
Mais elles sont en train de changer lentement. Il y a certaines choses qui évoluent ici. C'est difficile et cela entraîne des problèmes, mais je pense que les parents doivent être mis au pied du mur pour régler certains problèmes, parce que c'est dans l'intérêt des enfants.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Benoît, allez-y.
M. Moray Benoît: J'aimerais aborder cette question. Il me semble qu'elle comporte deux volets. Le premier porte sur l'idée du pourvoyeur des soins principaux. Lors d'une séance antérieure de ce comité, nous avons entendu plusieurs personnes différentes avancer que même si les femmes travaillent, la majorité des soins principaux sont encore donnés par les femmes. Je ne suis pas absolument convaincu de cela, mais dans certaines de mes lectures et des choses que j'ai entendues, l'idée est répandue que les femmes ont tendance à ne pas vouloir relâcher leur contrôle sur les enfants, même si elles sont sur le marché du travail.
Il y a cette idée de la super-mère qui circule et que pour être une super-mère vous devez non seulement travailler à plein temps mais vous devez aussi assumer l'entière responsabilité des enfants. Je pense que nos tribunaux et notre système judiciaire entretiennent cette perspective quelque peu traditionnelle de la question et que justement celle-ci doit être étudiée et que les soins principaux ne sont plus seulement du domaine de la mère. Il faut étudier cette question de très près.
L'autre volet porte sur l'argent. Pour un grand nombre de couples, les hommes dans bien des cas ont des revenus supérieurs et ils sont pénalisés financièrement devant les tribunaux. Cela rend les choses plus difficiles au niveau du partage de la responsabilité principale des enfants parce que les pénalités financières sont souvent imposées aux pères sous la forme de la pension alimentaire, et d'autres moyens utilisés par notre système judiciaire.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Longfield.
Mme Judi Longfield: Monsieur Linde, vous avez suggéré que les avocats étaient en grande partie responsables ou du moins qu'ils étaient à l'origine d'un problème—en ce qu'ils défendaient tellement férocement les intérêts de leurs clientes que parfois ils en oubliaient que des enfants étaient en cause. Comment pouvons-nous contourner ce problème? Quiconque a droit d'obtenir la meilleure défense possible, le meilleur avocat possible pour défendre ses besoins particuliers ou ses préoccupations. Quelle est la réponse?
M. Carey Linde: Et bien, j'ai dit à certains de mes collègues que j'allais vous dire ce qui suit, et ils m'ont dit de ne pas le faire. Ils m'ont en quelque sorte affirmé, «y a-t-il des parents pour lesquels nous ne ferons pas cette démarche?» Oui il y a des parents pour lesquels nous n'agirons pas ainsi.
Récemment, je devais défendre la cause d'un père qui, pour quelque raison, avait obtenu la garde de ses deux enfants et la mère lui demandait de voir ses enfants plus souvent qu'une fin de semaine sur deux. Elle voulait les voir le mercredi après-midi. Je lui ai dit, «Pourquoi n'acceptez-vous pas cela?». Il a répondu, «Et bien, je n'ai pas confiance en elle.» Il y avait donc quelque chose qui clochait entre les parents. Je n'irais pas défendre cet homme.
La plupart des avocats vous diront que vous ne pouvez pas prendre cette position et que vous devez défendre quiconque se présente dans votre bureau. À mon avis, c'est un non sens. Il y a un problème d'éthique ici. Les avocats au criminel, lorsque vous leur demandez comment ils ont pu défendre une personne coupable, vous répondront, qu'il s'agit d'une question intellectuelle, «Tout homme ou toute femme a droit à la meilleure défense possible. La Couronne doit être mise à l'épreuve.» Il y a une certaine forme d'abstraction ici qui fonctionne.
Les avocats qui jouent sur les deux tableaux lorsqu'il y a des enfants en cause n'ont pas cette échappatoire. Vous n'avez pas à aller défendre le parent aliénant. Si vous saviez que le parent est aliénant pour l'enfant, et si vous pensez zut, je pense que ces enfants devraient voir davantage leur autre parent, vous n'avez qu'à dire et bien je n'irai pas défendre cette cause.
Il y a nombre de causes où les parents préfèrent ne pas voir l'autre parent, malheureusement. Pour la bonne marche des affaires...je veux dire, je pense que les avocats se sont trop avancés sur cette question. Pourquoi est-ce que je dis cela? Parce que cela est lucratif. Ils peuvent ainsi se faire davantage de clients.
Mme Judi Longfield: J'aimerais poursuivre un peu plus avant. Nous entendons souvent qu'il n'est pas dans le meilleur intérêt d'un avocat de régler une cause rapidement parce que leurs honoraires sont fondés sur le nombre d'heures qu'ils mettent à défendre une cause. On nous a fait certaines suggestions—et encore une fois cela tournait autour du coût de ces batailles, non seulement sur le plan juridique mais aussi les coûts des psychologues et des médiateurs et de l'éventail de personnes que vous pouvez amener à la barre pour la défense. Comment les choses se passeraient-elles dans une situation où les honoraires seraient de 5 000 $ peu importe le temps qu'il faudrait, le prix resterait à 5 000 $ et tout le monde serait alors forcé de régler le plus rapidement et le plus amicalement possible? Est-ce que c'est une idée qui mérite d'être étudiée?
M. Carey Linde: Je ne sais pas. Je continue de revenir à la réponse selon laquelle il s'agit d'une question ouverte. Vous ne savez jamais ce qui va se passer. Écoutez le juge MacLachlin dire ce que cela signifie, et pourtant ce n'est pas réellement le cas. Aussi, tant que les tribunaux de ce pays ne décideront pas d'établir des limites...tout avocat peut dire, et bien, vous savez cette cause dit ceci, mais cette autre dit cela.
Mme Judi Longfield: Cependant, il y a des situations où l'on tient pour acquis que tous les hommes possèdent des ressources financières et que toutes les femmes n'en possèdent pas. Allons-nous continuer à perpétuer cet état de chose—c'est-à-dire que si vous avez assez d'argent pour intenter des poursuites, vos chances de réussite sont meilleures? Est-ce vraiment de cette façon que nous voulons que les décisions soient prises? Si c'est le cas, il suffit de regarder le compte de banque et de dire, et bien voilà vous êtes en mesure d'aller plus loin, donc vous obtiendrez la garde des enfants.
M. Carey Linde: En doit familial, une quantité de poursuites tournent autour de l'argent. Si les gens ont de l'argent, s'il s'agit d'un divorce d'une valeur supérieure à un million de dollars, laissons-les dépenser leur argent en honoraires d'avocats. Mais s'il s'agit du bien-être des enfants...
Mme Judi Longfield: Je ne m'inquiète pas au sujet de la personne qui possède un million de dollars, je m'inquiète plutôt de ce qui arrivera aux enfants.
M. Carey Linde: Il me semble que si l'on faisait en sorte de ramener au centre des discussions le droit de visite et la garde des enfants de même que le partage du rôle parental et si l'on en faisait la position par défaut, et si l'on imposait à la personne qui désire obtenir la garde exclusive des enfants le fardeau de prouver le bien-fondé de cette décision, on pourrait faire des économies. Les gens ne gaspilleraient pas leur argent dans une cause où le chemin est très bien balisé. Peut-être que je fais preuve de naïveté.
Mme Judi Longfield: Encore une fois, je pense que cela revient à dire qu'il suffit de disposer des ressources financières suffisantes pour pouvoir affirmer que vous avez le droit d'obtenir ce que vous voulez. Et je ne pense pas que nous voulions que les choses se passent ainsi.
M. Carey Linde: Je pense en effet que c'est la triste vérité.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier les témoins qui comparaissent devant nous et j'aimerais louanger la déclaration qu'a faite M. Linde il y a quelques minutes dans laquelle il disait ne pas vouloir représenter un parent, de l'un ou l'autre sexe, qui chercherait à aliéner ses enfants de l'autre parent. Cela fait plaisir d'entendre cette idée articulée de façon aussi claire, peut-être parce que moi aussi je partage ce point de vue. La délinquance parentale, qu'elle soit le fait de l'un ou l'autre sexe, est indésirable et inacceptable. Peu importe s'il s'agit d'un homme ou d'une femme. Il me semble que la plupart d'entre nous sommes d'accord avec cette idée et je voulais vous remercier de l'avoir exprimée si clairement.
Je désire souligner, à l'intention du président et du comité en général, que M. Linde nous a entretenu de la question de l'éthique des avocats et des activités des avocats et de la conduite de ce type de poursuite judiciaire.
J'aimerais aussi insister sur le fait que nous entendons souvent ce genre de réflexion. Bien des témoins nous répètent encore et encore que la question de l'éthique des avocats et des activités des avocats ainsi que le contexte du divorce avec responsabilité et ainsi de suite, le comportement des avocats est un problème.
J'aimerais proposer, devant le comité, monsieur le président, que nous tenions une séance qui porterait précisément sur cette question—l'éthique et les activités des avocats.
Je vous dis cela, monsieur Linde, parce que vous m'avez rappelé qu'une personne m'a remis récemment un document. Malheureusement, c'est un ouvrage américain et habituellement je préfère utiliser des références canadiennes, mais cet ouvrage est rédigé par un avocat américain qui s'appelle Bradley A. Pistotnik et cet ouvrage s'intitule Divorce War! 50 Strategies Every Woman Needs to Know to Win.
Le livre est un ramassis de quelque 50 stratégies du divorce, et il est farci d'affirmations telles que: «Stratégie 22: Lorsque vous voulez divorcer, apprenez à irriter votre mari chaque fois que c'est possible»; «Stratégie 24: Contrôlez votre mari en alternant les attitudes tendres et l'indifférence de façon à le maintenir dans un état de préoccupation continuel»; «Stratégie 38: Demandez toujours davantage que ce qui est juste, et beaucoup plus que ce que vous méritez».
Ce qu'il y a d'intéressant avec ce livre, ou cette doctrine ou encore cet extrait, c'est que la plupart d'entre nous dirions, et bien, c'est un tissu de non-sens et nous n'en tiendrons pas compte, mais ça été rédigé par un avocat. C'est pourquoi quelque part aux États-Unis d'Amérique, certaines personnes prennent ce livre comme un avis juridique. Je tenais simplement à apporter ceci à votre attention parce que, monsieur Linde vous avez soulevé ces questions et vous y avez réfléchi.
Mais, monsieur le président, je recommande cela très fortement, parce que nous entendons beaucoup de témoins répéter cette préoccupation précise et je comprends que les intérêts qui se sont cristallisés autour de la question de l'exercice du droit sont tellement énormes et tellement profonds qu'il y en a beaucoup qui tremblent à la seule idée d'avoir à remettre en question la profession juridique. Mais il me semble que le moment est venu, monsieur le président, de nous pencher sur ce problème.
Merci.
M. Joseph Maiello: Monsieur le président...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y.
M. Joseph Maiello: ... si vous me permettez de faire un commentaire sur la stratégie de la sénatrice Cool, qui est en vérité...Je pense qu'en fait cette stratégie a un lien avec celle de Mme Longfield qui faisait des commentaires au sujet des avocats. Les avocats n'agissent ainsi que parce qu'ils savent que les tribunaux sont biaisés. Si les tribunaux n'étaient pas biaisés, s'ils reconnaissaient aux parents la même autorité parentale après le divorce, eh bien des avocats n'auraient aucun intérêt à utiliser un préjugé parce que les tribunaux ne toléreraient pas ce préjugé.
• 1415
Cela revient au droit et à l'administration des principes de
la justice. Si les tribunaux étaient justes, les parents ne
perdraient pas leur autorité parentale simplement parce qu'ils
auraient demandé un divorce. Un mari et une femme peuvent toujours
divorcer, mais les parents et les enfants le demeurent pour
toujours.
Je suis au courant d'une cause aux États-Unis où les parents avaient demandé le divorce et où le juge avait déclaré, «D'accord, mais les enfants ne quitteront pas la maison; ce sont les parents qui devront le faire.» Ils ont demandé le divorce, pas les enfants. Par conséquent ce sont les parents qui devront quitter la maison et, chaque semaine un des parents viendra vivre avec les enfants. Cela signifie que les enfants n'auront pas à faire leurs bagages, ce sont les parents qui devront le faire.
Un autre aspect de ce jugement est que les parents ne peuvent emmener avec eux leur nouveau petit ami ou leur nouvelle copine. Ils peuvent présenter leur nouveau partenaire à leurs enfants, bien entendu, mais le nouveau petit ami ou la nouvelle copine ne peut pas emménager. En retirant la garde exclusive aux deux parents, vous éliminez aussi l'option du parent ayant la garde emmenant un nouveau papa ou une nouvelle maman. Habituellement, c'est la mère qui obtient la garde, aussi les enfants considèrent le nouvel homme dans sa vie comme étant leur papa, et parfois, bien entendu, il leur est présenté comme tel.
Quelqu'un a fait le commentaire suivant, que cela revenait à faire vivre trois ménages. C'est faux, parce que je dois avoir un espace où vivre ainsi qu'un autre où mes enfants vivent. Je pourrais louer une chambre dans la maison de mes parents. Je n'ai pas à entretenir trois maisons; cependant je suis responsable de moi-même et de mes enfants de même que de mon ex-femme.
C'est une avenue que les tribunaux pourraient envisager, c'est-à-dire que ce sont les parents qui devraient faire leurs bagages et non les enfants. Ainsi les enfants n'auraient pas à déménager, changer de chambre et ainsi de suite.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous remercie beaucoup. J'aimerais aussi vous remercier tous d'être venus ici ce matin.
Aux membres du comité, j'aimerais dire que nous ferons une pause de cinq minutes, comme à la septième manche, au baseball. Merci, à tous et à chacun, d'avoir pris le temps de venir et de participer à nos travaux.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous avons devant nous un trio en provenance de l'État de Washington et nous aimerions leur souhaiter la bienvenue. Il y a d'abord M. Eugene Oliver, qui est avocat avec la firme Oliver and Associates. M. Oliver est un avocat en droit familial qui pratique à Seattle et, je me suis laissé dire qu'il se spécialisait dans les causes d'enlèvement d'enfants.
Il est accompagné du Dr John Dunne, un psychiatre, qui siège au comité d'État ayant rédigé la Loi sur le rôle parental dans l'État de Washington.
Finalement, Mme Diane Lye, qui est statisticienne sociale et qui a été mandatée dans le passé par la Cour suprême de Washington pour entreprendre un projet de recherche visant à évaluer l'incidence de la Loi sur le rôle parental. Je dois dire, de notre point de vue, que nous avons beaucoup entendu parler de votre Loi sur le rôle parental et qu'il nous fait très plaisir de vous avoir ici aujourd'hui pour que vous puissiez nous en parler.
Peut-être connaissez-vous un peu notre façon de procéder. Je demanderai d'abord à M. Oliver de nous expliquer son point de vue. Par la suite nous suivrons la liste et nous aurons une période de questions.
Monsieur Oliver, bienvenue et veuillez commencer.
M. Eugene Oliver (avocat, Seattle, Washington): Je vous remercie beaucoup. C'est un privilège d'être ici aujourd'hui. J'espère pouvoir vous être de quelque utilité.
Je suis un procureur exerçant à titre individuel. Une grande partie de ma pratique porte sur la dissolution du mariage ainsi que sur d'autres causes liées à la garde des enfants et au rôle parental. Je travaille aussi énormément dans des causes interjuridictionnelles et c'est probablement l'une des raisons de ma présence ici, parce que j'ai participé à certaines causes qui concernaient à la fois les États-Unis et le Canada, de même qu'à plusieurs causes inter-État aux États-Unis. Je fais ce travail depuis plus de 20 ans, ce qui me ramène à une époque antérieure au plan parental à Washington.
Je pars de l'hypothèse que vous avez entendu parler de la loi imposant le plan parental et que vous avez une idée de ce en quoi il consiste et si ce n'est pas le cas, vous me poserez des questions ou vous interrogerez les autres personnes à ce sujet. Aussi je ne vais pas vous décrire en quoi consiste cette loi.
J'aimerais d'abord vous expliquer une ou deux choses. Dans notre état, avant la Loi sur le rôle parental, nous avions la garde des enfants et le droit de visite. Une personne se voyait accorder la garde et l'autre obtenait un droit de visite. Dans une majorité de causes, les parents étaient très motivés et faisaient en sorte que cela se passe très bien, comme je pense que cela se produit dans la majorité des cas. Il est vrai que l'on entend surtout parler des problèmes. Dans la plupart des cas, ce sont de très bonnes personnes qui désirent réellement bien éduquer leurs enfants.
Dans les causes antérieures à la Loi sur le rôle parental, nous avons introduit une formulation dans un jugement de divorce qui disait en substance ce parent obtient la garde, et l'autre parent obtient un droit de visite; les visites seront raisonnables. Et nous aurions pu ajouter quelque chose à l'effet que les visites devraient comprendre au moins un week-end sur deux ou deux week-ends par mois, et un peu de temps au cours de l'été. Ou encore quelque chose de ressemblant. La plupart des gens se contenteraient de cela et feraient en sorte que tout se passe bien et vivraient très heureux par la suite ou du moins aussi heureux qu'ils l'auraient pu l'être si nous avions été beaucoup plus précis.
• 1430
Dans un certain nombre de causes, toutefois, nous—c'est-à-
dire les avocats et si la cause se rend jusque devant les
tribunaux, le tribunal—considérerions les personnes et nous
dirions, ces gens-là n'arriveront jamais à s'entendre avec la garde
accordée à une partie et des visites raisonnables. Ils ne
s'entendront pas sur grand chose. Parfois ils n'arrivent même pas
à s'entendre pour dire qu'il fait clair à midi.
Aussi, dans des causes de ce genre, nous serions beaucoup plus précis. Nous rédigerions un jugement qui préciserait les dates et les heures, qui fait quoi et qui décidera pour ceci et ensuite nous les renverrions chacun de leur côté. Il est à espérer qu'ils s'en tireraient beaucoup mieux parce que nous aurions été plus précis.
Et bien, dans le cas du plan parental, nous sommes très précis pour tout le monde, et cela à mon sens constitue à la fois la force et la faiblesse de ce plan. La plus grande faiblesse que je trouve au plan parental tient au fait qu'un fort pourcentage de personnes- -et je n'essaierai pas de vous avancer un chiffre ici, mais il s'agit vraiment d'un fort pourcentage de personnes—n'ont pas vraiment besoin de tous ces détails et s'en tireraient très bien par eux-mêmes. Ces gens veulent faire ce qu'il y a à faire et ils ont suffisamment de bon sens et de respect l'un pour l'autre pour le réaliser.
Le plan parental est très compliqué à rédiger et il comporte une somme de détails. Pour les gens qui n'en ont pas besoin, il s'agit d'une dépense additionnelle et une dépense d'énergie aussi et parfois il soulève des questions dont ils auraient été tout à fait en mesure de s'occuper s'ils les avaient réglées au fur et à mesure qu'elles se seraient présentées. Mais nous les mettons dans le bain, au sens abstrait et nous les forçons à s'asseoir à une table où ils doivent s'entendre sur certaines choses avant que le divorce ne soit prononcé, et c'est cela qui cause les problèmes. Donc, dans une certaine mesure, nous occasionnons des difficultés à ces gens en les forçant à régler des situations ou des problèmes alors qu'ils auraient réussi à le faire de toute façon.
Les avantages que je trouve au plan parental, en tant qu'avocat, sont la possibilité de déplacer l'attention de mon client de l'aspect «à qui appartient cet enfant, et comment puis-je contrôler la situation?» et l'amener plutôt à se concentrer sur ce que cela signifie d'être un parent. Aussi, plutôt que de parler de qui obtiendra la garde des enfants, nous parlons de l'horaire, de qui prendra les décisions et qui devra faire ceci ou cela. Comment allons-nous procéder pour prendre des décisions concernant cet enfant? Et si un problème survient, comment allons-nous le régler? Quelle est la procédure de règlement des conflits dans ce cas-ci?
C'est mon point de vue en tant qu'avocat, et non celui d'un psychiatre ou d'un spécialiste de la santé mentale, mais il me semble qu'il permet aux gens d'adopter un autre point de vue. Au beau milieu d'un divorce, les gens se disputent souvent au sujet de la répartition des actifs et des dettes et ils doivent décider qui habitera la maison. C'est ce genre de dispute concernant la propriété qui les occupe. C'est ce qu'ils vivent et c'est comme ça que cela doit se passer. C'est la nature du divorce. Aussi. Grâce à la Loi sur le plan sur le rôle parental dans l'état de Washington, nous sommes en mesure dans nombre de causes de placer les questions sur le rôle parental dans un éclairage différent. Aussi il ne s'agit plus tant de «qu'est-ce que je gagne et qu'est- ce que je perds?». Pour moi, cela constitue le principal avantage de cette loi.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord, merci beaucoup
Docteur Dunne, s'il vous plaît.
Dr John Dunne (psychiatre, État de Washington, États-Unis): Merci. C'est un privilège pour moi de me présenter devant un groupe aussi distingué.
On m'a informé, à mon arrivée, que vous n'aviez pas reçu copie de la recherche que j'ai réalisée, aussi j'ai modifié mes plans sur ce que j'allais vous dire puisque vous ne disposez pas de ce document.
À titre de préambule, cependant, j'aimerais vous parler un peu de ce que nous nous efforçons de faire. Cela remonte aussi loin qu'en 1983. Je donnais une conférence devant la section du droit familial dans le compté de King sur ce qui était convenu d'appeler les effets de la garde partagée, qui à cette époque était très à la mode, et un certain nombre d'États se préparaient à rendre la garde partagée obligatoire. Ma présentation était entachée d'un certain degré de scepticisme; je disais qu'il ne s'agissait peut-être pas de la panacée que l'on entendait.
• 1435
Dans l'auditoire, quelques procureurs étaient très inquiets au
sujet du processus accusatoire qui se déroulait autour de la garde
des enfants et de l'effet que ce processus avait, de toute évidence
sur les enfants. C'est en quelque sorte à partir de ce point de vue
que nous nous sommes réunis et que nous avons commencé à élaborer
quelque chose de différent. Et il me semble que certaines des
hypothèses que nous avions adoptées devraient vous être expliquées.
Une de ces hypothèses est que nous étions convaincus qu'une loi pour être foncièrement bonne devait refléter les croyances de la société à l'époque, mais nous étions aussi très conscients que notre culture n'est qu'une facette d'un éventail très large. Tout le monde n'est pas blanc, de la classe moyenne et bien éduqué, comme l'étaient la plupart des gens assis dans cette salle. Nous voulions construire une loi qui soit suffisamment souple pour tenir compte d'un large éventail de circonstances comme celles qui entourent les personnes qui se présentent devant les tribunaux pour déposer une action. C'était l'une des hypothèses que nous avions.
Bien entendu, une autre hypothèse était que si les parents prenaient soin des besoins de leurs enfants en sachant que les enfants ont besoin de leurs deux parents pour se développer de façon optimale, les enfants ne s'en porteraient que mieux. Aussi nous avons essayé d'élaborer une structure qui ferait en sorte que les deux parents soient mis en cause et qu'ils doivent s'engager à réaliser le bien-être des enfants.
Nous avions donc plusieurs hypothèses. Il y en avait davantage que cela, mais celles-ci sont les hypothèses de base que nous avons utilisées pour essayer de rédiger cette loi.
Au printemps de 1987, la loi a finalement été adoptée et, étant donné que je suis un sceptique endurci, je me demandais comment elle allait fonctionner et si ce que nous avions espéré allait s'accomplir. Mon associé, le Dr Wren Hudgins, un psychologue, et moi-même avons décidé d'essayer de recueillir des fonds pour réaliser une étude. Nous avons passé six mois à essayer de ramasser les fonds pour mener cette étude et nous commencions à manquer de temps, aussi nous avons décidé d'aller de l'avant et de la financer nous-mêmes. Étant donné les limites de ce financement, l'étude comporte certaines lacunes dont j'aimerais vous faire part afin que vous soyez en mesure de bien interpréter dans quelle mesure vous pouvez vous y fier.
Mais il s'agit d'une étude unique en son genre parce que c'est la seule à ma connaissance dans le monde qui comporte un groupe de contrôle ayant été étudié avant la mise en oeuvre de la loi et un autre groupe semblable étudié après sa mise en oeuvre. Au niveau des aspects démographiques, il y avait presque congruence entre le groupe ayant déposé une demande de divorce avant la mise en oeuvre de la Loi sur le rôle parental et le groupe que nous avons suivi après son adoption.
Il y a eu toutefois quelques pépins. Étant donné que nous avions choisi notre échantillon peu de temps avant que la loi change, un certain nombre de procureurs très enthousiastes avaient déjà commencé à demander à leurs clients de créer un plan parental même si cela n'était pas encore obligatoire. Aussi, dans notre groupe de contrôle, environ 20 p. 100 des personnes avaient déjà réalisé un plan parental, et dans notre groupe expérimental, si vous voulez, ceux qui avaient demandé le divorce en vertu de la nouvelle loi, environ 15 à 20 p. 100 n'en avaient pas réalisé, même s'ils étaient tenus de le faire.
L'avantage de cette situation tient au fait que cela nous permettait de considérer l'incidence de la loi indépendamment de l'incidence du plan parental lui-même. Ce que nous avons trouvé finalement c'est que le plan avait peu d'incidence sur n'importe quel aspect des résultats, mais que la loi en avait.
J'aimerais vous montrer quelques diapositives afin d'illustrer certaines des choses que nous avons faites.
En réalité, les effets les plus importants...C'est un peu compliqué, mais je vais vous l'expliquer. Nous étudions deux populations, celle du comté de King où se trouve Seattle. Il s'agit d'une population urbaine comportant un vaste éventail de personnes qui possèdent une proportion plus élevée que prévue de personnes de la classe moyenne et bien éduquées qui se sont mariées assez tard et qui ont divorcé un peu plus tard et qui avaient aussi moins d'enfants que dans notre autre comté de Yakima.
Ce qu'il faut d'abord considérer sur cette diapositive, ce sont les lignes bleues et vertes qui illustrent les problèmes relatifs au moment où les personnes ont demandé le divorce. Ensuite, si vous regardez les lignes magenta et brune, elles indiquent le suivi effectué deux ans plus tard, ou à peu près. Et la tendance, si l'on compare la ligne magenta et la ligne brune est que c'est presque toujours la ligne brune—c'est-à-dire les personnes qui ont divorcé en vertu de la nouvelle loi, qui est supérieure à la ligne magenta, de sorte que beaucoup de choses ne se sont pas réellement améliorées et que, dans une certaine mesure elles ont même empiré.
• 1440
Voici la même diapositive qui étudie le comté de Yakima. Ici,
à deux occasions nous enregistrons des écarts significatifs. En
réalité, il y a eu une certaine amélioration. Comme vous pouvez le
voir sous dépression et anxiété, cela se produit. Toutefois, le
schéma d'ensemble lorsque nous avons regroupé toutes les données
ensemble est que les parents qui avaient divorcé en vertu de la Loi
sur le rôle parental avaient éprouvé davantage de difficulté en
résumé que les parents qui avaient divorcé en vertu de l'ancienne
loi.
On a enregistré une différence selon le sexe chez les hommes. Les pères semblaient éprouver davantage de problèmes avec la nouvelle loi qu'avec l'ancienne. Les femmes aussi semblaient éprouver davantage de difficultés, mais l'augmentation était relativement moins importante chez les femmes, chez les mères. Une autre façon de dire les choses serait que la situation était devenue aussi pénible pour les uns que pour les autres. Et comment en sommes-nous arrivés là?
La sénatrice Anne Cools: Cela sonne très canadien.
Dr John Dunne: Et bien, vous savez c'est le système égalitaire américain.
C'est en quelque sorte le résumé. Comme vous pouvez le voir, sous retrait social, on enregistre un écart significatif. Les parents, une combinaison de pères et de mères, ont éprouvé beaucoup plus de difficultés en vertu de la nouvelle loi, c'est-à-dire la Loi sur le rôle parental, qu'en vertu de l'ancienne.
Je suis un psychiatre pour enfants et, bien entendu, je m'intéressais particulièrement aux enfants. J'aurais été en mesure de justifier ce que nous avons fait si des enfants s'en étaient mieux tirés. Mais là encore, les types d'enfants que nous avions à étudier cadraient bien sur le plan démographique. La seule lacune dans cette étude est que nous ne disposions d'aucune information en ce qui concerne le comportement des enfants avant le divorce, ce qui aurait été souhaitable, même s'il s'était agi d'une évaluation rétrospective effectuée par les parents. Nous n'avons pas inclus cette information.
Par contre, ce que l'étude illustre c'est que les enfants, à la fois dans le comté de King et dans celui de Yakima, qu'il s'agisse de l'ancienne loi ou de la nouvelle, s'amélioraient avec le temps. Il ne semble pas que ce que nous faisions ait eu beaucoup d'influence. Lorsque nous combinions les deux comtés et que nous considérions ce qu'ils faisaient dans l'ensemble en vertu de l'ancienne loi, nous pouvions constater que c'était pratiquement identique. Lorsque nous regroupions les choses, les différences avaient tendance à disparaître et les enfants semblaient se comporter sensiblement de la même manière.
L'une des difficultés que nous avions éprouvées en analysant tout ceci consistait à essayer de déterminer la signification de tout cela et nous avons essayé de répartir les résultats. Vous pouvez voir que si nous établissons suffisamment de catégories différentes, tout ou tard, nous en arrivons à déterminer que l'une est différente sur le plan statistique, et c'est l'un des écueils qui nous attend lorsque nous disposons de nombreuses catégories avec une population relativement petite. Nous avons été en mesure de trouver au moins une catégorie de retrait social où les enfants qui fonctionnaient en vertu de l'ancienne loi s'en tiraient un peu moins bien.
Nous essayions de comprendre pourquoi, si le schéma de soutien accordé aux enfants était sensiblement le même, et que tous les autres aspects étaient aussi relativement les mêmes, et que la seule différence réelle était que les parents s'en tiraient moins bien, pourquoi les enfants eux ne s'en tiraient pas plus mal, étant donné qu'il existait une corrélation assez étroite entre le comportement des enfants et celui des parents. En fait, lorsque nous avons réparti les résultats sur une base individuelle parent-enfant, il y avait une corrélation presque parfaite entre le fonctionnement des parents et celui des enfants. Étant donné que presque tout le monde s'en tirait moins bien, il n'y avait pas suffisamment de différence pour illustrer une différence entre les enfants.
Qu'avons-nous appris de cette étude qui pourrait nous aider à faire des recommandations? L'un des aspects qui me semblait particulièrement remarquable en ce qui concerne la Loi sur le rôle parental est que celle-ci exige des gens qu'ils divorcent une deuxième fois. Ils doivent en effet établir un plan sur le rôle parental temporaire qui engendre souvent beaucoup de conflits et qui prend plusieurs mois avant de fonctionner et puis ils doivent faire un virage à 90 degrés et commencer à élaborer un plan sur le rôle parental permanent. Je pense que cette situation est responsable pour une large part de l'anxiété que vivent les parents en vertu de la nouvelle loi, une anxiété qui n'était pas présente avec l'ancienne.
L'autre aspect que nous essayions de favoriser était, bien entendu, l'amélioration du respect de la pension alimentaire pour les enfants. Nos données sont incomplètes sur cet aspect, mais en règle générale, elles nous indiquent qu'il n'y avait pas vraiment de différence entre l'ancienne loi et la nouvelle et nous avions l'impression que plutôt que d'essayer de contourner la loi, peut- être qu'une meilleure façon de fonctionner consisterait à mettre des mesures exécutoires ou d'autres mesures comme le dépôt automatique dans le compte du bénéficiaire serait un meilleur moyen d'y arriver, et de disposer de quelques facteurs juridiques supplémentaires pour y arriver.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Madame Lye.
Mme Diane Lye (chercheure, Cour suprême de l'État de Washington, États-Unis): Merci. Je voudrais simplement vous faire part de mon cheminement personnel. Je m'appelle Diane Lye et je suis une chercheure qui étudie divers aspects des problèmes liés à la famille et au divorce depuis 15 ans, tout d'abord dans un contexte universitaire et puis en pratique privée.
J'ai été engagée par la Cour suprême de l'État de Washington sous les auspices de la Commission sur la justice et les disparités entre les sexes de l'État ainsi que de la Commission sur les relations familiales de l'État afin d'examiner le fonctionnement global de la Loi sur le divorce.
À l'origine, diverses préoccupations dans l'État de Washington se faisaient jour en ce qui concerne le fonctionnement de la Loi sur le divorce, ces préoccupations ayant encouragé la législature de l'État à consacrer des fonds à un projet de recherche en particulier. Vers le milieu des années 90, on s'inquiétait de plus en plus du fait que la Loi sur le rôle parental ne fonctionnait pas comme prévu et que le système du divorce dans son ensemble ne fonctionnait pas très bien.
Je pense que cela vaut la peine que je m'arrête ici pour vous expliquer quels étaient les problèmes perçus en ce qui concerne la situation juridique qui existait. La recherche effectuée par le Dr Dunne a servi de premier catalyseur à notre propre recherche, puisque l'étude du Dr Dunne semblait dire que les buts de la Loi sur le rôle parental n'avaient pas été atteints.
On avait espéré que la Loi sur le rôle parental contribuerait à réduire les conflits. Les objectifs visés par le cadre de cette loi étaient de réduire la nature accusatoire et de mettre l'accent sur le fait que les parents divorcent l'un de l'autre, et non leurs enfants; d'encourager les deux parents à poursuivre leur engagement; et à adopter une approche fonctionnelle axée sur l'avenir par rapport au rôle parental, tout en maintenant les relations existantes dans la mesure du possible.
Comme vient de le mentionner le Dr Dunne, sa recherche suggère que les changements que l'on avait espérer découler de la mise en «uvre de la Loi sur le rôle parental ne se sont peut-être pas concrétisés. Aussi, c'était une préoccupation, à l'origine, ayant amené l'État à entreprendre davantage de recherche.
Le deuxième sujet de préoccupation était un mouvement de l'opinion qui a fini par entraîner, au cours de la séance législative la plus récente, l'introduction d'une loi qui viendrait modifier considérablement la Loi sur le rôle parental. Initialement, la proposition visait à introduire le partage du rôle parental et à faire en sorte que la division du temps sur une base de 50-50 devienne l'arrangement par présomption dans l'État de Washington.
Par la suite, le représentant qui présentait le projet de loi l'a modifié de telle sorte que, je ne suis pas complètement sûre si, lorsque la loi a été déposée devant le comité, les propositions visaient une répartition de 65-35 ou de 30-70, mais ces propositions ont été largement débattues.
Le projet de loi n'a pas réussi à franchir l'étape du comité pour arriver devant le Parlement de l'État de Washington, mais on s'attendait à ce que la loi soit réintroduite l'année suivante, où elle aurait eu une très bonne chance d'être votée au Parlement. Aussi, il y a un très fort mouvement de l'opinion qui provient des groupes pour la défense des droits des pères cherchant à obtenir le partage du rôle parental et demandant que cet arrangement soit mis en «uvre plutôt que la souplesse qui est actuellement disponible dans le cadre du plan sur le rôle parental.
La troisième raison ayant conduit à la recherche est qu'en même temps que les activistes masculins exigeaient le partage du rôle parental, les activistes qui travaillaient à la défense des droits des femmes avançaient que des inquiétudes au sujet du soutien des enfants et de la violence familiale n'étaient pas suffisamment pris en compte dans le cadre du plan parental. Autrement dit, des femmes étaient forcées de négocier des ententes qui n'étaient pas nécessairement dans leur meilleur intérêt parce que les pères utilisaient les questions de garde ou de droit de visite ainsi que les problèmes liés au droit de visite pour négocier ces ententes.
C'est très intéressant, parce que j'ai parlé à des membres de la profession juridique et presque tous ont affirmé qu'ils trouvaient que ce type d'échange, c'est-à-dire du temps avec les enfants en échange de l'argent pour les enfants, était inacceptable sur le plan de la morale et de l'éthique. Par contre, ils ont tous eu connaissance de cas où ce type d'entente a été proposé.
• 1450
Un quatrième facteur ayant incité l'État à entreprendre un
examen de la Loi sur le rôle parental à Washington est la
perception que cette loi est inéquitable en ce qui concerne le
statut socio-économique.
Plus particulièrement, un certain nombre d'activistes, de médiateurs et d'avocats ont affirmé que les gens qui sont très à l'aise financièrement sont en mesure de s'en tirer très bien avec ce système. Ils peuvent prendre le temps de négocier des plans sur le rôle parental qui répondent réellement à leurs besoins. De plus, ils peuvent tenir plusieurs réunions avec des médiateurs, par exemple. Ils utilisent largement les services de procureurs parfois dans un contexte où les parties sont hostiles l'une à l'autre et parfois dans un contexte où elles s'entendent réellement pour prendre du temps et consacrer les ressources nécessaires à l'établissement d'une entente à leur satisfaction.
Cependant, les personnes à faible revenu, les immigrants ou celles pour qui l'anglais est une langue seconde sont souvent désavantagées par le système parce qu'elles ne peuvent se permettre de consacrer ni le temps ni l'argent nécessaire pour obtenir les services dont elles ont besoin pour que le système fonctionne pour eux. Un activiste dans un centre juridique affirmait qu'à toute fin pratique ils prennent vingt minutes pour remplir le formulaire. Ils espèrent que l'interprète va se présenter sinon, qui sait ce qui arrivera?
Une cinquième préoccupation ayant conduit à la demande de recherche est que le processus prend trop de temps et est trop onéreux. Cette préoccupation est exprimée par des spécialistes du domaine juridique, des avocats, des groupes d'activistes masculins et féminins ainsi que des groupes pour la défense des droits des enfants. D'une certaine manière, cela reprend l'observation du Dr Dunne selon laquelle les gens doivent divorcer une deuxième fois.
Par contre, d'autres spécialistes qui «uvrent dans les causes de divorce dans l'État de Washington ont avancé qu'il était pratiquement impossible d'accélérer le processus parce qu'il faut du temps au couple pour comprendre leur situation suffisamment pour être en mesure de conclure une entente significative avec laquelle ils pourront vivre par la suite. On s'entend largement pour dire que peut-être que le processus est trop onéreux, peut-être qu'il prend trop de temps ou encore peut-être le contraire mais, d'une façon ou d'une autre, certaines personnes sont pénalisées.
Un autre élément est venu s'ajouter à tout ceci à la suite de l'adoption de la loi en 1987, il s'agit d'un projet de loi non relié présenté en 1989, que l'État de Washington a présenté et dans lequel il exige l'utilisation obligatoire d'un jeu de formulaires qui doivent être remplis en vertu de la Loi sur le rôle parental. Essentiellement, il s'agit d'un paquet de formulaires que tout le monde doit remplir lorsqu'il y a dépôt d'une demande de divorce. Ce formulaire décrit le contenu de leur plan sur le rôle parental.
Le formulaire est très détaillé. Par exemple, on demande aux parents de préciser où seront les enfants le Jour du souvenir les années impaires et où seront les enfants le Jour du souvenir les années paires, et ainsi de suite.
Ces formulaires ont fini par avoir leur vie propre. La plupart des spécialistes du domaine juridique auxquels j'ai parlé détestent positivement ces formulaires. Tous ceux à qui j'ai parlé ayant un engagement politique de quelque ordre m'ont affirmé qu'il était politiquement impossible de se débarrasser de ces formulaires. Mais très souvent, dans le cadre de discussion autour de la Loi sur le rôle parental, il se produit que certaines personnes commencent à parler des formulaires plutôt que de la loi.
Les formulaires sont dans une certaine mesure non pertinents étant donné que les gens se débrouillent très bien sans eux, mais c'est devenu une grande question de savoir si les formulaires devraient être modifiés de quelque façon, si ce que l'État exige que les gens mettent dans leur plan sur le rôle parental devrait pouvoir être modifié, si on devrait assouplir le processus et si on devrait utiliser davantage des énoncés généraux dans le plan sur le rôle parental plutôt que des énoncés très spécifiques, et ainsi de suite.
Un dernier problème ayant été à l'origine de la recherche est la proportion grandissante de plans sur le rôle parental qui font appel à des actions de recherche de paternité plutôt qu'à des actions en divorce. Environ le tiers des premières naissances dans l'État de Washington à l'heure actuelle sont le fait de couples non mariés. Les couples non mariés constituent un groupe extrêmement diversifié, qui regroupe des mères adolescentes de 14 ans jusqu'à des professionnels de 35 ans qui vivent avec un partenaire depuis 10 ans. Vous voyez donc que le groupe est très hétérogènes. On semble penser que les enfants ne sont pas bien traités dans le cadre de l'actuelle Loi sur le rôle parental.
Voici l'objet de la recherche. Je devrais vous prévenir que à l'heure actuelle nous nous trouvons à l'étape où nous avons élaboré un jeu de questions et que nous nous apprêtons à aller sur le terrain avec ces questions.
L'État de Washington se prépare en réalité à faire quatre choses. La première consiste à revenir en arrière et à consulter les dossiers afin d'établir s'il existe un arrangement modal qui serait largement adapté en vertu de la Loi sur le rôle parental. Les activistes pour la défense des droits des pères ont avancé que même si la Loi sur le rôle parental permet une souplesse infinie, en réalité, ce qui se produit le plus souvent est ce qui arrivait déjà avec l'ancienne loi: les mères obtiennent la garde, les pères obtiennent un droit de visite et doivent assumer la pension alimentaire des enfants.
• 1455
Que cela soit vrai ou non est une question empirique que nous
allons explorer au cours des mois qui viennent en revenant en
arrière et en compulsant un échantillon de dossiers. À tout le
moins, je pense qu'il serait intéressant de savoir exactement à
quoi ressemblent les plans, la mesure dans laquelle ils encouragent
le partage du rôle parental ou non et la mesure dans laquelle la
diversité du plan sur le rôle parental est adopté par les familles.
La deuxième étape de la recherche consistera en une série d'interviews. Ces interviews sont déjà en cours, et elles consistent à poser un ensemble de questions assez générales mais pratiquement les mêmes à un éventail de personnes qui sont des spécialistes du domaine. Ces spécialistes sont notamment des médiateurs, des avocats, des juges, des officiers ayant qualité pour recevoir la déclaration sous serment, des agents responsables de la mise en application de la loi, des activistes de différents groupes et ainsi de suite.
La troisième étape qui sera amorcée cet été, consistera en une série de groupes de discussion avec des familles nouvellement divorcées ou se trouvant au milieu d'un processus de divorce. La raison pour laquelle nous utilisons des groupes de discussion plutôt que d'effectuer un sondage sur une grande échelle est le manque de fonds. Essentiellement, ce que nous serons en mesure de faire avec notre budget est très limité. Nous avions le sentiment qu'il était très important de recueillir de l'information auprès des utilisateurs du système de divorce de même que de recueillir de l'information auprès des fournisseurs de ce système. À ce jour, la recherche que le tribunal a été en mesure d'entreprendre s'est concentrée sur les perceptions des fournisseurs, c'est-à-dire les juges et les avocats plutôt que celles des utilisateurs du système.
Une dernière partie de la recherche, qui a un lien assez lointain avec le reste de la recherche et qui est presque terminé à l'heure actuelle, comprend une étude de la recherche qui a été publiée sur le partage du rôle parental. Les juges en particulier qui étudient les plans sur le rôle parental ont certainement encouragé le tribunal à recueillir des renseignements qui décrivent la question c'est-à-dire qui décrivent en quoi consiste réellement les plans sur le rôle parental dans le meilleur intérêt des enfants. De toute évidence, la loi est guidée par les meilleurs intérêts des enfants et c'est son objectif, mais les membres de la profession juridique ont le sentiment de ne pas recevoir toute l'orientation nécessaire de la part des sociologues, psychologues, travailleurs sociaux, psychiatres et ainsi de suite sur ce qui est dans le meilleur intérêt des enfants.
Je dois vous avouer que les recherches que nous avons recueillies et regroupées jusqu'à maintenant sont très contradictoires. Nous pourrions tracer une ligne au milieu entre les recherches effectuées par des psychologues et celles menées par des sociologues. Les psychologues concluent généralement que le partage du rôle parental est bon pour les enfants. Quant aux sociologues, ils concluent généralement que le partage du rôle parental n'est pas pertinent dans la mesure où la pension alimentaire pour les enfants est versée. Il y a une grande contradiction ici.
La sénatrice Anne Cools: c'est un problème prévisible.
Mme Diane Lye: Oui, c'est parfaitement prévisible. Je pense que la différence vient des méthodes utilisées, des différences dans les échantillons et dans les résultats qui sont mesurés. Il y a tout un éventail de différences ici. Il semble très peu probable que nous serons en mesure d'obtenir une sorte de jugement de Salomon avec lesquels les juges pourraient travailler, même si ce n'est peut-être pas ce qu'ils souhaitent.
La recherche se poursuivra durant tout l'été. Nous produirons des rapports vers la fin de novembre pour permettre aux membres de la législature d'obtenir des versions préliminaires de la recherche qui leur sera livrée à la prochaine session. Par le suite, le rapport final de la recherche sera rédigé autour de juin 1999.
Je vous remercie.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, madame Lye.
Le sénateur Jessiman a hâte de poser la première question.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je trouve tout cela très intéressant. Est-ce que vos tribunaux ont des divisions spéciales qui traitent exclusivement du droit familial ou est-ce que ces juges entendent d'autres types de causes et ne sont pas des spécialistes dans ce domaine?
Mme Diane Lye: Je pense que Eugene pourrait vous donner une meilleure réponse que moi.
Il me semble qu'il est juste de dire que certains juges dans l'État de Washington aimeraient bien que le droit familial devienne un système séparé. C'est certainement un objectif qui a circulé pendant une assez longue période. Toute une série de documents de politiques et de déclarations de principe ont circulé à cet effet.
Ce que certains juges aimeraient voir c'est un système judiciaire unifié sur le droit de la famille qui ne traiterait que des questions familiales. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. L'un des problèmes qui est soulevé en ce qui a trait au temps qu'il faut pour obtenir un divorce dans l'État de Washington tient au fait que le calendrier des procès et des actions et ainsi de suite est ralenti par le fait que d'autres types de causes ont la priorité dans les tribunaux et sont traités en premier. Parfois, la période d'attente joue un rôle important.
Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce que la Loi sur le divorce dans l'État de Washington est une loi de l'État au même titre que la Loi sur la garde...? Y a-t-il une séparation de compétence entre le fédéral et les États?
M. Eugene Oliver: Non.
Le sénateur Duncan Jessiman: Donc vous n'avez pas le même problème que nous à cet égard?
M. Eugene Oliver: Nous avons des problèmes différents.
Des voix: Oh, oh!
Le sénateur Duncan Jessiman: En annexes à vos lois, disposez- vous de lignes directrices à l'intention des juges?
Par exemple, en ce qui concerne les paiements, supposons qu'une des parties obtient la garde exclusive. D'après nos lignes directrices, vous regardez le parent qui n'a pas obtenu la garde et vous lui dites, très bien, vous gagnez tant d'argent, vous habitez dans une certaine province—dans notre cas il s'agit de l'État de Washington—et vous avez trois enfants. Alors le juge regarde un tableau et il dit, «Voilà ce que je vous ordonne».
Ma question est la suivante, disposez-vous de lignes directrices semblables? Ou est-ce que le juge pour chaque cause séparée a une certaine souplesse pour dire, «Bien, dans la présente cause, il gagne tant d'argent, aussi il ne paiera que tant par enfant», alors que dans une autre cause avec le même salaire, le même nombre d'enfants, et dans le même emplacement, mais selon des circonstances différentes«? Les enfants peuvent être plus âgés ou plus jeunes, les coûts sont peut-être différents, ou peu importe. Est-ce que les juges disposent d'une certaine souplesse dans leur décision ou sont-ils tenus de respecter des lignes directrices?
M. Eugene Oliver: Nous disposons d'un barème à l'échelle de l'État. En fait, ce barème est obligatoires dans les États-Unis maintenant que chaque État en possède un. Nous disposons d'une législation fédérale qui a exigé que les États fonctionnent ainsi.
Les facteurs dans l'État de Washington et pour ainsi dire dans tous les autres États que j'ai vus sont ceux qui sont définis comme le revenu net de chaque parent...
Le sénateur Duncan Jessiman: Nous savons qu'un certain nombre d'entre eux tiennent compte des deux.
M. Eugene Oliver: Oui.
La sénatrice Anne Cools: Il vient juste de le dire.
Le sénateur Duncan Jessiman: Oui je sais cela. Mais dans la plupart des États ou dans tous les États dont vous avez entendu parler, tiennent-ils compte des revenus des deux parents? Selon nos directives fédérales« Mais les choses sont différentes au Québec. Ils ont permis à chaque province de mettre en place les directives de son choix. Jusqu'ici, je pense que seulement le Québec s'est prévalu de cette possibilité, même si les autres provinces sont en train d'étudier la question.
Si vous suivez les directives fédérales, le modèle a été construit de telle sorte qu'on ne tient pas compte du revenu du parent ayant la garde. On suppose, cela fait partie du modèle, que les enfants vont profiter de l'augmentation de revenu du parent ayant obtenu la garde. Aussi le parent ayant la garde, en vertu de nos lois, et peu importe sa situation financière« Cela ne fait aucune différence si la mère est multimilliardaire et si l'autre personne ne gagne que 100 000 $ par année. Si elle devient le parent ayant la garde, la personne qui gagne 100 000 $ par année doit verser une pension en fonction des barèmes établis. Nous ne tenons pas compte de«
Je vous demande maintenant comment les choses se passent dans la plupart des États dont vous avez entendu parler.
M. Eugene Oliver: À Washington et dans les États où j'ai eu à défendre des causes, nous tenons compte du revenu des deux parents. Mais nous en sommes venus à la conclusion que dans les causes typiques, le revenu du parent ayant obtenu la garde des enfants n'a pas beaucoup d'importance parce que le parent qui n'a pas obtenu la garde est celui qui verse la pension. Le parent ayant la garde, en théorie du moins assume sa part des dépenses de tous les jours. Aussi, ce qui arrive au parent non résidant, comme nous les appelons, est que ce dernier ou cette dernière verse un pourcentage inférieur d'un montant plus élevé au fur et à mesure que le revenu du parent ayant la garde, ou le parent résidant augmente. Ce procédé ne change pas grand chose à l'affaire, mais il a une certaine incidence.
Lorsque j'ai commencé ma pratique, il n'y avait aucune directive de l'État à Washington, mais il en existait une élaborée dans le comté de King et cette directive ne considérait que le revenu du parent non résident et se limitait à appliquer un pourcentage. Je pense que c'était 24 p. 100 pour un enfant, 30 p. 100 pour deux enfants et ensuite ce montant s'élevait jusqu'à environ 37 p. 100 pour trois enfants et pour tout nombre supérieur un plafond avait été établi à environ 44 p. 100 du revenu du parent n'ayant pas la garde. C'est tout ce qui était considéré à cette époque.
Depuis lors, nous avons traversé plusieurs phases différentes et maintenant avec les barèmes dont nous disposons, qui considèrent le revenu de chacun des parents, les enfants sont divisés en deux groupes d'âge—de 0 à 11 ans et 11 ans et plus. Ces directives sont toutes présomptives, elles ne sont pas obligatoires. Le tribunal peut les modifier...
Le sénateur Duncan Jessiman: Le tribunal dispose de cette latitude.
M. Eugene Oliver: ... si, d'après des preuves claires et évidentes, et s'ils déclarent les résultats par recherche des faits«
Je vais vous expliquer ce qui se passe habituellement dans le cours de ma pratique, j'ai vérifié auprès d'autres procureurs et de certains juges, et nous nous en amusons un peu. Après environ 15 ans de ce traitement et après avoir modifié les barèmes en long et en large, c'est surprenant de constater à quel point la pension alimentaire versée par le parent non résidant se rapproche de 24 p. 100 s'il y a un seul enfant et de 30 p. 100 s'il y a deux enfants. Nous nous approchons beaucoup des chiffres qui étaient utilisés il y a 15 ans.
La sénatrice Anne Cools: Monsieur le président, puis-je poser une autre question?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Mais certainement.
La sénatrice Anne Cools: Merci, monsieur le président, et merci, Sénateur Jessiman.
J'aimerais obtenir des précisions. Vous avez dit dans l'ensemble que le Congrès des États-Unis a légiféré pour que chaque État dispose de lignes directrices relatives aux pensions alimentaires versées aux enfants. Pourriez-vous nous dire quels instruments chaque État utilise pour appliquer ces lignes directrices? La raison pour laquelle je vous demande cela est que les directives relatives au soutien des enfants sont des règlements découlant de la Loi sur le divorce et que le processus qui consiste à utiliser une législation de délégation a occasionné beaucoup d'anxiété. Quels sont les instruments constitutionnels utilisés dans chaque État pour mettre en application les lignes directrices relatives au soutien des enfants? Quelles sont-elles dans votre propre État, par exemple?
M. Eugene Oliver: D'après le système américain, le droit familial est de la compétence de l'État. Le gouvernement fédéral dispose de trois moyens de s'intégrer dans ce domaine.
Le premier est par l'entremise de certaines règles en matière de compétence statutaire qui définissent quel État entendra quel type de cause, de sorte que nous cessions de discuter au sujet de la garde d'un enfant dans quatre ou cinq États différents en même temps. Un autre volet qui relève du gouvernement fédéral est une loi de portée très restreinte qui porte sur l'interférence criminelle dans la garde des enfants autrement dit une loi qui empêche que l'on emmène des enfants à l'extérieur du pays en violation des ordonnances des tribunaux. L'autre aspect concerne la pension versée aux enfants, mais à cet égard, fondamentalement, on s'est contenté de dire que l'on ne verserait pas les prestations de bien-être, les prestations d'assistance publique, si les parents ne faisaient pas ce qu'ils étaient censés faire eux au niveau du soutien de l'enfant dans l'État visé. Voilà d'où viennent ces lignes directrices.
La sénatrice Anne Cools: Mais comment procède-t-on dans chaque État? S'agit-il d'un statut de la législature d'État?
M. Eugene Oliver: Oui.
La sénatrice Anne Cools: D'accord, donc vous procédez sur une base de statut individuel dans chaque État.
M. Eugene Oliver: C'est exact.
La sénatrice Anne Cools: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y, Sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: J'ai effectivement une autre question.
Vous avez déjà répondu à cela, mais j'aimerais obtenir des précisions, si vous permettez. Madame Lye, vous disiez que certains amendements avaient été déposés devant la législature de l'État de Washington qui portaient sur les pourcentages de la garde présumée, soit 50-50 ou 65-35 ou encore 70-30.
Mme Diane Lye: C'est exact.
Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce que vous croyez que cet amendement pourrait être adopté?
Mme Diane Lye: Je ne pense pas qu'il sera adopté. À toute fin pratique, les chances pour qu'un projet de loi franchisse l'étape du comité jusqu'à la Chambre dépendent de l'ancienneté et du poids du législateur concerné. Le législateur concerné cette année n'a pas été en mesure de faire franchir l'étape du comité à son projet de loi. Les législateurs auxquels j'ai parlé à ce sujet pensent qu'il est très peu probable qu'il réussisse l'an prochain.
Le sénateur Duncan Jessiman: Mais vous n'êtes pas sûr des pourcentages en vigueur en ce moment.
Mme Diane Lye: Non je ne suis pas sûre. Il était prêt à passer de 50-50 à un autre arrangement dans l'espoir que cela l'aiderait à franchir l'étape du comité.
Le sénateur Duncan Jessiman: Quelle est la teneur de la législation à l'heure actuelle? Existe-il toujours une présomption? Est-ce que le juge possède l'entière responsabilité de la décision?
Dr John Dunne: J'aimerais répondre à cette question. La façon dont nous avons rédigé la loi rend possible l'application d'un éventail qui peut s'étendre de 100-0 à 50-50, même s'il existe des situations ou des directives lorsque vous vous approchez de la marque de 50-50 en ce qui a trait aux critères que le couple doit respecter pour obtenir ce chiffre.
Le sénateur Duncan Jessiman: Si la garde n'est pas exclusive et qu'une partie de celle-ci est confiée à l'autre parent, quelle incidence cela a-t-il sur le montant que doit verser le parent n'ayant pas la garde?
Dr John Dunne: Aucune. Mais seulement pour vous donner des précisions, si un parent a une garde exclusive, c'est-à-dire à 100 p. 100 du temps, cela signifie que les enfants ne voient jamais l'autre parent.
Le sénateur Duncan Jessiman: Exact. Ils ne le voient jamais.
Aussi, il y a un montant qui doit être versé par le parent n'ayant pas la garde.
Dr John Dunne: Exactement. Le parent non résidant ou celui qui n'a pas la garde doit verser une pension, peu importe le temps qui lui est accordé.
Le sénateur Duncan Jessiman: Supposons que le parent n'ayant pas la garde passe 49 p. 100 du temps avec les enfants. Est-ce que le parent ayant la garde qui passe 51 p. 100 du temps avec les enfants obtient toujours le même montant de pension que s'il les avait 100 p. 100 du temps?
Dr John Dunne: Eugene, je pense que vous pourriez répondre à cette question.
M. Eugene Oliver: L'une des permutations par lesquelles nous sommes passés dans notre évolution jusqu'au point où nous nous trouvons maintenant est qu'à un certain moment le barème du soutien pour les enfants considérait le revenu des deux parents et qu'il comportait aussi une différence de pourcentage qui était établi en fonction des pourcentages de temps de résidence. Je pense que nous avons eu ce barème pendant environ deux ans. Il a été éliminé principalement parce qu'il établissait un lien entre le soutien financier accordé aux enfants et la parentalité de sorte que les parties arrivaient avec un plan de partage du rôle parental qui leur plaisait puis ils commençaient à compter les nuits. Ensuite une série de conflits sont arrivés lorsque quelqu'un a réalisé que s'il pouvait obtenir cinq autres nuits, il atteindrait 45 p. 100 et que cela aurait pour effet de réduire le soutien financier. Puis l'autre partie a réalisé qu'elle ne pouvait pas faire cela parce qu'elle ne serait plus en mesure d'acheter son épicerie ou quoi que ce soit d'autre qu'elle désirait acquérir. Aussi, ce système n'a pas duré très longtemps.
Ce que nous avons maintenant c'est un ensemble de facteurs qui ont été intégrés au plan et que le tribunal peut modifier ou dont il peut s'écarter—et il me fera plaisir de vous transmettre une copie du plan. L'un de ces facteurs est le partage du temps de résidence.
Cela signifie que le tribunal doit aussi décider si c'est approprié sur le plan économique pour une famille de procéder de telle façon. Aussi ce n'est pas simplement une question de dire, bon d'accord vous avez un ratio de 50-50 aussi nous allons réduire votre soutien financier de 50 p. 100. Le ratio peut être de 50-50 et nous allons réduire votre soutien mais ce ne sera peut-être pas de 50 p. 100. Il pourra être réduit d'un autre montant en raison de circonstances particulières.
Le sénateur Duncan Jessiman: En Caroline du Nord, on a établi que lorsqu'un couple se sépare, le coût total n'est pas de 100 p. 100. Ce coût pourrait être de 125 p. 100 et on le divise ensuite.
De toute façon, je vous remercie beaucoup.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, Sénateur.
Docteure Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Nous continuerons de parler des priorités mathématiques du Sénateur Jessiman.
Au Canada, nous avons souvent l'impression d'avoir ce petit problème qui consiste à commencer à faire quelque chose alors que tout le monde autour a cessé de le faire. Je pense que mon examen de 10e année en sciences était l'un de ces problèmes. Mais ce que j'aimerais savoir, si vous étiez à notre place, et à partir de tout ce que vous avez appris—particulièrement le Dr Dunne qui a participé à la rédaction de cette loi—ce que vous feriez maintenant. De toute évidence, vous avez beaucoup appris de cette expérience. Que feriez-vous si vous étiez à notre place?
Dr John Dunne: C'est une question très difficile.
Il y a une grande partie de la Loi sur le rôle parental qui me plaît beaucoup. Mais je n'aime certainement pas ce genre de double litige qui vient du fait que l'on oppose un plan temporaire à un plan permanent. Cependant, un avantage de cette situation était que, étant donné que les choses traînaient en longueur, cela permettait au moins à l'argent de changer de mains de sorte que« Habituellement c'était la femme, ne se retrouvait pas complètement démunie jusqu'à ce que les choses trouvent leur chemin jusqu'au tribunal.
• 1515
Il y avait cet avantage, mais cela a contribué à rallonger les
délais. Je ne suis pas sûr de la durée moyenne, mais il me semble
que les procédures de divorce prennent de six à sept mois et même
jusqu'à un an en moyenne de plus dans l'État de Washington.
J'apprécie le degré de souplesse et la latitude que ce plan confère. Il donne aussi la possibilité de modifier plus facilement le plan lorsque les enfants grandissent et que les circonstances changent. Les gens déménagent, ils quittent l'État, leur emploi change, ils se remarient. Toute sorte de choses peuvent modifier les hypothèses à partir desquelles les parents ont pris leur décision au moment du divorce. Aussi, cela me plaît.
J'aime aussi l'idée de séparer les différentes fonctions, c'est-à-dire séparer le cas de résidence du processus de prise de décision. Je vois la garde partagée fondamentalement comme une prise de décision conjointe, peu importe le temps passé avec un parent ou avec l'autre. Si les deux parents collaborent et s'ils prennent les décisions importantes ensemble, pour moi c'est de la prise de décision conjointe. Pour beaucoup de gens, cela crée une confusion avec le temps passé avec les enfants. Ils pensent que la garde partagée signifie 50 p. 100 à un endroit et 50 p. 100 à l'autre. Mais si les parents ne collaborent pas, ce que vous obtenez c'est une garde séparée et non une garde partagée.
J'aimerais conserver certains aspects de ce plan, mais j'aimerais par contre en modifier d'autres en particulier le plan de partage du rôle parental temporaire qui entraîne des litiges, j'aimerais bien qu'on l'en retire. Je suis peut-être particulièrement naïf à ce sujet étant donné que j'adopte une perspective de santé mentale, mais il pourrait être censé d'exiger que les parents ne déposent aucune demande tant qu'ils ne se sont pas entendus sur ce qu'ils vont faire. Ils devront nécessairement en arriver à une entente quelconque.
Il me semble qu'avec l'ancienne loi que nous avions, les gens continuaient de fonctionner comme ils l'avaient toujours fait. Fondamentalement, une personne quittait la maison et l'autre se retrouvait coincée avec les enfants jusqu'à ce que l'argent commence à changer de mains. Cette façon de faire avait aussi ses inconvénients. Il n'y avait pas de plan pour établir comment les choses se passeraient et cela signifiait que non seulement il n'y avait pas d'argent mais aussi que souvent les enfants attendaient une longue période de temps sans voir l'autre parent. C'était tout simplement un gâchis.
Mme Carolyn Bennett: Je pense à l'avenir, croyez-vous réellement que la loi a exacerbé les conditions ou pensez-vous tout simplement que les séparations des couples qui ont des conflits très sérieux se résument à des conflits très sérieux et qu'il y a très peu de choses que la loi puisse faire pour modifier cette situation?
Dr John Dunne: La façon dont je vois les choses est que la règle des tiers s'applique. Bien entendu, c'est une vision assez large des choses, mais il me semble qu'environ un tiers des gens qui divorcent, quoi qu'on fasse, s'en sortiront très bien durant l'après-divorce peu importe les modifications que l'on apporte à la loi. Et c'est environ un tiers aussi qui auront des conflits très sérieux jusqu'à ce qu'il y ait rupture de la communication, et cela peu importe ce que nous ferons.
Je pense que le groupe sur lequel nous devons concentrer nos efforts est celui du milieu, celui qui a des rapports très tendus, mais pour qui la Loi sur le divorce et les statuts qui y sont reliés pourraient les amener dans la bonne direction ou encore dans une direction où il y aurait moins de conflits.
Bien entendu, ce que nous aimerions voir c'est les pousser dans la direction où ils seraient appelés à collaborer et à mieux s'entendre et à réduire les conflits en général. Comment y arriver, nous ne sommes pas encore très sûrs de savoir comment procéder. De toute évidence, notre Loi sur le rôle parental visait à y arriver et je pense que nous avons commis une erreur de droit. Nous avons réussi tout simplement à pousser ce groupe du milieu dans l'autre sens. Il y a eu ce passage vers la gauche plutôt qu'un passage vers la droite.
J'ai vu certaines propositions qui ne donnaient pas autant de latitude, ce qui bien sûr est l'un des aspects qui me plaît le plus. Ces propositions étaient beaucoup plus tranchées. Il y avait moins de place pour les arguments et les discussions et cela contribuait à réduire les conflits et les litiges. Je pense que finalement certaines personnes étaient très malheureuses, mais elles n'étaient pas en conflit à ce sujet.
Mme Carolyn Bennett: Savez-vous comment vous devriez procéder?
Dr John Dunne: Et bien, une proposition prévoit que tout le monde obtient 50 p. 100 de la garde. Il n'y a aucune différence si une personne est un ivrogne notoire ou peu importe. Du moment que vous êtes un parent, vous obtenez la garde 50 p. 100 du temps.
Mme Carolyn Bennett: Mais vous venez de dire que la prise de décision est indépendante du temps passé avec les enfants.
Dr John Dunne: J'ai dit que si les choses étaient plus tranchées, si vous ne teniez pas compte des différences individuelles, il y aurait moins de sujets de litiges. Notre Loi sur le rôle parental actuelle prévoit une infinité de possibilités, aussi elle donne un nombre infini de chances de créer des litiges.
Mme Carolyn Bennett: Je dirais que si j'étais un enfant avec une leçon de patinage et tout ce genre de chose, je trouverais que ce n'est pas une approche très axée sur les enfants.
Dr John Dunne: Oui en effet vous avez raison. Je ne suggère pas qu'il s'agit de la meilleure façon de procéder, mais vous pourriez avoir moins de litiges et de conflits de cette façon.
Mme Carolyn Bennett: D'accord.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: Je remercie les témoins de s'être déplacés sur une aussi grande distance, même si Washington est vraiment très près de la Colombie-Britannique.
J'ai une question très rapide à vous poser. À Washington aujourd'hui, combien coûte un divorce? À Washington, il y a dix ans, combien coûtait un divorce? Et à Washington, il y a 20 ans, combien deviez-vous débourser pour un divorce? Je ne vous demanderai pas combien cela va coûter dans dix ans, juste aujourd'hui, il y a dix ans et il y a 20 ans. Tous les renseignements dont nous disposons sur cette question semblent dire que malgré toutes les interventions et ainsi de suite, il en coûte de plus en plus cher, il faut de plus en plus d'avocats et ainsi de suite.
Aussi juste par curiosité...
Dr John Dunne: Nous n'avons pas les chiffres.
La sénatrice Anne Cools: Merci.
M. Eugene Oliver: Je peux les obtenir.
La sénatrice Anne Cools: D'accord, dites-nous vos chiffres.
M. Eugene Oliver: C'est comme ça que je gagne ma vie...
La sénatrice Anne Cools: Ah bon d'accord.
M. Eugene Oliver: ... donc j'ai certains chiffres.
Combien il en coûte pour obtenir un divorce c'est comme demander de quelle hauteur est un arbre dans une certaine mesure. Mais ce que je peux vous dire c'est que deux personnes peuvent entrer dans mon bureau et me demander leur aide. Ils veulent collaborer et obtenir ce que l'on appelle une dissolution non contestée. Ils pensent qu'ils ont passablement bien réglé les choses ensemble mais ils ont besoin de l'aide d'un procureur pour s'assurer que cela sera rédigé convenablement et pour garantir qu'au moins une personne—un procureur ne peut représenter deux parties dans un litige, et une dissolution est un litige—verra ses droits respectés et pour faire en sorte qu'il n'y ait pas d'ambiguïté dans leur projet de dissolution.
Avec une dissolution non contestée, disons qu'ils arrivent avec un ou deux enfants. Ils possèdent une maison. Ils ont des fonds de retraite. Ils doivent diviser leurs actifs et tracer un plan pour la garde des enfants.
Il y a 20 ans, j'aurais probablement demandé à ces gens environ 750 $ pour réaliser leur dissolution. Il y a dix ans, je leur aurais probablement demandé quelque chose dans les environs de 1 000 $. Et aujourd'hui je leur demanderais quelque chose autour de 2 000 $.
Maintenant, voulez-vous savoir combien coûtait mon loyer il y a 20 ans et combien il coûte aujourd'hui? Ce n'est pas seulement une question de plan de partage du rôle parental et de statuts relatifs au soutien financier à l'égard des enfants, etc. Ce sont des chiffres que je peux vous donner.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice DeWare.
La sénatrice Mabel DeWare: Vous n'avez pas parlé de la médiation. Je pense que vous avez mentionné la médiation, mais vous n'avez pas élaboré sur le sujet. Est-ce que vous croyez que la médiation obligatoire doit être exigée par la loi?
M. Eugene Oliver: Nous devons la proposer d'une manière ou d'une autre, sauf que dans certains cas lorsque vous regardez bien les choses vous vous demandez pourquoi vous perdriez votre temps.
Dans le comté de King aujourd'hui, fondamentalement les causes de rôle parental doivent faire l'objet d'une médiation à moins qu'un court commissioner élimine le recours à la médiation. Nous procédons ainsi dans les causes où il y a des problèmes très sérieux de violence familiale ou lorsque vous voyez que de toute évidence les gens sont tellement en conflit que vous ne voudriez pas que personne ne perde son temps et son argent.
La sénatrice Mabel DeWare: Donc c'est obligatoire, mais il est possible de passer outre.
M. Eugene Oliver: C'est exact.
La sénatrice Mabel Deware: Merci.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): J'aurais une petite question rapide: quelle place votre Loi sur le rôle parental donne-t-elle aux enfants?
Dr John Dunne: Je peux répondre à cette question.
Nous avions inclus de façon très spécifique les préférences de l'enfant comme étant l'un des critères qui pouvaient justifier que l'on passe outre de sorte que la préférence de l'enfant pourrait être considérée. C'est un peu une croyance sous-jacente que lorsque l'enfant atteint l'âge de 11, 12 ou 14 ans, dépendant à qui vous parlez, d'une certaine manière les préférences de l'enfant ont la priorité, mais ce n'est pas vrai.
Je suis certain que si la cause venait devant le tribunal, le juge accorderait de plus en plus de poids à la préférence de l'enfant, mais ce ne serait jamais un facteur qui aurait priorité sur tous les autres.
La coprésidente (Sénateurrice Landon Pearson): Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Au nom de mes collègues du Sénat et de la Chambre des communes, j'aimerais vous remercier d'être venus ici aujourd'hui. J'apprécie beaucoup. Ce n'est pas tous les jours que nous avons des témoins qui viennent d'un autre pays. Je pense que votre démarche a été des plus utiles pour les travaux de ce comité et je suis certainement très conscient de ce que la Dre Bennett avait à dire après vous avoir entendu. Vous nous avez été d'une grande assistance.
À tous les membres du comité, j'aimerais dire que des arrangements ont été pris pour que nous puissions prendre un déjeuner rapide, aussi nous levons la séance jusqu'à 13 h 30 cet après-midi.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je me demande si nous pourrions prendre nos sièges, s'il vous plaît et commencer.
J'aimerais souligner particulièrement la venue de Daphne Jennings, une ancienne collègue de la Chambre des communes qui est ici pour défendre la bonne cause.
Pour ceux d'entre vous qui ne faisaient pas partie de l'ancien Parlement, j'aimerais vous dire que nous avons beaucoup entendu parler du projet de loi sur les droits des grands-parents—le projet des grands-parents, comme nous l'appelions—et son auteur, Daphne Jennings est ici avec nous aujourd'hui. Nous sommes très heureux de vous accueillir ici.
Nous avons aussi avec nous—et j'espère que vous ne vous sentirez pas moins la bienvenue—Marilyn Stevens, qui est la présidente et fondatrice des Grandparents Raising Grandchildren, de la Colombie-Britannique et nous avons aussi Nancy Wooldridge de la Canadian Grandparents Rights Association.
Nous suivrons un ordre très précis: nous procéderons de gauche à droite. Aussi madame Wooldridge, je vous demande de parler la première et si vous pouviez limiter votre présentation«et nous n'aimerions pas que...
Mme Nancy Wooldridge (Canadian Grandparents Rights Association): Cinq minutes.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui. Merci.
Mme Nancy Wooldridge: J'ai déposé mon document au bureau principal.
Bon après-midi à tous. Je m'appelle Nancy Wooldridge, je suis la présidente et fondatrice de la Canadian Grandparents Rights Association.
J'aimerais m'adresser aux honorables sénateurs et aux membres du comité conjoint spécial. Je demande respectueusement que ma présentation soit acceptée comme témoignage tel que lu—il s'agit des documents que j'ai laissés au bureau principal. Il y en a six et ils ont été rédigés par notre organisation.
Je suis une grand-mère et une arrière-grand-mère. J'ai deux arrières-petits-enfants, aussi l'intérêt de la Canadian Grandparents Rights Association est de la plus haute importance pour moi et pour l'avenir de mes petits-enfants.
Selon mon opinion et celle des autres grands-parents qui font partie de notre organisation aux quatre coins du pays, lorsqu'il y a un conflit au sujet de la garde des enfants devant un tribunal, il nous semble qu'une partie de la solution consisterait à demander en même temps s'il existe un grand-parent ou une famille élargie ayant des liens avec ces enfants—et que cela soit exprimé en même temps que l'audience relative à la garde des enfants.
En 1986, nous avons réussi à modifier la Loi sur le divorce pour qu'un tiers puisse présenter une demande pour obtenir un droit de visite ou la garde des enfants. Nous attendons toujours la permission de la cour et certains de nos grands-parents ont dépensé jusqu'à 50 000, 60 000 et même 70 000 $. Je sais que pour une des causes qui sont pendantes, des grands-parents ont hypothéqué leur maison—et même une double hypothèque—et la cause est toujours devant les tribunaux.
C'est très lucratif. Cela ne devrait pas exister. Ces grands-parents sont prêts à la retraite. Un des parents est décédé et l'autre s'est remarié et bien sûr il refuse un droit de visite. Les grands-parents se sont vus refuser un droit de visite. Maintenant la cause est devant la Cour suprême.
Nous aimerions que la Loi sur le divorce soit modifiée de sorte que nous fassions partie ou que la famille élargie fasse partie de cette action en divorce, s'il y a création de liens affectifs. À moins que l'on ait un problème ou un doute raisonnable selon lequel nous ne pourrions pas faire partie de leur vie et cela reste à prouver.
Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Madame Jennings.
Mme Daphne Jennings (témoigne à titre personnel): Bon après- midi à tous. D'abord, j'aimerais saluer les députés qui sont ici aujourd'hui ainsi que les sénateurs. Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de venir ici. C'est effectivement une question très particulière.
À titre d'ancienne parlementaire, j'ai travaillé pour apporter des changements à la Loi sur le divorce par l'entremise d'une nouvelle législation sur les droits des grands-parents et des enfants qui aurait eu pour effet de donner aux grands-parents une qualité pour exercer une action devant les tribunaux au moment où les parents de leurs petits-enfants divorcent afin de demander dans certains cas la garde de leurs petits-enfants.
Dans la plupart des cas nous parlons de droit d'accès continu, étant donné ces grands-parents avaient déjà droit de visite de leurs petits-enfants.
Il est important pour moi d'insister sur le fait que lorsque nous parlons des droits des grands-parents, en fait nous parlons des droits des enfants d'entretenir des liens avec un grand-parent.
• 1645
Cependant, au cours de l'audience d'aujourd'hui, j'ai admis
que la garde des enfants et le droit de visite pouvaient être remis
en question dans des situations autres que le divorce, comme le
décès de l'un ou l'autre des conjoints; une séparation; l'échec
d'une relation de droit commun, qui ne nécessite pas un divorce; de
sérieuses raisons de penser qu'il y a de l'abus au sein d'une
famille ou tout simplement des difficultés au niveau du rôle
parental dans notre monde troublé d'aujourd'hui.
Avec le nombre d'autorités ou de personnes réclamant des droits à l'égard des enfants qui se retrouvent dans ces situations, ceux d'entre nous ayant une autorité législative doivent prendre toutes les précautions nécessaires avant d'ajouter du stress et des soucis sur les épaules des parents qui se débattent et les autres membres de la famille qui essaient de s'en sortir.
Je suis ici aujourd'hui en raison de mon expérience personnelle et des recherches que j'ai effectuées, à la fois à Ottawa et aux quatre coins du Canada au cours desquelles j'ai passé de nombreuses heures dans les foyers canadiens et dans des salles de réunion à écouter ce que les grands-parents et les parents avaient à me dire au sujet de leurs frustrations à l'égard de notre système. Toutes ces démarches m'ont convaincue que notre première ligne de défense devait se situer au sein de la structure familiale.
Sheila Keet, une avocate bien connue qui se spécialise dans le droit de la famille et qui pratique maintenant à Richmond et qui défend activement les droits des grands-parents, a déclaré devant le comité de la justice, le 2 novembre 1995:
-
Il arrive souvent dans ce pays que des enfants soient placés en
famille d'accueil sans que l'on ait pensé à confier leur garde aux
grands-parents comme étant l'alternative la plus logique à la
famille d'accueil et que ces grands-parents doivent ensuite se
battre afin de trouver où leurs enfants et leurs petits-enfants
peuvent bien être et qu'ils doivent ensuite se battre encore afin
d'obtenir une sorte de qualité pour participer à ce qui arrivera à
ces enfants.
Un mémoire présenté par la Canadian Grandparents Rights Association de Richmond au ministère de la Justice établit ce qui suit:
-
L'expérience de la société des grands-parents montre que le
véritable filet de sécurité en ce qui concerne l'éducation des
enfants n'est pas du ressort de l'État mais celui des
grands-parents.
Il est important de bien comprendre que ce filet de sécurité est fourni par les grands-parents et ne repose pas sur l'inefficacité de la bureaucratie de l'État. Ce filet ne fonctionne pas sur la base de remplir des formulaires, de prendre des rendez-vous ou de se qualifier au moyen de quelque test que ce soit et il ne dépend pas non plus d'un psychologue, d'un conseiller, d'un thérapeute ou d'un médiateur. Cette fonction est habituellement disponible au moyen d'un simple appel téléphonique, l'appel étant souvent le résultat d'une urgence, et il n'attire aucune publicité. Ce rôle ne devient pas une occasion pour un grand déploiement de la presse ou des tribunaux.
Pourquoi avons-nous tourné le dos aux familles, la cellule de base de la société, qui devrait être le premier barreau de l'échelle devant conduire à l'espérance et au soutien pour les enfants en état de crise? Rappelez-vous, nous parlons ici du droit fondamental des enfants à avoir une famille. Même si nous disposons d'une très bonne famille d'accueil, un jeune enfant en détresse a besoin d'amour et du réconfort de sa famille, si possible.
Dans d'autres compétences« En 1989, les Nations Unies ont reconnu le droit des enfants à avoir accès à la famille et le Canada a accepté les droits de la convention des enfants.
Il y a une loi en vigueur aujourd'hui aux États-Unis qui porte sur le respect du droit des grands-parents et des petits-enfants à avoir une continuité dans leur relation. En 1992, aux États-Unis, il y avait plus de trois millions de grands-parents qui élevaient leurs petits-enfants.
En Grande-Bretagne, la législation en droit familial reconnaît les droits des grands-parents et des petits-enfants à établir une relation permanente après la séparation ou le divorce des parents.
Au Québec, l'article 611 du Code civil stipule ce qui suit:
-
En aucun cas, le père ou la mère, sans une raison grave, ne doit
interférer avec les relations personnelles établies entre l'enfant
et ses grands-parents.
La Cour d'appel du Nouveau-Brunswick a affirmé que le droit de visite n'est pas un droit des parents mais un droit de l'enfant.
Je m'excuse d'avoir utilisé tellement de faits tirés de situations de divorce, mais de nombreuses autres situations n'ont pas été consignées. Je pense que nous n'avons pas tellement de raison de nous féliciter de la façon dont nos services sociaux traitent nos enfants pour que nous puissions passer sous silence l'aide qui se trouve habituellement à portée de la main.
Je suis étonnée de constater combien de familles dans les Maritimes voient déjà les grands-parents venir en aide à de jeunes familles sur une base continue.
Le problème fondamental dans le cas présent consiste à déterminer si oui ou non le droit de l'enfant à établir une relation avec les membres de sa famille étendue existe. Est-ce que ce droit devrait être l'objet de notre première considération lorsque nous cherchons un foyer ou une famille d'accueil pour les enfants qui en ont besoin? Il y a beaucoup de documentation à l'appui pour prouver que les soins, l'amour, la patience et l'affection donnés par les grands-parents aux enfants sont irremplaçables. Avec l'augmentation du taux de divorce, les familles séparées, la toxicomanie et les difficultés financières que nous vivons aujourd'hui, de plus en plus de nos jeunes enfants ont besoin de quelqu'un d'autre dans leur vie. Il est seulement naturel que chaque fois que c'est possible, cette personne ou ces personnes soient leurs grands-parents.
Merci.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie beaucoup.
Madame Stevens.
Mme Marilyn Stevens (présidente et fondatrice, Grandparents Raising Grandchildren of B.C.): Mesdames et messieurs, il y a environ huit ans, mon mari et moi nous nous sommes retrouvés dans une position tout à fait unique. Nous sommes en effet devenus les principaux pourvoyeurs de soins de notre petite-fille. Nous avons réalisé qu'il y avait beaucoup d'autres personnes dans le même situation. C'est de façon que la Grandparents Raising Grandchildren a vu le jour.
Le but de notre groupe est de réduire le stress, de développer un réseau d'entraide, de partager nos sentiments et d'éduquer et d'informer. Nous réalisons maintenant que certains des dilemmes que doivent affronter les grands-parents comprennent notamment: le manque de reconnaissance par le gouvernement et la société qui ne réalisent pas l'actif important que nous représentons; le fait que la plupart des petits-enfants proviennent de milieux dysfonctionnels et peuvent avoir des besoins particuliers; la crainte cachée que la famille, les amis, les gouvernements, et la société en général nous blâment nous, les grands-parents, pour les problèmes que les enfants ont. Le fait est que plus de 95 p. 100 des parents qui ont perdu la garde de leurs enfants parce qu'ils abusaient de substances intoxicantes. Nous disposons maintenant de documentation médicale prouvant que l'abus des intoxicants a un fondement biologique. Les conseillers, les psychologues et les autres professionnels du milieu médical ont très peu d'influence pour changer les styles de vie de ces toxicomanes, encore moins les gens ordinaires comme nous.
• 1650
Nous nous inquiétons aussi de savoir qui prendra soin de nos
petits-enfants si quelque chose nous arrivait. Nous nous inquiétons
aussi de savoir que quelqu'un pourrait venir et nous retirer les
enfants en raison de notre âge. Nous vivons aussi avec la crainte
de devoir retourner devant les tribunaux pour protéger nos petits-
enfants ou la crainte de penser que la mort de notre enfant est
imminente. Il n'y a pas de fin de session dans nos vies.
Ce ne sont pas les textes de loi qui ont besoin de changer radicalement. Les statuts qui régissent les relations familiales mettent suffisamment l'accent sur les meilleurs intérêts de l'enfant. Non, ce sont les interprétations que les juges et les avocats font de ces lois ou leur mépris total pour ces dernières qui nous a donnés les tribunaux de la famille aberrants qui sont les nôtres, un système complètement déphasé par rapport aux réalités quotidiennes des années 90 et aux meilleurs intérêts de l'enfant.
Nous sommes à l'aube d'un nouveau siècle, mais l'attitude dans nos tribunaux de la famille est le reflet des croyances erronées des années 50. Nous vivons dans un monde où les parents sont souvent dépassés par les événements, où l'abus de l'alcool et des autres drogues est très répandu, où le tortionnaire devient la victime et impute la responsabilité de ses actes aux autres. Quelque part, le système judiciaire est resté en arrière et continue de répercuter les échos d'une époque révolue. Donnons une autre chance à la mère, même si l'expérience nous a enseigné à quel point les mères peuvent être négligentes et même violentes.
Nous les membres de Grandparents Raising Grandchildren affirmons qu'il faut rendre aux enfants tous leurs droits. Les lois qui régissent les relations familiales stipulent clairement que les meilleurs intérêts de l'enfant doivent prédominer: qualité des relations, bien-être psychologique et physique; besoins émotionnels et financiers et en matière d'éducation et stabilité. La loi n'est plus censée traiter les enfants comme s'ils étaient la propriété de ceux qui leur ont donné la vie et elle devrait plutôt se concentrer sur ce qui est dans leur meilleur intérêt.
Nos tribunaux, à l'échelle fédérale et provinciale ont aussi d'autres problèmes. De la bisbille inutile et un manque de communication entre les provinces de même qu'entre les tribunaux fédéraux et provinciaux sont aussi un sujet de consternation. De plus, des personnes qui sont des pourvoyeurs de soins appropriés se retrouvent de plus en plus en faillite, sur le plan émotionnel et financier, en raison des efforts qu'elles déploient pour forcer le système à réagir convenablement.
Commençons par appliquer les lois qui existent déjà, des lois qui prennent réellement à coeur les intérêts des enfants et commençons aussi à en rédiger de nouvelles concernant la garde des enfants et le droit de visite. Si nous arrivons à collaborer harmonieusement avec le gouvernement pour le bien de nos enfants et de nos petits-enfants, tous ensemble nous créerons un style de vie plus positif et plus affectueux pour eux.
J'aimerais vous lire un poème.
Je suis une grand-mère qui prend soin d'un enfant qui est le
produit direct de ma descendance. Je m'acquitte de cette tâche avec
loyauté. Je ne devrais pas avoir à me battre pour cela. Je donne à
mon petit-fils des choses qui ne sont pas en votre pouvoir. S'il-
vous-plaît, accordez-moi votre appui. Aidez-moi à lui offrir
l'intimité d'une famille, la sécurité du sentiment d'appartenance,
parce qu'en ce moment mon propre enfant n'est pas en mesure de le
faire. J'ai payé mon tribut à la société. Peut-être suis-je trop
vieille ou trop usée pour travailler. Mais, je ne serai jamais trop
vieille pour aimer. J'aurai peut-être besoin d'une assistance
financière. Peut-être suis-je seule et ai-je perdu mon compagnon.
Il se peut que j'aie besoin d'un encouragement sur le plan émotif.
De grâce, ne soyez pas condescendants avec moi. Respectez mon
expérience. Je veux que la vie de mon petit-fils soit aussi stable
que possible. Je ne fais pas de sacrifice, je fais simplement mon
devoir. Aidez-le à rester sous ma garde, et non sous celle d'un
étranger. Ce qui est le mieux pour moi n'a pas d'importance. Si
cela ne correspond pas à vos politiques, et bien, modifiez vos
politiques. Ne me forcez pas à me battre pour ce qui revient de
droit à cet enfant, parce que bien sûr, je me battrai, mais je suis
fatiguée de le faire. Nous devrions travailler de concert et avoir
le même objectif, c'est-à-dire, voir à ce qu'il reçoive de l'amour
et apprenne à en donner en retour. Je suis sa grand-mère et je
l'aime. Je suis la meilleure ressource dont vous disposiez.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Sénatrice DeWare.
La sénatrice Mabel DeWare: Je tiens à vous remercier de vous être présentée devant le comité aujourd'hui. Je suis aussi une grand-mère et une arrière grand-mère, et je comprends très bien ce que vous ressentez. Nous aimons toutes ces enfants profondément.
En ce qui concerne l'ordonnance provisoire relative à la garde contenue dans la loi, j'aimerais que vous me fassiez une recommandation sur ce que nous pourrions intégrer dans le libellé pour que les grands-parents voient leurs droits reconnus. La loi dit en substance:
-
Lorsqu'une demande est présentée en vertu du paragraphe (1), le
tribunal peut, sur demande de l'un des parents ou des deux ou d'une
autre personne, émettre une ordonnance provisoire concernant la
garde des enfants et le droit de visite à un enfant ou à tous les
enfants
Je me demande s'il n'y aurait pas de place ici... ou encore lorsque le libellé mentionne «d'une autre personne», si on pourrait préciser ou «des grands-parents».
Mme Marilyn Stevens: Oui, en effet.
La sénatrice Mabel DeWare: On devrait le faire, oui, absolument.
Mme Marilyn Stevens: La famille élargie et les grands-parents devraient être les premiers avertis si un enfant doit être placé dans une famille d'accueil. Je pense que les lois sont rédigées pour protéger les enfants et qu'elles oublient notre existence.
De plus, lorsqu'un enfant est appréhendé, le parent naturel a le droit de dire, non, mes parents ne sont pas autorisés à voir l'enfant ou même à savoir ce qui lui est arrivé. Cela relève de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Cette situation crée beaucoup de problèmes. À ma connaissance, très peu de grands-parents ont été appelés par le ministère pour assumer la garde. C'est plutôt le contraire, une sorte de conflit.
La sénatrice Mabel DeWare: C'est intéressant, parce que un autre groupe de grands-parents s'est présenté devant le comité à Ottawa. J'imagine que vous faites partie de la même organisation. Deux des témoins avaient perdu un enfant. L'un avait perdu son fils, et l'autre sa fille. Ils avaient perdu complètement leur droit de visite à un moment où, personnellement, j'aurais pensé que l'enfant aurait eu besoin de sa famille élargie. Les enfants avaient perdu leur mère ou leur père. Il aurait été tellement plus important pour eux à cette occasion de pouvoir compter sur leur famille élargie et non d'en être coupé, ce qui risquait d'entraîner des problèmes pour eux aujourd'hui.
Avez-vous des recommandations à faire sur la façon dont nous pourrions reformuler la loi pour dire que les grands ont un droit de visite?
Mme Daphne Jennings: À ma connaissance, sénatrice DeWare, le projet de loi C-340 a été déposé devant la Chambre. Il a franchi l'étape de la première lecture. M. Harb nous en a informés. Ce projet ressemble beaucoup au mien. Plutôt que de dire «grands- parents», il mentionne le droit des «parents des conjoints» d'obtenir la garde ou un droit de visite. De plus, dans mon cas, je suggère un réexamen au bout de quatre ans, et M. Harb quant à lui suggère un réexamen après trois ans.
Fondamentalement, ce que demande M. Harb c'est que le texte de loi donne la possibilité à une personne qui désire présenter une demande en vertu de la Loi sur le divorce pour obtenir un droit de visite ou la garde d'un petit-enfant n'ait pas à obtenir la permission de la cour pour pouvoir présenter sa demande. Autrement dit, tout ce dont aurait besoin le grand-parent c'est le droit de comparaître ou la permission de la cour; ils n'auraient pas à la présenter.
Dans le passé, nous avons eu ce problème que souvent les gens étaient très heureux avec leur conjoint respectif et avec leurs grand-parents respectifs, et tout le monde était content. Ce n'est qu'après un divorce et quelques mois plus tard que l'un d'entre eux réalise que certains grands-parents n'ont pas la garde des enfants, ou le droit d'obtenir la garde ou même un droit de visite. Cela leur donnerait automatiquement la permission au moment du divorce, et ils n'auraient pas à retourner en cour et à entamer de nouvelles procédures—qui se traduisent par encore des litiges, encore des avocats, et encore un peu plus de tout cela.
La sénatrice Mabel DeWare: Donc, vous donneriez votre appui à ce projet de loi.
Mme Daphne Jennings: Oui, j'appuierais le projet de loi de M. Harb. Nous devons intégrer des dispositions semblables dans la loi fédérale. La Loi sur le divorce est de compétence fédérale, et nous devons les y intégrer. Des modifications ont déjà été apportées à certaines lois provinciales, comme au Nouveau-Brunswick qui accorde des permissions spéciales, mais ce n'est pas le cas de chaque province. Je pense que nous avons besoin d'un peu d'uniformité.
La sénatrice Mabel DeWare: Merci beaucoup.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Le Sénateur Jessiman désire faire des commentaires sur ce point.
Senator Duncan Jessiman: Si je comprends bien, il me semble que ce que vous souhaitez réellement c'est l'élimination du paragraphe 16(3) qui dit en substance que:
-
Une personne autre que le conjoint, ne peut pas présenter une
demande en vertu du paragraphe (1) ou (2) sans la permission de la
cour.
Je pense que c'est votre première demande.
On stipule au paragraphe 16(1) que non seulement les conjoints peuvent présenter une demande, mais aussi «toute autre personne», et les grands-parents sont inclus. Puis, au paragraphe (3), si vous êtes une personne autre que l'un des conjoints, vous avez besoin d'une permission spéciale de la cour. C'est ce que vous avez dit un peu plus tôt.
Tout d'abord, il me semble, si j'ai bien saisi—et je ne suis pas contre ce que vous venez de dire—vous voulez que ce passage soit supprimé. Non seulement une personne autre que l'un des conjoints possède le droit, mais en vertu de la présente loi, elle doit obtenir une permission de la cour en premier lieu. Il y a donc deux volets. En vertu du paragraphe 16(1), vous avez le droit de vous présenter, et en vertu du paragraphe 16(3), il est stipulé que vous devez obtenir au préalable une permission de la cour pour qu'une ordonnance soit prononcée en votre faveur.
• 1700
Je crois que vous demandez—le premier témoin a dit qu'il ne
voulait pas avoir à demander une autorisation ou à adresser une
requête à la cour—quelque chose que nous avons déjà suggéré, qui
rejoint la loi au sujet de laquelle vous avez lu. Seriez-vous en
faveur du paragraphe suivant:
-
Quand elle rend une ordonnance en vertu de cet article, la cour
devra appliquer le principe selon lequel un enfant né d'une union
devrait entretenir avec les deux parents tous les contacts voulus,
dans son meilleur intérêt et, à cet effet, la cour devrait tenir
compte de la volonté de la personne qui demande la garde de
faciliter ces contacts?
Mme Daphne Jennings: Vous parlez des conjoints.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je parle des parents des conjoints, les grands-parents.
Mme Nancy Wooldridge: Excusez-moi. Je crois que dans certains cas où aucun grand-parent n'est en vie, il peut rester des oncles et des tantes. Il faut inclure la famille élargie.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous élargissez encore les limites de la famille élargie.
Mme Nancy Wooldridge: Oui.
Le sénateur Duncan Jessiman: Mais seriez-vous contre [...] Il faudrait...
Mme Nancy Wooldridge: Non, ce ne serait pas nécessaire, si nous n'avons pas l'autorisation de la cour, et si nous avons le même droit au même moment.
Le sénateur Duncan Jessiman: Oui. Je ne sais pas jusqu'où nous irons, mais si votre suggestion vise à donner satisfaction aux grands-parents, on ne va pas aussi loin.
Mme Daphne Jennings: Ce que nous voulons, comme l'a dit Nancy, c'est l'inclusion de la famille élargie, y compris les grands- parents, bien entendu, parce que ce sont ces derniers qui ont intenté la plupart des actions dans le passé. C'est pourquoi ils occupent le haut de la liste actuellement.
La sénatrice Anne Cools: Le sénateur Jessiman vient de présenter une proposition d'amendement au paragraphe 16(10) de la Loi sur le divorce. Cette section traite de la garde et du droit de visite des enfants.
Nous avons beaucoup réfléchi à cette question voilà un an, et l'avis préliminaire que nous avons reçu à ce moment suggérait en gros d'amender l'article 16. Le paragraphe 16(10) est final; on l'a surnommé je crois la «règle amicale à l'endroit des parents». L'avis préliminaire—une considération très importante dont il a fallu tenir compte—proposait le paragraphe 16(11), que le sénateur Jessiman vient de lire. Ce paragraphe constitue un ajout à l'article 16.
Le libellé proposé dans la version préliminaire était exactement pareil au libellé du paragraphe 16(10). Il parlait en plus des parents des conjoints, les grands-parents.
Je comprends que vous demandez qu'y soient inclus d'autres membres de la famille. Je suppose qu'il faudrait parler de «demi- soeurs»...
La sénatrice Mabel DeWare: La famille élargie.
La sénatrice Anne Cools: Êtes-vous en faveur du principe de l'amendement à l'article 16 de la Loi sur le divorce, qui concerne les intérêts des grands-parents et de la famille élargie?
Mme Daphne Jennings: S'ils n'ont pas à demander une autorisation, c'est extra.
La sénatrice Anne Cools: Pour clarifier, je tiens à informer les membres du Comité que c'est la création du sénateur Jessiman alors qu'il faisait partie d'un autre comité. Son personnel s'est précipité pour lui trouver une copie. Mais c'était son idée. Je voulais vous le souligner. C'est son bébé.
Mme Nancy Wooldridge: Sénatrice Cools et messieurs les sénateurs, je veux spécifier que tout ce changement vise l'unité des familles. C'est si important. Nous avons perdu de vue cet aspect, je ne sais pas où. Il est de la plus grande importance de garder l'enfant au sein de son groupe familial.
Nous connaissons deux couples de grands-parents qui vivent à Sechelt—maternels et paternels—et, pour des raisons d'abus de drogues et d'alcool de la part des parents, les deux couples ont demandé la garde partagée des enfants. Ils les élèvent ensemble. Ils vivent dans le même secteur, et j'ai des contacts fréquents avec eux. Maintenant, la famille élargie donne un coup de main. Ces enfants ont donc bénéficié d'un bon départ dans la vie. Ils ne vivent plus avec leurs parents violents, ce qui est malheureux, mais nous espérons qu'un jour ces derniers reviendront à la réalité et pourront aider leurs propres enfants. C'est notre but à tous et c'est ce pour quoi nous travaillons.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Docteure Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Ce n'est évidemment pas si simple, car on aurait déjà réglé le problème. Pourquoi n'appelle-t-on pas l'organisation «Association canadienne pour les droits des petits- enfants»?
Mme Nancy Wooldridge: Nous avons essayé, mais ça n'a pas été accepté. J'aimerais changer le nom, mais la Loi l'interdit.
Mme Carolyn Bennett: Ce que le Comité constate de plus en plus, c'est que plus les adultes se trouvent des droits, moins on tient compte des besoins des enfants. J'aimerais juste savoir, à moins qu'il ne faille établir un modèle plus large tenant compte de tous les possibilités, s'il existe une formulation qui indiquerait que l'on tient compte des besoins des enfants, sans qu'on parle des droits des grands-parents.
Mme Daphne Jennings: Si je comprends bien, en raison de l'âge des intéressés, il a fallu l'intituler le projet de loi sur les droits des grands-parents au lieu du projet de loi sur les droits des petits-enfants. On ne peut rien faire en raison de leur âge. Cela nous donne certaines possibilités juridiques.
Je connais tous les témoins, et ceux qui sont présents aujourd'hui, et qui étaient là en 1995, lors des audiences du comité, de même que les avocats, ont dit qu'ils parlaient des droits des enfants et non de ceux des grands-parents. Tous ont tenu à faire cette précision. Je ne connais aucune autre voie de sortie que celle de donner cette précision quand nous abordons ce sujet. Chaque fois, les témoins disent qu'ils parlent des droits des enfants. Même les articles des Nations Unies parlent des droits des enfants. Vraiment, je ne connais aucun moyen de changer cette situation.
Mme Carolyn Bennett: J'imagine qu'il existe des situations où un parent a formulé ce v«u précis. J'ai même vu des allégations d'abus commis par des grands-parents. Je veux que l'on sache dans quelle mesure il faut analyser tous les éléments de ce dossier, parce que certaines décisions ont été rendues qui stipulaient que cela n'allait pas dans l'intérêt de l'enfant.
Mme Daphne Jennings: Avant que Nancy parle, j'aimerais parler d'un élément qui me préoccupe depuis un certain temps. Je crois que nous avons pris de mauvaises décisions au Canada dernièrement, parce que nous jugeons en fonction des exceptions plutôt que des situations générales. Oui, certains grands-parents ne devraient pas jouir du droit de visite, tout comme certains parents. Plusieurs d'entre nous ne devraient pas faire ce qu'ils font, mais ce sont des exceptions. Nous devons faire des lois en fonction de la majorité. La cour doit voir à ce que l'intérêt de l'enfant soit protégé avant tout. C'est le rôle du juge. Nous pouvons faire confiance aux juges à mon avis, alors il faut vraiment rédiger des lois qui s'appliquent à la majorité, à ceux qui ont à coeur d'aider les enfants.
Mme Carolyn Bennett: Je suis encore mal à l'aise avec ces propos, parce que nous essayons en fait de créer une loi qui reconnaît des droits à l'enfant uniquement, et des responsabilités aux autres personnes. Ce que les grands-parents demandent, c'est la capacité de continuer à exercer leurs responsabilités, comme ils le souhaitent.
• 1710
C'est le mot droits qui rebute les gens, parce qu'il évoque
une chambre pleine de gens qui tous s'imaginent qu'ils ont des
droits par rapport à un pauvre enfant, et qui se partageront la
semaine et toutes les périodes disponibles—on est bien loin, bien
entendu, des histoires affreuses d'abus de substances intoxicantes
et autres histoires d'horreur.
Il y a eu beaucoup d'opposition à ce sujet, causée par le problème du temps.
Mme Daphne Jennings: Quand ils soulèvent ce sujet [...] Je crois que Paddy Torsney a fait ce commentaire devant le Comité: «Qu'est-ce qui arrivera si vous êtes soudainement envahis par tous ces grands-parents?» Barbara Baird, avocate spécialisée en droit de la famille depuis des années à Fredericton, a répondu que depuis dix ans que cette loi est en vigueur au Nouveau-Brunswick, cela ne s'est jamais produit. Que c'était en fait impossible. Elle a ajouté que ces grands-parents ne souhaitaient pas vraiment se retrouver en cour—c'est le dernier endroit où ils veulent se retrouver—, alors les litiges se règlent avant.
Une fois de plus, je crois que ce serait une exception.
Mme Carolyn Bennett: Merci.
Mme Nancy Wooldridge: Madame Bennett, dans la nouvelle loi albertaine—je ne sais pas si vous l'avez en main, mais je l'ai jointe aux documents que je vous ai remis dans l'enveloppe brune—, l'article 7, qui a été adopté en octobre 1997, se lit à peu près comme suit:
-
(7) Toute personne qui contrevient à une ordonnance relative au
droit de visite édictée en vertu du présent article commet une
infraction et est passible d'une amende de 1 000 $ au plus, ou d'un
séjour en prison de 4 mois au plus.
Cela signifie que, si un parent qui a la garde interdit l'accès à un grand-parent ou à un membre de la famille élargie, et continue de l'interdire après l'ordonnance, il est reconnu coupable. Notre Loi sur le divorce ne contient pas cette disposition. Nulle part.
Comme je l'ai déjà dit, certains des grands-parents ont en effet obtenu une ordonnance de visite, qui leur a coûté les yeux de la tête. La police n'intervient même pas quand le grand-parent va chercher l'enfant au jour prévu et que le parent qui a la garde dit: «Il n'en est pas question. Quittez ma propriété.» La police ne veut rien savoir même si le grand-parent est muni d'une ordonnance de la Cour suprême.
Pour éviter de telles situations, je propose que l'on exige que les gens soient tenus responsables de leurs gestes.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci d'être venus aujourd'hui. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet—je parle de la loi suisse, qui stipule que la famille élargie doit soutenir financièrement les autres membres de la famille. Aujourd'hui, vous avez recommandé que l'on étende les critères quant à la reconnaissance de droits, et que d'autres personnes puissent dire leur mot quand il y a dissolution d'une famille. Seriez-vous d'accord pour que l'on augmente tout d'abord l'engagement sur le plan juridique? Cela a été fait. Seriez-vous d'avis alors qu'il faille étendre ces considérations à la responsabilité alimentaire d'un enfant? Faudrait-il que les grands- parents fassent partie d'emblée de ceux qui doivent assurer la subsistance de l'enfant, qu'ils soient inclus dans un système qui s'appuie sur la famille élargie pour assurer le bien-être de l'enfant?
Mme Nancy Wooldridge: Monsieur Forseth, suggérez-vous que les grands-parents paient seulement pour les soins de l'enfant, ou que la responsabilité de l'enfant leur soit impartie en entier? Je n'ai pas vraiment compris votre question.
M. Paul Forseth: Je fais écho à vos propos concernant la nécessité d'établir un système fondé sur la famille élargie, de donner la place voulue aux grands-parents, qu'il leur soit permis d'en prendre soin, qu'ils aient le droit de visite, etc. Vous avez mentionné un cas où les grands-parents ont en effet assumé l'entière responsabilité des enfants. Je me demandais simplement si vous avez considéré l'autre côté de la médaille: cette participation accrue de la part des grands-parents entraîne-t-elle une plus grande participation financière?
• 1715
J'ai pris connaissance de la loi suisse, qui stipule que l'on
doit demander l'aide de la famille élargie avant de s'en remettre
au régime d'aide sociale. Vous en avez parlé un peu aujourd'hui, en
disant qu'on le fait actuellement de façon informelle, mais que la
société ne s'en préoccupe pas.
Puisque nous en sommes à officialiser tous les aspects de cette question, que nous essayons de faire en sorte que la loi ait une continuité, soit saine et constance, afin d'assurer le bien- être des enfants, et que vous tenez à ce que les grands-parents soient reconnus comme étant des éléments de première importance, avez-vous considéré les obligations financières qui en découlent?
Mme Nancy Wooldridge: Si les grands-parents reçoivent la garde de l'enfant, ils investissent plus d'argent en général qu'ils n'en reçoivent. Depuis que mes petits-enfants et mes arrières-petits- enfants sont nés, j'ai investi de l'argent dans un fonds en vue de leur éducation. Je leur achète des vêtements. Je leur donne tout le temps. Je suis sûre que si vous parliez de cela à la plupart des grands-parents, y compris ceux qui sont ici—je sais qu'il y en a beaucoup ici—, ils vous répondraient qu'ils s'impliquent financièrement, de toutes sortes de façons.
Par exemple, durant la procédure de divorce, mon fils avait besoin d'aide. Je l'ai aidé, je lui ai fourni de l'aide financière, j'ai aidé mes petits-enfants, et mon ex-bru aussi.
Je crois donc que, pour la plupart d'entre nous, ce n'est pas une question d'argent. Ce qui compte, ce sont les intérêts des enfants. Nous souhaitons que nos familles restent unies, de sorte que nos enfants ne se tournent pas vers la rue et ne soient pas entraînés par les trafiquants de drogues ou la prostitution, qu'ils ne s'enfuient pas de la maison parce qu'ils ne s'entendent pas avec le responsable du foyer d'accueil ou leur nouveau beau-parent, ou même leur propre père ou mère.
Marilyn Stevens et moi-même offrons toutes deux dans nos organisations de très bonnes ressources aux grands-parents. Nous sommes actifs dans tout le Canada, et nous avons même investi l'Europe. Nous avons ouvert un centre en Roumanie l'année dernière.
M. Paul Forseth: J'en parle parce qu'un des arguments compliqués contre l'inclusion des grands-parents au nombre des responsables du soin aux enfants est le suivant: si on augmente le nombre de personnes reconnues comme ayant le droit de prendre soin de l'enfant, entend-on aussi qu'elles ont automatiquement une responsabilité alimentaire envers eux? La réponse à cela est alors: «Oh non, ce n'est pas ce que nous voulons dire!»
Quelle est la solution? J'en parle pour qu'on en trouve une. J'aimerais que vous y réfléchissiez et que vous nous fassiez plus tard des recommandations à ce sujet.
Un autre argument contre est, bien entendu, que plus on en met sur la table, plus il y a de sources de litiges. L'autorisation de la cour avait pour but de réduire les conflits pour les enfants. Le juge constitue une barrière ou un filtre impartial qui peut évaluer l'utilité ou la nécessité, pour chaque cas particulier, de tenir compte des grands-parents dans la procédure.
Je suis sûr que vous avez étudié tous les arguments possibles, que vous les avez tous entendus. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
Mme Marilyn Stevens: Je crois que, dans notre cas, parce que nous avons accepté la responsabilité d'élever nos petits-enfants, nous avons déjà assumé la responsabilité financière. Mais notre cas est très différent du droit de visite. Nous comptons dans nos rangs des grandes-parents âgés de 75 ou 80 ans qui élèvent des enfants d'âge préscolaire, et ils ne peuvent compter sur aucune ressource.
Comme je l'ai dit, beaucoup d'enfants élevés par leurs grands- parents viennent d'un milieu dysfonctionnel, et ils ont des besoins spécifiques. Les aînés souvent connaissent mal la société actuelle. Ils sont loin de voir à quel point l'abus de drogues, ou toute autre forme d'abus, est fréquent. Nous, y compris moi-même, avons élevé des personnes qui ont appris à tirer profit du système. Le système leur donnait cette possibilité, et il continue de le leur permettre, et ils continuent d'en abuser.
Actuellement, nous prenons soin de notre petite-fille, mais ma fille adoptée a donné naissance à quatre autres enfants, qui sont tous élevés par le gouvernement. Quelle est la meilleure solution sur le plan financier? Chacun de ces enfants est dans le besoin. Leurs besoins sont spéciaux à cause de l'abus de substances toxiques.
Chaque cas est unique mais, pour chacun, on manque de ressources. Il est très difficile de trouver de l'aide, très difficile.
• 1720
Sur le plan financier, je crois que les grands-parents, dans
notre cas en tout cas, ont assumé leur large part. Certains grands-
parents ont perdu leur maison parce qu'ils ont dû aller en cour à
plusieurs reprises. Ils se battent contre le régime d'aide sociale.
Dans 99 p. cent des cas, nous sommes en charge de nos petits-
enfants à cause de la consommation de drogues et d'alcool.
Vous savez, ces gens peuvent décider d'aller devant la cour tout à coup, changer d'avis au sujet des avocats, et ainsi de suite pendant des mois et des années. Il en résulte que les grands- parents sont ruinés, émotionnellement aussi bien que financièrement. Ils ont atteint l'âge d'or. Ils ne devraient pas avoir à subir des procès et des procédures interminables parce que le gouvernement aide l'autre partie. Les autres ne devraient recevoir aucune aide.
La sénatrice Anne Cools: Pouvez-vous m'accorder du temps supplémentaire pour que je développe sur ces propos? Vous avez dit que les grands-parents se battaient contre le régime d'aide sociale et, deux phrases plus tard, vous dites qu'ils ont atteint l'âge d'or et qu'ils ne devraient pas avoir à se battre contre le gouvernement.
Mme Marilyn Stevens: Oui.
La sénatrice Anne Cools: Pouvez-vous développer à ce sujet?
Mme Marilyn Stevens: La plupart des grands-parents qui éduquent leurs petits-enfants sont déjà à la retraite. Leurs revenus sont fixes, alors ils sont rarement admissibles à l'aide juridique. C'est le premier point.
L'autre point est qu'ils donnent beaucoup d'argent pour obtenir gain de cause, alors que cet argent pourrait servir pour l'enfant qu'ils ont accepté d'élever et d'aider. Ils donnent à l'enfant des conditions de vie [...] Le fait de voir un enfant placé entre les mains du gouvernement est nouveau et très effrayant pour eux. C'est le premier traumatisme auquel ils font face. On pourrait éliminer ce dernier simplement en permettant au ministère de prendre contact avec la famille élargie, que l'enfant naturel ou adopté, peu importe, soit d'accord ou non pour que les grands- parents soient impliqués.
Je crois donc que, en raison du revenu fixe des grands-parents et de leur âge, ils sont prêts—ce qu'ils ont déjà fait—à donner tout ce qu'ils ont gagné à force de travail pour protéger l'enfant. C'est vraiment ironique, parce que vous voulez protéger l'enfant et que nous voulons aussi protéger l'enfant, mais nous ne nous entendons pas. Voilà où cela aboutit, et ce n'est pas bien. Nous perdons de vue ce qui compte le plus, l'enfant et ses intérêts.
Mme Daphne Jennings: J'aimerais ajouter quelque chose aux propos de Marilyn. Je tiens à vous rassurer tous: j'ai passé quatre années à visiter des foyers dans tout le Canada, ce qui est bien plus que la plupart des gens qui travaillent à la rédaction des lois. J'ai littéralement pris la responsabilité du dossier des droits des grands-parents. Je n'en ai pas entendu un seul me dire qu'il n'avait pas d'argent. Ce n'était jamais perçu comme un problème, même si certains avaient probablement peu d'argent. La responsabilité, l'amour envers l'enfant passait en premier.
Il faut oublier la question de l'argent. Ce qui compte, c'est que ces enfants reçoivent de l'amour et des soins, et qu'ils sachent qu'ils appartiennent à une famille. Les problèmes émotionnels les plus graves apparaissent quand l'enfant ne se sent pas aimé et que personne ne prend soin de lui. Oui, il y a des difficultés, mais la famille est là.
Si on reconnaît le besoin d'aide des grands-parents ou de la famille élargie qui élèvent les enfants, ce ne sera pas difficile, j'en suis sûre, de l'inclure dans la loi. Barbara Baird est l'avocate la plus expérimentée dans le droit familial au pays. Elle croit qu'une grande partie des allocations d'aide sociale pourraient être éliminées si les grands-parents étaient plus impliqués.
Il y a donc deux avantages. Le premier est que l'enfant grandit dans un vrai foyer ou dans un environnement familial. Le deuxième touche la réduction considérable des sommes versées par les services sociaux.
Merci.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci.
Monsieur Forseth, avez-vous d'autres questions?
M. Paul Forseth: J'ai fini, merci.
La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais remercier Mme Jennings de s'être déplacée aujourd'hui. J'espère, madame Jennings, que vous vous ennuyez de nous.
Mme Daphne Jennings: Bien sûr.
La sénatrice Anne Cools: J'aimerais aussi remercier les deux autres témoins, qui ont su mettre des mots sur les sentiments que nous ressentons. En écoutant les grands-parents, surtout les grands-mères, j'ai été vraiment impressionnée que ces gens, qui ont pris soin de leurs propres enfants, doivent parfois recommencer à s'en occuper—je vous entendais parler de votre fils voilà quelques minutes—, tout en jouant le rôle de parent de nouveau, auprès de leurs petits-enfants.
Mme Marilyn Stevens: Recyclage.
Voix: Oh, oh!
La sénatrice Anne Cools: Bien franchement, ce mouvement social d'envergure mérite beaucoup d'attention, parce qu'il est vraiment remarquable. Je tenais à vous le souligner. Peut-être les psychologues qui parlent d'aliénation parentale pourraient-ils créer le terme aliénation des grands-parents. Bref, nous ne pourrons plus ignorer ces faits encore bien longtemps.
Mme Marilyn Stevens: Cela est juste.
La sénatrice Anne Cools: J'aimerais aborder brièvement deux points. De nombreux grands-parents nous ont dit deux choses. Premièrement, quand sont proférées de fausses accusations de violence sexuelle ou de violence envers les enfants, les grands- parents sont souvent accusés aussi. C'est le premier sujet.
Deuxièmement, de nombreux grands-parents nous disent qu'on leur demande souvent d'énormes sommes d'argent, comme vous l'avez dit, «alors qu'ils ont atteint l'âge d'or». Des grands-parents m'ont dit qu'ils avaient épuisé leur pension pour porter secours aux autres.
Pouvez-vous nous parler de ces deux points, soit les fausses accusations envers les grands-parents—qu'ils soient accusés d'être témoins ou d'être impliqués. Par ailleurs, il y a l'imposant fardeau financier sous lequel ploient les gens de l'âge d'or, parce qu'ils doivent aider financièrement l'une des parties lors du divorce.
Mme Marilyn Stevens: La plupart de nos cas ne comportent pas de procédure de divorce.
La sénatrice Anne Cools: En général?
Mme Marilyn Stevens: En règle générale, nos enfants ont fait de mauvais choix et ont choisi parfois de ruiner leur vie. Les grands-parents s'impliquent pour éviter que les petits-enfants soient détruits. Je veux préciser, toutefois, qu'il n'est pas facile de demander la garde—pas le droit de visite, mais la garde- -et la tutelle des enfants, parce que l'on perd son propre enfant. Vous n'avez plus d'enfant. Et ces enfants feront et diront tout ce qu'ils peuvent.
Notre fille a dit à tous ceux qui voulaient l'entendre que nous lui avions volé son enfant, ce qui n'est pas vrai. Tout a été réglé en cour.
Mais oui, les accusations foisonnent. J'en ai tellement entendu. Je peux vous donner quelques exemples.
Mission traite un cas actuellement. Ces gens ont perdu leur maison parce qu'ils devaient payer les honoraires des avocats. Deux enfants sont touchés, ainsi qu'une grand-mère et son conjoint. Les enfants sont nés de la relation incestueuse entre le premier époux et la fille de la grand-mère. Ce sont deux petites filles.
La fille vit maintenant avec un pédophile notoire. Dans notre système juridique, elle a pu intenter quatre actions en justice, et c'est pourquoi les grands-parents ont perdu leur maison, parce qu'ils essayaient de protéger les petites filles. La fille a bénéficié de l'aide juridique pour aller en cour quatre fois.
Un autre grand-parent a dû prendre une hypothèque de 60 000 $ sur sa maison pour protéger ses deux petits-fils. Le juge n'a pas cessé de le regarder et de proférer des accusations, disant que ce n'était pas vraiment arrivé, que la mère était une bonne fille, une très bonne fille, qu'elle allait changer, qu'elle n'avait pas de problème. Finalement, la mère a séquestré les enfants pendant trois mois dans une cabine, dans les environs de Hope. La GRC ne pouvait les trouver, alors nous avons engagé un détective privé qui a fini par les trouver. Ils sont restés enfermés dans la cabine pendant trois mois. Rien ne les protégeait contre la violence sexuelle, physique ou autre. Personne ne sait ce qui est arrivé à ces garçons.
• 1730
Ces gens ont contracté une autre hypothèque de 60 000 $ parce
qu'un juge a dit: «Eh bien, je crois que la mère va bien
maintenant», alors qu'aucun test d'urine ne l'a prouvé—même pas un
test de dépistage des drogues.
Voilà ce que je dis. Nous entendons de telles histoires tout le temps, et qu'on s'endurcit après quelque temps. Je sais que vous pouvez être choqués, mais ces histoires sont vraies.
La sénatrice Anne Cools: Oh, je le sais!
Mme Marilyn Stevens: Dans notre société actuelle, c'est ce qui arrive. Les gens assument la responsabilité des enfants sans penser aux implications financières. Ils sont très contents quand je leur apprends qu'ils ont remporté une petite victoire. Le problème est que ces enfants ont besoin d'aide, et qu'aucune ressource n'est prévue. Vous pouvez aller rencontrer des fonctionnaires, qui vous répondent que ça coûtera tant. Le ministère ne voit pas les choses du même oeil.
Des gens qui viennent nous voir ont peur. Certains ont tellement peur qu'ils refusent même de me donner des noms. Des arrières-grands-parents élèvent les enfants parce qu'ils ont peur qu'on les emmène. Ces gens ne devraient pas subir tant de pressions, en plus d'avoir à recommencer à élever des bébés.
La sénatrice Anne Cools: Ce genre de situation ne peut que secouer. Elles sont très évocatrices. Je ne peux pas dire que je sois personnellement choquée toutefois. J'ai travaillé sur le terrain. J'ai pu voir tous les problèmes, je crois, possibles.
Mais je me demande s'il vous serait possible de revoir l'un des jugements que vous avez faits, où vous disiez: «Maman ne fera pas ça; maman ne peut faire ça.» L'un des problèmes les plus épineux auxquels nous sommes confrontés est qu'un grand nombre de travailleurs des services sociaux persistent à croire que les femmes ne peuvent mentir...
Mme Marilyn Stevens: Exactement. C'est ce que j'ai dit. Les mères le savent.
La sénatrice Anne Cools: ... alors que ce péché et cette faute sont l'apanage des deux sexes. Les hommes et les femmes peuvent commettre des fautes. On constate tellement de résistance dans ce domaine.
Dans un ordre d'idée un peu différent, je me souviens très bien du cas Karla Homolka. Trois jeunes adolescentes sont trouvées mortes, et le système entier refusait de croire qu'elle avait pu être impliquée. Je veux juste vous rappeler cette histoire. Je sais que certains de vos propos sont durs à entendre pour les membres du Comité, parce que beaucoup sont, très franchement, assez sensibles. Mais je confirme ce que vous dites: j'ai été témoin de nombreux problèmes dont vous avez parlés.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup, sénatrice Cools.
Il nous reste à entendre une dernière personne. Madame Longfield.
Mme Judi Longfield: J'ai été contente de vous entendre. Une chose, toutefois, m'ennuie. Je ne sais pas lequel d'entre vous a dit que, si le parent qui a la garde ne respecte pas les règles relatives à la garde et au droit de visite, on devrait lui imposer une amende ou l'incarcérer. Je suis d'avis qu'il faut faire respecter les règles mais que, si nous voulons vraiment protéger les intérêts des enfants, une amende ou l'emprisonnement ne seront certainement pas une aide en ce sens.
Mme Nancy Wooldridge: Je vais répondre parce que c'est moi qui ai fait ce commentaire.
Cette loi a été adoptée en octobre en Alberta. Je me suis entretenue avec des juges, des pédopsychologues, etc., et nous étions d'accord que cette disposition ne serait pas beaucoup invoquée devant les tribunaux. Elle est formulée, pas en tant que menace, mais pour avertir les parents de ce qui les attend s'ils n'obéissent pas à l'affidavit relatif au droit de visite. Je crois que les gens réfléchiront plus quand ils verront écrit qu'ils sont passibles d'emprisonnement s'ils refusent l'accès.
On ne parle pas uniquement des grands-parents. Cela concerne aussi les pères et les mères qui ont la garde ou non. Il faut que les gens soient responsabilisés, d'une façon ou d'une autre.
Nos groupes de pères accueillent de jeunes hommes. Certains parcourent plus de 100 milles lors de leurs congés. Ils travaillent sur des quarts. Le père arrive et il brandit son affidavit. Il veut voir son enfant, deux ou trois heures le samedi. Certains doivent se rendre sur l'île, ce qui coûte très cher. La mère refuse et lui ferme la porte au nez.
• 1735
C'est une ordonnance écrite provenant de la Cour suprême,
alors il faut que quelqu'un soit tenu responsable de cette mauvaise
action. Il faut que la loi prévoit que, si un affidavit a été émis,
il ne soit plus possible d'enfreindre cette ordonnance. Sinon, on
contrevient à une autre loi.
Je n'aime pas cette réalité, mais la majorité de ceux qui commettent cette faute—j'en suis une, même si je ne l'ai jamais fait—sont des femmes. En tant que parent ayant obtenu la garde, ce sont elles qui mettent des embûches. Ce sont elles qui commettent des infractions répétées, même si une ordonnance a été émise par un tribunal.
Mme Judi Longfield: Je suis d'accord avec le fait qu'il faut faire respecter les ordonnances. Là où j'en ai, c'est qu'on veuille inclure une menace dans la loi en précisant: «On y aura recours seulement si on est forcés.» Si vous voulez protéger les intérêts des enfants, je crois que cela va à l'encontre du principe.
Cependant, j'espère que nous trouverons une solution pour rendre la loi beaucoup plus coercitive. Si la loi accorde le droit de visite, il faut que le droit de visite soit exercé. C'est la méthode d'application qui est en cause.
Encore une fois, je ne suis pas convaincue que la menace d'une amende ou d'une incarcération est positive pour l'enfant. Mais nous pourrons en reparler.
Mme Nancy Wooldridge: Un cas de condamnation pour outrage au tribunal est survenu en Ontario voilà peu de temps, dont nous avons tous entendu parler. Il devrait y en avoir plus.
Pour ma part, je crois que—c'est mon opinion, mais je suis sûre que des milliers de parents et de grands-parents, de même que des membres des familles élargies la partagent—, si une ordonnance est rendue par un tribunal et qu'un parent refuse l'accès à l'enfant, il s'agit d'un outrage au tribunal. Il faut essayer d'aller dans cette voie.
Mme Judi Longfield: Je suis d'accord pour qu'on prenne des mesures qui assurent que la loi est appliquée.
La sénatrice Anne Cools: Puis-je poser une question à Mme Longfield, monsieur le président?
Comment tient-on compte des intérêts de l'enfant quand une infraction est jugée comme étant un outrage au tribunal?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice...
La sénatrice Anne Cools: C'est un concept juridique, au sujet duquel je m'interroge.
Mme Judi Longfield: Je n'ai pas dit que j'avais la réponse, sénatrice. J'ai tout simplement dit que je n'aimais pas...
La sénatrice Anne Cools: D'accord. Très bien.
Mme Judi Longfield: Une autre chose. Je sais très bien que de nombreux grands-parents [...] Je n'en suis pas encore là—du moins, pas que je sache—, mais j'aimerais certainement avoir la possibilité de voir [...] On ne sait jamais, de nos jours.
Si on change la loi afin de donner aux grands-parents le droit d'être impliqués, comment les frères et soeurs seront-ils traités, ou les tantes et les oncles? On pourrait suggérer—encore une fois, je me fais l'avocat du diable—que les intérêts de l'enfant sont mieux desservis s'il est élevé par une personne qui a l'âge approprié, soit un frère, une soeur, une tante ou un oncle. Si la situation est vraiment difficile pour l'enfant et pour le grand- parent—dans une situation, par exemple, où une personne de 75 ans élève un enfant de 4 ans—, alors qu'un oncle ou une tante pourrait jouer ce rôle, je crois qu'il faut en tenir compte quand nous ferons les modifications. Il faut prendre garde à monter les membres des familles les uns contre les autres.
Mme Nancy Wooldridge: C'est pourquoi nous parlons de la «famille élargie».
Mme Judi Longfield: Mais comment faites-vous la différence entre les différents membres?
Mme Nancy Wooldridge: Nous sommes tous de la famille élargie, alors [...]
Mme Daphne Jennings: Madame Longfield, je crois encore une fois que c'est du ressort du juge. Tout ce qu'ils demandent—nous l'avons déjà mentionné par le biais de la sénatrice—est que toute la famille élargie ait le droit de demander l'autorisation ou de comparaître devant la cour. Ensuite, bien entendu, il reste au juge à décider.
Mais vous ne verrez pas—du moins, j'en doute beaucoup—des hordes de gens intentant des poursuites devant les tribunaux. Pour citer Barbara Baird, Sheila Keet et Joe Magnet, cela n'a pas été le cas au cours des dix dernières années.
J'aimerais revenir un peu sur ce que vous avez dit. Je ne crois pas que quiconque doit être jeté en prison, mais ça peut servir de moyen de dissuasion. L'article 611 du Code civil-selon le témoignage de l'avocate de la famille Sheila Keets—dit que:
-
«Le père ou la mère ne peut en aucun cas, sans motif sérieux,
interférer dans les relations personnelles entre l'enfant et ses
grands-parents.»
Elle continue en disant que, au Québec, on peut même imposer des sanctions aux parents qui contreviennent à la loi.
Je me souviens d'un témoignage d'un M. Langlois qui, en 1995, nous disait que très peu de parents interdisaient aux grands- parents de voir les petits-enfants. C'est peut-être à cause de cela.
Je crois que c'est un moyen dissuasif. Les sanctions ne visent pas nécessairement l'emprisonnement.
Mme Judi Longfield: Oui, D'accord. Merci.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup à vous trois d'être venus ici aujourd'hui. J'abonde dans le même sens que vous. J'espère que nous trouverons un moyen de régler ces problèmes.
Chers collègues, une question importante a été soulevée, et la suite de la séance se déroulera à huis clos, si vous n'y voyez pas d'objection.
Des voix: D'accord.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Je demande aux personnes présentes dans l'auditoire de quitter la salle afin que les délibérations qui suivent se fassent à huis clos. Nous poursuivrons la séance publique immédiatement après.
[Note de la rédaction: Les délibérations suivantes se déroulent à huis clos]
[Note de la rédaction: La séance publique reprend]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): À l'ordre, s'il vous plaît. Je demande aux auditeurs de ne pas converser entre eux.
Au nom du Comité, j'aimerais m'excuser du retard; nous sommes une heure en retard sur l'ordre du jour. Nous avons eu un problème procédural—partiellement lié à la procédure.
Les audiences qui devaient se dérouler demain ont été annulées—avis aux témoins qui devaient se présenter à ce moment. Nous vous entendrons plus tard, mais je ne peux vous donner la date pour l'instant. Mais soyez assurés que nous vous convoquerons.
• 1830
Une fois encore, je dois m'excuser auprès de ceux qui devaient
parler demain. Ceux qui sont ici et dont la présentation était
inscrite pour demain sont priés de se présenter au bureau
d'inscription, à l'entrée de la salle. Cela évitera aux commis
d'avoir à vous appeler. Au cours des prochaines minutes, veuillez
vous présenter au personnel à l'avant, en leur disant l'heure
prévue de votre présentation. Cela fera économiser beaucoup de
temps au personnel et à vous-même.
Vous vous demandez sûrement pourquoi nous avons annulé la séance de demain. Tout ce que je peux dire est que, comme vous le savez peut-être, un vote à huis clos sera tenu demain après-midi à la Chambre des communes. Les membres du Parlement sont tenus d'y assister. Bien que notre Comité soit formé à la fois de membres de la Chambre des communes et de sénateurs, les règles auxquelles sont assujettis la Chambre et le Sénat exigent que, lors de témoignages devant l'une des parties, au moins un membre de l'autre partie soit présent.
Aucun membre du Comité ne peut aller à l'encontre de ces règles. Je peux tout juste vous dire que nous vous entendrons à un autre moment. Nous ne vous laisserons pas tomber. Un communiqué de presse sera diffusé, qui sera suivi d'autres communiqués de presse quand nous aurons établi la date de reprise des audiences. J'espère que vous comprenez que, au cours de la dernière heure, nous n'avons pu établir cette date. Je crois que ce sera avant la fin de mai.
Cela étant dit, je demande encore une fois aux témoins qui devaient paraître demain de se présenter au personnel administratif, à la table devant l'entrée.
Poursuivons. Nous entendrons...
M. Paul Forseth: Monsieur le président, avant que vous poursuiviez, j'aimerais rappeler aux auditeurs qu'une séance informelle se déroulera ce soir au Westminster Quay Hotel, à New Westminster. Les personnes qui n'ont pas de rendez-vous peuvent parler au micro. La séance est enregistrée. Si vous jugez que le Comité devrait être mis au courant de faits intéressants, vous pouvez recourir à ce moyen.
J'animerai cette audience. Ma collègue sera Anne Cools. L'audience se tiendra au Westminster Quay Hotel de New Westminster, sur le bord de la rivière Fraser, à 19 h 30 ce soir.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord. J'aimerais maintenant accueillir nos prochains témoins. Du groupe Men Supporting Men, nous entendrons M. Tony McIntyre. Du British Columbia Men's Resource Centre, nous entendrons M. Hnidan.
J'invite M. Hnidan à commencer. Nous ne disposons que de une demi-heure; je vous demanderai donc de limiter votre présentation à cinq minutes.
M. William Taylor Hnidan (directeur, British Columbia Men's Resource Centre): Mesdames et messieurs, les parents restent des parents pour le restant de leur vie. C'est assez simple. À un moment donné, nous nous sommes éloignés du chemin. Il en est résulté un monstre qui nous consume, et consume la vie de nos enfants. Le recours au système accusatoire pour remédier aux crises familiales aboutit au point où l'ensemble de la société est prise à partie. Une guerre se déroule entre nos frontières qui opposent les hommes et les femmes, et nos enfants, que les deux aiment, constituent la chaire à canon dans cette guerre où le vainqueur prend tout.
Je vous ferai part de quelques exemples que j'ai recueillis au cours des sept ans où j'ai travaillé à ce dossier. Ils font partie des 4 600 cas soumis, dont 400 par des femmes.
La guerre des sexes ressortit du désir de l'un des parents de prouver qu'il vaut mieux que l'autre. Notre centre a été confronté à deux suicides et à trois meurtres, qui ont été engendrés ou facilités par des actions qui ont mis de l'huile sur le feu plutôt que de tenter de l'éteindre. Plus de 80 p. cent des pères qui se sont présentés à notre centre ont des problèmes concernant le droit de visite de leurs enfants, mais rien n'a été tenté pour régler ces problèmes.
• 1835
Ceux qui n'ont pas payé la pension alimentaire, souvent à la
suite d'une perte de travail, ont fait de la prison. La nouvelle
loi fédérale, issue du projet de loi no C-41, aboutit au même
résultat. Où est l'équilibre et la justice? Nous savons tous que
les pères qui n'ont pas la garde des enfants mais qui voient
fréquemment leurs enfants sont beaucoup plus enclins à payer la
pension.
Un nouveau service de visite supervisée a vu le jour en raison du processus fondé sur l'accusation, mais il ne fonctionne pas dans cette province, si ce n'est pour encore mieux écraser les pères. Par exemple, le directeur de l'un de ces programmes s'est levé lors d'une conférence pour déclarer que les hommes ne sont pas aptes à s'occuper d'enfants, et c'est pourquoi, parmi les 23 membres de son personnel, seulement 1 est un homme. Cette mentalité est aussi présente au sein de l'agence de remplacement des Fraserside Community Services, formée de six femmes et d'un seul homme à temps partiel.
En ce qui concerne les accusations de violence envers les enfants, la chasse aux sorcières a fait bien des victimes, parce que les extrémistes ont entraîné tous les autres dans leur sillage. Le Children's Hospital a récemment été avisé que des féministes avouées parmi leur personnel médical pratiquait cette chasse à l'intérieur même des murs, en utilisant les enfants comme appâts et comme armes pour obtenir les sanctions contre l'autre sexe, les méchants.
La Dre Susan Penfold, de cet hôpital, a été trouvée coupable d'exercer ce régime à l'intérieur de l'hôpital, et un récent jugement va comme suit:
-
Selon son point de vue féministe, elle donnait tout le bénéfice du
doute à la mère, mais aucun bénéfice au père.
La Dre Penfold s'est même levée durant une conférence de femmes et a applaudi quand la conférencière a dit qu'il fallait tuer tous les hommes.
Jusqu'à maintenant, cet hôpital, dans la même lancée que ce qui est arrivé à UBC, à l'Université Simon Fraser et dans d'autres endroits, a tenté d'étouffer l'affaire et d'empêcher que l'information soit rendue publique.
Ces situations démontrent très bien pourquoi tant d'argent est dépensé en raison du système accusatoire, qui oblige un parent à prouver qu'il est meilleur que l'autre. Ces situations découlent de l'absence de dispositions favorisant la garde partagée et l'égalité dans le droit familial.
J'ai observé les actions des leaders durant ces années de crise et j'ai trouvé, à mon grand désarroi, que c'étaient ceux qui ont la capacité de s'autogouverner et de s'autosurveiller qui sont le plus souvent impliqués dans ces horribles situations. Je crois que la tâche des juges est tout simplement impossible dans ce système accusatoire. Je ne sais pas si c'est parce que tous les juges sont avant tout des avocats, mais beaucoup trop d'entre eux jouent le jeu du droit familial. Ils choisissent d'ignorer les parjures et font des procès des mascarades, où la justice n'est pas égale pour les deux parties. Ils ne font pas appliquer les ordonnances relatives aux droits de visite, mais font appliquer automatiquement les ordonnances relatives aux pensions alimentaires. Il n'existe pas non plus aucune pénalité pour ceux qui profèrent de fausses accusations de violence envers les enfants ou le conjoint, alors qu'elles sont très courantes actuellement.
Il est clair que nos juges se doivent d'appliquer les lois en vigueur, et non de prendre des décisions en fonction du sexe ou des avocats impliqués. Deux livres, soit Systems of survival et The Betrayed Profession, devraient être lus à la fois par les avocats et par les juges.
J'ai travaillé pendant plusieurs années, ou été en contact, plus précisément, avec des avocats, quand je suivais des cours et des séminaires de formation continue en droit. Je n'en ai pas tiré une très bonne impression du milieu juridique. J'ai entre autres fait une formation sur la médiation, où j'ai entendu des commentaires d'avocats chevronnés du genre: «Pourquoi favoriser la médiation quand on peut obtenir un procès de deux semaines?»
J'ai demandé aux gestionnaires de l'aide juridique pourquoi ils ne recommandaient pas la médiation, le counselling, et autres moyens de règlement des litiges qui aident les familles, et ils m'ont répondu: «Nous laissons aux avocats choisir les actions à prendre.»
Est-il raisonnable de penser que les membres de ce groupe privilégié refuseront du travail pour le donner à d'autres?
Au début, je croyais que les programmes de défense des enfants constituaient une solution de rechange au système. J'ai plutôt constaté que tous les intercesseurs de la province et, je crois, du Canada, sont des avocats. Qui penserait à faire appel à une autre personne formée dans la mentalité du système accusatoire alors que déjà deux avocats se battent pour obtenir gain de cause dans une crise familiale?
J'imagine que vous avez aussi entendu des avocats taper sur d'autres avocats ici. Rien ne changera tant que le système accusatoire est en place parce que, voyez-vous, les mauvais avocats créent du travail pour les bons. Et qui songera à tarir cette source de profits?
À mon avis, mesdames et messieurs, la tâche la plus importante que vous aurez après avoir entendu tous les témoignages est de retirer les pouvoirs à cette mafia canadienne—je pèse mes mots—et de mettre en place une série de procédés qui refléteront notre désir d'aider les familles en crise de la façon la plus positive possible, et non d'aggraver la crise.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): M. Hnidan, votre temps est épuisé. Avez-vous des recommandations à formuler?
M. William Taylor Hnidan: En ce qui a trait aux recommandations, nous aimerions que soit instauré un plan parental standard. L'État de Washington a mis en oeuvre un plan parental, dont nous avons pris connaissance récemment. C'est un bon départ. Je crois que, dans la majorité des cas que nous avons traités, un tel plan aurait donné de bons résultats. Nous croyons aussi en l'efficacité de simples directives visant à améliorer la situation des familles, si on inclut le counselling et la médiation, et d'autres mesures d'aide aux familles en crise.
• 1840
Selon nous, il est évident que des parents sains sont le
meilleur garant du bien-être des enfants quand un divorce survient.
C'est pourquoi nous recommandons avec insistance que le système
accusatoire soit le dernier recours dans tous les cas.
Vous avez entendu le témoignage de personnes, toutes très intelligentes, qui ont trouvé des moyens positifs pour aider les familles en crise. J'espère que vous avez retenu leurs propos. J'espère que vous aurez le courage de poser les gestes qui aideront nos enfants et tous les membres des familles en crise. Il ne s'agit pas de déterminer un perdant ou un gagnant. Nos enfants méritent plus que ce que le système actuel peut leur offrir. Ils ont besoin d'amour, de support, et d'une relation avec les deux parents. Veuillez faire en sorte qu'il en soit ainsi dans l'avenir. Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Monsieur McIntyre.
M. Tony McIntyre (Men Supporting Men Inc.): Honorables membres du Comité, merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous. Mon nom est Tony McIntyre et je représente un organisme appelé Men Supporting Men Inc., dont les bureaux sont situés à Courtenay, sur l'île de Vancouver. Le but principal de Men Supporting Men est d'éliminer la violence familiale et de promouvoir l'égalité des sexes. Notre service principal propose des rencontres d'entraide pour les hommes. Nous avons l'intention d'offrir aussi des programmes de gestion de la colère. L'organisme a été fondé par un homme qui ne pouvait plus lutter seul pour la garde des enfants. Il a mis des affiches et, dès la première soirée, 20 hommes se sont présentés. Ils ont parlé surtout de leurs problèmes personnels et des relations familiales. Chaque semaine, de plus en plus d'hommes venaient raconter leur triste histoire, le genre d'histoires que vous entendez depuis des semaines maintenant. Nous avons ouvert rapidement un autre centre à Nanaimo, au sud de Courtenay, qui compte une population de 100 000 habitants environ. À l'heure actuelle, six mois plus tard, nous avons entendu plus de 200 histoires d'hommes angoissés et Men Supporting Men compte environ 140 membres.
Men Supporting Men est maintenant considéré comme étant un refuge où les hommes peuvent raconter leur histoire sans crainte. Ils se sentent à l'aise pour parler, devant des hommes qui vivent la même situation qu'eux, pour donner des détails intimes. L'un des thèmes récurrents est la frustration extrême d'avoir à faire affaire avec la police, les services sociaux et des professionnels qui ont de grands préjugés contre eux. Souvent, on ne croit pas leur version des problèmes auxquels ils sont confrontés lors d'un divorce, d'une séparation, dans les procès pour la garde et le droit de visite, ou on leur accorde peu ou pas de sympathie. Ces hommes n'ont même pas accès à la médiation, un recours mis en place par les ministères, visant à trouver une solution aux litiges entourant la garde. Ils sont bloqués à la case départ, et s'ils réussissent à enclencher le processus, on leur accorde peu ou pas d'aide, ou ils sont frustrés parce que les services sociaux entretiennent des préjugés contre eux.
Nous avons entendu en détail l'histoire d'hommes qui ont été harcelés de diverses manières par leur partenaire ou ex-partenaire. Certains hommes se sentent impuissants devant les fausses allégations dont ils font l'objet. Il suffit semble-t-il qu'une femme profère des allégations contre un homme pour que les travailleurs sociaux et les avocats leur donne automatiquement le bénéfice du doute, et ils entreprennent des recours contre l'homme comme si les allégations avaient été prouvées. La frustration, qui souvent fait suite à la douleur et à la perte de personnes proches, ainsi qu'à la peine d'être séparés des enfants, conduit souvent à la détérioration rapide de plusieurs domaines de la vie de ces hommes. Ils ne peuvent plus fonctionner normalement au travail, et nombre d'entre eux perdent leur emploi. Quand on n'a pas d'argent, le système juridique devient d'autant moins accessible. Ils se tournent en dernier recours vers les services sociaux, où on est censés leur offrir de l'aide. Mais ils se frappent le nez contre des portes fermées ou un accueil des plus froids.
Le personnel des services sociaux est essentiellement féminin, et ces femmes entendent beaucoup d'histoires horribles de violence contre des femmes. De tels cas sont réels. Il en résulte des partis pris difficiles à déloger contre les hommes. Cette marginalisation pousse des hommes désespérés à agir impulsivement parce qu'ils sentent qu'ils n'ont rien à perdre. Si les bureaux traitaient chaque cas de façon juste et avec ouverture, et que des politiques assuraient une procédure de recours égale pour tous, sans égard au sexe, nous sommes sûrs que l'on pourrait éviter la frustration et la violence. Les fausses allégations entraînent un lourd fardeau émotionnel parce qu'elles rendent tout à coup un homme coupable jusqu'à preuve du contraire simplement parce qu'une femme est furieuse a tenu des propos mensongers. Ces actes ne peuvent plus rester impunis.
Men Supporting Men aimerait proposer une liste de recommandations visant à modifier la loi, les règles et les politiques, en vue de créer des mesures plus justes de résolution des litiges entourant les divorces et les séparations, surtout quand la garde et le droit de visite des enfants sont en cause.
Le Code criminel devrait utiliser le genre neutre, et les politiques devraient être formulées de façon que tous les professionnels qui voient à l'application des lois et ceux qui travaillent dans les services sociaux traitent les hommes et les femmes de façon égale.
• 1845
Le ministère de l'Égalité des femmes et le Ministry of Women's
Equality de la Colombie-Britannique devraient grossir et être
rebaptisés le Secrétariat pour l'égalité et le Ministry of Equality
de la Colombie-Britannique. Leur mandat devrait viser l'égalité,
sans égard pour le sexe.
Le mode d'application de la loi en cas de conflits familiaux devrait être revu complètement.
En tant que nation, nous dépensons trop d'argent sur les retombées des relations et des dissolutions de mariage, et sur les batailles juridiques qui s'ensuivent. Des centaines d'agences ont le mandat de mettre en «uvre des milliers de politiques et de programmes. Nous suggérons d'élaborer un ensemble de mesures, telles que l'intervention de la police et des services sociaux, ou l'obligation pour le couple, ensemble ou de façon séparée, de participer à des séances de counselling si des preuves suffisantes démontrent qu'il y a abus de substances toxiques ou violence. Si le couple ne se plie pas à cette obligation, la loi devrait prévoir des conséquences.
Le counselling obligé, une méthode proactive, constituera vraisemblablement le moyen le plus efficace et le moins cher pour s'attaquer aux problèmes qui conduisent à la violence et à l'abus de substances. Il permettra de plus d'éviter la grande partie des traumatismes engendrés actuellement par des interventions tardives. Quand il est prouvé que les allégations de violence, y compris la violence sexuelle envers un homme ou une femme, sont fausses, il faudrait prévoir des sanctions contre la personne qui a fait ces fausses allégations en toute connaissance de cause, ou qui les a faites sur des bases frivoles ou fallacieuses.
Les fausses accusations de violence sexuelle contre un enfant constituent la forme de violence la plus virulente pour la personne honnête qui en est victime. Les conséquences peuvent être dévastatrices quand la personne tente de prouver son innocence. La politique du Ministry of the Attorney General de la Colombie- Britannique concernant le traitement de la violence faite aux femmes et aux enfants est très inadéquate, car les fonctionnaires qui l'appliquent entretiennent des préjugés et jugent d'emblée que les hommes qui ont présumément enfreint la loi sont coupables jusqu'à preuve du contraire.
Tous les gouvernements provinciaux subventionnent divers services sociaux pour aider les femmes. Dans la vallée de Comox, par exemple, se trouve un centre de ressources bien établi pour les femmes, partiellement subventionné par le gouvernement de la Colombie-Britannique.
Les aînés, les enfants et les adolescents bénéficient tous de centres, ou même de ministères entiers qui se consacrent à leurs besoins. Pourtant, aucuns fonds publics ne sont disponibles pour des centres comme le nôtre, qui aident les hommes dans le besoin. Nous avons démontré qu'il existait un besoin pour nos services et, si les ressources étaient suffisantes, nous pourrions, et nous voulons, offrir des services dont bénéficieraient les hommes et, partant, la communauté entière.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur McIntyre, vous avez dépassé le temps qui vous était imparti.
M. Tony McIntyre: Je lis un dernier paragraphe et je vais conclure.
En conclusion, j'aimerais dire que les hommes et les femmes devraient arrêter de voir en l'autre sexe la source unique de tous leurs problèmes. Les hommes et les femmes adultes devraient travailler ensemble pour trouver des solutions adéquates aux différences, et traiter ces différences avec honneur et respect.
Le bien-être des enfants passe avant tout. La constitution de Men Supporting Men honore le mouvement des femmes, qui a travaillé sans relâche et s'est engagé à aider les femmes à surmonter les difficultés qu'elles ont eu depuis toujours à être traitées de façon égalitaire. Dans de nombreux domaines, les hommes et les femmes doivent continuer à travailler pour que le processus se poursuive. En ce qui a trait aux ruptures de relations et de mariage, ainsi qu'aux enfants, surtout pour ce qui est du droit de visite et de la garde, le pendule est allé trop loin. Nous demandons à ce Comité conjoint de faire tout ce qui est en son pouvoir pour que la justice et l'égalité règnent dans ces domaines des plus importants pour la société canadienne. Merci.
Je ne pouvais pas traiter tout le sujet en cinq minutes. J'ai soumis un témoignage écrit.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous nous en sommes rendu compte.
[Note de la rédaction: Applaudissements dans la salle]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): S'il vous plaît, les applaudissements sont interdits. Nous ne sommes pas à l'hôtel de ville.
Nous comprenons que la version de cinq minutes est pour le Reader's Digest.
M. Tony McIntyre: Oui. C'était difficile de la modifier tout en la lisant.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous remercie de n'avoir pas trop dépassé les limites.
Nous passons maintenant à la période des questions. Qui veut commencer?
Sénatrice DeWare, avez-vous une question?
La sénatrice Mabel DeWare: J'aimerais vous souligner à quel point nous apprécions votre présence ici. Au cours du dernier mois, de nombreux groupes, dont vous en connaissez certains j'en suis sûre, ont fait un témoignage devant le Comité. Certains ont été difficiles à entendre et on peut se demander dans quelle mesure ces histoires auraient pu être évitées. Dans aucune mesure, j'imagine.
• 1850
Je sais que nous parlons des enfants et de leurs intérêts,
mais nous n'avons demandé à aucun des témoins la chose suivante, je
suppose parce que ça ne se demande pas: Pourquoi se sont-ils
divorcés? Même si nous devions leur demander de nous écrire ou de
nous appeler, de nous parler ou de nous écrire par courrier
électronique, j'aimerais connaître les raisons de leur divorce.
Nous savons qu'elles sont multiples. Il peut s'agir de problèmes de
communication, que les conjoints n'ont pas résolus au début de la
relation, ou ce peut être plus sérieux. Il arrive aussi que l'un
des deux ait trouvé un autre partenaire, etc.
Je serais vraiment intéressée. Comment débusquer les problèmes si nous ne connaissons pas la cause? Il serait intéressant de connaître quelques-unes de ces causes, quelle proportion elles occupent, et s'il existe des moyens de prévention. Comme rien n'a été fait jusqu'à maintenant pour prévenir les divorces, nous devons trouver des solutions aux problèmes d'aujourd'hui. Je suis sûre que vous aimeriez faire un commentaire.
M. Tony McIntyre: Je ne prétends vraiment pas avoir toutes les réponses, mais en parlant à toutes sortes de personnes—je parle à des hommes la plupart du temps, mais des femmes s'adressent aussi à notre organisation—, je me suis rendu compte que le problème le plus courant était que plus personne ne parle aux jeunes des responsabilités du mariage.
L'un des membres du duo peut très bien se rendre compte tout à coup qu'il a grandi et qu'il ne peut plus continuer à faire les choses de la même façon, qu'il doit cesser les excès, les abus, etc. Celui-là peut dire à l'autre: «Hé, on devrait arrêter de boire, ou il faut penser aux enfants en premier.» L'autre n'est peut-être pas prêt à assumer ces responsabilités, et le messager est tué, celui qui voit la situation en premier. Je crois que cela se produit souvent, et que ça se termine par une lutte de pouvoir, où l'un des partenaires ne voit pas que l'autre lui dit tout simplement: «Nos responsabilités nous dépassent. Nous devons mettre de côté nos désirs personnels, qui nous procurent un plaisir éphémère, et faire ce qui est le mieux pour notre famille.»
Dans de nombreux cas, les jeunes familles n'ont pas reçu cet enseignement. Les partenaires viennent parfois d'une famille dysfonctionnelle, ou ils se sont mariés trop tôt, ou quoi encore. Mais à un certain moment, quand vous devez assumer des responsabilités, comme de s'occuper des enfants, il faut s'apercevoir que son bonheur personnel ne passe plus en premier. C'est la responsabilité envers la famille qui prime. Beaucoup de jeunes gens ne le savent pas et, quand ils sont confrontés à de tels défis, ils se battent entre eux plutôt que d'attaquer de front le vrai problème.
La sénatrice Mabel DeWare: On connaît déjà les cours de préparation au mariage, qui enseignent ce qu'est le mariage et les responsabilités liées. Je crois qu'il faudra donner éventuellement des cours de préparation aux futurs parents. C'est très difficile pour les jeunes gens de prendre au sérieux ce rôle et de voir l'ampleur de l'engagement à venir [...] De nos jours, les gens commencent une famille beaucoup plus tard. Dans mon temps, on avait des enfants à 18 ou 19 ans. Vous soulevez un point très important.
M. Tony McIntyre: J'aimerais poser une question, parce que nous semblons appartenir à deux générations assez éloignées—cela étant dit sans vouloir vous offenser.
Quelle est la différence entre ce qui se passe aujourd'hui et ce qui se passait dans votre temps, quand les gens se mariaient jeunes?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Les témoins ne sont pas censés poser des questions aux membres du Comité.
La sénatrice Mabel DeWare: Je veux bien intervertir les rôles.
Je crois que nous prenions nos responsabilités un peu plus au sérieux. Nous ne pouvions alors compter sur les mêmes possibilités. Il était impensable de briser un mariage en un clin d'«il, parce que la grande majorité des femmes ne travaillaient pas à l'extérieur, et elles ne pouvaient donc s'autosuffire. Il aurait été très embarrassant pour nous d'aller dire à nos parents que notre mariage était un échec, alors on travaillait plus fort pour le réussir.
Voilà un élément qui me semble important: on travaillait plus fort. On faisait en sorte que notre mariage fonctionne, parce que nous n'avions pas le choix. Nous devions aussi faire face aux aléas du rôle parental et des diverses responsabilités mais, à long terme, si on examine les statistiques [...] J'ai pris connaissance d'un rapport sur les valeurs familiales depuis la fin de la Guerre jusqu'en 1995. Des changements assez spectaculaires se sont produits dans les domaines de l'éducation et des responsabilités inculquées par la religion. La plupart des familles étaient jadis élevées au sein de l'Église, parce que cette valeur était très importante après la Guerre. Ces valeurs ont changé au cours des années, et c'est ce changement qui, à mon avis, a provoqué certains des problèmes actuels.
M. Tony McIntyre: Ce que je voulais vous entendre dire, c'est que vous n'aviez aucun autre recours que votre famille immédiate. Si vous affichiez un comportement infantile, votre père ou votre mère vous le disait.
• 1855
De nos jours, quand un membre de la famille claque la porte à
cause d'un problème familial, il trouve un grand frère au sein des
services sociaux, qui lui donne l'argent dont il a besoin pour se
tirer de telle et telle situation. Les situations ne sont peut-être
pas si différentes de celles auxquelles vous étiez confrontés au
début de votre mariage, mais vous n'aviez pas de grand frère qui
vous prenait en charge.
Certains hommes se sont adressés à notre organisme pour nous montrer une lettre de leur épouse, qui serait bientôt leur ex- épouse. Cette épouse annonce à son mari qu'elle n'a plus besoin de lui parce qu'elle peut obtenir de l'aide sociale. Cela conduit souvent à une lutte de pouvoir entre les deux. L'un obtient du soutien, alors que l'autre...
La sénatrice Mabel DeWare: L'épouse n'a peut-être plus besoin du mari, mais les enfants ont toujours besoin des deux, et c'est là où le bât blesse.
M. Tony McIntyre: Bien entendu, les enfants ont besoin des deux.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Votre point de vue est particulier du fait que vous entendez des hommes et que vous avez organisé des groupes d'entraide. À partir de cette perspective, peut-être pouvez-vous me donner des idées sur ce qui pourrait être fait pour satisfaire la demande des femmes de réduire la violence masculine à l'endroit des femmes.
Nous entendons que tous les groupes de soutien et autres mesures dont vous avez parlées—les politiques et les ressources gouvernementales, etc.—sont axées sur la défense des femmes et des enfants en tant que victimes. Mais du point de vue d'un homme qui travaille avec des hommes, qui se considèrent comme étant les victimes, comment abordez-vous cette problématique?
Vous nous dites qu'il faut considérer l'autre côté de la médaille. Mais revenons au premier côté. De votre point de vue, quelles seraient les solutions constructives à ce problème social de la violence des hommes contre les femmes, de leur abus de pouvoir et de contrôle au moyen de pressions financières et relationnelles, et à tous les autres cas dont nous avons entendu parler?
M. William Taylor Hnidan: Le pays compte très peu d'organismes comme le nôtre. Nous offrons des cours aux victimes de violence. Nous entendons donc les deux versions de l'histoire. Je répète que nos demandes de subvention gouvernementale sont restées lettre morte pour les deux programmes. C'est l'un des principaux problèmes. Je reconnais que le niveau de violence est élevé, les hommes envers les femmes, les femmes envers les hommes, les femmes envers les enfants, les aînés, la violence chez les adolescents. C'est un problème de société. Il faut le traiter dans son ensemble, et non pas en faire un problème qui concerne un seul sexe.
Je crois que, pour résoudre un problème d'une telle envergure, il faut investir de l'argent dans des méthodes créatives. Les extrémistes peuvent bien dire que tous les hommes sont violents mais, si nous voulons implanter des programmes efficaces et changer cette attitude, nous avons besoin d'argent. Actuellement, nous ne disposons pas des fonds qui nous permettraient de nous attaquer au problème.
M. Tony McIntyre: Parmi les hommes que je rencontre, beaucoup sont avalés par la vague qui fait de tous les hommes des êtres assoiffés de violence et de contrôle. Il existe effectivement des hommes qui sont violents et dominants, mais ils constituent une petite minorité. Beaucoup parmi les hommes qui nous consultent sentent que, si on voulait bien entendre leur version des faits [...] Dans nos groupes d'entraide, je vois souvent des hommes qui affichent un grand désarroi et une grande rage; après cinq minutes de conversation, je peux leur dire que c'est exactement ce qu'ils doivent affronter. Je leur décris en détail ce qu'ils devront faire, combien de temps ils devront y consacrer, et les frustrations auxquelles ils seront confrontés. Je réussis à empêcher ces hommes de sortir de leurs gonds.
Je ne donne pas que de l'information. Quand j'ai tendu le bâton de la communication dont nous nous servons à l'un des participants des groupes d'entraide, il s'est effondré et s'est mis à pleurer, pendant de longues minutes. Après, il nous a raconté qu'il était un père monoparental. Qu'il s'était adressé à divers ministères pour obtenir de l'information et du soutien. Il n'a obtenu aucune réaction, nulle part. Finalement, il est venu à l'une de nos réunions. Je lui ai donné le numéro d'une ligne sans frais où l'on donne de l'information sur un programme d'application des pensions alimentaires, au moyen duquel il a pu obtenir du soutien de son ex-épouse. Bien des difficultés naissent du manque d'information.
• 1900
Par exemple, il peut arriver qu'une femme ait soudainement des
problèmes de comportement ou se mette à consommer de la drogue ou
de l'alcool, ce qui cause des problèmes familiaux. L'homme dit à la
femme qu'elle doit faire quelque chose pour régler son problème, et
qu'elle doit vieillir et faire des prises de conscience. Aussitôt,
il est mis au pilori par une allégation de violence sexuelle à
l'endroit de sa fille. C'est un cas vécu. Au cours des trois ou
quatre années suivantes, il tente de révoquer ces allégations et
c'est la mère qui a la garde de l'enfant, la mère qui a toujours un
problème d'abus de drogue et d'alcool. Ce scénario est extrême,
mais ces choses arrivent vraiment.
Cet homme devient tellement en colère qu'il se met à hurler et à enfoncer les portes à coups de pied; une ordonnance de non- communication lui est imposée. Plus tard, l'ex-épouse se rend chez lui, dans sa propre maison, et l'attaque physiquement. Il appelle la police et est arrêté parce qu'il a contrevenu à l'ordonnance.
Le plus grand service rendu par Men Supporting Men aux hommes est qu'on leur permet, pour la première fois de leur vie, de laisser tomber leur masque. Ils peuvent se confier sans avoir à dire que tout est merveilleux. On leur remet le bâton de la communication et ils peuvent parler de tout ce qu'ils veulent.
Ils parlent beaucoup du genre de problèmes présentés ici, mais ils nous racontent aussi leur passé, la violence physique ou sexuelle qu'ils ont subie quand ils étaient petits, la perte d'un être cher, la peine qu'ils vivent. Tous ces sujets sont abordés, toutes les souffrances que les hommes vivent.
Le fait de les écouter et de leur donner l'occasion de se sentir écoutés produit des changements très rapides. On les voit se reprendre en main et poser des gestes qui les aideront, eux et leur famille.
Ils viennent aussi nous dire: «Oui, je l'ai frappée. Maintenant, que puis-je faire?» On leur apprend que la prochaine fois, ils devront se retirer, avant que la colère soit telle qu'elle les pousse à frapper.
Nous leur enseignons diverses stratégies, de sorte qu'ils en viennent à comprendre qu'ils doivent payer la pension alimentaire, qu'ils se doivent de soutenir leur famille, et qu'ils ne peuvent pas se mettre à frapper d'autres personnes sous prétexte qu'ils sont en colère.
Mais la majorité des hommes que nous voyons—soit plus de 200 jusqu'à maintenant—sont marqués malgré eux du sceau de la violence et de la colère. On les accuse avant même de chercher à les connaître. C'est le résultat de la discrimination envers un sexe. Dès qu'ils entrent dans un bureau, on leur demande: «Êtes-vous un mauvais payeur? Êtes-vous violent? Cherchez-vous à avoir le contrôle?» Ils doivent faire face à toutes ces accusations avant même [...] Ils en ressortent très frustrés.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, monsieur McIntyre.
Sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais revenir sur les affirmations du témoin concernant le besoin des êtres humains d'être compris et accueillis.
Vous savez pour la plupart que j'ai consacré une partie de ma vie à la violence familiale.
Un article du Globe and Mail du 3 novembre 1979 me permettra d'appuyer ces affirmations. L'article, écrit par Rabbi Bunter Plaut, s'intitule How One Woman Works to Mend Broken Lives (Les efforts d'une femme pour rapiécer des vies défaites). Je vais citer les paroles rapportées dans l'article:
-
«Un homme avait déjà donné des coups de pied dans trois portes
avant que nous réussissions à le calmer. Finalement, un enfant est
sorti de la bête qu'il prétendait être. Il avait peur surtout de
craquer et de se mettre à pleurer. C'est ce que nous l'avons aidé
à faire.»
L'article continue ainsi:
-
«Les résidents restent de trois à six semaines, pas plus. Ce qui en
ressort? La réconciliation, si la femme et le mari sont aidés en ce
sens. Sinon, la séparation.»
Plus loin:
-
«Pendant que nous parlions, deux policiers en civil sont entrés.
L'une des femmes voulait aller chercher des affaires chez elle. Les
officiers l'accompagnaient afin de la protéger.»
• 1905
Cet article, chers collègues, parle de moi. Je conseillais des
hommes et des femmes, alors que j'avais fondé l'un des premiers
refuges pour femmes battues.
Je veux tout simplement faire voir à mes collègues qu'il y eut un temps où tous les êtres humains ayant besoin d'aide pouvaient s'adresser à ces centres. Depuis, la guerre des sexes, ou je ne sais quoi, quelque chose s'est passé qui fait maintenant que la violence est un fléau pour l'ensemble de la condition humaine. Vraiment. Nous vivons des temps très sombres. Certaines pathologies sont extrêmement profondes et inextricables.
Je répète que la violence est causée par les deux sexes. Les deux sexes sont à l'origine d'actes violents et les perpétuent. Il faut absolument faire preuve de compassion envers les personnes violentes afin de les aider à se sortir du précipice où elles s'enfoncent. Je vous applaudis et je vous remercie du travail que vous faites.
M. Tony McIntyre: Merci beaucoup, sénatrice Cools.
J'aimerais remettre les pendules à l'heure. Je sais que j'ai l'air d'aborder les choses d'un seul angle parce que je fais partie de Men Supporting Men. Si on règle les problèmes des hommes, la violence familiale diminue, mais il faut arrêter de dire que la violence est l'apanage d'un seul sexe. La question de la violence familiale, toute la dynamique de cette situation doit être examinée dans son ensemble.
Je vais donner un exemple bref. J'ai grandi dans un milieu assez violent. Mon père était sergent major dans l'armée. Il fallait faire ce qu'il disait, sinon il nous donnait une claque. Il était violent envers ma mère aussi.
Mon père est décédé voilà dix ans. Depuis, ma mère me parle de la violence de mon père. J'ai dû lui dire que je ne pouvais plus en entendre parler, parce qu'elle omettait de voir qu'elle y avait joué un rôle. Enfant, je la voyais le contrarier, boire jusqu'à devenir complètement soûle, puis le pousser dans ses derniers retranchements. S'il tentait de s'évader dans la lecture, elle s'emparait du livre et le poussait.
En tant qu'homme, je ne peux absolument pas lui pardonner parce qu'il était violent mais, d'un autre côté, il n'avait plus d'endroit où se réfugier, pas plus qu'elle n'en avait. Il était piégé. S'il était parti, on aurait dit qu'il n'avait pas pu garder le contrôle sur sa famille. C'est une situation complexe.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, monsieur McIntyre.
Nous apprécions beaucoup votre visite. Malheureusement, le temps est écoulé. Je m'excuse une fois de plus du retard que nous avons pris, parce que je sais que cela entraîne des ennuis pour beaucoup d'entre vous.
Je demanderais maintenant à la Dre Dineen et à Mme Beach de se présenter.
La Dre Dineen commencera. Vous avez cinq minutes. Merci.
Dre Tana Dineen (témoigne à titre personnel): Merci de me donner du temps.
Voilà plus de 30 ans, j'ai été attirée par la psychologie parce que j'étais fascinée par les questions complexes que l'on se posait et que j'avais beaucoup de respect pour la science. On considérait alors qu'il fallait toujours examiner attentivement soupeser soigneusement toute conclusion, réponse ou tout concept.
Aujourd'hui, les sciences sociales et la psychologie ne prennent plus autant de précautions. Elles sont en fait très téméraires, cherchant à prouver qu'elles connaissent toutes les réponses. Malheureusement, certaines de ces conclusions hâtives causent beaucoup de tort à des personnes des deux sexes et de tous les âges.
• 1910
Pendant plus de quinze ans, je me suis particulièrement
intéressée à l'influence de conclusions très suspectes tirées de
recherches sur les sexes. L'un des premiers documents que j'ai
écrits à ce sujet s'intitulait Blaming The Boys: A Feminist Fallacy
(Accuser les hommes: une erreur des féministes). Je constatais que
l'on abusait du statut de scientifique et de professionnel pour
promouvoir l'image stéréotypée des femmes en tant que nourricières
et pacifiques, et celle des hommes en tant qu'agresseurs et
guerriers. À mes yeux, ce qui ressortait de la plupart de ces
recherches sur les sexes étaient les idéologies politiques, des
concepts protecteurs du militantisme féministe, et une mentalité
thérapeutique naïve et bien-pensante.
Je suis carrément outragée de voir que l'on englobe ces opinions et ces actions sous la coupe de la science, en prétendant faussement que les notions sont appuyées par des faits, et dépeignent fidèlement la réalité. Ces factions influencent l'opinion de l'ensemble de la société, y compris les parents, les avocats, les juges et même les législateurs.
On présente comme étant des études et des résultats scientifiques des recherches biaisées, conçues de façon à obtenir des résultats qui illustrent des notions préconçues. Ce nouveau type de chercheurs s'appuient sur une méthodologie inadéquate, des échantillons imparfaits et des questions suggestives qui aboutissent à des données qu'ils peuvent manipuler afin d'arriver aux conclusions désirées. En fait, ils tordent la réalité afin de promouvoir leur programme politique.
L'étude sur la sécurité des femmes, qui portait sur la violence à l'endroit des femmes, est un exemple parfait. Depuis quand la recherche scientifique peut-elle se faire selon une perspective féministe qui déforme la réalité? Depuis quand 120 femmes bien instruites de la région de Toronto représentent-elles toutes les femmes du pays? Depuis quand les femmes de plus de 64 ans sont-elles ignorées, n'ont pas voix au chapitre? Depuis quand une question comme «Avez-vous déjà au cours de votre vie éprouvé des troubles de sommeil ou d'insomnie la nuit parce que vous étiez nerveuse ou aviez peur pour votre sécurité?» peut-elle être atrocement transformée en une mesure de la peur des femmes due à la peur? Quel enfant n'a jamais eu peur de s'endormir?
Les conclusions tirées de cette enquête et de beaucoup d'autres enquêtes aussi tordues sont que, en gros, les hommes sont violents et les femmes vulnérables, et ont besoin d'être protégées.
Je suis ici aujourd'hui parce que je suis terrifiée. J'ai peur de ce qui peut se produire au Canada si ce Comité est submergé par des arguments politiques et idéologiques qui sont présentés comme des faits, comme s'ils étaient vrais, précis. Si ce Comité accepte de telles notions frauduleuses, les lois qui en découleront seront biaisées. Notre nation sera divisée en fonction du sexe, et le système judiciaire sera injuste, non équilibré.
Les femmes qui veulent influencer les tribunaux pourront s'appuyer sur ce scénario. Elles sauront comment influencer les juges, en prenant le rôle de la victime violentée, et en pointant un doigt accusateur vers les hommes. Certains hommes sont violents, des maris et des pères sont violents, mais il existe aussi des femmes violentes, qui sont des épouses ou des mères. Le système judiciaire se doit de voir les faits avec un esprit ouvert.
Il est certes raisonnable de se demander qui, des deux personnes qui se disputent la garde des enfants, est violent, agressif ou négligent, et il en va de l'intérêt de l'enfant de le confier au meilleur parent, bien qu'il soit extrêmement difficile de déterminer de qui il s'agit. Mais il n'est pas bénéfique pour l'enfant, pour les parents, ni pour la société en général, de prendre cette décision en fonction de politiques discriminantes à l'égard d'un sexe. Quand on décrit les hommes comme étant violents et les femmes comme étant les victimes, on établit des stéréotypes à l'égard des deux sexes, et on cause du tort aux deux. Nous subissons l'influence des partis pris idéologiques qui vont dans ce sens. Les fausses accusations de violence envers le conjoint et les enfants sont déjà beaucoup trop fréquentes dans les causes relatives à la garde des enfants. Trop nombreux sont les thérapeutes qui sont imprégnés de ces théories qui confinent les femmes dans le rôle de la victime et qui considèrent d'emblée que les hommes sont coupables.
• 1915
Je demande à ce Comité de veiller à ce que, malgré les
pressions émotives et les idéologies politiquement correctes, ces
partis pris cessent de contaminer les tribunaux, en faisant en
sorte qu'ils ne soient pas à la base des nouvelles lois sur la
garde et le droit de visite.
Cinq minutes.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Merci.
Vous parlez de partis pris, de programmes politiques, d'idéologies politiquement correctes. Pouvez-nous nous centrer sur le c«ur de la question? Qu'entendez-vous par programme politique? Nous devons savoir exactement de quoi vous parlez au juste.
Dre Tana Dineen: Je ne suis pas politicienne; je suis psychologue. J'ai examiné des recherches extrêmement biaisées qui ont malgré tout influencé les tribunaux et les législateurs. Le Comité canadien sur la violence faite aux femmes en est un exemple. J'ai consacré beaucoup de temps à l'analyse des données.
Quand on commence—je crois que c'est à la p. 2 du rapport—par dire que l'objectif est de démontrer que les femmes sont victimes de violence et que l'ensemble de la recherche adopte un point de vue féministe, il s'agit d'un parti pris. Les chercheurs détournent ni plus ni moins les résultats afin de prouver un point de vue qui amène toutes sortes d'avantages.
L'un de ces avantages, entre autres, est que les subventions sont données aux femmes qui mènent la recherche qui démontre qu'il est juste de leur verser une subvention.
C'est un exemple. Je pourrais en citer beaucoup d'autres.
M. Paul Forseth: Je sais bien qu'une partie du programme politique vise à obtenir de l'argent et le résultat escompté en manipulant les faits ou en brassant les cartes en votre faveur.
C'est un problème que nous avons à maintes reprises constaté durant les audiences du Comité—la provenance des statistiques; les recherches de mauvaise qualité; le besoin de mener des études sur la situation des enfants au Canada, au lieu d'emprunter les recherches faites aux États-Unis ou ailleurs.
Dre Tana Dineen: Si vous me permettez, je crois qu'il est important en effet que le Canada subventionne de telles recherches, mais pas du type dont j'ai parlé tout à l'heure. J'ai appelé pour savoir comment la recherche était évaluée et dans quelle mesure on avait vérifié la méthodologie. À Statistique Canada, on m'a carrément répondu que la recherche est toujours subjective, non?
Si la recherche est toujours subjective, alors pourquoi utilisent-on les deniers publics pour la subventionner? C'est une hérésie. En fait, cette étude et beaucoup d'autres études influentes, qui émanent du Canada, qui sont payées par les contribuables, ne font rien d'autre que de tordre les données.
M. Paul Forseth: Vos affirmations sont très graves. J'aimerais que vous nous disiez quelles compétences vous permettent de faire de telles affirmations? En tant que chercheure, avez-vous un doctorat en statistiques ou un autre diplôme?
Dre Tana Dineen: J'ai un doctorat en psychologie. J'ai débuté à McGill voilà 31 ans. Je suis psychologue autorisée en Ontario et en Colombie-Britannique. J'ai passé beaucoup d'années de ma vie à critiquer ma propre profession.
Oui, j'ai beaucoup d'expérience en recherche. J'ai écrit un livre récemment, intitulé Manufacturing Victims (La fabrication de victimes), dont une deuxième version a été publiée dernièrement.
Je peux vous remettre mon CV si vous y tenez, avec un sommaire détaillé. Je suis prête à accueillir vos critiques ou vos questions sur mes propos. Je suis une chercheure sérieuse, et je peux appuyer tout ce que j'avance.
M. Paul Forseth: Très bien.
Nous entendons toutes sortes d'opinions, bien entendu, mais le Comité devra évaluer chacune d'elles. Souvent, ce n'est pas ce qui est dit qui compte, mais la crédibilité de l'interlocuteur.
• 1920
Je suis très satisfait du fait que le Comité a entendu jusqu'à
maintenant des présentations très éclectiques. Nous les avons
toutes écoutées, et chacun des membres du Comité fait bénéficier
les autres de son expérience. J'espère que nous arriverons à
formuler quelques recommandations.
Vous avez parlé du climat politique, et j'ai personnellement reçu l'ordre d'écrire un rapport ou un document quelconque à l'automne. On m'a demandé où irait ce rapport. Sera-t-il simplement noyé par le régime politique qui de toute façon a déjà déterminé ce qui se passera?
C'est tout ce que j'ai.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame St-Jacques.
[Français]
Mme Diane St-Jacques: Vous parlez de statistiques différentes: ce ne sont pas seulement les hommes qui sont violents; il y a également des femmes. Est-ce que vous avez fait des sondages qui indiquent le contraire? Dans les premières pages des journaux, on parle souvent d'hommes qui ont tué des femmes et rarement de femmes qui ont tué des hommes. Est-ce que vous avez quelque chose de plus précis pour appuyer ce que vous dites?
[Traduction]
Dre Tana Dineen: Cette affirmation s'appuie effectivement sur une recherche importante. L'idée selon laquelle les femmes sont des êtres humains incomplets incapables de violence est tout simplement absurde.
Les médias mettent beaucoup l'accent sur la violence masculine. Mais des femmes commettent aussi des actes violents. Souvent, on les excuse en vertu de théories psychologiques sur les raisons qui poussent les femmes à agir ainsi. Il existe beaucoup de littérature sur ce sujet, et j'invite le Comité à la consulter.
La sénatrice Anne Cools: Poursuivons.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci. À cause du manque de temps, je l'inviterais à faire sa présentation et nous passerons ensuite à la période de questions.
La sénatrice Anne Cools: Vous n'avez pas encore parlé.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Non, elle n'a pas encore parlé.
La sénatrice Anne Cools: Je m'excuse, je ne savais pas. Je peux attendre qu'elle ait fini pour poser mes questions. Allez-y. Merci.
Mme Debbie Beach (témoigne à titre personnel): Mon nom est Debbie Beach, et je parle en mon propre nom. J'aimerais aborder des aspects particuliers de la violence familiale et du harcèlement et de leur lien avec la garde et le droit de visite des enfants. Les harceleurs et les agresseurs existent bel et bien.
Je suis d'accord en grande partie avec ce que les représentants de groupes d'hommes ont dit, à savoir que la majorité des hommes, tout comme la majorité des femmes, ne sont pas violents. Mais j'aimerais m'attarder au petit pourcentage de ceux qui sont des harceleurs et des agresseurs. Je ferai état de quelques statistiques et de commentaires émis par des professionnels, mais je parlerai aussi de ma propre expérience et de celle d'autres personnes, qui contribueront à illustrer mes préoccupation.
Vendredi dernier, j'ai eu la chance de m'entretenir avec Ellsby Jaswinsky, qui dirige le programme Children Who Witness Violence de la Victoria Transition House. On lui a demandé de se présenter ici, mais elle est trop occupée avec les enfants, alors elle a très gracieusement accepté de répondre à mes questions.
La loi considère que les deux parties engagées dans une bataille juridique sont raisonnables, ou que les tribunaux sont aptes à prononcer et à faire appliquer une ordonnance en ce qui a trait à la garde et au droit de visite après un divorce. Cependant, dans les cas où il y a violence familiale, harcèlement, ou violence sexuelle contre les enfants, le pouvoir est toujours mal utilisé.
L'organisation judiciaire et la loi elle-même peuvent être utilisées pour affirmer son emprise sur un ex-conjoint et les enfants; la loi devient alors un outil de violence. Il faut faire attention de ne pas rendre la loi si libérale que les harceleurs et les agresseurs s'en servent comme d'une arme.
Je recommande tout d'abord que la loi comporte un article relatif aux cas spéciaux, et particulièrement aux situations de violence familiale et de harcèlement. Je crois que la loi doit donner plus de droits de garde et de visite aux pères, mais je parle de cas exceptionnels. Il serait souhaitable que les dispositions relatives à ces exceptions soient similaires aux dispositions des lois en vigueur sur le harcèlement.
Les cas de violence et de harcèlement devraient être traités comme des exceptions à la règle favorisant la garde partagée, de sorte que la garde exclusive soit accordée au partenaire non violent. Ce partenaire devrait pouvoir quitter sa province ou le Canada sans pénalité.
Quand une personne tue son conjoint, la garde des enfants devrait être accordée à d'autres membres de la famille tels que les tantes, les oncles, les grands-parents, ou à la personne désignée comme tuteur dans le testament du conjoint assassiné. Le tueur devrait avoir le droit de voir ses enfant seulement dans un contexte supervisé, si l'enfant le souhaite, et le tueur ne devrait pas avoir la garde après sa sortie de prison, et les visites devraient toujours être supervisées si l'enfant le souhaite.
• 1925
Nous avons vu deux cas à Victoria jusqu'à maintenant. Des
hommes ont été condamnés à quatre ou cinq ans de prison pour avoir
tué leur femme, et ont obtenu la garde des enfants après leur
sortie.
Je sais que la loi interdit d'hériter de l'argent d'une personne que l'on a tuée; je crois qu'il devrait en être de même pour les enfants.
Ellsby Jaswinsky, directrice du programme Children Who Witness Violence de la Victoria Transition House, m'a remis un rapport provenant de la Californie—malheureusement, il ne s'agit pas de données canadiennes—, intitulé Proposed Guidelines for Custody and Visitation for Cases with Domestic Violence. Il s'agit d'une recherche très sérieuse portant précisément sur les hommes violents. J'ai apporté quelques copies que je soumettrai au Comité.
Mme Jaswinsky, de la maison de transition, est catégorique: la garde partagée est hors de question dans les cas de violence familiale. Nous ne parlons pas des personnes qui explosent à la moindre pression. Nous parlons de prédateurs sociaux. Elle croit que les conjoints violents invoquent les règles relatives à la garde en cour afin de manipuler les faits, et que la garde exclusive devrait être accordée au conjoint non violent.
Une de ses paroles m'a particulièrement frappée: l'agresseur type est un prédateur social. Ils agressent en secret. Ils soignent leur image publique, leur pouvoir aux yeux des autres.
La sénatrice Anne Cools: S'agit-il de son opinion ou d'une opinion qui vient d'ailleurs? Je crois que si le témoignage est celui d'une autre personne, celle-ci devrait venir elle-même témoigner. Nous ne pouvons entendre un témoignage rapporté par une autre personne.
Mme Debbie Beach: D'accord. Cela m'a semblé très vrai, parce que...
La sénatrice Anne Cools: Absolument. Amenez-la et laissez-la nous livrer son témoignage elle-même.
Mme Debbie Beach: ... de mon mariage. Je sentais que c'était très vrai, en pensant que...
La sénatrice Anne Cools: Je ne remets pas en question la véracité de vos propos. Mais nous devons l'entendre nous le raconter elle-même.
Mme Debbie Beach: Puis-je parler de ce qu'elle a dit des enfants qui sont témoins de la violence et de ce qui...?
La sénatrice Anne Cools: Le témoin peut faire son propre témoignage. Si elle rapporte les propos d'un autre témoin, alors nous avons le devoir de convoquer le témoin.
Mme Debbie Beach: Elle a été convoquée, mais elle ne peut pas venir.
La sénatrice Anne Cools: Alors, si elle a un document, elle peut nous le présenter, mais nous devrions entendre le témoin lui- même. C'est un devoir que nous avons envers le témoin.
Mme Debbie Beach: Elle n'a pas le temps.
La sénatrice Anne Cools: Madame la présidente, j'invoque le Règlement...
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Je crois que nous avons déjà entendu des personnes qui parlaient au nom d'autres personnes et qui nous transmettaient de l'information.
Il reste seulement une ou deux minutes, alors si vous pouviez nous faire part de vos recommandations [...]
Mme Debbie Beach: D'accord. Je vais me contenter de lire mes recommandations.
Je recommande que la Cour suprême et que les juges des tribunaux de la famille suivent une formation obligatoire de familiarisation aux aspects de la violence familiale et du harcèlement; que l'on abaisse l'âge requis pour prendre une décision relative à la visite d'un parent à l'âge scolaire, soit six ou sept ans.
J'ai personnellement été traînée en cour par mon ex-mari, qui demandait le droit de voir notre fils après m'avoir maltraitée. Notre fils avait huit ans. Le juge a donné raison à mon mari. Je ne parlerai pas de tout ce qui s'est passé, du trafic de drogues et d'autres formes de violence. Je me sentais tout simplement impuissante. Je sentais que mon fils ne voulait pas voir son père, mais le juge en a décidé autrement. Quand mon fils a eu douze ans, il a bel et bien décidé de ne plus voir son père, et je savais que j'étais en sécurité parce que je ne serais pas accusée d'outrage au tribunal.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Pourriez-vous vous en tenir à vos recommandations, de sorte que nous puissions passer aux questions.
Mme Debbie Beach: Bien sûr.
Je crois qu'on devrait rétablir l'aide juridique pour les questions de garde et de droit de visite. À l'heure actuelle, les seuls personnes admissibles à l'aide juridique sont les conjoints qui n'ont pas versé la pension alimentaire et qui sont menacés d'incarcération.
• 1930
En outre, le programme d'application des pensions alimentaires
a été très bénéfique pour moi, et je recommande que l'on mette sur
pied un service similaire pour les cas de violence perpétrée durant
le règlement d'un litige relatif à la garde partagée.
J'ai quitté mon conjoint alors que mon fils avait trois ans. Le mois dernier, soit quinze ans plus tard, j'ai reçu une menace au téléphone de la part de mon ex-conjoint. Ce sont des problèmes qui perdurent durant des années. On devrait instaurer un programme—et non pas confier ces cas à des avocats qui s'enrichissent sur notre dos—semblable au programme d'application des pensions alimentaires. Les règles sont déjà bien établies.
Je crois que mon conjoint m'a entraînée en cour parce qu'il voulait affirmer son pouvoir. Le programme d'application des pensions alimentaires stipule que, si un homme ne peut payer la pension, il a tous les droits de faire modifier l'ordonnance—ce n'est pas un programme punitif—, mais que, si le mauvais payeur perd en cour, il doit rembourser tous les frais afférents. Ainsi, j'ai reçu un chèque la journée avant que le procès commence, parce que mon ex-mari savait qu'il aurait à payer un autre 500 $.
Des organismes non professionnels, tels que le programme d'application des pensions alimentaires, constituent de bons moyens pour régler les problèmes de mauvaise utilisation des autorités.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice Cools, avez-vous une question?
La sénatrice Anne Cools: Oui.
J'aimerais remercier les témoins. J'ai quelques questions à poser à la Dre Dineen. Il est évident qu'elle a étudié ces questions en profondeur, et elle est de plus une psychologue de formation.
Puis-je lui poser des questions par votre entremise, monsieur le président?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bien entendu.
La sénatrice Anne Cools: Excellent. Merci.
Pas plus tard qu'hier soir, je révisais quelques-uns des nombreux documents que je possède sur la violence familiale. Je suis toujours très étonnée des écarts entre les données des études sur la population générale et celles qui sont tirées des études faites dans les refuges. Nous sommes nombreux à nous interroger à ce sujet depuis quelque temps. Avez-vous travaillé dans ce domaine, ou avez-vous une opinion à ce sujet?
Monsieur le président, vous n'étiez pas à votre poste quand la Dre Dineen nous a invités à passer en revue la vaste littérature relative à la violence familiale.
Vous devez savoir, docteure Dineen, que j'ai posé cette question à de nombreuses personnes, dont le Dr Strauss. Que pensez- vous des différences entre les résultats des études sur la population générale?
Dre Tana Dineen: J'ai formulé quelques hypothèses. Il faut se poser quelques questions importantes, et celle-là en est une.
L'une des choses que j'ai remarquées est la façon de définir la violence. Quand vous allez dans un refuge, vous contemplez les résultats de la violence réelle, authentique, horrible, une violence que l'on peut évaluer sans recourir à une échelle psychologique. Cette violence est très différente de celle que l'on veut mesurer dans les études menées auprès de la population générale. L'un des éléments importants à scruter est donc la définition que nous donnons à la violence.
Je constate une très dangereuse tendance à tout voir par la lorgnette de la psychologie: si quelque chose fait mal, on parle de violence. Cette pratique est très dangereuse. Il est aussi très risqué de diluer le terme violence en l'appliquant à des événements mineurs. C'est une grave insulte envers les femmes qui se retrouvent dans les refuges.
• 1935
Je vous dis cela sans y avoir vraiment réfléchi. Et je crois
en effet qu'il faut examiner cette question très attentivement. Je
n'ai pas encore d'opinion arrêtée à ce sujet, mais je...
La sénatrice Anne Cools: Mais ça saute aux yeux?
Dre Tana Dineen: Oui.
La sénatrice Anne Cools: La violence qui nous terrifie, la violence noire, pathologique qui hante et écrase certains couples [...] Vous souvenez-vous de cette Erin Pizzey, la fondatrice du tout premier refuge pour femmes battues dans le monde, qui a écrit un livre intitulé Scream Quietly or the Neighbours Will Hear (Crie silencieusement, sinon les voisins vont t'entendre)? Ou quelque chose comme ça. Elle a aussi écrit, un peu plus tard, Prone to Violence (Sujet à la violence). Je suis sûre que vous en avez entendu parler.
J'ai parlé à Erin récemment et nous avons abordé le thème de la violence tenace, pathologique qui prévaut dans certains couples. Nous étions d'accord pour dire que plus la violence est ancrée, sombre, tenace, moins les personnes sont susceptibles de demander le divorce. Erin utilise un langage très imagé. Elle parle de «danse avec la mort». Cette femme connaît très bien le sujet. On trouve dans la littérature beaucoup d'autres façons de parler de cette violence fatale. Les descriptions foisonnent, et on connaît les caractéristiques de ces personnes. Je pourrais vous parler de l'isolement, de l'engagement mutuel total, des réconciliations, etc.
Je me demande si vous vous êtes penchée sur cette pathologie profonde, sombre. Sur ces couples qui divorcent rarement.
Dre Tana Dineen: Je n'ai pas pris connaissance récemment de la littérature, alors je ne peux pas me prononcer.
La sénatrice Anne Cools: L'une des caractéristique de ces couples est qu'ils cherchent rarement à se séparer. Ils se réconcilient chaque fois. Toute personne qui est intervenue auprès de ces personnes [...] C'est l'une des principales causes d'épuisement professionnel pour les intervenants. Je me demandais si vous aviez lu à ce sujet.
De plus, pour ce qui est des autres études que vous avez mentionnées, pourriez-vous nous donner une liste des titres et des auteurs, la recherche de Strauss, par exemple?
Dre Tana Dineen: Je présenterai un sommaire, et je joindrai la liste. C'est probablement la meilleure méthode.
J'ai tenté d'analyser les données de plusieurs études, un sujet qui me préoccupe énormément ces temps-ci. Le Comité de la violence faite aux femmes est un exemple, mais il y a aussi eu récemment des recherches sur la violence faite aux enfants du Canada [...] J'ai tenté de rassembler des données qui me permettraient de trouver des explications. L'étude de MacMillan en est une, qui vient de l'Ontario, de McMaster. Je n'ai encore trouvé aucune donnée qui permettrait de formuler les conclusions de cette recherche, mais les journaux annoncent déjà que la violence contre les enfants est très fréquente au pays, etc.
J'ai à la maison des dossiers sur les données invisibles.
La sénatrice Anne Cools: On nous a dit à diverses reprises que seulement 1 p. cent des affidavits étaient fondés sur des mensonges, parce que les femmes mentent rarement.
Dre Tana Dineen: C'est vrai.
La sénatrice Anne Cools: C'est un sujet très litigieux. J'aimerais entendre la Dre Dineen sur ce point.
Dre Tana Dineen: Il suffit de visiter le site Web de l'American Psychological Association on sexual harassment et vous verrez cette affirmation: moins de 1 p. cent des femmes mentent. J'ai récemment confronté l'American Psychological Association sur ce sujet. L'association révise actuellement le site Web. Je ne sais pas quelles seront leurs conclusions, mais on entend effectivement ces affirmations.
Si vous cherchez les bases qui ont conduit à cette affirmation, ce que j'ai fait, vous ne les trouverez pas. J'ai posé des questions à ce sujet, autant comme autant, et les chercheurs me répondent invariablement: «Si c'est vraiment important, je vais essayer de le trouver.» Quand vous affirmez que moins de 1 p. cent des femmes mentent, je veux savoir comment vous l'avez découvert.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous sommes très en retard, et je crois que la sénatrice DeWare veut poser une question.
La sénatrice Mabel DeWare: J'aimerais poser une question à Debbie Beach. Debbie, vous nous suggérez que le jugement de la cour aurait été différent si votre fils avait pu comparaître plus jeune. S'il avait témoigné à huit ans, plutôt qu'à douze, en votre faveur, le résultat aurait pu être différent.
Mme Debbie Beach: Non, je ne parlais pas de témoignage. D'après ce que j'ai lu dans l'étude et selon ma propre expérience, je crois que, dans le cas harcèlement et de violence extrême, il serait très avantageux pour les familles si un organisme informel, tel que le bureau du procureur général, faisait une évaluation de toute la famille durant une période assez longue. Je crois qu'il est utopique de penser qu'une ordonnance de garde mettra fin aux problèmes. Dans la réalité, les problèmes perdurent très longtemps.
Dans l'étude californienne que je vous ai soumise, on mentionne que, en cas d'épisodes de violence et d'agressions à l'endroit des enfants, la personne violente devrait être forcée de prendre ses responsabilités, et qu'il faut parler à l'enfant. On y mentionne aussi l'importance pour l'autre partenaire de s'éloigner afin d'offrir un abri sûr aux enfants. Il faut parler à l'enfant, mais non le faire témoigner. Il ne s'agit pas de lui faire croire qu'il décidera du cours des événements.
La sénatrice Mabel DeWare: J'avais l'impression que, si votre enfant avait pu donner son point de vue au juge alors qu'il était plus jeune, il aurait probablement...
Mme Debbie Beach: Mon fils souffrait de troubles de déficit de l'attention et d'épilepsie. Il avait de la difficulté à se souvenir du passé. C'était une autre difficulté. Tout comme moi, son professeur pensait que, si on le lui avait demandé de façon informelle, il aurait été d'accord pour ne pas voir son père pendant un certain temps.
La sénatrice Mabel DeWare: C'est important. Je connais un peu le sujet des troubles de l'attention. La question du témoignage des jeunes nous préoccupe beaucoup. Certaines personnes nous en ont parlé. Des enfants sont venus nous dire qu'ils auraient pu prendre une décision à douze ans.
On nous a dit que les enfants devraient être entendus en cour lors de la procédure de divorce, mais qu'ils devraient être représentés par un intercesseur. Les deux personnes qui souhaitent divorcer sont toutes deux représentées par un avocat, mais qui représente l'enfant? Nous croyons que, si l'enfant était accompagné par un intercesseur, son point de vue serait considéré.
Mme Debbie Beach: Nous devons aussi considérer les cas de harcèlement et violence faite aux enfants. En règle générale, ces malfaiteurs ne sont pas pris ou poursuivis tant que les enfants n'ont pas atteint l'âge adulte.
Quand je m'occupais d'enfants, ils étaient représentés par un intercesseur. Cet homme, un avocat, était grassement payé. Il a parlé une fois aux enfants, le jour avant leur présence en cour. J'étais estomaquée. C'est pourquoi je crois qu'il vaut mieux mettre sur pied des organismes informels qui étudient la famille pendant six mois, qui parlent à chaque membre séparément et informellement...
La sénatrice Mabel DeWare: Le système se décompose. Quel que soit le domaine abordé, semble-t-il, le système s'écroule.
Mme Debbie Beach: Surtout quand il s'agit des prédateurs. Les prédateurs tirent parti du système. La personne violente n'agresse pas son patron et ne sera pas violente en public. Mon conjoint possédait une entreprise et une maison, et sa réputation était excellente. On ne l'a jamais vu battre qui que ce soit en public. C'est un problème insidieux, mais il touche seulement une petite partie de la population. La majorité des hommes ne sont pas violents, pas plus que la majorité des femmes.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Je vous remercie toutes les deux d'être venues nous rencontrer. Encore une fois, je m'excuse du retard. Je tiens à vous remercier d'avoir contribué à notre étude et à nos travaux.
Nous allons maintenant entendre le témoignage du groupe qui devait comparaître à 15 h 30. Je demanderais aux témoins de bien vouloir prendre leur place pour que nous puissions continuer.
Nous avons le docteur Ian Gillespie. M. Gillespie est médecin. Nous avons aussi Mme Jasmine Lothien qui est ici au nom des Services à la famille de la région métropolitaine de Vancouver. Et nous avons enfin M. Guy Thisdelle, conseiller familial.
Nous allons commencer par le docteur Gillespie.
Le Dr Ian Gillespie (témoigne à titre personnel): Merci, monsieur le président.
J'ai quelques acétates. J'aimerais bien que quelqu'un se charge de les mettre sur le rétroprojecteur pour que je n'aie pas à me déplacer constamment.
Honorables membres du comité, mesdames et messieurs, je vous remercie de l'occasion qui m'est offerte de comparaître à titre de témoin devant le comité mixte spécial. Je suis psychiatre et je pratique la psychiatrie générale auprès des adultes de Victoria depuis 22 ans. Je suis membre du conseil d'administration du Separation and Divorce Resource Centre de Victoria, mais je suis ici à titre individuel.
Le divorce est malheureusement une issue de plus en plus fréquente du mariage. Cette observation est valable internationalement, et l'augmentation montre une tendance exponentielle. Le graphique que vous avez sur le rétroprojecteur indique que le taux de divorce prévu est de 67 p. 100 pour les gens qui se sont mariés en 1989. Les données tiennent compte des mariages actuels qui devraient se terminer par un divorce. Ce sont des statistiques américaines, mais elles semblent représenter un profil valable à l'échelle internationale.
Les préjugés au sujet du divorce sont aussi chose fréquente. On a de la compassion pour les couples qui divorcent et on les comprend au lieu de les juger et de les blâmer. Aphrodite Matsakis, spécialiste du syndrome de stress post-traumatique, est d'avis que la philosophie d'un «monde juste» est un facteur qui contribue à cette façon de voir. J'en parle dans plusieurs paragraphes du document qui a été remis au comité.
Alarmés de l'incidence toujours plus élevée du divorce, certains ont proposé ce qu'on a appelé des pactes de mariage, qui ont récemment fait l'objet d'une loi en Géorgie, si je comprends bien. L'histoire nous enseigne—et j'en parle également dans mon document—qu'on risque de créer de nombreux autres problèmes sociaux en essayant de limiter les causes du divorce.
Selon moi, lorsqu'un mariage tourne au vinaigre, les interventions qui ne débouchent pas sur le rétablissement d'une communication respectueuse et une gestion plus saine des conflits ne peuvent pas prévenir le divorce.
Malheureusement, bon nombre des cours actuels de préparation au mariage et des approches de la consultation matrimoniale ne tiennent pas compte des résultats des recherches.
Les meilleures modifications apportées aux politiques et pratiques du gouvernement en matière de droit seront fondées sur des recherches scientifiques, pas sur les opinions et le lobbying. Nous savons d'après les recherches que de nombreux mythes entourent les causes du divorce. Le deuxième transparent énumère les neuf mythes dont parle le professeur Gottman de l'Université de Washington à Seattle. Il a donné une conférence à Vancouver la semaine dernière sur les couples et la thérapie familiale.
• 1950
Je n'aurai pas le temps de tout vous présenter. Je m'excuse
aussi si les caractères sont trop petits pour que vous puissiez
lire.
Les recherches ont également montré qu'il y a toutefois des causes prévisibles de divorce. L'approche élaborée par M. Gottman, qui est professeur de psychologie, permet de prédire avec un taux de succès de 96 p. 100 si un couple divorcera dans les quatre prochaines années, à l'aide parfois d'une observation de trois minutes des interactions du couple—mais cette recherche repose sur de longs enregistrements magnétoscopiques et des entrevues structurées.
Le facteur qui permet le plus de prévoir un divorce est ce qu'on appelle la «critique méprisante», à laquelle il donne le nom d'«acide sulfurique de l'amour».
Daniel Goleman a fait état de ses recherches dans son best- seller d'il y a plusieurs années, Emotional Intelligence, et il en parle dans son ouvrage érudit, What Predicts Divorce, de même que dans son livre destiné au grand public, Why Marriages Succeed or Fail. Je trouve que c'est un excellent cadeau de mariage.
Je veux aussi vous parler de ce qu'on a appelé le «syndrome d'aliénation parentale». Le docteur Richard Gardner, un psychiatre pour enfants du New Jersey, a écrit au sujet du syndrome d'aliénation parentale, un phénomène qu'il a été amené à observer de plus en plus souvent au cours des 15 dernières années. Le comportement qu'il décrit est habituellement celui du parent gardien qui dénigre continuellement l'autre parent, ce qui peut être très dommageable psychologiquement pour les enfants.
Les professionnels de la santé, les avocats et la magistrature sont loin d'être sensibilisés à cette complication que Gardner attribue au conflit qui résulte du «meilleur intérêt de l'enfant». Je pense qu'il y a des explications plus vastes de ce phénomène, mais c'était sa première. Je tenais à attirer votre attention sur ces travaux dans l'espoir que vous en tiendrez compte au moment de la rédaction des modifications législatives.
J'aimerais maintenant vous parler de prévention et de ce qu'on appelle le programme PEACE.
Est-ce que le comité a déjà entendu parler du programmes PEACE qui est en oeuvre aux États-Unis?
Des voix: Non.
Dr Ian Gillespie: J'en ai entendu parler pour la première fois à une conférence de l'American Psychiatric Association en mai dernier. Ce programme a été élaboré par un professeur de psychologie et de droit de l'Université Hofstra à Hempstead, dans l'État de New York, et a d'abord été utilisé au Kansas. À ce moment-là, il y a deux ans, il était offert dans 600 centres aux États-Unis.
Il s'agit d'un programme à l'intention des parents qui divorcent qui ne sont pas arrivés à s'entendre sur la garde et le droit de visite et qui envisagent de recourir aux tribunaux. Il comporte trois séances et est offert par des bénévoles des secteurs de la santé mentale et du droit. La première séance consiste en un examen de la procédure et des répercussions juridiques du divorce, la deuxième, en un examen du stress émotionnel du couple qui divorce et la troisième, en un examen de l'incidence du divorce sur les enfants et du risque d'exploitation des enfants.
On a produit une bande vidéo et quelques manuels. Je les ai apportés ici aujourd'hui et j'aimerais les laisser au comité. Je crois que c'est un excellent programme qui a été très bien reçu par les parents qui y ont participé. Même si elle a été enregistrée dans un contexte américain, je trouve que la bande vidéo explique très bien le bon accueil que les enfants lui ont réservé.
PEACE est l'acronyme de Parent Education and Custody Effectiveness.
Je vais vous parler brièvement d'autres mesures de prévention. Nous connaissons, à cause de toute la documentation qui existe, l'incidence de la violence familiale. Nous savons que les enfants qui sont souvent témoins d'un comportement violent peuvent plus tard adopter le même comportement s'ils ne reçoivent aucun traitement. Nous savons également qu'il y a des mesures d'intervention efficaces pour les enfants qui ont été témoins de violence.
Les résultats d'un programme d'intervention au niveau de l'école primaire à Seattle ont récemment été publiés. L'étude révèle une diminution des pulsions agressives des enfants. Il y a aussi des ressources utiles qui peuvent aider les parents à maîtriser leur colère et à élever ce qu'on appelle maintenant des «enfants intelligents affectivement». Nous devons adopter les mêmes approches dans nos écoles en modifiant le programme éducatif.
En résumé, le divorce est malheureusement de plus en plus fréquent. Les recherches ont fait ressortir l'existence de facteurs qui y contribuent ou qui permettent de le prévenir. Des projets pilotes mis en oeuvre dans les écoles montrent qu'il pourrait être possible d'élever une génération d'enfants plus intelligents affectivement qui auraient plus de succès dans leurs relations futures.
Les approches actuelles des conflits relatifs à la garde et à l'accès peuvent aboutir à de longues batailles et l'enfant peut se trouver pris entre deux feux et devoir à tout le moins renoncer au contact dont il a besoin avec le parent qui n'en a pas la garde. Lorsqu'un couple parvient enfin à une entente, ses avoirs peuvent avoir été considérablement minés. Sa capacité de collaborer pour répondre aux besoins de ses enfants s'en trouve souvent grandement réduite.
• 1955
Il est parfois difficile pour les tribunaux de trancher dans
ces cas en raison des nombreuses accusations et contre-accusations
faites par chacune des parties, lesquelles peuvent s'appuyer sur de
multiples affidavits et témoignages contradictoires d'experts.
Les études sur la violence familiale font ressortir le tort causé aux enfants qui sont témoins d'un comportement violent et la valeur des programmes d'intervention et de traitement pour les victimes et leurs agresseurs.
En l'absence de recherches sur le syndrome d'aliénation parentale—qui n'existe pas depuis assez longtemps—il semble raisonnable de supposer que les enfants qui y sont exposés en subiront les conséquences. À moins qu'il soit dépisté tôt et fasse l'objet de l'intervention voulue, il va détruire leurs chances de relations heureuses et satisfaisantes à l'âge adulte.
Le transparent suivant montre dix recommandations précises. Je me rends compte que nous n'avons pas le temps de les reprendre une à une, monsieur le président.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Votre temps de parole est épuisé, docteur Gillespie.
Dr Ian Gillespie: C'est parfait. Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous allons maintenant passer à Mme Lothien.
Mme Jasmine Lothien (représentante, Family Services of Greater Vancouver): Merci.
Je vais vous dire quelques mots au sujet de notre organisation. Nous sommes un organisme sans but lucratif qui compte 400 employés à Burnaby, Richmond, New Westminster et Vancouver. Nous nous consacrons à aider les familles, les individus et les jeunes qui rencontrent des défis nouveaux ou difficiles dans leur vie.
En plus d'offrir des services généraux de consultation familiale, nous travaillons depuis vingt ans avec les victimes de violence familiale et leurs agresseurs en collaboration avec les services de police de Vancouver et de New Westminster. Nous avons aussi investi plus de dix années dans la recherche sur la violence familiale et l'évaluation des programmes en collaboration avec l'École de travail social de l'Université de la Colombie- Britannique.
Il est vrai, comme on le croit généralement et comme le montrent de nombreuses statistiques, que les femmes sont les principales victimes de la violence dans les couples.
Par exemple, d'après la police de Vancouver, il y a dans cette ville une organisation qui reçoit 4 000 appels de femmes qui sont victimes de violence pour la première fois—c'est ainsi qu'elle tient ses statistiques—c'est-à-dire à peu près 4 p. 100, et elle reçoit environ 10 p. 100 des appels. Il s'agit en fait d'agressions au sens du Code criminel. Cela vous donne une idée de l'ampleur du problème dans la vallée du bas Fraser.
Nous avons observé que l'incapacité des tribunaux civils de reconnaître la violence contre les femmes dans les décisions concernant la garde et le droit de visite continue à mettre en danger la santé, le bien-être et parfois même la vie des femmes et des enfants.
Nous reconnaissons qu'il est dans l'intérêt des enfants que leurs parents soient capables d'en arriver par la collaboration à des ententes de garde conjointe et de visite. Cependant, les hommes ayant des antécédents de violence à l'endroit de leur conjointe se servent souvent des ententes de garde et de visite pour continuer à maltraiter et à contrôler leur ex-conjointe et leurs enfants.
Nous sommes très préoccupés par les critères utilisés pour prendre des décisions concernant la garde et l'accès lorsque la relation a été marquée par la violence. Un des critères est que le père participe à des programmes de maîtrise de la colère pour montrer qu'il est un parent compétent.
Nous serions en faveur d'une Loi sur le divorce qui exige des preuves claires qu'un homme n'est pas violent. Celles-ci pourraient englober: des changements manifestes au niveau du comportement et de l'attitude et une approche de la garde et de l'accès qui tient compte du bien-être des enfants et de la conjointe—y compris notamment la nécessité d'assumer la responsabilité de ses actes; la compréhension de la peur de sa conjointe et de ses enfants et de leur répugnance à avoir des contacts avec lui; et la volonté de conclure une entente de visite qui repose sur les besoins des enfants et de la femme.
Nous suggérerions aussi que les litiges continuent à faire partie de ce processus. Il est très logique de vouloir faire en sorte que le processus soit plus facile et moins coûteux. Cependant, lorsqu'il y a de la violence, la femme a besoin de la présence et de la protection du système judiciaire et des avocats.
Tout argument en faveur de la reconnaissance des droits des pères qui ne prendrait pas ces facteurs en considération permettrait que les tribunaux soient utilisés pour perpétuer la violence envers les femmes et les enfants. Les contacts imposés par la loi entre un père et ses enfants ou un conjoint violent et sa conjointe nuisent au bien-être de la conjointe et des enfants.
• 2000
Un comportement violent est un comportement qui perturbe
affectivement les enfants, comme l'ont reconnu six provinces du
Canada dans leurs lois sur la protection des enfants—Terre-Neuve,
l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick,
la Saskatchewan et l'Alberta—et comme le reconnaît maintenant
notre propre ministère de l'Enfance et de la Famille qui se rend
compte du tort causé aux enfants qui sont témoins de violence,
qu'ils soient ou non eux-mêmes maltraités.
Les statistiques montrent que les enfants qui sont exposés à ce type de violence ont des taux de délinquance et de grossesse beaucoup plus élevés et qu'ils quittent l'école beaucoup plus tôt. Tous ces facteurs doivent être pris en considération.
Nous aimerions donc que la Loi sur le divorce englobe une disposition selon laquelle s'il y a de la violence, il faudrait soumettre le père à une évaluation continue pour voir s'il assume ou non ses responsabilités. Ses enfants sont-ils vraiment sa priorité première ou sont-ils uniquement un outil qu'il peut utiliser pour les contrôler et pour contrôler sa conjointe?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. Soumettez-vous un mémoire? Vous avez fait allusion à certaines statistiques. Allez- vous citer vos sources dans le mémoire pour étayer ces statistiques?
Mme Jasmine Lothien: Nous avons une lettre, mais je peux vous les obtenir.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): C'est parfait. Merci.
Enfin, monsieur Thisdelle.
M. Guy Thisdelle (conseiller familial): Bonjour. Je suis praticien d'exercice privé pour le moment. Je suis conseiller. J'ai travaillé comme conseiller auprès des enfants et des adolescents pendant à peu près huit ans. Depuis quatre ans environ, je consacre mes recherches et mon temps au counseling des hommes.
Tôt dans ma carrière de conseiller auprès des enfants et des adolescents, je me suis aperçu qu'un grand nombre d'enfants avec lesquels j'étais appelé à travailler venaient d'une famille sans père. J'ai commencé à approfondir la question et à essayer de cerner la situation.
J'aimerais fournir à Duncan une statistique qu'il a demandée tout à l'heure. Je ne sais pas si c'est ce qu'il veut savoir au juste, mais le ministère de l'Enfance et de la Famille, autrefois appelé le ministère des Services sociaux, m'a fourni des données selon lesquelles il y avait 75 000 familles monoparentales en Colombie-Britannique en 1995. Un peu plus de 50 000 d'entre elles étaient dirigées par la mère, et presque toutes recevaient une forme quelconque d'aide sociale. Je n'ai eu aucune ventilation selon le sexe pour les autres 25 000. Je ne sais pas si cela vous aide ou non.
L'information statistique et les observations que j'ai recueillies par la suite me sont apparues très décourageantes, dont les travaux de David Popenoe, un sociologue de l'Université Rutgers—qui a affirmé qu'environ 40 p. 100 des enfants du Canada et des autres pays industrialisés de l'Ouest sont élevés sans père. J'ai donc commencé à examiner les données brutes de Statistique Canada et les données démographiques pour voir si c'était vraiment le cas.
Je n'ai trouvé aucune information me permettant de mettre ces chiffres en doute. Nous catégorisons l'information statistique qui nous est fournie par Statistique Canada d'une manière telle qu'il faut faire des calculs compliqués, mais les chiffres semblent indiquer que cette information est correcte.
Les enfants sans père sont essentiellement ceux dont les parents ont divorcé ou se sont séparés et ceux qui sont nés hors mariage. À l'heure actuelle, leur pourcentage s'élève à 40 et à 22 p. 100 respectivement. Chez les autochtones canadiens, leur pourcentage pourrait être aussi élevé que 75 p. 100 dans certaines collectivités.
Voici ce que certains auteurs disent au sujet des orphelins de père. David Popenoe écrit:
-
Le père est une composante essentielle de toute société en santé...
En dernière analyse, tout père compte. Cependant, si la tendance
actuelle se poursuit, notre société courra à sa perte.
Il fait suivre cette mise en garde d'une observation de Lawrence Stone, un historien qui est lui aussi bien connu dans son domaine. Voici ce qu'il dit au sujet des enfants sans père dans les sociétés occidentales:
-
Cela ne s'est pas vu dans aucune société depuis 2 000 ans et
probablement depuis plus longtemps encore.
Il n'y a jamais eu autant d'enfants orphelins de père dans notre société, même en temps de guerre. Cela vaut pour tous les pays industrialisés de l'Ouest. Ce phénomène remonte aux années 60.
• 2005
Le psychologue en développement humain Michael Lamb dit ceci
dans son étude sur le rôle du père dans le développement de
l'enfant:
-
Il est évident que l'absence du père peut être nocive... parce que
bien des aspects de son rôle—économique, social, psychologique—ne
sont pas remplis ou le sont mal.
Il dit qu'un père contribue au développement de son enfant de deux principales manières: par la maîtrise de soi ou la discipline et par la compassion.
Des recherches actuellement en cours à l'Université Simon Fraser sur les jeunes qui ont des démêlés avec la justice viennent étayer ses dires. L'absence de maîtrise de soi et de compassion se voit souvent chez les jeunes qui ont des démêlés avec la justice et semble coïncider avec l'absence du père.
Une autre autorité en matière de criminologie dit ceci:
-
Nous allons être témoins d'une vague de crimes au cours des dix
prochaines années [...] commis par des jeunes sans pitié... des
enfants qui deviendront des meurtriers au début ou dans la phase
intermédiaire de l'adolescence.
Selon lui, plus le nombre des naissances hors mariage, des enfants sans père et des divorces augmentera, plus grande aussi sera la criminalité chez les jeunes. Pour lui, il y a un lien entre les deux.
Je vais en venir tout de suite à mes recommandations. Dans un monde idéal, et je vous parle en conseiller, j'aimerais que soient en place tous les systèmes de soutien et tous les programmes sociaux nécessaires pour que les familles ne se retrouvent plus devant les tribunaux et qu'elles reçoivent le soutien voulu. Sinon, je pense que la meilleure chose à faire serait d'en arriver à ce que j'appellerais—et on me dit que c'est souvent utilisé dans les décisions concernant la garde et l'accès—un modèle de développement fondé sur la double résidence. J'utilise le terme double résidence par opposition à garde ou soins et contrôle ou à toute autre expression.
Je crois en la médiation. J'ai confiance dans le processus de médiation et dans ce que certains des médiateurs ont dit. Je ne pense pas qu'elle devrait être obligatoire, mais elle devrait être offerte à tous les citoyens de notre pays, peu importe leur statut socio-économique.
Deux programmes sociaux semblent vraiment aider en l'absence du père. Le premier est l'éducation des parents. Le modèle préféré, d'après ce que m'ont dit certaines personnes qui ont fait des recherches à ce sujet, est celui qui inclut les enfants. À l'heure actuelle, le modèle utilisé dans cette province-ci pour l'éducation des parents, après le divorce ou après la séparation, n'inclut pas les enfants. Je suis contre ce modèle. Je crois personnellement que nous devons travailler avec les enfants.
L'autre programme qui semble être pas mal utile porte le nom de programme Bon départ. Cependant, le plus utile de ces programmes englobe un volet pour les hommes.
Nous avons demandé des fonds au gouvernement fédéral et au gouvernement de la province pour pouvoir travailler avec les pères qui risquent de ne pas s'occuper de leurs enfants. Nous n'avons jamais rien reçu, mais je crois qu'il est essentiel de lutter contre la pire épidémie sociale qui menace aujourd'hui notre pays.
Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Nous allons passer aux questions.
Sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: Merci, monsieur le président. Je suis en train de préparer mes questions, mais j'ai remarqué que M. Thisdelle avait abrégé ses observations. Nous pourrions peut-être faire comme si elles avaient été lues, parce qu'il a cité des études assez impressionnantes. Il est toujours bon d'avoir des données. Aviez-vous à peu près terminé?
M. Guy Thisdelle: J'avais à peu près terminé, mais vous pourriez peut-être me dire quelles données vous vouliez.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Si vous me permettez d'intervenir, allez-vous présenter un mémoire au comité?
M. Guy Thisdelle: J'en ai présenté un.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Donc, vous en avez déjà présenté un.
M. Guy Thisdelle: C'est exact.
Le sénateur Duncan Jessiman: Inclut-il tout ce que vous avez dit?
M. Guy Thisdelle: Il n'inclut pas les citations des auteurs.
La sénatrice Anne Cools: Je propose que tout son document et la déclaration qu'il a faite figurent dans le compte rendu.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui.
La sénatrice Anne Cools: Il a cité des sources assez impressionnantes. J'aurais bien aimé qu'il nous envoie son document, mais il en est question dans le compte rendu.
M. Guy Thisdelle: Il se lit mal et il y a des commentaires griffonnés partout.
La sénatrice Anne Cools: Ne vous inquiétez pas parce qu'il sera possible de faire quelques petites corrections si vous parlez au personnel du comité, mais pour—
M. Guy Thisdelle: Veuillez me préciser où vous voulez que je commence à lire et je me ferai un plaisir de le faire.
La sénatrice Anne Cools: Vous n'avez pas lu le document; vous avez dit le contraire. Je viens de proposer une motion.
M. Guy Thisdelle: Je suis désolé.
La sénatrice Anne Cools: Je propose que les déclarations soient consignées au procès-verbal comme si elles avaient été lues. C'est fait. Ça ne vous regarde pas; ça ne regarde que le comité.
M. Guy Thisdelle: Je vous présente mes excuses.
La sénatrice Anne Cools: Très bien.
[Note de la rédaction: L'exposé présenté par M. Guy Thisdelle se lit comme suit]:
Je vous remercie de votre lettre du 19 février 1998 dans laquelle vous décrivez le mandat et la composition de votre comité et à laquelle vous joignez de la documentation relative à la façon de préparer un mémoire.
J'espère que les renseignements suivants seront utiles au Comité mixte sur la garde et le droit de visite des enfants. Je suis disposé à exposer ces renseignements en personne, si votre comité estime que cela est utile.
J'ai rédigé un article basé sur des recherches effectuées de façon indépendante sur la garde et le droit de visite des enfants lors d'une séparation et d'un divorce et j'ai étudié certains des obstacles qui empêchent l'insertion des pères après une séparation ou un divorce. Mes recherches ont également porté sur les naissances hors mariage et leurs implications en ce qui concerne la garde et le droit de visite et les enfants délaissés; comme vous le savez peut-être, les enfants délaissés constituent la majorité des enfants maltraités. Le résultat de ces recherches a été tout d'abord exposé en juin 1997, lors de la 5e Conférence internationale sur la garde des enfants et la prise en charge des adolescents à Toronto (Ontario).
Une méthode pluridisciplinaire a été utilisée au cours de ces recherches; par exemple, les psychologues en développement humain sont d'avis que les deux principaux traits de caractère que les pères transmettent à leurs enfants sont 1) le contrôle de soi et la discipline et 2) la compassion, tandis que les criminologues affirment que les jeunes qui ont des démêlés avec la justice ne possèdent pas ces deux mêmes traits de caractère. L'article décrit d'abord les problèmes familiaux et sociétaux et présente ensuite des suggestions relatives à des changements à effectuer, en critiquant notamment les programmes sociaux pilotes actuellement mis en oeuvre sous diverses formes aux États-Unis et au Canada, qui offrent une forme d'aide pour régler les problèmes relatifs à la garde et au droit de visite des enfants.
Il y est question de familles «sans père», plutôt que de familles «dirigées par la mère». La plus grande partie des recherches ont été effectuées par des Américains, mais nous avons cherché à utiliser 1) des données relatives au Canada et 2) des concepts qui s'appliquent également à nos deux pays.
Introduction
Les taux élevés de divorce, de séparation et de naissance hors mariage ont entraîné des taux également élevés de familles sans père et ces taux sont en hausse depuis 1960. Le présent guide porte sur le rôle des pères dans la famille et la société. On y affirme qu'il est nécessaire de changer d'attitude à l'égard du rôle du père dans la famille et la société en se basant sur les quatre besoins psychologiques décrits dans la théorie de William Glasser: exercer un pouvoir, avoir du plaisir, acquérir un sentiment d'appartenance et particulièrement aimer et être aimé. Le présent guide est divisé en deux parties; la première porte sur les obstacles sous-jacents qui nuisent à l'exercice du rôle parental par les deux parents et la deuxième porte sur le processus de prestation d'aide. Dans ces deux sections, il est question des motifs pour lesquels le père doit être inclus en tant que partenaire égal, des suggestions sont fournies à cet égard et on y trouve des références aux recherches qui leur servent de fondement.
Description du problème systémique
Les enfants sans père sont ceux qui n'habitent plus avec leur père biologique; on estime que leur nombre représente 40 p. 100 des enfants et ce taux est en hausse aux États-Unis (Blankerhorn, 1995, et autres). Le sociologue David Popenoe laisse entendre que:
1. Ce problème existe dans tous les pays industrialisés.
2. On s'attend à ce que le taux atteigne 50 p. 100 au tournant du siècle, si la tendance actuelle se maintient. Cela signifie que 50 p. 100 de tous les enfants n'auront pas de relation avec leur père. Les statistiques indiquent que, dans le monde industrialisé, le taux le plus élevé de familles sans père se trouve aux États-Unis. Les statistiques canadiennes indiquent que notre taux est un peu moins élevé que celui des États-Unis, mais dans ce dernier pays, on a créé un «Programme d'initiatives relatives à la paternité»; il existe depuis environ deux ans et reçoit des fonds du gouvernement fédéral en tant que programme social. Le Canada n'a jamais reconnu officiellement l'existence de ce problème social et, par conséquent, la tendance continuera probablement à être en hausse dans notre pays. Des données canadiennes sont utilisées, lorsque cela est possible; dans le cadre de discussions, nous supposerons que certaines des principales affirmations des chercheurs américains s'appliquent partout dans les sociétés occidentales, à moins que nos recherches n'indiquent qu'il en est autrement pour un motif relatif à l'origine ethnique ou culturelle.
Les statistiques canadiennes confirment que les enfants au Canada sont de plus en plus orphelins de père et elles semblent indiquer qu'éventuellement la proportion sera légèrement plus élevée dans notre pays qu'aux États-Unis. Le tableau ci-dessous illustre certaines des préoccupations des auteurs énumérés ci- dessus. L'année 1922 sert de référence pour indiquer que les hausses les plus importantes dans le nombre de naissances hors mariage, le nombre de crimes commis par des adolescents et le taux de divorce ont débuté vers 1960 à la fois aux États-Unis et au Canada, tandis que les taux d'augmentation de la population, de naissances viables et de mariage demeuraient constants. La criminalité des adolescents a été ajoutée aux colonnes ci-dessous, par opposition aux autres formes de comportement déviant sur le plan social ou d'inadaptation, car les jeunes hommes semblent former le groupe le plus important touché par ce phénomène; le contrôle de soi et la compassion semblent être les deux principaux traits de caractère que les pères transmettent à leurs fils (Gottfredson, M. et Hirschi, T., 1990), tandis que les filles semblent avoir plus de contrôle sur elles-mêmes et des relations plus suivies avec leur père (Radin et Russel, 1983); Marc Le Blanc, un criminologue qui enseigne à l'Université de Montréal, a récemment fait connaître les conclusions d'une étude longitudinale, selon laquelle les adolescents sont plus violents maintenant qu'il y a 30 ans et qu'un des motifs est la désagrégation familiale (M. Le Blanc, 1997), ce qui est compatible avec les conclusions des chercheurs américains (Popenoe, 1995).
Certaines des autres statistiques américaines qu'il vaut la peine de signaler comprennent notamment les suivantes:
-
80 p. 100 des violeurs motivés par un déplacement de colère ont été
élevés dans un foyer où il n'y avait pas de père (Criminal Justice
and Behavior, vol. 14, p. 403-426, 1978)
-
63 p. 100 des adolescents qui se suicident ont été élevés dans un
foyer où ils n'avaient pas de père (US DHHS Bureau of the Census)
-
85 p. 100 de tous les enfants qui ont des troubles de comportement
viennent de foyers où il n'y a pas de père (Centre for Disease
Control)
-
71 p. 100 de tous les décrocheurs à l'école secondaire viennent
d'un foyer où il n'y a pas de père (National Principals Association
Report on the State of High Schools)
-
70 p. 100 des jeunes pris en charge dans des institutions
gouvernementales viennent de foyers où il n'y a pas de père (U.S.
Dept. of Justice Special Report, 1988)
-
85 p. 100 de tous les adolescents incarcérés ont été élevés dans un
foyer où il n'y a pas de père (Georgia Jail Populations, Texas
Dept. of Corrections, 1992)
Ces statistiques indiquent que les enfants élevés dans un foyer où il n'y a pas de père sont 5 fois plus susceptibles de se suicider, 32 fois plus susceptibles de fuguer, 20 fois plus susceptibles d'avoir des troubles de comportement, 14 fois plus susceptibles de commettre un viol (dans le cas des garçons), 9 fois plus susceptibles d'abandonner leurs études secondaires, 10 fois plus susceptibles de développer une toxicomanie, 9 fois plus susceptibles d'être pris en charge par une institution gouvernementale et 20 fois plus susceptibles d'être condamnés à une peine de prison (FNF, site Web, Royaume-Uni, 1996). Ces statistiques traduisent des changements sociaux d'une portée considérable dont l'effet est notamment de nuire aux relations entre les pères et leurs enfants. Par comparaison, les statistiques canadiennes indiquent ce qui suit:
Problème | Mère célibataire | Deux parents | Probabilité relative |
Hyperactivité | 15.6 | 9.6 | 1.74 |
Trouble de la conduite | 17.2 | 8.1 | 2.36 |
Trouble affectif | 15.0 | 7.5 | 2.18 |
Problèmes de comportement | 31.7 | 18.7 | 2.02 |
Redoublement | 11.2 | 4.7 | 2.56 |
Problèmes scolaires | 5.8 | 2.7 | 2.22 |
Handicap social | 6.1 | 2.5 | 2.53 |
Ensemble des problèmes | 40.6 | 23.6 | 2.21 |
Cela signifie que les enfants de mères célibataires sont 2,21 (221 p. 100) fois plus susceptibles d'avoir un ou plusieurs problèmes (Statistique Canada, novembre 1996, numéro 89-55).
Le rôle du père et le divorce
Les différences dans l'exercice de l'autorité semblent plutôt exagérées dans les affaires de divorce et de séparation, lorsque les questions relatives à la garde et au droit de visite des enfants constituent la principale préoccupation des deux parties. Dans environ 80 p. 100 des cas, la garde des enfants est encore accordée à la mère (Statistique Canada, entre 1910-1912 et la période actuelle) et les mères semblent avoir l'avantage dans les situations très conflictuelles, lorsque la dégradation familiale est inévitable. Lorsqu'une entité comme le système de justice fait preuve d'un préjugé contre un groupe et favorise un autre groupe, plusieurs pères sont mis au pied du mur et dans une situation où, d'après eux, il n'y a pas de gagnants. Sur le plan clinique et personnellement, j'ai découvert qu'il en résulte que plusieurs pères semblent décidés à se défendre ou à éviter de payer. Certains pères jurent de lutter aussi longtemps qu'il le faut, tandis que d'autres acceptent la décision sans rien dire et d'autres encore abandonnent la lutte, en grande partie à cause de leur épuisement sur le plan financier et affectif. Dans son étude publiée en 1993, E. Kruk, professeur agrégé à l'Université de la Colombie- Britannique, affirme que 40 p. 100 de ces pères souffrent de dépression clinique et que 90 p. 100 d'entre eux déclarent qu'on les empêche d'exercer leur droit de visiter leurs enfants. Dans le cadre d'une enquête menée par la National Commission on Children en 1991, des chercheurs ont signalé que la moitié des enfants de familles désagrégées n'avaient pas vu leur père du tout au cours de la dernière année et que près d'un enfant sur cinq dans les familles dirigées par la mère n'avait pas rencontré son père au cours des derniers cinq ans. Frank Furstenberg (Divided Families, 1991) ajoute que plus de la moitié de tous les enfants qui ne vivent pas avec leur père ne sont jamais allés dans sa maison.
Les obstacles systémiques qui empêchent les pères d'élever les enfants
Statistique Canada rapporte que, chaque année, des poursuites sont exercées relativement à la garde de 50 000 enfants. Cela signifie que, depuis 1910 environ, les relations de dizaines de milliers d'enfants avec leur père ont été rompues prématurément à cause d'un divorce ou d'une séparation. Le fait pour les pères de commencer à faire l'expérience du système accusatoire nuit à leurs efforts visant à élever leurs enfants et il en résulte que leurs relations sont réduites à celle d'un «visiteur» rencontré fréquemment. L'exemple traditionnel et habituel est toutes les deux fins de semaine.
Les avocats demandent souvent aux pères qui décident de poursuivre en justice de leur verser un droit de rétention de plusieurs milliers de dollars, alors qu'ils doivent payer des dépenses de déménagement, une pension alimentaire provisoire, faire face à la perte subite de leur famille et qu'il existe très peu de services de soutien. Dans la grande région de Vancouver, il existe actuellement trois services de soutien pour les hommes: Fathers Without Children Counselling and Advocacy Services, Vancouver M.E.N. et B.C. Mens Resource Centre; aucun d'entre eux n'est financé par le gouvernement. Étant donné que le divorce ou la séparation, le déménagement et la perte de leur famille sont des causes majeures de tension, on pourrait s'attendre à ce qu'il existe des services de soutien plus nombreux dans ce domaine, mais tel n'est pas le cas. De fait, les représentants de la plupart des organismes qui fournissent des services sociaux financés par le gouvernement refusent d'aider les couples qui sont sur le point de se séparer ou de divorcer par crainte d'être forcés de comparaître devant les tribunaux. Alors qu'on a éminemment besoin de services, il ne sont fréquemment pas disponibles. Les travailleurs chargés d'aider les membres des familles qui font face à une procédure judiciaire devraient examiner leur politique sur la prestation de services aussitôt que possible, car celle-ci peut empêcher de fournir des services.
En ce qui concerne les différences d'autorité en exerçant le rôle parental, Polatnick a conclu, dans une étude de 1973-1974 sur les familles où il y a deux parents, que les mères ne veulent pas abandonner leur rôle de principale dispensatrice de soins, même si elles se plaignent d'avoir trop de responsabilités. De plus, les mères craignent que, si les pères participent davantage aux activités de la famille, cela mettra en danger la dynamique fondamentale du pouvoir à l'intérieur de celle-ci. En d'autres mots, il semble qu'au cours de cette étude, les chercheurs ont découvert que, bien que les mères se plaignent d'avoir trop de travail, elles ne veulent pas que les pères jouent un rôle plus important en vue d'élever les enfants ou elles veulent peut-être que les pères collaborent davantage avec elles, mais sans créer un déséquilibre du pouvoir.
Le syndrome de l'aliénation du parent
Dans une situation extrême de lutte pour exercer l'autorité, les limites et les alliances familiales peuvent être modifiées et une alliance entre parents dans une relation saine peut se transformer en une relation entre un parent et un enfant. Un exemple de cette relation pourrait être ce que Larry Nicholas appelle le «syndrome de l'aliénation du parent». En avril 1997, lors du Symposium de psychologie légale tenu à Vancouver, L. Nicholas a décrit comment un parent peut chercher à dessein à aliéner l'autre parent de ses enfants, souvent en le critiquant ou en suivant des pratiques analogues à celles d'une secte ou de lavage de cerveau, selon les termes utilisés par R. Bower, qui a présenté la communication conjointement avec L. Nicholas. Nicholas rapporte que, lors d'une enquête par sondage menée auprès de 65 psychologues qui représentaient une médiane de 10 évaluations de la garde et du droit de visite des enfants par année, on a découvert que le tiers des répondants signalait l'existence de symptômes de ce syndrome qui allaient de modérés à graves. Cela signifie que, dans la majorité des cas, les pères font l'objet de cette aliénation. Nicholas et Bower ont tous deux souligné qu'il est nécessaire d'effectuer plus de recherches sur cette question, mais ils ont laissé entendre qu'ils ont montré que l'échelle d'évaluation utilisée au cours des évaluations de la garde et du droit de visite des enfants était un instrument utile, lorsqu'on soupçonne l'existence de ce syndrome. J'ajoute que s'il est utilisé régulièrement au cours d'évaluations en tant que critère normalisé, il peut être un moyen efficace de dissuasion pour le parent qui songe à aliéner l'autre parent. Voici certains échantillons de symptômes correspondants dans l'échelle d'évaluation:
L'enfant
-
déteste le parent ciblé, plutôt que de ressentir un sentiment
ambivalent à son égard;
-
développe un sentiment de fidélité à l'égard d'un parent plutôt que
de l'autre, selon qu'il habite avec l'un ou l'autre;
-
nie qu'il se souvient d'avoir eu des expériences positives avec le
parent ciblé.
Le parent ciblé
-
met un terme à sa relation avec l'enfant ou abandonne
temporairement celle-ci;
-
développe un sentiment de frustration et de colère à l'égard du
parent qui suscite le sentiment d'aliénation;
-
est irrité ou en colère contre l'enfant dont le comportement
suscite un sentiment d'aliénation.
Le parent qui suscite le sentiment d'aliénation
-
croit qu'il est préférable que l'enfant soit élevé sans avoir de
relation avec le parent ciblé;
-
exagère ou invente des incidents relatifs à des mauvais traitements
infligés par le parent ciblé;
-
dit à l'enfant que le parent ciblé ne l'aime pas.
Actuellement, il ne semble pas y avoir de présentation uniforme de l'évaluation, car cela dépend dans une large mesure de la personne qui établit le rapport relatif à la garde et au droit de visite et de sa profession. Par exemple, les thérapeutes familiaux peuvent chercher à maintenir l'unité de la famille en établissant une relation familiale éloignée (similaire à celle des membres d'une famille étendue), tandis que les conseillers et les psychologues du tribunal de la famille peuvent chercher à faire enquête sur chaque membre de la famille en créant un modèle plus traditionnel pour que le père ne joue pas un rôle parental actif conjointement avec la mère. Dans son étude de 1993, Kruk affirme que, pour des enfants et les membres d'une famille, la médiation est préférable au processus judiciaire public et que, parmi les différents modèles de médiation, la médiation thérapeutique est le meilleur modèle (celui qui consiste à faire intervenir un thérapeute familial qui a reçu une formation sur tous les aspects du divorce et de la séparation).
Un modèle de développement de l'exercice conjoint du rôle parental
En tant que conseiller familial en pratique privée, principalement intéressé par les questions de divorce et de séparation, je rencontre de nombreux hommes qui me rapportent qu'ils ne peuvent exercer leur droit de visiter leurs enfants pour diverses raisons. Je leur recommande de lire le livre publié en 1988 par M. Baris et C. Garrity intitulé Children of Divorce - Developmental Approach to Residence and Visitation. Ce livre fournit des lignes directrices relatives au droit de visite en fonction du stade de développement de l'enfant et il comprend la description de tâches que les enfants doivent accomplir pour contribuer à leur développement et des questions relatives au divorce qui intéressent les enfants, des recommandations adressées aux parents qui vivent à proximité ou loin l'un de l'autre, une description des facteurs de risque pour les enfants et il a été rédigé par deux psychologues. L'ouvrage décrit brièvement en langage ordinaire les lignes directrices relatives au droit de visite des enfants depuis leur petite enfance jusqu'à l'âge de 18 ans et il est basé sur un modèle d'exercice conjoint du rôle parental. Les principes qui sous-tendent ces lignes directrices sont basés en partie sur les théories populaires relatives à l'attachement de l'enfant. Il ne s'agit que de lignes directrices et il faut les adapter pour tenir compte des circonstances de chacun, mais elles devraient être appliquées de la même manière que les lignes directrices relatives aux pensions alimentaires pour enfants. J'ai constaté que, sur le plan clinique, ces lignes directrices sont pratiques et utiles au cours de discussions relatives à l'exercice conjoint du rôle parental durant la médiation thérapeutique.
La formule est simple et peut être appliquée généralement. Dans le cas des enfants qui ont environ 2 ans (au moment du divorce ou de la séparation), les auteurs recommandent qu'ils prennent contact chaque jour pendant quelques heures avec l'autre parent ou à tout le moins à tous les deux jours et, lorsque l'enfant parvient à l'âge de 5 ans, il est possible de prendre un arrangement pour que les responsabilités parentales soient assumées également. Cela signifie qu'au terme de cette étape, il est possible d'organiser deux à trois séjours d'une nuit par semaine. La prolongation de ces périodes et l'augmentation du nombre de ces séjours d'une nuit devraient avoir lieu tous les six mois pour permettre à l'enfant de s'adapter à la nouvelle structure. Encore une fois, les détails peuvent varier selon la situation, mais telle est la règle générale.
Dans le cas des enfants qui ont 6 ans ou plus (au moment du divorce ou de la séparation), il y a lieu de faire des changements également tous les six mois, mais les périodes de contact quotidien durent 24 heures deux à trois fois par semaine et, lorsqu'ils atteignent l'âge de 8 ans, les enfants peuvent passer une semaine complète au foyer d'un parent ou de l'autre.
Lorsque les enfants ont 9 ans ou plus, il est préférable de tenir compte de ce qu'ils souhaitent au sujet de la période passée au foyer de chaque parent. Par exemple, certains enfants peuvent demander de passer des périodes d'une semaine, d'autres peuvent suggérer des périodes de deux semaines ou peuvent vouloir passer trois jours par semaine chez l'autre parent. Quel que soit ce qui est négocié, il faut que les enfants sentent que leurs préoccupations sont prises en compte, tout en s'assurant que les responsabilités parentales sont partagées également.
Je recommande avec insistance que les souhaits des adolescents soient pris en compte en établissant l'équation relative à l'exercice partagé du rôle parental, car ils possèdent maintenant des droits personnels dans certaines provinces du Canada, en Colombie-Britannique par exemple. Il est préférable pour toutes les parties intéressées que le rôle parental soit exercé conjointement, mais il est possible que, si les jeunes ne participent pas à l'élaboration de l'entente, ils résistent au divorce ou à la séparation au cours de cette étape de leur développement. Il est donc préférable pour toutes les parties que les jeunes soient invités à participer aux négociations et de leur inspirer le sentiment qu'ils font partie du processus. Lorsqu'ils sont parvenus à cette étape, les enfants peuvent demeurer chez un parent ou chez l'autre pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois consécutifs. Toutefois, pour assumer leurs responsabilités au cours de l'exercice conjoint de leur rôle parental, les deux parents doivent considérer les différences de sexe et la participation continue des deux parents à des activités scolaires et connexes.
Il vaut la peine de signaler que les parents se plaignent souvent de ce que les enfants ne veulent pas visiter l'autre parent à la date prévue. Ces parents disent qu'il leur est difficile de faire face à la résistance de leurs enfants qui leur demandent de rester où ils sont. Cette expérience se compare à celles d'enfants qui débutent une nouvelle année scolaire. Lorsque les parents retournent à l'école pour aller chercher leurs enfants, le personnel enseignant affirme qu'«ils ont agi tout à fait normalement après votre départ» et qu'«ils ont passé une bonne journée». Néanmoins, c'est une expérience qui demande du cran et un parent aimerait recevoir un soutien, lorsqu'une situation de ce type se produit. Ma recommandation habituelle est que les enfants doivent visiter l'autre parent quand même à cause de deux facteurs, la souplesse et la structure. En ce qui concerne la souplesse, les parents doivent en faire preuve, lorsqu'ils déterminent les occupations journalières à l'école, au travail et les activités connexes des deux ménages. En ce qui concerne la structure, il est toujours préférable que ce soit les parents qui déterminent la période que l'enfant passe au foyer de chaque parent et non les enfants. Après avoir déterminé ces points, il faut se conformer autant que possible à l'entente sur l'exercice conjoint du rôle parental.
Le point de vue féministe
Je constate que ce sont des féministes qui ont rédigé les articles publiés récemment dans les médias sur le sort réservé aux pères, lorsque sont réglées les questions relatives à la garde et au droit de visite des enfants et dans le cadre des nouvelles modifications apportées par le projet de loi C-41 à la Loi sur le divorce. Ce sont des féministes qui prennent une position en faveur des pères et des enfants qui ont besoin d'un père (REAL Women of Canada, Vancouver Sun, 1997; Donna Laframboise, The Globe and Mail, 1997). Sous la perspective des universitaires féministes relative à l'exercice conjoint du rôle parental et au rôle parental égalitaire (Chodorow 1978; Dinnerstein 1976; Okin 1989; Ruddick 1989), le père doit être un partenaire égal. Les groupes d'hommes (Fathers for Equality et autres) ont adopté la même position depuis des années aux États-Unis, au Royaume-Uni et plus récemment au Canada, mais sans succès dans les médias ou les assemblées législatives. Il semble que, selon la perception du public, le point de vue des universitaires féministes exclut le père en tant que personne chargée d'élever les enfants, alors que de fait le contraire est vrai.
Des programmes innovateurs
Un modèle qui semble devenir de plus en plus populaire est celui de l'éducation parentale au cours de la période qui précède ou suit immédiatement le divorce ou la séparation. Ces programmes ont eu un certain succès en permettant d'éviter les procédures judiciaires, particulièrement dans le cas des modèles qui prévoient la participation des enfants. Ce concept est maintenant utilisé dans environ 500 comtés américains et il a fait récemment l'objet d'un projet pilote à Edmonton (Alberta) et Burnaby (Colombie- Britannique). Le gouvernement de la Colombie-Britannique a récemment pris des arrangements financiers pour offrir ce service dans toute la province (en octobre 1997). Dans certains cas, ces programmes d'éducation parentale sont obligatoires pour les couples en instance de divorce qui ont des enfants. On leur offre habituellement de participer à un atelier pendant plusieurs semaines à raison d'une ou deux heures par semaine. Certains de ces programmes entraînent la participation des enfants aux ateliers, ce qui n'est pas le cas dans d'autres. Le modèle qui prévoit la participation des enfants et des adolescents est plus détaillé, mais un programme qui ne s'adresse qu'aux parents coûte moins cher. Un modèle qui entraîne la participation des enfants et qui a été reconnu à l'échelle internationale en 1994 sur le réseau de télévision ABC est celui de l'émission 20/20 intitulé «Kids' Turn Program»; l'émission était diffusée de San Francisco en Californie. Les organisateurs élaborent un programme d'enseignement pour trois groupes d'âge, soit pour les enfants dont l'âge se situe entre 4 et 6 ans, 7 et 10 ans et 11 et 14 ans, en plus de programmes d'enseignement distincts pour les parents. Les collectivités peuvent se procurer un permis de site pour offrir ce programme. Les travailleurs qui ont la garde des enfants et prennent en charge les adolescents et les thérapeutes familiaux peuvent travailler sous contrat avec des enfants et leurs parents dans leur atelier respectif. Si un programme de ce type n'existe pas dans votre collectivité, il vaut la peine de recommander sa mise en oeuvre, car les enfants retirent énormément d'avantages en disposant d'un moyen d'exprimer leurs sentiments relatifs à la réorganisation de la famille et aux problèmes existants. Le but de ce programme est de minimiser les incidences du divorce ou de la séparation sur les enfants, les adolescents et leurs parents. Ce qui suit est une description du programme d'enseignement de «Kids Turn» qui s'adresse à des enfants de divers âges:
Pour les enfants dont l'âge se situe entre 4 et 6 ans
-
Première séance:, Introduction et initiation.
-
2e séance:, Ce qui arrive quand les parents divorcent, qui
cause le divorce et pourquoi divorce-t-on; les
enfants ne sont pas la cause de la séparation
ou du divorce.
-
3e séance:Qui va prendre soin de moi? On rassure les
enfants en leur disant qu'on va prendre soin
d'eux.
-
4e séance:Ce qui arrive lorsque les parents ont une
dispute ou se sentent tristes; les enfants
n'ont pas la responsabilité de remonter le
moral de leurs parents.
-
5e séance:Ce qui peut arriver dans l'avenir.
-
6e séance:Récapitulation de l'atelier et remise des
certificats.
Pour les enfants dont l'âge se situe entre 7 et 9 ans et 10 et 14 ans
-
Première séance:Introduction et initiation.
-
2e séance:Ce qu'il faut comprendre au sujet de
l'expérience du divorce, le nom donné aux
sentiments et aux réactions.
-
3e séance:Comment comprendre le divorce et la famille
réorganisée.
-
4e séance:Comment démystifier le processus judiciaire et
communiquer avec ses parents; la visite d'un
juge et la rédaction d'un bulletin adressé aux
parents.
-
5e séance:Comment résoudre les problèmes de la famille
réorganisée.
-
6e séance:Le bulletin des parents.
Le programme d'enseignement pour les parents
-
Première séance:Introduction, initiation et l'expérience du
divorce ou de la séparation pour les adultes.
-
2e séance:L'effet du divorce ou de la séparation sur les
enfants.
-
3e séance:Comment communiquer effectivement avec votre
ou vos enfants et l'autre parent de votre ou
de vos enfants.
-
4e séance:L'exercice conjoint du rôle parental et les
moyens de protéger vos enfants lorsqu'il y a
un conflit.
-
5e séance:Récapitulation et réponse au bulletin adressé
par les enfants, les capacités nécessaires
pour exercer son rôle parental.
-
6e séance:Révision et remise des certificats.
Les directeurs du programme «Kids Turn» affirment que le fait d'établir des renvois dans le programme d'enseignement a de profondes incidences sur les parents et le point de vue des parents sur les besoins de leurs enfants en matière de développement, lorsque l'exercice conjoint du rôle parental est souligné.
Popenoe (en 1995) a décrit un autre programme basé sur un rapport rédigé par un organisme des quartiers déshérités aux États- Unis et intitulé «The Mens' Services Division of the Healthy Start Program» (ce programme a été télévisé à l'émission «48 Hours» du réseau CBS). Cette émission a entraîné la création d'un programme intensif de soutien en faveur de la participation et de l'éducation paternelles pour aider les adolescents et les adultes qui sont des pères, mais qui courent le risque de ne pas participer à l'éducation de leur enfant. Les mères «à risques» sont identifiées auprès des dirigeants des services de santé communautaires et, à leur tour, les pères susceptibles de délaisser ou d'abandonner leurs enfants sont identifiés auprès de la Division des services fournis aux hommes. Le principe qui sous-tend ce programme est que les enfants auront vraiment un bon départ dans la vie si leurs deux parents contribuent à leur éducation. Une équipe de professionnels exposent les capacités dont les pères doivent faire preuve en se basant sur le principe que, si on enseigne à des hommes comment être de bons pères, ils voudront s'occuper de leurs enfants sur le plan financier et affectif. Popenoe affirme que, parmi plus de 2 000 participants inscrits à un programme de ce type jusqu'à maintenant, le taux de succès a été de 97 p. 100. Les directeurs de ce programme soutiennent que leur intention n'a jamais été de trouver du travail pour ces pères—pour qu'ils s'occupent financièrement de leurs enfants—mais que les avantages monétaires sont des résultats secondaires de leur programme sur l'exercice du rôle paternel (Mens' Division, Healthy Start, Baltimore, 1997). L'objectif des responsables des services fournis aux hommes est le suivant: aider les pères et les autres hommes qui fournissent leur soutien à maintenir leur participation à l'éducation des enfants et à la vie de leur famille en faisant la promotion de l'exercice du rôle parental et de la prestation d'un soutien par des pairs et les responsables du programme, quel que soit le type de leur relation avec la mère.
Les objectifs
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Assister aux rendez-vous avant la naissance
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Assister aux rendez-vous avec le pédiatre
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Assister aux séances de développement sur le rôle de l'homme, du
père et de la famille
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Assister aux séances des groupes de soutien thérapeutique
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Assister aux séances pour se préparer à éduquer son enfant et à
prendre un emploi
Les services offerts
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La gestion des cas
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L'aide à l'éducation
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L'aide en vue de prendre un emploi
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La planification familiale
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L'intervention en situation de crise
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Les réunions des Narcotiques Anonymes
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Des activités conçues spécialement pour les personnes de diverses
origines culturelles
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Le transport pour se rendre à ces réunion et en revenir
Naturellement, il serait possible de mettre en pratique de nombreuses autres idées relatives à des programmes de services sociaux en plus des deux programmes mentionnés ci-dessus, mais ces deux-là cherchent à éliminer les deux causes principales pour lesquelles il y a des enfants sans père, des naissances hors mariage (22 p. 100 selon Statistique Canada), des divorces et des séparations (plus de 40 p. 100 selon Statistique Canada) et la société doit d'abord changer son point de vue sur le rôle que doivent assumer les pères. Depuis 1960, on a eu tendance à dévaloriser ce rôle. Si de nouveaux programmes et de nouveaux services doivent être offerts, la législation et les valeurs doivent être modifiées et, de fait, des programmes et des services de ce type dépendent peut-être de ces modifications. Éventuellement, on sortira de ce dilemme, mais à quel coût?
Les résultats des recherches indiquent que 85 p. 100 des enfants qui ont des problèmes affectifs et de comportement viennent d'une famille où il n'y a pas de père (ce sont les statistiques sur les parents célibataires fournies en 1995 par le ministère de l'Enfance et de la Famille) et les travailleurs qui ont la garde des enfants et qui prennent en charge les adolescents sont donc susceptibles de travailler avec ces enfants, ces adolescents et les membres de leur famille. Nous devons nous demander si nous traitons les symptômes de ce dysfonctionnement ou de cette inadaptation ou si nous cherchons à en supprimer les causes.
Guy Thisdelle (signature), conseiller familial
La sénatrice Anne Cools: J'ai une ou deux questions à poser au deuxième témoin, Mme Lothien.
Savez-vous, madame Lothien, qu'à l'heure actuelle la Loi sur le divorce comporte des dispositions au sujet de la cruauté physique et mentale?
Mme Jasmine Lothien: Oui.
La sénatrice Anne Cools: Vous le savez, mais ça ne vous satisfait pas. Vous voulez autre chose dans la Loi sur le divorce.
Mme Jasmine Lothien: Ma préoccupation, c'est que lorsqu'il y a une entente de garde et d'accès, souvent les femmes n'ont pas... ou on n'en a pas tenu compte et—
La sénatrice Anne Cools: Oui, mais n'importe quel juge doit exercer les pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur le divorce, dans une cause de divorce, et c'est déjà ce que la loi prévoit. Je voulais m'assurer que vous le saviez. Si vous le saviez, tant mieux. Vous avez répondu à ma question.
Mme Jasmine Lothien: D'après l'expérience d'un grand nombre de femmes, on n'en tient pas du tout compte en ce qui concerne la garde et l'accès. J'aimerais qu'on tienne compte également du fait qu'il y a eu de la violence lorsqu'il est question de garde ou d'accès.
La sénatrice Anne Cools: D'accord. Vous avez de toute évidence bien réfléchi à cette question. Dans quel pourcentage des divorces y a-t-il de la violence physique?
Mme Jasmine Lothien: Je sais que dans leur immense majorité... Je dirais donc que probablement—
La sénatrice Anne Cools: Vous le savez. Quelle est votre source?
Mme Jasmine Lothien: C'est ce qu'indiquent les différents ouvrages que j'ai lus. Je ne suis pas allée au tribunal. Je sais qu'il y a de la violence dans 29 p. 100 des relations environ, mais ce chiffre englobe aussi les unions de fait.
La sénatrice Anne Cools: Les unions de fait ne nous concernent pas.
Mme Jasmine Lothien: Entendu.
La sénatrice Anne Cools: Nous examinons la Loi sur le divorce.
J'essaie de savoir d'après les études que vous avez faites et d'après votre expérience, dans quel pourcentage des divorces il y a de la violence physique, de la violence conjugale.
Mme Jasmine Lothien: Je dirais environ 52 p. 100. Du moins, c'est ce que j'entends dire à Vancouver...
La sénatrice Anne Cools: Je cherche une source fiable que nous pourrions consulter.
Vous parlez comme si vous conseilliez des femmes battues. Est- ce que c'est le cas?
Mme Jasmine Lothien: Oui.
La sénatrice Anne Cools: Ça va. Très bien.
Mme Jasmine Lothien: Et je travaille aussi avec des hommes qui ont un comportement violent.
La sénatrice Anne Cools: Vous travaillez donc avec tout le monde.
Pouvez-vous me donner des chiffres? À combien d'hommes et de femmes votre organisation est-elle venue en aide, l'année dernière disons?
Mme Jasmine Lothien: Le mois dernier, j'ai vu 30 femmes—
La sénatrice Anne Cools: Trente femmes. C'est parfait.
Mme Jasmine Lothien: ... et à peu près 15 hommes.
La sénatrice Anne Cools: Comment votre organisation est-elle financée?
Mme Jasmine Lothien: Le financement provient de diverses sources: de Centraide, du ministère des Ressources humaines, du ministère de l'Égalité des femmes et de dons privés.
La sénatrice Anne Cools: Il s'agit donc d'un programme permanent qui n'est pas un expédient.
Mme Jasmine Lothien: Le programme dans le cadre duquel je travaille existe depuis 1979.
La sénatrice Anne Cools: Bien, c'est donc—
Mme Jasmine Lothien: Nous avons nous-mêmes fait un tas de recherches depuis. Nous avons rencontré des milliers de familles depuis 1979. Nous disposons donc d'une assez bonne base de données.
La sénatrice Anne Cools: Et les gens que vous rencontrez finissent tous par divorcer.
Mme Jasmine Lothien: Non.
La sénatrice Anne Cools: Revenons en arrière un instant. Quel est le pourcentage des gens battus que vous conseillez qui finissent par divorcer?
Mme Jasmine Lothien: C'est difficile à dire. Tout dépend, mais je dirais que la grande majorité se séparent.
La sénatrice Anne Cools: Et divorcent?
Mme Jasmine Lothien: Et divorcent.
La sénatrice Anne Cools: Le hic, c'est que la Constitution du Canada veut que nous nous occupions du divorce. Nous ne pouvons pas nous occuper des unions de fait. Nous devons parler du divorce, et c'est une question constitutionnelle qui rend bien des gens perplexes. Oui, je suis consciente du fait que des gens se séparent et se raccommodent, mais je voudrais que vous me disiez combien de couples au juste où il y a violence finissent par divorcer. C'est le chiffre que nous devons essayer de déterminer.
Mme Jasmine Lothien: Je dirais que de 50 à 60 p. 100 de mes clients finissent par divorcer. Le but de notre programme est d'offrir des services aux deux conjoints et nous sommes une agence axée sur la famille. Nous offrons du counseling aux victimes et aux agresseurs, mais l'agresseur qui réussit le programme peut ensuite s'inscrire au programme de thérapie familiale.
La sénatrice Anne Cools: Parmi les hommes qui ont fini par divorcer, combien avaient une condamnation au criminel pour violence?
Mme Jasmine Lothien: Nous n'acceptons pas les hommes à qui la cour a ordonné de suivre un traitement. Nous n'acceptons que ceux qui s'inscrivent volontairement au programme, parce que nous ne croyons pas qu'il soit vraiment efficace dans le cas de ceux qu'on force à suivre un traitement.
La sénatrice Anne Cools: Ce n'est pas ce que je voulais dire. J'essaie de savoir comment on détermine qu'il y a eu violence, parce que certains croient qu'il suffit que des accusations aient été portées. Il y en a d'autres qui sont d'avis qu'il doit effectivement y avoir eu condamnation au criminel. Je me demandais donc, en ce qui concerne les gens avec qui vous travaillez et qui ont été victimes de violence, dans combien de cas il y a eu condamnation. Je comprends que c'est une question difficile. J'essaie juste de savoir—
Le sénateur Duncan Jessiman: Combien ont été accusés?
La sénatrice Anne Cools: C'est la prochaine question, mais, tout d'abord, parce que c'est dans le cas de la violence conjugale que l'affaire en reste là le plus souvent ou que les gens changent d'idée... C'est une question très délicate, parce que lorsqu'on parle de relations intimes, on parle de relations qui, de toute évidence, peuvent changer de minute en minute. Ainsi, le couple le plus en colère pourrait être très amoureux deux semaines plus tard.
J'essaie de voir qui sont vos clients au juste.
Laissez-moi vous poser de nouveau la question. Combien parmi eux ont été accusés? Et parmi ceux qui ont été accusés, combien ont été reconnus coupables?
Mme Jasmine Lothien: Je ne peux pas répondre à cette question à brûle-pourpoint. Tout ce que je peux vous dire pour le moment, c'est que parmi les 30 femmes avec qui je travaille actuellement, il y en a environ sept dont le conjoint a été accusé et attend son procès. Là encore—
La sénatrice Anne Cools: C'est 25 p. 100.
Mme Jasmine Lothien: Souvent, ces femmes laissent tomber tout simplement parce qu'elles ont peur et qu'elles se laissent intimider. Il y a des couples en colère qui finissent par se raccommoder, mais il m'arrive souvent de constater dans mon travail qu'une femme peut se laisser intimider au point d'être prête à laisser tomber.
La sénatrice Anne Cools: Mis à part l'intimidation, combien de ces femmes ne veulent pas porter d'accusations? Je vous pose la question, parce que vous semblez travailler avec un groupe en particulier. J'imagine que vous connaissez donc bien ces femmes.
Mme Jasmine Lothien: Oui.
La sénatrice Anne Cools: J'ai beaucoup travaillé dans ce domaine et d'après mes données, d'après les données que j'ai consultées, les femmes hésitent énormément à porter des accusations. En fait, un chiffre me vient à l'esprit. Je dirais qu'à l'époque des accusations étaient portées dans 10 à 15 p. 100 des cas et, avec le temps, un grand nombre de femmes finissaient par se désister.
Si on ne fait pas attention, on risque de présenter les femmes sous un jour très négatif. Le fait est qu'une relation est une chose vivante, que les gens évoluent, changent d'idée et voient le passé sous un jour différent.
• 2020
Ce que je trouve fascinant, c'est que nous avons beaucoup
parlé de violence familiale ici aujourd'hui et la semaine dernière,
mais que personne ne nous a dressé le profil d'une femme battue,
d'un agresseur ou d'une relation marquée par la violence.
J'essayais de vous encourager à nous dire ce que vous savez pour le compte rendu.
Mme Jasmine Lothien: Tout d'abord, dans cette province-ci, une femme ne peut pas porter d'accusations. C'est la responsabilité de la Couronne.
La sénatrice Anne Cools: C'est impossible. Une femme peut porter des accusations n'importe quand.
Mme Jasmine Lothien: En fait, c'est à la police qu'il revient de mener une enquête et à la Couronne de porter des accusations.
La sénatrice Anne Cools: Mais n'avez-vous pas ici aussi une politique de tolérance zéro?
Mme Jasmine Lothien: Oui.
La sénatrice Anne Cools: Précisément. Donc, des accusations sont portées rapidement, avec ou sans la collaboration des femmes, bien souvent.
Mme Jasmine Lothien: Vous avez raison, mais il faut tout d'abord que quelqu'un prenne le téléphone, et il est vrai qu'un grand nombre de femmes ne téléphonent pas à la police pour bien des raisons. La principale raison est la peur, la peur des représailles.
La sénatrice Anne Cools: Comment le savez-vous?
Mme Jasmine Lothien: Parce que je travaille avec des femmes. J'ai vu des femmes se faire harceler. J'ai vu des femmes se faire battre et estropier. Je connais une femme qui est devenue paraplégique après avoir fait cet appel téléphonique. Même si une ordonnance de non-communication est rendue lorsque l'agresseur est libéré sous caution, ça ne l'empêchera pas nécessairement de poursuivre sa conjointe.
Ce sont des conséquences très effrayantes.
La sénatrice Anne Cools: Très.
Mme Jasmine Lothien: Bien des femmes savent par intuition qu'elles vont courir de plus grands dangers encore. Je dois respecter ça.
La sénatrice Anne Cools: Parmi les femmes avec qui vous avez travaillé—et je ne parle pas des hommes, parce que vous semblez dire que les femmes représentent le gros de votre clientèle— combien ont été gravement blessées et combien ont été tuées, disons, l'année dernière?
Mme Jasmine Lothien: Aucune de mes clientes n'a été tuée, mais j'en ai eu deux qui ont été grièvement blessées.
La sénatrice Anne Cools: Vous pourriez peut-être nous indiquer ce qui s'est passé pour le compte rendu.
Mme Jasmine Lothien: Bien sûr.
Une de ces clientes venait juste de se joindre au groupe, et un soir son mari s'est fâché. Elle s'occupait de son enfant de deux ans quand il est arrivé. Il lui criait après et elle m'a dit, vous savez, je n'en peux plus. Il s'est mis à la battre. Elle était couverte de sang et son bébé aussi. Il continuait à la frapper et à lui donner des coups sur la tête pendant qu'elle avait son bébé dans les bras.
Il a été accusé de voies de fait causant des lésions corporelles. Le procès n'a pas encore eu lieu. On a dû lui faire des points de suture. Ses deux enfants ont été hospitalisés, celui d'un an pour traumatisme et celui de deux ans parce qu'il était dans le chemin.
Nous parlons donc ici de violence grave.
La sénatrice Anne Cools: J'imagine qu'elle a demandé le divorce et qu'elle l'a obtenu.
Mme Jasmine Lothien: Elle n'a pas encore demandé le divorce. Il a été libéré sous caution et une ordonnance de non-communication lui interdit même l'accès à la collectivité où elle vit. Elle ne s'est pas encore remise du traumatisme que lui ont causé ces coups et blessures.
La sénatrice Anne Cools: Bien.
En 1997, combien de femmes ont été tuées en Colombie- Britannique par des partenaires intimes?
Mme Jasmine Lothien: Ça change d'une année à l'autre. Je ne peux pas vous donner de chiffres.
La sénatrice Anne Cools: Au Canada, alors, combien de femmes ont été tuées par des partenaires intimes l'année dernière?
Mme Jasmine Lothien: Leur nombre est descendu à 90 à peu près.
La sénatrice Anne Cools: Ça va. Merci, monsieur le président.
• 2025
Je crois qu'il est important pour nous que certains de ces
profils figurent dans le compte rendu.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Parfait. Sénatrice DeWare.
La sénatrice Mabel DeWare: Voulez-vous que je finisse?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui.
La sénatrice Mabel DeWare: Je tiens tout simplement à dire au docteur Gillespie à quel point nous apprécions le fait qu'il ait mentionné le programme PEACE. Avons-nous un exemplaire du document dont vous parliez ici pour que nous puissions le lire?
Dr Ian Gillespie: Nous allons vous en fournir un.
La sénatrice Mabel DeWare: Je crois qu'il s'agit d'une chose que nous devons prendre sérieusement en considération.
Je tiens aussi à signaler à Guy que ce qu'il a dit m'intéresse. Vous croyez que la médiation devrait être offerte, mais pas obligatoire, et que l'éducation parentale devrait englober les enfants.
L'autre chose, c'est que nous avons un programme Bon départ là d'où je viens, c'est-à-dire à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Il existe depuis vingt ans et il est très efficace. En fait, une de nos députés à la Chambre des communes, Claudette Bradshaw, en est la fondatrice. Elle est très bien connue pour son travail auprès non seulement des enfants, mais aussi des parents et de toute la famille, qu'il s'agisse de leur venir en aide dans le cadre, par exemple, d'un programme d'abus des drogues ou même d'aller au tribunal pour aider les familles. C'est un programme très important, et il fonctionne.
M. Guy Thisdelle: Oui, je suis en faveur de ce programme, mais il faudrait que des fonds fédéraux viennent s'y ajouter pour que des services puissent aussi être offerts aux hommes. Nous pourrions ainsi travailler avec les pères de ces enfants et les encourager à participer à leur éducation. Trop peu de services sont offerts aux hommes dans notre pays. Nous avons demandé des fonds, mais nous n'en avons pas obtenu. Je dirais que c'est essentiel.
Pour ce qui est de la médiation, je suggérerais qu'on l'encourage, mais dans les cas de divorce et de garde nous devrions avoir un modèle de développement de double résidence. Un grand nombre de ces questions se régleraient alors d'elles-mêmes.
La sénatrice Mabel DeWare: Je suis heureuse de voir que le programme Bon départ—
M. Guy Thisdelle: Supposons que nous ayons des lignes directrices comme celles qui s'appliquent à la pension alimentaire pour enfant. Supposons que nous ayons un modèle de développement pour des lignes directrices relatives à la double résidence. Si les parents n'arrivaient pas à s'entendre, ces lignes directrices entreraient automatiquement en jeu. Je crois que cela aiderait énormément les gens à prendre des décisions.
La sénatrice Mabel DeWare: Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Mme Longfield a une brève question. Je suis désolé, mais nous allons devoir vous interrompre.
Une voix: Avez-vous quelque chose à ajouter, docteur?
Dr Ian Gillespie: Monsieur le président, j'allais tout simplement vous donner quelques statistiques d'un point de vue psychiatrique en réponse aux questions de la sénatrice Cools. J'ai pensé qu'elles vous seraient utiles.
La sénatrice Anne Cools: J'aimerais avoir tout cela sur papier, merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y.
Dr Ian Gillespie: Tout d'abord, j'aimerais attirer l'attention du comité sur le numéro du 15 mai 1997 du Journal of the American Medical Association. Il contient trois excellents articles sur la violence familiale. Le premier montre les conséquences psychologiques de la violence pour les femmes. Le deuxième expose les résultats d'une étude effectuée à Memphis. Le troisième traite d'un test de dépistage qui peut être effectué en moins de 20 secondes dans les salles d'urgence pour déterminer s'il y a eu violence de la part du conjoint.
Je vous ai donné certaines statistiques selon lesquelles l'infidélité n'est pas une cause importante de divorce. Gottman a dit qu'elle intervient dans 20 p. 100 des cas à peu près. En Amérique du Nord, parmi les couples de la classe moyenne, on estime que la violence familiale est la cause de 22 p. 100 des divorces et que l'éloignement des conjoints est responsable de 40 p. 100 des divorces.
Des recherches ont été effectuées en Australie sur les victimes de harcèlement selon lesquelles il s'agirait de femmes dans 83 p. 100 des cas, et donc d'hommes dans 17 p. 100 des cas. Il est arrivé que le harcèlement s'étende sur une période allant jusqu'à vingt ans. Cet article du British Journal of Psychiatry donne un aperçu de la gravité des symptômes psychologiques chez les victimes.
La consommation abusive d'alcools et d'autres drogues est un problème grave qui est souvent associé à la violence. D'après les recherches, elle le serait dans 57 à 87 p. 100 des cas. Une étude effectuée à Memphis a fait ressortir que les enfants avaient été témoins de 85 p. 100 des agressions et que 35 p. 100 des victimes, surtout des femmes, étaient maltraitées tous les jours.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Madame Longfield, vous avez le dernier mot.
Mme Judi Longfield: Guy, vous nous avez donné des statistiques sur les familles sans père, mais vous n'avez pas de familles qui sont sans père à la suite d'un décès ou d'un placement en établissement. Je serais curieuse de savoir si le pourcentage des viols, des suicides et ainsi de suite est le même dans ces familles. Bien des familles se retrouvent sans père à cause précisément de la mort du père. Trouve-t-on le même taux de délinquance juvénile ou de suicide dans ces familles?
M. Guy Thisdelle: Je ne sais pas si des recherches ont été faites à ce sujet, mais je serais heureux de vérifier pour vous si j'en ai le temps.
Diverses raisons expliquent l'absence du père, mais les deux principales seraient le divorce ou la séparation et les naissances hors mariage, d'après, je le répète, des calculs compliqués. Bien des études sur l'absence du père et les naissances hors mariage ont aussi fait ressortir un manque général d'engagement de la part des pères à participer à l'éducation des enfants et à s'en occuper chaque jour.
Mme Judi Longfield: J'aimerais savoir si cela est davantage attribuable à un rapport d'opposition qu'à la seule absence d'un parent, mais vous n'avez pas les données.
M. Guy Thisdelle: Non, mais d'après mon expérience de travail avec les enfants, je peux vous dire que si on prenait les mesures qui s'imposent, il y aurait moins de conflits et moins de problèmes se poseraient en ce qui concerne les enfants. À mon avis, on ne prend pas les mesures qu'il faut. Je crois que les programmes d'éducation des parents qui incluent les enfants dans les ateliers aident à régler les conflits et les problèmes de réorganisation de la famille et ainsi de suite.
En général, je trouve que nous avons tendance à laisser les enfants se débrouiller seuls lorsque la famille se réorganise, ce qui ne les aide pas beaucoup.
Mme Judi Longfield: Avez-vous les mêmes types de données sur les familles sans mère? Nous avons parlé des familles sans père, mais qu'en est-il des familles sans mère?
M. Guy Thisdelle: Non, je n'ai pas ces données. Encore une fois, je serais heureux de vérifier pour vous, si vous m'en donnez le temps, et de vous fournir ces renseignements.
Mme Judi Longfield: C'est parfait. Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci d'être venus ici aujourd'hui et de nous endurer à cette heure de la journée. Elle a été longue et nous n'avons pas encore terminé. Je vous remercie d'avoir participé à nos travaux.
Cela dit, je demanderais au prochain groupe de témoins de bien vouloir s'avancer.
M. Guy Thisdelle: Je vous remercie d'être venus dans la belle province de la Colombie-Britannique.
Une voix: Nous aurions aimé y rester plus longtemps.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous avons un groupe de quatre témoins. De la maison Munroe du YWCA, nous avons Mme Kelley Chesley, une travailleuse de maison de transition—si la description est correcte. Nous avons Mme Helen Dempster de la B.C. Yukon Society of Transition Houses. D'un groupe appelé Act II Safe Choice Program, nous avons Mme Connie Chapman, qui est coordonnatrice du programme. Et, enfin, de la West Coast LEAF Association, nous avons Mme Shelley Chrest, qui est présidente du comité du droit et du gouvernement.
Je vais faire preuve d'audace et commencer par Mme Chrest.
Mme Shelley Chrest (présidente, Comité du droit et du gouvernement, West Coast LEAF Association): Nous espérions commencer à l'autre bout et finir par ce bout-ci, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Je suis désolée.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Peu m'importe. J'essayais de sortir de l'ornière. C'est parfait.
Mme Kelley Chesley (intervenante de maison de transition, YWCA Munroe House): Merci et bonjour.
Je travaille à la maison Munroe du YWCA, une maison de seconde étape pour les femmes victimes de violence et leurs enfants.
Le YWCA a répondu aux besoins en logement à long terme des femmes victimes de violence en ouvrant la maison Munroe en 1979. C'était la première maison de seconde étape en son genre au Canada.
Le refuge de deuxième étape diffère du refuge de première étape où les femmes et les enfants ne peuvent rester que pendant une courte période de temps. À la maison Munroe du YWCA, femmes et enfants peuvent vivre en sécurité et bénéficier d'un soutien durant une période pouvant aller jusqu'à un an. C'est surtout à la deuxième étape que nous voyons l'impact dévastateur du système de droit de la famille.
• 2035
Le nombre grandissant de femmes accueillies par la maison
Munroe qui étaient impliquées dans des poursuites en justice
longues, compliquées et dangereuses a amené le personnel à se
rendre compte que les femmes victimes de violence devaient
désormais franchir de nouveaux obstacles pour se protéger elles-
mêmes et pour protéger leurs enfants. En 1989, le personnel de la
maison Munroe a mis sur pied un groupe de soutien concernant la
garde et le droit de visite, encore une fois le premier en son
genre au Canada. En très peu de temps, la maison Munroe a commencé
à recevoir des appels téléphoniques, des lettres et des fax de
femmes de toutes les régions du Canada, des États-Unis et de pays
aussi lointains que l'Australie, en quête de soutien et
d'information.
En 1993, lorsque j'ai mis sur pied le premier groupe de soutien concernant la garde et l'accès pour les femmes à Ottawa, avec l'aide de Centraide et du sous-comité du droit de la famille du Comité régional de coordination pour contrer la violence faite aux femmes, j'ai communiqué avec les travailleurs de première ligne de la maison Munroe du YWCA, dont la compétence auprès des femmes battues et en droit de la famille était reconnue. Plus de 1 300 femmes ont fait partie du groupe de soutien qui bénéficie maintenant de l'appui de services de soutien aux femmes battues.
Lorsque j'ai commencé à travailler avec les femmes battues il y a dix ans, mon travail consistait surtout à aider les femmes et les enfants à trouver la sécurité et l'indépendance. J'ai maintenant l'impression d'aider les femmes à traverser des années de poursuites en justice traumatisantes. Chaque jour, des femmes me parlent du danger d'envoyer leurs enfants visiter l'homme même contre qui elles essaient de se protéger. Cela n'a aucun sens. Imaginez-les en train de dire à un enfant qu'il doit aller rendre visite à papa, un homme à qui les travailleurs sociaux refusent de rendre visite parce qu'ils l'ont trouvé trop agressif et trop intimidant. Imaginez-les en train de reconduire des enfants récalcitrants et parfois hystériques, qui sont en train de déchirer le siège arrière de leur voiture, chez un homme dont elles ont une peur folle, et avec raison.
Les gouvernements fédéral et provinciaux se sont engagés à contrer la violence faite aux femmes, mais j'ai l'impression que l'organisation judiciaire les a laissées tomber. Les décisions prises par les tribunaux me sidèrent. Les femmes n'utilisent pas la violence comme une carte maîtresse pour mater les tribunaux. Il est extrêmement dangereux de supposer que c'est le cas. Les femmes se présentent devant les tribunaux pour dire la vérité afin de se protéger elles-mêmes et de protéger leurs enfants.
Je dois fournir de l'information à ces femmes et les aider à jouer leur rôle de mère auprès d'enfants qui ont été témoins de violence ou qui, pire encore, sont maltraités. Les signalements aux services de protection de l'enfance sont malheureusement classés sous la rubrique garde et accès. L'organisation judiciaire ne reconnaît pas ou choisit d'ignorer la violence dans la vie des femmes et des enfants. Les mères doivent forcer les enfants à rendre visite à leurs pères, sinon elles risquent d'être jetées en prison ou accusées d'outrage au tribunal.
Les femmes appellent souvent la police elles-mêmes pour faire respecter une ordonnance attributive de droit de garde. La police essaie de s'y retrouver parmi de nombreuses ordonnances contradictoires. Le système prend le contrôle de la vie de ces femmes. En fait, leurs agresseurs prennent le contrôle de leur vie avec l'aide du système de droit familial.
Les femmes et les enfants sont les perdants dans les poursuites en justice. Peu importe l'entente financière conclue, les honoraires d'avocats gobent rapidement tout, les forçant à recourir à l'aide juridique qui réagit en coupant dans ses services, forçant ainsi les femmes à se défendre elles-mêmes ou à opter pour la médiation. Elles n'ont aucun choix. Dans ces cas, les lignes directrices du gouvernement concernant la pension alimentaire pour enfants et les programmes d'exécution des ordonnances alimentaires n'ont pas la priorité. La majorité des femmes avec qui j'ai travaillé n'ont jamais reçu et ne recevront probablement jamais une pension alimentaire pour enfants.
Les 18 années d'activité du YWCA à la maison Munroe, y compris neuf années d'expérience poussée de la garde et de l'accès, nous ont montré que le système qui a été mis en place pour protéger les femmes battues les a trahies. La Loi sur le divorce ne doit pas exclure la réalité de la violence dans la vie des femmes et des enfants.
Le YWCA souscrit aux recommandations du comité spécial de la Custody and Access Support Association de Vancouver qui a notamment recommandé d'ajouter un préambule à la Loi sur le divorce pour guider l'organisation judiciaire et les spécialistes parajuridiques qui ont à prendre des décisions concernant la garde et l'accès.
Il est essentiel que la protection des femmes et des enfants devienne une priorité et ne soit pas laissée à l'interprétation et à la discrétion de chacun. Il est nécessaire d'inclure la protection contre la violence parmi les objectifs de la Loi sur le divorce.
Merci.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Madame Dempster.
Mme Helen Dempster (coordonnatrice des services à l'enfance, B.C. Yukon Society of Transition Houses): Merci. Je représente la B.C. Yukon Society of Transition Houses, un organisme qui encadre 95 maisons de transition, réseaux de maisons d'hébergement, maisons de deuxième étape et associations de soutien des femmes. Ce qui m'intéresse plus particulièrement, en tant que coordonnatrice des services à l'enfance, c'est que nous avons 56 programmes dans la province pour les enfants qui ont été témoins de violence.
• 2040
À titre de coordonnatrice de ces programmes, je suis dans une
situation unique—du moins je le crois—parce que j'ai affaire aux
56 conseillers qui travaillent avec des enfants qui ont été témoins
de violence ou exposés à la violence. Cela ne veut pas
nécessairement dire qu'ils en ont été des témoins oculaires,
quoique ce soit le cas de la majorité d'entre eux. Ces enfants ont
été exposés à la violence ainsi qu'à l'abus de pouvoir et au
contrôle dans leurs familles.
La lutte contre la violence familiale a surtout été centrée dans le passé sur l'agresseur et la victime. Les victimes silencieuses de cette violence ont été les enfants de leur union. Ce n'est que récemment, à cause surtout du travail fait au cours des cinq à dix dernières années à Duluth au Minnesota et à London en Ontario—et nous avons modelé nos programmes de counseling sur ces deux programmes en particulier—qu'on a commencé à s'intéresser aux enfants de ces unions.
Les recherches indiquent qu'il est extrêmement néfaste pour les enfants d'être témoins de la violence envers la femme dans leur famille et d'y être exposés. Ces enfants ont peur. Ils craignent pour la vie de leur mère, ils craignent pour leur propre sécurité et ils sont troublés et terrifiés par le comportement de leur père.
Des recherches récentes les ont aussi fait passer de victimes oubliées à enfants très exposés qui ont besoin d'interventions judiciaires efficaces et de plans destinés à les soustraire au danger. Ils ont également des problèmes d'adaptation à court et à long terme qui nécessitent des interventions cliniques efficaces destinées à faciliter leur adaptation.
La documentation générale sur l'incidence du divorce sur les enfants fait ressortir l'impact négatif des conflits et l'impact positif du partage des responsabilités parentales lorsque les enfants continuent à entretenir de bonnes relations avec leur père et leur mère. Cependant, les recherches ne s'appliquent pas aux enfants qui ont été victimes de violence au foyer. Elles font rarement mention de la violence et ne font pas la distinction entre les conflits attribuables à des divergences d'opinion et les conflits attribuables à la violence de même qu'à l'abus de pouvoir et au contrôle.
Lorsque les enfants ont été exposés à la violence à l'endroit de leur mère, ils ont besoin d'être protégés contre le parent maltraitant, et les mesures prises peuvent prendre la forme de visites surveillées, d'accès limité et parfois même d'absence d'accès. Le fait qu'il y a eu de la violence dans une relation veut dire que nous n'avons pas deux parents égaux qui peuvent ensemble planifier l'avenir de leurs enfants. En les traitant comme s'ils étaient égaux après qu'il y a eu de la violence, on donne aux hommes violents l'occasion de continuer à maltraiter leur ex- conjointe et d'exposer leurs enfants au cauchemar de la violence et aux menaces de violence.
Nous souscrivons également au mémoire du comité spécial de la Custody and Access Support Association de Vancouver. Nous allons vous soumettre notre propre mémoire sous peu.
Voici certaines de nos recommandations.
Nous recommandons de ne pas supposer qu'il est dans le meilleur intérêt de l'enfant d'avoir le plus de contacts possibles avec ses deux parents.
Nous recommandons que la Loi sur le divorce du Canada reflète la réalité de la violence dans de nombreuses familles qui vivent un divorce.
Nous recommandons—et cette recommandation s'inspire directement de celles du comité spécial—qu'il soit explicitement mentionné dans la Loi sur le divorce qu'il n'est pas dans le meilleur intérêt d'un enfant d'être confié à la garde d'un parent qui a maltraité son conjoint ou tout autre membre de la famille ni de lui rendre visite sans qu'il n'y ait aucune surveillance. Les juges devraient pouvoir dans certaines circonstances refuser l'accès à un des parents.
Nous sommes également d'accord avec l'American Bar Association Center on Children and the Law qui disait en 1994:
-
Les assemblées législatives des États devraient modifier les codes
régissant la garde et le droit de visite de manière à protéger les
parents maltraités et leurs enfants et à présumer que la garde ne
peut pas être accordée, en totalité ou en partie, à un parent qui
aurait maltraité son conjoint, que le droit de visite ne devrait
être accordé à ce parent que s'il est possible d'assurer la
sécurité et le bien-être du parent maltraité et des enfants et que
tout droit de visite incorporerait la protection explicite des
enfants et du parent maltraité.
Je vais terminer en vous disant que pendant que j'étais assise ici cet après-midi, je me suis mise à penser que le Canada a signé la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et que l'article 12 accorde aux enfants le droit d'être entendus. Vous vous demandiez tout à l'heure ce qu'on pourrait faire pour que les enfants soient entendus sans être en danger. Nous allons vous exposer dans notre mémoire certaines des mesures à prendre pour que cela se fasse efficacement et avec sensibilité, parce que les enfants ont des choses à dire et que bon nombre d'entre eux ne demandent pas mieux que d'être entendus.
Je vous remercie de m'avoir écoutée.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Madame Chapman.
Mme Connie Chapman (coordonnatrice du programme, Act II Safe Choice Program): Merci.
Je représente le programme Act II Safe Choice, une maison de seconde étape, qui ressemble beaucoup à la maison Munroe.
La Loi sur le divorce permet aux couples qui s'entendent sur l'essentiel de régler la question du divorce, de la garde, de l'accès et de la pension alimentaire pour enfants assez rapidement et sans trop de frais, par comparaison à une époque pas tellement lointaine où un projet de loi d'initiative parlementaire était la seule option. Les pressions en faveur d'un changement ne viennent pas de ces gens-là; elles viennent, je pense, des hommes et des femmes qui n'arrivent pas à s'entendre sur les conditions du divorce. Par conséquent, les solutions doivent tenir compte de la situation des couples qui s'entendent plus ou moins.
Certains couples souffrent, éprouvent du rejet et luttent pour le pouvoir. Je crois qu'il est important de se demander si les solutions proposées au comité comme la médiation, le partage des responsabilités parentales et les plans parentaux vont aider ces couples à agir dans le meilleur intérêt de leurs enfants.
Je crois comprendre que la médiation et les plans parentaux sont axés sur des solutions, pas sur des sentiments. Ils peuvent aider les couples à parvenir à une entente sur le divorce et l'éducation des enfants, mais ils ne les aideront pas à se comporter avec maturité et à arrêter de s'entre-déchirer.
Pour fonctionner, la garde conjointe nécessite une grande maturité et elle servira uniquement de champ de bataille aux parents qui se disputent, et ce sont les enfants qui en souffriront s'ils continuent à lutter pour le pouvoir.
Pour d'autres couples, il y a eu de la violence et des mauvais traitements tout au long du mariage. Je veux vous définir en quoi consistent les mauvais traitements et faire la distinction entre les mauvais traitements et le mal.
Pour moi, les mauvais traitements équivalent à un comportement violent et coercitif chez une personne qui essaie de contrôler les pensées, les croyances ou la conduite de son conjoint ou de le punir pour s'être opposé à sa violence physique. Par contre, le mal consiste à causer de la douleur ou des blessures. Les blessures et la douleur peuvent être soit physiques soit psychologiques.
La distinction que je fais, c'est que les mauvais traitements sont une manière constante de se comporter dans l'intention de contrôler et de punir, tandis que le mal est un acte qui fait souffrir ou qui blesse. Les mauvais traitements blessent toujours, mais le mal n'est pas toujours synonyme de mauvais traitements.
Je veux vous faire part de certaines des expériences communes des femmes avec qui j'ai travaillé au cours des 30 dernières années.
Une femme se marie souvent en pensant que l'homme qu'elle a choisi est tendre et aimant pour s'apercevoir qu'elle vit un cauchemar et que l'humiliation et les mauvais traitements sont devenus son lot. Après avoir essayé bien des choses pour que le mariage marche, elle part. La raison du départ est souvent associée au bien-être des enfants. Elle s'aperçoit ensuite que ses enfants et elle-même n'ont plus le même niveau de vie. Lorsqu'elle s'adresse aux tribunaux pour demander que le père des enfants lui verse une aide financière, elle risque de s'engager dans une longue et pénible bataille pour la garde et l'accès.
Sue May a quitté son mari après qu'il leur a fait subir de nombreux mauvais traitements à elle-même et à son fils de quatre ans. Elle n'a pas pu garder son travail au salaire minimum à cause des visites et des menaces de son mari à son travail. Au cours des trois premiers mois qui ont suivi la séparation, le mari n'a pas essayé de voir son fils. Dès qu'elle a demandé le divorce, la garde et une pension alimentaire, le père a lui aussi demandé la garde. Sue May continue à se battre.
Lorsque la bataille prend fin, le père se sert de l'accès pour continuer à maltraiter la femme.
Bridget a reçu du tribunal l'ordre d'amener ses deux enfants chez leur père trois nuits par semaine pour une visite surveillée. À chaque visite, il leur disait à elle et aux enfants qu'il allait les tuer avec les fusils qu'il gardait dans la maison. Il a aussi menacé d'enlever les enfants et de changer de pays. Elle s'est aperçue que les systèmes qui sont censés aider à améliorer la situation sont du côté du mari et la blâment.
Sarah était enceinte de huit mois lorsque son mari l'a quittée encore une fois sans nourriture, ni argent, ni moyen de transport. Il a téléphoné aux services sociaux pour leur dire que sa femme était coupable de négligence envers son enfant à naître. Même après avoir entendu ce que Sarah avait à dire au sujet des mauvais traitements que son mari lui avait fait subir, les travailleurs sociaux se sont contentés de documenter sa plainte de négligence. Il s'en est servi pour demander la garde. Elle s'est aperçue que les tribunaux partent de l'hypothèse que les comportements du père envers sa femme n'ont rien à voir avec ses compétences parentales.
Taride a été poignardée à plusieurs reprises par son mari en face de leur fils de neuf ans et a failli perdre la vie en même temps que leur enfant à naître. Le mari a été arrêté et finalement condamné à trois ans de prison. Lorsque le moment de sa libération conditionnelle est arrivé, il a demandé un droit d'accès à la cour qui lui a accordé des visites surveillées. Il croit qu'il est de son droit de faire ce qu'il veut avec sa famille. Les travailleurs sociaux qui au départ étaient préoccupés par la sécurité des enfants ont fermé le dossier et ne voient aucune raison d'intervenir.
Sue May et Taride essaient toutes les deux d'aider leurs fils à trouver des moyens de devenir un jour des hommes sains. Le fils de Sue May, qui a quatre ans, dessine des monstres de toutes les grosseurs et parle de lui-même comme s'il était un monstre. Le fils de Taride fait des cauchemars après chaque visite à son père. Il dit que son père va tous les tuer un jour. Pourtant, chaque enfant s'est fait dire par les tribunaux qu'il doit passer du temps avec son père. Comment ces garçons pourront-ils trouver leur voie dans la vie si on leur dit que les mauvais traitements dont chacun a été témoin ou qu'il a subis n'ont rien à voir avec la capacité de leur père de jouer son rôle de parent? Qu'est-ce que cela leur enseigne sur leur futur rôle de père?
La sénatrice Anne Cools: Vous pourriez peut-être nous citer le nom de la cause, parce que vous avez dit que la cour avait ordonné à cet enfant de rendre visite à son père brutal. Pourriez-vous nous donner le nom de l'affaire pour le compte rendu, s'il vous plaît?
Mme Connie Chapman: Je vais le trouver. Je ne l'ai pas avec moi. Je le mettrai dans le mémoire pour que vous l'ayez.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Pourriez-vous nous faire part de vos recommandations, s'il vous plaît? Vous avez dépassé vos cinq minutes.
Mme Connie Chapman: Je suis désolée. J'espère simplement que vous tiendrez compte du fait que tout le monde ne demande pas des modifications à la Loi sur le divorce pour les mêmes raisons ou que les mêmes solutions conviendront à tous. Certains couples ont peut- être uniquement besoin d'un moyen rapide et relativement peu coûteux de mettre au point les derniers détails de l'entente qu'ils ont déjà conclue. D'autres couples peuvent avoir besoin d'aide pour s'en sortir et arriver à un point où ils agiront dans le meilleur intérêt de leurs enfants.
Pour les couples... Lorsque de mauvais traitements ont été infligés, il faut pouvoir compter sur des solutions qui assurent la sécurité des femmes et des enfants et qui redéfinissent le meilleur intérêt des enfants en fonction des soins et de la protection dont ils ont besoin.
Merci.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Enfin, c'est à votre tour, madame Chrest.
Mme Shelley Chrest: Merci.
Le FIIJ de la côte ouest est un organisme sans but lucratif affilié au FIIJ national. L'acronyme FIIJ désigne le Fonds d'information et d'intervention juridiques. Le FIIJ travaille à l'égalité des femmes par le biais de contentieux fondés sur la Charte, de la réforme du droit et de l'éducation juridique.
Le FIIJ de la côte ouest souscrit entièrement au mémoire présenté par le comité spécial sur la réforme de la garde et de l'accès et par l'Association nationale de la femme et du droit lors des audiences tenues, je pense, dans l'Est.
Le FIIJ de la côte ouest tient à souligner l'importance de fonds adéquats pour l'aide juridique dans les affaires de garde et d'accès et la responsabilité qu'a le gouvernement fédéral de fournir des fonds adéquats aux provinces pour l'aide juridique.
Avant avril 1996, le gouvernement fédéral et les provinces se partageaient également les coûts de l'aide juridique dans le cadre du Régime d'assistance publique du Canada, le RAPC. Cela a changé depuis l'introduction du TCSPS, le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux comme nous le savons tous, et donc du financement global, ce qui s'est traduit par une diminution des fonds aux provinces.
Nous croyons que le financement actuel et l'absence de normes nationales en matière d'aide juridique ont une incidence injuste sur les femmes. À notre avis, le gouvernement fédéral s'est en réalité démis de sa responsabilité de veiller à ce que les femmes jouissent d'un accès égal à l'aide juridique au Canada.
Parce que les affaires criminelles peuvent concerner la Charte, le gouvernement fédéral continue à accorder des fonds pour les causes fondées sur la Charte. Il n'y a pas de droit correspondant à la représentation à l'heure actuelle dans les affaires où intervient l'aide juridique en matière civile. Par conséquent, les hommes, qui réussissent en plus grand nombre à obtenir des fonds au criminel, sont représentés tandis que les femmes, qui bénéficient surtout de l'aide juridique en matière civile, ont moins facilement accès au financement.
Les nouvelles lignes directrices fédérales relatives à la pension alimentaire pour enfants illustrent bien le problème. Selon nous, ces lignes directrices sont actuellement inaccessibles à bien des femmes. Les femmes continuent à être les principales dispensatrices de soins et, étant donné l'érosion importante du financement de l'aide juridique ces dernières années, nombreuses sont celles qui ne peuvent pas profiter des modifications apportées aux lignes directrices fédérales relatives à la pension alimentaire pour enfants.
Par exemple, en Colombie-Britannique et dans de nombreuses autres provinces, les femmes ne peuvent pas profiter de l'aide juridique pour faire modifier une ordonnance alimentaire. Par conséquent, nombreuses sont les femmes qui, comme je l'ai dit, ne bénéficient pas des nouvelles lignes directrices relatives à la pension alimentaire pour enfants, mais ce sont bien sûr les enfants qui sont pénalisés.
Il semble actuellement y avoir un malentendu et je dis cela parce que nous croyons savoir qu'en Colombie-Britannique, l'argent reçu du gouvernement fédéral sert à employer des commis aux pensions alimentaires pour enfants. Nous avons appris que ces commis occupent des postes de secrétaires, selon la classification du Syndicat des fonctionnaires provinciaux de la Colombie- Britannique. D'après ce que m'ont dit des représentants des Services juridiques de la province que j'ai rencontrés, ces commis sont censés diffuser de l'information sur les lignes directrices relatives à la pension alimentaire pour enfants.
• 2055
Encore une fois, un grand nombre des modifications qui ont été
apportées en matière d'aide juridique et à d'autres lois semblent
reposer sur l'hypothèse que les parties peuvent en arriver sans
aucune aide à un accord consensuel.
J'ai pratiqué le droit de la famille au privé et je peux vous dire que la réalité ne confirme pas cette hypothèse. En fait, la pension alimentaire pour enfants devient un paratonnerre pour les différends dans le contexte familial.
Trop souvent, malheureusement, les hommes—et je dis les hommes, parce que ce sont surtout eux, d'après les statistiques, qui versent une pension—ont tendance à se servir de la pension alimentaire pour enfants comme d'une arme pour obtenir la garde. Trop souvent, malheureusement, le conjoint qui la reçoit est prêt à capituler, prêt à renoncer à la pension alimentaire pour enfants, pour que la relation soit plus harmonieuse. Résultat, bien sûr, les enfants ne bénéficient pas de ces nouvelles lignes directrices formidables.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Pourriez-vous nous faire part de vos recommandations?
Mme Shelley Chrest: Oui, bien sûr.
La sénatrice Anne Cools: C'est très intéressant.
Mme Shelley Chrest: Merci, sénatrice Cools.
En conclusion, le FIIJ de la côte ouest recommande, premièrement, que toute politique ou recommandation proposée par le comité au sujet de la garde et du droit de visite reconnaisse l'importance pour les femmes d'avoir vraiment accès à l'aide juridique. Nous recommandons aussi que le comité reconnaisse que la médiation et le règlement extrajudiciaire des différends concernant la garde et l'accès ne sont pas une option sûre ou viable pour les femmes.
Deuxièmement, nous recommandons que le gouvernement adopte des lignes directrices concernant le transfert de fonds pour l'aide juridique en matière civile pour que les femmes jouissent d'un accès égal à l'aide juridique.
Merci.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Y a-t-il des questions? Sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup.
J'aimerais remercier les témoins d'avoir bien voulu comparaître devant nous.
La question s'adresse à la représente du FIIJ, Mme Jennifer Kosham...
Mme Shelley Chrest: En fait, je remplace Jennifer Kosham. Je m'appelle Shelley Chrest, sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: D'accord.
Nous pourrions peut-être alors, monsieur et madame les présidents, demander à chacun des témoins de se présenter. Autrement, le compte rendu—
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Ils l'ont déjà fait.
La sénatrice Anne Cools: Je suis désolée. Tous les autres noms sont les bons? Merci.
Vous avez dit quelque chose que j'ai trouvé très étonnant. Vous avez dit que les lignes directrices relatives à la pension alimentaire pour enfants adoptées l'année dernière dans le cadre du projet de loi C-41 n'aident pas du tout les enfants. Est-ce que les autres témoins sont d'accord avec vous?
Mme Shelley Chrest: J'ai dit cela, sénatrice Cools, lorsque je parlais des femmes qui doivent avoir recours à l'aide juridique. Ce que j'ai voulu dire, c'est que si les femmes n'arrivent pas à y avoir accès pour faire modifier les ordonnances alimentaires, alors elles ne servent pas à grand-chose.
La sénatrice Anne Cools: Il s'agit donc de deux problèmes distincts.
Mme Shelley Chrest: J'ai dit que—
La sénatrice Anne Cools: Attendez un instant. Il faut que vous corrigiez ce que vous venez de dire. Parce que si vous dites que c'est l'aide juridique qui pose un problème... mais vous êtes allée encore plus loin. Vous avez d'abord parlé du problème de l'aide juridique.
Vous pourriez peut-être préciser votre pensée. Si j'ai mal entendu, c'est tant mieux; ça ne fait rien. Mais je vous ai entendu dire que les lignes relatives à la pension alimentaire pour enfants ne profitent pas aux enfants—pas aux femmes; aux enfants.
Si ce n'est pas ce que vous avez dit, ce n'est pas grave. Ça ne fait rien.
Mme Shelley Chrest: Je parlais uniquement dans le contexte de l'aide juridique et j'ai mis l'accent sur l'aide juridique.
Je le répète, les femmes demeurent les principales dispensatrices de soins dans notre société. De nombreuses statistiques le prouvent. J'en ai ici. Donc, les enfants de ces femmes, de ces parents gardiens qui n'ont pas accès à l'aide juridique, n'en bénéficient pas.
La sénatrice Anne Cools: Bien. Donc le problème ne concerne pas les lignes directrices sur la pension alimentaire pour enfants; le problème, c'est—
Mme Shelley Chrest: L'aide juridique.
La sénatrice Anne Cools: Merci.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Merci beaucoup. Les chiffres qui nous ont été donnés montrent que de 80 à 90 p. 100 des divorces ne sont qu'une simple formalité et que 10 p. 100 seulement des couples se retrouvent devant le tribunal. Il s'agit évidemment des divorces les plus conflictuels. Avez-vous une idée du pourcentage de ces mariages où il y a eu de la violence?
Mme Helen Dempster: Je sais que certaines études ont été faites. Je pense que ce sont Barbara Hart et Joan Zorza aux États- Unis qui ont indiqué que plus un divorce est contesté, plus il y a de chances habituellement qu'il y ait de la violence dans le couple. Je ne dis pas «qu'il y ait eu», parce que la violence continue après le divorce et la séparation. Je vous fournirai ces chiffres dans mon mémoire, mais je ne peux pas vous dire exactement pour le moment ce qu'ils sont.
Mme Carolyn Bennett: Je m'interroge aussi sur ce pourcentage de 80 à 90 p. 100. À cause du déséquilibre des pouvoirs dans un grand nombre de couples, savez-vous s'il y a des gens qui, parce qu'ils ne peuvent pas se payer un avocat ou peu importe, signent des ententes qui ne sont peut-être pas dans le meilleur intérêt des enfants pour la seule raison qu'ils ne peuvent pas faire face au tribunal ou au système judiciaire?
Mme Helen Dempster: Oui, ça arrive souvent. Je pourrais vous raconter un tas d'anecdotes, mais je ne suis pas certaine des études qui ont été faites.
Mme Carolyn Bennett: Il y a une question qui cause des difficultés au comité et c'est celle des fausses allégations. On a l'impression dans l'ensemble qu'il n'y a pas matière à s'inquiéter, mais je pense personnellement qu'il nous faut régler cette question, parce que si nous n'allons pas jusqu'au bout, les fausses allégations vont brouiller les cartes.
Mme Shelley Chrest: Pouvez-vous me donner une précision, madame Bennett? Voulez-vous parler des allégations d'agression sexuelle—de fausses allégations?
Mme Carolyn Bennett: Non. D'après certains travailleurs sociaux, les meilleurs arguments pour les femmes, ce qu'on leur conseille de dire si les choses vont mal dans une lutte pour la garde des enfants, c'est qu'il y a eu violence physique.
Mme Helen Dempster: Au contraire. Les femmes et les enfants minimisent le problème. Les 56 conseillers avec qui je travaille me disent qu'ils aimeraient bien secouer les femmes: «Dis ta façon de penser et prends ça au sérieux. Que veux-tu dire, que tu les laisses aller en visite la fin de semaine?» Les conseillers trouvent que les femmes minimisent l'importance de la situation et que les enfants ne parlent pas non plus des mauvais traitements qui peuvent leur avoir été infligés. Nous ne pouvons pas nier qu'il peut probablement y avoir de vraies allégations, mais pour ceux qui travaillent sur le terrain... Non, je veux dire pour nous.
Mme Carolyn Bennett: Non, mais la violence est une question très vaste et nous devons y faire face. De toute évidence, tous ceux que vous représentez y font face tous les jours. Si un avocat conseillait à sa cliente de mentir, que pourrions-nous faire pour qu'il vous soit plus facile de prouver que la majorité de ces allégations sont vraies?
Mme Kelley Chesley: Vous n'arriverez probablement pas à trouver un avocat de l'aide juridique qui soit prêt à conseiller à une femme de mentir parce que, d'après mon expérience, les avocats de l'aide juridique fuient la procédure de garde et d'accès qu'ils trouvent longue et compliquée.
• 2105
Donc, si une femme bénéficie de l'aide juridique... Dans le
mémoire spécial, nous parlons d'un préambule et nous parlons aussi
de la nécessité de présenter les faits de manière très claire et
concise pour qu'on sache quand les femmes disent la vérité.
Mme Shelley Chrest: Si vous me permettez d'ajouter rapidement une observation, je dirais qu'un avocat qui conseillerait à une cliente de faire un faux témoignage devrait être immédiatement dénoncé au barreau de la province où il pratique, mais un avocat ne fera jamais ça. Il ne va pas mettre toute sa carrière en jeu. Certains en doutent. Nous faisons tous des blagues sur les avocats et nous avons tous des doutes au sujet des avocats, mais ce n'est pas une conduite qui est acceptable pour le barreau ou pour les avocats en général.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice DeWare.
La sénatrice Mabel DeWare: J'ai une question pour Mme Chesley.
J'allais dire qu'il y a 40 ans j'étais présidente du YWCA à Moncton où nous avions alors un foyer pour jeunes filles au lieu d'une maison de transition. Les choses ont beaucoup changé en 40 ans.
Vous avez dit une chose au sujet de laquelle j'aimerais avoir un peu de précisions. Vous avez dit que les femmes avec qui elle travaille ou avec qui vous travaillez ne recevront jamais une pension alimentaire pour enfants.
Mme Kelley Chesley: J'ai dit que les lignes directrices relatives à la pension alimentaire pour enfants et les programmes d'exécution des ordonnances ne sont pas la principale priorité des femmes avec qui je travaille. Un bon nombre d'entre elles craignent pour leur vie. Donc, lorsque nous allons voir un avocat pour la première fois, habituellement, après avoir examiné la situation, l'avocat dira qu'il suppose que sa cliente veut obtenir une ordonnance d'exécution. Une fois que l'avocat a entendu toute l'histoire et sait exactement en quoi le problème consiste, il proposera de laisser ça de côté pour le moment.
La plupart des femmes avec qui j'ai travaillé n'ont jamais reçu de pension alimentaire pour enfants et n'en recevront probablement jamais.
Un grand nombre des femmes avec qui je travaille changent de nom. Elles se cachent. Elles sont terrifiées. Elles craignent pour leur vie et la vie de leurs enfants. Si ça veut dire, lorsqu'elles doivent se présenter devant le tribunal et invoquer les lignes directrices sur la pension alimentaire pour enfants... Pour les quelques femmes qui le font—le petit nombre de femmes qui reçoivent une pension alimentaire pour enfants—l'application des pensions alimentaires et des ordonnances de garde représente un travail monumental.
Il faut travailler fort. Il faut avoir une bonne maîtrise du français. Il faut pouvoir faire des appels téléphoniques, aller à des rendez-vous et déposer des documents. Après sept ou huit ans, une femme n'en peut plus. Pourquoi? C'est regrettable, mais...
La sénatrice Mabel DeWare: Merci.
La sénatrice Anne Cools: On se demande pourquoi certaines femmes marient de tels salauds.
Mme Kelley Chesley: Oui, mais ces salauds peuvent être les êtres les plus charmants au monde.
La sénatrice Anne Cools: Si je comprends bien, madame Dempster, la B.C. Yukon Society of Transition Houses est un groupe de coordination qui fait du lobbyisme.
Mme Helen Dempster: C'est une organisation qui chapeaute les maisons de transition, les réseaux de foyers d'hébergement, etc., de la province.
La sénatrice Anne Cools: Et vous dites qu'il y en a 50?
Mme Helen Dempster: Non, il y en a plus de 95.
La sénatrice Anne Cools: C'est ça, 95 maisons.
Mme Helen Dempster: Il y a 56 programmes de counseling pour les enfants, en plus de tous les travailleurs et services à l'enfance.
La sénatrice Anne Cools: C'est parfait.
Dans ces 95 maisons ou refuges, combien de femmes avez-vous accueillies en 1997?
Mme Helen Dempster: Je n'ai pas ces statistiques, mais elles sont dans mon mémoire. Je peux vous dire, en ce qui concerne les programmes de counseling pour les enfants que je connais...
La sénatrice Anne Cools: Je veux savoir combien d'entre elles ont été battues.
Mme Helen Dempster: Tous les enfants qui participent aux programmes de counseling ont été témoins de violence, sinon on ne peut pas les y inscrire.
La sénatrice Anne Cools: Non, j'essaie de me faire une idée de l'ampleur de votre tâche. Combien de femmes—
Mme Helen Dempster: Oh, voulez-vous parler du fait que, d'après le Comité canadien sur la violence faite aux femmes, c'est la Colombie-Britannique qui affiche le taux le plus élevé de violence à l'égard de l'épouse au Canada?
La sénatrice Anne Cools: Vous en savez donc très long sur la question. Vous pouvez me dire combien de femmes votre organisme a accueillies l'année dernière.
Mme Helen Dempster: Je ne sais pas combien au juste de femmes ont été accueillies par chacune des maisons de transition.
La sénatrice Anne Cools: Je voulais parler de leur nombre total.
Mme Helen Dempster: Je n'en sais rien.
La sénatrice Anne Cools: Vous ne pouvez donc pas me dire combien de ces femmes—
Mme Helen Dempster: Nous avons ces chiffres, au bureau.
La sénatrice Anne Cools: Pouvez-vous m'indiquer le nombre de femmes battues parmi toutes celles que vous avez accueillies?
Mme Helen Dempster: Ce sont toutes des femmes battues.
La sénatrice Anne Cools: Donc, vous n'avez pas...
Mme Helen Dempster: C'est le critère pour être admise dans un de nos refuges.
La sénatrice Anne Cools: Vous n'accueillez donc pas de femmes qui ont été expulsées de leur logis avec leurs enfants et ainsi de suite.
Mme Helen Dempster: Oui, il nous arrive de faire des exceptions.
La sénatrice Anne Cools: C'est parfait. C'est pourquoi je vous ai posé la question. La plupart des maisons de transition accueillent plusieurs catégories de clientes; certaines sont des femmes battues et d'autres sont sans logis. J'essaie juste de me faire une idée de l'ampleur du problème.
Mme Helen Dempster: Il est énorme.
La sénatrice Anne Cools: Alors, donnez-moi des chiffres.
Est-ce que je peux continuer? Combien ont été battues?
Mme Helen Dempster: Elles l'ont toutes été.
La sénatrice Anne Cools: Toutes. Très bien. Parmi celles qui ont été battues, combien ont demandé le divorce et l'ont obtenu?
Mme Helen Dempster: Je n'en sais rien.
La sénatrice Anne Cools: Vous ne le savez pas.
Mme Helen Dempster: Non. Je pense vous avoir dit que je ne m'attendais pas à ce que vous me demandiez ce genre de statistiques.
La sénatrice Anne Cools: Votre bureau le sait-il?
Mme Helen Dempster: Non, parce qu'il nous faudrait avoir de l'argent pour faire des recherches sur le nombre de divorcées. Nous sommes ici pour essayer de protéger les femmes et les enfants, donc—
La sénatrice Anne Cools: Je me disais que si vous devez les protéger, vous pouvez aussi les compter.
Mme Helen Dempster: Je crois que c'est une question qui devrait être posée à la province, parce que c'est elle qui finance les maisons de transition et elle devrait pouvoir vous donner ce genre de statistiques.
La sénatrice Anne Cools: D'accord.
Une voix: Je suis désolé, mais pouvez-vous répéter cette dernière question, s'il vous plaît?
La sénatrice Anne Cools: Je disais que si vous pouvez les accueillir—
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Un instant, s'il vous plaît, sénatrice Cools.
D'où vient cette question? L'assistance n'a pas le droit de poser de questions.
Une voix: J'ai compris.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Silence, s'il vous plaît.
Sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: D'accord. Je pensais que les refuges devaient presque tous les jours rendre compte du nombre de personnes accueillies, parce que bon nombre des formules de financement sont fondées sur des taux quotidiens. Mais c'est parfait, ça ne pose aucun problème.
Mme Helen Dempster: Plus maintenant, plus depuis longtemps.
La sénatrice Anne Cools: Bien.
Parmi les femmes que vous avez accueillies dans vos refuges, combien ont été tuées l'année dernière par un partenaire intime?
Mme Helen Dempster: Je ne sais pas combien de femmes qui étaient dans des maisons de transition ont été tuées. Je sais que les six ou huit derniers mois ont été un cauchemar épouvantable dans notre province pour les femmes et les enfants.
La sénatrice Anne Cools: Non, je m'intéresse à votre clientèle. Ma question est la suivante: parmi les femmes qui craignent pour leur vie que vous avez accueillies, combien ont été tuées ici en Colombie-Britannique?
Mme Helen Dempster: Sénatrice Cools, soit dit sans vouloir vous offenser, je vous ai indiqué dès le départ que je n'avais avec moi aucune statistique sur les femmes qui ont utilisé les maisons de transition de la province.
La sénatrice Anne Cools: D'accord. Laissez-moi poser ma question autrement. En avez-vous eu une seule? S'il y en avait eu 30, vous vous en souviendriez. Y en a-t-il qui ont été tuées? Une des femmes qui sont restées avec vous dans les refuges l'année dernière a-t-elle été tuée?
Mme Helen Dempster: Les femmes qui sont tuées n'ont pas la chance de se réfugier dans une maison de transition. Je sais que certains intervenants des maisons de transition connaissent certaines des femmes qui ont été tuées au cours des six derniers mois dans notre province.
La sénatrice Anne Cools: C'est vrai: un grand nombre de femmes qui sont maltraitées—brutalement, terriblement maltraitées—ne vont pas dans les maisons de transition. Je suis heureuse que vous l'admettiez. Mais j'aimerais avoir une meilleure idée de votre clientèle, parce que si vous nous demandez de faire des recommandations en son nom, vous devez nous donner des noms et des chiffres.
Mme Helen Dempster: Je comprends maintenant mieux le sens de votre question.
La sénatrice Anne Cools: Très bien. Donc, vous ne pouvez pas nous dire à brûle-pourpoint si une seule des femmes qui ont été accueillies dans vos refuges l'année dernière a été tuée par un conjoint?
Mme Helen Dempster: Je ne travaille pas dans un refuge. Je travaille dans un bureau du centre-ville de Vancouver.
La sénatrice Anne Cools: Je pensais que vous représentiez la B.C. Yukon Society of Transition Houses.
Mme Helen Dempster: Oui, c'est exact.
La sénatrice Anne Cools: Mais vous ne travaillez pas... ? Je m'y perds.
Mme Helen Dempster: Je travaille pour l'organisation-cadre. Je ne suis pas travailleuse de première ligne dans une maison de transition.
La sénatrice Anne Cools: Non, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Lorsque je parle des gens avec qui vous travaillez, je veux dire les gens que vous représentez ici aujourd'hui. C'est à ce titre que vous comparaissez devant nous aujourd'hui: vous les représentez. Donc, lorsque je parle des gens avec qui vous travaillez, je veux dire que vous êtes ici en leur nom.
Mme Helen Dempster: D'accord. Ça va.
La sénatrice Anne Cools: C'est parfait. Donc, ce que j'essaie de savoir, c'est ceci: parmi les femmes qui sont restées dans les refuges de la Colombie-Britannique, y en a-t-il une seule, à votre connaissance, qui a été tuée l'année dernière par un partenaire intime?
Mme Helen Dempster: En fait, le meilleur endroit où vous adresser pour avoir réponse à cette question est la province, le ministère de l'Égalité des femmes, parce que c'est là que vont les statistiques mensuelles des maisons de transition, et j'espère que si une femme qui s'était réfugiée dans une maison de transition avait été tuée, quelqu'un le leur aurait signalé.
La sénatrice Anne Cools: J'aurais cru que vous aviez la réponse à cette question.
Mme Helen Dempster: Oui, mais je n'ai pas—
La sénatrice Anne Cools: Malheureusement, c'est vous qui comparaissez devant nous. Ça ne fait rien. Je comprends.
La sénatrice Mabel DeWare: J'aimerais qu'elle réponde à la question à laquelle elle avait commencé à répondre au sujet de la violence en Colombie-Britannique cette année, où elle est pire que jamais auparavant.
La sénatrice Anne Cools: Je peux lui poser une question supplémentaire. Elle peut répondre à cette question-ci.
Mme Helen Dempster: Les statistiques de 1993 du Comité canadien sur la violence faite aux femmes révélaient que 52 p. 100 des Canadiennes, en moyenne, avaient vécu une relation marquée par la violence alors que le chiffre pour la Colombie-Britannique était de 59 p. 100.
Nous essayons de savoir pourquoi, nous avons besoin de bien des ressources pour nous attaquer à ce problème, et les compressions budgétaires ont une incidence négative énorme sur notre capacité de répondre aux besoins de ces femmes et de ces enfants et de les aider à trouver la sécurité.
La sénatrice Anne Cools: Je me demandais si l'attaché de recherche pouvait nous trouver le nombre de femmes tuées ici en Colombie-Britannique.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bien. Vous avez le mot de la fin, madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Madame Dempster, ma question n'a rien à voir avec celle que la sénatrice Cools vient de vous poser. J'ai constaté que vous êtes la coordonnatrice des services à l'enfance et je vais donc vous demander ceci: selon vous, que pourrions-nous faire pour que les enfants aient voix au chapitre dans le cas des divorces qui ne sont pas contestés, surtout dans le cas des divorces où il y a de nombreux conflits? J'ai l'impression que ce qui commence à se dégager—et c'est ce qu'a dit, il me semble, l'intercesseur pour les enfants qui était ici aujourd'hui—c'est que tous les enfants qui vivent des situations conflictuelles devraient avoir un intercesseur ou un conseiller.
Mme Helen Dempster: C'est vrai, la plupart devraient en avoir un. Je crois que dans certains cas, un juge peut rencontrer ces enfants dans un lieu distinct—en dehors de la salle du tribunal, dans son cabinet—avec un intercesseur pour écouter ce qu'ils ont à dire de manière à pouvoir en tenir compte. Les enfants ne savent pas toujours ce qui est dans leur meilleur intérêt, mais il faudrait que ce soit un facteur qui entre en jeu.
Nous avons les paroles de nombreux enfants. Nous voulons publier un livre qui renfermerait des dessins, des poèmes et des paroles d'enfants—«Donnez-moi à mon père ou cela n'en finira jamais». Les poèmes renferment des paroles très provocatrices et très émouvantes, mais qui ne se reflètent pas dans ce qui leur arrive. Je pense qu'un grand nombre d'entre eux se sentent très impuissants. Ils ne comprennent pas ce qui leur arrive.
Mme Carolyn Bennett: Y a-t-il des moments où vous vous sentez vous-même impuissante parce que—
Mme Helen Dempster: Oui.
Mme Carolyn Bennett: ... des conjoints signent une entente qui n'est pas d'après vous dans le meilleur intérêt des enfants? N'y aurait-il pas moyen de trouver un intercesseur aux enfants?
Mme Helen Dempster: C'est une dure lutte. Dans la plupart des cas, ce n'est pas possible.
Hier, j'ai reçu un appel téléphonique d'un conseiller d'une collectivité rurale de la Colombie-Britannique. L'aide juridique ne représentera pas la femme avec qui elle travaille de sorte qu'elle va se défendre elle-même devant le tribunal le 7 mai pour obtenir la garde de son enfant. Pendant cinq ans, le père n'a pas rendu visite à l'enfant ni ne lui a témoigné aucun intérêt et nous ne comprenons donc pas pourquoi il est maintenant intéressé à en obtenir la garde. Personne n'a demandé à l'enfant ce qu'il veut. Je connais des enfants de 14 ans à qui on ne demande pas leur avis et je trouve que c'est scandaleux.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: Je n'ai qu'une seule autre question. J'aimerais avoir des chiffres encore une fois. Dans les refuges de la Colombie-Britannique, parmi les enfants que vous accueillez, puisque vous êtes très active auprès des enfants, combien y en a-t- il pour qui une ordonnance relative à la surveillance a été rendue?
Mme Helen Dempster: Je ne sais pas ce que vous voulez dire par ordonnance relative à la surveillance.
La sénatrice Anne Cools: Une ordonnance de surveillance est rendue lorsque la société d'aide à l'enfance ou les autorités responsables de la protection de l'enfance craignent que l'enfant soit maltraité, mais qu'il n'a pas encore été pris en charge. Ses parents en ont toujours la garde, mais il y a une ordonnance de surveillance. Je pensais que vous auriez su en quoi consiste une ordonnance de surveillance. Elle revient simplement à dire que la Couronne a demandé à la société d'aide à l'enfance de surveiller cet enfant. Autrement dit, on a jugé que l'enfant avait besoin de protection même s'il n'a pas été pris en charge. Il demeure avec ses parents, mais a besoin d'attention et de surveillance. C'est ce que je veux dire par ordonnance de surveillance.
Mme Helen Dempster: Oui, mais je suppose que nous utilisons un langage différent en Colombie-Britannique et en Ontario.
La sénatrice Anne Cools: «Ordonnance» est une expression assez universelle.
Mme Kelly Chesley: Il s'agit en fait d'une ordonnance de protection de l'enfance.
La sénatrice Anne Cools: Oui, mais ça demeure quand même une ordonnance de surveillance. Elle veut dire que l'enfant a besoin d'aide.
Mme Helen Dempster: Oui. Il s'est passé des choses intéressantes dans la province à la suite du décès de Matthew Vaudreuil. Il y a eu le rapport Gove et la création du ministère de l'Enfance et de la Famille. Le nombre des prises en charge d'enfants dans la province a augmenté et maintenant nous nous demandons tous si on a eu raison de les prendre en charge ou si d'autres solutions n'auraient pas été préférables à la prise en charge.
Nous savons qu'on blâme de plus en plus les mères de ne pas assurer la sécurité de leurs enfants. C'est problématique, parce que la mère se bat pour rompre la relation, pour s'en sortir et on la blâme ensuite en disant qu'elle aurait dû agir plus tôt, penser à ses enfants.
La sénatrice Anne Cools: Avez-vous une idée du nombre de femmes qui sont ainsi maltraitées?
Mme Helen Dempster: Il faudra vous adresser à la province dans ce cas-ci également. Elle sait combien d'enfants ont été confiés à la société d'aide à l'enfance et combien ont été pris en charge au cours des derniers... ou depuis le rapport Gove.
La sénatrice Anne Cools: Chacun des refuges de votre province n'est-il pas une société indépendante?
Mme Helen Dempster: Il s'agit de sociétés indépendantes à but non lucratif.
La sénatrice Anne Cools: Ne publient-ils pas des rapports annuels qui font état du nombre de personnes qu'ils ont accueillies?
Mme Helen Dempster: Oui, c'est ce que font la plupart d'entre eux.
La sénatrice Anne Cools: C'est ce que j'aurais cru, que cette information n'est pas tellement difficile à obtenir.
Quoi qu'il en soit, madame la présidente, nous allons devoir examiner longuement et de très près le phénomène de la protection de l'enfance puisqu'il a une incidence sur ces questions. Je trouve très intéressant que le témoin ait mentionné le cas de Matthew Vaudreuil et, si nous en avions eu le temps, j'aurais demandé aux témoins quelle était leur position dans l'affaire Matthew Vaudreuil et quel genre de recommandations ils ont faites aux autorités dans l'intérêt de cet enfant.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
La sénatrice Anne Cools: C'est tragique ce qui est arrivé.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous vous remercions une fois de plus d'être venues nous rencontrer. Je sais qu'il se fait tard. Nous avons un autre groupe à rencontrer. Je vous remercie et je vous souhaite une bonne soirée.
Nous allons maintenant passer à notre dernier groupe pour la journée. Nous avons ici avec nous pour la dernière demi-heure M. Erik Austin, M. Christopher Gratton Mathisen et M. Doug Reid.
Monsieur Austin, si vous voulez bien commencer, vous avez cinq minutes.
M. Erik Austin (témoigne à titre personnel): Très bien, monsieur. Je remercie infiniment M. Gallaway et la sénatrice Pearson et tous les autres membres du comité mixte spécial.
Je vous remercie du privilège que vous m'accordez en m'autorisant à témoigner devant vous aujourd'hui en mon nom personnel et en celui de mon ami, M. Robin Skeates, avec sa permission, comme je vous l'ai expliqué dans ma lettre.
Nous sommes tous les deux pères de deux enfants et on nous a refusé l'accès à nos enfants à la suite d'une évaluation familiale juridique ou de processus politiques. Nous croyons que les enfants doivent être protégés contre toute forme d'abus ou de négligence— physique, psychologique ou spirituelle—et cela vaut aussi pour les abus de procédure.
Il n'y a qu'une seule personne qui soit plus vile qu'un parent qui maltraite ainsi un enfant, et c'est un parent ou un évaluateur familial qui accuse faussement une autre personne d'un tel comportement ou qui donne à entendre qu'elle présente un risque pour influencer l'action en justice. Nous avons tous les deux été accusés d'une telle chose, directement ou par insinuation.
Personnellement, en 1990, j'ai cherché à obtenir une ordonnance du tribunal interdisant à mon ex-femme de déménager les enfants de l'Ontario pour aller rejoindre son ami en Colombie- Britannique. Après que l'ordonnance a été rendue, en attendant une évaluation familiale, un professeur de l'Université de Toronto que j'ai consulté pour une expertise judiciaire m'a averti que si le tribunal commençait à me donner gain de cause, il se pourrait que de fausses accusations de mauvais traitements soient portées contre moi. Il m'a dit que c'était une manoeuvre dévastatrice de plus en plus utilisée par les avocats contre laquelle il est pratiquement impossible de se défendre en raison de l'effet de choc qu'elle provoque, de la nécessité pour le parent accusé de prouver que quelque chose ne s'est jamais produit et ne se produira jamais et de la réaction conservatrice qu'elle déclenche chez un juge.
• 2125
Ironiquement, mon ex-femme n'a jamais directement porté cette
accusation contre moi, mais c'est ce que l'évaluateur familial a
insinué dans son rapport en se fondant sur des extraits de ses
entrevues qu'il a révisés. À ma demande, les personnes qu'il a
interviewées lui ont écrit pour signaler qu'il avait déformé leurs
propos, mais il était trop tard. Le tribunal avait déjà tranché.
Le professeur de psychiatrie que j'ai consulté connaissait bien mon unité familiale et savait que ce serait catastrophique pour mes enfants de trois et de cinq ans d'être séparés de moi. Il a décrit leur trouble émotionnel, mais l'évaluateur n'a pas fait part au tribunal des recommandations du professeur qui étaient les suivantes:
-
Je suis d'avis que cette séparation entraînera des conséquences
émotionnelles catastrophiques pour chaque enfant... Chacun d'eux
m'a dit qu'il souhaitait continuer à vivre avec papa dans l'Est, si
maman déménageait.
Lorsqu'il a examiné le rapport de l'évaluateur et vu qu'il recommandait que la mère des enfants soit autorisée à déménager, le professeur a dit que «c'est de la diffamation... un viol en bandes».
Quant à lui, M. Skeates a été directement accusé de mauvais traitements. Il a été accusé d'avoir eu un comportement mal à propos en donnant son bain à son fils de cinq ans. Heureusement qu'un ami de la famille avait filmé la visite d'une fin de semaine en souvenir et que le film a pu être montré au juge pour la défense de M. Skeates. Le juge a conclu que l'accusation n'était pas fondée. M. Skeates croit que si ça n'avait pas été de cette bande vidéo, il aurait difficilement pu avoir accès à ses enfants.
Il y a deux questions que nous voulons aborder plus précisément aujourd'hui. La première a trait à la formation des juges et des avocats en évaluation familiale. Ils doivent avoir la formation voulue pour déceler les préjugés et l'incompétence dans les évaluations familiales des témoins experts. Il le faut pour réduire à son plus simple dénominateur commun la possibilité que des précédents en matière de travail social ou un caprice judiciaire guident les décisions en matière de garde et d'accès.
Les juges et les conseillers juridiques doivent comprendre les meilleures pratiques, fondées sur des principes et des ententes efficaces sur le partage des responsabilités parentales. Les pratiques doivent évoluer sous l'influence de la perspicacité, de la créativité, du courage et de recherches objectives pour que tout le système puisse évoluer.
La deuxième question a trait aux conflits d'attributions. Il y a trois ans, mon ami Robin Skeates s'est adressé à moi parce qu'il était bouleversé. Il habite au nord de Toronto et est le père de deux enfants autochtones de plein droit qui vivent dans la réserve Aroland dans le nord de l'Ontario. M. Skeates est également handicapé. Il vient d'obtenir un diplôme en génie civil de l'Université Ryerson, malgré une rétinite pigmentaire, une affection héréditaire qui entraîne la cécité.
Il s'est donné complètement à ses études dans l'espoir de pouvoir un jour mieux subvenir aux besoins de ses enfants. Le 2 août 1995, le conseil de la bande d'Aroland a adopté la résolution 169 du conseil de bande selon laquelle le chef et le conseil de la Première nation d'Aroland:
-
... interdisent à Robin Skeates de retirer ses enfants du
territoire de la Première nation d'Aroland sans la permission de
Diane Mobishwash...
—leur mère—
-
...et refusent à Robin Skeates la permission d'entrer dans le
territoire de la Première nation d'Aroland.
Cette résolution faisait suite à une assignation à comparaître devant un juge de la Cour supérieure émise deux semaines auparavant, que le chef et Mme Mobishwash avaient ignorée. Il a fallu trois ans à M. Skeates pour obtenir une ordonnance attributive de droit de visite de la cour provinciale pour voir ses enfants, dix-huit mois de plus pour déterminer l'approche que le tribunal allait adopter à l'égard du conflit d'attributions et six mois pour préparer la documentation menant à l'ordonnance attributive de droit de visite.
Dans cette impasse, j'ai aidé mon ami à composer et à envoyer des lettres au grand chef Ovide Mercredi, au procureur général Allan Rock et au solliciteur général de l'Ontario Charles Harnick pour leur exposer les faits et les renvoyer à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, dont le Canada est signataire et à l'encontre de laquelle cette affaire va.
J'ai fait état dans mon mémoire des articles qui, selon nous, avaient été enfreints.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Austin, avez-vous terminé? Vos cinq minutes sont écoulées.
M. Eric Austin: Très bien, monsieur. Permettez-moi seulement en terminant de vous faire mes recommandations.
Je suggère respectueusement que le comité apporte sa contribution en ramenant son vaste mandat à la question unique la plus importante à laquelle il faut répondre et qui guidera l'appareil judiciaire et l'assemblée législative dans leur tâche.
Carl Jung, un grand psychanalyste suisse a dit que: «Les problèmes les plus importants de la vie sont fondamentalement insolubles.» Ils doivent l'être, car ils expriment la polarité nécessaire inhérente à tout système d'autoréglementation. Ils ne peuvent pas être résolus; il faut les dépasser.
• 2130
Si nous réussissons à rétablir la polarité entre les hommes et
les femmes et à trouver une solution à ces conflits axée sur
l'enfant, je crois que le système pourra un jour s'autoréglementer.
Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Monsieur Reid.
M. Doug Reid (témoigne à titre personnel): Vous m'excuserez, mais mon imprimante m'a lâché ce matin.
Je peux vous exposer mes vues sous différents éclairages. J'ai moi-même été élevé par mes grands-parents à cause de la désaffection de mon père.
Au cours des dix dernières années, j'ai suivi une formation de psychologue en évaluation. J'ai travaillé à l'Université de la Colombie-Britannique pendant cinq ans. J'ai entre autres mis au point un instrument d'évaluation fondé sur le comportement que la clinique de consultation externe de l'université utilise depuis dix ans.
Après l'échec de mon premier procès pour obtenir la garde de mes enfants, j'ai eu ce que j'ai appelé un «cancer de l'âme». Je considère qu'une bonne partie des problèmes de violence familiale... j'y reviendrai.
Je suis aussi très actif sur Internet. Vous avez probablement tous reçu mes messages électroniques et mes fax. J'ai réuni quelque 250 activistes de diverses régions du Canada et ainsi de suite. J'ai aussi une liste de distribution pour la Colombie-Britannique.
J'ai enduré trois procès pour garde et j'en suis à mon troisième rapport sur la garde et le droit de visite. J'ai été en communication avec le ministère de l'Enfance et de la Famille pendant de nombreuses années.
J'ai ici les résultats d'une petite enquête que vous pourriez trouver intéressants. J'ai interrogé environ 150 personnes l'année dernière sur Internet et environ 42 dirigeants de groupes de parents canadiens n'ayant pas la garde de leurs enfants. De 12 à 15 d'entre eux comparaissent comme témoins devant le comité un peu partout au Canada.
Premièrement, sur une échelle de 7, 6,72 sont d'accord pour dire que la Loi sur le divorce ne reconnaît pas le besoin inné des deux parents de s'occuper de leurs enfants. C'est la principale préoccupation des groupes de parents n'ayant pas la garde au Canada. Deuxièmement, 6,62 pensent que la Loi sur le divorce ne reconnaît pas le besoin des enfants d'avoir leurs deux parents.
Troisièmement, 6,59 croient que la Loi sur le divorce ne reconnaît pas adéquatement le lien parent-enfant et 6,21 que la Loi sur le divorce ne définit pas en quoi consiste le meilleur intérêt de l'enfant ni ne fournit de directives à cet égard. C'est ce qui préoccupe la majorité des groupes qui représentent les pères et les parents n'ayant pas la garde.
Regardons 30 années en avant, de la manière dont nous regardons 30 années en arrière. Qu'allons-nous voir? Tous gagneront un salaire égal. On gagne maintenant un salaire égal pour un travail de valeur égale. Il y a une différence si on occupe des emplois différents. La plupart de nos emplois seront dans le secteur de l'information ou axés sur les services et les gens travailleront à domicile de sorte que les parents pourront eux- mêmes s'occuper de leurs enfants.
Le résultat que je vois le plus souvent, grâce à toutes mes sources un peu partout dans le monde, c'est le partage des responsabilités parentales. Quel est ce miracle, cette panacée que l'exercice en commun du rôle parental?
Il s'agit d'une hypothèse qui a son fondement dans la Charte des droits des Nations Unies et selon laquelle il existe un lien fondamental inviolable entre un parent et son enfant. Il fait partie du parent. Par conséquent, l'enfant a le droit pendant 16 ans à peu près d'être élevé par ce parent et le parent a la responsabilité de s'occuper de cet enfant pendant 16 ans. Il n'y a pas moyen de s'en sortir.
On peut s'y prendre de deux façons. On peut s'occuper directement de l'enfant en jouant auprès de lui son rôle de parent ou on peut le faire par personne interposée en versant une pension. C'est un peu comme la différence entre le lait maternel et la préparation pour nourrissons.
Qu'est-ce qui va arriver si on partage les enfants en deux?
Passons au cancer de l'âme.
Ed Kruk est censé venir vous rencontrer demain.
Parmi les pères séparés de leurs enfants, 60 p. 100 souffrent de dépression clinique et 52 p. 100 font état de nouveaux problèmes médicaux tandis qu'ils sont trois fois plus nombreux à avoir des problèmes d'abus d'alcool et de drogues. Entre 50 et 75 p. 100 de la violence familiale entoure la garde et l'accès, la séparation et le divorce. Le taux de suicide chez les pères est aussi trois fois plus élevés.
C'est ce que j'appelle le cancer de l'âme. C'est un mécanisme naturel. C'est ce qui arrive quand on ne peut pas tenir son enfant dans ses bras et savoir qu'il est en sécurité, bien au chaud et qu'on s'occupe bien de lui. Quand on est séparé, on sent le besoin de revenir.
À mon avis, c'est ce qui cause la violence familiale. Ce sont les enfants et l'accès, leur éducation, qui sont la cause de la plus grande partie de la violence familiale.
Dans un partage 50-50, pourquoi se battrait-on? Rien ne nous y pousserait. On ne peut pas menacer l'autre partenaire. On ne peut pas lui enlever les enfants. Donc, on vient d'éliminer la cause de la violence familiale.
Comment allons-nous nous y prendre? Tout d'abord, nous devons avoir une hypothèse par défaut automatique de partage à 50 p. 100 des responsabilités parentales. C'est tout. Pas besoin de passer par les tribunaux.
Comment faire respecter la loi? Le ministère de l'Enfance et de la Famille de la Colombie-Britannique a déjà tous les règlements qu'il faut et la responsabilité de veiller à leur application.
Si j'ai peur—et je suis un parent gardien depuis maintenant deux ans et demi—de laisser partir mon enfant avec l'autre parent, je m'adresse au responsable du programme d'application et d'accès. Si j'ai une plainte à faire, je m'adresse au ministère de l'Enfance et de la Famille. Il fait enquête. Il a une norme nationale.
Il y a un autre problème. Nous n'avons pas de norme nationale en matière de mauvais traitements et de négligence. Nous ne savons pas de quoi nous parlons. C'est un problème mondial. Tout est subjectif.
Le ministère fait enquête. Si le parent est à tout le moins adéquat, on ne craint pas de lui laisser l'enfant. S'il y a un problème, on l'identifie. S'il s'agit d'un problème d'abus de drogues et d'alcool, on a le programme qu'il faut. S'il s'agit d'un problème de violence, on a aussi le programme qu'il faut et ainsi de suite.
• 2135
On s'adresse donc au ministère qui doit veiller à la sécurité
des enfants, on lui fait part du problème qui se pose et il
intervient en fournissant les services nécessaires. Le parent n'est
pas compétent. On le surveille de près ou de loin—en le
soumettant, par exemple, à des analyses d'urine pour le dépistage
des drogues et de l'alcool. On vient d'éliminer la cause de la
violence familiale. Nous avons maintenant un ministère chargé de
surveiller la situation.
Si je n'ai pas accès à mon enfant, je peux m'adresser au responsable du programme d'exécution des ordonnances attributives de droit de visite tout comme je peux m'adresser à lui si je ne reçois pas ma pension alimentaire. Les parents n'ont pas à se battre. Ils n'ont qu'à porter plainte. Rien n'excuse le refus d'accès.
C'est la seule façon d'arriver à régler une bonne partie des problèmes de violence.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Reid, vous avez épuisé votre temps de parole.
M. Doug Reid: Bien. La dernière chose...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y.
M. Doug Reid: ... c'est l'assurance-chômage. Ajoutez 0,5 p. 100 pour la pension alimentaire, parce que les choses se mettent à mal aller la première année qu'on est sans emploi, ce qui pose un tas de problèmes.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Mathisen.
M. Christopher Gratton Mathisen (témoigne à titre personnel): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, de m'offrir l'occasion de prendre la parole devant vous ce soir.
Au cours d'une période de deux ans et demi, j'ai comparu devant 27 juges différents à la suite de 48 demandes déposées par sept sociétés d'avocats, dont deux avaient été engagées par moi et le reste par mon ex-femme. La facture s'élève à plus de 500 000 $ et nous a presque acculés, si on compte aussi des dettes de la famille, à la faillite.
J'imagine que les litiges n'ont pas encore pris fin. Cinq autres enquêtes sont en cours au sujet du comportement de différents avocats, sans oublier le rapport de l'expertise en vertu de l'article 15 à ce sujet. Il se pourrait bien qu'il faille encore deux ou trois ans avant que ces enquêtes et d'autres encore aboutissent.
En 1995, sans que je le sache, ma femme, après avoir consulté plusieurs avocats, a intenté contre moi des poursuites judiciaires en déposant des affidavits faux et trompeurs pour obtenir qu'une ordonnance restrictive ex parte soit rendue contre moi. Cette ordonnance a été prononcée par un ami intime du père de mon ex- femme qui avait été juge de la cour provinciale en Colombie- Britannique. C'est ainsi que le statu quo de notre famille a changé.
Je n'avais rien contre le divorce. Tout était fini entre ma femme et moi. Cependant, je m'attendais à continuer à jouer mon rôle de père. Je ne m'attendais pas à ce que les liens que j'entretenais avec mes quatre filles soient rompus. Pour sa part, le tribunal tenait à maintenir le statu quo aux dépens de ces liens et de la loi elle-même.
Mon ex-femme a eu recours à toutes les manoeuvres possibles pour éloigner de moi et de leur famille élargie les enfants. On m'a refusé l'accès presque immédiatement. Le parent gardien a menti aux enfants et prétendu que j'avais abandonné la famille. Elle a dit aux enfants que j'avais une liaison avec sa propre soeur, leur tante, et que je ne lui versais pas 96 400 $ par année sous forme de pension alimentaire.
La relation que j'entretenais avec mes quatre filles s'est détériorée. En dix mois, je n'ai vu mes enfants au total que pendant huit heures, non consécutives. L'image de leur père avait changé à leurs yeux, tout comme la relation qu'elles avaient entretenue depuis leur naissance avec moi. La peur et la méfiance ont remplacé la tendresse, l'intimité et l'amour. J'étais devenu l'ennemi.
Il n'y a pas de mots pour décrire ce que j'ai ressenti. Je vivais dans l'incertitude, l'anxiété et la peur de perdre mes enfants. Je ne trouve pas les mots qu'il faut pour décrire tout ça; tout ce que je peux vous dire, c'est que ça a été une tragédie inutile et un désastre sur le plan du droit de la famille.
J'étais en colère et j'ai été choqué par la façon dont le tribunal a facilité l'aliénation parentale en se fiant à un psychologue dont mes enfants nient complètement les affirmations aujourd'hui. J'ai trouvé irritant le long et coûteux processus pour obtenir une date en vue de la présentation d'une demande, sans parler des ajournements qui ont suivi. La procédure judiciaire a inexorablement traîné en longueur et coûté très cher.
Le parent gardien a délibérément et ouvertement enfreint chacune des ordonnances du tribunal. En plus de s'être rendu coupable de violence, de parjure, d'agression et d'extorsion, le parent gardien s'est introduit par infraction chez moi avec quelques-uns de nos enfants en 1997 et a volé certains biens qui appartenaient à d'autres. Le juge de première instance s'est contenté de qualifier son comportement d'«inadéquat».
J'ai depuis appris qu'il s'agit là d'«aliénation parentale» et que c'est un cas classique et grave. Toutes les tactiques et armes de choix, y compris de fausses allégations de violence sexuelle, physique et psychologique, ont été utilisées contre moi, le parent visé, impunément et avec succès.
• 2140
Trois de nos quatre filles n'avaient aucune idée de ce que
leur mère et un psychologue avaient utilisé dans les affidavits, et
je n'ai pu exercer aucun recours durant les poursuites judiciaires
pour modifier le statu quo établi en décembre 1995.
La mesure dans laquelle le tribunal sanctionne une erreur de droit et de fait est un gaspillage affreux de l'argent des contribuables et nuit énormément aux liens que le parent visé peut entretenir avec ses enfants. Les armes de choix utilisées par tous les auxiliaires de la justice dans une cause matrimoniale comme la mienne vont à l'encontre des lois de notre pays et à l'encontre de l'éthique de notre société. Les tribunaux mêmes qui sont censés faire respecter les lois de notre Parlement ne font rien pour contrer ces pratiques auxquelles les avocats et les juges ont recours.
Mes filles et moi suivons maintenant une thérapie familiale pour discuter de notre situation. Chaque fois que nous nous réunissons, au moins une d'elles m'accuse de les avoir abandonnées en 1995. La confiance et l'intimité que nous partagions sont maintenant choses du passé. Il est possible que mes filles doutent de moi, et peut-être même d'elles-mêmes, pendant le reste de leur vie à cause des circonstances qui ont entouré le divorce de leurs parents.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Mathisen, je suis désolé, mais vos cinq minutes sont écoulées.
M. Christopher Gratton Mathisen: J'ai une seule recommandation à faire et c'est que dès que j'ai été accusé d'atteinte à la pudeur, en octobre 1995—on m'avait ordonné de ne plus revenir à la maison en juillet 1995—je pense que tous les auxiliaires de la justice auraient dû demander l'intervention d'un thérapeute familial ou d'un intercesseur pour les enfants. J'ai communiqué avec le ministère du Procureur général de la Colombie-Britannique à sept reprises et toutes les personnes à qui j'ai parlé m'ont dit de trouver un intercesseur pour les enfants. Pour sa part, le juge m'a dit que ce n'était pas nécessaire.
Il serait très utile, dans les divorces litigieux, d'avoir un spécialiste quelconque de la thérapie familiale, pas nécessairement un intercesseur pour les enfants, parce que dès que j'en ai eu un, après avoir dépensé 500 000 $, chacune de mes filles m'a dit: «Papa, je veux te voir plus souvent. Je ne sais pas ce qui est arrivé; je veux passer plus de temps avec toi.» Ce sont elles qui ont dit ça, mais on leur avait dit au tribunal que papa ne voulait pas les voir.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Y a-t-il des questions?
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Pour continuer dans le même ordre d'idées, en ce qui concerne les enfants à qui j'ai parlé et la situation que vous décrivez, je veux savoir si, d'après vous, dans un cas où un enfant dirait, si on le lui demandait—et je pense que quelqu'un devrait lui poser la question, l'intercesseur ou quelqu'un d'autre—qu'il ne veut pas voir l'autre parent, la loi devrait nous permettre de sonner immédiatement l'alarme et d'offrir des services de counseling à cet enfant. Peu importent les raisons pour lesquelles il dit ne pas vouloir voir un de ses parents, il a besoin d'aide. Nous sommes là en présence d'un enfant qui va éprouver des difficultés pendant le reste de sa vie. Pensez-vous qu'il serait possible de le faire par l'entremise des tribunaux?
M. Christopher Gratton Mathisen: Oui et je pense que c'est absolument essentiel.
Je ne m'aimerais pas moi-même. On m'a accusé de toutes sortes de crimes odieux et je comprends pourquoi ma plus vieille ne voulait pas me voir. Il lui a fallu un certain temps pour s'apercevoir que ce n'était pas vrai. Si une forme quelconque d'intervention était possible sur-le-champ, au moins on pourrait aller au fond des choses plus vite au lieu d'attendre que la procédure judiciaire interminable et coûteuse aboutisse.
Mme Carolyn Bennett: Il y a deux questions qui reviennent sans cesse. Premièrement, dans les divorces litigieux, qui de toute évidence traînent en longueur et coûtent cher, faudrait-il automatiquement assigner un avocat aux enfants?
M. Christopher Gratton Mathisen: Selon moi, oui. Si l'accès pose un problème, absolument.
Mme Carolyn Bennett: Deuxièmement, si l'enfant avait l'impression qu'un de ses parents est mauvais, que ce soit vrai ou non, faudrait-il lui offrir des services de counseling?
M. Christopher Gratton Mathisen: Oui. Franchement, comme je l'ai dit, je n'en veux pas à mes enfants de ne pas avoir voulu... Ma fille la plus vieille, Emily, qui... On lui a dit que papa n'était pas très gentil. Il lui a fallu trois ans pour s'apercevoir que...
Mme Carolyn Bennett: Il faut donner sa chance au coureur.
M. Christopher Gratton Mathisen: Oui.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice DeWare.
La sénatrice Mabel DeWare: J'aimerais que vous m'indiquiez l'âge de vos filles.
M. Christopher Gratton Mathisen: L'âge qu'elles avaient à ce moment-là ou l'âge qu'elles ont maintenant?
La sénatrice Mabel DeWare: Maintenant.
M. Christopher Gratton Mathisen: Emily va avoir 14 ans, Joanna 12 ans, Alexandra 11 ans et Gracie 6 ans.
La sénatrice Mabel DeWare: Monsieur Reid, à la fin de votre exposé, vous avez mentionné l'assurance-chômage. Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails? Je n'ai pas très bien compris.
M. Doug Reid: Oui.
La pension alimentaire peut poser un problème énorme la première année qu'on se trouve en chômage. Comme nous le savons tous, l'économie est instable et le chômage nous guette tous. On pourrait peut-être ajouter un demi pour cent ou peut-être même un point de pourcentage au complet pour couvrir la pension alimentaire durant la première année de chômage.
On a tendance à penser qu'on va de nouveau se trouver du travail, mais ce n'est pas toujours le cas. On prend du retard. Dès qu'on est en mauvaise posture, on est considéré comme un mauvais payeur. J'ai la garde de ma fille depuis deux ans et demi, et ça n'a aucun sens. Je me bats en cour présentement à ce sujet-là.
Si on avait une certaine protection la première année jusqu'à ce qu'on se remette à flot, ces problèmes ne se poseraient pas et il y aurait moins de violence familiale selon moi.
La sénatrice Mabel DeWare: Il y a du vrai dans ce que vous dites.
Monsieur Austin, au début de nos audiences—et il faudrait que je sorte mes statistiques—nous avons rencontré des médiateurs et des psychologues qui nous ont dit qu'ils donnaient des cours de formation à des avocats. De jeunes avocats les ont consultés pour être à la hauteur de la tâche s'il devait y avoir de la médiation. Ils reçoivent de la formation.
Vous parlez de formation juridique et d'évaluation familiale. Le comité s'est laissé dire que certains de nos jeunes avocats doivent suivre une séance de formation sur la violence familiale, les évaluations familiales, etc. dans le contexte de la procédure judiciaire applicable au divorce.
M. Erik Austin: Oui, je suis d'accord et j'irais même jusqu'à dire qu'il faudrait qu'ils fassent un stage, comme les médecins, pour se faire une idée sur le terrain des types de situations auxquelles ils peuvent être confrontés.
Il serait probablement irréaliste de s'attendre à ce que quelqu'un qui n'a pas suivi une longue thérapie comprenne la complexité de la dynamique à laquelle Mme Bennett a fait allusion, comme l'identification de l'enfant avec l'agresseur, pour survivre psychologiquement, et la possibilité pour l'enfant, peut-être sous la direction d'une personne objective qui le représenterait, de parler sans contrainte de la relation elle-même.
La pathologie de l'unité familiale n'est pas uniquement le produit de ses composantes; c'est un amalgame qui est créé. C'est comme un troisième élément qui s'élève au-dessus de tout et qui a autant besoin de counseling. Plus vite le système pourra offrir ce genre d'intervention de manière positive et éducative, avant qu'une procédure judiciaire déchirante soit entamée, mieux ce sera pour tout le monde.
La sénatrice Mabel DeWare: Deux témoins nous ont tenu à peu près le même discours ce soir.
Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: Monsieur Mathisen, quel âge avez- vous dit que vos enfants avaient au moment où l'ordonnance a été rendue?
M. Christopher Gratton Mathisen: En 1995, Emily devait avoir 11 ans, Joanna 9 ans, Alexandra 7 ans et Grace 2 ans.
Le sénateur Duncan Jessiman: Mais il y a eu une audition?
M. Christopher Gratton Mathisen: Non, c'était ex parte. C'était...
Le sénateur Duncan Jessiman: Il n'y a pas eu d'auditions?
M. Christopher Gratton Mathisen: Non. Une ordonnance restrictive ex parte a été rendue par le juge Stu Leggatt.
Le sénateur Duncan Jessiman: Et vous n'étiez même pas représenté par un avocat?
M. Christopher Gratton Mathisen: Non.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je tiens à vous rappeler que...
La sénatrice Anne Cools:
[Note de la rédaction: Inaudible]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui.
La sénatrice Anne Cools: Je n'arrête pas de demander au président de consigner ça au compte rendu pour que nous puissions le citer.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): J'ai quelque chose à dire.
La sénatrice Anne Cools: Le tribunal a-t-il enregistré l'affaire?
M. Christopher Gratton Mathisen: Oui, bien sûr.
Le sénateur Duncan Jessiman: Comment a-t-il pu l'enregistrer s'il n'y a pas eu d'audition?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): C'était ex parte...
Le sénateur Duncan Jessiman: Je comprends, mais vous avez bien dû comparaître devant le juge.
M. Christopher Gratton Mathisen: Oui. J'ai comparu et il a dit qu'il ne serait pas nécessaire de modifier l'ordonnance parce que j'allais avoir accès à mes enfants, et dès qu'on m'a refusé le droit de visite, il est devenu...
Le sénateur Duncan Jessiman: Attendez un instant.
Le coprésident (Roger Gallaway): Dois-je comprendre que...
Le sénateur Duncan Jessiman: Donnez-nous le nom de l'affaire.
La sénatrice Anne Cools: Donnez-nous le nom de l'affaire et le numéro du dossier.
M. Christopher Gratton Mathisen: Mathisen contre Mathisen.
Le sénateur Duncan Jessiman: Quel est le renvoi?
M. Christopher Gratton Mathisen: L'affaire a commencé à New Westminster sous le numéro E003143 et s'est terminée à Vancouver sous le numéro F970230.
C'était à Vancouver et j'ai tout laissé au greffier.
La sénatrice Anne Cools: Il faut que tout soit consigné. Il ne suffit pas de tout laisser au greffier. Tout devrait être consigné, y compris la juridiction.
Le sénateur Duncan Jessiman: Le numéro que vous venez de nous donner est-il celui de l'affaire entendue par le tribunal?
M. Christopher Gratton Mathisen: Oui.
Le sénateur Duncan Jessiman: Savez-vous si la décision a été publiée dans un des rapports de la Cour suprême de la Colombie- Britannique?
M. Christopher Gratton Mathisen: Non. Je n'en suis pas certain.
Le sénateur Duncan Jessiman: Mais voulez-vous dire qu'il n'y a jamais eu de procès?
M. Christopher Gratton Mathisen: Oui, il y a eu un procès. En octobre...
Le sénateur Duncan Jessiman: Y étiez-vous?
M. Christopher Gratton Mathisen: Oui, en octobre 1997, et je n'avais personne pour me représenter.
Le sénateur Duncan Jessiman: Mais vous avez dit que tout avait commencé en 1995 et qu'on vous avait refusé l'accès presque immédiatement. Est-ce que c'était en 1995?
M. Christopher Gratton Mathisen: Oui.
Le sénateur Duncan Jessiman: Pourquoi? De toute évidence, votre femme avait donné quelque chose au juge. Il a rendu une ordonnance, ex parte, à cause des preuves... Je sais qu'on vous a accusé de certaines choses, n'est-ce pas?
M. Christopher Gratton Mathisen: Non.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous avez dit avoir été accusé. Je croyais que vous nous aviez dit avoir été accusé de certains crimes odieux.
M. Christopher Gratton Mathisen: Non. Elle a obtenu une ordonnance restrictive de l'honorable Stu Leggatt à cause de mon harcèlement financier.
Le sénateur Duncan Jessiman: Votre harcèlement financier? Qu'est-ce que ça veut dire?
M. Christopher Gratton Mathisen: Elle a dit que je l'avais menacée de retirer les enfants de l'école privée pour filles Crofton House, de renvoyer la bonne d'enfants et de vendre la maison, et le juge Stu Leggatt lui a accordé une ordonnance ex parte.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous aviez un avocat. Vous avez eu deux avocats?
M. Christopher Gratton Mathisen: Oui.
Le sénateur Duncan Jessiman: Et aviez-vous un avocat à ce moment-là?
M. Christopher Gratton Mathisen: Pour infirmer la décision du juge Stu Leggatt?
Le sénateur Duncan Jessiman: Non. Vous n'aviez pas d'avocat lorsqu'elle...
M. Christopher Gratton Mathisen: Non.
Le sénateur Duncan Jessiman: Et lorsque vous avez changé d'avocat, pourquoi êtes-vous passé d'une société d'avocats à une autre?
M. Christopher Gratton Mathisen: D'abord et avant tout parce que les tribunaux étaient en train de m'anéantir. Je ne parvenais à rien. On m'avait promis un procès en juin 1996 et aucun des deux avocats n'avait déposé de certificat de procès, parce que les frais étaient pas mal élevés j'imagine. Donc, aucun certificat de procès n'avait été déposé et l'affaire avait été abandonnée. Je ne savais plus à qui m'adresser. C'est à ce moment-là que j'ai retenu les services de Georgialee Lang.
Le sénateur Duncan Jessiman: Et maintenant vous avez accès à vos enfants?
M. Christopher Gratton Mathisen: Je jouis d'un accès limité.
Le sénateur Duncan Jessiman: À quelle intervalle voyez-vous vos enfants?
M. Christopher Gratton Mathisen: Les filles ont demandé de me voir plus souvent, sénateur Jessiman. Je les vois une fin de semaine sur deux et tous les dimanches, mais je me suis remarié et nous avons en tout huit enfants ma femme et moi.
Nous les avons eues deux semaines et demie au cours des cinq dernières semaines. Nous les voyons souvent.
La sénatrice Anne Cools: Pour faire suite à ce que M. Jessiman disait, monsieur le président, lorsque nous reviendrons à Vancouver, nous devrions inviter Georgialee Lang à venir rencontrer le comité. Je l'ai entendue parler et elle est fameuse.
Le sénateur Duncan Jessiman: C'est elle qui vous a représenté la deuxième fois?
M. Christopher Gratton Mathisen: Elle m'a représenté, et je n'avais plus d'argent à ce moment-là, sénateur Jessiman. Elle m'a représenté jusqu'en janvier 1997 et c'est elle qui m'a aidé à obtenir un procès en octobre 1997.
La sénatrice Anne Cools: Oui, elle est très bonne.
M. Christopher Gratton Mathisen: Le procès a duré 13 jours devant le juge Frank Cole.
Le sénateur Duncan Jessiman: Avez-vous fait tous les paiements qu'on vous a demandés?
M. Christopher Gratton Mathisen: J'ai fait tous mes paiements jusqu'en janvier 1997 puis j'ai dû les réduire à cause d'une forclusion de la Banque Royale parce que nous avions construit une maison de rêve. J'ai réduit la pension de 96 400 $ à 60 000 $.
Le sénateur Duncan Jessiman: À 5 000 $ par mois?
M. Christopher Gratton Mathisen: Oui.
Le sénateur Duncan Jessiman: Et le tribunal était d'accord?
M. Christopher Gratton Mathisen: Non. Le juge Frank Cole a dit que la maison doit être vendue. Puis nous comparaîtrons de nouveau devant lui.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous essayez maintenant de vendre la maison?
M. Christopher Gratton Mathisen: Oui.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): C'est bien, merci.
La sénatrice Anne Cools:
[Note de la rédaction: Inaudible]
M. Christopher Gratton Mathisen: C'est toute une expérience.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous vous remercions d'être venus nous rencontrer. Comme le dit le vieux dicton biblique, les premiers seront les derniers. Vous étiez nos derniers témoins aujourd'hui et nous vous remercions d'avoir fait preuve de patience plus tôt dans l'après-midi lorsque nous avons pris du retard.
La séance est levée. Nous allons nous retrouver mercredi matin à 8 h 30 à Calgary.
Je vous remercie d'être venus.