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SJCA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE CHILD CUSTODY AND ACCESS

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL SUR LA GARDE ET LE DROIT DE VISITE DES ENFANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 11 mars 1998

• 1636

[Traduction]

Le coprésident (M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les participants.

Avant de commencer, je dois vous avertir que je devrai prendre la parole à la Chambre des communes vers 17 h 20. À ce moment-là, je demanderai à la sénatrice Cools d'assumer la présidence, en l'absence de la sénatrice Pearson.

Nous accueillons aujourd'hui deux groupes de deux personnes. Je vous souhaite la bienvenue. De la National Shared Parenting Association, Danny Guspie et Heidi Nabert. De Fathers Are Capable Too, ou FACT, Malcolm Mansfield, président, et Deborah Powell, porte-parole auprès des médias, à qui je souhaite également la bienvenue.

Je suppose qu'on vous a mis au courant de notre façon de procéder. Nous entendrons tout d'abord un bref résumé de ce que vous avez à dire, après quoi nous passerons aux questions. Je vous prie de commencer.

M. Danny Guspie (directeur exécutif, National Shared Parenting Association): Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir invités Mme Nabert et moi-même à participer aux audiences de votre comité.

La National Shared Parenting Association a été constituée sous le régime de la loi fédérale à titre de société à but non lucratif en novembre 1997. Nous sommes en train de structurer nos organisations provinciales. Jusqu'à maintenant, nous avons des sections locales au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, au Québec, en Ontario et en Saskatchewan. À partir de mai, nous aurons également une section locale en Alberta. Nous prévoyons d'être présents partout dans toutes les provinces et territoires du Canada dès la fin de 1998 et de compter des sections locales dans toutes les grandes villes du Canada.

Nous avons tenu jusqu'à maintenant deux conférences, l'une à Toronto, l'autre à Halifax l'an dernier. Trois autres conférences sont prévues pour l'année en cours. La prochaine aura lieu à Montréal en avril. Elle sera suivie par une conférence à Regina en septembre et par une autre à Calgary en novembre 1998.

Nous mettons l'accent sur les solutions au partage des rôles parentaux. De tels arrangements sont avantageux pour les parents, les enfants et l'ensemble de la société pour les raisons suivantes.

Les enfants n'auront plus à se demander où et avec qui ils vont être lorsque commencera le processus du divorce. Ils seront sécurisés de savoir que tout va s'arranger.

Les parents disposeront d'un moment de répit pour régler leurs problèmes en s'informant et en obtenant au besoin de l'aide professionnelle. Ils seront en mesure de restructurer leur vie et d'être à l'écoute des besoins de leurs enfants durant la période de transition.

La société canadienne bénéficiera du changement d'attitudes à mesure que les 10 millions de personnes touchées directement ou indirectement par le divorce au pays élaboreront de nouveaux mécanismes d'adaptation ayant pris conscience qu'il n'est plus socialement plus acceptable de faire subir aux enfants la violence émotive qu'engendre un conflit non réglé au moment du divorce.

La National Shared Parenting Association ambitionne d'éliminer du paysage canadien les «gémissements et les grincements de dents» qui accompagnent trop souvent les divorces, notamment lorsque des enfants sont en cause. Nous y arriverons en aidant aux parents à faire la paix durant le processus du divorce en créant un réseau national de ressources utiles accessibles à l'échelle locale partout au Canada par le truchement d'organisations d'entraide, d'associations, de professionnels et de réseaux communautaires.

L'Association aide les parents à comprendre qu'ils ont la capacité d'acquérir les moyens leur permettant d'améliorer la qualité de vie de leurs enfants au cours du processus du divorce. Les enfants apprennent de leurs parents la plupart de ce que qu'ils savent en matière de résolution de problème. Or, si les parents ne sont pas bien informés, ils risquent trop souvent d'apprendre à leurs enfants comment éviter les solutions.

Heidi et moi-même sommes des enfants adultes du divorce. Selon nos projections des données de Statistique Canada de 1991 portant sur les familles, le Canada compte environ 7 millions de familles. Plus de 1,25 million de ces familles ont vécu directement un divorce. On peut donc dire qu'environ 2 millions de personnes au Canada ont vécu le divorce quand elles étaient enfants. Ajoutez papa et maman et le chiffre double pour atteindre 4 millions. Ajoutez maintenant les parents, en supposant que la moitié d'entre eux sont encore vivants, et nous voilà rendus à 6 millions de personnes. Il suffit maintenant d'ajouter d'autres membres de la famille élargie comme les tantes, les oncles, les cousins, certains membres de la belle-famille pour en arriver à un total conservateur qui englobe pratiquement le tiers de la population canadienne.

• 1640

Le divorce sans égard à la faute est un mythe. Mme Nabert et moi-même vous invitons à faire preuve d'ouverture d'esprit par rapport aux expériences que nous souhaitons partager avec vous à titre d'enfants du divorce qui ont grandi au cours des années 1960 et 1970.

Je vais maintenant céder la parole à Mme Nabert. J'aurai quelques derniers commentaires à faire par la suite.

Mme Heidi Nabert (directrice, National Shared Parenting Association): Qui suis-je? J'étais une enfant très heureuse, curieuse et fascinée. Voici une photo de moi à l'âge de cinq ans. J'étais fascinée par le monde et tout ce qu'il avait à offrir. Dans son journal qui s'étend sur une période de cinq ans, mon père relate mes découvertes quotidiennes. J'avais beaucoup d'estime pour lui. Il était mon héros. Il est le premier homme que j'ai aimé et le premier homme à m'avoir aimée. Nous étions inséparables et nous avons fait beaucoup de choses ensemble, comme en témoignent ces vieilles photos.

Lorsque j'avais cinq ans, tout a basculé et ont alors commencé les années noires caractérisées par des mots d'adultes que j'arrivais à peine à prononcer, et encore moins à comprendre: abandon, rejet, aliénation, perte de l'estime de soi, mauvais traitements, inceste, dépression profonde, tentatives de suicide, viol, colère, déception, peur, mépris de soi, et enfin rage. Je me sentais responsable de l'état psychologique de ma mère et je n'ai jamais bien compris ce que j'avais fait pour causer le départ de mon père.

À l'âge de huit ans, encouragée par ma mère, je disais à mon père qu'il était méchant et que je ne voulais plus jamais le voir. Pour survivre comme enfant, je ne cessais de me répéter que rien n'avait d'importance. Quoi qu'il m'arrivait, cela n'avait pas d'importance. Voilà quel était mon mécanisme de survie.

Le divorce était quelque chose de honteux. Lorsque ma famille est morte en 1960, personne n'en a parlé, pas même le prêtre à notre église. La douleur de la mort de ma famille a déterminé qui j'étais et qui je suis devenue. Il ne se passe pas de jour sans que je souffre de la douleur et de la tristesse profondes d'avoir perdu ma famille.

Lorsque j'ai eu 25 ans, je me suis sentie suffisamment forte pour communiquer avec mon père. Je voulais panser les plaies dans mes rapports avec lui. Je n'en ai cependant jamais eu l'occasion. La veille de notre rencontre, il est décédé d'un infarctus massif. Je n'ai jamais pu boucler la boucle avec mon père.

C'est seulement après un processus de guérison de 35 ans que j'ai pu trouver une certaine sérénité dans ma vie et que j'ai pu avoir le courage de parler d'un sujet qui m'a obsédée durant une bonne partie de ma vie. Aujourd'hui, je perçois mon rôle comme étant celui de porte-parole des enfants canadiens du divorce qui n'ont pas le moyen de s'exprimer.

Aujourd'hui, à 42 ans, je réussis bien en affaires comme dirigeante d'une entreprise de graphisme. Je suis cofondatrice et administratrice de Fathers' Resource International ainsi que cofondatrice et présidente nouvellement élue de la National Shared Parenting Association of Canada.

Le divorce bouleverse tout pour les enfants. Ils ne le vivent pas de la même façon que les parents. Il faut surtout comprendre que les enfants perdent alors la composante la plus fondamentale de leur développement personnel. Ils perdent leur structure familiale. Le réseau de soutien qui est nécessaire à la plupart des familles lorsque survient une tragédie n'existe pas. Encore aujourd'hui, les principales victimes, les enfants, ne bénéficient pas d'un tel réseau.

• 1645

On peut comparer la vie d'un enfant à une maison: les briques représentent les ressources financières et le ciment, l'amour qui permet à l'édifice de tenir debout. Les fondations, c'est l'enfance. La maison grandit au rythme de l'enfant. S'il n'y a pas d'apport financier, c'est comme s'il n'y avait pas de briques pour faire avancer la construction de la bâtisse. Sans l'amour et le soutien émotif des deux parents, c'est comme s'il n'y avait pas de ciment pour lier ensemble les briques.

Quel est donc le coût du divorce pour les enfants d'aujourd'hui? Les données statistiques confirment le coût très élevé de l'absence du père. Pour les filles, qui ne se sentent jamais dignes de l'amour d'un homme, c'est le drame des filles-mères. Chez les filles provenant de foyers où le père est absent, 53 p. 100 sont plus susceptibles de se marier à l'adolescence, 111 p. 100, de porter un enfant à l'adolescence, 164 p. 100, de donner naissance avant le mariage et, 92 p. 100, de mettre fin à leur mariage. Ces chiffres sont tirés d'un livre qui s'intitule Single Moms and their Children.

Deuxièmement, les filles qui sont privées d'une relation stable avec un homme adulte qui est en mesure de les aimer sans chercher à les exploiter se retrouvent coincées, aux prises avec des questions de sécurité et de confiance que peuvent régler de façon heureuse les filles qui ont eu un père attentif. Il y a, à l'intérieur, une voix qui demande: que dois-je faire, qui dois-je être, pour trouver un homme qui ne m'abandonnera pas, comme l'ont fait tous les hommes de ma vie et de la vie de ma mère?

Pour les garçons, c'est la difficulté de ne pas savoir comment être un homme ou comment interagir avec les femmes. Bien souvent, la violence masque la colère causée par l'absence du père. Voici une citation de Growing Up in Canada, à la page 128:

    L'éclatement de la famille débouche sur le stress et la pauvreté et peut mener à des problèmes de discipline et de responsabilité; c'est la perspective du comportement.

Ainsi, l'avenir est sombre pour les garçons et pour les filles qui ont en commun une faible estime de soi, des problèmes de décrochage scolaire, de dépendance, de préparation insuffisante à l'emploi, de toxicomanie, de prostitution, de criminalité, d'itinérance et, comme si ce n'était pas suffisant, de suicide.

En effet, mesdames et messieurs, des enfants que j'ai connus comme enfants ne sont plus ici aujourd'hui. Ils sont morts. La souffrance des enfants du divorce est une véritable catastrophe aujourd'hui. Pourtant, il existe un grand nombre de solutions efficaces qui pourraient faire économiser des millions de dollars aux contribuables et ramener à la santé les petits coeurs brisés des enfants du divorce du Canada.

Le projet de loi C-41 est incomplet. Cette mesure nous a offert les mécanismes permettant de répondre aux besoins financiers des enfants. Nous avons donc les briques. Par contre, le projet de loi ne répondait en rien à un besoin capital des enfants, à savoir celui du soutien des deux parents sur le plan émotif, surtout après le divorce. Il s'agit là du ciment. Si l'enfant n'a pas la garantie de rapports suivis avec le parent non gardien, c'est comme si la moitié des fondations de sa maison était d'une solidité douteuse.

Les enfants se définissent en fonction de leurs parents. Ils structurent leur identité en prenant leurs parents comme modèles. Le fait de ne pas permettre à l'enfant de bénéficier d'un régime stable de rapports avec le parent non gardien revient ni plus ni moins à le violenter, ce qui entraîne toutes sortes de problèmes de société coûteux à mesure que l'enfant grandit.

Pourquoi le comité devrait-il s'en inquiéter? Quels sont les coûts pour la société? Les enfants du divorce ont la rage au coeur. Les statistiques ne m'étonnent pas du tout. Je n'ai qu'à penser à ma propre expérience.

Ils sont nombreux ceux qui tentent de régler ces questions en ayant recours aux tribunaux. J'aimerais partager aujourd'hui avec le comité l'expérience de mon propre divorce. Je n'ai pas d'enfants. J'ai communiqué avec la Law Society of Upper Canada et j'ai pu bénéficier d'une consultation gratuite de 30 minutes avec un avocat. Cela ne m'a rien coûté. J'ai dit à l'avocat que je ne connaissais pas mes droits, que je voulais mettre un terme à mon mariage et que je voulais savoir si je perdrais mon droit de propriété si je quittais la maison.

• 1650

Sa réponse m'a choquée. Il m'a demandé pourquoi je quittais mon ami. J'ai répondu que c'était moi qui étais malheureuse et que, selon mon mari, il me suffirait d'une thérapie pour arranger les choses et que tout aille pour le mieux. De toute évidence, il ne s'opposait pas au counselling matrimonial. À ce moment-là, l'avocat m'a déclaré que je devrais faire en sorte qu'il me frappe. C'est d'ailleurs ce que j'ai répété au Globe and Mail. Voilà en effet ce que m'a dit un avocat. Nous avons été mariés 17 ans et mon mari n'a jamais levé la main sur moi. Pourtant, l'avocat m'a dit que si j'arrivais à faire en sorte qu'il me frappe, je pourrais le faire expulser de la maison et que j'obtiendrais la pension alimentaire du conjoint.

Le Parlement a le devoir envers les contribuables du pays de veiller aux normes et pratiques des tribunaux et aux coûts de leurs activités, tout particulièrement en matière de droit familial. Mesdames et messieurs, pouvez-vous me dire quelles peuvent bien être les répercussions de ce conseil que m'a donné un juriste professionnel, à savoir essentiellement de mentir à mon avantage, sur les petits enfants de notre pays?

Je n'ai pas suivi le conseil de cet avocat. Il est plutôt odieux qu'un juriste professionnel m'ait proposé d'agir à l'encontre de la vérité, d'autant plus que certaines femmes qui sont battues n'arrivent pas à se faire entendre devant les tribunaux parce que ces derniers sont bondés de femmes qui prétendent avoir été battues alors qu'elles ne l'ont pas été.

En terminant, il convient de se demander quelles sont les solutions à ce problème. Il y en a beaucoup. Je ne citerai qu'un exemple et je serai très brève: le programme SMILE mis en oeuvre au Michigan. Les parents qui entament une procédure de divorce aux États-Unis sont contraints—croyez-le ou non—à visionner une bande vidéo montrant des enfants qui expliquent ce que le divorce de leurs parents a signifié pour eux. C'est une vraie révélation pour les gens qui voient la vidéo. Les parents se réveillent et se disent: «Mais mon Dieu ces querelles sont en train de tuer nos enfants. Arrêtons de nous quereller et trouvons un terrain d'entente». Le programme donne des résultats, mesdames et messieurs. Si la formule fonctionne aux États-Unis, elle devrait aussi fonctionner au Canada.

En conclusion, j'aimerais que vous vous imaginiez un Canada où la criminalité chez les jeunes ne représenterait plus que 10 p. 100 de ce qu'elle est aujourd'hui, où les grossesses et la toxicomanie chez les adolescents seraient beaucoup moins fréquentes qu'à l'heure actuelle, où seuls ceux qui ont une déficience recevraient de l'aide sociale et où les cas de violence familiale seraient exceptionnels, leur nombre ne représentant plus que 1 p. 100 de ce qu'il est aujourd'hui.

Le taux de divorce national approchant les 50 p. 100, ce qui signifie que le divorce touche directement ou indirectement 17 millions de Canadiens, voici l'occasion pour ceux d'entre vous qui êtes élus de défendre les intérêts de vos électeurs et de faire en sorte que le Canada soit un meilleur endroit où grandir, en particulier pour les enfants du divorce.

Je vous remercie.

M. Danny Guspie: J'aimerais aussi dire quelques mots en guise de conclusion et vous parler un peu de ma propre expérience.

Comme je l'ai dit plus tôt, le divorce sans égard à la faute est un mythe dans ce pays. Or, la Loi sur le divorce devait aboutir au divorce sans égard à la faute.

J'ai attendu toute ma vie pour que quelqu'un comprenne ce que j'avais vécu. J'ai attendu toute ma vie l'occasion qui m'est donnée maintenant.

Ma famille est morte. Elle est disparue. Elle n'existe plus. Le système lui a asséné le coup de grâce. Voici comment le système a aidé: il m'a tout pris—mon estime de moi-même, ma confiance, mon assurance comme jeune homme, ma sécurité, ma tranquillité d'esprit et la capacité de composer avec la vie. Quant à mes parents, ils ont perdu beaucoup d'argent et ils ont aussi perdu tout contact avec moi pendant de nombreuses années. Toute notre famille élargie a été détruite.

La plupart des enfants du divorce réagissent à cette réalité pénible en se tournant vers la petite criminalité, la toxicomanie et la promiscuité sexuelle. Trop souvent, ils finissent ensuite par se joindre à un gang ou au crime organisé ou deviennent des toxicomanes à vie et des prostitués. Les enfants visés essaient ainsi d'échapper à une réalité qui est trop pénible pour eux. Lorsque leur famille cesse d'exister, les enfants commencent à se prendre pour leurs propres parents ou pour les parents de leurs amis. Moi, je me suis évadé dans la drogue. Je me suis gelé jusqu'à l'overdose cinq fois. En fait, je ne devrais pas être ici. Je devrais être mort.

• 1655

Le divorce, dans mon cas, a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Comme Mme Nabert, bon nombre des amis que j'avais et qui ont vécu la même expérience que moi ne sont plus ici aujourd'hui. Au moins une dizaine de mes amis sont morts d'une overdose que je peux directement attribuer au fait qu'ils ont commencé à rouler leur premier joint lorsque leurs parents se sont séparés.

Pourquoi? Savez-vous pourquoi? C'est parce que l'attitude de notre société à l'égard du divorce... peut-être que je ne devrais pas intervenir. Comment puis-je aider? Il y a une absence totale de pitié, de compassion, de vérité, de justice et, surtout, d'amour pour ceux qui vivent cette situation difficile. Où est l'amour? Comment un enfant comme moi-même peut-il apprendre à aimer dans cette situation? Comment puis-je jamais aimer quelqu'un d'autre lorsque je ne m'aime pas moi-même?

Voilà ce qui manque tellement à la Loi sur le divorce: l'amour de ces enfants dont les parents sont temporairement fous de douleur et paralysés par les ravages que cause le divorce.

J'ai attendu toute ma vie pour que quelqu'un comprenne ma souffrance et j'ai ensuite rencontré Heidi. Elle est ma compagne dans tous les sens du mot. Aujourd'hui, enfin, j'ai trouvé l'amour auprès de quelqu'un qui comprend exactement ce que j'ai vécu.

Nous avons rencontré d'innombrables autres enfants du divorce devenus adultes qui, comme nous, commencent à rendre compte de ce qui leur est arrivé. Ils peuvent finalement parler de leur expérience et dire ce qu'ils ont vécu étant enfants.

Je peux difficilement vous faire part en quelques minutes de tout ce qu'a signifié le divorce de mes parents dans ma vie. Il est ironique aussi que le juge nommé en vertu de l'article 96 décide du sort d'un enfant en 90 secondes au moment de la première audience. Voilà le principal problème d'ordre juridique auquel font face les enfants du divorce. Personne ne prend le temps d'écouter qui que ce soit ou d'observer ce qui se passe, pas même ceux que la loi charge de le faire. Les juges nommés en vertu de l'article 96 ne tiennent fréquemment pas compte du meilleur intérêt de l'enfant parce qu'ils n'ont aucune idée de ce que cela peut être. Ils n'ont pas la sensibilité voulue pour cela.

J'ai moi-même été témoin de nombreuses occasions où des juges du tribunal pour la famille ont traité ceux qui s'adressaient à eux grossièrement et sans respect, disant aux sténographes juridiques de cesser de prendre des notes pour qu'il n'y ait aucune trace de leur comportement. La plupart du temps, ils s'en prennent ainsi à des hommes, à des pères qui sont censés être coupables de quelque chose. J'ai rarement entendu un juge parler de réconciliation et de la façon d'y parvenir.

Il incombe au Parlement de faire en sorte que tout soit traité avec justice et équité. Il faut aussi viser un certain équilibre. L'article 9 de la Loi constitutionnelle confère au Parlement le pouvoir de faire appliquer ces principes. Le Parlement doit insister pour que justice soit faite. Il doit exiger que les juges nommés en vertu de l'article 96 aient un comportement acceptable comme l'exige l'article 99 de la Loi constitutionnelle. Le Parlement doit insister pour que les tribunaux supérieurs ne se fassent pas les complices de ceux qui n'hésitent pas à recourir au parjure, aux faux-fuyants, à la tromperie et à la méchanceté. Ne pas le faire revient à jeter le discrédit sur l'administration de la justice et à miner la confiance du public dans nos institutions.

Le paragraphe 16(8) de la Loi sur le divorce est celui qui revêt le plus d'importance pour les enfants du divorce. Les juges ne peuvent s'acquitter de leur tâche en 90 secondes. Voici ce que prévoit ce paragraphe:

    En rendant une ordonnance conformément au présent article, le tribunal ne tient compte que de l'intérêt de l'enfant à charge, défini en fonction de ses ressources, de ses besoins et, d'une façon générale, de sa situation.

Comment le juge peut-il ne tenir compte que de l'intérêt de l'enfant s'il ne connaît pas ses ressources, ses besoins et sa situation? Comment peut-il le faire?

• 1700

L'utilisation du temps présent dans ce paragraphe signifie que le juge n'a pas de pouvoir discrétionnaire à cet égard. Le Parlement insiste pour qu'il le fasse à chaque fois. Il existe un droit d'appel des jugements ou des ordonnances permanentes ou provisoires rendus en vertu de cette loi. Par conséquent, nous souhaitons savoir si le comité est d'accord pour dire que le gouvernement fédéral doit demander des comptes aux juges nommés en vertu de l'article 96. Nous espérons que c'est bien votre avis.

Nous ne réclamons rien d'extraordinaire. Nous demandons simplement que les juges soient efficaces au lieu d'être grossiers. Le Parlement devrait réclamer que cette institution dépense de façon responsable les crédits qui lui sont alloués tout comme doit le faire n'importe quelle autre institution parlementaire. Il faut s'assurer que l'argent des contribuables est dépensé à bon escient.

Pourquoi? Parce que lorsqu'on est en instance de divorce et qu'on n'a plus d'argent et que les problèmes ne sont toujours pas réglés, on ne peut pas attendre une aide quelconque du système.

C'est mal. La justice sans la pitié, la compassion, le souci d'autrui, la vérité, l'intégrité, l'honnêteté et la dignité—la simple dignité humaine—et le désir de faire ce que nous devons faire et non pas ce que nous voudrions faire n'est pas la justice. C'est une parodie de justice. C'est un manque de respect total envers notre mode de vie.

Je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui soit sorti d'un tribunal pour la famille avec une lueur d'espoir, mais c'est effectivement ce dont ont besoin les gens: l'espoir. Ne convenez-vous pas qu'il faut aider les enfants à cicatriser leurs blessures au lieu de se faire mutuellement des reproches? Si l'on part du principe que le partage des rôles parentaux est une bonne chose, le droit des enfants à l'amour de leurs deux parents pendant et après le divorce sera protégé et assuré. Personne ne conteste le droit d'un enfant qui se trouve dans une famille unie à l'amour de ses parents. Si le divorce sans égard à la faute existe vraiment, pourquoi en serait-il autrement pour les enfants du divorce? N'est-ce pas un droit qui vient de Dieu?

Lorsque j'avais environ 14 ans, j'ai rêvé qu'un jour je trouverais une cure pour le divorce et que ce mal serait banni de notre pays. J'y travaille toujours.

La plupart des divorces se déroulent dans la colère. Pourquoi ne serait-ce pas le cas?

Il nous faut un processus dont on peut se souvenir facilement et dont la mise en oeuvre est simple. Mme Nabert et moi-même avons fait beaucoup de recherches en nous basant sur notre expérience et sur celle des gens que nous avons rencontrés.

Nous avons des documents à vous remettre. Malheureusement, nous n'avons pas eu le temps voulu pour les faire traduire. Nous espérons sincèrement que vous y jetterez un coup d'oeil après la séance. Le document s'intitule: «Divorce 101». Nous le remettons aux greffiers.

Si les parents étaient incités à accepter la médiation ou à suivre un cours sur les différents aspects du divorce, le tribunal de la famille deviendrait l'option de dernier recours pendant un divorce au lieu de la seule option prévue dans la loi. Il nous faut faire en sorte qu'il soit plus difficile pour les parents de se déchirer pendant le divorce et qu'il soit beaucoup plus facile pour eux de trouver les outils dont ils ont besoin pour que la question de la garde des enfants et des droits de visite ne pose plus de problème. Tant que les enfants seront considérés comme un trophée à remporter, les parents continueront leur lutte.

L'an dernier, avant le décès de ma grand-mère Caroline, mon père, ma belle-mère, ma demi-soeur et d'autres membres de ma famille et moi-même avons mangé ensemble le dîner de Pâques. Mes deux grands-mères, la soeur de ma mère et ma tante y étaient également. C'était la première fois que je voyais ma famille rassemblée dans une même pièce depuis plus de 25 ans. Aucun enfant ne devrait attendre si longtemps pour que cela se produise.

Vous avez l'occasion de changer la situation. Je ne peux pas songer à un problème plus grave auquel fait face aujourd'hui notre pays. Comment pourrait-il en être autrement?

Lorsque le Roi Salomon demanda une épée pour couper en deux un enfant, le bon sens a prévalu. Il a vu que l'une des deux femmes prétendant être la mère de l'enfant faisait passer ses besoins devant ceux de l'enfant. Il a alors compris qui était la vraie mère de l'enfant.

Le moment est venu d'imposer cette norme de conduite aux parents qui divorcent ainsi qu'aux juges nommés en vertu de l'article 96. On s'attend qu'ils fassent preuve de la même clairvoyance et de la même pitié.

On ne peut plus posséder une autre personne dans ce pays depuis 100 ans. Ce gouvernement nous accordera-t-il enfin le divorce sans égard à la faute en partant de l'hypothèse que tout enfant a besoin de l'amour, des conseils et des soins de ses deux parents?

Je vous remercie.

• 1705

Le président: Je vous remercie. Je m'excuse, mais je pense que nous avions demandé aux groupes de ne pas prendre plus de 10 minutes pour nous présenter leurs points de vue, et nous avons permis à ce groupe de dépasser le temps imparti. Je vous demanderais d'essayer de circonscrire vos propos. Nous ne voulons nullement vous bâillonner, mais notre temps est limité et le comité compte beaucoup de membres.

M. Malcolm Mansfield (président, Fathers are Capable Too (FACT)): Je vous remercie, monsieur le président. Je vous sais gré de me donner l'occasion aujourd'hui de prendre la parole devant le comité au nom de FACT et au nom des enfants du Canada et des enfants du divorce du monde entier. Je tiens à vous remercier ainsi que les membres du comité de me donner cette occasion. Je suis un peu intimidé à l'idée de me retrouver dans ces augustes lieux pour parler au nom de tant d'enfants canadiens.

Permettez-moi d'abord de me présenter. Comme vous l'avez dit, je m'appelle Malcolm Mansfield et je représente FACT. Deborah Powell est l'agent de relations avec les médias de FACT.

Je suis un père, un expert-conseil et un militant politique. Je vous expliquerai dans un instant ce qui m'a amené à me diriger dans cette voie.

Je représente aujourd'hui les enfants du divorce du monde entier. Qu'est-ce que FACT? Nous sommes un organisme aux vues modérées qui réclame la justice au sein des familles. Nous comptons des hommes et des femmes comme membres. Nous défendons les droits des enfants à avoir une famille. Nous proposons une image positive du père ainsi que le partage des responsabilités en ce qui touche l'éducation des enfants.

J'aimerais vous entretenir aujourd'hui du droit des enfants à avoir une famille, à ce qu'on leur présente une image positive du rôle du père, du partage des responsabilités en ce qui touche l'éducation des enfants, des travers du féminisme et des dépenses qu'il faudra engager pour rétablir l'équilibre.

Je vais me reporter à mes notes pour vous faire mon exposé, mais je n'ai pas de texte à vous fournir. On va vous présenter beaucoup de tableaux, d'exposés, de recherches et d'arguments intellectuels dont certains seront très impressionnants et d'autres viendront tout simplement du coeur, et à travers ceux qui vous présenteront ces faits, vous entendrez la voix des enfants qui demandent à ce que leurs parents cessent leurs querelles et qui demandent aussi à voir leurs pères. Vous les entendrez vous dire cela si vous écoutez soigneusement.

J'aimerais vous raconter une petite histoire. Deborah et moi essayions frénétiquement de préparer ce mémoire parce que nous n'avions pas beaucoup de temps pour le faire. Un autre membre de FACT est entré dans le bureau. J'essayais aussi de trouver le temps d'aller voir ma fille qui tient le rôle principal dans une pièce à son école. Je montrais à ce membre de FACT une petite brochure qui mentionnait qu'elle jouait le rôle de Bilbo dans la pièce «The Hobbit». Je faisais part de ma fierté à cet autre membre de FACT. J'ai vu dans ses yeux une grande tristesse et je me suis rendu compte qu'il ne pouvait pas se réjouir avec moi du fait que ma fille participait à cette pièce. Il ne pouvait pas le faire parce qu'il a lui-même un enfant de sept ans qu'il n'a pas vu depuis quatre ans. Depuis quatre ans, son ex-compagne et lui luttent et il n'a pas pu voir son enfant.

Cela m'a tellement frappé que j'ai pensé que je devais vous en faire part aujourd'hui. Ce n'est que l'un des cas de ce genre à se produire au pays. Des pères partout au Canada essaient désespérément de jouer un rôle dans la vie de leur famille et on les empêche souvent de le faire par esprit de vengeance.

• 1710

Le gouvernement fédéral a l'obligation de comprendre ce qui se passe dans les tribunaux canadiens et ce qui se passe sur le terrain. Nous voulons savoir ce qu'il advient de l'argent des contribuables. Les avocats utilisent des tactiques dilatoires dans les tribunaux, ce qui fait augmenter les frais juridiques. Les querelles qui ont lieu au sein des familles et devant les tribunaux sont source de toutes sortes de problèmes: dépenses sociales, dépenses d'aide juridique, dépenses de santé, stress, problèmes émotifs, maladie, absentéisme au travail, accident, nombre accru d'accidents de voiture, dépression et violence. Nous devons faire en sorte que la situation cesse par tous les moyens.

J'aimerais aussi vous parler du rôle positif du père. Autrefois, le père était vu comme le protecteur, le soutien de famille et le modèle masculin, mais aujourd'hui, on voit davantage le père comme quelqu'un qui participe à part entière aux soins à prodiguer aux enfants ainsi qu'à leur éducation. Voilà le rôle du père au XXIe siècle.

Nous pensons qu'éventuellement les pères assumeront ce rôle et qu'ils le feront dans le cadre d'un partage des responsabilités parentales. Nous devons assurer le maintien des relations entre pères et enfants. Les enfants ne devraient pas perdre leurs pères lorsqu'il y a éclatement du mariage.

Le partage des responsabilités parentales crée une situation où il n'y a pas de perdant. Les enfants continuent à vivre avec leurs deux parents et à profiter de leur amour et de leurs soins. Lorsqu'il y a un divorce, les enfants ont encore plus besoin de l'affection, de l'amour et des conseils de leurs deux parents. Lorsqu'ils sont privés de l'un de leurs parents, ils ressentent de l'insécurité, laquelle est source de stress. On peut directement attribuer au stress différentes choses dont les grossesses chez les adolescentes et des problèmes de comportement chez les enfants.

J'aimerais vous convaincre aujourd'hui qu'on devrait partir du principe que les deux parents doivent participer à l'éducation des enfants. Lorsque la garde de l'enfant est accordée à un seul parent et que le père de l'enfant est relégué au rôle de papa-gâteau ou de papa-Disneyland, c'est l'enfant qui perd. Le divorce est cause d'insécurité pour l'enfant. Si maman et papa ne s'aiment plus, vont-ils cesser de m'aimer moi aussi? Les enfants ne souffrent pas du fait d'avoir trop d'attention de leurs parents. Ils ont besoin d'autant d'amour et d'affection que possible des deux parents.

Je voulais aussi parler des dépenses importantes que nous engageons pour promouvoir le droit des femmes et des statistiques erronées qui proviennent de Condition féminine Canada. Ainsi, j'ai appris que le budget de fonctionnement de Condition féminine Canada pour 1996 était de 16,563 millions de dollars. Aucun financement n'est accordé aux groupes d'hommes. Nous n'avons pas les ressources voulues ni le temps voulu pour préparer ces mémoires comme peuvent le faire les groupes de femmes.

Les statistiques qui figurent dans les rapports sont grandement exagérées et sont même montées de toutes pièces dans certains cas. Elles résultent d'extrapolations multiples et il y a souvent confusion entre la cause et l'effet.

Ainsi, d'après le rapport de Condition féminine, le coût total des mauvais traitements s'élèverait à 4 milliards de dollars et le coût annuel de la violence à l'égard des femmes de 4,227 milliards de dollars. D'après Margaret Wente, la rédactrice des affaires économiques du Globe and Mail, aucun de ces chiffres n'est juste. D'après elle, ce chiffre de 4,2 milliards de dollars n'a rien à voir avec la réalité. Cet article a paru le 24 août 1996.

• 1715

Il nous faut arriver à un juste équilibre. Il nous faut assurer un financement égal aux groupes d'hommes et aux groupes de femmes et faire en sorte que les mêmes conditions s'appliquent à tous. Nous n'avons absolument pas d'aide financière et nous ne pouvons pas présenter notre position comme peuvent le faire d'autres groupes.

Peut-être avez-vous quelques mots à ajouter, Deborah.

Mme Deborah Powell (porte-parole, Fathers are Capable Too (FACT)): J'ai été élevée dans une famille unie dans une petite ville paisible. Malheureusement, mon père est mort il y a 21 ans lorsque quelqu'un est entré par effraction dans notre maison avec un fusil et l'a tué.

Avant de mourir, mon père m'a cependant appris ce qu'étaient la justice et l'équité. Mon père est mort de façon violente.

J'ai un frère jumeau. Mon frère a un fils et lorsque la mère de son fils a décidé de le quitter, nous nous sommes retrouvés devant le tribunal de la famille. J'ai pensé, il va aussi perdre son fils en raison de la violence comme il a perdu son père. La seule différence, c'est que cette violence-ci est permise par la loi. J'ai pleuré pour lui.

Je vois des pères qui se retrouvent tous les jours dans cette situation et je compatis avec eux. Le père avec lequel Gene a parlé hier a dû aller voir son avocat parce qu'il doit retourner devant le tribunal de nouveau. Il attend depuis sept ans que les choses se règlent. Son avocat lui a dit que lorsqu'il acceptera qu'il ne reverra jamais sa fille... il ne se préoccupera plus ensuite de ce qu'il doit dire au tribunal. L'avocat lui a dit qu'il devait accepter ce fait parce que rien dans ce pays ne favorisent les retrouvailles entre un père et son enfant; tout est fait pour les séparer l'un de l'autre.

Je vais résumer en vous récitant un poème que j'ai écrit en raison du sentiment de frustration et de colère que j'ai ressenti à l'idée de ce qui arriverait à mon frère. On va au tribunal de la famille et on se rend compte qu'il n'y a ni justice, ni équité ni équilibre.

Je dédie ce poème à mon neveu Laine:



Lorsque Dieu a donné à maman et à papa un cher petit garçon, la
joie devait régner à jamais dans leur vie. Expliquez-moi donc
pourquoi les choses ont si mal tourné et comment le miracle de la
vie a engendré autant de tristesse.



Maman a quitté papa et pour le blesser encore davantage, elle m'a
emmené avec elle très loin et a changé les verrous. J'aimerais voir
mon père tous les jours, mais maman dit maintenant que deux heures
ça suffit.



À ma naissance, papa m'a tenu et m'a embrassé sur la joue. Il
s'inquiétait parce que j'étais si petit et si faible, mais un jour
je serai aussi grand que papa. On ne me permet cependant pas
d'aimer ma maman et d'aimer mon papa aussi.



Ma mère a coupé les branches de mon arbre généalogique pensant que
cela n'aura aucune conséquence pour moi. Maman pense même changer
mon nom de famille parce qu'elle veut complètement exclure mon papa
de ma vie.



Maman dit que papa y perdra jusqu'à son dernier sou. Elle ne
permettra cependant pas à papa de me voir grandir parce qu'elle
sait que les tribunaux croiront sa version des faits puisque tout
le monde sait que les mamans ne mentent pas.



Papa va donc payer sa pension alimentaire et pour obtenir encore
davantage, maman le traînera devant les tribunaux. Si elle ne peut
pas payer sa part, elle n'a pas à s'en faire, parce que le
gouvernement l'aidera.



Pourquoi les gens ne peuvent-ils pas voir que lorsque les mamans et
les papas se séparent, ils continuent d'aimer leurs enfants. Les
avocats ne s'en préoccupent pas parce qu'ils font plus d'argent.
Leur slogan c'est «Traînez-le devant le tribunal».



Je ne suis qu'un bébé, mais un jour je saurai parler. Je dirai
alors au monde que c'est un crime que de ne pas me laisser voir mon
papa. Ce que ma maman et les tribunaux font, ça s'appelle
maltraiter un enfant.

C'est tout. Je vous remercie.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne C. Cools (Toronto-Centre, Lib.)): Je vous remercie beaucoup, madame Powell. Comme vous le voyez, je suis en train de m'installer.

Je vous remercie tous pour vos exposés fort émouvants. Je comprends, monsieur Guspie et madame Nabert, combien il a été pénible pour vous de faire cet exposé.

J'ai été très impressionnée, monsieur Guspie, par le fait que vous avez dit avoir attendu 40 ans pour parler de votre cas à un comité du Parlement du Canada ou du gouvernement du Canada.

J'aimerais tous vous remercier.

Je ne suis pas exactement sûre du temps qu'il nous reste, mais je vais maintenant ouvrir la période des questions. La première personne sur ma liste est le sénateur Jessiman.

• 1720

Le sénateur Duncan J. Jessiman (Manitoba, PC): Vous ai-je bien entendu dire que les juges de nos tribunaux continuent d'avoir des préjugés fondés sur le sexe?

Mme Deborah Powell: Il y a un exemple parfait de ce genre de préjugé provenant du Nouveau-Brunswick. Le père en question avait le droit de voir son enfant le mardi et le jeudi et la mère voulait qu'il le voie moins. Le père réclamait de continuer de voir son enfant le mardi et le jeudi et voulait aussi le voir un week-end sur deux.

Le juge a dit que la plupart des parents ne voyaient pas leurs enfants le mardi et le jeudi et a demandé à ce père pourquoi il voulait qu'il en soit autrement dans son cas. Il l'a privé de voir son enfant le mardi et le jeudi et lui a dit que trois heures le mercredi ça suffirait.

Le sénateur Duncan Jessiman: Vous me dites donc que d'après votre expérience...

Mme Deborah Powell: Il y a des préjugés fondés sur le sexe.

Le sénateur Duncan Jessiman: Je sais que c'était le cas dans le passé. L'un des juges qui a comparu devant le comité lorsqu'il étudiait le projet de loi C-41 nous a dit que la situation avait changé. Vous ne pensez pas.

M. Malcolm Mansfield: Pas du tout.

Mme Deborah Powell: Non. Un père qui se présente devant le tribunal pour la famille doit prouver sa valeur intrinsèque comme père. On ne demande pas la même chose à la mère.

Le sénateur Duncan Jessiman: Qu'en est-il des travailleurs sociaux? Ils ont aussi un rôle à jouer. Ils vont visiter les familles. Adoptent-ils une position neutre ou trouvez-vous qu'ils ont aussi des préjugés fondés sur le sexe?

Mme Deborah Powell: Je trouve qu'ils ont habituellement des préjugés fondés sur le sexe simplement en raison de la formation qu'ils ont reçue et parce qu'ils se reportent aux statistiques tout à fait fausses qui sont publiées. Leur stéréotype, c'est que les hommes sont les méchants et les femmes, les victimes.

Mme Heidi Nabert: Monsieur le sénateur, j'aimerais moi aussi répondre à cette question. Je peux vous donner un exemple. En fait, je peux vous donner l'exemple de celui qui se trouve à mes côtés; cet homme s'est occupé de sa fille pendant huit ans. Avant cette période, une période de garde exclusive, il avait une garde partagée lorsqu'il vivait avec sa femme.

Voici maintenant qu'à 12 ans, sa fille décide que parce que son père ne veut pas lui permettre de s'épiler les jambes à la cire, de porter du maquillage ou du poli à ongles, elle préférerait vivre avec sa mère qui la laissera faire toutes ces choses. Il a fallu demander aux tribunaux de trancher.

À la ligne 35 de la transcription officielle de l'audience, vous constaterez que la garde a été accordée à la mère. On n'a pas cherché à savoir pendant combien de temps le père avait eu la garde exclusive de la fillette.

Le sénateur Duncan Jessiman: Un d'entre vous a dit qu'il devrait y avoir une présomption d'un rôle parental égal et partagé. Dites-vous que les deux parents devraient passer le même temps avec l'enfant, en soirée comme pendant la soirée, chaque semaine ou chaque mois?

Mme Deborah Powell: Il existe des plans sur le partage des rôles parentaux qui pourraient être efficaces mais qui dépendent évidemment de chaque situation.

Par exemple, j'aimerais signaler qu'il y a environ 8000 heures par année. De ces 8000 heures, le parent non gardien, c'est habituellement le père, reçoit un accès qui représente quelque 1500 heures par année. Évidemment l'importance de ce parent dans la vie de son enfant a diminué et se situe à peu près au même niveau que celle d'un brigadier scolaire.

Il existe plusieurs plans de partage des rôles parentaux. Danny en a en fait préparé plusieurs, et il permettrait d'assurer un partage des rôles des deux parents.

Lorsqu'un parent a accès à un enfant, il a également droit aux renseignements touchant la santé, l'éducation et le bien-être de l'enfant; cependant ce n'est pas facile de se procurer ces renseignements. L'autre parent ne les fournit habituellement pas.

Le sénateur Duncan Jessiman: Certaines administrations exigent que les parents aient un plan de partage des responsabilités parentales avant de comparaître devant les tribunaux. Proposez-vous que l'on retienne cette suggestion?

Mme Deborah Powell: Oui.

M. Malcolm Mansfield: Nous recommandons qu'il existe une présomption d'un rôle parental partagé. Commencez par cette motion et ajoutez-y un programme de médiation et un plan sur les rôles parentaux. Si vous n'avez pas de règles du jeu uniformes, vous serez exposés au préjugé apparent des tribunaux à l'égard des pères.

L'expérience m'a appris qu'il existe un préjugé. J'ai reçu des appels de toutes les régions du pays de gens qui me font part de leurs problèmes. J'en conclus qu'il existe un préjugé.

• 1725

S'il y a présomption de rôle parental égal, vous pouvez lancer le programme de médiation à partir de cette notion. Les deux parents peuvent se rencontrer. Grâce à cette médiation vous pouvez appliquer un plan sur les rôles des parents. Évidemment ce plan dépend des circonstances et des parents. Parfois l'enfant sera avec le père plus souvent, dans d'autres cas plus souvent avec la mère, mais cela dépendra des ententes auxquelles on en est venu lors de la médiation.

Mme Deborah Powell: Il faut essayer d'enlever le moins possible à l'enfant afin de maintenir le rapport qui existait...

Une voix: Tout à fait.

Mme Deborah Powell: ... entre l'enfant et ses parents. Voyez-vous, l'enfant qui sera en cour a deux parents; lorsque toute l'affaire est terminée, il ne lui en reste tout compte fait qu'un. Vous essayez d'enlever le moins possible à cet enfant.

Le sénateur Duncan Jessiman: Existe-t-il des statistiques sur le nombre de couples séparés, qui ont des enfants, où les deux conjoints ou ex-conjoints travaillent? Dans mon temps—et ça remonte déjà à plusieurs années—les femmes ne travaillaient pas. Elles restaient à la maison et élevaient leur famille. Mes enfants, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes—et j'ai à la fois des garçons et des filles—travaillent, mais il y a également une exception. Dans le bon vieux temps, il pouvait y avoir préjugé parce que la mère était celle qui s'occupait vraiment des enfants le matin, l'après-midi et le soir; aujourd'hui, lorsque les deux parents travaillent, habituellement...

J'aimerais avoir des statistiques là-dessus. Je ne sais pas s'il existe des statistiques sur le pourcentage de couples séparés qui ont des enfants... combien y a-t-il de couples séparés où les deux conjoints travaillent? Ils travaillent tous deux pendant la journée, ils ont tous deux du temps libre après le travail pour s'occuper de leurs enfants. Avez-vous des statistiques sur le nombre de couples séparés qui ont des enfants et où les deux ex-conjoints travaillent? Comment cela se compare-t-il au nombre de couples séparés où un seul des conjoints travaille?

Mme Deborah Powell: Je ne crois pas avoir ces statistiques en main aujourd'hui, mais je peux certainement me les procurer pour vous.

Mme Heidi Nabert: Monsieur le sénateur, je ne sais pas...

M. Malcolm Mansfield: Les deux conjoints travaillent dans 53 p. 100 de toutes les familles.

J'ai signalé un peu plus tôt que le rôle du père a évolué, qu'il est passé du rôle de soutien de famille au rôle de quelqu'un qui participe à part entière aux soins des enfants. Lorsque nous étudions ce que représente le féminisme, j'en conclus que tout organisme féministe devrait être très heureux d'appuyer cette évolution. Cela permet à la femme d'avoir plus de temps pour sortir de la maison et pour jouer un rôle actif sur le marché du travail; cela donne à l'homme une occasion plus grande de participer à la vie de son enfant.

Mme Heidi Nabert: J'aimerais ajouter quelque chose.

J'ai constaté que lorsque vous vous rendez au parc le dimanche ou le samedi, vous y voyez beaucoup d'hommes qui, je suppose, sont les pères des enfants qui les accompagnent... il n'y a pas de femmes. Ces hommes passent l'après-midi avec leurs enfants; peut-être la mère est-elle allée faire des courses ou passer l'après-midi avec des amies. J'aime bien voir ce genre de choses. Je crois que les enfants devraient avoir la chance de passer du temps avec leur père et avec leur mère, que le couple soit uni, séparé ou divorcé.

Je crois que le fait que l'on retrouve des tables à langer dans les salles de bain des hommes est un signe de progrès qui permettra d'assurer un vrai partage des rôles parentaux. Je crois que le féminisme cherchait à assurer ce genre d'égalité au foyer, ou au lieu de travail; malheureusement cela n'est pas reflété dans les tribunaux. On n'y est pas du tout sensible à cette question. À bien des égards, je crois que le mouvement féministe a oublié ce facteur.

Si nous voulons que nos hommes participent plus pleinement à la vie de nos enfants, il faut qu'on leur assure cette même possibilité après le divorce.

Le sénateur Duncan Jessiman: J'aimerais poser une dernière question si c'est possible.

Vous savez que des lignes directrices sont entrées en vigueur en mai 1997. On prévoyait qu'avant qu'un parent non gardien ait droit à des crédits d'impôt pour les montants qu'il avait déboursés pour son enfant, il devait avoir eu accès relativement égal à l'enfant, qu'il s'en occupe pendant une semaine, un jour, un mois, peu importe.

• 1730

Puis on a modifié cela et les paramètres sont devenus 50 p. 100 des nuitées. Puis on nous a dit que les juges ne permettaient pas aux enfants de passer la nuit, avec le parent. Ainsi même, si l'enfant passe 50 p. 100 de son temps avec ce parent, s'il n'y a pas de nuitée, il est impossible de réclamer un crédit d'impôt.

Puis on a apporté une autre modification à la suite de longues négociations entre notre comité et le gouvernement; on a alors décidé que les lignes directrices autoriseraient un crédit pour le parent non gardien si l'enfant passait 40 p. 100 ou plus de son temps avec ce parent. Certains témoins nous ont dit qu'il fallait assouplir ces lignes directrices ou les préciser. Un expert nous l'a même dit. Il pensait que c'était une bonne idée, que c'était au moins un paramètre dont les juges pouvaient se servir.

Nous avons également accueilli des représentants de l'Association du Barreau canadien; cette association représente 34 000 avocats. Mais après avoir étudié la question de plus près nous avons appris qu'un comité composé de 30 avocats représenté par six personnes avait rédigé ce mémoire. L'Association n'est pas du tout heureuse de cette règle de 40 p. 100 et veut qu'on parle plutôt d'un partage relativement égal. J'aimerais savoir ce que vous en pensez; est-ce que l'Association du Barreau canadien...

Les parents non gardiens que nous avons entendus lorsque le projet de loi C-41 était à l'étude ont dit: Écoutez, ce n'est pas la nuitée qui compte; ce n'est pas le temps que les enfants passent à l'école. C'est le temps que nous passons à titre de parents avec nos enfants, le temps de qualité que nous passons avec eux qui compte. L'argent que nous dépensons pour eux devrait également compter parce que celui que nous dépensons, notre ex-conjoint n'aura pas à le dépenser. Nous devrions donc avoir droit à un certain crédit d'impôt. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme Deborah Powell: Je dois tout d'abord dire que j'ai lu les discours que vous avez prononcés au Sénat sur le projet de loi C-41; je vous suis reconnaissante du travail que vous et la sénatrice Cools avez fait à cet égard. Comme vous le savez sans aucun doute, nous avions espéré que le projet de loi ne soit tout simplement pas adopté. Cependant, il faut accepter les faits.

Le sénateur Duncan Jessiman: C'est vrai.

Mme Deborah Powell: Il y a encore des gens qui se demandent si l'on devrait s'adresser aux tribunaux pour modifier certaines des dispositions du projet de loi C-41. Un nombre toujours croissant de femmes communiquent avec nous parce que ces mesures ont un impact négatif sur elles, tout particulièrement les femmes qui sont les deuxièmes épouses ou les deuxièmes petites amies, et elles reconnaissent que...

Supposons, par exemple, que le père est séparé et qu'il paie une pension alimentaire pour un foyer alors qu'il vit dans un autre avec un autre partenaire—il existe beaucoup de familles de ce genre aujourd'hui—et que ce nouveau partenaire, qui a un enfant, reçoit une pension alimentaire pour enfant de son ex-conjointe. Peut-être l'ex-conjoint du père, du premier homme dont on a parlé, veut-elle un peu plus d'argent, pour diverses raisons, et le père dit qu'il ne peut pas se permettre de payer ces montants supplémentaires; les nouvelles lignes directrices stipulent que l'on va tenir compte du revenu du ménage; cela inclut le salaire de votre nouvelle copine, qui inclut à son tour la pension alimentaire pour enfant qu'elle reçoit de son ex-conjoint. Nous allons donc prendre la pension alimentaire pour cet enfant et le donner à cet autre enfant là-bas. Un bon nombre de femmes ont communiqué avec nous pour se plaindre de la situation.

Pour ce qui est de la règle de 40 p. 100, ça représente simplement plus de litiges. Certains parents gardiens sont simplement vindicatifs, et si la règle de 40 p. 100 peut entraîner une réduction de leur pension alimentaire pour enfant, ces conjoints ne se laisseront pas faire.

• 1735

M. Malcolm Mansfield: En fait, tout cela encourage le parent qui a la garde de l'enfant à se démener pour que le parent non gardien passe moins de temps avec l'enfant.

Le sénateur Duncan Jessiman: J'aurais pensé, et espéré en fait, que cela encouragerait le parent non gardien à passer plus de temps avec son enfant...

M. Malcolm Mansfield: Mais ce n'est pas la façon dont les choses se passent, monsieur le sénateur.

Le sénateur Duncan Jessiman: Non.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Monsieur le sénateur, je constate que...

Le sénateur Duncan Jessiman: Oui.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Très bien. Vous pourrez peut-être à ce moment-là attendre au deuxième tour de questions, parce que d'autres membres du comité commencent à avoir hâte de poser des questions.

Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Merci beaucoup. Je suis conscient que le temps file, et j'essaierai d'être le plus bref possible.

Plusieurs choses m'ont frappé, dont les critiques que l'on fait du système. Je comprends qu'on puisse ne pas être d'accord, mais certaines des critiques présentées semblent se contredire; permettez-moi de m'expliquer. Certains ont dit que parfois les avocats essayaient de retarder les choses lorsqu'un tribunal est saisi du dossier; on a dit que tout ce système créait des problèmes. Cependant quelqu'un d'autre a signalé qu'il ne fallait pas prendre de décision éclair, que le juge avait tort de simplement s'asseoir là et en 10 minutes se prononcer sur la garde intérimaire d'un enfant.

Il existe un problème que nous essayons de régler. D'un côté les retards causent des problèmes, mais ils nous permettent de présenter aux juges les éléments de preuve nécessaires pour qu'ils ne prennent pas de décision éclair. Comment concilier ces deux points de vue?

M. Malcolm Mansfield: Peut-être que les choses se passeraient mieux si les juges lisaient les documents.

M. Danny Guspie: Très souvent ce sont les décisions éclair qui causent ces retards, parce qu'on prend une décision de ce genre, on passe d'une décision éclair à une autre et à une autre encore, et les choses ne font qu'empirer.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Monsieur Mancini, j'aimerais rappeler que les témoins ne se sont pas contredits. Lorsqu'ils parlent de retards et de délais, ils parlent de retards imposés par les avocats avant que la question ne soit présentée aux juges. Il n'y a donc pas contradiction entre leurs points de vue.

M. Peter Mancini: J'aimerais poser une autre question, parce que j'ai entendu ici—et je l'accepte—certains commentaires. On a dit par exemple que les enfants se rendent en cour avec deux parents et que lorsque toute l'affaire est terminée, il ne leur en reste plus qu'un.

Convenez-vous qu'il est possible, même si l'affaire finit devant les tribunaux, que les enfants du divorce sortent quand même de toute cette affaire avec deux parents si ces derniers arrivent à s'entendre sur une entente de séparation ou de divorce? Cette décision n'est pas nécessairement imposée par un juge.

Nous parlons donc ici des parents qui n'arrivent pas à s'entendre sur une garde partagée de leurs enfants. C'est de ces gens-là dont on parle. Êtes-vous d'accord?

Mme Deborah Powell: Pas nécessairement. Il est vrai qu'à l'occasion des parents peuvent se rencontrer et s'entendre sur des dispositions, tout cela est fait à l'amiable, et c'est à leur avantage et certainement à celui des enfants également.

Dans de nombreux autres cas, les pères consultent des avocats et on leur dit qu'ils doivent se contenter du statu quo parce qu'ils dépenseront des milliers de dollars et qu'ils n'ont pas une seule chance d'obtenir la garde de leurs enfants ou même une garde partagée à moins que l'ex-conjointe soit d'accord. Ils acceptent la situation parce que sinon ils gaspilleraient du temps, de l'argent et tout cela pour rien.

M. Malcolm Mansfield: Monsieur Mancini, je crois que ce qu'on ne comprend pas c'est que la plupart des mères ne saisissent pas que le père est un élément absolument nécessaire de la vie de son enfant.

M. Peter Mancini: Mais dites-vous que la majorité des mères canadiennes ne comprennent pas...

M. Malcolm Mansfield: Je parle ici des femmes qui sont séparées de leurs conjoints. Cela c'est attribuable aux malentendus et à tous les problèmes qui existent, la perception que l'on a de ces pères par exemple. Elles en sont venues à la conclusion que le père n'est pas nécessaire. S'il n'est pas nécessaire—sauf pour payer—il est relégué à ce rôle et tout le monde s'en porte bien.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Très bien. Merci.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, madame la présidente.

J'aimerais poser une ou deux petites questions rapides.

La majorité des exposés que nous avons entendus aujourd'hui faisaient état de vos expériences douloureuses. Je me demande dans quelle mesure le système judiciaire peut réellement s'attaquer à vos problèmes. J'aimerais vraiment le savoir.

• 1740

À mon avis, ce comité existe pour essayer de proposer des modifications à la loi; je crois qu'il existe des organismes à l'extérieur du système juridique qui seraient mieux en mesure d'essayer de régler ces situations pénibles découlant de divorces. J'ai entendu des gens parler des problèmes qui existent dans le système juridique, et certains parlent d'un partage du rôle parental comme étant un moyen susceptible de changer la façon dont on voit les choses: cessez de vous battre pour la garde de l'enfant et commencez à le traiter comme étant l'élément important du processus.

On a mentionné aussi qu'il fallait insister sur l'éducation, mais cela ne donne pas de modifications législatives ou réglementaires qui pourraient aider les choses. Pouvez-vous proposer à notre comité des formules qui pourraient être utiles et permettre de faire avancer le dossier?

Mme Deborah Powell: La médiation, le counselling, l'éducation, et...

M. Malcolm Mansfield: La présomption de garde partagée.

Mme Deborah Powell: Mais également la médiation. Le système judiciaire est un système d'opposition qui vise à chercher une personne coupable et une personne innocente, ce qui est très bien dans le droit pénal.

M. Eric Lowther: Dites-vous que la loi devrait exiger que les parties touchées participent à un processus de médiation?

Mme Deborah Powell: Oui.

M. Eric Lowther: Ainsi que tous les autres éléments.

Mme Heidi Nabert: Quant à la médiation il est possible pour les deux parties de s'entendre. Avec un système d'opposition, rien ne peut être accompli.

S'il y a certains points de désaccord, lorsqu'on peut s'entendre sur des questions de base, les deux conjoints peuvent vraiment mieux s'entendre et cela donne une sorte de plate-forme, de tremplin à toute autre discussion. Lorsqu'on est confronté à un adversaire, la colère et l'amertume ne font quÂaccroître entre les individus. Et je peux vous assurer, mes parents se sont divorcés, que l'amertume est transférée aux enfants.

Une voix: C'est vrai.

Mme Heidi Nabert: Ces enfants deviennent encore une fois des victimes. Si les querelles cessent entre le père et la mère et que le système judiciaire peut aider à mettre fin à ces querelles, les enfants s'épanouiront.

M. Malcolm Mansfield: Monsieur Lowther, puis-je faire une suggestion? Il est très important que le processus de médiation soit fondé sur la présomption d'un rôle parental égal et partagé. Sinon, il ne sert à rien pour la femme de participer au processus de médiation parce que de toute façon elle aura gain de cause lorsqu'elle se tournera vers les tribunaux. Pourquoi opter pour la médiation?

M. Eric Lowther: Oui, je comprends. Je suppose qu'il faut inclure dans...

M. Danny Guspie: Nous voulons une disposition en ce sens dans la Loi sur le divorce.

M. Eric Lowther: Oui, nous pourrions retenir vos recommandations et appuyer dès maintenant certaines des modifications qu'on pourrait apporter à la loi en ce sens. En fait, on cède la parole au geste. C'est une bonne idée, mais la première chose qu'on sait c'est qu'après de longues discussions rien n'est changé. Il faut que ces modifications soient apportées à la loi.

M. Danny Guspie: Notre principale recommandation porterait sur l'article 16 de la loi qui porte sur les ordonnances de garde. Le paragraphe 16(10) signale qu'il faut faciliter le maximum de communication. Nous proposons de remplacer cette disposition par une autre qui parle plutôt d'une présomption d'un rôle parental partagé. C'est un point de départ.

Si un enfant se trouvait devant vous et qu'il pouvait dire ce qu'il désire vraiment, il dirait: «Je veux pouvoir aimer ma mère et mon père sans obstacles». Le libellé actuel de l'article 16 empêche un enfant d'aimer son parent, parce qu'on ne part pas d'une présomption mais bien d'une étude des faits. Il faudrait partir d'une présomption d'abord et avant tout.

M. Eric Lowther: Oui, je suis d'accord avec vous. Je crois que votre intervention est très valable.

Je vais profiter de l'occasion pour poser une autre petite question rapide...

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Allez-y; une dernière question.

M. Eric Lowther: Merci beaucoup, madame la présidente. Vous êtes pleine de bonnes grâces.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Je le sais.

Des voix: Oh, oh!

• 1745

M. Eric Lowther: C'est bien beau tout cela. Tout le monde arrive au tribunal en colère, on a accès à des services de counselling, et tout le monde est très heureux et tout ira très bien! Cela m'inquiète quand même, parce que j'ai rencontré des gens qui sont venus dans mon bureau de circonscription, des gens qui représentent les deux parties touchées dans un divorce, et je ne sais pas vraiment ce qu'elles doivent faire. Vous pouvez leur offrir des services de counselling jusqu'à la semaine des quatre jeudis, et elles ne... Elles s'en veulent mutuellement, et si quelqu'un est blessé dans toute cette histoire, eh bien tant pis.

On se retrouve alors avec une situation où un des parents n'a pas accès aux enfants même si les tribunaux ont tranché sur la question et ont dit que ce parent devrait avoir cet accès. Cependant il ne l'a pas. Je me demande quelle sorte d'intervention vous recommanderiez dans ces situations très difficiles, des situations où le tribunal s'était déjà prononcé mais où il est très clair qu'on ne donnera pas suite à ses décisions. Vous pouvez offrir les meilleurs services de counselling possible, pour la plus longue période possible, mais il y aura toujours des cas problèmes de ce genre. Que fait-on alors?

Mme Heidi Nabert: Je vois très bien où vous voulez en venir; j'aimerais vous parler de quelque chose qui s'est passé à Brampton il y a une semaine et demie. Une femme a reçu une peine de prison de 60 jours parce qu'elle avait refusé l'accès à son enfant; elle avait empêché sa fille de voir son père. À mon avis, c'est pousser les choses beaucoup trop loin. On exagère mais dans l'autre sens. Pourquoi envoyer les parents en prison?

La carotte dans toute cette affaire c'est la garde. Si vous avez la garde, vous avez tout le pouvoir nécessaire, surtout pour vous adresser aux tribunaux. À ce moment-là, enlevez cette carotte, enlevez la garde. Si vous décidez de victimiser votre enfant en lui refusant le droit d'avoir des liens avec ses deux parents—et puisque vous êtes le parent gardien, vous dites «Non, tu ne peux pas voir ton papa aujourd'hui»—vous nuisez à l'enfant. Le tribunal doit donc étudier cette question en la traitant comme une forme de mauvais traitement.

M. Eric Lowther: Donc, si j'ai bien compris, vous dites qu'il ne faut pas pénaliser la personne qui n'accorde pas l'accès de cette façon, mais...

Mme Heidi Nabert: Changez l'ordonnance de garde.

M. Eric Lowther: Oui, indiquez clairement que ce parent peut perdre la garde de l'enfant s'il agit de cette façon.

Mme Heidi Nabert: Changez les ordonnances de garde.

M. Eric Lowther: Très bien.

M. Malcolm Mansfield: Invoquez la règle du parent coopératif, celui qui est disposé à accorder le meilleur accès à son conjoint.

Une voix: Oui.

M. Danny Guspie: Il existe des programmes sociaux qui pourraient être utiles. Si le tribunal peut ordonner aux gens de participer à un programme de médiation, ou à des programmes sociaux...

Un programme de coordination sur les responsabilités parentales a été proposé dans un livre intitulé Caught in the Middle: Protecting the Children of High-Conflict Divorce, de Garrity et Baris, en vente aux États-Unis. On y propose qu'un psychologue ou un psychiatre intervienne, essaie de déterminer quelles étaient les responsabilités parentales avant le divorce, et essaie de reproduire cela dans les deux nouveaux foyers. Ce psychologue ou psychiatre devient le coordonnateur des responsabilités parentales pendant les 16 mois suivants environ pour permettre aux intervenants de s'y faire, de se calmer; petit à petit, ces intervenants s'éloignent de cette situation pour permettre aux parents de composer avec les choses. Ça c'est un système de soutien. C'est ce que nous proposons. Il ne faut pas essayer de punir.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Puis-je vous interrompre, monsieur Lowther?

J'aimerais obtenir plus de précisions et vous permettre, madame Nabert, de me donner de plus amples renseignements, aux fins du procès-verbal, sur l'affaire dont vous avez parlé un peu plus tôt pour permettre à notre attaché de recherche de se documenter. Vous avez parlé d'une affaire qui s'est passée en Ontario. Pouvez-vous nous en dire un peu plus long?

Mme Heidi Nabert: Oui, cela s'est passé à Brampton en Ontario.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Et le nom de l'affaire?

Mme Heidi Nabert: Barbosa c. Dadd.

Mme Barbara Powell: L'affaire a été entendue par le juge Dunn.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Je crois que c'était M. le juge Patrick Dunn, et l'affaire s'appelle, si je ne m'abuse, Barbosa c. Dadd.

Mme Heidi Nabert: C'est exact.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Très bien.

Monsieur Lowther, en réponse à la question que vous avez posée à M. Guspie, et pour ajouter un peu à ce qui a déjà été dit, il serait un peu difficile dans une affaire comme l'affaire Barbosa de recommander un programme de counselling, puisqu'elle a été accusée d'outrage au tribunal. Dans cette affaire, je crois qu'on a enfreint l'ordonnance d'accès 41 fois; la prévenue a été traduite devant les tribunaux à plusieurs reprises et elle avait reçu plusieurs avertissements.

Ainsi, notre attaché de recherche pourrait peut-être se pencher sur cette affaire et le comité pourrait se renseigner plus à fond pour mieux comprendre la situation. Mais lorsqu'on ne respecte pas une ordonnance d'accès, le juge, comme ça a été le cas dans cette affaire, peut décider qu'il y a eu outrage au tribunal. À ce moment-là aucun counselling ne peut aider.

• 1750

Mme Heidi Nabert: Sénatrice Cools, je voudrais ajouter quelque chose. Il y a une autre affaire que vos attachés de recherche souhaiteront peut-être étudier.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Merci.

Mme Heidi Nabert: L'affaire Allan c. Grenier, du Tribunal unifié de la famille d'Hamilton, est tout à fait semblable.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Savez-vous quel juge a rendu cette décision?

M. Danny Guspie: Tous les juges du Tribunal unifié de la famille d'Hamilton ont siégé dans cette affaire.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Bien. En tout cas, nous allons nous informer sur cette décision.

Mme Heidi Nabert: Je crois qu'elle a été emprisonnée à la même époque.

Le sénateur Duncan Jessiman: En quelle année?

Mme Heidi Nabert: En 1997.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): C'était l'année dernière. L'affaire Barbosa a été jugée il y a deux semaines, tandis que l'affaire Allan l'a été l'année dernière.

Pour que cela figure au compte rendu, à l'intention des sténotypistes et des attachés de recherche, lorsque vous avez présenté votre exposé, madame Nabert, vous avez cité des données concernant l'absence de père. Est-ce que vous pourriez nous indiquer les documents ou les références que vous avez cités?

Mme Heidi Nabert: Je faisais référence à un ouvrage intitulé Fatherless America: Confronting Our Most Urgent Social Problem, de David Blankenhorn. J'ai aussi fait référence à d'autres livres, notamment à Second Chances, de Judith Wallerstein. J'ai aussi fait référence à Single Moms and Their Children: A New American Dilemma de Garfinkel et McLanahan.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Très bien. Je vous en remercie. Nous allons commencer par cela.

M. Danny Guspie: Il y a eu également d'autres références.

Mme Heidi Nabert: Sénatrice, excusez-moi, j'ai aussi fait référence à Grandir au Canada, une publication de Statistique Canada.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Merci. Nous allons maintenant écouter Eric.

M. Eric Lowther: Je voudrais apporter une précision. Dans l'affaire Barbosa c. Dadd, nous avons eu 41 fois... maintenant la mère est incarcérée. Qu'est-il arrivé à l'enfant? Est-il allé rejoindre le père?

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Le deuxième juge l'a redonné à la mère.

M. Danny Guspie: Oui, un juge nommé en vertu de l'article 96 a renversé la décision.

La présidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): En tout cas, je voulais que le compte rendu indique la référence et le nom de l'affaire, de façon que nous puissions l'étudier nous-mêmes. Notre attaché de recherche pourra peut-être nous rédiger quelque chose.

Mme Heidi Nabert: Je voudrais ajouter quelque chose. Dans l'affaire Allan c. Grenier, la mère a été emprisonnée pendant cinq jours. Au cours de ces cinq jours, le père n'a pas été autorisé à s'occuper de l'enfant de deux ans.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Notre attaché de recherche va trouver les décisions et nous les soumettre. Merci beaucoup.

Nous passons à Mme Dalphond-Guiral.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Je vais faire mes commentaires en français; si vous avez besoin de l'interprétation, veuillez utiliser vos écouteurs.

[Français]

J'ai écouté avec beaucoup d'empathie et d'intérêt vos témoignages, qui avaient la très grande qualité de porter sur des expériences tout à fait personnelles. Ce que j'ai perçu en écoutant vos témoignages, malgré les années, c'est encore de la colère et encore du chagrin.

J'aurais deux questions à vous poser. Au fond, je pense bien qu'on ne pourra pas décider que le divorce n'existe plus. C'est une réalité. Est-ce qu'une des solutions ne serait pas d'apprendre, en tant qu'être humain, en tant que personne, à être parent et à rester parent indépendamment de l'issue de la relation conjugale? C'est ma première question.

Ma deuxième question concerne la formation des différents professionnels qui devraient idéalement aider de façon humaine et intelligente les familles qui vivent des situations difficiles. Est-ce que vous croyez que les juges ont une formation suffisante?

• 1755

En médecine, tous les médecins qui se respectent font de la formation continue et ils ne sont pas gênés. Est-ce que cette attitude mentale ne pourrait pas aussi être quelque chose qui soit requis pour les juges, pour les avocats, pour les travailleurs sociaux, pour les psychologues et aussi pour les enseignants qui doivent, durant la semaine, être capables de donner un soutien adéquat aux enfants quand ils sont rendus à l'âge scolaire?

Ce sont mes deux questions et je vous remercie d'avance de votre réponse.

[Traduction]

M. Malcolm Mansfield: Puis-je répondre? En ce qui concerne votre première question, le rôle du parent est une considération très importante, quelle que soit l'issue du procès. Nous considérons que le père doit rester le père et que la mère doit rester la mère, quoi qu'il puisse arriver au sein de la famille. En cas de divorce, les deux parents continuent à s'occuper de leurs enfants. Ils restent les parents des enfants même après le divorce, après la réorganisation de la famille.

Lorsque je parle de la famille, j'y inclus également les grands-parents. Lorsqu'on isole les enfants d'un membre de la famille, on ne les isole pas seulement de la mère ou du père. On les isole aussi des tantes, des oncles, des grands-parents, de la famille étendue, etc. Il est donc très important que les enfants bénéficient du soutien continu des deux parents.

Il faut bien comprendre le rôle des parents, et cela m'amène à votre deuxième question. Comme vous l'avez dit, il faut éduquer les juges, les avocats, les travailleurs sociaux, etc. Il faut les familiariser avec le rôle des deux parents dans la société, au lieu de s'en tenir au rôle qu'ils jouaient du temps de mon père ou de mon grand-père, lorsque le père était le soutien de famille, le modèle de comportement sexuel, etc.

Nous devons maintenant considérer le père et la mère selon les idéaux du XXIe siècle. Désormais, la mère ne reste pas nécessairement à la maison; elle travaille dans des emplois semblables à ceux des hommes. De ce fait, le père doit assumer une partie de l'ancien rôle de la mère, c'est-à-dire qu'il doit s'occuper de l'enfant et participer à sa vie.

Les enseignants, les juges et les avocats ne partagent pas nécessairement ces points de vue. Ils s'en tiennent parfois à une conception ancienne du rôle des parents. Il faut donc faire un effort d'éducation.

Mme Deborah Powell: Puis-je poursuivre sur le même sujet?

Dans nos écoles, nous enseignons le contrôle des naissances aux enfants; nous leur parlons de prévention des maladies transmissibles sexuellement, nous leur parlons des différentes parties de l'organisme, des différents styles de vie, etc. Nous parlons sans tricher des conséquences et des responsabilités de ceux qui deviennent parents, et des répercussions d'une grossesse pour les deux familles.

Lorsqu'une adolescente est enceinte, elle a accès à des classes spéciales où nous lui apprenons son rôle de mère et de parent, mais il n'existe pas de classe où les garçons apprendraient à être père. Il existe toujours, dans la société, un stéréotype voulant que la mère soit la nourricière, tandis que le père est le soutien de famille; nous n'avons pas modifié nos institutions pour les conformer à la réalité des années 90. Tout a changé, les rôles sont interchangeables et il faut maintenant enseigner le rôle de parent aux jeunes. Tous ceux qui s'occupent de divorce doivent recevoir de la formation sur les effets de la privation des parents dans le développement de l'enfant.

Mme Heidi Nabert: Je voudrais ajouter à ce sujet quelque chose qui intéressera peut-être les attachés de recherche.

• 1800

Le Dr Neil Campbell, de l'Université Western Ontario, donne un cours où il montre aux pères comment s'occuper des bébés. Il a réussi à ouvrir les yeux des participants à ce cours ainsi que des chercheurs qui s'intéressent à ce programme.

M. Eric Lowther: Moi, c'est ma femme qui me l'a enseigné.

Mme Heidi Nabert: Eh bien, vous avez beaucoup de chance. Nous pourrions peut-être profiter de ces connaissances.

Je crois que cela devrait faire partie intégrante des programmes d'enseignement.

En ce qui concerne votre question sur la formation des juges et des avocats, je pense qu'ils ne sont pas bien formés. Peut-être faudrait-il insister sur la nécessité des deux parents. Je crois que si l'on ne fait pas du rôle conjoint ou partagé des parents un objectif essentiel—si ce n'est pas le résultat de la majorité des décisions de divorce—et s'il n'y a pas d'effort en matière d'éducation, le père sera toujours pénalisé. Il aura toujours une pente à remonter, comme le saumon, pour prouver sa valeur en tant que parent. Les choses ne devraient pas se passer ainsi.

Ce serait une excellente idée que de faire l'éducation des deux parents. Je vous remercie de votre question.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Madame Nabert, vous avez fait référence au cours du Dr Campbell. Je signale, aux fins du compte rendu, que ce cours s'appelle DADS Canada, ou quelque chose du même genre.

M. Danny Guspie: DADS Canada. Le cours s'accompagne d'une présentation vidéo en six cassettes appelée DADS Under Construction.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Bien. Tout cela figurera au compte rendu.

Je voudrais poser une petite question, car je remarque que tous les témoins ont posé sous une forme ou une autre et en des termes très subtils une question sur la conduite ou l'inconduite de certains avocats et de certains juges. Je voudrais interroger Mme Nabert non pas tant sur la conduite des juges que sur celle des avocats.

Vous dites qu'un avocat vous a donné un conseil passablement haineux. Vous avez rejeté cet avis, car vous pensiez qu'il vous obligerait à mentir. L'avocat vous conseillait essentiellement d'accuser votre mari de vous avoir agressée physiquement.

Est-ce que l'un d'entre vous aurait de l'information, des doutes ou des expériences dont vous pourriez nous faire part concernant l'autre aspect de la situation, c'est-à-dire les pauvres femmes qui ont le tort de suivre de tels conseils et qui portent de fausses accusations?

Je vais vous dire pourquoi. Dans une affaire célèbre jugée à Winnipeg, une femme accueillie dans un foyer d'hébergement a reçu un conseil semblable et l'a suivi, et elle en a parlé publiquement. Est-ce que vous auriez autre chose à nous dire concernant les gens avec qui vous travaillez et les membres de vos organisations, ou à propos de ce phénomène de fausses accusations?

M. Malcolm Mansfield: Il semble que les fausses accusations soient un outil de choix dans les litiges de droit familial. Elles semblent présentes dans de nombreux... Disons dans 90 p. 100 des affaires qui nous sont soumises à FACT.

Ceux qui nous appellent à FACT sont toujours étonnés de tout ce que je peux savoir de leur situation avant même qu'ils aient commencé à m'en parler. Je peux leur dire exactement ce qui se passe: ils ont été accusés à tort de sévices physiques ou mentaux contre leur épouse; ils ont été accusés de ceci ou cela. L'histoire est toujours la même de la Colombie-Britannique jusqu'à Terre-Neuve et dans toutes les lettres ou les appels téléphoniques que je reçois à mon bureau.

Lorsque j'arrive à mon bureau—c'est pour moi une activité à temps partiel—et que je reçois ces appels, je peux toujours raconter l'histoire de mon correspondant avant même qu'il m'en ait parlé. C'est toujours la même chose.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Monsieur Guspie, avez-vous fait la même expérience dans votre association?

M. Danny Guspie: Oui. Je suis moi aussi agent parajuridique et je porte assistance à des hommes qui passent par la même épreuve. L'année dernière, je me suis occupé d'environ 18 pères qui ont subi la même chose, qui ont été accusés, qui ont fait l'objet d'une enquête de la police ou de la Société d'aide à l'enfance.

• 1805

Comme ils ont coopéré aux enquêtes et qu'ils ont toujours protesté de leur innocence, dans la majorité des cas, le père et la mère ont fini par s'asseoir à la même table et à négocier une entente une fois que la situation s'était décantée. Dans un tel cas, je me demande toujours pourquoi la mère a commencé par porter des accusations?

Deuxièmement, j'ai rencontré le directeur de Pardons Canada, un autre organisme national à but non lucratif, qui aide les pères à obtenir une réhabilitation, quelle que soit leur situation. Au cours des trois dernières années, il a constaté une augmentation sensible du nombre des pères qui ont recours à son organisme et qui se retrouvent dans la même situation.

Mme Heidi Nabert: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, nous avons l'impression, dans notre organisme, que c'est véritablement la baguette magique. Si on n'obtient pas gain de cause au tribunal, il faut porter des accusations. Je tiens à le dire au comité. Qu'elles soient fondées ou non, ces accusations me semblent très préoccupantes.

Tout d'abord, il ne faut porter des accusations que pour des faits réels. L'enfant va devoir subir des contrôles médicaux traumatisants visant à déterminer s'il a subi des sévices. Comment peut-on imposer cela à son enfant lorsque tout porte à croire qu'il n'a pas subi de sévices? Avant d'organiser un coup monté, il faut réfléchir à ce que devra subir l'enfant. Les examens médicaux constituent à eux seuls une épreuve, et il ne faudrait y recourir que dans les cas de sévices réels, qui devront nécessairement donner lieu à des poursuites si on veut y mettre fin. Mais cette façon d'agir accentue l'antagonisme et fait monter la tension entre les parents.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Allez-y, madame Powell.

Mme Deborah Powell: Dans son discours sur l'étique et le droit de la famille, la juge Mary Lou Benotto fait référence au premier rapport du Comité de révision de la justice civile de l'Ontario qui affirmait:

    [...] la principale plainte du public à l'endroit des avocats concerne la détérioration des relations familiales du fait des allégations formulées dans ces affidavits où l'on peut—c'est bien connu—se parjurer en toute impunité.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Merci beaucoup. Je signale pour nos attachés de recherche, que vous faites référence au rapport de la Commission de révision de la justice civile de l'Ontario, qui est présidée par le juge Blair.

Mme Deborah Powell: Oui.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): La prochaine question sera posée par Mme Finestone.

L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Comment allez-vous? J'entends depuis bien longtemps parler des souffrances, de l'angoisse, des difficultés et des tensions qu'occasionne un mariage malheureux ou un divorce, et je sais que tout cela est vrai.

En vous écoutant, je me suis demandé s'il existait, à votre avis, des méthodes de prévention efficaces. On ne peut pas empêcher l'action d'une personne qui, cédant à la méchanceté ou au machiavélisme, décide de faire du mal à ses enfants. Si on pouvait prévoir cela, avec une boule de cristal, on interviendrait à titre préventif, n'est-ce pas?

D'après votre présentation, je suppose que compte tenu de votre volume de travail, vous devriez être en mesure de faire des propositions concrètes au comité. Il y a des choses sur lesquelles on ne peut pas légiférer. Il y a aussi des choses que l'on ne peut pas prévoir, et je suis sûre que vous serez d'accord avec moi à ce sujet.

Notre comité a pour mission de formuler des propositions concrètes. Nous allons recevoir les témoignages des avocats par l'intermédiaire de leurs barreaux, le Barreau du Québec, l'Association du Barreau de l'Ontario et les barreaux des autres provinces. Nous allons recevoir des spécialistes de l'aide juridique de tout le Canada. Nous allons aussi entendre le témoignage de parents et de grands-parents, de ceux qui ont la garde des enfants et de ceux qui ne l'ont pas.

• 1810

Comme vous faites partie de nos tout premiers témoins, la façon la plus constructive de nous aider n'est pas de nous présenter un diagnostic sur quelque chose qui s'est produit hier ou il y a 20 ans. Parlez-nous des cas qui vous sont soumis. Vous dites que vous en avez eu 18 l'année dernière. Vous dites que vous répondez tous les jours au téléphone et que vous vous occupez d'un certain nombre de dossiers. Je vous en remercie, mais la mission de ce comité est très précise. À votre avis, que pourrions-nous faire pour atténuer les préoccupations dont vous vous occupez?

Dans un premier temps, j'aimerais savoir quelle différence vous faites entre la garde partagée et le partage des rôles parentaux. Pensez-vous qu'il existe une réponse automatique en cette matière, selon qu'on est pour ou contre? Que devrions-nous recommander en matière de garde partagée ou de partage des rôles parentaux? Comment se définissent ces deux notions? Voilà pour ma première question.

Deuxièmement, comme tous les barreaux vont comparaître devant nous, quel genre de formation ou de perfectionnement faudrait-il recommander pour les juges? Quelles recommandations devrons-nous faire?

Troisièmement, dans le domaine du travail social, étant donné la nature du travail à faire en médiation, le travailleur social est-il suffisamment qualifié? Qu'en pensez-vous? Faudrait-il plutôt recourir à un avocat d'expérience spécialement formé?

Le comité doit profiter de votre expérience, mais nous avons besoin de faits beaucoup plus concrets, car il n'est pas question ici d'intervenir dans des cas particuliers. Je préférerais une autre

[Français]

approche, une approche pratico-pratique, comme on dit en français. Ce serait utile pour les démarches que nous allons entreprendre pour le projet de loi prévu et pour notre rapport. Merci, madame la présidente.

[Traduction]

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Qui veut répondre en premier?

M. Malcolm Mansfield: Je vous remercie pour ces questions. Elles sont très pertinentes, car elles font pratiquement le tour de ce dont nous parlons ici.

Mme Sheila Finestone: Soyez pratiques dans vos réponses. Répondez sur les points un, deux et trois; je ne veux pas de longues explications. Je veux des réponses pratiques, s'il vous plaît.

M. Malcolm Mansfield: Oui. La garde conjointe est désormais une réalité. Ce que nous souhaitons, c'est qu'elle soit concrète. Par exemple, l'un des membres de FACT a obtenu la garde conjointe, mais ses enfants sont en Italie, alors qu'il est au Canada. Donc, en soi, la garde conjointe...

Mme Sheila Finestone: Vous me pardonnerez mon ignorance, mais que faut-il faire? Faut-il rendre un jugement de Salomon et couper les enfants en deux, ou faut-il décider d'envoyer tous les enfants en Italie? Faut-il tous les garder au Canada? En tant que réponse à une question, je trouve la vôtre un peu tirée par les cheveux.

Va-t-il falloir déraciner les enfants et la mère pour qu'ils accompagnent le père? Va-t-il falloir dire au père ou à la mère qu'il ou elle ne peut pas aller en Italie? Quelle est votre réponse pratique?

M. Malcolm Mansfield: Vous parlez maintenant du droit à la mobilité, madame Finestone.

Mme Sheila Finestone: Eh bien, tant mieux.

M. Malcolm Mansfield: En ce qui concerne la mobilité, nous souhaitons que les enfants restent dans la région où ils sont élevés. Si l'un des parents veut partir, celui qui veut rester sur place et élever les enfants devrait pouvoir rester.

Mme Sheila Finestone: Voulez-vous que l'on dise dans la loi que le droit à la mobilité ne s'applique qu'au parent qui souhaite partir, tandis que le foyer familial doit être préservé et confié à celui qui veut rester? Est-ce que c'est la nature de...

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Non, madame Finestone, ils ne prétendent pas qu'il faille dire tout cela dans la loi.

M. Malcolm Mansfield: Non, je ne demande pas une telle loi.

Mme Sheila Finestone: Comment cela s'appliquerait-il?

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Le témoin doit dire ce qu'il veut.

• 1815

Mme Sheila Finestone: Madame la présidente, c'est mon tour. Vous n'êtes pas censée interrompre.

Allez-y.

M. Malcolm Mansfield: Nous parlons ici du droit à la mobilité. Nous avons toujours à coeur l'intérêt de l'enfant. Vous n'êtes pas d'accord sur ce point?

Mme Sheila Finestone: Si, absolument. Pour moi, c'est fondamental.

M. Malcolm Mansfield: Si l'intérêt de l'enfant est de rester dans la région où il se sent à l'aise, où il va à l'école, où il est élevé, il devrait avoir le droit de rester dans cette région. Si la mère veut partir alors que le père décide de rester pour permettre à l'enfant de grandir dans la région où il se plaît, ne faut-il pas laisser l'enfant rester avec le père, ou avec la mère, le cas échéant?

Mme Deborah Powell: Dans l'hypothèse de la garde partagée, il faut reconnaître que le fait d'avoir ses enfants impose des sacrifices. Il faut se sacrifier pour ces enfants. Dans une famille unie, lorsque l'un des parents se voit offrir un emploi ailleurs, les deux vont devoir tenir compte des circonstances familiales, de la scolarité des enfants, du médecin, du dentiste, des amis, des activités parascolaires, etc. Peut-être va-t-il falloir renoncer à la possibilité d'un meilleur emploi, et c'est la même chose pour tout le monde.

Mme Sheila Finestone: S'il vous plaît, je comprends tout cela. Comme je l'ai déjà dit, j'attends des réponses pratiques.

Les questions de mobilité sont essentielles aux intérêts de l'enfant. C'est incontestable. Je voudrais savoir comment vous pensez qu'il faut appliquer le droit à la mobilité. Comment doit-il être formulé dans la loi, comment doit-il être appliqué par les avocats ou par les médiateurs? Qui doit s'en occuper?

Mme Deborah Powell: Je crois qu'il doit être présenté initialement, grâce à la médiation, dans un plan de garde.

M me Sheila Finestone: Merci beaucoup.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Très bien.

M. Malcolm Mansfield: Votre question suivante concernait la formation à donner aux juges et aux travailleurs sociaux. En ce qui concerne les travailleurs sociaux, nous estimons qu'actuellement, ils n'ont pas de comptes à rendre. Pourtant, ils devraient en rendre. Si le travailleur social constate, lors de ses premières démarches, que la garde pose un problème, il devrait en rendre compte au juge. Or, il semble qu'actuellement, le travail social ne comporte aucune obligation de rendre compte, du moins dans la province de l'Ontario.

Mme Heidi Nabert: J'aimerais répondre à cela. Pour autant que je sache...

Mme Sheila Finestone: Nous parlons maintenant de médiateurs et de travailleurs sociaux qui jouent le rôle de médiateurs. Est-ce là-dessus que vous voulez intervenir?

Mme Heidi Nabert: Je voudrais faire un commentaire concernant la formation des travailleurs sociaux et leur obligation de rendre compte.

Dans tous les cours collégiaux ou universitaires concernant le travail social, que ce soit ici ou aux États-Unis, où l'on apprend les activités quotidiennes du travailleur social, j'aimerais que l'on fasse référence à l'importance, pour le père, de maintenir des relations constantes avec ses enfants.

Mme Sheila Finestone: Bien. Si je vous comprends bien, vous signalez que si l'on utilise les travailleurs sociaux comme médiateurs pour permettre à un couple d'en arriver à un meilleur plan de travail dans l'intérêt des enfants, il faudrait concevoir au niveau universitaire des cours bien équilibrés et exempts de préjugés. Est-ce bien ce que vous dites?

Mme Heidi Nabert: Absolument.

Un travailleur social ne devrait pas intervenir en tant que médiateur à moins d'avoir reçu une formation complète fondée sur le modèle de médiation. Les travailleurs sociaux ne sont pas des médiateurs, pas plus que les avocats. En fait, de par leur formation, les avocats ont appris le contraire de ce qu'enseigne la médiation.

Mme Sheila Finestone: Ne craignez-vous pas d'aller un peu trop loin? Je vous ferai remarquer que lorsque M. Shaposnick parle de médiation, le mari est en l'occurrence avocat, tandis que l'épouse est travailleuse sociale. Ils assurent au Québec un service de médiation qui bénéficie du plus grand respect.

• 1820

J'ai été directrice d'un service de protection de la jeunesse. Nous avions recours à des services de médiation, et je sais très bien quel doit être le rôle du travailleur social par rapport à celui d'un médiateur. Leur formation est différente, c'est exact, mais je n'irais pas jusqu'à prétendre en termes généraux, comme vous venez de le faire, que le travailleur social ne peut pas faire de médiation.

Mme Heidi Nabert: Je n'ai pas dit qu'il ne peut pas en faire.

Mme Sheila Finestone: Dans ce cas, il faut rectifier vos propos.

Mme Heidi Nabert: Absolument. Avec la formation appropriée, n'importe qui peut faire de la médiation.

Mme Sheila Finestone: Merci.

Que pensez-vous dans le cas des juges et des avocats... Est-ce qu'avec la formation appropriée, n'importe qui peut en faire? Est-ce que vous recommandez des cours de formation appropriés à l'université?

Mme Heidi Nabert: Oui.

M. Danny Guspie: Je voudrais intervenir pour ajouter quelque chose.

L'art de négocier, ce n'est pas la technique que l'on enseigne le plus dans les universités et les facultés de droit au pays, comme celle de l'Université de Toronto. Le module sur l'art de négocier à l'Université Harvard publie ce qu'il y a de mieux comme documentation sur le sujet. Pour moi, cela devrait faire partie du cursus des étudiants en droit du pays.

Mme Sheila Finestone: Je vous suis très reconnaissante. C'est une bonne recommandation à adresser à l'Association du Barreau canadien.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Je vais passer au Dr Bennett.

S'agit-il d'une question supplémentaire, monsieur Mancini?

M. Peter Mancini: Vous venez de parler du module sur l'art de négocier de la Faculté de droit de Harvard. S'agit-il d'un document sur l'art de négocier en général ou est-ce particulier au droit de la famille?

M. Danny Guspie: Il y a un département de la Faculté de droit de Harvard qui s'occupe d'un module sur l'art de négocier. Plusieurs ouvrages ont été publiés par ce groupe.

M. Peter Mancini: Pour ma propre gouverne, est-ce qu'il s'agit de l'art de négocier en général ou uniquement sur la question de droit familial?

M. Danny Guspie: En général.

M. Peter Mancini: Entendu. Merci.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Avez-vous une question supplémentaire, madame Finestone?

Mme Sheila Finestone: Je suis désolée, mais on n'a pas répondu à ma question sur le partage des rôles parentaux par opposition à la garde conjointe.

Dans les ordonnances, y a-t-il une différence entre les deux? On m'a répondu que cela avait à voir avec le droit à la mobilité.

Mme Heidi Nabert: J'aimerais vous répondre.

La garde conjointe ou le partage des rôles parentaux en terminologie contemporaine est une expression juridique. Cela signifie que les deux parents auront conjointement leur mot à dire sur certains aspects de la vie de l'enfant, comme la religion, l'instruction et d'autres choses de ce genre. Mais cela ne signifie pas, et j'insiste là-dessus, que la moitié du temps doit être passée en présence d'un des deux parents et que l'autre moitié...

Mme Sheila Finestone: Merci. C'est la distinction entre partagée et conjointe.

Mme Heidi Nabert: Oui. Cela désigne avec qui l'enfant passe son temps.

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Docteur Bennett, c'est votre tour.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci, madame la présidente.

Tout au long des témoignages, on nous a dit que la terminologie est la pomme de discorde. Le mot «garde», l'idée d'un gagnant et d'un perdant et aujourd'hui même la garde conjointe par opposition à la garde partagée... Tout le monde a le sentiment que les mots ont été dénaturés et qu'il faut les rénover. Beaucoup d'articles sont en faveur de plans ou de modalités d'exercice du rôle parental qui élimineraient la terminologie antérieure. On sait qu'accorder la garde conjointe à deux parents qui ne s'adressent pas la parole, comme certains juges l'ont malheureusement fait, ne rime à rien.

Il existe aujourd'hui des arrangements parentaux convenus par les deux parents—à raison de 80-20 ou de 60-40—et, sur le plan géographique, c'est peut-être ce qui peut marcher. Un des deux parents a peut-être l'enfant pour l'été. Ce qui compte, ce n'est pas un arrangement scrupuleusement arithmétique de partage moitié-moitié pourvu que cela serve l'intérêt de l'enfant et que les parents l'aient accepté.

• 1825

C'était donc ma première question, pour que l'on parle plutôt d'arrangements parentaux et comment d'après vous la loi se présenterait si c'était le cas.

Il y a aussi un petit corollaire. La Loi sur le divorce ne parle que des divorcés. Savez-vous ce qu'il en est des unions libres? Comme il s'agit d'une compétence provinciale, cela ne semble pas avoir de répercussions au niveau fédéral.

J'ai une autre question. On nous dit que 80 p. 100 des couples qui rompent se raccommodent d'eux-mêmes; j'imagine que les groupes que vous représentez parlent pour les 20 p. 100 qui restent.

À votre avis, y a-t-il des gens qui devraient s'adresser à vous, qui donnent l'impression d'être dans les 80 p. 100 parce qu'ils finissent par se raccommoder? Inversement, diriez-vous que les 20 p. 100 qui se retrouvent en cour et se font une lutte acharnée sont ceux que vous représentez?

Ma troisième question porte sur la médiation. Pour moi, cela ne compte pas vraiment. Comme médecin de médecine familiale... les gens font bien des choses. Peu importe ce qu'ils ont étudié à l'université. Un avocat, un travailleur social ou quelqu'un d'autre peut être bon médiateur puisqu'il s'agit de trouver les points d'entente.

D'autres nous disent qu'il ne devrait pas y avoir de médiation parce que c'est toujours l'information qui gagne. À cause du rapport de force. Il y en a qui disent qu'on ne peut pas forcer tout le monde à passer par la médiation avant de pouvoir intenter une poursuite.

Que pensez-vous de la médiation obligatoire? Qui doit s'en charger? Est-ce que cela doit se faire au tribunal ou dans le palais de justice?

La coprésidente suppléante (la sénatrice Anne Cools): Vous avez deux questions.

Mme Deborah Powell: Je pourrais répondre? Nous représentons des gens de tous les milieux. Il n'y a pas que des gens qui sont en situation de conflit. Il y en a qui ont des accords négociés et qui ont des rapports corrects avec leur ex-partenaire. Il y a aussi parmi nos membres des gens qui se vu refuser l'accès à leurs enfants. Dans d'autres cas, l'accès est restreint ou limité. Moi, je suis un parent gardien. C'est donc très diversifié.

Essentiellement, notre association s'intéresse aux conséquences de la séparation et du divorce pour les enfants. C'est aussi une association d'entraide pour ceux qui sont séparés, au cas où ils auraient besoin de counselling, de conseils pour savoir vers quelles organisations se tourner pour obtenir de l'aide ou simplement pour parler de l'éducation des enfants.

Mme Carolyn Bennett: Je m'excuse. J'étais au Comité de la santé et je n'ai pas pu écouter votre exposé. Je vous remercie de cette précision.

Personne ne contestera que le rôle du père et des deux parents c'est ce que notre société doit absolument clarifier aujourd'hui.

Nous voyons ce qui arrive lorsque l'enfant se croit abandonné par son père, que cela ait été imposé ou que ce soit par choix. Ce n'est pas bon pour les rapports entre les générations. Je pense donc que le comité va...

M. Malcolm Mansfield: Je vais répondre à votre première question, madame Bennett. Je vous en remercie d'ailleurs.

La terminologie est importante. Même au sein du comité, on parle de garde par opposition à garde conjointe par opposition au partage des rôles parentaux. Beaucoup de gens connaissent mal ces expressions. La priorité serait donc de définir la terminologie au comité.

C'est important aussi pour les enfants dont les parents ont divorcé. Ils ne veulent pas qu'on dise d'eux qu'ils sont sous garde. La garde ce n'est pas quelque chose... Ils veulent être entourés. C'est une distinction très importante.

En ce qui concerne les 80 p. 100 par rapport aux 20 p. 100, je ne suis pas convaincu que 80 p. 100 des cas de divorce se règlent vraiment à l'amiable entre les parties. Ces chiffres me semblent un peu faussés. Ce qui arrive, c'est que beaucoup de divorcés renoncent. Ils abandonnent la partie. C'est un très petit pourcentage de gens qui divorcent qui vont devant le tribunal. Il y en a quelques-uns qui se désistent, ce qui crée d'autres situations.

• 1830

Il faut voir s'il est vrai qu'à peine 20 p. 100 intentent un procès. Si c'était le cas, on ne nous téléphonerait pas autant... Partout au pays...

Mme Deborah Powell: Si 40 p. 100 des mariages ne survivent pas, 20 p. 100 d'entre eux, cela fait beaucoup de gens. Est-ce qu'on ne voudrait pas réduire le nombre?

M. Malcolm Mansfield: Tout à fait, oui. On le souhaite de tout coeur. J'aimerais que cela soit ramené à 2 ou 3 p. 100, si possible, et je pense que même 20 p. 100 c'est une sous-estimation.

Ce qu'il faut maintenant, c'est voir comment il faut procéder pour éviter les procès et déjudiciariser le tout. C'est pourquoi nous parlons de médiation.

Vous avez demandé si la médiation obligatoire, c'était une bonne idée ou non. J'ai l'impression que c'est d'une importance primordiale. La médiation doit partir d'une hypothèse. S'il n'y a pas d'hypothèse, pour revenir à ce que je disais tout à l'heure, il n'y a rien qui incite une partie à se prêter à la médiation si l'autre va gagner. Si je vais gagner dans le sens que l'autre donne à ce mot, rien ne l'incite à se prêter à la médiation.

Mme Carolyn Bennett: Même si les deux parties ne se retrouvent pas dans la même salle, la médiation semble quand même avoir du bon, même lorsque le médiateur demande à l'un et à l'autre: pourriez-vous accepter ceci ou cela? C'est ce que vous êtes en train de dire?

M. Malcolm Mansfield: Oui, c'est efficace dans la plupart des cas.

Mme Heidi Nabert: J'aimerais revenir à un autre point concernant la médiation: l'aspect financier. Quand la famille n'a pas beaucoup d'argent, la médiation coûte beaucoup moins cher qu'un procès.

Je ne sais pas combien d'hommes sont venus nous voir qui étaient en faillite et qui vivaient de l'aide sociale. Avant, ils avaient un revenu à six chiffres et une maison d'un demi-million de dollars.

Une voix: Je sais.

Mme Heidi Nabert: Donner cela en partage à leurs enfants alors qu'ils ne peuvent plus subvenir à leurs besoins et encore moins financer les études postsecondaires de leurs enfants ou, après leur mort ne pas pouvoir laisser un fonds à leurs enfants ou à leurs petits-enfants. La différence entre la médiation et un procès, c'est cela. Où va l'argent? C'est le pécule que la famille a travaillé dur pour accumuler, peut-être pendant des dizaines d'années. La mère et le père y ont contribué, et aujourd'hui, c'est envolé.

Mme Carolyn Bennett: Je voudrais faire une mise en garde. Je ne suis pas certaine qu'il soit toujours dans l'intérêt de l'enfant de rester à la maison. Il y a des cas où le seul parent qui travaille se fait offrir un emploi épatant ailleurs. Il a presque à choisir entre rester dans la même ville aux crochets de l'aide sociale ou déménager. Je voudrais donc vous mettre en garde contre les solutions imposées parce que ce que l'on recherche vraiment, c'est la souplesse et la possibilité de faire ce qu'il y a de mieux dans chaque situation.

Une voix: Dans chaque cas particulier.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): C'est le sénateur Jessiman qui aura le dernier mot. Je crois savoir qu'il voudrait vous poser quelques questions supplémentaires.

Le sénateur Duncan Jessiman: Oui, tous les deux vous avez fait allusion au paragraphe (10) de l'article 16, sous l'intertitre «maximum de communication». Vous dites que cela devrait être remplacé par la présomption d'éducation conjointe ou partagée.

Nous avons de la documentation qui nous vient de la Californie. C'est le premier État à avoir créé une présomption légale en faveur de la garde conjointe. Beaucoup de choses ont été écrites depuis, un cas disant que cela n'a pas marché et l'autre le contraire.

• 1835

Il semble que la loi californienne ait du bon sens. Je lis:

    Lorsque la garde est accordée à l'un ou l'autre parent, le tribunal doit déterminer lequel des deux facilitera sans doute davantage les contacts avec l'autre et ne doit pas marquer de préférence pour l'un ou l'autre parent en fonction de son sexe. Le tribunal a le droit d'exiger que les parties présentent un plan de mise en oeuvre de l'ordonnance de garde.

Il y a une autre disposition, et je vais m'arrêter là. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je lis:

    Cela ne crée ni une préférence ni une présomption pour ou contre la garde légale conjointe, la garde physique conjointe ou la garde exclusive, mais cela donne au tribunal et à la famille la plus grande latitude qui soit pour choisir un plan d'éducation qui sert le mieux les intérêts de l'enfant.

Est-ce que ça ne vous semble pas raisonnable?

M. Danny Guspie: L'ennui, c'est qu'il y a des préjugés systémiques dans la société. Beaucoup d'entre nous ont encore une mentalité qui remonte à La famille Plouffe où le père était roi et maître chez lui et la mère s'occupait de la marmaille. Pour la majorité des Canadiens aujourd'hui, ce n'est plus le cas. C'est presque comme de la recherche médicale spécialisée. Cela commence dans une université perdue quelque part et 20 ans plus tard cela se retrouve dans le grand public. C'est la même chose pour ce genre de préjugé.

Les changements qui sont survenus dans notre société au cours des trente dernières années sont absolument phénoménaux. Aujourd'hui, le père change les couches, porte le petit sur son dos, etc. Cela ne s'est pas répercuté tout à fait au sein...

Le sénateur Duncan Jessiman: Ne pensez-vous donc pas que la Californie...? Je pensais que c'était l'un des États les plus progressistes.

La sénatrice Anne Cools: Le sénateur Jessiman citait un document et cela nous a échappé. Pourrait-il nous dire ce qu'il lisait?

Le sénateur Duncan Jessiman: Oui, c'est un document préparé par la Bibliothèque du Parlement que l'attaché de recherche a remis aux sénateurs dernièrement.

La sénatrice Anne Cools: Très bien, merci.

Le sénateur Duncan Jessiman: On y parle de plusieurs États, mais la Californie...

Mme Heidi Nabert: J'aimerais répondre à un élément du texte que vous avez cité. Que le juge accorde la garde au parent qui a le plus de chance... je ne m'en souviens pas textuellement—de permettre à l'enfant d'être en contact avec l'autre parent.

Le sénateur Duncan Jessiman: Oui, c'est ce que cela disait.

Mme Heidi Nabert: C'est un excellent énoncé.

Le sénateur Duncan Jessiman: L'un ou l'autre parent ne doit pas être préféré à cause de son sexe.

M. Malcolm Mansfield: Cela existe ici aujourd'hui. Cela existe dans la règle du parent coopératif en Ontario, mais ça ne marche pas.

Mme Heidi Nabert: On n'y a pas recours.

Le sénateur Duncan Jessiman: À cause...

Une voix: À cause de la discrimination systémique...

Le sénateur Duncan Jessiman: ... des lois, des travailleurs sociaux et de tous les intervenants...

Mme Heidi Nabert: Ce sont des préjugés systémiques.

M. Danny Guspie: Combien de juges connaissez-vous qui sont pères de famille et qui changent des couches à leur bureau? Vous faites votre droit, vous travaillez 80 heures par semaine pour obtenir votre diplôme, puis vous travaillez 80 heures par semaine pour faire votre cléricature, puis 80 heures par semaine pour obtenir un poste puis 80 heures par semaine pour devenir associé.

Le sénateur Duncan Jessiman: Je sais. Cinquante ans de...

M. Danny Guspie: C'est là où se trouvent les problèmes systémiques.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je ne veux couper la parole à personne ce soir, mais malheureusement la salle doit être convertie à un autre usage et cela doit se faire dans les 20 minutes. Je dois vous dire qu'on nous expulse.

Je vous remercie d'être venus.

Une voix: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Cela a été une rencontre très animée. Je dois m'excuser de mon absence—j'étais à la Chambre—mais cela a été très mouvementé. Je sais qu'il y a eu un bon échange de vues et nous apprécions votre contribution à tous. Merci.

La séance est levée.