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PDAM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir


NUMÉRO 005 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 26 janvier 2016

[Enregistrement électronique]

(1730)

[Traduction]

[Français]

     J'aimerais vous souhaiter la bienvenue à la cinquième réunion du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.

[Traduction]

    Nous accueillons aujourd'hui deux groupes de témoins. D'abord, nous accueillons deux personnes ayant participé aux travaux du Comité externe sur les options de réponse législative à Carter c. Canada: M. Benoît Pelletier, membre du comité externe, et M. Stephen Mihorean, directeur exécutif du secrétariat.
    La présente séance se terminera au plus tard à 18 h 30. Vous disposez de 10 minutes pour nous présenter votre exposé.

[Français]

    Honorables membres du comité, je vous remercie de l'invitation à comparaître devant vous concernant ce sujet de première importance.

[Traduction]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant vous sur cette question des plus importantes. Je m'exprimerai principalement en anglais, mais je répéterai certains paragraphes en français. J'ai choisi de répéter ces paragraphes en raison de leur importance.

[Français]

    Je vais donc m'exprimer dans les deux langues officielles, mais surtout en anglais.

[Traduction]

    Mon nom est Benoît Pelletier. Je suis professeur à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa et membre du Barreau du Québec.
    C'est à titre de représentant du Comité externe sur les options de réponse législative à Carter c. Canada que je comparais devant vous aujourd'hui. Le comité est présidé par le Dr Harvey Max Chochinov, titulaire de la chaire de recherche du Canada en soins palliatifs. Le troisième membre du comité est Mme Catherine Frazee, professeure émérite à l'Université Ryerson. Malheureusement, ils sont tous deux à l'extérieur du pays, mais ils surveillent de près les présentes délibérations et seront à votre disposition pour vous aider à faire progresser le dossier. Je suis heureux de prendre la parole en leur nom et avec leur plein soutien. Je m'efforcerai de faire de mon mieux pour vous présenter le résultat de nos travaux.
    Je suis épaulé également par M. Stephen Mihorean, directeur exécutif du secrétariat du comité. Les autres membres du comité externe et moi aimerions d'abord reconnaître l'importante contribution que nous avons reçue du groupe de professionnels extraordinaires qui compose le petit secrétariat et qui nous a aidés dans nos efforts.
    J'aimerais également profiter de l'occasion pour remercier le gouvernement actuel et le gouvernement précédent pour leur confiance à notre égard. Le rapport du comité externe est détaillé et complexe, car les questions liées à l'aide médicale à mourir le sont également. Elles doivent être étudiées avec attention et de manière réfléchie si l'on veut définir une politique sociale judicieuse. Nous vous avons remis des copies de notre rapport, que je n'aurai pas le temps d'expliquer en détail. Je vais plutôt souligner certains commentaires recueillis lors de longues réunions en compagnie d'intervenants, de médecins, d'organismes de réglementation, de représentants du milieu universitaire et du gouvernement, et d'organisations de la société civile et auprès de deux des requérants, Mme Lee Carter et M. Hollis Johnson, et d'un autre requérant, l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique. Vous trouverez aux annexes C et D du rapport la liste de tous ceux que nous avons rencontrés au Canada, aux États-Unis, aux Pays-Bas, en Belgique et en Suisse. Vous trouverez également, à l'annexe E, un résumé des transcriptions de ces consultations en personne. Le comité a également examiné 321 documents officiels soumis. Vous trouverez un résumé de ces documents à l'annexe F, ainsi qu'un compte rendu desdits documents à l'annexe G.
    J'aimerais vous parler un peu de ce que nous avons appris en Europe. De façon générale, les citoyens des pays que nous avons visités semblent satisfaits des lois en vigueur. On nous a rapporté que l'aide médicale à mourir fonctionne bien dans un contexte où il y a un filet de sécurité sociale, des services de soins de santé légitimes et un haut niveau de confiance à l'égard des médecins. Parallèlement, les cas qui poussent ou testent les limites de la loi, qui remettent en question le critère d'âge, qui comportent des directives préalables et qui découlent d'une souffrance psychologique, existentielle ou psychiatrique ou d'une souffrance liée à une maladie chronique qui n'est pas mortelle soulèvent beaucoup de controverse.
(1735)
    Pour bon nombre de personnes, la garantie la plus importante, c'est la transparence. Les erreurs doivent être dénoncées et les abus démasqués et des mesures doivent être prises pour corriger ces situations. Cela s’applique également aux cas de non-respect des exigences en matière de rapport.
    Près de 15 000 Canadiens ont répondu au questionnaire que le comité a mis en ligne. J’aimerais attirer votre attention à notre analyse et aux résultats de cette consultation publique que vous trouverez à l’annexe A du rapport. Ceux-ci constituent une source riche d’information et de perspectives. Par exemple, les participants ont manifesté un appui élevé à l’égard d’une formation en soins palliatifs pour l’ensemble des fournisseurs de soins de santé; de meilleures mesures de soutien pour les personnes handicapées; de meilleurs soins à domicile, palliatifs et de fin de vie dans l’ensemble du pays; et d’une supervision efficace de l’aide médicale à mourir.
    Le questionnaire a révélé également que les répondants étaient plus susceptibles d’affirmer que l’aide médicale à mourir devrait être autorisée lorsqu’une personne est aux prises avec une maladie grave potentiellement mortelle ou évolutive. Le questionnaire a démontré qu'en général, les participants se préoccupaient beaucoup des risques encourus par les personnes atteintes d’une maladie mentale, notamment celles souffrant de troubles épisodiques, ainsi que par les personnes isolées ou seules.

[Français]

     Voici donc les résultats du questionnaire que nous avons mis en ligne et auquel plus de 15 000 Canadiens ont répondu.
     Par exemple, les répondants ont manifesté un appui élevé à une formation en soins palliatifs pour l'ensemble des fournisseurs de soins de santé, de meilleures mesures de soutien pour les personnes handicapées, de meilleurs soins à domicile, de soins palliatifs et de soins de fin de vie dans l'ensemble du pays ainsi qu'une une supervision efficace de l'aide médicale à mourir.
     Le questionnaire a également révélé que les répondants étaient plus susceptibles d'affirmer que l'aide médicale à mourir devrait être autorisée lorsqu'une personne est confrontée à une maladie grave potentiellement mortelle ou évolutive.
     Le questionnaire a aussi démontré que les répondants étaient, en général, très préoccupés par les risques encourus par les personnes atteintes d'une maladie mentale, en particulier par celles souffrant de troubles épisodiques ainsi que par les personnes isolées ou seules.

[Traduction]

    Les Canadiens ont manifesté un niveau élevé d’appui à l’égard de certaines questions selon différents points de vue. Par exemple, ils conviennent que tous les Canadiens qui souffrent devraient avoir accès à des services de soutien, en fonction de la capacité disponible, peu importe où ils en sont dans leur vie et leurs circonstances personnelles. Ils conviennent que les Canadiens devraient avoir confiance envers un régime d’aide médicale à mourir axé sur une surveillance transparente, exacte, fiable et objective grâce à un suivi de données, à la recherche et à la reddition de comptes publics.
    Mesdames et messieurs, notre rapport repose sur les points de vue qui nous ont été partagés, mais ce n’est pas tout. Il contient beaucoup d’information et de résultats d’analyse sur les enjeux.
    Les participants ont été clairs: il faut trouver un équilibre entre l’autonomie des gens et la protection des personnes vulnérables. Cela dit, j’aimerais parler un peu plus de l’autonomie et de la vulnérabilité.
    Concernant la question de l'autonomie, plusieurs valeurs que je qualifierais de fondamentales ont éclairé la décision du tribunal dans l’arrêt Carter, notamment l’intégrité personnelle, la dignité, l’estime de soi et le droit d’une personne de prendre des décisions importantes quant à la fin de sa vie.
    Le président: Il vous reste une minute.
    M. Benoît Pelletier: Je ferai de mon mieux pour résumer le reste de mon exposé, monsieur le président.
(1740)

[Français]

     En ce qui a trait à l'autonomie, j'aimerais souligner qu'il s'agit d'une valeur fondamentale de l'arrêt relatif à la cause Carter.

[Traduction]

    La vulnérabilité est, bien entendu, un concept complexe et délicat. Même si l’expression « populations vulnérables » a été utilisée pour décrire certains groupes identifiables de la société, de nombreuses sources ont souligné au Comité que la vulnérabilité n’est pas uniquement une caractéristique qui s’applique à une personne ou à un groupe; il s’agit aussi d’un état dans lequel n’importe qui peut se trouver selon les circonstances. On nous a fait remarquer que, parfois, selon le contexte et la situation, les gens sont vulnérables lorsque leur autonomie, leur état, leur santé et leur bien-être sont sérieusement compromis.
    Dans le contexte de l’aide médicale à mourir, cela signifie que toutes les personnes sont potentiellement vulnérables. Le fait d’être vulnérable n’empêche pas une personne souffrant de façon intolérable de demander de l’aide pour mourir, mais elle risque d’être persuadée de demander la mort, même si ce n’est pas ce qu’elle désire. C’est sur ce risque que la Cour suprême du Canada a demandé au Parlement et aux assemblées législatives de se pencher dans le cadre d’un régime réglementaire complexe.
    Certains s'inquiètent quant à l’accès à l’aide médicale à mourir, notamment pour les Canadiens vivant dans des communautés éloignées. On s’inquiète également de la réaction des peuples autochtones à l’aide médicale à mourir.
    Bien entendu, les gens ont offert des visions divergentes sur bon nombre des questions soulevées . Par exemple, la loi devrait-elle définir davantage les termes « grave » et « irrémédiable » ou l’interprétation de ces termes devrait-elle être laissée aux médecins et à leurs organismes de réglementation? La décision d’accorder l’aide à mourir devrait-elle faire l’objet d’un examen et, si oui, cet examen devrait-il avoir lieu avant que l’aide à mourir soit autorisée ou après? Devrait-on mettre en place des mesures de protection pour les personnes vulnérables outre celles déjà en place pour les patients qui veulent refuser ou renoncer à un traitement de survie? Comment devrait-on aborder le chevauchement des compétences provinciales et territoriales et des compétences fédérales?
    Théoriquement, il revient aux divers gouvernements et aux assemblées législatives d'élaborer des critères d’admissibilité, de possiblement définir les termes-clés et de mettre en place des garanties adéquates pour protéger les personnes vulnérables. À cet égard, la population canadienne s’attend à ce que le gouvernement et les provinces collaborent afin de répartir les responsabilités, de mettre en œuvre l’aide médicale à mourir et d'effectuer une surveillance de cette dernière, tout cela de manière harmonieuse et cohérente.
    Il est souvent question des médecins, mais d’autres professionnels de la santé pourraient aussi être appelés à participer, directement ou indirectement, à l’aide médicale à mourir. Il pourrait donc être opportun d’étendre l’application des lois, règlements et protections à ces derniers. Mesdames et messieurs, les autres membres du Comité et moi avons accepté de participer à ce projet, car nous voulions contribuer aux efforts de notre pays qui s’apprête à prendre des décisions importantes sur ce sujet délicat et difficile. Nos vastes consultations et nos efforts, y compris le rapport que vous avez sous les yeux, ont été réalisés en cinq mois et les résultats remis au gouvernement dans ce même délai. Notre Comité désirait faire progresser le débat et faire en sorte que tout le monde — des citoyens aux députés ou représentants fédéraux, provinciaux et territoriaux — ait accès à des points de vue et des renseignements pertinents.
    Mais surtout, monsieur le président, nous voulions aider le Parlement à prendre des décisions informées. J’espère que ce rapport et mon témoignage vous seront utiles.
(1745)
    En terminant, j’aimerais vous signaler que, même si je témoigne au nom des autres membres du Comité externe, je répondrai à certaines de vos questions au nom du Comité et à d’autres en mon nom. Lorsque je répondrai en mon nom, je le soulignerai.
    Voilà qui complète mon exposé. Merci. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions dans la langue officielle de votre choix.
    Monsieur Lemieux, vous avez la parole.

[Français]

     Monsieur Pelletier, permettez-moi tout d'abord de vous féliciter de l'excellent travail que vous avez accompli l'an dernier, tout cela à titre gracieux.
    Je sais que le gouvernement libéral a modifié le mandat du comité pour retirer de celui-ci l'exigence de présenter des options législatives à l'arrêt dans la cause Carter.
     Hier matin, nous avions devant nous Me Jean-Pierre Ménard. Il nous a suggéré de répondre à la demande de la Cour suprême en deux étapes.
     La première étape consisterait à modifier les articles 241 et 14 du Code criminel pour qu'ils soient conformes aux nouvelles exigences liées à l'aide médicale à mourir.
     La deuxième étape consisterait à mettre en place un processus détaillé, à la grandeur du Canada, pour laisser le temps aux provinces et territoires de légiférer sur tous les autres aspects de l'aide médicale à mourir. Me Ménard a d'ailleurs mentionné que ces autres questions sont souvent de compétence provinciale et territoriale.
     Que pensez-vous de cette suggestion de Me Jean-Pierre-Ménard?
    Je vous remercie de la cette question.
    Vous faites bien de souligner que le dossier de l'aide médicale à mourir peut requérir plusieurs interventions de la part du gouvernement du Canada. Je tiens à dire que, quelles que soient les interventions du gouvernement du Canada, il est évidemment souhaitable qu'il y ait une collaboration avec les provinces et les territoires. Je dirais même que le principe du fédéralisme coopératif, que l'on retrouve dans plusieurs renvois de la Cour suprême et qui est un principe extrêmement sain pour l'application du fédéralisme canadien, doit être au coeur de l'intervention de ce Parlement.
    Le plus urgent sera sans doute de modifier le Code criminel du Canada de façon à se conformer à l'arrêt relatif à la cause Carter. Toutefois, je dois dire que, même si le Parlement ne le faisait pas, l'arrêt dans la cause Carter prévaudrait dès le moment où la suspension d'application du jugement se terminerait. Cela signifie que le jugement s'appliquerait à compter du 6 juin prochain. À cette date, l'arrêt dans la cause Carter aurait autorité au Canada. Les dispositions du Code criminel, même si elles n'étaient pas modifiées par ce Parlement en fonction de l'arrêt dans la cause Carter, devraient alors être interprétées comme étant inopérantes dans la mesure où elles interdisent l'aide médicale à mourir lorsque les conditions déterminées par la Cour suprême du Canada sont, bien entendu, respectées.
    Cela étant dit, je vous dirais que la grande question qui se pose est de savoir jusqu'où le fédéral voudra ou devra faire preuve de leadership en ce qui concerne l'aide médicale à mourir. Plusieurs Canadiens réclament que le gouvernement fédéral joue ce rôle. Certains Canadiens souhaitent même qu'il y ait une certaine uniformité en ce qui touche aux mesures relatives à l'aide médicale à mourir.
     Cependant, comme vous l'avez souligné, la compétence provinciale est à cet égard importante. Bien entendu, tout leadership fédéral devra, selon moi, tenir compte de cette présence provinciale et devra même être concilié avec la présence et les interventions provinciales.
(1750)
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Monsieur Warawa, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins et aux membres du Comité externe pour votre travail, les heures que vous avez passées à consulter la population, votre rapport et la rapidité avec laquelle tout a été réalisé.
    J’ai particulièrement aimé, et trouvé intéressant, le niveau de participation des Canadiens — 15 000 ont répondu au questionnaire — et les principales conclusions dans le rapport que vous nous avez remis. J’aimerais que vous nous parliez davantage de ces principales conclusions, notamment ce que les Canadiens vous ont dit. Quel est le niveau de soutien à l’égard des personnes atteintes d’une maladie mentale ou psychologique?
    Si j’ai bien compris, le rapport précise que l’appui est plus élevé lorsqu’il s’agit de personnes atteintes d’une maladie physique, et non d’une maladie mentale. Si je ne m’abuse, le rapport souligne également que l’appui est plus élevé lorsque la maladie est potentiellement mortelle, évolutive ou terminale —encore une fois, on ne parle pas ici d’une souffrance psychologique ou temporaire, mais bien d’un pronostic définitif d’une maladie évolutive ou terminale.
    Pourriez-vous nous en dire plus sur la question de la maladie mentale et le fait que les Canadiens appuient davantage l’aide médicale à mourir lorsqu’il s’agit d’une maladie physique, évolutive ou terminale?
    Certainement. Merci beaucoup.
    Je vais m’appuyer, pour vous répondre, sur la rétroaction des 15 000 personnes qui ont répondu au questionnaire et des participants aux consultations que nous avons menées un peu partout au pays. Comme vous le savez, nous avons rencontré bon nombre d’experts, de groupes et d’associations, entre autres.
    Le fait que l’aide à mourir soit offerte à des personnes atteintes de maladies psychologiques inquiète de nombreuses personnes. Il est clair que la population appuie davantage l’aide à mourir lorsqu’il s’agit de maladies ou de handicaps physiques, par exemple, que lorsqu’il s’agit de maladies psychologiques.
    J’ajouterais, parallèlement, qu’a priori, la décision dans l’arrêt Carter s’applique aux affections psychologiques, peut-être autant qu’aux affections physiques. Je dis « peut-être autant qu’aux affections physiques », car cela sera déterminé par l’interprétation de la décision. Je dirais qu'à première vue, la décision dans l’arrêt Carter s’applique à la fois aux affections psychologiques et physiques. Les répondants au questionnaire étaient plus enclins à être d'accord pour dire que l’aide médicale à mourir devrait être offerte aux personnes atteintes d’une maladie grave, potentiellement mortelle ou évolutive. De façon générale, la population appuie davantage l'aide médicale à mourir lorsqu'il s'agit de personnes atteintes d’une maladie grave, potentiellement mortelle ou évolutive que lorsqu'il s'agit de personnes qui ne se trouvent pas dans une telle situation et qui ont encore de nombreuses années devant elles.
    Selon moi, c’est le défi auquel le Parlement est confronté et ce défi découle de l'arrêt Carter. Cette décision s’applique au suicide assisté, à l’euthanasie volontaire, aux maladies psychologiques et physiques et aux situations où la personne n’est pas en fin de vie. Cette décision, la portée de cette décision, est très large. Le défi du Parlement et des assemblées législatives n’est pas de déterminer les limites de cette décision. Encore une fois, si cette décision comporte des limites, celles-ci ne devraient pas aller à l’encontre de l’esprit de la décision…
    Le coprésident (L'hon. Kelvin Kenneth Ogilvie): Merci…
    M. Benoît Pelletier: … car, bien entendu, il faut respecter la décision de la Cour suprême du Canada.
(1755)
    Merci, maître Pelletier.
    J'aimerais rappeler à tous que nous avons une limite de cinq minutes pour la question et la réponse.
    C'est le tour de M. Rankin.
    Merci, monsieur le président.
    Maître Pelletier, je vous remercie de vos observations.
    Je remarque, au chapitre 2 de votre rapport, que vous parlez abondamment des enjeux fédéraux-provinciaux, et vous avez aussi parlé aujourd'hui du fait que la population s'attend à une bonne collaboration entre le gouvernement fédéral et ceux des provinces. Nous avons entendu hier le témoignage de Me Hogg, qui nous a rappelé que le gouvernement fédéral doit établir son propre régime. Il ne peut pas compter sur les provinces pour intervenir. Elles ne le feront pas nécessairement. Selon lui, nous avons le devoir constitutionnel de nous rappeler que nous faisons ce travail pour l'ensemble du Canada.
    Il a fait une proposition, et j'aimerais vous entendre y réagir. Il nous a recommandé de nous doter d'un système par lequel le gouvernement fédéral — le cabinet ou le ministre de la Santé — déclarerait que les régimes provinciaux, s'ils répondent aux exigences, sont sensiblement similaires, et je pense entre autres à celui du Québec. Il nous a donné deux autres exemples où le gouvernement fédéral a eu recours à ce type d'intervention.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette piste de compromis. J'aimerais savoir aussi si vous êtes d'accord avec son analyse selon laquelle nous devons présumer que les provinces n'adopteront peut-être pas toutes des lois et que pour cette raison, nous devons nous lancer seuls, pour ainsi dire.
    Je ne pense pas qu'il faille partir de l'hypothèse que les provinces n'ont pas à adopter de loi. L'aide médicale à mourir ou à la mort relève à la fois du droit criminel et de la santé. En matière de santé, une partie du Canada estime que c'est une question de compétence partagée. C'est une compétence qui incombe à la fois aux provinces et au Parlement fédéral. Tout dépend de la perspective. Tout dépend de la nature de l'intervention de l'assemblée législative concernée.
    Je dirais qu'on ne peut pas présumer qu'il n'y aura pas de lois provinciales ou qu'il ne devrait pas y avoir de lois provinciales. Vous pourriez par contre vous entretenir avec vos homologues des provinces, en discuter avec eux, établir un dialogue et voir comment vous pouvez agir de façon concertée en ce qui concerne l'aide médicale à la mort, afin de rendre les interventions fédérales et provinciales les plus cohérentes et harmonieuses possible.
    Pour ce qui est de la loi du Québec, je dirais très brièvement qu'elle pourrait être un très bon modèle de base pour le Canada, mais elle ne semble pas aller aussi loin que la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Carter.
    Cela me rappelle une chose écrite à la page 62 du rapport. Vous écrivez clairement que la Cour n'a pas limité sa décision, comme le Québec, aux maladies en phase terminale, mais qu'elle va bien plus loin. Pourriez-vous nous parler un peu plus des limites que vous proposeriez pour les termes utilisés dans l'arrêt Carter.
    Par exemple, jugez-vous nécessaire de définir les termes « graves » et « irrémédiables » , ou préféreriez-vous simplement laisser le soin aux juges d'interpréter ces termes au fil du temps?
(1800)
    Bien sûr, il y a des gens qui voudraient que ces termes soient définis et d'autres qui préféreraient le contraire.
    Ceux qui souhaitent que ces termes soient définis disent qu'ils pourraient être interprétés de différentes manières et que les médecins qui se trouveront en situation d'offrir de l'aide médicale à la mort ne sauront pas nécessairement comment définir les termes « grave » et «irrémédiable ». Ils estiment donc qu'il serait bon de les définir dans la loi.
    Cependant, ces termes sont très difficiles à définir. Nous avons consulté beaucoup de gens, comme vous le savez, mais quand nous leur avons demandé de nous donner ou de nous proposer une définition pour ces mots, je dois dire bien honnêtement que personne ne nous a proposé de définition pouvant être inscrite dans la loi. La plupart des gens se disent favorables à ce qu'on définisse ces termes, mais ils doivent encore réfléchir à la façon de les définir. Bien sûr, les dictionnaires en donnent des définitions, mais ces définitions ne nous aident pas beaucoup.
    La sénatrice Nancy Ruth.
    Je vous remercie de votre travail et je vous remercie d'être ici ce soir.
    Dans votre cahier de questions, au troisième scénario sur l'admissibilité, vous avez demandé aux Canadiens s'ils devraient pouvoir recevoir de l'aide médicale à la mort sur la base de directives anticipées. Soixante-deux pour cent de l'échantillon représentatif s'est dit d'accord ou fortement d'accord pour que ce soit possible. Est-ce que je me trompe en disant que le scénario sur les directives anticipées est celui qui a reçu le plus grand appui parmi tous ceux que vous avez proposés?
    Eh bien, je dois dire que nous n'avons pas examiné d'aussi près que d'autres la question de la directive anticipée. Je crois qu'il serait bon que ce comité, ou même d'autres institutions, se penchent davantage sur la question particulière des directives anticipées.
    Je le fais volontiers, mais ma question porte sur votre rapport, selon lequel 62 % des répondants se sont dits d'accord ou fortement d'accord pour dire que c'est une bonne chose, et c'est le scénario qui a reçu le plus fort appui. Est-ce bien exact?
    Pendant que le secrétariat trouve la réponse à cette question, je vais continuer.
    Il y a une chose qui me frappe toujours quand on me parle des autres pays où l'aide médicale à la mort est autorisée. En effet, tous les pays du Benelux, la Suisse et les États des États-Unis qui offrent ce type de soins pourraient tous entrer sur le territoire du Canada, et il nous resterait de la place, donc je pense que le contexte géographique dans lequel nous prenons ce genre de décision est très important, même si nous n'avons peut-être pas la population que tous ces pays réunis ont.
    Ma question porte sur les périodes d'attente. D'autres témoins ont indiqué qu'il pourrait valoir la peine d'envisager des périodes d'attente comme mesure de protection. À mon avis, il est impossible pour le Parlement d'établir une période d'attente qui soit juste pour tous. Compte tenu de l'étendue de notre pays et de l'absence d'établissements médicaux complets à bien des endroits, y a-t-il une raison pour laquelle on ne pourrait pas décider de la durée de cette période au cas par cas ou pourquoi cette décision ne pourrait pas être prise par le médecin en charge et le patient ou le médecin et le mandataire désigné au moyen de directives anticipées.
    Oui, la géographie présente un défi pour le Canada, bien sûr, parce qu'il y a beaucoup de gens qui vivent dans des communautés très éloignées.
    Certains craignent que les gens qui vivent dans des villages isolés ne jouissent pas d'un accès équitable à l'aide médicale à la mort. C'est pourquoi certains experts nous ont proposé de créer un groupe de médecins itinérants, qui se composerait de personnel médical et qui se déplacerait pour assurer un accès à l'aide médicale à la mort dans tout le pays, même dans les régions les plus éloignées.
(1805)
    Est-ce que cela signifie qu'un patient et le médecin...
    Sénatrice Ruth, vous devez le laisser terminer de répondre à votre première question, parce que vous n'avez plus de temps.
    L'hon. Nancy Ruth: Oui, ma question portait sur ces 62 %.
    Le coprésident (L'hon. Kelvin Kenneth Ogilvie) Monsieur Pelletier, avez-vous une réponse à nous donner ou préféreriez-vous nous répondre ultérieurement?
    Concernant la réponse de l'échantillon représentatif à la question « Dans quelle mesure êtes-vous en accord ou en désaccord que vous-même... devriez pouvoir recevoir l'aide médicale à mourir... si vous avez à présent une démence avancée et que vous ne pouvez prendre de décisions vous-même », je vois dans le rapport que 42 % des gens se sont dits fortement d'accord.
    Combien se sont dits d'accord? Il y avait deux réponses: « fortement d'accord » et « d'accord ». Quel est leur total combiné? Je crois comprendre qu'il est de 62 %.
    Le total combiné est 62 %: 20 % se sont dits d'accord et 42 %, fortement d'accord.
    Le prochain intervenant sera le sénateur Joyal.

[Français]

     Merci, monsieur le coprésident.
    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Pelletier.
     Je voudrais parler du point no2, qui est intitulé « Les mineurs matures ». Cela figure à la page 59 de votre rapport.
    Comme vous le savez, l'arrêt Carter fait référence à un adulte compétent. Hier, votre collègue, le professeur Hogg, a mentionné que, dans le code pénal, il peut y avoir différents âges relatifs à la majorité. En d'autres mots, vous pouvez être majeur à 21 ans, à 18 ans ou à 16 ans.
    L'arrêt Carter a établi qu'un adulte compétent avait le droit à l'aide médicale à mourir. À mon avis, le Parlement n'est pas limité par cet arrêt ou par une interprétation stricte de la définition de ce qu'est un adulte. Il revient au Parlement de définir ce que devrait être la capacité mentale d'une personne à exprimer sa décision et son intention.
    Indépendamment de ce que vous avez constaté dans votre rapport, en particulier en ce qui a trait à la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé de l'Ontario, qui ne précise pas l'âge auquel un mineur est autorisé à exprimer son accord ou son désaccord à un traitement, en tant que professeur de droit, avez-vous quelque chose à suggérer au comité sur l'approche qu'il devrait adopter pour définir l'âge de l'accessibilité à cet égard?
    Dans un premier temps, je dois vous dire que vous avez raison. Le Parlement du Canada peut aller au-delà de l'arrêt Carter, qui adopte comme principe que l'aide médicale à mourir est accessible à une personne adulte. Bien entendu, cela soulève la question de savoir qui est adulte et à quel âge on l'est. Néanmoins, le Parlement peut aller plus loin que cet arrêt et chercher également à offrir l'aide médicale à mourir à des mineurs ayant une capacité décisionnelle. Pour plusieurs personnes, la grande question n'est pas liée à l'âge, mais à la capacité décisionnelle.
    Le Parlement a la possibilité d'aller plus loin que l'arrêt Carter. En ce moment cependant, dans le Code criminel du Canada, l'âge retenu est de 18 ans. Dans les provinces, l'âge de la majorité est de 18 ans ou de 19 ans; cela varie. Il pourrait donc être possible, pour le Parlement, de déterminer à quel âge quelqu'un est adulte et de n'appliquer l'aide médicale à mourir qu'aux adultes, de la même façon qu'il lui serait possible d'ouvrir encore davantage l'accès à l'aide médicale à mourir en l'offrant à des mineurs qui ont, je le répète, une capacité décisionnelle, mais qui ne sont pas adultes au sens strict.
(1810)
    N'y aurait-il pas lieu alors de suivre la même procédure que la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé de l'Ontario, qui a 20 ans de pratique et qui, en somme, laisse aux praticiens, c'est-à-dire aux professionnels, le rôle ou la responsabilité de décider de la capacité mentale de la personne dans le cas de ce qu'on appelle « en deçà de l'âge adulte de 18 ans ou de 21 ans »?
    C'est évidemment une possibilité que le Parlement devra examiner.
    Sur un plan strictement personnel — et je n'engage pas ici les autres membres du comité —, je vous dirais que, éventuellement, les débats devant les cours seront fondés sur le principe de l'égalité. Dans l'arrêt Carter, la Cour suprême du Canada a tranché le débat sur la base du droit à la vie, à la sécurité et à la liberté de la personne. Elle n'a pas voulu répondre à la question fondée sur le droit à l'égalité prévu à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Effectivement, il pourra y avoir des litiges devant les tribunaux, à savoir des gens qui réclameront l'accès à l'aide médicale à mourir au nom de l'égalité. Ceux qui ont plaidé le plus fermement pour l'application de l'aide médicale à mourir aux mineurs nous ont dit essentiellement que la souffrance, c'est la souffrance, peu importe l'âge de la personne qui souffre. C'est évidemment là un argument saisissant.

[Traduction]

    Je donne maintenant la parole à Mme Dabrusin.
    Vous avez remarqué, lors de votre étude de la situation dans les États européens que vous avez visités, que les gens étaient en général satisfaits de leurs lois. Je mentionne d'ailleurs que dans plusieurs de ces pays, l'aide médicale à mourir est autorisée pour les troubles mentaux ou psychiatriques.
    Vous avez mentionné certaines conditions préalables, dont la protection de la transparence. J'aimerais vous poser quelques questions sur la surveillance. Comment décririez-vous ce que constitue une surveillance efficace dans un régime offrant l'aide médicale à mourir?
    Cette idée de surveillance est très rassurante pour la population. La population aimait savoir qu'il y aura un organisme ou différents organismes qui recueilleront des données et analyseront comment l'aide médicale à mourir s'articule à l'échelle du Canada. Ils pourraient même étudier son incidence sur les droits de la personne en général.
    Beaucoup de points de vue ont été exprimés sur la mission d'un éventuel organisme de surveillance. Certains croient qu'il devrait se limiter à la collecte de données, des données qui resteraient confidentielles, puis qu'il devrait y avoir un rapport public, peut-être même un rapport au Parlement. D'autres vont plus loin et affirment que l'organisme de surveillance devrait véritablement faire une analyse sociale de l'incidence de l'aide médicale à la mort et peut-être même disposer d'un fonds pour subventionner les chercheurs désireux de mener des recherches sur les différents aspects de cet enjeu.
    Il n'est pas clair, non plus, s'il ne devrait y avoir qu'un organisme fédéral. Il pourrait y avoir un organisme fédéral et différents organismes provinciaux, ou il pourrait n'y avoir que des organismes provinciaux qui travailleraient en collaboration, ensemble, un peu comme une organisation interprovinciale. Ce serait possible. Quand on entend le mot « surveillance », il ne faut pas nécessairement penser au gouvernement fédéral uniquement. Ce pourrait être un organisme fédéral, provincial et territorial. Dans tous les cas, cette idée rassure la population, c'est clair.
    Permettez-moi de vous dire ceci: à mon avis, il y a quatre points cardinaux, quatre éléments fondamentaux, qui rassurent les gens et qui sont importants ici. Il y a d'abord, bien sûr, l'accès à l'aide médicale à la mort, au moins comme la Cour suprême du Canada l'a défini dans l'arrêt Carter. Le deuxième élément serait un mécanisme de surveillance efficace. Le troisième consisterait à améliorer les soins palliatifs. Le quatrième serait de nous doter de mesures de protection robustes pour les personnes vulnérables.
    Parlez à n'importe qui et dites-lui que ces quatre éléments feront partie de l'intervention fédérale ou provinciale à l'égard de l'aide médicale à la mort, et les gens seront rassurés, parce qu'il n'y aura pas qu'un accès à l'aide médicale à mourir, mais également une volonté de surveillance, une volonté d'améliorer les soins palliatifs et une volonté de protéger les personnes vulnérables.
    Allez-y, monsieur Deltell.
(1815)

[Français]

     Monsieur Pelletier, soyez le bienvenu à votre Parlement.
    Monsieur le coprésident, sans vous raconter nos vies, il me fait plaisir de revoir M. Pelletier. Je l'ai connu alors qu'il était député et ministre à Québec lorsque j'étais journaliste. Par la suite, quand je suis devenu député à Québec, il était professeur et commentateur. Je ne rappellerai pas ici ce qu'il a dit sur mon travail. On s'en reparlera par la suite.
    Monsieur Pelletier, je vous remercie infiniment. Je remercie votre comité et je vous remercie d'avoir fait un travail si rigoureux et si studieux. En cinq mois à peine vous avez pondu un document très riche en informations pertinentes. Bravo. Je vous salue et vous en remercie.
    J'aimerais aborder deux points avec vous. Il s'agit de la question des plus vulnérables. J'aborderai tout d'abord un sujet qui vous sied bien, à savoir celui du fédéralisme coopératif. Un peu plus tôt, vous avez parlé du leadership canadien. En fait, c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.
    Les soins de santé relèvent des gouvernements provinciaux, mais il faut savoir jusqu'où ils vont être touchés par le Code criminel. Vous parlez du leadership canadien et du fédéralisme coopératif. J'aimerais donc entendre vos commentaires sur les deux hypothèses suivantes.
    Le gouvernement canadien peut définir précisément jusqu'où les soins de santé peuvent aller ou, au contraire, le gouvernement canadien peut laisser le soin aux provinces de définir les soins de santé en limitant, d'une certaine façon, le Code criminel pour permettre aux provinces de s'ajuster. Cependant, puisqu'il s'agit essentiellement de soins de santé et que cela relève à 100 % des provinces, cette initiative devrait être la responsabilité de chaque province. Chacune aura donc le temps de faire ce débat, comme il s'est fait pendant six ans dans la province de Québec.
     Selon vous, la loi qui sera présentée par le gouvernement fédéral devrait-elle être plus précise ou, au contraire, laisser la marge de manoeuvre aux assemblées législatives provinciales?
    À mon avis, le fédéral devrait laisser une marge de manoeuvre appréciable aux provinces pour agir en la matière, tout en légiférant peut-être sur des choses comme l'âge, dont on a parlé précédemment. Il pourrait peut-être aussi, à titre d'exemple, légiférer sur la question des conditions de résidence. En effet, s'il devait y avoir des conditions de résidence différentes d'une province à l'autre, il y aurait un risque de tourisme interprovincial et, peut-être même, de tourisme international si une province devait ne pas avoir de conditions de résidence.
    L'âge et les conditions de résidence sont, selon moi, probablement les deux sujets les plus évidents par rapport à une intervention fédérale possible. Lorsqu'on examine la question du leadership fédéral ou de l'intervention fédérale, on peut envisager plusieurs possibilités et plusieurs scénarios.
    Le premier scénario consisterait en une intervention du fédéral qui se limiterait au Code criminel du Canada. Ce serait donc assez limité.
     Le deuxième scénario comprendrait un changement au Code criminel du Canada et des décisions du Parlement du Canada. Celui-ci adopterait des mesures en ce qui concerne l'admissibilité et la protection des personnes vulnérables. Ce serait aller beaucoup plus loin.
    Dans le troisième scénario, le fédéral adopterait une loi-cadre en espérant que les provinces y souscrivent, ou en les invitant fortement à y souscrire, ou en laissant beaucoup de place aux provinces et aux territoires étant donné qu'il est beaucoup question de prestations de soins dans la question de l'aide médicale à mourir, ce qui est, essentiellement, de compétence provinciale.
     En ce qui me concerne, je souhaite que le fédéral laisse beaucoup de place aux provinces. Sur un tel sujet, je verrais mal que le gouvernement fédéral intervienne trop massivement parce que l'aide médicale à mourir se passe essentiellement dans des hospices, dans des hôpitaux et dans des maisons de soins palliatifs qui relèvent essentiellement de la compétence provinciale.
    La vision que M. Hogg a avancée est évidemment une vision qu'on peut avoir du fédéralisme canadien. Toutefois, celle que je véhicule depuis des années est fondée sur l'existence de deux ordres de gouvernement au Canada, chacun ayant des responsabilités constitutionnelles, et pas seulement qu'un gouvernement.
(1820)

[Traduction]

    Merci beaucoup, maître Pelletier.
    Certains recommandent — et vous en avez fait mention dans votre exposé — que le gouvernement fédéral modifie le Code criminel afin de permettre aux professionnels réglementés de la santé, comme les infirmières autorisées et les infirmières praticiennes en exercice sous les directives de médecins, d'administrer l'aide médicale à la mort. Auriez-vous l'obligeance de nous faire part de votre opinion à ce sujet?
    Oui, vous aurez remarqué que le terme utilisé par la Cour suprême du Canada, en anglais, est « physician-assisted death », alors que le terme français est parfois « aide médicale à mourir », un terme évidemment plus vaste, mais en anglais, la Cour suprême parle directement des médecins.
    Bien que la Cour suprême affirme qu'il faut protéger le personnel médical, tous les professionnels médicaux qui participent au traitement devraient être protégés comme les médecins.
    Pour être honnête, je n'ai aucune idée s'il faudrait autoriser les infirmières ou d'autres professionnels à fournir le traitement ou à dispenser de l'aide à mourir, mais je vais vous donner mon opinion personnelle, et ce n'est que mon opinion personnelle. Je me rends compte qu'il est très difficile pour moi ce soir de représenter mes collègues du comité tout en répondant à vos questions comme vous souhaitez probablement que je le fasse.
    Je vous dirais que c'est la première fois que le Canada se pose le défi de se positionner sur l'aide médicale mourir. Je crois personnellement que le Canada doit faire preuve d'une très grande prudence en la matière, reconnaître la décision de la Cour suprême du Canada, la respecter, mais aussi comprendre que c'est une nouvelle réalité pour notre pays, que nous les Canadiens devrons nous y adapter. Une fois la période d'adaptation passée, il pourrait y avoir d'autres mesures réclamées par la population elle-même. Je serais porté à dire que dans un premier temps, nous devrions être extrêmement prudents et ne pas nous avancer au-delà l'arrêt Carter.
    L'arrêt Carter nous indique la destination. Je pense que pour l'instant, il nous suffit de respecter la destination. Je ne recommanderais pas au Parlement d'aller plus loin pour l'instant.
    Encore une fois, ce n'est que mon point de vue personnel.
    Sénateur Cowan, à vous de poser la dernière question. Nous allons devoir passer au prochain groupe rapidement, parce qu'il doit être sorti d'ici à 19 h 30 exactement.
(1825)
    Je vous remercie d'être ici, et je vous remercie de tout le travail que vous avez fait.
    J'aimerais revenir brièvement à la question que M. Rankin vous a posée concernant la proposition avancée par maître Hogg hier. J'aimerais connaître votre point de vue, à titre d'avocat et de professeur de droit constitutionnel, quant au pouvoir que la Loi canadienne sur la santé confère au Parlement du Canada pour agir si les provinces ou les territoires n'interviennent pas.
    Je pense que maître Hogg disait qu'il ne faut pas présumer que les provinces n'agiront pas, mais que nous ne pouvons pas non plus présumer que toutes prendront des mesures et que toutes respecteront l'arrêt Carter de la même manière.
    La Loi canadienne sur la santé autorise-t-elle le Parlement à agir dans ce cas de figure?
    Je pense que de manière générale, la Constitution confère effectivement ce pouvoir ou cette compétence au Parlement. Encore une fois, la Cour suprême a déclaré que la santé était une compétence partagée et n'a pas donné de description ou de définition des compétences respectives des provinces et du Parlement fédéral. Le Parlement pourrait intervenir par la Loi canadienne sur la santé. Il pourrait adopter une loi indépendante, une nouvelle loi sur l'aide médicale à mourir, par exemple, en plus de modifier le Code criminel.
    Je pense que l'important — et encore une fois, c'est mon point de vue personnel —, c'est que le Parlement du Canada s'assure, s'il intervient, qu'il y a non seulement des mécanismes de protection, mais que l'accès à ces soins est offert partout au pays.
    Il doit s'assurer de l'égalité de l'accès et des chances, si le terme est bon...
    Tout à fait.
    ... il y a une responsabilité pour le Parlement fédéral.
    Vous avez raison. Je ne crois pas que le fédéral puisse intervenir seulement à l'égard de certains aspects de la question. Ce ne serait pas équitable à mon avis. S'il y a intervention, elle doit porter sur tous les aspects, dans le but notamment de s'assurer d'abord et avant tout que cette aide est accessible partout au Canada.
    Par ailleurs, j'apprécierais pour ma part que l'on respecte les mesures prises par le Québec. Autrement dit, je voudrais que l'on respecte la loi québécoise et qu'elle ne soit pas mise en péril par une intervention fédérale. Je suis persuadé que la plupart...
    Nous allons être interrompus dans un instant, mais j'aimerais simplement dire que la solution résiderait, suivant la réponse de M. Hogg, dans l'équivalence, c'est-à-dire qu'il pourrait y avoir une déclaration d'équivalence à l'égard d'une norme appliquée par une province, même si son approche est légèrement différente. Êtes-vous du même avis?
    Oui, mais il ne faut pas oublier que la loi québécoise ne va pas aussi loin que la décision Carter.
    Elle doit d'abord être modifiée en conséquence.
    Effectivement. C'est un problème important.
    Merci, monsieur Pelletier.
    Il n'y a pas concordance exacte avec la décision Carter, ce qui est très problématique.
    Je souhaiterais que les mesures prises par le Québec soient respectées intégralement. En toute franchise, je préférerais qu'il y ait coopération et collaboration entre les gouvernements. S'il y a un dossier, monsieur le président où une telle coopération est possible et souhaitable, c'est assurément celui-ci.
    Merci. Je crois que c'est une excellente conclusion à votre témoignage.
    Merci beaucoup d'avoir bien voulu comparaître devant nous.
    Nous allons maintenant interrompre la séance brièvement, car nous devons poursuivre sans tarder avec nos prochains témoins.
(1825)

(1830)
    Chers collègues, nous accueillons maintenant notre second groupe de témoins.
    Nous recevons les deux coprésidentes du Groupe consultatif provincial-territorial d'experts sur l'aide médicale à mourir, Jennifer Gibson et Maureen Taylor.
    Mesdames, vous avez droit à un total de 10 minutes pour votre exposé. Nous allons essayer de ne pas perdre de temps, car nous savons que vous devez partir à 19 h 30 précise.
    Vous avez la parole.
    Nous vous remercions beaucoup de nous avoir invitées à comparaître devant vous.
    Je dirais que ce fut toute une aventure — et je suis persuadée que c'est la même chose pour vous aujourd'hui — de nous pencher ainsi sur ces questions en vue d'en arriver à formuler une série de recommandations dont vous avez sans doute pu prendre connaissance dans notre rapport ainsi que dans le diaporama que nous avons préparé.
    Nous aimerions aujourd'hui souligner quelques points importants de ce rapport avant d'engager la conversation avec vous afin de vous apporter certaines précisions au besoin. Il est possible que nous n'utilisions pas les 10 minutes à notre disposition, mais nous avons grand-hâte de pouvoir discuter avec vous.
    J'aimerais vous dire d'entrée de jeu que 11 des 13 gouvernements provinciaux et territoriaux ont conjugué leurs efforts pour mettre sur pied ce groupe consultatif d'experts. Suivant la volonté exprimée, il fallait chercher à éviter une approche fragmentée. C'est donc l'une des raisons pour lesquelles nous avons créé un groupe consultatif d'experts capables de formuler des recommandations permettant d'assurer l'uniformité entre les différentes régions du pays.
    Outre ce souci d'uniformité, les intervenants ont aussi insisté, dans leurs mémoires écrits comme lors des consultations en personne, sur l'importance de la collaboration entre les différentes instances, à savoir les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ainsi que les autorités réglementaires. On nous a également dit que les rôles de chacun devraient être mieux précisés et harmonisés, et qu'un effort véritable s'imposait pour que l'on y parvienne tous ensemble. C'est un message important que l'on n'a pas cessé de nous réitérer.
    On n'a pas hésité non plus à revenir sur l'importance d'une solution législative efficace, tant au niveau des provinces et des territoires qu'à l'échelon fédéral. Nous souhaiterions d'ailleurs pouvoir discuter notamment avec vous des clarifications qu'il conviendrait semble-t-il d'apporter dans le Code criminel. Les intervenants provinciaux et territoriaux n'ont en effet pas manqué de nous dire à quel point cela pourrait leur faciliter la tâche dans leurs sphères de compétence respectives.
    Comme vous l'ont indiqué les membres du comité fédéral, on nous a aussi fait valoir à maintes reprises que l'aide médicale à mourir ne devrait pas être considérée comme une série d'activités parallèles, isolément d'une gamme complète de services de fin de vie pour les Canadiens. Il était donc bien clair, et nous l'avons répété dans notre rapport, qu'il convient de considérer l'aide médicale à mourir comme un élément d'une stratégie intégrée de soins de fin de vie qui met à contribution tous les ordres de gouvernement, y compris les autorités réglementaires, de façon très efficace.
    Il est ainsi encourageant de constater qu'une cohérence plutôt rassurante transparaît d'une partie des conclusions du comité fédéral et du rapport que nous avons nous-mêmes produit. Je vais maintenant laisser la parole à Maureen qui va vous exposer certains des points que nous souhaitons mettre en relief relativement aux clarifications qui pourraient être apportées dans le Code criminel.
(1835)
    Je tiens à vous remercier également de nous avoir invitées.
    Je crois que l'on vient tout juste de vous remettre notre diaporama. Je dirais que l'essentiel se trouve à la page 6 où il est question des priorités que nous recommandons au gouvernement fédéral. Nous allons d'ailleurs vous parler de quelques-unes de ces priorités.
    La première porte sur le point que vient tout juste de soulever M. Pelletier en soulignant que d'autres professionnels de la santé ont parfois un rôle à jouer relativement à l'aide médicale à mourir. Nous ne sommes pas du même avis. Nous avons la ferme conviction que la décision de la Cour suprême ne visait pas à exclure les autres professionnels de la santé en parlant d'aide médicale à mourir.
    Il suffit de comprendre la manière dont les soins de santé sont dispensés au Canada pour savoir que les médecins ne peuvent pas y parvenir à eux seuls. Les territoires nous ont d'ailleurs soumis d'excellents arguments en ce sens en nous rappelant que certaines collectivités uniquement accessibles par avion n'ont pas de médecin, mais plutôt une infirmière qui travaille dans un dispensaire. Si nous voulons garantir l'accès dans l'ensemble du pays, nous devrons mettre en place un mécanisme qui permettra à ces infirmiers et infirmières de dispenser l'aide médicale à mourir après une évaluation à distance par un médecin grâce à la télémédecine.
    Pour le cas où vous l'ignoreriez, les infirmières praticiennes jouissent dans le cadre de leur pratique d'une indépendance qui devrait sans nul doute englober les soins de fin de vie. Nous souhaiterions donc que vous profitiez des modifications que vous allez apporter au Code criminel en fonction de la décision Carter pour bien préciser que les autres professionnels de la santé, comme les infirmières et les pharmaciens — je suis d'ailleurs moi-même adjointe au médecin — seront protégés, en indiquant tout particulièrement que les infirmières praticiennes et les autres professionnels suivant les directives d'un médecin pourront déterminer l'admissibilité d'un patient et lui dispenser l'aide nécessaire. C'est une question d'accès.
    J'aimerais aussi vous dire un mot concernant l'un des derniers points qui traite de la définition de problèmes de santé « graves et irrémédiables ». Je sais que M. Pelletier vous a indiqué que certains réclament une telle définition sans que personne ne soit trop sûr de la façon dont cela devrait être défini, mais nous avons la ferme conviction que c'est l'usage courant qui devrait prévaloir. Il devrait s'agir d'une maladie « grave ou très grave ». À la lumière de ma propre expérience des soins de première ligne, je crois pouvoir affirmer que les professionnels de la santé sont tout à fait à même de reconnaître ce qui est « grave ou très grave ». Il va de soi par exemple que l'acné ne répond pas à cette définition.
    Voilà les questions que je souhaitais aborder avec vous, je vais maintenant laisser Jennifer vous en dire un peu plus long.
    Il y a toute la question des définitions à utiliser. Tout au long de nos consultations, on nous a souligné que c'est au chapitre des définitions que les clarifications apportées dans le Code criminel devraient assurer une plus grande uniformité entre les provinces. Il y a notamment la définition d'« adulte ». Comme quelqu'un l'a fait remarquer tout à l'heure, l'âge de la majorité (18 ou 19 ans) n'est pas le même partout au pays. Pour ce qui est des décisions à prendre concernant les soins de santé, il n'y a pas d'âge de consentement dans la plupart des provinces. Il en ressort que certaines provinces appliquent la règle du mineur mature qui permet à une personne mature de moins de 18 ans, en pleine possession de ses facultés, de prendre les décisions qui la concernent à la fin de sa vie.
    Nous sommes d'avis que la définition d'« adulte » qui sera retenue devra être fondée sur cette capacité de décision, plutôt que sur l'âge.
    Cette prise de position peut s'expliquer de différentes manières. Depuis bien des années, la pleine possession des facultés de décision est déterminante quand vient le temps de savoir si une personne peut ou devrait pouvoir consentir à un traitement à la fin de sa vie. Il s'ensuivrait un bouleversement important de la pratique qui ne serait pas justifié dans les autres situations de fin de vie. Nous croyons en outre que cela irait tout à fait dans le sens de l'intention exprimée par la Cour suprême du Canada. Il s'agit en effet d'une personne qui peut volontairement choisir une certaine avenue, soit l'aide médicale à mourir administrée par un médecin ou par elle-même, en fonction des critères établis, parce qu'elle est apte à prendre une telle décision, qu'elle croit que cela est dans son intérêt, ou qu'elle estime cette solution conforme à ses valeurs. Plutôt que l'âge de la personne, c'est la capacité de décider qui fait foi de tout.
    Vous vouliez ajouter quelque chose?
(1840)
    Nous vous avons présenté les points les plus importants, mais il va de soi que nous sommes prêtes à répondre à vos questions sur tout autre sujet également. Merci.
     Merci beaucoup. Vous n'avez pas perdu votre temps.
    Monsieur Arseneault.

[Français]

     Merci, monsieur le coprésident.
    Mesdames Gibson et Taylor, je vous remercie de votre travail et de votre présence parmi nous aujourd'hui.
    Vous avez formulé une série de recommandations dont la première dit ceci: « Les provinces et les territoires, de préférence en collaboration avec le gouvernement fédéral, devraient élaborer et mettre en oeuvre une stratégie pancanadienne relative aux soins palliatifs et aux soins de fin de vie, y compris l'aide médicale à mourir. »
    Nous avons entendu hier le professeur Hogg et Me Ménard. Nous entendons aujourd'hui M. Pelletier. D'une façon ou d'une autre, ces personnes tendent à nous dire qu'une stratégie pancanadienne est nécessaire.
     Pouvez-vous nous dire plus en détail la raison pour laquelle vous avez senti le besoin d'en faire votre première recommandation?

[Traduction]

    Merci pour la question.
    Je vais être très directe. Il est bien évident que les soins palliatifs doivent être améliorés. Il faut également que les gens y aient accès plus facilement.
     Il m'arrive toutefois de penser que les gens exagèrent en parlant du manque de soins palliatifs. En regardant quelques-uns des témoignages que vous avez entendus cette semaine, je me suis dit que les statistiques mises de l'avant sont parfois tout à fait désuètes. Mon époux a reçu d'excellents soins palliatifs; ma mère également. Les provinces ont mis les bouchées doubles pour apporter des améliorations à ce chapitre.
    Nous pouvions constater avant le début de nos travaux que ceux qui s'opposaient à la décision de la Cour suprême soutenaient que l'on ne devrait pas mettre en place l'aide médicale à mourir au Canada tant que tous les citoyens du pays n'auront pas accès à des soins palliatifs de qualité. Avec notre régime de soins universel, il ne faut bien sûr pas s'attendre à des conditions idéales pour ce qui est de l'accès à des soins de qualité. C'est la nature de notre système de santé qui le veut. Je ne voulais pas que cela nous empêche d'aller de l'avant.
    Je préconise vivement une approche pancanadienne en matière de soins palliatifs, mais je suis tout à fait contre l'idée de laisser des gens souffrir d'ici à ce que nous y parvenions alors même qu'ils souhaiteraient mettre fin à cette souffrance et qu'ils satisfont aux critères d'admissibilité établis dans la décision Carter.

[Français]

    Laissez-vous entendre par là qu'il y a un manque de stratégie en ce sens au Canada, et ce, d'un océan à l'autre?

[Traduction]

    Il y a effectivement des lacunes pour ce qui est de la stratégie. Il y a aussi un manque de ressources, cela ne fait aucun doute.

[Français]

    J'ai une deuxième question à vous poser.
    Dans la recommandation no3, vous dites ce qui suit: « L'ensemble des provinces et des territoires devrait garantir l'accès à l'aide médicale à mourir, y compris au médecin qui administre lui-même une substance ou au médecin qui fournit les moyens qui permettront à un patient de s’auto-administrer une substance. »
     Bref, cela va un peu plus loin que la loi québécoise, qui est toute nouvelle.
     Pouvez-vous nous en dire davantage sur la recommandation no3 et nous expliquer pourquoi vous la soumettez?

[Traduction]

    D'après notre analyse, la décision Carter ouvre la porte tant à l'aide médicale à mourir auto-administrée qu'à celle dispensée par un médecin. Nous avons examiné ce qu'autorisent différents gouvernements à cet égard. Dans certains cas, seule l'auto-administration est permise. L'inconvénient d'une approche semblable c'est que les personnes qui ne sont pas physiquement capables de s'auto-administrer l'aide médicale à mourir perdent l'accès à cette possibilité. Pour leur part, d'autres gouvernements ont clairement indiqué que l'aide médicale à mourir dispensée par un médecin est le modèle souhaitable. Dans les deux cas, nous avons certes pu constater que l'approche retenue a pu être mise en oeuvre efficacement.
    Il y a certains Canadiens qui vont dire: « J'aimerais vraiment m'approprier cette décision. Je voudrais déterminer moi-même le moment de ma mort et pouvoir m'administrer la substance nécessaire. » D'autres diront: « Si mes souffrances deviennent intolérables et que je suis incapable de m'administrer quoi que ce soit, j'aimerais que quelqu'un m'apporte son aide. Je voudrais pouvoir prendre cette décision en toute lucidité et choisir le moment de ma mort. J'ai besoin d'aide pour pouvoir y arriver. »
    J'estime qu'il est de notre devoir d'offrir ces deux options aux Canadiens et aux Canadiennes.
(1845)
    Monsieur Cooper.
    Ma question porte sur la recommandation 29 de votre rapport suivant laquelle les médecins devraient produire un rapport à l'intention d'un comité d'examen qui attestera de la conformité. Je sais qu'un régime semblable existe dans les pays du Bénélux. Même si l'euthanasie est autorisée au Bénélux depuis une dizaine d'années ou un peu plus, selon le pays, un seul cas a donné lieu à des poursuites publiques et ce n'était pas à la suite d'un rapport. Ce n'était pas le fruit du travail d'un comité ou d'un conseil d'examen, mais plutôt le fait d'un médecin qui a parlé trop ouvertement aux médias.
    Dans ce contexte, dans quelle mesure pouvons-nous être raisonnablement assurés que les rapports présentés à un comité de la sorte seront conformes aux faits?
    C'est un sujet qui a été amené un certain nombre de fois, c'est-à-dire qu'on se demandait s'il fallait effectuer un examen rétrospectif ou un examen préalable de tous les dossiers. Nous avons passé beaucoup de temps à y réfléchir, et des témoins en ont parlé également.
    L'une des préoccupations qui a souvent été exprimée, c'est qu'à moins qu'un examen préalable ait lieu, cela pourrait donner lieu à des pratiques abusives de la part des médecins. Ce qui nous inquiète lorsque des gens soulèvent une telle préoccupation, c'est que cela s'appliquerait à presque toutes les décisions de fin de vie qui se prennent au Canada présentement. À l'heure actuelle, nous n'effectuons pas d'examen préalable des décisions de fin de vie de façon régulière dans les hôpitaux et les centres de soins palliatifs du pays. Il faudrait donc qu'on nous donne une très bonne raison pour que cette situation change dans le cas de l'aide médicale à mourir.
    Nous craignons également que la mise en place d'un processus d'examen préalable impose un fardeau injustifié aux Canadiens. Bon nombre d'entre eux seront entièrement aptes à prendre ces décisions, se seront forgé une opinion, auront suivi le processus et diront sans équivoque que c'est le choix qu'ils font. Leur capacité ne sera pas mise en doute et il n'y aura donc pas de controverse à cet égard. Je le répète, bon nombre de nos professionnels ont les compétences qu'il faut pour évaluer ce type d'aptitude. L'établissement d'un examen préalable imposerait un fardeau injustifié pour bon nombre de ces personnes.
    Nous allons dans le sens d'un examen rétrospectif, et c'est une étape importante. L'examen rétrospectif est extrêmement important puisqu'il nous permet de tirer des leçons apprises dans notre système. Il nous faut être en mesure d'assurer le suivi. Il faut que nous puissions suivre l'évolution des données. Nous devons également savoir sur quels plans des constantes se dégagent. Nous pourrons ainsi continuer d'améliorer les politiques qui appuient ce travail.
    Dans la préparation de nos recommandations, nous avons essayé de trouver le juste équilibre, non pas d'imposer un fardeau injustifié aux patients, mais de faire en sorte qu'il y ait suffisamment de garanties tout au long du processus, jusqu'au moment où la personne peut enfin s'administrer l'aide médicale à mourir ou se la faire administrer par un médecin, et de ne pas ajouter autre chose: examen judiciaire, tribunal, etc.
    Par conséquent, vous recommandez que la décision soit entièrement remise entre les mains des médecins. À mon avis, on les placerait ainsi dans une situation très délicate, eu égard à... d'un côté, l'application, dans bien des cas, d'un cadre complexe basé sur des faits à un régime juridique complexe. Dans quelle mesure les médecins sont-ils outillés pour le faire?
    Excusez-moi, mais que laissons-nous entre les mains des médecins exactement?
    La capacité de décider si le processus peut aller de l'avant sans obtenir d'autres autorisations.
    Nous avons parlé de deux médecins et de l'arrêt Carter: Un patient doit avoir reçu un diagnostic d'affection « grave et irrémédiable ». Tous les jours, des médecins prennent de telles décisions avec leurs patients. Oui, chaque jour, des médecins discutent avec leurs patients du moment où l'on doit mettre fin à la chimiothérapie ou du moment où l'on doit passer à la sédation terminale, et c'est d'ailleurs essentiellement de cette façon que mon mari est décédé.
    Ce sont des discussions qui... Tous les jours, les médecins évaluent l'aptitude des gens à prendre ces décisions. Il y a des médecins que cela rendra mal à l'aise, et nous disons très clairement qu'ils ne devraient pas être obligés de participer. C'est pour les médecins qui ont ce type de lien avec leurs patients, qui jugent qu'ils respectent les critères et qui veulent donner suite à leur demande.
(1850)
    Monsieur Rankin.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie beaucoup de votre excellent travail.
    Je veux revenir à vos recommandations. Un collègue m'a fait remarquer que très peu de recommandations concernent le gouvernement fédéral. La plupart d'entre elles s'adressent aux provinces. Certaines confirment simplement les pratiques concernant les collèges, etc.
    Quel type de rôle envisagez-vous pour le gouvernement fédéral? On nous a rappelé qu'une province pourrait ne rien faire, qu'elle pourrait décider de ne pas le faire. J'essaie donc de concilier cela avec vos recommandations.
    C'est un excellent point. Effectivement, la plupart de nos recommandations concernent les provinces et les territoires, et c'est en partie parce qu'elles se demandaient quel devrait être leur rôle.
    Toutefois, vous avez raison, et l'un de nos principaux messages est intégré dans nos recommandations, mais il vaut probablement la peine de l'examiner un peu. Comme nous l'avons souligné, ce que nous voulons, c'est que des précisions soient apportées au Code criminel concernant les professionnels de la santé et les critères d'admissibilité de sorte que ceux-ci s'appliquent partout au Canada.
    Nous avons également mis en évidence un rôle important du gouvernement fédéral, soit celui d'assurer une surveillance. Nous avons entendu ce qu'ont dit les spécialistes tout à l'heure. Nous imaginons deux types de suivi, en fait. La surveillance fédérale ressemblerait essentiellement à une commission qui fournirait des recommandations de politique d'ordre général. Des données seraient recueillies. Nous recueillerions des données partout au pays et nous serions en mesure de présenter à la population un rapport sur la situation de la fin de vie au Canada, surtout en ce qui concerne l'aide médicale à mourir. Ensuite, les provinces feraient une synthèse également.
    Bien entendu, l'un des problèmes, c'est que nous vivons dans un régime politique comprenant un gouvernement fédéral, dont la compétence en santé est restreinte, et des gouvernements provinciaux et territoriaux, qui sont responsables de la plupart des dossiers en santé. C'est le régime dont nous avons hérité. C'est dans ce cadre que nous travaillons. L'un des principaux messages que nous avons retirés des travaux que nous avons menés avec les provinces et les territoires, c'est qu'ils ne veulent pas d'un ensemble hétérogène. Bon nombre d'entre eux disaient qu'ils avaient besoin de précisions sur les questions concernant le Code criminel et qu'ils pourraient aller de l'avant à partir de là. Ils voulaient vraiment que le gouvernement fédéral leur donne une ligne de conduite, à partir des précisions sur le Code criminel, pour pouvoir agir.
    Nous ne disposons que de très peu de temps, mais dans la recommandation 18, vous préconisez — ce que vous avez fait dans votre exposé — une définition de certains termes clés comme « grave et irrémédiable ». Pourquoi? J'irais un peu plus loin: pourquoi ne pouvons-nous pas laisser aux tribunaux le soin de le faire? Nous intégrons tous ces mots dans le Code criminel, et certains sont très généraux, et au fil du temps, nous avons leur signification. Pourquoi devrions-nous peut-être nous limiter en incluant des mots dans une définition?
    Nous ne voulons pas que vous limitiez la définition. Le mot « irrémédiable » a déjà été défini dans l'arrêt Carter, car il dit que le patient n'a pas à essayer des thérapies qui sont pour lui inacceptables. C'est déjà fait.
    Dans le cas de « grave », nous disons « grave ou très grave ».
    Le Code criminel a probablement déjà... Puisque le mot figure déjà dans le Code criminel, pourquoi faudrait-il l'inclure?
    L'une des raisons pour lesquelles nous avons renforcé cela, c'est qu'un certain nombre de personnes commençaient à dire « si vous pouviez seulement nous dire ce que cela signifie, nous saurions comment l'appliquer », mais la plupart des cliniciens disent que cela ne fonctionne pas pour eux, qu'ils ne le savent pas.
    L'un des principaux messages que nous avons entendus à maintes reprises, c'est qu'ils veulent savoir dans quelle situation les mots « grave et irrémédiable » s'appliquent. Ils disent qu'en tant que cliniciens, ils travaillent sans être exposés à une responsabilité. Ils disent qu'ils veulent s'assurer de suivre les règles, mais ils demandent que ce ne soit pas énoncé d'une façon restreinte au point où, si les conditions...
    D'accord. C'est utile. Bien entendu, nous nous attendons tous à ce qu'il y ait des mesures de protection. Je crois que tout le monde s'entend là-dessus.
    Concernant le mot « apte », pouvons-nous laisser les médecins, et aussi les infirmières praticiennes, déterminer si une personne est « apte »? Je pense que vous avez soulevé un très bon point sur le rôle des infirmières praticiennes dans votre rapport. Avons-nous besoin de cette définition dans nos travaux?
    Dans notre rapport, nous disons que des moyens d'évaluer l'aptitude existent déjà dans certaines provinces. Si un médecin est inquiet au sujet de l'aptitude d'un patient, il demande l'opinion d'un autre spécialiste. Il envoie le patient. En Ontario, si le patient et le médecin ne s'entendent pas, on peut avoir recours à la Commission du consentement et de la capacité.
    Nous sommes d'avis qu'il faut utiliser ce qui existe déjà et, pour répondre à votre question, non, ce n'est pas nécessaire.
(1855)
    Si vous me le permettez, j'aimerais poser une question sur les recommandations 12 et 13, sur le délai d'achèvement de la déclaration, et particulièrement sur les directives anticipées.
    À la page 40, vous dites que vous « reconnaiss[ez] que les règles concernant les directives anticipées varient d'un endroit à l'autre du pays », mais que « lorsqu'un patient souhaite consentir à l'avance à une aide médicale à mourir », vous recommandez l'utilisation d'un « formulaire de déclaration du patient uniformisé ».
    Pourriez-vous nous aider à comprendre votre processus de réflexion?
    Selon la province... Puisque je viens de l'Ontario, j'utilise les directives anticipées. Dans quelques jours, Mme Jocelyn Downie, une spécialiste du droit de la santé, comparaîtra devant vous, et nous la laisserons donc expliquer une partie du jargon juridique.
    Elle était convaincue que ce n'était pas un terme appliqué de façon uniforme au pays. Elle croyait qu'il nous fallait trouver une nouvelle façon de déclarer légalement ce que seraient nos volontés si nous perdions nos facultés. Elle a trouvé l'expression « formulaire de déclaration du patient uniformisé », que nous adoptons.
    Or, si l'on est plus à l'aise d'envisager cela sur le plan des directives anticipées, contrairement aux témoins précédents, nous croyons que si une personne reçoit un diagnostic d'affection grave et irrémédiable et qu'elle est apte à prendre une décision au moment du diagnostic, elle devrait pouvoir utiliser une directive anticipée en quelque sorte pour préciser ses volontés au cas où elle ne serait plus apte à décider lorsque l'aide médicale à mourir pourra lui être administrée. Je crois que le rapport contient trois situations que vous pouvez lire.
    Nous ne sommes pas arrivés à nous entendre au sujet d'une quatrième situation. C'est plus délicat. Prenons moi, par exemple, qui suis en santé et qui n'ai pas reçu de diagnostic. Je sais que dans certaines circonstances, je voudrais recourir à l'aide médicale à mourir, mais certains membres de notre groupe étaient d'avis qu'une personne ne peut savoir quelles seront ses volontés avant d'avoir reçu un diagnostic. On ne peut pas faire de suppositions. C'est pourquoi nous disons que le gouvernement fédéral et les provinces devraient discuter ensemble de cette question très sérieuse au cours de la prochaine année et trouver une solution à cet égard.
    Pourriez-vous nous donner une idée des discussions que vous avez eues? Vous avez dit que les membres du groupe de travail avaient de la difficulté avec cette question, et le Québec a certainement eu de la difficulté aussi, car au bout du compte, la province a éliminé cet élément du projet de loi 52. Pourriez-vous nous faire part de certains commentaires recueillis au cours des discussions menées par votre comité dans les provinces et les territoires?
    Je vais laisser la bioéthicienne répondre à la question.
    Quelques facteurs entrent en jeu dans ce cas-ci. L'exemple le plus évident concerne le cas d'une personne avec toutes ses facultés qui souffre d'un problème de santé grave et incurable et dont les souffrances sont intolérables. Dans ce cas-là, cette personne serait manifestement admissible, car il ne fait aucun doute qu'elle répond aux critères.
    Les citoyens canadiens participent activement à cet enjeu. En effet, ils commencent à discuter de la mort. Nous avons lancé plusieurs initiatives axées sur la planification préalable aux soins un peu partout au pays. Nous encourageons les Canadiens à parler aux membres de leur famille et à exprimer leurs valeurs. Nous les encourageons également à réfléchir aux autres éléments liés à leur décès.
    Il s'agit d'un domaine de pratique en évolution. En effet, la population du pays s'intéresse de plus en plus à cet enjeu, mais même si les Canadiens souhaitent y participer, c'est toujours un domaine en évolution.
    L'une des choses qui nous préoccupent, c'est que dans le contexte précis de l'aide médicale à mourir, je peux exprimer clairement que je souhaite mettre fin à mes jours dans certaines circonstances, si je sais déjà que je souffre d'une maladie grave et incurable. Il se peut que mes souffrances ne soient pas intolérables, mais il se peut que je souhaite avoir l'occasion de parler avec les membres de ma famille et d'exprimer ma volonté à cet égard. Ensuite, si je perds mes facultés, mais que tous les autres critères ont été satisfaits, je voudrais que les membres de ma famille soient en mesure de concrétiser ma volonté. C'est un élément qui est revenu dans toutes les conversations que nous avons eues sur la planification préalable aux soins et sur la situation d'une personne qui perd ses facultés après avoir satisfait aux critères.
    Toutefois, la situation devient plus complexe lorsque j'ai franchi plusieurs des étapes nécessaires, mais que mes souffrances ne sont pas encore intolérables. Dans ce cas, il se peut que j'aie expliqué ma définition d'une souffrance intolérable et que j'aie donné une directive à l'avance à cet égard. Dans ce cas particulier, nous avons dit que l'expression de certaines volontés pourrait éclairer une décision de concrétiser ma volonté, c'est-à-dire de mettre fin à mes jours.
    Je crois que nous assistons à une convergence dans les conversations. En effet, elles convergent actuellement vers l'aide médicale à mourir. Il y a encore du travail à accomplir, mais je crois que nous progressons.
(1900)
    La parole est au sénateur Cowan.
    Je vous remercie d'être ici, et je vous remercie de vos travaux.
    Dans l'arrêt Carter, on parle d'une personne qui « est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition. » À votre avis, y a-t-il une raison de faire la distinction entre les maladies mentales et physiques?
    Nous ne faisons pas de distinction lorsqu'il s'agit de l'admissibilité à ce choix. Toutefois, je crois qu'il pourrait y avoir une marge de manoeuvre — vous avez parlé de périodes d'attente, de périodes de réflexion et de la question de savoir si les patients devraient subir une évaluation psychiatrique. Nous ne pensons certainement pas que tous les patients qui demandent cette option doivent subir une évaluation psychiatrique, mais à mon avis, lorsqu'il s'agit d'une maladie mentale — et dans ce cas-ci, nous parlons la plupart du temps de dépression réfractaire —, la plupart des médecins aimeraient que le patient subisse une évaluation psychiatrique. Je crois que ce sera simplement une bonne pratique.
    Non, une maladie mentale ne devrait pas exclure une personne en raison de la décision Carter, mais cela exigera-t-il un autre processus de réflexion? C'est possible, et je peux imaginer que ces personnes devront probablement convaincre le médecin sur une période prolongée.
    Ensuite, il y a la question de la compétence. Il est intéressant de noter que nous avons communiqué avec les associations psychiatriques. En effet, nous ne devrions pas présumer qu'une personne n'a pas toutes ses facultés parce qu'elle a une maladie mentale.
    Les tribunaux ont été très clairs à cet égard.
    Oui.
    J'aimerais poser une dernière question.
    Elle concerne l'objection de conscience. Personne ne tente de forcer une autre personne à participer à ce processus. Cela protège le praticien, qu'il s'agisse d'un médecin ou d'un autre professionnel du milieu médical. Toutefois, du point de vue du patient, il faut s'assurer qu'on exerce ce que j'appellerais une pratique d'aiguillage efficace. Cela signifie qu'il ne faut pas se contenter de dire « Je ne peux pas intervenir. Faites-le vous même. Menez des recherches dans Internet ou téléphonez à la société médicale et vous trouverez peut-être de l'aide ». Ne convenez-vous pas que nous devons concevoir un régime qui veille à ce qu'on exerce des pratiques d'aiguillage plus efficaces que cela?
    Oui.
    À quoi cela ressemblerait-il?
    Nous nous en sommes rendu compte pendant les consultations. Un grand nombre de médecins nous ont dit qu'au début, ils avaient l'impression que cela représentait un fardeau qui incombait seulement aux médecins.
    Toutefois, en ce qui concerne la question de l'accès, il est évident que plusieurs intervenants doivent collaborer. Nous avons défini les rôles des différents échelons et institutions, y compris les autorités régionales en matière de santé, afin de faciliter l'accès.
    À part la question de l'objection de conscience, l'accès en lui-même représentera un défi pour de nombreux Canadiens. On devra coordonner le système, ce qui se fera au niveau provincial et régional dans les provinces...
    C'est le rôle des organismes de réglementation, des collèges des médecins, etc.?
    Cela touche effectivement les organismes de réglementation. Je crois que c'est dans ce domaine que la Cour suprême du Canada nous a invités à équilibrer les droits.
    Dans la pratique clinique, nous reconnaissons — non seulement les médecins, mais également d'autres professionnels de la santé — qu'ils ont le droit de conscience. En fait, l'une de nos membres qui font partie du groupe consultatif d'experts, Dr Nuala Kenny, nous a rappelé que la question de la conscience s'applique également à ceux qui défendent la pratique de l'aide médicale à mourir et qui sont prêts à l'utiliser. Selon leur conscience, c'est la bonne chose à faire.
    Nous devons pouvoir veiller à établir un régime qui demande aux médecins et aux cliniciens de ne pas s'éloigner de ce qu'on leur demande de faire dans le cadre d'un service public. Les collèges ont un rôle important à jouer, car ils doivent définir très clairement les attentes de leurs membres en ce qui concerne la facilitation de l'accès.
    Nos recommandations sont très claires à cet égard, et les médecins, surtout dans le domaine des soins palliatifs, nous disent qu'il serait important d'organiser un transfert de soins efficace, mais que tous les médecins et cliniciens devraient être en mesure de fournir des renseignements sur tous les choix offerts. Cela ne signifie pas que le médecin doit participer à l'acte de l'aide médicale à mourir, mais il doit être en mesure de fournir les renseignements sur les choix offerts, et si nécessaire, en se fondant sur l'objection de conscience, il doit faciliter un transfert efficace. Pour y arriver, les médecins devront pouvoir compter sur l'aide d'autres intervenants dans le système.
(1905)
    Exactement. Puis-je m'assurer que vos commentaires s'appliquent également aux institutions?
    Oui.
    Merci. Avant de commencer, j'aimerais prendre le temps de vous communiquer quelque chose de très personnel. Je serai bref.
    Lorsque j'ai confié à ma femme, qui est médecin, que j'allais faire partie de ce comité, elle m'a immédiatement envoyé un lien vers le site YouTube, où on raconte l'histoire du Dr Donald Low. J'aimerais simplement vous remercier, Maureen, d'être ici, et de nous permettre de partager, de reconnaître et d'honorer l'impact de la vie et du décès de votre mari.
    Merci.
    Merci.
    Je vais partager mon temps avec ma collègue Brenda. J'ai deux petites questions.
    Dans le rapport, vous parlez de médecins qui s'abstiennent de pratiquer l'aide médicale à mourir. Cela se trouve dans la recommandation 36. J'aimerais seulement que vous me parliez de l'importance accordée à ce problème dans vos discussions. À votre avis, l'objection de conscience représente-t-elle un gros problème auquel nous devrons consacrer une grande attention?
    Pouvez-vous nous en parler brièvement?
    Je ne suis pas juriste, mais j'ai l'impression que les provinces jugeront que c'est une question qui relève de leur compétence. C'est ce que nous a dit le procureur général.
    Je suis très heureuse que vous réfléchissiez de cette façon, car encore une fois, nous ne voulons pas adopter une approche fragmentée à cet égard. Comme nous le savons, en ce moment, à l'Île-du-Prince-Édouard, les femmes ne peuvent pas se faire avorter. Nous ne voulons pas que cela se produise avec l'aide médicale à mourir. Tout ce que votre groupe peut faire pour veiller... L'une des préoccupations — je serai directe —, c'est que certaines provinces ne feront rien après le mois de juin et qu'elles n'adopteront aucune loi à cet égard. Je crois que vous en parliez hier.
    Si vous pouviez prendre des mesures afin que les Canadiens qui vivent dans une province où l'on préfère jouer à l'autruche ne soient pas lésés en ce qui concerne cette option... Je ne sais pas de quelle mesure il s'agirait, je ne suis pas une experte, mais je suis très heureuse que vous réfléchissiez à la question.
    C'est une question qui semble concerner uniquement le Canada. Évidemment, des médecins invoquent l'objection de conscience dans d'autres États, mais selon nos recherches, à notre connaissance, cela n'a jamais représenté un obstacle aussi important qu'au Canada, et je ne sais pas du tout pourquoi.
    Merci.
    J'aimerais poser une très brève question, et je donnerai ensuite la parole à Brenda.
    Il y a une chose qui me pose problème — je ne sais pas si ce problème a surgi dans vos interactions avec les provinces et les territoires —, et c'est tout simplement la terminologie. Lorsque je parle aux électeurs de l'aide médicale à mourir, le mot « médecin » ne dit pas tout, pas plus que « mourir » ou « décès ». J'aimerais savoir si vous avez été confrontée à ce problème et si vous avez un vocabulaire précis que nous pourrions envisager d'adopter.
    Ensuite, je donnerai la parole à Brenda.
    Nous avons tout simplement adopté le vocabulaire utilisé dans la décision de la Cour suprême du Canada, évidemment, mais nous avons entendu certains... Chacun de ces termes pourrait être étudié et ils engendrent tous la controverse.
    Une certaine cohérence serait souhaitable. Je ne sais pas comment m'appuyer sur cela pour formuler une solide recommandation, mais j'aimerais ajouter que nous aimons le vocabulaire que nous avons utilisé.
    Personnellement, je n'aime pas utiliser le mot « suicide » dans le cadre de cet enjeu. Hier, je crois, vous parliez de la campagne de prévention du suicide menée par Santé Canada. C'est précisément la raison pour laquelle je ne pense pas que le suicide devrait être abordé dans cette discussion. Je crois qu'il s'agit d'un enjeu différent.
    En ce qui concerne « l'euthanasie », oui, il s'agit techniquement d'euthanasie, mais nous savons que cela a une connotation péjorative. J'aime utiliser l'expression « aide médicale à mourir ».
(1910)
    Étant donné que nous devons agir conformément à la disposition du Code criminel fédéral, notre responsabilité est de veiller à éviter le pire fléau social. À votre avis, quel est le pire fléau social: adopter une loi sur l'aide médicale à mourir ou ne pas adopter une telle loi?
    Je crois que la question du fléau social a été soulevée. C'est la façon dont on a expliqué comment une loi fédérale pourrait avoir préséance sur une loi provinciale en matière de santé. Encore une fois, il serait préférable de poser ces questions à Jocelyn Downie, car elle comparaîtra devant le Comité jeudi.
    Le gouvernement fédéral peut intervenir dans le domaine des soins de santé, même si cela semble être une compétence provinciale, lorsqu'il s'agit d'éviter un fléau social potentiel. Je crois que la vaccination est un bon exemple. Si une province ne rendait pas certains vaccins pour les enfants obligatoires, le gouvernement fédéral pourrait intervenir et déclarer que cela représente un danger pour la santé publique. Si vous me demandez...
    Je crois que ce rapport a découlé d'une situation quelconque. Quelque chose se passe à l'échelle du pays, et il semble que ce rapport tente de traiter la question.
    D'accord. Nous ne pouvons pas approfondir cette question si elle n'est pas certaine.
    Monsieur Deltell.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Mesdames, je vous souhaite la bienvenue dans votre Parlement canadien.
    J'aimerais aborder deux questions avec vous, dont la terminologie, mais je voudrais d'abord discuter de la répartition des pouvoirs entre le fédéral et les provinces.
     On a posé plus tôt à M. Pelletier une question très précise, à savoir s'il souhaitait que la loi proposée soit plus ouverte pour les autorités provinciales ou plus restrictive. En d'autres mots, il s'agissait de savoir si on devrait donner plus de pouvoirs aux provinces pour qu'elles puissent déterminer la direction à suivre ou, au contraire, leur donner des directives précises.
    Selon vous, la loi que le gouvernement canadien va proposer devrait-elle être très précise de façon à laisser aux provinces peu de marge de manoeuvre, ou devrait-elle plutôt laisser aux provinces la marge de manoeuvre nécessaire à cet égard?

[Traduction]

    Je crois que nos recommandations expriment clairement qu'il est important de se pencher sur la définition et la portée, surtout en ce qui concerne les rôles des professionnels de la santé. Il s'agira d'un problème qui touchera toutes les provinces.
    De plus, je crois que les provinces seront réfractaires à l'adoption d'une approche plus normative. En effet, elles ont compétence sur la santé. Elles ont également des lois en vigueur à cet égard. Je crois que cela leur causerait des problèmes sur le plan juridique, car chaque province devra examiner sa situation et déterminer, selon ses lois et le cadre législatif en vigueur, la meilleure façon d'introduire l'aide médicale à mourir sur son territoire.
    Plus tôt, quelqu'un a mentionné l'idée d'équivalence en disant qu'il fallait que nous veillions à ce que les Canadiens aient un accès efficace à cette option, peu importe où ils se trouvent. La mise en oeuvre d'un cadre législatif approprié peut signifier que certaines provinces adopteraient une seule loi qui vise tous les éléments de cet enjeu, alors que d'autres pourraient présenter des projets de loi omnibus pour modifier des lois en vigueur. Toutefois, au bout du compte, tous les Canadiens, peu importe leur province ou leur territoire, auraient accès à cette option.
    Pensez-vous que les représentants des provinces et des territoires seront heureux qu'on les laisse prendre toutes les décisions au lieu que le gouvernement fédéral leur indique tout simplement la voie à suivre?
    Permettez-moi de vous rappeler qu'il a fallu six années parlementaires au Québec, sous six différents gouvernements et six différents premiers ministres, pour atteindre cet objectif. Pensez-vous que les dirigeants des provinces seront heureux qu'on leur confie la prise de décision?
    Oui.
    Dans notre rapport, nous mentionnons que nous souhaitons qu'on aille de l'avant et qu'on fasse ce qu'il faut pour atteindre une uniformité à l'échelle du pays de façon à éviter les disparités. Nous nous adressions aux provinces, car il s'agissait d'un groupe consultatif provincial-territorial. Si vous parvenez, sans empiéter sur des compétences qui relèvent exclusivement des provinces, à élaborer une mesure qui permettra cette uniformité — bien entendu, tout dépend de la mesure dans laquelle elle respecte nos recommandations, c'est mon avis personnel — alors ce serait très bien.
    De nombreux constitutionnalistes vous diront jusqu'où vous pouvez aller, quand il est question des compétences provinciales, et où vous devez vous arrêter. Ce que nous voulons, c'est une uniformité à l'échelle du pays.
    Je serai bref et je ne vais pas poser de question, mais simplement faire une observation. Je dois dire que définir le sens des mots est très important. Au Québec, lorsque le débat a commencé, on parlait d'aide médicale à mourir et, à la fin du débat, on parlait plutôt de soins de fin de vie. Il s'agit de la même situation, mais les mots sont différents. Il est très important de définir précisément la signification des mots dans ce contexte.
(1915)
    Madame la sénatrice Nancy Ruth.
    Je vous remercie d'être ici.
    J'aimerais parler des personnes vulnérables. Que signifie le mot « vulnérabilité »? Quelles personnes sont considérées comme vulnérables? Comment pouvons-nous les reconnaître? Quelles mesures précises proposez-vous pour éviter que les personnes vulnérables soient incitées à se suicider durant une période difficile?
    Ce qui était notamment assez clair dans notre esprit durant nos délibérations, c'est que la plupart des patients dont nous parlons seraient vulnérables d'une façon ou d'une autre. La vulnérabilité s'applique à l'ensemble des patients qui pourraient être des candidats.
    Il y a peut-être certains groupes de personnes vulnérables auxquels il faut prêter attention. Nous avons parlé plus tôt des personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale. Nous nous sommes demandé si elles devaient bénéficier d'une plus grande protection. Vous savez, nous voulons nous assurer que toute personne qui prend cette décision est apte à le faire. Nous avons aussi souligné que certaines conditions sociales peuvent nuire à la capacité d'une personne de prendre une décision autonome.
    Après avoir réfléchi à cela, nous avons proposé un certain nombre de choses. Premièrement — et je crois que le comité fédéral l'a souligné également — il ne s'agit pas seulement d'une décision. Il s'agit d'un processus. Ce processus, comme nous l'avons illustré dans le rapport, permet à tout patient qui souhaiterait ne serait-ce que commencer à discuter d'une aide médicale à mourir d'avoir la possibilité de le faire. Ce processus peut permettre, si c'est nécessaire étant donné la situation du patient, d'effectuer une évaluation de la compétence, ce qui est une pratique courante dans le domaine des soins médicaux. Il permet aussi une évaluation par un psychiatre ou une discussion avec celui-ci si on se demande si un problème de santé mentale sous-jacent pourrait avoir une incidence sur la compétence d'une personne.
    On a entendu dire à maintes reprises qu'on pourrait offrir une meilleure formation aux professionnels de la santé en matière d'évaluation de la vulnérabilité sociale. Certains diront que, tant que nous n'aurons pas résolu toute la question de la vulnérabilité sociale, nous ne devrions pas mettre cela en oeuvre. Nous ne voulions pas nous engager dans cette voie.
    Nous étions d'avis que, si deux médecins donnent leur consentement, qu'il y a des critères d'admissibilité et une période durant laquelle une personne peut avoir les discussions nécessaires, cela fournirait un niveau de protection suffisant pour tous les Canadiens, peu importe leur vulnérabilité. Nous étions aussi d'avis que nous pourrions en faire davantage pour améliorer les compétences des médecins et d'autres professionnels de la santé de façon à ce qu'ils soient attentifs à d'autres types de vulnérabilité qui pourraient ne pas être immédiatement perceptibles.
    Je crois qu'il est rassurant de savoir qu'en Oregon, où on recueille des données à ce sujet, la vaste majorité des patients qui demandent une aide médicale à mourir sont des gens de race blanche, fortunés et instruits. Ce ne sont pas des personnes socialement vulnérables.
    Je crois qu'il y a lieu de se demander si les personnes pauvres et sous-scolarisées sauront que cela existe au Canada, que c'est une option, et si, par conséquent, il faut s'inquiéter du fait qu'elles en fassent la demande.
    Vous avez parlé des déterminants sociaux de la santé, car vous affirmez qu'il pourrait y avoir d'autres enjeux qui risquent d'avoir une influence. C'était certes l'avis des autres témoins, quoiqu'ils n'en aient pas parlé.
    Voulez-vous en parler davantage et nous donner votre opinion?
    Parlez-vous de la pauvreté, de l'itinérance, de ce genre de problèmes?
    Oui, la pauvreté, l'inaccessibilité, la mauvaise alimentation et l'itinérance.
    Certains nous ont dit que les personnes sans abri ne sont pas en mesure de faire un choix éclairé entre l'aide médicale à mourir et les soins palliatifs. Je le répète, il ne sera pas possible de régler le problème de l'itinérance — même si j'aimerais bien que ce soit possible — d'ici le mois de juin. Nous devons aller de l'avant.
    Tous les jours, des médecins voient des patients qui sont en conflit avec leur famille à propos de ce qu'ils souhaitent pour leur fin de vie. Certains disent: « Est-ce que tu veux que maman reste en vie grâce à une machine seulement parce que tu n'es pas capable de la laisser aller? » J'ai vu des familles qui ne voulaient pas laisser aller un proche parce qu'elles recevaient une prestation d'invalidité. N'est-ce pas triste? Tous les jours, des médecins sont témoins de telles situations et doivent prendre des décisions, et nous croyons qu'ils peuvent le faire dans ce cas-là également.
(1920)
    Monsieur le sénateur Joyal.
    J'aimerais revenir à la recommandation 17, à savoir que l'admissibilité à l'aide médicale à mourir soit fondée sur la capacité plutôt que sur l'âge. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous ne souhaitez pas qu'il y ait de limite d'âge? Ce critère pourrait s'appliquer en bas de 21 ans, mais aussi au-delà de 21 ans. S'il n'y a pas de limite d'âge et qu'il n'y a plus de statut d'adulte, alors, bien entendu, il s'agit uniquement d'évaluer la compétence.
    Pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez proposé cette approche en ce qui concerne l'âge en tant que critère d'admissibilité?
    Oui, vous avez tout à fait raison, en ce sens qu'une personne de 21 ans qui n'est pas compétente ne peut pas satisfaire aux critères d'admissibilité aux fins de l'aide médicale à mourir. L'âge seulement ne pourrait pas être suffisant. Le critère de la compétence s'applique aux moins de 18 ans et à ceux de plus de 18 ans.
    Lorsque nous avons examiné la pratique actuelle dans le milieu des soins de santé — non seulement au Canada, mais ailleurs —, nous avons observé qu'on reconnaît de plus en plus, particulièrement en pédiatrie, que certains enfants, mais particulièrement les adolescents, ont la compétence et la capacité nécessaires pour prendre des décisions en ce qui concerne leur fin de vie et qu'ils sont en fait autorisés et encouragés à participer activement à ces décisions.
    Nous voulions faire valoir que ce qui détermine leur admissibilité, ce n'est pas leur âge —ni ce qui est écrit sur leur certificat de naissance —, mais plutôt leur capacité de saisir et de comprendre le diagnostic et les options qui s'offrent à eux. Un grand nombre de ces enfants, de ces adolescents, ont vécu une période où ils ont été malades pendant longtemps. Ils peuvent en arriver à un point où ils disent: « Je connais cela mieux que quiconque, et mon expérience de vie est beaucoup plus riche à cause de ce que j'ai vécu. » On s'inquiète notamment du fait qu'un jeune de 16 ans n'a pas suffisamment d'expérience de vie pour pouvoir prendre une telle décision. Il faut dire qu'un grand nombre d'entre nous n'ont pas l'expérience de vie nécessaire pour prendre une telle décision lorsque nous sommes confrontés à une telle situation, mais un grand nombre de ces jeunes personnes ont cependant la compétence nécessaire.
    Nous n'allons pas jusqu'à dire que tout enfant qui demande une aide médicale à mourir devrait y avoir accès. Le critère de la compétence est essentiel.
    Si vous me le permettez, j'aimerais revenir à la question du consentement initial donné par des personnes qui, plus tard dans la vie, deviennent incompétentes. J'aimerais bien comprendre la différence entre cette situation et celle où une personne qui, dans son testament, précise que, si un accident ou une maladie fait en sorte qu'elle perd son autonomie, elle permet à quelqu'un d'autre de consentir à ce qu'elle ne soit pas maintenue en vie artificiellement. D'une certaine façon, il s'agit d'un suicide lorsqu'on décide que, dans une telle situation, on préfère mourir.
    Ce que vous proposez, si je vous comprends bien, signifierait que, lorsqu'une personne reçoit un diagnostic d'une maladie physique ou mentale irrémédiable, elle pourrait décider à un moment donné qu'elle souhaite que quelqu'un d'autre consente à ce qu'on mette fin à ses jours. Est-ce que je comprends bien les conditions qui feraient en sorte d'accroître la capacité d'une personne de décider quand elle voudrait mourir à un moment donné dans sa vie à cause d'une maladie physique ou mentale qui serait tout à fait irrémédiable?
    En ce qui concerne le testament qui précise qu'on ne veut pas être maintenu en vie artificiellement, il faut dire que, parfois, une personne n'est pas maintenue en vie à l'aide d'un ventilateur et n'a pas besoin d'être réanimée, mais malheureusement elle est pratiquement dans un état végétatif, si je peux m'exprimer ainsi. C'est ce que font valoir certaines personnes. Mon père dit que ce n'est pas grave parce qu'il ne sera pas conscient.
    Mon père dit que ça ne lui dérange pas. En ce qui me concerne, je ne suis pas d'accord, alors la seule façon de mettre fin à ses jours avant le temps est de recourir à l'aide médicale à mourir. Nous disons que cela sera autorisé si on exprime clairement à l'avance ce qu'on considère être « des souffrances intolérables ». Cependant, je le répète, notre comité a fait savoir que c'est possible seulement si on a un diagnostic. Je vais vous donner un bon exemple. Si j'ai fait un testament et que demain je subis un AVC, je vais survivre, mais il se peut que je ne sois plus capable de parler ou de reconnaître ma famille, mais je ne suis pas mourante. Dans ce cas, je ne peux malheureusement pas avoir recours à l'aide médicale à mourir parce que je n'avais pas eu de diagnostic avant de perdre ma compétence.
    Vous comprenez?
(1925)
    Madame Shanahan.
    Je ne voulais pas vraiment aller trop loin dans cette voie, car j'estime que les procédures et l'administration des soins de santé relèvent de la compétence des provinces, mais nous en discutons aujourd'hui puisque c'est là-dessus que portait votre travail.
    J'ai deux questions à poser. Quelles sont les protections minimales que vous envisageriez? C'est un aspect qui relève de la compétence du gouvernement fédéral. Aussi, avez-vous envisagé certaines options, telles que des équipes multidisciplinaires qui travailleraient dans ce domaine? Si c'est le cas, comment cela cadre-t-il avec les protections et l'aide médicale à mourir?
    C'est une question intéressante parce que, dans le protocole, nous avons établi une série d'étapes, notamment une évaluation de l'admissibilité du patient.
    Premièrement, le patient présente une demande. On évalue ensuite la compétence et tous les critères d'admissibilité. Un premier médecin confirme l'admissibilité, et un second médecin doit aussi confirmer que les critères d'admissibilité sont respectés. À chacune des étapes, si c'est nécessaire, si on a des inquiétudes en ce qui concerne la compétence, il peut y avoir une consultation avec un psychiatre, un travailleur social ou un autre professionnel.
    Toutes les étapes sont là, mais ce que vous venez de mentionner est vraiment intéressant, c'est-à-dire une équipe multidisciplinaire. C'est là que certaines de ces recommandations sont interreliées.
    Ce n'est pas aussi explicite, mais c'est ce que nous avions en tête, car très souvent un médecin — ou une infirmière praticienne, si on inclut les infirmières praticiennes — apprend à connaître son patient grâce à une équipe multidisciplinaire. Il apprend à le connaître en discutant avec les membres de l'équipe. Le médecin n'est pas la seule personne qui parle au patient. Il y a le travailleur social, la nutritionniste, le physiothérapeute, etc., qui participent aux soins. Ils apprennent ensemble à connaître le patient afin de pouvoir affirmer qu'il est compétent. Quelqu'un doit déterminer qu'il est compétent, mais tous ces membres de l'équipe ont une relation avec le patient et peuvent apporter leur concours à cet égard.
    Nous avons essayé de faire ressortir le fait que c'est de cette façon que les soins de santé sont actuellement fournis. Il s'agit également d'une norme en matière de soins que nous devrions viser, c'est-à-dire que des équipes multidisciplinaires s'occupent d'un patient de façon à répondre à tous ses besoins. Nous essayons d'harmoniser nos recommandations avec ce qui commence à devenir une pratique clinique exemplaire axée sur le patient.
    Je ne sais pas si je réponds à votre question.
    Merci. Oui, je crois que cela nous rassure quant aux protections.
    Vous avez dit dès le début que le patient présente une demande, et je crois que c'est un élément clé, en ce sens que ce n'est pas quelque chose qu'on lui propose, mais que c'est plutôt une demande que formule le patient. Lorsque j'étais travailleuse sociale et planificatrice financière au Québec, quand il était question de testaments biologiques et de mandats en cas d'inaptitude, je posais souvent la question « Que se passerait-il si vous mouriez aujourd'hui? » ou bien « Que se passerait-il si vous étiez dans un état qui vous empêche de prendre une décision? »
    On insistait toujours sur l'importance de discuter avec sa famille, car il est impossible de prévoir toutes les situations. C'est ce qui me préoccupe à propos du fait de donner des instructions à l'avance. Voudriez-vous nous parler de cela et des discussions avec ses proches? Qu'en est-il de la réaction de la famille?
    Nous ne croyons pas que la famille devrait pouvoir annuler la demande d'un patient si elle n'est pas d'accord lorsque c'est le souhait du patient et qu'il est compétent. D'un autre côté, nous ne croyons pas non plus que la famille devrait pouvoir présenter une demande pour le patient, qu'il soit compétent ou non. À notre avis, une personne désignée pour prendre les décisions au nom du patient ne peut pas demander l'aide médicale à mourir.
(1930)
    D'accord.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie de votre présence. Je crois que nous allons vous libérer à l'heure qui était prévue. Je dois informer les membres du Comité qu'il y a un petit changement d'heure pour demain. Le premier groupe de témoins comparaîtra de 17 h 15 à 18 h 15. Nous allons ensuite faire une pause puis reprendre avec le second groupe de témoins, qui comparaîtra de 19 heures à 20 heures. Est-ce que tout le monde a bien compris? Ce changement est dû à un vote à la Chambre, alors je dois obtenir votre accord.
    Des voix: D'accord.
    Nous nous réunissons à l'immeuble Wellington.
    Ce sera donc de 17 h 15 à 20 heures.
    Oui, de 17 h 15 à 20 heures, mais nous ferons une pause entre 18 h 15 et 19 heures.
    Je vous remercie.
    Nous vous enverrons une confirmation.
    La séance est levée.
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