:
Merci, monsieur le président.
Honorables membres du comité, je vous remercie de l'invitation à comparaître devant vous concernant ce sujet de première importance.
[Traduction]
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant vous sur cette question des plus importantes. Je m'exprimerai principalement en anglais, mais je répéterai certains paragraphes en français. J'ai choisi de répéter ces paragraphes en raison de leur importance.
[Français]
Je vais donc m'exprimer dans les deux langues officielles, mais surtout en anglais.
[Traduction]
Mon nom est Benoît Pelletier. Je suis professeur à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa et membre du Barreau du Québec.
C'est à titre de représentant du Comité externe sur les options de réponse législative à Carter c. Canada que je comparais devant vous aujourd'hui. Le comité est présidé par le Dr Harvey Max Chochinov, titulaire de la chaire de recherche du Canada en soins palliatifs. Le troisième membre du comité est Mme Catherine Frazee, professeure émérite à l'Université Ryerson. Malheureusement, ils sont tous deux à l'extérieur du pays, mais ils surveillent de près les présentes délibérations et seront à votre disposition pour vous aider à faire progresser le dossier. Je suis heureux de prendre la parole en leur nom et avec leur plein soutien. Je m'efforcerai de faire de mon mieux pour vous présenter le résultat de nos travaux.
Je suis épaulé également par M. Stephen Mihorean, directeur exécutif du secrétariat du comité. Les autres membres du comité externe et moi aimerions d'abord reconnaître l'importante contribution que nous avons reçue du groupe de professionnels extraordinaires qui compose le petit secrétariat et qui nous a aidés dans nos efforts.
J'aimerais également profiter de l'occasion pour remercier le gouvernement actuel et le gouvernement précédent pour leur confiance à notre égard. Le rapport du comité externe est détaillé et complexe, car les questions liées à l'aide médicale à mourir le sont également. Elles doivent être étudiées avec attention et de manière réfléchie si l'on veut définir une politique sociale judicieuse. Nous vous avons remis des copies de notre rapport, que je n'aurai pas le temps d'expliquer en détail. Je vais plutôt souligner certains commentaires recueillis lors de longues réunions en compagnie d'intervenants, de médecins, d'organismes de réglementation, de représentants du milieu universitaire et du gouvernement, et d'organisations de la société civile et auprès de deux des requérants, Mme Lee Carter et M. Hollis Johnson, et d'un autre requérant, l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique. Vous trouverez aux annexes C et D du rapport la liste de tous ceux que nous avons rencontrés au Canada, aux États-Unis, aux Pays-Bas, en Belgique et en Suisse. Vous trouverez également, à l'annexe E, un résumé des transcriptions de ces consultations en personne. Le comité a également examiné 321 documents officiels soumis. Vous trouverez un résumé de ces documents à l'annexe F, ainsi qu'un compte rendu desdits documents à l'annexe G.
J'aimerais vous parler un peu de ce que nous avons appris en Europe. De façon générale, les citoyens des pays que nous avons visités semblent satisfaits des lois en vigueur. On nous a rapporté que l'aide médicale à mourir fonctionne bien dans un contexte où il y a un filet de sécurité sociale, des services de soins de santé légitimes et un haut niveau de confiance à l'égard des médecins. Parallèlement, les cas qui poussent ou testent les limites de la loi, qui remettent en question le critère d'âge, qui comportent des directives préalables et qui découlent d'une souffrance psychologique, existentielle ou psychiatrique ou d'une souffrance liée à une maladie chronique qui n'est pas mortelle soulèvent beaucoup de controverse.
Pour bon nombre de personnes, la garantie la plus importante, c'est la transparence. Les erreurs doivent être dénoncées et les abus démasqués et des mesures doivent être prises pour corriger ces situations. Cela s’applique également aux cas de non-respect des exigences en matière de rapport.
Près de 15 000 Canadiens ont répondu au questionnaire que le comité a mis en ligne. J’aimerais attirer votre attention à notre analyse et aux résultats de cette consultation publique que vous trouverez à l’annexe A du rapport. Ceux-ci constituent une source riche d’information et de perspectives. Par exemple, les participants ont manifesté un appui élevé à l’égard d’une formation en soins palliatifs pour l’ensemble des fournisseurs de soins de santé; de meilleures mesures de soutien pour les personnes handicapées; de meilleurs soins à domicile, palliatifs et de fin de vie dans l’ensemble du pays; et d’une supervision efficace de l’aide médicale à mourir.
Le questionnaire a révélé également que les répondants étaient plus susceptibles d’affirmer que l’aide médicale à mourir devrait être autorisée lorsqu’une personne est aux prises avec une maladie grave potentiellement mortelle ou évolutive. Le questionnaire a démontré qu'en général, les participants se préoccupaient beaucoup des risques encourus par les personnes atteintes d’une maladie mentale, notamment celles souffrant de troubles épisodiques, ainsi que par les personnes isolées ou seules.
[Français]
Voici donc les résultats du questionnaire que nous avons mis en ligne et auquel plus de 15 000 Canadiens ont répondu.
Par exemple, les répondants ont manifesté un appui élevé à une formation en soins palliatifs pour l'ensemble des fournisseurs de soins de santé, de meilleures mesures de soutien pour les personnes handicapées, de meilleurs soins à domicile, de soins palliatifs et de soins de fin de vie dans l'ensemble du pays ainsi qu'une une supervision efficace de l'aide médicale à mourir.
Le questionnaire a également révélé que les répondants étaient plus susceptibles d'affirmer que l'aide médicale à mourir devrait être autorisée lorsqu'une personne est confrontée à une maladie grave potentiellement mortelle ou évolutive.
Le questionnaire a aussi démontré que les répondants étaient, en général, très préoccupés par les risques encourus par les personnes atteintes d'une maladie mentale, en particulier par celles souffrant de troubles épisodiques ainsi que par les personnes isolées ou seules.
[Traduction]
Les Canadiens ont manifesté un niveau élevé d’appui à l’égard de certaines questions selon différents points de vue. Par exemple, ils conviennent que tous les Canadiens qui souffrent devraient avoir accès à des services de soutien, en fonction de la capacité disponible, peu importe où ils en sont dans leur vie et leurs circonstances personnelles. Ils conviennent que les Canadiens devraient avoir confiance envers un régime d’aide médicale à mourir axé sur une surveillance transparente, exacte, fiable et objective grâce à un suivi de données, à la recherche et à la reddition de comptes publics.
Mesdames et messieurs, notre rapport repose sur les points de vue qui nous ont été partagés, mais ce n’est pas tout. Il contient beaucoup d’information et de résultats d’analyse sur les enjeux.
Les participants ont été clairs: il faut trouver un équilibre entre l’autonomie des gens et la protection des personnes vulnérables. Cela dit, j’aimerais parler un peu plus de l’autonomie et de la vulnérabilité.
Concernant la question de l'autonomie, plusieurs valeurs que je qualifierais de fondamentales ont éclairé la décision du tribunal dans l’arrêt Carter, notamment l’intégrité personnelle, la dignité, l’estime de soi et le droit d’une personne de prendre des décisions importantes quant à la fin de sa vie.
Le président: Il vous reste une minute.
M. Benoît Pelletier: Je ferai de mon mieux pour résumer le reste de mon exposé, monsieur le président.
[Français]
En ce qui a trait à l'autonomie, j'aimerais souligner qu'il s'agit d'une valeur fondamentale de l'arrêt relatif à la cause Carter.
[Traduction]
La vulnérabilité est, bien entendu, un concept complexe et délicat. Même si l’expression « populations vulnérables » a été utilisée pour décrire certains groupes identifiables de la société, de nombreuses sources ont souligné au Comité que la vulnérabilité n’est pas uniquement une caractéristique qui s’applique à une personne ou à un groupe; il s’agit aussi d’un état dans lequel n’importe qui peut se trouver selon les circonstances. On nous a fait remarquer que, parfois, selon le contexte et la situation, les gens sont vulnérables lorsque leur autonomie, leur état, leur santé et leur bien-être sont sérieusement compromis.
Dans le contexte de l’aide médicale à mourir, cela signifie que toutes les personnes sont potentiellement vulnérables. Le fait d’être vulnérable n’empêche pas une personne souffrant de façon intolérable de demander de l’aide pour mourir, mais elle risque d’être persuadée de demander la mort, même si ce n’est pas ce qu’elle désire. C’est sur ce risque que la Cour suprême du Canada a demandé au Parlement et aux assemblées législatives de se pencher dans le cadre d’un régime réglementaire complexe.
Certains s'inquiètent quant à l’accès à l’aide médicale à mourir, notamment pour les Canadiens vivant dans des communautés éloignées. On s’inquiète également de la réaction des peuples autochtones à l’aide médicale à mourir.
Bien entendu, les gens ont offert des visions divergentes sur bon nombre des questions soulevées . Par exemple, la loi devrait-elle définir davantage les termes « grave » et « irrémédiable » ou l’interprétation de ces termes devrait-elle être laissée aux médecins et à leurs organismes de réglementation? La décision d’accorder l’aide à mourir devrait-elle faire l’objet d’un examen et, si oui, cet examen devrait-il avoir lieu avant que l’aide à mourir soit autorisée ou après? Devrait-on mettre en place des mesures de protection pour les personnes vulnérables outre celles déjà en place pour les patients qui veulent refuser ou renoncer à un traitement de survie? Comment devrait-on aborder le chevauchement des compétences provinciales et territoriales et des compétences fédérales?
Théoriquement, il revient aux divers gouvernements et aux assemblées législatives d'élaborer des critères d’admissibilité, de possiblement définir les termes-clés et de mettre en place des garanties adéquates pour protéger les personnes vulnérables. À cet égard, la population canadienne s’attend à ce que le gouvernement et les provinces collaborent afin de répartir les responsabilités, de mettre en œuvre l’aide médicale à mourir et d'effectuer une surveillance de cette dernière, tout cela de manière harmonieuse et cohérente.
Il est souvent question des médecins, mais d’autres professionnels de la santé pourraient aussi être appelés à participer, directement ou indirectement, à l’aide médicale à mourir. Il pourrait donc être opportun d’étendre l’application des lois, règlements et protections à ces derniers. Mesdames et messieurs, les autres membres du Comité et moi avons accepté de participer à ce projet, car nous voulions contribuer aux efforts de notre pays qui s’apprête à prendre des décisions importantes sur ce sujet délicat et difficile. Nos vastes consultations et nos efforts, y compris le rapport que vous avez sous les yeux, ont été réalisés en cinq mois et les résultats remis au gouvernement dans ce même délai. Notre Comité désirait faire progresser le débat et faire en sorte que tout le monde — des citoyens aux députés ou représentants fédéraux, provinciaux et territoriaux — ait accès à des points de vue et des renseignements pertinents.
Mais surtout, monsieur le président, nous voulions aider le Parlement à prendre des décisions informées. J’espère que ce rapport et mon témoignage vous seront utiles.
En terminant, j’aimerais vous signaler que, même si je témoigne au nom des autres membres du Comité externe, je répondrai à certaines de vos questions au nom du Comité et à d’autres en mon nom. Lorsque je répondrai en mon nom, je le soulignerai.
Voilà qui complète mon exposé. Merci. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions dans la langue officielle de votre choix.
:
Certainement. Merci beaucoup.
Je vais m’appuyer, pour vous répondre, sur la rétroaction des 15 000 personnes qui ont répondu au questionnaire et des participants aux consultations que nous avons menées un peu partout au pays. Comme vous le savez, nous avons rencontré bon nombre d’experts, de groupes et d’associations, entre autres.
Le fait que l’aide à mourir soit offerte à des personnes atteintes de maladies psychologiques inquiète de nombreuses personnes. Il est clair que la population appuie davantage l’aide à mourir lorsqu’il s’agit de maladies ou de handicaps physiques, par exemple, que lorsqu’il s’agit de maladies psychologiques.
J’ajouterais, parallèlement, qu’a priori, la décision dans l’arrêt Carter s’applique aux affections psychologiques, peut-être autant qu’aux affections physiques. Je dis « peut-être autant qu’aux affections physiques », car cela sera déterminé par l’interprétation de la décision. Je dirais qu'à première vue, la décision dans l’arrêt Carter s’applique à la fois aux affections psychologiques et physiques. Les répondants au questionnaire étaient plus enclins à être d'accord pour dire que l’aide médicale à mourir devrait être offerte aux personnes atteintes d’une maladie grave, potentiellement mortelle ou évolutive. De façon générale, la population appuie davantage l'aide médicale à mourir lorsqu'il s'agit de personnes atteintes d’une maladie grave, potentiellement mortelle ou évolutive que lorsqu'il s'agit de personnes qui ne se trouvent pas dans une telle situation et qui ont encore de nombreuses années devant elles.
Selon moi, c’est le défi auquel le Parlement est confronté et ce défi découle de l'arrêt Carter. Cette décision s’applique au suicide assisté, à l’euthanasie volontaire, aux maladies psychologiques et physiques et aux situations où la personne n’est pas en fin de vie. Cette décision, la portée de cette décision, est très large. Le défi du Parlement et des assemblées législatives n’est pas de déterminer les limites de cette décision. Encore une fois, si cette décision comporte des limites, celles-ci ne devraient pas aller à l’encontre de l’esprit de la décision…
Le coprésident (L'hon. Kelvin Kenneth Ogilvie): Merci…
M. Benoît Pelletier: … car, bien entendu, il faut respecter la décision de la Cour suprême du Canada.
:
Cette idée de surveillance est très rassurante pour la population. La population aimait savoir qu'il y aura un organisme ou différents organismes qui recueilleront des données et analyseront comment l'aide médicale à mourir s'articule à l'échelle du Canada. Ils pourraient même étudier son incidence sur les droits de la personne en général.
Beaucoup de points de vue ont été exprimés sur la mission d'un éventuel organisme de surveillance. Certains croient qu'il devrait se limiter à la collecte de données, des données qui resteraient confidentielles, puis qu'il devrait y avoir un rapport public, peut-être même un rapport au Parlement. D'autres vont plus loin et affirment que l'organisme de surveillance devrait véritablement faire une analyse sociale de l'incidence de l'aide médicale à la mort et peut-être même disposer d'un fonds pour subventionner les chercheurs désireux de mener des recherches sur les différents aspects de cet enjeu.
Il n'est pas clair, non plus, s'il ne devrait y avoir qu'un organisme fédéral. Il pourrait y avoir un organisme fédéral et différents organismes provinciaux, ou il pourrait n'y avoir que des organismes provinciaux qui travailleraient en collaboration, ensemble, un peu comme une organisation interprovinciale. Ce serait possible. Quand on entend le mot « surveillance », il ne faut pas nécessairement penser au gouvernement fédéral uniquement. Ce pourrait être un organisme fédéral, provincial et territorial. Dans tous les cas, cette idée rassure la population, c'est clair.
Permettez-moi de vous dire ceci: à mon avis, il y a quatre points cardinaux, quatre éléments fondamentaux, qui rassurent les gens et qui sont importants ici. Il y a d'abord, bien sûr, l'accès à l'aide médicale à la mort, au moins comme la Cour suprême du Canada l'a défini dans l'arrêt Carter. Le deuxième élément serait un mécanisme de surveillance efficace. Le troisième consisterait à améliorer les soins palliatifs. Le quatrième serait de nous doter de mesures de protection robustes pour les personnes vulnérables.
Parlez à n'importe qui et dites-lui que ces quatre éléments feront partie de l'intervention fédérale ou provinciale à l'égard de l'aide médicale à la mort, et les gens seront rassurés, parce qu'il n'y aura pas qu'un accès à l'aide médicale à mourir, mais également une volonté de surveillance, une volonté d'améliorer les soins palliatifs et une volonté de protéger les personnes vulnérables.
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Monsieur Pelletier, soyez le bienvenu à votre Parlement.
Monsieur le coprésident, sans vous raconter nos vies, il me fait plaisir de revoir M. Pelletier. Je l'ai connu alors qu'il était député et ministre à Québec lorsque j'étais journaliste. Par la suite, quand je suis devenu député à Québec, il était professeur et commentateur. Je ne rappellerai pas ici ce qu'il a dit sur mon travail. On s'en reparlera par la suite.
Monsieur Pelletier, je vous remercie infiniment. Je remercie votre comité et je vous remercie d'avoir fait un travail si rigoureux et si studieux. En cinq mois à peine vous avez pondu un document très riche en informations pertinentes. Bravo. Je vous salue et vous en remercie.
J'aimerais aborder deux points avec vous. Il s'agit de la question des plus vulnérables. J'aborderai tout d'abord un sujet qui vous sied bien, à savoir celui du fédéralisme coopératif. Un peu plus tôt, vous avez parlé du leadership canadien. En fait, c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.
Les soins de santé relèvent des gouvernements provinciaux, mais il faut savoir jusqu'où ils vont être touchés par le Code criminel. Vous parlez du leadership canadien et du fédéralisme coopératif. J'aimerais donc entendre vos commentaires sur les deux hypothèses suivantes.
Le gouvernement canadien peut définir précisément jusqu'où les soins de santé peuvent aller ou, au contraire, le gouvernement canadien peut laisser le soin aux provinces de définir les soins de santé en limitant, d'une certaine façon, le Code criminel pour permettre aux provinces de s'ajuster. Cependant, puisqu'il s'agit essentiellement de soins de santé et que cela relève à 100 % des provinces, cette initiative devrait être la responsabilité de chaque province. Chacune aura donc le temps de faire ce débat, comme il s'est fait pendant six ans dans la province de Québec.
Selon vous, la loi qui sera présentée par le gouvernement fédéral devrait-elle être plus précise ou, au contraire, laisser la marge de manoeuvre aux assemblées législatives provinciales?
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À mon avis, le fédéral devrait laisser une marge de manoeuvre appréciable aux provinces pour agir en la matière, tout en légiférant peut-être sur des choses comme l'âge, dont on a parlé précédemment. Il pourrait peut-être aussi, à titre d'exemple, légiférer sur la question des conditions de résidence. En effet, s'il devait y avoir des conditions de résidence différentes d'une province à l'autre, il y aurait un risque de tourisme interprovincial et, peut-être même, de tourisme international si une province devait ne pas avoir de conditions de résidence.
L'âge et les conditions de résidence sont, selon moi, probablement les deux sujets les plus évidents par rapport à une intervention fédérale possible. Lorsqu'on examine la question du leadership fédéral ou de l'intervention fédérale, on peut envisager plusieurs possibilités et plusieurs scénarios.
Le premier scénario consisterait en une intervention du fédéral qui se limiterait au Code criminel du Canada. Ce serait donc assez limité.
Le deuxième scénario comprendrait un changement au Code criminel du Canada et des décisions du Parlement du Canada. Celui-ci adopterait des mesures en ce qui concerne l'admissibilité et la protection des personnes vulnérables. Ce serait aller beaucoup plus loin.
Dans le troisième scénario, le fédéral adopterait une loi-cadre en espérant que les provinces y souscrivent, ou en les invitant fortement à y souscrire, ou en laissant beaucoup de place aux provinces et aux territoires étant donné qu'il est beaucoup question de prestations de soins dans la question de l'aide médicale à mourir, ce qui est, essentiellement, de compétence provinciale.
En ce qui me concerne, je souhaite que le fédéral laisse beaucoup de place aux provinces. Sur un tel sujet, je verrais mal que le gouvernement fédéral intervienne trop massivement parce que l'aide médicale à mourir se passe essentiellement dans des hospices, dans des hôpitaux et dans des maisons de soins palliatifs qui relèvent essentiellement de la compétence provinciale.
La vision que M. Hogg a avancée est évidemment une vision qu'on peut avoir du fédéralisme canadien. Toutefois, celle que je véhicule depuis des années est fondée sur l'existence de deux ordres de gouvernement au Canada, chacun ayant des responsabilités constitutionnelles, et pas seulement qu'un gouvernement.
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Nous vous remercions beaucoup de nous avoir invitées à comparaître devant vous.
Je dirais que ce fut toute une aventure — et je suis persuadée que c'est la même chose pour vous aujourd'hui — de nous pencher ainsi sur ces questions en vue d'en arriver à formuler une série de recommandations dont vous avez sans doute pu prendre connaissance dans notre rapport ainsi que dans le diaporama que nous avons préparé.
Nous aimerions aujourd'hui souligner quelques points importants de ce rapport avant d'engager la conversation avec vous afin de vous apporter certaines précisions au besoin. Il est possible que nous n'utilisions pas les 10 minutes à notre disposition, mais nous avons grand-hâte de pouvoir discuter avec vous.
J'aimerais vous dire d'entrée de jeu que 11 des 13 gouvernements provinciaux et territoriaux ont conjugué leurs efforts pour mettre sur pied ce groupe consultatif d'experts. Suivant la volonté exprimée, il fallait chercher à éviter une approche fragmentée. C'est donc l'une des raisons pour lesquelles nous avons créé un groupe consultatif d'experts capables de formuler des recommandations permettant d'assurer l'uniformité entre les différentes régions du pays.
Outre ce souci d'uniformité, les intervenants ont aussi insisté, dans leurs mémoires écrits comme lors des consultations en personne, sur l'importance de la collaboration entre les différentes instances, à savoir les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ainsi que les autorités réglementaires. On nous a également dit que les rôles de chacun devraient être mieux précisés et harmonisés, et qu'un effort véritable s'imposait pour que l'on y parvienne tous ensemble. C'est un message important que l'on n'a pas cessé de nous réitérer.
On n'a pas hésité non plus à revenir sur l'importance d'une solution législative efficace, tant au niveau des provinces et des territoires qu'à l'échelon fédéral. Nous souhaiterions d'ailleurs pouvoir discuter notamment avec vous des clarifications qu'il conviendrait semble-t-il d'apporter dans le Code criminel. Les intervenants provinciaux et territoriaux n'ont en effet pas manqué de nous dire à quel point cela pourrait leur faciliter la tâche dans leurs sphères de compétence respectives.
Comme vous l'ont indiqué les membres du comité fédéral, on nous a aussi fait valoir à maintes reprises que l'aide médicale à mourir ne devrait pas être considérée comme une série d'activités parallèles, isolément d'une gamme complète de services de fin de vie pour les Canadiens. Il était donc bien clair, et nous l'avons répété dans notre rapport, qu'il convient de considérer l'aide médicale à mourir comme un élément d'une stratégie intégrée de soins de fin de vie qui met à contribution tous les ordres de gouvernement, y compris les autorités réglementaires, de façon très efficace.
Il est ainsi encourageant de constater qu'une cohérence plutôt rassurante transparaît d'une partie des conclusions du comité fédéral et du rapport que nous avons nous-mêmes produit. Je vais maintenant laisser la parole à Maureen qui va vous exposer certains des points que nous souhaitons mettre en relief relativement aux clarifications qui pourraient être apportées dans le Code criminel.
Je tiens à vous remercier également de nous avoir invitées.
Je crois que l'on vient tout juste de vous remettre notre diaporama. Je dirais que l'essentiel se trouve à la page 6 où il est question des priorités que nous recommandons au gouvernement fédéral. Nous allons d'ailleurs vous parler de quelques-unes de ces priorités.
La première porte sur le point que vient tout juste de soulever M. Pelletier en soulignant que d'autres professionnels de la santé ont parfois un rôle à jouer relativement à l'aide médicale à mourir. Nous ne sommes pas du même avis. Nous avons la ferme conviction que la décision de la Cour suprême ne visait pas à exclure les autres professionnels de la santé en parlant d'aide médicale à mourir.
Il suffit de comprendre la manière dont les soins de santé sont dispensés au Canada pour savoir que les médecins ne peuvent pas y parvenir à eux seuls. Les territoires nous ont d'ailleurs soumis d'excellents arguments en ce sens en nous rappelant que certaines collectivités uniquement accessibles par avion n'ont pas de médecin, mais plutôt une infirmière qui travaille dans un dispensaire. Si nous voulons garantir l'accès dans l'ensemble du pays, nous devrons mettre en place un mécanisme qui permettra à ces infirmiers et infirmières de dispenser l'aide médicale à mourir après une évaluation à distance par un médecin grâce à la télémédecine.
Pour le cas où vous l'ignoreriez, les infirmières praticiennes jouissent dans le cadre de leur pratique d'une indépendance qui devrait sans nul doute englober les soins de fin de vie. Nous souhaiterions donc que vous profitiez des modifications que vous allez apporter au Code criminel en fonction de la décision Carter pour bien préciser que les autres professionnels de la santé, comme les infirmières et les pharmaciens — je suis d'ailleurs moi-même adjointe au médecin — seront protégés, en indiquant tout particulièrement que les infirmières praticiennes et les autres professionnels suivant les directives d'un médecin pourront déterminer l'admissibilité d'un patient et lui dispenser l'aide nécessaire. C'est une question d'accès.
J'aimerais aussi vous dire un mot concernant l'un des derniers points qui traite de la définition de problèmes de santé « graves et irrémédiables ». Je sais que M. Pelletier vous a indiqué que certains réclament une telle définition sans que personne ne soit trop sûr de la façon dont cela devrait être défini, mais nous avons la ferme conviction que c'est l'usage courant qui devrait prévaloir. Il devrait s'agir d'une maladie « grave ou très grave ». À la lumière de ma propre expérience des soins de première ligne, je crois pouvoir affirmer que les professionnels de la santé sont tout à fait à même de reconnaître ce qui est « grave ou très grave ». Il va de soi par exemple que l'acné ne répond pas à cette définition.
Voilà les questions que je souhaitais aborder avec vous, je vais maintenant laisser Jennifer vous en dire un peu plus long.
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Quelques facteurs entrent en jeu dans ce cas-ci. L'exemple le plus évident concerne le cas d'une personne avec toutes ses facultés qui souffre d'un problème de santé grave et incurable et dont les souffrances sont intolérables. Dans ce cas-là, cette personne serait manifestement admissible, car il ne fait aucun doute qu'elle répond aux critères.
Les citoyens canadiens participent activement à cet enjeu. En effet, ils commencent à discuter de la mort. Nous avons lancé plusieurs initiatives axées sur la planification préalable aux soins un peu partout au pays. Nous encourageons les Canadiens à parler aux membres de leur famille et à exprimer leurs valeurs. Nous les encourageons également à réfléchir aux autres éléments liés à leur décès.
Il s'agit d'un domaine de pratique en évolution. En effet, la population du pays s'intéresse de plus en plus à cet enjeu, mais même si les Canadiens souhaitent y participer, c'est toujours un domaine en évolution.
L'une des choses qui nous préoccupent, c'est que dans le contexte précis de l'aide médicale à mourir, je peux exprimer clairement que je souhaite mettre fin à mes jours dans certaines circonstances, si je sais déjà que je souffre d'une maladie grave et incurable. Il se peut que mes souffrances ne soient pas intolérables, mais il se peut que je souhaite avoir l'occasion de parler avec les membres de ma famille et d'exprimer ma volonté à cet égard. Ensuite, si je perds mes facultés, mais que tous les autres critères ont été satisfaits, je voudrais que les membres de ma famille soient en mesure de concrétiser ma volonté. C'est un élément qui est revenu dans toutes les conversations que nous avons eues sur la planification préalable aux soins et sur la situation d'une personne qui perd ses facultés après avoir satisfait aux critères.
Toutefois, la situation devient plus complexe lorsque j'ai franchi plusieurs des étapes nécessaires, mais que mes souffrances ne sont pas encore intolérables. Dans ce cas, il se peut que j'aie expliqué ma définition d'une souffrance intolérable et que j'aie donné une directive à l'avance à cet égard. Dans ce cas particulier, nous avons dit que l'expression de certaines volontés pourrait éclairer une décision de concrétiser ma volonté, c'est-à-dire de mettre fin à mes jours.
Je crois que nous assistons à une convergence dans les conversations. En effet, elles convergent actuellement vers l'aide médicale à mourir. Il y a encore du travail à accomplir, mais je crois que nous progressons.
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C'est une question intéressante parce que, dans le protocole, nous avons établi une série d'étapes, notamment une évaluation de l'admissibilité du patient.
Premièrement, le patient présente une demande. On évalue ensuite la compétence et tous les critères d'admissibilité. Un premier médecin confirme l'admissibilité, et un second médecin doit aussi confirmer que les critères d'admissibilité sont respectés. À chacune des étapes, si c'est nécessaire, si on a des inquiétudes en ce qui concerne la compétence, il peut y avoir une consultation avec un psychiatre, un travailleur social ou un autre professionnel.
Toutes les étapes sont là, mais ce que vous venez de mentionner est vraiment intéressant, c'est-à-dire une équipe multidisciplinaire. C'est là que certaines de ces recommandations sont interreliées.
Ce n'est pas aussi explicite, mais c'est ce que nous avions en tête, car très souvent un médecin — ou une infirmière praticienne, si on inclut les infirmières praticiennes — apprend à connaître son patient grâce à une équipe multidisciplinaire. Il apprend à le connaître en discutant avec les membres de l'équipe. Le médecin n'est pas la seule personne qui parle au patient. Il y a le travailleur social, la nutritionniste, le physiothérapeute, etc., qui participent aux soins. Ils apprennent ensemble à connaître le patient afin de pouvoir affirmer qu'il est compétent. Quelqu'un doit déterminer qu'il est compétent, mais tous ces membres de l'équipe ont une relation avec le patient et peuvent apporter leur concours à cet égard.
Nous avons essayé de faire ressortir le fait que c'est de cette façon que les soins de santé sont actuellement fournis. Il s'agit également d'une norme en matière de soins que nous devrions viser, c'est-à-dire que des équipes multidisciplinaires s'occupent d'un patient de façon à répondre à tous ses besoins. Nous essayons d'harmoniser nos recommandations avec ce qui commence à devenir une pratique clinique exemplaire axée sur le patient.
Je ne sais pas si je réponds à votre question.