Passer au contenu
;

PDAM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir


NUMÉRO 008 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 1er février 2016

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

     Je déclare ouverte la huitième séance du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.
    J'espère que les membres du Comité et les autres personnes ici présentes ont passé une bonne fin de semaine. Vous m'avez énormément manqué. J'ai passé deux jours sans vous.
    Des voix: Oh, oh!
    Le coprésident (M. Robert Oliphant): Je suis heureux que nous ayons tous survécu.
    Le premier groupe que nous entendrons ce matin comprend des témoins de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, du Justice Centre for Constitutional Freedoms et de Dying with Dignity Canada. Chacune de ces trois organisations disposera de 10 minutes pour faire un exposé. Je vous propose de les écouter dans cet ordre pour l'instant.
    Le Comité posera ensuite des questions à chacun ou à certains d'entre vous en temps opportun.
    Monsieur Paterson, madame Pastine, j'ignore si vous prendrez tous les deux la parole. Vous avez 10 minutes pour vous deux.
    Merci.
    Distingués sénateurs et députés, nous vous remercions de nous offrir l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.
     L'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique est l'organisation qui a parrainé et défendu l'affaire Carter, laquelle a marqué un jalon. Nous avons défendu ce dossier au nom de tous les Canadiens qui doivent faire un choix en fin de vie.
    Année après année, sondage après sondage, les Canadiens ont indiqué en grande majorité qu'ils appuient la mort dans la dignité, et ils s'attendent à ce que tous les ordres de gouvernement honorent le droit constitutionnel déclaré par la Cour suprême dans notre cause.
    Vous avez déjà entendu de nombreux témoignages au sujet de la répartition des compétences sur le plan de l'aide médicale à mourir au Canada. Comme vous le savez, les questions de santé publique et individuelle relèvent principalement du pouvoir constitutionnel des provinces et des territoires. Le Parlement a néanmoins le pouvoir de légiférer en ce qui concerne les questions fédérales qui touchent la santé, notamment en exerçant le pouvoir du droit criminel fédéral.
    Cependant, le Parlement n'a pas un pouvoir illimité de légiférer en la matière. La Cour n'a pas proposé ou exigé la création d'un régime réglementaire fédéral complexe pour réglementer l'aide médicale à mourir. Une telle loi pourrait susciter une contestation en vertu de la Constitution au motif que le Parlement a outrepassé ses compétences. Mais surtout, nous considérons, pour une question de principe, qu'il est profondément problématique de réglementer un traitement médical en imposant des interdictions et des sanctions pénales en vertu du Code criminel.
    L'aide médicale à mourir constitue un des nombreux soins de santé prodigués avec compassion qui devraient être offerts aux patients gravement malades en fin de vie. Elle devrait être réglementée de la même manière que les autres décisions médicales prises en fin de vie, comme la sédation palliative.
    Chaque jour, dans les hôpitaux du pays, des patients décident d'être débranchés d'un ventilateur mécanique ou de refuser la dialyse rénale, et ces décisions prises en fin de vie ne sont pas réglementées par le droit pénal. Cela dit, certaines questions importantes relèvent clairement des compétences du Parlement.
    Le Parlement devrait modifier le droit pénal en fonction de l'ampleur de la déclaration constitutionnelle de la Cour suprême du Canada, laissant le reste de la réglementation aux autorités législatives et aux collèges des médecins provinciaux. La Cour a explicitement indiqué au Parlement comment corriger la violation constitutionnelle, déclarant que la loi est invalide dans la mesure où elle s'applique à une certaine catégorie de personnes, c'est-à-dire si elle s'applique à des adultes consentants atteints de « problèmes de santé graves et irrémédiables » qui causent une souffrance intolérable.
    Le Code criminel devrait être modifié pour préciser les critères qui autoriseraient en substance des personnes à recevoir l'aide médicale à mourir. Selon nous, il n'est pas nécessaire de définir les termes au-delà de ce qui a été établi dans l'arrêt Carter et de ce qui est compris dans le droit pénal et la common law.
    Le terme « grave » est déjà employé dans le droit pénal, et les tribunaux considèrent qu'il signifie sérieux et non trivial. Selon la définition de la Cour, un problème « irrémédiable » est un mal qui ne peut être atténué par un moyen acceptable pour le patient. Les « souffrances intolérables » sont des souffrances intolérables pour la personne concernée dans l'état de santé où elle se trouve.
    Il ne faudrait pas définir les termes « grave et irrémédiable » en y associant des problèmes de santé précis. Il serait impossible de dresser la liste des maladies, maux et handicaps qui correspondraient aux critères établis par la Cour suprême.
    La maladie mentale ne devrait pas être exclue des problèmes de santé donnant droit à l'aide médicale à mourir. Nombre de personnes atteintes de maladie mentale sont capables de prendre des décisions en fin de vie.
    Il ne faudrait pas définir les problèmes de santé « graves et irrémédiables » comme étant des « maladies terminales ». Ce terme est trop vague, en plus d'être imprécis et arbitraire. En outre, aucune science exacte ne permet de donner de pronostic de maladie terminale sur le plan de la durée.
    L'arrêt Carter s'applique à une personne adulte capable. Dans d'autres affaires, la Cour suprême du Canada a émis une mise en garde quant à l'utilisation de limites d'âge arbitraires qui n'ont aucun lien avec la capacité d'une personne de prendre une décision médicale. Nous enjoignons le Parlement à affirmer le principe selon lequel l'aide médicale à mourir devrait être une question de compétence et non d'âge.
    Mon collègue, Josh Paterson, poursuivra l'exposé.
(1105)
    Me Pastine a exprimé notre crainte que le Parlement ne cherche à réglementer entièrement l'aide médicale à mourir au moyen du droit pénal; nous voulons néanmoins énoncer ce que nous considérons comme étant des éléments essentiels de tout régime visant à régir l'aide médicale à mourir, peu importe qui se charge de légiférer.
    Les preuves acceptées et mises à l'épreuve par les tribunaux dans notre cas appuient la conclusion selon laquelle l'aide médicale à mourir peut être régie par les normes existantes du droit sur le consentement éclairé, lequel s'est avéré un cadre parfaitement adéquat pour les décisions médicales de vie et de mort.
    Nous nous en remettons aux médecins pour le faire constamment. Il est possible de déterminer, au cas par cas, si un patient est obligé ou poussé par d'autres à prendre une décision, s'il est ambivalent, s'il est vulnérable ou s'il réfléchit clairement, et ce, en recourant aux procédures que les médecins utilisent pour évaluer le consentement éclairé et la capacité décisionnelle dans la prise de décisions médicales en général, selon les preuves présentées au tribunal. Nul besoin d'avoir des évaluations spéciales de la vulnérabilité ou un système élaboré de vérifications, puisque le système existant d'évaluation du consentement éclairé accomplit le travail nécessaire.
    Cependant, cela ne signifie pas que le Parlement ou les assemblées législatives n'ont pas de rôle pertinent à jouer. Comme vous l'aurez entendu à maintes reprises, l'arrêt Carter a établi les fondations, mais le Parlement est libre d'aller plus loin dans la légalisation de l'aide médicale à mourir. Par exemple, le jugement n'exige pas qu'une personne soit capable quand l'aide est fournie, tant et aussi longtemps qu'elle est clairement consentante. Nous ne voyons pas pourquoi une personne capable ne peut pas prendre maintenant une décision pour plus tard, quand elle pourrait ne plus être capable ou en mesure de communiquer. Le Code criminel devrait préciser clairement qu'il est possible de donner son consentement à l'avance.
    En ce qui concerne le processus, il ne devrait y avoir aucun obstacle arbitraire qui rendrait ce soin différent des autres traitements offerts en fin de vie. Nous vous déconseillons fortement d'instaurer un comité d'examen ou un autre mécanisme préalable similaire, comme certains vous l'ont vivement recommandé. Cela romprait complètement avec les pratiques actuelles de fin de vie. Un tel régime imposerait un fardeau indu et totalement superflu à ceux qui cherchent à avoir accès à l'aide médicale à mourir, car les tribunaux ont statué que les médecins sont parfaitement capables d'évaluer les demandes des patients au moyen des normes médicales habituelles.
    L'aide médicale à mourir est une question fondamentalement privée entre le patient et le médecin. Elle touche l'autonomie et l'autodétermination du patient. Aucune personne, aucun comité et aucun juge ne devrait avoir à approuver et essentiellement décider pour le patient. Par le passé, la question des comités a surgi dans le dossier de l'avortement, et la Cour suprême a éliminé ces comités, car ils entravaient l'accès et ils privaient les femmes de leur autonomie et du choix de disposer de leur corps.
    En outre, il est tout à fait contraire aux normes habituelles de consentement dans la prise de décision en fin de vie que d'exiger une seconde opinion d'un autre médecin ou d'un spécialiste. Il faudrait que ce soit simplement une option, conformément aux normes médicales habituelles. Il serait particulièrement difficile d'obtenir l'avis d'un second médecin dans les collectivités rurales et du Nord.
    Il n'est pas nécessaire d'exiger une période d'attente arbitraire et une nouvelle demande. Les médecins devraient pouvoir exercer leur propre jugement, comme ils le font dans tous les cas où un patient exprime son consentement éclairé dans une décision de fin de vie. Si on impose une période d'attente arbitraire, on court le risque qu'un patient devienne incapable entre-temps et ne puisse donner un deuxième consentement ou meurt dans la douleur, précisément de la manière qu'il peut éviter en vertu de l'arrêt Carter. C'est injuste.
    Quand un médecin n'est pas certain qu'un patient est capable, on pourrait évidemment procéder à des évaluations spécialisées de la capacité, comme c'est le cas pour d'autres soins, mais aucune évaluation spécialisée, évaluation psychiatrique ou évaluation de la vulnérabilité ne devrait être obligatoire pour toutes les demandes d'aide médicale à mourir, puisqu'en l'absence de justification dans le dossier, cela constituerait un obstacle indûment gênant à l'accès.
    Pour ce qui est des personnes pouvant offrir l'aide médicale à mourir, l'arrêt Carter a proposé les médecins ou d'autres fournisseurs de soins de santé agissant sous la direction d'un médecin. Nous appuyons la recommandation du comité provincial-territorial, qui suggère que le Parlement modifie le Code criminel pour autoriser l'aide médicale à mourir donnée par un professionnel des soins de santé agissant sous la direction d'un médecin ou d'une infirmière praticienne.
    Enfin, j'aimerais dire un mot au sujet de l'objection de conscience. L'ALCCB soutient la liberté de conscience et l'a régulièrement défendue en cour. Les médecins, nous le savons, ne sont pas obligés de fournir l'aide médicale à mourir. Ce que nous proposons, c'est que les médecins aient l'obligation d'aviser de leur refus un organe tiers, qu'il s'agisse de l'hôpital ou de l'autorité sanitaire. Ils n'auraient pas à diriger le patient vers quelqu'un d'autre, mais aviseraient simplement l'autorité compétente, avec la permission du patient, qu'ils ne veulent pas offrir ce service. Le soin du patient pourrait ainsi être confié à quelqu'un d'autre.
(1110)
    Je terminerai en reprenant les propos de M. Ménard, qui a déclaré que le Parlement, l'assemblée législative et les collèges peuvent agir, mais ils ne peuvent imposer de solution qui privera le droit constitutionnel de son sens pour les gens qui cherchent désespérément à mourir dans la dignité et la paix.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Paterson.
    Nous entendrons maintenant M. Cameron.
    Distingués députés et sénateurs, merci beaucoup de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
    Ce matin, je commencerai mon exposé avec deux réflexions. Sachez d'abord que je suis conscient des décisions difficiles que doivent prendre les patients et les familles dans les situations palliatives. J'ai perdu ma mère il y a sept semaines. Nous prenions soin d'elle à la maison; je suis donc parfaitement au fait de la situation et je ne prends aucune position morale à l'égard de l'aide médicale à mourir ou au suicide.
    De plus, malgré le fait que l'alinéa 241b) et l'article 14 du Code criminel, qui interdisaient l'aide médicale au suicide, ont été invalidés, l'histoire de la profession médicale demeure et est profondément intégrée dans l'esprit et le coeur de nombreux médecins du pays. Par exemple, même si le serment d'Hippocrate date de milliers d'années et est encore utilisé sous diverses formes en Amérique du Nord aujourd'hui, il a été abandonné dans certaines régions. Il est toutefois encore utilisé, et il interdit expressément le fait d'administrer un poison à un patient ou de conseiller à quelqu'un d'autre de le faire. Au pays, un grand nombre de médecins ont de fortes objections de conscience ou de religion à ce sujet, et l'abrogation de deux dispositions du Code criminel ne modifiera pas leur impression et leur croyance quant à l'aide médicale à mourir.
    Le Justice Centre for Constitutional Freedoms est une organisation qui s'emploie à défendre les droits constitutionnels des Canadiens. Or, les droits constitutionnels des minorités sont de plus en plus menacés de nos jours; c'est habituellement de ces cas dont nous nous occupons.
    Nous avons, au sujet de la future mesure législative, les cinq recommandations que voici.
    Nous proposons que la nouvelle loi fédérale indique explicitement que les médecins, les infirmières, les pharmaciens et les autres travailleurs du domaine des soins de santé, ainsi que les organisations et les institutions du domaine des soins de santé peuvent refuser de participer à l'aide médicale au suicide et diriger les patients vers quelqu'un d'autre.
    Dans la décision rendue dans l'affaire Carter, la Cour suprême du Canada n'oblige en aucun cas les médecins et les autres travailleurs du domaine des soins de santé à collaborer à leur corps défendant à une démarche d'aide médicale au suicide. Cette décision repose sur deux conditions essentielles: la volonté du patient et la volonté du médecin. Il n'y avait de réticence du médecin dans aucune des situations examinées par la Cour dans cette affaire. L'existence d'un droit qu'auraient les patients d'exiger que chaque médecin les dirige vers quelqu'un d'autre pour chaque service médical est une idée fausse qui semble donner des maux de tête aux collèges des médecins provinciaux ainsi qu'à l'Association médicale canadienne. De nombreux médecins et autres travailleurs du domaine des soins de santé s'opposent à l'aide au suicide pour des motifs éthiques et moraux, des objections de conscience ou des raisons historiques afférentes à leur profession; leur objection n'en est pas moins une de conscience. Dans l'affaire R. c. Big M Drug Mart Ltd., la Cour suprême a indiqué ce qui suit:
La liberté peut se caractériser par l'absence de coercition ou de contrainte. Si une personne est astreinte par l'état ou par la volonté d'autrui à une conduite que, sans cela, elle n'aurait pas choisi d'adopter, cette personne n'agit pas de son propre gré et on ne peut pas dire qu'elle est vraiment libre. [...] La coercition comprend [...] les formes indirectes de contrôle qui permettent de déterminer ou de restreindre les possibilités d'action d'autrui.
    Nous recommandons également que le Parlement adopte, à l'intention des professionnels des soins de santé, des mesures de protection législatives fort similaires à celles que contient la Loi sur le mariage civil, dans laquelle des mesures ont été prises pour les gens et les organisations qui considèrent, pour des motifs religieux ou moraux, que le mariage est l'union d'un homme et d'une femme, et de personne d'autre. Grâce à cette loi, aucun citoyen ne peut être sanctionné parce qu'il exprime, propage ou défend la croyance selon laquelle le mariage est l'union d'un homme et d'une femme. La Loi stipule expressément que le fait d'avoir ou de défendre ces croyances ne va pas à l'encontre du bien public, et nous présumons que c'est une situation analogue. Il y a chevauchement des compétences entre les gouvernements fédéral et provinciaux, ce qui fait que la question s'apparente à la situation prévue dans la Loi sur le mariage civil.
(1115)
     Nous recommandons en outre que la nouvelle loi fédérale stipule que le processus de demande d'aide médicale au suicide, selon lequel les demandes sont présentées à un juge de la Cour supérieure, soit instauré de manière permanente. À l'heure actuelle, les demandes sont soumises à un juge de la Cour supérieure à titre temporaire. Nous considérons que cette mesure devrait être rendue permanente.
    À notre humble avis, il existe plusieurs bonnes raisons d'agir ainsi.
    Tout d'abord, les juges ont une formation en droit et connaissent la Constitution. Ils sont les mieux habilités à résoudre les désaccords relatifs au chevauchement et à l'empiétement législatifs, puisqu'ils sont formés pour composer avec les questions constitutionnelles. De plus, les tribunaux ont déjà indiqué qu'ils se fient aux juges pour s'occuper de cette grave décision. En outre, les juges sont capables de rendre justice en temps opportun, puisque les tribunaux sont régulièrement saisis de nouvelles demandes et ils sont régulièrement disponibles dans les provinces. Enfin, les juges de la Cour supérieure sont mieux à même de résoudre les problèmes qui pourraient survenir dans un cas d'aide médicale au suicide. Par exemple, il y a des problèmes de contraintes. Des différends peuvent éclater entre les membres de la famille quant au choix des soins à apporter. Les juges sont habitués à composer avec ces différends. À notre humble avis, il n'est pas juste de faire reposer ces responsabilités sur les épaules d'un médecin. De plus, les juges ne peuvent être poursuivis pour une faute professionnelle et ils n'ont pas d'assurance à cet égard. Selon nous, cela pourrait poser un problème pour les médecins qui prennent la décision de mettre fin à la vie de quelqu'un.
    Nous recommandons aussi que la loi fédérale prévoie qu'un comité d'examen parlementaire examine, tous les trois à cinq ans, les cas d'aide médicale au suicide qui sont survenus et formule des recommandations afin de modifier la loi.
    Je sais que certains ont proposé l'établissement d'un organe d'examen national, jugeant que cela serait préférable à un comité d'examen parlementaire. À mon humble avis, ce n'est pas la meilleure chose à faire, et ce, pour un certain nombre de raisons. D'abord, un comité d'examen national pourrait éprouver de la difficulté à recueillir des données et à faire rapport, puisqu'il n'aurait aucun pouvoir sur les provinces. Il serait difficile de lui conférer de tels pouvoirs. Un comité d'examen parlementaire est déjà capable de faire ce qu'un comité d'examen national serait capable de faire. En outre, le comité national ne serait pas composé de personnes qui ont des comptes à rendre à l'électorat, ce qui n'est évidemment pas le cas du Parlement. Selon nous, cela ajoute un degré de responsabilité qui est essentiel quand il est question et vie et de mort.
    Nous recommandons enfin que le Parlement prenne note que des atteintes à la Constitution sont déjà prévues ou proposées dans les lignes directrices publiées par les collèges de médecins des provinces. Sachez que l'Association médicale canadienne a essentiellement déclaré que les médecins devraient être obligés de diriger le patient vers quelqu'un d'autre. Elle ne considère pas cela comme étant de l'aide médicale au suicide. De plus, elle cherche à faire valoir le droit des médecins de bénéficier d'un report ou de temps.
    À notre humble avis, il faut assurer un délicat équilibre entre les droits des médecins et ceux des patients, car la nature non autonome d'un patient qui a besoin l'aide d'un médecin remet en question les droits de celui qui l'aide.
    Merci beaucoup de m'avoir écouté aujourd'hui.
(1120)
    Merci, monsieur Cameron.
    Madame Morris ou madame Gokool.
    Je remercie le comité parlementaire d'avoir invité Dying With Dignity Canada à la séance d'aujourd'hui.
    Nous sommes l'organisation nationale de défense des droits qui est dans une position unique pour traiter de la question, puisqu'elle représente les 84 % de Canadiens qui sont fortement en faveur de l'aide médicale à mourir. Notre travail est appuyé par notre comité consultatif sur les handicaps et notre conseil consultatif de médecins. Nous allons vous parler aujourd'hui des principes d'admissibilité, de protection et d'accès pour assurer l'instauration d'un cadre national parfaitement fonctionnel d'aide médicale à mourir au Canada.
    Avant de commencer, nous voudrions traiter des fréquentes références faites, au cours de vos audiences, à la validité de la loi proposée dans les provinces et les territoires.
    Nous ne sommes pas avocats de droit constitutionnel; notre souci, ce sont les Canadiens. Nous recommandons vivement au gouvernement fédéral, aux provinces et aux territoires de collaborer, à défaut de quoi, nous craignons fort de nous retrouver avec une approche provinciale disparate qui pourrait faire en sorte que l'accès des plus grands malades dépende du leadership dont leur province a fait montre ou non en matière de législation.
    En ce qui concerne l'admissibilité, nous considérons que l'arrêt Carter a établi les fondations et non un plafond. La Cour suprême a indiqué que les adultes capables ayant un problème médical grave et irrémédiable leur causant des souffrances intolérables devraient pouvoir accéder à l'aide à mourir. Elle convient que seule la personne concernée peut décider si sa souffrance est intolérable. Comme nous l'avons entendu ce matin, « grave » est déjà un terme utilisé dans les cours pénales, dans la langue courante et dans la common law pour parler des problèmes médicaux très sérieux. Nous n'avons donc pas besoin de le définir davantage. Nous demandons instamment au Comité de ne pas recommander de liste préapprouvée de conditions pour l'aide à mourir.
    Je vais maintenant céder la parole à Wanda Morris.
     Il ne fait aucun doute dans ce dossier que le plus important est le consentement préalable.
    Dans leur décision, les juges de la Cour suprême ont écrit qu'il est cruel d'obliger quelqu'un à choisir entre subir une mort prématurée, peut-être violente, et endurer une souffrance prolongée. À moins que le Comité ne recommande qu'il soit possible d'accorder le consentement éclairé à l'avance, cette injustice perdurera.
    La question du consentement préalable ne s'applique nulle part aussi bien que dans les cas de démence. Dans les années au cours desquelles j'ai traité de la question, on peut difficilement surestimer le nombre de personnes qui ont exprimé leur peur, leur crainte de vivre pendant des années sous l'emprise de la démence. Dans ma province d'origine, la Colombie-Britannique, nous avons vu ce concept ressortir dans deux affaires, celles de Margot Bentley et de Gillian Bennett.
    Margot Bentley était une infirmière s'occupant de personnes atteintes de démence. Elle savait qu'elle ne voudrait jamais vivre atteinte de démence; pourtant, bien qu'elle ait préalablement exprimé ses volontés sur papier, elle s'est retrouvée dans un centre de soins. En dépit des objections de sa famille, elle continue d'être nourrie à la cuillère, même si elle a atteint le stade 7 de démence, le stade final. Elle est incapable de communiquer, n'a nulle conscience de ce qui l'entoure et ne contrôle pas ses fonctions corporelles. C'est peut-être en réaction à cette affaire que Gillian Bennett, psychothérapeute en Colombie-Britannique, a écrit sur son blogue, deadatnoon.com, qu'elle avait décidé de mettre fin à ses jours avant que la démence ne l'en empêche.
    Il existe un autre cas clair où les personnes doivent avoir le droit d'accorder leur consentement préalable à l'aide à mourir: quand l'aide à mourir doit très bientôt avoir lieu, mais qu'après avoir respecté toutes les mesures de protection et les protocoles, la personne devient incapable. Il peut s'agir d'un patient qui a convenu de recevoir l'aide à mourir lundi, mais qui tombe dans le coma le dimanche après-midi.
    Je vais maintenant aborder les questions des mesures de protection et de l'accès. Je vous rappelle que vous devez garder à l'esprit que nous devons soutenir deux groupes vulnérables ici. Il y a les personnes socialement vulnérables qui pourraient être poussées vers une mort qu'elles ne choisiraient pas, et celles qui sont malades et mourantes, qui souffrent énormément et qui veulent s'assurer d'avoir accès à ce droit promis par la Cour. Même si les médecins prennent quotidiennement des décisions médicales de vie et de mort, nous acceptons que les Canadiens souhaitent des mesures de protection supplémentaires en ce qui concerne l'aide à mourir, et nous croyons que deux mesures sont importantes. D'abord, il faut qu'un deuxième médecin intervienne dans ce cas particulier pour s'assurer que le patient donne son consentement volontaire, libre et éclairé. Ensuite, du moins initialement, nous considérons que chaque cas d'aide à mourir devrait être examiné après coup et qu'il faudrait réaliser un examen global pour déceler les problèmes systémiques.
    Nous rejetons catégoriquement l'idée d'instaurer un quelconque comité d'examen pour étudier à l'avance les demandes d'aide à mourir. Ce ne serait pas une mesure de protection, mais un obstacle. L'aide à mourir passerait ainsi du domaine médical, là où elle appartient, au système de justice. Qui plus est, aucun régime où l'aide à mourir est légalisée — au Québec, en Amérique du Nord ou en Europe — ne prévoit de tel mécanisme. Il n'existe aucun soutien réglementaire de la part des collèges à cet égard, et aucune preuve crédible ne montre que la population est favorable à cette mesure.
    Nous acceptons le principe selon lequel il y a des personnes vulnérables et il faut instaurer des mesures de protection, mais pourquoi limiter ces mesures aux personnes réclamant l'aide à mourir? Pourquoi ne voudrions-nous pas qu'une personne qui souhaite qu'on cesse le maintien des fonctions vitales, la chimiothérapie ou la dialyse fasse l'objet d'une évaluation de la vulnérabilité? Nous pensons que cette responsabilité devrait incomber entièrement aux médecins, ceux qui prennent chaque jour des décisions sur la capacité. Si, comme d'autres témoins l'ont affirmé, les médecins ne sont pas formés pour assumer cette responsabilité, nous ne pouvons penser à aucun autre groupe qui serait mieux à même d'apprendre à accomplir cette tâche cruciale.
    Je veux maintenant passer à la question de l'accès.
(1125)
    Ma collègue a souligné que la Cour suprême doit concilier les droits des médecins et des patients. Même si elle n'a pas exigé que les médecins offrent l'aide médicale à mourir, ce n'est pas quelque chose que nous réclamons. Nous considérons que chaque médecin devrait avoir le droit de refuser de prescrire ou d'administrer un médicament, mais nous pensons qu'il est essentiel de tenir également compte des droits du patient. Le fait de simplement permettre aux médecins de tourner le dos aux patients et de refuser de donner l'aide médicale à mourir n'aidera pas les patients ou le système de soins de santé.
    Les patients ne doivent pas avoir à feuilleter les pages jaunes et à chercher de l'information pour trouver leur propre médecin. Ils ont besoin d'aide et d'accès, et nous considérons qu'il existe une manière très rapide d'agir, que le Comité pourrait recommander: c'est le transfert des soins. La loi du Québec propose que le médecin avise son institution. Cela nous semble une solution acceptable.
     Nous ne pensons pas que les patients devraient devoir se débrouiller seuls. En l'absence d'un système pour accélérer les soins, c'est au médecin qui doit incomber d'offrir des solutions efficaces et de diriger le patient. Au final, le système de soins de santé doit être là pour appuyer les patients, pas pour satisfaire aux souhaits des médecins.
    J'aimerais enfin parler des rôles des institutions. Dans la version finale de la loi du Québec, certaines concessions ont été faites afin d'autoriser les centres de soins palliatifs indépendants à choisir de ne pas offrir l'aide à mourir. Nous avons entendu nombreuses institutions d'appartenance religieuse dire qu'elles ne pensent pas que l'aide à mourir devrait être offerte dans leurs locaux.
    Nous n'acceptons pas que les institutions aient le droit de conscience. Si une institution financée par les deniers publics héberge un patient admissible à l'aide à mourir, elle doit offrir le service. Elle ne peut dénier le droit constitutionnel des patients ou sanctionner les médecins qui, agissant selon leur conscience, respectent le droit qu'a un patient admissible dans le cadre de la loi à recevoir l'aide à mourir qu'il réclame.
    Nous rappelons au Comité que ses décisions et ses recommandations auront une incidence sur la manière dont les Canadiens mourront dans les décennies à venir. Nous vous conjurons de tenir compte de deux valeurs canadiennes: celle de compassion et celle de l'autonomie des patients, que nous appelons aussi « choix ».
    Merci.
(1130)
    Je remercie nos cinq témoins des exposés qu'ils ont présentés ce matin. Mon coprésident est toujours comblé quand on respecte l'horaire, et nous nous réjouissons toujours quand c'est fait aussi gracieusement. Merci.
    C'est Mme Dabrusin qui posera les premières questions.
    Ma première question s'adresse à M. Paterson.
    Pourriez-vous réagir à la suggestion de M. Cameron, qui considère qu'il serait préférable de continuer de renvoyer les cas aux tribunaux pour décider si une personne devrait être autorisée à bénéficier de l'aide médicale à mourir?
    Merci de cette question.
    Nous sommes tout à fait opposés à la position voulant qu'il soit nécessaire d'obtenir une approbation préalable quelconque, outre une décision prise par le patient et son médecin quant aux soins. C'est, bien entendu, le patient qui prendra la décision et le médecin qui prodiguera le soin.
    Nous considérons qu'il s'agit là d'une violation des droits à la vie privée. C'est complètement différent de tout ce qui se fait dans les autres soins de fin de vie. Ce n'est pas la norme qui s'applique dans presque tous les pays du monde à l'exception d'un seul, et là, nos preuves se font un peu rares, comme on l'a vu, vous vous en souviendrez, dans une séance précédente.
    Nous n'appuyons pas cette position. En fait, nous y sommes complètement opposés. Nous pensons également que cette mesure risque fort de créer des obstacles qui pourraient être insurmontables pour certains, pas seulement dans les régions rurales et du Nord, mais aussi en ville. Comme je l'ai indiqué plus tôt, nous avons déjà vu de tels obstacles dans le cas de décisions médicales que le patient devrait prendre de manière autonome.
    Merci.
    Vous avez proposé un système quand nous avons traité des droits de conscience. Vous proposiez un système qui permettrait à un médecin d'indiquer à un tiers qu'il a des objections.
    En effet.
    Les médecins exprimeraient simplement leurs objections. Pourriez-vous nous expliquer un peu plus la manière dont ce système fonctionnerait? Qui serait ce tiers? Comment procéderait-on?
     La question relève selon nous des provinces, car il s'agit de réglementer l'accès. Le Québec constitue un excellent exemple. Nous appuyons essentiellement le modèle qu'utilise cette province. Au Québec, c'est une autorité sanitaire locale. Ce serait aux provinces de déterminer l'organe qu'il convient d'aviser. Ce pourrait être l'hôpital, ou un autre organe pourrait être désigné. En Colombie-Britannique, il y a des autorités sanitaires régionales.
    L'essentiel, c'est que cet organe serait dans l'obligation de communiquer dans les plus brefs délais avec le patient qui a accepté que l'information lui soit transmise. Il lui incomberait alors de diriger le patient vers une personne qui peut fournir le service. Voilà qui évite au médecin de diriger le patient; il n'a qu'à informer quelqu'un de son refus.
    Nous ne pensons pas que ce soit trop demander. L'intérêt, dans l'objection de conscience, est un intérêt soigneusement mesuré. Il n'est pas absolu. Nous considérons que ce serait aller trop loin que d'obliger le médecin à diriger le patient; par contre, cette disposition servirait tout le monde.
(1135)
    D'accord. Merci.
    Vous avez souligné un problème relatif à la vie privée quand le patient doit accorder son consentement pour que l'information soit transmise au tiers. Entrevoyez-vous des écueils à cet égard? Y a-t-il quelque chose à laquelle nous devrions porter attention dans cette partie de la procédure pour nous assurer que le patient est convenablement informé?
    Nous pensons qu'il faudrait simplement demander au patient. Le patient discute probablement avec le médecin, qui refuse de fournir le soin. Or, ce médecin, en vertu des normes relatives au consentement éclairé, serait tenu de fournir des renseignements sur le soin. Nous ne l'exempterions pas cette obligation.
    Il faudrait simplement qu'il demande au patient s'il peut informer le tiers de son refus. Si le patient accepte, alors il peut le faire. Dans le cas contraire, le médecin n'est pas autorisé à donner cette indication.
    D'accord.
    Le coprésident (M. Robert Oliphant): Il vous reste 30 secondes.
    Mme Julie Dabrusin: D’accord. Je serai brève.
    Madame Morris, dans le cadre législatif que propose votre organisation, il est question d’un système de références obligatoires, mais celui-ci ne s’appliquerait qu’aux médecins et pharmaciens. Pourquoi?
    Selon nous, en fin de compte, le patient devrait pouvoir être aiguillé de manière efficace, mais si l’on peut atteindre cet objectif grâce au transfert de soins, nous serons heureux de collaborer avec d’autres pour obtenir un résultat raisonnable.
    J’ignore où il est précisé qu’un tel système ne s’appliquerait qu’aux médecins et pharmaciens. Selon nous, il pourrait y avoir deux obstructions possibles: un médecin qui refuse de donner une référence à un patient ou un pharmacien qui refuse de préparer une ordonnance. Mais, il est clair pour nous qu’aucun professionnel de la santé ne devrait pouvoir bloquer le processus.
    Je dois vous interrompre. Si nous avons besoin d’une réponse plus détaillée, nous vous demanderons de nous la faire parvenir par écrit. Merci beaucoup.
    Monsieur Cooper, vous avez la parole.
    Ma question s’adresse à l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique et à M. Cameron et porte sur les mineurs matures.
    Si la Cour suprême du Canada a songé à permettre aux mineurs matures — des personnes de moins de 18 ans — d’avoir accès à l’euthanasie, pourquoi ne l’a-t-elle pas dit, tout simplement? Le tribunal a plutôt fait référence à maintes reprises — aux paragraphes 68, 127 et 147 — à un « adulte » sain d’esprit, et non à une « personne » saine d’esprit. D’ailleurs, au paragraphe 111, le tribunal avance même que l’euthanasie pour les mineurs ne s’appliquerait pas aux paramètres proposés par la Cour.
    J’aimerais connaître votre opinion sur la question.
    Selon nous, la Cour suprême ne s’est pas prononcée sur la disponibilité de l’aide médicale à mourir pour les mineurs matures. Elle ne s’est pas prononcée sur la question. En d’autres occasions, elle s’est penchée sur la capacité des mineurs matures à prendre des décisions en matière de soins de santé et s’est prononcée sur cette question.
    Il y a une distinction à faire entre l’arrêt Carter qui établit un plancher et la capacité du Parlement à aller plus loin. Nous sommes d’accord avec vous: l’arrêt Carter fait référence à des adultes sains d’esprit. Aucun élément d’information n’a été présenté au tribunal concernant la possibilité d’offrir l’aide médicale à mourir à des mineurs matures. Cela dit, nous recommandons au Parlement de soutenir le principe selon lequel l’aide médicale à mourir devrait être offerte aux mineurs matures, car cela serait conforme aux lois que l’on retrouve partout au pays et qui stipulent que les mineurs qui en sont aptes ont le droit de prendre des décisions en matière de soins de santé.
(1140)
    Merci pour cette question.
    Ma position est axée sur deux éléments. D’abord, l’expression « mineurs matures » et, dans une certaine mesure, un oxymore. Ils ont besoin d’un tuteur à l’instance pour toutes sortes de poursuites civiles et nous ne leur faisons pas confiance pour plaider sur de nombreuses questions. Ils grandissent. Ils se découvrent. Ils sont parfois sujets à des dépressions déraisonnables.
    Il y a une raison pour laquelle la Cour stipule que l’aide médicale à mourir serait pour les adultes aptes à prendre une telle décision. Il y a deux composantes à cela. Une, la compétence et, deux, l’âge adulte. À mon avis, il y a de très bonnes raisons pour justifier cela.
    Ma prochaine question s’adresse à M. Cameron et à l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique.
    Le tribunal a maintes fois fait référence aux personnes « qui demandent de l’aide pour mourir ». On retrouve cette phrase aux paragraphes 69, 98 et 106. Avec cette phrase, le tribunal semble dire que c’est le patient qui doit demander l’aide pour mourir et non, par exemple, le médecin qui offre de l’aider à se suicider. Qu’en pensez-vous?
    Si j’ai bien compris votre question, vous faites référence à la différence entre quelqu’un qui conseille à une personne de se suicider et un patient qui demande de l’aide pour se suicider.
    C’est exact. Autrement dit, le patient doit clairement approcher le médecin. Ce ne serait pas au médecin, par exemple, de dresser une liste d’options pour le patient. Vous voyez la différence?
    Absolument. Il y a une différence. Lorsqu’une personne traverse des épreuves ou des circonstances extrêmement difficiles, je crois que le fait de lui suggérer que la meilleure option ou une des options serait de mettre fin à ses jours peut facilement devenir une option réelle à laquelle elle n’avait pas pensé.
    Peu importe la raison derrière une telle suggestion, celle-ci peut devenir coercitive. Ces procédures ne se déroulent pas en vase clos. Les médias sont présents. Les gens savent ce qui s’est produit dans l’affaire Carter et que, dans une certaine mesure, comme le stipule le tribunal, les patients ont le droit de demander l’aide d’un médecin pour mourir.
    Merci, monsieur Cameron.
    Je sais que d’autres aimeraient intervenir sur la question, mais ce ne sera pas possible. Vous pourrez y revenir plus tard, si vous le désirez.
    Monsieur Rankin, vous avez la parole.
    Merci. Je partagerai mon temps de parole avec Mme Sansoucy.
    Je tiens à remercier les témoins d’avoir accepté notre invitation. Notre temps est très limité, alors j’irai droit au but. J’aimerais m’adresser aux représentants de l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique sur la question de la vulnérabilité.
    Vous avez été très ferme dans votre exposé sur la question de l’accès. Monsieur Paterson, vous avez parlé de la vulnérabilité dans deux contextes et j’aimerais en parler plus en détail avec vous.
    D’abord, vous dites qu’il ne devrait pas y avoir de période d’attente. Des témoins nous ont dit qu’après avoir subi une blessure handicapante, beaucoup de personnes — la majorité, nous dit-on — souffrent d’une profonde dépression et songent au suicide. Donc, ils avancent qu’une période d’attente considérable aiderait à protéger les personnes vulnérables qui se trouvent dans de telles situations.
    Ensuite, vous dites qu’il ne devrait pas être obligatoire, selon vous, d’obtenir l’avis d’un second médecin. Pourtant, vous dites que, dans certaines circonstances, une infirmière praticienne ou un médecin pourrait donner un second avis et confirmer le consentement du patient. Ne serait-il pas onéreux d’obtenir l’avis d’un second médecin par télémédecine?
    J’aimerais connaître votre opinion sur ces deux questions.
(1145)
    Merci, monsieur Rankin.
    Concernant une période d’attente pour une personne qui a subi une blessure handicapante et qui n’a plus envie de vivre, je ferai écho aux propos de la professeure Downie qui a dit lors d’une séance précédente que la législation sur le consentement éclairé et les pratiques qu’appliquent actuellement les médecins pour déterminer si un patient est apte à prendre une décision et s’il est suffisamment sain d’esprit pour donner son consentement permettent déjà de traiter cette question. Il revient au médecin de dire au patient « Je ne suis pas convaincu que vous saisissez la situation dans laquelle vous vous trouvez », de faire preuve de jugement, tout en respectant les critères fixés par l’organisme qui le régit, et de travailler à ces questions avec le patient. Selon nous, ce n’est pas un problème. Inversement, l’imposition d’une période d’attente, selon nous, pourrait avoir des effets très néfastes.
    Votre deuxième question portait sur l’avis d’un second médecin, la possibilité d'utiliser la télémédecine, la simplification possible du processus et l'utilisation d'une application ou de quelque chose du genre. À notre avis, peu importe la technologie ou s’il est possible de mettre en place un système permettant à un médecin situé dans une grande ville de donner un second avis dans le dossier d’une personne vivant en région, l’obligation d’obtenir un second avis serait en contradiction avec les pratiques de soins de fin de vie en vigueur. Maintenant, si un médecin ressent le besoin d’obtenir l’avis d’un autre professionnel, selon nous, qu’il n’hésite surtout pas. D’ailleurs, c’est ce que font les médecins lorsqu’il s’agit de décisions de fin de vie. Selon nous, c’est davantage une question d’avoir une pratique cohérente avec les pratiques en vigueur pour les décisions de fin de vie qu’une question de technologie.
    J'ignore de combien de temps je dispose, monsieur le président, mais j'aimerais poser une petite question et ensuite peut-être céder la parole à Mme Sansoucy.
    Vous avez deux minutes.
    Ma question porte sur ce qu'a dit Mme Pastine sur le consentement préalable. Les critères énoncés dans l'affaire Carter prévoyaient des souffrances persistantes qui sont intolérables au regard de la condition de la personne. Je songe à la maladie d'Alzheimer et à la démence qu'a soulevées Wanda Morris de Dying With Dignity Canada. Selon cette définition, la personne ne souffrirait pas ou encore n'aurait pas de souffrances persistantes si elle n'était pas consciente de sa douleur. Ces personnes ne souffrent pas si elles sont atteintes de démence vers la fin de leur vie. On pourrait alors prévoir un consentement préalable dans ce cas de figure.
    Je vous comprends lorsque vous parlez de plafonds et d'étages, mais je me demande s'il nous incombe, en suivant à la lettre les critères énoncés dans l'affaire Carter, d'aborder la question de la démence comme vous l'avez décrite.
    Je crois qu'il vous incombe de le faire. En fait, nous vous recommandons, si vous cherchez à permettre aux patients de donner des directives anticipées en ce qui concerne l'aide médicale à mourir, de le faire de façon explicite dans les lois fédérales, car vous modifierez ainsi l'exigence en matière de consentement et les paramètres du consentement, tels qu'ils ont été établis par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Carter. C'est possible que mon collègue, M. Paterson, veuille...
    Bien sûr, mais je me demandais si je pouvais céder la parole à Mme Sancoucy.

[Français]

    Ma question s'adresse aussi à Me Pastine.
    Dans certains États américains — on pense ici à l'Oregon, à l'État de Washington, au Vermont, à la Californie et au Montana —, le suicide assisté est autorisé, mais l'euthanasie volontaire ne l'est pas. En revanche, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg autorisent autant le suicide assisté que l'euthanasie volontaire. Au Québec, en vertu de la Loi concernant les soins de fin de vie, on autorise l'euthanasie volontaire.
    À ce sujet, j'aimerais que vous fassiez part au comité de votre interprétation de l'arrêt dans la cause Carter à ce sujet. Est-ce que cette décision nous amène à autoriser au Canada autant l'euthanasie volontaire que le suicide assisté?
    Madame Pastine, vous disposez de 15 secondes.

[Traduction]

    Merci pour votre question. Il est tout à fait clair que le jugement de la Cour suprême du Canada autorise l'aide médicale à mourir et l'euthanasie. Nous avons comme position qu'il est tout à fait inconcevable que le jugement de la Cour puisse être interprété d'une autre façon quelconque.
    Madame la sénatrice Seidman.
(1150)
    Vous avez tous parlé du droit des médecins à l'objection de conscience, et vient donc la question à savoir quelle est la meilleure façon d'assurer l'équité et l'accès des patients qui souhaitent une aide médicale à mourir tout en conciliant le droit des médecins, prévu dans la Charte, à l'objection de conscience.
    L'AMC, dans son rapport publié en 2015 sur cette même question, exige la création d'un système distinct et centralisé pour la diffusion de l'information, le counselling et l'aiguillage, et je me demande quelles sont vos réactions à ce genre d'approche. Je vous pose la question à vous trois.
    Notre priorité, c'est que les patients ne soient pas livrés à eux-mêmes. Si cette recommandation prévoit effectivement que les soins soient confiés à quelqu'un d'autre et les patients se font soigner, à ce moment-là nous sommes en faveur.
    Nous avons cependant des réserves quant à la capacité d'un organisme indépendant d'assurer ces fonctions sans avoir accès aux renseignements confidentiels sur la personne qui fournit l'aide médicale à mourir. De plus, nous sommes d'avis que ce genre de service ne devrait pas être confié à un organisme à l'extérieur du système de soins de santé, de façon à éviter qu'un groupe indépendant soit tenu de faire une collecte de fonds afin de pouvoir fournir ce service critique.
    L'hon. Judith G. Seidman: Monsieur Paterson.
    Merci.
    J'abonde dans le même sens que Mme Morris.
    J'ajouterais tout simplement que quel que soit l'organisme prévu, il faudrait qu'il ait la capacité de réagir rapidement. Il ne peut y avoir d'arriérés ou de situations du genre: « Nous n'avons pas le temps de traiter votre demande cette semaine. » Il faut agir rapidement. L'organisme doit être rigoureusement surveillé afin de s'assurer que les patients ont droit aux soins qu'ils exigent.
    Monsieur Cameron.
    Je crois qu'une telle réponse est efficace. Je suis en faveur. Une telle solution sera la meilleure si elle est mise en oeuvre correctement.
    Monsieur Paterson et madame Pastine, dans vos exposés, tous les deux vous avez dit que l'aide médicale à mourir devrait essentiellement être abordée comme toute autre décision médicale et tomber sous l'égide des normes établies de consentement éclairé et d'évaluation de capacité.
    Dans ce cas, j'aimerais que vous passiez par les étapes, telles que vous les concevez, qui devraient être prévues lorsqu'on fait une demande d'aide médicale à mourir et ensuite les étapes que devra suivre le médecin pour répondre à cette demande. Dans des termes concrets et pragmatiques, comment prévoyez-vous les choses?
    Comme vous le dites, nous percevons l'aide médicale à mourir comme faisant intimement partie des soins offerts avec compassion en fin de vie. Nous avons comme position que ce soin ne devrait pas être abordé différemment des soins consistant à retirer ou à arrêter un traitement ou encore à offrir une sédation palliative.
    Si un patient, par exemple, une personne qui a la maladie de Lou Gehrig, voulait de l'aide médicale pour mourir avec dignité, nous nous attendrions à ce qu'elle fasse part de sa volonté à son médecin et que le médecin s'assure que la personne soit au courant de toutes les possibilités de soins offerts en fin de vie. Nous nous attendrions à ce que la personne soit renseignée sur le pronostic, le diagnostic, etc., ainsi que l'existence des soins palliatifs et d'autres possibilités s'offrant à elle. C'est conforme aux pratiques médicales en vigueur.
    Il se peut que le médecin connaisse son patient depuis plus de 10 ans, et de ce fait est au courant de son avis sur la question, mais si le médecin a des inquiétudes quant à la capacité du patient, sa capacité de prendre une décision éclairée et volontaire à l'abri de toute pression, et rappelons-nous que dans bien des cas, ces préoccupations n'existent pas, le médecin, à ce moment-là, conformément aux pratiques médicales habituelles, exigera une évaluation de capacité individuelle. On demandera alors une consultation par un autre médecin, un psychiatre ou un gérontologue. Diverses possibilités s'offrent aux médecins pour effectuer une évaluation de capacité.
(1155)
    Merci, madame Pastine.
    Le sénateur Cowan.
    Merci d'être venus ce matin. Vos propos sont fort intéressants.
    J'aimerais revenir au consentement préalable et aux directives anticipées et vous faire part de ma préoccupation, qui je crois est en fait ressentie par tout le monde, quant à la possibilité d'exposer des personnes vulnérables à des résultats qu'elles ne souhaiteraient pas si elles devaient changer d'avis. Je songe notamment aux personnes à un stade avancé de la maladie d'Alzheimer. Si j'ai bien compris, la souffrance dont nous avons parlé ne doit pas forcément être physique; il peut s'agir d'une condition.
    Pouvez-vous m'expliquer comment vous verriez ce genre de système fonctionner dans la pratique, en utilisant l'exemple d'une personne à un stade avancé de la maladie d'Alzheimer. Nous pourrions avoir une situation selon laquelle à un moment donné, la personne donne une directive en ayant toute sa tête, mais elle songe à un moment dans l'avenir où elle ne sera pas lucide. Comment pouvons-nous nous assurer dans la mesure du possible que les intérêts de cette personne sont bel et bien défendus?
    Je crois que ce que nous ferons sera tout à fait respectueux de la vie si nous arrivons à prévoir un mécanisme clair de consentement préalable.
    Tout d'abord, nous parlons d'une situation où la personne a déjà reçu le diagnostic. La personne vit avec la réalité de son diagnostic de démence et donne son consentement libre et éclairé. Deuxièmement, je crois qu'il devrait y avoir un genre de formulaire conçu sur mesure qui permet au patient d'indiquer clairement, compte tenu de la maladie, les critères selon lesquels les souffrances seraient telles qu'il leur est plus douloureux de rester en vie que de recevoir une aide médicale à mourir.
    Ce serait alors le point de vue du patient.
    Tout à fait. Par exemple, bien que le patient puisse se rendre compte que de nombreuses personnes en début de démence ont une bonne qualité de vie, il pourrait ne pas vouloir vivre dans certaines conditions. Il dira peut-être: « Lorsque je serai cloué au lit; lorsque je ne pourrai plus me nourrir, me laver et me raser; lorsque je n'aurai pas parlé depuis 30 jours ou plus, à ce moment-là, veuillez m'aider à mourir. » Le patient prévoit des critères objectifs qui peuvent être vérifiés. Le médecin qui choisit de le faire, parce que les médecins auront toujours le droit à l'objection de conscience, fournirait alors une aide à la mort.
    Le formulaire constitue un document unique qui est rempli à l'avance. Ce document fait l'objet des mêmes mesures de protection qu'une demande faite pour une aide immédiate, mais au final, la personne aura droit à une aide médicale pour mourir.
    Madame Pastine, monsieur Paterson, avez-vous un avis sur la question? Du point de vue pratique, comment fonctionnerait ce régime pour offrir toutes les protections que nous recherchons?
    Monsieur le sénateur, je suis désolé, mais je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce qu'a dit Mme Morris. Je suis d'accord avec elle.
    Le rapport provincial–territorial a également proposé, comme vous le savez tous sans doute, des scénarios différents qui pourraient nous être utiles sur la question.
    Pour nous, l'essentiel, c'est que nous ne percevons aucune distinction pertinente entre la personne qui donne son consentement maintenant et celle qui donne son consentement préalable. Nous ne voulons pas que les gens soient prisonniers, dans un sens, des souffrances qu'ils auraient voulu éviter et qui auraient pu être évitées par une directive préalable.
    Même si la capacité disparaît entre le moment où le document est traité et le moment où l'aide est donnée.
    C'est exactement le type de scénario pour lequel nous vous disons qu'il faut avoir une directive préalable: afin de s'assurer que quelqu'un qui devient incapable est toujours en mesure de faire respecter sa volonté. Nous pensons que c'est important.
    Madame Pastine.
    Je suis d'accord avec les propos de Mme Morris et de M. Paterson.
    C'est dans de telles situations, où la personne devient incapable, qu'il faudrait exiger que le patient puisse donner son consentement préalable. Un patient peut toujours renverser une décision prise dans le passé. Si la capacité est toujours là, la personne peut bien sûr changer d'avis, mais nous croyons que les directives préalables concernant les soins sont très importantes pour prévenir des souffrances qui ne sont pas nécessaires ni désirées.
(1200)
    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste 15 secondes.
    Tant pis. Je donne mes 15 secondes à quelqu'un d'autre.

[Français]

     Monsieur Arseneault, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins de leurs présentations.
     Il est important d'entendre ce que vous avez à dire parce que vous allez aider ce comité à prendre une décision par rapport à l'affaire Carter. Cette décision nous a déjà indiqué le point d'arrivée. Il faut donc permettre l'aide médicale à mourir dans les paramètres indiqués par la Cour suprême du Canada. Le présent comité a pour tâche de déterminer la façon de le faire.
    Ma première question s'adresse à Mme Pastine. En fait, elle se veut une continuité à la question qu'a posée notre collègue Mme Sansoucy. J'aimerais donc entendre votre réponse.
    En ce qui a trait à l'affaire Carter, comment voyez-vous l'aide médicale à mourir, c'est-à-dire les deux options dont on entend souvent parler, soit le suicide assisté et l'euthanasie volontaire?

[Traduction]

    Le suicide assisté et l'euthanasie volontaire sont tous les deux prévus par le jugement Carter. Un exemple de suicide assisté, ce serait un patient à qui un médecin a prescrit des médicaments pour mettre fin à sa vie et ce même patient prend lui-même les médicaments. Dans certains cas, la personne n'est pas en mesure de le faire soi-même ou préfère tout simplement avoir l'aide d'un médecin, et c'est la raison pour laquelle, dans de tels cas, l'euthanasie volontaire serait la préférence des patients et, bien franchement, des médecins également.
    Le terme utilisé pour décrire ces deux catégories de soins donnés en fin de vie, c'est l'aide médicale à mourir. C'est le terme qui a été défini de façon explicite par la Cour suprême de la Colombie-Britannique. De plus, la Cour suprême du Canada, en abrogeant l'article 14 et l'alinéa 241b), a indiqué clairement qu'elle faisait référence à ces deux pratiques. J'ajouterais que le gouvernement, dans l'affaire Carter, n'a jamais défendu la position selon laquelle un des soins et pas l'autre violerait la Constitution. C'est la raison pour laquelle je vous dis qu'il est tout simplement inconcevable que le jugement de la Cour puisse être interprété de toute autre façon que pour dire que l'interdiction pénale de l'aide médicale à mourir, telle que je l'ai définie, est inconstitutionnelle.

[Français]

     Merci beaucoup, madame Pastine.
    Ma prochaine question s'adresse à Me Cameron.
    Maître Cameron, on connaît le contexte de l'affaire Carter, où la principale intéressée est allée chercher outre-mer de l'aide à mourir, sachant que le système juridique ne répondrait pas à sa demande avant la fin de sa vie.
    Vous avez indiqué que, selon vous, afin de maximiser la protection des plus vulnérables, il faudrait que le système de justice — autrement dit, une cour supérieure — ou des juges soient ceux qui aient le pouvoir de déterminer si quelqu'un a la capacité de demander l'aide au suicide.
    Les provinces ont différentes cours supérieures, dont les juges ne rendent pas souvent ou toujours les mêmes décisions sur un même sujet. C'est la raison pour laquelle il y a des cours d'appel. De même, dans les provinces, les cours d'appel ne rendent pas toujours des décisions similaires dans des contextes identiques, et c'est pour cela qu'il y a une Cour suprême.
    Comment pouvez-vous concilier votre position restrictive avec l'esprit de l'arrêt dans la cause Carter et dans le contexte de l'affaire Carter?

[Traduction]

    Merci pour votre question, monsieur.
    Me fiant à ma propre expérience, je peux affirmer qu'il existe divers types de médecins, tout comme il y a divers types de juges, et lorsqu'on n'est pas en mesure d'obtenir un médicament d'un médecin, bien souvent on peut l'obtenir d'un autre. C'est la raison pour laquelle certains « butinent » d'un médecin à l'autre.
    La protection accordée par un jugement d'une cour supérieure, c'est ce que le juge est détaché de la situation vécue par le médecin; il peut peser les exigences de la loi et les affidavits des médecins ainsi que les témoignages contradictoires des membres de famille et en arriver à un jugement éclairé. Il n'y a aucun doute que parfois les juges font des erreurs, mais il me semble qu'en ce qui concerne les questions d'éthique, il vaut beaucoup mieux confier la question à un juge qu'à un médecin.
(1205)
    Il vous reste 10 secondes.
    Nous avons dépassé quelque peu le temps imparti, mais je vais permettre à M. Warawa de poser des questions. Nous savons que la prochaine séance n'aura que deux groupes de témoins, et nous nous rattraperons à ce moment-là.
    Monsieur Warawa, allez-y.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    M. Aldag et moi-même avons tenu une rencontre de discussion ouverte samedi, qui s'est révélée très informative. Le terme « aide médicale pour mourir plus rapidement » a été proposé comme un terme plus approprié. « Aide médicale à mourir » a été perçu comme étant de portée très générale. C'est ce qui a été dit par de nombreuses personnes, et je vais donc utiliser ce terme, car il me semble plus exact.
    Fait intéressant, lorsque je lisais dans l'avion, je me suis retrouvé à côté d'un médecin membre du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, qui venait ici afin de vérifier si des spécialistes ont les qualifications nécessaires pour exercer comme chirurgiens et médecins ici au Canada.
    J'ai visité le site Web et appris que les médecins sont confrontés à la même question et cherchent à trouver une solution, et je me dis donc que M. Cameron a parfaitement raison lorsqu'il dit qu'il y a divers types de médecins. Les avis sont partagés sur la question.
    La Cour suprême a statué que nous sommes obligés de créer un système soigneusement conçu avec des limites strictes qui seront surveillées et appliquées rigoureusement.
    Nous avons entendu une suggestion, monsieur Cameron, selon laquelle une directive préalable, qui concerne la personne lorsqu'elle ne sera plus capable de prendre la décision, serait exécutoire. Je ne sais pas combien à l'avance la directive doit être donnée. Vous laissez entendre qu'une instance supérieure devrait avoir le mot final en temps opportun, afin qu'une personne puisse avoir le droit de mettre fin à sa vie. Toutefois, le jugement de la Cour suprême indique qu'il doit s'agir d'un adulte capable. Si quelqu'un a la possibilité de mettre fin à sa vie, que ce soit par suicide assisté ou encore euthanasie volontaire, c'est-à-dire que ce serait le médecin qui administrerait le médicament, et la personne est suffisamment capable, le moment venu, de mettre fin à sa vie, croyez-vous qu'une directive préalable ne respecterait pas l'exigence prévoyant un régime strictement surveillé et appliqué, si on n'a pas le consentement au moment de la mort?
    Merci.
    Merci pour la question.
    Oui, absolument, et ma réponse comporte deux éléments. Je serai bref.
    Tout d'abord, le premier problème qui se pose relativement au consentement préalable, c'est qu'on ne peut plus déterminer, une fois que la personne est devenue inapte, s'il y a eu, par exemple, coercition de la part de la famille au moment où elle a donné son consentement. On ne peut plus revenir en arrière et demander à la personne concernée ce qui s'est passé, si c'est réellement ce qu'elle souhaitait au moment de prendre sa décision et si c'est ce qu'elle veut aujourd'hui.
    Par ailleurs, ma femme et moi nous occupons de son père, qui souffre de démence avancée. Je ne sais pas ce qu'il aurait dit s'il avait su que cela allait se produire, mais il y a une différence entre décider au préalable de mettre fin à ses jours et ce qu'on pense réellement lorsqu'on est dans le moment présent. Pour l'instant, il semble jouir de la vie. Prendrait-il la même décision s'il pouvait se projeter dans l'avenir et l'exprimer? Quand on dit qu'on veut mourir, il n'y a pas de point de référence pour savoir si, dans le futur, lorsqu'on sera dans ces circonstances, en l'occurrence, de démence, on en aura tellement marre qu'on voudra s'enlever la vie. C'est le problème inhérent au consentement préalable.
    Nous allons suspendre la séance brièvement afin de changer de groupes de témoins. Nous allons reprendre dans deux minutes.
(1205)

(1215)
    Nous reprenons la séance.
    Nous allons entendre aujourd'hui deux groupes de témoins: Dre Francine Lemire du Collège des médecins de famille du Canada, ainsi que deux représentantes de la Société Alzheimer du Canada, qui se joindront à nous par téléconférence.
    Je vais d'abord accorder 10 minutes à la Dre Lemire, puis 10 autres minutes à la Société Alzheimer.
    Docteure Lemire.

[Français]

je m'appelle Francine Lemire. Je suis directrice générale et chef de la direction du Collège des médecins de famille du Canada. Je suis moi-même médecin de famille. J'aimerais vous remercier de m'avoir invitée. Faire une présentation devant vous aujourd'hui est pour moi un privilège.

[Traduction]

    C'est tout le français que je vais utiliser pour mon exposé, mais je répondrai volontiers à vos questions dans l'une ou l'autre des deux langues officielles. Je suis heureuse de comparaître tout de suite, parce qu'à voir votre dîner, vous risquez de vous endormir cet après-midi. Il faut penser à ça.
    Des voix: Oh, oh!
    Dre Francine Lemire: Je suis également heureuse d'avoir pu assister à la première partie de cette discussion, puisque cela m'a donné une idée des questions qui vous intéressent.
    Le Collège des médecins de famille du Canada regroupe 35 000 membres partout au Canada. Nous sommes l'organisation professionnelle chargée d'établir les normes en matière de formation et d'accréditation pour les médecins de famille. Nous accréditons également des programmes de formation professionnelle continue, ce qui permet aux médecins de famille de conserver leur accréditation en médecine familiale et de satisfaire aux exigences relatives à leur permis d'exercice dans le cadre de leur engagement envers un apprentissage continu.
    Nous accréditons le programme de formation de cycle supérieur de résidence en médecine familiale dans les 17 écoles de médecine au Canada. Nous offrons des services de qualité, travaillons activement dans les domaines de l'enseignement et de la recherche et défendons les intérêts des médecins de famille et des patients qu'ils traitent.
    Les médecins de famille s'attendent à ce que nous, en tant que leur porte-parole, exprimions en toute connaissance de cause leurs attentes, leurs besoins et leurs préoccupations relativement à des enjeux importants tels que l'aide médicale à mourir.
    Après avoir écouté la première partie des exposés, je pourrais résumer ma déclaration en disant que nous estimons qu'il est important que cette discussion fasse partie du contexte d'une relation entre le malade et son médecin et ne soit pas qu'un exercice axé sur le processus. Je ne dis pas que le processus n'est pas important, mais plutôt que la relation et la place qu'elle occupe sont probablement les éléments les plus importants de cette discussion.
    En 2013, le Collège a créé un groupe de travail sur les soins en fin de vie. Il a examiné les enjeux éthiques sur lesquels les médecins de famille pourraient avoir besoin de formation et de conseils. Le groupe de travail a récemment publié un guide sur les principaux enjeux éthiques auxquels pourraient être confrontés les médecins de famille à la suite des récents changements législatifs concernant l'aide médicale à mourir. Ce guide a été transmis au Comité, et je suppose que vous pourrez le consulter dans le cadre de vos délibérations.
    Dans ces situations difficiles, comme pour toutes les décisions cliniques, les médecins de famille doivent s'assurer que leurs patients ont en main tous les renseignements nécessaires pour prendre une décision éclairée et consensuelle à l'égard de leurs soins. Le diagnostic médical d'un patient, son pronostic, son espérance de vie, les risques potentiels et les conséquences associées au traitement ou au refus de se faire traiter, ainsi que la procédure qui pourrait entraîner son décès ne sont que quelques exemples des renseignements essentiels. Puisqu'il s'agit d'une composante des soins de santé que fournissent nos membres, les médecins de famille veilleront à ce que la famille ou les aidants naturels du malade disposent du soutien nécessaire. Le médecin de famille renseignera le patient sur toutes les autres options thérapeutiques et leurs conséquences et l'informera de la possibilité d'annuler sa demande à tout moment.
    En tant que médecins de famille, nous devons également offrir à nos patients des possibilités de discuter adéquatement de ce qui les préoccupe. Il faut notamment déterminer avec le patient et ses proches, les valeurs, les craintes et les espoirs que cache la demande et qui pourraient être différents de ceux énoncés plus explicitement.
    Évidemment, il importe pour le médecin de bien connaître son patient et de se livrer à une écoute attentive, authentique et sans jugement. Les médecins sont conscients qu'ils ne doivent pas s'approprier la prise de décision des patients lucides et éviter de projeter ou d'imposer leurs propres valeurs à leurs patients et de laisser leurs perceptions personnelles préjuger de leur qualité de vie.
(1220)
    Les médecins de famille doivent être attentifs non seulement aux signes de détresse psychologique et physique de leurs patients, mais aussi à la souffrance existentielle qu'ils peuvent éprouver lorsqu'ils sont confrontés à une santé déclinante, à des fonctions diminuées et à la réalité de la mort. Comme les patients ne sont pas toujours conscients ni capables d'exprimer ce qu'ils pensent à propos de ces épreuves, les médecins doivent être capables de discuter des sentiments, d'interpréter les comportements et de tirer parti de l'expertise d'autres personnes capables de le faire. L'écoute attentive et empathique du médecin, sa disponibilité pour discuter de questions préoccupantes, son offre de soutien approprié et l'expression de son engagement à poursuivre les soins tout au long de la maladie du patient sont en soi des réponses thérapeutiques importantes pour les patients et leurs proches.
    Nous reconnaissons qu'aucun autre groupe de professionnels du domaine de la santé au Canada n'est mieux placé ou outillé pour assumer ce rôle auprès des Canadiens que les médecins de famille oeuvrant au sein des communautés, petites et grandes, à l'échelle du pays. Le Collège compte miser sur les connaissances de ses membres et des experts du domaine pour développer des ressources pertinentes en matière d'éducation et s'assurer que des directives appropriées sont à la disposition de leurs membres.
    Un médecin qui refuse de remplir une demande d'aide à mourir pour des raisons de conscience a toujours une responsabilité envers son patient. En tant que principaux fournisseurs de soins, les médecins de famille peuvent aider leurs patients, soit par un renvoi direct à un médecin disposé à le faire, soit en conseillant leurs patients sur la façon d'accéder à un service de renvoi, soit en avisant l'administrateur médical d'une institution en vue d'obtenir un autre renvoi.
    Un système d'information central pour les patients aiderait beaucoup dans un tel cas et éviterait que les malades se sentent abandonnés et confus. Il permettrait également de mieux uniformiser l'information disponible au Canada sur cette question. Les médecins de famille qui s'opposent à l'aide médicale à mourir continueront de fournir des soins et transféreront le dossier médical du patient rapidement si celui-ci en fait la demande. Le CMFC s'oppose en principe à toute action susceptible d'abandonner un patient, sans option ni orientation.
    Le Collège estime que les Canadiens devraient avoir accès à des soins palliatifs de qualité dans leurs collectivités. L'ouverture à la possibilité de recourir au suicide assisté ou à l'euthanasie volontaire ne doit pas réduire les efforts visant l'amélioration des soins de santé complets et globaux, de la santé mentale et des soins palliatifs. Ces efforts doivent plutôt être intensifiés.
    Tous les médecins, de même que l'ensemble de la profession, doivent agir pour aider les patients souffrant de maladies graves et de handicaps sévères ou ceux étant en fin de vie. Les médecins doivent tenir compte de l'évaluation de leurs patients, des avantages et des inconvénients des interventions destinées à les maintenir en vie. Ils doivent aussi maintenir la continuité des soins primaires lorsque les patients sont orientés vers les soins spécialisés appropriés, assurer la coordination entre les divers secteurs du système de soins de santé et veiller à ce que les patients reçoivent les soins des médecins et des professionnels de la santé en qui ils ont confiance et qui les connaissent bien.
    Comme c'est souvent le cas, les récents changements juridiques soulèvent de nombreuses questions éthiques à propos desquelles les collèges des médecins et les médecins devront délibérer. Les médecins doivent avant tout préserver les relations qu'ils entretiennent avec leurs patients et leurs proches durant ce dernier chapitre de la vie. Sachant que ceux qui ont une maladie ou un handicap grave et ceux qui sont en train de mourir sont parmi leurs patients les plus vulnérables, les médecins de famille devraient être les promoteurs de la santé au nom de ces patients.
    Nous croyons que pour être en mesure d'offrir des soins adéquats à leurs patients, dans ce contexte exceptionnel, les médecins de famille canadiens doivent avoir des attentes simples et réalisables à l'égard des entités juridiques et d'octroi de licences concernant cet aspect de leur pratique. Ils ont besoin de normes et d'exigences claires et uniformes sur ce qu'ils peuvent et ne peuvent pas faire et sur la nécessité de documenter les discussions et les décisions de leurs patients.
(1225)
    Nous sommes conscients de la complexité de la question et des préoccupations qu'elle soulèvera chez certains de nos membres. Toutefois, les sondages confirment les uns après les autres que la population canadienne estime ce service nécessaire, et nous travaillerons auprès des médecins qui sont prêts à l'offrir afin qu'ils le fassent avec compassion, éthique et professionnalisme.
    Je tiens à vous remercier une fois de plus de m'avoir donné la chance de présenter le point de vue de la médecine familiale sur la question. Nous avons hâte de voir le cadre législatif qui en découlera, et sommes prêts à poursuivre la collaboration et la discussion sur cet enjeu important.
    Merci.
    Merci, docteure Lemire.
    Nous allons continuer avec la Société Alzheimer. C'est Mme Lowi-Young qui va commencer.
    J'aimerais vous présenter Debbie Benczkowski, qui m'accompagne aujourd'hui. Elle est chef des opérations à la Société Alzheimer du Canada.
    Je salue les coprésidents, le sénateur Ogilvie et le député Oliphant, de même que tous les membres du comité mixte spécial. Merci de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui devant vous, alors que vous préparez des recommandations sur le cadre d'une réponse fédérale concernant l'aide médicale à mourir.
    Permettez-moi de commencer en disant que la Société Alzheimer reconnaît la nécessité des mesures législatives dont vous êtes saisis sur l'aide médicale à mourir. Le cadre législatif que vous adopterez façonnera les droits des personnes en fin de vie pour de nombreuses années à venir.
    La décision de la Cour suprême du 6 février 2015 a une incidence importante puisque l'aide médicale à mourir ne sera plus considérée comme un meurtre en vertu du Code criminel du Canada. Pour les personnes atteintes de démence et ceux qui en prennent soin, les enjeux connexes sont de nature à la fois pratique et éthique.
    La question est complexe. La Société Alzheimer croit que les Canadiens atteints de démence et leur famille doivent avoir droit à des soins et des services palliatifs. Ils doivent avoir des choix réalistes quant à l'endroit et à la façon dont ils souhaitent vivre et mourir.
    Pour commencer, les mesures législatives sur le consentement au traitement relèvent uniquement des provinces. En Ontario, par exemple, la Loi sur le consentement aux soins de santé est en vigueur depuis 1996. Elle offre des protections à ceux qui sont capables ou incapables de prendre des décisions relatives au traitement.
    En raison de la nature évolutive et mortelle, au bout du compte, de la maladie d'Alzheimer et d'autres formes de démence, cette maladie suscite une attention particulière dans le débat sur l'aide médicale à mourir. L'Alzheimer et une maladie dégénérative et évolutive qui touche le cerveau. Plus de 747 000 personnes au pays sont atteintes de la maladie et d'autres formes de démence, et on s'attend à ce que le chiffre double et atteigne 1,4 million d'ici 15 ans. C'est donc une question de santé publique qui gagne en importance. Récemment, l'Organisation mondiale de la Santé, ou OMS, a indiqué que la démence devait être traitée comme une priorité de santé mondiale.
    Étant donné la nature de la maladie, la capacité d'une personne à communiquer ses besoins et préférences diminue au fil du temps. Pour les gens qui en prennent soin, il est difficile, voire impossible, de savoir ce que la personne atteinte de démence finit par vouloir au fil du temps, surtout si ces valeurs vont à l'encontre des désirs exprimés auparavant.
    La progression dans le temps varie d'une personne à l'autre. Peu importe le stade de la maladie, les gens atteints de démence demeurent uniques. Ce sont des personnes à part entière. Il faut reconnaître et respecter leurs droits et leurs besoins.
    Souffrir de démence entraîne d'énormes difficultés et rend les questions de fin de vie complexes et personnelles. Les personnes atteintes de démence méritent d'avoir accès à la meilleure qualité possible de soutien et de soins pendant toute leur vie. Cette réalité contribue aux inquiétudes voulant qu'une personne atteinte de démence soit vulnérable en fin de vie, et risque d'éprouver des douleurs inutiles et de recevoir des traitements inappropriés.
    Ce n'est pas parce qu'une personne reçoit un diagnostic de démence qu'elle devient immédiatement incapable, mais de telles personnes auront besoin de beaucoup d'information et de soutien pour donner des directives préalables sur les soins. Voilà pourquoi la planification et les soins en fin de vie sont si importants. La Société Alzheimer préconise un diagnostic précoce de sorte que les patients puissent faire connaître leurs souhaits et planifier les soins à venir avec leur famille.
    S'ils ont accès à des soins palliatifs de qualité, les Canadiens atteints de démence pourraient être plus à l'aise concernant la fin de leur vie. J'aimerais donc faire valoir trois points.
    Tout d'abord, les gens sont incapables de prévoir la nature exacte de la progression de leur propre maladie.
    Deuxièmement, les souhaits des personnes peuvent changer considérablement au fil de l'évolution de la maladie, qui peut durer jusqu'à 10 ans, et même plus.
(1230)
    Le troisième élément, et le plus important, c'est qu'à la fin de leur vie, les personnes atteintes de démence ne seront pas considérées comme ayant la compétence requise, aux termes de la loi, pour décider de mettre fin à leurs jours.
    Compte tenu de ces points, et en ce qui concerne plus particulièrement l'aide médicale à mourir, la Société Alzheimer souscrit au point de vue voulant que cet acte ne doive être envisagé qu'à condition que la personne soit jugée compétente à un moment donné. Si le patient n'est pas jugé compétent, les risques d'abus sont tout simplement trop élevés.
    On peut imaginer que des personnes atteintes de démence précoce perçoivent les difficultés par rapport à la famille ou aux amis, et décident rapidement de demander une aide médicale à mourir. Voilà qui peut prendre la forme d'une directive préalable officielle sur les soins, qui serait remise au plus proche parent. Par contre, compte tenu du degré élevé de variation dans l'évolution du parcours possible de chaque personne atteinte de démence, et aussi de la possibilité que ses valeurs et croyances changent au fil du temps, nous recommandons que les directives préalables sur les soins relatives à l'aide médicale à mourir ne soient pas considérées lorsque la personne n'est plus compétente au moment de l'intervention éventuelle des prestataires de soins de santé. Les risques sont tout simplement trop élevés.
    Aujourd'hui, seuls 16 à 30 % des Canadiens qui perdent la vie ont accès à des soins palliatifs spécialisés et à des services de fin de vie, un accès qui dépend du lieu de résidence au Canada.
    Soyons clairs: la Société Alzheimer croit que les Canadiens atteints de démence et leur famille devraient avoir droit à des soins et des services palliatifs, et avoir des choix quant à l'endroit où ils souhaitent passer les derniers moments de leur vie, et à la façon dont ils veulent le faire.
    Voilà donc pourquoi la Société Alzheimer préconise la mise en place d'une stratégie nationale sur la démence, un partenariat de collaboration pancanadien entre spécialistes visant à promouvoir la qualité des soins à l'échelle nationale. Ainsi, les gouvernements, les ONG et les Canadiens bénéficieraient des renseignements et des outils fondés sur les preuves dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées sur la vie d'une personne atteinte de démence. Une telle stratégie permettrait à tous les Canadiens atteints de démence, peu importe où ils vivent, de recevoir des soins et des services de même qualité. Pour que la stratégie prenne forme, la Société Alzheimer propose la création du partenariat canadien pour lutter contre la démence et la maladie d’Alzheimer. La Société Alzheimer du Canada invite d'ailleurs le gouvernement fédéral à financer ce partenariat.
    La vie ne se termine pas dès l'apparition de la maladie d'Alzheimer. Il faut protéger le droit au bien-être et combattre les préjugés. D'ailleurs, les préjugés associés à la maladie peuvent être aussi dévastateurs que les changements qui surviennent dans la vie du patient. Ils dissuadent souvent les gens de même obtenir un diagnostic, et constituent un obstacle pour les fournisseurs de soins de santé qui doivent poser celui-ci.
    Dans le cadre du mois de sensibilisation à la maladie d’Alzheimer, la Société Alzheimer a lancé la campagne #EncoreLà au début de janvier. Elle met aujourd'hui les Canadiens au défi de reconnaître les personnes qui vivent avec la démence dans leur milieu, et d'envisager des façons de les aider à mieux vivre.
    Permettez-moi de conclure en réitérant le point de vue de la Société sur le sujet en question, à savoir l'aide médicale à mourir.
    Peu importe l'issue des mesures législatives, la Société Alzheimer soutient qu'il faut améliorer l'accès à des soins palliatifs de qualité pour tous les Canadiens atteints de maladies mortelles, y compris la démence, et pour leur famille. Voilà qui doit demeurer une priorité de santé publique. Les dispositions législatives fédérales doivent permettre aux provinces de déterminer comment les directives préalables sur les soins des personnes atteintes de démence seront traitées sous leur compétence.
(1235)
    Une stratégie nationale sur la démence contribuera à atteindre cet objectif pour ceux qui vivent avec la démence. Il s'agit d'une étape essentielle pour gérer la crise de la démence qui touche les Canadiens d'aujourd'hui, de même que les changements qui pourraient s'opérer à l'avenir dans les points de vue et les pratiques des Canadiens en matière d'autonomie individuelle et de véritable pouvoir en fin de vie.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Lemieux.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à Mme Lowi-Young, qui représente la Société Alzheimer du Canada.
    Dans votre exposé, vous avez beaucoup parlé des consentements anticipés.
    Quand quelqu'un est encore compétent au sens de la loi et qu'il veut se prévaloir de directives préalables, comment pouvons-nous lui refuser l'aide médicale à mourir?

[Traduction]

    Nous disons en fait que la question est fort complexe. Il est important que le patient exprime ses valeurs et croyances aux membres de sa famille lorsqu'il le peut encore. Nous disons donc, je crois, que l'aide médicale à mourir est un enjeu très délicat, en ce qui a trait au contexte entourant le consentement et au moment où un tel consentement est donné.
(1240)

[Français]

    Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président.

[Traduction]

    Souhaitez-vous donner la parole à un ou une de vos collègues?
    Allez-y, madame Shanahan.
    Merci beaucoup. Ma question s'adresse à Mme Lemire.
    Vous avez parlé avec beaucoup d'éloquence du rôle que joue le médecin de famille lorsqu'il aide les patients à comprendre les options qui s'offrent à lui en fin de vie. Nous avons entendu tout à l'heure le témoignage de M. Jay Cameron, du Justice Center, qui croit que ces décisions devraient être renvoyées à un juge de la Cour supérieure.
    Qu'en pensez-vous?
    Cela m'inquiète, compte tenu de la place qu'occupe une telle demande dans le continuum de soins et dans la relation entre un patient et son médecin de famille. Une telle mesure nous préoccuperait. Nous préférons considérer l'aide médicale à mourir comme un acte médical parmi les tonnes d'autres qui touchent les médecins, et dont ceux-ci discutent avec leurs patients.
    Il faudrait évidemment des consultations appropriées, des documents et tout le reste, mais nous trouverions une telle mesure inquiétante.

[Français]

    J'ai une autre question à poser.
    Actuellement, on vit l'expérience au Québec. Pouvez-vous nous parler un peu de l'expérience que vivent les médecins de famille au Québec à cet égard?
    Je ne peux pas commenter d'une façon spécifique parce que je n'ai pas parlé à des médecins de famille qui ont été impliqués dans ce processus. Nous savons cependant que, depuis le mois de décembre, il y a eu des cas où le suicide assisté a été appliqué.
    Au cours des prochains mois, nous avons l'intention de mener une consultation un peu plus appropriée par l'entremise du Collège québécois des médecins de famille pour mieux comprendre comment les choses se déroulent.
    D'une façon générale, nous sommes impressionnés par le processus qui est présentement en place au Québec. Par l'entremise du Collège des médecins du Québec, il faudra préparer les médecins à incorporer cet acte comme faisant partie de leur champ de pratique.
    J'aimerais soulever une dernière chose. Est-ce que les soins palliatifs font partie de cette gamme de services qui sont offerts?
    Il ne fait pas de doute que les soins palliatifs sont très importants et qu'on doit rehausser ce que nous faisons présentement au Canada dans ce domaine. Cependant, je crois que les Canadiens et les Canadiennes ont été très clairs. Même si l'on a accès à des soins palliatifs de qualité au Canada, les Canadiens et les Canadiennes veulent qu'on leur donne le droit séparément d'avoir accès à ce service, à savoir que le suicide assisté soit considéré.
    Il faut se rappeler qu'actuellement, la plupart des soins palliatifs au Canada sont donnés par des médecins de famille, que ce soit ceux qui les incorporent dans un champ de pratique complet et global ou ceux qui ont des compétences additionnelles en soins palliatifs. Ces médecins nous disent qu'ils ne veulent pas voir le suicide assisté comme étant la fin de ce qui se passe en matière de soins palliatifs. Ils veulent vraiment qu'on soit en mesure de séparer les choses.

[Traduction]

    Monsieur Albrecht.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Nous entendons bien souvent une critique du corps médical voulant que celui-ci s'attarde trop à la médicalisation de la mort, et j'ai trouvé votre exposé agréablement différent à cet égard. Vous abordez selon moi bon nombre des enjeux éthiques et moraux qui sous-tendent cette grande question dont les parlementaires sont saisis: Qu'est-ce que cela représente d'être humain, et qu'est-ce qui donne un sens à la vie humaine?
    J'étais particulièrement ravi d'entendre ce genre de réflexions de la bouche de ceux qui délivrent des permis à nos médecins et chirurgiens. C'est vraiment encourageant, à mes yeux.
    Pour le compte rendu, j'aimerais lire quelques déclarations tirées de votre mémoire, car je pense qu'il est essentiel que tous les Canadiens l'entendent; malheureusement, ils ne pourront pas tous lire votre document.
Le terme dignité peut avoir des sens différents et se prête à diverses interprétations. ...
Il est généralement admis que la dignité est intrinsèque à tous les êtres humains parce qu’ils ont tous une valeur égale et appartiennent à la communauté humaine. La dignité dans ce sens ne peut ni être diminuée ni perdue par des changements, comme la défiguration, la maladie ou le déclin des capacités.
La dignité a un autre sens lié au bonheur et au bien-être que les patients éprouvent durant leur vie. La dignité associée à l’épanouissement et au bien-être est susceptible de varier en raison de maladie et d’invalidité pour certaines personnes, en particulier si celles-ci sont préoccupées par leur perte de contrôle ou d’indépendance. Ces craintes chez de nombreux patients peuvent être atténuées ou traitées par des soins efficaces, afin que leur dignité dans ce sens puisse être préservée, voire renforcée. Chez d’autres patients, leur adaptation et leur acceptation des limites imposées par la maladie, l’invalidité et la mort peuvent faire place à un bien-être général chez le patient et peuvent donner un sens à leur vie et inspirer leurs proches et d’autres personnes qui souffrent.
Un troisième sens de la dignité, la dignité attribuée, est lié à la façon dont les patients se perçoivent eux-mêmes ou perçoivent la façon dont les autres les voient. Une perception de soi négative et la crainte d’être un fardeau pour les autres peuvent souvent inciter les patients à envisager le suicide médicalement assisté et l’euthanasie.
    Dans un autre paragraphe, vous dites qu'un de vos défis est de contester des attitudes et des comportements qui traitent certains patients comme « non productifs » et des membres de la société qui coûtent cher, par exemple, en faisant référence au profil démographique du vieillissement de la population canadienne comme le « tsunami gris ». Ces attitudes et comportements des professionnels de la santé peuvent renforcer chez le patient l’impression d’être un fardeau pour les autres et la perception d’avoir le « devoir de mourir ».
    Voici une de mes préoccupations fondamentales, en tant que député responsable de formuler des recommandations au gouvernement sur la façon de rédiger la loi: comment pouvons-nous être absolument certains que ce qui est aujourd'hui un droit à la mort ne deviendra pas un devoir de mourir, en raison d'une sorte de coercition morale ou autre? Comment pouvons-nous en être tout à fait sûrs? Quels genres de protections pouvons-nous intégrer à nos recommandations au gouvernement pour que nous fassions tout ce que nous pouvons pour nous assurer que cela ne se produise pas?
(1245)
    Vous espérez obtenir la réponse d'un médecin de famille en une minute ou moins.
    Certains segments du mémoire rédigé par le collège portant sur la dignité ont également été examinés par mes confrères de la Société Alzheimer, en ce qui concerne le terrain glissant sur lequel nous nous trouvons. Et pourtant, nous devons parallèlement prendre la parole et nous prononcer, et écouter ce que les Canadiens nous ont dit.
    Je n'ai aucune recommandation magique, mais je propose de clarifier le processus et les attentes à l'égard des médecins. J'ai déjà fait savoir mes préoccupations quant au renvoi à un tribunal. Je dirais que le concept de consultation par deux médecins est important. Il faut aussi que, à la suite d'une première demande, celle-ci soit exprimée verbalement après une période donnée pour éviter toute décision irréfléchie. Dans l'intervalle entre la première et la deuxième demande, y compris ce qui se passe avant, il faut une excellente communication entre l'équipe qui soigne le patient et le patient, de sorte que celui-ci envisage bien les options, de même que tout ce qui est décrit dans le mémoire et tout ce que j'ai dit. Par contre, lorsque la deuxième demande verbale est suivie d'une demande écrite, nous devons veiller à ce qu'il ne s'écoule pas trop de temps avant d'y répondre et d'offrir les soins appropriés avec attention et compassion.
    Je pense qu'il est important de clarifier les attentes à l'égard de la profession, la documentation, de même que les protections entourant la procédure, de sorte qu'il y ait deux demandes, y compris une demande verbale.
(1250)
    Merci, docteure Lemire.
    Monsieur Rankin.
    Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps, si vous le permettez, avec Mme Sansoucy.
    Je voudrais d'abord demander des éclaircissements à Mme Lowi-Young, de la Société Alzheimer. Je veux m'assurer d'avoir compris.
    Je crois que la position de votre organisation est qu'il ne devrait pas y avoir de directives préalables pour les patients souffrant de la maladie d'Alzheimer, parce que les risques sont trop importants. Je me demande si vous étiez ici ce matin, lorsque les représentants de l'organisation Dying With Dignity ont livré leur témoignage. Ils ont parlé de Gillian Bennett, dont le blogue, deadatnoon.com, traitait de la difficulté de son choix, alors qu'elle souffrait de démence à un stade avancé. Ils ont aussi parlé d'une infirmière, Mme Bentley, qui a clairement exprimé sa volonté de ne pas se retrouver dans cette situation. Elle souffrait de démence au degré 7, et on continuait de la nourrir à la petite cuillère, contre ses souhaits et ceux de sa famille.
    Voilà des exemples, je pense, qui montrent l'autre côté de la médaille. Je tiens simplement à ce que vous nous disiez clairement que, d'après vous, on n'aurait pas autorisé ce qui est arrivé à Mmes Bennett ou Bentley.
    Non, nous croyons que la directive préalable convient au mandataire spécial. Nous disons que la démence est un phénomène très complexe, ne serait-ce que parce que la maladie évolue sur une longue période, et le contexte peut différer pendant les divers stades de cette évolution.
    Pour dire les choses plus clairement, je pense qu'il faut un mandataire spécial. C'est ce que nous disions.
    C'est très utile. Merci. Je tenais à cette clarification.
    Docteure Lemire, pour confirmer le consentement, faut-il deux médecins ou un seul suffit-il s'il est le médecin de famille? Un suffirait-il ou en préconiseriez-vous deux, comme d'autres témoins l'ont fait. Qu'en pensez-vous?
    Nous penchons vers deux médecins, le fournisseur le plus responsable étant la première personne qui peut examiner la demande dans le contexte plus général, comme on l'a dit, puis une deuxième consultation par un autre médecin.
    Est-ce que ce devrait être un spécialiste, ou bien est-ce que cela n'a aucun rapport?
    Personnellement, je ne crois pas qu'il faut nécessairement un spécialiste. Peut-être seulement quand des questions pourraient se poser sur la compétence ou la capacité du patient et pour lesquelles il faudrait une expertise plus particulière, spécialisée.
    Merci.

[Français]

     Je remercie les témoins.
    Ma question s'adresse à la Dre Lemire.
    Certains témoins ont déclaré que seuls les médecins pouvaient dispenser l'aide à mourir aux patients qui en faisaient la demande étant donné que l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans la cause Carter parlait de l'aide d'un médecin à cet égard. C'est d'autant plus vrai dans ce qu'on retrouve en anglais.
    Par contre, le Groupe consultatif provincial-territorial d'experts sur l'aide médicale à mourir dit que les membres des professions réglementées de la santé, notamment les infirmières autorisées et les auxiliaires médicaux, devraient pouvoir pratiquer l'aide médicale à mourir sous la direction d'un médecin ou d'une infirmière praticienne.
    Selon votre organisation, quels professionnels de la santé devraient être autorisés à dispenser de l'aide à mourir aux patients qui en font la demande, plus particulièrement ceux qui vivent en région éloignée ou dans le Nord et qui ont plus difficilement accès à un médecin?
    Nous croyons vraiment que l'aide médicale à mourir relève du champ de pratique de la médecine familiale. Cela dit, je ne dirais pas qu'elle en relève exclusivement. Par exemple, les infirmières praticiennes qui exercent leur profession dans des régions plus rurales ou éloignées devraient également être autorisées à dispenser cette aide, particulièrement si leur ordre est prêt à inclure ce processus dans leur champ de pratique.
    Pour qu'une décision soit prise de façon éclairée, je pense qu'une consultation avec un médecin de famille, selon un processus de consensus dont le patient fait partie, est entièrement appropriée.
(1255)
    On nous a aussi parlé des pratiques de télésanté qui pourraient favoriser la collaboration entre les médecins qui ne seraient pas sur place et les infirmières, par exemple.
    Nous appuyons cet outil en tant que véhicule de consultation faisant partie de cette importante décision.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    J'ai demandé si la sénatrice Seidman partagerait également ses six minutes avec le sénateur Joyal. Les deux peuvent intervenir, et nous pourrons quand même terminer à 13 heures.
    Merci beaucoup.
    Pour vous prouver notre souplesse, je dirai oui.
    Merci.
    Docteure Lemire, vous avez dit que l'aide médicale à mourir ne se résume pas à un processus et à des procédures, mais qu'elle concerne beaucoup la relation entre le médecin et le patient. Manifestement, nous devons nous occuper de la clarté pour les professionnels, comme vous l'avez vous-même dit.
    Voici ma question: Est-ce qu'on devrait établir le processus de demande de l'aide médicale à mourir et celui où on procure cette aide par une loi fédérale?
    Officiellement, nous avons répondu par l'affirmative et je continue de croire que c'est important. Cela concerne vraiment l'équité. Je crois qu'un processus fédéral renforcerait l'équité pour les Canadiens sur cette question.
    Il est vrai que les autorités médicales provinciales en matière de réglementation ont établi des lignes directrices pour les membres de leur profession relativement à l'aide médicale à mourir. Est-ce que ces lignes directrices constituent un cadre satisfaisant?
    Les lignes directrices probablement les plus connues sont, comme nous l'avons dit, celles du Québec. Je dirais, d'après les réactions de mes collègues du Québec qu'elles produisent l'impression d'avoir été bien rédigées.
    Les autorités d'autres provinces en publient. J'avoue ne pas avoir eu la chance de les étudier de façon aussi détaillée que celles du Québec.
    Est-ce que je cède maintenant le temps qu'il me reste?
    Si c'est ce que vous voulez. Il vous reste 45 secondes ou vous pouvez vous arrêter là.
    Je cède mon temps au sénateur Joyal.

[Français]

     Sénateur Joyal, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Madame Lowi-Young, revenons à votre déclaration ou à votre réponse à notre collègue Rankin.
    Si je comprends bien la position de votre société, vous n'êtes pas contre, en principe, le consentement préalable, mais vous nous prévenez de ne pas oublier trois éléments, particulièrement le moment où le consentement est accordé et évalué pendant la vie du patient. Est-ce que j'exprime bien votre position?
    Oui, vous l'exprimez bien. L'évolution de la maladie d'Alzheimer et de la démence peut s'étaler sur une longue période. Dix ans ou plus. C'est que, habituellement, il se trouve un mandataire spécial qui doit comprendre les valeurs, les croyances et les idées du patient ou du membre de la famille dont il s'occupe.
    Nous disons que la planification qui suit le diagnostic doit reconnaître la complexité de la question de l'aide médicale à mourir, parce que le contexte dans lequel la décision se prend évolue entre le diagnostic initial et le moment où le patient se trouve à l'article de la mort.
    Pour ces personnes, nous préconisons essentiellement des soins palliatifs de qualité. C'est très important, parce qu'il est très difficile de connaître les souhaits du patient qui va mourir, puisqu'il ne peut pas les exprimer clairement.
    Autrement dit...
    C'est tout ce que nous disons, parce que, en raison des besoins de ce groupe de patients et en raison de la nature de la démence et de la maladie d'Alzheimer, toutes ces questions doivent être envisagées dans votre travail de législateurs.
(1300)
    Merci.

[Français]

    Docteure Lemire, si vous le permettez, je vais revenir à la page 4 du mémoire que votre association nous a fait parvenir le 18 janvier dernier. J'ai reçu une lettre, et j'imagine que mes collègues l'ont reçue également. Ce mémoire a été réalisé par le Collège des médecins de famille du Canada. À la page 4, il est question du droit à la liberté de conscience du médecin. Au deuxième paragraphe, on retrouve ceci. Avez-vous le mémoire sous la main?
     Je ne l'ai pas, mais allez-y.
    Si vous le permettez, je vais lire ce qui suit en anglais, étant donné qu'on m'a fait parvenir le document dans cette langue.

[Traduction]

    Il se termine comme suit:
... les médecins doivent être conscients de l'étendue de leur responsabilité dans la prestation de soins à un patient. Le CMFC s'oppose en principe à toute action susceptible d'abandonner un patient, sans option ni orientation.

    C'est sous la rubrique « Que veut dire liberté de conscience pour le médecin? »
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce passage, où vous déclarez que votre collège s'oppose en principe à toute action susceptible d'abandonner un patient, sans option ni orientation », vu le refus d'un médecin de l'aider à mourir?
    Il vous reste 30 secondes.
    Nous croyons que le médecin a la responsabilité de ne pas abandonner le patient. S'il se trouve incapable de mener le processus à son terme, il peut toujours faire les recherches dont il est question dans ce document. Si le patient souhaite toujours mettre son projet à exécution, le médecin devrait soit le diriger vers un confrère, soit lui communiquer des coordonnées de confrères que le patient pourra consulter, mais le patient ne sera pas laissé à lui-même à cette étape importante de sa vie.
    Le médecin a une responsabilité, même si ce n'est pas lui qui pourra effectuer l'opération, celle de répondre aux autres besoins médicaux, de communiquer les dossiers, d'être en contact avec les êtres chers du patient dans un processus qui ne coïncide pas uniquement avec la mort du patient, mais qui se prolonge après. Très souvent, nous, les médecins de famille, nous connaissons le conjoint, les enfants, la famille.
    Merci, docteure Lemire.
    La séance se termine ici. Nous nous revoyons ici même, cet après-midi, à 16 h 30.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU