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Distingués sénateurs et députés, nous vous remercions de nous offrir l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.
L'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique est l'organisation qui a parrainé et défendu l'affaire Carter, laquelle a marqué un jalon. Nous avons défendu ce dossier au nom de tous les Canadiens qui doivent faire un choix en fin de vie.
Année après année, sondage après sondage, les Canadiens ont indiqué en grande majorité qu'ils appuient la mort dans la dignité, et ils s'attendent à ce que tous les ordres de gouvernement honorent le droit constitutionnel déclaré par la Cour suprême dans notre cause.
Vous avez déjà entendu de nombreux témoignages au sujet de la répartition des compétences sur le plan de l'aide médicale à mourir au Canada. Comme vous le savez, les questions de santé publique et individuelle relèvent principalement du pouvoir constitutionnel des provinces et des territoires. Le Parlement a néanmoins le pouvoir de légiférer en ce qui concerne les questions fédérales qui touchent la santé, notamment en exerçant le pouvoir du droit criminel fédéral.
Cependant, le Parlement n'a pas un pouvoir illimité de légiférer en la matière. La Cour n'a pas proposé ou exigé la création d'un régime réglementaire fédéral complexe pour réglementer l'aide médicale à mourir. Une telle loi pourrait susciter une contestation en vertu de la Constitution au motif que le Parlement a outrepassé ses compétences. Mais surtout, nous considérons, pour une question de principe, qu'il est profondément problématique de réglementer un traitement médical en imposant des interdictions et des sanctions pénales en vertu du Code criminel.
L'aide médicale à mourir constitue un des nombreux soins de santé prodigués avec compassion qui devraient être offerts aux patients gravement malades en fin de vie. Elle devrait être réglementée de la même manière que les autres décisions médicales prises en fin de vie, comme la sédation palliative.
Chaque jour, dans les hôpitaux du pays, des patients décident d'être débranchés d'un ventilateur mécanique ou de refuser la dialyse rénale, et ces décisions prises en fin de vie ne sont pas réglementées par le droit pénal. Cela dit, certaines questions importantes relèvent clairement des compétences du Parlement.
Le Parlement devrait modifier le droit pénal en fonction de l'ampleur de la déclaration constitutionnelle de la Cour suprême du Canada, laissant le reste de la réglementation aux autorités législatives et aux collèges des médecins provinciaux. La Cour a explicitement indiqué au Parlement comment corriger la violation constitutionnelle, déclarant que la loi est invalide dans la mesure où elle s'applique à une certaine catégorie de personnes, c'est-à-dire si elle s'applique à des adultes consentants atteints de « problèmes de santé graves et irrémédiables » qui causent une souffrance intolérable.
Le Code criminel devrait être modifié pour préciser les critères qui autoriseraient en substance des personnes à recevoir l'aide médicale à mourir. Selon nous, il n'est pas nécessaire de définir les termes au-delà de ce qui a été établi dans l'arrêt Carter et de ce qui est compris dans le droit pénal et la common law.
Le terme « grave » est déjà employé dans le droit pénal, et les tribunaux considèrent qu'il signifie sérieux et non trivial. Selon la définition de la Cour, un problème « irrémédiable » est un mal qui ne peut être atténué par un moyen acceptable pour le patient. Les « souffrances intolérables » sont des souffrances intolérables pour la personne concernée dans l'état de santé où elle se trouve.
Il ne faudrait pas définir les termes « grave et irrémédiable » en y associant des problèmes de santé précis. Il serait impossible de dresser la liste des maladies, maux et handicaps qui correspondraient aux critères établis par la Cour suprême.
La maladie mentale ne devrait pas être exclue des problèmes de santé donnant droit à l'aide médicale à mourir. Nombre de personnes atteintes de maladie mentale sont capables de prendre des décisions en fin de vie.
Il ne faudrait pas définir les problèmes de santé « graves et irrémédiables » comme étant des « maladies terminales ». Ce terme est trop vague, en plus d'être imprécis et arbitraire. En outre, aucune science exacte ne permet de donner de pronostic de maladie terminale sur le plan de la durée.
L'arrêt Carter s'applique à une personne adulte capable. Dans d'autres affaires, la Cour suprême du Canada a émis une mise en garde quant à l'utilisation de limites d'âge arbitraires qui n'ont aucun lien avec la capacité d'une personne de prendre une décision médicale. Nous enjoignons le Parlement à affirmer le principe selon lequel l'aide médicale à mourir devrait être une question de compétence et non d'âge.
Mon collègue, Josh Paterson, poursuivra l'exposé.
Me Pastine a exprimé notre crainte que le Parlement ne cherche à réglementer entièrement l'aide médicale à mourir au moyen du droit pénal; nous voulons néanmoins énoncer ce que nous considérons comme étant des éléments essentiels de tout régime visant à régir l'aide médicale à mourir, peu importe qui se charge de légiférer.
Les preuves acceptées et mises à l'épreuve par les tribunaux dans notre cas appuient la conclusion selon laquelle l'aide médicale à mourir peut être régie par les normes existantes du droit sur le consentement éclairé, lequel s'est avéré un cadre parfaitement adéquat pour les décisions médicales de vie et de mort.
Nous nous en remettons aux médecins pour le faire constamment. Il est possible de déterminer, au cas par cas, si un patient est obligé ou poussé par d'autres à prendre une décision, s'il est ambivalent, s'il est vulnérable ou s'il réfléchit clairement, et ce, en recourant aux procédures que les médecins utilisent pour évaluer le consentement éclairé et la capacité décisionnelle dans la prise de décisions médicales en général, selon les preuves présentées au tribunal. Nul besoin d'avoir des évaluations spéciales de la vulnérabilité ou un système élaboré de vérifications, puisque le système existant d'évaluation du consentement éclairé accomplit le travail nécessaire.
Cependant, cela ne signifie pas que le Parlement ou les assemblées législatives n'ont pas de rôle pertinent à jouer. Comme vous l'aurez entendu à maintes reprises, l'arrêt Carter a établi les fondations, mais le Parlement est libre d'aller plus loin dans la légalisation de l'aide médicale à mourir. Par exemple, le jugement n'exige pas qu'une personne soit capable quand l'aide est fournie, tant et aussi longtemps qu'elle est clairement consentante. Nous ne voyons pas pourquoi une personne capable ne peut pas prendre maintenant une décision pour plus tard, quand elle pourrait ne plus être capable ou en mesure de communiquer. Le Code criminel devrait préciser clairement qu'il est possible de donner son consentement à l'avance.
En ce qui concerne le processus, il ne devrait y avoir aucun obstacle arbitraire qui rendrait ce soin différent des autres traitements offerts en fin de vie. Nous vous déconseillons fortement d'instaurer un comité d'examen ou un autre mécanisme préalable similaire, comme certains vous l'ont vivement recommandé. Cela romprait complètement avec les pratiques actuelles de fin de vie. Un tel régime imposerait un fardeau indu et totalement superflu à ceux qui cherchent à avoir accès à l'aide médicale à mourir, car les tribunaux ont statué que les médecins sont parfaitement capables d'évaluer les demandes des patients au moyen des normes médicales habituelles.
L'aide médicale à mourir est une question fondamentalement privée entre le patient et le médecin. Elle touche l'autonomie et l'autodétermination du patient. Aucune personne, aucun comité et aucun juge ne devrait avoir à approuver et essentiellement décider pour le patient. Par le passé, la question des comités a surgi dans le dossier de l'avortement, et la Cour suprême a éliminé ces comités, car ils entravaient l'accès et ils privaient les femmes de leur autonomie et du choix de disposer de leur corps.
En outre, il est tout à fait contraire aux normes habituelles de consentement dans la prise de décision en fin de vie que d'exiger une seconde opinion d'un autre médecin ou d'un spécialiste. Il faudrait que ce soit simplement une option, conformément aux normes médicales habituelles. Il serait particulièrement difficile d'obtenir l'avis d'un second médecin dans les collectivités rurales et du Nord.
Il n'est pas nécessaire d'exiger une période d'attente arbitraire et une nouvelle demande. Les médecins devraient pouvoir exercer leur propre jugement, comme ils le font dans tous les cas où un patient exprime son consentement éclairé dans une décision de fin de vie. Si on impose une période d'attente arbitraire, on court le risque qu'un patient devienne incapable entre-temps et ne puisse donner un deuxième consentement ou meurt dans la douleur, précisément de la manière qu'il peut éviter en vertu de l'arrêt Carter. C'est injuste.
Quand un médecin n'est pas certain qu'un patient est capable, on pourrait évidemment procéder à des évaluations spécialisées de la capacité, comme c'est le cas pour d'autres soins, mais aucune évaluation spécialisée, évaluation psychiatrique ou évaluation de la vulnérabilité ne devrait être obligatoire pour toutes les demandes d'aide médicale à mourir, puisqu'en l'absence de justification dans le dossier, cela constituerait un obstacle indûment gênant à l'accès.
Pour ce qui est des personnes pouvant offrir l'aide médicale à mourir, l'arrêt Carter a proposé les médecins ou d'autres fournisseurs de soins de santé agissant sous la direction d'un médecin. Nous appuyons la recommandation du comité provincial-territorial, qui suggère que le Parlement modifie le Code criminel pour autoriser l'aide médicale à mourir donnée par un professionnel des soins de santé agissant sous la direction d'un médecin ou d'une infirmière praticienne.
Enfin, j'aimerais dire un mot au sujet de l'objection de conscience. L'ALCCB soutient la liberté de conscience et l'a régulièrement défendue en cour. Les médecins, nous le savons, ne sont pas obligés de fournir l'aide médicale à mourir. Ce que nous proposons, c'est que les médecins aient l'obligation d'aviser de leur refus un organe tiers, qu'il s'agisse de l'hôpital ou de l'autorité sanitaire. Ils n'auraient pas à diriger le patient vers quelqu'un d'autre, mais aviseraient simplement l'autorité compétente, avec la permission du patient, qu'ils ne veulent pas offrir ce service. Le soin du patient pourrait ainsi être confié à quelqu'un d'autre.
Je terminerai en reprenant les propos de M. Ménard, qui a déclaré que le Parlement, l'assemblée législative et les collèges peuvent agir, mais ils ne peuvent imposer de solution qui privera le droit constitutionnel de son sens pour les gens qui cherchent désespérément à mourir dans la dignité et la paix.
Merci beaucoup.
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Distingués députés et sénateurs, merci beaucoup de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
Ce matin, je commencerai mon exposé avec deux réflexions. Sachez d'abord que je suis conscient des décisions difficiles que doivent prendre les patients et les familles dans les situations palliatives. J'ai perdu ma mère il y a sept semaines. Nous prenions soin d'elle à la maison; je suis donc parfaitement au fait de la situation et je ne prends aucune position morale à l'égard de l'aide médicale à mourir ou au suicide.
De plus, malgré le fait que l'alinéa 241b) et l'article 14 du Code criminel, qui interdisaient l'aide médicale au suicide, ont été invalidés, l'histoire de la profession médicale demeure et est profondément intégrée dans l'esprit et le coeur de nombreux médecins du pays. Par exemple, même si le serment d'Hippocrate date de milliers d'années et est encore utilisé sous diverses formes en Amérique du Nord aujourd'hui, il a été abandonné dans certaines régions. Il est toutefois encore utilisé, et il interdit expressément le fait d'administrer un poison à un patient ou de conseiller à quelqu'un d'autre de le faire. Au pays, un grand nombre de médecins ont de fortes objections de conscience ou de religion à ce sujet, et l'abrogation de deux dispositions du Code criminel ne modifiera pas leur impression et leur croyance quant à l'aide médicale à mourir.
Le Justice Centre for Constitutional Freedoms est une organisation qui s'emploie à défendre les droits constitutionnels des Canadiens. Or, les droits constitutionnels des minorités sont de plus en plus menacés de nos jours; c'est habituellement de ces cas dont nous nous occupons.
Nous avons, au sujet de la future mesure législative, les cinq recommandations que voici.
Nous proposons que la nouvelle loi fédérale indique explicitement que les médecins, les infirmières, les pharmaciens et les autres travailleurs du domaine des soins de santé, ainsi que les organisations et les institutions du domaine des soins de santé peuvent refuser de participer à l'aide médicale au suicide et diriger les patients vers quelqu'un d'autre.
Dans la décision rendue dans l'affaire Carter, la Cour suprême du Canada n'oblige en aucun cas les médecins et les autres travailleurs du domaine des soins de santé à collaborer à leur corps défendant à une démarche d'aide médicale au suicide. Cette décision repose sur deux conditions essentielles: la volonté du patient et la volonté du médecin. Il n'y avait de réticence du médecin dans aucune des situations examinées par la Cour dans cette affaire. L'existence d'un droit qu'auraient les patients d'exiger que chaque médecin les dirige vers quelqu'un d'autre pour chaque service médical est une idée fausse qui semble donner des maux de tête aux collèges des médecins provinciaux ainsi qu'à l'Association médicale canadienne. De nombreux médecins et autres travailleurs du domaine des soins de santé s'opposent à l'aide au suicide pour des motifs éthiques et moraux, des objections de conscience ou des raisons historiques afférentes à leur profession; leur objection n'en est pas moins une de conscience. Dans l'affaire R. c. Big M Drug Mart Ltd., la Cour suprême a indiqué ce qui suit:
La liberté peut se caractériser par l'absence de coercition ou de contrainte. Si une personne est astreinte par l'état ou par la volonté d'autrui à une conduite que, sans cela, elle n'aurait pas choisi d'adopter, cette personne n'agit pas de son propre gré et on ne peut pas dire qu'elle est vraiment libre. [...] La coercition comprend [...] les formes indirectes de contrôle qui permettent de déterminer ou de restreindre les possibilités d'action d'autrui.
Nous recommandons également que le Parlement adopte, à l'intention des professionnels des soins de santé, des mesures de protection législatives fort similaires à celles que contient la Loi sur le mariage civil, dans laquelle des mesures ont été prises pour les gens et les organisations qui considèrent, pour des motifs religieux ou moraux, que le mariage est l'union d'un homme et d'une femme, et de personne d'autre. Grâce à cette loi, aucun citoyen ne peut être sanctionné parce qu'il exprime, propage ou défend la croyance selon laquelle le mariage est l'union d'un homme et d'une femme. La Loi stipule expressément que le fait d'avoir ou de défendre ces croyances ne va pas à l'encontre du bien public, et nous présumons que c'est une situation analogue. Il y a chevauchement des compétences entre les gouvernements fédéral et provinciaux, ce qui fait que la question s'apparente à la situation prévue dans la Loi sur le mariage civil.
Nous recommandons en outre que la nouvelle loi fédérale stipule que le processus de demande d'aide médicale au suicide, selon lequel les demandes sont présentées à un juge de la Cour supérieure, soit instauré de manière permanente. À l'heure actuelle, les demandes sont soumises à un juge de la Cour supérieure à titre temporaire. Nous considérons que cette mesure devrait être rendue permanente.
À notre humble avis, il existe plusieurs bonnes raisons d'agir ainsi.
Tout d'abord, les juges ont une formation en droit et connaissent la Constitution. Ils sont les mieux habilités à résoudre les désaccords relatifs au chevauchement et à l'empiétement législatifs, puisqu'ils sont formés pour composer avec les questions constitutionnelles. De plus, les tribunaux ont déjà indiqué qu'ils se fient aux juges pour s'occuper de cette grave décision. En outre, les juges sont capables de rendre justice en temps opportun, puisque les tribunaux sont régulièrement saisis de nouvelles demandes et ils sont régulièrement disponibles dans les provinces. Enfin, les juges de la Cour supérieure sont mieux à même de résoudre les problèmes qui pourraient survenir dans un cas d'aide médicale au suicide. Par exemple, il y a des problèmes de contraintes. Des différends peuvent éclater entre les membres de la famille quant au choix des soins à apporter. Les juges sont habitués à composer avec ces différends. À notre humble avis, il n'est pas juste de faire reposer ces responsabilités sur les épaules d'un médecin. De plus, les juges ne peuvent être poursuivis pour une faute professionnelle et ils n'ont pas d'assurance à cet égard. Selon nous, cela pourrait poser un problème pour les médecins qui prennent la décision de mettre fin à la vie de quelqu'un.
Nous recommandons aussi que la loi fédérale prévoie qu'un comité d'examen parlementaire examine, tous les trois à cinq ans, les cas d'aide médicale au suicide qui sont survenus et formule des recommandations afin de modifier la loi.
Je sais que certains ont proposé l'établissement d'un organe d'examen national, jugeant que cela serait préférable à un comité d'examen parlementaire. À mon humble avis, ce n'est pas la meilleure chose à faire, et ce, pour un certain nombre de raisons. D'abord, un comité d'examen national pourrait éprouver de la difficulté à recueillir des données et à faire rapport, puisqu'il n'aurait aucun pouvoir sur les provinces. Il serait difficile de lui conférer de tels pouvoirs. Un comité d'examen parlementaire est déjà capable de faire ce qu'un comité d'examen national serait capable de faire. En outre, le comité national ne serait pas composé de personnes qui ont des comptes à rendre à l'électorat, ce qui n'est évidemment pas le cas du Parlement. Selon nous, cela ajoute un degré de responsabilité qui est essentiel quand il est question et vie et de mort.
Nous recommandons enfin que le Parlement prenne note que des atteintes à la Constitution sont déjà prévues ou proposées dans les lignes directrices publiées par les collèges de médecins des provinces. Sachez que l'Association médicale canadienne a essentiellement déclaré que les médecins devraient être obligés de diriger le patient vers quelqu'un d'autre. Elle ne considère pas cela comme étant de l'aide médicale au suicide. De plus, elle cherche à faire valoir le droit des médecins de bénéficier d'un report ou de temps.
À notre humble avis, il faut assurer un délicat équilibre entre les droits des médecins et ceux des patients, car la nature non autonome d'un patient qui a besoin l'aide d'un médecin remet en question les droits de celui qui l'aide.
Merci beaucoup de m'avoir écouté aujourd'hui.
Je remercie le comité parlementaire d'avoir invité Dying With Dignity Canada à la séance d'aujourd'hui.
Nous sommes l'organisation nationale de défense des droits qui est dans une position unique pour traiter de la question, puisqu'elle représente les 84 % de Canadiens qui sont fortement en faveur de l'aide médicale à mourir. Notre travail est appuyé par notre comité consultatif sur les handicaps et notre conseil consultatif de médecins. Nous allons vous parler aujourd'hui des principes d'admissibilité, de protection et d'accès pour assurer l'instauration d'un cadre national parfaitement fonctionnel d'aide médicale à mourir au Canada.
Avant de commencer, nous voudrions traiter des fréquentes références faites, au cours de vos audiences, à la validité de la loi proposée dans les provinces et les territoires.
Nous ne sommes pas avocats de droit constitutionnel; notre souci, ce sont les Canadiens. Nous recommandons vivement au gouvernement fédéral, aux provinces et aux territoires de collaborer, à défaut de quoi, nous craignons fort de nous retrouver avec une approche provinciale disparate qui pourrait faire en sorte que l'accès des plus grands malades dépende du leadership dont leur province a fait montre ou non en matière de législation.
En ce qui concerne l'admissibilité, nous considérons que l'arrêt Carter a établi les fondations et non un plafond. La Cour suprême a indiqué que les adultes capables ayant un problème médical grave et irrémédiable leur causant des souffrances intolérables devraient pouvoir accéder à l'aide à mourir. Elle convient que seule la personne concernée peut décider si sa souffrance est intolérable. Comme nous l'avons entendu ce matin, « grave » est déjà un terme utilisé dans les cours pénales, dans la langue courante et dans la common law pour parler des problèmes médicaux très sérieux. Nous n'avons donc pas besoin de le définir davantage. Nous demandons instamment au Comité de ne pas recommander de liste préapprouvée de conditions pour l'aide à mourir.
Je vais maintenant céder la parole à Wanda Morris.
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Il ne fait aucun doute dans ce dossier que le plus important est le consentement préalable.
Dans leur décision, les juges de la Cour suprême ont écrit qu'il est cruel d'obliger quelqu'un à choisir entre subir une mort prématurée, peut-être violente, et endurer une souffrance prolongée. À moins que le Comité ne recommande qu'il soit possible d'accorder le consentement éclairé à l'avance, cette injustice perdurera.
La question du consentement préalable ne s'applique nulle part aussi bien que dans les cas de démence. Dans les années au cours desquelles j'ai traité de la question, on peut difficilement surestimer le nombre de personnes qui ont exprimé leur peur, leur crainte de vivre pendant des années sous l'emprise de la démence. Dans ma province d'origine, la Colombie-Britannique, nous avons vu ce concept ressortir dans deux affaires, celles de Margot Bentley et de Gillian Bennett.
Margot Bentley était une infirmière s'occupant de personnes atteintes de démence. Elle savait qu'elle ne voudrait jamais vivre atteinte de démence; pourtant, bien qu'elle ait préalablement exprimé ses volontés sur papier, elle s'est retrouvée dans un centre de soins. En dépit des objections de sa famille, elle continue d'être nourrie à la cuillère, même si elle a atteint le stade 7 de démence, le stade final. Elle est incapable de communiquer, n'a nulle conscience de ce qui l'entoure et ne contrôle pas ses fonctions corporelles. C'est peut-être en réaction à cette affaire que Gillian Bennett, psychothérapeute en Colombie-Britannique, a écrit sur son blogue, deadatnoon.com, qu'elle avait décidé de mettre fin à ses jours avant que la démence ne l'en empêche.
Il existe un autre cas clair où les personnes doivent avoir le droit d'accorder leur consentement préalable à l'aide à mourir: quand l'aide à mourir doit très bientôt avoir lieu, mais qu'après avoir respecté toutes les mesures de protection et les protocoles, la personne devient incapable. Il peut s'agir d'un patient qui a convenu de recevoir l'aide à mourir lundi, mais qui tombe dans le coma le dimanche après-midi.
Je vais maintenant aborder les questions des mesures de protection et de l'accès. Je vous rappelle que vous devez garder à l'esprit que nous devons soutenir deux groupes vulnérables ici. Il y a les personnes socialement vulnérables qui pourraient être poussées vers une mort qu'elles ne choisiraient pas, et celles qui sont malades et mourantes, qui souffrent énormément et qui veulent s'assurer d'avoir accès à ce droit promis par la Cour. Même si les médecins prennent quotidiennement des décisions médicales de vie et de mort, nous acceptons que les Canadiens souhaitent des mesures de protection supplémentaires en ce qui concerne l'aide à mourir, et nous croyons que deux mesures sont importantes. D'abord, il faut qu'un deuxième médecin intervienne dans ce cas particulier pour s'assurer que le patient donne son consentement volontaire, libre et éclairé. Ensuite, du moins initialement, nous considérons que chaque cas d'aide à mourir devrait être examiné après coup et qu'il faudrait réaliser un examen global pour déceler les problèmes systémiques.
Nous rejetons catégoriquement l'idée d'instaurer un quelconque comité d'examen pour étudier à l'avance les demandes d'aide à mourir. Ce ne serait pas une mesure de protection, mais un obstacle. L'aide à mourir passerait ainsi du domaine médical, là où elle appartient, au système de justice. Qui plus est, aucun régime où l'aide à mourir est légalisée — au Québec, en Amérique du Nord ou en Europe — ne prévoit de tel mécanisme. Il n'existe aucun soutien réglementaire de la part des collèges à cet égard, et aucune preuve crédible ne montre que la population est favorable à cette mesure.
Nous acceptons le principe selon lequel il y a des personnes vulnérables et il faut instaurer des mesures de protection, mais pourquoi limiter ces mesures aux personnes réclamant l'aide à mourir? Pourquoi ne voudrions-nous pas qu'une personne qui souhaite qu'on cesse le maintien des fonctions vitales, la chimiothérapie ou la dialyse fasse l'objet d'une évaluation de la vulnérabilité? Nous pensons que cette responsabilité devrait incomber entièrement aux médecins, ceux qui prennent chaque jour des décisions sur la capacité. Si, comme d'autres témoins l'ont affirmé, les médecins ne sont pas formés pour assumer cette responsabilité, nous ne pouvons penser à aucun autre groupe qui serait mieux à même d'apprendre à accomplir cette tâche cruciale.
Je veux maintenant passer à la question de l'accès.
Ma collègue a souligné que la Cour suprême doit concilier les droits des médecins et des patients. Même si elle n'a pas exigé que les médecins offrent l'aide médicale à mourir, ce n'est pas quelque chose que nous réclamons. Nous considérons que chaque médecin devrait avoir le droit de refuser de prescrire ou d'administrer un médicament, mais nous pensons qu'il est essentiel de tenir également compte des droits du patient. Le fait de simplement permettre aux médecins de tourner le dos aux patients et de refuser de donner l'aide médicale à mourir n'aidera pas les patients ou le système de soins de santé.
Les patients ne doivent pas avoir à feuilleter les pages jaunes et à chercher de l'information pour trouver leur propre médecin. Ils ont besoin d'aide et d'accès, et nous considérons qu'il existe une manière très rapide d'agir, que le Comité pourrait recommander: c'est le transfert des soins. La loi du Québec propose que le médecin avise son institution. Cela nous semble une solution acceptable.
Nous ne pensons pas que les patients devraient devoir se débrouiller seuls. En l'absence d'un système pour accélérer les soins, c'est au médecin qui doit incomber d'offrir des solutions efficaces et de diriger le patient. Au final, le système de soins de santé doit être là pour appuyer les patients, pas pour satisfaire aux souhaits des médecins.
J'aimerais enfin parler des rôles des institutions. Dans la version finale de la loi du Québec, certaines concessions ont été faites afin d'autoriser les centres de soins palliatifs indépendants à choisir de ne pas offrir l'aide à mourir. Nous avons entendu nombreuses institutions d'appartenance religieuse dire qu'elles ne pensent pas que l'aide à mourir devrait être offerte dans leurs locaux.
Nous n'acceptons pas que les institutions aient le droit de conscience. Si une institution financée par les deniers publics héberge un patient admissible à l'aide à mourir, elle doit offrir le service. Elle ne peut dénier le droit constitutionnel des patients ou sanctionner les médecins qui, agissant selon leur conscience, respectent le droit qu'a un patient admissible dans le cadre de la loi à recevoir l'aide à mourir qu'il réclame.
Nous rappelons au Comité que ses décisions et ses recommandations auront une incidence sur la manière dont les Canadiens mourront dans les décennies à venir. Nous vous conjurons de tenir compte de deux valeurs canadiennes: celle de compassion et celle de l'autonomie des patients, que nous appelons aussi « choix ».
Merci.
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Merci. Je partagerai mon temps de parole avec Mme Sansoucy.
Je tiens à remercier les témoins d’avoir accepté notre invitation. Notre temps est très limité, alors j’irai droit au but. J’aimerais m’adresser aux représentants de l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique sur la question de la vulnérabilité.
Vous avez été très ferme dans votre exposé sur la question de l’accès. Monsieur Paterson, vous avez parlé de la vulnérabilité dans deux contextes et j’aimerais en parler plus en détail avec vous.
D’abord, vous dites qu’il ne devrait pas y avoir de période d’attente. Des témoins nous ont dit qu’après avoir subi une blessure handicapante, beaucoup de personnes — la majorité, nous dit-on — souffrent d’une profonde dépression et songent au suicide. Donc, ils avancent qu’une période d’attente considérable aiderait à protéger les personnes vulnérables qui se trouvent dans de telles situations.
Ensuite, vous dites qu’il ne devrait pas être obligatoire, selon vous, d’obtenir l’avis d’un second médecin. Pourtant, vous dites que, dans certaines circonstances, une infirmière praticienne ou un médecin pourrait donner un second avis et confirmer le consentement du patient. Ne serait-il pas onéreux d’obtenir l’avis d’un second médecin par télémédecine?
J’aimerais connaître votre opinion sur ces deux questions.
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Merci beaucoup, madame Pastine.
Ma prochaine question s'adresse à Me Cameron.
Maître Cameron, on connaît le contexte de l'affaire Carter, où la principale intéressée est allée chercher outre-mer de l'aide à mourir, sachant que le système juridique ne répondrait pas à sa demande avant la fin de sa vie.
Vous avez indiqué que, selon vous, afin de maximiser la protection des plus vulnérables, il faudrait que le système de justice — autrement dit, une cour supérieure — ou des juges soient ceux qui aient le pouvoir de déterminer si quelqu'un a la capacité de demander l'aide au suicide.
Les provinces ont différentes cours supérieures, dont les juges ne rendent pas souvent ou toujours les mêmes décisions sur un même sujet. C'est la raison pour laquelle il y a des cours d'appel. De même, dans les provinces, les cours d'appel ne rendent pas toujours des décisions similaires dans des contextes identiques, et c'est pour cela qu'il y a une Cour suprême.
Comment pouvez-vous concilier votre position restrictive avec l'esprit de l'arrêt dans la cause Carter et dans le contexte de l'affaire Carter?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
M. Aldag et moi-même avons tenu une rencontre de discussion ouverte samedi, qui s'est révélée très informative. Le terme « aide médicale pour mourir plus rapidement » a été proposé comme un terme plus approprié. « Aide médicale à mourir » a été perçu comme étant de portée très générale. C'est ce qui a été dit par de nombreuses personnes, et je vais donc utiliser ce terme, car il me semble plus exact.
Fait intéressant, lorsque je lisais dans l'avion, je me suis retrouvé à côté d'un médecin membre du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, qui venait ici afin de vérifier si des spécialistes ont les qualifications nécessaires pour exercer comme chirurgiens et médecins ici au Canada.
J'ai visité le site Web et appris que les médecins sont confrontés à la même question et cherchent à trouver une solution, et je me dis donc que M. Cameron a parfaitement raison lorsqu'il dit qu'il y a divers types de médecins. Les avis sont partagés sur la question.
La Cour suprême a statué que nous sommes obligés de créer un système soigneusement conçu avec des limites strictes qui seront surveillées et appliquées rigoureusement.
Nous avons entendu une suggestion, monsieur Cameron, selon laquelle une directive préalable, qui concerne la personne lorsqu'elle ne sera plus capable de prendre la décision, serait exécutoire. Je ne sais pas combien à l'avance la directive doit être donnée. Vous laissez entendre qu'une instance supérieure devrait avoir le mot final en temps opportun, afin qu'une personne puisse avoir le droit de mettre fin à sa vie. Toutefois, le jugement de la Cour suprême indique qu'il doit s'agir d'un adulte capable. Si quelqu'un a la possibilité de mettre fin à sa vie, que ce soit par suicide assisté ou encore euthanasie volontaire, c'est-à-dire que ce serait le médecin qui administrerait le médicament, et la personne est suffisamment capable, le moment venu, de mettre fin à sa vie, croyez-vous qu'une directive préalable ne respecterait pas l'exigence prévoyant un régime strictement surveillé et appliqué, si on n'a pas le consentement au moment de la mort?
Merci.
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Merci pour la question.
Oui, absolument, et ma réponse comporte deux éléments. Je serai bref.
Tout d'abord, le premier problème qui se pose relativement au consentement préalable, c'est qu'on ne peut plus déterminer, une fois que la personne est devenue inapte, s'il y a eu, par exemple, coercition de la part de la famille au moment où elle a donné son consentement. On ne peut plus revenir en arrière et demander à la personne concernée ce qui s'est passé, si c'est réellement ce qu'elle souhaitait au moment de prendre sa décision et si c'est ce qu'elle veut aujourd'hui.
Par ailleurs, ma femme et moi nous occupons de son père, qui souffre de démence avancée. Je ne sais pas ce qu'il aurait dit s'il avait su que cela allait se produire, mais il y a une différence entre décider au préalable de mettre fin à ses jours et ce qu'on pense réellement lorsqu'on est dans le moment présent. Pour l'instant, il semble jouir de la vie. Prendrait-il la même décision s'il pouvait se projeter dans l'avenir et l'exprimer? Quand on dit qu'on veut mourir, il n'y a pas de point de référence pour savoir si, dans le futur, lorsqu'on sera dans ces circonstances, en l'occurrence, de démence, on en aura tellement marre qu'on voudra s'enlever la vie. C'est le problème inhérent au consentement préalable.
:
Bonjour. Comme vous l'avez mentionné,
[Français]
je m'appelle Francine Lemire. Je suis directrice générale et chef de la direction du Collège des médecins de famille du Canada. Je suis moi-même médecin de famille. J'aimerais vous remercier de m'avoir invitée. Faire une présentation devant vous aujourd'hui est pour moi un privilège.
[Traduction]
C'est tout le français que je vais utiliser pour mon exposé, mais je répondrai volontiers à vos questions dans l'une ou l'autre des deux langues officielles. Je suis heureuse de comparaître tout de suite, parce qu'à voir votre dîner, vous risquez de vous endormir cet après-midi. Il faut penser à ça.
Des voix: Oh, oh!
Dre Francine Lemire: Je suis également heureuse d'avoir pu assister à la première partie de cette discussion, puisque cela m'a donné une idée des questions qui vous intéressent.
Le Collège des médecins de famille du Canada regroupe 35 000 membres partout au Canada. Nous sommes l'organisation professionnelle chargée d'établir les normes en matière de formation et d'accréditation pour les médecins de famille. Nous accréditons également des programmes de formation professionnelle continue, ce qui permet aux médecins de famille de conserver leur accréditation en médecine familiale et de satisfaire aux exigences relatives à leur permis d'exercice dans le cadre de leur engagement envers un apprentissage continu.
Nous accréditons le programme de formation de cycle supérieur de résidence en médecine familiale dans les 17 écoles de médecine au Canada. Nous offrons des services de qualité, travaillons activement dans les domaines de l'enseignement et de la recherche et défendons les intérêts des médecins de famille et des patients qu'ils traitent.
Les médecins de famille s'attendent à ce que nous, en tant que leur porte-parole, exprimions en toute connaissance de cause leurs attentes, leurs besoins et leurs préoccupations relativement à des enjeux importants tels que l'aide médicale à mourir.
Après avoir écouté la première partie des exposés, je pourrais résumer ma déclaration en disant que nous estimons qu'il est important que cette discussion fasse partie du contexte d'une relation entre le malade et son médecin et ne soit pas qu'un exercice axé sur le processus. Je ne dis pas que le processus n'est pas important, mais plutôt que la relation et la place qu'elle occupe sont probablement les éléments les plus importants de cette discussion.
En 2013, le Collège a créé un groupe de travail sur les soins en fin de vie. Il a examiné les enjeux éthiques sur lesquels les médecins de famille pourraient avoir besoin de formation et de conseils. Le groupe de travail a récemment publié un guide sur les principaux enjeux éthiques auxquels pourraient être confrontés les médecins de famille à la suite des récents changements législatifs concernant l'aide médicale à mourir. Ce guide a été transmis au Comité, et je suppose que vous pourrez le consulter dans le cadre de vos délibérations.
Dans ces situations difficiles, comme pour toutes les décisions cliniques, les médecins de famille doivent s'assurer que leurs patients ont en main tous les renseignements nécessaires pour prendre une décision éclairée et consensuelle à l'égard de leurs soins. Le diagnostic médical d'un patient, son pronostic, son espérance de vie, les risques potentiels et les conséquences associées au traitement ou au refus de se faire traiter, ainsi que la procédure qui pourrait entraîner son décès ne sont que quelques exemples des renseignements essentiels. Puisqu'il s'agit d'une composante des soins de santé que fournissent nos membres, les médecins de famille veilleront à ce que la famille ou les aidants naturels du malade disposent du soutien nécessaire. Le médecin de famille renseignera le patient sur toutes les autres options thérapeutiques et leurs conséquences et l'informera de la possibilité d'annuler sa demande à tout moment.
En tant que médecins de famille, nous devons également offrir à nos patients des possibilités de discuter adéquatement de ce qui les préoccupe. Il faut notamment déterminer avec le patient et ses proches, les valeurs, les craintes et les espoirs que cache la demande et qui pourraient être différents de ceux énoncés plus explicitement.
Évidemment, il importe pour le médecin de bien connaître son patient et de se livrer à une écoute attentive, authentique et sans jugement. Les médecins sont conscients qu'ils ne doivent pas s'approprier la prise de décision des patients lucides et éviter de projeter ou d'imposer leurs propres valeurs à leurs patients et de laisser leurs perceptions personnelles préjuger de leur qualité de vie.
Les médecins de famille doivent être attentifs non seulement aux signes de détresse psychologique et physique de leurs patients, mais aussi à la souffrance existentielle qu'ils peuvent éprouver lorsqu'ils sont confrontés à une santé déclinante, à des fonctions diminuées et à la réalité de la mort. Comme les patients ne sont pas toujours conscients ni capables d'exprimer ce qu'ils pensent à propos de ces épreuves, les médecins doivent être capables de discuter des sentiments, d'interpréter les comportements et de tirer parti de l'expertise d'autres personnes capables de le faire. L'écoute attentive et empathique du médecin, sa disponibilité pour discuter de questions préoccupantes, son offre de soutien approprié et l'expression de son engagement à poursuivre les soins tout au long de la maladie du patient sont en soi des réponses thérapeutiques importantes pour les patients et leurs proches.
Nous reconnaissons qu'aucun autre groupe de professionnels du domaine de la santé au Canada n'est mieux placé ou outillé pour assumer ce rôle auprès des Canadiens que les médecins de famille oeuvrant au sein des communautés, petites et grandes, à l'échelle du pays. Le Collège compte miser sur les connaissances de ses membres et des experts du domaine pour développer des ressources pertinentes en matière d'éducation et s'assurer que des directives appropriées sont à la disposition de leurs membres.
Un médecin qui refuse de remplir une demande d'aide à mourir pour des raisons de conscience a toujours une responsabilité envers son patient. En tant que principaux fournisseurs de soins, les médecins de famille peuvent aider leurs patients, soit par un renvoi direct à un médecin disposé à le faire, soit en conseillant leurs patients sur la façon d'accéder à un service de renvoi, soit en avisant l'administrateur médical d'une institution en vue d'obtenir un autre renvoi.
Un système d'information central pour les patients aiderait beaucoup dans un tel cas et éviterait que les malades se sentent abandonnés et confus. Il permettrait également de mieux uniformiser l'information disponible au Canada sur cette question. Les médecins de famille qui s'opposent à l'aide médicale à mourir continueront de fournir des soins et transféreront le dossier médical du patient rapidement si celui-ci en fait la demande. Le CMFC s'oppose en principe à toute action susceptible d'abandonner un patient, sans option ni orientation.
Le Collège estime que les Canadiens devraient avoir accès à des soins palliatifs de qualité dans leurs collectivités. L'ouverture à la possibilité de recourir au suicide assisté ou à l'euthanasie volontaire ne doit pas réduire les efforts visant l'amélioration des soins de santé complets et globaux, de la santé mentale et des soins palliatifs. Ces efforts doivent plutôt être intensifiés.
Tous les médecins, de même que l'ensemble de la profession, doivent agir pour aider les patients souffrant de maladies graves et de handicaps sévères ou ceux étant en fin de vie. Les médecins doivent tenir compte de l'évaluation de leurs patients, des avantages et des inconvénients des interventions destinées à les maintenir en vie. Ils doivent aussi maintenir la continuité des soins primaires lorsque les patients sont orientés vers les soins spécialisés appropriés, assurer la coordination entre les divers secteurs du système de soins de santé et veiller à ce que les patients reçoivent les soins des médecins et des professionnels de la santé en qui ils ont confiance et qui les connaissent bien.
Comme c'est souvent le cas, les récents changements juridiques soulèvent de nombreuses questions éthiques à propos desquelles les collèges des médecins et les médecins devront délibérer. Les médecins doivent avant tout préserver les relations qu'ils entretiennent avec leurs patients et leurs proches durant ce dernier chapitre de la vie. Sachant que ceux qui ont une maladie ou un handicap grave et ceux qui sont en train de mourir sont parmi leurs patients les plus vulnérables, les médecins de famille devraient être les promoteurs de la santé au nom de ces patients.
Nous croyons que pour être en mesure d'offrir des soins adéquats à leurs patients, dans ce contexte exceptionnel, les médecins de famille canadiens doivent avoir des attentes simples et réalisables à l'égard des entités juridiques et d'octroi de licences concernant cet aspect de leur pratique. Ils ont besoin de normes et d'exigences claires et uniformes sur ce qu'ils peuvent et ne peuvent pas faire et sur la nécessité de documenter les discussions et les décisions de leurs patients.
Nous sommes conscients de la complexité de la question et des préoccupations qu'elle soulèvera chez certains de nos membres. Toutefois, les sondages confirment les uns après les autres que la population canadienne estime ce service nécessaire, et nous travaillerons auprès des médecins qui sont prêts à l'offrir afin qu'ils le fassent avec compassion, éthique et professionnalisme.
Je tiens à vous remercier une fois de plus de m'avoir donné la chance de présenter le point de vue de la médecine familiale sur la question. Nous avons hâte de voir le cadre législatif qui en découlera, et sommes prêts à poursuivre la collaboration et la discussion sur cet enjeu important.
Merci.
J'aimerais vous présenter Debbie Benczkowski, qui m'accompagne aujourd'hui. Elle est chef des opérations à la Société Alzheimer du Canada.
Je salue les coprésidents, le sénateur Ogilvie et le député Oliphant, de même que tous les membres du comité mixte spécial. Merci de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui devant vous, alors que vous préparez des recommandations sur le cadre d'une réponse fédérale concernant l'aide médicale à mourir.
Permettez-moi de commencer en disant que la Société Alzheimer reconnaît la nécessité des mesures législatives dont vous êtes saisis sur l'aide médicale à mourir. Le cadre législatif que vous adopterez façonnera les droits des personnes en fin de vie pour de nombreuses années à venir.
La décision de la Cour suprême du 6 février 2015 a une incidence importante puisque l'aide médicale à mourir ne sera plus considérée comme un meurtre en vertu du Code criminel du Canada. Pour les personnes atteintes de démence et ceux qui en prennent soin, les enjeux connexes sont de nature à la fois pratique et éthique.
La question est complexe. La Société Alzheimer croit que les Canadiens atteints de démence et leur famille doivent avoir droit à des soins et des services palliatifs. Ils doivent avoir des choix réalistes quant à l'endroit et à la façon dont ils souhaitent vivre et mourir.
Pour commencer, les mesures législatives sur le consentement au traitement relèvent uniquement des provinces. En Ontario, par exemple, la Loi sur le consentement aux soins de santé est en vigueur depuis 1996. Elle offre des protections à ceux qui sont capables ou incapables de prendre des décisions relatives au traitement.
En raison de la nature évolutive et mortelle, au bout du compte, de la maladie d'Alzheimer et d'autres formes de démence, cette maladie suscite une attention particulière dans le débat sur l'aide médicale à mourir. L'Alzheimer et une maladie dégénérative et évolutive qui touche le cerveau. Plus de 747 000 personnes au pays sont atteintes de la maladie et d'autres formes de démence, et on s'attend à ce que le chiffre double et atteigne 1,4 million d'ici 15 ans. C'est donc une question de santé publique qui gagne en importance. Récemment, l'Organisation mondiale de la Santé, ou OMS, a indiqué que la démence devait être traitée comme une priorité de santé mondiale.
Étant donné la nature de la maladie, la capacité d'une personne à communiquer ses besoins et préférences diminue au fil du temps. Pour les gens qui en prennent soin, il est difficile, voire impossible, de savoir ce que la personne atteinte de démence finit par vouloir au fil du temps, surtout si ces valeurs vont à l'encontre des désirs exprimés auparavant.
La progression dans le temps varie d'une personne à l'autre. Peu importe le stade de la maladie, les gens atteints de démence demeurent uniques. Ce sont des personnes à part entière. Il faut reconnaître et respecter leurs droits et leurs besoins.
Souffrir de démence entraîne d'énormes difficultés et rend les questions de fin de vie complexes et personnelles. Les personnes atteintes de démence méritent d'avoir accès à la meilleure qualité possible de soutien et de soins pendant toute leur vie. Cette réalité contribue aux inquiétudes voulant qu'une personne atteinte de démence soit vulnérable en fin de vie, et risque d'éprouver des douleurs inutiles et de recevoir des traitements inappropriés.
Ce n'est pas parce qu'une personne reçoit un diagnostic de démence qu'elle devient immédiatement incapable, mais de telles personnes auront besoin de beaucoup d'information et de soutien pour donner des directives préalables sur les soins. Voilà pourquoi la planification et les soins en fin de vie sont si importants. La Société Alzheimer préconise un diagnostic précoce de sorte que les patients puissent faire connaître leurs souhaits et planifier les soins à venir avec leur famille.
S'ils ont accès à des soins palliatifs de qualité, les Canadiens atteints de démence pourraient être plus à l'aise concernant la fin de leur vie. J'aimerais donc faire valoir trois points.
Tout d'abord, les gens sont incapables de prévoir la nature exacte de la progression de leur propre maladie.
Deuxièmement, les souhaits des personnes peuvent changer considérablement au fil de l'évolution de la maladie, qui peut durer jusqu'à 10 ans, et même plus.
Le troisième élément, et le plus important, c'est qu'à la fin de leur vie, les personnes atteintes de démence ne seront pas considérées comme ayant la compétence requise, aux termes de la loi, pour décider de mettre fin à leurs jours.
Compte tenu de ces points, et en ce qui concerne plus particulièrement l'aide médicale à mourir, la Société Alzheimer souscrit au point de vue voulant que cet acte ne doive être envisagé qu'à condition que la personne soit jugée compétente à un moment donné. Si le patient n'est pas jugé compétent, les risques d'abus sont tout simplement trop élevés.
On peut imaginer que des personnes atteintes de démence précoce perçoivent les difficultés par rapport à la famille ou aux amis, et décident rapidement de demander une aide médicale à mourir. Voilà qui peut prendre la forme d'une directive préalable officielle sur les soins, qui serait remise au plus proche parent. Par contre, compte tenu du degré élevé de variation dans l'évolution du parcours possible de chaque personne atteinte de démence, et aussi de la possibilité que ses valeurs et croyances changent au fil du temps, nous recommandons que les directives préalables sur les soins relatives à l'aide médicale à mourir ne soient pas considérées lorsque la personne n'est plus compétente au moment de l'intervention éventuelle des prestataires de soins de santé. Les risques sont tout simplement trop élevés.
Aujourd'hui, seuls 16 à 30 % des Canadiens qui perdent la vie ont accès à des soins palliatifs spécialisés et à des services de fin de vie, un accès qui dépend du lieu de résidence au Canada.
Soyons clairs: la Société Alzheimer croit que les Canadiens atteints de démence et leur famille devraient avoir droit à des soins et des services palliatifs, et avoir des choix quant à l'endroit où ils souhaitent passer les derniers moments de leur vie, et à la façon dont ils veulent le faire.
Voilà donc pourquoi la Société Alzheimer préconise la mise en place d'une stratégie nationale sur la démence, un partenariat de collaboration pancanadien entre spécialistes visant à promouvoir la qualité des soins à l'échelle nationale. Ainsi, les gouvernements, les ONG et les Canadiens bénéficieraient des renseignements et des outils fondés sur les preuves dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées sur la vie d'une personne atteinte de démence. Une telle stratégie permettrait à tous les Canadiens atteints de démence, peu importe où ils vivent, de recevoir des soins et des services de même qualité. Pour que la stratégie prenne forme, la Société Alzheimer propose la création du partenariat canadien pour lutter contre la démence et la maladie d’Alzheimer. La Société Alzheimer du Canada invite d'ailleurs le gouvernement fédéral à financer ce partenariat.
La vie ne se termine pas dès l'apparition de la maladie d'Alzheimer. Il faut protéger le droit au bien-être et combattre les préjugés. D'ailleurs, les préjugés associés à la maladie peuvent être aussi dévastateurs que les changements qui surviennent dans la vie du patient. Ils dissuadent souvent les gens de même obtenir un diagnostic, et constituent un obstacle pour les fournisseurs de soins de santé qui doivent poser celui-ci.
Dans le cadre du mois de sensibilisation à la maladie d’Alzheimer, la Société Alzheimer a lancé la campagne #EncoreLà au début de janvier. Elle met aujourd'hui les Canadiens au défi de reconnaître les personnes qui vivent avec la démence dans leur milieu, et d'envisager des façons de les aider à mieux vivre.
Permettez-moi de conclure en réitérant le point de vue de la Société sur le sujet en question, à savoir l'aide médicale à mourir.
Peu importe l'issue des mesures législatives, la Société Alzheimer soutient qu'il faut améliorer l'accès à des soins palliatifs de qualité pour tous les Canadiens atteints de maladies mortelles, y compris la démence, et pour leur famille. Voilà qui doit demeurer une priorité de santé publique. Les dispositions législatives fédérales doivent permettre aux provinces de déterminer comment les directives préalables sur les soins des personnes atteintes de démence seront traitées sous leur compétence.
Une stratégie nationale sur la démence contribuera à atteindre cet objectif pour ceux qui vivent avec la démence. Il s'agit d'une étape essentielle pour gérer la crise de la démence qui touche les Canadiens d'aujourd'hui, de même que les changements qui pourraient s'opérer à l'avenir dans les points de vue et les pratiques des Canadiens en matière d'autonomie individuelle et de véritable pouvoir en fin de vie.
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Nous entendons bien souvent une critique du corps médical voulant que celui-ci s'attarde trop à la médicalisation de la mort, et j'ai trouvé votre exposé agréablement différent à cet égard. Vous abordez selon moi bon nombre des enjeux éthiques et moraux qui sous-tendent cette grande question dont les parlementaires sont saisis: Qu'est-ce que cela représente d'être humain, et qu'est-ce qui donne un sens à la vie humaine?
J'étais particulièrement ravi d'entendre ce genre de réflexions de la bouche de ceux qui délivrent des permis à nos médecins et chirurgiens. C'est vraiment encourageant, à mes yeux.
Pour le compte rendu, j'aimerais lire quelques déclarations tirées de votre mémoire, car je pense qu'il est essentiel que tous les Canadiens l'entendent; malheureusement, ils ne pourront pas tous lire votre document.
Le terme dignité peut avoir des sens différents et se prête à diverses interprétations. ...
Il est généralement admis que la dignité est intrinsèque à tous les êtres humains parce qu’ils ont tous une valeur égale et appartiennent à la communauté humaine. La dignité dans ce sens ne peut ni être diminuée ni perdue par des changements, comme la défiguration, la maladie ou le déclin des capacités.
La dignité a un autre sens lié au bonheur et au bien-être que les patients éprouvent durant leur vie. La dignité associée à l’épanouissement et au bien-être est susceptible de varier en raison de maladie et d’invalidité pour certaines personnes, en particulier si celles-ci sont préoccupées par leur perte de contrôle ou d’indépendance. Ces craintes chez de nombreux patients peuvent être atténuées ou traitées par des soins efficaces, afin que leur dignité dans ce sens puisse être préservée, voire renforcée. Chez d’autres patients, leur adaptation et leur acceptation des limites imposées par la maladie, l’invalidité et la mort peuvent faire place à un bien-être général chez le patient et peuvent donner un sens à leur vie et inspirer leurs proches et d’autres personnes qui souffrent.
Un troisième sens de la dignité, la dignité attribuée, est lié à la façon dont les patients se perçoivent eux-mêmes ou perçoivent la façon dont les autres les voient. Une perception de soi négative et la crainte d’être un fardeau pour les autres peuvent souvent inciter les patients à envisager le suicide médicalement assisté et l’euthanasie.
Dans un autre paragraphe, vous dites qu'un de vos défis est de contester des attitudes et des comportements qui traitent certains patients comme « non productifs » et des membres de la société qui coûtent cher, par exemple, en faisant référence au profil démographique du vieillissement de la population canadienne comme le « tsunami gris ». Ces attitudes et comportements des professionnels de la santé peuvent renforcer chez le patient l’impression d’être un fardeau pour les autres et la perception d’avoir le « devoir de mourir ».
Voici une de mes préoccupations fondamentales, en tant que député responsable de formuler des recommandations au gouvernement sur la façon de rédiger la loi: comment pouvons-nous être absolument certains que ce qui est aujourd'hui un droit à la mort ne deviendra pas un devoir de mourir, en raison d'une sorte de coercition morale ou autre? Comment pouvons-nous en être tout à fait sûrs? Quels genres de protections pouvons-nous intégrer à nos recommandations au gouvernement pour que nous fassions tout ce que nous pouvons pour nous assurer que cela ne se produise pas?
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Vous espérez obtenir la réponse d'un médecin de famille en une minute ou moins.
Certains segments du mémoire rédigé par le collège portant sur la dignité ont également été examinés par mes confrères de la Société Alzheimer, en ce qui concerne le terrain glissant sur lequel nous nous trouvons. Et pourtant, nous devons parallèlement prendre la parole et nous prononcer, et écouter ce que les Canadiens nous ont dit.
Je n'ai aucune recommandation magique, mais je propose de clarifier le processus et les attentes à l'égard des médecins. J'ai déjà fait savoir mes préoccupations quant au renvoi à un tribunal. Je dirais que le concept de consultation par deux médecins est important. Il faut aussi que, à la suite d'une première demande, celle-ci soit exprimée verbalement après une période donnée pour éviter toute décision irréfléchie. Dans l'intervalle entre la première et la deuxième demande, y compris ce qui se passe avant, il faut une excellente communication entre l'équipe qui soigne le patient et le patient, de sorte que celui-ci envisage bien les options, de même que tout ce qui est décrit dans le mémoire et tout ce que j'ai dit. Par contre, lorsque la deuxième demande verbale est suivie d'une demande écrite, nous devons veiller à ce qu'il ne s'écoule pas trop de temps avant d'y répondre et d'offrir les soins appropriés avec attention et compassion.
Je pense qu'il est important de clarifier les attentes à l'égard de la profession, la documentation, de même que les protections entourant la procédure, de sorte qu'il y ait deux demandes, y compris une demande verbale.
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Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps, si vous le permettez, avec Mme Sansoucy.
Je voudrais d'abord demander des éclaircissements à Mme Lowi-Young, de la Société Alzheimer. Je veux m'assurer d'avoir compris.
Je crois que la position de votre organisation est qu'il ne devrait pas y avoir de directives préalables pour les patients souffrant de la maladie d'Alzheimer, parce que les risques sont trop importants. Je me demande si vous étiez ici ce matin, lorsque les représentants de l'organisation Dying With Dignity ont livré leur témoignage. Ils ont parlé de Gillian Bennett, dont le blogue, deadatnoon.com, traitait de la difficulté de son choix, alors qu'elle souffrait de démence à un stade avancé. Ils ont aussi parlé d'une infirmière, Mme Bentley, qui a clairement exprimé sa volonté de ne pas se retrouver dans cette situation. Elle souffrait de démence au degré 7, et on continuait de la nourrir à la petite cuillère, contre ses souhaits et ceux de sa famille.
Voilà des exemples, je pense, qui montrent l'autre côté de la médaille. Je tiens simplement à ce que vous nous disiez clairement que, d'après vous, on n'aurait pas autorisé ce qui est arrivé à Mmes Bennett ou Bentley.