:
Chers collègues, nous avons le quorum. La séance est ouverte.
[Français]
J'aimerais vous souhaiter la bienvenue à la neuvième réunion du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.
[Traduction]
Je suis Kevin Ogilvie, sénateur de la Nouvelle-Écosse et coprésident du Comité. Le second coprésident est M. , député de Don Valley-Ouest.
Aujourd'hui, nous accueillons deux groupes. Gabriel Miller et Kelly Masotti représentent la Société canadienne du cancer. Carrie Bourassa, professeure en étude sur la santé indigène à la First Nations University of Canada, se joint à nous par vidéoconférence.
À cause de la technologie, j'invite toujours la personne qui présente par vidéoconférence à passer en premier.
Je vous rappelle, madame Bourassa, que vous avez droit à 10 minutes.
Monsieur Miller et madame Masotti, vous avez un total de 10 minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
Sur ce, madame Bourassa, je vous invite à présenter votre exposé.
:
Meegwetch. Merci beaucoup.
Mon exposé n'est pas très long. Je ne crois pas qu'il durera 10 minutes. Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Je suis désolée de ne pas pouvoir être là en personne.
D'abord, j'aimerais vous présenter quelques faits concernant principalement la santé et l'histoire des peuples autochtones. Je suis certaine que vous les connaissez déjà, mais je tiens à les mentionner pour qu'ils figurent dans le compte rendu.
Du fait de leur histoire, de leur âge, des enjeux socioéconomiques et des problèmes liés à la santé, les peuples autochtones sont très vulnérables. On trouve chez ces peuples les taux de suicide les plus élevés au Canada. Le taux de suicide chez les jeunes femmes autochtones est le plus haut au pays: il est près de huit fois plus élevé que la moyenne nationale.
Comparativement au reste de la population canadienne, les peuples autochtones continuent de souffrir de taux élevés de maladies chroniques et infectieuses, ainsi que de taux supérieurs de mortalité et de mortalité infantile. Les causes principales de décès chez les peuples autochtones sont les maladies cardiovasculaires, le diabète, l'obésité, le cancer, les accidents vasculaires cérébraux, le suicide, les accidents de la route et les homicides.
Les morts évitables causées par les maladies du système circulatoire représentent 23 % des décès. Les blessures provoquent 22 % des décès. C'est là presque 50 % de tous les décès chez les peuples autochtones.
Chez les Autochtones âgés de 1 à 44 ans, les principales causes de décès étaient les blessures et les empoisonnements. Chez les enfants âgés de moins de 10 ans, la cause principale de décès était classifiée comme étant « non intentionnelle » — c'est-à-dire des accidents. Les années potentielles de vie perdues en raison des accidents seulement étaient plus élevées que pour toutes les autres causes de décès et presque trois fois et demie plus élevées que chez le reste de la population canadienne.
Il faut mener des consultations auprès des collectivités autochtones de tout le pays au sujet de l'aide médicale à mourir. Même si j'ai travaillé auprès de plusieurs collectivités autochtones et même si je suis moi-même Autochtone, je ne peux pas parler en leur nom. De plus, adopter une approche pan-autochtone n'est pas une bonne idée, étant donné la nature délicate du sujet, ainsi que la diversité des peuples autochtones et des systèmes de croyances.
L'enjeu de l'aide médicale à mourir ne touche pas les collectivités. Je le répète, il faut établir un véritable dialogue sur cette question délicate, et toute mesure législative ou toute politique adoptée ayant une incidence sur les peuples autochtones doit non seulement nous inclure, mais aussi nous être présentée de manière appropriée.
Les professionnels de la santé ont l'obligation de fournir aux peuples autochtones des soins sécuritaires sur le plan culturel, ce qui comprend l'aide médicale à mourir et la compréhension de tous les points de vue liés à ce dossier. Bien qu'on réalise des progrès dans les soins palliatifs et de fin de vie, il y a encore beaucoup de travail à faire, surtout sur le plan de l'aide médicale à mourir, comme il s'agit d'un tout nouveau domaine pour les peuples autochtones. À mon avis, il faudra de la formation supplémentaire.
C'est tout ce que je voulais dire. Je le répète, j'ai passé une heure auprès du comité qui a voyagé partout au Canada, pour parler de spiritualité et de systèmes de croyances. C'est vraiment très nouveau. Les collectivités n'ont pas vraiment eu l'occasion de se réunir et de discuter. Aucun groupe à l'échelle nationale n'a de politique à ce sujet — ni l'APN, ni le RNM, ni l'ITK. Je crois que les points de vue sont nombreux, et bien que ce soit un honneur pour moi d'être ici pour présenter certains éclaircissements, je ne peux certainement pas parler au nom des collectivités. Grâce à mes discussions avec des médecins autochtones et avec certains membres des collectivités auprès desquelles j'ai travaillé, je sais que le besoin le plus important est probablement la participation des collectivités.
Je vais m'arrêter là.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Je suis très heureux d'être ici parmi vous aujourd'hui.
[Traduction]
Je m'appelle Gabriel Miller. Je suis le directeur des questions d'intérêt public de la Société canadienne du cancer, ici à Ottawa. Je suis accompagné de ma collègue Kelly Masotti, directrice adjointe. Je vais présenter notre déclaration préliminaire et Kelly m'aidera à répondre à vos questions.
C'est un privilège d'être ici au nom de la Société canadienne du cancer, le plus grand organisme caritatif national du secteur de la santé au pays. Le cancer est le plus important défi du Canada dans le domaine de la santé. Deux Canadiens sur cinq auront le cancer au cours de leur vie. Un sur quatre d'entre nous peut s'attendre à mourir du cancer, ce qui en fait notre principale cause de décès.
Merci de nous avoir invités ici aujourd'hui, et surtout, merci de prendre le temps de vous pencher sur ce dossier important. Vous étudiez certaines des questions les plus difficiles qu'un député peut avoir à examiner, à savoir qui devrait avoir le droit de demander de l'aide à mourir et qui devrait pouvoir fournir cette aide.
Ces questions sont importantes et urgentes; toutefois, nous ne sommes pas ici pour vous aider à y répondre. Nous n'avons ni le pouvoir ni les compétences nécessaires.
Nous sommes ici pour vous parler d'une question connexe: les soins palliatifs, c'est-à-dire les soins conçus pour protéger la qualité de vie des patients gravement malades et de leur famille. Toute conversation sérieuse au sujet des besoins des Canadiens gravement malades doit inclure les soins palliatifs, et toute politique responsable sur l'aide à mourir doit garantir l'accès à des soins palliatifs de qualité pour tous les Canadiens.
Il y a trois semaines, nous avons publié un nouveau rapport intitulé: Droit aux soins: Des soins palliatifs pour tous les Canadiens. On y constate qu'en raison de failles importantes dans les soins palliatifs à l'échelle du pays, des milliers de Canadiens gravement malades ne reçoivent pas des soins adéquats. Ces failles font souffrir les patients et leurs familles, et elles augmentent les coûts des soins de santé.
En l’absence de normes et de mécanismes de reddition de compte clairement définis à l’échelle nationale, il revient aux autorités régionales, provinciales et territoriales d’élaborer leurs propres politiques, programmes et lignes directrices. Cette situation fait en sorte que l’accès aux soins palliatifs est inégal et inadéquat d’une région à l’autre. En Ontario, 40 % des personnes atteintes d’un cancer ne reçoivent aucune évaluation de leurs besoins en soins palliatifs au cours de leur dernière année de vie. Dans certaines régions de l’Atlantique et de l’Ouest, moins de la moitié des personnes qui meurent à l’hôpital reçoivent des soins palliatifs.
Souvent, il est plus efficace et moins coûteux de fournir les soins palliatifs à l'extérieur des hôpitaux. Pourtant, un décès lié au cancer sur deux a lieu dans les hôpitaux de soins de courte durée, alors que la majorité des patients préféreraient mourir à la maison. Selon les normes mondiales, le Canada réussit mal à fournir des soins de fin de vie abordables; il se classe au 27e rang d'une comparaison récente de 40 pays. En élargissant les soins à domicile et en améliorant le soutien aux aidants naturels, le Canada peut réduire les frais hospitaliers, tout en protégeant les familles contre le fardeau financier écrasant d'une maladie grave.
Un système coûteux et déconcertant qui ne répond pas aux besoins des patients, voilà ce que notre rapport montre. Mais vous n'avez pas à nous croire sur parole. Les parlementaires ont fait du travail remarquable dans ce domaine au fil des années. Comme le comité fédéral sur l'aide à mourir l'a souligné dans son rapport, le Sénat a publié des études sur les soins palliatifs en 1995, 2000, 2005 et 2010. De plus, nous avons les conclusions des comités provinciaux et fédéral. Aussi, la question des soins palliatifs et des soins de fin de vie occupe une place importante dans le rapport Romanow sur les soins de santé.
Dans le rapport réalisé sous la direction de la sénatrice Sharon Carstairs en 2000, on concluait que les soins palliatifs étaient souvent une question de chance plutôt qu'un droit fondamental des Canadiens. Le rapport constatait que les soins palliatifs étaient offerts dans les hôpitaux, les établissements de soins de longue durée et les hospices, de même que dans le cadre de soins à domicile. Lorsqu’ils étaient dispensés dans un hôpital, les soins palliatifs étaient payés de façon intégrale par l’État, mais lorsqu’ils étaient dispensés à domicile, seulement certains services et médicaments étaient payés, selon le territoire, la province ou la région.
Dans le rapport Romanow, on constatait qu'il y avait des écarts considérables dans l’accès aux soins palliatifs à l'échelle du pays. Ces services avaient été mis sur pied de façon aléatoire et ils étaient limités par les moyens financiers des collectivités et des organismes caritatifs. Par conséquent, de nombreux Canadiens n'avaient pas accès à des soins palliatifs.
Le fond du problème, c'est qu'à l'heure actuelle, seuls les services hospitaliers médicalement nécessaires sont assurés par la Loi canadienne sur la santé. Les soins et services supplémentaires sont payés par les régimes provinciaux et les assureurs privés, ainsi que par les patients et les familles mêmes. Ce système de financement complexe et incohérent pose particulièrement problème pour les soins palliatifs, qui peuvent souvent être offerts à l'extérieur des hôpitaux, et qui devraient l'être.
Les autres facteurs comprennent l'absence de normes et de collecte de données à l'échelle nationale, le manque de formation des professionnels de la santé, le manque d'information et de soutien pour les patients, ainsi que le financement inadéquat des soins palliatifs.
Comment pouvons-nous redresser la situation?
D'abord, nous devons faire des soins palliatifs une priorité pour les gouvernements fédéral et provinciaux, qui prépareront un nouvel accord sur la santé au cours de la prochaine année. Plus précisément, nous demandons aux gouvernements fédéral et provinciaux d'adopter de nouvelles mesures législatives qui garantiront l'accès universel aux soins palliatifs; d'élargir l'ensemble des soins palliatifs et particulièrement les services à domicile; d'améliorer l'appui accordé aux patients et aux aidants naturels; d'élaborer et de mettre en place des normes nationales en matière de soins palliatifs; ainsi que d'accroître la formation des professionnels de la santé dans le domaine des soins palliatifs.
La question des soins palliatifs n'est pas aussi complexe que celle de l'aide à mourir. Il s'agit simplement de la notion que toute personne devrait recevoir les soins dont elle a besoin pour réduire sa souffrance et augmenter sa qualité de vie. Le seul mystère qui reste à élucider, c'est l'échec du Canada qui n'a pas encore réussi à réparer son système de soins palliatifs défectueux.
Les Canadiens croient que toute personne a droit à des soins médicaux fiables, abordables et de haute qualité. Les soins palliatifs sont nécessaires, et les besoins se feront de plus en plus pressants au fur et à mesure que la population vieillit. Le temps est venu de reconnaître le droit aux soins palliatifs et de bâtir un système de santé qui fournit ces soins.
[Français]
Merci beaucoup.
:
C'est une très bonne question. J'acquiesçais à ce que disait l'intervenant précédent — je suis désolée, j'ai oublié son nom —, parce que tout cela s'applique également aux personnes autochtones. Si on pense seulement à l'accès aux soins palliatifs et aux soins de fin de vie pour les personnes autochtones, notamment dans les collectivités du Nord et les collectivités isolées, c'est un grand problème en ce qui concerne l'aide médicale à mourir.
Les convictions concernant l'aide médicale à mourir sont multiples. C'est pareil dans les collectivités autochtones et les autres. Certains seront pour, d'autres contre. Mais pour ce qui est de l'accès aux soins, nous allons nous retrouver aux prises avec des problèmes semblables à ceux associés en ce moment à l'accès à des services appropriés. Et quand on parle de services appropriés, il ne s'agit pas que de cela. Il faudra assurer des soins de fin de vie et des soins palliatifs qui sont appropriés sur le plan culturel.
À l'heure actuelle, l'enjeu pour les personnes autochtones n'est pas seulement d'avoir accès à des soins de fin de vie, mais d'avoir accès à des soins de fin de vie adaptés à leur culture. Quand j'ai parlé de formation sur l'aide médicale à mourir, c'est à cela que je faisais référence. Comment abordons-nous les services en tant que tels et la formation des médecins? Les gens vont vouloir obtenir des services qui conviennent à leur culture. À quoi cela va ressembler? Si nous n'en sommes qu'aux premiers pas avec les soins palliatifs et les soins de fin de vie, comment allons-nous procéder pour l'aide médicale à mourir?
C'est une question d'accès, mais aussi d'accès à des soins qui sont adaptés à la culture et qui ne la mettent pas en danger, et ce que cela signifie pour ces collectivités. Cela peut être différent d'une collectivité à l'autre ou d'une région à l'autre. C'est certainement l'enjeu à examiner en ce moment en ce qui concerne les soins palliatifs et les soins de fin de vie: qu'est-ce qui constituerait des services adaptés sur le plan culturel?
:
Oui, j'ai évidemment abordé la question lors des premières consultations. C'est effectivement préoccupant, car au sein de notre population, les soins palliatifs ne s'adressent pas qu'aux aînés. Nos collectivités enregistrent de nombreux décès, dont de multiples suicides. Nos jeunes meurent aussi. C'est un réel problème dans nos collectivités; beaucoup de jeunes sont au nombre des victimes.
Quand on pense à l'aide médicale à mourir, on ne peut s'empêcher de penser également au message que cela pourrait envoyer dans une collectivité où des jeunes s'enlèvent la vie ou meurent dans des accidents de la route. Peut-être que cela ne passerait pas. La population ne l'accepterait peut-être pas. C'est pourquoi je pense qu'il est nécessaire de bien communiquer ce que l'aide médicale à mourir signifierait dans ces collectivités et de bien mobiliser les gens. Si vous voulez que les services soient accessibles, vous devez vous assurer qu'ils sont bien compris.
Vous avez parlé d'accès. À qui ces services s'adresseraient-ils? Dans quels cas seraient-ils appropriés? Je crois qu'on pourrait y recourir dans les cas où... Il a été question de l'idée de ne pas vouloir mourir « à la dure ». Quand un patient en phase terminale souffre, je peux comprendre que sa famille veuille recourir à l'aide médicale à mourir. Toutefois, cela ne devrait se faire que dans des circonstances très particulières, car nous ne voulons pas voir quelqu'un mourir dans d'horribles souffrances, si vous voyez ce que je veux dire.
Dans certains cas, je crois que cette pratique pourrait être acceptée. Par contre, dans une collectivité qui vient tout juste de subir des pertes tragiques, j'ai l'impression que les gens ne voudraient rien entendre de l'aide médicale à mourir. Tout est dans le contexte. Il faut comprendre la collectivité et comprendre dans quels cas cela serait acceptable et dans quels cas ce ne le serait pas.
:
Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec M. Deltell.
Merci aux témoins.
Je veux d'abord remercier les représentants de la Société canadienne du cancer d'avoir mis en lumière l'importance des soins palliatifs. Vous avez parlé de leur importance, mais aussi du fait qu'au Canada, à l'heure actuelle, une grande proportion de la population n'y a pas facilement accès. Santé Canada nous a appris que 70 % des Canadiens n'ont pas accès à des soins de santé de qualité.
La Cour suprême, quant à elle, a indiqué qu'à partir du 6 juin, nous devions mettre en vigueur une loi qui autoriserait l'aide médicale à mourir. Supposons que les soins palliatifs feraient partie des mesures de protection prévues pour garantir que les gens y consentent de manière éclairée. Compte tenu des problèmes de santé qui poussent les gens à envisager la possibilité de précipiter leur décès, pensez-vous qu'il serait primordial d'assurer des soins palliatifs pour garantir que les gens offrent véritablement un consentement éclairé?
De plus, pensez-vous que la décision de la législature précédente, voulant qu'on établisse une stratégie nationale en matière de soins palliatifs et qu'on initie un changement de culture au Canada, devrait d'abord passer par l'exigence législative d'offrir des soins palliatifs? On ne parle pas d'un grand nombre de personnes, mais de celles qui envisagent de recourir à l'aide médicale à mourir.
:
Ce serait effectivement souhaitable.
Seulement, c'est déjà ce qui se passe. Peut-être pas dans le cas de l'aide médicale à mourir, mais pour les soins de santé en général, on le voit déjà en Nouvelle-Zélande. Ils sont reconnus là-bas. Ils travaillent aux côtés des médecins et des infirmières et infirmiers praticiens, car c'est une profession médicale reconnue au même titre que les autres. Je crois que le Canada doit vraiment envisager cette possibilité.
Dans ce cas précis, il s'agit d'une question très délicate, et je pense qu'ils seraient absolument les bienvenus. Ils permettraient certainement d'améliorer l'expérience des personnes autochtones, quelle qu'elle soit. En ce moment, la plupart des hôpitaux permettent aux aînés ou aux guérisseurs traditionnels d'accompagner les personnes qui reçoivent des soins palliatifs ou des soins de fin de vie. Ce n'est pas vrai partout, mais dans la plupart des hôpitaux. Ils ne travaillent peut-être pas aux côtés des médecins, mais ils sont de plus en plus reconnus. L'objectif devrait être d'en arriver là, du moins, je le recommande fortement.
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Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup pour votre témoignage.
Je me permets de signaler à M. Miller et à Mme Masotti qu'il est fort probable que tout le monde ici présent est d'accord avec vous pour dire que les soins palliatifs constituent un volet primordial du système de santé du pays. La Cour suprême a maintenant statué qu'il faudra offrir tout un continuum de soins de fin de vie, qui comprennent les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir.
Certains maintiennent que les parlementaires — et je l'ai entendu dire — devraient peut-être adopter une loi distincte qui régirait l'établissement d'un programme et d'une stratégie de soins palliatifs à l'échelle nationale. J'aimerais cependant insister pour qu'on parle de l'aide médicale à mourir, si vous le voulez bien.
Nous savons qu'au Québec, le projet de loi 52 est déjà entré en vigueur. On en a beaucoup parlé. Il est entré en vigueur en décembre. J'aimerais savoir si la division du Québec a eu des commentaires de la part de la Société canadienne du cancer ou si votre organisation a des déclarations à faire concernant la façon dont les choses se passent au Québec.
:
Je vous remercie de votre question.
Je ne me suis même pas penché sur la confusion entre les soins palliatifs et l'aide à mourir. Au pays, il y a de la confusion en raison des façons divergentes de définir les soins palliatifs.
C'est extrêmement important, car si nous parlons de droits et que nous travaillons à définir ce à quoi tous les Canadiens ont droit sur le plan de l'aide à hâter la mort, et si nous décidons aussi de dire qu'il faut des soins palliatifs en place, il nous faut dans ce cas une définition commune des soins palliatifs à l'échelle du pays.
L'éducation est un élément majeur de cela. Dans notre rapport, je pense que nous l'avons signalé en quelques endroits. Je demanderais aux professionnels de la santé qui se trouvent dans la pièce de me corriger si j'ai tort, mais selon l'information la plus récente, ces questions ne représentent tout simplement pas encore une partie assez importante de l'éducation et de la formation de nos professionnels de la santé. Pour les médecins, tenir compte des besoins en soins palliatifs et apprendre comment y répondre ne représente qu'une petite partie de leur formation médicale globale.
Le rapport du groupe fédéral contient des chiffres ahurissants concernant les spécialistes en soins palliatifs au Canada. Compte tenu de cela, la situation est encore plus difficile que nous l'avions constaté. Nous devons former plus de gens. Nous avons besoin de plus de spécialistes en soins palliatifs, mais nous devons aussi former les gens en tant que membres d'équipes, afin qu'ils sachent mieux comment répondre aux besoins en soins palliatifs dans le cadre de leur spécialité, qu'il s'agisse d'infirmiers ou d'infirmières, de psychothérapeutes, d'oncologues ou autres. C'est le premier élément.
Puis, naturellement, il faut que les Canadiens soient mieux éduqués. Il y a diverses façons de le faire, mais il faut notamment travailler à accroître nettement la planification préalable des soins au pays. Au Canada, moins de la moitié des personnes qui meurent du cancer ont un plan préalable de soins.
Le plan préalable de soins ne fait pas qu'énoncer les circonstances dans lesquelles vous devez être ranimé ou ressuscité; il traite de la progression possible de votre maladie et des types de choix que vous et votre famille pourriez devoir faire. Je pense que c'est la meilleure façon de garantir que les gens prennent des décisions claires et informées ainsi que de maximiser la qualité de leur vie restante.
Je regardais cela, l'autre jour. En fait, j'ai une subvention concernant le vieillissement et la démence, et dans les domaines du vieillissement, de la démence et des soins de fin de vie, la formation fait douloureusement défaut, en particulier pour ce qui est des personnes autochtones. Je siège au Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, et je peux vous dire qu'en général, il manque de formation dans les domaines des soins de fin de vie et des soins palliatifs.
Je pense qu'il faut en faire des priorités, particulièrement en ce qui concerne les Autochtones. La sécurité culturelle en général fait partie de cela. Les besoins sont élevés pour toutes ces choses. Pour que la CVR fasse ces recommandations et pour que nous ayons ces recommandations en main, il nous faut simplement former plus d'Autochtones, mais il nous faut aussi plus de médecins autochtones. Nous devons aussi vraiment former les médecins que nous avons actuellement de sorte qu'ils comprennent la réalité dans les collectivités autochtones.
Il y a en fait deux volets. Beaucoup de travail nous attend des deux côtés. J'espère que je m'explique bien.
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Je vais attendre d'être sénateur.
Des voix: Oh, oh!
M. Gabriel Miller: Je dois être honnête avec vous. J'imagine, d'après ce que j'ai vu, qu'il y a beaucoup de préoccupations concernant la division que ce sujet peut causer. De toute évidence, quand vous comptez sur les dons, vous vous inquiétez de ce que pensent ceux qui vous soutiennent. Cependant, je pense qu'il y a aussi une véritable ambivalence au sein de l'organisation.
Je dois dire, en tant que personne qui n'est pas immergée dans cette question depuis longtemps, que je trouve frappante l'impression d'une rapide cristallisation des opinions au pays. Les conversations que j'entends en ville maintenant portent principalement sur le « comment ». Je pense qu'il y a cinq ou six ans, il était davantage question du « si ».
Franchement, la Société canadienne du cancer vit la même chose que bien des Canadiens et doit elle aussi faire la paix avec cette idée, puis trouver des réponses à ses questions et à ses doutes sur le sujet.
Je dois aussi ajouter ce que j'ai dit à des gens: vaincre le cancer est déjà un bien gros rôle. Nous n'avons pas à résoudre toutes les questions des mortels de l'univers, et nous devons laisser d'autres gens décider de certaines choses.
:
D'après moi, cela dépend des collectivités, honnêtement, mais je pense que pour commencer, il faudrait que les médecins et les cliniciens comprennent vraiment le pouvoir et les problèmes systémiques. Il y a beaucoup de problèmes systémiques que les gens ne veulent pas reconnaître. En réalité, la sécurité culturelle porte sur la reconnaissance des systèmes de pouvoir et sur la compréhension des incidences que la colonisation continue d'avoir. Savoir et comprendre cela signifie que vous pouvez alors apprendre comment établir des liens avec les collectivités.
C'est alors que vous pouvez créer des liens avec les collectivités et que vous pouvez ouvrir les voies de communication de manière à comprendre les besoins de la collectivité concernant l'aide médicale à mourir. Si vous ne pouvez pas faire cela, vous n'aurez pas de succès. Vous ne saurez pas quels sont ces besoins. Les besoins vont être très différents. Il n'y aura pas une grande différence avec les questions de soins de fin de vie et de soins palliatifs. En fait, je pense que ce sera plus délicat.
Si les médecins ont de la formation sur la compréhension des problèmes à la source, des problèmes systémiques bien ancrés, ils pourront ouvrir les voies de communication. Le problème numéro un que nous avons — c'est ce que les infirmiers et infirmières nous disent —, c'est qu'ils ne savent pas comment amorcer la discussion. Ils craignent d'offenser les gens avec lesquels ils travaillent. Ils n'en savent pas assez à leur sujet. Ils ne comprennent pas les besoins spirituels. Ils ne savent pas pourquoi ils doivent faire de la purification. Ce sont toutes ces choses qui comptent.
S'ils peuvent dès le début comprendre toutes ces choses, les voies de communication s'ouvriront. Cela créera un environnement sécuritaire pour les gens des Premières Nations, les Métis ou les Inuits avec lesquels ils travaillent, et cela va nettement faciliter leur travail.
:
Je vais d'abord vous parler de l'incidence des soins palliatifs insuffisants sur n'importe quel patient. Nous parlerons ensuite un peu plus de l'effet de cela sur une personne qui a ce problème particulier.
Les soins palliatifs sont conçus pour protéger la qualité de vie du patient et de sa famille. Il est facile d'oublier, je crois, la mesure dans laquelle notre système est fondé sur la prestation de services dans des hôpitaux où l'on cherche à vaincre une maladie en particulier ou à traiter un mal particulier.
Ce système, laissé à lui-même, peut faire en sorte que la douleur de certaines personnes n'est pas gérée efficacement; que leurs symptômes, de la déshydratation à la démence en passant par la nausée, peuvent avoir des effets de plus en plus négatifs sur leur qualité de vie et sur leur capacité de penser clairement; et que leur désespoir, leur anxiété et leur peur devant leur propre mortalité ou devant la douleur qui accompagne une maladie grave peuvent avoir un effet profond sur leur perspective. Il y a aussi bien évidemment comme facteur leur capacité d'obtenir des soins en étant entourés de leurs proches, dans un contexte communautaire, plutôt que d'être dans une salle d'urgence ou une unité de soins intensifs, là où ils peuvent être vraiment séparés des gens dont ils ont besoin autour d'eux.
Je pense que nous voyons tous intuitivement la mesure dans laquelle ces facteurs peuvent influer sur le bien-être et l'état d'esprit d'une personne. De plus, on a démontré que cela produit un effet sur l'issue de leurs problèmes médicaux. Les gens qui reçoivent des soins palliatifs efficacement ont de meilleurs résultats, surtout si les soins palliatifs commencent tôt. Je pense que nous pouvons tous comprendre comment une perspective positive et une saine attitude, sans dépression ou anxiété, peut faciliter les efforts pour enrayer des problèmes physiques.
Je n'ai pas de rapport de recherche ou d'expertise me permettant d'établir un lien entre cela et l'aide à mourir, mais je pense à ce qui a été dit dans le document de consultation que le groupe a préparé. En fait, je vais citer Dying with Dignity: « Personne ne devrait avoir à choisir l'aide à mourir parce que le système de santé n'a pas d'autres options à offrir ». Et « Les Canadiens ne veulent pas que l'aide à mourir devienne l'option préférée simplement parce que d'autres options, comme des soins palliatifs de grande qualité, ne sont pas accessibles ».
Je pense qu'il faut que nous comprenions que l'un des principes rassembleurs, dans tout cela, c'est que nous souhaitons autant que possible aider les gens à surmonter leurs souffrances et à relever les défis que cela comporte grâce à des soins et à du soutien. Si qui que ce soit doit choisir la mort parce que cela n'est pas accessible, c'est une tragédie.
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Certainement. La professeure voudra peut-être ajouter des choses à ma réponse ou la corriger.
Nous voyons les soins palliatifs au sens large, puisque nous croyons vraiment qu'ils doivent commencer dès qu'une personne reçoit un diagnostic de maladie grave. Les soins palliatifs sont des soins axés sur la qualité de vie du patient, et ce genre de question émerge au moment où la personne reçoit un diagnostic de maladie grave. Dès lors, elle doit commencer à composer avec énormément d'incertitude. Elle doit faire partie prenante de la planification de son traitement. Il peut très bien y avoir des symptômes à soulager dès les premiers traitements. Bien sûr, plus la fin de la vie approche, plus les enjeux deviennent pressants, parce que le temps qui reste est sacré et que c'est une course contre la montre.
Concrètement, les soins palliatifs sont dispensés par toute une équipe et non par un seul spécialiste. Cette équipe peut comprendre un spécialiste des soins palliatifs. Elle peut aussi comprendre un médecin de famille, un psychologue, une infirmière, un préposé. Toutes ces personnes doivent suivre la même partition pour respecter les choix que le patient a faits dans la planification de ses soins.
L'équipe met véritablement l'accent sur trois choses. Il y a d'abord la gestion de la douleur et des symptômes, qui devient très complexe, comme tout le monde le sait, étant donné l'éventail des médicaments et des traitements administrés. Il y a ensuite le soutien psychologique et émotionnel. Nous savons tous, alors que la Semaine de sensibilisation à la santé mentale vient de se terminer, qu'il y a une grande interaction entre la santé mentale et la santé physique. Enfin, nous souhaitons mentionner la participation du patient aux décisions clés, y compris sur le lieu des soins. Cela sous-entend que les patients aient l'option de recevoir des soins dans leur communauté ou à domicile, lorsque c'est médicalement possible, puisque c'est habituellement moins cher également pour le système.
:
Au risque que nous ayons l'air de nous liguer contre vous, j'aimerais revenir à certains arguments présentés par le sénateur Joyal. Nous connaissons tous les statistiques sur l'accès aux soins palliatifs et savons qu'il faut offrir de meilleurs soins palliatifs partout au pays, mais ce n'est pas la question que nous devons examiner aujourd'hui. Vous avez demandé à comparaître ici ce soir pour nous aider dans une tâche bien précise, c'est-à-dire formuler des recommandations au gouvernement en réponse à l'arrêt de la Cour suprême du Canada.
Cet arrêt porte sur l'aide à mourir et non sur l'accès à d'autres choses. Il n'y a personne parmi nous qui voit l'aide médicale à mourir comme une alternative aux soins palliatifs. Personne.
Cependant, si l'on se fie à l'expérience internationale en matière d'aide médicale à mourir, et je n'ai pas tous les chiffres devant moi, il semble que dans tous les pays où l'on compile des données et rédige des rapports sur le sujet depuis des années, les patients atteints de diverses formes de cancer sont les principaux utilisateurs de cette option. Si c'est bel et bien le cas, je suis vraiment étonné que la Société canadienne du cancer, qui a tellement fait du bon travail en la matière, ne soit pas prête à nous aider à nous acquitter de la tâche qui nous incombe.
Je pense en particulier au consentement et aux directives anticipés. Je sais, de par mon expérience d'avocat, combien de directives anticipées j'ai pu rédiger pour des clients atteints d'un cancer et inquiets du pronostic.
La Société canadienne du cancer y a sans doute réfléchi. N'avez-vous donc aucun conseil à nous donner sur les enjeux qui nous occupent aujourd'hui? Je suis certain que tous les parlementaires réunis ici seraient pour une plus grande accessibilité aux soins palliatifs, mais ce n'est pas faisable. Nous devons remettre un rapport au gouvernement d'ici la fin du mois sur des questions très précises. J'espérais que vous seriez prêts à nous aider à nous attaquer à ces questions ce soir.
:
C'est sur cette note que s'achève la séance d'aujourd'hui. Nous avons dépassé un peu le temps imparti en raison de l'absence du troisième groupe de témoins que nous espérions entendre.
Je tiens à remercier nos témoins d'aujourd'hui.
Avant de clore officiellement la séance, j'ai quelques informations à communiquer aux membres du Comité.
Je vous avise que la séance de demain devrait se tenir selon l'horaire prévu, de 17 h 30 à 20 h 30. Nous devrions respecter cet horaire. Cependant, il pourrait y avoir des votes mercredi et jeudi, donc nous allons essayer d'adapter notre horaire en conséquence. Nous allons informer tous les membres dès que nous aurons une confirmation à l'égard des votes. Le cas échéant, nous allons essayer de commencer les séances plus tôt, au lieu de les prolonger en soirée. Pour ce qui est de vendredi, je tiens à nous rappeler que nous avons deux séances à huis clos, une de 9 heures à 11 heures, l'autre de 12 h 30 à 14 h 30.
C'est donc l'horaire prévu. Il y a maintenant quelques certitudes, mais il reste des incertitudes quant à l'heure à laquelle nos séances commenceront mercredi et jeudi. C'est tout.
Sur ce, je déclare la séance levée.