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PDAM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir


NUMÉRO 003 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 25 janvier 2016

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

     Chers collègues, nous avons le quorum. Je déclare la séance ouverte.

[Français]

     J'aimerais vous souhaiter la bienvenue à la troisième rencontre du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.

[Traduction]

     Vous ne voulez certainement pas entendre cette voix durant toute la séance, donc mon coprésident a gentiment accepté de présider les délibérations d'aujourd'hui. Je remercie Rob très chaleureusement.
    Je vous cède la parole, Rob.
    S'il y a un médecin dans la pièce, veuillez garder un oeil sur le sénateur.
    Des voix: Oh, oh!
    Le coprésident (M. Robert Oliphant): Je vous souhaite la bienvenue à la troisième séance du Comité. Nous souhaitons la bienvenue à nos témoins.
    Je vais d'abord donner la parole au sénateur Joyal.
     Merci, monsieur le président.
    Je veux simplement rappeler aux honorables membres du Comité que le Sénat est une chambre indépendante du Parlement et que nous avons le droit, en vertu de la Loi constitutionnelle, d'y exercer un second examen objectif. Par conséquent, je ne me sens pas lié par les conclusions de ce comité ni par ses rapports dans l'exercice de notre devoir constitutionnel, que nous a rappelé la Cour suprême du Canada en avril 2014.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur.
    Le Comité en prend bonne note. Je pense que nous avons déjà établi une excellente relation de travail au sein du Comité, le premier comité mixte depuis une vingtaine d'années à être désigné comité parlementaire spécial. Je me réjouis à l'idée du premier et du second examens que vous ferez dans le cadre de nos travaux.
    Nous souhaitons la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui. Le premier groupe nous vient du ministère de la Santé. Nous recevons deux fonctionnaires: la sous-ministre adjointe, Mme Hoffman, ainsi que la gestionnaire de la Division des soins chroniques et continus, Mme Harper.
    Nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous remercions d'avoir accepté de témoigner devant le Comité malgré un préavis relativement court. Nous nous mettons en marche assez rapidement. Nous savons que vous faites un travail important chaque jour, donc nous vous remercions de participer à cette réunion.
    Vous avez environ 10 minutes pour nous présenter votre exposé, après quoi les membres du Comité auront 35 minutes pour vous interroger.
    Bonjour à tous, je vous remercie de me donner la possibilité de prendre la parole aujourd'hui sur cette question importante.

[Français]

    La semaine dernière, mes collègues du ministère de la Justice ont fait un résumé de l’arrêt dans la cause Carter et donné un aperçu des enjeux essentiels, surtout en ce qui a trait au Code criminel.

[Traduction]

    Aujourd'hui, j'aimerais aborder certains des facteurs clés du point de vue du secteur de la santé que le Comité voudra peut-être retenir pour formuler ses recommandations. Mes propos portent sur des enjeux auxquels devront réfléchir les décideurs aux trois niveaux de responsabilité: le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les organismes de réglementation de la médecine, qui fonctionnent selon les mandats que leur confèrent leurs gouvernements provinciaux et territoriaux respectifs. Je commenterai chacune de ces questions.
    Permettez-moi de commencer par le gouvernement fédéral. De façon générale, il a les responsabilités suivantes en matière de santé: établir les principes nationaux du système de santé du Canada, tel que le prévoit la Loi canadienne sur la santé, et faire le suivi du respect de ces principes; offrir un financement de base à l'appui des provinces et des territoires par le Transfert canadien en matière de santé; réglementer l'accès aux marchés pour les médicaments et les appareils médicaux, ainsi que les prix des médicaments brevetés; assurer le financement et la prestation de certains soins de santé pour des groupes spécifiques; exercer un leadership et assurer la prestation de programmes dans un éventail de domaines reliés à la santé, y compris la santé publique, la recherche en santé, les statistiques et l'innovation en santé.
    Les responsables du portefeuille fédéral en santé ont déjà commencé à réfléchir aux incidences de l'aide médicale à mourir dans plusieurs de ces domaines. Par exemple, s'il existait des différences significatives dans l'accès à l'aide médicale à mourir entre provinces et territoires, il pourrait y avoir les contestations devant les tribunaux en vertu des principes d'universalité et d'accessibilité de la Loi canadienne sur la santé. Il pourrait aussi y avoir des questions par rapport aux régimes fédéraux de réglementation des médicaments en vertu de la Loi sur les aliments et drogues — plus précisément sur la question de savoir si les médicaments utilisés dans le cadre de l'aide médicale à mourir doivent être approuvés par les autorités de réglementation à cette fin précise, ainsi que la façon de s'assurer que ces médicaments sont utilisés de manière appropriée. De plus, dans le cas des médicaments contrôlés, il faudra déterminer si des modifications réglementaires en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances seront nécessaires si ces médicaments sont utilisés en fin de vie au lieu de servir à traiter un état de santé.

[Français]

     Le gouvernement fédéral a aussi des obligations en matière de prestation des services de santé aux populations dites sous responsabilité fédérale, comme les Premières Nations, les Inuits, les membres des Forces armées, les anciens combattants, la Gendarmerie royale du Canada, les prisonniers des institutions fédérales et certaines catégories d'immigrants et de réfugiés. Il faudra procéder à une harmonisation du cadre fédéral et des cadres adoptés par les provinces et les territoires pour l'aide médicale à mourir afin d'appuyer l'accès à ce service pour ces groupes.

[Traduction]

    Le gouvernement fédéral est aussi responsable de la compilation des données provinciales et territoriales du registre des statistiques vitales dans une base de données nationales ainsi que de la publication des résumés annuels sur les décès. Cette fonction pourrait contribuer à la collecte et à la publication de données nationales sur l'aide médicale à mourir.
    Au cours de ses travaux, le Comité devra s'attendre à entendre plusieurs points de vue au sujet des soins palliatifs. Le jugement Carter a suscité de nombreux appels à l'amélioration des soins palliatifs au Canada, tant par ceux qui les voient comme une alternative à l'aide médicale à mourir que par ceux qui les voient comme une partie intégrante du spectre des options de soins en fin de vie. Le besoin de meilleurs soins palliatifs a trouvé écho dans les rapports du comité externe fédéral et du groupe consultatif provincial-territorial d'experts.
    Afin de contribuer à la qualité et la pérennité du système de santé, le gouvernement fédéral a financé un certain nombre d'initiatives, en partenariat avec les provinces, les territoires et les organisations non gouvernementales vouées à la santé, pour assurer l'avancement de la formation, la conscientisation, les normes nationales et la recherche en matière de soins palliatifs. Ces initiatives, conjointement avec les activités des provinces et des territoires, contribuent à améliorer l'accès aux soins palliatifs. Cependant, il est estimé qu'environ 70 % des Canadiens n'ont pas accès à ces soins, particulièrement ceux qui habitent en milieu rural et éloigné. De plus, bon nombre de fournisseurs n'ont pas reçu de formation sur la prestation de soins palliatifs.
    Par le processus relié au nouvel accord en santé, le gouvernement fédéral a l'intention d'investir 3 milliards de dollars au cours des quatre prochaines années afin d'assurer aux Canadiens des soins à domicile plus nombreux et de meilleure qualité. Nous nous attendons à ce qu'une partie de cet argent serve à améliorer les soins palliatifs dans divers contextes et à ce que ce soit l'une des priorités de ce nouvel accord.
(1110)
    La semaine dernière, lorsque les ministres de la Santé fédéral, provinciaux et territoriaux se sont réunis à Vancouver, ils ont reconnu l'attrait d'une approche uniforme en matière d'aide médicale à mourir. Les provinces et les territoires font appel au gouvernement fédéral pour obtenir des précisions sur des questions comme les types d'aide médicale à mourir qui seront permis, ainsi que l'admissibilité — sujets qui, on peut le supposer, seront abordés à l'aide de modifications au Code criminel.
    Les provinces et les territoires cherchent également un terrain d'entente sur des questions comme le temps d'attente approprié entre une demande et la prestation de l'aide médicale à mourir; la façon de protéger la liberté de conscience des prestataires de soins sans trop restreindre l'accès des patients à un médecin pour obtenir de l'aide à mourir; la collecte, le suivi et la publication de données et la recherche. Ce sont là autant de sujets qui devraient idéalement faire l'objet d'approches pancanadiennes dirigées ou coordonnées par le gouvernement fédéral.
    Selon la portée qu'aura la réponse fédérale, les provinces et les territoires devront étudier un large éventail de questions pour décider de la forme que prendra la mise en oeuvre de l'aide médicale à mourir. Une approche fédérale relativement ciblée, se limitant à des changements minimes au Code criminel, offrirait aux provinces et aux territoires une plus grande marge de manoeuvre pour prendre leurs propres décisions sur les enjeux législatifs, réglementaires et stratégiques importants. Par contre, une approche fédérale élargie contribuerait à assurer une plus grande uniformité à l'échelle du pays. Mais, dans l'un ou l'autre scénario, les provinces et les territoires, les ordres des médecins et les établissements de soins de santé ont du pain sur la planche.
    Les provinces et territoires devront établir, entre autres, puisque cela relève de leur champ de compétence, les procédures de demande, d'approbation et de prestation de l'aide à mourir; les endroits où ces services seront offerts, soit dans les établissements, à domicile, dans les hospices ou les centres de soins de longue durée; ainsi que des mesures de protection des personnes vulnérables, si le cadre fédéral n'en prévoit pas suffisamment. La mise en place de processus transparents de collecte des données, de surveillance et de production de rapports sera aussi importante, ainsi que l'établissement des peines en cas de non-conformité aux exigences législatives.
     Les provinces et les territoires pourront aussi investir dans des initiatives pour améliorer l'accessibilité et la sensibilisation à la planification préalable des soins, aux soins palliatifs et aux autres options de soins en fin de vie. Dans le cas de la planification préalable des soins, la question de savoir si des personnes pourraient établir ce genre de directives pour exprimer leur préférence pour une mort médicalement assistée bien avant de recevoir le diagnostic d'une maladie admissible est une question complexe que les provinces et les territoires seraient avisés d'aborder de façon concertée et uniforme.
    D'autres questions relèvent entièrement des compétences provinciales et territoriales: la question de savoir si I'aide médicale à mourir devrait être traitée comme un service de santé assuré selon les régimes d'assurance-maladie publics des provinces et des territoires; la façon dont les professionnels de la santé devraient être remboursés pour avoir participé à de l'aide médicale à mourir; l'assurance-responsabilité des professionnels de la santé; la question de savoir si les lois actuelles en matière de consentement, de capacité et d'âge de la majorité sont applicables à l'aide médicale à mourir ou si elles méritent des modifications; la réglementation sur les enquêtes, les rapports et les suivis concernant les décès, qui découle habituellement des lois sur les coroners provinciaux; les modifications nécessaires à la réglementation sur l'assurance-vie.
    Le travail effectué par le Québec peut aider à la mise en oeuvre de l'aide médicale à mourir dans le reste du pays. La loi du Québec concernant les soins de fin de vie établit un droit aux soins de fins de vie (incluant l'aide médicale à mourir sous forme d'euthanasie volontaire), un régime de planification préalable des soins et une commission sur les soins de fin de vie qui sera responsable de la surveillance et des rapports. Le Québec a aussi élaboré une stratégie afin d'augmenter l'accès à des soins palliatifs de qualité, il a préparé des lignes directrices de pratique clinique sur l'aide médicale à mourir, en plus de se doter d'outils et de formations à l'intention des processionnels de la santé sur le sujet.
    Bien que les provinces et les territoires soient les ultimes responsables de la prestation des soins de santé, ils ont délégué leurs pouvoirs en matière d'exercice de la médecine et de régime disciplinaire des fournisseurs de soins de santé à des ordres professionnels autonomes tels que les ordres des médecins, des pharmaciens et des infirmières. Ces ordres professionnels devront déterminer comment guider, former, réglementer et discipliner leurs membres dans un régime de soins de fin de vie qui comprend l'aide médicale à mourir.
(1115)
    Alors que certaines pratiques, telles que l'évaluation de la compétence et du consentement informé qui en découle sont déjà des pratiques médicales courantes, les besoins propres à l'aide médicale à mourir devront sûrement faire l'objet de nouveaux protocoles et de formation.
    Enfin, je vais vous toucher quelques mots sur les rôles des organismes de réglementation médicale.
    La plupart des collèges des médecins et des chirurgiens provinciaux ont publié des guides à l'intention de leurs membres sur l'aide médicale à mourir ou sont en train d'en préparer. Ces lignes directrices indiquent que les provinces et les territoires s'orientent vers une approche commune, mais aussi qu'il y a des points de divergence importants. Parmi les points de divergence, on trouve l'âge de consentement, les approches différentes pour définir et déterminer si un état est « grave et irrémédiable » et cause des « souffrances persistantes », les responsabilités qui entrent en jeu lorsqu'un professionnel de la santé exerce sa liberté de conscience et la résidence à titre de critère d'admissibilité, entre autres.
    Les rapports du comité externe fédéral et du groupe consultatif d'experts soutiennent l'idée qu'il faut éviter d'adopter des approches disparates sur l'aide médicale à mourir au Canada. D'une perspective fédérale, un certain degré de similitude au niveau provincial et territorial serait en accord avec les valeurs sous-jacentes de la Loi canadienne sur la santé, c'est-à-dire que tous les Canadiens devraient avoir un accès comparable aux services de soins de santé dont ils ou elles ont besoin sans discrimination sur une base financière ou géographique.
    Un régime uniforme aurait aussi pour effet de procurer aux prestataires de services un degré de certitude tout en évitant que les personnes qui désirent de l'aide médicale à mourir aillent mourir dans une autre province ou un autre territoire parce que ce service n'est pas offert dans leur province ou leur territoire d'origine, ou qu'il y est offert selon des conditions plus restreintes. Mais surtout, cette uniformité rassurerait les Canadiens admissibles, qui auraient accès à de l'aide médicale à mourir, peu importe leurs moyens ou leur lieu de résidence.

[Français]

     J'espère que ces propos vous auront été utiles pour comprendre les divers niveaux de responsabilité dans le domaine de la santé pour ce qui est de l'aide médicale à mourir. Même si les modifications au Code criminel prépareront le terrain en vue d'en arriver à une approche uniforme en matière de prestation de l'aide médicale à mourir au Canada, afin de réaliser une uniformité raisonnable, il serait essentiel que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, ainsi que les autorités de réglementation de la médecine, collaborent entre eux.

[Traduction]

    N'hésitez pas à me poser vos questions. Je ferai de mon mieux pour y répondre ou, si cela m'est impossible, pour les transmettre à des experts qui pourront y répondre.
    Merci.
    Merci, madame Hoffman.
    Allez-y, madame Shanahan.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Hoffman, je vous remercie beaucoup de votre témoignage.
    Pouvez-vous nous parler de la terminologie et de la différence entre les termes utilisés pour les grandes catégories en ce qui concerne l'aide médicale à mourir? Pouvez-vous également nous parler des différences entre les termes français et anglais?

[Traduction]

    Je vous remercie de cette question.
    Me demandez-vous quelle est la distinction entre les définitions de ces termes dans les deux langues ou me demandez-vous simplement de faire la distinction entre l'euthanasie et le suicide assisté?
    Oui, l'euthanasie. Nous observons différents termes dans les rapports, donc j'aimerais que vous nous parliez un peu de la façon dont votre ministère compte les interpréter.
    Je pense que la première chose à dire, c'est que nous avons établi, de manière générale, que nous considérons que la Cour suprême a défini l'euthanasie et le suicide assisté dans son arrêt. D'ailleurs, je sais que mes collègues du ministère de la Justice vous en ont parlé en détail l'autre jour.
    Je pense que l'une des distinctions les plus importantes à faire, c'est probablement tout simplement que l'euthanasie est en fait un acte posé directement, dans ce cas-ci, par un fournisseur de soins médicaux légitime et autorisé, qui a la responsabilité directe et personnelle de prendre des mesures pour précipiter la mort d'une personne. Pour sa part, le suicide assisté fait intervenir le fournisseur de soins de manière importante, mais en bout de ligne, c'est en fait la personne qui désire mettre fin à ses jours qui s'administre le médicament destiné à précipiter sa mort. Dans les faits, la distinction la plus importante tient donc à la personne qui prodigue des conseils et qui administre le médicament destiné à précipiter la mort.
    À l'intérieur de ces catégories, vous trouverez dans différents rapports des descriptions de l'euthanasie volontaire, de l'euthanasie involontaire, etc., mais ce sont là des sous-catégories de ces deux différences fondamentales.
(1120)
    D'accord.

[Français]

     J'ai une deuxième question à poser.
     Pouvez-vous nous parler un peu du travail que fait votre ministère avec la province de Québec pour ce qui est du projet de loi no 52?

[Traduction]

    Eh bien, je pense que c'est relativement simple. Jusqu'à maintenant, un groupe de travail fédéral-provincial-territorial a été établi pour faciliter la collaboration entre les deux responsables de la santé et de la justice aux deux ordres de gouvernement. Le Québec se montre très ouvert à échanger beaucoup d'information et de documentation pertinentes avec lui, parce qu'il est déjà bien plus avancé dans son travail sur la question que les autres gouvernements du pays, on le comprend. Je dirais que jusqu'ici, le Québec a, à juste titre, fait entendre clairement qu'il a sa propre loi et son propre régime en place. Il n'est pas officiellement membre de ce groupe de travail, mais il l'aide beaucoup, particulièrement en appuyant les responsables du dossier dans les autres provinces et territoires.

[Français]

    J'aimerais revenir à la première question.
    Avez-vous remarqué des différences importantes entre les termes français et les termes anglais?

[Traduction]

    Pouvez-vous nous en parler?
    Bien honnêtement, je ne suis pas certaine de pouvoir vous en parler. Je ne connais pas très bien la question, mais je dirai simplement qu'à la lecture de la loi du Québec et des commentaires exprimés dans les rapports des comités provincial-territorial ou fédéral, il semble que ce soit un enjeu. Je ne voudrais absolument pas laisser entendre que ce n'en est pas un, mais ce n'est pas une chose qui a retenu notre attention jusqu'ici.
    Vous êtes donc très à l'aise avec le terme « aide médicale à mourir ».

[Français]

    L'aide médicale à mourir, c'est l'équivalent.

[Traduction]

    Je pense que oui.
    Dans le rapport du comité fédéral, il y a toute une analyse terminologique, qui me semble constituer un excellent point de départ et qui témoigne de ce que toutes les différentes parties ont dit au comité fédéral dans leurs discussions sur les distinctions terminologiques. Beaucoup de ces distinctions se rapportent à l'incidence potentielle de ces termes sur la profession médicale ou sur la relation entre le patient et le médecin. Le comité dresse un excellent portrait de la situation.
    C'est le tour de M. Cooper.
    Merci infiniment de cet exposé, madame Hoffman. J'aimerais revenir à la question des soins palliatifs, dont vous avez brièvement parlé.
    La présidente de l'AMC a dit, à la lumière de l'arrêt Carter, que l'accessibilité des soins palliatifs était absolument essentielle, et c'est effectivement une recommandation qui ressort des rapports qu'ont préparés les experts sur le sujet.
    La Chambre des communes a adopté la motion 456 en septembre 2014, qui avait été déposée par le député de Timmins—Baie James, M. Angus, quant à l'établissement d'une stratégie pancanadienne de soins palliatifs. Seriez-vous en mesure de nous expliquer un peu les mesures prises depuis, s'il y en a, afin d'établir une stratégie pancanadienne de soins palliatifs?
    Merci.
    Tout d'abord, comme je l'ai dit dans mon exposé, il ne fait aucun doute que les discussions qui ont suivi la décision de la Cour suprême dans l'affaire Carter ont réellement éclairé la question des soins palliatifs, mais bien avant ces événements, notre ministère souhaitait vivement mener des travaux dans ce domaine. Par exemple, nous avons amorcé plusieurs initiatives avec l'Association canadienne de soins palliatifs dans certains des secteurs que j'ai mentionnés dans mon exposé.
    Est-ce que tout cela a mené à ce qu'on pourrait appeler une stratégie nationale intégrée? Pas encore, mais comme je l'ai également mentionné dans mon exposé, en raison de l'intérêt manifesté, nous nous attendons à ce que la question des soins palliatifs soit au coeur de nos discussions avec les provinces et les territoires sur les soins à domicile et en milieu communautaire qui feront partie du nouvel accord sur la santé.
    Sharon, aimeriez-vous ajouter quelque chose au sujet des initiatives entreprises par le ministère jusqu'ici?
(1125)
    Je crois que je peux parler brièvement de deux initiatives qui ont été financées ces dernières années.
    La première concerne l'Association canadienne de soins palliatifs et s'appelle « Allez de l'avant ». Cette initiative permet à différents paliers de gouvernement de conjuguer leurs efforts pour élaborer une approche intégrée visant les soins palliatifs dans tous les domaines de prestation de soins de santé. On peut trouver des renseignements à cet égard dans Internet; nous serons heureux de vous fournir des renseignements sur ce site Web si cela peut vous être utile.
    L'autre initiative en cours concerne Pallium Canada. Cet organisme offre de la formation aux formateurs et appuie la formation des fournisseurs de soins de santé de première ligne en ce qui a trait à la prestation des soins palliatifs dans plusieurs milieux de soins de santé. Si vous le souhaitez, nous pouvons vous fournir des renseignements supplémentaires à cet égard.
    Merci.
    Je vous remercie de ces renseignements.
    Je crois que de nombreuses questions liées aux soins palliatifs sont de compétence provinciale. Toutefois, je pense qu'on a largement reconnu que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer en ce qui concerne la formulation des exigences relatives aux politiques et des lignes directrices et les enjeux liés aux normes en matière de soins de santé. Pourriez-vous nous parler des mesures prises pour aborder ces questions avec les gouvernements provinciaux et territoriaux?
    Il vous reste une minute.
    Je ne suis pas en position de fournir des renseignements sur un grand nombre d'activités déjà menées dans ce domaine, car cela ne s'est pas produit, mais je crois que la question sera certainement abordée dans le cadre de l'entente sur la santé.
     Allez-y, monsieur Rankin.
    Merci, monsieur le président. J'aimerais également remercier les témoins.
    Madame Hoffman, j'aimerais revenir sur un point que vous avez fait valoir, c'est-à-dire que la Loi canadienne sur la santé contient les principes d'intégralité et d'accessibilité. La Bibliothèque du Parlement nous a informés qu'on reconnaît généralement que le Parlement peut financer des enjeux qui, sur le plan législatif, relèvent des provinces.
    En ce qui concerne les transferts globaux, c'est-à-dire les subventions conditionnelles dont vous avez parlé, j'aimerais savoir si le gouvernement fédéral envisage d'exiger, par l'entremise d'une politique, que les provinces assurent l'accessibilité à ce service pour recevoir des fonds fédéraux.
    Je doute que nous en venions à prescrire, comme condition au financement fédéral, les types de soins qui doivent être fournis par une personne ou par les provinces et les territoires de façon collective. En général, même si la Loi canadienne sur la santé mentionne les soins médicalement nécessaires, il revient aux provinces de les définir. En effet, pour recevoir du financement fédéral par l'entremise du Transfert canadien en matière de santé, les provinces et les territoires ont l'obligation de fournir des services « médicalement nécessaires », mais comme je l'ai précisé, la Loi ne définit pas cet élément.
    Le plus souvent, lorsque certaines formes de prestation de services gagnent en popularité et sont largement pratiquées dans la plupart des provinces, si une province a choisi de ne pas fournir ce service dans certaines circonstances, le gouvernement fédéral pourrait en discuter avec ses représentants. Le principe d'intégralité vise la prestation de services conformément à la norme en matière de prestation de soins généralement acceptée au pays.
(1130)
    Comme c'est arrivé dans le cas d'autres services, si une certaine province n'offrait pas ce service, vous pourriez exercer — ou non — votre pouvoir de retenir des fonds?
    Permettez-moi de préciser que la retenue de fonds représente le dernier moyen de défense. On aurait de nombreuses interactions et discussions avec cette province bien avant d'avoir recours à la retenue de fonds.
    Sans entrer dans les détails de la Loi canadienne sur la santé, habituellement, on retient des fonds et on effectue des déductions dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé lorsqu'il y a des frais d'utilisation ou une surfacturation, c'est-à-dire lorsque l'un des principes est soi-disant enfreint. Si on ne fournissait pas l'accès à l'aide médicale à mourir dans un milieu où la loi le permet alors qu'elle est fournie dans la plupart des autres provinces, on pourrait, en théorie, faire valoir qu'il s'agit d'une infraction à l'un des principes de la Loi canadienne sur la santé, mais il faut passer par un très long processus pour qu'une telle infraction réelle ou présumée entraîne des sanctions pécuniaires.
    On énonce également, par convention, un processus visant les interactions et les efforts de médiation auprès d'une province ou d'un territoire où le respect des principes contenus dans la Loi canadienne sur la santé fait l'objet d'un différend.
    Vous avez parlé d'infractions et de sanctions liées au non-respect des principes. Pouvez-vous nous fournir un exemple d'une province ou d'un fournisseur qui n'aurait pas offert ce service?
    Je présume que cela pourrait se produire avec le temps. Comme je l'ai mentionné, on pourrait faire valoir que si la norme en matière de soins et de soins en fin de vie au pays est d'offrir l'aide médicale à mourir et qu'une province choisit de ne pas mettre en oeuvre le régime approprié, une personne pourrait avoir des recours. En effet, elle pourrait faire valoir qu'il s'agit d'une violation des droits conférés par la Charte. Elle pourrait également faire valoir que son gouvernement provincial ou territorial ne respecte pas les principes énoncés dans la Loi canadienne sur la santé.
    J'ai posé la question, car il est difficile, pour une personne, d'intenter des poursuites devant les tribunaux. À mon avis, comme vous l'avez dit, le gouvernement fédéral a des responsabilités liées à l'intégralité et à l'accessibilité des soins. La Loi prévoit des sanctions et la capacité de retenir des fonds, et je m'attends donc à ce que cela se produise.
    Je ne fais que souligner que les questions liées aux principes contenus dans la Loi canadienne sur la santé sont visées par un long processus, contrairement aux frais d'utilisation et à la surfacturation. En effet, il faut passer par un long processus avant d'arriver aux sanctions pécuniaires — mais oui, au bout du compte, ces mesures sont prévues.
    Très brièvement — il me reste seulement 30 secondes —, vous avez mentionné, à la fin de votre exposé, qu'on offrait une protection de la responsabilité aux professionnels en matière de soins de santé et vous avez parlé de questions liées à l'assurance-vie. Laissez-vous entendre que le gouvernement fédéral aurait également un rôle à jouer dans ce domaine ou cela se limite-t-il simplement aux provinces?
    Non, ce n'est pas ce que je dis. À mon avis, nous jugerions qu'il s'agit d'une responsabilité provinciale. Je crois qu'il s'agit simplement de savoir si les gouvernements devraient examiner ces questions de façon collective, afin d'échanger des renseignements et d'adopter des approches communes.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à la sénatrice Seidman.
    Dans son rapport, le groupe de travail externe a laissé entendre que le Canada avait l'occasion de devenir un chef de file dans l'élaboration d'un système de surveillance pour l'aide médicale à mourir. La collecte de données, la surveillance efficace et le signalement s'appuyant sur la rigueur scientifique permettent de protéger l'intégrité du processus. Selon les membres du groupe de travail, il faudrait consacrer beaucoup de temps et d'attention à cet objectif. Ils ajoutent que les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral devraient collaborer afin d'éviter le chevauchement.
    Madame Hoffman, vous avez laissé entendre, dans votre exposé, que Santé Canada pourrait avoir un rôle à jouer à cet égard. J'aimerais avoir votre avis sur les pouvoirs et les responsabilités liés à ce type de surveillance. Quel type de structure de gouvernance devrait-on mettre en place?
    Tout d'abord, je crois que cela se produirait seulement si les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral souhaitaient la mise en oeuvre de ce processus. Chaque province et territoire — comme c'est le cas dans certains États des États-Unis et dans d'autres pays où l'on offre l'aide médicale à mourir — mettrait en oeuvre ses propres mécanismes pour recueillir les données et examiner les cas d'aide médicale à mourir après les faits. De toute façon, plusieurs États exigent déjà le signalement des décès et ces données font au moins l'objet de rapports statistiques.
    Dans ce cas-ci, il serait intéressant de savoir si une fonction de surveillance intégrée suscite l'intérêt — et je m'attends à ce que la question soit soulevée au sein du groupe de travail fédéral-provincial-territorial. Même si Santé Canada pourrait assumer la responsabilité de cette fonction, je crois qu'il serait probablement plus logique qu'elle revienne à un organisme indépendant et que cette activité soit menée en collaboration avec les agences de données et de statistiques sur la santé, par exemple Statistique Canada, l'Institut canadien d'information sur la santé, etc.
    Je crois qu'actuellement, il ne s'agit certainement pas d'une proposition que Santé Canada envisage de mettre en oeuvre unilatéralement. Toutefois, il semble que le rapport mentionne un intérêt soutenu envers ce que j'appellerais un mécanisme de surveillance, mais il s'agirait également d'un organisme qui recueillerait des renseignements sur des cas d'aide médicale à mourir au pays dans le but d'examiner les circonstances en jeu et d'aider à résoudre certaines questions, par exemple la définition de problèmes de santé « irrémédiables », la possibilité d'élaborer des lignes directrices pour les praticiens, etc.
    Je crois que nous jugerions qu'il s'agit de quelque chose d'utile, surtout au début de la mise en oeuvre d'un régime lié à l'aide médicale à mourir au Canada.
(1135)
    Jugeriez-vous qu'il s'agit également d'une façon de fournir une sorte de mécanisme intégré pour évaluer de façon continue le fonctionnement du système et pour apporter des changements potentiels?
    Si ce mécanisme avait d'autres fonctions que la cueillette de statistiques — et je crois que certains experts ont fait valoir ce point —, les rapports qu'il produirait sur ces cas mèneraient effectivement à des recommandations sur la façon d'améliorer le régime.
    S'il me reste assez de temps, j'aimerais poser une autre question.
    Lorsque les représentants du ministère de la Justice ont comparu devant le Comité la semaine dernière, ils ont dit que le Canada se trouvait dans une situation assez unique en ce qui concerne les compétences, car notre Code criminel contient des enjeux de compétence fédérale alors que la santé relève des provinces et des territoires. Ils ont dit que cela présentait des défis importants dans l'élaboration et l'application de la loi.
    Pourriez-vous nous donner une idée de ces défis? Dans votre exposé, vous avez surtout fait référence à l'accès uniforme à l'échelle du pays.
    Tout d'abord, comme les représentants du ministère de la Justice semblent l'avoir dit, la santé est un domaine à responsabilité partagée. Le Code criminel pourrait jeter les bases de certains enjeux. Je crois également qu'il serait souhaitable que le produit de la consultation et du dialogue entre les deux paliers de gouvernement et les organismes touchés présente une certaine cohérence. Pour y arriver, il faudra utiliser l'interaction, le dialogue et les ententes plutôt que la voie législative.
    La parole est maintenant au sénateur Cowan.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins d'avoir comparu aujourd'hui. J'aimerais poursuivre la discussion en cours.
    Nous sommes tous conscients des problèmes liés à la compétence en ce qui concerne le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les organismes de réglementation des professionnels du milieu médical. Pourriez-vous nous parler un peu des mécanismes qui encadrent actuellement les discussions?
    Je présume que ces organismes et ces entités ne travaillent pas en vase clos et qu'il y a des discussions continues. Nous sommes au courant des réunions ministérielles fédérales-provinciales, mais vous avez parlé d'un groupe de travail. Pourriez-vous nous en parler davantage et nous préciser les progrès qui ont été accomplis pour déterminer les secteurs qui sont visiblement de compétence fédérale — selon le point de vue du Comité — ou les secteurs dans lesquels les provinces et les territoires aimeraient que le gouvernement fédéral agisse à titre de partenaire de coordination ou de facilitation? Pourriez-vous nous en parler plus en détail?
    Je vais tout d'abord préciser quelque chose. Je pense qu'en général, on souhaite assurer une approche uniforme. C'est une première chose.
    Pour ce qui est des mécanismes actuels, vous avez parlé des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Santé. Ils se rencontrent chaque année, et dans certaines situations, plus souvent. Un groupe de sous-ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux se réunissent très régulièrement, en personne ou par téléconférence. À certaines périodes, ils communiquent ensemble chaque semaine ou toutes les deux ou trois semaines. Ce sont eux qui ont autorisé la création du groupe de travail fédéral-provincial-territorial, qui regroupe des gens de tous les ordres de gouvernement et des secteurs de la santé et de la justice qui souhaitent participer.
    Jusqu'à maintenant, le groupe a tenu des discussions, mais pour être franche, je dirais qu'elles ont été quelque peu perturbées étant donné qu'on ne sait pas exactement quelle sera la portée du cadre législatif fédéral de l'aide médicale à mourir, en supposant qu'il y en aura un. Il est très difficile pour ce groupe de personnes compétentes de discuter des conséquences concernant la mise en oeuvre et la prestation de l'aide médicale à mourir sans savoir à quoi ressemblera le régime légalement établi.
    Néanmoins, et si l'on tient compte en particulier de l'échéancier très serré, nos travaux sont sur le point de reprendre. Du côté du secteur de la santé, je représente le gouvernement fédéral au sein du groupe. Nous reprendrons nos travaux bientôt en faisant des suppositions, dans une certaine mesure, sur la forme que prendra le régime en définitive. Par la suite, nous examinerons les répercussions sur les provinces et les territoires.
    Concernant les organismes de réglementation du milieu médical, il y a tous les organismes professionnels d'autoréglementation pour les infirmières, les pharmaciens, les physiciens, etc., dans les provinces. Il y a également un organisme national, soit la Fédération des ordres des médecins du Canada. Je suppose que des représentants témoigneront probablement devant votre comité. Ils peuvent vous parler du travail que leur organisme fait auprès de ses membres partout au pays. Ces gens essaient de s'orienter vers des approches communes même si, comme je le disais, ils ne savent pas à quoi ressemblera le régime législatif au bout du compte. L'Association médicale canadienne, comme d'autres organisations, fait quelque chose de similaire. De nombreux intervenants sur le terrain participent aux consultations et aux discussions et sont en train de préparer des orientations, entre autres, dans l'espoir d'assurer une uniformité.
    Je ne sais pas si je réponds à votre question sur ce qui relève exclusivement du gouvernement fédéral. Il s'agit manifestement d'éléments liés au Code criminel. À part cela, c'est une question de jugement et de volonté de collaborer.
(1140)
    Je parlais du fait qu'il s'agit d'un enjeu énorme qui comprend des aspects comportant des questions de champs de compétences.
    Par suite des discussions en cours, pouvez-vous nous aider à cibler deux, trois ou quatre aspects pour lesquels on s'attend clairement à ce que le fédéral joue un rôle moteur?
    Je dirais qu'il faut d'abord déterminer s'il s'agit d'euthanasie et de suicide assisté ou l'un ou l'autre. Des questions se posent sur le droit à la liberté de conscience et la façon dont il devrait être respecté ainsi que sur les incidences du respect de ce droit en ce qui concerne l'accès. Il y a aussi des questions touchant l'admissibilité, l'âge, et les précisions supplémentaires concernant les critères établis par la Cour suprême sur les souffrances, les problèmes de santé irrémédiables ou graves, etc. L'idée d'inclure les maladies mentales suscite beaucoup de controverse. C'est donc lié aussi.
    Merci. Si vous avez une autre liste, je suis sûr que le sénateur serait ravi de l'obtenir.
    Puisqu'il ne nous reste environ qu'une ou deux minutes, plutôt que de céder la parole à quelqu'un d'autre, j'aimerais poser une question.
    Selon Santé Canada, quelle est la différence entre l'euthanasie volontaire et l'aide médicale à mourir? Je ne suis pas sûr que votre réponse m'a permis de comprendre. Je comprends ce qu'est l'euthanasie involontaire, mais la différence entre l'euthanasie volontaire et l'aide médicale à mourir, parce que les deux...
    Pouvez-vous répondre à ma question?
(1145)
    J'imagine que l'aspect le plus évident, c'est que pour ce qui est de l'aide médicale à mourir, il pourrait s'agir d'informer quelqu'un des moyens dont il dispose pour accélérer sa mort, pourvu qu'une personne a suivi toutes les étapes voulues concernant les capacités, le consentement informé, etc. Pour ce qui est de l'euthanasie, le personnel médical autorisé administre les médicaments, généralement, qui causeraient la mort.
    Or, il peut s'agir des deux.
    Je dirais que l'euthanasie volontaire est une forme d'aide médicale à mourir.
    D'accord. Merci.
    Merci beaucoup. Je remercie les témoins.
    Nous allons suspendre la séance pour trois minutes afin de préparer la vidéoconférence. Comme nous sommes nombreux, je veux dire aux gens qu'ils peuvent se lever. Nous espérons avoir des chaises supplémentaires, mais puisque la séance est télédiffusée, vous pouvez la regarder dans la salle C-160 si vous voulez vous asseoir. Cependant, vous pouvez également rester ici. Merci.
    Nous prenons une pause de trois minutes. Nous remercions les témoins.

(1150)
    Nous reprenons la séance.
    Monsieur Hogg, je vous remercie de comparaître devant nous aujourd'hui.
    Dans cette deuxième partie de la séance, nous accueillons M. Peter Hogg, qui disposera de 10 minutes pour faire son exposé. Par la suite, nous entendrons MM. Marc Sauvé et Jean-Pierre Ménard, qui témoignent par vidéoconférence et qui se partageront 10 minutes.
    Nous allons tout d'abord écouter l'exposé de M. Hogg. Après les deux exposés, nous passerons aux questions.
    J'ai soumis un mémoire au Comité. Je crois que vous avez également reçu la version traduite. Je n'ai soumis le tout que vendredi, car je disposais d'un court préavis. Mon exposé suivra mon mémoire écrit, et je serai bien sûr disposé à répondre à vos questions par la suite.
    Pour ce qui est de mes qualifications, je suis avocat de droit constitutionnel et je n'ai pas d'expérience dans le domaine de l'aide médicale à mourir, alors l'aide que je peux apporter au Comité se limite aux questions constitutionnelles. Mon exposé suit la chronologie exacte de la décision de la cour. Je ne vous lirai pas la décision, car je présume que vous l'avez déjà suffisamment entendue — sinon, ce serait probablement une bonne idée de lire les arguments exacts qu'elle a invoqués.
    Dans son jugement, la cour a déclaré que l’alinéa 241b) — le fait de conseiller le suicide ou d’y aider —, et l’article 14 — les dispositions relatives au consentement — du Code criminel sont nuls dans la mesure où ils prohibent l’aide de médecin pour mourir — c'est la formulation employée par la cour, qui n'a pas établi de distinction entre « euthanasie » et « suicide médicalement assisté » — à une personne adulte capable qui 1) consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui 2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition.
    Le Canada, sous l’ancien gouvernement, s’est opposé au jugement pour le motif qu’il était impossible d’établir des garanties efficaces pour éviter les erreurs et les abus. Le consensus général était que s'il n'y avait aucun moyen de prévenir les erreurs ou les abus, alors le suicide médicalement assisté ne pouvait manifestement pas constituer une option. La cour a toutefois confirmé la conclusion rendue en première instance, sur la base de l’expérience d’autres gouvernements, selon laquelle il est possible de concevoir des garanties efficaces. La juge de première instance n'a pas défini ses garanties, mais elle a indiqué des données démontraient bien qu'il était possible d'en établir.
    La déclaration d’invalidité a donc été retardée d’un an. Et depuis, comme vous le savez, cette période a été prolongée de quatre mois. L'idée est de permettre au Parlement ou aux provinces de concevoir et de mettre en oeuvre les garanties appropriées. Le rôle du Comité, bien sûr, est de proposer les lois nécessaires au Parlement.
    Vous êtes tous au courant de la répartition des compétences en matière de santé. Le droit criminel est de compétence fédérale, et tout régime de garanties que vous pourriez recommander serait valide sur le plan du droit pénal, car il serait incorporé au Code criminel. C'est essentiel pour que les dispositions sur l'aide médicale à mourir soient applicables.
    Cependant, le dossier de l'aide médicale à mourir est aussi de compétence provinciale, et j'ai déjà entendu beaucoup de questions aujourd'hui sur les limites à respecter. Voici ce que je peux vous dire à ce propos: bien que le Québec ait déjà adopté une loi sur les soins en fin de vie — et je suis persuadé qu'elle vous sera très utile pour rédiger la loi fédérale —, il est très important de savoir que rien ne garantit que toutes les provinces en feront autant; le Comité devra donc concevoir une loi applicable partout au pays, même si toutes les provinces ou tous les territoires n'adoptent pas leur propre loi à cet égard.
    Autrement dit, la loi fédérale devrait se suffire en soi et être applicable dans une province qui n'aura pris aucune mesure en ce sens. D'une certaine façon, il est donc un peu inutile de trop s'en faire avec la répartition exacte des pouvoirs entre les provinces et le gouvernement fédéral. Vous devrez établir des garanties qui pourraient s'appliquer même dans les provinces où rien n'a été fait. C'est primordial, selon moi, car si le Parlement adopte une loi qui serait invalide dans une province qui n'a pas sa propre législation en la matière, la population de cette province pourrait se voir refuser le droit de recourir à l'aide médicale à mourir, alors que la Cour suprême leur a accordé ce droit. C'est un point de vue qu'on ne peut ignorer.
    L'autre point que je soulève dans mon mémoire est que même si on souhaiterait que toutes les provinces adoptent une législation uniforme, il est fort probable que cela n'arrivera pas. Vous pourriez cependant recommander l'intégration à la loi nationale d'une « disposition d'équivalence » établissant que, si le ministre fédéral de la Santé ou le gouverneur en conseil — selon le cadre choisi — est convaincu qu'une province ou un territoire donné a mis en place les garanties nécessaires équivalant en substance aux garanties fédérales, la loi fédérale n'a pas à s'appliquer.
     On éviterait ainsi les chevauchements entre la loi fédérale et les lois provinciales. De plus, en l’absence d’une disposition d’équivalence, les litiges qui pourraient découler de ces chevauchements seraient très complexes et réglés selon le principe de la prépondérance fédérale. Ce n'est pas souhaitable du tout. Je crois qu'une disposition d'équivalence permettrait d'éviter de telles situations.
    Dans mon mémoire, je donne deux exemples de précédents à ce sujet. Le premier porte sur la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels, qui contient une disposition établissant que si le gouverneur en conseil est convaincu qu’une loi provinciale est essentiellement similaire à la partie de la loi fédérale applicable, la province est exemptée de l’application de celle-ci. Des décrets ont été adoptés pour l’Alberta, la Colombie-Britannique et le Québec. Il est donc parfaitement clair et transparent que la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels est supplantée par la législation provinciale dans ces trois provinces.
    La Loi canadienne sur la protection de l'environnement contient une disposition semblable. J'y fais également référence dans mon mémoire. Sa portée est plus limitée. Elle établit que, dans les cas où le ministre et le gouvernement provincial conviennent par écrit que la province a une loi équivalente à ce qui est prévu par le gouvernement fédéral, le gouverneur en conseil peut, par décret, déclarer que la province est exemptée de l’application de la réglementation fédérale.
(1200)
    Pourriez-vous conclure, s'il vous plaît?
(1205)
    Oui.
    C'est le seul argument que je souhaite présenter. J'ajoute seulement qu'il existe d'autres précédents. C'est une façon très sage de composer avec le chevauchement des compétences, et le Comité doit savoir que c'est une solution qui existe et qu'on y a déjà eu recours.
    Merci beaucoup, monsieur Hogg.
    C'est maintenant au tour du Barreau du Québec.
     Monsieur Sauvé.

[Français]

    Je m'appelle Marc Sauvé. Je suis le directeur du Service de recherche et législation au Barreau du Québec. Je suis accompagné de Me Jean-Pierre Ménard, un avocat reconnu au Québec pour son expertise en matière de droit de la santé. Me Ménard a été membre du groupe de travail du Barreau du Québec sur la question de mourir dans la dignité en 2010. Il a aussi présidé le comité de juristes d'experts désignés par le gouvernement du Québec pour étudier la mise en oeuvre des recommandations de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité de l'Assemblée nationale. Le rapport de ce comité d'experts a été déposé le 15 janvier 2013.
    Le Barreau n'a pas arrêté de position sur les amendements que le législateur fédéral pourrait apporter au Code criminel pour donner suite à la décision de la Cour suprême dans l'affaire Carter. Le Barreau conserve donc toute sa marge de manoeuvre pour commenter un futur projet de loi sur ce sujet.
    Je cède la parole à Me Ménard afin de lui permettre d'apporter aux membres du comité un éclairage sur les enjeux juridiques associés aux diverses options touchant la législation.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du Comité, essentiellement, nous travaillons depuis 2009 sur la question de l'aide médicale à mourir dans le contexte constitutionnel canadien. Le Barreau du Québec remercie donc le Comité de son invitation.
    Ce matin, nous voulons simplement vous transmettre un certain nombre d'idées sur la manière dont le Comité devrait aborder ces questions. Tout d'abord, il y a une contrainte de temps qui est importante. Par ailleurs, cette question est extrêmement complexe et extrêmement large.
    Il faut bien comprendre ce que la Cour suprême a décidé dans l'affaire Carter. Elle a simplement décidé que deux articles du Code criminel contrevenaient à la Charte et a donné un an au gouvernement fédéral — plus quatre mois, maintenant — pour que le Code criminel soit modifié afin qu'il se conforme à la Charte. La priorité à court terme est donc de modifier le Code criminel.
    Par ailleurs, il est clair que la question de l'aide médicale à mourir va au-delà du strict Code criminel. Dans ce contexte, je souscris à l'analyse du professeur Hogg selon laquelle cela touche beaucoup d'autres questions qui sont principalement de compétence provinciale.
    Quand nous avons examiné de quelle manière nous pouvions mettre en oeuvre ce que la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité de l’Assemblée nationale avait établi après son examen de cette question, nous avons tenté de voir si, dans le cadre des compétences constitutionnelles du Québec, la province avait les pouvoirs suffisants pour rédiger une loi qui pourrait répondre à la demande des citoyens. Nous avons conclu qu'elle avait bel et bien l'espace suffisant à cet égard.
    Malgré le fait que la démarcation nette entre les compétences fédérales et provinciales ne soit pas parfaitement établie, on croyait qu'à la lumière de la jurisprudence établie, il y avait un espace pour les provinces, et même un espace assez important. Dans ce contexte, il est clair que le gouvernement fédéral voulait légiférer et aller plus loin que le Code criminel. Cela peut être intéressant parce qu'il est clair qu'il est important que les citoyens canadiens aient un accès comparable — mais peut-être pas égal — d'un bout à l'autre du pays. Il est clair qu'il faut trouver le processus par lequel on peut y arriver.
    Le problème que peut poser une loi fédérale sur cette question est que cette loi peut être très près des questions que le comité désigné par le précédent gouvernement avait établies. Par exemple, si le fédéral rédige une loi qui traite des soins palliatifs, qui traite des contrôles, qui traite de la formation des médecins et de ce genre de choses, on est carrément dans des champs de compétence provinciaux. Il est clair que toute loi fédérale qui porte sur ces questions pourrait facilement faire l'objet d'une contestation juridique de nature constitutionnelle par des gens qui s'opposent à ce qu'on aille de l'avant dans ce domaine.
    Pour nous, l'important, à court terme, est que le fédéral modifie le Code criminel. Cela peut se faire très rapidement et très simplement en instaurant des exceptions aux articles 14 et 241 prévoyant que ces articles ne s'appliquent pas lorsqu'une personne sollicite l'aide médicale à mourir dans les conditions établies par la Cour suprême. À court terme, on pourrait se satisfaire de cela.
    Si on veut aller plus loin, je pense que le premier processus à envisager devrait être basé sur une discussion fédérale-provinciale puisque les provinces ont la principale compétence sur toutes les questions qu'on vient d'évoquer. Je pense que ce serait peut-être le processus le plus sécuritaire à envisager.
    On peut aussi envisager d'adopter une loi d'exception. Cela peut certainement se défendre sur le plan constitutionnel, mais je crois qu'on ouvrirait alors la porte à des débats et à une remise en question peut-être plus facilement.
    L'expérience du Québec a démontré qu'une loi traitant de la question de l'aide médicale à mourir pouvait avoir des garanties suffisantes. Celles-ci ne sont pas l'apanage des provinces. Les garanties proviennent aussi du Parlement canadien, notamment par l'entremise du Code criminel. C'est une première série de garanties, mais une autre série de garanties relève plutôt des provinces. Il y a les règles de consentement, de contrôle et ainsi de suite.
    Essentiellement, puisque le médecin pose cet acte, le processus le plus simple pour en contrôler la qualité est le contrôle de l'activité des médecins. Dans chaque province, il y a un collège des médecins très sensible à ces choses et tout à fait en mesure d'assumer cette responsabilité. De plus, les provinces peuvent aussi créer d'autres organismes sur leur territoire pour contrôler le processus.
     Je ne pense pas qu'il soit pertinent que le gouvernement fédéral crée un mécanisme de contrôle canadien parce que les questions de proximité sont importantes. Évidemment, tout le contrôle de la pratique médicale est ici en cause. Il est donc clair que cela pourrait être difficile pour le Parlement du Canada de légiférer en ce sens.
(1210)
     Le droit à l'aide médicale à mourir est maintenant devenu un droit constitutionnel pour tous les citoyens canadiens. Le débat n'est plus de savoir s'il s'agit d'une bonne chose ou non. Ce n'est pas non plus un droit assujetti à l'existence d'autres conditions autres que celles énoncées par la Cour suprême. Les provinces, les collèges de médecins et le Parlement canadien peuvent ajouter d'autres conditions, mais cela ne devrait pas avoir pour effet de vider ces choses de leur contenu.
    À court terme, ce qui est important, c'est qu'on modifie le Code criminel. Si l'on veut aller plus loin, il serait utile de scinder le processus. D'abord, il faut qu'on réponde à l'arrêt de la Cour suprême par l'entremise du Code criminel. Ensuite, il s'agit de prendre le temps d'établir un cadre plus général en vue de consulter les Canadiens. On pourra alors établir un deuxième processus législatif qui, lui, ne serait pas assujetti au délai établi par la Cour suprême. Ce processus visera à compléter ce qu'énonce déjà le Code criminel. De cette façon, cela nous donnerait du temps pour mener un débat plus large.
    Concernant les conditions, lorsque le gouvernement fédéral a demandé à la Cour suprême d'obtenir une prolongation du délai, on a dit qu'il était important d'établir des règles pour réglementer le comportement et déterminer quels actes sont autorisés ou non. La Cour suprême répond déjà en bonne partie à ces questions. Quant à la question de savoir qui a accès à l'aide médicale et à quelles conditions, la Cour suprême y a déjà répondu. Il y a aussi la réglementation des acteurs. On a parlé des médecins et des institutions où la mort de la personne surviendra.
    La Cour suprême a établi un premier régime de base. Pour le moment, on peut se satisfaire de ce régime. Y a-t-il lieu de le bonifier et de l'étendre aux mineurs? Qu'en serait-il des personnes majeures qui sont inaptes? Devrait-on permettre aux gens d'avoir accès à l'aide médicale à mourir seulement dans les hôpitaux ou également en dehors des hôpitaux? Des personnes autres que les médecins pourraient-elles donner cette aide? Ce sont des débats plus larges et, à mon avis, il n'est pas nécessaire de résoudre ou de trancher ces questions.
    À court terme, occupons-nous du Code criminel. On pourrait le modifier très simplement et très rapidement sans changer des choses fondamentales et s'assurer de négocier avec les provinces. En cas d'échec, la loi générale pourrait être pertinente. Il est clair que si l'on adopte une loi générale sans faire participer les provinces, on ouvrira la porte à de solides contestations constitutionnelles. C'est pour cette raison que je pense qu'à court terme, il serait préférable de se restreindre.
    S'agissant des garanties, on pourrait s'inspirer de la loi du Québec puisque celle-ci offre un excellent processus à cet égard. Il n'est pas parfait et ce n'est pas la seule possibilité, mais il représente le fruit d'une expérience de six ans d'analyse, d'examens et de débats publics et juridiques. Il peut donc être une source d'inspiration. Plusieurs provinces regardent déjà ce qu'a fait le Québec et il y a lieu d'en profiter.
    Cela met fin à mes commentaires. Il me fera plaisir de répondre aux questions des membres du comité.
    Messieurs Ménard et Sauvé, je vous remercie.

[Traduction]

    Nous poursuivons les questions avec M. Arseneault.
(1215)

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Messieurs Ménard et Sauvé, je vous remercie du précieux temps que vous avez accordé à notre comité.
    J'ai une question toute simple et j'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.
    À court terme, il faut répondre à l'arrêt Carter. En somme, il faut modifier le Code criminel, ce qui se fait simplement. Comment concevez-vous le fait de simplement modifier le Code criminel sur le plan de la rédaction du texte législatif ou d'amendements?
    Les articles 14 et 241 n'ont pas été invalidés au complet. Ils ont été invalidés dans la mesure où ils se rapportent à l'aide médicale à mourir. Alors, on peut très bien ajouter un paragraphe. J'y vais de la façon la plus simple, mais on pourrait raffiner l'analyse.
    Si on était pressés et qu'on voulait juste s'aligner sur la Cour suprême et sur la Charte, on pourrait prévoir une exception touchant les articles 14 et 241 qui pourrait être de même nature. Je n'ai pas fait l'exercice final de rédaction, mais on pourrait prévoir que ces dispositions ne s'appliquent pas à une personne majeure apte qui demande l'aide médicale à mourir à un médecin et qui est dans un état respectant les conditions prévues par la Cour suprême.
    Ce serait là le plus petit commun dénominateur qu'on pourrait atteindre à très court terme. Il est clair qu'on peut raffiner cette exception pour prévoir, entre autres, qu'elle s'applique à la condition que l'action du médecin soit compatible avec la loi provinciale ou peu importe. On pourra toujours ajouter d'autres éléments. C'est ce qu'il faudrait faire si on veut aller au plus pressant et prendre notre temps pour en débattre par la suite. À ce stade-ci, le danger qu'il faut éviter est de faire comme le dit le dicton: « Qui trop embrasse mal étreint ».
    Minimalement, on peut faire cela. On peut aussi ajouter des règles relativement à l'accès à l'aide médicale à mourir. Par exemple, devrait-on limiter cette aide aux citoyens canadiens pour éviter le tourisme euthanasique? Y a-t-il d'autres règles auxquelles on peut penser? À la base, on peut quand même établir des limites.
     Justement, si on décidait de s'en tenir à une modification du paragraphe du Code criminel qui est concerné par l'affaire Carter, y aurait-il un danger, selon vous? En voulant respecter ce jugement, risque-t-on de trop en mettre et d'empiéter dans les sphères provinciales et territoriales?
    En ce qui a trait à une exception au Code criminel, il est clair, selon moi, qu'il s'agit d'une compétence fédérale. C'est la raison pour laquelle l'exception n'a pas besoin d'être décrite trop largement et de comporter trop de détails.
    Néanmoins, le fait de dire que le Code criminel empiète jusqu'à un certain degré sur la loi provinciale ne constitue pas une hérésie et M. Hogg pourra le confirmer. On peut faire cela à court terme, ce qui n'empêche pas le gouvernement fédéral de discuter avec les provinces, par exemple au sujet d'une législation uniforme. On l'a fait dans d'autres domaines du droit de la santé, par exemple en ce qui a trait au don d'organes et à ce genre de choses. On a essayé, d'un commun accord, d'uniformiser les lois partout au pays et cela s'est fait jusqu'à un certain degré. Ce ne serait donc pas la première fois qu'on parlerait d'uniformiser des lois. Cette possibilité existe donc si on veut répondre à l'exigence législative de la Cour suprême.
    Par ailleurs, à côté de cela, il y a aussi soit une loi d'exception, soit une négociation avec les provinces pour en venir à un régime plus large et plus vaste qui développerait la notion de garanties, qui développerait des règles d'accessibilité, de contrôle et ainsi de suite. Je pense qu'on peut faire l'un et l'autre. Faut-il tout faire dans le même projet de loi? Il y a aussi une question de temps et de contenu à gérer.
    Merci, maître Ménard.
    Il me reste une minute.
    Professeur Hogg, je vous remercie de votre présence parmi nous aujourd'hui.

[Traduction]

     Je ne suis pas de cet avis. Je crois que modifier le Code criminel de façon à intégrer l'ordonnance de la cour ne respecte pas le jugement de la Cour suprême, parce que, souvenez-vous, l'argument invoqué contre cette solution était qu'il n'y avait pas de garanties pour prévenir les erreurs ou les abus.
    Je pense que le Comité doit concevoir et adopter un amendement au Code criminel. Je suis d'accord avec M. Ménard là-dessus. Cependant, le Code criminel comporte des articles très détaillés, notamment en ce qui a trait aux dispositions interdisant le jeu et les paris, ou peu importe, alors je crois qu'il est du devoir du Comité de concevoir une loi semblable à celle du Québec pour amender le Code criminel.
    Je répète qu'il ne faut pas tenir pour acquis que les provinces vont toutes fidèlement reproduire cette loi sur leur territoire. Certaines d'entre elles ne le feront pas; je pense donc que vous devez prévoir un cadre législatif, et pas seulement à court terme, mais quelque chose qui va perdurer et permettre à tous les citoyens du pays de recourir à l'aide médicale à mourir en toute sécurité, grâce à des mesures de protection appropriées.
(1220)
     Merci, monsieur Hogg.
    Monsieur Warawa, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Hogg, je reviens sur vos commentaires concernant les dispositions d'équivalence et le fait que toutes les provinces n'adopteront peut-être pas de loi à cet égard. Vous dites qu'il devrait y avoir un régime fédéral pour combler cette lacune, et que dans les provinces ayant légiféré, les lois provinciales auraient préséance, pourvu qu'elles soient équivalentes au régime fédéral.
    Oui, elles devraient équivaloir en substance au régime fédéral, sans être identiques. L'idée est de respecter les compétences provinciales, pourvu qu'elles établissent des garanties adéquates.
     Merci.
    Ce qui pose notamment problème, c'est l'accessibilité des soins de santé. J'ai demandé à la Bibliothèque du Parlement de me fournir des statistiques sur la disponibilité des médecins de famille par province. Dans certaines régions du Canada, un très grand nombre de citoyens n'ont pas accès à un médecin de famille. Lors de discussions précédentes, quelqu'un avait suggéré que les demandes d'aide médicale à mourir devraient être référées par un médecin de famille, mais bon nombre de Canadiens n'ont même pas de médecin de famille.
    Nous avons entendu les représentants de l'Association médicale canadienne. Un médecin a indiqué ceci dans le rapport de l'AMC: « Ma plus grande crainte est que l'accès aux injections légales devienne plus facile que l'accès aux soins palliatifs... » On nous a dit que seulement 30 % des Canadiens y avaient accès. C'est donc dire que 70 % des Canadiens ne peuvent pas bénéficier de soins palliatifs. L'accès à ces soins varie d'une province à l'autre.
    Au sujet de l'accès aux soins palliatifs, un des médecins a indiqué qu'« une perception de soi négative et la crainte d'être un fardeau pour les autres peuvent souvent inciter les patients à envisager le suicide médicalement assisté et l'euthanasie ». Si une des raisons poussant les gens à opter pour l'aide médicale à mourir est l'accès déficient aux soins palliatifs — la situation n'est pas partout la même au Canada, et vous proposez un régime fédéral —, pensez-vous que sous un régime fédéral, les euthanologues ou les spécialistes qui guident les personnes vers le suicide ou qui administrent l'euthanasie devraient détenir un permis de pratiquer?
    Non, je ne pense pas que vous pourriez établir un tel régime tout en respectant le jugement de la Cour suprême. La Cour suprême parle d'aide médicale à mourir. Vous ne pourrez pas régler tous les maux et toutes les incohérences qui affligent les différents systèmes de santé au pays, et je pense que vous devez respecter le cadre de base établi par la Cour suprême, qui prévoit entre autres l'intervention de personnes autres que des médecins. Évidemment, les pharmaciens et d'autres intervenants seront mis à contribution, mais le consentement du patient devra être confirmé par un médecin. C'est ce que le tribunal a décidé.
    Ce sont des choses que nous ne pouvons pas vraiment... le jugement ne tient pas du tout compte des conditions propres à chacune des provinces et à chacun des territoires.
(1225)
    Merci, monsieur Hogg.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste une minute.
    Merci.
    À quoi pourrait ressembler le régime fédéral, selon vous, si les provinces ne participaient pas au processus? Dans une province où aucune loi en ce sens n'a été adoptée, des médecins spécialistes ne pourraient pas offrir les services d'aide médicale à mourir.
    Je n'ai pas dit que les provinces ne pourraient pas participer au processus, mais en l'absence d'un régime provincial d'aide médicale à mourir, le régime fédéral serait le seul cadre à suivre. Ce régime doit pouvoir être applicable et prévoir des garanties adéquates contre les erreurs ou les abus.
    Je crois que tout cela reste très vague. Dans les provinces qui n'ont pas légiféré en ce sens, il n'existe pas d'autre régime que le régime fédéral, qui lui ne prévoit pas de spécialistes pour administrer les doses létales de médicaments.
    Voulez-vous dire un agent du gouvernement fédéral pour autoriser l'administration de doses létales de médicaments?
    J'essaie simplement de comprendre en quoi consiste votre proposition.
    Un médecin qui pratique dans une province où il n'y a pas de régime provincial d'aide à mourir devra suivre la loi fédérale, qui s'appliquera aussi à sa province.
    M. Mark Warawa: Merci.
    La parole est à M. Rankin, puis ce sera à Mme Sansoucy.
    Monsieur Hogg, merci beaucoup d'être ici aujourd'hui.
    Vos précisions nous seront très utiles en ce qui a trait au côté pragmatique du problème, dans un contexte où certaines provinces n'ont pas de cadre législatif en place et où le gouvernement fédéral doit essentiellement combler les lacunes. Vous avez parlé d'équivalence et vous nous avez donné deux exemples de précédents au gouvernement fédéral.
    J'aimerais savoir jusqu'où le Parlement pourrait aller, en vertu de la Constitution, pour créer un régime exhaustif qui prévoit des mesures de protection pour les plus vulnérables, sans pour autant empiéter sur les compétences provinciales. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il s'agit d'un droit constitutionnel et que nous devons le faire respecter à l'échelle du pays, mais sur le plan pratique, je pense à la responsabilité des professionnels de la santé, aux assurances-vie et à ce genre de choses.
    Est-ce que le gouvernement fédéral, en modifiant le Code criminel, pourrait exiger que soit établi un tel régime?
     Quand il est question d'assurance-vie et de responsabilité, je ne suis pas certain que le gouvernement fédéral pourrait légiférer ces choses dans le cadre du Code criminel. Vous êtes limités à établir les mesures de protection qui garantiraient le fonctionnement du régime, même si certaines provinces n'ont pas légiféré en la matière, et je crois que cela exclut effectivement certains enjeux relatifs aux soins de santé.
    Par exemple, je ne crois pas que votre comité pourrait formuler des recommandations concernant la législation des soins palliatifs. À mon avis, cela va au-delà de votre mandat. Mais il se peut très bien que le gouvernement fédéral puisse intervenir par l'entremise de la Loi canadienne sur la santé ou d'un autre instrument.
    Très bien.
    Je vais partager mon temps avec Mme Sansoucy.

[Français]

    Ma question s'adresse à Me Ménard.
    M. Hogg nous a bien dit que le rôle de notre comité était de s'assurer que tous les Canadiens puissent se prévaloir du droit d'obtenir une aide médicale à mourir. Dans sa recommandation no8, le groupe consultatif provincial-territorial d'experts sur l'aide médicale à mourir recommande qu'un autre professionnel de la santé agissant sous la direction d'un médecin ou d'une infirmière praticienne soit autorisé à fournir une aide médicale à mourir.
    D'après vous, quels obstacles pourraient empêcher une infirmière, un infirmer ou un autre professionnel de la santé d'assurer la prestation de l'aide médicale à mourir, surtout en regard de notre perspective? En effet, on disait ce matin que chaque Canadien et Canadienne, peu importe son lieu de résidence, devrait avoir accès à l'aide médicale à mourir. Or on sait que le déploiement n'est pas le même dans toutes les régions.
    Quels obstacles empêcheraient d'autres professionnels de la santé d'assister les médecins?
(1230)
     Au Québec, on s'est posé la question parce que cette pratique était réservée aux médecins. On s'est demandé si elle pouvait être assumée par d'autres intervenants. Les conditions médicales pour obtenir l'aide médicale à mourir impliquent absolument la participation d'un médecin, par exemple pour le diagnostic d'une maladie grave et incurable. Il faut s'assurer aussi que les souffrances sont intolérables et qu'elles ne peuvent pas être soulagées par des moyens qui sont tolérables pour la personne. Cela suppose nécessairement une évaluation médicale. C'est en effet le médecin qui connaît les critères à cet égard.
     Cela limitait beaucoup la possibilité de recourir à d'autres professionnels pour prendre la décision. En ce qui a trait à l'exécution, on a voulu éviter que le médecin établisse une prescription et laisse cela à d'autres. On a donc décidé que le médecin serait engagé personnellement, à savoir qu'il administrerait lui-même l'aide médicale et serait auprès du patient pour gérer les complications le cas échéant. En effet, certaines complications peuvent dépasser nettement la capacité d'intervention d'une infirmière ou d'un pharmacien. C'est le médecin qui dispose du plus grand nombre de moyens pour agir dans de tels cas.
    Pour ce qui est de la gestion purement médicale de l'acte, les conditions relatives à l'indication, l'obtention du consentement éclairé et l'évaluation de l'aptitude à consentir sont au Québec des conditions nécessaires à l'obtention de l'aide médicale à mourir. En outre, le Québec a comme critère la notion de fin de vie, ce qui n'est pas le cas pour ce qui est de la Cour suprême.
    Toutes ces notions exigent pour l'essentiel une évaluation médicale. Le médecin est principalement celui qui est formé pour assumer ces responsabilités. Les infirmières ou les pharmaciens n'ont pas exactement le niveau de connaissances nécessaire pour le faire. Compte tenu de la gravité de la décision, on a préféré réserver ces responsabilités aux médecins. C'est le choix du législateur, mais je pense qu'il se définit bien.
    Dans cette perspective, la loi provinciale encadre bien ces questions. Au Québec, on prévoit même qu'un deuxième médecin validera ce que le premier fera. On prévoit également un contrôle par des autorités médicales telles que le Collège des médecins du Québec et le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, ainsi qu'un contrôle externe exercé par un organisme spécialisé.
     Il est clair qu'il s'agit d'abord et avant tout d'un acte médical contrôlé par des organismes médicaux et exécuté selon un protocole médical. Ces garanties visent à assurer que le traitement soit bien effectué.
    J'aimerais apporter une précision. Plus tôt, quand j'ai parlé de contenu minimal...
     Merci, monsieur Ménard.
     La communication par vidéoconférence n'est pas facile.

[Traduction]

    C'est maintenant au tour de la sénatrice Nancy Ruth.
     Dans un certain nombre d'États américains, l'aide au suicide est autorisée, mais pas l'euthanasie. En revanche, dans les pays du Benelux, l'aide au suicide et l'euthanasie sont toutes deux autorisées. Le Québec a choisi d'autoriser l'euthanasie, mais pas l'aide au suicide.
    Pourriez-vous nous expliquer sur quoi portait le débat et comment le Québec en est arrivé à une telle décision?

[Français]

    Essentiellement, le cheminement du Québec a été le suivant. La loi qui encadre l'aide médicale à mourir s'appelle la Loi concernant les soins de fin de vie. Cette loi prévoit un cadre général pour l'ensemble des soins de fin de vie, incluant les soins palliatifs, la sédation palliative continue et l'aide médicale à mourir. Elle prévoit donc l'organisation de tout le processus de contrôle de la prestation des soins de fin de vie.
    Dans ce contexte, on n'a pas retenu ce qui est désigné par le terme « euthanasie » parce qu'il est péjoratif et qu'il laisse sous-entendre qu'on peut peut-être y avoir recours sans consentement. Ce n'est pas cela du tout. On est donc revenu à l'aide médicale à mourir donnée par le médecin.
     Au Québec, le débat a été lancé essentiellement par le Collège des médecins du Québec. Celui-ci s'est demandé s'il était possible que, dans certaines conditions exceptionnelles, le médecin puisse légitimement offrir d'aider son patient à mourir s'il n'a plus rien à lui offrir pour le maintenir en vie. Dans ce cas, on a choisi comme moyen que le médecin administre lui-même le médicament plutôt que de donner à son patient le moyen de se suicider. Dans un tel cas, le patient pourrait le faire sans contrôle médical, chez lui, dans son sous-sol, à un autre moment donné, alors que sa condition aurait changé. Pour nous, il est important que ce soit associé à un processus de soins.
    Lorsque la loi a été discutée et adoptée, l'arrêt dans la cause Carter n'avait pas encore été rendu. C'était donc dans le contexte du droit criminel canadien antérieur à cet arrêt.
    Nous pensons aussi que l'« aide au suicide » aurait pu changer le caractère véritable de la loi, ce qu'on appelle en anglais le pith and substance de cette loi, qui était, selon nous, une loi touchant la santé. L'aide au suicide nous semblait sortir des processus médicaux. Le Collège des médecins ne souscrivait pas non plus à cette approche. Au Québec, il n'y a pas eu vraiment de grande sollicitation pour qu'on ouvre la porte à ce qu'un médecin puisse prodiguer l'aide au suicide. C'est un choix qui est relié au reste de la loi, une loi touchant la santé, une loi de soins de fin de vie. L'aide au suicide n'a pas été perçue comme faisant partie du continuum de soins de fin de vie.
(1235)

[Traduction]

    Dans certaines parties du nord du Québec ou dans des régions très rurales, où il ne peut y avoir qu'une infirmière ou même une infirmière praticienne, permettez-vous les téléconférences? De quelle façon les instructions sont-elles données? Comment le consentement est-il accordé?

[Français]

    Le consentement peut être donné par toutes sortes de moyens. Il faut que le médecin s'assure de toute une série de choses. Il doit d'abord s'assurer que son personnel répond aux exigences médicales. Par la suite, il doit informer son patient de la façon dont la procédure va se dérouler. Il doit s'assurer du caractère libre du consentement, notamment qu'il n'y a aucune influence extérieure. C'est pourquoi, par exemple, si le patient est perçu comme un poids par sa famille, le médecin va s'assurer qu'il n'y a aucune influence extérieure. Sinon, on n'accordera pas l'aide médicale à mourir.
    Par ailleurs, le consentement doit aussi être éclairé. Parlant d'un consentement éclairé, la loi prévoit l'information que le médecin doit donner à son patient. La jurisprudence est bien établie. Le médecin doit s'assurer que le patient a non seulement reçu l'information, mais qu'il l'a aussi comprise. Il faut que cela soit documenté au dossier et réitéré par la suite, quelques jours plus tard, par le patient.
     Il y a donc une série de processus. Cela peut être obtenu idéalement par une discussion verbale de personne à personne, mais il est également concevable que ce le soit par l'entremise de Télésanté. On peut utiliser d'autres moyens lorsque ceux-ci existent. Il est clair qu'il faut que le médecin s'assure que la demande émane bien personnellement de son patient, qu'il soit libre de toute influence et qu'il soit bien informé. Le rôle du médecin est de s'assurer de ces choses. Cela fait partie des garanties. Il faut que ce soit documenté et que ce soit vérifié par les organismes qui s'occupent de contrôler la procédure.

[Traduction]

    Il n'y a pas de consentement préalable dans la loi québécoise, par exemple, dans les cas de démence.

[Français]

     On a eu un très long débat à cet égard pour savoir si on devait le permettre dans la directive préalable ou la directive médicale anticipée. En Europe, par exemple en Belgique, on le permet pourvu que les volontés aient été exprimées dans les cinq dernières années.
    Au Québec, on a décidé de ne pas le permettre, et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, comment savoir si le patient a changé d'idée ou non ou si cela reflète bien ses volontés?
    Je cède maintenant la parole au sénateur Joyal.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à M. Hogg. Soyez le bienvenu.
    Ma première question porte sur ce que vous nous recommandiez: c'est-à-dire la définition d'un cadre d'éléments essentiels constituant des garanties dans le Code criminel.
    Vous avez indiqué que certaines provinces pourraient décider de ne rien faire, alors que d'autres pourraient vouloir adopter une loi restrictive par rapport à ce que disait la Cour suprême dans le jugement Carter. Par conséquent, selon moi, si nous voulons maintenir des droits semblables partout au Canada, nous n'avons d'autre choix que de légiférer.
    C'était ma première question. Je poserai ensuite une question à M. Ménard.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous, sénateur Joyal.
    Autrement dit, nous voulons nous pencher sur la définition minimale de ce que nous considérons être des garanties essentielles. Prenons l'âge de consentement, par exemple: le citoyen moyen pourrait croire que l'âge de consentement devrait être établi à 21 ans, mais le Code criminel prévoit différents âges de consentement selon les infractions. Inutile de m'étendre sur les infractions à caractère sexuel. Une personne peut être reconnue coupable d'une infraction à 14, 16 ou 18 ans. Autrement dit, il n'est pas nécessaire d'être âgé de 21 ans pour donner son consentement et consentir à l'administration d'une dose mortelle de médicament. Il nous appartient de fixer l'âge de consentement qui s'applique à une infraction précise.
(1240)
    Oui, vous avez raison. La Cour suprême, dans son jugement, parlait d'une « personne adulte capable ». Par conséquent, je ne crois pas que nous pourrions fixer à 16 ans l'âge de consentement à cette fin, parce qu'il ne s'agirait pas d'un adulte capable au sens de la loi. Maintenant, selon votre interprétation du terme « adulte », il vous reste à déterminer à partir de quel âge, entre 18 et 21 ans, une personne est en mesure d'accorder son consentement à l'aide à mourir.
    D'accord.
     J'aimerais vous faire part, monsieur Ménard, d'une autre chose qui me préoccupe.

[Français]

    Quand la loi du Québec a été conçue, elle l'a été sur la base de la compétence du Québec en matière de soins de santé. À l'heure actuelle, ce dont nous discutons, c'est de la compétence du Parlement relativement au code pénal. Par conséquent, l'approche que nous pouvons avoir est beaucoup plus large que celle que le Québec a adoptée en ce qui a trait à la compétence vis-à-vis de la loi en matière de santé. C'est la raison pour laquelle je crois que la loi du Québec, dans certaines de ses dispositions, peut servir d'inspiration, mais pour ce qui est de la définition dans la loi du Québec de

[Traduction]

    « phase terminale », il n'en est pas question dans la décision de la Cour suprême. Rien n'indique que cela devrait être une garantie.

[Français]

    Alors, je crois qu'en revoyant la loi du Québec par rapport à notre rôle dans la définition de

[Traduction]

    « souffrances persistantes et intolérables », ce sont les deux critères. Cela ne signifie pas que vous devez être en phase terminale ou que vous devez croire que les souffrances intolérables que vous endurez vous conduiront nécessairement en phase terminale.

[Français]

    Je crois que la loi du Québec est bonne en soi par rapport à la compétence de la province en matière de soins de santé, mais qu'elle est restrictive par rapport aux critères contenus dans la décision Carter.
    Partagez-vous cette lecture ou cette analyse de la loi du Québec?
     Tout à fait. La loi du Québec est plus restrictive que ce que permet la Cour suprême en vertu de sa décision dans l'affaire Carter. La loi a été adoptée avant que cette décision ne soit évidemment rendue. Au terme du processus législatif que le Parlement effectue présentement, il est clair que le Québec va devoir revoir sa loi de sorte qu'elle concorde parfaitement avec la Charte canadienne des droits et libertés ainsi qu'avec les principes de la décision rendue dans l'affaire Carter.
     La loi québécoise contient certains critères faisant en sorte que l'aide médicale constitue un processus exceptionnel de dernier recours, c'est-à-dire lorsque la médecine n'a plus rien à offrir et qu'elle ne fait que prolonger les souffrances et l'indignité. C'est essentiellement la raison pour laquelle la loi est aussi restrictive.
    La notion de fin de vie est aussi apparue dans le débat. Si je me rappelle bien, c'est l'opposition qui a mis cette question en avant. Elle voulait vraiment limiter davantage la portée de la loi. Cela fait partie des négociations politiques qui ont eu lieu en vue de favoriser l'adoption de la loi. Ce critère ne fait clairement pas partie de ce qu'a énoncé la Cour suprême. À mon avis, cela devra certainement être révisé, le cas échéant. Je pense que le Québec, avant de procéder à cette révision, attend que le gouvernement canadien fasse connaître sa position et les critères sur lesquels on se fondera.
    Vous avez raison de dire que votre position est plus large que ce que le Québec a déterminé ou défini. En effet, la Cour suprême vous donne davantage de marge de manoeuvre.
    Je vous remercie.
    Je cède maintenant la parole à Mme Dabrusin.
    Messieurs Ménard et Sauvé, je vous remercie.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur Hogg, d'être ici aujourd'hui.
    Vous avez proposé d'élaborer un projet de loi exhaustif qui pourrait combler les lacunes provinciales. Toutefois, dans le cas de la procréation assistée, la Cour suprême du Canada a conclu que la véritable raison d'être de la mesure législative était la réglementation de la pratique médicale.
    Comment peut-on créer une loi exhaustive tout en évitant ce type de conclusion?
(1245)
    À l'heure actuelle, le Code criminel interdit l'aide et l'encouragement au suicide et ne permet pas non plus d'invoquer le consentement de la victime comme moyen de défense dans le cas d'un meurtre. Ces dispositions demeureront en place. Par conséquent, si nous voulons créer des exemptions à ces dispositions, celles-ci devront également figurer dans le Code criminel. Le Code criminel encadrerait les garanties proposées par la Cour suprême. Voilà la différence.
    Dans le cas de la procréation assistée, j'ai moi-même plaidé dans cette cause et je croyais que la Cour avait tort en affirmant que cela ne touchait pas le droit pénal. À ce moment-là, on ne légiférait pas une disposition existante du Code criminel, mais même dans ce cas, certaines interdictions ont été acceptées, en dépit des exceptions et des exemptions.
    Quoi qu'il en soit, je ne crois pas qu'il s'agisse d'un précédent pertinent. Tout ce qui compte ici, c'est que l'on modifie le Code criminel.
    Si on veut établir des garanties et si on regarde ce qui se fait ailleurs, on voit que les délais d'attente font partie des garanties. Par conséquent, si nous élaborons une loi fédérale, allons-nous pouvoir imposer une période d'attente?
    Absolument.
    N'y a-t-il pas un risque, du point de vue constitutionnel? L'imposition d'une période d'attente n'irait-elle pas à l'encontre de l'article 7 de la Charte?
    Non, je ne crois pas, puisque la Cour vous a mandatés pour définir des garanties, et je pense que toute personne raisonnable conviendrait qu'une période d'attente est une garantie souhaitable.
    En ce qui concerne nos pouvoirs, si nous voulons élaborer une mesure législative exhaustive, nous incomberait-il de mettre sur pied un conseil ou une commission chargé de recueillir des données et d'assurer une surveillance universelle partout au pays?
    Il relèverait certainement du pouvoir du Parlement de créer un organisme de surveillance et de collecte de données. J'ai toutefois quelques inquiétudes à cet égard. Qu'advient-il si un certain nombre de provinces ont déjà légiféré en la matière et sont exemptées de la loi fédérale?
    Le cas échéant, les provinces devraient consentir à la création d'un organisme national de surveillance et de collecte de données. Vous pourriez sans doute le faire dans le cadre de la loi fédérale, mais si certaines provinces en sont exemptées, ce serait plus...
    Une chose que vous pourriez faire, c'est exempter les provinces de toutes les dispositions de la loi fédérale, à l'exception de la surveillance et de la collecte de données, mais cela susciterait la controverse dans les provinces. Il s'agit d'un problème épineux auquel je n'ai pas la réponse.

[Français]

     Maître Ménard, si cela vous convient, je vais poser ma question en anglais.
    Je pense qu'il ne reste que 20 secondes?

[Traduction]

    Je m'adresse maintenant aux témoins du Québec. Avez-vous des idées sur la façon dont nous pourrions procéder relativement à la communication des données à un organisme fédéral? Y aurait-il consentement de la part du Québec?

[Français]

    Il ne reste que cinq secondes.
    Malheureusement, je ne peux pas parler au nom du Québec. Je peux dire cependant qu'en vertu de la loi provinciale, chaque établissement de santé va rapporter annuellement tous les cas d'aide médicale à mourir. Ce rapport va être acheminé à la Commission sur les soins de fin de vie. Chaque année, celle-ci va rapporter le nombre de cas administrés, le nombre de cas refusés et ainsi de suite. C'est donc dire qu'il y aura un grand nombre de données dans l'espace public pour ce qui est de l'application de la loi.
    Je crois qu'une série de données seront automatiquement accessibles au public à l'échelle du pays. Je ne peux malheureusement pas parler au nom du gouvernement du Québec, mais disons que ce sera déjà du domaine public.
(1250)

[Traduction]

    C'est très intéressant. Même sans le consentement des provinces, si les données sont accessibles au public, comme l'a dit M. Ménard, un organisme fédéral pourrait évidemment en tirer parti. Il y aurait donc divers moyens de faire face à la situation.
    Monsieur Albrecht, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins pour leurs exposés.
    Depuis 1991, au moins 15 initiatives ont été présentées au Parlement pour instaurer l'aide médicale au suicide, et les députés ont choisi de rejeter chacun de ces projets. Les initiatives récentes comprennent la motion M-388 et le projet de loi C-300, qui exige que le gouvernement fédéral établisse un cadre fédéral de prévention du suicide. Je trouve donc plutôt ironique que nous soyons en train de parler de l'aide médicale au suicide en même temps que le gouvernement fédéral, le ministère de la Santé et l'Agence de la santé publique du Canada travaillent activement à l'établissement d'un cadre fédéral de prévention du suicide.
    C'est très clair que l'aide médicale au suicide et l'euthanasie sont irréversibles. Pourtant, des études ont montré que de nombreux patients qui envisagent le suicide assisté ou l'euthanasie changent souvent d'idée. C'est certainement et exactement l'une des préoccupations au cœur du travail que j'ai accompli dans le domaine de la prévention du suicide au cours des dernières années: protéger les Canadiens les plus vulnérables aux moments où ils sont à leur plus fragile. Nous savons tous que la dépression est, de façon générale, une maladie soignable, et il est douteux que quelqu'un qui se trouve dans cet état soit capable de demander rationnellement de mettre fin à sa vie.
    J'aimerais parler de territoires qui autorisent actuellement une certaine forme d'aide à mourir. Les personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale ayant une incidence sur leur capacité de prendre des décisions sont traitées différemment. Par exemple, aux Pays-Bas, pour exprimer leurs souhaits, les personnes peuvent émettre une directive anticipée pendant qu'elles jouissent encore de leurs capacités. Or, tous les États américains qui autorisent l'aide médicale au suicide ne permettent pas de faire la même chose et, selon ce que j'ai compris des propos de M. Ménard aujourd'hui, il en est de même au Québec.
    Monsieur Hogg, par rapport à l'offre et à la protection des personnes vulnérables, sur le plan juridique, quels risques courons-nous en autorisant des personnes n'ayant pas la capacité de prendre des décisions d'avoir recours à l'aide médicale au suicide, et quelles mesures de protection pourraient être mises en place? Vous avez mentionné la période d'attente. Il s'agit d'une mesure de protection possible, mais j'aimerais que vous en présentiez d'autres.
    Aussi, les directives anticipées constituent-elles une bonne façon de faire en sorte que les personnes n'ayant pas cette capacité puissent avoir recours à l'aide médicale au suicide?
    La cour a déclaré que la personne devait être un adulte capable qui consent clairement. La période d'attente, comme vous l'avez bien dit, aide à confirmer qu'il s'agit d'une personne adulte capable. On peut aussi suivre l'exemple de la loi québécoise et demander à un second médecin de s'entretenir avec le patient pour déterminer si, selon lui, le patient est capable.
    Je pense qu'une partie de votre tâche consiste à trouver des garanties qui empêchent de transformer une période de dépression passagère en suicide assisté.
    C'est exactement ma préoccupation principale. Toutes les personnes ici aujourd'hui ont vécu des périodes difficiles, parfois extrêmement difficiles, qui auraient pu mener à une telle décision.
    Évidemment, le suicide n'est pas un acte criminel...
    Non.
    ... ou du moins on ne parle plus de « commettre » un suicide.Toutefois, quand nous demandons à quelqu'un de poser le geste à notre place, je crois que les risques sont beaucoup plus nombreux. C'est ce qui m'inquiète le plus.
    M. Peter Hogg: Oui.
    M. Harold Albrecht: Merci beaucoup de votre réponse.
    Je vais partager le reste de mon temps avec M. Cooper.
    Je vous remercie de votre exposé, monsieur Hogg.
    L'une des difficultés que le Parlement devra surmonter est la définition, donnée dans l'arrêt Carter, des termes « problèmes de santé graves et irrémédiables ».
    J'aimerais vous demander votre avis sur la liberté qu'a le Parlement, par exemple, d'inclure dans la loi une restriction ou un critère concernant le stade terminal, compte tenu de l'arrêt Whatcott, dans lequel la Cour suprême du Canada a soutenu qu'il fallait faire preuve d'une grande retenue à l'égard de l'approche suivie par le législateur pour trouver une solution réglementaire complexe à un problème social.
(1255)
    La cour fera preuve d'une certaine retenue à l'égard des choix du Parlement dans le dossier — c'est-à-dire vos choix. Toutefois, je pense qu'il y a une différence entre les garanties procédurales, comme la période d'attente, le second médecin, la signature par écrit et les choses de ce genre-là, qui font toutes clairement partie de votre mandat, et ce qu'on pourrait appeler les garanties de fond, comme le fait que la personne doive déjà être mourante. Beaucoup d'entre nous trouveraient qu'il s'agit d'une garantie tout à fait raisonnable, mais elle ne fait pas partie des éléments de la cour.
    Si vous incluez des exigences de fond, comme l'obligation que la maladie soit en phase terminale, il y aura certainement des contestations de la part de personnes souhaitant avoir recours à l'aide à mourir. La cour aurait à faire preuve de beaucoup de tolérance pour soutenir que ce genre de restriction est acceptable. Je n'écarte pas ce genre de chose, mais je crois qu'il serait préférable de ne pas procéder ainsi — pas sur le plan de la politique parce que je n'ai rien à dire là-dessus, mais simplement parce qu'une garantie de fond rendra votre loi plus vulnérable qu'une garantie procédurale.
    Sénatrice Seidman, il ne nous reste que quelques minutes.
    J'aimerais poser une question à M. Ménard au sujet des directives anticipées.
    Le rapport de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité de l'Assemblée nationale recommande, dans la recommandation 19, de prendre en considération les directives anticipées. On demande même que soient prises « les mesures nécessaires afin que la demande anticipée d'aide médicale à mourir paraisse dans le dossier médical de la personne et soit inscrite dans un registre ». Cette disposition était incluse dans la version originale du projet de loi 52. Toutefois, elle a été exclue de la loi à la suite de l'examen de la mesure législative.
    Pouvez-vous nous expliquer ce qui s'est passé dans ce cas-là?

[Français]

     Essentiellement, c'est comme pour toutes les directives préalables. Nous-mêmes, au Comité de juristes experts, avions recommandé de le permettre. Cela a été retiré en cours de route, et ce, pour plusieurs raisons. Dans le cas des volontés exprimées préalablement par un patient, plusieurs difficultés se posent. Au moment où il a donné ses directives, était-il apte à le faire? Comment peut-on contrôler cela? Comprenait-il bien les décisions qu'il prenait à ce moment-là? A-t-il changé d'idée depuis? Au moment où cela deviendra possible, est-ce que ce sera toujours sa volonté?
    Des questions de ce genre ont été soumises en cours de route et nous avons préféré adopter une approche des plus prudentes et conservatrices. Nous avons en quelque sorte décidé d'appliquer la règle du « ici et maintenant ». Par exemple, quand il sera temps pour la personne de faire son choix, ce sera sa volonté qui primera. Nous n'avons pas voulu permettre qu'une personne bien portante prenne cette décision chez elle, dans son sous-sol, 10 ans auparavant alors qu'elle ne sait pas du tout dans quelle situation elle se trouvera le moment venu.
    Nous voulions aussi éviter que des tiers habilités à prendre la décision pour cette personne puissent faire un choix selon des critères autres que l'intérêt de la personne. Prenons l'exemple d'un tiers habilité à décider qui est également l'héritier ou pour qui la personne âgée est devenue un fardeau. Nous voulions vraiment que ce soit une décision autonome prise par la personne, et par la personne seulement. Ce choix s'est fait en cours de route. Il y a eu beaucoup de débats à ce sujet. C'était vraiment, en fin de compte, un choix politique parce qu'il y avait des arguments solides d'un côté et de l'autre. Nous avons voulu privilégier la protection de la personne, surtout de la personne vulnérable. La loi québécoise comprend d'innombrables garanties visant à protéger les personnes vulnérables.
(1300)

[Traduction]

    Un grand merci aux témoins.
    Nous reprendrons à huis clos à 17 h 30. La séance est levée.
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