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Je vous remercie beaucoup.
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer aujourd'hui alors que le Comité amorce son étude sur la question très difficile, complexe et profonde de l'aide médicale à mourir.
Avant de commencer, je voudrais m'excuser de ne pas avoir présenté mon allocution en anglais et en français, comme le souhaite habituellement le Comité. Cette situation est attribuable au court préavis que nous avons reçu. Je suis désolée.
Je m'appelle Joanne Klineberg et je suis avocate principale à la Section de la politique en matière de droit pénal du ministère de la Justice. La collègue qui m'accompagne est Jeanette Ettel. Elle est avocate principale à la Section des droits de la personne du ministère de la Justice. Permettez-moi de mentionner brièvement que Jeanette et moi-même faisions partie de l'équipe qui a travaillé sur l'affaire Carter. Notre rôle était de prêter main-forte en coulisse aux avocats plaidants.
Aujourd'hui, je vais faire une brève allocution pour présenter au Comité le contexte des aspects liés au droit criminel qui concernent la question qui nous occupe. Il pourrait être utile de commencer par un bref résumé de l'arrêt Carter.
La Cour suprême a jugé que les interdictions générales à l'égard de l'aide médicale à mourir allaient à l'encontre du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne d'une manière non conforme aux principes de justice fondamentale et que la violation de ce droit ne pouvait pas être justifiée en tant que limite raisonnable dans une société libre et démocratique. Comme on peut le lire au paragraphe 105, le tribunal a déterminé que « certes, il existe des risques, mais un système soigneusement conçu et géré peut les contrer adéquatement ».
Ainsi, comme on le souligne au paragraphe 127 du jugement, les dispositions ont été jugées inconstitutionnelles dans la mesure où elles prohibent l'aide d'un médecin pour mourir à une personne adulte capable qui consent clairement à mettre fin à sa vie et qui est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables.
Il faut d'abord dire qu'il semble y avoir parfois de l'incertitude, à tout le moins au sein d'une partie de la population canadienne, à propos de ce qu'est l'aide médicale à mourir et de ce qu'elle n'est pas. L'aide médicale à mourir ne consiste pas à cesser un traitement médical sur un patient qui ne souhaite pas ce traitement. Elle ne concerne pas non plus le droit d'un patient de refuser un traitement ou un médicament. Dans ces circonstances, si le décès résulte de l'interruption du traitement ou du refus du médicament, il ne s'agit pas d'un crime parce que la cause du décès est le problème de santé sous-jacent. Aucune personne saine d'esprit ne peut être obligée à recevoir un traitement qu'elle ne souhaite pas, car cela équivaut à une agression en droit criminel et à une transgression civile. L'aide médicale à mourir fait référence à une personne, un médecin, qui participe activement à provoquer la mort d'une autre personne.
Avant l'arrêt Carter, ce geste était interdit par les lois pénales de diverses façons. Le tribunal était d'avis que seulement deux dispositions du Code criminel étaient au coeur de cette interdiction visant l'aide médicale à mourir. La première disposition est l'article 14 du Code criminel, qui stipule que:
Nul n'a le droit de consentir à ce que la mort lui soit infligée, et un tel consentement n'atteint pas la responsabilité pénale d'une personne parce que la mort peut être infligée à celui qui a donné ce consentement.
L'article 14 est par conséquent lié au crime de meurtre, c'est-à-dire causer intentionnellement la mort d'une autre personne. L'article 14 signifie que le consentement d'une personne à mourir n'a aucun effet sur la responsabilité criminelle de la personne qui a causé la mort. Il s'agit toujours d'un meurtre, même si la victime voulait mourir.
La deuxième disposition est l'alinéa 241b) du Code criminel, qui dit ceci: « Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de 14 ans quiconque aide ou encourage quelqu'un à se donner la mort, que le suicide s'ensuive ou non. »
Ces deux dispositions empêchaient une personne de recourir à l'aide d'un médecin pour se donner la mort dans n'importe quelle circonstance. Il est primordial de souligner que, comme la plupart des autres dispositions pénales, ces dispositions sont de nature générale. Elles servent également à empêcher des personnes autres que des médecins à aider d'autres personnes à mourir en dehors du contexte de l'aide médicale à mourir.
Ces deux dispositions posaient problème parce qu'il existe deux façons pour un médecin d'aider une personne. L'une consiste à lui donner les moyens de mettre fin à ses jours, notamment en fournissant ou en prescrivant une dose mortelle de médicaments. La personne qui reçoit l'aide accomplit elle-même les actions nécessaires pour entraîner sa propre mort. Elle provoque elle-même son décès avec l'aide de quelqu'un d'autre. Il s'agit là du suicide médicalement assisté.
L'autre façon est ce qu'on appelle généralement l'euthanasie. Dans ce cas, c'est le médecin qui provoque directement la mort de la personne, habituellement en lui injectant un médicament létal. Cela correspond à la définition de meurtre, qui est le crime le plus grave en vertu du droit criminel canadien. Il s'agit d'un acte passible de l'emprisonnement à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant au moins 10 ans.
Le meurtre est considéré comme le crime le plus grave en vertu du droit criminel canadien ainsi que dans la plupart des autres pays, car il s'agit d'une personne qui cause la mort d'une autre personne plutôt que de seulement l'aider à mettre fin à ses jours. Les différences entre les deux actes, y compris les différents types de risque, n'ont pas fait l'objet du litige devant la Cour suprême. Le tribunal n'a pas fait de distinction entre les deux et les a amalgamés au terme général « aide médicale à mourir ».
Toujours au sujet de la terminologie, le Comité ne s'étonnera sans doute pas de m'entendre dire qu'il existe différents points de vue sur la terminologie à employer dans ce contexte particulier. Certains sont d'avis que les expressions « suicide médicalement assisté » et « euthanasie » sont claires et bien définies et qu'il faut les employer pour éviter la confusion et la mauvaise compréhension que suscite l'emploi de termes plus généraux comme « aide médicale à mourir ». D'autres n'approuvent pas l'usage des termes « suicide médicalement assisté » et « euthanasie », estimant qu'il s'agit de termes lourds de sens et stigmatisants et que seul un terme plus général comme « aide médicale à mourir » devrait être employé. Ce n'est là que l'une des nombreuses questions difficiles sur lesquelles le Comité devra se pencher.
Une considération générale à laquelle le Comité sera confronté très rapidement est le partage des compétences au Canada dans le contexte l'aide médicale à mourir. En vertu de la Constitution, le droit pénal relève de la compétence exclusive du Parlement. La Cour suprême a confirmé dans l'arrêt Carter, au paragraphe 51, que le Parlement a le pouvoir de légiférer en matière de santé dans les cas de traitements dangereux ou qui constituent une conduite socialement répréhensible. Le droit criminel est fondé sur la moralité et des valeurs fondamentales comme celles liées à la dévalorisation de la vie humaine. Il tient aussi compte de préoccupations relatives à la santé publique, notamment le risque d'abus et la sécurité des personnes, particulièrement des personnes vulnérables. Du point de vue du droit criminel, dans le contexte de l'aide médicale à mourir, le Parlement doit s'employer à minimiser les risques et à protéger les valeurs sociales qui sont considérées comme fondamentales dans la société canadienne.
Les provinces et les territoires ont également des responsabilités en vertu de la Constitution dans le contexte de l'aide médicale à mourir. Ils sont responsables des hôpitaux, de la prestation des soins de santé et de la réglementation des professions médicales, entre autres choses. Sur le plan des politiques, la compétence des provinces et des territoires consiste à déterminer comment rendre disponible l'aide médicale à mourir en tant que pratique médicale bénéfique.
Il y a des aspects de la réglementation sur l'aide médicale à mourir qui relèvent purement de la compétence du Parlement en matière pénale, notamment les éléments essentiels d'une exemption pour exclure ce qui serait considéré autrement comme un acte criminel. Il y a également des éléments qui pourraient être considérés comme relevant directement de la compétence des provinces, comme des protections pour les médecins qui cherchent à trouver un équilibre entre les droits des médecins et ceux des patients. Il y a aussi des aspects qui pourraient potentiellement être réglementés par les deux ordres de gouvernement, mais selon une perspective différente, à savoir que le Parlement s'occuperait de minimiser les risques et de protéger la santé publique et la moralité, et, de leur côté, les provinces et les territoires s'occuperaient de rendre disponible une pratique médicale bénéfique.
À cet égard, le Canada est unique par rapport à d'autres pays qui ont légiféré en matière d'aide médicale à mourir. Ailleurs dans le monde, ce n'est qu'un seul ordre de gouvernement qui est responsable des lois pénales et de la législation en matière de santé. C'est donc dire que vous êtes confrontés à un défi de taille.
Aux États-Unis, quatre États ont légiféré en matière d'accès à l'aide médicale à mourir. En Colombie, la Cour suprême a jugé à deux reprises que les personnes en phase terminale avaient le droit d'obtenir l'aide d'un médecin pour mourir, et, au début de 2015, le gouvernement a publié une résolution détaillée sur les pratiques qui devraient être utilisées, quoique techniquement, cette résolution n'a pas force de loi. En Europe, trois pays ont légiféré en matière d'accès à l'aide médicale à mourir. Il s'agit de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg, qui, collectivement, sont parfois appelés les pays du Benelux.
Vous entendrez peut-être aussi parler de la Suisse, où une forme d'aide médicale à mourir est offerte. Même si cette pratique n'est pas considérée comme un acte criminel, elle n'est pas non plus réglementée d'une manière précise, alors on ne peut examiner de loi qui décrit la situation en Suisse. Enfin, il y a la loi québécoise qui est récemment entrée en vigueur.
Il s'agit là des seuls modèles existants en ce qui concerne l'aide médicale à mourir. Ces lois comportent de nombreuses caractéristiques communes qui sont importantes du point de vue du droit pénal.
Premièrement, elles permettent l'une des pratiques ou les deux, c'est-à-dire le suicide médicalement assisté ou l'euthanasie ou bien les deux. Deuxièmement, elles décrivent les circonstances médicales et celles d'autre nature qui font en sorte qu'une personne peut recevoir une aide médicale à mourir. Troisièmement, elles décrivent aussi certaines procédures obligatoires qu'il faut suivre lorsqu'on évalue une demande d'aide médicale à mourir. Quatrièmement, elles prévoient un mécanisme d'examen de la demande du patient en vue de déterminer si toutes les règles qui s'appliquent ont été respectées. Cinquièmement, elles prévoient également un mécanisme de collecte de données sur chacun des cas d'aide médicale à mourir. Ces données sont ensuite analysées puis rendues publiques.
Pardonnez-moi, mais je viens de recevoir une note qui confirme que nous allons distribuer sous peu des copies du rapport aux membres du Comité. Le rapport se trouve également dans le site Web du ministère de la Justice, je crois. Pardonnez-moi cette parenthèse, mais j'ai cru bon vous faire part de cette information.
Ce sont là les cinq éléments essentiels qui se trouvent dans toutes ces lois sur l'aide médicale à mourir. Je vais en parler davantage dans quelques instants, car il s'agit des principales questions sur lesquelles le Comité doit se pencher dans le contexte de l'élaboration d'une loi canadienne sur l'aide médicale à mourir. Il doit aussi déterminer la mesure dans laquelle ces éléments devraient faire l'objet d'une réglementation fédérale ou bien provinciale et territoriale.
Pour ce qui est des procédures d'évaluation des demandes, des examens de la conformité des demandes d'aide médicale à mourir et de la surveillance de l'aide médicale à mourir, la plupart des lois comportent des dispositions relativement semblables. Cependant, les choix qui ont été faits dans ces pays relativement aux pratiques permises et aux personnes admissibles sont très différents.
Pour ce qui est de permettre le suicide médicalement assisté ou l'euthanasie, je peux vous dire qu'environ la moitié des lois autorisent seulement le suicide médicalement assisté, et que, parmi l'autre moitié, certaines autorisent seulement l'euthanasie et d'autres permettent les deux.
Pour ce qui est de l'admissibilité, les lois peuvent être divisées en deux catégories qui sont assez distinctes, ce qui signifie que leur portée est assez différente.
Les lois américaines, celle du Québec et la résolution colombienne autorisent l'aide médicale à mourir seulement pour les personnes qui sont sur le point de mourir d'une cause naturelle qui ne peut être évitée — on entend par cause naturelle le résultat d'une maladie. Essentiellement, ces lois donnent aux personnes mourantes, qui sont en fin de vie, un choix quant à la façon de mourir. Elles peuvent mourir de leur état sous-jacent, ou, si elles estiment qu'il s'agit d'une mort lente, douloureuse, terrifiante ou dépourvue de dignité, elles peuvent choisir une mort paisible avec l'aide d'un médecin.
Il faut souligner que ces lois définissent les circonstances de fin de vie un peu différemment. Par exemple, dans les États américains, une personne est admissible si elle est en phase terminale et qu'on lui donne six mois ou moins à vivre, mais il n'est pas nécessaire que ses souffrances soient insoutenables. Au Québec, la loi précise de façon générale que la personne doit être en fin de vie, sans faire référence à un pronostic en particulier, mais elle précise que la personne doit endurer des souffrances insupportables. D'autres exigences sont également mentionnées.
Les lois adoptées dans les pays du Benelux sont différentes. Bien que ces lois autorisent les personnes en fin de vie à choisir la façon dont elles vont mourir, elles permettent aussi aux personnes qui ne sont pas mourantes, mais qui souffrent d'un problème de santé grave et chronique qui n'est toutefois pas mortel, de mettre fin à leurs jours si elles trouvent insupportable de continuer de vivre ainsi. Ces lois permettent donc l'aide médicale à mourir pour mettre un terme à des souffrances intolérables attribuables à des conditions médicales, car les gens peuvent souffrir non seulement parce qu'ils sont mourants, mais aussi parce qu'ils vivent avec un problème de santé difficile. Ainsi, les lois du Benelux prévoient toute une gamme de circonstances favorisant l'admissibilité en vue d'inclure notamment les personnes qui souffrent en raison de maladies mentales, les personnes qui ne veulent plus vivre, mais qui ne sont pas nécessairement malades, et les personnes qui craignent la douleur ou la souffrance future. Des données provenant de la Belgique et des Pays-Bas semblent indiquer que des circonstances dans lesquelles l'aide médicale à mourir est demandée continuent de s'ajouter, mais toujours dans le respect de la loi.
Au cours des dernières années, un certain nombre de cas controversés en Belgique et aux Pays-Bas ont retenu l'attention des médias un peu partout dans le monde. Il est intéressant de signaler que les différences sur le plan de l'admissibilité s'observent dans la loi adoptée en Belgique qui, par exemple, à la suite de modifications apportées en 2014, permet maintenant que des enfants de tout âge puissent bénéficier de l'aide médicale à mourir, mais leur admissibilité est plus restreinte que dans le cas des adultes. Précisément, l'aide médicale à mourir est autorisée pour les enfants seulement si le décès de l'enfant est imminent, s'il endure des souffrances physiques insoutenables — mais non des souffrances psychologiques — et seulement si des balises supplémentaires sont respectées.
Un examen de ces lois permettra d'étudier efficacement les questions de politique dont le Comité est saisi. Du point de vue du droit pénal, le Parlement devra envisager une exemption pour des actes qui seraient autrement considérés comme des actes criminels, précisément l'aide au suicide et au meurtre, ce qui correspond aux deux différents types d'aide médicale à mourir. Une exemption est nécessaire pour protéger contre toute responsabilité criminelle les médecins et éventuellement d'autres praticiens, comme les pharmaciens et les infirmières, qui pourraient jouer un rôle dans l'aide médicale à mourir.
Premièrement, le Comité devra se demander si une exemption devrait être établie pour une seule des deux infractions ou pour les deux. Il devra aussi se demander si des limites précises devraient être établies pour assurer la sécurité, minimiser les risques ou protéger la santé publique ou la moralité. Il devra, par exemple, se demander si le suicide médicalement assisté devra être supervisé par un médecin pour minimiser le risque qu'une personne prenne les médicaments en état d'ébriété ou le risque de complications dues à la prise des médicaments, ou bien s'il convient de donner à un patient le médicament mortel pour qu'il l'apporte chez lui et qu'il l'utilise au moment et à l'endroit de son choix. Le Comité entendra fort probablement différents points de vue quant aux pratiques qui devraient être permises et aux avantages et aux risques que comporte chacune d'elles.
Deuxièmement, le Comité devra se pencher sur l'admissibilité, qui doit définir les circonstances nécessaires pour que l'exemption s'applique. Le jugement de la Cour visait clairement uniquement les adultes mentalement compétents, mais certains pourraient faire valoir que l'aide médicale à mourir devrait être également offerte aux enfants qui sont en mesure de faire preuve de discernement. Seulement deux pays, à savoir la Belgique et les Pays-Bas, offrent actuellement l'aide médicale à mourir aux enfants.
Pour ce qui est du problème de santé dont la personne est affligée, la Cour suprême n'a mentionné aucune condition médicale particulière. Elle a précisé d'un point de vue médical général que le droit s'applique à une personne qui subit une souffrance intolérable attribuable à une maladie grave et irrémédiable. Selon le dictionnaire, le mot « grave » signifie très sérieux ou sévère. Il ne semble pas être un terme médical. Il est utilisé dans le Code criminel, dans l'expression « lésions corporelles graves », que les tribunaux ont interprété comme étant une lésion ou une blessure qui est très sévère ou sérieuse, mais qui ne se limite pas à une lésion ou une blessure permanente ou qui met la vie en danger. La Cour a également soutenu que le terme « irrémédiable » ne signifie pas que le patient doive subir des traitements qu'il juge inacceptables.
Ces termes pourraient être interprétés dans un sens large ou même restreint.
Au paragraphe 127, la Cour a précisé que son jugement s'applique uniquement aux situations de fait de l'affaire en question. Gloria Taylor souffrait de la SLA, une maladie incurable, et elle est décédée de causes naturelles pendant que l'affaire était encore devant le tribunal. Kay Carter avait 88 ans et elle souffrait d'une sténose spinale sévère, qui l'immobilisait en grande partie. Les deux femmes étaient toutes les deux en fin de vie. La Cour a indiqué qu'elle ne se prononcerait pas sur d'autres situations dans lesquelles l'aide médicale à mourir pourrait être demandée. D'autres éléments du jugement pourraient donner à penser que l'aide médicale à mourir est amalgamée à d'autres formes de soins de fin de vie. Par conséquent, la portée du droit constitutionnel énoncée par le tribunal n'est pas entièrement claire.
La Cour devait déterminer si l'interdiction absolue était conforme aux droits garantis par la Charte. La Cour a également exprimé clairement qu'il appartient au Parlement de prendre les décisions de politique difficiles qui s'imposent. La Cour a reconnu, aux paragraphes 97, 98 et 125, que le Parlement est mieux placé que les tribunaux pour créer des régimes de réglementation complexes, qu'il peut y avoir plusieurs solutions, que ce sujet soulève des questions complexes de politique sociale et un certain nombre de valeurs sociales opposées, que le Parlement doit soupeser et pondérer le point de vue des personnes qu'un régime permissif pourrait mettre en danger et le point de vue de celles qui demandent de l'aide médicale pour mourir, et qu'une mesure réglementaire complexe commande une plus grande déférence de la part du tribunal que l'interdiction absolue.
Étant donné l'incertitude quant à la signification des termes clés et le dialogue constitutionnel possible entre les tribunaux et le Parlement, il appartient au Parlement de donner un sens plus large ou plus étroit aux termes employés par la Cour suprême, pourvu que la signification respecte les paramètres constitutionnels établis dans le jugement de la Cour et que les éléments examinés par le Parlement justifient de telles mesures législatives.
Le Comité entendra certainement différents points de vue sur la question de l'admissibilité et sur la pratique qui devrait être permise en ce qui concerne l'aide médicale à mourir. Ceux qui sont davantage en faveur de la liberté individuelle préconiseront davantage de choix et un accès plus large. Ceux qui se préoccupent davantage des risques pour les personnes vulnérables et des valeurs sociales, notamment le message que cela envoie à propos de la qualité et de la valeur de la vie des personnes handicapées préconiseront davantage de limites et de restrictions.
Par ailleurs, le Comité devrait également se demander s'il faudrait établir des garanties procédurales relativement à l'évaluation des demandes, s'il faudrait mettre en place un mécanisme permettant de vérifier si les procédures ont été respectées et s'il faudrait aussi établir un mécanisme de collecte des données aux fins d'analyse et de publication afin de pouvoir déceler des tendances et des abus potentiels.
Voilà mes observations préliminaires. J'espère qu'elles n'ont pas été trop longues. Nous serons ravies de répondre à vos questions.