LANG Réunion de comité
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STANDING JOINT COMMITTEE ON OFFICIAL LANGUAGES
COMITÉ MIXTE PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 29 février 2000
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool (Tracadie, Lib.): Bonjour, mesdames et messieurs. Vous avez devant vous l'ordre du jour. Chers collègues, avec votre approbation, nous aimerions passer tout de suite à la présentation de Mme la ministre, avant de passer aux travaux futurs du comité, parce que Mme la ministre est ici pour une heure seulement. Je crois qu'elle aura aussi du temps pour répondre aux questions. Elle nous dit qu'elle sera ici pour une heure. Êtes-vous d'accord pour que l'on passe tout de suite à la présentation de Mme la ministre?
Bonjour, madame la ministre et merci d'être ici. Comme nous n'avons pas les noms des personnes qui vous accompagnent, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous les présenter?
L'hon. Sheila Copps (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Il s'agit du sous-ministre adjoint responsable des politiques sur les langues officielles, M. Norman Moyer, et du directeur général des programmes d'appui aux langues officielles, M. Hilaire Lemoine.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci beaucoup. Vous allez faire une présentation et nous passerons ensuite à la période de questions.
L'hon. Sheila Copps: Merci, mesdames les coprésidentes. D'abord, j'aimerais remercier les coprésidentes pour leur invitation. C'est très intéressant d'être accueillie par un comité dont les deux coprésidentes sont des femmes, parce que je sais jusqu'à quel point les femmes sont engagées dans la question linguistique. La langue maternelle a toujours été un élément menant à plusieurs autres décisions subséquentes.
Nous allons commencer par lire un texte qui va vous expliquer un peu ce que nous avons commencé à établir comme politiques. Ensuite, nous serons prêts à répondre à vos questions.
D'abord, la dernière fois que je suis venue ici, on a suggéré un nouvel encadrement pour l'appui aux langues secondes au Canada, justement pour répondre aux besoins du nombre croissant de jeunes qui veulent étudier dans une langue seconde.
En effet, grâce à cet encadrement, nous avons procédé à un renouvellement des programmes pour un montant de 70 millions de dollars par année. Nous préparons aussi les célébrations pour la première Année de la Francophonie canadienne. Nous avons aussi élaboré une nouvelle vision de la dualité linguistique.
Il y a un an, le gouvernement a annoncé une augmentation substantielle du financement accordé aux langues officielles et nous avons accompli beaucoup de progrès.
L'Année de la Francophonie canadienne, qui se termine ce mois-ci, a été un grand succès. Nous avons quelques points saillants de cette année qui fut une réussite sur le plan de la participation des intervenants.
Voici les défis et les possibilités que j'entrevois pour l'avenir. En ce qui concerne les ententes avec les communautés au Canada, ces dernières ont toutes conclu des ententes, à l'exception de celle de l'Ontario. Nous prévoyons arriver à une entente avec l'Ontario dans un avenir prochain et nous avons accordé des augmentations des budgets pouvant aller jusqu'à 50 p. 100, justement parce que la page de la lutte au déficit a été tournée.
Ces augmentations vont permettre aux communautés de consolider leurs activités et de financer des projets essentiels. Nous avons aussi commencé à développer une deuxième génération d'ententes qui portent sur l'amélioration de la coordination et du mécanisme de planification. De plus, nous avons mis sur pied une nouvelle initiative de partenariat interministériel. On pourrait aider d'autres ministères à entreprendre des projets d'envergure et des initiatives stratégiques qui touchent leur propre clientèle.
Grâce aux augmentations, le financement annuel total pour les communautés est de 37 millions de dollars. Il s'agit d'un appui sans précédent.
[Traduction]
Pourquoi? Nous avons entendu le message de Savoie et de Fontaine. Nous devons nous doter de meilleurs outils pour continuer à progresser, afin de permettre à tous les Canadiens de se sentir chez eux avec leur propre langue.
• 1535
Nous avons également compris vos interventions concernant la
nécessité d'un leadership intégré. C'est notamment grâce à votre
travail que nous avons pu lancer une nouvelle initiative
interministérielle. En outre, le Comité des sous-ministres a
désormais un rôle supplémentaire qui l'amène à étudier toutes les
mesures législatives adoptées à la Chambre du Parlement fédéral
pour vérifier si elle est conforme à la Loi sur les langues
officielles. Vous avez pu voir récemment des modifications d'ordre
linguistique dans le projet de loi du ministère des Transports.
Nous continuions à financer des activités qui peuvent infléchir la culture interne des institutions fédérales et qui nous permettront d'insister sur le fait que le droit de recevoir des services dans la langue de son choix n'est pas un droit reconnu uniquement au ministère du Patrimoine, c'est un droit pour tous les citoyens qui obtiennent des services auprès du gouvernement.
Le fonds du partenariat interministériel, le PICLO, est un fonds de 5,5 millions de dollars par année que nous ajouterons aux projets qui peuvent prouver qu'ils investissent dans le respect des deux langues officielles au sein de chaque ministère.
[Français]
Quel a été notre investissement dans l'éducation? Est-ce que cela porte fruit? On a un protocole d'entente avec le CMEC, le premier protocole d'entente où nous exigeons un plan d'action.
[Traduction]
On compte 261 000 élèves dans les écoles primaires et secondaires qui apprennent une deuxième langue officielle.
[Français]
On a 160 000 élèves dans près de 700 écoles françaises à l'extérieur du Québec et on a 101 000 élèves anglophones dans les écoles anglaises au Québec.
On a ratifié le Protocole d'entente sur les langues officielles dans l'enseignement offert par le fédéral et par le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada. Pour la première fois, on exigeait un plan d'action, parce qu'on vous a écoutés. Il n'est pas suffisant d'offrir du financement; il faut aussi que nous ayons un plan d'action pour accélérer la construction des édifices et des écoles, par exemple.
On a aussi établi un protocole en partenariat avec les provinces et les territoires, qui défraient les coûts encourus pour l'enseignement dans la langue de la minorité et la langue seconde. On a aussi conclu des ententes bilatérales avec chaque gouvernement. On attend impatiemment de conclure l'entente avez la province de l'Ontario. J'ai vu la ministre de l'Éducation qui se promenait dernièrement avec beaucoup d'argent pour plusieurs secteurs scolaires. On attend et on fait des efforts depuis plus d'un an, et on s'attend à obtenir des résultats très bientôt. On a aussi travaillé avec des provinces sur la gestion scolaire de langue française.
[Traduction]
L'aspect le plus positif de toute cette démarche d'enseignement de la deuxième langue a été souligné par un certain nombre de parents qui souhaitent voir leur enfant apprendre une deuxième langue. D'après un sondage Angus Reid réalisé il y a deux ans, 77 p. 100 des Canadiens ont déclaré qu'il était important que les écoles canadiennes enseignent les deux langues. Et j'ai été enthousiasmée de voir le parti politique de l'Alliance canadienne adopter une politique de bilinguisme, qui constitue un pas dans la bonne direction.
Je suis très heureuse de voir que le chef de l'opposition officielle apprend le français. Cela montre bien que nous avons progressé considérablement.
Il y a actuellement 2,7 millions d'enfants qui apprennent l'anglais ou le français comme seconde langue. C'est 52 p. 100 de la population scolaire, et on y trouve 317 000 élèves en immersion française.
Dans le groupe d'âge de 15 à 19 ans, on note une augmentation de 38 p. 100 de bilinguisme sur 15 ans, et dans la province de Québec, le bilinguisme a augmenté de 29 p. 100.
Plusieurs provinces dépassent la moyenne nationale. L'étude du français dans l'Île-du-Prince-Édouard a augmenté de 170 p. 100.
[Français]
Cela commence modestement, mais c'est quand même un témoignage qui confirme que les parents veulent que leurs enfants soient bilingues.
[Traduction]
À Terre-Neuve et au Labrador, l'étude d'une deuxième langue est en augmentation de 167 p. 100. En Nouvelle-Écosse, elle est de 100 p. 100, 70 p. 100 en Alberta et 69 p. 100 au Nouveau-Brunswick.
Grâce à des bourses d'été pour l'étude d'une deuxième langue, nous avons permis à 7 000 étudiants de niveau postsecondaire d'étudier une deuxième langue chaque été, et ce programme a décerné 75 000 diplômes depuis ses origines. Dans l'ensemble du Canada, 42 établissements participent à ce vaste programme d'enseignement des langues pendant l'été.
• 1540
Il faut donc considérer le Canada comme un chef de file, non
seulement pour ce qui est des langues officielles, mais également
en matière de formation linguistique.
[Français]
Quelle est notre position dans le monde?
[Traduction]
Pour la première fois, nous nous efforçons de commercialiser cet atout au niveau international. C'est une industrie qui représente 300 millions de dollars au Canada et qui emploie 11 000 personnes dans notre pays. D'après un sondage réalisé en 1998 auprès des fournisseurs de formation en anglais ou en français en tant que deuxième langue ou langue étrangère, il existe 331 écoles privées au Canada et 159 établissements publics qui proposent l'enseignement d'une seconde langue.
L'augmentation des inscriptions dans ces établissements a été de 22 p. 100 au cours des quatre dernières années. Sur cette augmentation totale des inscriptions, 39 p. 100 correspondent à des étudiants étrangers, ce qui nous donne la possibilité de...
[Français]
dévoiler les deux visages du Canada aux étudiants qui viennent de l'étranger. C'est très important pour notre société, qui veut avoir un encadrement qui permette à tous les pays du monde de se faire entendre.
[Traduction]
Les activités de formation linguistique sont essentiellement concentrées en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique: les proportions sont de 33 p. 100 pour le Québec, 28 p. 100 pour l'Ontario, 23 p. 100 pour la Colombie-Britannique, 10 p. 100 pour les Prairies et 6 p. 100 pour le Canada Atlantique. Cette activité est essentiellement le fait de petites entreprises.
[Français]
On travaille aussi dans toutes les provinces pour offrir des services aux communautés minoritaires.
[Traduction]
Par exemple, un journaliste m'a demandé à l'entrée pourquoi nous intervenions pour aider la communauté anglophone du Québec à s'organiser de façon centralisée. Cela fait partie de notre travail. En fait, nous essayons de collaborer avec les minorités linguistiques de tout le pays pour leur garantir des services, non pas seulement en éducation ou en santé, mais également pour qu'elles puissent s'établir dans le milieu des affaires et dans tous les aspects de la vie dont chaque Canadien doit pouvoir profiter.
[Français]
On sait, par exemple, que dans le domaine de la santé, les Franco-Ontariens ont été à l'avant-garde de la bataille de l'hôpital Montfort parce que cela fait partie de leur société. S'ils ne sont pas capables de se faire soigner dans leur langue, il ne leur sert à rien de se battre pour la préserver. C'est bien beau d'aller à l'école pour garder votre langue première, mais si vous n'êtes pas capable de travailler, de faire soigner vos parents et de faire garder vos jeunes dans votre langue, ça fait seulement
[Traduction]
un pied à la table. Nous avons construit la table, mais jusqu'à maintenant, elle n'a qu'un pied qui soit très solide. Il faut maintenant installer les autres pieds.
[Français]
C'est sûr que dans toutes les provinces, on a des préoccupations quant aux services. On sait, par exemple, qu'à l'extérieur de Montréal,
[Traduction]
les Anglo-Québécois s'inquiètent de la diminution des services, de la décision du gouvernement du Québec de renoncer à certaines recettes et de ne pas renouveler l'accord sur les soins de santé et les services sociaux en anglais. Ce sont des questions importantes pour la minorité linguistique et pour le soutien qui lui est offert.
[Français]
Il y a un nouveau mécanisme de prestation de services qui est présentement à l'essai au Manitoba. Il s'agit du guichet unique. C'est une expérience que nous essayons d'offrir dans toutes les provinces et c'est pour cela que nous travaillons avec toutes les communautés au Canada.
L'an dernier, le ministère du Patrimoine a coordonné l'étude de la commissaire intitulée: Le gouvernement du Canada et le français sur Internet. C'est pourquoi j'ai été très heureuse d'entendre hier le ministre des Finances annoncer un investissement supplémentaire de 30 millions de dollars à partir de cette année. C'est un investissement de 20 à 30 millions de dollars d'ici l'an 2004 pour le contenu sur l'Internet. C'est une partie du budget qui n'a pas beaucoup retenu l'attention des commentateurs, mais ça fait partie de notre engagement d'assurer un contenu dans les deux langues.
• 1545
Le français sur l'Internet fait partie d'une stratégie
de contenu canadien, d'autant plus que dans
l'élaboration du programme, nous avons exigé que
50 p. 100 de l'investissement de 20 millions de
dollars soit consacré à la création de contenu
en langue française.
Nous allons investir le double de la proportion de francophones au pays, parce que l'on trouve que le besoin est plus grand en français qu'en anglais, compte tenu du fait que l'Internet est présentement à 97 p. 100 en anglais.
Je pense que notre réponse a été bien accueillie par la commissaire. Pour moi, la plus belle chose que nous avons inaugurée durant l'Année de la Francophonie canadienne a été le regroupement des universités de la francophonie hors Québec. Nous avons été les premiers au monde à investir non seulement dans l'inforoute universitaire, mais dans un réseau universitaire qui sera mis sur pied par l'inforoute. Nous avons été en mesure de le faire parce que les institutions dont nous nous sommes dotés en français ne sont pas verticales; elles sont horizontales en vertu de leurs besoins et de leurs nécessités.
Dans d'autres domaines, nous nous sommes impliqués dans la préparation des Jeux de la Francophonie canadienne à Memramcook. Ce sont les premiers Jeux canadiens. Ce qui m'a étonnée quand je suis devenue ministre, c'est qu'on faisait des jeux de la francophonie en Ontario et dans l'Ouest, mais qu'on n'avait jamais fait de jeux de la francophonie canadienne. On espère que cela va continuer, parce que c'est tellement beau de voir les jeunes se récréer ensemble, pas seulement pour le sport, mais aussi pour se connaître un peu et créer des liens. Grâce à l'inforoute, ces liens-là peuvent être maintenus. On peut facilement avoir des conversations interurbaines, ce qui n'était pas possible il y a cinq ans.
Nous avons exploré l'univers de la francophonie canadienne dans une initiative québécoise pour créer une trousse éducative représentant 32 francophones qui ont marqué la société canadienne. Cette trousse a été distribuée dans les salles de classe de cinquième et de sixième années des écoles françaises et des écoles d'immersion, partout au Canada.
Nous avons aussi eu plusieurs activités organisées dans le cadre des Rendez-vous de la francophonie. Nous avons aussi organisé un forum sur la collaboration dans l'espace culturel francophone au Canada, qui aura lieu au mois d'avril et qui aura pour but de promouvoir la distribution des produits culturels francophones d'ici, partout dans le monde.
Passons aux Jeux de la Francophonie d'Ottawa-Hull, en 2001. Le Congrès mondial acadien, à Grand Pré en Nouvelle-Écosse, prépare le 400e anniversaire de l'arrivée de Champlain, qui sera célébré dans trois ans. On élabore déjà des projets avec les gens de Port-Royal en Nouvelle-Écosse et avec d'autres francophones de la région de l'Atlantique.
Pour la première fois, nous avons élaboré une nouvelle vision de la dualité linguistique comme élément clé de la diversité canadienne. Si les Canadiens et les Canadiennes veulent tant que leurs enfants apprennent une deuxième langue, c'est en réponse aux politiques que nous avons établies graduellement depuis les années 1970.
[Traduction]
Voilà nos cinq priorités stratégiques, dont chacune intègre la dualité linguistique. Pour la première fois, nous travaillons pour renforcer notre coopération horizontale au sein du ministère. Comme je l'ai dit lorsque j'ai accédé à ce porte-feuille, j'ai été surprise de constater que, dès qu'il était question de langue minoritaire, dès qu'il s'agissait du français en dehors du Québec, on vous renvoyait automatiquement aux langues officielles. Dès qu'il était question de l'anglais au Québec, on vous renvoyait automatiquement aux langues officielles, même s'il était question de culture, de sport ou de quelque chose d'entièrement différent.
Nous avons cloisonné nous-mêmes nos activités, et il faut maintenant les décloisonner. Nous essayons de permettre au ministère de se brancher sur cette forme de coopération horizontale
[Français]
qui porte fruit aussi.
[Traduction]
Il faut que tous les éléments de notre propre ministère contribuent plus efficacement à la dualité linguistique qui devrait devenir, nous l'espérons, le fer de lance du gouvernement.
Nous nous sommes engagés à faire en sorte que la langue française soit davantage utilisée au Canada. Il faut que 12 millions de Canadiens utilisent le français dans les affaires et dans la vie quotidienne. Comme je l'ai dit, cela nécessite deux fois plus de bilinguisme chez nos jeunes. Autrement dit, c'est là l'objectif que nous nous fixons. Certains se demandent peut-être pourquoi il nous faut un objectif. Nous voulons voir 12 millions de Canadiens utiliser le français d'ici l'an 2010, ce qui implique que le niveau de bilinguisme chez les adolescents devra passer de 24 p. 100 à 50 p. 100, que parmi les diplômés des écoles secondaires canadiennes, un sur deux soit bilingue. Nous pensons pouvoir atteindre cet objectif grâce aux programmes disponibles actuellement.
• 1550
Nous allons nous servir du réseau scolaire, de l'informatique,
de l'Internet et des organismes communautaires pour favoriser
l'apprentissage d'une seconde langue aussi bien chez les jeunes que
chez les adultes. Nous allons aussi utiliser la table ronde
ministérielle sur les langues officielles pour faciliter la
réalisation de cet objectif.
Comme les provinces ont accepté un plan d'action pour la première fois, nous pensons qu'en tirant parti des forces collectives de la population—de tous ceux qui veulent que leurs enfants étudient dans leur propre langue ou puissent apprendre une deuxième langue—nous pouvons atteindre cet objectif d'ici la fin de la prochaine décennie.
Mon exposé est terminé, et je suis prête à répondre à vos questions.
[Français]
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci, madame la ministre.
Permettez-moi d'informer les nouveaux membres du comité de la procédure que nous avons adoptée afin de donner à tous et à chacun la chance de poser des questions. Nous accordons sept minutes à chacun des partis pour le premier tour. Nous commençons par l'opposition officielle et suivent ensuite le Bloc québécois, le Parti libéral, le Nouveau parti démocratique et le Parti conservateur avec le sénateur Beaudoin.
Ensuite, au deuxième tour, cinq minutes seront allouées pour chaque question.
Monsieur Hill, comme vous êtes habitué, vous pouvez commencer.
[Traduction]
M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Merci beaucoup. Je remercie la ministre de sa présence.
D'après la Loi sur les langues officielles, le gouvernement fédéral s'engage à stimuler la vitalité des communautés de langues minoritaires anglaise et française au Canada. Vous venez de dire que votre objectif est d'atteindre le chiffre de 12 millions de Canadiens qui parlent français d'ici 2010. Je n'ai pas l'impression que cet objectif soit conforme au premier engagement prévu dans la loi. J'aimerais donc savoir comment vous pensez le concilier avec le but premier de la Loi sur les langues officielles.
L'hon. Sheila Copps: Le but premier est de venir en aide aux minorités linguistiques. Le deuxième objectif est de favoriser l'épanouissement du français et son utilisation par tous les Canadiens. Je ne vois aucune contradiction entre ces deux objectifs; pour moi, ils sont complémentaires.
En tout état de cause, dans notre monde très anglicisé, la langue française a tendance à disparaître. Je ne pense pas que l'anglais risque de disparaître; par conséquent, si nous pouvons renforcer notre appui à la minorité française hors Québec et à la minorité anglaise au Québec, nous atteindrons nos deux objectifs.
M. Grant Hill: C'est une distinction très importante, mais qu'on ne fait pas très souvent, en particulier dans l'Ouest, où la défense de la vitalité de l'anglais au Québec et de l'utilisation du français en dehors du Québec sont considérés comme des objectifs très louables, mais le recours à la Loi sur les langues officielles pour promouvoir l'une des deux langues n'est pas clairement envisagé, alors que vous le faites très clairement en énonçant cet objectif.
Si vous me permettez d'aborder la question de la défense des deux langues dans des situations de communautés minoritaires, j'ai étudié très soigneusement l'état financier du comité et je constate une nette disproportion dans l'utilisation des fonds. J'aimerais parler plus spécifiquement de l'utilisation des fonds au Québec pour promouvoir les intérêts de la minorité de langue anglaise et l'utilisation des fonds hors Québec pour promouvoir les intérêts de la minorité de langue française. Pourriez-vous m'indiquer pourquoi on note une telle disproportion dans la promotion de la langue des minorités linguistiques?
L'hon. Sheila Copps: Prenons l'exemple de mon frère, qui habite à Montréal. C'est un anglophone qui vit à Montréal, sa femme est francophone et ils parlent français à la maison. Si mon frère veut aller voir un film en anglais, il lui suffit de prendre le journal. Je pense qu'il doit y avoir une vingtaine ou une trentaine de cinémas à Montréal qui passent des films en anglais. C'est donc un anglophone minoritaire qui vit au Québec, mais il n'a aucune difficulté à obtenir les services qui doivent faire partie de notre environnement social.
Ma belle-soeur, qui habitait autrefois à Cold Lake, en Alberta, est francophone et il lui était impossible d'aller au cinéma pour voir un film en français. Maintenant, elle est mariée à mon frère, et elle est revenue à Montréal. Mais lorsqu'ils habitaient à Edmonton, en Alberta, les seules choses qu'elle pouvait faire dans sa langue était d'écouter Radio-Canada et de s'adonner aux activités proposées par la communauté francophone. Cette dernière recevait l'appui du gouvernement parce qu'elle était peu nombreuse et qu'elle n'avait pas accès au même éventail commercial que les anglophones dans un grand centre urbain comme Montréal.
Si vous prenez, par exemple, le cas d'un anglophone vivant en Gaspésie, sa situation est beaucoup plus semblable à celle d'un francophone qui vit à Cold Lake. Je veux parler ici des activités sociales, des sorties en soirée, des restaurants, des garderies, etc. M. Plamondon dit qu'il n'y a pas de comparaison. Je ne parle pas des services gouvernementaux; je parle de tout ce que l'on fait au quotidien en dehors du milieu gouvernemental, c'est-à-dire les garderies qui peuvent accueillir vos enfants, la possibilité de
[Français]
socialiser, aller manger dans un restaurant, faire des choses en famille?
La raison pour laquelle on investit davantage pour les francophones hors Québec, c'est qu'il est plus difficile de vivre en français à l'extérieur du Québec que ça l'est de vivre en anglais au Québec. Dans les parties éloignées du Québec, les anglophones risquent davantage de vivre en situation minoritaire. C'est pour cela que nous avons rééquilibré les dépenses faites à Montréal par rapport aux dépenses faites dans d'autres parties du Québec.
M. Grant Hill: Un autre enjeu me préoccupe. La Loi sur les langues officielles dit que là où le nombre le justifie, le gouvernement fédéral dépense des fonds. Pour la ministre, quel est ce nombre? Quel pourcentage de personnes appartenant à une minorité vivant dans une communauté à l'extérieur d'Ottawa justifie des dépenses?
[Traduction]
L'hon. Sheila Copps: Vous abordez ici deux questions différentes. La Constitution prévoit que tout Canadien a le droit de faire des études dans sa langue officielle. Toute personne a le droit d'étudier dans sa propre langue. C'est un droit constitutionnel.
En ce qui concerne la fourniture de services, dont parlent les articles 41 et 42 de la loi, le président du Conseil du Trésor va venir vous parler précisément de la fourniture de services autres que gouvernementaux, car ma mission est d'établir une structure permettant aux communautés de se former et de vivre dans la langue de leur choix, et non pas de décider quels services gouvernementaux seront fournis aux différents niveaux.
Comme nous avons signé un accord bilatéral suite aux travaux de ce comité, nous avons réparti cette responsabilité entre plusieurs ministères. Le Conseil du Trésor est chargé de la fourniture de services.
[Français]
M. Grant Hill: Je pose la question à la ministre du Patrimoine: quel pourcentage de personnes appartenant à la minorité justifie la prestation de services dans la langue minoritaire?
[Traduction]
L'hon. Sheila Copps: Je crois qu'il faut poser la question en sens contraire. Pour revenir à vos préoccupations concernant les anglophones du Québec, si les anglophones de Gaspésie deviennent un jour trop peu nombreux, est-ce que nous devrons cesser de les servir?
[Français]
M. Grant Hill: Quelle est la réponse?
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Votre temps est écoulé, monsieur Hill.
Monsieur Plamondon.
M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): Je suis prêt à laisser la ministre répondre à la question sur le pourcentage, si vous le voulez.
[Traduction]
L'hon. Sheila Copps: En tant que Canadienne, je suis très fière de voir que la Constitution confère à chaque jeune Canadien le droit d'étudier dans la langue de son choix. Je suis très heureuse que la Cour suprême ait confirmé ce droit à maintes reprises.
• 1600
J'estime que nous sommes sur la bonne voie, et je souhaite que
notre pays atteigne une maturité suffisante pour que tous ces
services soient disponibles partout dans les deux langues. Voilà ce
que j'en pense.
[Français]
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci, monsieur Hill.
Monsieur Plamondon.
M. Louis Plamondon: Madame la ministre, merci d'être là.
On n'a pas la même vision, vous et moi, de ce qu'est le rôle de la ministre responsable des langues officielles. Par contre, je suis à rédiger à votre intention une lettre dans laquelle je vous dis quelle devrait être, selon moi, la position du gouvernement canadien s'il croit vraiment à la Loi sur les langues officielles et s'il a vraiment l'intention qu'elle soit un jour appliquée comme il se doit, selon la Constitution et selon sur le principe de l'égalité des langues, non pas en termes de normes, mais en termes d'égalité des langues.
Cependant, je vous dis simplement ceci, et je vous l'ai d'ailleurs déjà dit, madame la ministre. Depuis que vous êtes à la tête de ce ministère, vous vous réjouissez du fait qu'un nombre croissant de gens deviennent bilingues. Il est certain que ce n'est pas mauvais et que la vision de votre ministère est de se transformer petit à petit en un ministère qui chante l'hymne au bilinguisme. Or, d'après moi, la question en est une de droits et de services, non seulement au niveau scolaire, mais aussi au niveau de la santé et de services sociaux et de l'accès à l'Internet dans ma langue, ce que je n'ai pas avec le service canadien actuel. Je n'ai pas non plus la garantie de pouvoir utiliser ma langue n'importe où au Canada. Donc, le but n'est pas de devenir bilingue.
D'ailleurs, je lisais la semaine dernière un livre dans lequel on disait que les provinces où les gens sont devenus le plus bilingues sont celles où il y a le plus haut taux d'assimilation et où les francophones ont le plus disparu.
Je ne suis pas contre le bilinguisme, mais je veux vous faire comprendre que, malgré la ligne de pensée qui vous anime depuis que vous êtes là—vos prédécesseurs aussi—, il y a quand même un taux d'assimilation de de la minorité française de 50 p. 100 dans les provinces autres que le Québec. Au Québec, c'est stable en ce qui a trait à la minorité anglaise. Bien sûr, on est dans un contexte nord-américain et il faut en tenir compte. C'est plus facile de conserver la langue anglaise en Amérique du Nord que ça l'est pour le Québec, en situation de minorité, de conserver la langue française, et c'est plus difficile encore quand on est dans une province hors Québec, puisqu'on sait qu'il y a 3 p. 100 de francophones en Amérique du Nord. Cela va de soi.
Dans ce sens-là, madame la ministre, est-ce que le désir fou de devenir bilingue n'est pas trop grand? Ne devrait-on pas plutôt nous fournir des garanties quant aux services d'éducation, aux services de santé et aux services sociaux dans la langue de notre choix?
L'hon. Sheila Copps: Ce que je trouve malheureux dans votre propos, c'est l'idée selon laquelle ces deux concepts sont inconciliables. Ils ne le sont pas. Dans les faits, plus il y a de francophiles qui comprennent ce que c'est que de parler et de vivre en français, plus on a la possibilité de créer une société vraiment équitable. En rapport avec la question de l'assimilation, je suis sûre que la politique émanant de la Constitution sur les droits à l'éducation est assez jeune. Il y a une autre politique qui pourrait jouer en faveur de l'équilibre français-anglais au Canada, et c'est la politique de l'immigration. Malheureusement, le Québec est l'un des endroits où il y a le moins de demandes d'immigrants, alors qu'on pourrait facilement augmenter le nombre de francophones venant au Canada si on faisait autant dans le domaine de l'immigration que d'autres provinces. C'est un outil.
• 1605
Ce n'est pas seulement une question de services.
Il faut aussi tenir compte du nombre
d'immigrants qui parlent les deux langues.
Actuellement, l'immigration crée une partie de la
base de la population pour les nouvelles générations.
Vous dites que les problèmes d'assimilation sont plus
grands là où il y a des gens bilingues.
Je prends l'exemple de mon père, qui vient du nord de l'Ontario. C'est sûr qu'il y a 30 ans, les francophones de cette région étaient des travailleurs forestiers qui n'avaient pas nécessairement droit à l'enseignement dans leur langue. D'ailleurs, mon père a appris le français dans la rue. Il n'a jamais été instruit, car cela n'existait pas. C'est un Irlandais qui a appris le français dans la rue, et sa ville devenait de plus en plus anglaise parce que ceux qui parlaient le français et ceux qui enseignaient le français le faisaient dans les conditions que je viens de mentionner. Quand leurs enfants ont commencé à fréquenter l'école, ils ont tout perdu. Si on veut rattraper cela, on doit donner au système scolaire la possibilité de s'implanter avec vigueur. C'est ce que nous essayons de faire en investissant dans le français à l'extérieur du Québec.
Dans le rapport Où sont passés les milliards?, on a parlé de l'investissement que nous avons fait dans les écoles. Mais il faut aussi aller en dehors des écoles, et on a essayé de faire cela. C'est le mandat primordial de notre ministère. De plus, je trouve qu'en politique, plus les gens se comprennent, plus on a leur appui. Le Parti réformiste et Alliance Québec commencent maintenant à endosser le bilinguisme. C'était impensable il y a 10 ans. Cela veut dire qu'il commence à y avoir plus d'appuis. Plus il y aura d'appuis, plus il y aura de services. Cela fait boule de neige. Je ne pense pas que les deux principes soient inconciliables. Je pense qu'ils vont ensemble.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Je vous remercie.
Monsieur Plamondon, vous avez encore une minute.
M. Louis Plamondon: Je vais donner la chance à d'autres. Cependant, je dois dire que vous ne me convainquez pas, madame la ministre. Vos interventions ne me convainquent pas qu'il y a de l'espoir de voir la francophonie—et je parle toujours des provinces hors Québec—gagner du terrain. Même au Québec, je crois qu'elle est en danger. En dehors du Québec, la francophonie est quand même sur une pente descendante et rien ne peut, à l'heure actuelle, l'arrêter, puisque c'est continuel. Selon Statistique Canada, le déficit annuel est de 50 p. 100 quant au renouvellement de la population francophone par rapport à ceux qui meurent et à ceux qui naissent. Donc, on s'en va vers la disparition. Dans ce sens-là, je pense que la politique qu'on a en place depuis des années conduit directement à la disparition du fait français.
Vous avez parlé de l'immigration. Donnez tous les pouvoirs d'immigration au Québec, et je ne serai pas inquiet pour la survivance de la langue française. Déjà, il y a beaucoup d'efforts qui sont faits et il y a une collaboration quand même assez grande entre les deux gouvernements pour ce qui est de favoriser l'immigration francophone au Québec, pour garder le fait français en Amérique du Nord.
Vous savez qu'à Montréal—je ne sais pas si ce sont les chiffres de cette année ou ceux d'il y a quelques années—, seulement 52 p. 100 des gens sont considérés comme francophones. C'est la métropole du Québec. Même au Québec, le français est en danger. Imaginez la situation dans le reste du Canada. Donc, il me semble qu'il y a un tournant à donner à votre politique.
• 1610
D'ailleurs, comme je vous l'ai dit,
je ferai une réflexion, je vous écrirai et
vous me répondrez par écrit. J'aurai ainsi le temps de
vous en entretenir plus longuement. Selon moi, on ne
peut pas continuer comme cela. Il faut
absolument donner un coup de barre et axer
notre action sur les droits des individus et sur
l'égalité des deux langues.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Vous voulez répondre, madame la ministre?
L'hon. Sheila Copps: Premièrement, en ce qui a trait à l'immigration, je sais que la ministre de l'Immigration du Canada a demandé au gouvernement du Québec d'accueillir un plus grand nombre d'immigrants. Vous pouvez allez vérifier ces faits. On veut qu'un plus grand nombre d'immigrants parlent français et que le gouvernement du Québec nous aide à ce chapitre.
M. Louis Plamondon: Tout le monde est d'accord.
L'hon. Sheila Copps: Vous dites que ce sont les politiques du gouvernement qui ont fait en sorte que le nombre de francophones a chuté. Je dois toutefois vous dire que le nombre de francophones est stable, mais que c'est la population qui augmente. Nous réussirons à augmenter leur nombre par notre appui en matière d'éducation et d'immigration et par l'ajout politique des francophiles.
Je crois que le problème de l'anglicisation n'existe pas uniquement au Canada, mais qu'il touche à peu près à toutes les cultures. Le Réseau des ministres de la Culture a été instauré parce que beaucoup de pays craignaient de perdre leur langue. Lorsque les autres pays constatent qu'on a été capables de bâtir un pays où nos deux langues ont reçu un appui constitutionnel et où on protège les droits des deux groupes linguistiques, ils ont de l'espoir.
On pourrait bien dire qu'on cesse tous nos efforts parce que c'est une tâche impossible que d'empêcher l'anglais de devenir la seule langue au monde, ou bien on pourrait se dire que des sociétés peuvent travailler ensemble afin d'augmenter le nombre de gens qui parlent le français. Moi, je ne suis pas prête à jeter l'éponge. Il y a trois ans que les ministres responsables de la francophonie au Canada travaillent de concert et qu'on songe à une année de la Francophonie canadienne. La célébration de cette Année de la Francophonie nous permettra de valoriser ce que vous avez fait et de demander à d'autres gouvernements de s'engager. La tenue du Sommet de la Francophonie à Moncton a certainement été source de fierté pour les francophones et a constitué un point de départ pour les jeunes qui voudront faire un suivi.
Je ne saisis pas bien les solutions que vous proposez. Vous semblez craindre qu'on ne puisse rien accomplir à l'extérieur du Québec et dire qu'il faudrait peut-être jeter l'éponge, acceptant le fait que nous avons deux peuples qui parlent deux langues dans leur territoire respectif. Moi, je ne suis pas en faveur de cela.
M. Louis Plamondon: Il faut qu'on fasse quelque chose justement.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Sénateur Gauthier.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier (Ontario, Lib.): Merci, madame la présidente.
Nous pourrions poursuivre notre discussion sur ce point, mais vous connaissez déjà ma position là-dessus. Le bilinguisme est comme un hybride; il ne se reproduit pas plus. Mais une langue officielle a une chance de se reproduire si on lui donne une chance de s'épanouir. Vous connaissez... [Note de la rédaction: Inaudible]. Il y a deux langues officielles dans notre pays, c'est tout. M. Beaudoin voudra peut-être me corriger, mais, à ce que je sache, le mot «bilinguisme» ne figure même pas dans la Constitution. Voilà ce qui indispose beaucoup de gens. En tout cas, passons à autre chose.
Vous avez parlé de l'entente Canada-Ontario, qui est une question très préoccupante. Lorsque j'ai fait enquête auprès de votre ministère l'an dernier pour savoir où en était ce dossier, on m'a répondu qu'il progressait, qu'on annoncerait, lors du Sommet de la Francophonie, que l'entente avait été signée et que tout allait bien. Mais rien n'est arrivé. Je connais un petit peu le problème et je sais qu'il y a deux enjeux, dont le principal porte sur les sommes d'argent qu'on investira. Tous savent qu'il s'agit de 20 ou 21 millions de dollars, ce que vous pourriez peut-être me confirmer, sinon je continuerai à le penser.
Il y a une question qui me chicote beaucoup et qui nous a tous préoccupés en Ontario l'an passé, soit la gestion de l'entente. À mon avis, c'est là que se situe le problème. Vous pourrez me corriger si je me trompe.
• 1615
Toutes les provinces, à l'exception de l'Ontario,
ont signé des ententes. Ai-je raison de dire que si
l'Ontario n'a pas encore signé l'entente, c'est parce qu'on
se heurte à la question de sa gestion?
L'hon. Sheila Copps: Je croyais que la préoccupation se situait au niveau des sommes d'argent.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Cela ne correspond pas aux renseignements qu'on m'a données. Je tiens donc pour acquis qu'on m'a mal informé.
L'hon. Sheila Copps: Pas nécessairement.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: A-t-on réglé la question de la gestion de l'entente?
M. Hilaire Lemoine (directeur général, Direction générale des programmes d'appui aux langues officielles, ministère du Patrimoine canadien): Monsieur Gauthier, l'Ontario s'apprête à terminer ses séances de consultation auprès de la communauté dans toutes les régions de la province en vue d'établir le mécanisme qui nous permettra éventuellement de gérer l'entente. On espère être en mesure d'obtenir la signature de l'Ontario d'ici la fin mars, y compris son accord quant aux sommes qui seront affectées. Les détails qui nous restent à régler en Ontario portent surtout sur le choix de l'organisme ou de l'institution qui gérera l'entente. C'est là que nous en sommes rendus actuellement.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Cela va plus loin que la ministre.
L'hon. Sheila Copps: Ce n'est pas la première fois.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Je crois comprendre que des consultations se tiennent actuellement, qu'elles vont se terminer prochainement et qu'on peut s'attendre à la signature de l'entente en mars prochain.
M. Hilaire Lemoine: C'est effectivement ce qu'on vise, oui.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Vous avez confirmé ce que je pensais, et je vous en remercie.
Je ne devrais peut-être pas traiter des articles 41 et 42 puisqu'ils ont été portés devant les tribunaux. Le 12 mai 1998, il y a presque deux ans, ce comité adoptait une résolution visant à ce que le CRTC soit soumis à la Loi sur les langues officielles, et plus particulièrement à ses articles 41 et 42. Je vous lis cette résolution:
-
Que le comité recommande
au gouvernement du Canada que le Conseil de la
radiodiffusion et des télécommunications canadiennes
soit ajouté à
la liste des 27 institutions fédérales désignées dans le
cadre de responsabilisation adopté en août 1994 en vue
d'assurer la mise en oeuvre des articles 41 et 42 de la
Loi sur les langues officielles.
Êtes-vous prête, madame la ministre, à recommander à vos collègues du Cabinet d'y soumettre une fois pour toutes le CRTC? Je vous dirai pourquoi cette revendication est importante. Nous, en Ontario, avons demandé au CRTC de nous accorder le droit de diffuser au Québec la chaîne TFO, une chaîne de télévision française de l'Ontario. En réponse à une lettre que je lui avais adressée, la présidente du CRTC m'a répondu qu'aussitôt qu'elle aurait le dossier en main, elle m'informerait de sa décision. Je n'ai encore rien reçu. Est-ce que vous pourriez me dire si vous êtes au courant de ce qui se passe entre TFO, le CRTC et le Québec?
L'hon. Sheila Copps: Oui.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: C'est un dossier important pour moi.
L'hon. Sheila Copps: Je vous dis la vérité. Moi, je crois que le CRTC devrait y être assujetti.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Allez-vous recommander cela à vos collègues?
L'hon. Sheila Copps: Oui, absolument et je ferai un suivi.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: C'est tout ce que j'ai à dire.
L'hon. Sheila Copps: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Vous avez terminé, sénateur Gauthier?
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Oui.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Sénateur Beaudoin.
Le sénateur Gérald-A. Beaudoin (Rigaud, PC): Je voulais revenir à cette question pour les fins du dossier. Il semble qu'il faut parfois recommencer ce débat-là.
• 1620
Quand on parle de l'égalité là où le nombre le
justifie, je ne suis pas d'accord du tout parce que la
Constitution du Canada met sur le même pied les deux
langues officielles. Il ne faut jamais oublier cela.
Ce n'est pas une question de savoir s'il y a moins de
francophones que d'anglophones, pas du tout. Les
deux langues officielles sont sur un pied d'égalité.
Voilà ce que stipule la Constitution du pays. Ce n'est
pas une simple loi.
Il faut lire absolument l'arrêt donnant raison aux parents de l'Île-du-Prince-Édouard. C'est bien fait et c'est une bonne décision de la Cour suprême. Pour la première fois dans l'histoire du Canada, on a dit que les droits linguistiques étaient des droits collectifs. On n'avait jamais dit cela auparavant. Les juristes en discutent depuis des décennies, mais là, la Cour suprême l'a dit.
J'ai toujours dit que ce sont les langues qui sont égales. Ce n'est pas une question de nombre. Ce que l'article 23 de la Constitution protège, ce sont les écoles des francophones et des anglophones, les droits des francophones hors Québec et des anglophones au Québec. Et pour la première fois, on a précisé un chiffre: soit de 49 à 151. Évidemment, on ne peut pas avoir une école pour une personne. Mais quand même, il y a un droit qui existe.
Je voulais faire cette mise au point parce qu'elle m'apparaît fondamentale et que cet aspect revient toujours dans le débat. C'est comme si on disait: «Les langues officielles, oui, mais là où le nombre le justifie.» Oui, l'article 23 parle du nombre qui le justifie dans les écoles, mais quand on parle du bilinguisme à l'article 16 ou à l'article 133, ce n'est pas une question de nombre. Les deux langues sont officielles.
Premièrement, je vous remercie de cet exposé qui m'apparaît très intéressant. J'aime bien que les gens ouvrent des voies d'avenir. C'est ça qu'il faut faire. L'avenir nous appartient, tandis que le passé est passé. On peut orienter l'avenir.
Vous avez parlé des sous-ministres qui voient à la protection de la langue française. J'aimerais que vous précisiez votre pensée puisque j'ai moi-même travaillé dans la Fonction publique quelque temps, à une époque lointaine où la langue française n'était pas aussi bien protégée qu'elle l'est aujourd'hui. Que font sous-ministres actuels pour assurer la protection de la langue française?
L'hon. Sheila Copps: Le travail que vous avez accompli en ce sens s'est avéré très utile. Vous aviez recommandé que les responsabilités relatives au respect des deux langues officielles relèvent de plus d'un ministère. Lorsque Mme Finestone était secrétaire d'État, les programmes portant sur les deux langues officielles relevaient du ministère du Patrimoine canadien, tandis que le gouvernement se chargeait de tous les autres aspects. Le ministre responsable des langues officielles a éprouvé de la difficulté à faire changer la mentalité au Conseil du Trésor, au ministère des Finances, etc.
Nous avons signé une entente avec M. Massé qui visait le partage des responsabilités entre le ministère du Patrimoine canadien et le Conseil du Trésor. Le Conseil du Trésor est désormais responsable de la préparation des rapports annuels et il a créé un comité de sous-ministres pour essayer de faire avancer certains dossiers, dont tout particulièrement celui des deux langues officielles.
Vous savez sans doute que, tout comme on fait des analyses des ententes fédérales-provinciales sur la main-d'oeuvre, le ministère de la Justice fait des analyses afin de déterminer si nous respectons ou ne respectons pas les dispositions de la Loi sur les langues officielles dans le cadre de nos ententes fédérales-provinciales. Lorsque nous serons prêts à renouveler ces ententes au bout de cinq ans, nous pourrons voir si nous avons su respecter la loi. C'est une question qui préoccupe ce comité de sous-ministres.
Je demanderais à M. Moyer de vous donner de plus amples renseignements.
M. Norman Moyer (sous-ministre adjoint, Identité canadienne, ministère du Patrimoine canadien): On a créé ce comité de sous-ministres il y a une dizaine d'années. Son mandat a été renouvelé et on en a augmenté la portée à la suite des travaux de ce comité, ainsi que des rapports Savoie et Fontaine qui avaient souligné le fait qu'au sein de l'appareil exécutif du gouvernement, il n'y avait vraiment d'entité qui examinait l'ensemble de ces questions.
Ce comité, qui a reçu un nouveau mandat, est présidé par le sous-ministre de la Justice et regroupe tous les sous-ministres qui ont un rôle important à jouer dans ce dossier-là. Les sous-ministres se rencontrent à tous les deux mois, dressent un plan d'action annuel, examinent deux fois l'an avec le commissaire aux langues officielles les dossiers les plus sensibles et se penchent précisément sur ce genre de questions que la ministre vient de relever. Ils discutent entre autres du transfert de pouvoirs, des incidences de certains facteurs sur les communautés de langue minoritaire et de la protection des droits des deux groupes linguistiques au Canada, par exemple dans le cadre d'une loi régissant le transport aérien.
C'est un comité qui est devenu plus actif, qui est doté d'un mandat renouvelé et qui reçoit un appui direct de la part du Conseil privé.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Il y a un deuxième point qui m'intéresse également. Bien que mon collègue le sénateur Gauthier ait dit que certains articles étaient sub judice, je dois vous dire que malgré le fait que j'ai beaucoup de respect pour cette doctrine, je crois qu'un comité parlementaire peut quand même parler des dispositions des lois.
Je pense que votre attitude a toujours été que c'est la partie VII, si je ne m'abuse, de la Loi sur les langues officielles qui est en jeu. À mon avis, le but premier des articles 41, 42 et les suivants a toujours été, dans la conception du législateur, quelque chose qui avait une valeur. Ce n'était pas seulement du window dressing; c'était plus que ça. Il y a une obligation quelconque, quelque chose d'impératif là-dedans. Je voudrais savoir s'il y a un changement sur le plan administratif à ce niveau. Est-ce toujours ce que le gouvernement canadien croit?
Je ne voudrais pas entrer dans la cause qui est devant les tribunaux; ça, c'est autre chose. Mais est-ce que le but de cette partie de la Loi sur les langues officielles n'était pas d'agrandir un peu la portée de la loi?
L'hon. Sheila Copps: Nous sommes toujours d'accord sur cette voie. Ce qui arrive actuellement, par contre, c'est que lorsque nous essayons de maximiser la prestation de services et de rationaliser les rapports entre les gouvernements fédéral et provinciaux, on ne transmet pas toujours ces exigences à un autre palier de gouvernement. C'est pour cette raison que nous nous préoccupons de cet aspect de reconnaissance des dispositions de la loi lorsque nous concluons des accords. C'est le sous-ministre de la Justice qui a la responsabilité de plaider des causes et de présider le comité des sous-ministres.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Mais est-ce qu'on ne ferme pas les portes de l'avenir?
L'hon. Sheila Copps: Non, non.
Le sénateur Gérald Beaudoin: La loi est là, elle est toujours là et elle a été adoptée par le Parlement.
L'hon. Sheila Copps: C'est ce qu'on veut.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Moi, je vous dis qu'il ne faut pas oublier que les langues officielles sont inscrites dans notre Constitution. On en parle très clairement dans la loi de 1982.
L'hon. Sheila Copps: Monsieur Beaudoin, prenons l'exemple de l'entente sur la main-d'oeuvre que nous avons signée.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui.
L'hon. Sheila Copps: L'entente sur la main-d'oeuvre prévoit qu'on doit respecter les deux langues officielles. Selon certaines interprétations juridiques, puisque la déclaration du respect des deux langues officielles figure dans le préambule de l'entente, elle n'a pas le même poids que si elle figurait dans le texte même de l'entente. C'est un fait que soulignait entre autres M. Savoie.
Le sénateur Gérald Beaudoin: La cour décidera.
L'hon. Sheila Copps: Oui, c'est ça.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci, sénateur Beaudoin.
Monsieur le député Yvon Godin.
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, madame la présidente. Madame la ministre, merci d'être venue ici aujourd'hui.
J'aimerais vous poser la question suivante. Dans le budget de 1999, on avait affecté des fonds de 5,5 millions de dollars par année au Partenariat interministériel avec les communautés de langue officielle. Pourriez-vous nous dire ce qui a été fait cette année dans le cadre de ce partenariat?
L'hon. Sheila Copps: Le PICLO? Je vais demander à M. Lemoine de répondre.
M. Hilaire Lemoine: La ministre en a fait l'annonce ou a lancé cette initiative le 2 mars à Moncton, comme vous le savez. Le programme comporte un budget de 5,5 millions de dollars par année pendant cinq ans. Nous finalisons actuellement l'approche qui devrait éventuellement prévaloir dans la mise en oeuvre de cette initiative.
Nous voulons nous assurer que ces fonds servent effectivement à mettre en place ou à changer véritablement la culture des ministères avec qui on veut établir ce partenariat. Nous voulons y aller selon une approche relativement stratégique, c'est-à-dire une approche qui ne serait pas orientée tous azimuts et qui ne comporterait pas toutes sortes de projets ne s'insérant pas dans une action concertée.
Nous sommes à finaliser le programme afin de le mettre en oeuvre formellement à compter d'avril 2000. Donc, la période de cinq ans est toujours envisagée, sauf qu'on ne voudrait pas mettre le programme en oeuvre avant d'être certains d'effectuer réellement un changement de culture dans les ministères.
L'hon. Sheila Copps: Nous avons eu aussi un choix à faire: on pouvait disséminer le montant de 5,5 millions de dollars entre les provinces pour la réalisation de petits projets; l'autre possibilité était d'essayer de faire quelque chose de stratégique, parce que 5,5 millions de dollars comme somme de départ, à laquelle peut s'ajouter d'autre argent, peuvent permettre la réalisation de projets plus importants. Si ce sont de petites sommes éparpillées ici et là, cela risque de ne pas avoir beaucoup d'effet sur la façon de gérer les projets. Or, l'intention est vraiment de financer des projets-pilotes qui peuvent amener des changements et susciter le respect des deux langues officielles dans tous les ministères.
M. Yvon Godin: J'aurais une autre question.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Monsieur Godin, vous avez encore deux minutes.
M. Yvon Godin: Deux minutes? Je vais essayer de m'en tirer en une demi-minute.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): S'il vous plaît, oui.
M. Yvon Godin: C'est à propos des prêts étudiants. Comme vous le savez, madame la ministre, j'appartiens à une communauté francophone hors Québec. À peu près 80 p. 100 des habitants de ma circonscription sont francophones. Elle s'appelle Acadie—Bathurst; c'est une partie de l'Acadie.
Il est regrettable que, depuis que le gouvernement a transféré les prêts aux étudiants à des institutions financières, ces étudiants de chez nous se fassent répondre en anglais par les agents d'institutions financières de Toronto, qui ne veulent pas leur parler en français parce qu'ils n'en sont pas capables. J'ai déjà fait des plaintes à ce sujet. C'est la même chose pour les agences de recouvrement.
Quelle sorte de politique avez-vous à votre ministère pour vous assurer, lorsque vous effectuez de tels changements, que les droits linguistiques seront respectés? Pensez-y vite car je n'ai que deux minutes.
La même chose est arrivée à propos de la Société canadienne du sang. Elle est venue s'établir à Caraquet, et les membres du personnel étaient tous anglophones. Ils voulaient s'adresser aux gens et ils ne parlaient même pas français. C'est inacceptable. Inacceptable! Comment se fait-il que des organismes de ce genre soient transférés en d'autre lieux dans ces conditions? Quelle politique permet de s'assurer que de telles choses ne se produisent pas?
Ce sont là deux exemples de choses qui se sont produites chez nous. Dans le cas d'Air Nova, c'était la même chose. Vous savez, ça ne va pas si bien que ça hors Québec.
L'hon. Sheila Copps: Pour ce qui est d'Air Nova, c'est une des raisons pour lesquelles le ministre des Transports a exigé le respect des deux langues officielles, pas seulement dans les grandes compagnies aériennes, mais aussi dans les compagnies aériennes régionales, ce qui va changer des choses.
En fait, vous soulignez exactement le problème que nous avons au ministère. Si vous prenez l'exemple des prêts, ce serait un beau cas pour un projet PICLO. Si le gouvernement du Canada autorise les banques à offrir leurs services, elles devraient le faire dans le respect des deux langues officielles.
• 1635
Je vous invite à penser à ces questions, parce que
nous, nous essayons de le faire. Nous avons pensé
qu'avec le PICLO, nous pourrions avoir quelques
projets-pilotes conjointement avec d'autres ministères,
entre autres avec le ministère des Finances, qui
pourrait être intéressé à participer au programme.
M. Yvon Godin: Mais dans le cas de la Société canadienne du sang, par exemple?
L'hon. Sheila Copps: La Société canadienne du sang, si je ne m'abuse, relève d'un comité qui s'appelait auparavant le Comité canadien du sang. C'est un comité fédéral-provincial, et la livraison des produits du sang relève des provinces. Vous seriez donc en meilleure position si vous parliez d'abord des prêts et bourses, parce que là-dessus, il ne se pose pas de problème de juridiction.
Je ne suis pas ministre de la Santé, mais quand j'étais critique, si je me souviens bien...
M. Yvon Godin: Vous n'êtes pas ministre de la Santé dans le moment, mais ministre responsable des langues officielles.
L'hon. Sheila Copps: Je comprends, mais vous parliez du Comité canadien du sang.
M. Yvon Godin: Non. Je ne parlais pas du comité, mais des gens qui viennent nous servir en région. Je parlais des gens qui partaient de Sait-Jean pour venir nous servir à Caraquet et qui ne parlent pas un mot de français.
L'hon. Sheila Copps: Excusez-moi, mais la deuxième question ne portait-elle pas sur les gens du Comité canadien du sang?
M. Yvon Godin: Non. Ma première question, c'était pour...
L'hon. Sheila Copps: J'ai compris que la première question avait trait aux étudiants.
M. Yvon Godin: Oui, aux étudiants. La deuxième, c'est que la Société canadienne du sang...
L'hon. Sheila Copps: C'est ce que je veux dire: la Société canadienne du sang.
M. Yvon Godin: Attendez un peu. Je vais m'expliquer. C'est moi qui vais le dire et vous essaierez de me comprendre. J'ai dit que la Société canadienne du sang, qui est maintenant en charge de la collecte du sang, transfère des employés de Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, à Caraquet et à Tracadie, et que ces employés ne parlent pas français. Ce sont les employés qui ne parlent pas français. Est-ce que c'est clair, maintenant? C'est là que se trouve le problème.
Donc, qu'est-ce que votre ministère fait pour s'assurer que de tels organismes, quand ils prennent en charge une tâche qui relève du fédéral, en partie du moins, offrent le service en français dans les régions francophones, dans une région comme la mienne, qui est à 80 p. 100 francophone?
L'hon. Sheila Copps: Je suis responsable de dispenser à la communauté les services liés à l'éducation, par exemple. Par ailleurs, le gouvernement, par la voie du Conseil du Trésor, est responsable de s'assurer que les ententes avec les autres ministères respectent les langues officielles. C'est pourquoi Mme Robillard vient vous rencontrer la semaine prochaine.
À ce que j'ai compris de l'entente, la collecte du sang relève du Nouveau-Brunswick et non pas du Canada.
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Cela relève du Nouveau-Brunswick.
L'hon. Sheila Copps: Le système de collecte comme tel et est la responsabilité de chaque province. Là-dessus, vous pourriez certainement obtenir plus d'information auprès du président de l'autre comité.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci.
Madame Folco.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.)): Merci. Je pose cette question en tant que membre du comité. Tout d'abord, je voudrais réfuter la déclaration de mon collègue du Bloc québécois, M. Plamondon, qui a dit que 52 p. 100 de personnes ne parlent pas le français à Montréal. C'est une chose qu'on entend souvent, malheureusement. Pourtant, il ne faut pas oublier que ces 52 p. 100 sont en grande partie le résultat de l'immigration, et qu'une première génération d'immigrants, forcément, ne parle pas toujours le français. Leurs enfants, qui vont à l'école française, apprennent le français.
Donc, ces 52 p. 100 ne démontrent pas le fait que Montréal ne parle pas le français et que le reste de la province le parle. Il s'agit de savoir qui reçoit la première vague d'immigration et ce qu'on en fait. Nous savons que ces enfants, les enfants de ces immigrants, vont dans des écoles françaises. Je pense que c'était important de le souligner, parce qu'on verra dans 10 ou 15 ans, quand ces enfants-là arriveront sur le marché du travail, qu'ils parleront le français, comme le font les descendants des anciens immigrants qui habitent toujours à Montréal.
J'aurais une question à vous poser également, madame la ministre. C'est sur la question du financement des groupes communautaires qui représentent les communautés de langue minoritaire dans l'ensemble du Canada.
Nous savons que, depuis quelques années maintenant, le gouvernement fédéral refuse le financement de base de ces groupes communautaires et accepte plutôt de financer des projets. Cela a posé beaucoup de difficulté à ces organismes puisque, en fait, leur raison d'être même est souvent mise en danger. Je me demandais s'il y avait possibilité, dans l'Entente Canada-communauté, de revenir sur cette façon de faire et d'aider les communautés par un financement de base plutôt que par des projets. C'est que la rédaction de projets leur prend énormément de temps.
L'hon. Sheila Copps: Madame Folco, nous avons maintenu le financement de base. Ce qui est exigé dans l'Entente Canada-communauté, c'est que 80 p. 100 de la somme serve au financement de base et 20 p. 100 à des projets. Toutes les communautés ont accepté ce principe, sauf l'Ontario.
Nous croyions que c'était important. Prenons l'exemple des Jeux de la Francophonie canadienne, à Memramcook. S'il n'y avait pas eu de financement de projets, à part le financement de base, nous n'aurions pas pu organiser de projets conjoints, car il existe, en réalité, 12 sociétés. Chaque province et chaque territoire a sa société.
Ce que nous avions exigé dans l'entente, c'est que 80 p. 100 puisse servir au financement de base et que 20 p. 100 soit attribué à des projets.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Merci.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Ça va?
Monsieur Bellemare.
[Traduction]
Excusez-moi. Monsieur Hill, avez-vous une question à poser? Non? Bien.
[Français]
Monsieur Bellemare.
M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre. J'ai été fort impressionné par votre présentation, surtout lorsque vous avez parlé de l'enseignement de la langue seconde au pays. Je dis bien au pays, ce qui veut dire et au Québec et à l'extérieur du Québec.
J'ai entendu tout à l'heure le député du Parti réformiste, qui se dit ouvert à l'enseignement du français ou aux services offerts en français si le nombre le justifie. Pour lui, le nombre correspond à un pourcentage. Évidemment, c'est une attitude qui peut écraser la minorité. En effet, un tel a priori pourrait vouloir dire que le pourcentage ne serait jamais assez élevé dans certaines régions.
Il semble oublier la philosophie de base, le point essentiel accepté par le pays qu'il y a ici deux langues officielles. Le sénateur Beaudoin l'a bien expliqué tout à l'heure: ce sont les langues officielles qui sont importantes et elles sont à égalité.
Parlons maintenant de l'enseignement du français. D'après moi, cela consacre le français comme langue seconde et, si Louis Plamondon du Bloc québécois était ici, je dirais la même chose de l'enseignement de l'anglais au Québec. C'est une question d'ouverture des esprits, de les ouvrir à la communauté canadienne tout entière, d'offrir des possibilités d'emploi à tous les Canadiens et de rendre possible l'unité canadienne. C'est une chose importante que ni le Parti réformiste ni le Bloc québécois ne semblent comprendre. Le Bloc québécois s'emploie toujours à diminuer la francophonie.
Ce qui est souvent oublié par tout le monde, c'est qu'on parle souvent de «pure laine». Même à Statistique Canada—je m'objecte beaucoup à leur façon de faire—, on dit qu'il y a tant de francophones ici, tant d'anglophones là, en oubliant qu'il y a aussi des gens bilingues. Les gens qui sont bilingues, à divers degrés, sont surtout des francophiles. Ceux qui sont unilingues sont souvent soit francophobes, soit anglophobes, cela étant dû souvent à la situation dans laquelle ils se trouvent ou à des expériences malheureuses qu'ils ont vécues personnellement. C'est cela qui arrive.
Donc, par votre promotion de l'enseignement, je trouve que vous êtes fidèle à ma philosophie de base, celle de développer chez tous les Canadiens l'attitude d'accepter et même d'aimer la langue de l'autre, au Canada, une des deux langues officielles. En résultat, au bout du compte, nous aurons un pays uni et, dans le village global, dans l'ensemble du monde, nous pourrons mieux fonctionner. En effet, souvent ceux qui s'intéressent aux langues peuvent en acquérir une troisième et une quatrième, ce qui, dans la mondialisation, peut procurer des avantages.
Ayant fait ce commentaire de félicitation pour vos programmes, j'aurai deux questions. Voici la première.
• 1645
Dans ma circonscription, qui compte plusieurs
anglophones, on me demande souvent ce que je fais pour
aider les anglophones du Québec. Je réponds qu'il est
vrai que le gouvernement du Québec ne semble pas
vouloir offrir les services en anglais aux anglophones.
Très peu de fonctionnaires sont bilingues ou de langue
anglaise.
Que pouvons-nous faire, au fédéral, pour promouvoir, aider, pousser ou inciter la province de Québec à se donner un service public et des fonctionnaires qui soient davantage bilingues ou qui puissent mieux desservir les anglophones?
Voulez-vous que je pose tout de suite ma deuxième question? Vous pourrez répondre aux deux ensemble?
L'hon. Sheila Copps: D'accord.
M. Eugène Bellemare: La dernière fois que la présidente du CRTC est venue ici, elle m'a fait sursauter lorsqu'elle a déclaré au comité que le CRTC ne reconnaissait pas le caractère bilingue de la capitale du Canada au point de vue, par exemple, de la diffusion des émissions télévisées.
Ainsi, quand des organismes privés comme Rogers Cable décident de transmettre des émissions à leur clientèle d'Ottawa, ils ne sont pas obligés de suivre les mêmes règles qu'à un autre endroit désigné bilingue, parce qu'Ottawa est désigné anglophone. Que peut-on faire pour que le CRTC reconnaisse que la capitale du Canada constitue sûrement une exception, que ce devrait être le modèle canadien pour la diffusion de la télévision dans les deux langues officielles?
L'hon. Sheila Copps: J'ai répondu à notre collègue le sénateur, à propos du CRTC, que j'allais faire un suivi pour m'assurer que l'organisme respecte la Loi sur les langues officielles. Cela pourrait avoir un bon effet sur ce dont vous parlez dans votre deuxième question. Cependant, il faudrait peut-être réinviter le CRTC à présenter un exposé devant le comité, parce que je ne connais pas les détails précis de ce que devrait contenir une politique.
En ce qui concerne votre première question, sur ce point, il faut faire attention parce qu'on touche à beaucoup d'aspects politiques. Toutefois, quand le gouvernement du Québec a décidé de ne pas endosser l'Année de la Francophonie canadienne, j'ai trouvé cela bête parce qu'il était prêt à aller fêter la francophonie à Paris, mais pas chez lui, à Shawinigan, au Saguenay, etc.
Mais cela aussi est davantage une question d'ouverture d'esprit. Vous le savez aussi bien que moi, monsieur Bellemare, car vous qui êtes de ceux qui ont lutté pendant longtemps en Ontario en faveur des droits des Franco-Ontariens. Même quand nous étions jeunes, nous n'avions pas droit à des écoles françaises. Ça n'existait pas. Nous avons toujours remis en question le principe when numbers warrant. Cela a toujours été. Souvenez-vous des batailles de Penetanguishene et de la région de Windsor. Heureusement, ces batailles ont été gagnées.
Il reste vrai que le Québec, à cause de faits historiques, offre beaucoup plus de services en anglais aux anglophones, même aujourd'hui, que ce qui est offert à beaucoup de francophones à l'extérieur du Québec. C'est indéniable. Et même si le Québec diminuait les services qu'il offre et que les autres provinces augmentaient les leurs, bien des francophones seraient heureux d'avoir des services aussi développés dans leur coin que ce qui existe actuellement au Québec pour les anglophones, grâce à ce qui s'est passé historiquement.
• 1650
La question clé, c'est l'ouverture d'esprit. On peut
voir où en sont rendus les Canadiens et les Canadiennes
maintenant. La
grande majorité d'eux veulent que leurs enfants aient la
capacité de s'exprimer dans une deuxième langue, que
ce soit au lac Beauport, où je me trouvais la semaine
dernière, ou que ce soit à Vancouver. C'est là la
mentalité des gens.
Cependant, cette ouverture d'esprit n'est pas toujours reflétée dans l'ordre politique. Et c'est là qu'il faut travailler. Quand on abolit des services offerts aux minorités ou qu'on décide de ne pas les offrir, cela conduit toujours à une sorte de politisation de la situation linguistique.
Mais les gens ont dépassé ce stade. Cela existait peut-être il y a un certain nombre d'années, à l'époque des boîtes de Corn Flakes, mais ça n'existe plus. C'est une connaissance que les gens souhaitent avoir. Ce sont seulement les cadres politiques qui, parfois, se servent de la langue pour créer des fossés parce que ça sert leur intérêt politique.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci.
Sénatrice Hervieux-Payette.
La sénatrice Céline Hervieux-Payette (Bedford, Lib.): Je vais peut-être trahir mon âge en vous disant que j'étais ici il y a 20 ans et que, depuis la loi de 1982, il y a eu de très grands progrès. Je le vois tous les jours dans ma nouvelle vie au Sénat.
J'aimerais profiter de l'occasion pour saluer le leadership de la ministre du Patrimoine, parce qu'il a fallu du caractère pour continuer à porter le flambeau du bilinguisme ou des deux langues officielles dans tout l'appareil gouvernemental, malgré les coupures budgétaires, etc. Pour moi, cela allait de pair avec le flambeau de l'unité nationale. Je pense que les deux vont ensemble et je voudrais reconnaître l'apport exceptionnel de la ministre.
Puisque vous parlez d'ouverture d'esprit, j'aimerais rappeler que la série télévisée sur notre histoire du Canada qui est en cours est un projet que je salue bien haut parce que je sais que son ministère y a contribué. Quand on sait que la population néo-canadienne forme peut-être le tiers de la population totale, quand on parle de se comprendre, il faut savoir d'où on vient. La Loi sur les langues officielles ne peut pas s'appuyer sur un vacuum. Les systèmes d'éducation n'ont pas toujours fait leur part pour apprendre aux Canadiens l'apport des deux langues officielles au Canada et d'où nous venons afin que nous puissions aller plus loin ensemble dans ce siècle qui commence.
J'ai une petite suggestion à faire, un peu reliée au domaine des prêts et bourses, mais sous un angle nouveau. On sait que le programme européen Erasmus, pour décerner un diplôme qui permette de pratiquer dans tous les pays de l'Union européenne, exige qu'on parle trois langues. C'est une condition sine qua non.
Je fais la suggestion suivante à la ministre pour qu'elle la partage avec ses collègues du Cabinet. En fin de compte, on met de plus en plus d'argent dans l'éducation, dans les bourses d'études. Ce que je propose n'est pas une pénalité, mais plutôt une récompense; j'accorderais une somme additionnelle, pendant les cinq prochaines années, aux étudiants de deuxième et de troisième cycles qui maîtrisent les deux langues. À partir de 2005, il en serait de même pour les étudiants du premier cycle, inscrits au baccalauréat. Donc, on donnerait ainsi aux gens le temps de se préparer à cette nouvelle ère. De plus, en vue de l'objectif de 2010, on amorcerait les discussions avec les provinces, parce que je crois que cela devrait aussi se faire avec les provinces.
Ayant suivi beaucoup le développement des télécommunications, d'Internet, etc., je crois que votre initiative avec les pays francophones est extrêmement importante. Il faudra qu'il y en ait un reflet dans notre réalité canadienne. Malgré toute l'immigration, on voit bien la dénatalité au Québec, qu'il faudra compenser par d'autres mesures. Il s'agira de former d'autres gens qui parlent les deux langues officielles grâce à un système d'éducation qui est supposé être un des meilleurs au monde.
C'est la suggestion que je fais à la ministre. J'aimerais savoir si elle se sentirait mal à l'aise de promouvoir que les étudiants qui reçoivent déjà une contribution importante des contribuables—car on sait que l'enseignement postsecondaire, les premier, deuxième et troisième cycles, représente des milliards de dollars—reçoivent un montant supplémentaire incitatif. Il me semble que ce serait un encouragement à posséder les deux langues, pour les étudiants des deux communautés, francophone et anglophone, et à poursuivre plus loin leurs études grâce à cette aide additionnelle.
L'hon. Sheila Copps: Je trouve que c'est une idée fabuleuse. Quand nous avions instauré les bourses du millénaire, beaucoup de gens disaient que les choses piétinaient dans le domaine des provinces, mais il y a une chose qu'on n'avait pas examinée et qu'il serait bon que ce comité examine. Au Canada, actuellement, on a peut-être le taux le moins élevé de gens qui étudient en dehors de leur province natale. On ne voyage pas, et le système fait en sorte que quelqu'un qui voyage est pénalisé.
Quand nous avions instauré les bourses du millénaire, j'avais écrit au président pour lui suggérer d'octroyer une partie des bourses à ceux qui voulaient étudier à l'extérieur de leur province. Je ne sais pas quel suivi on va faire à cet égard, puisqu'il s'agit d'un organisme qui est à l'extérieur du gouvernement. J'ai vécu cela moi-même. Je voulais faire mes études à l'Université Laval et on m'a dit, à l'Université Western Ontario, en 1971: «Tu ne peux pas aller au Québec parce que le système d'éducation y est moins bon. Tu dois aller en France.» J'ai donc été forcée d'y aller. Maintenant, ce n'est plus comme cela. J'y suis allée par mes propres moyens. Je n'ai pas eu de bourse. Je voulais faire l'expérience d'un milieu autre que le mien, et cela m'a ouvert l'esprit.
Si nous croyons en cela, au Canada, pourquoi n'avons-nous pas un système incitatif pour encourager les gens à aller étudier dans des provinces autres que la leur? Ils apprendraient des choses ailleurs.
Deuxièmement, sur la question de l'histoire, sénateur, vous parlez des jeunes qui sont arrivés récemment au Canada. Je n'ai pas fait d'étude, mais j'estime que ce ne sont pas seulement les personnes nouvellement arrivées au Canada qui ne connaissent pas notre histoire. Il y a un ministre de la Colombie-Britannique qui a dit qu'il allait faire du chinois la deuxième langue dans sa province. Il fait ainsi preuve d'un manque de connaissance de la façon dont notre pays a débuté.
Dans mon comté, huit personnes sur dix n'ont ni le français ni l'anglais comme langue maternelle. Quand ces personnes me demandent pourquoi on a deux langues officielles, je leur dis que c'est pour la même raison qu'on respecte ici leur diversité. Quand on a créé le pays, on avait deux peuples fondateurs qui avaient deux religions différentes et deux langues différentes. C'était quand même incroyable à l'époque, et c'est ce qui nous a donné la capacité d'accueillir plus d'une langue.
Quand on dit qu'on va adopter le chinois comme deuxième langue, on fait en sorte que les groupes multiculturels se battent contre les francophones. À mon avis, c'est la pire sorte de politisation des langues.
Permettez-moi d'aborder la question des avances économiques et autres. Il y a trois ans, je suis venue devant votre comité. On a parlé plus tôt du prototype des francophones. J'ai beaucoup de respect pour les écoles de technologie, mais il faut dire qu'actuellement, celui qui est le plus performant dans le monde du travail est celui qui apprend une deuxième langue. Ce n'est pas l'ingénieur. Le génie, c'est bien pour commencer, mais quand on fait une analyse de la capacité des gens à contribuer à l'économie, on voit que celui qui est le plus performant à l'heure actuelle est celui qui est capable de parler plus d'une langue. Pourquoi? Parce que les sciences sociales et la communication ont beaucoup d'importance. Il ne faudra pas oublier cet atout dans le monde de demain.
Le comité pourra peut-être examiner ce phénomène. Ce serait intéressant dans le contexte de la préparation de nos jeunes aux grands défis. En Europe, parler deux langues, ce n'est rien, alors qu'ici, c'est quasiment comme: «Oh, mon dieu!»
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci, madame la ministre. Le temps que vous pouviez nous consacrer est déjà écoulé. Je vous remercie de votre disponibilité. Je souhaiterais que vous nous accordiez cinq autres minutes, parce que deux personnes ont signifié leur intention de poser une question: le sénateur Joan Fraser et Mauril Bélanger. Si vous pouviez rester encore quelques petites minutes, je vous en serais très reconnaissante.
Madame la sénatrice Joan Fraser.
La sénatrice Joan Fraser (De Lorimier, Lib.): Merci beaucoup, madame la ministre. Je voudrais poser deux courtes questions.
Dans votre exposé, la référence à cette nouvelle initiative interministérielle m'a semblé très intéressante, et j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur ce qu'elle comporte et sur ce qu'on peut en attendre.
Je m'intéresse également aux priorités stratégiques définies dans le protocole d'entente. C'est peut-être parce que je fais partie de ce comité depuis trop peu de temps, mais je ne sais pas où je pourrais trouver ces priorités, ni comment nous allons pouvoir les respecter une fois qu'elles seront définies—quel suivi faudra-t-il assurer et comment nous en serons informés.
L'hon. Sheila Copps: Sur la première question concernant le PICLO, comme l'a expliqué Hilaire, nous essayons de définir des critères pour récompenser l'innovation dans les autres ministères et pour favoriser des changements assez importants de méthode et de comportement.
La sénatrice Joan Fraser: C'est donc de cela qu'il parlait? C'est de la nouvelle initiative qu'il a parlé?
L'hon. Sheila Copps: C'est le PICLO interministériel, et comme l'a dit M. Moyer, ce comité siège depuis un certain temps, mais comme les questions de dévolution en préoccupent plusieurs, le comité s'intéresse particulièrement à la façon dont les services sont garantis une fois qu'ils sont transférés à un autre niveau de compétence.
En ce qui concerne les priorités, est-ce que vous parlez des nôtres ou de celles du comité interministériel?
La sénatrice Joan Fraser: Le protocole d'entente indique que c'est vous qui, à la lumière des plans d'action, allez définir certaines priorités stratégiques.
L'hon. Sheila Copps: Il y a deux protocoles d'entente. Il y en a un que j'ai signé avec le président du Conseil du Trésor, et c'est celui-là qui a amené le Conseil du Trésor à assumer certaines fonctions réglementaires de prestation de services en dehors des groupes des langues officielles.
Le rapport Savoie mentionne que dans certains secteurs, le gouvernement du Canada n'a pas garanti autant qu'on aurait pu le souhaiter la fourniture de services dans la deuxième langue dans les cas de dévolution. La dévolution a donc suscité des préoccupations, et c'est de cela que s'occupe spécifiquement le comité interministériel.
La sénatrice Joan Fraser: Je vais vous lire le paragraphe qui m'intéresse, pour m'assurer que nous parlons bien de la même chose:
-
Le ministère du Patrimoine canadien identifie, s'il y a lieu, à
partir de l'analyse du plan d'action de chaque institution fédérale
clé, certaines priorités stratégiques susceptibles d'appuyer le
développement des communautés minoritaires que le Secrétariat
pourra, le cas échéant, rappeler aux institutions concernées.
L'hon. Sheila Copps: Je vais vous donner un exemple. On en est encore à l'étape du développement, mais supposons que, comme le craint Yvon Godin à propos des banques, le gouvernement fédéral ait cédé directement un service aux banques et que les banques n'aient pas respecté leurs obligations en matière de langues officielles. Nous pourrions lancer un projet avec le ministère du Développement des ressources humaines ou le ministère des Finances—puisque l'accord initial concernait le ministère des Finances et les banques et qu'il était exécuté par l'intermédiaire du ministère du Développement des ressources humaines—nous pourrions donc conclure un accord avec eux pour proposer ces services dans le cadre d'un projet pilote.
Si le ministère du Développement des ressources humaines nous faisait une proposition, nous pourrions financer le projet à raison de 50 p. 100, ou peut-être d'un tiers pour chacune des parties, de façon que si les banques proposent un tiers de l'argent nécessaire, le ministère des Finances fournirait un autre tiers et nous assumerions le troisième tiers pour la fourniture des services destinés aux prêts aux étudiants. On aurait là un parfait exemple de projet PICLO.
La sénatrice Joan Fraser: Est-ce que ces priorités stratégiques sont publiques et est-ce qu'elles font l'objet d'un suivi?
L'hon. Sheila Copps: Elles vont être publiées. Hilaire a dit qu'elles ont été annoncées dans la dernière enveloppe et que nous avons déjà élaboré une structure.
Dans le monde des langues officielles, on a parlé de la création de projets dans chaque province. Nous considérons que, dans la mesure où nous n'avons que 5,5 millions de dollars par an pour ce programme, il est préférable d'en tirer le meilleur parti et de faire en sorte que tout programme nouveau ait une application horizontale. C'est pourquoi nous avons évité la prolifération des projets dans chaque localité. À un moment donné, nous avions envisagé d'établir un partenariat avec Edmonton pour un projet concernant les Ressources humaines; il y avait également un autre projet semblable à Saskatoon. Nous avons préféré opter pour des interventions stratégiques. L'initiative des prêts aux étudiants pourrait légitimement justifier une intervention dans le cadre du PICLO.
La sénatrice Joan Fraser: Merci, madame la ministre. Merci à la présidence.
[Français]
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci beaucoup.
Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Merci, madame la présidente.
J'aurais voulu soulever plusieurs dossiers qui me préoccupent personnellement et qui préoccupent plusieurs personnes, mais je vais en soulever un qui est très pertinent en ce moment et auquel on pourrait peut-être apporter un élément de solution rapidement. Il s'agit de la situation que vivent les trois institutions d'enseignement postsecondaire en Ontario: le Collège Boréal à Sudbury, le Collège des Grands Lacs et la Cité collégiale à Ottawa; il y a aussi le Collège d'Alfred. Ces institutions attendent depuis au-delà d'un an que le gouvernement canadien et l'Ontario reconduisent une entente de financement. Tout le monde reconnaît qu'il y a des coûts inhérents à l'offre d'une éducation française en milieu anglophone, où le français est minoritaire. Cette entente reflète ces coûts additionnels. Malheureusement, pour une raison ou pour une autre, on n'arrive pas à signer cette entente. J'aimerais donc que la ministre, si elle le veut bien, nous dise où on en est rendu, parce que la situation est maintenant critique dans les collèges communautaires en Ontario.
L'hon. Sheila Copps: Cette question nous préoccupe aussi beaucoup. Dans le journal de ce matin, il y avait des nouvelles très intéressantes quant à l'investissement qui est fait dans tous les collèges et universités en Ontario par la ministre Cunningham. C'était bien investi, mais on attend depuis un an des investissements dans les collèges francophones. Je lui ai écrit aujourd'hui pour réclamer qu'on trouve une solution au plus vite.
Deuxièmement, et c'est là qu'il faut faire attention, vous savez aussi bien que moi que le Collège d'Alfred n'est pas une institution unique. Il fait partie de l'Université de Guelph. Quand la province a amorcé la discussion avec les trois collèges, soit le Collège Boréal, la Cité collégiale et le Collège des Grands Lacs, il a fallu que nous insistions sur le financement des collèges uniques.
M. Mauril Bélanger: [Note de la rédaction: Inaudible].
L'hon. Sheila Copps: Non, ce n'est pas cela. C'est le contraire, parce que le gouvernement de l'Ontario veut que nous financions maintenant les cours de français, etc. dans d'autres collèges. Nous avons refusé. On est certainement prêts à aider le Collège d'Alfred pour des projets précis, mais le Collège d'Alfred n'est pas un collège unique.
M. Mauril Bélanger: C'est une faculté de l'Université de Guelph.
L'hon. Sheila Copps: C'est une faculté de l'Université de Guelph. L'Université d'Ottawa, elle aussi, a plusieurs facultés. Il faut faire attention quand il s'agit de commencer à investir de l'argent...
M. Mauril Bélanger: Mais pour les collèges Boréal et des Grands Lacs et la Cité collégiale, est-ce qu'on peut affirmer que le gouvernement canadien est prêt, depuis un bon bout de temps, à signer une autre entente pour reconduire celle de 1993?
L'hon. Sheila Copps: Absolument, et cela depuis presque un an.
M. Mauril Bélanger: Merci, madame la présidente.
[Traduction]
La sénatrice Sheila Finestone (Montarville, Lib.): Puis-je poser une question supplémentaire?
La coprésidente (sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Oui, je crois que vous avez passé un tour.
La sénatrice Sheila Finestone: C'est parfait.
En ce qui concerne la question, madame la ministre... je ne voulais pas vous poser de questions, mais votre réponse à Mauril Bélanger me permet d'aborder la question du financement. Je crois que c'est une très bonne idée que de financer les universités et les collèges. Allez-vous faire la même chose au Collège Dawson de Montréal?
L'hon. Sheila Copps: Je n'en suis pas sûre. Ce que j'ai dit à Mauril, c'est que nous avons reçu la demande initiale du gouvernement de l'Ontario, et il existe en Ontario trois collèges francophones autonomes. Il existe des facultés qui sont associées aux universités, mais nous avons insisté pour que le programme de financement des études postsecondaires soit exclusivement réservé aux collèges francophones autonomes.
• 1710
En ce qui concerne le Collège Dawson, je crois qu'il s'agit
d'un...
La sénatrice Sheila Finestone: C'est un collège anglophone.
L'hon. Sheila Copps: Oui, mais ce n'est pas un établissement d'enseignement postsecondaire...
La sénatrice Sheila Finestone: Si.
L'hon. Sheila Copps: Je n'en étais pas sûre. Je pensais que c'était comme le Collège Jean-de-Brébeuf, qui commence au secondaire. Est-ce que c'est un établissement universitaire?
Une voix: C'est un CÉGEP.
La sénatrice Sheila Finestone: C'est un établissement postsecondaire.
La question est épineuse, mais elle est légitime, madame la ministre.
L'hon. Sheila Copps: Nous avons signé des ententes financières avec le gouvernement du Québec pour proposer ses services à Dawson et à d'autres collèges; nous avons donc des accords de financement à ce sujet, comme nous en avons avec des collèges de langue française minoritaire. En réalité, les besoins des collèges francophones sont considérables. Le Collège des Grands Lacs n'existe toujours pas.
La sénatrice Sheila Finestone: Je sais. Il sera situé à Sudbury, n'est-ce pas?
L'hon. Sheila Copps: Un investissement à partir de rien coûte beaucoup plus cher qu'une aide complémentaire lorsque le service existe déjà et qu'on le complète pour couvrir les coûts supplémentaires d'un service en langue minoritaire. Dans d'autres cas, il faut véritablement partir de zéro. C'est pourquoi les enveloppes sont plus volumineuses...
La sénatrice Céline Hervieux-Payette: Oui, mais Dawson a reçu plusieurs milliards de dollars au cours des dernières années.
L'hon. Sheila Copps: Nous le finançons en effet.
La sénatrice Sheila Finestone: Eh bien, ce n'est pas juste.
Je reviendrai sur cette question une autre fois. J'estime que si l'on décide d'ouvrir une annexe du collège Dawson dans le nord du Québec, à Sept-Îles ou en Gaspésie, il faut être prêt à la financer afin de pouvoir offrir l'enseignement postsecondaire aux communautés de langue anglaise de la région.
Et qu'en est-il du collège Champlain?
L'hon. Sheila Copps: Actuellement, nous procédons par enveloppe, et nous avons déjà signé l'enveloppe du Québec. La seule province qui n'ait pas signé son enveloppe est l'Ontario. Nous assurons du financement au Québec.
La sénatrice Sheila Finestone: Bien, donc le donnant- donnant...
[Français]
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Je regrette...
[Traduction]
L'hon. Sheila Copps: Puis-je ajouter quelque chose, madame la présidente? C'est un point important.
[Français]
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Allez-y.
[Traduction]
L'hon. Sheila Copps: Sheila, c'est la première fois que nous obligeons chaque province à produire un plan d'action pour la reconduction quinquennale, et le gouvernement du Québec a produit le sien.
La sénatrice Sheila Finestone: Très bien.
L'hon. Sheila Copps: Nous avons procédé ainsi parce que nous voulons que notre investissement en éducation soit un investissement complémentaire et qu'il ne remplace pas l'investissement qui aurait dû être fait par le système éducatif de base. Nous exigeons donc un plan d'action.
[Français]
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci, madame la ministre. Merci, monsieur Lemoine et monsieur Moyer.
[Note de la rédaction: La séance se poursuit à huis clos].