REGS Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Délibérations du comité mixte permanent
d'Examen de la réglementation
Fascicule 14 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 11 avril 2002
Le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation se réunit aujourd'hui, à 8 h 35, pour étudier des textes réglementaires.
L'honorable Céline Hervieux-Payette et M. Gurmant Grewal (coprésidents) occupent le fauteuil.
[Français]
La coprésidente (Le sénateur Hervieux-Payette): J'aimerais souhaiter la bienvenue au ministre ainsi qu'aux témoins du ministère qui l'assisteront lors de cette séance. Je souhaite également la bienvenue à mes collègues qui assistent à cette rencontre et, en particulier, aux sénateurs qui, sachant que le Sénat ne siège pas cette semaine, se sont déplacés pour participer aux délibérations très importantes de ce comité.
Étant donné que les règles de nos comités sont assez larges, le coprésident et moi avons discuté du déroulement de cette rencontre afin d'en tirer profit au maximum.
[Traduction]
Nous allons demander au ministre de lire sa déclaration, après quoi, j'inviterai M. Cummins à ouvrir la discussion. Nous alternerons ensuite entre un sénateur et un député libéral, ainsi de suite. Chaque intervenant aura droit à un maximum de 10 minutes pour les questions et réponses. Les membres auront ainsi l'occasion de poser des questions et de participer activement au débat.
Plusieurs membres du comité doivent assister à d'autres réunions de comité à 10 heures. Le ministre restera avec nous pendant 90 minutes. Ses fonctionnaires resteront 30 minutes de plus, si le comité le juge nécessaire. Nous allons commencer sans plus tarder. Nous avons jusqu'à 10 h 30 pour discuter de cette question importante. Je cède immédiatement la parole au ministre.
Monsieur le ministre, bienvenue.
L'honorable Robert G. Thibault, ministre des Pêches et des Océans: Bonjour, mesdames et messieurs. Je tiens à vous remercier de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui. Malheureusement, je ne pourrai pas rester pendant 90 minutes, puisque j'ai un autre engagement à 10 heures, tout comme certains membres du comité. Toutefois, mes fonctionnaires resteront pour répondre à vos questions.
[Français]
Je suis heureux de pouvoir vous rencontrer aujourd'hui pour discuter du règlement pour les permis de pêche communautaire et autochtone. Il m'a été impossible de comparaître lors votre dernière rencontre. Je vous remercie de votre patience et de votre invitation ce matin.
[Traduction]
Avant d'aller plus loin, j'aimerais vous présenter les fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans qui m'accompagnent aujourd'hui: Mme Sharon Ashley, directrice générale, Coordination des politiques et liaison; M. François Côté, avocat général principal, Services juridiques; et M. Steve Tierney, directeur général, Direction générale des politiques et gouvernance autochtones.
[Français]
Vous reconnaîtrez que les questions sont de nature technique. Je ne suis pas avocat donc les fonctionnaires qui m'accompagnent répondront à la plupart de vos questions. J'apprécie les avis et les opinions du comité qui exerce une importante surveillance parlementaire en examinant les règlements et ses suggestions se sont souvent avérées fort utiles.
[Traduction]
De fait, c'est parce que j'apprécie votre rôle de surveillant parlementaire que j'ai pris très au sérieux vos questions sur le règlement considéré. Aujourd'hui, j'aimerais répondre à certaines d'entre elles. Je tiens à le répéter: j'estime que le règlement est judicieux et dûment autorisé par la Loi sur les pêches.
Il constitue une façon souple et équilibrée de prendre en compte l'existence de droits ancestraux et issus de traités dans la responsabilité de conserver et de gérer efficacement nos pêches au nom de tous les Canadiens. En un mot, ce règlement permet au MPO de gérer des situations qui pourraient autrement être difficiles de manière conforme à diverses décisions de justice.
Les droits ancestraux et issus de traités viennent compliquer la gestion des pêches. La législation relative aux droits ancestraux et issus de traités n'est pas toujours claire. Elle évolue et, même lorsque les tribunaux tranchent, les problèmes ne sont pas forcément tous réglés. Ainsi, on ne peut laisser planer de doutes sur les questions de savoir, entre autres, qui jouit des droits ancestraux et issus de traités, quelles en sont la nature et la portée, et qui peut les exercer.
Outre ces facteurs, les pêches peuvent varier considérablement quant aux espèces, aux eaux et aux régimes de gestion. Tout accès à la pêche en vertu de la Stratégie des pêches autochtones et de la réponse à l'arrêt Marshall est procuré au moyen du RPPCA. Certes, il n'est pas aisé de mettre en place un régime unique qui soit assez souple pour tenir compte de tous ces facteurs, mais à mon sens, le RPPCA offre l'approche équilibrée et flexible qui s'impose.
[Français]
Ce règlement, qui est en vigueur depuis 1993, sert à gérer une foule de pêches qui font intervenir de multiples engins. Ces pêches qui se pratiquent dans de nombreux secteurs concernent beaucoup d'espèces et tombent à différents moments. Par exemple, la pêche auxquelles, selon les tribunaux, s'applique aux droits ancestraux ou issu d'un traité comme dans l'arrêt Marshall; les pêches ou les possibilités de pêche sont élargies au moyen d'une politique — telle la participation autochtone aux pêches prévue dans la Stratégie des pêches autochtones; les pêches autochtones gérées par l'Ontario et le Québec.
Les permis délivrés en vertu du règlement offrent un mécanisme d'application efficace pour gérer ces différentes pêches.
[Traduction]
Je voudrais signifier clairement que la délivrance d'un permis en vertu de ce règlement ne constitue pas une reconnaissance que le groupe autochtone qui en est titulaire jouit d'un droit de pêche ancestral ou issu d'un traité. En fait, mon ministère n'a pas le mandat de déterminer si un groupe autochtone particulier bénéficie de droits de ce genre ou d'en préciser la nature et la portée.
En revanche, le MPO a le mandat de gérer les pêches et s'efforce de le faire conformément à l'arrêt Sparrow et aux jugements ultérieurs, tout en conservant la ressource au nom de tous les Canadiens. À cette fin, le MPO recourt au RPPCA.
D'après certains membres du comité, permettre à des collectivités autochtones de désigner des personnes pour pratiquer une pêche conformément à des permis communautaires équivaut à une sous-délégation abusive de mon pouvoir d'octroi de permis. Or, il n'en est rien. Ce n'est pas la désignation qui autorise les gens à pêcher. Désigner qui peut pratiquer une pêche est une décision purement administrative. C'est le permis du MPO qui accorde aux personnes l'autorisation de pêcher, et non la désignation. Cette démarche ressemble un peu à une décision administrative que prend une société lorsqu'elle détermine qui pratiquera effectivement une pêche en vertu d'un permis qu'elle détient. Il ne faut pas confondre la décision de désigner qui pratique la pêche et le pouvoir d'autoriser la pêche à la faveur d'un permis délivré par le fédéral.
Ces permis servent bien plus qu'à autoriser des collectivités à pêcher. Ils contiennent également plusieurs règles de pêche. Ils indiquent non seulement qui peut pêcher, mais aussi où, quand, comment et en quelles quantités. Ces conditions sont des modalités indispensables à un ministre qui souhaite gérer cette ressource de façon judicieuse et à des fins de conservation. Le MPO établit les conditions de ces permis. Ce régime de délivrance de permis est dans le droit fil des directives que la Cour suprême du Canada a données sur la nature des droits ancestraux et issus de traités.
En effet, les arrêts Sparrow et Marshall précisent que ces droits ne revêtent pas un caractère individuel, mais collectif. Les collectivités autochtones sont bien placées pour déterminer quelles personnes devraient pratiquer la pêche conformément à tel ou tel permis.
[Français]
Les conditions de permis l'emportent sur les autres dispositions des règlements. D'après certains membres du comité, le gouverneur en conseil n'a pas le pouvoir de stipuler que les conditions d'un permis valable délivré en vertu du RPPCA peuvent l'emporter sur les dispositions des règlements pris au titre de la Loi sur les pêches, lesquels sont également prises par le gouverneur en conseil.
Le gouverneur en conseil peut indiquer où lesdits règlements s'appliquent ou ne s'appliquent pas. Par exemple, il aurait pu déclarer que les autres règlements ne s'appliquent pas du tout dans le règlement pour les communautés autochtones.
Mais il a prévu expressément que les conditions des permis délivrés en vertu du règlement, l'emporteront sur les dispositions incompatibles des autres règlements d'application de la Loi sur les pêches.
Le Parlement, par le biais de la Loi sur les pêches, à conféré au gouverneur en conseil un vaste pouvoir de réglementation des pêches. Or, le règlement qui nous occupe est autorisé par la Loi sur les pêches.
[Traduction]
Par ailleurs, d'après certains membres du comité, le concept d'«activité connexe» est vague et qu'en conséquence, la portée du règlement ne saurait être établie avec certitude. J'estime que la loi est assez explicite pour qu'il soit possible de déterminer la portée du règlement.
Comme la Loi sur les pêches définit «pêche», «activité connexe» doit désigner quelque chose qui se rapporte à la «pêche» sans être de la pêche. Quand «activité connexe» figure dans une expression comme «la pêche et toute activité connexe», elle englobe l'ensemble des activités liées à la pêche. Le pouvoir de réglementation mentionné à l'article 43 de la loi précise également le sens d'«activité connexe» grâce aux rubriques qui y apparaissent, dont la prise, le chargement, le débarquement, la manutention, le transport, la possession et l'écoulement du poisson, l'exploitation des bateaux de pêche, l'utilisation des engins et équipements de pêche, la tenue des registres, ainsi de suite. L'expression «activité connexe» est utilisée dans la Loi sur les pêches, et est donc un concept de la loi habilitante.
Mon ministère est d'avis qu'on ne doit pas s'efforcer de définir dans un règlement un terme qui apparaît dans une loi habilitante. Chercher à définir «activité connexe» pourrait être considéré comme une tentative d'utiliser des mesures législatives subordonnées afin de modifier la portée de la loi.
Le comité a exprimé une autre crainte, celle que le RPPCA érige en infraction le manquement à une condition d'un permis. À son avis, le gouverneur en conseil ne saurait créer une infraction dans le règlement, car cela doit être fait dans la loi.
Selon nous, cette infraction n'est pas créée dans le RPPCA, mais plutôt à l'article 78 de la loi, qui énonce que quiconque contrevient à un règlement commet une infraction. Le RPPCA ne fait que créer l'obligation de se conformer aux conditions des permis.
[Français]
Certains membres du comité ont des craintes que les périodes de fermeture figurant dans les règlements soient «manifestement fictives», et non un recours de bonne foi au pouvoir de réglementation.
Le ministère estime la disposition valable. La loi prévoit clairement que le gouverneur en conseil a le pouvoir de fixer des périodes de fermeture et d'en autoriser la modification. Le gouverneur en conseil peut exercer ce vaste pouvoir parce qu'une telle flexibilité s'impose dans la gestion des pêches.
Le règlement visant des pêches très diverses, il serait ardu ou inutile et nullement pratique qu'il fixe les périodes de fermeture pour chaque pêche. Toute période mentionnée dans le règlement demeurerait inexacte et devrait être modifiée en raison des facteurs nombreux et souvent imprévisibles qui agissent sur la ressource halieutique.
[Traduction]
Voilà seulement quelques-unes des raisons pour lesquelles le règlement me semble valide et opérant comme il se doit. Je suis sûr que certains membres du comité ont des questions à poser à son sujet. Cependant, avant d'y répondre, j'aimerais formuler quelques commentaires généraux.
On a suggéré que le comité devrait recommander un désaveu du RPPCA. Je suis convaincu qu'un désaveu n'est pas approprié dans ce cas. D'abord, j'estime que le règlement est judicieux et dûment autorisé par la Loi sur les pêches.
Ensuite, avec ou sans ce règlement, la pêche autochtone se pratiquera. Par contre, sans ce règlement, la capacité du gouvernement à adopter une réglementation et à la faire appliquer dans ce domaine sera fortement compromise.
Enfin, sans ce règlement, le gouvernement se priverait de l'outil essentiel qu'il emploie pour gérer et protéger une ressource importante tout en tenant compte des actuels et éventuels droits ancestraux et issus de traité. Il lui serait plus difficile de réagir efficacement aux décisions de justice passées et futures. Les protestations pourraient se généraliser et on pourrait se livrer à des activités de pêche sans permis. La porte serait également ouverte aux procès coûteux et accaparants qui pourraient prendre des années à se conclure et aboutir à des résultats inattendus et regrettables
Le gouvernement ferait courir des risques inutiles à une ressource importante dont tant de collectivités canadiennes, autochtones comme non autochtones, dépendent.
Aujourd'hui, j'ai abordé certaines des raisons pour lesquelles le règlement est efficace et, à mon sens, judicieux. Mesdames et messieurs, je vous remercie de votre attention. Je répondrai volontiers à vos questions.
M. Cummins: Merci, monsieur le ministre, d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.
Lors d'une réunion antérieure, où il a été question de votre visite, la présidence du comité a fait valoir que, pour tirer le maximum de votre visite, il faudrait vous envoyer une copie du projet de rapport pour que vous puissiez discuter des points abordés dans celui-ci et non des autres dossiers qui intéressent le ministère. Malheureusement, vous n'avez pas, dans votre exposé, abordé les préoccupations que le comité a exposées dans ce rapport.
Je voudrais citer quelques extraits du rapport et vous demander de les commenter. À la page 6, le rapport précise et je cite:
[Le comité mixte] s'est interrogé surtout sur la légalité du régime mis en place par l'article 4, l'alinéa 5(1)b) et l'article 8 du règlement [...]
À la page 7, le rapport de rapport précise:
Aussi évident que cela puisse paraître, la légalité du règlement n'est pas fonction du degré auquel celui-ci rencontre les exigences administratives du gouvernement. La question n'est donc pas de savoir si le règlement laisse au ministre la marge de manoeuvre dont celui-ci dit avoir besoin, mais plutôt de savoir si le Parlement a autorisé les moyens retenus pour donner cette marge de manoeuvre au ministre.
Voilà, d'après moi, la question qui est au coeur du débat, ce matin.
À la page 8, le projet de rapport précise:
Le comité cherche uniquement à déterminer si les moyens choisis pour donner effet à la politique gouvernementale sont licites. Dans le cas du Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones, le comité est d'opinion que ces moyens ne sont pas autorisés par la Loi sur les pêches.
Enfin, nous arrivons à l'essentiel à la page 14:
Non seulement l'article 4 constitue une sous-délégation de pouvoir illégale de la part du gouverneur en conseil, mais il implique aussi une transformation illicite du pouvoir conféré par le Parlement.
Je vous demanderais de commenter ce point précis. C'est là l'argument central du comité, à savoir que l'article 4 constitue une sous-délégation de pouvoir illégale de la part du gouverneur en conseil, et qu'il implique aussi une transformation illicite du pouvoir conféré par le Parlement. Vous n'avez pas abordé ce point dans votre allocution de ce matin, monsieur le ministre.
M. Thibault: J'espère que les commentaires que j'ai formulés répondent assez bien aux préoccupations que vous avez exprimées. Pour ce qui est des points de détail, je compte remettre au greffier une copie d'un document qui analyse tous les arguments du comité. Toutefois, je tiens à préciser que nous ne partageons pas nécessairement vos vues. C'est d'ailleurs pour cela que nous sommes ici. À notre avis, cette sous-délégation ne pose pas problème. Je pense l'avoir indiqué dans mon exposé.
Si vous avez des questions précises à poser à ce sujet, mes fonctionnaires vont y répondre.
M. Cummins: Monsieur le ministre, c'est là le fond du problème. Le comité est d'avis que l'article 4 constitue une sous-délégation de pouvoir illégale de la part du gouverneur en conseil, et qu'il implique aussi une transformation illicite du pouvoir conféré par le Parlement. Nous aurions aimé vous entendre aborder ce point en termes clairs. J'aimerais bien savoir ce que vous en pensez.
M. Thibault: Je vais dire brièvement quelques mots et ensuite céder la parole aux experts en la matière. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, il n'y a pas de sous-délégation de pouvoir. Le permis est délivré par le ministre, conformément à la loi et aux pouvoirs qui lui sont conférés. La désignation du droit de pêche exercé par la collectivité titulaire du permis est un outil administratif qui permet de déterminer qui peut pratiquer une pêche en vertu d'un permis. La collectivité qui détient le permis ne peut fixer les conditions qui se rattachent au permis. C'est le ministre qui les établit, conformément à la Loi sur les pêches.
M. François-Bernard Côté, c.r., conseiller juridique principal, Services juridiques, ministère des Pêches et des Océans: Pour ce qui est de savoir s'il s'agit d'une délégation ou d'une désignation, il est difficile de voir comment on peut considérer cela comme une délégation. Un permis de pêche est délivré. Dans le cas des collectivités autochtones, le droit de pêche étant, de par sa nature, communautaire, le permis — qui détermine la façon dont la pêche sera gérée — est délivré à la collectivité ou à l'organisation autochtone concernée. Cette démarche ressemble un peu à une décision que prend une société. Vous octroyez un permis à une société, et ensuite celle-ci, par le biais de son processus administratif ou de gestion interne, détermine ou désigne qui pratiquera la pêche.
Dans le cas d'un permis communautaire, si l'on veut s'assurer que les droits reconnus par les tribunaux sont exercés conformément aux souhaits de la collectivité, il faut faire en sorte que la collectivité désigne les personnes qui pratiqueront la pêche. La collectivité doit ensuite communiquer ces données au ministre.
Comme l'a indiqué le ministre, la «désignation» est un outil administratif qui a été reconnu par les cours d'appel et qui sert à régler les multiples problèmes que pose la gestion d'une activité aussi compliquée et complexe que la pêche.
M. Cummins: Madame la présidente, cela fait cinq ans que le comité entend les mêmes arguments. Le ministère nous sert sans arrêt les mêmes arguments absurdes et vides de sens. Ces arguments ne reposent sur aucun fondement. Le comité vous a répondu à maintes occasions. Ma question, monsieur le ministre, est la suivante: avez-vous quelque chose de nouveau à annoncer au comité ce matin? Nous avons déjà entendu ces arguments absurdes que nous avons rejetés avec vigueur. Avez-vous quelque chose de nouveau à offrir au comité ce matin?
M. Thibault: D'abord, je vous remercie d'avoir souligné la logique dont nous faisons preuve. Si les questions et les réponses sont toujours les mêmes, c'est bon signe.
M. Cummins: Je n'en suis pas certain, monsieur le ministre. Nous avons démontré très clairement à quel point les réponses que nous avons reçues sont inadéquates. Le ministère a cessé d'utiliser ces arguments pour en invoquer de nouveaux. Vous passez d'un argument à l'autre en nous servant des réponses qui manquent de logique. Nous avons droit, ce matin, à la même litanie, et ce n'est tout simplement pas acceptable.
M. Thibault: Alors, je m'excuse. Je n'ai pas bien compris. Je pensais que vous aviez dit que nous persistions à vous donner les mêmes réponses.
M. Côté: Nous avons eu l'occasion, au cours des cinq dernières années, d'examiner de plus près diverses décisions judiciaires ainsi que des jugements plus récents portant sur le même sujet. Je fais allusion, ici, au jugement Peralta, de la Cour d'appel de l'Ontario, et au jugement Huovinen, de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique où, en fait, la demande de pourvoi en appel a été rejetée par la Cour suprême du Canada.
Certains membres du comité, ou peut-être même tous, connaissent la décision Huovinen. Il s'agit d'un jugement de la Cour d'appel qui porte sur le règlement concernant les permis. Le pouvoir conféré par le règlement et la portée de celui- ci ont été examinés et confirmés par la Cour d'appel. Je suis conscient des préoccupations du comité, mais je tiens à signaler que les choses ont changé sur le plan juridique. La nature administrative de la désignation a été confirmée par le jugement Huovinen, de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, et aussi par le jugement Peralta, de la Cour d'appel de l'Ontario. Ces questions ont été examinées par des cours supérieures.
M. Cummins: Cela ne change rien à la situation. Le comité a répondu clairement, à la page 16 du rapport de révocation, à l'argument non fondé invoqué dans l'affaire Peralta. Il a fait la même chose dans le cas de l'affaire Huovinen, qui n'a rien à voir avec la question soulevée ici, à la page 20 du rapport.
Nous avons déjà entendu ces arguments, qui sont sans fondement. Voilà pourquoi le rapport de révocation suit son cours. Nous entendons, ce matin, la même litanie, et ce n'est tout simplement pas acceptable.
M. Thibault: Il est évident que nous ne sommes pas du même avis. Je prends vos observations, ainsi que le rapport du comité, très au sérieux. J'en ai discuté avec le ministère. J'ai demandé au personnel et au ministère de la Justice de nous fournir des avis juridiques et de voir si nous disposons d'arguments de poids. Les arguments qu'on m'a présentés sont convaincants. Notre dossier est solide. J'en ai discuté avec divers députés, qui m'ont également interrogé à ce sujet. Je pense que le règlement a été pris conformément au mandat et au pouvoir qui m'ont été conférés en vertu de la Loi sur les pêches.
M. Lee: J'aimerais parler des sanctions qui sont imposées en cas d'inobservation des conditions d'un permis. Il en est question à la rubrique E du projet de rapport.
Le comité estime que le ministère ne peut créer des infractions par voie de règlement, sauf si le Parlement l'autorise à le faire. Dans le cas qui nous intéresse, le comité juge que le Parlement n'a pas autorisé le ministère des Pêches à créer des infractions pénales ou quasi-pénales. Je fais allusion ici à l'article 7 du règlement.
D'après le ministre, est-ce que le ministère a le droit de créer des infractions par voie de règlement, sans autorisation expresse du Parlement?
M. Thibault: Merci d'avoir posé la question. J'en ai fait allusion dans mon exposé. Je vais demander à M. Côté de vous donner plus de précisions à ce sujet.
M. Côté: Je voudrais vous renvoyer à trois articles différents. Il y a d'abord l'article 7 du règlement, que vous avez mentionné, monsieur Lee. Il prévoit que:
Il est interdit à quiconque pratique la pêche ou toute activité connexe autorisée en vertu d'un permis de contrevenir ou de déroger aux conditions de ce permis.
Aucune infraction n'est créée dans ce cas-ci. D'après le règlement, vous commettez une infraction si vous dérogez aux conditions du permis. Aucune infraction n'est créée, et aucune sanction pénale n'est imposée. Il y a ensuite l'article 78 de la Loi sur les pêches, qui précise que, sauf disposition contraire de la présente loi, quiconque contrevient à celle-ci ou à ses règlements commet une infraction, et cetera.
Voilà l'infraction qui est créée, et elle est créée par l'article 78 de la loi.
M. Lee: Pouvez-vous me dire quelle infraction est visée par l'article 78?
M. Côté: L'inobservation d'un règlement.
M. Lee: Merci.
M. Côté: L'article 43 de la Loi sur les pêches traite du pouvoir de réglementation du gouverneur en conseil. Il précise que ce dernier peut prendre des règlements «concernant les conditions attachées aux licences, permis et baux». Donc, des règlements qui englobent les conditions attachées aux permis peuvent être pris.
M. Lee: Je comprends cela, mais le texte ne dit pas que le ministère a le pouvoir de créer des infractions. N'êtes-vous pas d'accord avec moi?
M. Côté: Oui. Ce n'est pas l'article 43 qui autorise le gouverneur en conseil à créer des infractions, mais plutôt l'article 78 de la Loi sur les pêches.
M. Lee: L'article 78 n'autorise pas le ministère à créer des infractions, n'est-ce pas?
M. Côté: Non. Le Parlement a créé une infraction pour...
M. Lee: Est-il vrai qu'aucun des articles cités n'autorise le ministère à créer des infractions? Aucun des articles cités n'autorise le ministère à créer des infractions. Est-ce exact?
M. Côté: Non, on ne peut pas créer ce qui existe déjà dans la loi.
M. Lee: Très bien. Je suis content de vous l'entendre dire.
M. Côté: Par conséquent, il est tout à fait normal que le gouverneur en conseil précise, dans le cadre d'un règlement, que quiconque déroge aux conditions d'un permis contrevient au règlement et, partant, commet une infraction en vertu de l'article 78.
M. Lee: Sur quoi vous fondez-vous pour dire que l'inobservation des conditions d'un permis constitue une infraction? La loi ne le dit pas. En fait, elle indique clairement, à l'article 78, que cela ne constitue pas une infraction et que le ministre a le pouvoir d'annuler le permis si les conditions de celui-ci ne sont pas respectées.
La loi énonce déjà que l'inobservation des conditions d'un permis entraîne l'annulation de celui-ci. J'essaie de voir en vertu de quelle autorisation légale le ministère peut créer une infraction pénale ou quasi pénale. En l'absence du règlement pris par le ministère, soit l'article 7 dont il est ici question, l'inobservation des conditions d'un permis ne saurait être considérée comme une infraction.
Il n'y aurait aucune infraction à la loi ou au règlement si ce n'était de l'article 7 du règlement. Cet article crée une infraction du fait qu'il se fonde sur l'article 78 de la loi. Or, d'après mon interprétation de la loi, le Parlement n'a pas donné au ministère le pouvoir de créer une infraction qui n'est pas déjà prévue dans la loi.
M. Côté: D'abord, si l'article 7 n'avait pas été adopté par le gouverneur en conseil, nous ne serions évidemment pas en train d'en discuter. Toutefois, le gouverneur en conseil a adopté l'article 7, et cet article dit qu'il y a infraction au règlement s'il y a dérogation aux conditions d'un permis.
Comme il s'agit d'un règlement qui se prête à diverses interprétations, d'aucuns craignent qu'un fonctionnaire du ministère ou du gouvernement n'impose des conditions auxquelles le Parlement n'a pas songé quand il a adopté la Loi sur les pêches. Or, vous pouvez imposer une condition. Si les pêcheurs y dérogent, ils commettent une infraction. Il est vrai que cette infraction n'a pas été approuvée par le Parlement quand il a adopté la Loi sur les pêches.
Or, c'est par le biais de lois qui, dans ce cas-ci, autorisent la prise de règlements, que le Parlement, l'exécutif et les tribunaux, gèrent les activités d'un pays. Il est vrai que le règlement précise qu'il y a infraction au règlement quand une personne contrevient ou déroge aux conditions d'un permis.
Vous voulez savoir sur quoi nous nous fondons pour tirer une telle conclusion. La question a été examinée par les tribunaux, et je pense que le comité a reçu copie de leurs décisions.
M. Lee: Malgré tout le respect que je dois aux tribunaux, ils peuvent en discuter ad vitam aeternam s'ils le désirent. À mon avis, en tant que parlementaire, si le Parlement n'autorise pas la création d'une infraction, celle-ci ne peut exister.
Dans le cas qui nous intéresse, vous laissez entendre que le ministère a créé une infraction parce qu'il souhaitait le faire, parce qu'il était de son devoir de le faire, parce qu'il avait l'obligation de le faire ou parce que c'était la chose à faire. Je ne vois pas comment vous pouvez dire que le ministère a, en quelque sorte, le pouvoir de créer une infraction quand le Parlement a déjà statué, dans la loi, que l'inobservation des conditions d'un permis entraîne l'annulation de celui-ci. Comment le ministère peut-il ensuite dire: «D'accord, nous allons faire la même chose — nous allons créer une infraction, faire de l'inobservation des conditions d'un permis une infraction»? Le Parlement aurait pu en créer une dans la loi existante, mais il ne l'a pas fait.
L'inobservation des conditions d'un permis entraîne la révocation de celui-ci. Le ministère a décidé d'en faire une infraction. Le citoyen, lui, va dire: «Il n'est pas question que je laisse le ministère créer une infraction. C'est le Parlement qui va le faire, pas les bureaucrates.»
C'est là mon opinion. Vous avez peut-être un commentaire à faire à ce sujet.
M. Côté: De toute évidence, mon rôle ici n'est pas de vous convaincre, chose que je n'arriverai pas à faire. Je tiens tout simplement à préciser que lorsque je me présente devant un tribunal à titre de procureur ou d'avocat, je me conforme aux lois du pays. Et c'est le Parlement qui décide quelles seront ces lois, de concert avec le gouverneur en conseil et les tribunaux.
Tout ce que je peux vous dire, c'est que la Loi sur les pêches établit déjà que l'inobservation d'un règlement constitue une infraction. Le gouverneur en conseil a pris un règlement qui dit que: «Pour pratiquer la pêche, il faut un permis qui peut être assorti de certaines conditions».
L'inobservation des conditions d'un permis ou d'une licence peut constituer une infraction ou non. Cela dépend du gouverneur en conseil. Voilà le cadre juridique que vous devez prendre en compte. C'est ce qu'a fait la Cour fédérale du Canada dans l'affaire Barnett. C'est tout ce que je peux vous dire, monsieur Lee.
Le sénateur Beaudoin: J'aimerais faire un commentaire. Nous convenons tous que les règlements pris au cours des dernières années constituent un aspect très important de nos lois, et que les tribunaux ne sont pas toujours très clairs sur la notion de la délégation.
Toutefois, il y a une chose qui est très claire. Vous ne pouvez pas déléguer ou sous-déléguer un pouvoir qui vous a été conféré, sauf si la loi vous en donne l'autorisation.
Comme le dit le droit romain, delegatus non potest delegare. Il s'agit là d'un principe de droit. Ce qui m'inquiète, c'est la question de la désignation. Où est-il dit que la désignation ne peut correspondre à une sous-délégation? Je n'ai jamais rien vu à ce sujet. Il peut s'agir d'une sous-délégation ou d'une désignation. Je n'ai jamais vu, dans la jurisprudence, un jugement qui dit: «Eh bien, le fait de désigner telle ou telle chose ne correspond pas à une sous- délégation.» C'est peut-être uniquement une question de terminologie.
Puisque les tribunaux ne sont pas toujours clairs et que nous nous fondons beaucoup sur les règlements, je ne suis pas étonné de voir qu'on se trouve confronté à ce problème. C'est une question de précision.
Dans ce contexte, je pense que la désignation correspond à une sorte de sous-délégation.
M. Thibault: Je suis bien mal placé pour discuter de points de droit avec M. Beaudoin, qui est un expert en la matière, comme tout le monde le sait.
Toutefois, à mon avis, et dans la pratique, lorsqu'une corporation obtient un permis de pêche assorti de conditions fixées par le ministre, conformément à la Loi sur les pêches, et décide de ne pas pratiquer la pêche, elle doit désigner quelqu'un qui va le faire en son nom. Elle doit nous faire part, conformément aux conditions du permis, de son intention de transférer le permis à une autre entreprise, qui va exercer le droit de pêche en son nom. Elle doit nous demander de transférer le permis. Cela correspond à une désignation.
Les tribunaux ont statué que les collectivités autochtones détiennent un droit de pêche communautaire. Ils nous disent, de par cette décision, que nous devons accorder le permis à la collectivité, et non pas à des membres de celle-ci. Or, la collectivité ne peut, concrètement, pratiquer la pêche. Elle doit, sur le plan pratique, désigner des personnes qui vont le faire en son nom. Encore une fois, si les conditions du permis le précisent, la collectivité doit nous indiquer qui va pratiquer la pêche et se conformer à tous les autres règlements qui se rattachent au permis initial.
Il s'agirait d'une sous-délégation si la collectivité pouvait fixer les conditions, y passer outre, les annuler ou les modifier. Or, la collectivité n'a pas ce droit. Seul le ministre peut le faire.
Ce que nous disons, c'est qu'il n'y a pas sous-délégation, mais plutôt désignation par le titulaire du permis, c'est-à- dire la collectivité, et cette désignation est accordée aux personnes qui vont pratiquer la pêche en son nom.
Le sénateur Beaudoin: Je suis d'accord pour dire qu'il est question ici de droits collectifs. Vous semblez dire que, parce qu'il s'agit d'un droit collectif, il faut procéder à une désignation, ou ce que j'appelle une sous-délégation. Or, il faut aller plus loin et identifier ou désigner les personnes concernées, mais il faudrait que ce soit précisé dans la loi. Comme il est nécessaire de le faire, il faudrait que ce soit précisé dans la loi.
M. Thibault: Si on allait plus loin et qu'on précisait, dans le règlement ou dans la loi, qu'on accordait un pouvoir de sous-délégation, on nous accuserait alors de transférer une partie de nos droits ou responsabilités de gestion, ce que nous ne faisons pas. Ces responsabilités incombent au ministre.
Le permis est délivré à la collectivité, et c'est la collectivité qui procède à la désignation. Je comprends ce que vous dites. Vous employez le mot sous-délégué; j'emploie le mot désigné. Toutefois, il s'agit, à mon avis, du même genre de transfert — on peut sans doute s'entendre, je l'espère, sur la terminologie — qui se produit au sein d'une société ou quand un père nous demande l'autorisation, pour une raison ou pour une autre, de permettre à son fils de pratiquer la pêche en vertu du permis qu'il détient. Il s'agit là d'une désignation. Les modalités du règlement ou les conditions du permis restent les mêmes.
Le titulaire d'un permis n'a pas le pouvoir de fixer des conditions ou d'imposer des restrictions. Il peut uniquement désigner la personne qui va pratiquer la pêche en son nom.
Nous estimons qu'il y aurait sous-délégation si nous allions plus loin. Je vais demander à M. Côté de vous donner d'autres précisions.
M. Côté: Je n'ai pas grand-chose à ajouter. Merci, sénateur, de m'avoir appris, il y a des années de cela, le sens de l'expression delegatus non potest delegare. Je ne pensais que cela me serait si utile.
Franchement, il n'y a pas grand-chose que je puisse ajouter aux propos du ministre. Je ne peux que répéter ce qui a déjà été dit, à savoir qu'on peut se demander s'il s'agit d'une désignation ou d'une délégation. Le ministre a expliqué pourquoi, à son avis, il ne s'agit pas d'une délégation — il s'agit tout simplement d'une décision administrative que prend le titulaire d'un permis lorsqu'il détermine qui pratiquera la pêche. Le règlement exige qu'on procède à une désignation pour que la personne qui délivre le permis, c'est-à-dire le ministre, sache que les personnes qui vont pratiquer la pêche en vertu du permis profitent véritablement de celui-ci. Il s'agit d'une mesure de contrôle.
Tout ce que je peux dire, sénateur Beaudoin, c'est que la Cour d'appel, dans l'affaire Peralta, est arrivée à cette même conclusion, ce qui incite les personnes réunies autour de cette table à dire que leur position est la bonne. Or, l'argument que nous devons invoquer devant les tribunaux est celui qui est dicté par le droit administratif.
Le sénateur Beaudoin: Vous avez bien exprimé votre point de vue. J'ajouterais tout simplement que la désignation est tout aussi importante qu'une sous-délégation ou équivaut à celle-ci en droit. Un tribunal peut en juger autrement. Ce n'est pas très clair.
M. Côté: J'ajouterais tout simplement, si je puis me permettre, pour pouvoir déterminer s'il s'agit d'une désignation ou d'une délégation, il faut examiner la façon dont le régime est administré — c'est-à-dire l'objectif de la loi et du règlement et comment ceux-ci appliqués. L'objectif de la Loi sur les pêches est d'assurer la gestion des pêches. Voilà comment elles sont gérées dans le cas qui nous intéresse.
M. Wappel: Monsieur le ministre, il est évident qu'il y a divergence de vues. Si nous vous avons convoqué, c'est, entre autres, pour savoir pourquoi il en est ainsi.
J'aimerais revenir à ce qu'a dit le sénateur Beaudoin. Je sais que vous avez eu l'occasion d'examiner le projet de rapport qu'a préparé le comité. Je voudrais vous demander, monsieur le ministre, à vous ou à votre avocat général, de commenter divers points abordés dans le rapport pour voir si nous nous entendons là-dessus. Nous savons quels sont les points sur lesquels il y a désaccord.
J'attire votre attention sur la page 14 du rapport. J'aimerais que l'avocat général nous dise si cette phrase reflète fidèlement ce que dit la loi:
Lorsqu'il a adopté l'article 43 de la Loi, le Parlement a investi le gouverneur en conseil du pouvoir discrétionnaire de décider qui pouvait être autorisé à délivrer des permis en vertu de la Loi sur les pêches.
M. Thibault: Je crois comprendre que seul le ministre détient ce pouvoir.
M. Côté: Je ne suis pas d'accord avec ce que dit le député. Le pouvoir de délivrer des permis revient au ministre.
M. Wappel: Que pensez-vous alors de l'article 43 de la Loi, notamment des articles 6 et 7?
Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements d'application de la présente loi, notamment:
f) concernant la délivrance, la suspension et la révocation des licences, permis et baux;
g) concernant les conditions attachées aux licences, permis et baux.
M. Côté: Je suis tout à fait d'accord.
M. Wappel: Donc, le gouverneur en conseil peut prendre des règlements concernant la suspension et l'annulation des licences, permis et baux?
M. Côté: Oui.
M. Wappel: À votre avis, est-ce le ministre qui délivre, suspend ou annule les permis délivrés en vertu des règlements pris par le gouverneur en conseil?
M. Côté: Il peut le faire, oui.
M. Wappel: Sur quel article de la Loi sur les pêches vous fondez-vous pour dire cela?
M. Côté: Sur l'article 7, qui dispose que:
En l'absence d'exclusivité du droit de pêche conférée par la loi, le ministre peut, à discrétion, octroyer des baux et permis de pêche ainsi que des licences d'exploitation de pêcheries [...]
Donc, le pouvoir de délivrer des permis appartient, de par la loi, au ministre. Le gouverneur en conseil ne peut, par voie de règlement, changer ce que dit la loi.
J'ai lu le passage que vous avez cité, monsieur Wappel, et je me rends compte qu'il ne correspond pas à ce que disent les articles 7 et 43. En vertu de l'article 7, c'est le ministre qui délivre les permis. Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements, ce qu'il a fait, en vertu desquels le ministre délivre des permis.
M. Wappel: Vous pouvez donc comprendre pourquoi l'interprétation de ces articles peut, raisonnablement, donner lieu à des divergences de vues.
Si j'ai bien compris, l'article 7 dispose que le ministre peut, à discrétion, délivrer des permis dont les conditions seront définies par voie de règlement. Que veut donc dire le règlement quand il précise que le gouverneur en conseil peut prendre des règlements concernant la délivrance de permis?
M. Côté: Je suppose qu'on fait allusion à la façon dont les permis sont délivrés, au lieu de délivrance, aux conditions qui s'y rattachent, aux signataires autorisés, aux formulaires et aux poissons qui peuvent être capturés.
M. Wappel: Quoi qu'il en soit, il est clair, à votre avis, que la seule personne qui peut délivrer un permis, c'est le ministre. Êtes-vous d'accord, monsieur le ministre?
M. Thibault: Oui.
M. Wappel: À la page 14, deuxième paragraphe, on lit ce qui suit:
Le Parlement voulait très nettement, lorsqu'il a édicté l'article 43 de la Loi, que tout instrument par lequel le gouverneur en conseil délègue le pouvoir de délivrer des permis à une personne autre que le ministre, fasse l'objet d'un règlement.
Compte tenu de ce que vous venez de dire, je présume que vous n'êtes pas d'accord avec ce que dit cette phrase, car la seule personne qui peut délivrer un permis, c'est le ministre.
M. Côté: Oui, il peut délivrer le permis ou en autoriser la délivrance.
M. Wappel: Nous entrons maintenant dans le vif du sujet. Le ministre, en vertu de l'article 4 du règlement, peut délivrer un permis communautaire à une organisation autochtone. À votre avis, ce permis est délivré par le ministre en vertu de l'article 7 de la loi et de l'article 4 du règlement. Cette démarche correspond à un exercice valide de l'autorité conférée au ministre par la Loi sur les pêches.
L'organisation décide ensuite qui, parmi ses membres, a le droit de pêcher. Cette démarche, à votre avis, ne correspond pas à la délivrance d'un permis, mais à une désignation.
M. Thibault: C'est exact.
M. Wappel: Nous sommes en train de couper les cheveux en quatre — c'est ce que font les avocats. Je veux que les choses soient bien claires: l'organisation autochtone décide qui, parmi ses membres, a le droit de pêcher, mais le permis lui-même est délivré à l'organisation autochtone. C'est bien cela?
M. Thibault: Oui.
M. Wappel: Alors, vous n'êtes pas d'accord avec nous quand nous affirmons que, à notre avis, c'est l'organisation autochtone elle-même qui délivre le permis aux pêcheurs, n'est-ce pas?
M. Thibault: C'est exact. Je dirais que, dans ce cas-là, on procède à un transfert du droit de pêche, à une désignation ou une délégation — pour moi, le mot délégation n'a pas le même sens que sous-délégation — tout comme on le fait au sein d'une entreprise. ABC Limitée, par exemple, reçoit une allocation de pêche pour la morue du Nord et décide ensuite qui pratiquera la pêche et exercera ce droit en son nom. Les pêcheurs vont récolter le poisson exactement de la même façon.
M. Wappel: Je trouve ce raisonnement intéressant. Examinons-le plus à fond. L'entreprise est une entité dotée de la personnalité morale. Pouvez-vous nous dire si, à votre avis, les organisations autochtones sont, d'une manière générale ou particulière, des entités dotées d'une personnalité morale et, si oui, sur quoi vous fondez-vous pour dire une telle chose?
L'entité dotée d'une personnalité morale, c'est-à-dire l'entreprise, qui est créée en vertu d'une loi a besoin d'employés pour fonctionner. Elle doit définir les tâches que ceux-ci doivent accomplir. Or, si une organisation n'a aucun statut juridique, on peut alors soutenir qu'elle n'a pas les mêmes pouvoirs qu'une entité dotée de la personnalité morale, c'est-à-dire une entreprise. J'aimerais bien que vous nous expliquiez le statut juridique des organisations autochtones.
M. Thibault: Avant de céder la parole à M. Côté, je tiens à préciser que cette décision revient aux tribunaux. Ils ont statué, dans les arrêts Marshall et Sparrow, que les droits collectifs existent et que les bandes possèdent de tels droits. Dans l'affaire Marshall, le tribunal a statué que la bande avait conclu une entente avec la Couronne par le biais de traités. Par conséquent, ce droit leur a été conféré. C'est ce qui fait que nous leur avons délivré un permis. Nous ne nous sommes jamais demandé si la bande était ou non une personne morale. Je ne crois pas que la Loi sur les pêches m'empêche d'octroyer un permis à une personne morale.
M. Côté: L'article 7 de la loi prévoit la délivrance de permis. Il ne dit pas qu'ils doivent être délivrés à une personne physique ou morale. Par conséquent, il n'est pas nécessaire que le titulaire du permis soit, comme vous l'avez dit, une personne morale.
Pour ce qui est des organisations autochtones, voici ce que dit le règlement à l'article 2: «Organisation autochtone s'entend notamment d'une bande indienne, d'un conseil de bande indienne, d'un conseil de tribu et d'une association qui représente une collectivité territoriale autochtone».
Le règlement essaie d'englober le plus grand nombre possible d'organisations. Qu'il s'agisse ou non de personnes morales, c'est une tout autre question. Par exemple, les bandes sont créées par la Loi sur les Indiens. Les conseils de bande doivent, dans une certaine mesure, leur existence à une loi, parce qu'il en est question dans la Loi sur les Indiens.
Les tribunaux, au fil des ans, ont reconnu le droit des bandes ou des conseils de bande de conclure des ententes, par exemple, ce qui veut dire qu'ils peuvent faire l'objet de poursuites. À mon avis, les organisations, qu'il s'agisse d'une bande indienne ou d'un conseil de bande, ont le droit de prendre les mesures qui s'imposent pour exercer leurs droits. Le permis est délivré à une organisation autochtone, que ce soit une bande indienne ou un conseil de bande. Est-ce que celle-ci constitue une personne morale ou physique? Cela n'a pas d'importance aux termes de l'article 7 de la loi, même si la question est intéressante. Il serait peut-être utile que le ministre vérifie si la bande respecte, conformément à ses obligations, les conditions du permis. C'est au ministre de s'en occuper. Il faut voir comment la bande est organisée, et si elle peut faire ou non l'objet de poursuites. Le ministre doit tenir compte de certains facteurs quand il autorise la délivrance d'un permis à une organisation autochtone.
M. Wappel: J'ai d'autres questions à poser sur les périodes de fermeture symboliques, mais je ne veux pas monopoliser la discussion. S'il reste du temps à la fin, j'aimerais pouvoir y revenir.
Le coprésident (M. Grewal): Monsieur le ministre, je vous remercie d'être venu nous rencontrer. Malheureusement, vous n'avez pas répondu de façon satisfaisante aux préoccupations du comité. Nous avons soulevé 17 ou 18 points dans notre projet de rapport de désaveu, et les réponses données dans bon nombre des cas sont peu satisfaisantes. Il continue d'y avoir, à mon avis, des divergences de vues importantes.
La réponse de l'avocat général du ministère à la question de mon collègue concernant le paragraphe (7) de l'article 43 n'est guère convaincante. À ma connaissance, et contrairement à ce qu'a dit l'avocat général, les ministres provinciaux ont eux aussi le pouvoir de délivrer des permis de pêche aux Autochtones.
Je vais attendre de terminer mon préambule, qui est plutôt long, avant de poser des questions. Je vous demande donc de faire preuve de patience.
Le comité a clairement démontré, dans les échanges de lettres des cinq dernières années, que le règlement comporte des lacunes. L'absence d'autorisation légale adéquate constitue le principal sujet de préoccupation. Il est question ici de légalité: autrement dit, le Parlement a-t-il autorisé les moyens retenus pour donner au ministre la marge de manoeuvre dont il dit avoir besoin? Voilà, à mon avis, le fond du problème.
Monsieur le ministre, ce qui intéresse avant tout le comité, c'est la primauté du droit, non pas les intérêts sociaux, politiques ou économiques, qui sont malgré tout importants. Ce sont là des questions stratégiques. Ce n'est pas cela qui nous intéresse.
L'intention d'une loi ne change pas en fonction des circonstances, comme vous l'indiquez dans votre rapport, ou des délais requis pour mettre en oeuvre les décisions de la Cour suprême du Canada. Cela n'a aucun impact sur l'intention de la loi. Ces décisions peuvent entraîner des modifications à la loi — et c'est là que se trouve peut-être la solution — mais elles ne peuvent être invoquées pour justifier pas l'inobservation de l'intention de celle-ci. Le comité, si je me fie à la correspondance, n'accepte pas le fait que la Loi sur les pêches soit interprétée comme conférant au gouvernement tous les moyens nécessaires pour mettre en oeuvre ces décisions. Le gouvernement doit, au besoin, déposer une loi ou demander des modifications législatives afin de donner effet à la décision d'un tribunal. Dire que le gouvernement doit gérer les pêches d'une manière conforme aux décisions des tribunaux ne peut justifier l'adoption de règlements qui ne sont pas autorisés par le Parlement. Voilà le fond du problème.
Il y a 18 ou 19 points abordés dans le rapport. Toutefois, nous voulions entendre des réponses convaincantes à cinq d'entre eux, pour régler le problème. Ces cinq points sont les suivants: le champ d'application du règlement est vague et mal défini à cause de l'absence de définition de l'expression «activité connexe», qui est un terme clé. La définition que vous donnez n'est pas convaincante.
Ensuite, le régime de réglementation constitue une délégation illégale du pouvoir discrétionnaire du gouverneur en conseil de déterminer qui peut délivrer des permis. Comme l'a signalé le sénateur, la réponse fournie n'est pas convaincante. L'article 6 délègue illégalement au ministre le pouvoir de déroger aux règlements pris par le gouverneur en conseil. Or, le ministre n'a pas le pouvoir de déroger aux règlements pris le gouverneur en conseil.
L'article 7 du règlement vise à sanctionner une infraction à la loi ou au règlement comme s'il s'agissait d'une dérogation à une condition des permis. L'article 9 du règlement recourt aussi à un procédé qui consiste à établir des périodes de fermeture symboliques. J'aimerais que vous commentiez brièvement les points que j'ai soulevés.
Toutefois, avant de répondre, j'aimerais vous poser deux questions. Combien de permis de pêche communautaires sont en vigueur, et à quel endroit? Le savez-vous?
M. Thibault: Non.
Le président: Pouvez-vous nous communiquer ces renseignements?
M. Thibault: Oui.
Le coprésident (M. Grewal): L'organisation autochtone qui désire obtenir un permis de pêche communautaire doit en faire la demande. Est-ce qu'une organisation autochtone peut présenter une demande en vue d'obtenir un permis?
M. Thibault: Oui, elle peut présenter une demande et l'acheter, comme le font tous les autres.
Je vous remercie de vos commentaires. Vous voulez savoir, et ce point est important, si nous sommes d'accord avec l'objet du règlement ou de la loi. La question est de savoir si nous remplissons nos responsabilités législatives. Est-ce que nos règlements sont pris conformément au pouvoir que nous confère la loi? Il est essentiel que les règlements lient les parties intéressées et résistent à l'analyse des tribunaux. Nous devons en tout temps éviter de nous retrouver sans règlements, en raison des problèmes que cela peut causer à l'ensemble de l'industrie, d'une manière générale, et aux collectivités. C'est important, et sur le plan administratif et sur le plan de la saine gestion des affaires. Nous nous posons les mêmes questions que vous.
Je n'ai pas répondu en détail aux points que vous avez soulevés. Toutefois, nous vous avons fourni des documents qui contiennent les réponses que vous recherchez. Nous pouvons, au besoin, vous donner d'autres précisions. Pour ce qui est de la portée du règlement, je vais demander à M. Côté de vous en parler.
Concernant la délégation et la sous-délégation, le sénateur Beaudoin se demande si l'on peut poser la question. Vous allez plus loin et vous dites qu'on peut. Je n'en suis pas sûr. Je ne le crois pas. Il faudrait, pour obtenir un jugement définitif, s'adresser aux tribunaux. Voilà comment la question sera tranchée.
Par ailleurs, je ne crois pas que le ministre puisse déroger aux règlements ou que les règlements aient préséance. Je crois comprendre que le gouverneur en conseil peut prendre des règlements, et ce pouvoir s'ajoute à celui du ministre, qui permettent au ministre d'exercer ces responsabilités et fonctions. Par exemple, en ce qui a trait au renouvellement des permis, la délivrance des permis, les désignations effectuées par les Autochtones, que ce soit pour la pratique de la pêche commerciale ou autre, pourraient faire l'objet d'un règlement. Cela ne change rien aux responsabilités et fonctions du ministre.
M. Côté: J'aimerais dire quelques mots au sujet du commentaire qu'a fait le président concernant les activités connexes, notamment les conditions de permis qui l'emportent sur un règlement.
Pour ce qui est de l'activité connexe, il faut toujours s'efforcer de bien définir une expression. Il s'agit là d'un défi et pour le législateur et pour l'organisme de réglementation. Le point de droit que vous soulevez en celui de l'imprécision.
Le coprésident (M. Grewal): L'avocat général peut peut-être nous parler des activités connexes. Quand le conseiller juridique du comité a demandé, dans une lettre, qu'on définisse l'expression «activité connexe», le ministère a répondu que celle-ci s'appliquait au transport du poisson. C'est une définition plutôt restreinte.
M. Côté: J'aimerais, si vous êtes d'accord, vous lire un extrait du jugement qu'a rendu la Cour suprême du Canada dans l'affaire Nova Scotia Pharmaceutical Society. La Cour a abordé la question de l'imprécision dans un texte de loi. J'imagine que cela s'applique également aux règlements. La référence est la suivante: [1992] R.C.S., page 606, qui expose la décision du juge Gonthier.
On ne peut pas soutenir qu'un texte peut et doit fournir suffisamment d'indications pour qu'il soit possible de prédire les conséquences juridiques d'une conduite donnée. Tout ce qu'il peut faire, c'est énoncer certaines limites, qui tracent le contour d'une sphère de risque. Mais c'est une caractéristique inhérente de notre système juridique que certains actes seront aux limites de la ligne de démarcation de la sphère de risque. Il est alors impossible de prédire avec certitude.
Dans ce contexte, «texte de loi» s'entend d'une loi ou d'un règlement. L'usage de mots comme «connexe» ou «y compris» est un procédé que le Parlement et l'organisme de réglementation ont utilisé dans le passé pour tracer le contour d'une sphère de risque. Si cette sphère est délimitée conformément à ce qu'a dit la Cour suprême du Canada, autrement dit, s'il y a suffisamment de paramètres pour guider le débat juridique, le procédé ne pose aucun problème. Le Parlement et l'organisme de réglementation doivent s'en tenir à cela.
L'expression «related activities» veut dire, en français «infraction connexe». «Connexe» signifie «qui est lié étroitement». Quand vous interprétez un article dans un règlement, vous devez interpréter le mot «connexe» de façon très étroite, parce qu'il est impossible de définir toutes les activités connexes.
On a mentionné, comme exemple, le transport. Cette activité est manifestement liée à la pêche. On peut en débattre sur le plan judiciaire. Toutefois, il y a un risque, un risque qui a été reconnu par la Cour suprême du Canada. Voilà l'explication que je voulais vous donner.
Le coprésident (M. Grewal): D'après ce que vous venez de dire, le fait que l'expression ne puisse être définie clairement crée de l'incertitude. Voilà pourquoi la définition de l'expression «activité connexe» est très vague.
Pour revenir à l'autorisation légale, comme le sénateur l'a clairement mentionné quand il a parlé de la délégation et de la sous-délégation, la sous-délégation n'est pas autorisée par le règlement. Il s'agit là d'un point controversé. Je suis certain qu'il y a plusieurs membres du comité qui sont d'accord pour dire que c'est là le fond du problème. Nous tenons à ce que la question soit réglée. Ce n'est qu'à ce moment-là que nous pourrons aller de l'avant. Autrement, le comité n'aura d'autre choix que de révoquer le règlement.
J'aimerais vous poser rapidement une question, monsieur le ministre. Est-ce qu'un permis peut être délivré à une organisation, même si elle n'en fait pas la demande?
M. Thibault: C'est possible. Je ne vois pas où vous voulez en venir. Je peux vous donner de l'argent, sans que vous n'en fassiez la demande. Vous pouvez aussi me le remettre, si vous voulez.
Le coprésident (M. Grewal): Pourquoi me donneriez-vous de l'argent si je n'en fais pas la demande? Vous le feriez si vous aviez une dette à rembourser, par exemple.
M. Thibault: Je vous trouve bien sympathique, mais n'ayez crainte, je ne vous en donnerai pas.
Le coprésident (M. Grewal): On a laissé entendre que des permis ont été délivrés avant même qu'on en fasse la demande.
M. Thibault: Je reviens à vos premiers commentaires concernant la légalité du règlement et son adoption en vertu de la loi. Votre dernière question n'a rien à voir avec le sujet.
Le coprésident (M. Grewal): Je ne suis pas d'accord. Quand on délivre un permis à une organisation qui n'en fait pas la demande, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.
M. Thibault: Encore une fois, je ne sais pas à quoi vous faites allusion. S'il s'agit d'un permis qui a été délivré à la suite de négociations entre le ministère et l'organisation concernée, il se peut qu'aucun formulaire n'ait été rempli. Il n'y avait peut-être pas de formulaires à l'époque. Un permis peut avoir été délivré à la suite de négociations découlant de l'arrêt Marshall, ou à d'autres fins.
[Français]
La coprésidente (Le sénateur Hervieux-Payette): Monsieur le ministre, j'aimerais faire un commentaire sur le but et l'exercice d'aujourd'hui surtout pour vos collaborateurs. Nous ne sommes pas ici pour porter un jugement donc, vous n'avez pas à défendre la cause comme si vous étiez devant la Cour suprême. Nous avons soulevé plusieurs points. On peut peut-être croire que, dans certains cas, vous avez raison et que dans d'autres, nous avons raison. L'état d'esprit dans lequel les membres de ce comité travaillent serait de remédier à certaines faiblesses de ce règlement, plutôt que de vouloir gagner sur un point ou sur un autre.
Je vous dis cela parce que je crois que c'est l'état d'esprit de mes collègues. Il ne s'agit pas de coincer le ministre, mais plutôt de s'assurer que dans un système démocratique, nos règlements et nos lois sont suffisamment précis pour que les gens qui jouissent de ces droits puissent en bénéficier complètement. Ce comité a déjà, avec d'autres de vos collègues ministres, eu des discussions pendant fort longtemps sur certains règlements et nous en sommes venus à des ententes de modifications. Lorsque vous nous quitterez tout à l'heure, j'aimerais que vous ayez à l'esprit de relire les commentaires de notre rapport et d'y repenser de façon positive.
Je ne vous demande pas de commenter mes propos. Je veux simplement vous expliquer dans quel état d'esprit ce comité siège et de voir comment on peut travailler ensemble. Nous ne sommes pas là pour vous mettre au pied du mur.
M. Thibault: J'aimerais faire un commentaire sur vos propos. C'est précisément le défi que j'ai lancé aux fonctionnaires lorsque j'ai reçu le rapport et que nous en avons discuté. Il fallait voir s'il était possible de changer la réglementation de façon à répondre aux craintes et aux préoccupations du comité. Il y a des endroits où on pourrait, avec le temps, toujours en discuter. Dans certains secteurs ce faire serait extrêmement dangereux, par exemple, sur la question de cette délégation ou sous-délégation, à moins que cela soit nécessaire. Nous comprenons que cela n'est pas nécessaire présentement. Apporter des changements comporte un grand risque. Cette pour cette raison que nous hésitons et que la discussion que nous avons présentement est importante.
[Traduction]
M. White: Le ministre craint de se retrouver sans règlement, et je comprends son inquiétude, puisque cela lui causerait beaucoup de problèmes, mais le fait est que ce dossier traîne depuis 1997. On aurait pu prendre des mesures au cours de ces cinq années. J'ai entendu aujourd'hui des commentaires du genre: «Vous n'arriverez pas à nous convaincre», ou «Vous aurez peut-être du mal à nous convaincre.» Je ne saurais trop insister sur l'importance de cette question. Le comité a le pouvoir de révoquer le règlement. Il est essentiel que les fonctionnaires du ministère prennent nos commentaires au sérieux.
D'après M. Grewal, la question centrale est de savoir si le ministre a le pouvoir de sous-déléguer. J'aimerais lire un extrait d'une lettre que notre conseiller juridique a fait parvenir à l'ancien ministre, le 26 septembre 2000. Je vais vous lire quelques paragraphes, et j'aimerais que vous les commentiez. Ils traitent de l'article 4, de l'alinéa 5(1)b) et de l'article 8. La lettre dit:
En vertu de ces dispositions, le ministre des Pêches et des Océans ou le ministre des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche, dans le cas du Québec, autorise les organisations autochtones à procéder à la «désignation» de personnes ou de bateaux conformément au mode de désignation énoncé dans le «permis communautaire».
Le caractère réel de tout instrument juridique n'est pas déterminé par le nom donné à cet instrument, mais doit être établi à partir d'un examen de l'objectif juridique et de l'effet de cet instrument. Nous croyons que ces dispositions prévoient un système en vertu duquel le ministre a la discrétion d'autoriser des organisations autochtones à délivrer des permis de pêche. Par conséquent, tandis que l'exercice de cette discrétion par le ministre prend la forme d'un permis communautaire, il est évident que ce permis communautaire n'autorise personne à pratiquer des activités qui seraient autrement interdites. L'autorisation de pêcher découle de la désignation faite par une organisation autochtone et, malgré son appellation, cette désignation doit être considérée comme un permis aux fins de la Loi sur les pêches. Les dispositions en question visent à accorder au ministre compétent la discrétion d'autoriser des organisations autochtones à délivrer des permis de pêche. À notre avis, ces dispositions impliquent une sous-délégation non autorisée du pouvoir du gouverneur en conseil de prendre des règlements concernant la délivrance des permis.
Voilà la question centrale. Mesdames et messieurs, vous devez nous convaincre que vous allez prendre des mesures pour régler le problème, ou nous démontrer, au moyen d'arguments raisonnables, que nous avons tort. Autrement, nous n'aurons d'autre choix que de révoquer le règlement. Vous devez régler ce problème. J'attends votre réponse.
M. Thibault: Je ne peux que répéter ce que j'ai déjà dit à quelques reprises ce matin. D'abord, nous ne considérons pas cela comme une sous-délégation. Le ministre délivre un permis à une personne. Le titulaire ou celui qui en bénéficie, même s'il s'agit d'une personne qui n'est pas visée par le règlement, mais qui pratique la pêche de façon générale, n'exerce pas nécessairement le droit de pêche lui-même. Cette personne, société ou entité peut désigner quelqu'un pour le faire. C'est un procédé qu'utilisent les sociétés, les familles. Un père peut désigner sa fille. C'est une pratique courante.
Les collectivités autochtones font la même chose, en vertu du règlement. Le permis détenu par la collectivité est un permis communautaire. Des personnes sont désignées. Le permis est assorti de conditions. La collectivité n'a pas le pouvoir de les modifier, puisque cela correspondrait à une sous-délégation. Elle pourrait délivrer des permis si ce pouvoir existait. Or, ce pouvoir revient au ministre et les conditions de permis sont imposées à la collectivité ou à la bande, comme ce fut le cas.
M. White: Monsieur le ministre, nous avons entendu cet argument intéressant quand M. Wappel a abordé le sujet. Je ne suis pas convaincu que le permis qui est délivré à une société est identique à celui qui est délivré à une collectivité autochtone. Une entreprise peut avoir des employés ou des travailleurs à contrat, sauf que c'est elle qui touche les profits.
Êtes-vous en train de me dire que l'organisation autochtone est structurée de la même façon, qu'elle emploie des travailleurs ou des contractuels pour pratiquer la pêche, et que c'est elle qui touche les profits?
M. Thibault: Dans la plupart des cas, oui. Dans les entreprises ou partenariats — et dans la grande majorité des cas, les employés ne sont pas salariés — les personnes qui pratiquent la pêche se partagent les prises. Il s'agit d'une entente commerciale. Le capitaine, l'équipage, le propriétaire du bateau ou le titulaire du permis ont tous droit à une part. Le titulaire du permis négocie l'entente et désigne les personnes ou les entreprises qui vont pratiquer la pêche.
La bande ou la collectivité autochtone peut choisir de faire la même chose ou d'employer des salariés. Elle peut demander que le droit soit, pour une certaine période, transféré à une entreprise, contre rémunération, ce qui lui donnerait le temps de développer ses capacités en matière de pêche, ou encore transférer un pourcentage des prises. Toutefois, c'est la collectivité qui est titulaire du permis. À ma connaissance — et corrigez-moi si je me trompe — les profits sont versés à la collectivité en vue d'assurer la gestion des activités de la bande.
[Français]
M. Farrah: D'après moi, lorsqu'un permis ou une licence est délivré à une communauté, il est important que les conditions rattachées à la licence soient respectées. Sinon il faudrait que le ministre ait l'autorité de les faire respecter en terme d'équité autant pour les Autochtones que pour les pêcheurs blancs.
Par exemple, si une communauté autochtone a une licence en vertu du jugement Marshall, et que le lendemain matin la communauté décide qu'à partir de ce jour, l'attribution des licences se fait de nation à nation, qu'elle détermine ses règles de pêche et les conditions de permis, qu'elle décide du tonnage et des saisons précises pour la pêche, parce que depuis des siècles elle pêche dans d'autres saisons de pêche et que maintenant elle décide des saisons de pêche au détriment peut-être de l'habitat du poisson, la réglementation actuelle et la loi permettent-elles ou non une chose semblable? Sommes-nous blindés devant les tribunaux? Je comprends aussi que la clarification juridique est importante, je ne veux pas le nier, sauf que la réalité de facto, c'est cela. La situation actuelle fait-elle en sorte que l'hypothèse que je vous amène, si elle était véridique, vous donne ces pouvoirs? Ou pensez-vous que les tribunaux prendraient une décision en faveur de ce que vous nous dites aujourd'hui?
M. Thibault: Votre question et vos commentaires se rapprochent de ceux de M. White au sujet de la délégation ou de la sous-délégation. Lorsqu'on accorde une licence ou un permis de pêche à la communauté, c'est toujours accompagné de conditions. La réglementation de cette industrie de la pêche, de cette espèce dans les temps, comme les autres espèces, doit suivre la réglementation qui s'y attache. Nous sommes très confiants que cela répondra aux critères des cours de justice. S'il avait le droit de modifier les critères du permis cela serait différent. Étant donné que les Autochtones n'ont pas le droit, il n'y a pas de sous-délégation, le pouvoir des permis revient au ministre qui les donne à la communauté et ils doivent suivre ces critères. Aucun droit extraordinaire leur est donné de négliger la réglementation et les lois du pays.
M. Côté: Vous avez raison, monsieur le ministre. Suite aux arrêts Sparrow et Marshall, il y a eu des ententes négociées avec différentes communautés autochtones. À l'heure actuelle deux communautés sont devant les tribunaux et il serait assez délicat de commenter ces causes. La question devant les tribunaux est, entre autres, ce que vous venez de décrire, c'est-à-dire dans quelle mesure la communauté autochtone a ce pouvoir, où se situe ce pouvoir par rapport à celui du ministre en vertu de la Loi sur les pêches, de la Constitution et des droits autochtones. Je ne peux pas aller plus loin parce que c'est devant les tribunaux. La question que vous soulevez a été bien gérée. Vous avez mentionné les ententes et c'est de cette façon les craintes que vous avez sont gérées. Il y a peut-être deux groupes où il n'y a pas d'entente et ces groupes ont inclus l'argument que vous avez énoncé.
M. Farrah: Si vous acceptiez le rapport déposé ce matin, cela pourrait-il faire en sorte de nuire ou de diminuer la position du gouvernement? Ce qui est invoqué dans ce rapport pourrait-il faire en sorte que notre position serait plus claire, plus solide ou si la position que nous avez actuellement est davantage solide?
M. Thibault: Il y aurait un gros risque en ce qui a trait à cette question de sous-délégation, si nous sommes convaincus qu'il faut changer la réglementation et la loi pour permettre au ministre de déléguer. Si on était convaincu de l'obligation de le faire, la question viendra. Lorsqu'un groupe reçoit une licence, il pourrait faire l'argument que lorsqu'il reçoit un permis de pêche, il reçoive le droit d'inscrire les conditions de cette pêche. À l'heure actuelle, ce transfert ne se fait pas.
M. Côté: J'aimerais ajouter que, comme vous le soupçonnez, c'est une question politique, ce n'est pas une question juridique.
M. Farrah: Je reviens aux activités connexes. Dans une autre vie où j'ai vécu les négociations de l'Accord du lac Meech, on disait que si l'on définit la notion de société distincte on limite cette notion. On voit que cela s'applique ici, pour vous permettre d'avoir un plus grand champ d'action juridique. J'imagine que c'est la raison pour laquelle vous ne voulez pas définir cela pour faire en sorte qu'au niveau juridique vous soyez tous en mesure d'avoir une défense solide en cas de changement ou de différentes activités additionnelles qui pourraient se greffer au cours des années.
M. Thibault: Je dois m'excuser car j'accuse un retard, je dois vous laisser. Monsieur Côté pourra répondre à votre question.
[Traduction]
La coprésidente (sénateur Hervieux-Payette): J'ai sur ma liste trois autres intervenants, ainsi que trois autres personnes qui souhaitent intervenir au deuxième tour. Il y a des gens qui doivent partir parce qu'ils ont d'autres engagements, et cette question est assez complexe.
Nous allons discuter de la possibilité de tenir une deuxième réunion. J'estime qu'il faut approfondir davantage le sujet. Je veux savoir si nous devons reconvoquer les fonctionnaires pour que nous puissions discuter plus à fond des aspects techniques du règlement, étant donné que ce sont eux qui conseillent le ministre. Nous pouvons discuter de la façon dont nous allons procéder. Il y a plusieurs membres du comité qui souhaitent intervenir au deuxième tour.
M. Cummins: Franchement, je suis déçu de la réponse du ministre. À mon avis, il ne nous a pas fourni de nouveaux éléments d'information. Il y a eu un échange de correspondance entre le comité et le ministre. Je m'attendais, à tout le moins, à une réponse plus détaillée que celle qui nous a été donnée dans le passé. Ce n'est pas le cas. Nous n'avons rien appris de nouveau. Le problème reste entier.
Je ne sais pas si nous devons, à ce stade-ci, continuer de questionner les fonctionnaires du ministère. Je n'y vois aucun intérêt. Nous pouvons continuer, mais je me demande si cela en vaut la peine.
La coprésidence (sénateur Hervieux-Payette): Je m'en remets à vous. Un rapport a été préparé. Toutefois, nous n'aurons pas le temps, aujourd'hui, d'approfondir ces questions, d'examiner chaque disposition et de permettre à tous les membres d'intervenir. Je ne pourrai même pas permettre à ceux dont le nom figure sur la liste d'intervenir si nous suspendons la séance à 10 h 30. Je vais voir, de concert avec le coprésident, s'il est possible de se réunir à un autre moment pour discuter, à tout le moins, des points à l'ordre du jour. Nous prendrons ensuite une décision.
Certains arguments sont convaincants, d'autres ne le sont pas. Je ne sais pas, pour l'instant, si je vais appuyer le rapport qui nous a été remis. J'aimerais en discuter avec le ministre. L'objectif, ici , n'est pas de dire que nous avons raison et qu'ils ont tort, mais de nous entendre sur les points que nous contestons. La sous-délégation soulève plusieurs interrogations. Cette question est sans doute la plus importante, mais il y en a d'autres que nous devons régler. Nous ne les avons pas examinées en profondeur.
Je propose qu'on termine avec MM. Moore, Bernier et Easter, qui auront droit, chacun, à dix minutes, et ensuite qu'on suspende la séance. Nous demanderons aux fonctionnaires de revenir nous rencontrer.
[Français]
M. Farrah: J'aimerais poser une dernière question sur la définition de l'activité connexe. D'abord, monsieur Côté, pourriez-vous répondre à ma question précédente.
M. Côté: Vous avez tout à fait raison juridiquement. Dans les articles sur l'interprétation des lois, on lit qu'il y a des réalités que l'on trahit à vouloir trop les définir. C'est le dilemme dans lequel se trouve le législateur et le régulateur.
Comme l'a reconnu la Cour Suprême dans l'arrêt Fitzpatrick et autres arrêts, il s'agit d'une industrie réglementée. Ceux qui y participent, le font volontairement et connaissent les règles. Ce n'est pas comme si c'était une disposition pénale qui apparaît dans le Code criminel. Alors «related activities» ce sont des notions connues par les gens visés par ces activités.
[Traduction]
Le sénateur Moore: Le permis a été délivré par le ministre à la collectivité autochtone, qui détermine ensuite qui, parmi ses membres, peut pratiquer la pêche. Est-ce que la collectivité autochtone peut désigner une personne qui ne fait pas partie de la collectivité, et accorder à celle-ci le droit de pêcher en vertu de ce permis?
Mme Sharon Ashley, directrice générale, Coordination de la politique et liaison, ministère des Pêches et des Océans: Oui, elle peut le faire. Il n'existe aucune restriction à cet égard.
Le sénateur Nolin: Quelle était la réponse?
Mme Ashley: Les conditions du permis contiennent peut-être plus de détails, mais il n'existe aucune restriction concernant la désignation. Habituellement, la collectivité désigne un de ses membres, mais elle peut désigner quelqu'un d'autre.
Le sénateur Moore: Je n'en suis pas sûr. Je m'excuse, mais on ne peut pas comparer une collectivité autochtone à une entreprise. Je ne sais pas d'où vient l'idée, mais cela ne m'aide pas du tout. Êtes-vous au courant de cas où cela s'est déjà produit?
Mme Ashley: Personnellement, non.
Le sénateur Moore: Je ne fais pas allusion à la vente de quotas. Je sais comment les choses se passent sur la côte Atlantique. Je fais allusion, ici, à la collectivité autochtone qui accorde le droit de pêcher en vertu de ce permis à des non-Autochtones. Est-ce que cela s'est déjà produit?
M. Tierney: Je ne sais pas vraiment.
M. Cummins: Je tiens à dire, aux fins du compte rendu, qu'il y a des Américains qui viennent pratiquer la pêche au Canada en vertu de ces permis commerciaux.
Le sénateur Moore: Est-ce que ce sont des Autochtones ou des non-Autochtones?
M. Cummins: Ce sont des Autochtones désignés par la collectivité.
La coprésidente (sénateur Hervieux-Payette): Je m'excuse. Est-ce que ce sont des Autochtones des États-Unis ou des Américains?
M. Cummins: Des Autochtones des États-Unis.
La coprésidente (sénateur Hervieux-Payette): Je pense qu'il est important de le préciser. Les Mohawks, qui ne reconnaissent même pas la frontière du Québec, ne se considèrent pas comme des Américains ou des Canadiens, mais comme des Mohawks. Voilà un autre facteur qu'il faut prendre en considération. Ce n'est pas la même chose qu'une personne qui n'est pas membre de la collectivité autochtone.
M. Cummins: En fait, sénateur, il y a également des non-Autochtones qui ont pratiqué la pêche en vertu de ces permis.
La coprésidente (sénateur Hervieux-Payette): C'est une autre question. Il est important que les fonctionnaires nous donnent des précisions à ce sujet. Ils auront le temps de se préparer d'ici la prochaine réunion. Ce que mon collègue souhaite savoir, c'est si des droits conférés en vertu d'un permis à des collectivités autochtones ont été octroyés à des personnes autres que des membres de ces collectivités.
Le sénateur Moore: On peut très bien dire «oui», en principe, cela s'est déjà produit, mais qu'en est-il dans les faits?
La coprésidente (sénateur Hervieux-Payette): C'est ce que je veux savoir.
Le coprésident (M. Grewal): M. Cummins veut en savoir plus sur la question, et je pense que ce serait une bonne chose. Nous constatons que lorsque des permis sont délivrés en vertu de ce règlement à une organisation autochtone, on a recours à la sous-délégation pour délivrer des permis à d'autres personnes, dont des Autochtones des États-Unis. Ce procédé est manifestement illégal et donne lieu à une application illicite du règlement. C'est ce qui se passe quand on a recours à ce procédé.
Mme Ashley: Nous pouvons fournir d'autres renseignements au comité. Une personne autre qu'un Autochtone ou qui n'est pas membre d'une collectivité autochtone pourrait se voir accorder le droit de pratiquer la pêche à des fins de formation, par exemple. C'est quelque chose qui pourrait se produire par suite de l'arrêt Marshall.
La coprésidente (sénateur Hervieux-Payette): Il doit sûrement y avoir des cas que sont complexes. J'ai déjà eu à me pencher sur la question du statut des Blancs qui se marient avec des Autochtones. Ils ne sont pas automatiquement considérés comme des Autochtones, mais ils peuvent vivre à l'intérieur de la réserve et participer aux activités de la bande. Vous pouvez épouser un Autochtone, sans nécessairement avoir tous les droits. Ce sont des questions difficiles à trancher.
[Français]
M. Farrah: Je peux avoir un élément de réponse pour la côte est.
La coprésidente (Le sénateur Hervieux-Payette): Vous avez la réponse?
M. Farrah: J'ai un élément de réponse pour ce qui se passe sur la côte est. Suite à l'arrêt Marshall, en ce qui concerne notre région, la Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine et peut-être un peu le Nouveau-Brunswick, compte tenu que les Autochtones qui avaient accès à la ressource n'étaient pas équipés pour pêcher et n'avaient pas les connaissances des capitaines de bateau, il a été convenu, pour que la communauté, la bande puisse avoir accès rapidement à la ressource, que des pêcheurs blancs pêchent pour la communauté autochtone. Chez nous, il y avait une condition; il fallait qu'il y ait au moins un Autochtone à bord du bateau pendant que le Blanc pêchait le quota pour la communauté autochtone. Évidemment le ministère avait mis de l'avant des plans.
[Traduction]
Je ne sais pas comment les choses se passent sur la côte ouest. Je peux uniquement vous dire ce qui se passe sur la côte est, dans ma circonscription.
[Français]
Entre-temps, notre ministère travaille avec le ministère des Affaires indiennes pour faire en sorte que des cours de formation soit dispensés. À Gaspé, une jeune fille de la bande autochtone les Micmacs vient d'obtenir son grade 4 de capitaine de bateau. C'est pour faire en sorte que ces gens aient accès rapidement — suite au jugement — à la ressource et entre-temps, travailler avec eux et faire en sorte qu'ils deviennent autonomes. Je vous parle de chez nous, je ne sais pas ce qui peut se passer ailleurs dans l'Ouest, mais entre autres, il y a des Blancs qui pêchaient pour les Autochtones dans ces conditions.
La coprésidente (Le sénateur Hervieux-Payette): Cela nous éclaire sur les modalités d'application de ces règlements.
M. Brien: J'ai de la difficulté à comprendre une partie du raisonnement. Si vous prenez la voie qu'on vous suggère, c'est-à-dire de vous appuyer sur les pouvoirs législatifs plus clairs que sur le pouvoir réglementaire. Le ministre a dit: «On a peur d'ouvrir une dynamique où le détenteur de permis collectifs pourrait penser avoir des pouvoirs beaucoup plus grands. » La législation pourrait être relativement claire là-dessus. Ils pourraient la contester, mais de toute façon, si ma compréhension est bonne, il y a déjà des contestations actuellement du pouvoir du ministre de limiter même si un permis communautaire est donné; il y a des communautés qui contestent l'autorité du ministre. Si c'est appuyé sur la législation, peut-être qu'il y aurait cette contestation, mais ce n'est pas différent d'aujourd'hui.
M. Côté: Vous avez raison. Si j'ai bien compris le ministre, on va réexaminer la question. Lorsqu'on tente de modifier légèrement une loi, il faut que le Parlement et le ministre prévoient toutes les possibilités. Je crois que c'est à cela que le ministre faisait allusion. Je ne voudrais pas interpréter ses paroles. Vous avez raison de dire que même si on change la loi, il y aura encore des contestations. La question est de savoir comment on peut limiter ou s'assurer que les risques sont au minimum. Je pense que c'est ce que le ministre disait.
M. Brien: Est-ce que vous comprenez que, pour nous, ce n'est pas un argument? Nous aimerions que ce soit appuyé sur une autorité législative claire et qu'en ce sens, oui, tout le monde peut contester comme c'est déjà le cas.
M. Côté: Absolument, vous avez tout à fait raison, j'ai bien compris.
M. Brien: C'est ce que je voulais clarifier.
[Traduction]
M. Easter: Pour revenir au dernier point concernant les allocations, je préside le comité des pêches de la Chambre des communes et nous sommes en train de rédiger une lettre, à la demande du comité, en vue d'obtenir des renseignements sur, entre autres, la Stratégie sur les pêches autochtones et les coûts qu'elle entraîne, les allocations qui ont été accordés, les permis délivrés, l'équipement, le type de pêche, ainsi de suite.
La lettre n'est pas encore terminée. Elle le sera d'ici la fin de la semaine, et nous vous fournirons une copie de celle-ci et des réponses que nous recevrons.
Ma question s'adresse aux fonctionnaires du ministère et porte sur la documentation qu'ils ont fournie et l'exposé de ce matin. On semble croire que le ministère a raison et que le comité a tort. À mon avis, vous nous avez présenté des arguments convaincants dans certains cas, mais dans pas tous.
Je tiens à dire au comité que si le ministère juge qu'il a raison et que le comité a tort, il adopte une position assez dangereuse.
Je ne dirai pas que votre règlement comporte des lacunes, parce que je ne suis pas sûr que ce soit vraiment le cas, mais est-ce que le ministère est prêt à proposer des changements qui permettraient de convaincre le comité que le règlement couvre tous les aspects de la question et que ce qui constitue un problème aux yeux du comité ne se produira pas? Êtes-vous prêt à proposer un échéancier pour modifier le règlement et ainsi répondre aux préoccupations sérieuses du comité?
Si vous n'êtes pas prêt à le faire, vous jouez un jeu dangereux, si l'on se fonde sur ce que vous avez dit aujourd'hui.
Mme Ashley: Nous ne jugeons pas que le comité a tort. Nous estimons avoir l'autorisation légale d'appliquer ce règlement. Le ministère de la Justice appuie le ministère des Pêches et des Océans. Telle est notre position. Le comité a sa propre opinion, et je ne voudrais pas commenter la position de celui-ci.
M. Easter: Vous soulevez un point important, mais je trouve choquant de vous entendre dire que le ministère de la Justice est du même avis. Si je me souviens bien, avant que l'arrêt Marshall ne soit rendu, le ministère de la Justice était convaincu qu'il n'y aurait pas de problème.
M. Côté: Je n'étais pas là.
[Français]
La coprésidente (Le sénateur Hervieux-Payette): Monsieur Côté, quand même, le ministère de la Justice ce n'est pas vous seulement.
M. Côté: Non. Vous avez compris le sens de ma remarque.
La coprésidente (Le sénateur Hervieux-Payette): Oui, exactement.
[Traduction]
M. Cummins: Ce qu'il convient de noter, madame la présidente, c'est que le ministre a constamment fait allusion à la notion de société et qu'il a comparé l'organisation autochtone qui reçoit un permis à une société. En fait, la société et l'organisation autochtone sont deux entités distinctes. Une société est une personne morale, alors qu'une organisation autochtone ne l'est pas. La Loi sur les pêches s'applique à des personnes. Il n'y a donc pas de parallèle entre les deux.
Dans le même ordre d'idées, la société qui détient un permis ne peut pas désigner une personne pour pratiquer la pêche en vertu de ce permis. Cette personne doit détenir un permis du ministère. Il n'y a donc pas de parallèle entre les deux. Il en va autrement avec les permis délivrés par les organisations autochtones.
M. Côté: La Loi sur les pêches ne précise pas que cette loi s'applique aux personnes. Comme je l'ai mentionné, il n'est pas nécessaire d'être une personne physique ou morale pour obtenir un permis. En fait, vous pouvez être reconnu coupable d'une infraction au Code criminel même si vous n'êtes pas doté de la personnalité morale, et bien entendu, le Code criminel s'applique et aux règlements et aux infractions prévues dans la Loi sur les pêches.
J'ai essayé de vous expliquer la nature de la personnalité morale ou physique des bandes indiennes, des conseils de bandes et des membres des bandes indiennes. Je ne peux vous en dire plus.
Pour ce qui est des sociétés, ce sont elles qui reçoivent le permis. Bien entendu, il n'est pas nécessaire d'être actionnaire ou employé d'une société pour pratiquer la pêche en vertu de l'autorisation donnée à celle-ci. Mais je préférerais attendre d'en savoir plus sur le sujet avant d'aller plus loin, sauf si M. Tierney peut vous donner des précisions sur les personnes qui pratiquent la pêche en vertu d'un permis délivré à une société.
M. Cummins: Il faut que la personne ait obtenu l'autorisation du ministre pour pratiquer la pêche en vertu du permis. Voilà ce que j'essaie de dire.
M. Côté: J'aimerais me renseigner là-dessus avant de répondre.
M. Cummins: Êtes-vous en train de me dire que vous ne savez pas si la British Columbia Packers, la titulaire du permis, peut désigner une personne pour pratiquer la pêche, sans que cette personne ait obtenu l'autorisation du ministre?
M. Côté: Je n'en suis pas sûr.
M. Cummins: Votre réponse me sidère.
M. Côté: C'est une question de fait.
M. Cummins: Je n'arrive pas à le croire.
M. Côté: Nous allons nous renseigner. Je ne dis que vous avez tort. Je ne le sais pas, et ce n'est pas à moi de répondre à la question.
M. Cummins: Si un tribunal annule le règlement, autrement dit, si un tribunal donne raison au comité, comment le ministère va-t-il réagir? Comment allez-vous réglementer la pêche cet été?
M. Côté: Cela dépend des motifs sur lesquels se fonde le tribunal pour annuler le règlement, et aussi du tribunal lui- même. Si c'est la Cour suprême qui rend la décision, comme dans l'affaire Marshall...
M. Cummins: Peu importe le tribunal qui rend la décision, s'il rend un jugement sur cette question, ce sera la loi du pays.
M. Côté: C'est ce qu'a fait un tribunal, si je ne m'abuse, dans l'affaire R. c. Cummins.
M. Cummins: C'est exact.
Savez-vous ce que c'est?
M. Côté: J'ai de la difficulté à voir d'ici.
M. Cummins: En avez-vous déjà vu une?
M. Côté: C'est une carte d'enregistrement.
M. Cummins: C'est un permis de pêche commerciale, qui est délivré par le ministre. Vous ne pouvez pratiquer la pêche sans ce permis. Seul le ministre peut le délivrer. Vous ne pouvez pas pratiquer la pêche à bord d'un bateau appartenant à une entreprise sans ce permis.
M. Côté: Comme je l'ai mentionné, je ne connais pas tous les faits. M. Tierney peut répondre à la question ou vous fournir une réponse plus tard.
M. Cummins: C'est étonnant.
Mme Ashley: Est-ce un permis ou une carte d'enregistrement? Il y a une différence entre les deux.
M. Côté: C'est une carte d'enregistrement.
M. Cummins: C'est une carte d'identité qu'on remet aux pêcheurs.
La coprésidente (sénateur Hervieux-Payette): Je suppose que nous aurons bientôt une idée de ce que nous allons faire. Il est 10 h 30. Nous devons encore entendre MM. Wappel et Lee. Nous avions convenu d'arrêter à 10 h 30. Je ne crois pas que nous ayons exploré le sujet à fond ou que nous soyons sur le point de conclure, sauf si le comité veut prendre une décision tout de suite. Je m'en remets à vous. C'est à vous de décider.
M. Cummins: À mon avis, comme le ministre n'a pas été en mesure de nous fournir, ce matin, de nouveaux éléments d'information, serait-il déraisonnable de demander que le conseiller juridique prépare un nouveau rapport de révocation?
M. Lee: Je ne dirais pas que nous n'avons rien appris de nouveau aujourd'hui. Nous avons obtenu quelques éclaircissements. Nous avons cinq ou six points de droit à régler. J'aurais voulu aborder deux ou trois de ceux-ci avec les fonctionnaires du ministère. Il nous faut encore, en tant que comité, en examiner les aspects techniques. Il me faut plus de temps.
Je tiens à préciser que j'ai passé deux heures et demie, il y a quelques jours, à discuter de ce dossier avec les fonctionnaires du ministère. Je consacre du temps à ce dossier. Je n'ai pas eu le temps, aujourd'hui, d'examiner certaines de ces questions techniques. Je pense que le comité aurait intérêt à se pencher là-dessus. Il nous faut plus de temps. Je ne suis pas prêt à clore le débat. Je pense que nous avons réalisé des progrès aujourd'hui. Nous devons toutefois consacrer encore un peu plus de temps au dossier.
M. Wappel: Comme vous l'avez mentionné, madame la présidente, il n'est pas question ici de déterminer qui a tort ou qui a raison. Nous nous trouvons dans une situation où, manifestement, des personnes raisonnables ne s'entendent pas. Nous sommes en train de cerner les points qui font l'objet d'un sérieux désaccord. Comme M. Easter l'a si bien rappelé à nos témoins, tout n'est pas aussi clair qu'il y paraît quand un tribunal rend un jugement sur une question.
Malgré les garanties données par le ministère de la Justice dans bon nombre de cas — et je songe au règlement sur le tabac, par exemple — il arrive que la Cour suprême du Canada ne soit pas d'accord. Il me reste encore quelques questions à poser sur le sujet, et je tiens à ce qu'elles soient consignées au compte rendu en vue de la prochaine réunion, parce que je pense que le comité devrait reconvoquer les fonctionnaires.
Le ministère soutient que l'organisation autochtone se compare à une société. M. Cummins a mis en évidence le fait que les sociétés et les organisations autochtones sont peut-être traitées différemment en vertu du règlement. J'aimerais savoir comment on peut établir une telle comparaison si, dans les faits, ces entités sont traitées différemment.
Ensuite, pour poursuivre dans la veine des questions que j'ai posées plus tôt, on a laissé entendre que l'article 7 de la loi dispose que le ministre peut délivrer des permis, et que l'article 33 n'accorde pas au gouverneur en conseil le pouvoir de désigner quels fonctionnaires ou quelles organisations peuvent délivrer des permis. Or, je tiens à signaler que l'article 2 du règlement, qui englobe les définitions, précise qu'une personne autre que le ministre qui a comparu devant nous peut délivrer des permis, à savoir le ministre du Québec et le ministre de l'Ontario, qui ne sont pas des ministres fédéraux des pêches. Si ces ministres sont désignés par le gouverneur en conseil et peuvent délivrer des permis, on peut alors à tout le moins soutenir que le gouverneur en conseil peut désigner des organisations autochtones pour délivrer des permis. C'est ce que nous affirmons, d'ailleurs, si j'ai bien compris, à la page 15 de notre rapport, dans la dernière phrase du paragraphe qui précède la rubrique intitulée «Réponse du ministère des Pêches et des Océans».
Si le règlement autorise les ministres autres que le ministre fédéral des pêches à délivrer un permis, alors pourquoi le règlement n'autorise-t-il pas les organisations autochtones à délivrer des permis conformément à ce qui est dit à la page 15 du projet de rapport?
J'aimerais que quelqu'un se penche là-dessus, compte tenu de ce qui a été dit aujourd'hui.
M. Cummins: Je tiens à dire à mon collègue que l'Ontario est régie par une série de règlements distincts.
Madame la présidente, j'ai l'impression que le gouvernement se moque du ministère. En fait, le gouvernement semble jouer avec la loi. C'est, en tout cas, l'impression que l'on a dans mon coin de pays.
Comme je l'ai déjà mentionné au comité, il y a 250 personnes qui ont été accusées et dont le cas a été porté devant les tribunaux de la Colombie-Britannique. Leur défense repose, en partie, sur l'illégalité du règlement. Au moins une décision devrait être rendue le mois prochain. Le tribunal va trancher avant que le comité ne l'ait fait.
Le comité aurait intérêt à s'exprimer clairement sur la question, comme il l'a fait dans le passé.
Enfin, les pêcheurs menacent de pratiquer la pêche en dépit de ce qui dit le ministère. Nous allons rester dans une impasse, tant que le comité et le Parlement n'auront pas réglé la question. Ces pêcheurs vont aller de l'avant avec leurs menaces cet été, au mépris de ce que dit le ministère.
Comme nous avons de très bonnes raisons de faire avancer le dossier, je propose que le comité demande au conseiller juridique de préparer un rapport de révocation et de le déposer à la prochaine réunion du comité.
La coprésidente (sénateur Hervieux-Payette): Avez-vous un commentaire à faire, monsieur Grewal?
Le coprésident (M. Grewal): Pas sur ce point. J'aimerais plutôt faire quelques commentaires sur l'impartialité des membres du comité, qui ont présenté des arguments valables.
Nous n'avons pas beaucoup d'options. Les membres du comité ont présenté des arguments convaincants. Ils ont présenté aujourd'hui des arguments valables.
Par ailleurs, le ministre et ses fonctionnaires n'ont malheureusement pas réussi à nous convaincre de la légalité du règlement. Tout ce que je peux dire, et j'ai l'impression qu'un consensus se dégage au sein du comité, c'est que nous ne souscrivons pas à l'argument qui a été avancé. L'argument présenté par le ministre est sans fondement. J'ai tendance à penser qu'il faut révoquer le règlement. Un consensus est d'ailleurs en train de se dégager à cet égard au sein du comité. Je n'ai aucune objection à ce qu'on rediscute de la question. Je suis certain que les membres du comité voudront arriver à un consensus là-dessus et trouver une solution adéquate au problème.
M. Lee: Comme j'espère que le comité va tenir une autre réunion là-dessus, je voudrais demander aux fonctionnaires du ministère qu'ils nous fournissent un peu plus de renseignements, si possible, sur les permis qui ont été délivrés, notamment, à un bateau, et par cela j'entends un bateau de pêche; une société; une coopérative de pêcheurs; une corporation municipale ou autre entité, qu'elle soit dotée ou non de la personnalité morale. Ces renseignements nous seraient utiles.
Je tiens également à mentionner que les commentaires de M. Wappel donnent à penser, à première vue, qu'on assiste à un cas flagrant de sous-délégation de pouvoirs aux ministres provinciaux des pêches. Nous aurons l'occasion de nous pencher là-dessus plus tard.
M. Wappel: Je ne peux appuyer la motion. Elle est prématurée, et je trouve dommage qu'on insiste tant là-dessus. Nous avons fait des progrès. Nous avons cerné les points que le ministère devrait réexaminer. J'aimerais que nos conseillers juridiques examinent les témoignages que nous avons entendus aujourd'hui et qu'ils fassent rapport sur les idées cohérentes et incohérentes qui s'en dégagent, et sur les questions qui n'ont pas fait l'objet de réponses satisfaisantes.
Le rapport de révocation que nous allons déposer, si rapport il y a, doit être inattaquable. Il faut qu'il puisse résister à toute analyse, surtout s'il risque d'avoir un impact sérieux sur la pêche. Nous devons explorer toutes les pistes, donner aux fonctionnaires la possibilité de réexaminer nos conclusions, lesquelles s'inspireront des commentaires de tous les membres du comité, de discuter peut-être directement avec nos conseillers juridiques, de recomparaître devant le comité le plus tôt possible — parce que nous ferons affaire non pas avec le ministre, mais avec les fonctionnaires — et de répondre aux questions en suspens. À mon avis, cette façon de faire serait plus productive que le fait d'exiger un vote sur la question de savoir si nous devons demander au conseiller juridique de préparer un nouveau projet de rapport de révocation.
Je suis donc contre la motion, parce que je veux que le rapport de révocation que nous allons présenter puisse résister à toute analyse juridique quand nous aurons à le défendre à la Chambre des communes.
M. Easter: M. Wappel a très bien résumé ma pensée. Je suis, moi aussi, contre la motion. Je pense qu'un rapport de révocation risque d'avoir un impact sérieux sur la pêche, impact qu'il faut analyser. Nous devons être absolument sûrs que la motion ne créera pas plus de problèmes qu'elle n'en règle.
J'aimerais que le ministère examine le compte rendu et les points qui ont été abordés aujourd'hui avec le ministre, et qu'il prenne cette question très au sérieux, qu'il lui accorde la priorité qu'elle mérite pour que le comité puisse régler rapidement le dossier.
Le sénateur Beaudoin: M. Lee soulève un point intéressant. Nous ne pouvons pas, en vertu de notre régime, procéder à une délégation entre Ottawa et les provinces. Les tribunaux ont rejeté la notion de législation interparlementaire. J'aimerais en savoir un peu plus là-dessus.
Le Parlement peut déléguer des pouvoirs à un ministre ou à un organisme provincial. Il le fait dans le domaine des transports. C'est un autre point que devrait examiner M. Bernier. C'est tout ce que j'ai à dire. Nous n'en avons pas parlé ce matin.
[Français]
M. Brien: Je peux comprendre la résistance de messieurs Lee, Wappel et Easter, mais je ne pense pas que ce qui est demandé nous commet sur le rapport de désaveu. L'un n'empêche pas l'autre. Nous pouvons poursuivre les éclaircissements souhaités dans le flux des propos d'aujourd'hui tout en ayant la préparation d'un nouveau rapport. Nous pourrons alors procéder plus rapidement que d'en discuter dans une prochaine séance. Nous pourrions donner l'instruction de faire un rapport de désaveu. Nous n'en finirons plus. Nous allons en discuter encore pendant des mois et des mois. Je crois que la motion est bonne dans le sens où cela ne nous commet pas encore. Ce n'est pas l'adoption du rapport de désaveu, c'est simplement donner l'instruction d'en préparer un nouveau. Je vais appuyer la motion. Sinon, nous ne serons pas pris au sérieux. Ils ont été très fermes aujourd'hui et ils ne changeront d'opinion. Cela m'apparaît assez clair. Qu'il y ait quelques points techniques que nous voulions reconsidérer pour mieux bâtir éventuellement notre rapport, c'est une chose, mais nous n'arriverons pas à nous entendre, c'est évident. J'appuie la motion et cela ne nous empêche pas de poursuivre les éclaircissements, mais que dans une prochaine séance, nous puissions aboutir quelque part.
La coprésidente (Le sénateur Hervieux-Payette): Lorsque vous dites que l'un n'empêche pas l'autre, il reste que le rapport préparé par M. Bernier, notre conseiller, contenait 27 pages. C'est un travail considérable. Nous avons constaté que nous n'avions pas touché tous les points. Alors, c'est de mettre notre conseiller dans une bien drôle de situation en lui demandant de préparer un rapport sans avoir vraiment la substance, avec trois ou quatre hypothèses sur trois ou quatre points. Nous voulons quand même faire travailler les gens compétents qui travaillent avec nous, mais au moins avec les informations nécessaires. De là à conclure que le ministère va rester sur ses positions! Justement, nous avons posé des questions et nous attendons des réponses. Nous devons aller au fond de la question et il y a certains points qui n'ont pas été abordés et auxquels nous devrions toucher dans une réunion ultérieure. Contrairement à ce que mon coprésident dit, je ne vois pas de consensus avec ce que j'ai entendu à ce moment-ci. Il y a une résolution devant vous à moins qu'il y ait d'autres interventions, nous allons simplement aller à la résolution. En fin de compte, lorsque nous avons un consensus à ce comité, cela équivaut pratiquement à l'unanimité.
M. Brien: Si nous n'avons pas d'échéancier et que nous nous promenons d'une séance à l'autre sans arriver à une échéance serrée quelque part, nous ne sommes pas pris au sérieux. J'ai de la difficulté à prendre notre travail au sérieux si nous ne mettons pas nous-même un échéancier. Je serais d'accord avec le fait que nous tenions une autre séance pour éclaircir le sujet, mais que nous allons conclure bientôt parce que nous ne pouvons pas reporter cela indéfiniment.
La coprésidente (Le sénateur Hervieux-Payette): Il n'est pas question de reporter cela aux calendes grecques.
M. Brien: Il faut un échéancier concret.
La coprésidente (Le sénateur Hervieux-Payette): Je souscris à votre point de vue.
[Traduction]
M. White: Il est évident que le ministère n'a pas pris le comité, ou franchement, les préoccupations qu'il a soulevées, au sérieux. Nous avons eu droit aujourd'hui à des réponses alambiquées et incroyables. Abstraction faite des nombreuses autres questions qui doivent être réglées, il y a tout lieu de croire que le ministère refuse ou n'est pas en mesure de répondre à certaines de nos préoccupations. Je pense que le moment est venu d'exercer des pressions sur lui. Si nous votons pour le report de la révocation, nous ne faisons que lui donner plus de temps, franchement, de nous tenir en échec. Nous devons prendre des mesures pour le pousser à agir.
D'aucuns ont fait valoir qu'il faut le pousser à agir, à nous donner un délai ferme. Je propose qu'on vote sur le rapport de révocation aujourd'hui.
La coprésidente (sénateur Hervieux-Payette): Comme j'ai déjà mentionné, il n'est pas question ici de déterminer qui a tort ou qui a raison. Nous essayons, et par nous, je veux dire les Canadiens, de trouver des solutions. Il n'y a pas deux camps. Nous avons fait des progrès. Personnellement, j'en sais beaucoup plus aujourd'hui sur ce dossier.
Pour ce qui est de la question délicate des droits des Autochtones, je ne suis pas une experte en la matière et je ne fais pas partie du comité des peuples autochtones. Or, pour mieux comprendre la nature de ces droits, nous devons, en toute justice, savoir ce qu'on entend par «société». C'est la comparaison qu'on a employée. Je n'ai jamais pensé qu'il s'agissait d'un concept juridique quand le ministère en a parlé. Je pensais qu'il essayait de nous expliquer ce qu'il entendait par titulaire de permis.
Je dois pousser ma réflexion plus loin. Il nous faut des renseignements additionnels sur les droits autochtones et la façon dont nous interprétons ces droits quand ils sont accordés par le ministre à une bande ou à un conseil de bande, ainsi de suite. Nos conseillers juridiques se pencheront là-dessus.
[Français]
Monsieur Brien propose que le comité se réunisse à nouveau dans un avenir rapproché. La prochaine réunion pourrait porter sur ce sujet et il serait possible d'obtenir les réponses et, surtout, d'aborder les sujets qui n'ont pas été touchés. Le comité pourrait ensuite décider quelle approche adopter, quelle orientation prendre.
On me dit que la prochaine rencontre aura lieu le 25 avril. Est-ce que les membres du comité et les témoins sont disponibles le 25 avril?
M. Brien: Est-ce la date de la prochaine réunion?
La coprésidente (Le sénateur Hervieux-Payette): Oui et il faut terminer notre étude.
[Traduction]
M. Cummins: Madame la présidente, avant de commencer à faire des arrangements pour la prochaine réunion, il y a une autre question à régler, et c'est la motion dont nous sommes saisis. Vos commentaires, sauf votre respect, n'ont rien à voir avec celle-ci. Il n'est pas question ici des droits autochtones, mais de la légalité du règlement. Le conseiller juridique du comité a produit un rapport exceptionnel sur les lacunes que présente le règlement. Le ministère n'a pas été en mesure, au cours des cinq dernières années, de répondre aux points soulevés et clarifiés par le conseiller juridique du comité.
L'avis donné par le conseiller juridique du comité a été confirmé par une source indépendante. Le conseiller juridique principal en Colombie-Britannique a émis, lui, un avis similaire. Nous sommes en présence, ce matin, d'avocats qui sont incapables de reconnaître un permis de pêche commercial et qui ne semblent pas savoir que le détenteur d'un permis délivré par le ministre est tenu de pratiquer la pêche dans ce pays. Il s'agit là d'un aveu étonnant de la part des avocats du ministère.
Madame la présidente, sauf votre respect, nous devrions voter sur la motion. Je demande qu'on tienne un vote par appel nominal. Cette incertitude, à mon avis, cause du tort. Le comité doit régler cette question rapidement. Il en va de sa crédibilité.
La coprésidente (sénateur Hervieux-Payette): Le sénateur Moore avait demandé à prendre la parole avant que vous n'interveniez. Nous tiendrons le vote après.
Le sénateur Moore: Madame la présidente, ce que vous avez dit, et ce que M. Wappel a dit au sujet de l'esprit de collaboration du comité est vrai. Toutefois, je ne suis pas convaincu que le ministère voit les choses sous le même angle. Notre conseiller juridique a préparé un rapport exceptionnel. Je n'ai entendu personne dire que des éclaircissements ou des changements s'imposent. Je suis prêt à attendre jusqu'à la prochaine réunion, le temps que le conseiller juridique examine les témoignages que nous avons entendus aujourd'hui. Je ne sais pas si cela va changer quelque chose. Toutefois, il faudra prendre une décision dès la prochaine réunion.
La coprésidente (sénateur Hervieux-Payette): Nous allons passer au vote.
M. Cummins propose:
Que le conseiller juridique présente un nouveau projet de rapport de révocation à la prochaine réunion du comité.
Plaît-il au comité d'adopter la motion?
La coprésidente (sénateur Hervieux-Payette): Non.
Le sénateur Beaudoin: Oui.
Le sénateur Moore: Non.
Le sénateur Nolin: Oui.
Le sénateur Pearson: Non.
M. Easter: Non.
M. Farrah: Non.
M. Lee: Non.
M. Proulx: Non.
M. Wappel: Non.
M. Bagnell: Non.
M. Cummins: Oui.
M. Lunney: Oui.
M. White: Oui.
M. Brien: Oui.
Le coprésident (M. Grewal): Et moi? Le sénateur Hervieux-Payette a déjà voté. Je vais le faire aussi.
M. Jean-Michel Roy, cogreffier du comité: Vous ne pouvez pas voter, sauf s'il y a égalité des voix.
Le coprésident (M. Grewal): Je le sais. Toutefois, le sénateur Hervieux-Payette a voté. Pourquoi ne pourrais-je pas le faire?
Le cogreffier (M. Roy): D'accord. Monsieur Grewal?
Le coprésident (M. Grewal): Oui.
Est-ce que les fonctionnaires du ministère acceptent de revenir le 29 avril?
M. Ashley: Pour le MPO, oui.
La coprésidente (sénateur Hervieux-Payette): Nous n'avons pas besoin de leur accord. Nous leur demandons de venir. Nous allons leur envoyer un avis annonçant la tenue d'une réunion.
Le coprésident (M. Grewal): Certains membres ayant demandé que les fonctionnaires assistent à la prochaine réunion, je veux qu'ils confirment leur présence.
M. Côté: J'avais prévu me rendre en Colombie-Britannique, cette semaine-là.
M. White: Changez vos plans.
M. Côté: C'est quelque chose qui est déjà prévu depuis longtemps.
Le sénateur Moore: Envoyez quelqu'un d'autre.
M. Côté: Je devais le mentionner.
Le coprésident (M. Grewal): Puisque les deux autres fonctionnaires sont disponibles, acceptez-vous qu'il envoie un remplaçant?
Le sénateur Moore: Oui.
Le coprésident (M. Grewal): Oui.
[Français]
La coprésidente (Le sénateur Hervieux-Payette): La prochaine réunion aura lieu le 25 avril et nous terminerons les travaux du comité. Quels sont les résultats du vote?
Le cogreffier (M. Till Heyde): Sept membres sont en faveur de la motion et neuf sont contre.
La séance est levée.