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SJNS Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE AMENDMENT TO TERM 17 OF THE TERMS OF UNION OF NEWFOUNDLAND

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL CONCERNANT LA MODIFICATION À LA CLAUSE 17 DES CONDITIONS DE L'UNION DE TERRE-NEUVE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 25 novembre 1997

• 0904

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn (Lethbridge, Lib.)): Bonjour, chers collègues, et bienvenue encore une fois. Nous allons d'abord entendre ce matin un témoignage conjoint de l'évêque de l'est de Terre-Neuve et du Labrador, le très révérend Donald F. Harvey, et de l'agent de direction de l'Integrated Education Committee, M. Harry G. Elliott.

• 0905

Vous devriez avoir reçu un exemplaire de leur mémoire. De plus, M. Elliott a fait distribuer les notes dont il doit se servir. J'invite maintenant les deux témoins à se joindre à nous. Nous allons poursuivre notre discussion avec eux jusque vers 10 h 30, parce qu'ils ont tous les deux des choses intéressantes à nous dire.

Nous vous prions de faire des présentations brèves et de poser des questions précises; ce qui compte, c'est le contenu, parce que nous n'avons pas beaucoup de temps. Je demande donc votre coopération pour que tout le monde ait la chance d'entendre les témoins, mais aussi de poser des questions. J'avertis tout de suite nos témoins que nous avons parfois ici des échanges assez musclés.

Merci beaucoup; vous pouvez commencer.

M. Harry Elliott (agent de direction, Integrated Education Committee): Madame la présidente, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de nous avoir invités, le révérend Donald Harvey et moi, à comparaître devant le Comité mixte spécial concernant la modification à la clause 17 des Conditions de l'Union de Terre-Neuve avec le Canada.

Pendant les minutes qui me sont allouées, je vais vous expliquer brièvement la structure de l'organisme que nous représentons et vous décrire ensuite la nature du programme d'éducation religieuse dont nos élèves profitent depuis plus d'un quart de siècle.

Le révérend Harvey va vous décrire la dynamique des événements des derniers mois et la position de nos Églises en ce qui concerne la direction et l'administration de notre système scolaire. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions et de discuter avec vous après ces deux présentations.

Comme vous le savez déjà, nous vous avons préparé un mémoire. On me dit que vous en avez reçu un exemplaire. Vous voudrez peut-être le consulter pendant nos présentations ou après que nous aurons terminé.

Permettez-moi d'abord de vous décrire l'origine de notre système scolaire et les rapports entre l'Église et l'école dans notre province. Je vais être très bref.

Vous savez sans doute que les écoles de Terre-Neuve et du Labrador ont été fondées par des Églises ou par diverses sociétés religieuses inspirées par les Églises. L'éducation confessionnelle était déjà bien établie quand Terre-Neuve s'est jointe au Canada en 1949. Les droits accordés aux Églises en matière d'éducation ont été inscrits dans la Constitution canadienne aux termes de la clause 17 des Conditions de l'Union.

À la suite des négociations qui ont découlé du rapport d'une commission royale d'enquête établie en 1964, les Églises qui détenaient ces droits ont accepté de ne plus s'occuper directement d'éducation et d'assumer un mandat plus restreint par l'intermédiaire de conseils confessionnels extérieurs au ministère de l'Éducation.

En 1969, l'Église anglicane, l'Église presbytérienne, l'Armée du salut et l'Église unie ont accepté de travailler ensemble à l'intérieur d'une structure appelée Integrated Education Council. Deux autres conseils ayant des mandats similaires ont également été créés pour l'Église catholique et les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve.

Après le référendum de septembre 1995, les Églises qui détenaient des droits en vertu de la clause 17 ont accepté une autre restructuration et un nouveau resserrement de leur mandat. Par conséquent, une commission de l'éducation confessionnelle, qui incluait les comités pentecôtiste et catholique, a été mise sur pied en vertu de la Loi sur le ministère de l'Éducation qui a été sanctionnée le 19 décembre 1996. Cette commission, qui jouait plusieurs rôles mineurs par l'entremise de ses comités, avait pour responsabilité première d'élaborer des programmes d'éducation religieuse et d'en soutenir la mise en oeuvre. Bien sûr, si la clause 17 proposée est adoptée, cette responsabilité sera transférée au ministère de l'Éducation de notre province.

• 0910

À notre avis, l'éducation religieuse est un élément très important des activités scolaires dans notre province. C'était le cas dans le passé, et nous souhaitons bien sûr que cela continue. Mais avant de vous expliquer en quoi consiste le programme d'éducation religieuse dont les Églises pour l'intégration font la promotion depuis 1969 et de vous exposer nos vues sur la proposition du gouvernement provincial, il me paraît approprié de vous décrire rapidement mes propres antécédents afin de placer dans une juste perspective les commentaires que je vais vous faire.

J'ai d'abord et avant tout une formation en mathématiques et en sciences, que j'ai enseignées pendant deux ans au secondaire. J'ai aussi enseigné la chimie à l'université pendant 11 ans, mais j'ai passé la majeure partie de ma carrière à élaborer des programmes de sciences au ministère de l'Éducation—pas des programmes de religion, mais des programmes de sciences. J'ai commencé il y a deux ans à travailler pour les Églises pour l'intégration, d'abord à l'intérieur d'un conseil, et ensuite en tant que membre d'une commission confessionnelle.

J'ai donc passé à peu près la moitié de ma carrière à élaborer et à appliquer des programmes d'études dans la province de Terre-Neuve et du Labrador, mais dans le domaine des sciences.

Permettez-moi maintenant de vous faire quelques observations sur la nature de notre programme d'éducation religieuse. Nous sommes d'avis qu'un programme d'éducation religieuse complet est essentiel au développement spirituel et moral de l'enfant. Ce programme doit comprendre une vaste gamme d'activités religieuses en plus d'un programme d'études structuré—tout comme en sciences humaines, en sciences ou en mathématiques. Nous croyons qu'il doit y avoir un programme d'études religieuses.

Vous trouverez dans notre mémoire une description plus détaillée de ces activités. Je pense que c'est à la page 3.

Quelques mots maintenant au sujet du programme d'études intégré. Comme vous le savez probablement, il y a trois programmes d'études dans la province. Nous voulons vous parler aujourd'hui du programme intégré, qui est offert aux élèves de l'Église anglicane, de l'Église presbytérienne, de l'Armée du salut et de l'Église unie.

En 1967, quand les négociations sur cette question ont débuté, les représentants des quatre confessions religieuses du système intégré ont tiré deux conclusions de leurs entretiens. Ils ont décidé qu'il fallait adopter une approche ouverte pour la mise en oeuvre de ce programme. Évidemment, comme il y avait quatre confessions en cause, ils ont jugé qu'il ne pouvait pas y avoir une seule et unique position. Nous croyons que l'éducation doit tendre à développer la dimension spirituelle et morale de l'individu, tout autant que ses dimensions affective, intellectuelle, sociale et physique.

• 0915

L'approche adoptée pour l'élaboration et l'application des programmes d'éducation religieuse doit être non confessionnelle et diversifiée. Elle ne vise pas à convaincre les élèves d'adopter une confession en particulier, mais plutôt à les encourager et à les aider à prendre leurs propres décisions face à leur engagement religieux et moral, qui sera alors vraiment sincère parce qu'il viendra d'eux-mêmes plutôt que de leur être imposé. Permettez-moi de vous donner en exemple pour illustrer l'approche qui a été choisie.

Nous avons introduit tout récemment deux cours d'éducation religieuse dans les écoles secondaires intégrées de la province. Ces cours portent les noms de «choix éthiques 2107 et 3107» et visent à permettre aux élèves d'explorer de nombreuses questions morales et éthiques fondamentales, dans la perspective de différentes traditions religieuses. Le temps ne nous permet évidemment pas d'entrer dans les détails à ce niveau-là, mais ces cours portent notamment sur le suicide et l'euthanasie, la sexualité, les médias et la technologie, les relations familiales et les rapports avec les pairs.

Comme notre culture et notre société ont été influencées surtout par la tradition et les enseignements judéo-chrétiens, ces cours reflètent en bonne partie cette réalité. Cependant, toutes les grandes religions du monde se sont penchées sur la plupart des mêmes questions, sinon sur toutes. Par conséquent—et c'est un choix délibéré—, ces cours présentent systématiquement aussi les perspectives qu'offrent les autres religions. Les autres cours, de la maternelle jusqu'à la fin des études secondaires, sont fondés à des degrés divers sur une approche semblable. Encore une fois, je vous renvoie à l'annexe A de notre mémoire, où vous trouverez une description plus détaillée du programme intégré d'éducation religieuse.

Les Églises pour l'intégration estiment que la clause 17 garantit le droit à l'éducation religieuse. Nous reconnaissons bien sûr que le ministère de l'Éducation demeure responsable de l'élaboration du programme d'études à cet égard, ce qui implique évidemment la mise en place d'un mécanisme englobant les enseignants, les élèves, les fonctionnaires du ministère de l'Éducation et les autres intéressés en vue de l'élaboration et de la mise en oeuvre d'un nouveau programme d'études.

Cela ressemble sensiblement à ce qui s'est fait pour l'élaboration et la mise en oeuvre du programme de sciences, dont je me suis occupé très activement pendant plus de 14 ans. Quand les cours de sciences ont été mis au point, des spécialistes des sciences, du génie et de la technologie ont été consultés; il serait donc tout à fait normal que les membres de nos confessions religieuses soient consultés pour l'élaboration des cours d'éducation religieuse, de même que ceux des autres religions représentées dans notre province.

Je tiens à insister sur le fait que le processus peut fonctionner si nous créons un environnement propice à la coopération et si les Églises de la province peuvent apporter une contribution importante.

La population de Terre-Neuve et du Labrador est en majeure partie chrétienne. La participation des Églises aux fonctions scolaires repose sur une longue tradition. J'ai assisté encore récemment à l'inauguration d'une école dans une localité de la côte Sud appelée Ramea; il était tout à fait évident que les Églises y ont joué, et y jouent encore, un rôle très important dans la vie de l'école.

Nos dirigeants religieux sont d'avis que si notre population est vraiment attachée au christianisme et à nos confessions, elle va exiger—je dis bien «exiger»—que les rites religieux soient observés dans les écoles de notre province. Nous croyons qu'il n'y a rien dans la nouvelle clause 17 qui pourrait empêcher les parents de faire participer leurs enfants à des activités vitales pour leur développement spirituel et moral.

• 0920

Pour terminer, les membres des Églises pour l'intégration jugent absolument essentiel qu'il existe un programme d'éducation religieuse complet dans les écoles de Terre-Neuve et du Labrador. Nous sommes convaincus que, grâce aux comités d'élaboration du programme d'études religieuses, aux enseignants de nos écoles et aux parents de nos enfants, il sera possible de mettre en oeuvre un programme complet qui complétera—et j'insiste sur le mot «complétera»—ceux qu'offrent nos diverses Églises.

Nous vous demandons donc d'appuyer l'adoption de la clause 17 proposée, qui permettra l'élaboration d'un nouveau programme d'éducation religieuse pour Terre-Neuve et le Labrador. Merci.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup. Le révérend Harvey aimerait-il ajouter quelque chose, ou devrions-nous passer aux questions?

Le très révérend Donald F. Harvey (Église anglicane du Canada): Mon témoignage se situe dans une perspective tout à fait différente. Donc, si vous préférez poursuivre votre discussion avec M. Elliott, je m'en remets à vous.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Nous pouvons entendre les deux témoins avant de passer aux questions. Merci.

Le révérend Donald Harvey: Merci beaucoup. Mesdames et messieurs les membres du comité mixte, je suis ici pour vous présenter le point de vue des trois diocèses anglicans de la province de Terre-Neuve, de même que celui des dirigeants des Églises pour l'intégration représentant les autres confessions.

Plutôt que de vous présenter un mémoire structuré composé dans une large mesure de statistiques et de données historiques, j'ai décidé de prendre le temps qui m'était alloué pour vous présenter quelques observations personnelles découlant de ma vie professionnelle, qui ne s'est jamais éloignée beaucoup des milieux de l'éducation dans notre province. Je suppose qu'il faut remonter à l'époque où j'étais un des bénéficiaires de notre système d'éducation.

De 1945 à 1956, j'ai fréquenté une église anglicane à St-Jean, Terre-Neuve. Il y avait une école de l'Église unie à moins de cinq minutes de marche, et deux écoles catholiques à moins de dix minutes. Pendant les 11 ans que j'ai passés là-bas, je ne me rappelle pas qu'il y ait eu des activités communes entre ces écoles, à l'exception des matches interscolaires de hockey et de soccer. À mon avis, la rivalité qui existait à ces moments-là n'était pas toujours très saine, loin de là. Les cris de ralliement contre les autres écoles ne reflétaient pas uniquement un sentiment d'appartenance à notre propre école, et je suis sûr que c'était exactement la même chose pour les équipes adverses.

En 1956, j'ai célébré mon 17e anniversaire en tant que directeur d'une école de deux pièces dans le nord de Terre-Neuve. Ce n'était pas du tout inhabituel à cette époque-là. En fait, les gens de l'endroit étaient plutôt contents cette année-là parce que le directeur de leur école avait lui-même terminé ses études secondaires. Cela se passait il y a moins de 50 ans, dans un système qui n'a pas tellement changé d'après certaines personnes. Mais laissez-moi vous dire qu'il a changé radicalement, dans le cadre d'une évolution qui se poursuit encore aujourd'hui.

En 1963, après avoir été ordonné, j'ai été nommé pasteur d'une paroisse qui couvrait deux localités, et qui avait également le privilège de compter deux conseils scolaires. Comme j'étais le pasteur de la paroisse, je suis devenu automatiquement président de ces deux conseils scolaires. À l'époque, il y en avait près de 400 dans la province. Encore là, il s'agit de notre histoire récente; il n'est pas nécessaire de remonter très loin.

• 0925

Dans les années 60, j'ai siégé à la Commission Warren sur l'éducation et la jeunesse; j'ai ensuite essayé tant bien que mal d'appliquer les recommandations de la commission et j'ai fait partie du groupe qui a mis en place le système scolaire intégré, même si je suis le premier à admettre que je m'opposais à ce système. J'étais fermement convaincu à l'époque que c'était à l'école que l'Église devait faire la majeure partie de son enseignement.

L'intégration a toutefois commencé à se faire, et nous avons vite compris à quel point il était possible de supprimer les doubles emplois et de gérer le système beaucoup plus efficacement. Et dans le clergé, nous nous sommes rendu compte que nous pouvions consacrer 80 p. 100 du temps que nous prenions jusque-là pour administrer nos écoles à faire ce pour quoi nous avions été ordonnés en premier lieu.

J'ai été président de la fédération des conseils scolaires de Terre-Neuve pendant plusieurs années et j'ai aussi été greffier de l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires.

Une des choses que j'ai remarquées à ce moment-là, c'est que bon nombre des problèmes que nous connaissions à Terre-Neuve, et que certains attribuaient à notre éducation confessionnelle, étaient présents aussi d'un bout à l'autre du pays; mais dans les autres régions, on trouvait d'autres boucs émissaires pour les expliquer.

En 1992, quand j'ai pris mes fonctions d'évêque, mon prédécesseur m'a dit: «Je vous invite à m'accompagner à une rencontre sur la réforme de l'éducation. Je ne pense pas que cela vous occupe beaucoup, parce que c'est à peu près réglé.» Il n'était certainement pas prophète! Depuis ce moment-là, je pense que rien n'a occupé davantage, du moins jusqu'à l'an dernier. Rien ne m'a paru plus frustrant, ne m'a pris plus de temps et ne m'a donné autant l'impression que nous faisions du sur place, comme on dit, que nous tournions en rond.

Rétrospectivement, mesdames et messieurs, je peux vous dire que si c'était à recommencer, je serais beaucoup plus disposé à coopérer que je l'étais quand le premier ministre Wells a réuni les dirigeants des Églises et a essayé de conclure une entente avec nous. Il n'a pas réussi, et c'est par frustration qu'il a ordonné le premier référendum, à un moment très mal choisi. En effet, l'annonce en a été faite le dernier jour d'école, en juin, et le référendum a eu lieu le lendemain de la fête du Travail.

Il était très difficile d'expliquer notre position aux gens qui cherchaient à savoir dans quel sens voter. Il y avait beaucoup d'incertitude. Je m'en voudrais de ne pas mentionner qu'il y avait aussi beaucoup de préjugés, et même un déplorable sectarisme, peut-être favorisé par le genre de système scolaire dont j'ai parlé au début.

Pourtant, à la suite de ce référendum—remporté avec une majorité à peine plus forte que quand nous avons voté pour devenir une province de notre grand pays, le Canada—, nous avons quand même reconnu qu'une majorité était une majorité et nous avons fait ce qu'il fallait pour appuyer une loi qui devait nous donner la réforme de l'éducation que nous souhaitions depuis si longtemps.

Je ne suis pas porté à l'exagération—même si certaines personnes prétendent le contraire—, mais je dois vous dire que j'ai vécu entre janvier et juin une des périodes les plus sombres de ma carrière dans le domaine de l'éducation à Terre-Neuve et au Labrador. Sous le régime de la nouvelle loi, nous avons essayé de mettre en place et de faire fonctionner un système qui aurait été à peine applicable si toutes les parties avaient été prêtes à coopérer, et n'importe quel observateur aurait pu vous dire que ce n'était certainement pas le cas. Nous étions bien loin de la coopération générale.

Et même si tout le monde avait collaboré, le système aurait posé toutes sortes de problèmes parce qu'il devait être conçu pour tout le monde, et en même temps pour personne. En fait, la décision du juge Leo Barry, qui nous avait semblé catastrophique quand nous en avons pris connaissance l'été dernier, a peut-être été en définitive une bénédiction. Il a dit que nous devions ralentir, et il nous a peut-être évité ainsi des années de tergiversations au sujet de quelque chose qui n'aurait pas fonctionné de toute façon.

• 0930

C'est ce qui a mené au deuxième référendum, dont le moment était encore une fois très mal choisi, puisque la campagne s'est déroulée pendant l'été. Malheureusement, à bien des égards, les trois derniers étés ont été entièrement pris par un aspect ou par un autre de toute cette affaire.

Mais nous avions espoir, et les Églises pour l'intégration ont alors défendu leur position avec beaucoup plus d'énergie et de fermeté que la première fois, parce que nous en avions assez. Nous espérions que le référendum nettoierait l'atmosphère et nous indiquerait quelle orientation la population de la province voulait nous voir adopter pour l'avenir.

Le résultat de ce référendum est passé à l'histoire. Personnellement, j'en suis très satisfait; mais je peux comprendre pourquoi d'autres ne le sont pas autant. J'ai trouvé la décision claire et décisive, d'autant plus que l'analyse de la structure du vote indique que les gens n'ont pas voté comme certains d'entre nous l'avaient prévu. Le vote ne s'est pas divisé selon l'appartenance confessionnelle, ce qui est très positif. En fait, le «non» n'a obtenu une majorité que dans un seul district, et pourtant, étant donné le mode de peuplement très homogène de la province à une certaine époque—et encore aujourd'hui jusqu'à un certain point—, il y a des régions entières où les gens sont tous de la même confession religieuse. Cela ne s'est pas reflété dans le résultat du vote, et les électeurs n'ont pas tous respecté la position officielle de leur Église. Je ne vois pas comment il serait possible de le contester.

Nous vous demandons aujourd'hui de nous donner une loi qui nous fournira enfin le mécanisme nécessaire pour mettre un système en place, un mécanisme qui sera encore contesté devant les tribunaux—j'en ai bien peur—, mais qui, au moins, nous en donnera le plus possible pour notre argent dans le domaine de l'éducation et qui nous permettra en même temps de préserver ce que nous jugeons important de préserver dans notre système d'éducation.

Vous remarquerez qu'il n'a jamais été question de «système scolaire public» dans toute la documentation portant sur le référendum. Nous n'avions pas à choisir entre un système public et un système confessionnel; ce qui était en jeu, c'était un système dans lequel les Églises perdraient leurs droits d'administration en matière d'éducation, mais qui permettrait de maintenir les valeurs religieuses, un système dans lequel une éducation religieuse comme celle dont M. Elliott parlait tout à l'heure serait non seulement possible, mais garantie par voie législative. Le premier ministre nous en a donné l'assurance avant qu'un seul d'entre nous, dans les organismes d'intégration, ne décide de coopérer et de donner une réponse affirmative à ce qui nous avait été soumis.

Je tiens à dire au comité—et je pense que cela reflète les vues des autres dirigeants religieux—que nous n'aurions même pas envisagé d'appuyer une loi qui aurait mis en place un système scolaire public et supprimé certaines des choses que nous jugeons très importantes. Il est irresponsable de dire que cette loi mettra Dieu en dehors des écoles; cela ne peut venir que de gens qui pensent que la seule façon d'enseigner la parole de Dieu, c'est la leur.

Je trouve très triste que notre société se soit développée de telle manière que, quand nous disons que quelque chose va maintenant relever du gouvernement, cela prend automatiquement une connotation négative. Laissons les Églises faire, et tout sera pour le mieux, mais remettons cela entre les mains du gouvernement, et nous aurons immédiatement un système séculier.

L'histoire montre que ce n'est pas ainsi que les choses se passent, du moins dans notre province; un gouvernement qui est sensible à la volonté de la population, à ce que souhaitent les gens, et qui est conscient que les électeurs qui l'ont mis là où il est peuvent aussi lui retirer leur appui, voudra agir comme le souhaitent ses électeurs tant et aussi longtemps que nous le souhaiterons et que nous exprimerons clairement notre volonté.

• 0935

Je vous remercie de m'avoir permis de vous faire part de ces quelques réflexions à bâtons rompus; il m'a semblé qu'il pourrait être utile de vous montrer l'évolution du système au cours des 30 ou 40 dernières années, du moins dans une perspective personnelle. C'est un système qui, en raison de ressources humaines et financières sans cesse décroissantes, ne peut pas se payer le luxe—si on peut dire—des dédoublements que nous avons connus dans le passé et que certaines personnes voudraient nous voir maintenir.

Pendant la guerre, les gens disaient: «Donnez-nous les outils nécessaires et nous allons achever le travail.» Mesdames et messieurs, donnez-nous une loi et nous allons fournir à notre province un système d'éducation qui va refléter les désirs de la population, quelles que soient les convictions religieuses de chacun. Ce sera également un système capable de soutenir la comparaison avec tout ce qui se fait ailleurs dans notre grand pays. Merci.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup, mon révérend. Nous allons maintenant passer aux questions. D'abord M. Goldring, et ensuite le sénateur Murray, le sénateur Rompkey, M. Doyle et Mme Caplan.

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je vous remercie beaucoup de votre présentation. Monsieur Elliott, vous mentionnez dans votre mémoire qu'à votre avis, il n'y a rien dans la clause 17 qui pourrait empêcher les parents de faire participer leurs enfants à des activités vitales pour leur développement spirituel et moral.

Comme il y a d'autres groupes qui semblent penser le contraire et qui souhaitent que ce développement spirituel et moral se fasse selon les préceptes de leur confession, est-ce qu'il ne serait pas possible d'autoriser les écoles confessionnelles dans les régions où le nombre d'élèves et de parents le justifie?

Autrement dit, le paragraphe 17(2) stipule que l'éducation religieuse sera non confessionnelle. Ne serait-il pas possible de supprimer cette disposition et de permettre dans votre système certaines écoles confessionnelles là où les parents le désirent et où le nombre le justifie? Ces écoles seraient placées sous le contrôle du conseil, mais les parents pourraient demander expressément qu'elles gardent leur caractère confessionnel.

M. Harry Elliott: Il faut être très prudent. Il faut bien comprendre le sens des paragraphes (2) et (3).

D'après mon interprétation du paragraphe (2), il est question essentiellement d'un programme d'études générique. Comme je l'ai déjà dit, lorsque des négociations à ce sujet ont eu lieu en 1967, les représentants de l'Armée du salut, de l'Église anglicane, de l'Église unie et de l'Église presbytérienne jugeaient qu'il fallait un programme auquel les quatre confessions pourraient souscrire et qui ne devait donc pas refléter une doctrine en particulier.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, le programme actuel est très générique. Il y est question de l'hindouisme, des médias et de la technologie, de l'idée traditionnelle que les peuples autochtones se font de la mort, des enseignements bouddhistes sur le suicide, et de toutes sortes d'autres choses.

Nous avons mis au point un programme générique qui satisfait quatre confessions religieuses. Il me semble que nous pourrions l'élargir de manière à inclure toutes les confessions présentes à Terre-Neuve, et évidemment aussi les autres religions qui existent dans notre province. C'est ainsi que je comprends le paragraphe 17(2).

Le paragraphe 17(3) porte pour sa part sur l'observance religieuse. Dans la province de Terre-Neuve, il y a des localités où à peu près tout le monde est de la même confession. J'ai parlé tout à l'heure de la communauté de Ramea, qui est essentiellement anglicane. Évidemment, dans les écoles dont la population appartient en grande majorité à une seule et même confession, la nature des cérémonies religieuses et des activités d'éducation religieuse en dehors du programme scolaire devrait refléter cette situation. Il faut donc établir une distinction à cet égard.

• 0940

M. Peter Goldring: Donc, vous êtes d'avis que, dans les régions comme celles-là, l'éducation religieuse pourrait garder un caractère confessionnel. Si c'est le cas, est-ce que ce n'est pas contraire au paragraphe 17(2), qui stipule expressément que l'éducation religieuse doit être non confessionnelle?

M. Harry Elliott: Non, je n'y vois pas de contradiction. Ce que je dis, c'est que l'éducation, le programme, les cours—que ce soit en sciences et en mathématiques ou en religion—seront les mêmes dans toute la province.

Les autres activités de nature religieuse devraient refléter la composition de la communauté. Prenez par exemple la communauté de Seal Cove, dans la baie Fortune. Presque tout le monde appartient à l'Armée du salut. J'imagine facilement le milieu scolaire, les activités religieuses qui s'y déroulent et les membres du clergé qui y sont invités. Il est certain que le matériel chrétien utilisé par cette école refléterait cette communauté, mais ce que je dis, c'est que le programme, les cours dispensés de la maternelle à la fin du secondaire pourraient en fait être les mêmes pour l'ensemble de la province de Terre-Neuve et du Labrador.

Dans une province dont la population est en déclin, et où les inscriptions sont à la baisse, je pense qu'il est tout à fait inutile d'avoir plus d'un programme d'éducation religieuse. Les activités extérieures au programme pourraient refléter les caractéristiques de chaque communauté.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup. Sénateur Murray.

Le sénateur Lowell Murray (Pakenham, PC): Merci, madame la présidente.

Je voudrais m'assurer que nous comprenons tous de la même façon le fonctionnement du nouveau système. En ce qui concerne l'approche non confessionnelle et diversifiée, c'est-à-dire les cours de religion génériques, on nous a dit qu'ils seraient facultatifs. Autrement dit, un parent qui n'en voudrait pas, ou un enfant qui ne voudrait pas assister à ces cours génériques pourrait quitter la classe pendant ce temps-là.

De même, les dispositions de la clause 17(3) au sujet de l'observance religieuse font en sorte que, s'il y a une ou plusieurs familles qui n'appartiennent pas à l'Église anglicane, à l'Armée du salut, à l'Église catholique ou à quoi que ce soit d'autre, leurs enfants pourront aussi quitter la classe quand il y aura des cérémonies liées à ces religions.

M. Grimes nous a dit également, quand il était ici, que si le conseil scolaire jugeait souhaitable d'offrir un cours de religion à caractère local, l'école pourrait élaborer des cours de religion adaptés à la communauté et propres à une confession en particulier. Ce n'est pas la même chose que des cérémonies occasionnelles.

Je voudrais savoir si c'est également de cette façon-là que vous voyez le nouveau système et si vous en appuyez ces aspects-là, c'est-à-dire la nature facultative des cours génériques et de l'observance religieuse, et le fait qu'il sera possible d'offrir dans certaines écoles, au niveau local, des cours de religion propres à une confession en particulier.

Merci, madame la présidente.

M. Harry Elliott: Pour ce qui est des cours locaux, sénateur, permettez-moi encore une fois de faire un parallèle avec les cours de sciences puisque c'est un domaine que je connais mieux.

Au Labrador, il y a quelques années, certaines personnes ont voulu élaborer un cours de sciences local portant sur la topographie, l'orientation sur le terrain, et ainsi de suite. Ce qui s'est passé, c'est que le conseil scolaire a présenté une demande précise au ministère de l'Éducation et que le ministère a donné son accord pour que ce cours soit offert dans une école en particulier.

• 0945

D'après ce que je comprends, c'est de cela qu'il s'agit ici. Nous parlons par exemple d'une communauté où il pourrait y avoir...

Le sénateur Lowell Murray: Excusez-moi, monsieur Elliott. Le conseil scolaire pourrait déterminer qu'un cours d'intérêt local serait souhaitable, et il y aurait alors des cours de religion axés sur une confession en particulier.

M. Harry Elliott: Je pense que, si une école ou un conseil scolaire demandait l'autorisation d'offrir un cours d'intérêt local, le ministère de l'Éducation pourrait l'envisager.

Le sénateur Lowell Murray: Excusez-moi, monsieur. Si le conseil scolaire déterminait qu'un cours d'intérêt local serait souhaitable, il pourrait y avoir des cours de religion élaborés au niveau local, en fonction d'une confession en particulier, qui pourraient être offerts dans une école? Dans le cadre de la politique actuelle du ministère de l'Éducation au sujet des cours d'intérêt local?

M. Harry Elliott: C'est exact.

Le sénateur Lowell Murray: Tout dépendra finalement de ce que les parents demanderont au conseil scolaire.

M. Harry Elliott: Le ministère de l'Éducation a déjà dû donner son approbation dans le passé pour qu'un cours d'intérêt local soit offert, et ce sera la même chose dans ce cas-ci, je pense.

Le sénateur Lowell Murray: Et vous êtes d'accord?

M. Harry Elliott: J'ai certaines réserves. Je pense que, dans la majorité des cas, un programme générique sera satisfaisant pour toute la province.

Le sénateur Lowell Murray: Facultatif ou obligatoire?

M. Harry Elliott: Pas obligatoire.

Le sénateur Lowell Murray: Facultatif.

M. Harry Elliott: Cela n'a jamais été obligatoire dans notre province, si je ne me trompe pas. Si un élève ne veut pas suivre un cours ou participer à une activité qu'il juge offensante, ou si ses parents ne veulent pas qu'il le fasse, il a le droit de sortir de la classe.

Le sénateur Lowell Murray: Êtes-vous du même avis, mon révérend?

Révérend Donald Harvey: Oui, cela a toujours été le cas. D'ailleurs, nous avons parfois eu des problèmes avec cette politique de retrait parce que les enfants des membres du clergé sont parfois les premiers à vouloir se retirer, ce qui est plutôt embarrassant.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.

Sénateur Rompkey.

Le sénateur William Rompkey (Terre-Neuve, Lib.): Je m'intéresse au même aspect de la question que le sénateur Murray et j'aimerais l'examiner d'un peu plus près. Je voudrais demander à M. Elliott s'il pourrait nous dire comment le programme est conçu et comment il est administré; quel est le rôle respectif du ministère, du conseil et de l'enseignant. Il n'est pas nécessaire que le programme soit conçu et imposé d'en haut. Les conseils scolaires ont certains pouvoirs, et les enseignants ont eux aussi une certaine marge de manoeuvre. Pourriez-vous nous en parler un peu?

M. Harry Elliott: Oui, c'est une question très intéressante, sénateur. C'est relativement complexe, mais étant donné le temps dont nous disposons, je vais vous faire une description aussi brève que possible.

Assez souvent, quand il est question d'élaborer un nouveau cours ou un nouveau programme d'études, le ministère de l'Éducation met sur pied un comité, composé surtout d'enseignants, qui va essayer de déterminer quels sont les besoins. Ce comité va donc consulter les enseignants, les parents, l'industrie dans le cas des sciences—et dans le cas de la religion, je suppose qu'il consulterait les autorités religieuses—et il va essayer de déterminer la forme que devrait prendre le nouveau cours ou le nouveau programme.

Une fois qu'il a obtenu cette information, il conçoit ce qu'on appelle une description de cours. Il essaie de décrire en quelques pages la nature du cours ou du programme. Très souvent, il tente d'obtenir des manuels scolaires; vous comprendrez sûrement que, dans le cas de l'éducation religieuse dans notre province, il a souvent fallu concevoir ces manuels—à grands frais, je dois dire. Mais quoi qu'il en soit, une fois que nous avons une description de cours, nous essayons de nous procurer le matériel pédagogique nécessaire, qui se limite souvent à un manuel.

Nous mettons ensuite ce matériel à l'essai dans un petit nombre d'écoles: cinq, six, huit ou dix. Nous recueillons les réactions des élèves, des enseignants et des employés du conseil scolaire, et nous modifions le cours en conséquence. Nous mettons ensuite la dernière main au document, nous ajoutons du matériel supplémentaire à l'intention des enseignants et, évidemment, nous étendons ensuite le programme à l'ensemble du système scolaire.

• 0950

Il y a donc un seul programme de mathématiques, un seul programme de sciences, un seul programme de sciences humaines pour tous les élèves de la province. Mais comme j'ai essayé de vous le faire comprendre tout à l'heure, il y a beaucoup de gens qui participent à l'élaboration de ces cours dans la province même. Et nous avons une population relativement petite.

Pendant les 14 ans que j'ai passés à concevoir des cours de sciences, j'ai maintenu des contacts constants avec l'industrie, les autres secteurs du gouvernement, les gens des divers secteurs technologiques, de même que les enseignants, les élèves, les parents, l'association des enseignants et l'université. Tous ces gens ont participé à l'élaboration du programme de sciences qui existe actuellement dans notre province.

Je prévois—et je suis convaincu que c'est ce qui se produira—que, quand nous voudrons établir un programme d'éducation religieuse pour notre province, les membres de l'Église anglicane, de l'Église unie, de l'Armée du salut, de l'Église catholique et des Assemblées de la Pentecôte, de même que les Juifs et les Hindous qui vivent dans la province seront consultés. Si tout le monde coopère, il en résultera un programme de première qualité pour les élèves de notre province.

Sénateur, j'espère avoir répondu à votre question.

Le sénateur William Rompkey: Pour ce qui est du cours générique, oui. Mais le sénateur Murray a également souligné à juste titre qu'il serait possible d'offrir des cours propres à une confession en particulier. Je suppose que cela se ferait selon le même processus? Le savez-vous?

M. Harry Elliott: Le processus serait le même, mais à plus petite échelle.

Si, par exemple, un arrondissement scolaire ou une communauté voulait un cours d'intérêt local mettant l'accent tout particulièrement sur la religion anglicane ou sur la religion catholique, la consultation ne se ferait évidemment pas au même niveau. Si les gens de Seal Cove voulaient un cours fondé sur la doctrine de l'Armée du salut, il serait peu probable qu'ils aillent consulter ceux de Croque ou de Conche, dans la péninsule Northern. Donc, je pense que le processus serait le même, mais à plus petite échelle, au niveau local.

Le sénateur William Rompkey: Je vous fais remarquer que nous entendons parler de Conche à toutes les séances.

M. Harry Elliott: Je n'y suis jamais allé.

Le sénateur William Rompkey: Eh bien, je vais vous y amener un de ces jours.

Mais, mon révérend... Désolé, mon temps est peut-être écoulé, n'est-ce pas?

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Oui, mais je vais inscrire votre nom pour la deuxième ronde. Il nous reste un peu de temps.

C'est maintenant au tour de M. Doyle.

M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC): Monsieur Elliott, les choses ne sont vraiment pas claires. Je siège au comité depuis deux jours seulement et je comprends de moins en moins; c'est plus embrouillé de jour en jour.

Il y a eu tout un débat, et une certaine confusion, quant à savoir s'il devrait y avoir des cours de religion, fondés en l'occurrence sur le christianisme, dans le système scolaire. Vous savez sûrement qu'il a fallu supprimer toute référence au christianisme dans la clause que M. Tobin avait soumise au départ. C'est M. Binnie, du cabinet d'avocats, qui nous a dit cela, si je ne me trompe pas, et c'est vous qui avez dit, il me semble, que la meilleure façon de régler le problème serait de convaincre les autres confessions d'adopter le cours intégré.

Vous avez dit il y a quelques instants que le cours intégré était générique, en un sens, mais je pense qu'il est lui aussi fondé sur le christianisme. Tout le monde s'est vite rendu compte qu'il était impossible de se servir de ce programme intégré parce qu'il a été conçu dans une perspective chrétienne et qu'il s'inspire des principes chrétiens.

Comment expliquez-vous, premièrement, qu'il ait fallu supprimer toute référence au christianisme dans la clause, et qu'est-ce qui vous permet de supposer, deuxièmement, qu'un cours de religion axé sur le christianisme pourrait résister à une contestation judiciaire?

• 0955

Je remarque que vous dites dans votre mémoire:

    Les dirigeants de nos Églises sont d'avis que, si notre population est véritablement attachée au christianisme, et plus particulièrement à nos confessions, elle fera les demandes nécessaires aux écoles de la province.

Vous partez donc du principe que vous pourrez offrir ce genre de cours d'inspiration chrétienne dans les écoles. Mais si vous ne bénéficiez plus de cette protection en vertu de la Constitution du Canada, qu'est-ce qui vous permet de croire que ce cours pourrait survivre?

M. Harry Elliott: Monsieur Doyle, comme je crois l'avoir dit plus tôt, je pense que les cours offerts dans nos écoles doivent refléter la société dans laquelle nous vivons. Or, la société dans laquelle nous vivons à Terre-Neuve et au Labrador est majoritairement chrétienne. Je suis donc convaincu que notre population va exiger des programmes qui reflètent notre société, qui reflètent son caractère chrétien, tout en apprenant évidemment aux élèves quelles sont les croyances et les traditions des autres religions.

Vous avez raison de dire qu'il n'y a aucune protection. Il n'y a aucune garantie. N'importe qui peut s'en rendre compte en lisant la clause. Mais je suis convaincu que, grâce aux gens qui vont concevoir le programme, grâce à la population en général, nous aurons des programmes qui seront axés surtout sur le christianisme—mais pas uniquement, bien sûr—et qui contiendront... comme c'est déjà le cas pour certains de nos cours, dans le système intégré.

M. Norman Doyle: Comment ce cours pourrait-il résister à une contestation judiciaire puisqu'il ne bénéficie d'aucune protection en vertu de la Constitution du Canada? Que se passerait-il si quelqu'un se disait offensé par un cours d'inspiration chrétienne dispensé dans une école? Cela n'a jamais été contesté devant les tribunaux, alors comment pouvez-vous être certain que ce cours pourrait résister à une contestation de ce genre simplement parce que c'est ce que nous voulons à Terre-Neuve? Comment pouvez-vous nous l'affirmer?

C'est contre cela que nous nous battons de notre côté depuis quelque temps, contre le fait que les gens comme vous entretiennent cette confusion. Quand allez-vous finir par voir clair et par admettre que cela ne peut pas résister à une contestation judiciaire? Cela n'a jamais été possible.

M. Harry Elliott: Je ne peux évidemment pas prédire ce qui se passerait devant les tribunaux, et vous non plus, monsieur Doyle.

M. Norman Doyle: Non, mais vous mentionnez dans votre mémoire que vous pouvez offrir un cours fondé sur la religion chrétienne dans vos écoles, alors que ce n'est pas vrai.

M. Harry Elliott: Personne ne le sait.

M. Norman Doyle: Vous pouvez le demander, mais vous ne pouvez pas...

M. Harry Elliott: Nous pensons que c'est possible.

M. Norman Doyle: Vous pouvez le demander...

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Pourrions-nous laisser M. Elliott répondre à la question, s'il vous plaît?

M. Harry Elliott: Je n'ai aucun moyen de savoir ce que les tribunaux vont décider s'il y a un jour une contestation. Je l'ignore, comme tous ceux qui sont ici. Mais je me fonde sur le fait que notre population est à 97 ou 98 p. 100 chrétienne et qu'elle n'aura pas peur d'exprimer son opinion. Mais je ne peux pas prédire ce que les tribunaux vont faire.

M. Norman Doyle: Non, mais je pense...

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, monsieur Elliott. Vous pourrez peut-être revenir à la deuxième ronde, monsieur Doyle.

Madame Caplan.

Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Merci beaucoup. J'ai trouvé très intéressant de vous entendre retracer l'histoire de l'éducation à Terre-Neuve. Je suis toujours frappée de constater à quel point les divers systèmes que nous avons dans notre pays ont évolué dans des sens différents.

J'ai été frappée également de vous entendre dire que certaines personnes ont «franchi la ligne» dans ce débat et que la population n'était pas nécessairement d'accord avec les autorités religieuses. Nous avions toujours entendu dire que le débat avait été non partisan et que le vote de votre assemblée législative avait été unanime et appuyé par tous les partis.

Ce qui m'inquiète, c'est que vous ayez déclaré que la question était claire et que les gens comprenaient sur quoi ils devaient voter. Pourtant, après ce débat qui a duré tant d'années et qui a suscité autant de discussions, il y a des témoins qui nous ont dit que les gens ne savaient pas vraiment de quoi il s'agissait et qu'ils ne comprenaient pas très bien les enjeux du vote.

• 1000

Pensez-vous que la population de Terre-Neuve a compris la question qui lui était posée à l'occasion du référendum, qu'elle a compris le vote à l'assemblée, qu'elle savait que votre assemblée législative allait voter et sur quoi elle allait se prononcer?

Le révérend Donald Harvey: Je pense qu'il serait offensant de penser que ce n'était pas le cas. Je reconnais que la question était un peu confuse à l'occasion du premier référendum et que les résultats ont probablement été un peu flous dans certains cas.

Ceux d'entre nous à qui on a demandé leur avis au sujet de la question du référendum, ont souhaité qu'elle soit claire, concise et tout bonnement simple. Les journaux ont rapporté qu'un de nos députés a demandé que la question soit libellée «en langage enfantin». Il lui a fallu beaucoup de temps pour s'en remettre. Nous voulions que la question soit rédigée dans un langage que M. Smallwood aurait utilisé, avec des mots que les gens ordinaires n'auraient pas eu de mal à comprendre.

Je sais comme tout le monde que même la langue de tous les jours peut être ambiguë, mais nous étions assez satisfaits de la question qui a été posée à l'occasion du référendum. Je pense que les gens savaient assez bien sur quoi ils allaient voter et quelles en étaient les conséquences.

Mme Elinor Caplan: J'ai une question supplémentaire. Estimez-vous que l'objet du débat était non seulement de réunir vos communautés—et je pense que vous avez très bien décrit les divisions du passé—mais également de proposer un enseignement rentable et de bonne qualité aux élèves de Terre-Neuve? Est-ce que c'est le but sous-jacent que l'on espérait atteindre avec cette réforme de l'éducation?

Le révérend Donald Harvey: J'ai reçu les doléances de beaucoup de personnes de divers horizons qui réclamaient ce que vous venez de mentionner. Elles réclament un système d'éducation de tout premier ordre. Elles veulent également que l'enseignement moral et religieux soit prévu dans les dispositions. Mais avant tout, ces personnes comprennent qu'il est impossible de reproduire le même système, que l'on ne peut plus bénéficier de toutes ces caractéristiques, si tant est qu'on en ait bénéficié un jour. En conséquence, les résultats du référendum nous ont indiqué la direction que la population souhaitait prendre.

Mme Elinor Caplan: Une dernière question supplémentaire. Avez-vous l'impression que la transformation et l'évolution de l'éducation sont telles que la population de Terre-Neuve a conscience du risque que les tribunaux modifieront la nature de votre système scolaire à mesure que la population évoluera?

Le révérend Donald Harvey: Oui, j'en suis convaincu. Je crois que ceux d'entre nous qui sommes en faveur de cette option éprouvent une certaine appréhension. Nous avons également espoir que le bon sens l'emportera à long terme. Indépendamment des contestations judiciaires, il paraît clair que l'on ne peut maintenir une atmosphère chrétienne dans une école que si la direction et les enseignants de cette école sont des chrétiens convaincus. La loi ne peut rien faire dans ce domaine.

Mme Elinor Caplan: Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup. Sénateur Kinsella.

Le sénateur Noel A. Kinsella (Fredericton—York—Sunbury, PC): Merci madame la sénatrice.

Révérend, monsieur Elliott, c'est un plaisir de vous avoir parmi nous pour examiner cette question qui se pose dans votre magnifique province.

Pourquoi inscrire ces obligations concernant l'enseignement religieux dans la Constitution, plutôt que dans la Schools Act? J'ai l'impression qu'on nous demande, à nous autres parlementaires, de prendre position sur des questions de programmes scolaires. Ne trouveriez pas plutôt étrange, monsieur Elliott, que l'on inscrive dans la Constitution que le gouvernement est tenu de proposer des cours de sciences? C'est vous-même qui avez pris cet exemple des sciences. Ne trouveriez pas cela plutôt étrange?

• 1005

Nous devons savoir pourquoi il faudrait inscrire la religion dans la Constitution si ce n'est pas au titre d'une matière scolaire, mais pour une autre raison. Pourquoi l'inscrire dans la Constitution si ce n'est pas pour une raison de protection constitutionnelle, puisque le ministre Grimes et d'autres témoins du gouvernement nous ont assuré qu'il n'y avait pas de violation des droits de la personne?

M. Harry Elliott: C'est une question intéressante à laquelle je n'ai pas beaucoup réfléchi. La seule raison que l'on puisse avancer, c'est qu'un changement important se met en place. Dans l'ancienne Constitution, l'enseignement religieux était protégé et nous faisons face à un changement important qui nécessite un changement dans la Constitution. En d'autres termes, la loi ne serait pas suffisante dans les circonstances.

Le sénateur Noel Kinsella: C'est en partie ce qui me préoccupe et j'aimerais pouvoir poser quelques questions supplémentaires à ce sujet.

Si l'enseignement de ce cours du programme scolaire est protégé par la Constitution, et à la lumière des questions de mes collègues les sénateurs Rompkey et Murray au sujet de ce que nous a dit le ministre Grimes concernant la possibilité pour les gens de présenter au ministère de l'Éducation une demande de cours d'enseignement religieux confessionnel, si cela est administrativement possible—selon les termes utilisés par le ministre et qui m'ont paru tout de suite évidents—les Terre-Neuviens pourraient obtenir un tel cours.

Si la politique est telle que l'a présentée le ministre, les élèves auraient deux moyens d'obtenir un cours d'enseignement religieux: ce serait soit le cours prescrit par le gouvernement, soit le cours donné par une confession religieuse précise. Si l'on inscrit un de ces cours, en l'occurrence le cours du gouvernement, dans la Constitution, son statut est très peu différent du cours qui sera autorisé s'il est administrativement possible. Par conséquent, ces deux cours d'enseignement religieux ne seraient pas identiques. Par contre, ils le seraient s'ils sont prévus par la Loi sur l'éducation.

J'aimerais revenir à trois pages différentes de votre mémoire.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Sénateur Kinsella, je vais vous demander d'être très bref. J'ai une liste que je vais essayer de respecter pour le premier tour de questions.

Le sénateur Noel Kinsella: Mes questions sont très liées et cela ne devrait pas prendre plus de temps que les autres. À la page 8, il est question de programmes d'enseignement religieux garantis par la Constitution. Vous dites ceci: «Nous reconnaissons que ce programme ne sera pas de nature confessionnelle, mais qu'il sera plutôt générique.»

Ensuite, à la page 10, vous nous faites remarquer que l'enseignement religieux de l'école maternelle à la neuvième année et jusqu'à l'école secondaire est régi par les dispositions de la Schools Act de Terre-Neuve. La loi précise qu'en vertu de ses dispositions, les élèves des écoles intégrées doivent s'inscrire à certains de ces cours d'enseignement religieux.

Ensuite, à la page 11 et dans toute l'annexe qui décrit le programme scolaire du cours intégré que vous avez actuellement et qui, selon vous, est à l'image de ce que sera ce cours d'enseignement religieux du gouvernement, le contenu semble être extrêmement chrétien puisqu'il est question de Dieu, de service chrétien, etc.

Pouvez-vous dire à notre comité pourquoi nous ne devrions pas confier la compétence exclusive de l'éducation à l'Assemblée législative afin de la laisser régler ces questions de détail à l'aide de la Schools Act, comme cela se fait dans beaucoup d'autres provinces? Pourquoi ne pas vous charger de toutes ces questions vous-mêmes plutôt que de les inscrire dans la Constitution?

• 1010

M. Harry Elliott: Monsieur Kinsella, je pense, en fait, que ce serait possible de traiter cet aspect dans la loi. Mais alors, quelle serait la nature de la clause constitutionnelle? Est-ce qu'elle serait analogue à la clause 17 actuelle, ou à la clause 17 d'avant 1995? Le programme d'enseignement religieux pourrait en fait relever de la loi. Je ne pense pas que ce soit impossible.

Permettez-moi de faire un commentaire à nouveau sur ces cours locaux qui semblent poser problème ici. Je pense qu'il est exclu d'envisager un grand nombre de cours locaux d'enseignement religieux, puisqu'on ne propose pas non plus aux niveaux locaux un grand nombre de cours de sciences, de mathématiques ou d'études sociales. Par contre, il serait peut-être possible de les proposer dans certaines collectivités dont la population est principalement d'une même confession. Pour répondre à votre question, il est clair que la loi pourrait prendre en compte le type de préoccupations que vous avez soulevées.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, monsieur Elliott.

J'ai besoin de la collaboration des membres du comité. Je vais leur demander de poser des questions brèves. Nous n'avons pas encore terminé le premier tour de questions et il y a déjà des personnes intéressées pour la deuxième série de questions. Je demande donc à mes collègues d'y penser et aux témoins de faire du mieux qu'ils peuvent pour nous aider.

Je vais maintenant donner la parole à la sénatrice Pearson et à M. Pagtakhan pour terminer le premier tour de questions et ensuite nous essaierons très rapidement de donner un peu de temps au sénateur Doody. Nous allons lui trouver une place dans le premier tour, ce qui va faire reculer M. Doyle.

La sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.): Merci madame la présidente. Contrairement au sénateur Kinsella, je suis de plus en plus persuadée qu'il faut inscrire cette clause dans la Constitution, parce que je me souviens du froid que l'enseignement religieux dans les écoles publiques a causé en Ontario, un froid que j'ai regretté pendant de nombreuses années.

Ce qui est intéressant dans votre exposé, c'est qu'il nous a permis pour la première fois de nous intéresser à un programme potentiel. Ce que vous dites à la page 12 me plaît beaucoup, puisque vous proposez, entre le cycle moyen et le cycle supérieur, des choix qui me conviendraient. Les étudiants qui veulent recevoir un enseignement religieux chrétien peuvent suivre des cours d'étude de la Bible, ou étudier la nature des croyances religieuses.

Ce qui me plaît un peu moins... et je suppose que dans l'élaboration du nouveau cours et afin de ne pas avoir de problèmes avec la Charte des droits et libertés, vous allez inculquer une attitude de respect pour les autres traditions religieuses, même très tôt, car je crois qu'il faut le faire à ce moment-là. Je suppose que Terre-neuve ne va pas demeurer exactement comme elle est actuellement. À moins que votre province soit totalement différente du reste du Canada, vous allez attirer beaucoup d'immigrants de confessions religieuses différentes. Je suppose que ce nouveau processus qui arrive à un moment très opportun de votre histoire, élargira la première partie de votre cours, afin d'y intégrer la notion de respect des autres traditions.

M. Harry Elliott: Le révérend Harvey vous a fait part un peu plus tôt de certaines de ses expériences. Dans l'avion qui nous a amenés ici, je lui racontais un de mes premiers souvenirs d'école. Je vivais dans une petite collectivité d'environ 5 000 étudiants où trois Églises étaient représentées: l'Église anglicane, l'Église unie et l'Armée du Salut. Moi, j'appartenais à l'Armée du Salut. Un de mes premiers souvenirs c'est d'être allé avec mes camarades, encouragés par un professeur, attaquer les anglicans pendant la récréation et leur lancer des boules de neige sur le terrain de football, tout simplement parce qu'ils étaient différents. Ils n'étaient pas comme nous, à l'Armée du Salut.

• 1015

Bien entendu, l'éducation du comportement a beaucoup changé. Nous comprenons beaucoup mieux les autres confessions religieuses, certainement grâce à l'intégration qui a eu lieu en 1969. Notre société change, bien entendu, mais surtout dans les grands centres. Il y a maintenant des juifs, des musulmans et des hindous dans nos écoles. Nous avons ouvert la porte à ces gens-là et nous voulons les comprendre. Nous voulons instaurer le respect. Nous voulons la tolérance, le respect et la compréhension et c'est en fait ce que nous avons tenté d'introduire dans les programmes que nous avons mis au point pour le système intégré. J'ai l'impression que le nouveau programme scolaire encourage cette attitude.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.

Monsieur Pagtakhan, et ensuite le sénateur Doody.

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.): Merci madame la présidente.

Merci pour votre exposé. J'aimerais vous demander simplement une précision. L'Education Act du 19 décembre 1996 prévoit la création d'une commission de l'enseignement confessionnel regroupant six confessions différentes. Est-ce que c'est bien exact?

M. Harry Elliott: La loi du 19 décembre 1996 nous a fusionnés. Nous avons quitté la structure composée des trois conseils catholique, pentecôtiste et intégré pour faire partie d'une structure appelée la Denominational Education Commission. Cette commission est composée de comités, mais nous avons transformé les trois conseils en une structure de commission.

M. Rey Pagtakhan: Qui regroupe maintenant six confessions.

M. Harry Elliott: La commission regroupe les anglicans, l'Église unie, l'Armée du Salut, les pentecôtistes, les catholiques, les presbytériens et les adventistes du septième jour.

M. Rey Pagtakhan: Très bien. Vous ne mentionnez pas les adventistes du septième jour dans votre mémoire.

Cette commission est censée élaborer et appuyer des programmes d'enseignement religieux. Vous indiquez dans votre mémoire qu'en cas d'adoption de la clause 17, cette fonction passera sous la responsabilité du ministère de l'Éducation. Est-ce bien exact?

M. Harry Elliott: C'est exact. En vertu de la loi du 19 décembre, cette responsabilité relève de la commission.

M. Rey Pagtakhan: Mais il n'y a aucune possibilité que le ministère de l'Éducation demande que la commission ministérielle continue d'exister, ni rien dans la loi à cet effet.

M. Harry Elliott: En vertu de la loi actuelle, en vertu de la clause actuelle, c'est la commission qui a cette responsabilité. Le ministère de l'Éducation n'a aucun droit législatif d'élaborer un programme scolaire. À mon avis, la clause proposée fera que la commission perdra cette responsabilité. La commission cessera probablement d'exister.

M. Rey Pagtakhan: Est-ce que cette responsabilité peut être déléguée?

M. Harry Elliott: Cette responsabilité relèvera du domaine du ministère de l'Éducation qui créera des comités d'enseignants et qui appliquera le processus que j'ai décrit plus tôt.

M. Rey Pagtakhan: Par conséquent, on n'envisage pas de déléguer cette responsabilité à la commission confessionnelle.

M. Harry Elliott: D'après moi, non. Il se peut même que la commission n'existe plus si la clause 17 est adoptée.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.

M. Rey Pagtakhan: J'ai une autre petite question.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Une question courte alors, monsieur Pagtakhan. Nous manquons de temps.

M. Rey Pagtakhan: Quand vous dites que les cours d'instruction religieuse seront optionnels, est-ce que cela signifie que tous les élèves seront automatiquement inscrits à ces cours à moins qu'ils s'en désistent ou au contraire devront-ils obligatoirement s'inscrire s'ils ne veulent pas être privés de ces cours?

M. Harry Elliott: Selon la méthode que nous utilisons depuis de nombreuses années dans la province, les parents qui ne veulent pas que leurs enfants suivent un certain cours ou qu'ils ne participent pas à certaines activités d'enseignement religieux doivent écrire à l'administration de l'école une note déclarant «Je demande que mon fils ou ma fille soit dispensé(e) du cours d'éducation religieuse 2102» ou quelque chose de semblable.

M. Rey Pagtakhan: Est-ce qu'il y aurait un inconvénient à procéder de l'autre façon?

M. Harry Elliott: Absolument pas. Je pense que ce serait beaucoup plus facile du point de vue administratif de conserver la méthode utilisée jusqu'à maintenant.

M. Rey Pagtakhan: Merci madame la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci monsieur Elliott.

Le sénateur Doody.

Le sénateur William C. Doody (Harbour Main—Bell Island, PC): Merci madame la présidente.

Au sujet de la page 12 du livre vert dont il a été question tout à l'heure, j'aimerais savoir s'il s'agit là du contenu du cours d'enseignement religieux générique qui selon vous serait acceptable pour toutes les confessions présentes à Terre-Neuve? Dans l'hypothèse fort improbable où cet arrangement ne serait pas jugé contraire à la Charte, est-ce que ce serait ce que vous envisagez comme cours générique pour toutes les confessions présentes à Terre-Neuve?

• 1020

M. Harry Elliott: Non monsieur le sénateur. C'est la formule qui existe actuellement et qui a été jugée satisfaisante pour quatre confessions dans notre province depuis 28 ou 29 ans. À l'avenir, il faudrait que toutes les parties collaborent pour mettre au point un programme d'enseignement générique. Je ne prétends absolument pas que la formule actuelle d'enseignement intégré pourrait s'appliquer au système sans aucune modification. Il est évident que certaines modifications sont nécessaires. Cependant, cette formule s'est avérée satisfaisante pour quatre confessions et je pense qu'il serait possible d'élaborer à partir de cette formule, en la modifiant ou en la complétant, un programme satisfaisant pour toutes les confessions et les autres religions de notre province.

Le sénateur William Doody: À mon avis, la question est de savoir s'il est possible de concevoir un cours d'enseignement religieux générique qui satisferait toutes les confessions sans poser de problèmes relativement à la Charte. Il faudrait évidemment modifier ce programme, puisqu'il a la témérité de mentionner la religion chrétienne à plusieurs reprises et je ne pense pas que ce soit acceptable aux yeux de la nouvelle loi.

M. Harry Elliott: Permettez-moi de revenir à ce que j'ai dit tout à l'heure. Je ne sais pas quel serait le résultat d'une contestation en vertu de la Charte, mais je pense que les religions de notre province sont à même de mettre au point un programme satisfaisant.

Le sénateur William Doody: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer au deuxième tour de questions pour lequel nous disposons de moins de dix minutes et nous avons d'autres témoins qui attendent. Le sénateur Rompkey.

Le sénateur William Rompkey: Je vais passer mon tour madame la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Monsieur Doyle et monsieur Pagtakhan.

M. Norman Doyle: Tout d'abord, je suis content de constater que l'on semble reconnaître le fait que la religion de tradition chrétienne au sein du système scolaire est une sorte d'option que l'on peut demander à la commission. Si la commission accorde cette option, elle sera valable jusqu'à ce que quelqu'un présente une contestation en vertu de la Charte. À défaut de prendre toute autre mesure, je pense qu'il serait utile que notre comité reconnaisse au moins que la religion de tradition chrétienne est un aspect qui ne sera pas protégé par la Constitution du Canada. Cette tradition risque d'être contestée.

J'aimerais maintenant aborder une autre question. Il y a quelques années, plusieurs Églises ont accepté volontairement, au moment de l'intégration, de céder l'exercice de leurs droits religieux. Cela s'est passé il y a plusieurs années. Bien entendu, en appuyant le gouvernement au sujet de la clause 17, vous acceptez désormais de céder tous vos droits en vertu du système confessionnel.

Vous savez sans aucun doute que la question de savoir si les catholiques ont cédé leurs droits au cours du référendum a fait l'objet d'un grand débat devant notre comité. Le débat se poursuit et il est sans doute utile de le poursuivre. Cependant, je reviens aux Pentecostal assemblies de Terre-Neuve et du Labrador qui ne regroupent que 7 p. 100 de la population. Vous savez sans aucun doute qu'elles ont voté et il n'y a aucun débat à ce sujet.

Vous avez peut-être lu, dans le Telegram de la fin de semaine dernière, que Mark Graesser, un politologue, affirmait que les pentecôtistes ont en fait voté en faveur du maintien de leurs droits en éducation. Comme réagissez-vous au fait que leurs droits soient éliminés contre leur gré?

M. Harry Elliott: Je suppose monsieur Doyle, que la question s'adresse à moi?

M. Norman Doyle: À vous ou au révérend Harvey.

M. Harry Elliott: Permettez-moi de reprendre ce que j'ai dit plus tôt. Monsieur Doyle, vous connaissez très bien la situation de notre province. Notre province accuse une baisse démographique, les inscriptions diminuent et nous disposons de ressources très limitées. J'ai vu, la semaine dernière à 18 h 30, une émission de la CBC intitulée Leaving Home ou quelque chose comme ça, qui en parlait.

• 1025

Nous vivons une situation très difficile dans notre province à l'heure actuelle. Je crois personnellement que nous ne pouvons pas nous permettre des dédoublements inutiles dans notre province. Nous ne pouvons pas nous permettre de conserver l'une à côté de l'autre deux écoles séparément parce qu'elles ne sont pas de la même confession.

Par conséquent, je comprends votre question. Je sais que la question des droits est très importante et qu'elle concerne tout le monde mais je pense aussi qu'il faut être pratique. Il faut savoir que nous disposons actuellement d'un budget extrêmement serré dans notre province et que notre population diminue très rapidement. Je ne pense pas qu'il soit raisonnable de maintenir plus d'un système scolaire dans la province.

Cependant, l'option que nous privilégions est, comme je l'ai dit dans le mémoire, celle d'un système unique dans lequel la participation des Églises serait garantie par la loi. Malheureusement, cela ne semble pas réalisable. C'est pourquoi nous proposons, si vous voulez, une solution de rechange qui préconise un système unique dont les dirigeants auraient la responsabilité de prendre les mesures appropriées pour tenir compte de l'évolution de la société.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci monsieur Elliott.

M. Norman Doyle: Est-ce que je peux poser rapidement une question supplémentaire?

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Monsieur Doyle, nous n'avons...

M. Norman Doyle: Je vous promets que ça sera très rapide.

Les pentecôtistes ont répété que leurs écoles sont viables et qu'ils sont prêts à faire tout leur possible pour collaborer afin d'éviter le double emploi. Mais ils affirment que leur système scolaire est tout à fait spécial; c'est un partenariat entre les foyers, l'école et l'Église. Ce système est fondé sur les écritures saintes, la Bible et le reste. Le nouveau système que vous envisagez sera-t-il ouvert aux Pentecostal assemblies qui ont ce type d'enseignement?

Par ailleurs, puisque la religion de tradition chrétienne ne sera plus enseignée dans les écoles et sera remplacée par un enseignement religieux générique, comment pensez-vous répondre pouvoir répondre à leurs besoins?

Le révérend Donald Harvey: Je m'empresse de prendre la parole avant M. Elliott afin de me dissocier de certaines hypothèses que M. Doyle a faites dans le préambule à sa question.

Je ne crois absolument pas que la tradition chrétienne sera totalement évacuée du système. Elle sera abordée sous un angle différent, mais à mon avis, toutes les religions qui ont des droits en matière d'éducation ne vont pas pouvoir faire tout ce qu'elles veulent dans le nouveau système. Le nouveau système ne peut pas répondre à tous les besoins. Cependant, le nouveau système proposé pourra, selon moi, répondre aux objectifs principaux et fondamentaux de ces religions, y compris ceux des pentecôtistes qui, comme beaucoup d'entre nous, pourraient très bien compléter la formation religieuse dans les paroisses, c'est-à-dire pas avec l'argent des contribuables.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.

Très rapidement, monsieur Pagtakhan.

M. Rey Pagtakhan: J'aimerais que le révérend Harvey nous explique la différence entre «générique» et «plus ou moins générique». D'autre part, comment envisagez-vous le respect des fêtes religieuses? Les cérémonies auront-elles lieu pendant les heures de classe ou après l'école?

Le révérend Donald Harvey: Certainement pendant les heures de classe.

J'ai appuyé cette formule en me fondant sur l'hypothèse, jugée plus ou moins sûre par certains, que certaines fêtes seraient protégées: ce serait le cas de l'Armistice, de l'Action de grâce, de Noël. Ce ne sera pas simplement un jour férié, ce sera la fête de Noël.

C'est la première fois qu'on évoque devant moi l'idée de ne plus pouvoir utiliser le terme «chrétien» ou les termes «hindou» ou «musulman». Pourtant, ces termes-là sont écrits dans la loi. Bien sûr, on peut le contester, mais je n'ai pas peur des contestations. Si la démocratie est conforme au principe qu'on nous a enseigné à l'école, c'est-à-dire le gouvernement par le peuple, du peuple et pour le peuple, je suis convaincu qu'une société chrétienne doit pouvoir maintenir ses valeurs chrétiennes. Personne ne me dira le contraire.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup révérend et merci monsieur Elliott. Je vous remercie d'avoir participer à cette partie de la discussion.

• 1030

Le sénateur Kinsella.

Le sénateur Noel Kinsella: Madame la présidente, M. Binnie est un des témoins que nous avons entendus hier. Il avait promis de faire parvenir au comité une documentation supplémentaire appuyant son point de vue selon lequel le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne poserait aucune difficulté. Avons-nous reçu cette documentation? Si c'est le cas, est-ce qu'il serait possible de la distribuer?

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Sénateur Kinsella, je crois que nous ne savons pas encore si la documentation est arrivée. Notre greffier va vérifier tout de suite, mais je vais insister pour que nous obtenions cette information le plus rapidement possible.

Le sénateur Noel Kinsella: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Chers collègues, nous allons maintenant entendre nos deux prochains témoins. Donald Fleming est professeur à la faculté de droit de l'Université du Nouveau-Brunswick. Il enseigne surtout le droit public international et a publié des ouvrages sur le droit international des communications, les droits internationaux de la personne et le droit commercial. Nous entendrons également M. Patrick Malcolmson, professeur à la faculté de la science politique de l'Université du Nouveau-Brunswick. Il a publié notamment un ouvrage sur la formation éclairée et le relativisme des valeurs.

Nous souhaitons la bienvenue à nos deux témoins. Merci d'être venus. Notre réunion peut durer jusqu'à midi. Je vais vous demander de présenter votre exposé. Si vous avez assisté au premier tour de questions, vous avez pu remarquer que notre période de questions est assez animée. Dans l'intérêt de tous, je vous invite à rester le plus succincts possible.

J'invite également mes collègues à être aussi brefs et équitables que possible de manière à permettre à tous d'avoir la chance d'exprimer leurs points de vue et préoccupations dans le respect des autres.

Je laisse la parole à celui d'entre vous qui veut commencer.

M. Patrick Malcolmson (Faculté de la science politique, Université St. Thomas): Je suis Patrick Malcolmson, professeur à l'Université St. Thomas. Mes remarques porteront sur la nouvelle clause et sur les problèmes constitutionnels que soulève l'amendement proposé.

Je suis convaincu que les membres de ce comité prennent leurs responsabilités délibératives à coeur. À plus d'un titre, on peut dire que l'art législatif est plus important que l'administration, l'exécution ou l'arbitrage. Dans un régime fondé sur la règle de droit, l'élaboration de la loi, surtout la loi constitutionnelle, est un exercice extrêmement important. Cet exercice doit tenir compte de l'intérêt public, de l'efficience, de l'application pratique, de la justice et de l'équité. Il doit également prendre en compte les conséquences à long terme et non pas chercher uniquement à résoudre un problème immédiat ou à répondre à un besoin du moment, mais tenir compte des conséquences pour la génération suivante et de son incidence sur les attitudes et les croyances de la population.

• 1035

La plupart des politologues vous diront que le droit est un élément essentiel de la socialisation politique. C'est lui qui forme politiquement la population. Quelqu'un a dit que l'art de gouverner c'est l'art de se gouverner soi-même.

À mon avis, on peut s'attendre à ce que l'amendement proposé entraîne des problèmes graves à long terme. Au sujet de la deuxième moitié de la phrase du paragraphe 17.(2), après le mot «enseignement», et du paragraphe 17.(3) de l'amendement proposé, je crois qu'il faut se demander précisément quels sont les droits établis par ces dispositions? Il s'agit du droit à un cours de religion non lié à une confession religieuse particulière. Deuxièmement, il est question d'un droit à l'observance religieuse à l'école, à la demande d'un parent.

Une fois que l'on a défini clairement quels sont les droits établis, il faut se demander pourquoi ces droits doivent-ils être constitutionnalisés. Est-ce que cette inscription dans la Constitution risque de violer d'autres droits établis par la Charte?

Il faut donc se poser les deux questions suivantes: pourquoi ces nouveaux droits particuliers doivent-ils être constitutionnalisés et, deuxièmement, leur inscription dans la Constitution entraînera-t-elle la violation d'autres droits garantis par la Charte?

Pour commencer, je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'inscrire dans la Constitution le droit à un enseignement religieux non confessionnel. Les autres provinces se passent de cette constitutionnalisation. Selon moi, il n'est pas nécessaire d'inscrire ce droit dans la Constitution à moins que cela s'avère indispensable pour protéger d'autres droits qui risquent d'être touchés. Si d'autres droits garantis par la Charte sont susceptibles d'être touchés, il faudrait préciser clairement la situation et expliquer pourquoi une telle violation serait tolérable—par exemple, pourquoi il n'est pas nécessaire d'avoir recours à l'article 33 pour régler toute autre violation éventuelle de la Charte.

Deuxièmement, il me semble que la nouvelle loi constitutionnelle se prêterait assez facilement à une violation des droits garantis par la Charte. Deux jugements ont déjà été rendus sur ce sujet. Il s'agit de l'arrêt Zylberberg et de l'arrêt Ontario civil liberties, rendus tous deux par la Cour d'appel de l'Ontario. J'espère que vous avez tous examiné attentivement ces deux jugements. Les deux arrêts contiennent des réflexions très pertinentes pour les questions soulevées par l'amendement qui nous préoccupe. Ces deux jugements rendus par la Cour d'appel de l'Ontario sont clairs quant à la nature des violations de la Charte qui se produiront dans le cas qui nous préoccupe.

En bref, je peux vous dire en tant que politologue, qu'avec le changement constitutionnel proposé, vous ouvrez la porte à énormément de problèmes.

Il est clair qu'au Canada il n'y a jamais eu de séparation entre l'Église et l'État. Nos raisonnements ne rejettent absolument pas les arguments de la Cour suprême des États-Unis. Comme l'avait fait remarquer Walter Tarnopolski, les législateurs canadiens n'ont jamais ouvertement préconisé la séparation de l'Église et de l'État. Ce serait une erreur par exemple de penser que cette question relève du premier amendement ou de la clause d'établissement de la Constitution américaine.

En revanche, l'adoption de la Charte a posé de nouveaux principes qui modifient considérablement la notion de séparation de l'Église et de l'État au Canada. Les articles 2, 15, 27 et 29 de la Charte ont une incidence directe sur cette question.

Il est clair que les dispositions de la Charte concernant la liberté de religion vont faire obstacle à toute disposition juridique qui n'est pas intégrée dans la Constitution existante. C'est pourquoi, on peut en déduire que la Charte aura pour conséquence de produire une séparation plus stricte de l'Église et de l'État. C'est ce qui ressort clairement du commentaire suivant du juge en chef Dickson:

    La Charte a pour but d'imposer une norme à laquelle seront confrontées les lois existantes et futures. En conséquence, la notion de liberté de conscience et de religion ne doit pas être déterminée uniquement en fonction du sens qu'avait ce droit pour les Canadiens avant la proclamation de la Charte.

• 1040

Autrement dit, la Charte est censée avoir un effet de transformation. Telle est l'interprétation de la Cour suprême.

Nous allons maintenant examiner la nouvelle clause 17 et quelques-uns des problèmes qu'à mon avis elle entraînera.

La nouvelle clause 17 sera à coup sûr susceptible d'interprétation à la lumière de la Charte, contrairement à l'ancienne clause 17. La Cour suprême a confirmé la légalité du financement public des écoles confessionnelles dans des jugements nettement influencés par l'article 29 de la Charte et lorsque la décision de la province ne peut pas être remise en question par la Charte, étant donné qu'elle est prise conformément aux pleins pouvoirs que les assemblées provinciales ont reçus en matière d'éducation par suite du compromis de la Confédération.

Par conséquent, une partie de la Constitution ne peut être invoquée pour s'opposer aux droits protégés par une autre partie. Le raisonnement est très simple. Dès lors que l'on modifie le compromis de la Confédération, on cesse d'être à l'abri d'une contestation en vertu de la Charte. Aussi, on ne peut pas prétendre modifier une autre partie de la Constitution en espérant être à l'abri de la Charte. Car cette nouvelle disposition doit être interprétée selon les termes de la Charte. Ça n'aurait pas été le cas de l'ancienne disposition ainsi que la cour a statué en Ontario relativement au financement de l'école catholique, en invoquant la nature du compromis de la Confédération. Mais nous sommes en 1997 et ce n'est pas le compromis de la Confédération qui nous préoccupe actuellement.

Le sénateur William Rompkey: Est-ce que vous faites allusion à la Confédération de 1867 ou à celle de 1949?

M. Patrick Malcolmson: Il s'agit de celle de 1949, qui concerne Terre-Neuve.

Voilà un des problèmes. La Charte a un tout autre statut si vous changez cette disposition.

Deuxièmement, pour ce qui est des dispositions de la Charte concernant les observances religieuses, le paragraphe (3) de la nouvelle clause 17 mentionne les observances religieuses dans les écoles publiques. Il est probable que certains verront dans ces observances religieuses une violation de l'article 2, du paragraphe 15(1) et de l'article 27 de la Charte et que des contestations seront entreprises devant les tribunaux.

Il y a déjà eu de telles contestations en Ontario et la Cour d'appel de l'Ontario a statué que la disposition concernant de telles observances religieuses ne violaient pas la Charte. Cette cause a été examinée dans l'arrêt Zylberberg et il en est question également dans une autre cause importante, Canadian Civil Liberties c. Ontario (ministre de l'Éducation).

En ce qui a trait aux observances religieuses, dans les écoles publiques, le précédent établi dans l'arrêt Zylberberg c. Sudbury Board of Education est instructif. La Cour d'appel de l'Ontario a conclu que les activités religieuses organisées au début de la journée scolaire étaient contraires à l'alinéa 2(a), même lorsque certains élèves pouvaient décider eux-mêmes de ne pas y assister. Cette pratique est jugée contraire à la Charte, même lorsque les élèves peuvent s'en dispenser. C'est ce que l'on appelle le «fardeau indirect ou involontaire». Le fait d'avoir à se dispenser d'une activité religieuse pratiquée par la majorité constitue un fardeau et est par conséquent contraire à l'alinéa 2(a) de la Charte.

Un autre point concerne l'enseignement non confessionnel par opposition aux cours de religion non spécifiques. La nouvelle clause 17 exige que le gouvernement fournisse des cours de religion qui ne soient pas spécifiques à une confession religieuse. Il est important d'examiner la distinction entre les cours non confessionnels de religion et, selon les termes de la clause, les cours non spécifiques à une confession religieuse. L'analyse de cette distinction fait apparaître un point important: un cours de religion non spécifique à une confession religieuse, afin de respecter cette exigence, doit tout simplement inclure plus d'une confession religieuse. De cette manière, il n'est pas propre à une confession particulière. Ce n'est absolument pas la même chose qu'un cours non confessionnel de religion.

Quels sont les droits des personnes dont la confession religieuse est oubliée dans l'enseignement? Le cours peut inclure cinq, six, sept ou dix confessions religieuses, il continuera à violer les droits de ceux dont la confession n'est pas prise en compte.

• 1045

Deuxièmement, point encore plus intéressant et encore plus problématique, le libellé de la modification est non seulement mauvais—je pense que l'intention n'était pas d'inclure deux ou quatre confessions religieuses—mais encore, le terme «confession» n'est pas équivalent de «religion» ou de «foi». Le libellé ne fait aucune mention d'un cours qui ne soit pas spécifique à une religion particulière ou une foi particulière. Mon interprétation, d'après les commentaires de M. Grimes, est que l'enseignement est en fait spécifiquement chrétien. Évidemment, la grande question est de savoir comment cette disposition pourra s'appliquer dans une société de plus en plus multiculturelle et cela nous ramène à ce que je disais au début, à savoir qu'il était préférable d'adopter une loi qui tienne compte de la situation à long terme plutôt que d'appliquer une disposition qui se contente de résoudre un problème immédiat—même si vous devez également trouver une solution à ce problème immédiat.

Le problème, c'est que «confession», ce n'est pas la même chose que «foi» ou «religion». Voici ce que suggérait le juge du tribunal inférieur dans l'arrêt Canadian Civil Liberties c. Ontario dans lequel le tribunal s'est prononcé au sujet de certaines parties de la Loi sur l'éducation:

    [...] l'utilisation du terme «confession» plutôt que «religion» ou «foi», désigne la foi chrétienne plutôt que plusieurs autres fois.

L'article 18 a amené le tribunal à conclure que si l'enseignement devait se faire dans des pièces séparées, c'est que l'intention n'était pas d'enseigner les religions comparées. La Cour d'appel de l'Ontario a confirmé ce jugement. Autrement dit, elle conclut que l'utilisation du terme «confession» s'applique à une religion précise et que, dans ce cas, il y a violation de la Charte. Je crois d'ailleurs que M. Fleming a lui aussi quelque chose à dire à ce sujet.

Par ailleurs, est-ce que les cours non confessionnels ou même les cours qui ne se rapportent pas à une religion précise sont contraires aux droits d'une personne en vertu de la Charte? Si les écoles concevaient et enseignaient un cours de religion entièrement non confessionnel et non spécifique, il faudrait qu'elles s'assurent qu'un tel cours ne privilégie personne, soit en raison de son contenu, soit par la façon dont il est enseigné. Autrement dit, il ne faut pas qu'une religion soit favorisée par rapport à une autre, soit par l'intention de la loi, soit par son résultat.

D'autre part, il convient de noter à sujet que, dans la cause de la Canadian Civil Liberties Association, la Cour d'appel de l'Ontario a dénoncé tout le programme d'éducation religieuse de l'Ontario parce qu'il était, dans la pratique, un endoctrinement chrétien. En d'autres termes, il est contraire à la Charte d'élaborer un cours qui peut, dans les faits, être considéré comme un endoctrinement chrétien. Même si l'intention du cours—et les écoles de l'Ontario s'y sont reprises plusieurs fois pour tenter de modifier ce cours—n'est pas de privilégier une religion chrétienne, il est néanmoins contraire à la Charte s'il a pour effet de privilégier une religion chrétienne.

La Cour d'appel de l'Ontario est parvenue à cette conclusion en s'appuyant sur le précédent établi dans l'arrêt Big M Drug Mart dans lequel la Cour suprême a statué que la loi peut être inconstitutionnelle lorsqu'elle viole la Charte, soit dans son intention, soit dans ses résultats. Il faut donc appliquer à la loi le critère de l'intention et le critère des résultats. Si elle ne respecte pas le premier critère, elle ne peut être conservée, quelle que soit l'utilité de ses résultats. La nouvelle clause 17 sera jugée contraire à la Charte à partir du moment où on pourra considérer que son intention et son résultat sont l'enseignement de la religion chrétienne.

Il convient de noter que dans l'arrêt Canadian Civil Liberties c. Ontario, la cour d'appel établit une distinction importante entre l'éducation destinée à donner un enseignement sur la religion et inculquer des valeurs morales sans endoctrinement dans une religion particulière, et l'endoctrinement dans une foi particulière. Ce dernier type d'enseignement serait considéré comme contraire aux droits la personne en vertu de l'article 2 et de l'article 15.

À ce titre, on pourrait soulever la question suivante. Supposons d'abord que le gouvernement mette au point un cours consacré à la sociologie des religions du monde. Ce cours n'accorderait-il pas plus d'importance à certaines visions et certaines perspectives religieuses qu'à d'autres? Même s'il se veut neutre sur le plan de la religion, un cours consacré à l'histoire de la religion, la sociologie de la religion, la psychologie de la religion, etc., sera nécessairement influencé par certaines religions plutôt que par d'autres.

• 1050

Je ne vois pas comment on pourrait ne pas privilégier certains points de vue sur la religion. Étant moi-même membre de l'Église unie, je pense que celle-ci aurait plus de choses en commun avec un tel cours que l'Église pentecôtiste, par exemple.

Si quelqu'un concevait et offrait un cours non confessionnel de manière non confessionnelle, un cours sur la religion, ne s'en trouverait-il pas encore pour soutenir qu'un tel cours dissémine une vue particulière de la «représentation de la religion» ou de la «conceptualisation de la religion», et que la dissémination d'une représentation ou d'une conceptualisation de ce qu'est la religion va elle aussi à l'encontre de la Charte des droits et libertés? Dans ce cas-ci, il ne s'agirait pas d'une doctrine religieuse en particulier, mais de la conception globale de ce qu'est la croyance religieuse. Si quelqu'un enseignait la vision humaniste que la religion consiste essentiellement en une projection de l'aliénation humaine ou la vision psychologique que la religion est le produit de différents complexes, n'y aurait-il pas dans ce cas-là également violation du droit d'une personne à la liberté de religion?

Je vous renvoie une fois de plus à un article de Christopher Richter publié dans l'Ottawa Law Review, qui fait une observation très judicieuse à propos de la prestation de cours d'enseignement religieux tout à fait neutres. Voici de qu'il dit:

    Un programme d'enseignement religieux comparatif serait exempt d'autorité morale et n'empiéterait donc pas sur la liberté de religion des étudiants. Le but d'un tel programme serait de les amener à comprendre différentes religions au lieu de leur enseigner une religion. La différence, c'est qu'au lieu d'offrir un enseignement moral et religieux, un cours comparatif appuierait le relativisme moral.

L'inconvénient d'une école publique qui soit acceptable pour tous, c'est que les parents qui souhaitent que leurs enfants reçoivent une instruction morale et religieuse ne peuvent plus compter sur le système des écoles publiques pour la leur offrir à moins qu'ils ne fassent partie d'une minorité protégée par l'article 93.

J'en suis donc arrivé à la conclusion que la modification proposée est de toute évidence une tentative honorable de compromis, mais que son libellé pourrait susciter plus de problèmes qu'il en réglerait. Je proposerais humblement, pour contourner ces difficultés et permettre au gouvernement d'atteindre les objectifs de sa politique, de couper le paragraphe 17(2) après le mot «enseignement» et de supprimer carrément le paragraphe 17(3). Ainsi, le conseil des écoles publiques de Terre-Neuve pourrait offrir des cours d'enseignement religieux et autoriser les pratiques religieuses dans les écoles publiques à condition qu'il n'y ait pas violation de la Charte des droits...

Je dirais en terminant que si la raison pour laquelle le gouvernement ne veut pas le faire est qu'il pense qu'il y aurait violation de la Charte des droits et libertés, alors qu'il l'indique et qu'il défende cette position.

Merci.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup, monsieur Malcolmson.

C'est maintenant au tour de M. Fleming. Je tiens à vous rappeler que nous avons à peu près une heure à consacrer à l'exposé de M. Fleming et aux questions.

M. Donald Fleming (Faculté de droit, Université du Nouveau-Brunswick): Merci beaucoup. J'ai été invité à venir parler au comité des obligations légales du Canada sur le plan international et des liens qu'elles peuvent avoir avec la modification dont le comité a été saisi.

Pour commencer, j'aimerais rappeler aux membres du comité que l'énoncé de position que j'ai rédigé a été distribué, hier je pense. J'y ai joint un résumé d'une page. Ce résumé d'une page traite directement des modifications proposées et de l'incidence que le droit international en matière de droits de la personne pourrait avoir sur ces modifications. Cela dit, au lieu de répéter ce que j'ai écrit, je préférerais essayer de vous préciser ma pensée.

Tout d'abord, je dirais que l'évolution du droit international relatif aux droits de la personne dénote clairement que l'État s'est laïcisé. Cependant, l'importance attachée à la religion n'a pas diminué. La laïcisation a tout simplement amené la religion à relever davantage des individus que du chef de l'État ou de groupes religieux distincts. Dans le cas des familles, les individus sont les parents. Les parents ont le droit de décider de l'éducation et de l'instruction morale que leurs enfants reçoivent.

• 1055

L'importance qui est accordée à l'autonomie de l'individu en droit international et dont témoignent la législation et la Constitution du Canada a obligé le gouvernement à adopter le concept de l'autonomie de l'individu.

En adoptant le concept de l'autonomie individuelle, le gouvernement s'est trouvé à accorder plus d'importance à la cellule familiale. La cellule familiale jouit du droit à la vie privée. Elle s'est vu garantir le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. En conséquence, il existe des liens solides entre le droit à la liberté de religion et d'autres droits fondamentaux—la protection de la famille et le droit à la non-discrimination.

Sur le plan des droits de la personne, on a fini par reconnaître que la liberté de religion—et les chercheurs ont remarqué que c'est le plus ancien et le plus fréquemment protégé de tous les droits—exige que les parents, et non l'État ou des groupes religieux, aient le droit de décider de l'instruction religieuse et morale que reçoivent leurs enfants.

Quant à la jurisprudence et aux instruments internationaux relatifs aux droits de la personne, ils renforcent l'autonomie de l'individu et la protection de la cellule familiale, en faisant en sorte que les individus jouissent de la liberté de religion. Ils protègent désormais le droit des parents de décider du contenu de l'enseignement que leurs enfants reçoivent sur les questions religieuses et morales.

En 1994, le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, un organisme chargé de veiller à ce que les États respectent le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a défini à l'intention du Canada et d'autres États les obligations qui découlent du droit international concernant le respect de la liberté de religion et les droits des parents en matière d'éducation. Il a donné une interprétation détaillée de l'article du pacte qui traite de la protection de la religion:

    Le comité est d'avis que l'article 18.4 permet l'enseignement dans les écoles publiques de cours d'histoire générale des religions ou de morale si ces cours sont donnés de manière neutre et objective. La liberté des parents ou des tuteurs légaux de veiller à ce que leurs enfants reçoivent une éducation morale et religieuse qui soit conforme à leurs convictions... est liée à la liberté d'enseigner une religion ou une croyance, garantie à l'article 18.1. Le comité tient à faire observer que l'enseignement public qui englobe l'enseignement d'une religion ou d'une croyance particulière va à l'encontre de l'article 18.4, à moins que des dispositions n'aient été prises en vue d'exceptions non discriminatoires ou de solutions de rechange qui répondent aux souhaits des parents...

Le comité a aussi dit ceci:

    Le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion [...] est d'une portée considérable: il englobe la liberté de pensée à tous les égards, les convictions personnelles et l'engagement face à une religion ou une croyance [...]

    L'article 18 protège le théisme et l'athéisme, ainsi que le droit de ne professer aucune religion ou croyance.

La définition donnée est certes très vaste.

La jurisprudence soumise au Comité des droits de l'homme mérite d'être examinée soigneusement par le comité, notamment l'affaire Hartikainen de 1981. Il s'agit d'une plainte qui a été portée contre la Finlande et qui cadre tout à fait avec la question qui vous intéresse.

La Finlande offrait un enseignement religieux dans les écoles. Pour se conformer aux instruments internationaux relatifs aux droits de la personne, comme le pacte sur les droits civils et politiques, elle avait aussi prévu d'offrir, par exception, un cours d'histoire religieuse et de morale. Cela s'apparente de très près à ce que Terre-Neuve essaie d'obtenir, semble-t-il, grâce à la modification proposée.

La Finlande avait même prévu d'exempter des cours d'histoire religieuse les enfants dont les parents s'opposaient à tout enseignement religieux.

• 1100

Un enseignant finlandais s'est plaint que le cours d'histoire religieuse et de morale n'était pas objectif parce que le matériel était d'inspiration chrétienne. Le Comité des droits de la personne a jugé que la Norvège ne s'était pas soustraite à ses obligations à l'égard des droits de la personne, pas parce que le matériel n'était pas inspiré par la religion chrétienne—en réalité, il a jugé qu'il l'était—mais parce qu'elle avait pris des mesures pour atténuer le problème.

Mais réfléchissez bien à ceci. Il a fallu à la Norvège plus de trois ans pour...

Le sénateur Noel Kinsella: Est-ce qu'il ne s'agissait pas plutôt de la Finlande?

M. Donald Fleming: Oui, de la Finlande. Je suis désolé. La Norvège s'est trouvée aux prises avec un autre problème dont je pourrais vous parler plus tard.

Il a fallu trois ans à la Finlande avant de pouvoir présenter au comité un rapport dans lequel elle expliquait qu'elle continuait à travailler aux modifications législatives à apporter et aux mesures à prendre pour offrir l'enseignement et l'encadrement voulus aux enseignants chargés de donner ce cours.

Autrement dit, il est quasiment impossible d'offrir un cours objectif ne dénotant aucune influence religieuse sur l'histoire de la religion et la morale.

Cela dit, si vous regardez le résumé d'une page que je vous ai envoyé hier, vous verrez comment et pourquoi les différentes parties de la modification proposée pourraient enfreindre le droit international en matière de droits de la personne. Je crois que c'est aussi ce que vous ont déjà dit d'autres témoins qui ont parlé des problèmes que peut créer l'inscription de dispositions concernant la formation religieuse dans la Constitution. Je ne vous ennuierai donc pas avec cela.

Je me permettrai cependant de vous signaler que même si certains pensent pouvoir respecter les droits de chacun, il pourrait s'agir d'une entreprise très très difficile. Par exemple, lorsqu'il a répondu à une question du sénateur Rompkey, le 18 novembre, le ministre de l'Éducation de Terre-Neuve, l'honorable Roger Grimes, a dit... et je vous cite ici la transcription des délibérations de la séance. En réponse à la question du sénateur Rompkey, le ministre de l'Éducation a dit:

    La bonne nouvelle, cependant—et j'en ai parlé dans ma déclaration préliminaire—est que l'enseignement dans nos écoles à l'heure actuelle, qui sont toutes confessionnelles, les écoles catholiques romaines avec la religion catholique romaine, les écoles pentecôtistes avec la religion pentecôtiste... d'une manière générale, une bonne partie du contenu de cet enseignement ne vise pas cette religion en particulier. Il s'agit plus de l'enseignement des valeurs inhérentes aux religions chrétiennes qui dominent Terre-Neuve et le Labrador...

Il a poursuivi en ces termes:

    Le défi, donc, encore une fois, pour nos experts pédagogiques [...] et nous avons offert un rôle aux représentants de l'Église catholique romaine et de l'Église pentecôtiste en particulier. Il n'est pas certain pour le moment qu'ils participent, mais on leur a offert de participer avec nos experts pédagogiques pour voir quelles versions de matériels actuellement disponibles pourraient être actualisées et utilisées en septembre 1998, à condition que cette modification soit adoptée. Par exemple, dans le système intégré, l'enseignement est très général et reflète les idées de trois ou quatre confessions différentes qui se sont unies d'un commun accord. C'est l'enseignement de principes généraux sur lesquels elles sont toutes d'accord.

Il a en quelque sorte admis qu'il y aura manquement aux obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. En fait, à Terre-Neuve, il y a déjà manquement.

Certaines personnes se posent la question suivante: Pourquoi se soucier des obligations internationales en matière de droits de la personne? C'est en ce sens que mon observation finale s'adresse au gouvernement. Je lui suggérerais de se reporter à l'affaire renvoyée à l'arbitrage en 1935, une affaire qui fait encore jurisprudence en droit du travail au Canada et qui renforce le partage des pouvoirs législatifs entre les provinces et le gouvernement fédéral.

L'arbitre a indiqué que la loi adoptée par le gouvernement fédéral pour mettre en application les normes de l'Organisation internationale du travail—ce que la ratification de traités internationaux l'avait obligé à faire—allait à l'encontre de la Constitution du Canada parce que, selon la Constitution, seules les provinces avaient le droit de légiférer en la matière.

• 1105

Si cette modification est adoptée, la province de Terre-Neuve aura le droit, en vertu de la Constitution, d'enfreindre les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne en ce qui concerne la liberté de religion et le droit des parents de choisir la religion de leur enfant. Si cela se produisait, si le Comité des droits de l'homme était saisi d'une plainte et que le Canada soit reconnu coupable, le gouvernement fédéral se trouverait dans une situation anormale puisqu'il lui faudrait essayer de régler le problème, tout en ne jouissant pas du pouvoir législatif nécessaire. Sa seule possibilité serait d'apporter un autre changement constitutionnel au changement que vous vous proposez d'apporter.

Les choses seraient plus faciles si Terre-Neuve ressentait la nécessité politique d'enseigner la religion en classe, de modifier ses lois en conséquence, au lieu de la Constitution du Canada. Les obligations internationales relatives aux droits de la personne lient le gouvernement fédéral. Il lui serait extrêmement difficile de s'en acquitter parce qu'il n'aurait pas le pouvoir législatif ou constitutionnel voulu.

Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup, monsieur Fleming.

Nous allons maintenant passer aux questions. Le sénateur Kinsella va commencer, puis ce sera au tour du sénateur Rompkey, de M. Pagtakhan et de la sénatrice Pearson. La liste s'allongera s'il nous reste du temps.

Le sénateur Noel Kinsella: Merci, madame la présidente.

Les témoins essaient-ils de nous dire qu'un problème grave se posera pour le Canada, d'un point de vue national et international, si nous ne modifions pas la proposition actuelle en mettant un point après «enseignement» au paragraphe 17(2)?

M. Patrick Malcolmson: C'est ce que je pense.

M. Donald Fleming: Moi aussi.

Le sénateur Noel Kinsella: Nous avons entendu l'autre jour le témoignage de M. Binnie au sujet des obligations internationales en matière de droits de la personne, et il a aussi envoyé aux membres du comité une lettre dans laquelle il dit qu'aucun problème ne se pose, à son avis, et qu'il n'y aurait pas infraction, notamment à l'article 18.4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Je lui ai demandé s'il avait des exemples tirés de la jurisprudence à nous donner pour étayer les vues qu'il a exposées sans plus de précision dans sa lettre. Il s'est engagé à nous en envoyer, mais on nous a dit tout à l'heure que ce n'était pas encore chose faite.

La question m'intéresse. Que dit la jurisprudence internationale concernant les droits de la personne, monsieur Fleming, à ce sujet? Vous en avez un peu parlé. Pourriez-vous nous donner plus de détails? Je voudrais surtout savoir si la jurisprudence se rapportant à l'article 18.4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques nous permet de dire que cette disposition porterait atteinte aux obligations internationales en matière de droits de la personne.

M. Donald Fleming: Comme je l'ai indiqué, l'affaire Hartikainen, dont le Comité des droits de l'homme a été saisi en 1981, indique certainement qu'il y aurait infraction à l'article 18.4 si les écoles dispensaient un enseignement religieux qui met l'accent sur une religion en particulier ou dénote un parti pris. Je dirais donc qu'il existe une jurisprudence.

Je pense cependant qu'il est plus important encore d'examiner le commentaire fait par le Comité des droits de l'homme en 1994 au sujet de l'article 18. Le Comité des droits de l'homme se réunit pour étudier l'évolution du droit international en matière de droits de la personne en général, se concentre sur un droit en particulier et fait un commentaire sur ce droit. Le commentaire définit la portée du droit en question de manière assez détaillée.

• 1110

J'ai annexé aux documents que j'ai envoyés hier et dont vous avez tous une copie le vingt-deuxième commentaire du Comité des droits de l'homme. Il s'agit d'un document de deux pages et demie qui contient des détails sur la liberté de religion et le droit des parents à l'éducation. C'est un document qui fait autorité et qui indique très clairement que le Canada se soustrairait à ses obligations en matière de droits de la personne qui découlent de l'article 18.

Le sénateur Noel Kinsella: J'ai une question supplémentaire, et ce sera ma dernière. Je voudrais bien savoir pourquoi nous au Parlement—députés et sénateurs—devrions nous préoccuper tout particulièrement des intérêts nationaux dans l'analyse de cette proposition sur laquelle nous nous apprêtons à porter un jugement, conformément à l'article 43 de la Constitution.

Du point de vue des intérêts nationaux du Canada, qui sont notre responsabilité première, pouvez-vous nous dire pourquoi ce serait le Canada qui serait pris en défaut si le Comité des droits de l'homme des Nations Unies se laissait dire que le Canada a commis une infraction à cause de Terre-Neuve?

M. Donald Fleming: Le droit international et, comme je l'ai dit lorsque j'ai mentionné le droit du travail, la législation nationale et constitutionnelle du Canada obligent le gouvernement fédéral à assumer ses obligations internationales en matière de droits de la personne. Cela, parce que le gouvernement fédéral est l'entité qui entretient des liens avec la communauté internationale—au nom du Canada dans son ensemble.

Si la Constitution renferme une disposition qui accorde à une province des droits qui vont fondamentalement à l'encontre du droit international en matière de droits de la personne, le gouvernement fédéral du Canada se trouvera dans une situation anormale puisqu'il lui faudra s'en tenir aux normes internationales relatives aux droits de la personne, mais qu'il ne jouira pas du pouvoir qui lui permettrait de les respecter.

Si, toutefois, vous enchâssiez les dispositions constitutionnelles concernant la formation religieuse et l'observance de règles religieuses dans une loi sur les écoles, une loi sur l'éducation ou toute autre loi qui relève de la compétence de la province, il serait beaucoup plus facile pour le gouvernement fédéral de persuader celui de Terre-Neuve—ou de toute autre province qui violerait les droits de la personne—de modifier la loi pour s'assurer du respect des obligations en matière de droits de la personne.

Toute modification de la Constitution nécessite un travail énorme comme vous pouvez le voir d'après vos audiences et les deux modifications proposées à ce sujet.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, monsieur. Merci, sénateur Kinsella. Sénateur Rompkey.

Le sénateur William Rompkey: Merci, madame la présidente. Je ne suis pas du tout surpris de constater que nos invités ne sont pas d'accord avec Ian Binnie. C'est ce que veulent le droit et la politique. Les avocats défendent savamment le pour ou le contre d'une question, preuves à l'appui bien sûr, tout comme les politiciens font valoir leurs points de vue respectifs. Je ne suis donc pas surpris que des avocats ne soient pas du même avis.

Quant à la violation des droits de la personne à Terre-Neuve, bien sûr que les droits de la personne ont été violés dans cette province. Ils le sont depuis 1949. J'ai indiqué pour le compte rendu il y a un an et j'ai répété encore cette année qu'il y avait des Juifs à l'école anglicane que je fréquentais, mais ils n'avaient pas le droit de pratiquer leur religion. Ils n'avaient pas le droit de siéger aux conseils scolaires. Ils n'avaient absolument aucun droit. Les musulmans, qui sont au nombre de 1 000 ou de 1 500 à Terre-Neuve, n'ont absolument aucun droit. Les moraves, une confession chrétienne de 5 000 à 6 000 membres, n'ont absolument aucun droit.

Je ne suis pas surpris d'entendre qu'il y a eu violation des droits de la personne dans notre province. Je pense que c'est ce que nous essayons de corriger. En vertu de la nouvelle loi, les gens jouiront de plus de droits qu'avant. Tout ne sera peut-être pas parfait, mais ils auront plus de droits et ces droits seront plus globaux et plus diversifiés qu'avant.

Quant au cours, M. Malcolmson a dit qu'on ne peut pas privilégier une confession par rapport à une autre. Il est impossible de concevoir un cours qui soit acceptable pour tout le monde.

• 1115

Nous ne connaissons pas la réponse à cette question, et il est certain que personne ici ne sait ce que donnera une contestation de la Charte. Nous pouvons échafauder des hypothèses, mais cela reste des hypothèses. De toute évidence, ce que nous savons, c'est que dans notre province, depuis vingt-cinq ans, les anglicans, l'Église unie, l'Armée du salut, les presbytériens et les moraves parviennent à offrir un cours de religion qui soit acceptable pour tous.

La question est maintenant de savoir s'il est possible de concevoir un cours qui sera acceptable pour les anglicans, l'Église unie, l'Armée du salut, les presbytériens, les moraves, les catholiques, les pentecôtistes, les musulmans et les juifs. C'est là la question qu'il faut se poser.

Je ne sais pas si vous étiez là à ce moment-là, mais lorsqu'il a répondu, M. Elliott a dit qu'il y aurait consultation et, en fait, il a mentionné les juifs et les musulmans. Il a décrit le processus d'élaboration du curriculum qui n'exclurait pas le gouvernement; au contraire, il serait le fruit des efforts conjugués du gouvernement, des enseignants et des conseils scolaires.

J'admets qu'il ne sera peut-être pas possible de concevoir un cours qui sera acceptable pour tous, mais il reste que nous avons dans notre province depuis vingt-cinq ans un cours qui convient à diverses confessions, chrétiennes, il faut le reconnaître.

La dernière question a à voir avec la nécessité de définir les droits dans la Constitution. Je dirais qu'il faut chercher la réponse à cette question dans la différence entre notre province et n'importe quelle autre province du Canada. Nous avons dans notre province un système d'éducation confessionnel, c'est vrai, mais aussi un système dont la religion fait partie intégrante. Je crois que c'est ce que nous essayons de préserver ici, et ce que nous voulons obtenir, c'est une garantie constitutionnelle, la protection par la Constitution d'un système qui a survécu aux années.

Je pense qu'il faut reconnaître que... Certains ont dit que d'autres n'en ont pas besoin. Alors, pourquoi en aurions-nous besoin? Tout au long des audiences, cette année et l'année dernière, Terre-Neuve a été comparée à l'Ontario, au Manitoba, à la Saskatchewan, à la Nouvelle-Écosse et à la Colombie-Britannique. Je le répète, notre province est différente. Il n'existe pas de système comme le nôtre nulle part ailleurs au Canada. Il n'est donc pas anormal que nous demandions une garantie constitutionnelle pour protéger ce que nous avons toujours eu, un système différent et que nous voulons maintenir.

Je ne sais pas si j'ai posé des questions ou fait une déclaration, mais...

Des voix: Ah, ah.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Nous laisserons les témoins décider s'il s'agissait de commentaires ou de questions.

Le sénateur William Rompkey: Peu importe.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): L'un ou l'autre ou les deux.

M. Donald Fleming: J'aimerais revenir sur votre commentaire à propos des différences entre Ian Binnie et moi-même.

J'ai lu la lettre que M. Binnie a envoyée au comité et je dois dire qu'à première vue, à la lecture de l'article du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, pris isolément, on pourrait croire que les modifications n'enfreindront peut-être pas ou vraisemblablement pas l'article 14. Mais si on regarde la jurisprudence établie au fil des ans par le Comité des droits de la personne qui interprète l'article 18 ou l'interprétation donnée de l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme ou de l'article 2 du Protocole facultatif, qui correspond essentiellement à l'article 18 du pacte, si on regarde le commentaire sur l'interprétation de la disposition du Pacte international relatif aux droits civils et politiques concernant la liberté de religion, la jurisprudence et le commentaire du Comité des droits de l'homme sur la portée de ce droit, alors nos vues peuvent changer. Je ne suis pas tout à fait certain que M. Binnie et moi aurions été en désaccord en fin de compte si nous avions tous les deux examiné la jurisprudence.

Pour ce qui est de l'enseignement de la religion, j'attirerais votre attention sur le fait que vous avez vous-même, sénateur Rompkey, fait allusion à des confessions religieuses, pas à des individus.

• 1120

Comme je l'ai indiqué, les dispositions internationales relatives aux droits de la personne qui régissent la liberté de religion ne s'appliquent pas à des confessions en particulier. Elles concernent l'individu. Donc, peu importe que toutes les confessions religieuses de Terre-Neuve s'entendent sur le contenu d'un cours, si des parents disent que ce n'est pas ce qu'ils veulent comme enseignement pour leurs enfants, ou que ce n'est pas la façon dont ils veulent que telle ou telle chose leur soit enseignée, ils ont le droit de choisir.

Le problème, c'est qu'ils ne peuvent pas choisir de retirer leur enfant du système scolaire. Il faut s'assurer que l'enfant recevra une formation équivalente. On peut poser la question aux parents: êtes-vous prêts à vous charger de l'éducation de votre enfant? Ils pourraient répondre que oui. Dans ce cas, l'État devra assumer une obligation supplémentaire, c'est-à-dire engager les dépenses et déployer les efforts nécessaires pour s'assurer que la formation reçue par l'enfant en dehors du système scolaire satisfait aux normes minimales de la province en matière d'éducation. Si j'étais législateur à Terre-neuve, je ne voudrais pas assumer cette responsabilité financière, sans parler du reste.

Cela répond à au moins une partie de votre question.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, monsieur Fleming.

M. Patrick Malcolmson: Je vais répondre à une autre partie de la question si le professeur Rompkey n'y voit pas d'objection... Désolé, je voulais dire le sénateur Rompkey.

Des voix: Ah, ah.

Le sénateur William Rompkey: J'aimerais bien être professeur si je pouvais gagner le même salaire que les professeurs.

M. Patrick Malcolmson: Je crois que la question que vous avez posée doit être tournée dans l'autre sens. Quel est au juste le droit...

Le sénateur William Rompkey: Peu importe, allez-y.

M. Patrick Malcolmson: ... que crée la nouvelle disposition? Vous voyez, il ne s'agit pas d'un droit conféré à une minorité. Il ne s'agit pas du droit d'une minorité qu'on enchâsserait dans la Constitution pour le protéger. Et si ce n'est pas un droit de minorité, parce qu'il n'est pas propre à une confession minoritaire, alors pourquoi serait-il nécessaire de lui accorder la protection constitutionnelle? Si la majorité veut un cours de religion à Terre-Neuve, rien ne l'empêche d'en avoir un à condition qu'il n'y ait pas violation de la Charte.

Le sénateur William Rompkey: Mais la population de Terre-Neuve a voté à 73 p. 100 en faveur de la religion dans les écoles terre-neuviennes. C'est la volonté populaire.

M. Patrick Malcolmson: Donc, qu'on offre des cours de religion dans les écoles.

Le sénateur William Rompkey: C'est ce qu'on fait, mais on tient aussi à avoir une garantie constitutionnelle. C'est ce que les gens veulent.

M. Patrick Malcolmson: Ils ont apparemment approuvé la notion d'un enseignement religieux dans les écoles.

Le sénateur William Rompkey: Oui.

M. Patrick Malcolmson: Mais cela ne veut pas dire qu'il faut avoir dans la Constitution une disposition en ce sens, parce que, ce qu'ils voulaient...

Le sénateur William Rompkey: Mais ils veulent avoir une telle disposition. Pourquoi ne pourraient-ils pas en avoir une?

Le sénateur William Doody: Le nouveau titre du sénateur Rompkey lui est monté à la tête; il n'arrête pas d'interrompre le professeur.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Je pense que nous avons une bonne idée de ce que vous voulez dire tous les deux. Merci beaucoup.

Nous allons maintenant céder la parole à la sénatrice Pearson.

La sénatrice Landon Pearson: Je dois vous avouer que je suis consternée par les témoignages—pas seulement les vôtres, mais d'autres aussi—selon lesquels la jurisprudence est en train de l'emporter sur la générosité d'esprit qui caractérisait tant le professeur John Humphrey lorsqu'il a parrainé la déclaration des droits de l'homme.

Vous n'avez pas du tout mentionné la Convention relative aux droits de l'enfant. Vous avez parlé des droits des parents, de pactes et d'autres choses du genre. Vous avez complètement laissé de côté la Convention relative aux droits de l'enfant qui lui reconnaît le droit à l'information et la liberté de conscience. Je pense qu'en réalité nous sommes en train de priver graduellement l'enfant de la capacité d'obtenir le genre d'information dont il a besoin pour pouvoir prendre des décisions à propos de questions morales.

J'ai appris beaucoup de choses sur Terre-Neuve, que j'apprécie énormément, parce que c'est une province très intéressante, mais j'ai eu la preuve pas plus tard qu'hier que le froid jeté par la Charte est tel en Ontario que les écoles sont terrifiées à l'idée de laisser pénétrer même une miette d'information concernant la religion dans le système scolaire. De toute évidence, le fait que le système d'écoles catholiques soit garanti par la Constitution est vraisemblablement la seule raison qui explique qu'il existe toujours. Autrement, la Charte...

• 1125

Cette situation me met très mal à l'aise. J'ai l'impression que les enfants y perdent au change; leurs droits en prennent un coup. C'est pourquoi la clause 17 ne présente aucun inconvénient pour moi. Je pense qu'il faut qu'il y ait une garantie dans la Constitution ou ils perdront leur droit et n'auront plus la chance de recevoir l'information qui leur sera transmise dans ces cours.

M. Donald Fleming: Sénatrice, laissez-moi tout d'abord vous dire que je partage votre respect pour le professeur John Humphrey. En fait, c'était mon mentor. Il m'a fait connaître le droit international en matière de droits de la personne et m'a pris sous son aile pendant plusieurs années. C'est pourquoi j'ai fait précéder l'opinion que j'ai rédigée pour le comité d'une citation de John Humphrey. Soit dit sans vouloir vous offenser, John serait tout à fait d'accord sur ce que je vous ai dit ce matin.

Aussi sénatrice, j'aimerais dire que j'ai concentré mon attention sur le Pacte international relatif aux droits civils et politiques pour la seule raison qu'il risque de mettre le Canada dans l'embarras face à la communauté internationale étant donné que nous avons ratifié un protocole facultatif qui autorise des particuliers à porter plainte contre le Canada, ce qui peut entraîner des problèmes graves.

J'ai également écrit dans mon opinion que les droits de la personne auxquels j'ai fait allusion et l'interprétation du droit à la liberté de religion et des droits des parents de décider de l'instruction, de la doctrine religieuse, de la formation et des convictions philosophiques de leurs enfants trouvent leur écho dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, auquel le Canada est partie. Ils se reflètent aussi dans l'importance accordée à la place des parents dans la Convention relative aux droits de l'enfant. Je ne pense donc pas qu'il soit nécessaire de s'attarder à la préoccupation que vous avez formulée.

Cependant, je suis davantage préoccupé par la question que vous avez soulevée lorsque vous avez dit craindre, je suppose, que la religion finisse par disparaître des écoles. Tout ce que je peux vous répondre, c'est qu'en s'assurant que l'individu jouit de l'autonomie nécessaire pour décider de sa propre formation religieuse et en s'assurant que les parents jouissent de l'autonomie nécessaire pour décider de l'instruction que leurs enfants recevront compte tenu de leur religion et leurs valeurs, on permettra aux écoles d'élaborer un curriculum convenable. Rien n'empêchera que des cours d'enseignement religieux soient donnés dans les écoles secondaires. Nous parlons ici d'écoles primaires, d'enfants qui pourraient être indûment influencés par l'État ou par des religions établies au lieu de se voir inculquer les croyances religieuses de leurs parents. Je partage donc vos préoccupations, mais je crois qu'une modification constitutionnelle du genre de celle-ci risque en réalité de limiter la formation religieuse que les enfants recevront, parce qu'elle limitera en un sens les possibilités offertes aux parents.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Madame Caplan.

Mme Elinor Caplan: Merci beaucoup.

J'ai dû assister à la réunion d'un autre comité. Vous m'excuserez donc si ma question fait double emploi. J'ai eu la chance d'entendre l'exposé de M. Malcolmson avant mon autre réunion.

D'après les témoignages que nous avons entendus, ceux qui à Terre-Neuve appuient cette modification sont au courant des risques qu'elle comporte et de la possibilité de contestations fondées sur la Charte. On nous a parlé entre autres de l'évolution et de l'histoire de l'éducation à Terre-Neuve, des conflits qui existent et des dissensions que tout cela cause. Je me suis fait un point d'honneur de demander aux témoins s'ils savaient qu'il pourrait y avoir contestation. Je leur ai demandé s'ils croyaient que les contestations judiciaires dans d'autres provinces pourraient un jour avoir un impact et s'ils savaient que cette modification serait interprétée parallèlement à la Charte, au lieu de servir de bouclier. Je leur ai demandé si non seulement le gouvernement, mais aussi les gens qui appuient cette modification sont au courant de tout cela.

• 1130

De toute évidence, les gens qui sont contre souhaitent que le système demeure confessionnel. J'ai trouvé rassurant qu'on reconnaisse que cela fait partie de l'évolution et qu'on sache qu'une protection ne serait offerte qu'à l'égard de l'instruction non confessionnelle ou des cours qui ne sont pas propres à une religion. C'est là la protection. Par conséquent, si, à l'étape de la mise en oeuvre, et c'est ce qui semble poser un problème, on ne prend pas garde aux répercussions de la Charte, alors ces contestations pourraient être couronnées de succès.

Étant donné les vues de ceux qui à Terre-Neuve et au Labrador reconnaissent que c'est une étape qui pourrait donner lieu à des contestations, que pensez-vous de l'idée d'une telle orientation dans le cadre de l'évolution et de l'histoire de la province de Terre-Neuve et du Labrador, histoire qui est différente, au chapitre de l'éducation, de celle des autres provinces?

M. Patrick Malcolmson: J'aurais deux remarques à faire. La première, c'est que s'ils veulent dire que les cours ne seront pas propres à des religions par opposition à des confessions, alors il faudrait modifier le libellé en conséquence. C'est une chose très différente. Comme je l'ai indiqué, un tribunal a déjà fait cette distinction. Ce ne sont pas les tribunaux qui vont éprouver des difficultés; un tribunal de très haute instance, la Cour d'appel de l'Ontario, a indiqué très clairement que c'est vous qui éprouverez des difficultés.

La question n'est pas de savoir si la législation me plaît ou non. Quand on élabore des lois, il faut essayer de prévoir leurs conséquences. Vous ne voudriez pas adopter une loi qui suscitera tout de suite des difficultés. C'est un point essentiel à retenir.

Mme Elinor Caplan: J'ai une question supplémentaire à poser avant que vous passiez à votre deuxième point. L'Assemblée législative de Terre-Neuve est sûrement au courant des décisions rendues ailleurs. Elle doit bien savoir qu'il y aura des contestations. Des députés provinciaux nous l'ont confirmé. Donc, est-ce que ce n'est pas plutôt la mise en oeuvre qui pose problème? N'y aurait-il pas moyen, dans le cadre de la mise en oeuvre, de tenir compte des décisions déjà rendues par les tribunaux en la matière?

M. Patrick Malcolmson: Cela me semble possible. Je ne le sais pas.

La deuxième remarque que j'ai à faire est la suivante. Si, comme vous le dites, la deuxième partie du paragraphe (2) et le paragraphe (3) seront interprétés à la lumière de la Charte, alors ils ne serviront à rien et il n'est pas nécessaire de les constitutionnaliser. S'ils ne vous permettent en aucune façon d'éviter les contestations fondées sur la Charte, à quoi alors serviront-ils?

Mme Elinor Caplan: Ce que nous disons là est important aux fins du compte rendu. Si j'ai bien compris, une des préoccupations à Terre-neuve et au Labrador tient à ce qu'il y a eu des dissensions par le passé. Ces cours offriront la chance de discuter des valeurs et des différences et aideront les gens à mieux se connaître. La garantie pour l'Assemblée législative de Terre-Neuve, c'est que ces cours pourront être offerts dans les écoles.

M. Patrick Malcolmson: Je n'y vois aucun inconvénient. Je trouve que c'est une intention très louable. Toutefois, je dois dire que du point de vue du droit constitutionnel, il serait préférable de ne pas inscrire dans la Constitution des choses qui, comme dans ce cas-ci, ne semblent pas avoir pour objet de protéger les droits d'une minorité. Vous forcez le gouvernement à faire une chose que la majorité des gens de Terre-Neuve veulent qu'il fasse par principe.

Pourquoi faudrait-il que la Constitution force la majorité à prendre une décision qu'elle est déjà prête à prendre?

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.

• 1135

Il ne reste que deux intervenants—à part M. Pagtakhan, qui a disparu—M. Byrne et M. Doyle.

M. Gerry Byrne (Humber—St. Barbe—Baie Verte, Lib.): Merci.

Monsieur Malcolmson, vous avez dit que la clause 17, telle qu'elle était libellée en 1949, était valide—n'hésitez pas à m'interrompre si mon raisonnement est illogique, mais je veux être certain de bien saisir les nuances—après l'adoption de la Charte en 1982, pour la simple raison, bien sûr, que toutes les dispositions de la Constitution sont interprétées simultanément, s'évoquent les unes les autres, sont en fait interprétées ensemble. Vous avez dit que les modifications apportées par la suite à la Constitution, notamment à la clause 17, ne seraient pas nécessairement interprétées parallèlement à d'autres dispositions de la Constitution, parce qu'elles ont été adoptées après la Charte. Est-ce exact?

M. Patrick Malcolmson: Elles seraient interprétées conformément à la Charte, ou simultanément, mais il ne pourrait pas y avoir dérogation à la Charte.

M. Gerry Byrne: Mais il y a une différence entre les dispositions qui ont été adoptées après la Charte et celles qui existaient avant. N'est-ce pas?

M. Patrick Malcolmson: Je ne suis même pas certain que la date de la Charte soit celle qui compte. Lorsqu'elle a rendu sa décision dans l'affaire qui lui a été renvoyée, la Cour suprême a dit que, dans le cas de l'Ontario, les droits reconnus aux écoles confessionnelles faisaient partie du compromis de la Confédération. Par conséquent, si un autre groupe... Et c'est ce qui est arrivé dans l'affaire Adler, qui a été renvoyée à la Cour d'appel de l'Ontario.

Si, par exemple, des juifs insistaient pour que des écoles juives soient financées de la même manière que les écoles catholiques en disant être de toute évidence victimes de discrimination selon la Charte, le tribunal leur répondrait que la Charte ne s'applique pas dans ce cas particulier puisqu'il s'agit de droits garantis au moment de la Confédération.

Le fait est que nous parlons ici, non plus de la Confédération et de la convention initiale que nous avons signée au moment de la création de notre pays, mais bien de dispositions législatives qui relèvent de la Charte. C'est ce qu'il faut retenir, je pense.

M. Gerry Byrne: Je comprends votre point de vue, mais je trouve qu'il est important de signaler, dans ce contexte, qu'une modification a été apportée à la clause 17 en 1987, soit après l'adoption de la Charte, après la Confédération. Cette modification a accordé aux pentecôtistes des droits dont ils ne jouissaient pas en 1949 au moment de l'union de Terre-Neuve.

Donc, si je suis votre raisonnement, il pourrait y avoir contestation des droits confessionnels dont l'Église pentecôtiste ne jouissait pas au moment de la Confédération alors que les catholiques conserveraient leurs droits parce qu'ils datent de la Confédération.

Si je comprends bien, cependant, les pentecôtistes constitueraient le seul groupe religieux dont les droits pourraient être contestés en vertu de la Charte. Est-ce exact?

M. Patrick Malcolmson: Ou ce pourrait être l'inverse: n'importe quel groupe religieux aurait maintenant le droit...

M. Gerry Byrne: Peut-être.

M. Patrick Malcolmson: ... d'ajouter son nom à la liste des confessions. Vous voyez, vous respecteriez la logique de la vieille clause 17, qui prévoit le maintien et le financement d'écoles confessionnelles. On ne changerait rien à la logique en ajoutant tout simplement d'autres confessions à la liste, n'est-ce pas?

M. Gerry Byrne: Il y a un certain nombre de confessions qui ne figurent pas sur la liste actuellement—par exemple, le judaïsme, la religion bahai, l'Islam—et, si je comprends bien, vous suggéreriez d'étendre l'enseignement confessionnel à des groupes religieux plus nombreux. Ou proposeriez-vous plutôt d'éliminer complètement l'enseignement confessionnel, surtout à caractère religieux?

M. Patrick Malcolmson: C'est une très bonne question. Je suppose que mon argument, étant donné que...

Je ne sais pas au juste vers quoi vous devriez vous orienter. Personnellement, je serais enclin à croire que plus il y a d'écoles confessionnelles, mieux c'est, parce qu'elles favorisent la diversité au sein de la société et ainsi de suite.

Je ne suis pas très au courant de la situation à Terre-Neuve. C'est peut-être une chose qui aurait du bon en Ontario, mais pas à Terre-Neuve. J'ai l'impression que le problème qui se pose pour Terre-Neuve dans la pratique est d'ordre économique.

• 1140

Mon argument serait qu'il n'y a pas d'inconvénient à s'orienter vers un système d'écoles publiques et un conseil des écoles publiques. Un problème se pose—et un problème énorme—quand il est question d'enseigner la religion dans les écoles publiques en s'appuyant sur le droit constitutionnel. Si vous voulez offrir un cours de religion dans les écoles publiques, vous n'avez pas besoin de la Constitution pour le faire.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci. M. Doyle sera le dernier à pouvoir poser des questions.

M. Norman Doyle: En 1976, lorsque le Canada a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la province de Terre-Neuve y était-elle partie? A-t-elle accepté de ratifier ce pacte signé par le Canada?

M. Donald Fleming: Oui, parce que le précédent en droit du travail a servi de leçon au Canada. Il a décidé qu'il ne ratifierait plus jamais de traité qu'il ne pourrait pas mettre en oeuvre sur son territoire sans l'accord des provinces, avant de les avoir toutes consultées pour obtenir leur approbation.

En fait, c'est la raison pour laquelle le Canada a tant tardé à ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques: il lui manquait le consentement d'une province.

M. Norman Doyle: J'en déduis que Terre-Neuve a accepté tous les devoirs et toutes les obligations associés à la signature de ce traité.

Supposons donc que quelqu'un à Terre-Neuve, par exemple, décide d'adresser une pétition au Comité des droits de l'homme pour se plaindre que les prétendus cours d'enseignement religieux à saveur chrétienne qui sont offerts violent ses droits tels qu'ils sont définis dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Voulez-vous dire qu'on pourrait interdire un tel enseignement religieux à cause du droit à la liberté de religion prévu par le pacte? Est-ce qu'il faudrait aussi que la province offre des cours de remplacement et règle la facture en plus?

M. Donald Fleming: Le Comité des droits de l'homme étudie les plaintes individuelles reçues de particuliers. Dans sa réponse, s'il juge qu'une plainte individuelle était fondée et que l'État a manqué à ses obligations internationales en matière de droits de la personne, il demande à l'État de prendre les mesures correctrices qui s'imposent. Normalement, il lui donne la chance de rectifier la situation de la manière qui lui convient.

J'imagine donc que dans un premier temps, il se contenterait d'indiquer à l'État en question qu'il a manqué à ses obligations et lui demanderait de modifier la situation. L'État serait alors tenu de déterminer comment il entend s'y prendre.

Si la situation ne s'améliorait pas, comme ce fut le cas en Finlande pendant les trois années qui ont suivi l'affaire Hartikainen, le Comité des droits de l'homme interviendrait de nouveau et indiquerait peut-être à l'État les moyens qu'il doit prendre.

La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si le Comité des droits de l'homme dira au Canada que certaines dispositions de sa Constitution vont à l'encontre des obligations internationales relatives aux droits de la personne, et non pas de savoir s'il y a eu violation des droits individuels en raison de la façon dont la Constitution a été interprétée ou de la façon dont l'enseignement est dispensé.

Le problème, c'est que le Comité des droits de l'homme pourrait fort bien décider que la source de la violation des droits de la personne est une disposition constitutionnelle que vous avez adoptée. Ainsi, il vous faudrait modifier la Constitution si vous souhaitez continuer à vous acquitter de vos obligations internationales en matière de droits de la personne. Quant aux modifications à apporter à la Constitution, je suis certain que vous connaissez mieux que moi les difficultés qu'elles comportent.

M. Norman Doyle: Oui.

M. Donald Fleming: Je dirais que c'est là le véritable danger. Je suis d'accord avec M. Malcolmson. C'est exactement la même chose d'un point de vue légal au niveau national: c'est le danger que la Canada court en voulant constitutionnaliser la question.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Il nous reste un peu de temps. Le sénateur Kinsella aimerait poser une autre question.

Le sénateur Noel Kinsella: Merci, madame la présidente.

D'après M. Fleming, à en juger par la jurisprudence qui découle de l'article 18.4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Canada contreviendrait à ce pacte si nous adoptions cette modification constitutionnelle telle qu'elle est actuellement libellée.

• 1145

Pour que les membres du comité sachent bien comment les choses se déroulent lorsqu'en vertu d'un protocole facultatif, une «communication»—c'est le mot utilisé dans le cas d'une plainte—est envoyée au Comité des droits de l'homme, vous pourriez peut-être leur expliquer comment, dans l'affaire Lovelace, où vous avez joué un rôle de premier plan, le Canada a été jugé coupable d'infraction au Pacte relatif aux droits civils et politiques et obligé de modifier une de ses lois, une loi du Parlement heureusement. Il s'agissait de l'alinéa 12(1)b) de la Loi sur les Indiens. Il a suffi d'une loi du Parlement pour supprimer cette disposition. Si le Comité des droits de l'homme de l'ONU déterminait dans ce cas-ci qu'il y a eu violation du pacte, une loi du Parlement ne suffirait pas à tout arranger. Il faudrait apporter une modification à la Constitution.

Le sénateur William Rompkey: Est-ce que je pourrais avoir plus de précisions? De quelle autorité jouit le Comité des droits de l'homme, dans quelle mesure ses décisions lient-elles les États et quelles sanctions peut-il imposer pour les faire respecter?

Le sénateur Noel Kinsella: Je serais heureux de répondre à cette question, mais je devrais peut-être laisser les témoins...

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Monsieur Fleming, vous pourriez peut-être nous éclairer.

M. Donald Fleming: Le comité donne son «avis»—il ne serait pas tout à fait exact de parler d'une «décision» au sens où nous l'entendons ici—et indique au Canada ce qui ne va pas. Il ne lui impose aucune punition. Il se contente de lui dire qu'il a tort et qu'il a violé une disposition d'un traité.

Le sénateur William Rompkey: Rien n'oblige le Canada à prendre des mesures correctrices, pas plus que le président Suharto, n'est-ce pas?

M. Donald Fleming: D'une manière plutôt indirecte, oui. À titre d'expert en droit commercial, je dois vous dire que le Canada fait partie d'un groupe très compétitif de pays. Pour conserver notre niveau de vie, nous devons, parce que nous jouissons d'une influence beaucoup moins grande que d'autres pays, être perçus au sein de la communauté internationale comme un pays qui respecte ses engagements internationaux, quels qu'ils soient. Si le Canada passe pour un pays qui se dérobe à ses obligations internationales en matière de droits de la personne, très peu de pays accepteront de traiter avec nous. Les États-Unis peuvent s'offrir le luxe de se soustraire à leurs obligations légales sur le plan international, parce que les autres pays n'ont pas d'autre choix que de traiter avec eux, ce qui n'est pas le cas pour le Canada.

Je dirais que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international verrait d'un très mauvais oeil que le Canada viole un traité international.

Le sénateur William Rompkey: Il voit la chasse au phoque d'un très mauvais oeil, ce qui ne change rien à rien.

M. Donald Fleming: Vous avez raison.

Le sénateur Noel Kinsella: Et qu'en est-il des mesures prises suite à l'affaire Lovelace?

M. Donald Fleming: Le comité a fait connaître ses vues au gouvernement fédéral. Ce dernier a dû entreprendre un processus très long et compliqué pour déterminer comment il s'y prendrait pour régler le problème.

Il a fallu au gouvernement fédéral tellement de temps dans cette affaire pour apporter les changements nécessaires qu'il s'est heurté à la Loi constitutionnelle qui avait retenu l'attention dans l'intervalle. Lorsque l'alinéa 12(1)b) de la Loi sur les Indiens a été modifié, il l'a été à la lumière des dispositions de la Charte et à la lumière également de la violation des droits de la personne reprochée au Canada étant donné les vues du comité dans l'affaire Lovelace.

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Le sénateur Noel Kinsella: Est-il vrai aussi que la Cour suprême du Canada avait jugé acceptable la discrimination fondée sur le sexe dont les Indiennes étaient victimes à cause de l'offensant alinéa 12(1)b)?

M. Donald Fleming: C'est exact. Dans une série de causes, appelées les décisions Lavell et Bédard, la Cour suprême du Canada a refusé d'interpréter la Déclaration canadienne des droits, le seul instrument qui pouvait être invoqué en faveur de la protection des droits de la personne au Canada. La Cour suprême a bien sûr refusé de se prononcer en vertu de la Charte.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup, monsieur.

M. Byrne a une dernière question à poser.

Le coprésident (M. Gerry Byrne): Le Canada a négocié à sept reprises à peu près des conditions d'union différentes avec les provinces. Êtes-vous au courant d'autres modifications en matière d'éducation ou d'autres dispositions des conditions de l'union avec une province ou une autre qui pourraient nous attirer les foudres du comité? Y a-t-il d'autres dispositions sur lesquelles vous souhaiteriez attirer notre attention et auxquelles le Parlement devra prendre garde dans le cas de modifications futures?

M. Donald Fleming: Aucune ne me vient à l'esprit. J'ai passé la dernière semaine à dépouiller la jurisprudence internationale relative aux droits de la personne et des documents sur cette question, mais je ne sais trop quoi vous répondre. Vous devriez peut-être examiner la modification du Québec qui a été adoptée la semaine dernière ou la semaine d'avant et la comparer à celle que vous avez ici.

Le coprésident (M. Gerry Byrne): À votre avis, la clause 17, telle qu'elle était libellée en 1949, allait-elle à l'encontre des lignes directrices du comité?

M. Donald Fleming: Si elle a donné lieu à des plaintes, je dirais que oui.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci infiniment à nos deux témoins. Nous vous savons gré d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. La discussion a été intéressante.

Je remercie aussi mes collègues. Avant de lever la séance, j'aimerais attirer votre attention sur l'ordre du jour de la réunion de cet après-midi. Nous avons un peu modifié notre horaire, surtout en raison des votes qui auront lieu à la Chambre des communes en fin d'après-midi, mais aussi à cause de nos témoins.

Pour la première fois, nous tiendrons une réunion par vidéotéléconférence ici même cet après-midi. Nous entendrons le témoignage de deux groupes de jeunes gens, dont le premier est de St-Jean. Un autre nom viendra s'ajouter à notre liste. Le groupe de St-Jean se joindra à nous via la technologie de 15 h 30 à 16 h 30. Puis, nous rencontrerons un autre groupe de jeunes, de Corner Brook, de 16 h 30 à 17 h 30. Nous aurons probablement besoin d'unir nos efforts en vue de cette première pour certains d'entre nous.

Merci beaucoup.

La séance est levée.