SJNS Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE AMENDMENT TO TERM 17 OF THE TERMS OF UNION OF NEWFOUNDLAND
COMITÉ MIXTE SPÉCIAL CONCERNANT LA MODIFICATION À LA CLAUSE 17 DES CONDITIONS DE L'UNION DE TERRE-NEUVE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 24 novembre 1997
[Traduction]
Le coprésident (M. Gerry Byrne (Humber—St. Barbe—Baie Verte, Lib.)): Mesdames et messieurs les membres du comité, nous avons quorum et nous allons donc reprendre la septième séance du Comité spécial mixte chargé d'étudier la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada.
Nous accueillons cet après-midi, dans notre premier groupe de témoins, M. George Morgan. Il est membre du conseil laïc de l'Église adventiste du septième jour du Canada. Le conseiller juridique de l'Église adventiste du septième jour du Canada, M. Barry Bussey, l'accompagne.
Nous avons prévu une heure pour écouter le mémoire de ces témoins et pour répondre aux questions par la suite. Nous avons une heure en tout.
Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Merci infiniment d'avoir bien voulu comparaître devant le Comité spécial mixte. Je vous laisse maintenant la parole, monsieur Morgan. Je crois que vous vous chargez de nous présenter le mémoire.
M. George Morgan (porte-parole, Église adventiste du septième jour, Terre-Neuve et Labrador): Permettez-moi de préciser un point. Je représente ici les Adventistes du septième jour de Terre-Neuve. Lors du congrès, j'ai été élu porte-parole en matière d'éducation. Aujourd'hui, je vais vous expliquer un peu le système d'éducation des Adventistes du septième jour à Terre-Neuve, un système qui a maintenant disparu.
En 1895, un ministre adventiste du septième jour est arrivé à Terre-Neuve et il y a trouvé un groupe de 11 personnes qui se disaient Adventistes du septième jour. Il a fondé une église qui a été constituée en société en 1896. Avant de constituer l'église en société, les Adventistes avaient mis sur pied une école.
Parmi les premiers convertis, il y avait un enseignant du collège méthodiste. À l'époque, toutes les écoles de Terre-Neuve appartenaient à des églises, qui les administraient. Si quelqu'un changeait de religion, il n'avait plus de travail. Il faut le comprendre—les enseignants occupaient dans la société une position à peu près équivalente à celle des membres du clergé.
La première école regroupait une demi-douzaine d'enfants dans un salon. En 1903, le gouvernement de Terre-Neuve a adopté le Seventh-Day Adventist School Board Act, qui reconnaissait les écoles adventistes du septième jour à Terre-Neuve. L'école qui existait à l'époque ne recevait aucun financement du gouvernement. Elle était entièrement financée par les membres de la congrégation de St. John's.
• 1535
En 1912, une modification du Department of Education Act a
élargi le financement gouvernemental aux écoles adventistes du
septième jour. La motion avait été déposée par le premier ministre
de l'époque, M. Morris, si ma mémoire est bonne.
Les écoles de Terre-Neuve étaient autrefois entièrement financées par les églises. Par la suite, elles ont été en partie financées par le gouvernement. Au fil des ans, la part du gouvernement a augmenté. En 1943, je crois, le Department of Education Act a été modifié de sorte que l'école est devenue gratuite et obligatoire pour tous les enfants jusqu'à l'âge de 13 ans. Déjà, le gouvernement finançait entièrement les salaires et les régimes de pension des enseignants, y compris dans les écoles adventistes du septième jour.
En 1949, lorsque la province est entrée dans la Confédération, J.R. Smallwood, premier titulaire du poste de premier ministre de la province et membre du comité de négociation, a rédigé la clause 17 qui a remplacé l'article 93 de la Constitution. Cette clause garantissait le maintien des systèmes scolaires de l'époque.
En 1949, il y avait à Terre-Neuve trois écoles adventistes du septième jour dans lesquelles on trouvait 150 élèves et six enseignants. C'est pourquoi nous croyons que notre droit à une éducation appuyée par le gouvernement a été consacré.
En 1968, quatre églises—l'Église anglicane, l'Église unie, l'Armée du Salut et l'Église presbytérienne—se sont unies pour former un nouveau système, le système d'éducation intégré qui regroupait quatre minorités. Ce faisant, elles constituaient une majorité. Aujourd'hui, elles représentent 56 p. 100 de la population de Terre-Neuve.
Les Adventistes du septième jour ont envisagé de s'intégrer à ce système, mais ils ont jugé que cela allait à l'encontre de leur politique qui consiste à administrer, partout dans le monde, si possible, des écoles chrétiennes adventistes du septième jour, et qu'une commission scolaire intégrée ne comblerait pas leurs besoins particuliers.
En 1996, le Parlement a modifié la clause 17. Cette nouvelle clause 17 permettait au gouvernement de Terre-Neuve d'établir des distinctions entre les dépenses d'éducation.
Les articles de l'ancienne loi qui faisaient allusion à un financement non discriminatoire ont été éliminés et, en janvier 1997, toutes les écoles adventistes du septième jour de Terre-Neuve ont été reprises par les commissions scolaires publiques nouvellement créées. Ces écoles ont continué de fonctionner jusqu'en juin de cette année et elles ont fermé leurs portes à la fin de juin. Le financement gouvernemental a pris fin. Les enseignants et les élèves adventistes du septième jour ont été affectés à d'autres écoles.
Un groupe de parents adventistes du septième jour de St. John's ont affirmé que, quoi qu'il arrive, ils voulaient un enseignement chrétien pour leurs enfants. Ces parents se sont réunis et ont examiné de nombreuses options, mais il était absolument impossible d'obtenir un financement gouvernemental.
Ces parents ont formé une nouvelle commission scolaire et ils ont demandé la permission d'ouvrir une école privée. Cette école fonctionne maintenant. Elle est financée pour le tiers par les frais de scolarité et pour les deux tiers par les églises locales et l'Église adventiste du septième jour du Canada. On y trouve une quarantaine d'enfants.
Les Adventistes du septième jour vivent la modification de la clause 17 comme un deuil. La nouvelle clause nous a enlevé quelque chose dont nous étions fiers et qui faisait notre bonheur. Les parents n'étaient pas du tout convaincus que la commission scolaire intégrée peut offrir à leurs enfants l'éducation qu'ils désirent.
• 1540
La nouvelle modification—je crois que le juge Barry a
effectivement statué que le gouvernement de Terre-Neuve, lorsqu'il
a présenté à la Chambre et au Sénat une clause 17 modifiée qui a
été adoptée et lorsqu'il a promulgué un nouveau Department of
Education Act, a fait fi de sa propre loi et de la loi du Canada.
C'est la décision du juge Barry. Le ministère de l'Éducation
n'était pas tenu d'agir en vertu de la loi. Lorsque l'Église
catholique romaine et l'Église pentecôtiste ont demandé une
injonction au tribunal, cette injonction leur a été accordée.
Le gouvernement de Terre-Neuve vous demande maintenant d'adopter la nouvelle clause 17 modifiée. Qu'est-ce qui nous garantit que le gouvernement respectera cette loi plus que les autres?
Nous sommes très déçus de ce qui s'est passé dans le domaine de l'éducation à Terre-Neuve. Nous nous opposons en particulier à la partie de cette loi dans laquelle le gouvernement de Terre-Neuve promet de mettre sur pied un programme d'études religieuses dans les écoles de Terre-Neuve. C'est tout à fait contraire à nos principes. Lorsqu'il se mêle d'éducation religieuse, à notre avis, le gouvernement outrepasse les limites de la Constitution canadienne.
M. Barry Bussey (conseiller juridique, Église adventiste du septième jour, Terre-Neuve et Labrador): Monsieur le président, j'aimerais renvoyer les membres du comité au mémoire que nous vous avons présenté. Je ne veux pas en faire une lecture intégrale, mais je vais faire valoir certains points que nous avançons, en commençant à la page 4.
Essentiellement, nous voulons répondre à certaines critiques. La première concerne le système d'éducation confessionnelle actuel, qui serait anachronique en ce qu'il encourage la division entre les religions et parce que les enseignants sont embauchés et mis à pied en fonction de leur conformisme religieux. L'éducation est une responsabilité provinciale, et le contrôle absolu des écoles, des programmes et de l'enseignement devrait être délégué aux représentants élus qui doivent rendre compte à la population de l'utilisation des recettes fiscales.
Nous répondons à cette critique très simplement. L'éducation confessionnelle n'est pas du tout anachroniste. De fait, nous croyons que le système illustre l'importance du multiculturalisme au Canada. La Cour d'appel de l'Ontario, dans Regina v. Videoflicks, a affirmé que la religion était l'élément vital de toute culture. Nous croyons, compte tenu du fait que le Canada est une société multiculturelle, que l'éducation confessionnelle n'est certainement pas un vestige du passé. C'est un aspect que nous devrions, en tant que société, préserver pour l'avenir.
Par ailleurs, nous sommes d'avis que lorsqu'il s'agit d'enseignement confessionnel, nous, Adventistes du septième jour, nous avons un besoin particulier en raison de notre position en ce qui concerne l'observation du sabbat comme nous la présentent les Écritures. C'est une question qui nous tient à coeur. Très souvent, les membres de notre église éprouvent des difficultés parce que dans les écoles publiques nos élèves peuvent rarement participer aux sports d'équipe et à des activités de ce genre.
Lorsqu'il s'agit d'obtenir des exemptions pour observer le sabbat, je peux vous dire, moi qui ai étudié dans le système terre-neuvien, à l'école secondaire Queen Elizabeth de Conception Bay South, que je n'ai pas réussi à faire partie de l'équipe de ballon-volant parce que je ne pouvais pas jouer le samedi, et je trouve que c'est tout à fait déplorable. Je sais que les choses ont changé. Quoi qu'il en soit, je voulais simplement illustrer ainsi l'importance que présente, à nos yeux, le fait de pouvoir gérer notre propre système scolaire pour que nos élèves puissent participer aux activités. C'était là un aspect très important pour tous nos membres.
• 1545
Nous jugeons donc que cette critique est sans fondement. Dans
une telle situation, nous pouvons revendiquer le droit
d'administrer notre propre système scolaire.
L'autre partie de la question porte sur le financement public. Nous ne contestons pas la notion que le gouvernement devrait rendre compte des fonds qu'il dépense. Toutefois, nous sommes aussi conscients du fait que les membres et les parents qui envoient leurs enfants dans les écoles adventistes du septième jour sont aussi des contribuables. Dans la situation actuelle, comme M. Morgan l'a fait remarquer, nos parents, du moins ceux qui peuvent se le permettre, financent leur propre système scolaire distinct dans la province de Terre-Neuve. Alors que nous avions auparavant cinq écoles, nous n'en avons plus qu'une, à St. John's, fréquentée par une quarantaine d'élèves.
De nombreux autres parents pouvaient autrefois nous aider, surtout les Témoins de Jéhovah, les membres d'autres religions qui envoyaient leurs enfants dans nos écoles. Malheureusement, ils ne sont pas en mesure d'utiliser notre unique école à St. John's parce qu'ils ne peuvent tout simplement pas payer les frais de scolarité.
Je vous ferai remarquer, à la page 8, qu'en chiffres absolus, la commission scolaire des Adventistes du septième jour a reçu 0,24 p. 100 du budget de fonctionnement des écoles de la province. Par ailleurs, on retrouvait dans nos écoles 0,21 p. 100 de l'ensemble de la population étudiante de la province. Là encore, il nous semble que si l'on regarde bien tous les chiffres, le système scolaire que nous avions n'était pas trop onéreux pour le Trésor.
La critique suivante nous est souvent présentée, comme nous le signalons à la page 9, et c'est qu'on ne ferme pas la porte des écoles à Dieu; le christianisme est dans le coeur; et en outre, la proposition du gouvernement garantit l'enseignement de la religion et l'observation des rites religieux. En vertu de ce que le gouvernement propose maintenant dans la nouvelle clause 17, il me semble que ce n'est pas la religion qui sera enseignée mais bien les religions; et cela, comme l'a mentionné M. Morgan, nous y sommes tout à fait opposés.
Il y a certes place pour un enseignement au sujet des religions—nous y sommes favorables et nous le faisons souvent nous-mêmes dans notre propre système scolaire—pour ce qui est des croyances des autres groupes religieux, mais cela ne fournit pas le climat religieux particulier que notre groupe et les membres d'autres religions réclament.
La critique suivante est reprise à la page 12. Ce que l'on ne semble pas comprendre, c'est qu'un droit, garanti ou non par la Constitution, ne peut pas être réduit ou éliminé par l'application régulière de la loi. Que fait-on alors de la démocratie et de la volonté de la majorité? Par ailleurs, nous ne parlons pas de droits individuels, mais plutôt de ce que l'on appelle le droit des groupes religieux à transmettre leur doctrine à leurs enfants aux frais du Trésor.
Notre réponse à cette critique est que chaque fois qu'un membre de notre société et d'une démocratie occidentale obtient un droit, que ce soit un droit de propriété ou un privilège quelconque, et chaque fois qu'un gouvernement cherche à retirer ce droit ou ce privilège, toute notre histoire en témoigne, il y a toujours un dédommagement quelconque. Dans le cas qui nous occupe, aucun dédommagement n'est prévu.
En outre, le droit dont il est ici question, ce privilège que nous avions depuis très longtemps en tant que catégorie de personnes dans la province de Terre-Neuve, nous a été retiré à la suite d'un référendum qui donne une certaine légitimité au processus. De fait, le gouvernement a tenu deux référendums pour justifier l'abolition de ce droit. Je crois que cette façon de faire est sans précédent dans l'histoire du Canada.
• 1550
Il convient de souligner que certains considèrent qu'il s'agit
là de la règle de la majorité; laissons jouer la règle de la
majorité. Il ne faut pas oublier ce que disait un membre imminent
de l'aristocratie française au XVIIIe siècle, Alexis de
Tocqueville, lors d'un voyage en Amérique. L'un des reproches qu'il
adressait à la démocratie américaine, comme il le disait lui-même,
l'une des faiblesses de cette démocratie, était la tyrannie de la
majorité.
Dans ce système, il y avait des freins et des contrepoids à la règle de la majorité. Nous vivons en régime parlementaire, et nous avons maintenant, à mon avis, importé une règle politique des Américains fondée sur les plébiscites et les référendums. Nous nous inquiétons de cette évolution parce qu'en tant que minorité, nous ne pouvons jamais espérer remporter un référendum. Cela est impossible. Nous croyons que le recours au référendum dans le cas qui nous occupe...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Pardonnez-moi de vous interrompre, mais nous avons déjà consacré 20 minutes au mémoire et nous devrions passer bientôt aux questions. Je vous demande donc de clore votre exposé, s'il vous plaît.
M. Barry Bussey: Certainement, je termine immédiatement.
Quoi qu'il en soit, toute cette question du recours au référendum nous préoccupe énormément.
J'aimerais souligner encore deux ou trois autres points qui nous inquiètent, au sujet du Schools Act de 1996. Le premier porte sur l'article 117. Cet article précise que ceux qui enseignent dans des écoles privées—l'expression «école privée» est définie dans la loi, et l'école que nous administrons actuellement tombe sous le coup de cette définition, et nous avons dû demander une autorisation pour l'ouvrir—l'article 117 semble indiquer que tout enseignant qui travaille pour une commission scolaire ou une école privée auxquelles les articles 43 à 49 du Schools Act de 1996 s'appliquent, doit être membre en règle de l'association, la Newfoundland Teachers' Association.
En tant qu'église, nous avons depuis longtemps une position religieuse au sujet de l'appartenance de nos enseignants à la NTA. Auparavant, nos enseignants étaient essentiellement assujettis à la formule Rand, et nous devions faire partie de la NTA, mais nos cotisations syndicales, nos cotisations à la NTA, étaient versées à une oeuvre de charité.
Nous trouvons cet article particulier du Newfoundland Schools Act—et je sais que nous parlons ici de la clause 17, mais c'est une opinion que nous nous devons d'exprimer ici—cet article nous semble particulièrement inadmissible parce que nous sommes une entité religieuse qui administre maintenant des écoles privées et nous croyons que nos enseignants ne devraient pas être tenus d'appartenir à la NTA.
Deuxièmement, au sujet du Schools Act, il semble pour l'instant que nos bâtiments scolaires n'intéressent pas le gouvernement de Terre-Neuve, mais en tant qu'église nous aimerions appuyer la position des Églises pentecôtiste et catholique romaine quant à la façon dont les installations scolaires, bâties grâce à la fois aux fonds publics et... au moins dans notre cas il s'agissait uniquement de fonds privés provenant de notre église. Cette question doit être réglée de façon plus appropriée que ce que prévoit la loi.
Voilà, je vous ai exposé mes commentaires et nos préoccupations.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci, monsieur Bussey. Je vous prie d'excuser mon interruption. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le mémoire que vous et M. Morgan nous avez présenté, mais j'ai une longue liste de personnes qui veulent poser des questions.
Je vais donc passer directement à la période de questions. Monsieur Goldring.
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Vous dites que les Adventistes du septième jour financent leurs propres écoles et les installations. Deux ou trois autres groupes religieux ont eux aussi mentionné qu'ils finançaient leurs propres écoles. Quel pourcentage des installations scolaires financez-vous vous-mêmes, grâce aux contributions de votre groupe? Est-ce que vous connaissez ce pourcentage?
M. George Morgan: Si vous parlez de la situation actuelle, nous avons rouvert une de nos écoles que la commission scolaire d'Avalon East avait fermée. Cette école a été construite entièrement avec les fonds des Adventistes du septième jour; le gouvernement n'y a pas mis un sou.
M. Peter Goldring: C'est donc dire, si nous parlons des coûts de la réorganisation pour mettre en place une structure de commissions scolaires strictement non confessionnelles, qu'il y aura des coûts supplémentaires parce que, maintenant, le système des écoles publiques non confessionnelles doit payer des écoles. Est-ce exact?
M. George Morgan: Oui, mais il n'y aura pas beaucoup de nouvelles écoles à Terre-Neuve dans l'immédiat, parce que la population et l'effectif scolaire déclinent.
M. Peter Goldring: Mais il y aura des coûts supplémentaires.
M. George Morgan: Oui. Les immobilisations étaient déterminées en fonction de la population. Dans les années 80, les Adventistes du septième jour ont construit des installations scolaires d'une valeur d'un million de dollars, et le gouvernement n'y a investi que 80 000 $. Le reste de l'argent est venu de sources adventistes du septième jour.
M. Peter Goldring: On peut donc dire que si le gouvernement devait reprendre toutes les écoles qui ont été construites et financées par le secteur privé, cela entraînerait des dépenses considérables?
M. George Murray: Mais le Department of Education Act précise que toutes les écoles deviennent automatiquement la propriété des nouvelles commissions scolaires au moment de leur création, sans dédommagement.
M. Peter Goldring: Vraiment?
M. George Murray: C'est exact.
Le sénateur William Rompkey (North West River, Labrador, Lib.): Monsieur Morgan, supposons que vous soutenez, à l'heure actuelle, que le gouvernement devrait continuer à financer les écoles adventistes du septième jour, est-ce que vous seriez aussi d'avis qu'il devrait continuer à financer d'autres écoles administrées par divers groupes chrétiens? Par exemple, il y avait de cinq à six mille Moraviens au Labrador, qui n'ont jamais reçu de fonds gouvernementaux et qui n'ont pas d'école à l'heure actuelle. Les écoles deviendront sans doute des écoles autochtones. S'ils avaient des écoles, seriez-vous d'avis que le gouvernement devrait continuer à les financer?
Soutiendriez-vous aussi que le gouvernement devrait continuer à financer les écoles non chrétiennes? Par exemple, il y a entre 1 000 et 1 500 Musulmans à Terre-Neuve et au Labrador. Considérez-vous que le gouvernement devrait financer des écoles musulmanes s'il y en avait?
M. George Morgan: Nous sommes tout à fait satisfaits de l'accord que nous avons conclu avec les gouvernements de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et du Manitoba. Au Manitoba, par exemple, une petite école adventiste du septième jour est financée à parts égales par les frais de scolarité, l'église locale et le gouvernement. Si l'église et les parents ne pouvaient pas fournir leur part, alors la subvention du gouvernement ne serait pas accordée, n'est-ce pas?
Le sénateur William Rompkey: Est-ce que cela vaut pour toutes les églises? Êtes-vous d'avis que toutes les églises devraient pouvoir administrer des écoles financées par l'État si elles veulent les créer.
M. George Morgan: Pourquoi pas? Le gouvernement ferait des économies.
En Colombie-Britannique, on a demandé au premier ministre Harcourt, un an après son élection, s'il allait respecter sa promesse électorale et retirer le financement des écoles publiques. Il a déclaré qu'on ne pouvait pas se le permettre, parce que cette mesure coûterait des millions de dollars. En Colombie-Britannique en effet, le gouvernement assume entre 30 et 80 p. 100 des frais de fonctionnement des écoles, mais n'y engage aucun capital. Il y a probablement 10 000 élèves adventistes du septième jour en Colombie-Britannique, et les écoles reçoivent des subventions gouvernementales.
Le gouvernement fait des économies dans ces provinces parce qu'il finance en partie les écoles chrétiennes.
Le président: Le sénateur Rompkey veut ajouter quelque chose.
Le sénateur William Rompkey: J'ai une question à poser à M. Bussey, qui parlait de l'observation du sabbat et qui déplorait ne pas avoir fait partie de l'équipe de ballon-volant qui jouait le jour du sabbat. À mon avis, les Juifs auraient eu le même problème.
Est-ce que ce problème ne serait pas facile à résoudre en vertu de la nouvelle clause 17, puisque les parents pourront à l'avenir exiger l'observation des rites religieux dans les écoles—désolé, mais ces élèves ont la «possibilité»; ils n'ont pas le «droit»—et cela sera inscrit dans la Constitution, de demander que les rites religieux soient respectés dans les écoles. Est-ce que cela ne donne pas aux parents adventistes du septième jour plus de possibilités qu'auparavant dans le système scolaire public?
M. Barry Bussey: Dans mon cas, je fréquentais le système scolaire intégré. Ce que je disais, c'est qu'en fait vous auriez plus de possibilités dans un système scolaire adventiste du septième jour en raison de la nature du programme qui serait offert.
Dans mon cas, en dixième année, j'ai fréquenté une école privée des Adventistes du septième jour ici, en Ontario, et c'est parce que j'habitais si loin d'une école adventiste à Terre-Neuve que cette solution était la seule possible.
Vous vous demandez si cela vaudrait mieux. Je vous réponds que c'est selon. Lorsqu'il y a une majorité de personnes qui gèrent un programme—dans notre exemple, une activité sportive—il faut jouer lorsque la majorité joue. Dans ce cas particulier, même si les tournois se déroulaient non seulement le samedi mais aussi en semaine, quand je pouvais y participer, je ne pouvais pas faire partie de l'équipe tout simplement parce que je ne pouvais pas jouer le samedi.
Je ne suis pas certain que le problème serait moins prononcé dans ce nouveau système public, simplement parce que la règle de la majorité s'applique.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci, monsieur le sénateur.
Le sénateur Doody, puis le sénateur Murray.
Le sénateur William C. Doody (Harbour Main-Bell Island, PC): Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à l'un ou l'autre de nos invités. Je sais qu'ils connaissent tous les deux à fond le système d'éducation de Terre-Neuve.
Si je me souviens bien, avant la modification précédente de la clause 17 il y avait trois—ou est-ce cinq—écoles adventistes du septième jour.
M. George Morgan: Il y en avait sept en 1991, et nous en avons fermé deux petites. Il en restait cinq juste avant la modification de la clause 17.
Le sénateur William Doody: Ces écoles accueillaient des élèves d'autres religions, n'est-ce pas?
M. George Morgan: Environ 75 p. 100 des élèves n'étaient pas des Adventistes du septième jour. La plupart étaient des Témoins de Jéhovah, des Mormons et des membres d'autres groupes religieux. De sept à neuf religions distinctes étaient représentées dans chaque classe.
Le sénateur William Doody: Le système était donc multiconfessionnel.
M. George Morgan: Il était multiconfessionnel et extrêmement tolérant. Les enfants de toutes ces confessions, dont certains membres des grandes églises, ont vraiment aimé fréquenter une école où on manifestait autant de tolérance à l'égard des croyances de chacun.
Le sénateur William Doody: Sous le nouveau régime, il vous reste une école.
M. George Morgan: Une école.
Le sénateur William Doody: Qui compte 46 élèves.
M. George Morgan: Non, 42, dont quatre ne sont pas des Adventistes du septième jour. La proportion n'est plus que de 10 p. 100 maintenant plutôt que de 70 p. 100.
Le sénateur William Doody: Bien, 10 p. 100 d'entre eux ne sont pas des Adventistes du septième jour. Vous aviez autrefois une école multiconfessionnelle, vous n'avez plus qu'une école confessionnelle, ou peu s'en faut.
M. George Morgan: En effet, la plupart des parents ne peuvent tout simplement pas payer les frais de scolarité.
Le sénateur William Doody: Les efforts en vue de transformer un système multiconfessionnel en un système encore plus large ont eu l'effet contraire dans votre cas. Vous avez maintenant une école confessionnelle, ce que vous n'avez jamais eu auparavant.
M. George Morgan: En effet.
Le sénateur William Doody: Et c'est l'expérience passée.
M. George Morgan: Eh bien, nous avons bouclé la boucle depuis 1912.
Le sénateur William Doody: Je le sais. C'est le progrès.
Merci.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur Morgan.
Sénateur Murray, nous vous écoutons.
Le sénateur Lowell Murray (Pakenham, PC): Les témoins ont mentionné que des droits étaient abolis sans dédommagement.
Cela me porte à vous demander si vous avez touché une indemnité qui aurait atténué, pour vous, l'effet de la modification proposée, ou est-ce que l'on a parlé de dédommagement dans le contexte de l'expropriation apparente des installations scolaires?
M. George Morgan: Non. Je crois que cette allusion visait la Constitution.
Par exemple, lorsque le chemin de fer de Terre-Neuve a disparu et que le gouvernement Peckford a conclu une entente avec le gouvernement de l'époque à Ottawa, on avait convenu que la voie ferrée qui était protégée par la Constitution disparaîtrait, que les rails seraient enlevés, etc., mais que Terre-Neuve toucherait 15 millions de dollars par année pendant 15 ans pour reconstruire la transcanadienne. C'était une indemnité. De cette façon, il y avait accord entre les deux parties au sujet de la Constitution.
• 1605
Dans le cas qui nous occupe, les parties n'ont conclu aucune
entente basée sur la Constitution. Une majorité de 55 p. 100 des
participants au premier référendum a imposé sa volonté à 45 p. 100
de la population. J'ai l'impression que si Adolf Hitler, en 1938,
avait tenu un référendum au sujet du problème juif il n'aurait eu
aucune difficulté à obtenir 55 p. 100 ou 70 p. 100 des voix. C'est
ce que je pense.
Lors d'un référendum, le libellé de la question est un élément crucial.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je crois que nous allons nous abstenir de commenter les opinions. Je me contenterai de dire que le président respecte tous les membres du comité.
Sénateur Murray, avez-vous une autre question à poser?
Le sénateur Lowell Murray: J'ai posé ma question.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Madame Finestone, si vous avez une question, nous l'entendrons avec plaisir.
Sénateur Kinsella.
Le sénateur Noël A. Kinsella (Fredericton-York-Sunbury, PC): Merci, monsieur le président.
Je veux situer un peu l'alinéa 17(2), qui propose que l'assemblée législative ait compétence exclusive en matière d'éducation à Terre-Neuve et au Labrador mais que la province offre un cours d'enseignement religieux.
Ma question est la suivante, est-ce que les membres de votre congrégation craignent qu'un programme d'instruction religieuse, même si l'on a la ferme intention de veiller à traiter uniquement de religion en général, mais parce qu'il s'agit d'un cours parrainé par le gouvernement, avec toute la puissance de l'État derrière le programme, ne nuise à un enseignement religieux proposé par votre groupe?
M. George Morgan: À nos yeux, un programme d'éducation religieuse doit reposer sur la Bible. Nos enfants apprennent les Saintes Écritures, ils les mémorisent, ils consacrent une heure par jour à en discuter. Ce que le gouvernement de Terre-Neuve mettra sur pied ne présente pas les Saintes Écritures parce que le programme doit être non confessionnel. Ce ne sera même pas un programme chrétien.
Actuellement et depuis plus de 50 ans, le Schools Act de Terre-Neuve contient l'article 10, qui stipule que tout parent peut s'adresser au directeur de l'école et demander que son enfant soit exempté des cours et des pratiques liés à la religion. La loi le prévoit, mais pas la Constitution. La Constitution donne au gouvernement le pouvoir d'offrir aux enfants des cours de religion, mais la loi provinciale prévoit l'exemption, et cela peut être changé n'importe quand par l'assemblée législative.
Le sénateur Noël Kinsella: Ma question supplémentaire est la suivante. Si l'État enseigne la religion, ce fait, le fait que la puissance de l'État et l'autorité de l'État sous-tendent ce cours d'examen des questions religieuses... Est-ce que cela, en soi, menace le fondement théologique des Adventistes du septième jour en matière de religion?
M. George Morgan: Je crois qu'en effet cela présente une menace pour la foi de nos enfants.
Le sénateur Noël Kinsella: Est-ce que vous me dites que cela serait possible?
M. George Morgan: Cela serait possible.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Je donne maintenant la parole à monsieur DeVillers, puis à monsieur McGuire.
M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président, messieurs.
Je m'arrête à la deuxième rubrique de votre mémoire, à la partie où vous traitez de l'Église adventiste du septième jour et de la minorité, toute la question des droits des minorités et des rapports majorité-minorité. Ce dont il est question ici, c'est d'une demande présentée par la province de Terre-Neuve en vue d'apporter à la Constitution une modification qui aurait pour effet d'abolir des droits confessionnels. Si nous regardons qui a des droits confessionnels à Terre-Neuve, nous constatons qu'en tout, environ 96 p. 100 de la population peut s'en prévaloir et qu'environ 4 p. 100, par conséquent, n'en ont pas. Donc, dans le rapport traditionnel minorité-majorité, c'est ce que je vois. La minorité est formée des quatre pour cent de la population qui n'ont pas ce droit, pourtant vous considérez qu'il faut tenir compte de tout le groupe qui a ces droits, puis le diviser. Est-ce bien votre position?
M. George Morgan: Si l'on veut.
Nous avons parlé au nom des autres minorités à diverses occasions. Nous détenions des droits minoritaires parce que nous gérions trois écoles en 1949. Ces droits ont disparu, ils ont été abolis par la première modification de la clause 17.
Nous nous inquiétons des droits des minorités religieuses dans cette nouvelle version de la loi, en raison de l'imposition d'un programme d'enseignement religieux conçu par le gouvernement. Et je crois que je parle au nom des Témoins de Jéhovah, des Mormons, des Cristaldelphiens et de toutes les personnes avec qui je suis allé à l'école et de celles qui fréquentent des écoles adventistes du septième jour depuis 70 ans.
M. Paul DeVillers: C'est donc la mise en oeuvre du nouveau régime, le nouveau règlement.
M. George Morgan: En effet.
M. Barry Bussey: Par ailleurs, il faut ajouter que la jurisprudence est très claire au sujet du droit accordé à une catégorie de personnes. Il est évident qu'il y a à Terre-Neuve un important groupe de personnes qui possèdent ces droits mais qui sont disposées à y renoncer. Évidemment, nous faisons valoir qu'il existe une minorité de ces personnes qui refusent de renoncer à ces droits.
M. Paul DeVillers: C'est vrai.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Écoutons maintenant monsieur McGuire, puis monsieur Pagtakhan.
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai une question à poser à M. Morgan. Je me demandais quelles dispositions ont été prises dans les autres provinces en ce qui concerne les écoles destinées aux personnes de votre confession. Est-ce que les écoles sont privées ou est-ce que vous fréquentez les écoles publiques? Qu'est-ce qui serait différent, à Terre-Neuve, si la nouvelle clause 17 était mise en oeuvre?
M. George Morgan: Nous avons des écoles dans les dix provinces. Le financement gouvernemental aujourd'hui nous est offert uniquement en Colombie-Britannique, en Alberta et au Manitoba. Dans les autres provinces, les écoles sont entièrement financées par l'église et les parents, mais si les enfants vivent dans une ville où il n'y a pas suffisamment d'Adventistes pour financer une école, ils doivent aller à l'école publique. Il n'y a pas d'enseignement religieux dans les écoles publiques des autres provinces, le problème ne se pose donc pas.
Pour ce qui est des pratiques religieuses, en effet, cela soulève toujours des difficultés parce que tant d'activités sont organisées le vendredi et le samedi, quand les enfants adventistes du septième jour ne peuvent pas y participer. Précédemment, quelqu'un a mentionné les Juifs. Eh bien, je suis allé à l'école avec des Juifs à St. John's. En général, les femmes observaient le sabbat, mais les hommes et les garçons n'étaient pas tenus de le faire. Dans le cas des Adventistes, toute la famille se réunit pour observer le sabbat chaque semaine.
M. Joe McGuire: Alors maintenant, en vertu de la nouvelle clause 17 à Terre-Neuve, quelles solutions de rechange s'offrent à vous?
M. George Morgan: Eh bien, 450 Adventistes du septième jour vivent dans des villes où ils sont trop peu nombreux pour supporter une école, alors les enfants iront à l'école publique, conformément à la nouvelle clause 17, et je m'en inquiète. Les Adventistes même sont inquiets de ce que leurs enfants recevront un enseignement dont ils ne veulent pas. Comme je l'ai dit, ils peuvent demander une exemption d'enseignement religieux en vertu de l'actuel Department of Education Act, mais cela n'est pas garanti par la Constitution, uniquement par la loi.
M. Joe McGuire: Mais ne peuvent-ils pas demander une exemption en vertu de la nouvelle clause 17?
M. George Morgan: Oui, dans la mesure où le gouvernement de Terre-Neuve n'abolit pas cet article de la loi.
M. Joe McGuire: Est-ce que vous entrevoyez la possibilité d'autres discussions avec le gouvernement provincial si la nouvelle clause 17 est adoptée? Est-ce que vous pouvez faire autre chose que de fonder vos propres écoles?
M. George Morgan: Non, aucune disposition ne le prévoit. De fait, nous avons déjà rompu tout contact avec le gouvernement. Nous avons été écartés le 1er janvier de l'an dernier. Nos enseignants sont devenus des enseignants des écoles publiques et nos écoles ont été administrées pendant six mois par les commissions scolaires dans lesquelles elles se trouvaient.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Monsieur Pagtakhan.
M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg Nord—St. Paul, Lib.): Ma question porte sur un aspect particulier, parce que vous avez à plusieurs reprises utilisé les termes «coercition» ou «contrainte». Honnêtement, j'ai de la difficulté à comprendre que vous en arriviez à cette conclusion alors le processus comprenait un référendum. Ce n'est peut-être pas l'idéal auquel vous aspirez. La mesure a été adoptée à l'unanimité par l'assemblée législative. Le résultat ne vous plaît peut-être pas. La motion est maintenant présentée au Parlement du Canada. Nous ne connaissons pas l'issue de nos délibérations. Comment pouvez-vous être certain qu'il s'agit de coercition alors que nous avons suivi tous les processus reconnus en démocratie?
M. Barry Bussey: Si vous me le permettez, je vais répondre à cette question.
Nous parlons d'un groupe de membres de notre congrégation qui compte environ 700 adultes dans la province de Terre-Neuve. Vous vous demandez, parce qu'il y a eu un référendum, parce que nous avons respecté le processus applicable à la formule de modification, etc., s'il peut vraiment y avoir coercition. Eh bien, nous sommes devant vous et nous affirmons que nos membres n'ont pas accepté cette formule ni ce changement. Si le comité le souhaite, nous avons des listes de membres et nous pouvons demander à tous nos membres de signer une pétition en ce sens, et je me permets de vous dire qu'une majorité de ces personnes seraient contre, elles ne voudraient pas renoncer à leurs droits.
Il faut bien l'admettre, ce petit groupe, cette petite minorité, a perdu un droit. On peut parler de coercition lorsque l'on nous impose quelque chose que nous n'avons pas accepté. C'est pourquoi nous utilisons cette expression. Le processus semble fort équitable, mais il repose sur la règle de la majorité. C'est la règle de la démocratie.
M. Rey Pagtakhan: Je comprends que la démocratie est la règle de la majorité, mais compte tenu des préoccupations de la minorité. Ce que je vois dans la modification jusqu'à maintenant est une combinaison de ces deux aspects. De fait, le projet témoigne du génie du Canada lorsqu'il s'agit de concilier la situation que l'on connaissait en 1947 et la réalité actuelle, en 1997. De toute évidence, les choses ont changé.
Je vous demande donc ce qui suit: Supposons un instant que vous êtes satisfaits du processus référendaire, satisfaits de l'assemblée législative, satisfaits de la recommandation présentée par un comité et voulant que, sur la foi de cette hypothèse, le projet aille de l'avant et que l'on appuie l'assemblée législative de Terre-neuve et du Labrador—supposons que c'est là le résultat auquel nous parvenons et que tout est fait dans les règles—est-ce que vous seriez encore contre le projet sous prétexte que les droits confessionnels ont été violés?
M. Barry Bussey: Il est incontestable qu'ils ont été violés, ils l'ont sûrement été. Vous avez appliqué le processus et vous avez maintenant aboli des droits confessionnels, et cela constitue certainement une violation.
Je crois en outre que si le gouvernement se souciait d'au moins paraître écouter les arguments que nous avons présentés, nous avons indiqué à deux reprises au gouvernement de Terre-Neuve que nous ne demanderions pas plus que le coût moyen par élève dans les écoles confessionnelles. Autrement dit, s'il en coûte 500 $ par année pour assurer l'éducation d'un élève à Terre-Neuve, nous serions heureux d'accepter ce montant pour faire fonctionner notre propre système. À notre avis, cela reviendrait à reconnaître notre préoccupation et manifesterait aussi un certain respect à notre endroit, compte tenu du droit que nous venons de perdre.
Une voix: Si je peux ajouter...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je n'ai pas d'autres noms sur ma liste, alors, monsieur Doyle, allez-y, puis nous reviendrons à vous, Rey.
M. Norman Doyle (St. John's East, PC): Je veux simplement revenir à la page 13 de votre mémoire, et je veux vous donner l'occasion de préciser votre pensée. Vous affirmez:
-
Les minorités n'ont pas consenti à la modification. Mentionnons
pour mémoire que les Adventistes du septième jour de Terre-Neuve
n'ont pas consenti à ce qu'un droit protégé par la Constitution
soit aboli. Quoi que le gouvernement en dise, nous n'avons pas
donné notre consentement.
Il a été dit il y a un instant que nous avions tenu un référendum, et on nous répète sans cesse que certaines minorités ont renoncé à leurs droits. Mais est-ce que vous nous affirmez que vous parlez, dans vos déclarations, au nom de toute votre communauté et que vous nous communiquez adéquatement ses points de vue.
M. Barry Bussey: C'est indéniable—d'ailleurs, George, voulez-vous répondre à cette question? En effet, George a été spécifiquement désigné pour comparaître ici aujourd'hui.
M. George Morgan: Vous parlez de consentement unanime à l'assemblée législative, etc., mais l'une des étapes du processus de fermeture des écoles consistait, pour tous les parents de Terre-Neuve, à remplir des formulaires pour inscrire leurs enfants en prévision de l'année scolaire 1997-1998. Il ne s'agissait pas d'un référendum, mais d'une déclaration de préférence.
Les parents de 82 p. 100 des élèves dans les écoles adventistes du septième jour—c'est-à-dire des parents de nombreuses confessions—ont demandé que leurs enfants reçoivent l'enseignement des Adventistes du septième jour cette année. Pourtant, la commission scolaire a donné comme résultat 0,031 p. 100 de la population d'East Avalon. Personne à Trepassey, un secteur à 99 p. 100 de religion catholique irlandaise, n'a choisi d'envoyer son enfant dans une école adventiste du septième jour, personne à Ferryland, personne à St. Mary's, etc., tout le long de cette côte.
J'ai vu les formulaires de la commission scolaire d'Avalon East. Ils montraient que dans seulement deux écoles, les deux écoles adventistes du septième jour, l'école élémentaire et l'école secondaire, les parents avaient exprimé l'intention d'envoyer leurs enfants suivre un enseignement adventiste, mais 82 p. 100 d'entre eux l'ont fait. Ceux qui suivaient déjà cet enseignement en étaient très satisfaits et souhaitaient le continuer, mais l'école a fermé.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Monsieur Pagtakhan, nous avons le temps de poser une brève question.
M. Rey Pagtakhan: Vous avez aussi parlé dans votre mémoire du caractère multiculturel du pays. Vous indiquiez dans l'un des cas que vous avez cités que la religion constitue un élément vital de toute culture.
Supposons qu'il y a effectivement 15 ou 20 groupes ethnoculturels à Terre-Neuve—ce nombre n'est peut-être pas exact aujourd'hui—et que chacun demande un système scolaire distinct, à quel point vous arrêterez-vous puisqu'il faut bien avoir un programme commun pour tous qui sera pluraliste de nature tout en permettant la prolifération des cours de religion et, par le fait même, en améliorant le tissu multiculturel du pays?
M. Barry Bussey: Je suis désolé, je ne comprends pas votre question.
M. Rey Pagtakhan: Autrement dit, je vois que vous concluez que le patrimoine multiculturel du Canada est appauvri par la modification proposée. Je suis convaincu qu'en fait, c'est tout le contraire qui se produit. Il ne serait pas pratique de reconnaître autant de systèmes d'éducation qu'il y a de groupes culturels dans une région quelconque du pays. N'êtes-vous pas d'accord avec moi à ce sujet?
M. Barry Bussey: Nous abordons maintenant l'aspect philosophique du multiculturalisme. Dans d'autres régions du pays, notre église, en collaboration avec d'autres confessions, comme l'a tout juste mentionné M. Morgan... Des gouvernements provinciaux accordent des fonds aux petits groupes, aux groupes confessionnels, comme nous l'avons dit—la Colombie-Britannique, l'Alberta, etc. À Terre-Neuve, on nous dit qu'il doit y avoir un seul système.
• 1625
Qu'est-ce qui donne la meilleure combinaison multiculturelle:
le système en vigueur en Alberta et en Colombie-Britannique ou le
système proposé à Terre-Neuve, c'est-à-dire un système scolaire
unique? Qu'est-ce qui servirait le mieux le multiculturalisme? Nous
croyons que la situation en Colombie-Britannique et en Alberta est
préférable, parce que les divers groupes sont en mesure de
maintenir leur identité propre.
M. Rey Pagtakhan: Monsieur le président, j'aimerais ajouter un commentaire. Votre groupe conteste dans ce mémoire la position du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador. Évidemment, je suis certain que les politiciens en place sont sensibles à la réalité d'aujourd'hui.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Puisqu'il n'y a pas d'autres questions, je vais remercier chaleureusement nos deux témoins. Nous sommes conscients du fait que vous êtes venus de loin. Encore une fois, au nom de mes collègues du comité, merci d'être venus comparaître devant nous. Nous vous remercions de votre témoignage.
Sans plus tarder, j'aimerais demander aux représentants du Pentecostal Parents Action Committee de s'avancer. M. Randy King, le président, devait comparaître, mais j'ai le regret de vous apprendre qu'en raison d'un décès dans sa famille, M. King ne peut se joindre à nous aujourd'hui.
M. Ron Mosher le remplace. Nous accueillons également Sharron Collins, secrétaire du comité. Je demande à ces deux témoins de bien vouloir se présenter.
Merci beaucoup, madame Collins et monsieur Mosher, d'avoir accepté de venir témoigner devant le comité. Comme vous le savez, nous avons 60 minutes. Une partie de cette période sera consacrée à votre mémoire, puis nous passerons aux questions. Je vous demande d'exposer assez brièvement la teneur de votre mémoire, pour que nous puissions poser des questions et écouter vos réponses. Nous sommes impatients d'entendre votre témoignage. Nous vous écoutons.
Mme Sharron Collins (secrétaire, Pentecostal Parents Action Committee): Nous vous remercions de nous donner cette occasion d'exprimer nos opinions. Je crois que vous avez tous reçu notre mémoire. La chose n'était pas tout à fait certaine lorsque nous sommes arrivés.
J'aimerais préciser à votre intention que nous représentons le Pentecostal Parents Action Committee, un comité spécial local. Nous représentons trois écoles de la région Grand Falls-Windsor-Bishops Falls, dans le centre de Terre-Neuve.
Toutefois, pour venir à cette audience, nous nous sommes regroupés. Nous parlons aujourd'hui au nom des parents de 16 écoles situées entre Deer Lake et New World Island, pour que tous puissent se faire entendre et pour vous éviter de devoir écouter 16 exposés différents. Aux fins de notre mémoire, nous parlons au nom d'environ 3 000 élèves. Ces 3 000 élèves comprennent des enfants du jardin à la 12e année. Cela correspond à environ la moitié de la population étudiante pentecôtiste de toutes les écoles pentecôtistes dans l'île et au Labrador.
• 1630
Lorsque nous parlons des élèves pentecôtistes dans les écoles
pentecôtistes, vous vous demandez peut-être ce qu'il en est des
élèves pentecôtistes qui ne fréquentent pas l'école pentecôtiste.
D'après ce que nous venons d'entendre, je suis certaine que cette
question doit vous venir à l'esprit.
Les élèves pentecôtistes qui n'ont pas accès à des écoles pentecôtistes habitent les régions éloignées. Ils ne sont pas suffisamment nombreux pour justifier une école pentecôtiste.
Nous tenons simplement à souligner que nous ne demandons pas d'écoles du dimanche. Nous ne voulons pas 10 ou 12 élèves dans une école. Nous sommes bien conscients du facteur coût et nous sommes parfaitement conscients du fait qu'une école doit être viable, dans l'intérêt de nos propres enfants, pas seulement dans l'intérêt des écoles. Nous avons besoin d'écoles de qualité.
J'ai moi-même beaucoup en jeu. J'ai deux enfants, un au jardin et l'autre en 2e année, qui commencent à peine l'expérience scolaire. Je parle en tant que parent et au nom de tous les parents de la région que nous représentons.
D'autres élèves fréquentent des écoles multiconfessionnelles. On ne vous en a peut-être pas encore parlé. Les écoles multiconfessionnelles sont des écoles qui acceptent toutes les confessions. Elles sont intégrées par nature, mais leur personnel est composé, de façon proportionnelle, de représentants de tous les groupes religieux auxquels appartiennent les enfants de l'école. De nombreux Pentecôtistes sont représentés dans des écoles non pentecôtistes grâce à des ententes de services communs.
En outre, à l'heure actuelle, nous avons le droit d'exposer les préoccupations d'un enfant pentecôtiste directement au gouvernement, c'est un droit que nous avons en vertu de la Constitution, parce que nous faisons partie d'une catégorie de personnes. L'école que fréquente cet enfant importe peu. Ce dont nous parlons maintenant, c'est de nos droits qui sont abolis, qui sont retirés de la Constitution, de telle sorte que nous n'avons plus de droits. Qu'il s'agisse d'écoles pentecôtistes, d'écoles interconfessionnelles, quoi que ce soit, ce droit disparaît dans la clause 17 proposée. Voilà certaines de nos préoccupations.
En tant que catégorie de personnes, les parents pentecôtistes veulent maintenir l'influence chrétienne, et non pas seulement l'influence religieuse.
Comme vous l'avez déjà vu dans notre mémoire, nous avons tenté de montrer que les parents pentecôtistes participaient à l'éducation de leurs enfants à Terre-Neuve depuis la création des écoles confessionnelles, dans les années 30. Nombre des premières écoles ont été construites par des parents et des Pentecôtistes dévoués, avec leur propre argent, à leurs propres frais. À l'époque, cela était nécessaire. Les assemblées pentecôtistes ont décidé d'aider les parents en administrant des écoles communautaires, parce que nous n'étions pas reconnus par le gouvernement aux fins de l'éducation.
Il n'y avait pas de route; nous parlons de régions très rurales. Il fallait construire des écoles. Nous ne nous sommes pas engagés dans ce secteur pour le plaisir; nous y avons en quelque sorte été forcés. Après avoir fait cela et travaillé dans ce but et consacré notre temps et nos efforts à cet objectif, nous croyons toujours que puisque nous avons fait tout cela, puisque nous avons montré que nous étions parfaitement capables d'administrer des écoles et que nous avions des droits garantis par la Constitution, nous voulons continuer à exercer ces droits.
Les écoles que nous représentons sont parmi les plus anciennes écoles pentecôtistes. Dans l'annexe A, à la fin de notre mémoire, vous pouvez voir une liste de toutes les écoles que nous représentons. Il y a en outre trois districts scolaires.
À l'annexe B, vous constatez que nous ne nous sommes pas contentés de parler, nous avons aussi investi. Nous voulons nos écoles. Nous savons ce que coûtent les écoles. Nous voulons un programme parfaitement viable pour nos enfants. Nous ne voulons pas d'une éducation de deuxième ordre. Nous avons investi de l'argent, je le répète, dans une cause à laquelle nous croyons. Dans l'annexe B, vous constatez que les contributions au titre des frais de fonctionnement au cours d'une période de dix ans dépassent les 500 000 $.
• 1635
Deux pages plus loin, toujours à l'annexe B, les contributions
d'immobilisation s'élèvent à près de quatre millions de dollars
pour une période de dix ans. Nous ne sommes pas riches. Vous savez
bien que Terre-Neuve n'est pas une province particulièrement
prospère, mais je crois que cela montre bien notre détermination à
l'égard de ce que nous avons, et nous étions prêts à contribuer, à
nous sacrifier pour maintenir un système dans lequel nous croyons.
Parce ces chiffres datent déjà un peu, nous allons vous donner l'exemple de deux écoles qui se trouvent dans la ville où nous habitons, l'école élémentaire et l'école secondaire de Grand Falls-Windsor. Au cours des dix dernières années, jusqu'en 1996, 1 727 871 $ ont été investis dans ces deux installations scolaires. Nous parlons d'un groupe d'environ 800 personnes, des membres de ces deux églises, qui ont consenti un tel investissement. Nous sommes profondément engagés à l'égard de nos écoles.
Maintenant, pour que vous ne puissiez pas vous lasser du son de ma voix, je vais céder la parole à Ron qui va vous expliquer certains des autres aspects de la question, puis j'ajouterai quelques mots.
M. Ron Mosher (Pentecostal Parents Action Committee): Si vous suivez bien notre mémoire, vous constaterez que nous ne nous en tenons pas strictement au texte qui s'y trouve.
À la suite du même processus, à la page 5, nous décrivons notre vision chrétienne du monde et notre responsabilité en ce qui concerne l'éducation de nos enfants. Je vais résumer ce passage en déclarant qu'à titre de parents pentecôtistes nous croyons, d'après les Écritures, que la Bible définit clairement la responsabilité première des parents en ce qui concerne l'éducation des enfants. C'est pourquoi nous souhaitons un système scolaire qui complète le foyer et l'église et qui offre une vision du monde identique à celle des parents et que nous voulons voir inculquer à nos enfants.
La notion même d'une éducation neutre sur le plan religieux est un mythe, parce que toute vision du monde découle du fondement philosophique d'une personne. Nous sommes des Pentecôtistes et nous croyons qu'un système confessionnel nous permet de fonder l'éducation de nos enfants sur notre philosophie chrétienne de la vie.
Nous croyons qu'il existe à Terre-Neuve, ces dernières années, depuis le rapport de la Commission royale, un désaccord au sujet de la philosophie de l'éducation, un conflit d'idéologies, si vous préférez. Ce désaccord, ces dissensions, ne sont pas nouveaux. Ils caractérisent le milieu scolaire à Terre-Neuve depuis une vingtaine d'années, parce que diverses confessions avaient des griefs précis ou des principes spécifiques de fonctionnement, il y a eu des questions et des préoccupations qui se sont présentées et qui s'opposaient. Nous venons d'entendre, par exemple, le mémoire des Adventistes du septième jour touchant certains de leurs principes et croyances.
Nous avons aussi des différends au sujet de nos philosophies pour ce qui est des questions de programme, en particulier des programmes de sciences et des programmes fondés sur les valeurs, par exemple les programmes de santé, les études sociales et l'éducation familiale. Nous avons même connu des différences d'opinions touchant nos enseignants en tant que groupe par rapport à la négociation collective dans les années 70, 80 et 90, en particulier dans les cas où nous avions des grèves des enseignants dans la province, alors que les enseignants pentecôtistes refusaient de faire la grève, par principe. Par conséquent, il y a eu un conflit.
Par le passé, pour ce qui est de notre reconnaissance, nous avons été officiellement reconnus en 1954, lorsque nous avons commencé à être traités sur le même pied que d'autres responsables de l'éducation, et à partir de ce moment nos écoles ont connu une expansion rapide. De fait, nous sommes passés de 13 écoles comptant 750 élèves en 1954 à 53 écoles et à un effectif étudiant de 5 174 élèves en 1968, en seulement 14 ans. Ces droits correspondaient aux droits enchâssés dans la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada. Mais il a fallu attendre jusqu'en 1987 pour que le Parlement du Canada, à la suite de l'approbation de l'assemblée législative de Terre-Neuve, renumérote le texte de la clause 17 pour accorder les mêmes droits aux Pentecôtistes.
• 1640
Nous croyons que la clause 17, au départ, ne visait pas à
lever pour Terre-Neuve l'obligation créée par l'article 93 de la
Constitution, mais bien à définir plus clairement cette obligation.
Cependant, dans la nouvelle clause 17 que l'on vous propose maintenant, nous croyons que le gouvernement de Terre-Neuve tente de se dérober entièrement à ses obligations, ce qui signifie que l'article 93 doit être envisagé en fonction de ce qui se fait quant à la façon dont les droits des enfants de Terre-Neuve seront touchés par rapport aux droits des autres élèves dans d'autres provinces, en particulier si l'on tient compte du fait que les Pentecôtistes ont clairement exprimé dans le cadre du scrutin, des sondages et dans ce genre de consultations populaires, qu'ils ne voulaient pas renoncer à leurs droits dans le domaine de l'éducation. De fait, dans une analyse par district des résultats du dernier référendum, il a été démontré que les Pentecôtistes avaient voté «non» au référendum à près de 83 p. 100.
Dans le Evening Telegram de St. John's, le week-end dernier, paraissait un article de Mark Graesser, un politicologue de l'Université Memorial, qui affirmait aussi que près de 70 p. 100 des Pentecôtistes avaient voté «non» au référendum.
Il est donc bien clair que les Pentecôtistes, en tant que catégorie de personnes, étaient en faveur du maintien de leurs droits.
Lorsque l'honorable Stéphane Dion vous a présenté son exposé, il a soutenu que puisque la majorité s'était prononcée en faveur de la résolution, la modification devrait être acceptée. Toutefois, nous croyons évident qu'une majorité respectable—de 70 p. 100 à 90 p. 100 d'après nous—des Pentecôtistes se sont prononcés contre la modification, contre l'abolition de leurs droits dans le domaine de l'éducation. Nous formons seulement 7,1 p. 100 de la population, nous sommes une petite minorité, mais nous demeurons des citoyens et des parents—je veux que l'on me comprenne bien—préoccupés de l'avenir de leurs enfants. Et maintenant, qui veillera à ce que leurs droits soient protégés lorsque vous passerez aux voix?
C'est à vous, députés et sénateurs, qu'incombe la responsabilité de veiller à ce que nos droits soient maintenus. Nous croyons que cela manifeste clairement que les Pentecôtistes n'ont pas renoncé à leur droit à l'enseignement confessionnel lors du dernier référendum. Nous affirmons que le processus était injuste et nous vous demandons de nous protéger.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Mme Sharron Collins: J'ai encore un mot à ajouter pour clore notre exposé.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je vous en prie.
Mme Sharron Collins: Nous avons d'autres statistiques à vous présenter s'il vous faut plus d'informations, d'autres sondages appuient nos affirmations.
Avant de terminer notre exposé et avant que Ron ne récapitule brièvement notre position à votre intention, je veux vous expliquer ce qui s'est produit, en particulier, depuis le mois de janvier. Depuis janvier, c'est la douche écossaise dans les écoles pentecôtistes. Je parlerai surtout du district scolaire no 5, parce que la plupart des bouleversements se sont produits dans ce district. Les exemples que je vais vous donner proviennent de ce district.
En 1992, une commission royale sur l'éducation a été créée. Cette commission royale a recommandé l'abolition des droits confessionnels même si 91 p. 100 des témoins qui se sont présentés devant elle préconisaient le maintien de l'enseignement confessionnel. On s'explique mal pourquoi cette décision a été prise, mais 91 p. 100 des intervenants étaient en faveur du maintien des écoles. En 1995, un référendum a été tenu, et nous en connaissons tous l'issue.
En janvier 1997, des commissions scolaires ont été créées. Le gouvernement est allé de l'avant et a mis en oeuvre la clause 17. La clause 17 a été adoptée par l'assemblée législative seulement en avril, mais en janvier déjà les autorités commençaient à la mettre en oeuvre malgré tout. C'était la première étape. On a d'abord formé ces commissions scolaires. Si vous lisez la clause 17, vous constatez que les responsables des commissions scolaires doivent être élus. Le gouvernement a donc violé dès la première étape la clause 17 qu'il préconisait.
En février 1997, un processus d'inscription a eu lieu. Les Adventistes du septième jour vous ont déjà parlé un peu de ce processus. Vous pouviez faire état de vos préférences concernant l'école que fréquenterait votre enfant, école pentecôtiste—école catholique ou école uniconfessionnelle—ou une école interconfessionnelle.
• 1645
Les parents de toutes les écoles que nous représentons, à
l'exception d'une seule, ont à plus de 90 p. 100 inscrit leurs
enfants dans des écoles uniconfessionnelles pentecôtistes. Nous
parlons de plus de 3 000 enfants; 90 p. 100 des parents
représentant ces enfants voulaient maintenir les écoles
uniconfessionnelles pentecôtistes. C'était là leur voeu.
Une autre anomalie, si l'on peut s'exprimer en ces termes, du processus d'inscription était que si vous n'inscriviez pas votre enfant, il était automatiquement placé dans la catégorie interconfessionnelle. Si le gouvernement agissait ainsi, quiconque ne se présente pas au scrutin serait inscrit en faveur d'un parti ou d'un autre, automatiquement. Cela peut vous favoriser, mais pas nécessairement. C'est la façon dont le processus d'inscription a été abordé. C'est un grave problème.
Puis vint le mois de mars. Les commissions scolaires avaient réuni toutes les inscriptions, les préférences des parents, et elles ont commencé à désigner les écoles. Elles ont commencé à affecter les enfants à ces écoles. La préférence parentale était le premier d'une série de cinq ou sept critères qui devaient, en principe, entrer en ligne de compte pour la désignation des écoles. Les responsables ont désigné dans le district scolaire no 5 une école uniconfessionnelle pentecôtiste, une école uniconfessionnelle catholique et une école interconfessionnelle.
Lorsque tout cela a été publié, les parents d'enfants dans les écoles interconfessionnelles qui, pour une raison quelconque, avaient l'impression que la clause 17 actuelle allait simplement éliminer toutes les écoles confessionnelles se sont levés et ont déclaré qu'ils pensaient que les écoles uniconfessionnelles allaient disparaître mais qu'au contraire, ils retrouvaient ces écoles confessionnelles. La raison en est que ces écoles étaient viables. Elles répondaient aux critères définis par le gouvernement. Nous avions donc des écoles viables en vertu de la clause 17, et le gouvernement en était satisfait et arrivait pratiquement à respecter la loi.
En raison de la levée de boucliers des parents d'enfants dans les écoles interconfessionnelles au sujet des affectations, dans la ville de Grand Falls-Windsor par exemple, un enfant aurait dû fréquenter cinq écoles différentes pendant toute sa scolarité. N'importe quel parent s'opposerait à cela. Il y avait de graves problèmes dans toute l'administration là-bas, dans la méthode utilisée pour désigner les écoles. Ce n'est qu'un exemple.
Nous parlons d'une petite ville, où il faudrait fréquenter cinq écoles différentes.
La population était de plus en plus en colère, et son attention a fini par se concentrer sur les Catholiques et les Pentecôtistes: si vous n'aviez pas cherché à vous distinguer, nous n'aurions pas ces problèmes. On a cessé de tenir compte de nos droits et des leurs dans la Constitution. C'est là que les choses se sont gâtées; les émotions ont brouillé la pensée logique, et les choses sont allées de mal en pire.
Trois semaines plus tard, en raison de la pression, les écoles étaient redésignées et il restait trois écoles dans tout le district no 5. La commission scolaire avait fait volte-face, avec un peu d'aide du ministère de l'Éducation. Le ministère de l'Éducation avait décidé de diffuser une note dans laquelle il affirmait que la préférence parentale n'était pas nécessairement le premier critère à envisager et il présentait une nouvelle liste de critères. La préférence des parents se trouvait alors au bas de la liste.
Il faut connaître les règles avant de commencer à jouer. Vous ne pouvez pas changer les règles au milieu de la partie.
C'est là un des irritants auxquels nous nous heurtons quotidiennement depuis janvier.
Parce que nos commissions scolaires ne nous écoutaient pas, que notre gouvernement ne nous écoutait pas, nous nous sommes demandé ce que nous pouvions faire. Nous ne pouvons pas simplement attendre en pleurant, nous devons faire quelque chose de concret.
Nous avons réuni les Pentecôtistes, des parents et des gens comme Ron, qui est grand-père, pour qui la question est aussi importante. Tous les Pentecôtistes du centre de Terre-Neuve se sont réunis. Nous avons demandé à nos chefs religieux de venir et, de grâce, de nous aider. Il nous fallait quelqu'un qui avait du temps et des ressources pour mieux définir nos besoins. Ils hésitaient un peu à s'engager. Ils ont déclaré qu'ils n'aimaient pas beaucoup les tribunaux, qu'ils ne voulaient pas vraiment se mêler du dossier, qu'en règle générale, tout se passait bien. Mais nous leur avons dit, écoutez, il faut que quelqu'un parle en notre nom, il faut que quelqu'un protège nos droits, parce que ce qui se passe ici est tout à fait injuste. C'était le chaos.
Toute personne raisonnable qui aurait vécu cette expérience serait aussi frustrée que nous le sommes, et je ne crois pas que nous sommes déraisonnables lorsque nous disons cela. Nos assemblées pentecôtistes ont déclaré, d'accord, nous voyons ce que vous avez souffert. Par sympathie et compassion et parce que nous avons des ressources—et évidemment nous avons mis la main à la poche et nous avons assumé une part des dépenses—elles sont devenues des présidents pour les parents. Elles ne se sont pas imposées, elles ne nous ont pas déclaré voilà ce qu'il vous faut faire. Ce sont les parents qui ont déclaré qu'il existait un besoin; nous avons besoin de nos chefs religieux comme leaders pour parler en notre nom. Ce sont les parents, les détenteurs d'enjeux, qui ont fait cela.
• 1650
Cela s'est passé en mai. Chaque mois a sa propre couleur. Nous
devrions hisser un drapeau différent pour chacun, ou faire quelque
chose, mais l'année a été fort colorée. En juin, le gouvernement a
déclenché un processus d'orientation et réaffecté les écoles. Les
enseignants ont commencé à tout emballer. Ils ont obtenu la
permission du ministère de l'Éducation de fermer les écoles plus
tôt et de renvoyer les enfants à la maison pour les vacances d'été.
C'était avant que le tribunal entende la demande d'injonction. Le
tribunal a ordonné l'injonction seulement en juillet.
Donc, en juin, le gouvernement mettait de nouveau la charrue avant les boeufs. Il demandait aux enseignants de déménager les écoles. Il condamnait les fenêtres des écoles qu'il voulait fermer en septembre. Il communiquait de l'information aux enfants et les faisait visiter les différentes écoles, il leur distribuait quelques prix et leur souhaitait la bienvenue en leur disant: c'est là que vous allez être l'an prochain.
Nos directeurs d'école et nos parents étaient tout à fait opposés à cette façon de procéder. Nous avons déclaré que nous ne participerions pas à cette initiative. Il y avait une demande en instance devant les tribunaux. Nous voulions attendre la décision. Pour cette raison, la plupart des parents n'ont pas participé aux activités d'orientation. Je refusais de mettre mon enfant d'âge préscolaire dans un autobus pour l'envoyer quelque part à une école qui, j'en étais convaincue, si quelqu'un nous entendait clairement, ne serait pas son école l'an prochain de toute façon, en raison du désordre qui régnait et de l'injustice de la décision.
Les écoles ont donc été condamnées, les enfants ont été libérés plus tôt que prévu, et les enseignants ont commencé à faire des boîtes. Les nouveaux manuels scolaires ont été commandés, et cela faisait une jolie petite facture. Des milliers de dollars de manuels scolaires ont été expédiés aux mauvaises écoles parce qu'on supposait que c'était là que tout le monde allait rentrer en septembre.
Le 8 juillet, le tribunal a ordonné l'injonction. Le juge Leo Barry a déclaré «Ce que vous avez fait est ridicule. Nous ne pouvons le tolérer. Vous manquez à vos propres règles. Vous violez la loi. Vous êtes allés trop loin. Recommencez. Rien ne sera changé en septembre.» Alors, toutes les décisions, la fermeture des écoles, les boîtes et les préparatifs de déménagement, tout a dû être annulé et il a fallu donner encore quelques jours de congé aux enfants en septembre pour que les enseignants puissent tout déballer.
Le 31 juillet, le premier ministre Tobin en avait assez et il a déclaré «Je suis découragé, il ne faut plus que les églises s'en mêlent, et nous allons tenir un nouveau référendum. Ma décision est sans appel. Nous écartons les églises. La question ne sera même pas soulevée. Nous poserons un geste symbolique, nous allons instaurer un cours de religion et tout le monde sait que la religion et le christianisme sont deux choses totalement différentes. Il y a des religions qui ne sont pas chrétiennes.» Il a ajouté une clause pour nous apaiser puisqu'elle promettait un cours de religion, mais ce n'était pas ce que nous demandions.
Au mois d'août, il y a eu une campagne référendaire. Le gouvernement a refusé aux tenants du non tout financement pour qu'ils puissent présenter leurs idées, mais il n'a pas hésité à débourser l'argent des contribuables pour présenter les arguments en faveur du «oui».
Le jour du référendum, nous savons que 72,7 p. 100 des participants ont voté «oui» et 27,3 p. 100, «non». La modification proposée a été rapidement adoptée par l'assemblée législative et transmise sans retard à Ottawa. Compte tenu de la confusion qui régnait de janvier jusqu'au référendum du mois de septembre, je ne crois pas que l'on ait vraiment été en mesure de réfléchir le 2 septembre. Je crois que c'était un vote de protestation, et nous devons sérieusement envisager ce qui l'a provoqué, le contexte dans lequel le référendum a été tenu.
J'aimerais répéter, avant que Ron ne termine l'exposé, que je vous suis reconnaissante de nous donner l'occasion de nous exprimer ici aujourd'hui.
M. Ron Mosher: Je crois que vous pouvez comprendre, d'après ce que Sharron vient de dire, qu'au départ, lors du premier référendum—ce qui existe maintenant—après l'adoption de la clause 17, nous avions l'impression que la procédure adoptée était équitable. Tout changement s'accompagne d'un certain désordre, et tout changement nécessite des ajustements. Nous croyions que c'était ce qui se passait avec l'adoption du Schools Act et ce genre de choses, avant l'entrée en vigueur de la clause 17. Nos parents étaient révoltés et inquiets.
Mais quand le gouvernement a pris des décisions au sujet de la loi, etc., les parents du centre de Terre-Neuve n'étaient pas d'accord. Ce désaccord s'inscrivait dans le processus, et la demande d'injonction faisait partie du processus d'ajustement qui accompagnait l'instauration du nouveau système.
• 1655
Mais le gouvernement de M. Tobin n'a pas laissé jouer ce
processus. À mi-course, il a déclenché un deuxième référendum, qui
a entraîné le résultat précis—qu'est-ce que je pourrais vous dire—qui a
révélé le but véritable que visait le gouvernement au
départ, et cela consistait à écarter les églises de tout le secteur
de l'éducation à Terre-Neuve. C'est ce qui inquiète les parents.
Ils croient que l'ancien système leur donnait un droit de regard en
matière d'éducation à Terre-Neuve et que maintenant, à la suite de
la modification de la clause 17, l'éducation relèvera
essentiellement du gouvernement—non pas d'un gouvernement composé
d'élus, comme vous, mais de fonctionnaires qui ne rendent des
comptes à personne. Les parents n'auront plus rien à dire.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Monsieur Mosher, nous venons de consacrer...
M. Ron Mosher: Je termine immédiatement.
Tout ce que nous disons, c'est qu'à l'heure actuelle, nous pouvons intervenir en tant que catégorie de personnes, mais que lorsque le changement entrera en vigueur, nous perdrons ce droit. Nous voulons avoir le droit d'intervenir.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup de votre mémoire.
Nous allons passer immédiatement aux questions. Il nous reste une trentaine de minutes. J'ai dressé une liste: M. Peter Goldring, puis le sénateur Rompkey, puis le sénateur Doody, Mme Caplan et enfin M. Norm Doyle.
M. Peter Goldring: Merci, monsieur le président, et merci de votre exposé madame Collins et monsieur Mosher.
Ma première question porte sur les contributions financières. Quel pourcentage des contributions des organisations religieuses est alloué aux frais de fonctionnement et quel pourcentage est alloué aux immobilisations? Est-ce que vous avez des chiffres à nous fournir à ce sujet? S'agit-il de 60 p. 100, de 80 p. 100, de 90 p. 100?
M. Ron Mosher: C'est selon l'endroit, ou du moins cela l'était. À une certaine époque, du temps de Peckford je crois, le rapport était de 70/30; les parents assumaient 30 p. 100 des frais, et le gouvernement, 70 p. 100. Dans certains cas, les parents ont versé de 50 à 60 p. 100. Cela a varié selon les époques, selon les fonds disponibles. Par exemple, si un bâtiment devait coûter deux millions de dollars, le gouvernement pouvait déclarer qu'il n'avait pas assez d'argent et qu'il ne pouvait investir que 200 000 $ ou 500 000 $; si nous pouvions fournir la différence, nous pouvions aller de l'avant.
C'était donc fonction de l'endroit. Dans certains cas, les églises ont fourni la totalité des fonds nécessaires, dans d'autres, 70 p. 100, et dans d'autres encore 50 p. 100.
M. Peter Goldring: Vous croyez, ou vous considérez, que la question était parfaitement claire pour tous et que la population comprenait absolument ce sur quoi elle se prononçait lors de ce référendum, que cela allait entraîner l'élimination de l'enseignement confessionnel comme vous le connaissiez? Est-ce que cela était bien clair pour tous?
Mme Sharron Collins: À en juger par ce qui s'est passé entre janvier et juin, tout le monde était tellement perdu que je ne pense pas que la population ait bien compris les enjeux. Je crois que la campagne était haineuse. Vous hésitez peut-être à la qualifier ainsi, mais il y a eu beaucoup de malentendus.
À mon avis, la question semblait claire, mais les émotions qu'elle suscitait étaient très diverses et, finalement, la population s'est dit: «Appuyons le gouvernement et finissons-en». Je ne crois pas que la population a bien réfléchi.
M. Peter Goldring: Merci.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Sénateur Rompkey, allez-y.
Le sénateur William Rompkey: Merci, monsieur le président.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à Sharron Collins et à Ron Mosher.
Si vous me permettez un commentaire personnel, Ron se souvient sans doute qu'en 1968, lorsque j'étais surintendant à l'éducation au Labrador, nous avons créé une nouvelle commission scolaire et une nouvelle école secondaire dont Ron Mosher était le directeur, à Goose Bay. Il vaut la peine de préciser que cette école était pentecôtiste et, pourtant, comptait des élèves de toutes les confessions en 1968.
Après votre départ Ron, l'école n'a pas tenu longtemps. Si vous étiez resté, nous aurions peut-être réussi à la sauver.
Je suis heureux de vous voir ici.
Je voulais poser quelques questions au sujet de Goose Bay, parce que c'est un cas intéressant. Il existait depuis toujours une importante congrégation pentecôtiste dans cette ville. De fait, elle continue de croître même si les Pentecôtistes n'ont jamais eu leur propre école à Goose Bay. Cette communauté est certainement parmi les dix plus importantes de la province, elle vient peut-être au cinquième, au sixième ou au septième rang maintenant pour ce qui est de la population.
• 1700
Je sais que vous n'avez pas utilisé cet argument, mais de
toute évidence l'absence d'école pentecôtiste n'a pas, en soi,
fléchi la foi des habitants ni même la croissance du groupe. Je me
demande si vous avez des commentaires à faire à ce sujet.
M. Ron Mosher: Je pourrais vous dire, à la blague, qu'ils n'ont pas encore trouvé leur chemin de Damas. Mais je vais m'en abstenir.
Le sénateur William Rompkey: Vous dites que les Pentecôtistes n'ont pas encore trouvé leur chemin de Damas?
M. Ron Mosher: Oh, oh!
Le fait est que, la situation est différente selon les groupes, selon les villes. J'aimerais ajouter ceci: en tant que parents, nous ne demandons pas d'écoles, nous demandons simplement le droit d'intervenir en matière d'éducation. Même s'il n'y avait pas d'école pentecôtiste, si la congrégation pouvait intervenir dans les questions d'éducation, comme le permet la clause 17 à l'heure actuelle, nous ne demanderions rien de plus. Mais nous sommes d'avis qu'il faut pouvoir autoriser un groupe de personnes à créer une école si la population le justifie et si les intéressés le désirent. Ce droit doit exister, mais la viabilité est un facteur déterminant.
Pour ce qui est de la taille, nous pourrions parler d'autres communautés en dehors de Goose Bay. Nous pourrions parler de Labrador City, de Corner Brook, de Gander. Dans la plupart de ces cas, la population n'est pas vraiment suffisante, il n'y a pas suffisamment d'élèves pour qu'une école soit viable. Une école serait idéale pour ce qui est du climat, de la façon dont l'école est dirigée, de qui y enseigne et ce genre de choses. Lorsque les nombres sont insuffisants mais que les Pentecôtistes peuvent encore intervenir, nos droits continuent d'exister, c'est ce qui s'est passé à Goose Bay.
Le sénateur William Rompkey: En ce qui concerne les droits, ce dont nous parlons vraiment ici, c'est le droit au financement public. Vous aurez le droit d'administrer vos propres écoles. Nous venons d'entendre les Adventistes du septième jour qui disaient qu'ils ont bien leur propre école, mais qu'ils l'administrent eux-mêmes...
Une voix: Mais il n'y a pas d'élèves dans cette école.
Le sénateur William Rompkey: ...sans fonds publics. Vous avez évidemment le droit de gérer vos propres écoles. Ce que vous n'aurez pas, c'est le droit de recevoir un financement public pour vos écoles, comme vous l'avez eu par le passé. Est-ce ce droit que vous revendiquez?
De toute évidence, vous aurez le droit de créer vos propres écoles. Je soutiens donc que si c'est ce qui vous donne le droit d'intervenir en matière d'éducation, vous conserverez ce droit. Le droit qui disparaît, le droit qui était inscrit dans la Constitution, c'est le droit de recevoir des fonds publics.
Est-ce bien le cas?
M. Ron Mosher: N'oubliez pas que les Pentecôtistes et les Adventistes du septième jour sont aussi des contribuables.
Le sénateur William Rompkey: Cela ne fait aucun doute.
M. Ron Mosher: C'est donc de leur argent qu'il s'agit. Pourquoi un groupe de personnes devrait-il payer en double l'éducation? C'est ce que nous soutenons.
Il s'agit de recettes fiscales, en effet. Il vous suffisait de bien écouter le dernier mémoire, dans lequel le représentant affirmait que l'effectif était passé, je crois, de 100 à 40 élèves depuis que l'école était devenue indépendante et que les parents devaient en assumer entièrement les coûts. D'autres parents ne peuvent pas payer les droits de scolarité.
Le sénateur William Rompkey: Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Sénateur Doody.
Le sénateur William Doody: Merci, monsieur le président.
Monsieur Mosher, quand vous avez répondu à la question de M. Goldring au sujet du financement des écoles, vous avez indiqué que ce financement était en partie assuré par les assemblées pentecôtistes—à 30 p. 100, à 50 p. 100 et dans certains cas à 100 p. 100.
Est-ce que vous avez abordé avec le gouvernement de Terre-Neuve la question d'éventuelles indemnités? Je crois savoir qu'en vertu du nouveau Schools Act, ces écoles seront reprises et administrées par le gouvernement de Terre-Neuve—par l'entremise des commissions scolaires, peut-être, mais, concrètement, par le gouvernement. Avez-vous parlé de certaines indemnités?
M. Ron Mosher: Je ne suis pas au courant de ce qui se fait, pour être honnête, car je ne suis pas député. Vous pourriez poser la question aux membres du PAC lorsqu'ils présenteront leur mémoire.
Je crois savoir que des discussions sont en cours, mais à l'heure actuelle, comme on vous l'a dit la dernière fois, les écoles ou les bâtiments qui servent à des fins éducatives sont automatiquement transférés aux nouvelles commissions scolaires.
Nous avons plusieurs écoles qui partagent les installations des églises, l'école est adjacente à l'église. Je crois que lorsqu'il y a des discussions en cours, elles ont trait à cette situation: si ces écoles sont administrées ou fermées, qui conserve quoi, et de quelle façon effectue-t-on les paiements?
Le sénateur William C. Doody: Il me semble que l'on mélange encore les pommes et les oranges, parce que nombre de ces écoles sont bâties sur les terrains des églises, même celles qui n'ont pas de liens avec l'église. Je ne parle pas seulement des écoles pentecôtistes, mais aussi des systèmes scolaires en général dans l'ensemble de la province. Certaines de ces écoles sont dans des sous-sols d'églises ou l'ont été.
C'est une question que je me posais. Je la poserai au pasteur Batstone lorsqu'il viendra. Il en saura plus à ce sujet, peut-être. Merci.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup. Madame Caplan, vous avez la parole.
Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Merci beaucoup.
Vous avez parlé du district scolaire no 5. Est-ce la région ou la circonscription où l'on trouve la plus importante concentration de personnes de confession pentecôtiste à Terre-Neuve et au Labrador?
Mme Sharron Collins: Nous dirions que c'est la zone fondamentaliste, à défaut d'une expression plus juste. La plus importante concentration est non seulement dans le district no 5 mais aussi dans le district no 6. Ces deux districts regroupent plus de 50 p. 100 de tous les Pentecôtistes de l'île, en effet.
Mme Elinor Caplan: Je crois savoir que dans ces deux districts la majorité de la population s'est prononcée en faveur de la question référendaire. Est-ce exact?
Mme Sharron Collins: En effet, mais il faut tenir compte du fait que même si tous les Pentecôtistes—et nous disons qu'environ la moitié—même si tous, la moitié de sept pour cent dans chaque district, nous ne pouvons jamais représenter plus qu'environ 3,5 p. 100 des voix. Nous sommes unis, mais nous ne pouvons pas influer beaucoup sur les statistiques provinciales parce que... C'est à supposer que tous les Pentecôtistes se retrouvent dans ces deux districts, ce qui n'est pas le cas. Nous sommes dispensés.
Mme Elinor Caplan: Votre représentant à l'assemblée législative, votre député provincial, a appuyé la modification de la clause 17 qui a été soumise à l'assemblée législative, n'est-ce pas un fait?
Mme Sharron Collins: Oui, le vote a été unanime. Je crois que tous se sont rangés à la position officielle du parti. Ils respectaient les vues de la majorité, mais n'exprimaient pas nécessairement nos opinions.
Mme Elinor Caplan: Lorsque vous respectez la discipline de parti... Je crois comprendre qu'il y a plusieurs partis à l'assemblée provinciale de Terre-Neuve et que tous les partis ont appuyé la proposition.
Mme Sharron Collins: En effet.
Mme Elinor Caplan: Au fil des ans, avez-vous eu l'occasion au cours d'audiences tenues à Terre-Neuve, devant les commissions royales, à l'occasion de séances de l'assemblée législative, de présenter votre point de vue et vos pétitions, etc., au nom de votre communauté?
Mme Sharron Collins: Pendant les audiences de la commission royale en 1992, oui, des mémoires détaillés ont été présentés. Comme je l'ai dit, 91 p. 100 de toutes les confessions, à ce moment, ont préféré maintenir le système confessionnel. Même si nous avons eu la possibilité de nous exprimer, la commission a entre autres recommandé l'élimination du système confessionnel.
Mme Elinor Caplan: En 1992, est-ce que la commission a expliqué qu'elle faisait cette recommandation dans l'intérêt d'une éducation de qualité pour les élèves ainsi que de la rentabilité de l'enseignement à Terre-Neuve et au Labrador?
Mme Sharron Collins: Ce rapport ne m'est pas aussi familier qu'à Ron. Peut-être que Ron peut répondre à votre question.
M. Ron Mosher: C'est l'argument que la commission a proposé, en effet.
Mme Elinor Caplan: Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci. Monsieur Doyle.
M. Norman Doyle: Je tiens à vous féliciter, Sharron et Ron, vous nous avez présenté un excellent exposé.
Vous avez mentionné M. Dion et les commentaires qu'il a passés au sujet de cette question particulière. Je tiens à vous dire que toute cette question est entourée de désinformation. J'ai ici une déclaration de M. Dion:
-
À Terre-Neuve, la modification proposée semble susciter un fort
consensus, y compris un appui raisonnable de la part des minorités
touchées.
Vous dites que 70 p. 100 des Pentecôtistes ont voté en faveur du maintien de leurs droits dans le domaine de l'éducation. Évidemment, j'ai ici les résultats d'un sondage réalisé le 29 août. J'imagine que vous connaissez bien ce sondage. Il a été réalisé par le comité d'action des parents et révèle que 90 p. 100 des Pentecôtistes appuyaient le maintien d'écoles uniconfessionnelles viables. Vous avez fait allusion en outre à un article du Telegram, publié le week-end dernier, dans lequel le politicologue Marc Graesser affirmait que plus des 70 p. 100 des Pentecôtistes appuyaient le maintien d'écoles uniconfessionnelles.
Mme Sharron Collins: Le sondage dont vous parlez a été réalisé pour le St. John's Parent Action Committee par une maison de sondage indépendante. Il n'a pas été mené par les Pentecôtistes.
M. Norman Doyle: En effet, il a été réalisé, je crois, le 29 août 1997.
Mme Sharron Collins: Oui.
M. Norman Doyle: Ce problème nous occupe tous depuis un an ou un an et demi, depuis le moment de la première modification. J'ai reçu plusieurs lettres, quelque trois ou quatre cents, dont beaucoup vous appuient, ainsi qu'un certain nombre de lettres négatives. Je crois que les deux questions qui sont soulevées périodiquement sont les suivantes: De quoi les Pentecôtistes se plaignent-ils, que perdront les enfants pentecôtistes lorsque la clause 17 sera modifiée; et la garantie de cours d'éducation religieuse générique ne suffit-elle pas aux Pentecôtistes? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Mme Sharron Collins: Je vais répondre à la première partie de votre question et je laisserai Ron répondre à la seconde. Je veux parler de ce que nos enfants risquent de perdre. Ron traitera de l'autre partie.
À l'heure actuelle, mes enfants ont un professeur de musique à temps plein dans une école allant de la prématernelle à la 6e année. Ils n'auraient ce professeur dans aucune autre école de notre district, et le coût en est assumé entièrement par nos églises. Si nos écoles nous sont retirées, en même temps que nos droits, mes enfants n'auront pas de professeur de musique à temps plein. La musique est un élément important chez nous. Elle l'est aussi sans doute pour d'autres familles. C'est l'un des secteurs du programme qui souffrira grandement. Il y aura sans doute un enseignant pour trois écoles, et quelle qualité d'enseignement peut-on en attendre?
C'est un aspect. Au sujet du programme, ce que mes enfants perdront en outre c'est un climat qui correspond totalement à nos croyances philosophiques. Lorsque mon beau-père était malade, la semaine dernière, mes enfants sont allés à l'école et ont déclaré à leur enseignant qu'ils voulaient prier pour lui. Leur grand-père était à l'hôpital. Et c'était quelque chose de tout à fait acceptable. C'est ce que nous avons fait à la maison. C'est ce que leur milieu leur permet à l'heure actuelle. Dans un système public, nous n'aurons plus cela. Prier pour son grand-père ne sera pas considéré comme un rite religieux. Vous pouvez dire le Notre Père au début de la classe. Nous trouvons que cela n'est pas grand-chose.
Les assemblées scolaires: À l'heure actuelle, lorsque nous avons une réunion pour Noël, nous tenons une assemblée spirituelle pour Noël, nous n'avons pas une crèche plantée dans un coin et un Père Noël dans l'autre. Ce sont nos croyances chrétiennes. C'est notre foi en tant que catégorie de personnes. Tout le monde a un Père Noël.
Le noeud du problème, c'est que les fondements de notre foi sont renforcés à l'école, dans le cadre des assemblées, dans la salle de classe, par le mode de vie des enseignants, par les attitudes des enseignants face au programme qu'ils présentent. C'est cela que nous perdrons dans un système public.
Mes enfants ont beaucoup à perdre dans un système public, financièrement et sur le plan de la qualité.
M. Ron Mosher: Nous croyons que les deux éléments ajoutés à la clause 17 relativement au cours de religion et aux célébrations religieuses ont été ajoutés par le gouvernement comme carotte à l'intention des groupes qui défendent les droits confessionnels. En tant que groupe de parents, nous ne croyons pas que le cours de religion soit une solution. Ce n'est pas ce que nous demandons. Nous revendiquons le droit, pour une catégorie de personnes, de protéger un droit en tant que catégorie pour intervenir en matière d'éducation. Le cours de religion dont nous parlons serait le plus petit dénominateur commun pour tous ceux qui participent à la planification.
Les célébrations religieuses ne sont pas une solution. Par exemple, le Père Noël représente Noël. Le lapin de Pâques représente Pâques. Ce n'est pas ce dont nous parlons. Nous parlons d'écoles qui sont administrées... où il y a une atmosphère propice à l'épanouissement des croyances et de la philosophie des parents. Nous parlons de l'affectation des enseignants, nous parlons d'enseignants qui auront la même optique que les parents et qui épouseront les mêmes philosophies que les parents.
À cet égard, j'aimerais simplement ajouter ceci. Nous ne sommes pas contre le regroupement. Nous croyons que la viabilité doit entrer en ligne de compte. Nous ne parlons pas de créer des écoles n'importe où et n'importe comment dans la province. La taille est un facteur à examiner. Mais quand on parle en termes de viabilité et de taille minimale d'une école ou d'un programme scolaire, on se penche sur les chiffres, on n'améliore pas nécessairement le programme. Tout ce que vous faites, c'est d'augmenter le nombre d'unités du même programme. Autrement dit, vous augmentez le nombre d'unités, verticalement, plutôt que d'enrichir ces unités horizontalement.
• 1715
La taille n'est pas un facteur, vraiment, quand il s'agit de
la qualité de l'éducation. Prenez les études réalisées au sujet des
facteurs qui font qu'une école est efficace; vous constatez que
c'est le climat qui règne dans l'école, la façon dont l'école est
administrée, la participation des parents, la situation familiale,
etc. C'est ce qui fait qu'une école est vraiment efficace.
Dans notre cas, nous croyons que l'église, le foyer et l'école forment en quelque sorte un triumvirat pour l'éducation à Terre-Neuve, pour nos enfants, et c'est ce que nous voulons conserver.
De quelle façon peut-on maintenir le système? Nous l'ignorons. Nous n'avons pas de solution à vous proposer. Mais il y a d'autres options qui, à notre avis, devraient être examinées—d'autres possibilités qui sont appliquées ailleurs au Canada. Par exemple, même à Terre-Neuve à l'heure actuelle, nous offrons des services communs cette année à titre de mesure provisoire, pour que nos droits soient protégés, et il y a une collaboration entre les Pentecôtistes, par exemple, et le groupe intégré.
Mais il existe d'autres solutions que le gouvernement de Terre-Neuve aurait pu examiner et envisager de concert avec les groupes confessionnels, s'il l'avait bien voulu. Mais il n'a pas choisi cette voie. Il a choisi la voie référendaire, et donc l'élimination de la clause 17 sous sa forme actuelle, pour abolir tous les droits qui existaient en vertu des Conditions de l'union, et procéder à un changement radical—autrement dit, jeter le bébé avec l'eau du bain, si vous acceptez cette formule.
Il existe d'autres méthodes. Les gens sont instruits, avertis, nous sommes dans les années 90, nous aurions pu trouver une meilleure solution pour préserver ce que nous avions en vue du prochain millénaire.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Madame Finestone, vous avez la parole.
Mme Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Merci, monsieur le président. Je dois dire que l'expérience a été des plus intéressantes. Madame Collins, vous nous avez donné un aperçu des difficultés qu'ont connues les parents et, j'imagine, les enfants au cours des six ou neuf derniers mois. Croyez-moi, je suis sensible à votre découragement et à vos difficultés.
Par ailleurs, monsieur Mosher, je vous entends dire, dans vos échanges avec mon collègue le sénateur Rompkey, que vous avez dirigé une école qui était en partie pentecôtiste mais non confessionnelle, une école laïque, dans laquelle les enfants, de toute évidence, s'épanouissaient. Ils avaient le sentiment que l'église, le foyer et l'école contribuaient tous à l'atmosphère, j'imagine. Vous devez avoir une façon très particulière de faire valoir les points de vue. Il régnait dans cette école un climat qui rendait les parents heureux et répondait aux besoins des enfants. Je crois comprendre que votre départ a attristé tout le monde.
J'ai écouté l'exposé précédent, où l'on disait qu'une école était administrée—il n'y avait pas d'autres enfants avec les Adventistes du septième jour, mais c'était une école multiconfessionnelle.
J'y vois un dilemme, pour être honnête. Vous avez l'expérience de l'administration des écoles laïques, d'écoles non confessionnelles, dans une province qui, il y a 50 ans, était essentiellement confessionnelle. Cinquante ans plus tard, le Canada a radicalement changé dans toutes les régions. Notre pays offre la plus grande diversité au monde. Nous sommes certainement le produit d'une société civile qui, je crois, doit susciter une très grande fierté. Je vous entends dire qu'en tant que catégorie de personnes, c'est l'influence chrétienne, et non pas l'influence religieuse, que nous devons promouvoir. Je me suis aussi posé des questions lorsque vous avez dit quelque chose au sujet de l'enseignement de la religion par opposition à l'enseignement religieux.
Il y a des valeurs judéo-chrétiennes qui sont fondamentales dans notre pays—ce sont les valeurs de nos fondateurs, elles remontent aussi loin que cela. Mais les façons d'autrefois ne s'appliquent pas à ce que nous sommes devenus aujourd'hui. Nous sommes un peuple très diversifié.
Je me suis rendue à plusieurs reprises à Terre-Neuve—j'ai une belle-fille qui vient de Corner Brook et je connais un peu votre coin de pays—il me semble que cela correspond tout à fait à votre expérience, que vous devriez accueillir avec plaisir ce défi. Je comprends que cela sera difficile, au début, madame Collins, compte tenu de ce que vous avez vécu, mais il devrait quand même s'agir d'un beau défi.
En toute honnêteté, il y a bien des gens qui n'épousent pas la vision chrétienne du monde voulant que le Christ soit le fils unique de Dieu et le centre de toutes nos pensées, de toutes nos paroles, de tous nos actes. Ce n'est plus la réalité et, franchement, je crois que c'est un concept très difficile à accepter pour certains.
• 1720
Si vous êtes dans un milieu où l'on vous enseigne différents
de points de vue et où vous pouvez apprendre à respecter ces
différences, alors cet enseignement contemporain au sujet des
différences, je crois que c'est la façon canadienne de faire les
choses. C'est le respect des différences.
J'ai eu l'impression en vous écoutant, madame Collins, que vos enfants avaient beaucoup de chance. Ils vivent dans un climat qui favorise l'épanouissement des valeurs qui vous sont chères. Je crois que mes petits-enfants sont aussi dans un milieu où l'on favorise des valeurs qui leur sont chères. Ces valeurs sont un peu différentes des vôtres.
J'espère qu'un jour ils prendront tous connaissance de leurs différences et les respecteront. Je crois que c'est dans une école non confessionnelle que cela peut se produire. Lorsque vous vivez isolément, que vous n'êtes pas exposés à la pensée des autres, cela ne favorise pas la croissance du Canada comme pays multiculturel.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette remarque.
M. Ron Mosher: Vous avez rappelé, en parlant de l'échange que j'ai eu avec le sénateur Rompkey, que je dirigeais une école laïque. Toutes les écoles à Terre-Neuve jusqu'à maintenant étaient des écoles confessionnelles. Il n'y a pas d'écoles publiques. Même les écoles intégrées où les confessions sont regroupées sont encore considérées comme des écoles confessionnelles.
L'enseignement confessionnel est si répandu que chaque catégorie de personnes, comme je l'ai dit, a des droits.
Des études qui ont été réalisées au sujet des préjugés ont montré que les enfants qui avaient un fort sentiment d'identité, qui étaient à l'aise dans leur foi, qui savaient d'où ils venaient, etc., étaient beaucoup plus ouverts et prêts à comprendre les autres.
Nous affirmons que dans le climat qui règne dans nos écoles aujourd'hui... Vous voyez, la différence entre quelqu'un qui ne vit pas à Terre-Neuve et quelqu'un qui vit à Terre-Neuve est que nous avons quelque chose et que nous pouvons en constater les résultats. Nous croyons que nous perdons quelque chose.
Nous avons l'impression que la façon dont nous avons dirigé l'éducation à Terre-Neuve, ce que nous avons dans nos écoles, est un atout que nous ne voulons pas perdre, qui permet à nos enfants de se sentir bien dans leur peau, dans leur foi et dans leur structure religieuse. C'est ce que nous voulons maintenir.
Mme Sheila Finestone: N'avez-vous pas l'impression, monsieur Mosher, que dans le développement...? Lorsque le ministre Grimes a comparu devant nous, même si son mémoire nous a donné quelques inquiétudes en raison du mandat que le gouvernement s'est donné... Je crois qu'il s'agit d'un mandat que le gouvernement aura un peu de difficulté à remplir. Quoi qu'il en soit, la philosophie qui le sous-tend, en effet, je crois que vous devez savoir qui vous êtes et ce que vous êtes. Vous devez respecter votre histoire ancestrale et être fiers de ce que vous êtes. Alors, vous pouvez être plus ouverts et plus compréhensifs, si vous n'êtes pas dans un milieu caractérisé par l'étroitesse d'esprit et les préjugés.
L'un des grands combats que nous menons dans notre pays, l'un des grands défis, l'une des raisons de la campagne anti-raciste que nous tenons en mars, c'est précisément ceci: veiller à ce que les différences soient acceptées.
J'ai entendu ce que vous avez dit, que vous dirigiez une école confessionnelle. Je sais qu'il n'y a pas d'écoles laïques là-bas. S'il y avait un certain confort, une certaine confiance... Je ne peux évidemment pas intervenir ni même suggérer l'orientation que le programme d'enseignement devrait prendre dans une province. C'est un domaine où chaque province est entièrement souveraine.
Mais vous pouvez envisager l'avenir avec plus de confiance lorsque vous avez droit de parole, par exemple, quand vous pouvez examiner ce que seront les aspects moral et éthique, les valeurs, la religion comparative, quoi que ce soit, et influer sur ces aspects, n'est-ce pas? Croyez-vous que vous seriez plus à l'aise si vous aviez l'impression que c'est ce qui vous attend? Et vous, Sharron Collins?
M. Ron Mosher: Ce qui nous inquiète, ce que nous craignons, c'est que pour l'instant Terre-Neuve semble en voie de se transformer en creuset. C'est là que tout est ramené au plus petit dénominateur commun.
Nous avons toujours été fiers, au Canada, de la mosaïque de nos différences. Je crois, nous croyons, qu'un système d'éducation confessionnelle nous permet de maintenir notre identité en tant que catégorie de personnes. Si nous devons participer à l'élaboration du programme, et nous le ferons, individuellement, nous avons peu de poids, nous parlons en tant que personne et non pas en tant que catégorie.
Mme Sheila Finestone: Une dernière question.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Bien, mais plusieurs autres personnes veulent poser des questions.
Mme Sheila Finestone: Je ne crois pas que d'en apprendre plus au sujet des autres religions nous ramène au plus petit dénominateur commun. Je crois au contraire que cela nous élève à un niveau supérieur.
M. Ron Mosher: Se familiariser avec les religions, en effet, mais pas dans le cadre d'un cours de religion générique.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Sénateur Kinsella, nous allons vous donner un peu de corde.
Le sénateur Noël Kinsella: Merci, monsieur le président. Monsieur Mosher, j'aimerais revenir à votre importante déclaration au sujet des alinéas (2) et (3) de la clause 17. Vous avez affirmé y voir une carotte offerte à la population par la province.
Pour pousser plus loin votre métaphore, si cette carotte était empoisonnée, ne vaudrait-il pas mieux la placer dans le Schools Act, là où vous pouvez la modifier si nécessaire pour réduire sa toxicité, plutôt que de la laisser dans la Constitution, ce qui nous créera beaucoup de problèmes?
Et pour poursuivre dans la foulée de Mme Finestone, ne vaudrait-il pas beaucoup mieux que le gouvernement fédéral et le Parlement fédéral ne se mêlent pas des questions de programme, puisque l'alinéa (2) de la clause 17, la dernière partie, traite directement du programme?
M. Ron Mosher: Nous n'aimons pas du tout l'alinéa (2) de la clause 17, et je crois que si vous en parlez aux Catholiques, et nous avons déjà entendu les Adventistes du septième jour... Nous ne croyons pas qu'un cours de religion générique puisse prouver quoi que ce soit ou donner des résultats quelconques. Nous croyons que, pour que les principes et les valeurs soient bien présentés, il faut que le cours s'inscrive dans un système où, en tant que catégorie de personnes, nous avons droit de parole.
Vous voulez donc savoir si nous croyons qu'il convient de placer cet alinéa ailleurs. C'est sans importance, qu'il soit là ou ailleurs, l'alinéa n'a pas de valeur.
Mme Sharron Collins: Ce dont nous parlons, au fond, c'est de l'abolition de nos droits, de droits que nous possédons en vertu de la clause 17 actuelle. Nous ne sommes pas vraiment intéressés à la nouvelle clause 17, parce que nos droits ne sont pas protégés. Et c'est ce qui nous préoccupe, cette absence de protection de nos droits.
Le sénateur Noël Kinsella: Mais si une majorité des membres du Parlement décide d'accepter la demande de l'assemblée législative—fondée sur le résultat impressionnant d'un vote à l'assemblée législative, un vote unanime, demandant ce changement—si la compétence exclusive en matière d'éducation est accordée à l'assemblée législative de la province, alors ces autres questions, qui en elles-mêmes ne me paraissent pas statiques, évolueront, entraîneront des modifications.
Ne serait-il pas beaucoup plus sage et beaucoup plus prudent de remettre toute la question entre les mains de l'assemblée législative de Terre-Neuve, entre les mains des législateurs? Ils veulent ce pouvoir. Alors donnons-le leur, mais laissons-les assumer la responsabilité qui l'accompagne.
Autrement dit, si vous ne pouvez gagner, si vous devez perdre le droit à l'éducation confessionnelle... Il y a ces deux autres questions qu'il faut traiter, et dans quelle mesure ces deux autres questions se présentent-elles, comme je l'ai dit, sous la forme d'une carotte un peu empoisonnée?
Mme Sharron Collins: Si une loi provinciale habilite le gouvernement à assumer la gestion de nos droits, ce qui s'est passé de janvier à juin pourrait se reproduire. Le gouvernement l'a déjà montré en essayant d'inscrire quelque chose dans la loi. Nous avions nos droits et il a tout bouleversé. Si nous lui donnons le contrôle total de nos droits...
Autre point. J'ai des enfants qui sont appelés à fréquenter l'école pendant 12 ou 13 ans. Pendant ce temps-là le gouvernement peut changer à trois ou quatre reprises. Alors, pourquoi le gouvernement devrait-il décider du sort de mon enfant? C'est moi qui serai là pendant ces 13 années. C'est aux parents de prendre la décision. Et maintenant que nos droits sont inscrits dans la Constitution—je ne parle pas des droits provinciaux—nous avons le droit de nous faire entendre. Si nous renonçons à ce droit, il suffira d'un caprice ou d'un nouveau programme du gouvernement élu pour modifier un document provincial. Notre droit consacré dans la Constitution me paraît plus fort. C'est probablement une simple question de confiance. Je dois dire que, depuis janvier, le gouvernement n'a pas été très convaincant sur ce plan.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Ce sera à la sénatrice Pearson de poser la dernière question; nous sommes à cours de temps.
La sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.): Merci.
Selon certains témoignages, une des raisons des changements proposés à Terre-Neuve était le désir d'améliorer la qualité générale de l'enseignement. Mes cinq enfants ont été élevés un peu partout dans le monde car ils appartenaient à une famille du service extérieur et je n'ignore rien des problèmes que créent le changement et les difficultés d'accès à certaines des choses que nous souhaiterions avoir. Je sais que c'est très difficile.
Cette expérience vécue à l'étranger m'a appris que le monde dans lequel mes enfants et mes petits-enfants vivront lorsqu'ils auront mon âge—ce sera en 2050—sera très différent de celui dans lequel nous vivons, même maintenant, à la fin des années 90.
Les craintes que j'ai entendu exprimer sont inspirées par le désir de pouvoir préparer les enfants de Terre-Neuve pour le XXIe siècle, alors qu'une partie des ressources sont actuellement figées dans le système actuel. Vous avez parlé de ce que vous alliez perdre, mais pensez-vous qu'il n'y ait rien à gagner?
M. Ron Mosher: Je suis ancien directeur d'école, et je voudrais vous montrer des statistiques qui montrent les résultats obtenus par les enfants de Terre-Neuve au test standardisé utilisé dans tout le pays. Vous constaterez qu'en ce qui concerne les résultats, l'élargissement du programme et les statistiques d'obtention de diplôme, les enfants de Terre-Neuve sont égaux à ceux des autres régions et leur sont même supérieurs dans la plupart des cas.
En fait, si vous aviez été à Terre-Neuve et aviez suivi un programme de Radio-Canada sur notre mouvement et sur ce qui se passe actuellement chez nous, vous auriez constaté que nous souffrons d'une véritable hémorragie. Tous nos enfants très qualifiés et ont un niveau d'instruction élevé sont recherchés dans tout le Canada et en Amérique du Nord où on a besoin de leurs talents. J'ai peut-être l'air de me vanter, mais vous pourrez constater que nos enfants, nos étudiants et nos diplômés, sont ceux qui trouvent les meilleurs emplois comme ingénieurs, médecins, etc., dans tout le pays.
Depuis 1990, le gouvernement soutient que l'enseignement donné à Terre-Neuve est inférieur à celui qui est disposé dans le reste du Canada. Il utilisait cet argument pour essayer de convaincre les gens, mais les données et les statistiques ne confirmaient pas ses déclarations.
La sénatrice Landon Pearson: Pour vous, le défi à relever est peut-être de trouver un moyen de garder ces gens-là à Terre-Neuve afin de créer des emplois.
M. Ron Mosher: Ce n'est pas mon problème.
Mme Sharron Collins: C'est encore une fois celui du gouvernement.
M. Ron Mosher: En effet.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup. Ces témoins ont épuisé le temps dont ils disposaient.
Je tiens à vous remercier tous les deux d'avoir accepté de comparaître devant nous, et cela d'autant plus que vous avez fait un long voyage pour venir ici et que le retour sera tout aussi long. C'est d'ailleurs un trajet que je fais chaque semaine.
M. Ron Mosher: Pourrais-je ajouter un mot? Nous avons ici une pétition de Grand Falls-Windsor. Elle n'est pas présentée sous la forme requise pour être soumise au comité, mais elle porte la signature de 623 personnes de Grand Falls-Windsor. Nous avons d'ailleurs aussi une autre pétition signée par 3 700 personnes qui vous sera présentée, mercredi. Pouvons-nous vous la remettre?
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Certainement.
M. Ron Mosher: La pétition porte les noms des Pentecôtistes qui veulent conserver leurs droits constitutionnels.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Au nom du comité, je vous remercie sincèrement tous les deux. Encore une fois, merci d'avoir fait ce long voyage pour nous rencontrer.
Mesdames et messieurs, membres du comité, nous allons faire une pause de 300 secondes, autrement dit, cinq minutes.
Nous allons entendre tout à l'heure un groupe de témoins. La St. Pius X Parent Teacher Association sera représentée par Janet Henley Andrews, la présidente, et par Susan Hiscock, la vice-présidente. La Gonzaga High School Parents Association sera représentée par M. Patrick O'Shea, et le Committee to Keep Gonzaga Jesuit, par Mlle Catherine Young, membre. Nous les entendrons en groupe.
Nous reprendrons la séance dans cinq minutes.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je vous présente Mme Janet Henley Andrews, de la St. Pius X Parent Teacher Association. Elle est accompagnée de Mme Susan Hiscock, la vice-présidente. Soyez toutes deux les bienvenues.
M. Patrick O'Shea, de la Gonzaga High School Parents Association et Mlle Catherine Young, du Committee to keep Gonzaga Jesuit, vont également témoigner.
Catherine, votre nom vous va comme un gant.
Merci d'être venus. Nous disposons d'une heure pour la présentation de votre mémoire et pour les questions. Comme il semble que c'est ainsi que vous préférez fonctionner, je vous laisse le choix de décider du premier intervenant.
Monsieur O'Shea.
M. Patrick O'Shea (président, Gonzaga High School Parents Association): Monsieur le président, députés, sénateurs, mesdames et messieurs, la Gonzaga High School se trouve à St. John's; elle est fréquentée par 647 élèves de la 9e à la 12e année, qui viennent de quatre écoles élémentaires et secondaires du premier cycle.
Gonzaga est fière d'être une école catholique dans la tradition des Jésuites, tradition dont elle n'a jamais dévié depuis son ouverture en 1962. Les écoles élémentaires et secondaires du premier cycle St. Pius X ont été construites sur le même terrain que la Gonzaga, ainsi que l'église catholique St. Pius X. En fait, les paroissiens catholiques de St. Pius X ont versé plus d'un million de dollars entre 1962 et 1997 pour l'éducation des élèves dans ces écoles.
Les autres écoles qui fournissent les effectifs de la Gonzaga High School se trouvent dans des quartiers de la ville légèrement plus éloignés. J'ai des lettres d'appui de ces écoles, et en ce sens, je parle au nom de toutes les écoles Gonzaga.
En tant que parent catholique, je suis à la fois furieux et frustré d'avoir été contraint de venir à Ottawa pour comparaître devant ce comité. Encore une fois, je suis obligé d'invoquer mes droits—notamment le droit de choisir le type d'enseignement qui sera donné à mes trois enfants. Il est particulièrement frustrant pour moi de me trouver ici après que le président du comité a apparemment déclaré que la plupart des membres avaient déjà pris leur décision.
C'est une erreur de dire que les parents catholiques sont opposés à la réforme. Nous avons soutenu de nombreux changements qui ont déjà été adoptés. Cependant, à toutes les étapes du processus de ces cinq dernières années, nous avons continué à affirmer notre position.
• 1745
Par exemple, une pétition signée par 50 000 personnes de toute
la province qui réclamaient des écoles catholiques a été présentée
à la législature de Terre-Neuve en 1993. Les parents ont écrit de
nombreux mémoires qui ont été soumis aux deux ordres de
gouvernement.
Au cours du processus d'inscription dans les écoles de février dernier, 12 000 parents de notre commission scolaire et 24 000 de l'ensemble de la province ont déclaré qu'ils voulaient que leurs enfants fréquentent une école catholique uniconfessionnelle. Il a été décidé que la Gonzaga High School et les établissements dont proviennent ses élèves demeureraient catholiques, sans aucun doute parce que dans chaque communauté scolaire, une écrasante majorité des gens réclamaient un enseignement catholique. Or, moins de six mois plus tard, il a été décidé de tenir un référendum dont l'objet était d'éliminer totalement mon droit de choisir un tel enseignement.
Quel que soit le nombre des compromis que les parents catholiques ont été obligés d'accepter—et Dieu sait s'il y en a eu—ce n'est jamais suffisant. Les cinq dernières années ont été un interminable cauchemar qui nous a épuisés.
Il est scandaleux qu'on ait accordé tant de crédibilité au référendum de septembre, qui intéresse tant le comité. D'autres que nous ont fait observer les graves lacunes et insuffisances que les Catholiques perçoivent dans son processus. Comment les Catholiques, qui ne représentent que 37 p. 100 de la population, pourraient-ils jamais espérer vaincre la majorité?
En outre, nous estimons que toutes les analyses du monde ne permettront jamais de déterminer avec exactitude de la manière dont les Catholiques ont voté. Comme on ne nous a pas autorisés à avoir de scrutateurs, et aucune appartenance religieuse n'était indiquée sur la feuille de scrutin, personne, y compris le gouvernement provincial, ne peut affirmer de quelle manière la population catholique a voté. Tout ce que nous savons, à en juger d'après le processus d'inscription, c'est que les 24 000 parents catholiques de notre province sont sur le point de perdre à tout jamais leurs droits.
J'en ai plus qu'assez d'être obligé de lutter pour protéger les droits à l'enseignement de la minorité que nous représentons. Après tout, d'autres minorités de notre province, en particulier les autochtones du Labrador et ceux dont le français est la première langue, ont leurs écoles protégées par le gouvernement de Terre-Neuve. Pourquoi devrais-je être obligé de recommencer continuellement à défendre mes droits?
Cela m'irrite profondément que le gouvernement pense que la mise en place d'un cours général d'éducation religieuse suffira à nous apaiser. Ce n'est pas du tout ce que nous attendons, car ce ne serait, au fond, qu'un cours de sociologie comparée des religions. Pourtant, c'est la carotte qu'on a offerte à ceux d'entre nous qui veulent maintenir le caractère religieux de nos écoles. Une école catholique ne se réduit pas à un simple cours d'éducation religieuse.
À la Gonzaga High School, les élèves ont le sentiment d'appartenir à une communauté scolaire catholique forte et fière, au sein de laquelle leur identité catholique est constamment affirmée. Les parents participent activement à la vie de l'établissement et lui apportent leur soutien, ce qui s'explique en partie par la cohérence des attitudes et des valeurs encouragées à l'école, à la maison et dans la paroisse. Les parents et les enseignants se soutiennent mutuellement, et les élèves qui observent la constance de nos valeurs en tirent profit. Nous savons fort bien que nos enfants ne bénéficieront pas de ces avantages dans un nouveau système scolaire dépourvu de tout caractère catholique.
En conclusion, les parents catholiques que nous sommes et qui désirent pouvoir continuer à choisir un enseignement catholique pour leurs enfants, veulent autant que quiconque qu'on mette fin à cet épuisant processus. Mais notez bien ceci: nous avons l'intention de lutter jusqu'au bout et, si c'est nécessaire, devant les tribunaux. Je ne renoncerai jamais volontairement à nos droits, et les autres parents comme moi, non plus. Nous ne pouvons pas le faire car, la vie de nos enfants est en jeu.
Nous constations avec tristesse qu'on songe même à remettre nos droits en question. Nous demandons instamment que vous défendiez les droits auxquels nous sommes si profondément attachés, afin de nous permettre d'assurer à nos enfants l'éducation catholique qu'ils méritent.
Je vous remercie.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Mme Janet M. Henley Andrews (présidente, St. Pius X Parent Teacher Association): Monsieur Byrne, nous avons ici trois groupes distincts, de manière à ce que nous...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Tout à fait d'accord. Si vous voulez faire de courts exposés individuels.
Mme Janet Henley Andrews: C'est ce que nous avons l'intention de faire, mais nous avons essayé d'éliminer les répétitions dans toute la mesure du possible.
Susan Hiscock et moi-même prendrons tour à tour la parole. Catherine Young parlera ensuite au nom du Committee to Keep Gonzaga Jesuit.
Nous remercions le comité de nous avoir permis de comparaître ici aujourd'hui. Il est rafraîchissant de voir que, pour une fois, les partisans du «non» ont reçu une aide financière publique. C'est un geste de courtoisie que la province de Terre-Neuve n'a pas eu à notre égard. Dans notre province, nous avons été obligés de mettre la main à la poche chaque fois qu'il a été nécessaire de protéger nos droits constitutionnels.
Nous espérons que notre comparution ne sera pas une pure perte de temps, compte tenu du fait que le président du comité, M. Byrne, a déclaré qu'il croit qu'en ce qui concerne Terre-Neuve, beaucoup des membres ont déjà décidé de la manière dont ils allaient voter. Si c'est le cas, le sens de l'équité aux audiences n'a jamais volé aussi bas au Canada.
Nous espérons sincèrement que vous êtes tous venus ici sans préjugé. Autrement, ce ne serait qu'une caricature de processus. Rares sont ceux qui ont écouté nos avertissements au sujet de la clause 17 actuelle. Nous espérons que cette fois vous accorderez plus d'attention à nos besoins et à nos préoccupations.
Mme Susan Hiscock (vice-présidente, St. Pius X Parent Teacher Association): La St. Pius X Parent Teacher Association représente les parents d'environ 500 élèves de l'école élémentaire St. Pius X et de l'école secondaire du premier cycle St. Pius X à St. John's. Les classes vont du jardin à la 4e année dans le premier établissement et de la 5e à la 8e année, dans l'autre.
En 1996, nos élèves de 4e année ont obtenu les meilleures notes du district scolaire au test canadien de compétences fondamentales, avec une moyenne de 83 p. 100.
En février et mars 1997, nous avons participé au processus d'inscription scolaire du gouvernement de Terre-Neuve. Ce processus offrait la possibilité aux parents d'indiquer s'ils préféraient une école catholique ou une école interconfessionnelle pour chacun de leurs enfants.
En dépit d'un processus jugé injuste à l'égard des écoles uniconfessionnelles par la Cour suprême de Terre-Neuve, 86 p. 100 de l'effectif de l'école élémentaire et 80 p. 100 de l'effectif total de l'école secondaire de premier cycle ont été réinscrits dans des écoles catholiques uniconfessionnelles, soit 96 p. 100 et 91 p. 100, respectivement, du nombre des inscrits.
Dans le district scolaire d'Avalon East, des résultats analogues ont été obtenus à Roncalli Elementary, à Saint Francis of Assisi, à Gonzaga High School, à St. Bonaventure's, à St. Patricks Hall, à Mary Queen of Peace, à Brother Rice High School et à St. Teresa's, entre autres.
En dépit de la vigueur de cet appui et de la préférence manifeste exprimée par les parents des élèves de ces écoles, le gouvernement de Terre-Neuve propose que nos établissements et toutes les autres écoles catholiques de la province deviennent des écoles publiques en septembre 1998. Étant donné la fermeté de la position prise par les parents à St. Pius X et ailleurs dans le district, c'est un profit injuste, injustifié, qui témoigne d'un mépris total de nos droits, de nos convictions et de tout ce que nous avons investi dans notre école et nos bâtiments scolaires.
Dans le cas de l'école élémentaire St. Pius X et de l'école secondaire de premier cycle, le coût de construction des bâtiments actuels a été assumé à part égale par la commission scolaire et la paroisse. Autrement dit, 50 p. 100 de l'investissement initial a été couvert grâce à une subvention et 50 p. 100 grâce à l'apport des membres de la paroisse de St. Pius X.
Notre mémoire est accompagné d'une lettre de la paroisse qui énumère les investissements effectués dans ces deux bâtiments au fil des années. Le total dépasse un million de dollars. Les parents que nous sommes ont contribué des dizaines de milliers de dollars pour acheter des ordinateurs, des livres de bibliothèque, du mobilier, des tapis et des revêtements de sol, des fournitures, des rideaux et du matériel de cafétéria au cours des dix dernières années. En moyenne, nous avons collecté plus de 15 000 $ par an pendant au moins huit ans.
Le gouvernement de Terre-Neuve a l'intention de s'approprier nos bâtiments et leur contenu et d'en faire des écoles publiques, et cela sans verser un sou. C'est littéralement de l'expropriation sans aucune forme d'indemnisation. C'est totalement injuste à notre égard.
Mme Janet Henley Andrews: On nous demande constamment ce qu'une école catholique peut bien avoir de spécial. Une école catholique représente une collaboration entre les parents, l'établissement lui-même et la paroisse ou la collectivité desservie. C'est un milieu dans lequel règne un esprit de coopération, où l'enseignement catholique, moral et théologique, est encouragé et soutenu.
• 1755
Nous enseignons le respect des convictions d'autrui, pas
simplement la tolérance. Dans une école catholique, on respecte nos
convictions religieuses, on ne se contente pas de les tolérer. Ce
qui est aussi important, c'est que dans une école catholique, les
enfants peuvent pratiquer ouvertement leur religion, se préparer au
sacrement et pratiquer leur culte à l'école et à l'église sans être
obligés de s'en excuser et sans avoir l'impression qu'ils sont
privés d'autre chose.
Pour certains, l'enseignement catholique est une forme de ségrégation. Nous ne sommes pas d'accord. Nos enfants fréquentent quotidiennement des enfants d'autres confessions dans leurs quartiers au cours de leurs activités extrascolaires, ainsi que dans la collectivité. Ils sont également exposés aux convictions et opinions diverses présentées dans les médias et à la télévision. Envoyer un enfant dans une école catholique représente le choix d'une éducation dans laquelle les influences quotidiennes exercées sur le développement spirituel et personnel de l'enfant concordent avec les influences que les parents veulent exercer eux-mêmes au foyer.
Apparemment, vous entendrez cette semaine un spécialiste des sciences politiques de Terre-Neuve, Mark Graesser, qui essayera de vous convaincre que la majorité des Catholiques ont voté «oui». À notre avis, M. Graesser manque d'impartialité. C'est un partisan de longue date des écoles publiques et de l'élimination des écoles confessionnelles.
Il est l'auteur d'une lettre envoyée à la Commission royale Williams sur l'éducation en 1991, alors que 90 p. 100 des mémoires reçus par elle étaient en faveur du maintien du système confessionnel. Dans cette lettre, il déclarait que le moment était venu d'effectuer un sondage puisque l'Église catholique traverse une crise créée par les accusations d'exploitation sexuelle portées contre elle. Il a ensuite été recruté pour réaliser ce projet. La lettre existe dans trois systèmes de classement différents.
Dans un mémoire présenté à Victoria, à la réunion annuelle de l'Association canadienne de science politique tenue du 27 au 29 mai 1990, M. Graesser a également encouragé les activistes à modifier le système compte tenu de la crise traversée par la communauté catholique. J'ai une copie de ce document.
Le gouvernement de Terre-Neuve a délibérément choisi la formule du référendum général. Il a délibérément décidé d'ignorer ce qu'une majorité de Catholiques et de Pentecôtistes pensent de la suppression de leurs droits. Ni M. Graesser ni le gouvernement de Terre-Neuve ne sont en mesure de spéculer sur le nombre des votants ou sur la manière dont ils ont voté.
La seule mesure objective de l'appui aux écoles catholiques nous est donnée par le résultat du processus d'inscription organisé par le gouvernement, qui a eu lieu en février et mars de cette année. Au cours de ce processus, on a demandé aux parents s'ils préféraient une école uniconfessionnelle ou une école interconfessionnelle.
Comme nous l'avons déjà dit, 24 000 enfants catholiques ont été réinscrits dans les écoles catholiques à la suite de ce processus. Cela représente plus de 60 p. 100 du nombre des enfants qui fréquentaient des établissements catholiques de la province. Nos écoles St. Pius X se trouvent dans le district scolaire d'Avalon East. Dans ce district, 12 000 élèves ont officiellement déclaré qu'ils préféraient fréquenter des écoles catholiques. Vous trouverez l'analyse des résultats en annexe à notre mémoire.
Le pourcentage des votes en faveur des écoles catholiques, a été de 75 p. 100, ce qui est très supérieur au pourcentage de participation au référendum. Deux tiers des élèves des écoles catholiques d'Avalon East se sont fait réinscrire dans des écoles catholiques. Quatre-vingt-cinq pour cent des inscrits ont choisi des écoles catholiques. La différence avec les résultats du référendum est criante. Cinquante-trois pour cent seulement des personnes admissibles ont voté et 37 p. 100 seulement d'entre elles ont voté «oui».
Ce que nous réclamons est très simple. Nous voulons continuer à avoir des écoles catholiques là où les parents en veulent, lorsqu'elles sont viables. Nous voulons avoir le droit de choisir le type d'enseignement que nous jugeons le meilleur pour nos enfants. Notre choix en faveur des écoles catholiques ne diffère en rien du fait que certains parents choisissent des écoles d'immersion en français ou des écoles où la première langue est le français.
Nous n'avons pas besoin de commissions scolaires. Nos écoles pourraient être des écoles indépendantes financées par le public avec des conseils d'administration composés de parents. Nous pouvons très bien nous passer des commissions scolaires publiques. Les écoles catholiques pourraient fonctionner indépendamment de ces commissions.
• 1800
En conclusion, il y a huit ans que nous menons ce combat. Nous
avons consacré beaucoup de temps et d'argent à essayer de protéger
notre liberté de choix et notre liberté de religion. Au cours des
18 derniers mois, nous avons participé à six audiences ou processus
de consultation différents, axés sur l'élimination des écoles
catholiques. Nous sommes las, nous sommes irrités, nous en avons
assez.
On nous a demandé de défendre nos droits à 14 reprises au cours des cinq dernières années. Le gouvernement Wells et le gouvernement Tobin avaient le même leitmotiv: malmener les Catholiques et les Pentecôtistes et s'il y a un problème, dire qu'ils en étaient responsables.
Nous pensions que la question avait été réglée par l'adoption de la nouvelle clause 17 et les interventions du gouvernement de Terre-Neuve aux audiences du Sénat en 1996 nous avaient réconfortés, encore que nous nous interrogions sur ses intentions véritables. Depuis le jour où la Chambre des communes a adopté la modification à la clause 17, il est clair que le gouvernement de Terre-Neuve fait tout son possible pour nous rendre difficile l'exercice des droits qui nous restent encore.
Apparemment, on n'avait pas l'intention de nous laisser exercer ces droits nouvellement modifiés car dès notre première tentative pour les appliquer, le gouvernement a réagi en les supprimant totalement. Ce n'est pas là agir de bonne foi. Ce n'est pas une manifestation de respect pour les droits. Ce n'est pas une manifestation de respect pour la liberté de choix.
Le Parlement du Canada est censé protéger les droits des minorités. Certains d'entre vous ont déclaré publiquement que vous soutiendrez cette initiative tant qu'elle ne sera pas considérée comme un précédent pour les autres provinces. Les habitants de Terre-Neuve ne sont pas des citoyens de seconde zone au Canada, merci bien. Nous sommes autant attachés à nos droits que les autres Canadiens le sont aux leurs.
Certains d'entre vous appartiennent à d'autres minorités du Canada qui bénéficient aussi d'une protection constitutionnelle. Le moment ne saurait être mieux choisi pour agir envers son prochain comme envers soi-même. Nos écoles, nos enfants, nos parents méritent votre appui.
Je vous remercie.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci.
Mlle Catherine Young (membre, Committee to keep Gonzaga Jesuit): Bonsoir, mesdames et messieurs. Je m'appelle Catherine Young et j'ai récemment obtenu un diplôme d'un des meilleurs établissements d'enseignement de Terre-Neuve et du Labrador. Ce n'est pas un établissement privé subventionné par les riches, pas plus qu'un établissement entièrement subventionné par les contribuables. Cette école, mon école, est un établissement jésuite dont l'enseignement est fondé sur la morale, les valeurs, la tradition et, chose particulièrement importante, sur le respect d'autrui.
Je représente ici aujourd'hui les anciens élèves de la Gonzaga et le Committee to Keep Gonzaga Jesuit. Je tiens tout d'abord à remercier ceux qui m'ont offert la possibilité de m'adresser à vous. Je considère que c'est à la fois un honneur et un privilège de servir ainsi Gonzaga, et je vous autorise à tenir compte de mes paroles, de mes expériences et de mes convictions lorsque vous déciderez de l'avenir de mon école.
J'ai obtenu mon diplôme d'études secondaire de Gonzaga il y a trois semaines seulement, et en m'avançant avec fierté sur l'estrade, je me suis sentie envahie par un sentiment fait à la fois de joie et de tristesse—de joie à cause de la manière dont Gonzaga m'avait préparé pour l'avenir en me donnant une base solide; de tristesse à la pensée de laisser derrière moi un monde qui m'avait appris tant de choses sur le respect d'autrui et les valeurs, un monde dont l'existence est maintenant menacée.
Pendant cet inoubliable séjour à Gonzaga, j'ai participé à de nombreuses activités extrascolaires; j'ai notamment été membre de l'équipe de retraite pastorale et des Viking Volunteers. Ces activités ne se déroulaient pas toutes pendant les heures de classe normales, et aucune pression n'était d'ailleurs exercée sur les élèves pour qu'ils y participent. Elles se déroulaient les fins de semaine et en semaine, le matin, l'après-midi ou le soir. De nombreux élèves aux ambitions, aux antécédents et aux avenirs différents y participaient.
Le Keep Gonzaga Jesuit Committee a été créé en janvier 1996. Il était composé de nombreux enseignants, parents, élèves et anciens élèves. Grâce aux efforts de ce comité, nous avons sensibilisé tous les élèves de notre école aux avantages et aux inconvénients d'un enseignement interconfessionnel et nous leur avons expliqué le processus d'inscription de février 1997, à l'occasion de séances d'information organisées par le conseil étudiant.
• 1805
Nous avons essayé d'informer le public en mettant des annonces
dans les journaux pour expliquer pourquoi il est important que les
Jésuites demeurent à Gonzaga. Nous avons organisé des campagnes
épistolaires et envoyé au premier ministre du Canada et au premier
ministre de Terre-Neuve et du Labrador des lettres signées par les
parents, les anciens élèves et les élèves qui soutenaient les
efforts de Gonzaga. Nous avons organisé de nombreux rassemblements
d'élèves qui ont encouragé beaucoup d'entre eux à participer à nos
efforts pour que Gonzaga demeure jésuite et pour accroître notre
esprit de corps afin de surmonter les moments difficiles que nous
allions connaître.
Nous avons tenu deux soirées d'information auxquelles ont assisté plus de 500 parents d'enfants fréquentant Gonzaga ou nos écoles préparatoires. Ces réunions avaient pour objet de répondre du mieux possible aux questions des parents et de les informer de ce que représenterait un enseignement interconfessionnel à Gonzaga. Nous avons effectué une campagne de diffusion pendant laquelle plus de 100 élèves ont distribué plus de 5 000 brochures dans la région de Gonzaga et celle des écoles préparatoires.
Comme on vous l'a dit, les élèves, les anciens élèves et les parents de Gonzaga ont joué un rôle très actif dans la campagne en faveur du maintien du caractère uniconfessionnel de notre école. Peut-être vous demandez-vous ce que cela peut me faire que Gonzaga devienne une école publique puisque j'ai déjà obtenu mon diplôme? Ma réponse repose sur le fait qu'un jour, je voudrais me marier et avoir des enfants. Lorsque ce jour viendra, je n'imagine pas de don plus précieux à mes enfants que celui que Gonzaga et les Jésuites m'ont fait: de solides principes fondés sur des valeurs morales, des traditions et, en particulier, sur le respect.
Il est extrêmement important pour beaucoup de monde que Gonzaga demeure une école catholique. C'est une opinion qui a été inlassablement répétée par les parents et les élèves. Dans le monde démocratique auquel nous appartenons, comment le gouvernement peut-il tourner casaque aujourd'hui et nous enlever nos droits? Pourquoi mes amis et moi-même serions-nous obligés de tant nous battre pour défendre quelque chose à quoi nous croyons vraiment? Éliminer les Jésuites du système scolaire de Terre-Neuve et du Labrador serait une perte pour le système scolaire de Terre-Neuve et du Labrador, une perte pour les élèves actuels de Gonzaga et une perte pour les élèves de demain qui veulent recevoir l'enseignement des Jésuites.
Je vous demande donc instamment de ne rien changer à mon école, de manière à ce que les élèves de demain connaissent la merveilleuse expérience que mes amis et moi-même avons vécue.
Encore une fois, je vous remercie de m'avoir permis de m'exprimer sur cette question, une question qui risque d'affecter bien plus de personnes que vous ne l'imaginez. Je vous remercie de votre attention.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, mademoiselle Young, et tous les membres du groupe. Nous allons maintenant passer aux questions.
Le sénateur Noël Kinsella: J'en appelle au règlement.
Mes chers collègues, au cours de son exposé, M. O'Shea a porté une accusation contre notre distingué coprésident. Ce comité mixte, comme tous les comités, est régi par le règlement des deux chambres. Dans le cas présent, je crois que l'on devrait permettre au fauteuil de répondre à cette déclaration, car une prétention établie prima facie portant sur une violation de privilège ou une violation du règlement pourrait en découler. Nous serons peut-être obligés de traiter cette éventualité, car c'est une atteinte à la Chambre, et si ce qui a été dit est vrai, j'estime que le coprésident devrait pouvoir réagir. Autrement, il se peut que les privilèges de tous les membres de ce comité soient enfreints; en effet, si ce qui a été dit est vrai, cela signifie que le travail que nous faisons est une véritable fumisterie, ce que je n'accepte pas. Je crois en toute justice à l'égard du...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Si vous me le permettez, j'ai une remarque à faire. Ces remarques n'avaient rien à voir avec le fait que je préside ce comité. Elles ne s'adressaient donc pas au fauteuil.
Deuxièmement, ces commentaires étaient peut-être un peu hors contexte. De toute façon, je ne veux pas en discuter, car j'occupe le fauteuil. Je dirais simplement qu'à moins qu'il ne s'agisse d'une prétention prima facie, sénateur, que vous voudriez invoquer, les commentaires faits à mon égard en dehors de ma qualité de président... Je ne vois aucun rapport. Je vais donc reprendre la période de questions et de réponses, à moins, naturellement, que vous ne vouliez encore en appeler au règlement.
Le sénateur Noël Kinsella: Je n'avais jamais entendu parler de cette question avant que les témoins ne l'évoquent. Bien entendu, conformément au règlement si, nous jugeons qu'il y a un appel au règlement prima facie à faire, j'en ai simplement parlé parce que c'était la première occasion que j'ai eue de le faire. J'accepte l'explication donnée par le fauteuil.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Le sénateur Doody en appelle au règlement.
Le sénateur William Doody: Il s'agit vraiment d'une question de procédure, à mon avis, monsieur le président. Certains des mémoires qui nous ont été si bien présentés aujourd'hui contiennent des statistiques très intéressantes, et il est impossible de les assimiler et de les retenir toutes. Des exemplaires de ces mémoires sont-ils distribués?
Mme Janet Henley Andrews: On nous a dit qu'on n'attendait pas des membres du public qu'ils nous fournissent leur mémoire en 23 exemplaires, parce que c'est très coûteux. Il faut donc reproduire ce document.
Le sénateur William Doody: Nous pourrons le faire si vous nous remettez les originaux.
Mme Janet Henley Andrews: C'est ce que nous avons fait.
Le sénateur William Doody: Bien. Merci.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Oui, nous le ferons certainement. Merci beaucoup.
Sénateur Rompkey.
Le sénateur William Rompkey: Je voulais faire une remarque au sujet de cet appel au règlement. Il est probable que ces commentaires figuraient dans un article de journal, et comme l'a dit le président, il n'est pas certain qu'ils correspondent exactement à ce qu'il a dit avant de devenir le président du comité. Je tiens simplement à signaler aux fins du compte rendu que ce qui est repris dans un journal ne correspond pas toujours exactement à ce qui a été dit. Samedi, un journaliste a rapporté une déclaration que j'aurais faite alors que je ne lui avais pas du tout parlé et qu'en fait, je ne l'avais jamais rencontré. Cela montre bien que lorsqu'on vous cite, la citation n'est pas toujours exacte.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je considère donc que le comité convient que cet appel au règlement n'a pas de raison d'être et qu'à la suite de l'explication donnée par le fauteuil, la question a été réglée de manière satisfaisante. Ai-je votre assentiment?
Des voix: Oui.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): La question est donc réglée.
Nous allons maintenant passer aux questions et aux réponses. Monsieur Goldring.
M. Peter Goldring: Merci, mesdames et messieurs de nous avoir présenté un mémoire très complet. Je remercie en particulier Catherine dont les remarques étaient extrêmement touchantes.
Un certain nombre de questions qui ne sont pas sans lien avec ce que vous avez dit, me préoccupent. Une pétition a été signée par 50 000 personnes, il y a trois ans. Cette pétition était très favorable au maintien de l'enseignement confessionnel catholique. Cette position devait être affirmée à nouveau en mars de cette année, au moment où la province a demandé l'inscription des élèves à un enseignement confessionnel. Je considère que cela constitue une façon de confirmer le souhait très fort qui existe de maintenir un enseignement confessionnel. Or, les résultats du référendum ne reflètent pas du tout cela.
Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez, monsieur O'Shea ou Janet? La question était-elle bien posée? A-t-elle été bien présentée et a-t-elle été bien comprise par tous?
Mme Janet Henley Andrews: Non. La question paraît juste au premier abord mais en réalité, le gouvernement avait fait appel aux services d'une société de relations publiques locale avant même de tenir le référendum. Cinq questions différentes, dont celle qui a été finalement posée, ont été soumises à des groupes de réflexion. Elles ont fait l'objet de mini-sondages. Elles ont été retravaillées jusqu'à ce que la société de relations publiques ait été certaine que la question était suffisamment générale pour que le gouvernement obtienne le mandat souhaité.
Le libellé exact de la question est le suivant: «Êtes-vous partisan d'un système scolaire unique, ouvert à tous les enfants et qui offrira un enseignement religieux?». Au cours de l'exposé précédent fait par les Pentecôtistes, ceux-ci ont parlé de la collectivité de Ferryland. Ferryland est catholique à 98 p. 100. Il a un système d'éducation unique qui comporte un enseignement religieux, Donc, si la personne qui vit à Ferryland répond «oui» à la question, elle répond «oui» au statu quo, c'est-à-dire un système scolaire unique confessionnel. Le problème est qu'il s'agit actuellement d'un système catholique avec un programme d'enseignement religieux catholique.
Lorsque le gouvernement a annoncé le référendum le 29 juillet, il a déclaré qu'il y aurait un système scolaire chrétien. Un questionnaire envoyé à tous les ménages de la province précisait que les écoles continueraient à fonctionner conformément aux principes chrétiens, comme c'est le cas actuellement. Je ne fais que citer la réponse. Cependant, lorsque les avocats ont commencé à essayer de formuler la clause 17 proposée, ils n'ont rien trouvé qui aurait été capable de résister à une contestation fondée sur la Constitution.
• 1815
La veille du scrutin préliminaire, le libellé de la nouvelle
clause 17 a été rendu public. Selon ce libellé, il n'y aurait pas
de programme d'enseignement religieux chrétien, et il n'y aurait
pas non plus d'écoles chrétiennes. Une semaine avant le référendum,
avec la fin de semaine de la Fête du travail en plein milieu, nous
nous retrouvions donc confrontés à une notion totalement nouvelle.
Donc, si l'on considère que 80 p. 100 des collectivités de la province n'ont qu'un seul système scolaire et qu'on y ajoute une situation aussi confuse, il est facile d'imaginer le terrible sentiment de frustration que nous avons tous éprouvé au cours de ces deux ou trois dernières années, et en particulier, au cours de l'année écoulée. Nous n'avons pas perdu de beaucoup. Nous sommes simplement épuisés. Je ne sais pas qui a voté à ce référendum. J'ai sérieusement songé à ne pas voter moi-même, car cela me paraissait une pure perte de temps.
Mais qui sait?
M. Peter Goldring: Janet, pourriez-vous nous décrire votre impression de la campagne de publicité du gouvernement de Terre-Neuve—les annonces à la télévision, la publicité dans les journaux. Comment avez-vous réagi à cela? Cette publicité était-elle instructive?
Mme Janet Henley Andrews: C'était une publicité qui utilisait des méthodes indirectes—dans aucune de ces annonces on n'a jamais demandé aux gens s'ils étaient d'accord pour qu'on leur enlève le droit d'avoir des écoles séparées qui est fondé sur la Constitution. La question de l'élimination des droits constitutionnels n'a jamais été abordée. C'était le genre de publicité où l'on montrait de jeunes enfants en classe, le tout dans une atmosphère confortable, ouatée et chaude, avec un message générique très simple. Il n'y avait aucune information sur les vrais problèmes. Tout ce qu'on vous demandait de faire, c'était de voter «oui».
M. Peter Goldring: Merci, Janet.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Bien, merci.
À vous, monsieur DeVillers.
M. Paul DeVillers: Merci, monsieur le président.
J'avais deux questions à poser au départ, mais je crois que Janet a répondu à l'une d'entre elles lorsqu'elle a expliqué l'augmentation des résultats du référendum. Le pourcentage a d'abord été de 52 à 53 p. 100, puis de 73 p. 100. Je crois que vous avez aussi répondu à la question de M. Goldring en expliquant pourquoi le soutien de la population...
Mme Janet Henley Andrews: Je ne suis pas une fanatique de Clyde Wells, croyez-moi. À sa décharge, cependant, je dirai que son premier référendum posait la question suivante: «Êtes-vous partisans du changement de la Constitution selon la manière proposée par le gouvernement?» Il s'agissait donc clairement de modifier éventuellement la Constitution, de supprimer certains droits.
M. Paul DeVillers: Ma seconde question avait trait au vote à la législature. Je sais qu'on a souvent dit qu'il s'agissait d'un plan du gouvernement, etc. Vous n'êtes pas une fanatique de Clyde Wells, mais il y a d'autres partis à la législature qui ont également voté «oui». Comment comprenez-vous cela?
Mme Janet Henley Andrews: Comment je comprends quoi?
M. Paul DeVillers: L'attitude des partis de l'opposition.
Mme Janet Henley Andrews: Je vais essayer de vous répondre en termes polis. Voyons...
Ces partis n'avaient rien dans le ventre, c'est tout ce que je peux dire. Tout ce qu'ils voulaient c'est de se faire réélire pour obtenir leurs pensions. Ils ont vu dans quelle direction s'orientait la majorité, et ils l'ont suivie. Soyons francs. Dans une société démocratique où les gens sont élus par des majorités, si vous voulez vous faire élire premier ministre aux prochaines élections provinciales et si vous êtes le chef des Bleus, qui donc allez-vous suivre?
M. Paul DeVillers: Mais dans ce cas, ce sont les droits confessionnels de 96 p. 100 de la province qui se trouvent ici supprimés.
Mme Janet Henley Andrews: Mais les droits confessionnels...
M. Paul DeVillers: Si j'étais candidat à des élections à Terre-Neuve, je ne pense pas que j'accepterais la position que vous adoptez. À mon avis, ce n'est pas de la bonne politique.
Mme Janet Henley Andrews: Monsieur DeVillers, ce qu'il faut que vous compreniez, c'est que pendant la campagne référendaire, les Anglicans, l'Église unie, l'Armée du Salut et les églises presbytériennes ont tous annoncé qu'ils appuyaient le gouvernement. Les églises qui représentent 56 p. 100 de la population ont toutes annoncé qu'elles étaient d'accord avec lui.
Nous n'avons rien contre un système d'écoles publiques. Le gouvernement peut en avoir un s'il le veut. Tout ce que nous disons c'est que nous devrions également conserver le droit d'avoir des écoles séparées. Nous ne voulons pas de la commission scolaire. Dieu sait que les six derniers mois ont abondamment prouvé qu'elle ne fonctionnera jamais. Nous voulons conserver le droit, lorsque les chiffres le justifient, là où un établissement sera viable, d'obtenir que nos écoles catholiques bénéficient d'une aide financière publique. Si les chiffres ne sont pas suffisants pour que nous ayons une école catholique, eh bien, nous n'en n'aurons pas.
M. Paul DeVillers: Merci, monsieur le président.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci.
Je donne maintenant la parole au sénateur Kinsella qui sera suivi par le sénateur Rompkey, puis par M. Doyle et enfin, par Mme Caplan.
Le sénateur Noël Kinsella: Merci, monsieur le président.
Je comprends très bien votre position. Elle a été très clairement exposée aux membres du comité.
Je voudrais soulever la question hypothétique suivante. Si, au cours de ces trois ou quatre dernières années, votre système d'écoles confessionnelles a été modifié contre votre gré, au cas où cette modification était adoptée contre votre gré, pensez-vous qu'il serait préférable pour l'enseignement catholique que si l'on donne compétence exclusive à la province de Terre-Neuve, ce que la clause 17(1) et la première moitié de la clause 17(2) prévoient, votre position serait beaucoup plus forte si le reste de la modification proposée n'était pas adopté?
Vous vous retrouveriez dans la même situation qu'au Nouveau-Brunswick, où la législature provinciale a compétence exclusive dans le domaine de l'éducation, et où les collectivités ont pu parvenir à des arrangements avec la province en vertu de la Loi scolaire. Dans la ville de Saint-Jean, par exemple, il y a plusieurs écoles secondaires catholiques. Il y a des écoles élémentaires catholiques à Saint-Jean, à Fredericton et ailleurs. Tout cela est conforme à la Loi scolaire, et une certaine flexibilité est possible parce qu'il ne s'agit pas d'une disposition constitutionnelle.
Je comprends parfaitement l'argument sur les droits, et je suis d'accord avec vous à ce sujet. Mais si les dés ont été jetés, si cela va se passer de toute façon, ne serait-il pas préférable pour vous de ne pas avoir le reste de ce—de mettre un point après le mot «enseignement» à la clause 17(2), de manière à ce que vous puissiez faire comme au Nouveau-Brunswick où il y a encore des écoles catholiques?
Mme Janet Henley Andrews: Vous avez en fait posé deux questions. Tout d'abord, le premier ministre a annoncé le soir du référendum—et il l'a répété à plusieurs reprises depuis—qu'il n'y aura pas une seule école catholique ou une seule école pentecôtiste dans la province une fois que cette nouvelle clause 17 aura été adoptée. À l'heure actuelle, il n'y a aucun espoir que Gonzaga ou St. Pius X demeurent des écoles catholiques à Terre-Neuve.
Mme Sheila Finestone: Dans le secteur public.
Mme Janet Henley Andrews: Oui.
Mme Sheila Finestone: Mais elles pourraient devenir des écoles privées. Je crois qu'il faut bien le préciser.
Mme Janet Henley Andrews: Et cela en dépit du fait que nous avons assumé la moitié du coût de construction des écoles et que 80 à 85 p. 100 des parents ont déclaré que c'était ce qu'ils voulaient.
Quant à la seconde partie de la question, ces deux petits alinéas sont pratiquement sans signification. Peu importe qu'ils soient là ou non. Un programme d'enseignement religieux générique ne m'intéresse pas. Il y en a déjà un dans le programme de cours provincial, mais ce genre de programme générique n'a rien à voir avec un programme d'enseignement religieux.
Si nous parlons de la séparation complète de l'église et de l'État, ce qui est censé être l'objectif poursuivi, je ne vois pas pourquoi ce serait l'État qui serait chargé de concevoir un programme d'enseignement religieux de quelle que sorte que ce soit.
Le sénateur Noël Kinsella: Ma question supplémentaire, Janet, est la suivante. Si quelqu'un trouve logique que le gouvernement donne des cours d'enseignement religieux et, si l'éducation relève uniquement de la Loi scolaire, le chef actuel du gouvernement provincial peut dire qu'il ne restera plus d'écoles catholiques. Mais un autre gouvernement pourrait changer cela sans qu'il soit nécessaire de revenir à Ottawa. Il suffirait d'un changement à la Loi scolaire.
Mme Janet Henley Andrews: Voyez-vous, c'est déjà ce qui se passe. Le gouvernement fédéral a actuellement le droit de créer des écoles publiques. Il n'est pas obligé de demander à Ottawa de l'autoriser à modifier la loi pour créer des écoles publiques. Le gouvernement provincial a actuellement la possibilité de négocier avec les divers groupes de parents ou les divers groupes religieux. Il peut dès maintenant adopter une loi qui lui donne compétence exclusive de faire exactement ce dont vous parlez. Simplement, il ne veut pas le faire.
Je sais ce que vous voulez dire, mais le résultat est que cela nous place dans la même situation que la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick ou l'Île-du-Prince-Édouard, où l'enseignement confessionnel n'a actuellement aucun droit constitutionnel. Alors que nous en avons un. Nous avons une garantie. Je ne pense pas que notre garantie soit moins importante que celle qui est donnée aux écoles francophones.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci, sénateur. Je donne maintenant la parole au sénateur Rompkey.
Le sénateur William Rompkey: Merci, monsieur le président.
Je voudrais quelques renseignements sur le processus d'inscription. Pourriez-vous m'expliquer comment il fonctionne. Comment identifiez-vous les gens ou comment s'identifient-ils eux-mêmes au cours de ce processus?
Mme Janet Henley Andrews: Au cours de ce processus de plusieurs mois, chaque commission scolaire a envoyé au bureau des listes informatisées de tous les élèves de toutes les écoles de leur juridiction. Chaque parent de chaque enfant qui fréquente l'école a reçu un formulaire appelé «Information à l'intention des parents» établi par le ministère de l'Éducation, décrivant le processus. C'est un document de quatre pages. Il est arrivé avec une enveloppe timbrée pour la réponse.
Cette enveloppe contenait un questionnaire dans lequel vous inscriviez le nom de votre enfant, son niveau scolaire, l'école fréquentée par lui, votre adresse. Au bas du questionnaire, il y avait la question «Nous préférons que l'enfant dont le nom figure ci-dessus fréquente» et vous cochiez soit la case correspondant à une école interconfessionnelle ou la case correspondant à une école uniconfessionnelle.
Une fois que vous aviez coché la case correspondant à l'école uniconfessionnelle, il y avait la question supplémentaire suivante «Si vous avez choisi «uniconfessionnelle», veuillez indiquer la confession pour laquelle vous voulez que l'école fonctionne.» Pour «catholique», vous cochiez la case C. Chaque parent, s'il souhaitait que leur enfant fréquente une école uniconfessionnelle, devait placer ce questionnaire dans l'enveloppe et l'expédier à une certaine date.
Si vous ne vouliez pas d'école uniconfessionnelle, vous n'aviez rien à faire, car on considérait que vous aviez choisi une école interconfessionnelle. Donc, si vous ne renvoyez pas le questionnaire, on considérait que vous aviez choisi une école interconfessionnelle. C'est contre cela que le juge Barry a protesté dans sa décision. Il a dit que cela favorisait les écoles interconfessionnelles.
Nous savons que dans notre propre école, pour chaque sondage, au moins 20 à 25 p. 100 de gens ne répondent pas au questionnaire. Cela signifie simplement que nous savons que dans notre école, 86 p. 100 de l'école élémentaire et 80 p. 100 des parents de l'école secondaire du premier cycle qui ont répondu ont choisi la case C et ont renvoyé le formulaire. La même chose s'est passée pour Gonzaga: 82 p. 100 des parents ont rempli le questionnaire, l'ont renvoyé et ont choisi la case «catholique». Il y a 20 écoles dans le district d'Avalon East, où plus des deux tiers des parents ont non seulement répondu au questionnaire mais ont également choisi la case «Catholique».
Nous savons qu'il y a largement assez d'enfants pour qu'un système d'écoles catholiques tout à fait viable fonctionne à Avalon East, dans la région de St. John's; peu importe que ce système soit plus petit que le système actuel.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Vous pouvez poser une brève question supplémentaire.
Le sénateur William Rompkey: Merci beaucoup. C'est intéressant. Je ne connaissais pas tous ces détails.
Il suffisait d'indiquer à quelle école on voulait envoyer son enfant et...
Mme Janet Henley Andrews: Le type d'école. Vous pourrez le voir sur les formulaires. Vous ne choisissez pas St. Pius X; vous indiquez simplement si vous vouliez une école uniconfessionnelle, catholique.
Le sénateur William Rompkey: Je vois.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Pourriez-vous déposer ce document, s'il vous plaît.
Mme Janet Henley Andrews: Je suis désolée. Je peux aussi vous remettre la formule d'information, si vous le désirez.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Déposez-la aussi, si vous le voulez bien. Merci. Ainsi que l'enveloppe... Merci.
Monsieur Doyle.
M. Norman Doyle: Janet, je ne sais pas si vous savez que nous avons reçu une lettre... J'en ai une copie, comme tous les autres députés, je suppose. C'est une lettre de l'honorable Kevin Barry, juge de la Cour suprême à la retraite.
Mme Janet Henley Andrews: Oui, c'est bien cela.
M. Norman Doyle: Un juge de la Cour suprême à la retraite—à ne pas confondre avec le juge Leo Barry, celui qui s'est prononcé sur cette question d'éducation.
Voici ce que dit le juge Barry dans sa lettre:
-
La lecture de la question inscrite sur le bulletin de vote et de la
modification proposée révèle une compatibilité certaine entre les
deux. D'une part, le gouvernement demande aux participants s'ils
seraient en faveur d'une modification à la clause 17 qui prévoirait
«l'éducation religieuse» des enfants dans le cadre d'un système
scolaire unique. D'autre part, la modification, si elle était
adoptée, abolirait complètement l'éducation religieuse. Étant donné
que les détails de la modification proposée n'ont été publiés
qu'une semaine avant le scrutin, il est évident que les gens qui
devaient se prononcer sur la question n'ont pas eu suffisamment de
temps pour réfléchir aux deux propositions contradictoires et bien
les comprendre.
Il dit ici—et il ne reste qu'une ligne:
-
On leur demandait de se prononcer sur une modification prévoyant
l'enseignement religieux dans les écoles en même temps qu'on leur
présentait la modification proposée à la clause 17, qui éliminerait
cet enseignement.
Donc, l'essentiel de la question tient à la façon dont on définit l'enseignement religieux. À Terre-Neuve, je suppose que l'enseignement religieux est celui qui a trait à la religion à laquelle on appartient.
Voilà qui ouvre de nouveaux horizons. Vous connaissez le droit, et je voudrais savoir ce que vous en pensez. Cela doit être en partie vrai, ou M. Berry ne l'aurait pas dit.
Mme Janet Henley Andrews: Ce qu'il a dit est vrai. Mais vous devez comprendre que dans cette situation confuse, en 1990, notre système d'éducation était complètement confessionnel. Ceux qui fréquentaient une école intégrée suivaient un programme général d'enseignement religieux chrétien. Ceux qui fréquentaient une école catholique suivaient un programme catholique et ceux qui allaient à une école pentecôtiste, un programme pentecôtiste.
Par la suite, le gouvernement a proposé la première modification à la clause 17. À ce moment-là, on favorisait les écoles interconfessionnelles—pas les écoles publiques, mais quelque chose de tout à fait nouveau, du jamais vu au Canada: une école interconfessionnelle. Les enfants de toutes les croyances iraient dans une école interconfessionnelle, mais ils auraient tous accès à leur propre programme d'enseignement religieux. Les enfants catholiques auraient droit à un programme d'enseignement catholique, et ainsi de suite. C'était en 1996.
En 1997, nous avons un deuxième référendum dans lequel il est question de religion, et pourtant, on propose un système d'éducation public comme on n'en a jamais vu à Terre-Neuve, dont on n'a pas la moindre idée, dans le cadre duquel on offrira un enseignement non confessionnel, non chrétien—et je ne dis pas cela d'une manière péjorative, mais un enseignement religieux non confessionnel. Cela diffère complètement du système que nous connaissons.
En discutant avec n'importe lequel d'entre nous, vous allez constater que nous trébuchons constamment sur les termes interconfessionnel, public, uniconfessionnel. C'est une nouvelle terminologie, et les notions de religion sont toujours différentes.
Je suis d'accord avec le juge Barry. Le 29 juillet, il était question d'une école chrétienne, et le 22 août, c'était devenu une école publique, au cours de la même campagne.
M. Norman Doyle: La deuxième question que je veux...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Si vous avez une question supplémentaire, veuillez vous adresser à la présidence. En avez-vous une à poser?
M. Norman Doyle: Oui, monsieur le président.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Monsieur Doyle.
M. Norman Doyle: Ma question porte sur votre déclaration préliminaire. Vous ne semblez pas faire tellement confiance au processus en cours. Je me demandais si vous pensez que le fait de venir témoigner devant le comité aidera à faire modifier ou arrêter la modification qui est proposée et si vous avez l'impression de témoigner en faveur d'un système scolaire que vous vous attendez à voir disparaître. Avez-vous confiance dans le processus actuel? Ai-je le droit de vous demander cela?
Mme Janet Henley Andrews: Oui, la question se pose. Je suis venue sur la colline parlementaire avec un groupe de dix parents, en 1996, juste avant que la Chambre des communes ne commence à discuter de cette question, et je n'ai jamais été aussi désappointée de toute ma vie. J'étais habituée à la politique de bas étage de Terre-Neuve, mais franchement, je m'attendais à mieux à Ottawa. Mais j'ai été déçue.
Nous en sommes là aujourd'hui. Nous essayons à nouveau. Nous avons des choses à faire valoir. Nous pensons avoir été trompés. Nous pensons que l'on profite de nous. Que pouvons-nous y faire?
Quand tout aura été dit, quelle que soit la décision que vous prendrez, je devrai pouvoir me regarder dans le miroir, le matin, et me dire: «Si la cause est perdue, ce n'est pas parce que je n'ai pas tout essayé.»
Mme Susan Hiscock: Puis-je aussi répondre à cette question?
Je n'ai aucune expérience en politique, si ce n'est celle que j'ai en tant que parent au sein de la PTA, ce qui est bien peu. Je n'attends pas grand-chose de votre comité. Je ne sais même pas vraiment ce qu'est le quorum ou la position de chacune des personnes présentes ici. Je ne sais pas non plus qui prendra la décision, ce qu'elle sera et de quel côté penchera la balance.
Sans vouloir insulter qui que ce soit, si nous étions en classe, il y aurait bien des gens autour de cette table qui seraient en retenue à l'heure actuelle. La réaction que je vois m'indispose. Je vois bien des gens qui n'ont pas l'air de vraiment écouter—ou qui ne semblent pas écouter—ou qui discutent pendant que d'autres parlent. Je n'ai pas tellement confiance. J'ai l'impression d'être une marionnette. Je ne suis pas convaincue que notre témoignage aura tellement d'effet. Je ne sais pas.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Madame Caplan a une question à poser à nos témoins.
Mme Elinor Caplan: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous assure que nous écoutons, que j'écoute. Pour moi, cela n'est rien d'autre qu'une importante partie du processus, mais ce processus a une longue histoire.
Je viens tout juste d'arriver à la Chambre des communes. J'ai été élue en juin. Je n'ai donc aucun passé parlementaire, mais je connais l'histoire, et je sais que cette question fait l'objet de discussions et de débats à Terre-Neuve depuis huit à dix ans...
Je suis aussi allée en visite à Terre-Neuve cet été, seulement pour discuter avec les gens et en apprendre un peu plus long sur l'histoire afin de bien comprendre ce qui se passe. J'ai de la difficulté à accepter votre prémisse, à savoir que bien qu'il y ait eu le débat de la commission royale, malgré le fait qu'il y ait eu une modification avant cela, un jugement, une deuxième modification proposée et deux référendums, la population de Terre-Neuve était perplexe et ne comprenait pas ce que le gouvernement proposait par cette nouvelle modification concernant les écoles publiques.
Je viens d'une province où nous avons des écoles publiques. Je sais que ma province est différente de Terre-Neuve, mais je respecte le processus démocratique provincial et je sais aussi que bien que vous disiez que votre premier ministre a déclaré—et je sais qu'il l'a fait—qu'il n'a pas l'intention de financer des écoles confessionnelles, en dépit de la modification à la clause, il n'en demeure pas moins que ce serait possible si la majorité de la population de Terre-Neuve le désirait un jour, tout comme chaque autre province du Canada est responsable de l'éducation et peut décider de subventionner d'autres genres d'écoles, si elle le désire, et d'offrir différentes possibilités en matière d'éducation, selon ses besoins particuliers.
Vous trouvez peut-être mon préambule un peu long, et je vous remercie de votre patience, monsieur le président.
• 1840
Voici ma question: Compte tenu de l'appui unanime des députés
de tous les partis à votre assemblée législative, dont un grand
nombre représentent des collectivités catholiques et pentecôtistes
très importantes, comment pouvez-vous qualifier de poltronnes les
opinions de ceux qui doivent justifier leur vote devant leurs
électeurs sur une question qui soulève autant de passions?
Mme Susan Hiscock: Premièrement, si l'on considère que les Catholiques représentent environ 37 p. 100 de la population, en supposant que tous aient voté—ce ne sont que les adultes qui ont le droit de vote—ils n'auraient jamais pu obtenir la majorité, de toute façon. Comment peut-on voter sur une question qui n'intéresse qu'une minorité et s'attendre à un résultat majoritaire dans l'ensemble de la population? C'est le premier problème.
Le deuxième: Si l'on constatait que dans chacune des circonscriptions, la population majoritaire s'était prononcée en faveur du changement... On sait que chaque député doit appuyer son parti. On ne va pas contre la volonté de la population après un vote majoritaire. Toutefois, comment peut-on demander à la majorité de se prononcer sur une question et un droit touchant une minorité?
On ne pourrait pas faire cela à l'égard des droits des autochtones ou des droits des francophones au Canada. Demandons donc à toute la population du Canada de se prononcer sur les droits des francophones. Quel pourcentage de la population les francophones représentent-ils? Cela ne passerait jamais. C'est la même chose dans le cas qui nous occupe. Trente-sept pour cent de Catholiques n'obtiendront jamais un vote majoritaire.
Mme Elinor Caplan: J'ai une question supplémentaire à poser. Je comprends ce que vous dites, mais nous savons qu'il y a des circonscriptions où les Catholiques sont très majoritaires. Toutes ces personnes n'ont pas tout simplement...
Mme Susan Hiscock: Je m'excuse. Prenons le cas de la côte sud. Cette région traverse actuellement une crise économique très sévère. Ils n'ont pas d'enfants. Il y a des gens qui votent, et qui n'ont même pas d'enfants d'âge scolaire. La question ne les concernait pas vraiment, et...
Mme Elinor Caplan: Vous pensez que seuls les gens qui ont des enfants d'âge scolaire devraient pouvoir voter?
Mme Susan Hiscock: Non, absolument pas. Je dis que la question n'était pertinente...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je m'excuse. À l'ordre, s'il vous plaît. Une question, une réponse. C'est comme cela que nous fonctionnons habituellement, sans quoi, nous devrons vous mettre en retenue.
Mme Susan Hiscock: Je m'excuse.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Si vous êtes satisfaits des réponses que vous avez obtenues, je passerai maintenant la parole à M. Bélanger.
Le sénateur Noël Kinsella: J'en appelle au règlement, monsieur le président. Je m'excuse de soulever la question, mais nos deux greffiers ont reçu un exemplaire du mémoire de ces témoins, il y a environ trois quarts d'heure, et il est inacceptable qu'ils n'aient pas fait de photocopies pour les membres du comité.
Je demande à la présidence que lorsque des témoins se présentent au comité et remettent un exemplaire de leur mémoire à nos greffiers, ceux-ci aient comme instructions d'en faire des photocopies et de les distribuer aux membres du comité. Cela ne prendrait qu'environ dix minutes.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): J'en prends bonne note.
Le sénateur Noël Kinsella: Merci, monsieur le président.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Nous allons tenter d'améliorer l'efficacité de ce service. J'en ai discuté avec le greffier, qui m'a assuré qu'il y avait eu une difficulté technique à la photocopie. J'en prends toutefois bonne note et nous ferons en sorte d'accélérer ce service à l'avenir.
Monsieur Bélanger, vous avez la parole.
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai été plutôt tranquille jusqu'à maintenant. J'espère donc que vous me supporterez plus de 30 secondes.
Madame Henley Andrews et madame Hiscock, si je mérite d'aller en retenue, vous me le direz. Si j'ai été un peu distrait, ce n'est pas en raison... Je ne critique pas le sérieux de votre exposé. Il est direct et plutôt franc, que cela nous plaise ou non, et c'est une qualité que j'apprécie.
Permettez-moi de revenir sur une ou deux questions que vous avez soulevées et qui peuvent prendre une allure plutôt inquiétante. J'ai senti—et j'espère me tromper, mais vous allez me le dire—presque de l'amertume à l'égard de la collectivité francophone de Terre-Neuve dans votre document.
Une voix: Non.
M. Mauril Bélanger: Je serais ravi que vous me détrompiez.
Mme Janet Henley Andrews: Je pourrais peut-être vous fournir davantage d'explications. Cela vous donnerait le contexte.
M. Mauril Bélanger: Je n'ai pas encore posé ma question mais j'accepterais une explication.
Mme Janet Henley Andrews: Je suis désolée.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je tiens à rappeler aux témoins qu'il y a une procédure à suivre: on pose d'abord la question et on écoute ensuite les réponses.
Mme Janet Henley Andrews: Excusez-moi.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Monsieur Bélanger, je vous demande de coopérer sur ce point avec les témoins.
M. Mauril Bélanger: Si ce n'est pas de l'amertume, je serais ravi d'entendre vos explications, ce qui me réconfortera sans doute. Je réagis toutefois aux termes que vous avez utilisés et à la façon dont vous les avez utilisés dans ce cas-ci parce que je suis francophone et que je considère que les droits des francophones en Ontario et à Terre-Neuve sont de véritables droits de la minorité par rapport aux deux langues officielles du pays. Nous possédons ces droits mais ce n'est que depuis 1982 que les minorités francophones du Canada ont la possibilité de faire instruire leurs enfants en français. Terre-Neuve a attendu plus de 15 ans avant de donner effet à ces droits et le gouvernement vient tout juste de commencer à le faire. C'est pourquoi je vous invite à être très prudente.
Je vais faire une remarque qui va peut-être vous paraître plaisante mais ce n'est pas le cas. J'essaie de faire une comparaison à partir de l'existence de deux langues officielles au pays. Il n'y a pas de religion officielle au Canada. On accepte ensemble l'alinéa 2.a) ainsi que l'article 15 de la Charte des droits et libertés qui interdit toute discrimination fondée sur la religion, dispositions qui sont incompatibles avec certaines clauses qui ont été adoptées comme la clause 17, la clause 93 et d'autres.
On constate une tendance générale, que cela nous plaise ou non, dans la population canadienne et plus particulièrement, dans certaines provinces à vouloir appliquer la Charte des droits et libertés telle qu'elle est aujourd'hui, et non comme elle a pu être dans le passé. Lorsque vous critiquez les députés, comme vous semblez être encline à le faire, n'oubliez pas que certains d'entre eux ont connu d'autres situations.
[Français]
Mme Janet Henley Andrews: Je peux répondre en français, mais il m'est beaucoup plus facile de répondre en anglais. Je n'ai pas beaucoup d'occasions de parler français à Terre-Neuve.
[Traduction]
La vérité est que lorsque nous utilisons l'exemple des francophones, ce n'est pas parce que nous sommes amères mais plutôt parce que nous sommes légèrement frustrées. J'admets qu'au Canada les francophones ont été gravement désavantagés, du fait qu'ils constituent une minorité, en particulier lorsqu'il s'est agi de préserver leur langue et leur culture, et c'est un fait que tout le monde ici reconnaît. Dans une certaine mesure, les Terre-neuviens ont souvent senti qu'ils avaient certaines choses en commun avec les Québécois mais à de nombreuses autres occasions, ils n'ont pas eu ce sentiment.
La raison pour laquelle nous prenons l'exemple des francophones est que le gouvernement de Terre-Neuve a créé cette année une commission scolaire francophone—aucune difficulté avec cela—pour un groupe de 500 enfants. Nous ne remettons pas en question ce droit et la nécessité de créer une commission scolaire francophone pour ces 500 enfants. Ils y ont droit. Mais j'avoue que nous sommes quelque peu irrités de voir qu'avec 24 000 enfants catholiques inscrits dans les écoles catholiques, on nous dit qu'il n'y a pas suffisamment d'argent pour financer des écoles catholiques.
Nous sommes très heureux de voir ce qui a été fait pour la communauté francophone de Terre-Neuve. Mais il nous est également difficile d'accepter qu'un groupe aussi restreint puisse obtenir tant de choses alors qu'on nous en supprime.
M. Mauril Bélanger: Une brève question supplémentaire, monsieur le président.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Certainement, monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: J'aurais deux remarques à faire sur ce point. Pour ce qui est des fonds, vous devez savoir que ce sont les contribuables canadiens de l'ensemble du pays qui vont financer la commission scolaire francophone.
Mme Janet Henley Andrews: En fait, non.
M. Mauril Bélanger: Cela est vrai pour la plus grosse partie, parce que le ministère du Patrimoine canadien du gouvernement fédéral et le gouvernement de Terre-Neuve sont en train de négocier des fonds destinés à financer cette mesure.
Que pensez-vous du fait que cette communauté, quelle que puisse être sa taille, ait choisi des écoles non confessionnelles et s'en déclare tout à fait satisfaite?
Mme Janet Henley Andrews: En fait, cela n'est vrai qu'en partie. Dans la péninsule Port-au-Port, les parents des enfants qui fréquentaient des écoles francophones uniconfessionnelles ont choisi une école francophone catholique.
Dans la région de St. John's, les parents des 54 enfants qui fréquentent l'école francophone ont par contre choisi à l'époque une école interconfessionnelle.
M. Mauril Bélanger: Il conviendrait de verser au dossier, monsieur le président, la lettre que nous a envoyée la Fédération des parents francophone de Terre-Neuve et du Labrador. Je ne sais pas si vous avez vu cette lettre.
Mme Janet Henley Andrews: Non.
M. Mauril Bélanger: Elle nous a été envoyée le 21 novembre. Il est tout à fait apparent que cette fédération a décidé de ne pas comparaître devant le comité parce qu'elle n'éprouvait aucunes réticences à l'égard de ce projet.
Mme Janet Henley Andrews: J'estime, et c'est d'ailleurs ce que nous avons toujours pensé, que les parents devraient avoir le droit de faire ce choix, que si les parents francophones préfèrent une école publique, alors ils y ont droit mais nous demandons simplement que nos choix soient respectés de la même façon.
Mme Susan Hiscock: Trois enfants de première langue française, de très bons amis de mon fils, viennent de s'inscrire à notre école et ils sont tous catholiques. Ces trois enfants viennent de s'inscrire à notre école et ils fréquentaient auparavant une école où la première langue était le français. Luc Clair, Brian Revert et Philip St. Aubin—ces trois enfants viennent de s'inscrire dans la classe de mon fils à l'école catholique. Je ne sais pas pourquoi. Nous les avons accueillis avec plaisir.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Voilà qui va terminer la ronde des questions adressées à ces témoins. Je suis heureux que vous ayez tous pu comparaître, vous êtes venus de loin pour le faire et au nom du comité, je vous en remercie sincèrement.
Mesdames et messieurs les membres du comité, si je peux dire quelques mots au sujet d'une réponse qui a été fournie au cours du témoignage précédent, je dois mentionner que les questions de privilèges sont des questions très importantes pour tous les membres des deux chambres. Il est essentiel que les questions de privilèges soient résolues selon ce que prévoit le règlement.
J'espère bien sûr, et j'en suis d'ailleurs convaincu puisque vous avez donné votre approbation, que la question a été réglée à votre satisfaction dans la mesure où il ne m'appartient pas de présenter, en qualité de président, mes commentaires aux médias—ce que je n'ai d'ailleurs pas fait, puisque je me suis uniquement contenté d'annoncer le fait que mes collègues m'avaient élu à la présidence du comité.
Les questions de privilège sont très importantes. Je vais demander à l'avenir à tous les témoins de s'en tenir aux faits concernant les accusations qui ont pu être faites à l'égard du privilège d'un membre. C'est quelque chose qui me tient extrêmement à coeur, non pas parce que je veux défendre mes propres intérêts, mais pour défendre ceux de tous les députés réunis autour de cette table. C'est une chose à laquelle nous accordons beaucoup d'importance, en qualité de parlementaires, et c'est une chose que je ne souffrirai pas de voir compromise.
Merci beaucoup.
Nous allons prendre une courte pause. Il y a des sandwiches pour les députés et le personnel et j'invite aussi toutes les personnes qui se trouvent dans la salle à se joindre à nous.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Bienvenue encore une fois, chers collègues. Merci de votre indulgence.
Je signale à ceux qui nous observent à la télévision qu'il y des sandwiches sur la table. C'est pour que vous compreniez comment vivent les parlementaires et que vous sachiez qu'il leur arrive de prendre des pauses de 20 minutes pour souper, en mangeant des sandwiches vraiment, vraiment délicieux.
Mesdames et messieurs, nous allons maintenant entendre M. Alan Borovoy, conseiller juridique de l'Association canadienne des libertés civiles.
Monsieur Borovoy, nous vous avons demandé d'atteindre patiemment pendant que nous prenions une pause. Merci de votre indulgence. Je crois savoir que vous avez un avion à prendre un peu plus tard ce soir. Je vais donc vous donner la parole et nous suivrons ensuite par une période de questions. Faites-moi signe si vous voyez que vous devez partir.
M. Alan Borovoy (conseiller juridique, Association canadienne des libertés civiles): Merci beaucoup de m'accorder cette faveur spéciale, monsieur le président. Je l'apprécie beaucoup.
Je tiens à vous dire que l'Association canadienne des libertés civiles vous est reconnaissante de l'avoir invitée à participer à ces audiences importantes. J'aimerais toutefois ajouter un avertissement à ce propos. L'invitation ne nous est parvenue qu'à la fin de la semaine dernière, ce qui nous oblige à limiter nos remarques à une partie seulement des questions qui vous ont été soumises.
Comprenez-moi bien, ce n'est pas un reproche que je vous fais; je vous demande plutôt de nous en excuser. Voilà comment je voulais vous présenter la chose.
L'Association canadienne des libertés civiles est, d'une façon générale, très satisfaite du contenu du projet de nouvelle clause 17. Nos observations vont uniquement porter sur le contenu du projet de nouvelle clause 17 et non pas sur les questions connexes.
Nous estimons que, sur ce point, ce projet constitue un progrès réel. L'abolition du traitement spécial accordé à certaines confessions ne peut que renforcer l'égalité et l'équité en matière de religion, même si les confessions en question sont celles d'un pourcentage important de la population. Nous estimons que cela est un progrès pour l'égalité et l'équité en matière de religion.
Les clauses 17(2) et (3) soulèvent toutefois certains problèmes. Je vais les examiner maintenant.
La clause 17(2) créerait pour les écoles l'obligation constitutionnelle de fournir «un enseignement religieux», et comme cela est précisé «qui ne vise pas une religion en particulier». Il est toutefois difficile de savoir ce que veut dire cette expression? Quelle en est la portée exacte? Je crois qu'il est utile ici d'établir une distinction importante.
Pour ce qui est de la liberté et de l'égalité en matière de religion, rien n'empêche les écoles publiques de transmettre des connaissances au sujet des religions. Ce qui n'est pas permis, c'est de favoriser une religion particulière.
Si l'on se fie aux seuls termes utilisés, il est difficile de savoir comment ils seraient interprétés s'ils devaient faire l'objet plus tard de contestations judiciaires. C'est là l'origine du problème. Les commentaires qu'a faits le ministre de l'Éducation actuel de Terre-Neuve n'ont pas été d'une grande utilité parce que, d'après ce que j'ai compris—et il est possible que je n'aie pris connaissance que d'une partie de ces commentaires—on peut en retirer un double message.
Il y a quelque chose qui me gêne, par exemple, ce sont les références aux révélations, aux croyances. Veulent-ils simplement fournir des connaissances sur certaines croyances ou affirment-ils que les écoles devraient pouvoir promouvoir de telles croyances pourvu qu'elles représentent une idéologie acceptable pour tous?
C'est là le genre de difficulté que soulève l'utilisation de cette terminologie. Lorsqu'il affirme ce qu'il fait, il est difficile de savoir quelle est sa véritable intention. En fait, cela me rappelle un peu... Lorsque je vois l'expression «qui ne vise pas» accolée à une religion, je crains que nous ne revenions à une situation que nous avons connue ici en Ontario il y a quelques années. Il y avait un programme d'endoctrinement officiellement protestant dans nos écoles publiques que l'on appelait non confessionnel. En utilisant ce terme, on voulait dire que ce programme reflétait un consensus parmi les principales confessions protestantes. C'est ce qu'ils entendaient par «non confessionnel».
• 1930
Il faut donc savoir exactement ce que l'on entend par «non
confessionnel» et les remarques qu'a faites le ministre sur cette
question ne sont pas d'une grande utilité, même si le ministre
avait le pouvoir de lier les ministres qui pourraient lui succéder.
En fin de compte, nous sommes simplement en train d'examiner ce
qu'il souhaite faire.
Il y a un autre aspect qui est gênant, la référence à la possibilité d'une «exemption». Il garantit que les élèves pourront être exemptés de cet enseignement. Si ce programme consiste uniquement à faire connaître les différentes religions, pourquoi prévoir une exemption. En fait, on peut même se demander si l'on devrait pouvoir demander une exemption. Pourquoi exempter les étudiants d'un programme qui leur permettrait d'acquérir des connaissances utiles au sujet des grandes religions? Par contre, si ce cours est conçu comme un cours d'endoctrinement ou le devient, s'il propose une idéologie religieuse auquel les étudiants devraient croire, alors le droit d'exemption bien que nécessaire serait insuffisant.
Je vais vous raconter une petite anecdote concernant le droit d'exemption. Notre organisme a poursuivi le gouvernement de l'Ontario à cause du programme d'endoctrinement religieux dont je vous parlais il y a quelques instants. Notre codemandeur était une famille qui était de religion Baha'i. Leur fille se plaignait du fait qu'elle faisait des cauchemars dans lesquels le diable la pourchassait en enfer et cela lui faisait très peur. Ils ont découvert que cela s'est produit peu après que leur enfant ait suivi un cours de religion au cours duquel le professeur aurait dit aux enfants que ceux qui n'étaient pas chrétiens iraient en enfer.
L'aspect intéressant de cette histoire est que les parents se sont absolument refusés d'exempter leur fille des classes d'enseignement religieux. Ils l'ont fait parce que leur fille les a implorés de ne pas l'exempter, pour ce motif que, pour elle, le fait de recevoir un traitement spécial à cause de ses croyances religieuses était plus traumatisant que de suivre ce genre de cours.
Je vous donne cet exemple non pas parce qu'il est unique mais parce qu'au contraire notre organisme a souvent rencontré ce genre de situation dans la lutte qu'il a menée dans ce domaine au cours des années. C'est pourquoi j'espère que personne ne dira que le droit d'exemption offre une réponse satisfaisante aux personnes qui pourraient s'opposer à ce que leur enfant suive des cours d'enseignement religieux dans les écoles publiques.
Je vais maintenant passer du paragraphe (2) au paragraphe (3). Le paragraphe (3) créerait pour les écoles l'obligation constitutionnelle de permettre l'observance d'une religion si les parents le demandent. Là encore, quel est le sens de cette disposition? Si elle veut dire simplement qu'un enfant chrétien serait autorisé à porter une croix, qu'un enfant sikh pourrait porter un turban et qu'un enfant juif le yarmulke, je ne vois pas de difficulté avec cela. Si cette disposition veut simplement dire que les personnes qui souhaitent observer une religion en dehors des heures de cours doivent avoir accès aux locaux scolaires, cela ne soulève pas non plus de difficulté. Mais si cela veut dire qu'un parent pourrait demander que l'on observe une religion qui serait intégrée aux activités scolaires exercées pendant les heures de classe, cela poserait un grave problème.
• 1935
Allons-nous revenir sur toute la question des prières? Allons-nous dire
qu'il est normal que l'on récite des prières chrétiennes
dans les écoles et que celles-ci organisent ces cérémonies pendant
les heures de cours? Je prétends que cela serait de la coercition.
Ce serait porter atteinte à la liberté et à l'égalité en matière de
religion pour les familles qui ne partagent pas la religion dont
l'observance est décidée par l'école.
Pour résumer, je pourrais vous présenter la chose de cette façon: je ne sais pas comment les tribunaux vont interpréter ces dispositions. Il est très possible—et c'est peut-être l'interprétation à retenir—que les tribunaux affirment que, la Charte faisant partie de la Constitution tout comme ces dispositions, il faut les interpréter ensemble de façon à les concilier. Il est donc tout à fait possible que ce soit l'interprétation plus libérale—je ne suis pas sûr de l'adjectif qui convient—ou plus généreuse que j'ai exposée qui sera retenue. Mais je dois vous dire que cela n'est aucunement garanti. Ces choses dépendent souvent de la personnalité des juges qui seront amenés à se prononcer sur ces questions. Cela est tout à fait impossible à prévoir.
Voilà donc le problème qui se pose. La meilleure solution, la solution idéale du point de vue de l'Association canadienne des libertés civiles, serait d'abolir le traitement particulier accordé à l'heure actuelle à certaines confessions de façon à préserver l'égalité des religions, et de ne pas inclure dans la Constitution la fin du paragraphe 17(2) et le paragraphe 17(3) dans son entier.
Voilà ce que nous voulions vous présenter, très respectueusement comme toujours, monsieur le président.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Excellent. Je vous remercie beaucoup, monsieur Borovoy. J'ai aimé votre exposé succinct et je remarque que vous parlez sans notes. Manifestement, c'est une question qui vous touche beaucoup. Ayant parlé sans notes, vous n'avez pas de document à remettre aux membres du comité, chose que je mentionne pour la gouverne des membres du comité.
Nous allons passer aux questions et aux réponses en commençant par M. Kenney, pour ensuite passer à M. DeVillers, à la sénatrice Pearson, et à Mme Finestone. Monsieur Kenney.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Merci, monsieur le président et merci monsieur Borovoy, de nous avoir présenté un exposé aussi nuancé.
Vous avez commencé et conclu vos déclarations en nous exhortant à supprimer ce que vous considérez comme étant un traitement préférentiel accordé à certains groupes religieux et vous avez justifié votre opinion en disant que ce traitement préférentiel ne respectait pas l'égalité en matière de religion. Puis-je vous demander, monsieur, si vous disposez d'éléments indiquant que la structure actuelle de l'enseignement confessionnel à Terre-Neuve est inéquitable? Avez-vous des éléments indiquant que des groupes confessionnels ou des groupes religieux souhaitant que le gouvernement finance leurs écoles se soient vu refuser ce financement?
Je vous pose cette question parce que je crois savoir que le système scolaire de Terre-Neuve est un véritable modèle de pluralisme; c'est un modèle qui donne aux différents groupes confessionnels et aux parents qui entretiennent des croyances religieuses différentes un accès à des fonds publics pour l'instruction de leurs enfants.
• 1940
La première question que j'aimerais vous poser consiste donc
à vous demander quels sont les renseignements dont vous disposez?
Je crois que vous vous seriez emparé de ces faits et auriez entamé
des poursuites, comme vous l'avez fait en Ontario, si vous aviez
appris que la structure actuelle des écoles de Terre-Neuve
empêchait les parents de donner à leurs enfants le genre
d'éducation qu'ils souhaiteraient leur donner.
M. Alan Borovoy: Monsieur Kenney, si nous avions le genre de ressources que vous nous attribuez, nous l'aurions peut-être fait. Je pense toutefois que vous mélangez dans votre question un certain nombre d'idées. Je parlais de droits constitutionnels. Vous parlez de mesures politiques.
Quelles que soient les mesures qui ont été prises, dans le passé, la question de savoir si le gouvernement de Terre-Neuve est disposé à financer d'autres confessions est une question politique qui pourrait se poser n'importe quand. La question qui se pose ici vient du fait que la Constitution garantit à certains groupes, et non à d'autres, un traitement préférentiel. Il n'est pas nécessaire d'examiner ce qui s'est passé pour savoir que cela constitue nécessairement une entorse au principe d'égalité.
M. Jason Kenney: Vous approuvez, sans doute, la conclusion à laquelle en est arrivée la Cour d'appel de l'Ontario dans la décision que vous avez mentionnée, selon laquelle les droits qu'accorde la Charte en matière d'égalité exigent que l'on reconnaisse à tous les groupes religieux les droits accordés aux différentes confessions en matière d'éducation. J'aimerais bien comprendre votre position. Êtes-vous en faveur de la laïcisation intégrale du système scolaire public par principe ou êtes-vous en faveur du droit des minorités dissidentes à avoir accès à l'éducation de leur choix, financée par le gouvernement?
M. Alan Borovoy: Là encore, je dois sérier les questions. Je ne sais pas exactement ce que vous dites lorsque vous parlez de la «laïcisation du système scolaire». Si par «laïcisation», vous voulez dire qu'il n'entre pas dans le rôle des écoles publiques de promouvoir, avec des fonds publics, une idéologie religieuse, je répondrais que oui; par contre, si pour vous la laïcisation veut dire que les écoles ne devraient jamais mentionner les religions, la réponse serait non.
En fait, j'ai du mal à imaginer une éducation digne de ce nom qui ne chercherait pas à transmettre des renseignements, des connaissances et des idées au sujet des diverses religions. Comment peut-on comprendre l'histoire sans savoir comment les religions en ont influencé le déroulement et sans savoir quelle a été leur contribution? Comment peut-on apprécier la littérature sans connaître l'influence qu'a joué l'inspiration religieuse dans une grande partie de la littérature? Comme s'épanouir, en particulier pour les jeunes, dans une société multiculturelle sans être sensibilisé aux diverses coutumes religieuses que l'on retrouve dans notre société?
De sorte que non, si vous entendez par «laïcisation», la suppression de toute référence à des sujets religieux dans les écoles, bien sûr que non. Mais si vous voulez dire par là inculquer une idéologie religieuse, la réponse serait alors oui.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur Borovoy.
M. Alan Borovoy: Je crois que cette question comporte une autre partie que j'ai oubliée, excusez-moi.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Nous y reviendrons plus tard, parce que M. Kenney a mentionné qu'il aimerait poursuivre ce processus. Vous avez indiqué que vous ne disposiez peut-être que d'une demi-heure ce soir.
M. Alan Borovoy: Non, j'en ai davantage...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Attachez votre ceinture parce que je crois que vous allez être là pour une heure entière.
Monsieur DeVillers et ensuite, la sénatrice Pearson.
M. Paul DeVillers: Merci, monsieur le président et merci M. Borovoy.
On demande au Parlement du Canada d'approuver une résolution qui aurait pour effet de supprimer les droits que possède actuellement sept confessions dans la province de Terre-Neuve. Certains témoins y ont vu l'abrogation des droits de la minorité. Mais lorsqu'on additionne la population que représentent ces sept confessions, on s'aperçoit qu'elles représentent près de 96 p. 100 de la population de la province. J'aimerais savoir ce que vous pensez des droits de la minorité. Pensez-vous que cette résolution concerne les droits de la minorité?
M. Alan Borovoy: La façon dont je parle de ces choses ne va peut-être pas vous satisfaire. Je ne m'intéresse pas tellement à l'opposition majorité-minorité. Je m'intéresse à ce qui est équitable, je souhaite que les gens soient traités de façon juste et équitable.
Mon argument se résume à ceci: lorsqu'il y a un système qui accorde officiellement un traitement préférentiel à certaines confessions seulement—et lorsque je vous réponds, je réponds en partie à la question qui m'avait été posée tout à l'heure—un tel système est inévitable lorsque le gouvernement accepte de financer des institutions confessionnelles. Mais il arrive à un moment donné que le nombre des personnes qui souhaitent obtenir un établissement confessionnel soit insuffisant ou encore qu'il y ait des personnes qui ne font partie d'aucune confession.
Et nous sommes obligés de par la Constitution, et j'irais même plus loin, nous devrions également nous sentir moralement tenus, de protéger les droits de ces personnes et de leur accorder le même traitement que celui qu'on accorde à tous les autres membres de notre collectivité.
M. Paul DeVillers: Nous sommes en train d'examiner la Constitution et la clause 17 qui a été adoptée au moment où Terre-Neuve s'est joint à la Confédération. Il y avait une liste de sept confessions. Si cette résolution est adoptée, elle aura pour effet de supprimer ces droits confessionnels. Sur le plan des principes, pensez-vous que, lorsqu'un pourcentage suffisant de la population le souhaite, il est approprié de supprimer de cette façon des droits garantis par la Constitution?
M. Alan Borovoy: Je répondrai à cela que c'est la meilleure façon, d'après moi, d'accorder un traitement juste et équitable à l'ensemble de la population et l'abolition de ce traitement préférentiel est la meilleure façon d'y parvenir.
Cela va vouloir dire que les personnes qui souhaitent recevoir un enseignement religieux vont en faire la demande aux autorités religieuses ou vont le recevoir chez eux. Ils seront tous égaux. L'école défend les valeurs qui sont communes à tous et dans nos établissements distincts, nous inculquons les valeurs qui nous sont propres. Voilà comment l'on respecte le principe d'égalité.
M. Paul DeVillers: Merci, monsieur Borovoy.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci, M. DeVillers. Sénatrice Pearson, je vous en prie.
La sénatrice Landon Pearson: Merci, monsieur le président.
Grâce à votre esprit clair, vous soulevez des questions qui font réfléchir. Pour ce qui est des deux secteurs ou des deux expressions qui vous gênent, je me demande... Je voudrais dire au départ que ce que vous avez déclaré au sujet de l'exemption m'intéresse parce que je serais tout à fait en faveur d'une telle mesure à l'école primaire, puisque tout le monde y fait la même chose; mais à l'école secondaire, les étudiants peuvent déjà effectuer des choix et un de nos témoins, un Catholique, nous a affirmé qu'il aurait préféré que son enfant puisse être exempté de l'enseignement religieux offert en 12e année pour qu'il puisse suivre le cours d'informatique. Je voulais simplement indiquer qu'il peut y avoir des variations que je trouve intéressantes.
Compte tenu des questions que vous avez soulevées et des préoccupations que vous avez exprimées, il est évident que le gouvernement de cette province n'a pas vraiment précisé ce qu'il allait faire en matière d'enseignement religieux. Pensez-vous que leur Education Act va énoncer clairement qu'un ministre de l'Éducation peut obliger ses successeurs à agir d'une certaine façon, ce qui éviterait d'avoir à modifier la clause telle qu'elle est rédigée actuellement?
M. Alan Borovoy: Si c'est ce qu'ils entendent faire, une école publique pourrait adopter ma suggestion. Bien sûr, pour ce genre de choses, il n'est pas nécessaire d'adopter un amendement constitutionnel; ils ont déjà le pouvoir de le faire. La réponse est oui, bien sûr, ils pourraient le faire. Je ne sais pas s'ils le feraient mais ils pourraient le faire.
Puisque vous avez soulevé cet aspect, j'aimerais en profiter pour dire quelques mots de la nature de l'enseignement religieux dont ils semblent parler. C'est ce qui m'inquiète: lorsque j'entends l'expression «enseignement religieux», je m'inquiète toujours un peu. Si l'on parle d'offrir ce genre d'enseignement dans toutes les classes, je me demande ce qu'ils ont en tête. J'aurais pensé que pour transmettre ce genre de connaissances aux jeunes il n'était pas nécessaire de leur donner un cours officiel; il suffirait d'utiliser les occasions qui s'offrent dans les autres cours.
La personne qui enseigne l'histoire est amenée à enseigner beaucoup de choses, ou elle devrait le faire, au sujet des diverses religions et c'est la même chose pour la littérature et les choses du genre, en particulier lorsqu'on parle à de jeunes élèves. Plus tard, je peux concevoir que l'on offre un cours en religions comparées ou quelque chose du genre mais ce n'est qu'une idée qui m'est venue en entendant la déclaration du ministre; il est possible qu'il parle de ce qu'on a appelé en Ontario un endoctrinement religieux qui ne vise pas une religion en particulier.
En fait, si je peux ajouter ceci, je me souviens qu'à l'époque, ils avaient dit que le cours porterait sur les questions sur lesquelles s'entendent les principales confessions protestantes et un de mes amis, un ministre de l'Église unie, m'a dit que ce serait un cours extrêmement succinct.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Madame Finestone, s'il vous plaît.
Mme Sheila Finestone: J'espère que tous les membres du comité vont lire votre exposé et qu'ils vont l'examiner comme il le mérite parce que je pense que vous avez apporté, et cela ne me surprend pas, un point de vue éclairant sur une question très émotive. J'observais les groupes qui ont comparu aujourd'hui et qui étaient animés de sentiments personnels très vifs qui remontent à deux ou trois générations et je pouvais voir que c'était une question qui les touchait profondément; ils avaient peur de perdre une valeur familiale et de voir la croissance et le développement de leurs enfants compromis. J'avais le sentiment que peu importe ce que nous pourrions leur dire, il leur aurait été impossible de faire preuve d'ouverture d'esprit au sujet de l'importance de notre pays et de l'effet des changements qu'il a connus, en particulier depuis 1982, parce qu'il était déjà trop tard pour eux.
Je ne sais pas si je suis injuste ou peu charitable à leur endroit mais je me suis volontairement abstenue de poser des questions à certains d'entre eux parce que je pensais qu'ils n'étaient pas disposés à les entendre ou capables de le faire. C'est pourquoi j'espère sincèrement qu'ils vont prendre note des idées progressistes que vous leur avez présentées, selon lesquelles le fait d'accorder à tous un traitement juste et équitable est un aspect fondamental de la société canadienne et je crois que c'est cela qui nous distingue des autres pays.
Je tiens à vous demander parce que je ne crois pas à ces privilèges... Et comme Mme Pearson l'a fait, j'ai connu le «ceux qui suivent l'Ancien Testament, retirez-vous.» Je connais très bien cela. J'ai trop souvent été mise à l'écart ou été exclue pour être à l'aise dans ce genre de situation.
Lorsque nous avons modifié l'article 93 pour le Québec, la chose était claire, il s'agissait uniquement de supprimer le privilège dont bénéficiaient les Catholiques et les Protestants au sein du système scolaire québécois. Les principes qui devaient nous guider par la suite étaient ceux de la Charte québécoise des droits et des projets de loi provinciaux 107 et 109.
• 1955
Il est vrai que ces textes n'étaient pas de nature
constitutionnelle mais ils contenaient des indications sur la
qualité, sur la présentation et sur les motifs qui les poussaient
dans cette direction. Il existait de nombreuses protections, même
si je n'ai pas aimé du tout qu'on refuse aux anglophones venus de
l'extérieur l'accès au système anglais. Nous avons donc supprimé le
privilège qui était accordé à deux groupes religieux. Nous avons
adopté un système basé sur la langue.
Il s'agit donc ici, avec le fédéralisme souple dans lequel nous vivons, de respecter la personnalité de Terre-Neuve. Cette province n'a jamais connu le système protestant ouvert à tous qui existait au Québec. Je n'ai jamais vécu à Terre-Neuve. Vous avez parlé de réalités politiques dans votre réponse. Je ne vois pas ce que pourraient être ces réalités politiques mais j'ai demandé au cours de la première table ronde que nous avons tenue sur ce sujet, pourquoi nous ne pouvions pas passer directement à la suppression de la clause 17 et adopter des termes comparables à ceux de l'article 93 de façon à transférer les responsabilités relatives à l'élaboration des programmes scolaires, des normes et des choix à la province et au gouvernement de Terre-Neuve, tout comme nous venions de le faire pour le Québec.
Terre-Neuve ne semblait pas prête à évoluer aussi rapidement. Il fallait aller une étape à la fois et il n'était pas possible de supprimer d'un seul coup le système confessionnel. Il ne fallait pas brusquer la population et pour cela une démarche graduelle s'imposait. J'aimerais savoir si vous pensez également que, si l'on supprimait, comme j'en ai parlé avec le sénateur Kinsella, le paragraphe (3) et tronquait le paragraphe (2), cela reviendrait d'une certaine façon à ce que nous avons fait avec l'article 93.
M. Alan Borovoy: Pour ce qui est de la façon dont je me souviens des termes exacts de l'article 93, je peux vous dire que je me souviens de son sens général mais je n'ai pas suffisamment à l'esprit ses termes exacts pour répondre à votre question comme elle le mérite. Je vais me contenter de vous répondre en me basant sur les termes utilisés dans le projet de clause 17, puisque c'est la disposition à l'étude.
J'ai certes promis d'éviter les jugements politiques mais il me semble que, pour tenir compte du cadre dans lequel s'est instauré le dialogue entre Terre-Neuve et les autorités fédérales, la meilleure chose à faire est de modifier le moins possible la résolution qui vous est soumise. Si l'on pouvait y parvenir en supprimant ces parties, je crois que cela serait un progrès extraordinaire.
Mme Sheila Finestone: Puis-je poser une brève question supplémentaire?
Et pourquoi ne pas laisser la Cour suprême prendre ces décisions? Il s'agit de Terre-Neuve. Elle a procédé à ses consultations et elle a tenu deux référendums. Voilà où nous en sommes. Renvoyons l'amendement tel quel et qu'elle vive avec les conséquences et la Cour suprême réglera les problèmes. Pourquoi devrais-je réparer leur erreur, s'il s'agit bien d'une erreur?
M. Alan Borovoy: Le problème est que si vous vous contentez d'inscrire dans la Constitution des dispositions qui risquent éventuellement de porter atteinte à la liberté de religion et à l'égalité dans ce domaine et si les tribunaux donnent à ces dispositions une interprétation différente de celle qui me paraît être la bonne, et je dis que c'est là une possibilité seulement, c'est dans ce genre de situation que doivent intervenir les législateurs pour présenter cette disposition sous une forme qui réponde le mieux possible aux valeurs qui nous préoccupent.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Nous allons maintenant passer à M. Pagtakhan, ensuite au sénateur Kinsella et de nouveau à M. Kenney.
M. Rey Pagtakhan: Merci, M. Borovoy. Je vous prie de m'excuser, je suis en retard.
M. Alan Borovoy: Avez-vous apporté un mot?
M. Rey Pagtakhan: Si nous ne changeons pas la clause 17 et conservons ce qui existe actuellement, diriez-vous que ces clauses sont incompatibles avec la Charte canadienne des droits et libertés?
M. Alan Borovoy: Je suis désolé mais je ne suis sûr de vous avoir bien compris. Je vais essayer de répéter votre question. Me posez-vous une question sur la forme actuelle de ces dispositions...
M. Rey Pagtakhan: Non. Avant la modification, la clause 17 actuelle.
M. Alan Borovoy: Vous voulez dire celle qui a déjà été adoptée. Vous allez devoir me pardonner mais j'ai expliqué au début que je n'ai reçu cette invitation qu'au cours de la fin de semaine et je n'ai pas eu le temps de tout examiner.
Je me souviens avoir jeté un coup d'oeil à cet article et m'être senti soulagé de ne pas avoir à en comprendre toutes les subtilités.
Des voix: Oh, oh.
M. Rey Pagtakhan: Eh bien, j'aimerais...
Vous avez mentionné à la fin de votre exposé, à laquelle j'ai assisté, qu'il est en fait tout à fait possible que les tribunaux interprètent ces dispositions de façon libérale et qu'ils considèrent que l'enseignement religieux dispensé par les écoles et l'observance d'une religion à la demande des parents sont conformes à la Charte parce que ces dispositions ont été incorporées à la Constitution par voie de modification.
Avez-vous mentionné qu'il était possible que les tribunaux leur donnent cette interprétation libérale?
M. Alan Borovoy: Je voulais dire par «interprétation libérale» que les tribunaux interpréteraient ces articles par rapport aux termes de la Charte, ce qui réduirait la portée de ces deux articles. La clause 17(2) viserait uniquement le fait de transmettre des connaissances sur la religion et non pas celui d'inculquer des croyances particulières.
Pour ce qui est de la clause 17(3), cela voudrait dire simplement qu'on laisserait les jeunes porter un turban ou un yarmulke, ou s'ils voulaient davantage, on pourrait leur permettre d'utiliser les locaux scolaires après les classes.
Voilà ce que je voulais dire par interprétation libérale. C'est l'interprétation qui est la plus conforme à l'esprit de la Charte.
Il est également possible que les tribunaux se disent que puisque ces deux séries de dispositions se trouvent dans la Constitution, il faut leur accorder une portée plus large et leur donner prépondérance sur certaines valeurs reconnues par la Charte.
Je ne sais pas quelle serait l'interprétation retenue; voilà ce que je dis.
M. Rey Pagtakhan: Nous allons...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Monsieur Pagtakhan, nous allons revenir aux questions supplémentaires si nous avons le temps.
Sénateur Kinsella, je vais vous donner une certaine latitude ici parce que je crois savoir que c'est vous qui avez recommandé que l'on invite le témoin.
M. Alan Borovoy: Vous voulez dire que je suis son boy.
Une voix: Vous êtes son Borovoy.
Des voix: Oh, oh.
Le sénateur Noël Kinsella: Merci, monsieur le président et merci monsieur Borovoy d'être venu pratiquement sans préavis.
Commençons par la clause 17(2), si elle fait uniquement référence à un enseignement religieux de nature multiculturelle et multiconfessionnelle et qui, pour reprendre les termes de la Commission du droit de l'homme des Nations Unies, serait dispensé de façon neutre et objective en respectant les convictions des parents qui ne sont d'aucune religion, cela ne veut-il pas dire que tout ce qui suit le mot «religieux» et que l'on trouve à la clause 17(2) est redondant?
M. Alan Borovoy: Pas nécessairement redondant mais je pense que cela n'est pas nécessaire parce que la province peut le faire sans passer par une modification constitutionnelle.
Le sénateur Noël Kinsella: Oui. Si nous accordons à la législature une compétence exclusive pour légiférer en matière d'éducation, cela veut dire dans toutes les matières. S'il s'agit simplement d'un autre cours... Nous n'avons pas écrit «mais il faudra enseigner l'histoire» ou les mathématiques.
Si cette partie de la disposition n'est pas redondante en ce sens, elle doit vouloir dire quelque chose. Si elle veut dire quelque chose, nous pouvons nous demander quelle est la raison particulière pour laquelle on a ajouté cette partie?
M. Alan Borovoy: C'est ce genre d'analyse qui m'inquiète, parce que c'est de cette façon que l'on peut en arriver à une certaine interprétation de la disposition.
• 2005
Ces termes ont un sens très lâche, ils sont en outre très
vagues de sorte qu'il est possible que l'on interprète cette
disposition d'une autre façon et que les tribunaux estiment que le
législateur a voulu insérer cette disposition pour veiller à ce que
tous les gouvernements jusqu'à la fin des temps, ou jusqu'à la
prochaine modification constitutionnelle, dispensent un
enseignement religieux dans les écoles. Je regarde cet article et
je me dis que cela est tout à fait superflu. Compte tenu des
réalités politiques telles qu'elles vont se présenter dans un
avenir prévisible, il me paraît tout à fait inutile d'adopter cette
disposition pour obtenir ce résultat.
C'est un argument qui pourrait être utilisé pour en arriver à une conclusion différente de la vôtre. Mais puisque l'interprétation que vous proposez est tout à fait concevable, même si ce n'est pas, d'après moi, la meilleure, je crois qu'il serait préférable de supprimer ce passage.
Le sénateur Noël Kinsella: Ma deuxième question porte sur le projet de clause 17.(3), qui traite de l'observance d'une religion. Si nous examinons cette disposition du point de vue de l'employé de l'école, qu'il s'agisse d'un professeur, d'un professeur adjoint ou d'une autre personne et si, telle que cette disposition est rédigée actuellement, la commission scolaire reçoit une demande de parents concernant l'observation d'une religion à l'école, la commission est tenue de la permettre.
Le personnel est principalement composé d'enseignants. À votre avis, que pourrait faire l'enseignant qui, pour des raisons de conscience, ne souhaite pas participer à l'observance de cette religion? Aurait-il des droits à faire valoir? Cela ne reviendrait-il pas à imposer des obligations aux employés de l'école, qui seraient ainsi tenus de s'associer à l'observance d'une religion, si l'employeur autorisait...?
M. Alan Borovoy: Pour être juste avec les autres points de vue, je crois qu'il faut tenir compte du fait que les enseignants tout comme les étudiants pourraient demander d'être exemptés de cette observation. Je ne peux pas imaginer qu'on leur refuse cela. Les enseignants pourraient donc s'y soustraire.
À cause des aspects dont j'ai parlé, je m'intéresse davantage, en matière d'exemption, aux enfants qu'aux enseignants adultes. Dans ce genre de situation, je me préoccuperais principalement des jeunes.
Le sénateur Noël Kinsella: Brièvement et en termes généraux, pouvez-vous décrire pour les membres du comité quelle est la jurisprudence en Ontario sur la question de l'exemption? Vous avez mentionné que vous aviez participé à cette affaire.
M. Alan Borovoy: Dans l'affaire des prières à l'école, à laquelle nous avons participé en qualité d'intervenant, et dans l'affaire d'Elgin County, où nous étions codemandeurs, le tribunal a jugé que le droit d'être exempté d'une activité religieuse ne répond pas à l'objection fondamentale selon laquelle le caractère coercitif des mesures prises par les écoles publiques pour promouvoir une certaine idéologie religieuse est inacceptable; en effet, ont-ils déclaré, chez les jeunes, le besoin de faire comme les autres est tellement fort qu'ils se trouvent placés, à un âge particulièrement vulnérable, dans un dilemme assez pénible: d'un côté, suivre un cours qui leur présente une religion qui n'est pas celle dont on leur parle chez eux et de l'autre, éprouver la gêne associée au fait de se retrouver à l'écart des autres pour des raisons religieuses. Pour tous ces motifs, la Cour a jugé dans ces deux affaires que l'exemption des activités religieuses n'avait pas pour effet d'atténuer le fait que ces pratiques constituent une violation fondamentale des droits et libertés constitutionnels en matière de religion et d'égalité.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Mme Sheila Finestone: Une précision, est-ce que l'affaire d'Elgin County est celle de l'école mormone?
M. Alan Borovoy: Il s'agissait des écoles publiques d'Elgin County, près de St. Thomas, en Ontario. Nous avons intenté une poursuite contre la commission scolaire et contre le procureur général de l'Ontario. Nous avons demandé un jugement déclarant que les pratiques adoptées par ces écoles étaient contraires à la Charte.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup. Je vais demander à nos attachés de recherche de voir s'ils ne pourraient pas découvrir d'autres éléments concernant ces affaires.
Mme Sheila Finestone: J'essayais de me renseigner sur cette affaire l'autre jour—Adler, celle-ci et Vidéotron ou quelque chose du genre. Vidéo quelque chose est l'autre affaire, je crois.
Une voix: Zylberberg.
Mme Sheila Finestone: Non, pas Zylberberg.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Nous allons trouver ces renseignements. M. Borovoy, notre recherchiste est ici. Si vous pouviez lui fournir quelques précisions à la fin de votre témoignage, il pourrait peut-être alors compléter ces faits, si cela vous convient.
M. Alan Borovoy: Vous pensez que j'ai ça en tête aussi?
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Eh bien, vous avez été assez bon jusqu'ici.
Nous allons maintenant passer à M. Bélanger pour terminer cette ronde et je donnerai ensuite la parole à M. Kenney et je vois que Mme Caplan aimerait également poser une question.
Je vous dis que vous alliez être ici pour un moment.
M. Mauril Bélanger: J'aimerais revenir sur l'effet qu'aurait la suppression de la clause 17(3). Une telle suppression nous entraînerait-elle trop loin dans l'autre sens, comme cela a été mentionné par certaines personnes assises autour de cette table? Dans la mesure où cette disposition autorise l'observance d'une religion, son absence interdirait-elle l'observation d'une religion selon des pratiques qui pourraient être appropriées, comme le fait de porter un crucifix ou un turban, ou comme d'autres l'ont mentionné, celui d'avoir un arbre de Noël à l'entrée de l'école? Estimez-vous qu'en l'absence de la clause 17(3), cela serait interdit?
M. Alan Borovoy: Je vais revenir aux exemples que j'ai utilisés, parce que chaque fois que vous me donner un autre exemple, je suis obligé de réfléchir à nouveau.
J'ai parlé des élèves qui porteraient une croix, ou un yarmulke ou quelque chose du genre, et de prêter les locaux de l'école après les heures de cours. Je ne pense pas qu'il faudrait procéder à une modification constitutionnelle pour faire cela. Aucune de ces pratiques n'est contraire à la Charte, à ce que je sache.
M. Mauril Bélanger: Je vais poser une question supplémentaire, monsieur le président, parce que mes questions sont habituellement brèves.
Est-il possible de soutenir que la Charte, telle qu'elle se lit actuellement, autorise ce genre de pratiques religieuses dans la mesure où quelle que soit la confession ou la religion observée, il y a liberté de religion et que, dans la mesure où vous n'obligez pas les autres étudiants à faire certaines choses, rien ne vous empêche de porter un turban, un crucifix ou un autre symbole? Et un arbre de Noël? Pourriez-vous nous en dire plus là-dessus?
M. Alan Borovoy: Vous êtes beaucoup plus incisif que je ne l'aimerais.
Revenons à l'exemple du turban. Je crois que l'on pourrait très bien soutenir qu'une école aurait du mal à l'interdire. Il faudrait, je crois, invoquer un argument fondé sur l'article 1 et démontrer que le décorum de l'école exige une certaine uniformité. Je serais du côté de ceux qui soutiennent qu'il faut permettre aux Sikhs, aux Chrétiens et aux Juifs de porter ce genre de choses.
Pour en revenir à l'arbre de Noël, je pense que cela dépend de la façon dont c'est fait. S'agit-il d'une célébration religieuse ou d'une coutume populaire; dans ce dernier cas, je ne pense pas que cela soulève de difficulté alors que dans le premier, cela pourrait soulever certains problèmes. Mais si cela était fait de la bonne façon, je crois que cela serait conforme à la Charte.
M. Mauril Bélanger: Le bon goût est toujours de rigueur.
Merci, monsieur le président.
[Français]
M. Alan Borovoy: Vous avez raison.
[Traduction]
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup d'avoir suscité un échange aussi incisif.
Madame Caplan, allez-y.
Mme Elinor Caplan: Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai mentionné tout à l'heure que j'avais été une de ces enfants qui avaient connu cette politique d'exclusion et j'ai eu beaucoup de temps pour y réfléchir. Je voulais savoir en posant ma question tout à l'heure si les expériences vécues dans les différentes régions du pays pour ce qui est de l'exclusion risquaient d'influencer les tribunaux qui seraient amenés à se pencher sur cette nouvelle clause de l'entente avec Terre-Neuve.
M. Alan Borovoy: La question dans ce cas—en fait, il faudrait d'abord remplir une première condition, à savoir dans quelle mesure les tribunaux vont juger nécessaire d'adopter les droits garantis par la Charte à l'interprétation qu'ils donnent à ces articles? C'est la première condition à remplir.
Si les tribunaux affirment qu'il faudrait interpréter ces dispositions par rapport à la Charte et qu'ils n'introduisent pas une exception à celle-ci—si c'est bien de cette façon qu'ils les interprètent—alors je pense qu'il leur serait très difficile de ne pas suivre la jurisprudence de l'Ontario. Je ne pense pas faire preuve de chauvinisme ontarien en disant que ces jugements sont vraiment excellents et que je m'attends à ce qu'ils influencent beaucoup les tribunaux des autres provinces.
Mme Elinor Caplan: J'ai été très favorable à la clause 17(2) qui impose un enseignement religieux non confessionnel parce que je suis d'accord avec vous et que je crois qu'il est important de savoir comment pensent les autres et de connaître les croyances et les différences qui existent dans ce domaine, si l'on veut donner une bonne éducation à nos enfants.
Je l'ai déjà dit, nous voyons les choses en fonction de notre expérience. Ayant connu enfant l'exclusion, cela a été un grand jour pour moi celui où j'ai pu amener ma poêle électrique et mon bol rempli de pommes de terre râpées et aller à l'école avec mes enfants expliquer la façon dont on célèbre Hanukkah, à l'époque où il y avait un arbre de Noël et la célébration de... que l'on appelle ça folklore ou religion, cela m'importait peu. Cela a été une occasion importante pour ces jeunes étudiants de connaître les différences qui existent dans notre société.
J'ai toujours été très favorable à l'obligation d'enseigner les aspects non confessionnels de toutes les religions de la société multiculturelle qui est la nôtre aujourd'hui au Canada. Je voulais savoir si vous pensiez que les enfants étaient à l'aise lorsqu'ils portaient les marques de leur religion, qu'il s'agisse de Musulmans, de Juifs, de Catholiques ou d'autres, compte tenu de la clause qui nous est soumise et du fait qu'elle énonce que toutes ces pratiques sont acceptables et conformes au droit constitutionnel à Terre-Neuve.
M. Alan Borovoy: Si nous parlions de jeunes qui portaient ces objets religieux, je pense qu'une bonne partie d'entre eux ne se sentiraient pas très à l'aise de le faire. Il y a un aspect qui pourrait racheter ce genre de pratiques; c'est le fait que cela vienne du jeune et de sa famille. Lorsque cela vient d'eux, cela ne soulève pas les mêmes difficultés que lorsqu'on impose une pratique religieuse à des personnes qui ne souhaitent pas la partager. C'est là, je crois, le point essentiel.
J'essaie de ne pas faire remarquer que ces latkes d'Hanukkah risque de boucher les artères de ces jeunes.
Des voix: Oh, oh.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): En fait, j'espérais que vous le feriez. Les sandwiches que nous avons mangés ne valent pas un vrai souper.
Monsieur Kenney, nous allons vous redonner la parole et pour ensuite, passer à M. Pagtakhan.
M. Jason Kenney: Monsieur Borovoy, si je vous ai bien compris, vous critiquez la clause 17(2) parce que vous craignez que l'enseignement religieux dont elle parle prenne un caractère confessionnel et ait ainsi l'effet d'exclure certaines personnes. Est-ce bien exact?
M. Alan Borovoy: Cela pourrait prendre la forme d'un endoctrinement religieux.
M. Jason Kenney: D'endoctrinement religieux. Eh bien, j'aimerais vous demander ce que vous pensez d'une autre objection que l'on pourrait faire à la clause 17(2) et qui pourrait venir des personnes dont on envisage de supprimer certaines libertés. Ces personnes soutiendraient—elles l'ont fait devant le comité—qu'un enseignement religieux qui n'est pas rattaché à une confession religieuse risquerait de prendre un tour laïc. Il serait caractérisé par un syncrétisme religieux et un relativisme moral, reflétant ainsi une idéologie qui écarte toute possibilité de vérité objective dans ce domaine. Cela, je crois, est également inquiétant.
Vous avez parlé des difficultés que soulèveraient pour les étudiants dissidents la nécessité de s'absenter, de s'exempter des enseignements de cette nature. Ne craignez-vous pas également qu'à Terre-Neuve, un enfant qui serait catholique, protestant, pentecôtiste, membre de l'Église adventiste du septième jour s'oppose au genre d'idéologie laïque, de relativisme moral et de syncrétisme religieux qu'on lui imposerait avec un tel enseignement religieux général? Ne craignez-vous pas qu'un tel enfant soit également appelé à demander d'être exempté de cet enseignement?
M. Alan Borovoy: Monsieur Kenney, permettez-moi de vous signaler que votre question est très mal posée parce qu'elle se fonde sur l'hypothèse que, dès qu'une école s'abstient de promouvoir certains absolus religieux, elle favorise nécessairement le relativisme moral.
Je me permets de vous signaler que rien ne vous permet de conclure que l'école qui ne fait pas cette première chose va nécessairement faire la deuxième. Je m'opposerais tout autant à ce qu'une école affirme que le relativisme moral est supérieur à n'importe quel absolutisme religieux. L'école ne doit faire ni l'un ni l'autre.
Il ne faut pas, d'après moi, que l'école impose une idéologie. Le rôle qui est le sien dans ce domaine est de transmettre les connaissances, des renseignements et des aperçus sur ces choses pour fournir aux jeunes les outils qui leur permettront de réfléchir à ces questions. C'est à cela que l'on peut résumer le rôle des écoles et des autres institutions.
Ceux qui prônent des absolus religieux ou préconisent le relativisme moral peuvent le faire en dehors des heures de classe. Ce n'est pas à l'école de faire ces choses. Ce n'est parce que vous refusez de faire une de ces choses que vous allez nécessairement faire la seconde.
M. Jason Kenney: Cela ne s'ensuit pas nécessairement mais vous devez convenir que cela pourrait s'ensuivre. Ce genre d'enseignement religieux général peut devenir un cours d'endoctrinement en relativisme moral. J'en déduis que vous vous opposeriez également à ce que l'on transforme ces cours de cette façon.
M. Alan Borovoy: La réponse à votre deuxième question est oui. Quant à votre première question: cela pourrait-il se produire? Bien sûr, cela pourrait se produire. En outre, vous pourriez prescrire un cours qui serait relativement objectif. Je dis relativement objectif parce qu'il existe des limites à l'objectivité. Nous le savons. Vous pouvez prescrire des choses avec la meilleure des intentions. Cela n'empêchera pas certains enseignants de favoriser le relativisme moral et d'autres certains absolus religieux. Il est évident que l'on ne peut supprimer ces risques.
La question qui se pose alors est celle des moyens à prendre pour minimiser ces risques. Ce n'est certainement pas en insérant dans la Constitution ce genre d'obligation que l'on va réduire ces risques.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Monsieur Pagtakhan.
M. Rey Pagtakhan: Monsieur Borovoy, j'aimerais vous ramener un peu à la politique mais au nom de l'équité, un principe qui vous est cher.
M. Alan Borovoy: Vous essayez de me compromettre.
M. Rey Pagtakhan: Au nom de l'équité.
Certains témoins ont indiqué au comité qu'ils préféreraient un enseignement confessionnel séparé qui serait financé par la province. Sachant que ces personnes sont également des contribuables du système scolaire public proposé, ne serait-il pas conforme à l'équité que le gouvernement provincial finance ces cours si on le demandait et si le nombre le justifiait?
Mme Elinor Caplan: C'est un système de coupons. Est-ce bien de cela qu'il s'agit?
M. Rey Pagtakhan: Dans un sens, oui.
M. Alan Borovoy: La réponse est non. Je crois que j'avais déjà répondu à cette question mais c'est peut-être que vous n'étiez pas encore arrivé et c'est comme cela que l'on punit les retardataires.
La réponse à cette question est non et pour deux raisons. Vous avez ajouté une réserve très appropriée «lorsque le nombre le justifie». Que va-t-il arriver à ceux dont le nombre est si faible qu'il ne donne pas droit à ce genre de financement? Ces personnes vont être exclues.
Deuxièmement, il y a ceux qui n'appartiennent à aucune confession et qui ne pourront pas demander ce genre de chose?
Je ne pense pas que la promotion d'une idéologie religieuse financée par le gouvernement soit une liberté fondamentale dans une démocratie. Par contre l'obligation de traiter la population de façon équitable et sur un pied d'égalité, à part certaines exceptions clés, constitue, elle, une liberté fondamentale.
M. Rey Pagtakhan: Il vous faut comprendre, M. Borovoy, que dans tout programme scolaire il y aura des matières de base—mathématiques, sciences, arithmétique, anglais—qui, par définition, ne seront pas des matières religieuses. Dans la mesure où ces matières sont transférées dans une école confessionnelle, ne serait-il pas conforme à l'équité que des crédits appropriés soient accordés à ce titre?
M. Alan Borovoy: Non, je ne pense pas qu'il faille pour cela que le public soit obligé de subventionner la propagation d'une idéologie religieuse. N'oubliez pas, comme je vous l'ai dit, que vous refusez nécessairement le bénéfice de ces droits aux catégories qui ne sont pas suffisamment nombreuses et aux gens qui n'appartiennent à aucune confession. On se retrouve donc dans une situation qui fait que l'on confère à certaines personnes des privilèges du fait qu'elles appartiennent à un groupe confessionnel. À mon avis, ce n'est pas ce qu'on doit faire en démocratie.
M. Rey Pagtakhan: Si un enseignement religieux doit être dispensé—sans que ce soit en fonction d'une confession religieuse déterminée—si l'on supprime complètement le paragraphe (3), et si la province adopte alors cette formule à l'assemblée législative...
M. Alan Borovoy: Si elle adoptait...?
M. Rey Pagtakhan: En partie les dispositions du paragraphe (2) et l'intégralité de celles du paragraphe (3).
M. Alan Borovoy: Bien.
M. Rey Pagtakhan: Ces dispositions auraient moins de chance d'être entérinées par les tribunaux au cas où l'on invoquerait la Charte que si on les intègre aujourd'hui à la Constitution dans le cadre de la modification proposée.
M. Alan Borovoy: Oui, c'est vrai. Je ne sais pas ce que vous en concluez. Comme je vous l'ai indiqué, si l'on se contente de promouvoir la connaissance des différentes religions, il n'y a aucun problème vis-à-vis de la Charte. Si l'on envisage de mettre les locaux scolaires à la disposition de certains groupes religieux après les heures de cours, il n'y a pas de problème vis-à-vis de la Charte. Ce qui soulève des difficultés, en vertu de la Charte, c'est si l'école fait la promotion d'une idéologie religieuse ou si les élèves se mettent en grand nombre à suivre des pratiques religieuses.
• 2030
Je pense alors qu'il y aurait un problème vis-à-vis de la
Charte. Ce serait tout à fait déplacé dans le cadre d'une école
publique multiculturelle que des élèves de toutes les religions
sont tenus de fréquenter. Ce serait un très mauvais service à
rendre aux gens.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je vous remercie.
La discussion a été particulièrement intéressante, je peux le voir sur le visage de tous les participants à ce comité. J'apprécie la réflexion qui est faite sur toute cette question. De toute évidence, vous avez bien étudié la question.
Chers collègues, puis-je poser une question aux témoins? En l'absence d'accord unanime, je m'en abstiendrai.
Des voix: Allez-y.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Vous avez dit être d'accord avec un programme d'enseignement qui prévoirait... On pourrait faire mention des données historico-religieuses, ou tout simplement religieuses, dans le cadre d'un programme plus général impliquant l'histoire, les sciences, etc. Vous avez dit que l'une de vos craintes était le risque d'endoctrinement religieux dans le projet actuel de Terre-Neuve.
À partir du moment où vous proposez que l'on fasse référence aux religions dans le cadre d'un programme d'enseignement religieux plus vaste, aucune limite ne devrait être fixée à ce programme sauf lorsque cela est contraire à la Charte... Ce que propose ici Terre-Neuve, c'est une mention précise: «mais elle doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier». Des limites précises sont fixées par la proposition de Terre-Neuve. Aucune limite précise n'est fixée si vous faites référence aux religions dans les autres matières. Comment concilier les deux choses?
M. Alan Borovoy: Tout d'abord, lorsqu'on ne se réfère pas à une modification constitutionnelle, tout ce que l'on fait alors est assujetti à la Charte. Les écoles publiques ne sont pas autorisées à promouvoir une idéologie religieuse. C'est à mon avis la meilleure interprétation que l'on va donner à la Charte compte tenu des arrêts de la Cour d'appel de l'Ontario qui servent de précédent. Pour le moment, c'est la meilleure interprétation du droit que nous ayons et je pense qu'elle sera suivie ailleurs. Vous avez donc les limites que vous cherchez.
Souvenez-vous ensuite de ce que je vous dis. Tout bon enseignement doit traiter des matières religieuses. Elles se présentent naturellement et il faut les aborder. Je le répète, on ne peut pas vraiment comprendre l'histoire si l'on n'a pas la moindre idée des forces religieuses qui en ont influencé le déroulement, et il faut donc que les écoles fassent ce travail.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Est-ce que la mention précise «un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier» risque encore de donner lieu à un endoctrinement?
M. Alan Borovoy: C'est ce qui m'inquiète. On peut envisager une interprétation laissant entendre que tout ce que l'on veut dire par là, c'est qu'il faut éviter les conflits entre les principales confessions chrétiennes. D'ailleurs, à la lecture de certains témoignages qui vous ont déjà été présentés, il m'apparaît que c'est exactement l'interprétation que font certains témoins.
Il se peut que ça ne se passe pas comme ça. Je n'en sais rien. Toutefois, la question est si confuse et il y a tellement d'interprétations qui ont été faites en ce sens au cours des débats, que je dis que le mieux est encore d'être clair. Il se pourrait très bien que les tribunaux, je le répète, interprètent la chose plus simplement, comme je voudrais qu'elle le soit; mais il n'y a aucune garantie en ce bas monde.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je vous remercie. Ce fut une séance très intéressante. Au nom de tous les membres du comité ici présents, je vous remercie très sincèrement d'être venu comparaître devant nous, sans préjuger de... j'ai tout bonnement apprécié la possibilité de pouvoir moi aussi poser une question. J'ai particulièrement aimé l'expérience.
Mme Sheila Finestone: Je crois devoir mentionner à notre honorable invité qu'il y a dans le Citizen d'Ottawa aujourd'hui un article au sujet de l'auteure Lois Sweet, qui porte sur la question du retour de Dieu à l'école. Vous n'êtes pas d'Ottawa et, par conséquent, vous ne l'avez peut-être pas lu. Sachez qu'à mon avis l'auteure est dans une certaine mesure d'accord avec vous.
Des voix: Oh, oh.
Mme Sheila Finestone: Jusqu'à un certain point, peut-être, et j'ai hâte que vous lisiez cet article.
Des voix: Oh, oh.
Mme Sheila Finestone: Je voulais vous poser une question à ce sujet, mais je n'en ai pas eu le temps.
M. Jason Kenney: En fait, il est bon de lire ce livre au sujet de cette modification et de celle du Québec. Je viens juste de le lire cette fin de semaine.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci.
Le comité va maintenant entendre le directeur de St. Michael's College School, le père T.F. Mohan, qui a été invité à comparaître.
Mon père, permettez-moi de vous remercier chaleureusement, au nom du comité, d'être venu comparaître. Nous vous avons fait attendre longtemps. Nous avons été quelque peu retardés parce que les débats ont dépassé le temps imparti cet après-midi, et nous avons beaucoup apprécié votre patience.
Vous avez la parole.
Le révérend père T.F. Mohan (directeur, St. Michael's College School): Merci, monsieur le président. Je suis le directeur de St. Michael's College School de Toronto. J'y suis d'ailleurs attendu demain matin, ce qui fait que je me rends bien compte du temps qui passe.
Lorsqu'on m'a demandé d'apporter mes commentaires et de dire quelques mots devant le comité, je pense que je me suis remémoré toute la confusion qui caractérisait le débat au sujet de l'enseignement dans notre pays et je me suis demandé si nous n'avions pas perdu la possibilité de nous parler parce que nous n'avions plus les mots pour le faire.
Cela me rappelle tout à fait l'histoire—je suis Irlandais—de l'homme qui s'était perdu à Killarney. Si vous vous perdez un jour à Killarney, ou en Irlande, et si vous demandez votre chemin à quelqu'un, il finira probablement par vous dire: «En fait, si j'y allais, je ne partirais probablement par d'ici.»
Des voix: Oh, oh.
Le père T.F. Mohan: Ou quelque chose du même genre. Cet automobiliste qui s'était perdu à Killarney a demandé son chemin à un homme qui se trouvait là et ce dernier lui a répondu: «Vous voyez, j'ai toujours habité ici et je ne sais pas où ça se trouve.» Sur quoi l'automobiliste lui a répondu: «Je vous remercie. Vous êtes le premier à Killarney qui m'ait répondu honnêtement. Vous ne m'avez pas fait perdre mon temps et je vous en remercie.» Sur ce, il repart dans sa voiture. Soudainement, il entend une voix qui le rappelle, il arrête la voiture et regarde en arrière. Son interlocuteur lui fait de grands signes pour le rappeler. Il recule et l'autre lui dit: «Laissez-moi vous présenter mon frère. Lui non plus ne sait pas où c'est.»
Des voix: Oh, oh.
Le père T.F. Mohan: Donc, lorsqu'on se met à parler d'éducation, je me pose en fait des questions. L'éducation, c'est l'affaire de la famille. J'entends des gens en parler différemment. Je veux que vous sachiez que la tradition que je représente ici est une tradition d'enseignant. Nous ne tombons pas dans la religiosité, et je me désespère, en ma qualité de directeur, lorsque j'entends des gens dire que nous nous agenouillons toutes les cinq minutes ou que lorsque nous écrivons le signe plus au tableau, c'est pour nous le prétexte de faire un discours sur la crucifixion ou quelque chose du même genre.
Des voix: Oh, oh.
Le père T. F. Mohan: C'est un peu trop caricatural. L'enseignement est un art. C'est une forme d'art et c'est aussi surtout une philosophie. C'est pourquoi je suis en fait ici aujourd'hui, pour vous parler de la philosophie et de la pédagogie que je représente, qui touche aux fondements mêmes de notre pays.
Je veux vous rappeler ce soir ce qu'ont dit des pères de notre confédération au sujet de l'enseignement et je voudrais bien que vous compreniez qu'ils ne voyaient pas là un simple service comme celui du ramassage des poubelles ou de la voirie, par exemple. Nous parlons ici d'éducation, et cela a beaucoup à voir avec le fait qu'un enfant a une mère et un père et appartient à une famille.
• 2040
Pendant 12 ans, j'ai travaillé en tant qu'assistant à
l'éducation à Calgary, en Alberta. À l'époque, les écoles juives
nous ont demandé, elles ont demandé à la commission scolaire
catholique, si nous voulions les intégrer à notre réseau. Je me
suis dit, pourquoi pas? C'est le sens du terme catholique: ouvert
à tout le monde; universel. Nous sommes donc probablement la seule
commission scolaire du pays, et peut-être même dans le monde, qui
a accueilli en son sein les écoles juives. Tout s'est bien passé.
Nous avons représenté les parents juifs, mais nous les avons aussi
tout à fait respectés.
Il ne peut y avoir une égalité totale, je le conçois, mais il y a l'équité. Je tiens à ce que vous sachiez que l'année dernière, à St. Michael's, le gardien vedette de notre équipe de hockey était un garçon juif. Nous avons des élèves de toute origine dans notre école, mais nous ne cherchons pas à les endoctriner au sens où on leur placerait la tête dans un étau pour être sûrs qu'ils pensent tous de la même manière.
Dans la tradition particulière dont je vous parle, nous invitons les gens à réfléchir. C'est tout à fait une invite. Avec le nombre de choses qu'ils ont à faire par ailleurs, je ne peux rien leur dicter. Même en ma qualité de directeur, je ne peux pas forcer ces enfants à s'asseoir, à lire et à tourner les pages d'un ouvrage, mais je peux faire en sorte qu'ils apprennent. Je n'ai qu'un moyen, si je veux qu'ils apprennent, c'est de me faire bien comprendre.
Je veux que vous compreniez bien ce soir que je suis venu vous parler d'une tradition, et d'une tradition que je n'ai pas peur de présenter à tous les parents. Les parents sont les premiers éducateurs.
Qui est celui qui a fait tous ces livres Nelson sur la lecture? Il a dit qu'il nous faudrait un jour essayer de comprendre comment ces enfants apprenaient tant de choses, et si bien, avant d'aller à l'école, parce que nous ne sommes plus capables de reproduire ensuite cette faculté d'apprentissage dans les écoles publiques. La raison, il faut l'avouer, ce sont les parents. Je comprends, après avoir passé 48 ans dans une salle de classe, que j'ai besoin de la permission des parents pour enseigner à leurs enfants, et c'est certainement le cas de tout le monde.
Les laïques parlent comme s'ils n'étaient pas religieux. Pourtant, mon Dieu, ils ont bien trop de dogmes pour moi. De ce point de vue, j'aime bien mieux être catholique que laïque.
Je m'appelle Tom Mohan et je suis membre de la Communauté des prêtres de Saint Basile. Nous sommes une communauté d'enseignants fondée en France au début du XIXe siècle. Nous avons des écoles et des universités dans tout le Canada, dont certaines ont été fondées avant et d'autres après la Confédération. Comme on vous l'a dit, je suis le directeur de St. Michael's College School. C'est une école privée, antérieure à la Confédération, qui a été créée en 1852. Nous avons été fondés pour dispenser un enseignement aux familles d'immigrants pauvres et pour les préparer à accéder à l'enseignement postsecondaire, principalement aux études universitaires.
Depuis sa fondation, les activités de St. Michael ont débouché sur la création de l'université de St. Michael's College, à Toronto, et de l'Institut pontifical des études médiévales. Ces institutions sont à la fois catholiques et publiques. L'Institut pontifical a été qualifié par le gouvernement fédéral de trésor national. Lorsqu'on parle de l'enseignement catholique et de sa suppression, on parle aussi de ce que font les gens.
L'enseignement catholique au Canada recouvre les niveaux élémentaire, secondaire et postsecondaire, ainsi que les maîtrises et les doctorats. Ces établissements ne sont pas simplement des administrations; ce sont des communautés de catholiques qui s'inscrivent dans le fil de centaines d'années de recherche et d'études catholiques. Ce sont des communautés universitaires et religieuses qui ont en commun le respect des écritures et des enseignements de l'église. Ce sont des communautés qui étudient et qui prient. L'enseignement universitaire catholique a su faire la synthèse entre la tradition catholique et les programmes d'enseignement moderne.
Les écoles et les universités catholiques sont des communautés. Leur engagement et leur enseignement religieux transparaissent dans l'ensemble du programme scolaire. Une période d'enseignement religieux ne pourra jamais suffire à jeter les bases d'une communauté catholique qui étudie. D'ailleurs, il m'arrive de penser que l'on pourrait se passer de la période d'enseignement religieux. L'atmosphère même de l'école et la façon dont nous conduisons les études ne manqueront pas de transmettre les enseignements religieux que nous voulons pour nos élèves.
• 2045
La St. Michael's College School s'inquiète de voir que la
protection offerte par notre Constitution canadienne, qui garantit
à la minorité des droits à l'éducation, puisse être retirée à
l'issue d'un référendum général ou d'une estimation s'appuyant sur
un certain décompte du nombre de catholiques. Il est logique de
s'attendre à ce que la minorité perde lorsque la majorité vote,
n'est-ce pas? Pourquoi n'a-t-on pas demandé uniquement à la
minorité de se prononcer si l'on voulait connaître son avis?
Au moment du rapatriement de la Constitution, l'Association canadienne des commissions d'écoles catholiques est intervenue devant le comité mixte de la Chambre. Le sénateur John Connolly était membre de ce comité et il a fait à l'époque une déclaration au sujet des droits de la minorité à l'éducation. Il a affirmé que la Confédération n'aurait jamais existé, qu'il n'y aurait pas eu de Canada, si l'on n'avait pas garanti les droits de la minorité à l'éducation dans le Haut et le Bas-Canada. Cette garantie était selon lui la clé de voûte de la construction du Canada: sans droit à l'éducation reconnu à la minorité, pas de Canada.
Les droits à l'éducation de la minorité sont le premier principe sur lequel repose l'existence du Canada. Je me demande ce qu'il adviendrait de la Constitution des États-Unis, si les grands principes qui la régissent, et qui leur paraissent aller de soi, étaient soudainement remis en question en fonction du goût du jour. Lorsqu'on change les principes fondamentaux d'une constitution, on change finalement le pays.
Est-ce qu'il était prévu à l'origine de la Confédération que les droits de la minorité ne durerait que tant que la majorité était prête à les concéder, tant que l'ensemble des électeurs était prêt à dire oui dans un référendum? N'y a-t-il pas là un principe différent? Je me demande si cette remise en cause des droits de la minorité ne va pas servir de modèle pour contester la légitimité d'autres droits garantis par la Constitution aux minorités. Je me demande si les minorités vont être encore les bienvenues au Canada. Faut-il que nous devenions tous laïques?
Je suis sûr que bon nombre de catholiques de Terre-Neuve qui se sont opposés et qui continuent à s'opposer à la perte de leurs droits en matière d'éducation sont des Canadiens qui estiment que la Constitution ne les protège pas. Ils s'inquiètent du précédent qui est ainsi établi. Un vote bloqué au sein du Parlement ou un vote référendaire peut réécrire l'histoire et annuler la garantie qui leur était offerte par la Constitution.
Il faut bien comprendre que nous avons des écoles catholiques, et non pas des écoles pour les Catholiques. Une école catholique ne peut pas remplir ses obligations envers les parents en n'assurant qu'une seule période d'enseignement catholique. Tout le programme d'enseignement est imprégné de la culture catholique. Les écoles catholiques n'enseignent pas une géométrie ou une physique catholique, mais elles enseignent et considèrent les dimensions morales de la connaissance. Quelles sont les répercussions de la connaissance sur mon voisin? Sur mon prochain?
Toutes les écoles ont leurs valeurs et leurs principes. Les écoles laïques ont des valeurs et une philosophie laïques. Ce n'était pas suffisant à l'époque de la Confédération et ce n'est pas suffisant aujourd'hui.
On peut lire dans le document rédigé à Rome en 1988 au sujet de La dimension religieuse de l'éducation dans les écoles catholiques:
-
L'école catholique s'appuie sur des principes d'enseignement
mettant en harmonie la foi, la culture et la vie.
Ce n'est pas si mal.
-
L'école catholique s'apparente à toute autre école pour ce qui est
des manifestations complexes et diverses qui caractérisent la vie
de l'école, mais il y a une différence essentielle. Elle tire son
inspiration et sa force de l'évangile dans lequel elle plonge ses
racines.
Les premiers colons de notre pays n'ont pas jugé bon de subdiviser l'éducation de leur famille en deux catégories qualifiées de laïques et de religieuses. N'oubliez pas que les écoles publiques ont été fondées à l'origine en tant qu'écoles protestantes. J'ai été très frappé de voir ici aujourd'hui que l'on faisait comme si les écoles publiques avaient été laïques dès le début. C'était des écoles protestantes, des écoles religieuses. Les premières écoles que nous avons eues dans notre pays étaient des écoles religieuses.
De nos jours, au contraire, l'enseignement religieux ou moral est souvent considéré comme une affaire privée, qui se fait chez soi ou à l'église le dimanche. Par contre, les écoles catholiques ont conservé leur affiliation religieuse et leurs traditions d'enseignement.
• 2050
Les écoles catholiques ont du succès. Vous remarquerez que des
études qui ont été faites récemment aux États-Unis nous indiquent
que les écoles catholiques donnent de bons résultats mais qu'elles
réussissent en outre auprès des défavorisés, là où on n'avait
encore jamais réussi à implanter des établissements d'enseignement.
Se débarrasser des écoles catholiques, c'est appauvrir
l'enseignement au Canada.
Les écoles catholiques organisent traditionnellement leur enseignement de manière libérale—en l'occurrence, les élèves étudient un large éventail de matières, y compris la religion et la théologie. Si les écoles catholiques abandonnaient l'enseignement de matières comme la religion ou la théologie, elles remettraient en cause les bases mêmes de cet enseignement libéral.
Le programme d'enseignement libéral de nos écoles a la capacité et la volonté d'aborder toutes les questions et tous les concepts mathématiques, scientifiques, littéraires, sociaux et religieux en les mettant en relation les uns avec les autres ainsi qu'avec les décisions que tous les élèves devront prendre au cours de leur vie. Ces décisions portant sur la vie, la création ainsi que nos relations avec notre prochain s'appuient sur notre connaissance de la foi, sur nos traditions catholiques. Ces connaissances sont pertinentes pour tous ceux d'entre nous qui apprennent à savoir et à agir en tant qu'êtres humains et que citoyens du Canada. Une éducation qui omet de tenir compte des connaissances religieuses et théologiques en relation avec toutes les connaissances de ce monde oublie de tirer parti d'une expérience humaine valable.
J'ai entendu dire ce soir que l'on pouvait étudier «certains sujets». Vous savez, il est très difficile en fait d'étudier certains sujets lorsqu'on se contente de dire «c'est au sujet de». Est-ce uniquement une question de mémoire ou s'agit-il de se prononcer sur ce que sont vraiment les choses que l'on étudie?
Une éducation qui omet de tenir compte des connaissances religieuses et théologiques en relation avec toutes les connaissances de ce monde oublie de tirer parti d'une expérience humaine valable. Ces gens existent. Ils peuvent être juifs, catholiques ou protestants. Quelle que soit leur foi, cela fait partie de leur expérience humaine et, par conséquent, de ce que l'on appelle l'éducation.
L'enseignement qu'on nous propose est un enseignement qui parcellise, qui oublie certaines choses. Il n'est pas global. Notre enseignement catholique traditionnel n'a pas peur de faire le lien entre ce que nous savons de par la religion, les écritures ou les enseignements de l'église, et ce que nous savons par l'entremise de toutes les autres sciences et sources de connaissances. La vérité est une.
Thomas D'Arcy McGee, ce père de la Confédération si éloquent, a défendu le 23 juin 1858 cette conception libérale de l'éducation à Toronto, devant l'assemblée législative. T.R. Ferguson avait proposé que l'on abolisse le réseau des écoles séparées dans le Haut-Canada.
Voici ce qu'a répond McGee:
-
Lorsqu'on enseigne que deux plus deux font quatre, on parle à la
raison. On apprend à utiliser ses facultés mentales. Nous devons
insister pour que tout enseignement de la raison s'accompagne d'un
enseignement de la révélation. En tant que parent, je ne suis pas
prêt à risquer l'expérience qui consiste à ne réviser
l'enseignement de la semaine que le dimanche. Autant proposer qu'un
enfant avale le lundi tout le sel dont il aura besoin après coup
pendant les six autres jours de la semaine.
-
En tant que parent, je crois que les poumons d'un enfant,
lorsqu'ils sont gonflés, le font flotter, mais je ne suis pas prêt
pour autant à lancer mon enfant du haut de la jetée dans le lac
Ontario pour voir s'il va remonter à la surface et flotter. Non,
monsieur, il s'agit là d'expériences désespérées que je ne suis
prêt à tenter avec le sang de mon sang et sur des âmes sans défense
qui sont confiées à mes soins.
La métaphore est évidemment osée lorsqu'on fait une comparaison entre le sel et l'éducation ou entre la capacité d'un enfant à flotter et les risques qui peuvent en résulter pour l'enseignement. Toutefois, pour des gens comme McGee ou pour ceux d'entre nous qui adhèrent à la tradition de l'enseignement catholique sur laquelle s'appuient les écoles catholiques, cette métaphore illustre bien la démarche intellectuelle et les convictions profondes qui sont les nôtres concernant la place attribuée aux vérités religieuses dans les décisions que nous prenons au quotidien et dans la conduite de nos vies.
L'enseignement catholique est conscient du fait qu'il a la charge de dispenser aux élèves un enseignement complet, actuel et moderne. La vérité qui nous vient de ce que nous apprend la religion doit rejaillir sur la façon dont nous menons notre vie. Il est prétentieux et illogique de penser qu'une partie quelconque de la vérité peut être confinée dans la pratique, pour des raisons politiques ou par un effet de mode, dans certains lieux donnés. Logiquement, du point de vue de l'éducation comme sur le plan de la pédagogie, la vérité doit intervenir dans toutes nos décisions.
• 2055
Voici ce qu'a déclaré Wilfred Dwyer, l'un des grands
chercheurs et éducateurs du Canada, à propos de l'enseignement
catholique:
-
C'est le fait d'un esclave ou d'un enfant que de ne pas connaître
la disposition relative des choses, mais la fierté, ou du moins
l'objectif, de l'enseignement catholique, c'est d'avoir illustré la
relation existant entre toutes les sciences et entre tous les modes
de connaissances.
Le père Dwyer voulait avant tout que ses élèves soient en mis en présence de toute la vérité et que toute vérité soit confrontée à toutes les autres pour que chacun d'entre eux vive cette vérité quoiqu'il leur en coûte sur le plan du confort ou des convenances personnelles. Ces mêmes idées seront reprises des années plus tard dans le document romain de 1977, L'école catholique:
-
L'école catholique est fondamentalement la synthèse entre la
culture et la foi, la synthèse entre la foi et la vie. On y
parvient dans le premier cas en intégrant les différents aspects de
la connaissance humaine à la lumière de l'évangile et, dans le
deuxième, en cultivant les vertus propres aux Chrétiens.
La vérité ne peut pas être enseignée de manière sélective en retenant ce qui est inacceptable et en évitant ce qui soulève des difficultés ou ce qui est susceptible d'exiger beaucoup de nous. Notre tradition catholique nous apprend à mener une vie axée sur la foi et l'étude. Cela fait de nous de bons Canadiens. Il n'y a pas nécessairement un conflit entre la foi et la raison qu'exige un bon enseignement.
Les écoles catholiques ne pêchent pas par religiosité. C'est un fait qu'elles ont été fondées par l'église catholique et qu'elles s'inspirent de ses enseignements. Il n'en reste pas moins que ce ne sont pas nécessairement des lieux de culte. Leur but premier est de diffuser les connaissances; de communiquer la vérité. Le but ou l'objectif premier de l'école catholique est la poursuite de la vérité; mener les jeunes à la connaissance. La foi doit guider, inspirer et compléter l'enseignement, sans empiéter sur les matières scolaires. L'école catholique met en harmonie la foi, la culture et la vie avec l'amour et le respect de la connaissance.
Je vous cite à nouveau L'école catholique:
-
En aucun cas, l'école catholique ne souhaite détourner la
connaissance de son véritable objectif. Ce serait une erreur que de
considérer les matières d'enseignement comme de simples compléments
de la foi ou comme un moyen utile de faire du prosélytisme. Elle
doit amener l'élève à assimiler des procédés, des connaissances,
des méthodes intellectuelles et des comportements moraux et
sociaux, qui tous vont l'aider à développer sa personnalité et à
prendre sa place en tant que membre actif de la société. Le but
n'est pas simplement d'acquérir des connaissances, mais aussi de se
doter de valeurs et de découvrir la vérité.
Il est évident que notre société postchrétienne remet en cause l'autorité de l'église. La religion est devenue une quête personnelle. Nous avons vu de nombreux exemples de cette évolution, depuis le traitement accordé au Saint Père en Hollande jusqu'à la contestation publique du magistère exercée par les théologiens catholiques, en passant par les abus horribles commis par des religieux à l'encontre des enfants. Compte tenu de toutes ces réalités, il n'est pas étonnant que l'on ait moins de respect envers l'enseignement religieux. Ils sont nombreux ceux qui ont été scandalisés et qui ont perdu toute confiance dans ces écoles confessionnelles.
Il n'en reste pas moins qu'il est bien facile d'être cynique face aux objectifs religieux et théologiques que se propose d'atteindre l'enseignement religieux. Il est bien trop facile d'être cynique. Au moindre événement, on se représente les choses de cette façon—en oubliant l'immense trésor que possède le Canada et tout ce qu'ont fait et que peuvent faire ces écoles pour notre pays.
D'autres établissements d'enseignement publics et privés ont abandonné leurs objectifs religieux, les jugeant impossibles à mettre en oeuvre ou non pertinents dans le cadre de l'enseignement. Le réseau d'écoles publiques n'est plus protestant. Nombre de nos universités catholiques s'en tiennent à des recherches pratiques. Nombre de nos fidèles catholiques ont abandonné leur foi en faveur de la laïcité. Il est possible que certains des votes que vous mentionnez soient justement ceux des catholiques qui ont pris cette orientation.
Quoi qu'il en soit, l'enseignement catholique a beaucoup fait et continuera à rendre de grands services au Canada. Les droits de la minorité canadienne, qui fait état de sa foi, de son appartenance religieuse et de sa tradition d'enseignement, méritent d'être protégés conformément à la garantie qui a été donnée au moment de la Confédération.
• 2100
À notre époque, nous avons besoin d'un enseignement qui
apprenne aux jeunes à discerner le bien du mal, qui pose des
principes leur permettant de savoir ce qui est bon et ce qui est
mauvais, ce qui est bon pour eux et qui peut les mener à une vie
honnête et heureuse, et ce qui risque de faire d'eux des êtres
humains inférieurs à ce qu'ils pourraient être.
Ce soir, je vous ai parlé de mon rôle en tant qu'enseignant dans une école catholique. J'espère de tout coeur que ces mêmes principes s'appliquent à la tradition évangélique, à la tradition juive, aux différentes traditions axées sur la famille dans notre pays. Nous serons très déçus, terriblement déçus, si ceux qui dirigent ce pays, les législateurs, touchent aux droits qui nous ont été accordés au moment de la Confédération. Non seulement nous serons très déçus, mais je pense aussi que vous allez heurter très profondément les familles.
Merci de m'avoir écouté.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci, mon père.
Nous allons maintenant passer aux questions. Nous commencerons par M. Jason Kenney, suivi du sénateur Kinsella, puis de M. DeVillers et enfin de Mme Caplan.
Monsieur Kenney.
M. Jason Kenney: Merci, monsieur le président, et merci, mon père, de cette intervention très résolue et bien structurée, qui insiste sur les principes fondamentaux, ce que nous n'entendons pas souvent.
Mon père, j'aimerais tout d'abord vous soumettre à l'avance une objection que l'on fait couramment à l'argument que vous venez de présenter, à savoir que cette modification et les modifications similaires, comme la modification de l'article 93 du Québec, ne retirent pas aux parents l'accès aux écoles catholiques; elles leur retirent simplement l'accès aux écoles catholiques financées par des fonds publics. Que répondez-vous à ceux qui vous disent que les écoles catholiques privées telles que celle que vous présidez pourra continuer à dispenser un enseignement dans la tradition que vous venez d'exposer?
Le père T.F. Mohan: Je pense qu'il est très vrai que l'on peut agir sur le plan privé dans notre pays et je ne crois pas qu'il faille craindre que l'État nous empêche de le faire.
Je dois vous dire, cependant, que les garanties sont un sujet qui a été largement débattu depuis le début de la Confédération. Quelle était l'intention des Pères de la Confédération? Voulaient-ils parler des écoles publiques séparées en Ontario jusqu'à la 13e année ou l'année du CPO, ou ne voulaient-ils aller que jusqu'à la 10e année? Nous avons eu de nombreux débats de ce genre. Il est certain que l'une des réponses à cette question a été de concéder le droit à l'enseignement public jusqu'à la 13e année en Ontario.
Je ne pense pas que l'on puisse retirer soudainement tous les droits dont dispose une famille et lui dire qu'elle peut toujours faire comme avant, mais qu'il lui faut à la fois payer ses impôts et recourir au secteur privé. Je ne crois pas qu'on puisse agir ainsi. Un exemple extrême serait celui de la médecine. Que se passerait-il? Oui, on peut toujours recourir à une opération privée, mais c'est l'État qui a pris en charge ce genre de choses, qui fournit les crédits, et je pense que tout le monde doit pouvoir en bénéficier.
Je considère que l'enseignement de type familial devrait être disponible pour tous. C'est la raison pour laquelle j'ai rédigé cette étude appuyant les écoles juives en Alberta. Je crois toujours très fermement, et il est certain que les catholiques croient très fermement, que l'enseignement est une question qui relève de la famille, et non pas de l'État.
M. Jason Kenney: Merci, mon père. Si j'en juge par votre réponse, je trouve tout à fait étonnant que certains de ceux qui critiquent toute orientation en faveur de ce qu'ils appellent un système de soins de santé à deux vitesses sont tout à fait disposés à créer un réseau d'enseignement à deux vitesses lorsqu'il s'agit de permettre aux parents d'accéder à un enseignement confessionnel.
• 2105
Ma deuxième question a trait à l'échange que j'ai eu avec le
témoin précédent, M. Borovoy, de l'Association des droits civils,
que vous avez entendu, je pense. J'ai demandé à M. Borovoy s'il
n'était aucunement inquiet de la formulation de la modification
proposée au paragraphe 17(2), qui prévoit un enseignement religieux
qui ne vise pas une religion en particulier. Je lui ai demandé s'il
n'avait pas peur que cela donne naissance à un enseignement
risquant, pour reprendre sa terminologie: «d'endoctriner les élèves
avec une idéologie fondée sur le relativisme moral et le
syncrétisme religieux».
Étant donné que vous avez passé votre vie à enseigner, n'avez-vous pas un peu peur que cet enseignement général n'amène en fait une forme d'idéologie laïque, une espèce d'endoctrinement du relativisme? Avez-vous d'autres observations à faire ici concernant la réponse qu'il m'a donnée?
Le père T.F. Mohan: Oui, en effet. Je dirais qu'avant tout le droit d'éduquer les enfants appartient aux parents. C'est la première chose. Que quelqu'un d'autre vienne nous dire que ce n'est pas ainsi que ça va se passer, que l'on va apporter telle ou telle chose aux parents et aux enfants, quelque chose que l'État juge approprié et convenable, voilà qui ne relève pas de l'éducation familiale. C'est en réalité une insulte. C'est tout à fait insultant.
Ainsi, lorsque la commission des écoles séparées de Calgary a pris en charge le financement des écoles juives de Calgary, nous étions tout à fait convaincus que nous n'allions pas insulter les juifs. Ils savaient ce qu'ils voulaient enseigner et quelles étaient leurs traditions familiales. Nous étions évidemment prêts à apporter notre aide si on nous le demandait, mais nous n'avons certainement rien imposé.
Le témoin s'est montré très dogmatique. L'État intervient, et ce qu'il dit est objectif. C'est l'État qui va dire ce qui est acceptable? À mon avis, c'est là une affirmation qui est si dogmatique qu'elle en perd toute crédibilité.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci.
Le sénateur Kinsella.
Le sénateur Noël Kinsella: Merci, monsieur le président.
Le témoin nous a fait un exposé très lucide de l'enseignement catholique. Je me souviens du passage 118:66 des proverbes, je crois, où l'on peut lire dans la Vulgate en latin: Bonitatem, disciplinam et scientiam doce me. Je pense que c'est la devise de l'Ordre des prêtres de Saint Basile auquel appartient le père Mohan: Enseignez-moi la bonté, la vérité et la discipline.
Le père T.F. Mohan: La bonté, la discipline et la connaissance.
Le sénateur Noël Kinsella: C'est toujours votre devise?
Le père T.F. Mohan: Oui, plus que jamais.
Le sénateur Noël Kinsella: Pas mal. D'où me vient ce savoir? Vous avez mentionné St. Michael's à Toronto, et vous travaillez dans ce collège. De 1910 à 1923, votre ordre a dirigé les activités du collège St. Thomas de Chatham, au Nouveau-Brunswick, soit la province que je représente au Sénat. Voilà, chers collègues, l'unique raison pour laquelle il se trouve que je connais la devise de cet ordre, parce que c'est toujours la devise de l'Université St. Thomas.
Je pense que ce serait utile aux membres de notre comité. On a beaucoup polémiqué pour savoir si oui ou non les catégories de personnes ayant le droit de posséder des écoles uniconfessionnelles en vertu de la loi constitutionnelle actuelle de Terre-Neuve, au moment où nous nous parlons—et plus particulièrement la catégorie représentée par les catholiques—ont accepté l'abrogation de leurs droits ainsi protégés par la Constitution. La question est controversée.
Jusqu'à quel point l'évêque catholique a le droit de parler au nom de la communauté catholique de son diocèse pour dire ce qu'elle pense ou ce qu'elle croit? Autrement dit, si l'évêque catholique vient nous dire que la communauté catholique de Terre-Neuve ne veut pas que l'on abroge ses droits actuels, dans quelle mesure représente-t-il la sensibilité catholique et parle-t-il au nom de ces gens? En d'autres termes, est-ce que le prêtre reflète de manière authentique le sentiment de la communauté catholique? Pouvez-vous nous apporter des éclaircissements sur ce point?
Le père T.F. Mohan: Oui, je pense bien. C'est la raison pour laquelle je me suis empressé... de vous dire aujourd'hui que l'enseignement que nous dispensions était une invite. Nous n'avons jamais en fait découvert le moyen de nous introduire dans les cerveaux et de les transformer. Nous ne faisons qu'exposer ce que nous considérons comme étant la vérité et inviter nos élèves à partager cette vérité.
C'est un peu la même chose pour l'évêque. L'évêque ne peut amener personne à faire quoi que ce soit. Il a une autorité morale et s'il est enseignant, chercheur, quelqu'un qui a étudié, qui est qualifié et qui jouit d'une crédibilité lorsqu'il parle, alors oui, effectivement, il fait autorité à l'école, de la même façon qu'une personne qui a des connaissances jouit d'une autorité au sein de sa collectivité.
Peut-il parler au nom...? Il peut en fait parler au nom de l'église catholique, dire quelle est la position de l'église catholique au moment concerné.
Je crois qu'il nous faut bien comprendre que la théologie est évidemment quelque chose qui évolue. L'une des grandes hérésies dans l'église est de dire qu'il n'y a pas une révélation continuelle et que la théologie ne progresse pas. L'évêque dit ce que disent tous les théologiens, le Saint Père et d'autres personnes qui se penchent sur les écritures: voici où nous en sommes en tant que catholiques dans la compréhension de notre foi. C'est ce qu'il dit, oui. C'est le premier à faire oeuvre d'enseignant dans ce domaine particulier—en effet.
Le sénateur Noël Kinsella: S'il nous dit que la communauté catholique n'a pas accepté de renoncer à ses droits à des écoles confessionnelles catholiques, droits qu'elle possède à l'heure actuelle, doit-on interpréter cela comme la réponse qualitative à la question de savoir si cette communauté a accepté ou non?
Le père T.F. Mohan: Vous savez, lorsque vous me posez cette question—je devrais en fait vous renvoyer la balle et vous demander si vous le croyez?
Le sénateur Noël Kinsella: Je le crois, oui.
Le père T.F. Mohan: Eh bien, je considère en fait qu'il a parfaitement le droit de dire ça. S'il estime que c'est vrai—il s'en est aperçu, il a fait son enquête, il sait ce que pensent les gens et s'il le dit, je pense qu'il me faut le croire.
Le sénateur Noël Kinsella: Très bien.
Le père T.F. Mohan: Mais a-t-il le droit de se prononcer sur la question? Je crois que c'est une question politique, même si elle a effectivement des incidences sur la famille et la vie religieuse des gens, mais ça relève du domaine politique. Vous savez qu'un évêque n'a pas le droit de faire des harangues politiques en chaire, ou de préconiser certaines orientations politiques. Toutefois, je pense qu'il a le droit de dire aux gens—comme j'ai essayé de le faire ici ce soir—si vous faites cela, voici ce qui risque d'arriver ou voici quelle va être la conséquence logique qui va en découler. Il a le droit de le faire. Il peut venir ici et vous dire que tout bien considéré les Catholiques ne veulent pas renoncer à ces droits. Oui, il en a parfaitement le droit. Peut-il parler au nom des gens? Je pense qu'il peut en fait parler de cette manière au nom de l'église catholique.
Le sénateur Noël Kinsella: Merci, monsieur le président.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci, mon père.
Nous devons maintenant passer à quelqu'un d'autre, sénateur. Il y a un certain nombre d'autres questions à poser. S'il nous reste du temps, nous vous reviendrons.
M. DeVillers, suivi d'Elinor Caplan.
M. Paul DeVillers: Merci, monsieur le président.
Ce matin, l'Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques et l'Association des commissions catholiques de l'Ontario ont toutes deux témoigné devant le comité.
Je pense que leurs positions sont similaires. Elles acceptent toutes deux le fait que l'on peut renoncer à des droits incorporés à la Constitution lorsque la majorité des gens qui bénéficient de ces droits ou de ces privilèges est d'accord.
• 2115
Quant à la question qui nous occupe actuellement au sein de ce
comité, celle de la modification apportée à la clause 17 de
l'accord de Terre-Neuve, leur objection part du principe que l'on
n'a peut-être pas suffisamment la preuve que les gens concernés ont
accepté de renoncer à leurs droits. Il s'agit donc davantage d'une
objection portant sur la procédure que d'une objection de principe.
En matière de précédent, elles ont peur que l'on établisse ici un précédent. J'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec le principe que je viens d'énoncer. Êtes-vous d'accord pour dire que lorsque le conflit porte à la fois sur le principe et sur la méthode, l'établissement d'un précédent revient à accepter le principe?
Le père T.F. Mohan: Si l'un des points est jugé contestable, le fait par exemple que la majorité n'ait pas renoncé à ces droits, je crois que vous n'avez absolument pas le droit de les enlever. Vous savez bien que même avec un référendum et autres dispositions de ce genre, je ne pense pas que ce gouvernement ou que le gouvernement du Canada va pouvoir se cacher derrière un référendum pour justifier que l'on prenne une telle décision.
J'estime qu'en tant que personnes qui se sont penchées sur les problèmes et en tant qu'administrateurs de ce pays, il vous appartient à vous aussi de vous assurer que justice soit faite. Je pense que lorsque l'Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques—il me semble qu'elle a comparu devant vous ce matin—et lorsque l'Association des commissaires des écoles séparées de l'Ontario vous ont parlé, elles vous ont dit que toute cette question du référendum de Terre-Neuve n'était pas très claire. J'ai parlé à des gens de Terre-Neuve. Certains d'entre eux m'ont bien dit que ce n'était pas clair. Il est évident que la précipitation malsaine avec laquelle...
M. Paul DeVillers: Dans un cas clair, accepteriez-vous le principe?
Le père T.F. Mohan: Dans un cas clair. Mais ici, je vous pose la question: pourquoi n'a-t-on pas fait voter uniquement la minorité? Les droits de la minorité ne dépendent pas de la volonté de la majorité.
M. Paul DeVillers: Dans cette affaire, mon père, 96 p. 100 de la population de la province était en mesure de réclamer des droits à des écoles confessionnelles. Il aurait été donc très difficile de déterminer lequel, parmi les sept groupes...
Le père T.F. Mohan: En ce qui me concerne...
M. Paul DeVillers: Ce fut peut-être l'une des raisons.
Le père T.F. Mohan: Vous savez bien entendu qu'à une époque donnée certains groupes confessionnels de Terre-Neuve ont renoncé à leurs droits et se sont intégrés à des écoles unifiées. Il n'en reste pas moins que je considère que ces droits prévus par la Confédération restent à la disposition des gens de Terre-Neuve qui disent vouloir les conserver. Je pense qu'ils existent toujours. C'est l'un des grands principes de la Confédération, et je ne pense pas qu'on puisse le balayer d'un revers de main.
Il nous faut à mon avis faire preuve de respect. Je pense qu'il nous faut tous respecter les principes établis par le sénateur Connolly en ce qui a trait aux droits, à l'histoire de notre pays et à l'histoire de la Confédération. Je suis convaincu que dans sa déclaration, le sénateur Connolly a très bien exposé la façon dont notre pays a été constitué et dont il a pris naissance.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci, mon père. Nous allons maintenant passer à Elinor.
Mme Elinor Caplan: Mes questions vont dans le même sens. Elles se rapportent en fait aux grands principes très généraux qui portent, mon père, sur la façon dont nous modifions la Constitution.
C'est à cela que ça se ramène. Nous disons avoir une Constitution souple, vivante. Une Constitution qui peut évoluer. Nous avons le pouvoir de procéder à des modifications bilatérales avec les provinces qui ont réussi à nous démontrer que leur population souhaitait ce changement.
L'histoire de Terre-Neuve est très différente de celle des autres provinces, et évidemment de celle de l'Ontario, dont je suis originaire. À Terre-Neuve, d'après ce que je peux voir des témoignages qui sont présentés devant notre comité, ce débat se déroule depuis 10 ans. C'est un débat qui a été lancé par une commission royale. Toutes les parties intéressées et toutes les autorités religieuses ont participé à ce débat pour essayer de convaincre l'opinion publique.
• 2120
Il y a eu deux référendums qui tous deux se sont traduits par
des projets de modification constitutionnelle. Lors du dernier
référendum, même dans les circonscriptions comportant une majorité
significative de Catholiques, les résultats ne permettent pas de
conclure à un large appui de la part de l'ensemble de la
communauté. Toutefois, indépendamment du référendum, de tous les
discours, des outrances, de la publicité et de tout ce qui
s'ensuit, le plus significatif, étant donné ma connaissance des
réalités politiques, c'est qu'il y a eu un vote unanime de tous les
partis à l'assemblée législative de Terre-Neuve. Des personnes
ayant différents points de vue, représentant des circonscriptions
différentes, en sont venues ensemble à appuyer ce changement dans
leur province.
Ma question en fait est la suivante: si l'on ne peut pas réagir positivement face à un tel déroulement, que vous faut-il de plus que cette expression unanime de la volonté des représentants de l'intérêt public à Terre-Neuve, des gens qui parlent au nom de leurs administrés? Si nous n'en tenons pas compte, comment allons-nous pouvoir procéder à des modifications constitutionnelles dans notre pays?
Le père T.F. Mohan: Je vous comprends. Vous me dites que c'est un grand dilemme et je ne vous dis pas le contraire. Je vous dis que ces droits ont été accordés dans notre pays au moment de la Confédération et qu'ils ont été conférés à une minorité et non pas à l'assemblée législative de Terre-Neuve. Vous m'avez posé une question à laquelle j'ai répondu dans mon mémoire. Je vous ai dit que si vous aviez pu identifier la minorité, si elle avait voté contre, si les gens n'étaient pas suffisamment nombreux, si le nombre ne le justifiait pas et s'ils étaient si peu nombreux à vouloir encore conserver ces droits, ce serait une chose; ce serait différent. Toutefois, vous n'avez pas ce genre de preuve.
Vous m'avez posé une question qui laisse entendre cela. Nous parlons ici de constitution et de droits constitutionnels. Je ne pense pas que l'on puisse simplement dire qu'il y a tant de Catholiques dans cette région et en tirer des conclusions. Il me paraîtrait très utile et très convaincant de donner aux gens la possibilité de voter sur cette question. À l'heure actuelle, si vous me demandez mon opinion, je crois que vous n'avez pas suffisamment de preuve pour refuser ces droits à la minorité.
Je vous remercie.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Rey.
M. Rey Pagtakhan: Je vous remercie, mon père, de cet exposé. Vous pouvez voir, bien évidemment, que cet enseignement jésuite n'est pas une sinécure. Il n'en reste pas moins qu'au moment où ces droits à l'enseignement confessionnel étaient incorporés à la Constitution, les rédacteurs de la Constitution ont jugé bon par la même occasion de prévoir une disposition permettant de modifier la Constitution.
Ces droits étant désormais retirés du cadre de la Constitution et n'exigeant même plus la tenue d'un référendum, c'est une voie de recours supplémentaire qu'a choisi d'accorder ici la province de Terre-Neuve. N'est-il pas vrai que dans le cadre de la Constitution dont vous vous réclamez en fait pour ne pas renoncer à vos droits, le document même qui autorise l'incorporation de ces droits prévoit aussi qu'on peut les modifier? Nous avons recours à cette disposition, en quoi cela peut-il être mauvais?
Le père T.F. Mohan: C'est une question intéressante que vous nous posez là—en quoi cela peut-il être mauvais? Ça peut être mauvais parce qu'il est évident que toute cette question des écoles catholiques... Il est évident que même au moment du rapatriement de la Constitution, il avait été indiqué à l'époque que les droits à l'éducation allaient être protégés. C'est l'une des raisons pour lesquelles la Constitution a été rapatriée au Canada, et c'est l'un des points fondamentaux de notre Constitution. C'est le grand principe de notre Constitution, le droit aux écoles confessionnelles, le droit à l'éducation dont jouissent les familles.
• 2125
Qu'il existe ou non une disposition dans la Canada Act
prévoyant le mode de modification de la Constitution... Même cette
formule n'a pas été suivie dans l'affaire qui nous occupe. Nous
essayons de modifier la clause 17 au moyen d'un référendum et d'un
vote de l'assemblée législative.
J'en reviens à mon argument de départ, pas pour le plaisir de me répéter, mais parce que c'est absolument fondamental. Que cela vous plaise ou non, je pense que c'est l'interprétation qui a été donnée lorsque notre pays s'est constitué, et je ne pense pas que l'on puisse y changer quoi que ce soit.
Je vous ai indiqué une façon de changer les choses qui serait possible, à mon avis, ce serait de donner aux personnes directement touchées dans notre pays le droit de se prononcer par oui ou par non. Personnellement, je me demanderais encore si la population actuelle de Terre-Neuve qui possède ces droits confessionnels peut parler pour les générations à venir. Je n'en suis même pas sûr.
C'est une question très difficile. Je vous le concède, et je n'ai pas toutes les réponses, mais nous sommes fermement convaincus, c'est sûr, que ces droits existent et je ne vois aucune raison de les diminuer ou de les retirer.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je vous remercie.
Nous allons maintenant passer à M. Bélanger, puis à M. Goldring pour une dernière question.
M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur le président.
Père Mohan, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous lorsque vous parlez du rapatriement de la Constitution et, plus particulièrement, de la Charte des droits et libertés établie au moment de ce rapatriement. Vous nous avez dit que les droits à l'enseignement confessionnel venaient pratiquement en premier et étaient placés au-dessus des autres.
J'ai feuilleté la Charte et je vous signale qu'il y a tout d'abord l'article 1, qui garantit les droits et les libertés sous réserve, uniquement, que l'on procède dans des limites qui soient raisonnables. On y énonce ensuite les libertés fondamentales—de conscience, de religion, de pensée, de croyance, etc., puis les droits démocratiques et la liberté de circulation et d'établissement. On passe ensuite aux garanties juridiques puis ensuite aux droits à l'égalité en précisant que la loi ne fait acception de personne, sans aucune discrimination à divers titres, y compris la religion. On en arrive ensuite aux droits en vertu des langues officielles.
Ce n'est qu'à l'article 29 que l'on nous dit:
-
29. Les dispositions de la présente Charte ne portent pas atteinte
aux droits ou privilèges garantis en vertu de la Constitution du
Canada concernant les écoles séparées et autres écoles
confessionnelles.
Ces droits n'occupent donc pas une place aussi privilégiée que vous l'avez laissé entendre. Ils passent en quelque sorte après d'autres droits qualifiés de fondamentaux. Je crois savoir aussi que l'on a statué dans un arrêt de la Cour suprême que les droits confessionnels ne sont pas sur le même pied que les droits fondamentaux.
Le père T.F. Mohan: Je ne suis pas au courant.
M. Mauril Bélanger: J'ai deux questions à vous poser.
À votre avis, ne devrions-nous pas parler de privilèges plutôt que de droits? Cela s'explique par la formulation de l'article 29 ainsi que de l'article 93 de la Loi constitutionnelle, qui parle de droits et de privilèges, et par le fait qu'il y a une école de pensée qui estime que certaines confessions sont ici privilégiées par rapport à d'autres. C'est ma première question.
La deuxième question, lorsqu'on parle de la minorité, et c'est ce que font bien des gens, c'est de savoir quelle est la minorité et quelle est la majorité à Terre-Neuve. Auriez-vous l'obligeance de nous donner votre opinion? Ne serait-il pas possible que si 96 p. 100 de la population appartient à sept confessions, la minorité soit composée en fait des 4 ou 5 p. 100 restant qui n'en font pas partie? N'est-ce pas là la vraie minorité? Qu'en pensez-vous?
Le père T.F. Mohan: Tout d'abord, si je vous ai donné l'impression que les droits à l'éducation venaient en premier dans toute cette liste, veuillez m'en excuser. Je voulais plutôt dire que la question avait été mentionnée lors du rapatriement, et c'est bien sûr à l'article 29. Je crois que c'est tout à fait frappant, que ça nous plaise ou non.
Je dirais moi aussi que cette question de la définition de la minorité et de la majorité va poser un problème épineux lorsqu'il va nous falloir chercher à débrouiller toute cette affaire de Terre-Neuve. Je sais par contre que la question a été résolue à une époque donnée par la création d'une multiplicité d'écoles et de réseaux scolaires. C'était une solution. Il est certain que ces gens se considéraient eux-mêmes comme une communauté de minorités.
Qu'est-ce que la majorité? La majorité, c'est certainement tout le reste. Même dans une société composée de minorités, chaque minorité dont on parle s'inscrit sur un fond composé de toutes les autres, qui constitue la majorité. C'est la seule réponse que je peux vous donner. D'ailleurs, je pense que je n'aurais même pas dû essayer de répondre à votre question parce que c'est comme si l'on opposait une personne qui aime la pistache à une autre qui aime le chocolat. On n'a pas suffisamment de preuve pour trancher, sauf pour dire que l'on a déjà pris des dispositions au sujet du principe des minorités en adoptant sept réseaux scolaires.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je vous remercie. Nous allons maintenant demander à M. Goldring de poser la dernière question.
M. Peter Goldring: Merci, monsieur le président. Merci, mon père.
Il semble que l'on avance une théorie selon laquelle la somme des minorités constitue un tout d'où on peut tout simplement tirer une majorité simple qui abroge tous les droits. Les Pentecôtistes, si je comprends bien, ont fait incorporer leur valeur à la Constitution il y a 10 ans. Ils l'ont fait en groupe. J'ai du mal à admettre qu'ils puissent perdre l'ensemble des valeurs qu'ils ont défendu pendant si longtemps en même temps que tout le reste. Je soutiens que chacune des minorités est une entité et qu'à ce titre elle doit être individuellement consultée, comme vous l'avez dit tout à l'heure. C'est la bonne façon de procéder. Il se pourrait très bien que certains groupes souhaitent changer le système et d'autres le laisser tel quel. Toutefois, ce serait plus équitable. Est-ce aussi votre sentiment? Il pourrait y avoir un référendum multiple, en huit points ou en six points, qui s'adresserait à chacune des minorités en particulier. Toutefois, ce serait une façon plus équitable d'évaluer la chose.
Le père T.F. Mohan: Je pense que c'est l'inverse, en fait. Je ne crois pas que ces droits soient conférés par la majorité. Ils ont été incorporés à la Constitution au début de la Confédération.
Quelqu'un m'a demandé ce soir comment je procéderais, comment je changerais les choses. Je réponds que la seule façon à mon avis c'est de demander aux gens qui possèdent ces droits d'y renoncer.
M. Peter Goldring: Qu'avez-vous à dire au sujet de ma première remarque, à savoir qu'il semble qu'il y ait une théorie en vertu de laquelle on peut, en quelque sorte, additionner toutes ces minorités pour en faire une majorité puis, d'une façon ou d'une autre, se prévaloir d'une fraction de cette majorité pour trouver une solution au problème? Est-ce que cela vous paraît juste?
Le père T.F. Mohan: C'est aussi la question qu'a posée M. Bélanger. Comment obtenir une majorité à partir de ces multiples minorités? Comment répondre à une telle question? Il va probablement répondre qu'il n'y a pas de majorité et qu'il n'y a donc pas de minorité. Je ne sais pas quelle est la conséquence logique de son argument, mais je dirais cependant que ces droits—et ce ne sont pas des privilèges—sont liés à la famille et découlent de la Constitution et de la Confédération. Je pense que la seule façon de les abroger, c'est d'obtenir l'accord de ceux qui les détiennent.
M. Peter Goldring: Merci.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci, mon père.
Voilà qui va mettre fin à notre séance de ce soir. Je vous remercie encore de votre patience alors que nous avons été bousculés par notre emploi du temps.
Au nom du comité, je vous remercie sincèrement d'être venu comparaître ici pour nous apporter votre témoignage.
Mesdames et messieurs les membres du comité, nous allons maintenant lever la septième séance. Nous nous retrouverons pour la huitième séance demain matin à 9 heures dans la salle 253-D.
La séance est levée.