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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING JOINT COMMITTEE ON OFFICIAL LANGUAGES

COMITÉ MIXTE PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 2 mai 2001

• 1535

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Shirley Maheu): La séance est ouverte.

[Français]

Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Pigeon et madame Dufour. Vous êtes censés nous parler aujourd'hui de l'obligation d'Air Canada de fournir les services dans les deux langues officielles. Est-ce que vous êtes prêts à commencer?

Mme Valérie Dufour (directrice générale, Politique du transport aérien, ministère des Transports): Oui, madame la présidente. Est-ce que vous préférez que je fasse ma présentation en anglais ou en français?

La coprésidente (la sénatrice Shirley Maheu): On a deux langues officielles, madame Dufour. Faites ce que vous préférez.

Mme Valérie Dufour: Nous avons pour vous une petite présentation, qui est disponible dans les deux langues, dans laquelle nous vous proposons de faire un petit historique de la situation actuelle quant aux obligations d'Air Canada, mais surtout de la perspective de la législation dont le ministre des Transports a l'autorité. Je ne traite aucunement du contenu de la Loi sur les langues officielles comme tel: c'est le mandat du Conseil du Trésor. Je vous parle de ce que nous avons fait en 1988 et par la suite.

Comme vous le savez, lorsqu'Air Canada était une société d'État, elle avait été assujettie à la Loi sur les langues officielles et, au moment où nous avons déterminé que la compagnie devait être privatisée, nous avons maintenu cette obligation. Le texte cite la loi qui est en vigueur depuis le 18 août 1988, la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, dans laquelle, à l'article 10, on dit très clairement, sans ambiguïté: «La Loi sur les langues officielles s'applique à la Société.»

Quand nous avons cheminé ensemble ici, à la Chambre des communes et au Parlement, sur le dossier de la restructuration aérienne, cette question est revenue sur la table, et le ministre des Transports, devant les implications possibles d'une fusion des compagnies aériennes, a déclaré dans sa politique cadre, qui a été déposée et examinée et par la Chambre des communes et par le Sénat, ce qui se trouve à la page 3 de ma présentation, où je cite textuellement ce que le ministre a dit en octobre 1998:

    La dualité linguistique du Canada fait partie intégrante de son identité. Compte tenu de la culture et des valeurs uniques du Canada, il va de soi que les Canadiens puissent compter sur le transporteur national pour être servis dans l'une ou l'autre des langues officielles.

    En vertu de la loi qui la régit, Air Canada est assujettie à la Loi sur les langues officielles. Air Canada représente le Canada aux yeux des Canadiens et du monde. Signe tangible de son statut de symbole national, on attend d'Air Canada qu'elle fournisse des services aux Canadiens en français comme en anglais.

Et dans son engagement, le ministre dit:

    Le gouvernement s'assurera que la Loi sur les langues officielles continue de s'appliquer dans le cas d'Air Canada ou d'un éventuel transporteur dominant et que la Loi soit effectivement mise en oeuvre.

Je ne vais pas faire l'historique de tout ce qui s'est passé. Vous savez que par la suite, Air Canada a gagné la course. Mais quand on a demandé aux comités permanents d'examiner la politique cadre, les comités permanents ont fait leurs devoirs et ont fait eux-mêmes des rapports au ministre en date du mois de décembre 1999. Le comité permanent de la Chambre déclarait, dans sa 21e recommandation:

    Que le gouvernement encourage tous les transporteurs aériens canadiens qui ne sont pas directement assujettis à la Loi sur les langues officielles à respecter l'esprit et l'objet de la loi là où la demande de services dans l'une ou l'autre des langues officielles du Canada est importante.

Le comité sénatorial, pour sa part, déclarait dans sa 16e recommandation:

    Le Comité recommande que dans un scénario comportant un transporteur ou un propriétaire dominant au Canada, tous les services offerts au public par ce transporteur ou ce propriétaire et ses sociétés affiliées soient assujettis à la Loi sur les langues officielles.

• 1540

C'est ce qui a été proposé comme recommandation avant la date où le gouvernement a accepté, à certaines conditions, l'achat des Lignes aériennes Canadien par Air Canada, ce qui a été fait le 21 décembre à la suite d'engagements précis pris auprès du ministre des Transports et du commissaire à la concurrence.

Pour compléter l'aspect corporatif, l'achat a eu le feu vert et avec tout le cheminement corporatif qui a eu lieu, les Lignes aériennes Canadien sont officiellement devenues une filiale à part entière le 1er janvier 2001. Tout au long de l'an 2000, il s'agissait d'une filiale partielle, indirecte. Depuis cette année, il s'agit d'une filiale à part entière.

L'historique des Lignes aériennes Canadien régional est un peu différent. Cette société a été mise en vente à la demande du commissaire, mais conservée par Air Canada. Le cheminement corporatif des Lignes aériennes Canadien régional a fait en sorte qu'elles sont également devenues une filiale à part entière depuis le 1er janvier 2001.

En décembre 1999, lorsque le ministre avait recommandé et le gouvernement accepté l'acquisition de Canadien par Air Canada, nous avions convenu d'un projet de loi pour encadrer le nouvel avenir du transport aérien. Il s'agissait du projet de loi C-26 de la Législature précédente—le titre est très long et je ne le citerai pas au complet—, qui modifiait entre autres la Loi sur les transports au Canada et la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, lequel projet de loi constitue la raison de mon témoignage aujourd'hui.

Le Parlement a complété l'examen du projet de loi en juin de l'an dernier et celui-ci est donc devenu loi; cette loi est en vigueur depuis le 5 juillet de l'an dernier.

Qu'apporte de neuf cette loi pour Air Canada? Ce qu'on a proposé, c'est une nouvelle obligation qui fait en sorte qu'à l'avenir, Air Canada, la société mère, a la nouvelle obligation de veiller—il s'agit plutôt de l'expansion d'une obligation existante, de la clarification d'une obligation existante—à ce que les clients de ses filiales reçoivent des services aériens dans les deux langues officielles, comme l'exige la Loi sur les langues officielles.

Étant donné les répercussions sur des entités qui n'ont jamais été des sociétés de la Couronne et qui n'étaient pas toutes également en mesure de composer avec une application immédiate, nous avons déterminé qu'il devait y avoir une application immédiate pour les services fournis dans l'est du Canada, de l'Ontario à Terre-Neuve, mais un délai d'une année pour le reste du pays, dont l'ouest du Manitoba et les trois territoires. C'était le premier principe.

D'autre part, on a dit que les Lignes aériennes Canadien devaient se conformer aux nouvelles obligations dans les trois ans suivant le moment où elles deviendraient une filiale contrôlée par Air Canada. C'est pour cette raison que j'ai été très précise plus tôt. À compter de cette année, les Lignes aériennes Canadien sont devenues une filiale à part entière: le compte à rebours a commencé.

Par contre, il y a un autre principe qui stipule que dans tous les cas où les Lignes aériennes Canadien ou une autre filiale se substituent à un service offert par la société mère, par Air Canada elle-même, cette compagnie doit se conformer immédiatement aux exigences prévues pour Air Canada, c'est-à-dire exactement de la même façon que si Air Canada offrait ce service elle-même.

• 1545

Je vais répondre tout à l'heure à vos questions concernant les nuances qui ressortent de tout ça, mais pour compléter, les dates clés sont le 5 juillet de l'an dernier pour l'est du Canada et le 5 juillet de cette année pour l'Ouest et les Territoires en ce qui a trait aux obligations de conformité des filiales dont les noms sont connus: Air Nova, Air BC, Canadien régional. Pour ce qui est des Lignes aériennes Canadien au sens corporatif, le date limite de conformité était 15 heures le 1er janvier de cette année, alors qu'elle était le 5 juillet de l'an dernier pour les substitutions d'Air Canada. Ceux d'entre vous qui voyagent savent qu'il est facile de confondre les deux à cause de la structure des horaires.

Pour vous guider, j'ai ajouté à ma présentation la liste de toutes les communautés desservies pas Air Canada elle-même, par province; les points desservis par ses filiales à part entière, c'est-à-dire Air BC, Air Nova, etc.; et aussi les autres points desservis—puisqu'il s'agit de l'ensemble du réseau d'Air Canada au pays—par des transporteurs régionaux qui n'ont pas d'obligations parce qu'ils n'ont pas des relations corporatives, mais plutôt commerciales avec Air Canada. Il s'agit d'entités du secteur privé qui partagent des codes, qui ont conclu une entente commerciale pour les correspondances, etc.

Pour vous permettre de mieux comprendre les modifications précises que nous avons apportées au texte de loi, j'ai ajouté au document l'extrait du projet de loi C-26 décrivant en détail l'amendement qui a été fait à l'endroit d'Air Canada.

Le secrétariat et le greffier m'ont demandé de faire une présentation d'une dizaine de minutes. Donc, voilà. Je vous invite à nous poser des questions.

La sénatrice Lise Bacon (De la Durantaye, Lib.): J'ai un rappel au Règlement ou plutôt une question.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.)): Allez-y. On va voir.

La sénatrice Lise Bacon: Dans votre ordre du jour, vous écrivez: «Étude sur les services bilingues offerts par les transporteurs aériens au Canada». On ne parle que d'Air Canada ici. Il y a d'autres transporteurs aériens au Canada.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Je vous avoue que je n'ai pas vu l'ordre du jour.

La sénatrice Lise Bacon: C'est parce qu'on parlait des transporteurs aériens au Canada.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): On parle d'Air Canada.

La coprésidente (la sénatrice Shirley Maheu): On parle d'Air Canada.

La sénatrice Lise Bacon: Alors, c'était Air Canada.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): On va attribuer cela à une erreur de jeunesse.

La sénatrice Lise Bacon: C'est un point d'interrogation.

Mme Valérie Dufour: Je peux vous donner une précision là-dessus, monsieur et madame les coprésidents.

Au Canada, tous les transporteurs aériens ont des obligations en matière linguistique lorsqu'ils communiquent des renseignements touchant la sécurité. Vous avez sûrement fait l'expérience de compagnies très anglophones qui utilisent un enregistrement sur bande magnétique en français. Les renseignements sur la sécurité sont toujours communiqués dans les deux langues. C'est le côté réglementaire de la sécurité et ça ne changera pas.

Seulement Air Canada a des obligations qui découlent de la Loi sur les langues officielles.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Monsieur Pigeon, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Jacques E. Pigeon (avocat général, Services juridiques, ministère des Transports): Non. Pour le moment, je vais répondre aux questions, s'il y en a.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Monsieur Reid, voulez-vous passer votre tour ou y aller tout de suite?

[Traduction]

M. Scott Reid (Lanark—Carleton, AC): Très brièvement, et pour ma gouverne, j'aimerais quelques renseignements pour bien comprendre le contexte.

En vertu du Règlement, le service doit être fourni sur la route aérienne et à l'aéroport lorsqu'au moins 5 p. 100 de la demande totale est dans la langue minoritaire de cette province. Naturellement, cette exigence s'applique aux aéroports qui reçoivent plus d'un million de passagers par an. Parmi ces aéroports qui reçoivent plus d'un million de passagers par an, combien doivent répondre à une demande d'au moins 5 p. 100? Je peux toujours le deviner, mais avez-vous une réponse à cette question?

• 1550

Mme Valérie Dufour: Non, je n'ai pas de réponse. Je ne peux pas répondre à cette question.

Ces questions ne relèvent pas en fait du secteur des transports. Ces questions découlent des règlements établis par le Conseil du Trésor qui administre la Loi sur les langues officielles et a établi comment ces dispositions s'appliquent aux institutions.

Du point de vue du transport aérien, le but de cet article de la loi est de créer un pont entre les obligations du transporteur et l'aéroport, mais c'est surtout les obligations du transporteur envers ses clients à cet endroit.

M. Scott Reid: Donc vous ne seriez pas en mesure de fournir plus tard ces renseignements au comité. C'est simplement une question qui ne relève pas de vous.

Mme Valérie Dufour: Non. Je proposerais plutôt que vous posiez cette question la semaine prochaine au moment de la comparution des fonctionnaires du Conseil du Trésor qui sont chargés de l'application de la Loi sur les langues officielles et qui peuvent vous expliquer toute la définition, les règlements et ainsi de suite.

M. Scott Reid: Très bien. Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): C'est tout?

[Français]

Sénateur Gauthier.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier (Ontario, Lib.): J'ai quelques questions un peu pointues. Je vais les poser à M. Pigeon.

Air Canada est-elle une institution fédérale, oui ou non?

M. Jacques Pigeon: Actuellement, Air Canada n'est pas une institution fédérale. C'est une entreprise privée. La loi de 1988 a permis la privatisation d'Air Canada. C'est dans ce contexte que l'article 10 a été adopté.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Essentiellement, votre réponse est non.

M. Jacques Pigeon: Non.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Donc, la Loi sur les langues officielles, qui parle toujours d'institutions fédérales, en particulier dans la Partie IV, ne s'y applique pas. Est-ce bien le cas?

M. Jacques Pigeon: La loi n'est pas applicable à des personnes autres que des institutions fédérales. Cependant, l'article 10 de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, qui a été modifié par le projet de loi C-26, a étendu l'application de la Loi sur les langues officielles à Air Canada.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Je suis au courant de ça et j'ai près de moi l'expert dans ce domaine, Mme Bacon.

Ce que vous venez de dire me pose des problèmes. Je sais qu'Air Canada est assujettie, si je peux employer le terme—je ne sais pas si c'est légal ou non—, à la Loi sur les langues officielles. Officiellement, l'article 10 de la loi de 1988 et l'amendement du projet de loi C-26 s'appliquent à Air Canada. Il n'y a pas de loi là-dessus.

Je vous demandais si Air Canada est une institution fédérale. Cette question est importante dans l'évaluation ou dans l'application de cette loi, parce qu'il y a des agences qui disent qu'elles ne sont pas des institutions fédérales et qu'on n'a donc pas à les achaler avec les langues officielles.

La preuve, c'est qu'Air Canada est la compagnie qui fait l'objet du plus grand nombre de plaintes chez le commissaire aux langues officielles. L'année passée, il y a eu 147 plaintes. Depuis 10 ans, ça n'en finit plus, les plaintes sur Air Canada: langue de service, langue de communication.

Mme Dufour disait plus tôt que Toronto est une ville où il y a un million de voyageurs par année et qu'elle est donc assujettie à la loi. Est-ce vrai? Vous êtes à Transports Canada, vous?

Mme Valérie Dufour: Oui, et lui aussi d'ailleurs.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Les plaintes dans le domaine des langues officielles vont chez vous. Vous avez une entente avec le commissaire. Je lis mes documents. Transports Canada a une entente avec le commissaire aux langues officielles. C'est dans le rapport annuel. Je ne l'ai pas inventé. Je vais vous le trouver, si vous le voulez. Il y a une entente qui dit que les plaintes seront traitées par les deux agences: Transports Canada et le commissaire aux langues officielles. Ça n'existe pas?

M. Jacques Pigeon: Pour ce qui est de la sécurité, je ne saurais dire, mais je pense qu'en vertu de la Loi sur les langues officielles, les plaintes sont envoyées au commissaire aux langues officielles, qui s'occupe des plaintes contre toutes les institutions privées auxquelles la Loi sur les langues officielles a été étendue. Tel était justement le but d'étendre la loi.

• 1555

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Je parle d'Air Canada et de ses filiales. Que ce soit Air Nova ou Air Ontario, elles sont toutes assujetties à la loi.

Mme Valérie Dufour: Non, non, non.

La coprésidente (la sénatrice Shirley Maheu): C'est là qu'est le problème.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: D'accord. Allez-y, madame. Corrigez-moi.

Mme Valérie Dufour: C'est Air Canada, la société mère, qui est assujettie à la loi, et son obligation a été étendue à ses filiales. Nous avons obligé Air Canada à s'assurer que le service offert par ses filiales était conforme à ses obligations.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Ce n'est pas vous qui l'avez fait. C'est le Parlement qui vous l'a imposé au moyen du projet C-26.

Mme Valérie Dufour: Oui.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Ça, c'est la vérité.

Mme Valérie Dufour: Oui.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Ce que je vous dis, c'est qu'il y a plus d'un million de passagers qui passent par Toronto. Est-ce exact?

Mme Valérie Dufour: Oui.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Bon. Donc, ils sont assujettis à la Loi sur les langues officielles, n'est-ce pas?

Mme Valérie Dufour: Parce que l'Ontario...

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Il n'y a pas de problème, on se comprend.

Mme Valérie Dufour: Oui.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Je reviens à M. Pigeon.

La Loi sur les langues officielles s'applique aux institutions fédérales. On ne parle pas d'Air Canada dans la loi, on parle des institutions fédérales. Ce n'est pas une institution fédérale.

M. Jacques Pigeon: Air Canada n'est pas une institution fédérale.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Vous me dites également que vous ne traitez pas les plaintes avec le commissaire aux langues officielles.

M. Jacques Pigeon: Que je sache, c'est le commissaire aux langues officielles qui reçoit les plaintes qui sont formulées à l'encontre d'Air Canada ou à l'encontre d'une institution fédérale.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci. On y reviendra au prochain tour.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: C'est ça, le problème du comité à la période des questions.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): On y reviendra. On vous a toujours laissé poser des questions, sénateur, parfois même à quatre reprises.

Monsieur Laframboise.

M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais donner un exemple concret. La semaine dernière, des citoyens des Îles-de la Madeleine ont vécu une expérience douloureuse avec les langues officielles. Êtes-vous au courant de ce dossier? Vous n'êtes pas au courant du dossier.

J'ai lu dans les journaux que l'avion avait été détourné vers Halifax. Si je lis bien vos textes, vous dites que c'est une filiale d'Air Canada qui dessert à 100 p. 100 les Îles-de-la-Madeleine. Et si je lis bien vos textes, vous dites également dans vos tableaux, à la page 9, qu'Air Canada ou des filiales d'Air Canada desservent à 100 p. 100 Halifax. La ville de Halifax n'est pas desservie par d'autres transporteurs.

Mme Valérie Dufour: Oui, il y a plusieurs transporteurs, mais pas dans la...

M. Mario Laframboise: Mais pas Air Canada. Donc, si je comprends bien, si Air Canada, par ses filiales ou par sa compagnie directement, a donné le service à des citoyens des Îles-de-la-Madeleine, les gens auraient dû être servis en français à Halifax ou aux Îles-de-la-Madeleine.

Mme Valérie Dufour: Oui.

M. Mario Laframboise: Si Air Canada ne l'a pas fait, comme c'est le cas, quelle est la pénalité? Les gens n'ont pas été servis en français. On fait une plainte. Qu'est-ce qui se passe à ce moment-là?

Mme Valérie Dufour: Ce sont encore une fois des questions que vous pourrez adresser la semaine prochaine au Conseil Trésor, qui est responsable du règlement. Nous ne sommes pas responsables du règlement.

M. Mario Laframboise: Vous n'en êtes pas responsables. Vous ne le savez pas et vous ne voulez pas le savoir.

Mme Valérie Dufour: Non, et je l'ai précisé au tout début. Nous avons fait un geste comme celui qu'on avait posé en 1988. Le Parlement avait décidé qu'une ancienne entité fédérale, une ancienne institution fédérale que le gouvernement privatiserait garderait ses obligations en matière de langues officielles. Dans le contexte d'un transporteur dominant, nous avons dit que ce transporteur dominant, Air Canada, devait conserver l'obligation en matière de langues officielles qui lui avait été donnée en 1988 et, en plus, assumer une nouvelle responsabilité, celle de s'assurer que ses filiales respectent la Partie IV de la loi, qui a trait aux communications avec le public et ainsi de suite.

Cependant, la Loi sur les langues officielles n'est pas administrée par Transports Canada. Elle est administrée ailleurs.

M. Mario Laframboise: Donc, la réponse à ma question est oui. Il y a une erreur. En tout cas, Air Canada, avec ses filiales, que ce soit à Halifax ou aux Îles-de-la-Madeleine, aurait dû donner les services dans les deux langues.

Mme Valérie Dufour: En gros, oui.

M. Mario Laframboise: C'est bien, merci.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Sénateur Bacon.

La sénatrice Lise Bacon: Il y a des délais avant que les gens soient tenus de donner les services dans les deux langues.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Sauf qu'en Atlantique, c'était immédiatement.

• 1600

La sénatrice Lise Bacon: C'est ça, les délais sont respectés.

J'aimerais savoir si vous conservez des statistiques sur les plaintes concernant un manquement dans l'offre de services bilingues par Air Canada et j'aimerais savoir ce que vous faites dans le cas des autres transporteurs aériens.

Je veux bien qu'on fasse le procès d'Air Canada, mais il y a d'autres transporteurs aériens au Canada. Est-ce que vous gardez les statistiques de tous les transporteurs aériens ou seulement celles d'Air Canada?

Mme Valérie Dufour: Le commissaire ou le Conseil du Trésor garde des statistiques sur les plaintes portées auprès de lui. Il y a peut-être une espèce de plainte générale qui se fait et qui est peut-être dirigée vers le ministère ou vers l'Office des transports du Canada quant à un manquement de la part d'autres transporteurs, mais aucun autre transporteur n'est assujetti à une obligation en vertu de Loi sur les langues officielles.

La sénatrice Lise Bacon: Combien?

Mme Valérie Dufour: Le secteur privé est comme ça.

La sénatrice Lise Bacon: Je trouve qu'on fait le procès d'Air Canada, mais on ne dit pas un mot des autres transporteurs aériens qui ne sont pas soumis, comme Air Canada, à la loi et qui ne donnent quand même pas des services bilingues. Je trouve qu'on fait le procès de quelqu'un qui n'est pas là, d'abord. J'aimerais qu'il soit là à un moment donné pour répondre à nos questions. De plus, on ne parle pas des autres qui ne donnent pas de tels services, qui ne sont pas assujettis à la loi, parce qu'on n'a pas privatisé les autres. Ils étaient déjà privatisés et on ne les a soumis à aucune loi.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Ils vont comparaître, madame la sénatrice.

La sénatrice Lise Bacon: J'espère, monsieur et madame les coprésidents, que vous allez les faire comparaître.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): S'il le faut, on va même les forcer à comparaître.

La sénatrice Lise Bacon: Je vous y aiderai.

On a aussi parlé d'un sondage que menait Air Canada en vertu des obligations du Conseil du Trésor—vous en avez parlé plus tôt—en matière de langues officielles. Il devait établir si la demande était assez importante pour qu'un service en français soit disponible; on parlait de 5 p. 100. Où en est-on dans cette mesure-là? Est-ce qu'il y a eu des résultats préliminaires ou est-ce final, tout ça? Est-ce que ça peut être publié ou est-ce que ça va être publié? Le Conseil du Trésor vous a-t-il mis au courant de ça?

Mme Valérie Dufour: Non. Encore là, c'est le Conseil du Trésor qui va vous dire s'ils ont été mis au courant, parce que dans le fin fond, c'est Air Canada qui, d'elle-même, tente de faire, pendant la période transitoire, l'évaluation des endroits où elle doit s'assurer que le service soit en place à compter du 5 juillet de cette année. Je crois qu'il y a toujours une période de cueillette de données pour pouvoir, justement, déterminer leurs obligations, ce qui n'avait pas été fait auparavant puisque leurs obligations en région n'étaient pas du tout claires.

La sénatrice Lise Bacon: Alors, vous n'avez aucune information quant à ce que fait le Conseil du Trésor avec eux?

Mme Valérie Dufour: Non, et de toute façon, je les aurais laissé donner leurs propres réponses.

La sénatrice Lise Bacon: C'est bien. Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Monsieur Godin.

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci bien, monsieur le président.

J'ai juste une couple de questions qui me dérangent un peu, surtout que vous avez dit qu'en cas d'urgence, même sur les transporteurs aériens, il y avait une cassette pour donner la version française des mesures à prendre. Lorsque l'avion tombe, est-ce qu'il y a une cassette spéciale pour nous dire où aller?

La coprésidente (la sénatrice Shirley Maheu): Quoi faire avec sa tête?

M. Yvon Godin: Selon moi, ça n'a pas de sens, la façon dont on traite nos langues officielles au Canada. Ça veut dire qu'un francophone qui monte à bord de l'avion... Tant que l'avion vole, il n'y a pas de problème d'urgence. C'est lorsqu'il tombe qu'on a un problème, et je souhaite ne pas être dedans quand il tombera. Quelle cassette va-t-on mettre dans le magnétophone pour me donner des directives si je ne parle pas l'anglais?

Une voix: Tu vas le savoir quand tu vas arriver au ciel.

M. Yvon Godin: J'ai une deuxième question. Comme transporteur, combien de fois faudra-t-il vous rappeler que lorsqu'on se présente au guichet à Ottawa, la capitale nationale, pour se faire servir... Pour moi, ça va, car je parle les deux langues, mais pour le francophone qui se présente là—et j'ai posé la question à ce comité il y a deux semaines—, qui a attendu 30 minutes pour se rendre où il est et qui voit son avion partir, quand la personne à qui il s'adresse ne parle pas sa langue du tout... Les langues officielles sont le français et l'anglais. Ça, c'est Air Canada. Vous ne pouvez plus mettre la faute sur les Lignes aériennes Canadien. C'est au guichet d'Air Canada que les choses se passent ainsi. Je ne veux pas être méchant, mais ce n'est pas un service où on peut vous dire d'attendre une minute, le temps qu'on aille chercher quelqu'un d'autre. On arrive là, et l'autre ne parle pas notre langue. C'est ma deuxième question.

• 1605

Non, je pense avoir posé mes trois questions. Il y en avait une sur les situations d'urgence... Ah, il y a les agents de bord. C'est la même chose. J'ai voyagé. Quand vous parlez de 5 p. 100 et de toutes ces choses, j'ai un problème. Quand je voyage, je voyage au pays. Je ne vais pas aux États-Unis ou à Toronto. Quand on part de Toronto pour aller ailleurs... Je suis allé en Colombie-Britannique au mois de décembre et je dois vous dire que le service faisait vraiment pitié. J'ai essayé de parler français, mais on n'a jamais été capable de me répondre. Là je parle d'Air Canada, et non de Canadien ou d'une filiale.

J'ai posé trois questions et j'aimerais avoir trois réponses. Il est à souhaiter que ce ne soit pas la semaine prochaine, avec le prochain témoin qui va nous rencontrer.

Mme Valérie Dufour: Malheureusement, sauf pour la première...

M. Yvon Godin: C'est ma question...

Mme Valérie Dufour: ...sur la sécurité.

M. Yvon Godin: Il faudrait avoir une copie de cette cassette en cas d'urgence.

Une voix: Quand on arrive au ciel.

M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.): Il y a des rumeurs...

Mme Valérie Dufour: La question de l'entraînement est tout à fait à part. Que je sache, le règlement sur l'utilisation de la langue précise qu'on doit informer le passager des éléments techniques, et c'est tout. Pour le reste, vous avez raison: si Air Canada n'offre pas les services là où elle en a l'obligation, elle est en défaut.

M. Yvon Godin: On parle du défaut depuis tout à l'heure, mais quelle est la punition? Il y a 140 plaintes. Quelle est la punition dans ces cas? Que faites-vous pour que cela s'arrête? Soit qu'Air Canada a cette obligation, soit qu'elle ne l'a pas. Est-ce qu'on va dire cela à chaque année?

Je siège depuis quatre ans au Comité des langues officielles et j'entends parler depuis quatre ans du problème d'Air Canada. Quand Air Canada va-t-elle finalement dire qu'elle va se conformer à la loi et qu'il n'y aura plus de plaintes car elle va s'en occuper? Est-ce qu'il y a une entente, ou si on se dit que la prochaine fois, il y aura 180 plaintes et c'est tout?

Mme Valérie Dufour: Air Canada vient dans deux semaines, n'est-ce pas, monsieur le président?

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): On va voir si le président veut venir ou non. Jusqu'à maintenant, on a eu beaucoup de difficulté à obtenir une date du président d'Air Canada. Il faudra peut-être procéder d'une autre façon, mais on verra. Ce sera la volonté du comité qui prévaudra. J'espère qu'il y a quelqu'un d'Air Canada dans la salle qui écoute aujourd'hui. Sinon, on pourrait leur faire parvenir la transcription.

Monsieur Godin, avez-vous fini?

M. Yvon Godin: Non. Elle a dit qu'il y avait une question à laquelle elle pouvait répondre. Est-ce qu'il va falloir attendre deux semaines pour le reste?

Mme Valérie Dufour: J'ai donné une réponse qui ne vous plaît pas.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Sénateur Losier-Cool et ensuite sénateur Rivest.

La sénatrice Rose-Marie Losier-Cool (Tracadie, Lib.): Merci, monsieur le président.

Ma question est la suite de celle de M. Godin, mais je crois que je vais la garder en réserve pour la poser de façon plus piquante aux gens d'Air Canada.

C'est dans le temps de M. Goldbloom qu'on a commencé à parler des nombreuses plaintes qu'on recevait au sujet d'Air Canada, et maintenant, dans l'Est, avec Air Nova, c'est encore pire.

À la page 8 de votre présentation, vous parlez de l'obligation de conformité des filiales. Quand on parle des filiales, s'agit-il de compagnies comme Air Nova?

Mme Valérie Dufour: Oui.

La sénatrice Rose-Marie Losier-Cool: Pouvez-vous me dire d'où vient le chiffre de 5 p. 100 quand on parle des besoins? Dans la Loi sur les langues officielles, on ne parle pas de 5 p. 100 ou de 3 p. 100. La Loi sur les langues officielles parle de l'égalité des deux peuples. Pourquoi un seul groupe, comme Air Canada, est-il assujetti à la loi? C'est là qu'est le problème. On fait des plaintes et on ne sait pas où elles vont et ce qu'on en fait. La commissaire dit qu'elle a reçu 30 plaintes, et c'est vrai qu'Air Canada fait l'objet du tiers de toutes les plaintes que la commissaire reçoit. Est-ce que ça peut aller plus loin? Les plaintes portent sur «là où le nombre le justifie». C'est ça qui accroche.

• 1610

Mme Valérie Dufour: La Loi sur les langues officielles, qui comporte ces expressions, est en vigueur depuis les années 1980. Nous avons modifié une loi qui a trait à un transporteur. Elle a l'application de la Loi sur les langues officielles telle qu'elle est formulée, et c'est dans la formulation de la Loi sur les langues officielles qu'il y a des obligations là où le nombre le justifie. Ce n'est pas le ministre des Transports qui a inventé cette façon de mesurer la demande. C'est la façon utilisée dans un pays où les langues s'appliquent selon la demande et où les gens qui y sont assujettis doivent déterminer s'ils sont dans un secteur où cette obligation est en vigueur. Il faut compter les têtes, à toutes fins pratiques.

La sénatrice Rose-Marie Losier-Cool: Madame Dufour, monsieur Pigeon, que recommandez-vous au comité à l'égard d'Air Canada? Faut-il modifier la Loi sur les langues officielles? On ne voudra jamais toucher ça. De quelle façon croyez-vous qu'on pourrait un jour avoir moins de plaintes? Que suggérez-vous au comité?

Mme Valérie Dufour: M. Pigeon va vous donner une réponse de nature juridique et moi, une réponse plus économique, si vous voulez.

La sénatrice Rose-Marie Losier-Cool: Je pense que j'aimerai mieux la vôtre.

Mme Valérie Dufour: En ce qui me concerne, lorsqu'Air Canada aura compris que c'est une bonne affaire de servir son client dans sa langue, que c'est là un geste positif, la vapeur se renversera. C'est là que nous jouons notre rôle. It's good business. Mais on n'a pas d'outil pour légiférer cela. Le ministre peut utiliser son poids moral, mais nous, les fonctionnaires, lorsqu'on rencontre les fonctionnaires ou les officiers d'Air Canada, on ne peut que leur rappeler cette sensibilité dont ils font un usage insuffisant. À mon avis, il faut qu'ils comprennent que c'est une bonne affaire que de bien servir les clients dans les deux langues.

Mais c'est là un très grand défi pour les filiales puisqu'elles nécessitent de la formation linguistique. On leur a imposé des obligations, par exemple le maintien du personnel des Lignes aériennes Canadien, qui était essentiellement unilingue. Il y a un ensemble de défis, et c'est pour cette raison qu'on a dit qu'il y aurait une période de transition dans la restructuration aérienne, parce qu'ils ont absorbé un personnel nombreux et peu équipé pour répondre à cette obligation. Tout ça fait son chemin.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Monsieur Pigeon, vous aviez une réponse juridique à donner?

M. Jacques Pigeon: Je n'ai rien à ajouter, sinon que j'allais dire tout simplement que le Parlement a, dans le projet de loi C-26, clarifié ou même étendu l'obligation qu'Air Canada avait auparavant, cela afin d'assurer que ses filiales soient assujetties à l'obligation de fournir leurs services dans les deux langues officielles, alors qu'elles ne l'étaient pas en vertu de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. Tel qu'il existait auparavant, son article 10 ne le prévoyait pas et, d'ailleurs, la loi ne le prévoit toujours pas, mais le Parlement, grâce au projet de loi C-26, a étendu l'obligation d'Air Canada et ainsi assuré que ses filiales, agissant pour leur propre compte ou pour le compte d'Air Canada, aient l'obligation de fournir les services dans les deux langues officielles chaque fois qu'Air Canada, si elle fournissait le service, aurait la même obligation. C'est la norme législative que le Parlement a imposée en adoptant le projet de loi C-26.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Sénateur Rivest.

Le sénateur Jean-Claude Rivest (Stadacona, PC): En termes juridiques, la nature de l'obligation d'Air Canada et de celle ses filiales de respecter les deux langues officielles est-elle la même?

M. Jacques Pigeon: Il n'y a qu'Air Canada qui est tenue de respecter la Loi sur les langues officielles. Les filiales comme telles n'ont pas l'obligation légale de le faire. Par contre, Air Canada doit veiller au respect de cette obligation. Le fardeau repose donc sur les épaules d'Air Canada.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: C'est là qu'est le problème: Air Canada a bien d'autres soucis que d'aller faire la police linguistique dans une de ses filiales.

• 1615

À mon avis, la nature du problème—parlons de l'extérieur du Québec pour les fins de la discussion—, c'est que la francophonie canadienne est localisée dans des endroits où ce n'est pas la grosse compagnie Air Canada qui, généralement, offre les services. Donc, ce sont essentiellement des transporteurs régionaux qui ont affaire aux francophones de l'extérieur du Québec. Il me semble que la nature de l'obligation juridique des filiales n'est pas la même que celle qu'on a imposée à Air Canada, qui était une société de la Couronne. On a mis cette obligation dans la loi sur la privatisation.

Air Canada a des filiales. Elle a des filiales pour toutes sortes de raisons: économiques, financières et autres. Il doit y avoir des raisons qui expliquent pourquoi ce n'est pas elle qui est sur le terrain. Alors, on dit à Air Canada d'aller faire la police et de tâcher de s'assurer que ses petits enfants soient gentils. Or, les petits enfants, les petites filiales ne sont pas toujours très gentilles. Elles n'en ont peut-être pas toujours les moyens et, surtout, elles n'ont pas une obligation légale aussi lourde de le faire. De plus, comme madame nous l'a rappelé, elles n'ont pas de punition. Alors, comment voulez-vous que ça marche?

Donc, je pense qu'il y a un problème dans la loi et que les parlementaires des deux chambres du Parlement du Canada devront clarifier les choses. Autrement, il n'y a que des promesses ou des justifications selon que le nombre le justifie ou pas. Air Canada dit qu'elle va surveiller ses filiales, que ces dernières seront gentilles. Or, les filiales... Est-ce que je caricature ou est-ce la réalité?

Mme Valérie Dufour: L'autre choix, c'était de déterminer qu'on n'avait aucun rôle, parce que Air Nova, Air BC et Canadien étaient des sociétés tout à fait privées qui n'avaient jamais eu d'obligations en matière de langues officielles.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Il faut que le Parlement intervienne pour leur dire que c'est dommage, mais qu'au Canada, les services aériens doivent être offerts dans les deux langues. Qu'importe le statut juridique de ces... On peut parler aux entreprises privées. On peut leur dire comment se comporter. Ce sont des entreprises privées; je comprends ça. Mais on peut leur dire que c'est bien dommage, mais que les francophones vivent en région, au Canada. Et comme le disait Mme Bacon, il y a d'autres compagnies aussi.

Sans ça, comme la sénatrice Losier-Cool le disait, j'ai l'impression que les plaintes vont continuer d'augmenter. C'est évident. Ils ne pourront pas être de bonne volonté; ça ne marchera pas. C'est aux parlementaires de prendre leurs responsabilités. Ce n'est pas à vous de le faire malgré les efforts que vous faites ici.

La sénatrice Rose-Marie Losier-Cool: C'est pour ça que je lui ai demandé de me conseiller.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Elle ne voulait pas nous le dire directement, mais moi, je peux le dire. C'est très impoli, mais il faut que les parlementaires fassent leur travail.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci, monsieur le sénateur.

Monsieur Bellemare.

M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.): Monsieur le président, j'aimerais avoir une interprétation de la question du 5 p. 100. On parle souvent de «là où le nombre le justifie». Est-ce que c'est relié strictement à la localité? Qu'en est-il entre Lethbridge et Whitehorse? Il n'y a peut-être pas 5 p. 100 de francophones à ces endroits-là, donc, on ne parle pas français. On ne contamine pas l'avion, on parle seulement en anglais. Est-ce que c'est ça, la question?

Supposons que vous ayez un groupe de citoyens âgés qui voyagent partout au Canada, qu'ils partent de Lethbridge pour aller au Yukon et qu'une centaine d'entre eux soient des francophones de l'Ontario. Est-ce que les gens à bord de l'avion, les responsables, vont refuser de leur parler en français? Je vous pose la question d'après la loi, et non pas d'après le bon sens. Bien souvent je me demande lequel des deux prime: le bon sens ou la loi.

Si une équipe de joueurs de lacrosse francophones constituant 70 p. 100 de tous les passagers à bord de l'avion veut absolument entendre du français, que ce sont eux les malcommodes, doit-on leur parler en anglais ou en français? Doit-on agir d'après la loi ou d'après le bon sens?

Finalement, est-ce que la Loi sur les langues officielles est là pour répondre aux besoins de ceux qui sont unilingues ou si son objectif est de faire sentir à une personne, francophone ou anglophone, qu'elle est chez elle dans son pays?

Je vous ai posé environ quatre questions.

La sénatrice Lise Bacon: Sur le transport?

M. Eugène Bellemare: Oui, sur le transport. Ensuite, je parlerai à Air Canada. On parlera au Conseil du Trésor et à d'autres. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Qui veut répondre?

• 1620

M. Jacques Pigeon: Je dirais que la Loi sur les langues officielles, dont l'application a été étendue à Air Canada et à certaines autres entreprises privées, définit ce qui constitue une demande importante. C'est dans le règlement qui vous sera expliqué par les officiels du Conseil du Trésor la semaine prochaine. On y définit ce qu'on entend par «demande importante».

Dans le fond, dans le projet loi C-26, on n'a pas voulu adopter un régime séparé des langues officielles. On a pris le régime qui existait déjà dans la Loi sur les langues officielles et qui s'applique d'emblée aux institutions fédérales auxquelles faisait allusion le sénateur Gauthier, et on l'a étendu pour qu'il s'applique également à Air Canada. Dans le projet de loi C-26, on est allé un cran plus loin. On a rendu Air Canada imputable légalement pour les services qui sont offerts par ses filiales, même si ses filiales n'agissent pas au nom et pour le compte d'Air Canada.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: C'est le choix législatif qui a été fait.

M. Jacques Pigeon: C'est le choix législatif qui a été fait.

M. Eugène Bellemare: Que veut dire «imputable»?

M. Jacques Pigeon: C'est que dans la Loi sur les langues officielles...

M. Eugène Bellemare: Je parle de ce que le sénateur Rivest mentionnait tout à l'heure. Que veut dire «imputable»? Qu'est-ce que cela implique?

M. Jacques Pigeon: C'est que dans la Loi sur les langues officielles, il y a déjà un régime de prévu pour l'application de la loi. Il y a la Partie IX, je crois, qui parle des plaintes au commissaire. Il y a la Partie X qui parle des recours judiciaires pour la mise en vigueur des obligations de ceux qui sont assujettis à la loi.

M. Eugène Bellemare: À Transports Canada, pouvez-vous mettre cette loi en application?

M. Jacques Pigeon: On a étendu l'application de la Loi sur les langues officielles pour permettre que les mécanismes de mise en oeuvre prévus dans la Loi sur les langues officielles puissent s'appliquer directement aux compagnies privées, comme si ces compagnies privées qui y sont assujetties étaient elles-mêmes des institutions fédérales.

M. Eugène Bellemare: À Transports Canada, vous vous occupez entre autres des avions d'Air Canada et des autres compagnies. Qui met en application la loi? Je ne vous demande pas qui fait la liste des plaintes et se fait dire que c'est dommage, mais qu'on n'avait pas le temps de parler en français, ou encore qu'on ne le fera plus. Qui les amène en cour? Qui les fouette? Qui leur enlève leur licence?

Mme Valérie Dufour: Ce n'est pas la même chose.

M. Eugène Bellemare: Pourquoi dites-vous que ce n'est pas la même chose?

Mme Valérie Dufour: Il n'y a rien, dans la Loi sur les transports au Canada, qui fait en sorte qu'on pourrait enlever à Air Canada sa licence d'opération pour une faute en matière de langues officielles.

M. Eugène Bellemare: Pourquoi pas?

Mme Valérie Dufour: La Loi sur les langues officielles est gérée par le Conseil du Trésor. Les plaintes lui sont adressées. C'est lui qui s'occupe de faire le suivi de tout ça. Nous essayons de faire une grande distinction entre le mandat du ministre des Transports, qui est de s'occuper des éléments de transport, et une série d'autres obligations dont d'anciennes institutions fédérales doivent continuer de s'acquitter, telle la Loi sur les langues officielles. C'est la même chose pour d'autres compagnies.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): On pourra y revenir.

Monsieur Laframboise.

M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Je poserai ensuite deux ou trois petites questions, puis je donnerai la parole à M. Gauthier.

M. Mario Laframboise: Je veux vous poser deux questions, madame Dufour.

Premièrement, en répondant au sénateur Rivest, vous avez dit qu'il y avait deux façons et que l'une serait qu'Air Nova et les filiales qui, contrairement à Air Canada, n'avaient pas l'obligation de respecter la Loi sur les langues officielles... Vous n'avez pas complété.

Étiez-vous en train de nous dire que Transports Canada voudrait recommander que les filiales n'aient plus besoin de respecter la Loi sur les langues officielles?

• 1625

Mme Valérie Dufour: Elles n'ont jamais eu cette obligation. Notre option aurait été de ne rien faire, de tout simplement dire à Air Canada qu'elle pouvait devenir le transporteur dominant au Canada avec des filiales, puisque l'application ne vaut que pour la maison mère, la société Air Canada elle-même, et de laisser tout simplement les transporteurs régionaux libres.

M. Mario Laframboise: Ce n'est pas ce qui est arrivé.

Mme Valérie Dufour: Non.

M. Mario Laframboise: Votre obligation à vous, c'est de leur faire respecter ça.

Mme Valérie Dufour: Non. Ce qu'on a fait, parce qu'on était devant une situation de restructuration aérienne où le transporteur dominant, avec ses filiales, détenait un si haut pourcentage de l'ensemble du transport intérieur au pays, c'est qu'on a proposé—et les comités parlementaires nous ont appuyés puisqu'on en a débattu à deux reprises—de demander à Air Canada d'avoir la responsabilité supplémentaire d'assurer que ses filiales qui volent sur son propre code—ce sont tous des codes d'Air Canada qui sont inscrits sur les billets d'avion—offrent des services au public dans les deux langues là où le nombre le justifie. Tout ce qui a un code d'Air Canada inscrit sur le billet devrait être soumis à cela. Mais ça, c'est une augmentation de l'obligation qui existait auparavant.

M. Mario Laframboise: Ce n'est pas une augmentation de l'obligation, madame, c'est la nouvelle loi et c'est ce que les parlementaires ont décidé. C'est une obligation; ce n'est pas une obligation supplémentaire. C'est leur obligation de donner des services dans les deux langues. Arrêtez de dire dans votre discours que vous avez rendu Air Canada plus imputable qu'elle ne l'était. Elle a voulu le monopole et la condition, c'était d'offrir les services dans les deux langues, point à la ligne. Arrêtons de penser qu'ils font bien, qu'ils ne sont pas si méchants. Qu'ils fassent ce que la loi prescrit. Sinon, votre recommandation, c'est d'adoucir la loi et de revenir à ce qui existait avant parce qu'Air Canada a de la difficulté avec ses filiales.

Tout ce que je vous demande, c'est de faire votre travail. Et ce n'est pas un cadeau que nous fait Air Canada; c'est une obligation qu'elle a en vertu de la loi. Air Canada a eu le monopole, une partie du monopole; qu'elle fasse sa job. Ce n'est pas plus dur que ça et vous, vous devez faire la vôtre.

Je vais revenir sur les propos du sénateur Gauthier. J'ai le rapport annuel de la commissaire aux langues officielles pour 1999-2000. À la page 55, il est bien écrit, toujours pour le secteur du transport aérien:

    Plaintes à bon port

    ...le Commissariat a conclu avec Transports Canada une entente en vertu de laquelle les deux institutions collaboreront dans le règlement des plaintes liées aux exposés sur la sécurité à bord des aéronefs.

Donc, vous devez collaborer à la sécurité, et il y a des plaintes. Ce dossier a suscité plusieurs plaintes. Même si ce sont des cassettes, certains se sont sûrement plaints de ce que la cassette ou quelque chose d'autre ne fonctionnait pas. Comment traitez-vous ces plaintes quand vous en avez?

Mme Valérie Dufour: Ça, c'est du côté de l'aviation civile. Moi, je travaille du côté des politiques aériennes. Mes collègues qui travaillent du côté de l'aviation civile ont un règlement sur l'utilisation des deux langues pour les messages de sécurité. S'il y a un accroc au règlement, il va aussi y avoir soit une pénalité monétaire, soit une autre forme d'application pour une plainte spécifique, parce que c'est non conforme à un règlement de l'aviation civile. C'est clair que mes collègues de l'aviation civile vont s'entendre avec la commissaire pour cette gamme de plaintes, que si la plainte qui est déposée auprès de la commissaire aux langues officielles en est une relative au non-respect d'une obligation technique réglementaire de l'aviation civile, elle sera remise à l'aviation civile, qui fera appliquer le règlement. C'est la différence qui existe entre une telle plainte et une plainte sur le service général, c'est-à-dire une plainte qui porte sur l'appréciation du café, «coffee, tea, or milk», ou sur la façon de boucler les ceintures et ainsi de suite. C'est ça, la distinction. Le règlement sur la sécurité est géré par les gens qui font les règlements dans mon ministère du côté de l'aviation civile et, oui, ils doivent avoir une entente avec la commissaire.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Je veux revenir là-dessus. Premièrement, quand vous avez dit que les filiales n'ont jamais eu d'obligation, permettez-moi de penser ou de vous dire qu'il y a un paquet de gens qui croient qu'ils avaient cette obligation et que c'était une dispute. Selon certains, c'était une façon pour Air Canada de contourner la loi, parce qu'elle disait que ses filiales n'étaient pas assujetties à cette obligation, et ça a été clarifié. Soit dit en passant, certains d'entre nous croient qu'ils avaient l'obligation, que ce n'est rien de nouveau.

• 1630

Deuxièmement, je vous ferai remarquer, et j'aurai des détails précis, qu'un des députés de la Chambre, le whip du Parti libéral, a eu à prendre une envolée à partir de Vancouver, la semaine dernière, où les consignes sécuritaires n'ont pas été données dans les deux langues. C'est sur ce terrain que je veux vous amener.

Vous dites que c'est le ministère des Transports qui est responsable de la sécurité. D'accord. Alors, toutes les compagnies aériennes canadiennes sont tenues de donner les consignes sécuritaires dans les deux langues. C'est vrai? Et c'est Transports Canada qui est responsable. C'est vrai?

Comment vérifiez-vous l'application de cette responsabilité à Transports Canada?

Mme Valérie Dufour: À ma connaissance, on le fait de trois façons: on vérifie en réponse à une plainte; on a des inspecteurs qui voyagent régulièrement à bord des avions pour s'assurer de la conformité; et on fait un peu de spot checks en général.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Est-ce que des rapports sont faits à l'intérieur du ministère à ce sujet?

Mme Valérie Dufour: Il devrait y en avoir.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Il devrait y en avoir ou il y en a?

Mme Valérie Dufour: C'est-à-dire que oui, mais la personne qui fait l'inspection à partir de Vancouver peut être un inspecteur de Vancouver. Son rapport est transmis dans un réseau. Moi, je ne fais pas partie du réseau des règlements.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Peut-on vous demander de nous fournir, car j'imagine que vous ne les avez pas ici, des détails de cet aspect du travail et des responsabilités de Transports Canada? Combien de gens sont affectés à cette tâche? Où sont-ils? Que font-ils? Quelle sorte de rapports font-ils aux instances pour qu'il soit possible de vérifier qu'effectivement la Loi sur les langues officielles, en matière de sécurité, est respectée? Il nous incombe de nous assurer que ça le soit. Nous aurions besoin de cela assez rapidement.

Mme Valérie Dufour: Je vais adresser votre demande à mes collègues qui s'occupent de la sécurité.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Voici une autre question. Le temps qui m'est alloué s'achève, car j'ai déjà employé deux minutes et demie. Quelles sont les mesures que le ministère peut prendre pour corriger une situation quand on décèle une faiblesse? Quelles mesures prenez-vous? Quelles mesures avez-vous déjà prises?

Mme Valérie Dufour: Puisque je ne peux pas répondre à la première, je vais vous préparer...

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Non, non. Il est ici question de sécurité. Théoriquement, est-ce que vous êtes au courant? Est-ce que le ministère peut mettre un transporteur aérien à l'amende?

Mme Valérie Dufour: Oui, absolument.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Pourriez-vous nous référer à la réglementation afférente à cela?

La sénatrice Lise Bacon: Il faudrait inviter les gens qui s'occupent de ce dossier-là au ministère des Transports. Dans le moment, on met en mauvaise posture les deux personnes qui sont devant nous et qui font leur possible. Ce n'est pas elles qui s'occupent de ce dossier-là. Alors, pourquoi n'invitez-vous pas les gens qui s'occupent de la sécurité dans les transports et qui reçoivent les plaintes?

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Je veux bien, sénateur. Cependant, j'avais demandé la permission de poser quelques questions. Je vous ferai remarquer aussi qu'on avait demandé aux gens d'Air Canada de venir nous parler de ce sujet. S'ils ne sont pas en mesure de le faire, on va aller chercher les bonnes personnes. J'en conviens. On croyait avoir les gens qui pourraient répondre à ces questions. C'est tout.

Monsieur Pigeon, vous êtes conseiller juridique?

M. Jacques Pigeon: Oui.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Est-ce que le chef de référence...

M. Jacques Pigeon: Je croyais qu'on venait ici pour répondre à des questions sur la Loi sur les langues officielles ainsi que sur les règlements adoptés en vertu de la Loi sur les langues officielles ou du projet de loi C-26. Les règlements auxquels vous faites référence sont des règlements adoptés en vertu de la Loi sur l'aéronautique, qui sont obligatoires comme ceux qui sont adoptés en vertu de toute autre loi canadienne et qui doivent être mis en vigueur.

Cependant, tout ce que je dis, c'est que les obligations auxquelles on fait référence touchent à la sécurité et constituent une dimension du règlement qui porte sur la sécurité même dans le service aérien. Ces règlements ont été adoptés en vertu de la Loi sur l'aéronautique. On pourrait s'engager à retrouver les mises en application qui ont eu lieu sur ces questions et vous fournir l'information. Mais je ne croyais pas que c'était là l'objet de notre présence ici et c'est pourquoi on n'est pas préparés en fonction de ce sujet.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci.

Sénateur Gauthier.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Je suis d'accord avec vous, monsieur le président, comme avec Mme Bacon. Elle a raison; nous devrions avoir ici les gens qui sont renseignés sur les faits relatifs à la sécurité aérienne.

J'ai des questions qui s'adressent à Mme Dufour. D'abord, «le nombre le justifie» ne sont pas les termes qu'on trouve dans la Loi sur les langues officielles. On y lit: «là où la demande est importante». Il y a une distinction à faire. J'ai passé bien des heures à débattre de cette question-là dans cette salle. Il y a une différence entre les deux.

• 1635

Monsieur Pigeon, il y a des failles dans la loi actuelle, qu'Air Canada va utiliser. Je peux vous le dire tout de suite car ils le font déjà actuellement. Ils délèguent à M. Rivest, qui a une compagnie d'aviation qui dessert le nord du Québec. Air Canada a la licence pour couvrir cet itinéraire, mais elle dit à M. Rivest d'y aller à sa place. En tant que tierce personne, M. Rivest se trouve, selon moi, lié par les obligations relatives aux langues officielles; il est assujetti à la loi.

Air Canada utilise ce système-là avec Canadien actuellement. Si Canadien remplace Air Canada sur une ligne majeure, ce qui se fait, selon moi, Canadien est soumis à la Loi sur les langues officielles parce que c'est une ligne aérienne d'Air Canada que Canadien remplace. Oui ou non?

Mme Valérie Dufour: Oui, c'est écrit dans le projet de loi C-26.

M. Jacques Pigeon: Et c'est pourquoi, dans le projet de loi C-26, sénateur Gauthier, on a ajouté le paragraphe (8) à l'article 10 pour dire ceci:

    (8) Il demeure entendu que les paragraphes (2) et (7)...

On venait d'ajouter ces paragraphes.

    ...ne portent pas atteinte à l'obligation qui incombe à la Société...

c'est-à-dire Air Canada

    ...au titre de l'article 25 de la Loi sur les langues officielles.

C'est l'article 25 qui impose à Air Canada, lorsque le service est rendu en son nom, de veiller à ce que le tiers qui rend le service à sa place et et en son nom respecte la Loi sur les langues officielles. Cependant, l'obligation lui incombe à elle et non pas au tiers.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Je vais revenir aux propos de madame. Si je les ai mal compris, vous m'en excuserez car je suis sourd. Je lis ce que vous dites et il s'y glisse peut-être parfois de petites erreurs. J'ai cru comprendre que vous aviez dit avoir reçu des plaintes chez vous concernant la sécurité dans les aéronefs. Oui ou non?

Mme Valérie Dufour: Aux transports, mais pas aux politiques aériennes ou à l'aviation civile.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Mais vous êtes aux transports.

Mme Valérie Dufour: Oui, mais dans le...

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Je vois que vous êtes même directrice générale de la Politique du transport aérien. C'est un beau titre, ça.

Mme Valérie Dufour: C'est un beau titre, mais il en existe un autre qui est directeur général de l'aviation civile, qui s'occupe de la réglementation aérienne, et c'est sous son autorité qu'est appliqué le règlement sur les langues officielles dans les messages sur la sécurité.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Est-ce que je pourrais déposer une plainte auprès de Transports Canada?

Mme Valérie Dufour: Oui, mais pas à mon bureau.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Chez vous.

Mme Valérie Dufour: Non, non.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: À qui devrais-je m'adresser?

Mme Valérie Dufour: Au directeur général de l'aviation civile.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Est-ce que vous êtes la personne chargée d'examiner ces plaintes-là? Non. Il y a une autre personne qui fait ça. Alors vous n'êtes pas au courant des plaintes. Vous faites partie du problème ou de la solution, vous?

Mme Valérie Dufour: Je pense que nous avons agi de façon que les obligations linguistiques qu'avait Air Canada ne subissent aucun recul et que nous nous sommes assurés, au contraire—on dit en anglais, we pushed the envelope—, que le projet de loi C-26 définissait clairement son obligation vis-à-vis de ses filiales, là où il subsistait des ambiguïtés.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Voici une dernière question qui s'adresse à vous, monsieur Pigeon. Est-ce qu'Air Canada est liée par les Parties IV, V et VI de la Loi sur les langues officielles, oui ou non? Je parle de communications, de représentation équitable et de langue de travail. Vous êtes avocat, vous?

M. Jacques Pigeon: Oui. L'interprétation que je fais de l'article 10, au paragraphe (1), de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, c'est que toute la loi s'applique à Air Canada et qu'aucune distinction ne s'applique aux parties. Le paragraphe qui a été édicté se lit comme suit:

    La Loi sur les langues officielles s'applique à la Société.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Monsieur Drouin.

M. Claude Drouin (Beauce, Lib.): Merci, monsieur le coprésident, ainsi qu'à vous, madame Dufour et monsieur Pigeon. On a eu beaucoup de questions qui...

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: J'aimerais beaucoup qu'Air Canada comparaisse ici parce qu'on va bientôt ajourner. J'espère que ce sera avant qu'on ajourne.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Eh bien, je ne suis pas dans le secret des dieux pour savoir quand on va ajourner. On va certainement faire de notre mieux pour obtenir leur présence ici. Non, non, on va s'assurer qu'ils soient ici, même s'il faut aller les chercher. On ira les chercher.

• 1640

Pardon, monsieur Drouin. Allez-y.

M. Claude Drouin: Merci.

En ce qui concerne les politiques dans le transport aérien, madame Dufour, il semble qu'un débat persiste depuis de nombreuses années au sujet des langues officielles employées dans le service à la population. N'y aurait-il pas lieu d'exiger de toutes les compagnies de transport aérien, qu'à partir d'un moment x, le plus tôt possible, toute personne engagée pour assurer un service quelconque à la clientèle doive être bilingue au Canada? C'est très hypothétique et je ne sais pas si vous êtes en mesure de répondre; je laisse cela à votre discrétion. Est-ce que ce serait faisable?

Mme Valérie Dufour: En un mot, je vous dirai que je ne le crois pas, parce que vous avez...

M. Claude Drouin: Disons qu'on se reporte à dans cinq ou dix ans, pour être sûr de régler le problème une fois pour toutes.

Mme Valérie Dufour: Un instant. La Loi sur les langues officielles, qui est sous la juridiction du gouvernement fédéral, s'applique à ses institutions. J'avais l'impression qu'il était clair que le fédéral ne pouvait pas, tout à coup et de son propre chef, décider qu'il jouit d'une autorité générale sur l'application des langues dans des domaines généraux ou particuliers.

La Loi sur les langues officielles touche les institutions fédérales sur lesquelles le gouvernement a juridiction. On a préservé le statut d'Air Canada malgré sa privatisation. Vous ne pouvez tout de même pas imposer par une loi que, dans les McDonald's ou dans les épiceries, le service doive être assuré dans certaines langues parce qu'il serait bien que tout le monde puisse avoir le service dans sa langue.

Nous avons été capables de préserver les obligations du transporteur qu'est demeuré Air Canada et qui est devenu dominant.

M. Claude Drouin: C'est beaucoup moins dangereux de manger un Big Mac que lorsqu'on se trouve en avion dans une situation catastrophique et qu'on a besoin de directives dans sa langue.

Je suis d'accord, madame Bacon, que parfois c'est dangereux.

Des voix: Ah, ah!

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Je pense qu'on a donné le monopole à Air Canada parce que cette société avait des responsabilités à l'égard de la collectivité et elle ne les respecte pas.

M. Claude Drouin: On pourrait fixer un moment, après une période de quelques années, afin de permettre à ces compagnies de s'adapter parce qu'on sait que ce sont des contraintes assez importantes et dispendieuses. Il y aurait peut-être lieu de fixer ce moment dans un temps assez éloigné pour que le problème soit réglé une fois pour toutes.

Vous savez, madame Dufour, que la sécurité des gens est importante. Je revenais d'Allemagne, dimanche dernier, et on nous a expliqué les mesures de sécurité en français, en anglais et en allemand. Quand on est ici, au Canada, on a de la difficulté à obtenir cela en français quand on se trouve à l'ouest de Toronto. C'est pourquoi je me dis que si on avait une mesure comme celle-là... Peut-être est-ce difficile effectivement.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Sans commentaires. Un voeu.

M. Claude Drouin: Oui, c'est un voeu.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Est-ce que d'autres personnes voudraient prendre la parole?

La coprésidente (la sénatrice Shirley Maheu): Oui, moi. Je voudrais faire une courte intervention.

Madame Dufour, vous avez parlé un peu plus tôt d'un ruban de sécurité dans les avions. Je sais qu'Air Nova en a. Quand je m'envole vers l'Est, je m'en rends souvent compte.

Advenant une vraie urgence, un vrai problème de sécurité dans l'avion, quand l'hôtesse de l'air ne parle pas un seul mot de français et qu'il y a des francophones à bord, qu'est-ce qui se passe avant que l'avion s'écrase? Quelles sont les mesures de sécurité qui sont prises? Et qui est responsable à ce moment-là?

Mme Valérie Dufour: C'est l'agent de bord et le pilote qui ont l'entière responsabilité de l'avion. Mais je vous dirai...

La coprésidente (la sénatrice Shirley Maheu): Ils ne parlent pas français.

Mme Valérie Dufour: Je ne veux pas banaliser la question, mais si vous étiez dans une situation d'urgence au États-Unis, vous auriez l'information en anglais. Si vous étiez en France, vous l'auriez en français. Si vous étiez en Allemagne, vous l'auriez en allemand.

La coprésidente (la sénatrice Shirley Maheu): C'est communiqué en trois langues en Europe.

La sénatrice Lise Bacon: [Note de la rédaction: inaudible].

La coprésidente (la sénatrice Shirley Maheu): Ici, on est rendu à terre après la première.

Des voix: Ah, ah!

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Un peu d'ordre. Nous sommes près de la fin. Avez-vous d'autres questions?

La coprésidente (la sénatrice Shirley Maheu): Non. Mais on traite tout à la légère.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Sénateur Gauthier, allez-y. Il ne pourra pas dire encore une fois qu'on ne le laisse pas parler.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Je ne veux pas rectifier mais renforcer ce que j'ai dit au commencement. Je l'ai dans le livre, à la page 55, et je vais vous le lire textuellement:

    ...le Commissariat a conclu avec Transports Canada une entente en vertu de laquelle les deux institutions collaboreront dans le règlement des plaintes liées aux exposés sur la sécurité à bord des aéronefs.

• 1645

Si vous n'avez pas pris connaissance de cette entente, pourriez-vous vous en informer et m'en envoyer une copie.

Mme Valérie Dufour: Oui. Nous avons déjà une demande de M. Bélanger.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: C'est gentil, ça.

Mme Valérie Dufour: On va essayer de vous avoir le plus de détails possible: le qui; le comment; le combien.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Envoyez cela au greffier.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): En fin de compte, madame Dufour, si ce n'est pas trop vous demander et sans vouloir offusquer qui que ce soit, est-ce que vous et M. Pigeon pourriez prendre note des questions qui ont été posées ici aujourd'hui, questions qui sont de la compétence du ministère, peut-être de l'aviation civile ou d'un autre directeur général, peu importe, et nous fournir les réponses? Si le comité juge qu'il serait utile de convoquer cette autre personne comme témoin, il le fera. Mais les renseignements que vous nous enverrez, disons la semaine prochaine, pourraient peut-être être satisfaisants pour le moment.

M. Claude Drouin: Pour être sûr d'avoir toutes les questions, il faudrait obtenir les bleus.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Effectivement.

M. Claude Drouin: On fera venir les bleus pour s'assurer d'avoir toutes les questions.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): On aura donc tout ça.

Sénateur.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Est-ce qu'il y a ici un sous-comité du programme et de la procédure? S'il y en a un, peut-être pourrait-il s'informer.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Oui, effectivement.

La sénatrice Lise Bacon: Ce que je suggère, c'est qu'au lieu de revoir tous les bleus de la réunion, on reprenne cette réunion avec les gens du ministère des Transports qui s'occupent de la sécurité dans les transports pour leur poser nos questions. Peut-être leurs témoignages nous éclaireront-ils davantage.

Si on recommence tout et que Mme Dufour et M. Pigeon reprennent tous les bleus pour répondre à chacune de nos questions, ça va prolonger indûment le processus. On n'en finira pas. Je pense que le mieux à faire, une façon plus directe, serait de rencontrer les gens et de les interroger.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci.

Monsieur Laframboise.

M. Mario Laframboise: Pour répondre à Mme Dufour, je regrette de lui dire que le gouvernement fédéral est responsable de certains services publics, dont le transport, partout au Canada.

Les municipalités sont responsables du transport urbain. Les gouvernements provinciaux ont leurs responsabilités et ils ont le droit d'exiger que des services publics soient rendus dans les deux langues. Ils ont ce droit, madame. Que vous aimiez ça ou non, le gouvernement fédéral pourrait exiger de tout le secteur de l'aviation qu'il donne le service dans les deux langues. Il le fait bien pour la sécurité. C'est surtout pour ces raisons-là qu'on peut obliger des entrepreneurs indépendants à donner des services dans les langues pour lesquelles nous sommes responsables.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Je sais, monsieur Laframboise. On aura un rapport à pondre à un moment donné. Vos commentaires seraient peut-être à retenir pour ce moment-là.

Sénateur.

Le sénateur Jean-Claude Rivest: Je voudrais juste dire, à propos de la sécurité, que ce qu'on demande aux gens relève évidemment de leur responsabilité. Mais le problème du respect du français—c'est ce dont on parle—dans le domaine de l'aviation au Canada n'est pas... Il y a des plaintes qui ont trait à la sécurité, mais le problème est beaucoup plus large que cela. Il ne faut pas restreindre le débat et le ramener à cela.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Je comprends. De toute façon, mardi prochain, le Conseil du Trésor vient comparaître. Les suggestions sont notées et le comité directeur devra... On a des difficultés à agencer le temps qui nous reste et celui dont disposent les témoins. Nous ferons de notre mieux pour recevoir tous ces gens-là avant la fin du mois de mai, de façon à pouvoir produire un rapport, si c'est là la volonté du comité.

M. Mario Laframboise: Par rapport aux témoins, l'Association des Gens de l'air du Québec nous a demandé...

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Effectivement.

M. Mario Laframboise: Est-ce que...

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): C'est en train de se régler également.

M. Mario Laframboise: Merci.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Le comité directeur a déjà tout établi. On fait ce qu'il nous avait demandé de faire.

S'il n'y a pas d'autres questions, je vous remercie, monsieur Pigeon et madame Dufour, de votre patience, de votre indulgence. Comme vous pouvez le voir, il y a une volonté manifeste autour de la table de s'assurer que la Loi sur les langues officielles soit très bien appliquée et respectée.

Bonne journée.

La séance est levée.

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