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Bonsoir et bienvenue à la réunion du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.
Je souhaite la bienvenue aux membres du Comité, aux témoins et aux gens du public qui suivent la réunion sur le Web.
Je suis la sénatrice Yonah Martin et je suis la coprésidente de ce comité, au même titre que la députée Mme Hedy Fry.
Aujourd'hui, nous continuons notre examen prévu par la loi des dispositions du Code criminel concernant l'aide médicale à mourir et leur application.
[Traduction]
Avant que nous ne commencions, je rappelle aux membres et aux témoins de toujours garder leur micro désactivé, sauf après que la coprésidente leur aura nommément accordé le droit de parole. Je rappelle à tous qu'on adresse ses observations aux coprésidentes.
S'il vous plaît, soignez votre diction, ayez un débit lent. En vidéoconférence, l'interprétation se déroule comme en présentiel. Dans le bas de son écran, chacun a le choix de l'audio en anglais ou en français.
Voici ce à quoi l'autre coprésidente faisait allusion. La séance se terminera à 20 h 20, en raison de votes qui débuteront à la Chambre des communes à 20 h 30. Si, pendant la séance, on procède à d'autres votes dans l'une ou l'autre des chambres, nous suspendrons brièvement nos travaux, et, comme je l'ai dit, si je dois m'absenter plus tôt que prévu parce que des circonstances, au Sénat, l'exigent, l'autre coprésidente prendra gracieusement la relève.
Sur ce, je souhaite la bienvenue à notre premier groupe de témoins, qui comparaissent à titre personnel : Mme Jocelyn Downie, de la chaire James S. Palmer d'études du droit et des politiques publiques, à l'école Schulich de droit de l'Université Dalhousie, et M. Trudo Lemmens, professeur à la chaire Scholl de droit et de politique de la santé de la faculté de droit de l'Université de Toronto.
Merci d'être avec nous.
Nous entendrons la déclaration préliminaire de Mme Downie, puis celle de M. Lemmens.
Vous disposez chacun de cinq minutes. Vous avez la parole. Merci.
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Bonjour et merci de votre invitation.
Je me nomme Jocelyn Downie et je suis la titulaire de la chaire Palmer d'études du droit et des politiques publiques de l'Université Dalhousie. Chercheuse universitaire en droit, j'écris sur l'aide médicale à mourir depuis longtemps et j'ai participé de près à de nombreux processus touchant les sujets dont vous êtes saisis. C'est dans ce contexte que, ce soir, je vous livre mes observations.
Pour les deux phases de votre travail, j'entretiens deux espoirs et défis. Le premier est que vous vous inspirerez du travail de nos prédécesseurs, notamment des comités législatifs, des arrêts, des groupes d'experts et des statisticiens officiels. J'espère que chacun des membres de votre comité lira la totalité de ces rapports et décisions. Sérieusement, je sais que c'est beaucoup, mais ça vaut la peine. Vous comprendrez alors comment et pourquoi nous nous retrouvons ici, en disposant d'un socle solide pour déterminer notre ligne de conduite. Il ne faut pas réinventer la roue ni vous fier à des tiers pour savoir ce que ces sources de première main ont dit. C'est particulièrement vrai de l'arrêt Carter.
Mon deuxième espoir et défi est que, délibérément et explicitement, vous formulerez des recommandations appuyées sur des faits et appliquant les conditions rigoureuses que la preuve doit remplir. Ça signifie s'orienter selon la pyramide de confiance jointe à la déclaration préliminaire communiquée aux greffiers de votre comité. Ça signifie également prendre connaissance du corpus considérable de faits revus par des comités de lecture ou dont la validité a été vérifiée par les tribunaux, sur l'aide médicale à mourir au Canada. Il est inutile ou injustifié de formuler des recommandations basées sur des récits anecdotiques ou non vérifiés. Quand des lacunes existent dans des faits dignes de confiance, ne les comblez pas avec des éléments auxquels on ne peut pas se fier, pour ensuite formuler vos recommandations. À la place, réclamez plus de recherche et facilitez‑la.
Maintenant, sur la matière que vous avez réservée pour la phase 1, j'ai sept observations à formuler et à rendre publiques avant d'entrer dans le vif de ce dont vous voulez discuter. Pour des raisons évidentes, je me bornerai aux questions qui sont de ressort fédéral.
1o Il n'y a pas eu de pente glissante. Le retour récent aux critères d'admissibilité est simplement un retour aux limites posées par l'arrêt Carter de la Cour suprême.
2o Comme vous l'avez entendu dire par Santé Canada, il y a deux semaines, le nombre de cas augmente, mais c'est ce à quoi on devrait s'attendre quand quelque chose devient légal, que la sensibilisation augmente, l'accès aussi, que la honte diminue et que les statistiques deviennent plus nombreuses. Ce n'est pas mauvais.
3o Les données de qualité sur l'adhésion et l'accès aux soins palliatifs ainsi que sur la vulnérabilité socioéconomique ne confortent pas les inquiétudes soulevées à cet égard pendant les débats législatifs. Elles reflètent un phénomène semblable à celui qu'on a observé dans d'autres pays tolérants. Ceux qui ont accès à l'aide médicale à mourir sont de façon disproportionnée des privilégiés, par opposition à des personnes socioéconomiquement vulnérables.
4o Plusieurs problèmes sont devenus évidents pendant la période de mise en oeuvre du projet de loi et ont été ensuite corrigés par le projet de loi , notamment la réduction du nombre de témoins, la suppression de la période d'attente de 10 jours et l'introduction de la renonciation au consentement final. La cause la plus flagrante de l'inconstitutionnalité de la loi a été corrigée par la suppression du critère d'admissibilité fondé sur le caractère « raisonnablement prévisible ».
5o S'il vous plaît, ne vous méprenez pas sur la signification de « mort naturelle devenue raisonnablement prévisible » ou ne citez pas l'expression de façon inexacte. Elle n'a jamais signifié « atteint d'une maladie mortelle » ou « à l'article de la mort ». Elle signifie plutôt, comme le l'a lui‑même expliqué et confirmé et comme ça s'est avéré en pratique clinique, « suffisamment rapproché dans le temps », ce qui peut être sur une échelle de plusieurs années, ou « dont l'évolution est prévisible », comme après un diagnostic de sclérose latérale amyotrophique (ou de la maladie de Lou Gehrig).
6o Dans la phase 1, l'aide médicale à mourir dans les prisons a besoin de votre attention et la mérite. J'espère que vous convoquerez comme témoins Service correctionnel Canada, l'enquêteur correctionnel du Canada et les Pres Jessica Shaw de l'Université de Calgary et Adelina Iftene de l'Université Dalhousie. Ils pourront expliquer les problèmes et proposer — ou recevoir, dans le cas de Service correctionnel Canada — des solutions.
Enfin, 7o J'espère que le gouvernement fédéral se servira de son pouvoir de convocation et de son pouvoir financier pour encourager, catalyser et faciliter la recherche essentielle. Nos tribunaux et nos décideurs ont considérablement profité de l'application, à la recherche sur l'aide médicale à mourir, de la démarche néerlandaise, unique en son genre, principalement les études quinquennales faites sur le certificat de décès. Nous pourrions « donner au suivant », c'est‑à-dire à d'autres pays, et éviter l'enlisement de nos débats sur la politique, si nous faisions nous-mêmes ce genre de recherche. Ça signifie une recherche commandée et financée par l'État, mais pourtant indépendante. Sans doute, présenterait-elle des difficultés — par exemple celle de la variabilité de nos certificats de décès —, mais qui ne seraient pas insurmontables.
Je vous remercie de votre attention, et j'attends avec impatience vos questions et commentaires.
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Mesdames les coprésidentes, et mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de l'invitation à témoigner aujourd'hui dans le cadre de votre examen parlementaire.
Dans ce débat polarisé, où certains fondent toutes leurs préoccupations relatives à l'aide médicale à mourir sur la religion, permettez-moi tout d'abord de mentionner clairement que mon approche est fondée sur les droits de la personne et sur le respect de l'égalité des droits et de la dignité des personnes malades, âgées et handicapées, ainsi que sur la reconnaissance du devoir de protection de l'État contre un décès prématuré, qui est reconnu dans l'arrêt Carter. Elle s'appuie sur des décennies de travail sur la réglementation professionnelle, la gouvernance de la santé, la santé et les droits de la personne, et le droit sur la fin de la vie.
Un examen de ces nouvelles pratiques du point de vue de la gouvernance de la santé est louable. Malheureusement, le Parlement a mis la charrue devant les bœufs en élargissant la loi avant une évaluation sérieuse de nos pratiques actuelles. Imaginons que nous décidions d'autoriser une nouvelle forme de thérapie génique pour des maladies graves et incurables, mais qu'avant d'entreprendre un examen solide du rapport risques-avantages sur cinq ans, mandaté par la loi, nous l'introduisions comme une forme standard de thérapie largement disponible sur demande.
J'ai assurément des inquiétudes au sujet de cet examen, particulièrement en ce qui concerne la prémisse de départ. Dans n'importe quel domaine de l'élaboration des politiques, il est difficile de réduire une pratique une fois qu'elle bénéficie d'une confiance officielle et déclarée. Il est également difficile de changer les comportements et les attentes une fois qu'une procédure est facilitée et normalisée, et de concevoir des structures par la suite pour découvrir les problèmes et recenser les lacunes, en particulier lorsqu'une pratique laisse tant de flexibilité et repose fortement sur l'intégrité des professionnels engagés dans cette pratique.
J'exhorte le Comité à prendre un peu de recul et à se rappeler que la Cour suprême de la Colombie-Britannique, dans l'arrêt Carter, sur lequel repose notre pratique actuelle, a déclaré — en faisant référence au choix, certes, mais aussi à l'intérêt supérieur du patient — que s'il était éthique pour un médecin, dans un cas particulier, d'aider une personne à mourir, ce ne serait que dans des circonstances circonscrites et exceptionnelles... L'imposition de restrictions strictes découle du consensus voulant que l'aide médicale à mourir sans restriction présenterait des risques graves.
Le Comité devrait être prêt à se demander si la pratique actuelle respecte ce principe et ce que signifierait un élargissement encore plus grand de cette pratique. Il devrait faire plus que passer en revue les données statistiques, largement autodéclarées, et les analyses limitées qui ont été entreprises. Il devrait prendre le temps d'écouter les membres des familles qui ont eu de mauvaises expériences avec des demandes d'aide médicale à mourir précipitées de leurs proches et les personnes qui se trouvent déjà dans une situation difficile au sein de nos systèmes de soins de santé et de soutien social, en particulier pendant la pandémie, et pour qui les offres d'aide médicale à mourir sont souvent reçues comme une menace à leur bien-être.
Le Comité devrait entendre Jonathan Marchand, un homme atteint de la sclérose latérale amyotrophique, ou SLA, qui s'est plaint devant le Sénat de son manque de choix en matière de soins de santé; les membres de la famille de Chris Gladders, qui a reçu l'aide médicale à mourir dans des circonstances sordides et scandaleusement déshumanisantes; Roger Foley, qui s'est vu offrir l'aide médicale à mourir au lieu d'avoir accès à de bons soins; la famille d'Alan Nichols; et d'autres cas plus récents qui émergent. Il devrait prendre au sérieux les voix des personnes handicapées qui voient dans la promotion explicite de l'aide médicale à mourir une confirmation que notre société donne la priorité à la fin de leur vie plutôt qu'à la prestation de mesures d'aide et de soins adéquats.
Je vous invite à être imaginatifs et à vous demander comment notre approbation sociétale et juridique d'une large pratique d'aide médicale à mourir peut déjà avoir une incidence sur ce que nous pensons que nos personnes âgées et nos personnes handicapées devraient faire lorsqu'elles souffrent et lorsque les solutions à leurs souffrances sont complexes et ne sont pas immédiatement disponibles. Quelles répercussions cela aura‑t‑il sur la façon dont ils pensent à ce qu'ils devraient faire lorsqu'ils sont confrontés à la vieillesse, à la fragilité et au handicap?
Je vous invite à garder à l'esprit les problèmes de santé difficiles auxquels les Autochtones et les Canadiens racialisés font face de manière disproportionnée, la situation révoltante de nombre de nos aînés dans les maisons de soins de longue durée — révélée au grand jour pendant la pandémie — et le manque de choix pour les personnes âgées et les personnes handicapées. Pensez‑y en examinant les risques de normalisation de l'aide médicale à mourir comme thérapie contre la souffrance, en analysant de manière critique la prémisse de notre loi sur l'aide médicale à mourir voulant que les procédures liées à la capacité et au consentement éclairé offrent déjà une protection suffisante contre les abus.
Beaucoup de préoccupations concernant les répercussions du capacitisme s'inscrivent dans le long terme, mais j'ai déjà mentionné des exemples concrets de préoccupations actuelles. Est‑ce fréquent? Je crois que nous avons besoin de données plus solides.
Le premier rapport sur l'aide médicale à mourir de Santé Canada devrait être un signal d'alarme. En plus de montrer la normalisation de l'aide médicale à mourir par son adoption rapide — particulièrement dans certaines provinces —, plus rapide que, par exemple, en Belgique et aux Pays-Bas, deux pays qui investissent beaucoup plus dans les soins palliatifs et le soutien social que nous, le rapport confirme...
La coprésidente (L'hon. Yonah Martin): Il vous reste 30 secondes.
M. Trudo Lemmens: ... certaines des préoccupations liées à nos pratiques de fin de vie, déjà plus larges que strictes. Il documente, par exemple, divers facteurs associés à la souffrance insupportable qui sont à la base des plus de 15 000 demandes d'aide médicale à mourir. Dans 34 % des cas, il s'agit de la crainte d'être un fardeau pour la famille, les amis et les soignants, et dans 14 % des cas, de la solitude. Dans 53 % des cas, il s'agit de la perte de dignité, un concept profondément influencé par les perceptions de capacitisme que notre pratique de l'aide médicale à mourir peut encourager; et dans 54 % des cas, d'un contrôle inadéquat de la douleur ou d'une peur de la douleur, ce qui témoigne d'un manque possible d'accès à des soins de santé et des soins palliatifs adéquats — et même dans certains cas, d'une souffrance existentielle.
Au cours de la période de questions...
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Non, malheureusement, mais ce n'est pas du tout la faute du témoin. Nous avons reçu les notes d'allocution quelques minutes seulement avant le début de la séance, et elles n'ont donc pas pu être traduites en temps pour les membres du Comité.
En ce qui concerne le son de M. Lemmens, il ne peut pas utiliser le casque d'écoute habituel fourni par la Chambre des communes, alors il a demandé à utiliser le microphone de balado que vous voyez devant lui. Nous avons déjà effectué les tests avec lui. Je pense que c'est tout ce que nous pouvons faire dans les circonstances.
Comme Mme Aubé l'a mentionné, si M. Lemmens peut parler le plus lentement possible, on pourrait ainsi à tout le moins minimiser les risques de perdre l'interprétation.
Je m'excuse de la situation, mais comme je l'ai mentionné, nous avons fait de notre mieux.
Je vous remercie.
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Je m'excuse auprès de vous tous, moi aussi, du fait que la traduction n'a pas été envoyée à tous les députés, et j'ai vu le sénateur Kutcher...
Je vais poursuivre parce que le temps file, alors mes excuses à tous. Je vous remercie de votre souplesse et de votre compréhension aujourd'hui.
Monsieur Lemmens, encore une fois, veuillez parler aussi lentement et clairement que possible. Je vous remercie.
Nous commençons la première série de questions des représentants de la Chambre des communes. Nous avons tout d'abord le député libéral Arif Virani, qui sera suivi du député conservateur Michael Cooper.
Monsieur Virani, vous avez cinq minutes.
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Je remercie nos deux témoins d'être avec nous. Nous vous savons gré de nous faire part de votre expertise et de contribuer à cet examen important.
Mes questions s'adressent à Mme Downie.
Madame Downie, pendant le débat sur le projet de loi , on avait soulevé des inquiétudes au sujet du capacitisme, des inquiétudes qui refont surface aujourd'hui, et plus particulièrement au sujet des personnes handicapées et du fait que leurs inquiétudes n'ont pas été mises à l'avant-plan. J'ai un point de vue un peu différent sur la question, étant donné que dans l'affaire Truchon, nous avons deux personnes handicapées qui voulaient voir leur autonomie reconnue par la cour et pouvoir avoir le contrôle sur leur fin de vie.
Pouvez-vous nous donner votre point de vue sur les inquiétudes concernant le capacitisme? Selon vous, est‑ce justifié? Quelles sont les mesures de protection actuellement en place pour les personnes handicapées dans le cadre du régime d'aide médicale à mourir?
Je vous remercie.
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Je dirai tout d'abord que le capacitisme était l'argument soulevé dans l'affaire Truchon. Il a été examiné soigneusement, et la juge a procédé à une analyse rigoureuse, en soulignant qu'il était paternaliste de dire que les personnes devaient être protégées d'elles-mêmes, essentiellement du capacitisme qu'elles ont en quelque sorte adopté dans leur vision du monde.
Ce que nous devons faire, et ce que nous faisons dans toute situation d'aide médicale à mourir, c'est nous placer du point de vue de la personne qui souffre. Il revient à cette personne de prendre les décisions au sujet de ses conditions de vie, de décider ce qui compte pour elle et si elle veut mettre fin à ses jours. C'est en obtenant un consentement éclairé qu'on protège ce droit. La décision doit être prise par une personne apte à le faire, et toutes les solutions de rechange doivent être examinées.
Dans le cadre du projet de loi , on ajoute, bien entendu, des mesures de protection pour le deuxième volet. Il faut s'assurer que la personne a été informée des services et des mesures d'aide à sa disposition pour remédier à diverses inquiétudes pouvant découler de son handicap, soit l'absence de services et de mesures d'aide associés à son handicap, et non pas de son handicap. Il faut aussi que d'autres options aient été « sérieusement envisagées ». Le projet de loi prévoit cette mesure de protection supplémentaire contre les inquiétudes qui ont été soulevées. Je dirais que la question a été examinée, analysée et tranchée, et que des mesures de protection additionnelles ont été ajoutées dans le projet de loi.
Il ne me reste que deux minutes et demie. Je vais tenter de vous poser une autre question.
Certaines des mesures de protection que vous avez mentionnées répondent en partie à la question suivante que j'allais vous poser: s'agit‑il d'une sphère illimitée ou y a‑t‑il des mesures de protection en place? Vous avez mentionné quelques-unes des mesures de protection, et je pense que c'est important.
Pouvez-vous nous parler des données, à savoir qui demande l'aide médicale à mourir? Nous avons entendu encore ce soir des craintes que l'on exerce des pressions pour que des personnes acceptent l'aide médicale à mourir. À mon point de vue, après avoir participé aux consultations qui ont mené au projet de loi , je comprends que l'aide médicale à mourir est un processus soigneusement examiné, mûrement réfléchi, dans lequel les gens décident de s'engager après avoir procédé à un examen très approfondi de la question, et qu'il ne s'agit pas d'un choix précipité.
D'après votre expérience et les données que vous avez vues jusqu'à maintenant, qui a demandé l'aide médicale à mourir au pays au cours des cinq dernières années environ, soit depuis l'adoption du projet de loi ?
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Les évaluateurs des demandes et les fournisseurs de l'aide médicale à mourir, et c'est l'un des premiers points à souligner, n'ont aucun intérêt à exercer des pressions sur quiconque pour accepter l'aide médicale à mourir. Ils considèrent que leur rôle est de respecter l'autonomie de la personne devant eux — et non pas d'exercer des pressions sur elle — et de s'assurer qu'il n'y a pas de pression externe non plus, et ils prennent ce rôle très au sérieux tout au long du processus d'évaluation.
Pour ce qui est des données, nous avons les mêmes que celles qu'Abby Hoffman de Santé Canada vous a fournies il y a deux semaines environ, et qui n'indiquent pas qu'il y a lieu de s'inquiéter de pressions qui pourraient être exercées sur les personnes. Toutes les données que nous avons à l'heure actuelle montrent... On a parlé aussi il y a deux semaines d'une étude d'envergure menée en Ontario, et j'ai la référence dans mes notes pour vous. Les gens craignent que ce soient les gens désavantagés socioéconomiquement qui demandent l'aide médicale à mourir en raison de pressions ou de l'absence de services. Les données que nous avons montrent que c'est plutôt le contraire. Ce sont les gens privilégiés qui la demandent, tout comme c'est le cas dans les autres pays où elle est autorisée. Ce sont les gens privilégiés qui la demandent, et non pas les gens désavantagés socioéconomiquement ou les personnes handicapées, par exemple.
Les données n'indiquent rien en ce sens, et en parlant aux évaluateurs et aux fournisseurs, on constate que... Comme l'a mentionné la juge Smith dans l'arrêt Carter, nous faisons confiance aux fournisseurs de soins de santé. Nous leur faisons confiance pour toutes sortes de choses, et il n'y a pas de raison de ne pas leur faire confiance dans ce cas également.
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Je vous remercie, madame la coprésidente, et je remercie aussi madame Downie et monsieur Lemmens.
Mes questions s'adressent à M. Lemmens.
La Dre Romayne Gallagher, médecin en soins palliatifs et professeure à la faculté de médecine à l'Université de la Colombie-Britannique, a rédigé un article dans lequel elle avance que dans bien des cas, l'aide médicale à mourir doit être considérée comme une erreur médicale, parce que les souffrances qui ont mené à l'aide médicale à mourir auraient pu être allégées par des soins palliatifs et d'autres méthodes de soutien.
Compte tenu du rapport de Santé Canada, et en particulier du tableau portant sur la fréquence des 11 types de souffrance intolérable, pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
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Je remercie encore la coprésidente.
Monsieur Lemmens, la Dre Romayne Gallagher, qui est médecin en soins palliatifs et membre de la faculté de médecine de l'Université de la Colombie-Britannique, a écrit un article. Elle y soutient que bien souvent, l'aide médicale à mourir, ou AMM, devrait être considérée comme une erreur médicale puisque la souffrance à l'origine de cette demande aurait pu être soulagée par des soins palliatifs et d'autres méthodes.
Pourriez-vous commenter cette affirmation, à la lumière du rapport de Santé Canada et du tableau énumérant les 11 types de souffrances intolérables et leur fréquence dans les demandes d'AMM?
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En effet, le rapport de Santé Canada et d'autres études qui ont été réalisées et publiées dans la littérature évaluée par les pairs révèlent que de nombreuses personnes qui reçoivent l'AMM au Canada — ce n'est pas la majorité, mais il y a quand même un nombre substantiel de personnes — n'ont pas eu accès à des soins palliatifs adéquats.
Certaines études sont plus positives. L'étude évaluée par les pairs de Downar est la plus encourageante en ce qui concerne l'accès aux soins palliatifs, mais elle ne traite pas en détail de la qualité des soins, et elle n'évalue pas non plus si les soins palliatifs offerts étaient de qualité suffisante.
Le rapport de Santé Canada indique également que 19 % des gens ont eu accès à des soins palliatifs seulement deux semaines avant l'AMM. Un autre 19 % des patients ont reçu ces soins au cours du dernier mois seulement.
Si vous parlez à des spécialistes des soins palliatifs, comme vous le ferez sans doute, ils vous diront assurément que ceux‑ci prennent du temps. Il faut du temps pour offrir des solutions de rechange aux gens.
Les messages que nous tirons des rapports et des données ne nous permettent pas de conclure hors de tout doute que la situation est parfaite et que les gens ont accès à des soins palliatifs sans faille.
Grâce aux données, nous savons que les soins palliatifs font défaut dans de nombreuses provinces canadiennes et que bien des provinces n'ont pas accès à des soins palliatifs adéquats. Des améliorations importantes peuvent donc être apportées à ce chapitre.
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Bien sûr. C'est parce qu'il s'agit d'une question de droit.
Les critères d'admissibilité, qui étaient d'abord des problèmes de santé graves et irrémédiables dans l'arrêt Carter, ont été assouplis dans le projet de loi , après quoi l'affaire Truchon est pratiquement revenue aux critères initiaux de Carter. Il n'y a pas de pente glissante au‑delà de l'arrêt Carter; nous ne sommes jamais allés plus loin.
Les notes de bas de page dans la décision Truchon, et aussi dans la décision Carter auraient servi à montrer que les critères d'admissibilité, avec le retrait de « raisonnablement prévisible », et certainement de « fin de vie » au Québec... En fait, nous n'allons pas plus loin que l'arrêt Carter. Je ne pense pas que les critères d'admissibilité à l'AMM ont été élargis au Canada.
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J'aborderai maintenant votre cinquième point. Vous dites que le concept de mort naturelle raisonnablement prévisible fait référence à une trajectoire prévisible, mais ne signifie pas « malade en phase terminale ou dont la mort est imminente ».
Pourtant, ce critère a été retiré du projet de loi parce que, d'une part, il ne s'agit pas d'un critère médical et que, d'autre part, il créait de la confusion. D'un autre côté, ce même concept fait en quelque sorte un retour dans le projet de loi, puisqu'il est question de deux régimes de sauvegarde distincts: le premier dans le cas d'une maladie en phase terminale et dont la fin est proche, la mort étant irrémédiable, le second dans le cas d'une maladie en phase terminale, mais sur le long terme, comme sept ans. N'est-ce pas de cette façon que l'exprime le milieu: une mort prévisible imminente, comme dans trois mois, par opposition à une mort prévisible, mais seulement après quelques années de stade terminal?
Je ne sais pas s'il me reste assez de temps, mais le rapport sénatorial parle d'euthanasie et de suicide assisté. Ce n'est pas pour rien, puisqu'il est dit que l'euthanasie s'applique aux gens en phase terminale, tandis que le suicide assisté vise une personne souffrant d'une maladie dégénérative et qui éprouve des souffrances intolérables, même si le moment de sa mort demeure inconnu. Pourquoi voulez-vous que cette distinction soit supprimée, pas dans la loi, mais sur un plan conceptuel? L'élargissement de cette notion n'amoindrirait-il pas la question des demandes anticipées?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les témoins de leurs exposés.
Ma première question s'adresse à vous, madame Downie.
Dans le Premier rapport annuel sur l'aide médicale à mourir au Canada de Santé Canada, on peut lire ce qui suit:
On envisage également d'établir des corrélations de données, ce qui permettrait un examen plus approfondi de la situation sociale des personnes faisant une demande d'aide médicale à mourir (comme la géographie), et ce dans le but d'améliorer les pratiques et les décisions politiques concernant les services sociaux et les systèmes de soins de santé.
Dans votre mémoire écrit, vous avez déclaré ceci:
Les données de haute qualité relatives à la participation et à l'accès aux soins palliatifs et à la vulnérabilité sociale et économique ne confirment pas les préoccupations soulevées à ce sujet au cours des débats législatifs. Les données illustrent un phénomène similaire à celui observé dans d'autres États permissifs — ceux qui ont accès à l'AMM sont, de manière disproportionnée, privilégiés par rapport aux personnes socialement ou économiquement vulnérables.
Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par ce passage de votre mémoire? Des renseignements erronés ont été véhiculés dans les débats, et vous favorisez une approche fondée sur des preuves. Qu'ont révélé vos recherches sur l'accès aux soins palliatifs ou à l'AMM pour les populations vulnérables sur les plans sociaux ou économiques? Les nouvelles dispositions relatives aux données introduites par le projet de loi contribueront-elles à cerner les lacunes en matière de proportionnalité?
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Je vais commencer là où vous vous êtes arrêtés. Les nouveaux règlements seront extrêmement utiles pour ce genre de questions. Deux éléments entrent en ligne de compte. D'une part, l'objet de la recherche sera élargi, comme il a été décidé dans le projet de loi . D'autre part, je crois savoir que Santé Canada souhaite établir des liens entre les bases de données. Quelque chose devrait être publié là‑dessus à l'automne.
Ces éléments nous aideront à réunir plus de données. Je n'ai pas dit que nous en avions assez. Ce que j'affirme, c'est que les données dont nous disposons ne reflètent pas encore les préoccupations des gens ayant trait à la vulnérabilité. Une grande étude a été réalisée en Ontario sur tous les décès issus de l'AMM entre le 7 juin 2016 et le 31 octobre 2018. Il y a ensuite eu une autre étude de Redelmeier, dont il est également question.
Ce sont nos meilleures données. Elles sont de haute qualité. Elles prouvent ce que j'ai dit, à savoir que ce sont les gens privilégiés qui y ont accès pour l'instant. En fait, il y a lieu de s'inquiéter du manque d'accès pour les personnes défavorisées sur les plans sociaux et économiques, au lieu d'un accès insuffisant ou exagéré. Je suis tout à fait favorable à ce qu'il y ait plus de recherches. J'espère que vous recommanderez notamment de suivre le modèle néerlandais. Voyez comment les Pays-Bas recueillent les données par rapport à la Belgique. Ils font quelque chose de similaire en étudiant les certificats de décès. Aux Pays-Bas, ces études sont financées par le gouvernement et sont ensuite réalisées par des chercheurs indépendants, tandis qu'en Belgique, les chercheurs doivent trouver les fonds à cette fin. Par conséquent, les données sont beaucoup moins uniformes en Belgique qu'aux Pays-Bas, où c'est aussi fiable qu'une horloge suisse. Une enquête est réalisée tous les cinq ans, et les taux de réponse sont étonnants. Ce sont des données hautement rigoureuses.
Pour savoir comment procéder, il faut s'inspirer des chercheurs néerlandais, qui font ce travail depuis plus de 25 ans. Cela nous permettra d'obtenir encore plus d'informations dont nous avons besoin que le processus de Santé Canada.
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Je remercie la présidente.
Madame Downie, j'aimerais reprendre là où notre collègue M. Thériault s'est arrêté, au sujet de l'importance d'utiliser les meilleures données dont nous disposons. Je vous remercie de l'avoir souligné et de préciser que le pluriel du mot « anecdote » n'est pas « données ».
Dans les critères d'accès à l'AMM établis par l'arrêt Carter, il est question de « problèmes de santé graves et irrémédiables ». Compte tenu de votre étude poussée sur la question, que signifie cette formulation? Qui décide en dernier ressort si une condition est grave et irrémédiable?
J'aurai ensuite une deuxième question.
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Je ne pense pas que le gouvernement se soit trompé en définissant une maladie, une affection ou un handicap. Il a essayé de clarifier la notion de trouble. Ce sont les définitions que nous avons, et avec lesquelles je pense que nous devrions continuer à travailler.
Quant à savoir qui détermine si le problème est grave et incurable, il incombe à la personne de décider si sa souffrance ne peut être soulagée par aucun moyen acceptable pour elle. La souffrance est subjective. Le médecin peut établir si l'état d'une personne peut être soulagé par l'administration d'antibiotiques, par exemple, ou par une intervention chirurgicale. Ce volet peut faire l'objet d'une détermination clinique.
Il s'agit d'un ensemble de décisions, étant donné qu'une condition « grave et incurable » se rapporte à la souffrance et au caractère incurable, ou bien à la gravité du problème, ou encore au déclin irréversible des capacités. Il est essentiel de se rappeler que c'est subjectif, qu'il s'agisse de l'évaluation de la souffrance ou du traitement que les patients sont prêts à recevoir.
Je vais utiliser mes trois minutes pour poser une question à M. Lemmens. Je vais devoir quitter la réunion immédiatement par la suite, sans même pouvoir entendre la réponse, car nous devons débattre au Sénat du projet de loi que je parraine. Soyez toutefois assurés que je vais lire le compte rendu de la séance.
Monsieur Lemmens, vous avez indiqué dans votre témoignage concernant le projet de loi que celui‑ci amène le Canada plus loin que les régimes les plus libéraux d'aide médicale à mourir dans le monde et dénature ainsi totalement les normes juridiques et éthiques qui régissent depuis longtemps nos pratiques en santé.
J'aimerais que vous puissiez nous en dire davantage au sujet de cette affirmation en nous faisant part de vos préoccupations quant à la situation dans laquelle le Canada se retrouve et en nous exposant les éléments probants à votre disposition pour réfuter ce que nous avons pu entendre jusqu'à maintenant. Merci.
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Certainement. Vous avez cité en fait un article que j'ai rédigé et dont les membres du Comité pourront, je l'espère, prendre connaissance. Il est vrai qu'en Belgique et aux Pays-Bas, les médecins doivent convenir qu'il n'existe pas d'autre option raisonnable.
Avec le projet de loi dans le contexte canadien, les médecins sont maintenant tenus de déterminer si la personne a sérieusement envisagé toutes ses options. Je dirais toutefois que l'obligation pour les professionnels de la santé de fournir l'aide médicale à mourir lorsqu'un patient rejette toutes les options raisonnables de soins est en fait sans précédent. Dans d'autres aspects de la pratique professionnelle des médecins, comme les procédures à risque élevé, les choses seraient différentes. Ils ne seraient pas autorisés à offrir un accès immédiat à des procédures dont le ratio risques-avantages est inapproprié et contreviendrait en pareil cas à leurs normes déontologiques.
Il est intéressant de noter que nous avons maintenant idéalisé le fait de mettre fin à la vie d'une personne à un point tel que nous en sommes rendus, pas seulement... Il va de soi que nous respectons le droit de chacun de refuser un traitement. C'est l'un de nos droits fondamentaux qui s'appuie sur la notion d'autonomie et aussi sur notre droit d'être protégé contre toute atteinte à notre intégrité physique. Dans le contexte de l'aide médicale à mourir, la situation est très différente. Il n'est pas question seulement du droit de refuser un traitement. Il est question de la possibilité pour une personne de demander avec insistance à un médecin qu'il mette fin à sa vie.
Il est vrai que cela nous éloigne du rôle joué par les médecins dans la détermination de la norme de soins à appliquer. Je pense que c'est sans précédent. Nous nous écartons ainsi totalement de la manière dont l'aide médicale à mourir est fournie ailleurs dans le monde, et ce, même dans les pays ayant les régimes les plus libéraux — comme la Belgique et les Pays-Bas —, tout au moins d'après ce que prévoient leurs lois respectives.
Les données en provenance de la Belgique et des Pays-Bas... Mme Downie fait valoir que rien n'indique que les personnes vulnérables sont à risque. Je m'inscrirais en faux contre cette affirmation. Je dirais plutôt que l'on a pu clairement observer au cours de la dernière décennie des changements quant à l'accès à l'aide médicale à mourir aussi bien en Belgique qu'aux Pays-Bas. Nous voyons de plus en plus de personnes dont le décès n'est pas imminent obtenir l'accès à l'aide médicale à mourir, notamment en vertu du nouveau concept de la polypathologie, le terme utilisé pour désigner une combinaison de problèmes de santé. Il y a des éléments probants qui indiquent que les personnes recevant une aide médicale à mourir au titre de problèmes de santé mentale sont des gens esseulés et isolés que l'on pourrait considérer comme étant défavorisés du point de vue social.
J'exhorte en outre les membres du Comité à prendre connaissance des résultats d'une étude récente de très large portée qui s'est intéressée au phénomène des Néerlandais de plus de 50 ans qui sont de plus en plus enclins à demander l'aide médicale à mourir — l'euthanasie, en fait — même en l'absence d'une maladie clairement identifiable qui les rendrait admissibles en vertu de la loi. Les chercheurs qui ont mené cette étude ont envoyé des signaux d'alerte en indiquant qu'ils avaient observé au sein de cette population un nombre très important d'individus qui sont socialement défavorisés, peu instruits et moins bien nantis financièrement.
Je dirais donc qu'il y a effectivement des éléments probants qui portent à croire qu'à long terme, cette pratique a bel et bien... Une étude réalisée en Ontario indique que les personnes qui ont demandé l'accès à l'aide médicale à mourir dès l'entrée en vigueur de la loi étaient des gens privilégiés, plus instruits et souvent en couple. Je ne nie pas les indications en ce sens. C'est assurément le cas. Il ne faut pas en conclure pour autant que nous ne nous exposons pas à d'autres risques éventuels et qu'il n'y a aucun danger pour les populations vulnérables, comme les personnes handicapées ou celles souffrant de problèmes de santé mentale, ou encore les gens défavorisés du point de vue social.
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Merci, monsieur Lemmens. Je pense que nous en sommes arrivés à la fin du temps prévu pour ce premier tour.
La sonnerie se fait entendre pour des votes à la Chambre, mais nous avons obtenu le consentement unanime pour poursuivre nos travaux pendant 20 minutes encore, ce qui nous laissera 10 minutes pour voter.
J'essaie de voir ce qui se passe du côté de l'appel au vote. Je veux seulement que chacun puisse savoir à quoi s'en tenir exactement. La sonnerie va encore se faire entendre pendant 24 minutes, ce qui nous laisse 12 minutes pour le second tour de questions.
Comme la sénatrice Martin nous a quittés, je vais passer directement au second tour. Nous allons commencer par M. Arseneault pour une période de trois minutes qui inclura, je vous le rappelle, les questions et les réponses. Merci.
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Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Madame Downie, mon collègue Michael Cooper et moi étions membres de la première mouture du Comité mixte, dont les travaux ont mené au projet de loi C‑7. Nous devions nous fier à des renseignements pratiques provenant d'autres juridictions et d'autres pays, ce qui suscitait à juste titre de la méfiance et de l'inquiétude en nous. Depuis, nous avons reçu beaucoup de données provenant du Canada, qui nous rassurent vraiment quant aux décisions que nous devrons prendre au cours de la présente étude.
Quand vous dites que l'un de vos souhaits les plus précieux est que nous ne fassions pas de recommandation fondée sur des anecdotes ou sur des théories non éprouvées, j'imagine que vous avez un exemple en tête. À quoi faisiez-vous référence quand vous nous avez dit cela?
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Seule une personne qui a une vision tout à fait théorique et artificielle de la relation entre la Cour suprême et le Parlement et qui ne connaît rien des interactions complexes entre la Cour suprême et le Parlement pourrait affirmer une telle chose.
Sa propre collègue, la défunte professeure Pothier, a fait valoir à la suite de l'arrêt Carter qu'il était tout à fait illogique de prétendre par exemple que le Parlement ne peut pas profiter d'une certaine marge de manoeuvre dans la conception d'un régime réglementaire. La Cour suprême a expressément demandé au Parlement de créer une loi à cet effet.
On peut effectivement soutenir qu'il y a eu certaines causes ultérieures dans lesquelles on a interprété l'arrêt Carter, comme le jugement Canada (procureur général) c. E.F. en Alberta, mais le fait demeure que le législateur, le Parlement et vous-mêmes à titre de parlementaires, avez décidé d'adopter une loi. Celle‑ci est devenue la loi du pays. La portée de cette loi a depuis été élargie. S'il ne s'agit pas d'une pente glissante sur laquelle on s'est engagé du point de vue juridique, je me demande bien ce que c'est.
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Je veux d'abord préciser très brièvement que la situation est certes différente au Québec parce qu'on y a mis en place un véritable régime de fin de vie. Je parlais tout à l'heure de l'évolution que l'on peut observer dans le contexte du régime fédéral.
Quant à votre idée d'une distinction à faire entre un pronostic de plus ou moins 12 mois, c'est beaucoup plus compliqué que vous semblez le croire. Il est très difficile pour les médecins de déterminer si un patient pourra vivre encore 12 mois.
Par ailleurs, nous avons maintenant une certaine compréhension de la notion de « raisonnablement prévisible », si bien que j'espérerais voir le Québec adhérer au régime fédéral en place qui se base sur cette même notion, non pas à titre de critère d'admissibilité, car cela a été jugé inconstitutionnel, mais pour déterminer laquelle des deux voies doit être suivie. Il y a donc maintenant un sens qui est admis et qui peut servir à déterminer la voie à suivre, plutôt que l'admissibilité, car ce n'est pas une utilisation conforme à la Constitution. C'est en fait plus clair que le critère des 12 mois, lequel serait en outre inconstitutionnel.
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Oui. Je regrette d'abord que l'on soit allé jusqu'aux attaques personnelles. Précisons d'entrée de jeu qu'il faut oublier l'argumentation suivant laquelle j'aurais fait valoir que le Parlement ne disposait d'aucune marge de manoeuvre pour manifester son désaccord à l'égard des décisions des tribunaux, car ce n'est bien sûr pas ce que j'ai dit. Le Parlement peut diverger d'opinion, mais il n'a pas le pouvoir de mettre en place une loi qui serait inconstitutionnelle.
Je dirais par ailleurs qu'il faut s'assurer de bien prendre connaissance des décisions judiciaires, comme celles rendues dans les affaires Carter et Truchon, car les tribunaux se sont alors penchés sur tous les éléments au sujet desquels nous ne nous entendons pas nécessairement.
N'acceptez pas d'emblée mon point de vue, pas plus que celui de M. Lemmens. Prenez plutôt connaissance des délibérations des tribunaux qui ont vu ces mêmes témoins, ces mêmes auteurs de tous ces rapports comparaître devant la juge Baudouin et la juge Smith. Elle les a entendus et a cherché à valider leurs arguments. Les deux juges ont rendu des décisions quant à la fiabilité des témoignages ainsi que concernant, chose très importante, leur pertinence pour le Canada. Il y a différents pays qui ont chacun leur régime et leur système, et les deux juges ont indiqué qu'il fallait évaluer le tout dans le contexte canadien.
Je vous dirais donc d'aller directement à la source en consultant ces jugements.
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Merci beaucoup à nos deux témoins, M. Lemmens et Mme Downie.
Nous avions convenu de nous interrompre au moment où il nous resterait 10 minutes pour voter. Nous en arrivons maintenant à ce seuil des 10 minutes. Il y a une autre sonnerie qui devrait se faire entendre très bientôt, si bien que je pense qu'il est fort possible qu'il nous reste très peu de temps pour la seconde heure de notre séance.
Je tiens à dire à nos deux cogreffiers que je suis vraiment désolée. Je sais qu'ils ont dû prendre les dispositions nécessaires pour convoquer un second groupe de témoins, mais le fait est que nous devons maintenant aller voter.
Je veux remercier nos témoins de leur participation. Je vous remercie tous pour vos questions empreintes de respect, et je veux vous dire que je suis d'avis que nous devrions lever la séance dès maintenant.
Merci beaucoup.
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J'ai appris des bureaux des whips que la sonnerie allait se faire entendre à nouveau très bientôt. Je pense que ce sera à compter de 20 heures. Il y aura donc encore des votes, et nous n'aurons tout simplement pas le temps...
Je suis vraiment désolée. J'aurais aimé pouvoir continuer, mais il faut tenir compte des ressources en place. Les dispositions sont prises pour que notre séance se termine à 20 h 30.
Je suis donc désolée, madame Findlay. J'aurais préféré que nous puissions poursuivre.
Je tiens à tous vous remercier encore une fois.
Nous n'avons pas d'autre séance à notre horaire, si bien que je pense que nous devrons nous reparler sous peu concernant les décisions prises relativement à d'autres questions.
Merci beaucoup.
Bonsoir à tous.