Passer au contenu

LANG Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Home page FrançaisTable
    des matières



*Du consentement unanime, déposé à Chambre des communes.

 

Services bilingues offerts par Air Canada


Rapport dissident

des membres de l’Alliance canadienne du Comité mixte permanent des langues officielles


le 21 février 2002

_____________________________________


Certaines des recommandations précises faites par le comité sont tout à fait raisonnables. Cependant, la nature même du sujet traité dans ce rapport est fondamentalement inappropriée. En effet, il ne convient pas que les questions de gestion interne d’une société fermée soient soumises à l’examen d’un comité du Parlement. En outre, dans un pays dont le fondement même repose sur le principe suivant lequel toutes les lois doivent être des lois d’application générale, une loi régissant la gestion interne d’une société fermée n’a pas sa place.

 

Suivant une règle de droit fondamentale, tous devraient être assujettis aux mêmes lois et être liés par celles-ci. En fait, selon Albert Venn Dicey, le plus grand érudit en matière de traditions juridiques canadiennes, le terme « règle de droit » devrait signifier que tous les membres d’une société sont liés par les mêmes lois, sans aucun privilège spécial accordé à quiconque et sans obligations spéciales imposées à qui que ce soit, à l’exception de ceux qui ont accepté précisément et sciemment de se plier à de telles exigences en s’enrôlant volontairement dans un service spécial, le service militaire par exemple.

 

Air Canada est la seule des compagnies aériennes canadiennes à être assujettie aux obligations légales énoncées dans la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada. Ces règles – dont certaines ont trait aux obligations spéciales dans le domaine des langues officielles et dont certaines autres portent sur des obligations spéciales dans d’autres domaines – ne s’appliquent à aucun des autres transporteurs aériens au Canada. Ces obligations ont pris force de loi en 1988, lors de la privatisation de la compagnie aérienne. Auparavant, Air Canada était un transporteur appartenant à l’État et, en tant qu’organe du gouvernement, il était tout à fait raisonnable de s’attendre à ce que la compagnie soit assujettie à des obligations spéciales et à ce qu’elle profite de privilèges spéciaux. Air Canada ne devait pas être un concurrent dans la grande économie canadienne mais ce transporteur aérien devait plutôt fournir ce que les législateurs d’alors considéraient comme un service public important.

 

La Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada montre que, par la suite, les législateurs en sont venus à croire que le transporteur aérien n’était plus le fournisseur d’un service public essentiel et qu’il pouvait, par conséquent, passer en toute confiance entre les mains du secteur privé. Cette loi aurait dû marquer le début d’une ère nouvelle faisant de la compagnie aérienne un transporteur privé sans statut spécial, bien qu’ayant un passé remarquable et unique. Mais la loi, comme tant d’autres lois canadiennes concernant la privatisation, a essayé de combiner des aspects de la réglementation publique et de la propriété privée pour créer un amalgame qui, finalement, s’est révélé non viable sur le plan économique parce qu’une seule entreprise y est assujettie, et non ses concurrents.

 

Dans le domaine des langues officielles, en vertu de la loi actuelle, Air Canada doit faire sa publicité en anglais et en français sur certains marchés, l’entreprise doit adapter ses méthodes d’embauchage de manière à ce que la composition de ses effectifs reflète précisément la ventilation linguistique de la société canadienne (du moins dans la mesure où les deux langues officielles sont visées) et elle doit offrir ses services dans les deux langues officielles dans un grand nombre de marchés.

 

Le coût exact de l’observation complète de toutes ces exigences n’est pas clairement établi – notamment parce que le transporteur aérien n’a jamais satisfait à toutes les exigences, comme l’ont clairement indiqué de nombreuses personnes qui ont témoigné devant le comité. Cependant, un témoin a bien fourni une ventilation détaillée des coûts, pour la compagnie aérienne, de sept catégories de services. Dans le mémoire écrit présenté au comité le 9 septembre 2001, Jean-Marc Trottier estime qu’il en coûte à Air Canada, au total, 9 265 000 $ par an pour fournir les services suivants dans les deux langues :

  • les communications officielles;
  • les bulletins, les communications relatives à Aéroplan, etc. dans les deux langues;
  • les systèmes de messagerie téléphonique en double dans toutes les régions du pays;
  • la tenue et la mise à jour de tous les guides des procédures dans les deux langues;
  • les cours de formation linguistique offerts à quelque 300 employés chaque année;
  • la publicité non justifiée sur le plan commercial;
  • la formation dont les employés ont besoin pour trouver des informations techniques et générales dans le système de réservation RESIII dans l’une ou l’autre des langues officielles.

 

Il estime en outre que [Traduction] « si Air Canada ne devait pas assumer ces dépenses additionnelles de 9 millions de dollars... son bénéfice d’exploitation augmenterait approximativement de 2,5 à 3,5 % annuellement. Avec une marge bénéficiaire d’environ 5 %, Air Canada doit générer quelque 185 millions de dollars en ventes additionnelles pour couvrir ces coûts additionnels. »[1]

 

Assurément, ces coûts ne représentent qu’une petite fraction des problèmes financiers d’Air Canada. Moins d’un mois après le dépôt du rapport de M. Trottier, on lit dans la Gazette de Montréal que [Traduction] « le transporteur aérien ayant son siège à Montréal a révélé qu’il perdait 10 millions de dollars par jour depuis le 4 octobre... »[2]

 

En principe, il existe trois méthodes possibles pour traiter ce problème (qui, aux fins du présent rapport dissident, seront considérées uniquement sous l’angle des obligations linguistiques et non du point de vue des autres obligations non linguistiques imposées par la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada).

 

  1. La loi pourrait continuer de traiter Air Canada différemment des autres transporteurs, imposant ainsi des coûts continus à la compagnie aérienne et faisant en sorte qu’elle ne soit jamais pleinement concurrentielle. Pour que la compagnie aérienne puisse survivre, il faudrait la subventionner d’une façon ou d’une autre. Ces subventions pourraient prendre la forme de privilèges spéciaux, d’un monopole de fait sur certaines liaisons ou d’une aide monétaire directe. En pratique, les coûts actuellement assumés par Air Canada seraient donc transférés  aux passagers, dans certains cas (sous la forme de tarifs plus élevés sur les liaisons assujetties à un monopole), aux employés, dans d’autres cas (sous la forme de suspension de conventions collectives) et aux contribuables, dans les autres cas.
  2. La Loi sur les langues officielles pourrait être modifiée de manière à imposer les mêmes obligations à tous les transporteurs aériens en activité au Canada. Cette mesure aurait pour effet d’établir des règles uniformes auxquelles tous les participants dans l’industrie du transport aérien devraient se plier, mais elle imposerait des coûts importants à tous les passagers, sans égard au transporteur aérien choisi.
  3. La Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada pourrait être modifiée de manière à dégager Air Canada de toutes les obligations précises dans le domaine des langues officielles auxquelles ses concurrents ne sont pas assujettis. Les services seraient fournis en fonction de la demande des consommateurs.

 

La première de ces trois méthodes est clairement celle que préfèrent la majorité des membres du comité. Par exemple :

 

  • Suivant la recommandation 11, la règle de l’ancienneté devrait être annulée pour les employés d’Air Canada, dans les cas où cette règle entre en conflit avec la fourniture de certains services par la compagnie aérienne.
  • Suivant la recommandation 14, le gouvernement fédéral devrait accorder une aide financière à Air Canada pour la formation linguistique de tous les employés unilingues qui se sont ajoutés à ses effectifs lorsqu’elle a fait l’acquisition des Lignes aériennes Canadien.

 

Et d’autres recommandations suivent la même voie.

 

La troisième méthode est celle que préfère l’Alliance canadienne. Nous croyons que, dans de nombreuses régions du pays, la demande de services dans les deux langues officielles est importante et significative. Dans ces régions du Canada, la libre concurrence entre les transporteurs aériens permettrait aux passagers de choisir le transporteur qui offre des services dans les deux langues officielles plutôt qu’un concurrent qui n’offre pas ce genre de services. Actuellement, FirstAir, Air Transat et WestJet  offrent des services en français et en anglais sur certaines liaisons, même si ces transporteurs n’y sont nullement obligés de par la loi, parce que c’est ce que leurs clients exigent.

 

De même, il ne fait aucun doute qu’Air Canada continuerait d’offrir des services dans les deux langues officielles sur les vols où les clients peuvent être intransigeants, si elle fait face à une concurrence véritable sur ces liaisons.

 

Pour cette raison, les députés de l’Alliance canadienne membres du comité recommandent de donner à l’industrie canadienne du transport aérien plus d’ouverture et plus de liberté et la possibilité de devenir davantage compétitive et d’éliminer les règles spéciales qui traitent une compagnie aérienne différemment des autres. Si ces mesures étaient prises, nous croyons sincèrement que les tarifs diminueraient, que la qualité du service s’améliorerait (y compris les services bilingues sur les liaisons où une demande véritable existe) et que le résultat final serait une utilisation nette accrue de ces services tant par les Canadiens francophones que par les Canadiens anglophones.



[1] Jean-Marc Trottier, « Services bilingues à Air Canada », Mémoire présenté au Comité mixte permanent des langues officielles, p. 19.

[2] La Gazette de Montréal, le 10 octobre 2001, p. D1.