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SJCA Rapport du Comité

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OPINION DISSIDENTE DU BLOC QUÉBÉCOIS

AU RAPPORT DU COMITÉ MIXTE SPÉCIAL

SUR LA GARDE ET
LE DROIT DE VISITE DES ENFANTS

L'étude menée par le Comité mixte touche des problèmes très contemporains et en constante évolution. Le nombre croissant de divorces, d'enfants nés hors mariage entraînent la famille et, par le fait même, les enfants dans une dynamique nouvelle et complexe. À notre avis, ce Comité n'était pas le forum approprié pour trouver des solutions législatives à des problèmes sociaux qui touchent un nombre de plus en plus grand de nos concitoyennes et concitoyens. Les séances du Comité, particulièrement au moment de l'ébauche du rapport, ont pourtant contribué à mettre en évidence une situation paradoxale, à savoir une dichotomie injustifiable aujourd'hui en terme de juridiction entre les provinces et le gouvernement fédéral en ce domaine.

En effet, toutes les questions relatives à la famille, à l'éducation et aux services sociaux relèvent clairement des compétences des provinces, de même que tout ce qui touche les questions de séparation de corps. Au Québec, ce sont les articles 493 et suivants du Code civil du Québec qui traitent de la séparation de corps. Par ailleurs, le divorce est de juridiction fédérale en vertu de la Constitution. La très grande majorité des cas de divorce se règlent en dehors des tribunaux. Dans la plupart de ces cas, c'est au moment de la séparation de corps qu'interviennent les ententes relatives au droit de garde et de visite des enfants. La séparation de corps étant de compétence provinciale, il serait logique que la législation sur le divorce le soit également.

Ainsi nous recommandons que la Loi sur le divorce soit abrogée et que la compétence en matière de divorce soit transférée aux provinces.

Il serait également logique d'abroger la Loi sur le mariage et de transférer cette compétence aux provinces. En effet, la célébration du mariage de même que le partage des biens, les effets civils du mariage, la filiation, relèvent exclusivement de la compétence des provinces alors que les conditions de fond (capacité de contracter un mariage et empêchements au mariage) sont de compétence fédérale. Par exemple au Québec, c'est le gouvernement du Québec qui a légiféré pour permettre les mariages civils. Selon nous, voilà un autre exemple de partage de compétence inutile et désuet. Il serait beaucoup plus simple que l'ensemble du droit de la famille relève d'une seule et même compétence, celle des provinces. À ce propos, nous nous devons de citer l'Honorable sénateur Gérald-A. Beaudoin qui, en 1990, écrivait que :

« On peut se demander pourquoi le constituant en 1867 a octroyé au Parlement une compétence exclusive sur le mariage et le divorce. Il semble bien que ce soit pour des motifs religieux. Aux termes de l'article 185 du Code civil du Bas-Canada, le mariage ne pouvait se dissoudre que par la mort naturelle d'un des époux. Ce principe était accepté par l'immense majorité des Québécois composée de catholiques; les protestants voulaient au contraire que le Parlement canadien puisse légiférer sur le divorce. D'où l'édit de l'article 91.26 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui donne une compétence exclusive au Parlement fédéral sur le mariage et le divorce. » (Beaudoin, Gérald-A., La constitution du Canada, Institutions, partages des pouvoirs, Droits et libertés, Montréal 1990, éditions Wilson et Lafleur 1990, p. 360).

Or, ce qui était indiqué en 1867 ne l'est plus aujourd'hui. La question religieuse n'ayant plus la même importance, il importe que nos lois reflètent la réalité. Notre recommandation ferait en sorte que les provinces pourraient avoir entière juridiction sur leur droit familial et légiférer dans ce domaine selon leur propre réalité sociale.

Nous nous permettons de citer encore une fois l'Honorable sénateur Beaudoin :

« Se pose alors la question de savoir si le domaine du mariage et du divorce ne devrait pas être remis aux provinces, permettant ainsi au Québec d'avoir un contrôle plus absolu sur son droit familial qui constitue une partie importante de son droit privé qui diffère de celui des autres provinces.

Certains auteurs croient qu'il y aurait avantage à laisser cette compétence à l'article 91. Ils trouvent paradoxal que l'on veuille décentraliser en ce domaine alors que les États-Unis semblent vouloir aller dans le sens de la centralisation et de l'uniformité des lois du divorce. Ils oublient peut-être que nous avons deux systèmes de droit au Canada et que les arguments qu'ils invoquent à l'appui de leur thèse perdent un peu de leur force dans une fédération hétérogène comme le Canada. » (Ibid., p. 366)

Dès la création du Comité, il nous est apparu évident que des problèmes d'ordre juridictionnel seraient omniprésents. Rappelons ici le mandat de ce Comité :

« Que soit formé un Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes chargé d'examiner et d'analyser les questions des ententes concernant la garde, les droits de visite et l'éducation des enfants après la séparation ou le divorce des parents. Plus particulièrement, que le Comité soit chargé d'évaluer le besoin d'une approche davantage centrée sur les enfants dans l'élaboration des politiques et des pratiques du gouvernement en droit de la famille, c'est-à-dire une approche qui mette l'accent sur les responsabilités de chaque parent et sur le besoin des enfants et leur meilleur intérêt, au moment de la conclusion des ententes concernant l'éducation des enfants. »

Nous avons participé à ce Comité parce que le sujet est très sérieux et important dans notre société et ce, particulièrement pour les personnes qui vivent des difficultés dans le processus d'un divorce ou d'une séparation de corps, mais ce n'est pas au gouvernement fédéral de légiférer en ce domaine, cela revient aux provinces. Qu'il suffise de comparer les provinces dans leur manière de traiter la politique familiale pour comprendre les différences significatives qui existent. Ainsi au Québec, notre droit civil fait en sorte que notre vision du droit de la famille diffère de celle du reste du Canada : rappelons le long débat qui a eu cours au Comité concernant la notion de meilleur intérêt de l'enfant, notion déjà inscrite dans le Code civil du Québec depuis plusieurs années.

Les parents et les enfants seraient donc beaucoup mieux servis par un droit familial entièrement sous la responsabilité des provinces.

Nonobstant notre position, il nous apparaît par contre important de souligner certains éléments :

1. Compte tenu que la grande majorité des cas de garde et de droit de visite se règlent à l'amiable, nous émettons de sérieuses réserves quant à la nécessité de légiférer pour contrôler l'ensemble des cas.

2. Il faut respecter les droits fondamentaux de tout individu, notamment leur droit à la vie privée.

3. Nous reconnaissons le principe du meilleur intérêt de l'enfant. En ce sens, l'enfant ne doit pas être victime des conflits de ses parents et il ne faut pas confondre son intérêt avec celui de ses parents ou de sa famille élargie.

4. La violence familiale existe et le danger est accru pour ses victimes lors de la séparation. La sécurité des enfants et de leurs parents doit donc être assurée. La grande majorité des études et des statistiques démontrent que ce sont les femmes qui sont le plus victimes de la violence familiale. Compte tenu de l'extrême difficulté à mettre au grand jour les situations de violence, nous nous questionnons sur la nécessité de référer à la violence « prouvée » (voir recommandation 16.11).

5. Les tribunaux ont la responsabilité de résoudre les cas conflictuels.

6. La très vaste majorité des parents veulent sincèrement le bien-être de leurs enfants : ils ne sont pas des bandits de grand chemin. Le recours aux sanctions, à la coercition et la rigidité excessive des obligations parentales ne nous apparaissent pas être des attitudes aidantes dans un processus qui, même dans les meilleures conditions, est toujours un processus difficile.

7. Bien que plusieurs témoins aient fait état de cas de fausses accusations de mauvais traitements, il importe de rappeler que le Code criminel prévoit déjà des dispositions sur le parjure. Avant de légiférer sur cette question, il est essentiel que des recherches visant à faire la lumière sur ces situations soient menées.

8. Alors que le Comité aurait dû mettre l'emphase sur les responsabilités parentales, nous devons reconnaître qu'il s'est plutôt transformé en guerre des sexes. La polarisation du sujet entre les pères et les mères est regrettable tout autant que la remise en question, par certains, des acquis des femmes, obtenus pourtant de longue lutte.

En résumé, voici la position du BQ sur les recommandations apparaissant dans le rapport :

Nous sommes contre les recommandations suivantes : 10, 19, 22, 23, 25, 26, 30, 43.

Nous sommes pour les recommandations suivantes : 1, 2, 15, 17, 37, 41, 42, 45, 47, 48.

Nous sommes partiellement en désaccord avec les recommandations suivantes : 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 27, 28, 29, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 38, 39, 40, 44.

Remerciements

Nous tenons à remercier tout le personnel du Comité pour la qualité de leur travail, spécialement les deux attachés de recherche Kristen Douglas et Ron Stewart, ainsi que les greffiers Catherine Piccinin et Richard Rumas. Nous tenons à remercier également toutes les personnes et tous les groupes qui ont pris de leur temps pour nous faire part de leurs points de vue. Enfin, nous adressons un remerciement particulier à madame Landon Pearson pour sa patience et ses efforts à assurer le bien-être des enfants.

Madeleine Dalphond-Guiral, députée de Laval-Centre

Caroline St-Hilaire, députée de Longueuil