SJNS Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE AMENDMENT TO TERM 17 OF THE TERMS OF UNION OF NEWFOUNDLAND
COMITÉ MIXTE SPÉCIAL CONCERNANT LA MODIFICATION À LA CLAUSE 17 DES CONDITIONS DE L'UNION DE TERRE-NEUVE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 24 novembre 1997
Le coprésident (M. Gerry Byrne (Humber—St. Barbe—Baie Verte, Lib.)): La séance est ouverte. Je vous remercie beaucoup d'assister à la sixième réunion du Comité mixte spécial concernant la modification à la clause 17 des conditions de l'Union de Terre-Neuve.
Chers collègues, nous avons un horaire très ambitieux aujourd'hui. Nous siégerons de 9 h 30 ce matin jusqu'à environ 9 heures ce soir, avec quelques pauses. Nous entendrons de nombreux témoins.
Au cours de nos délibérations, étant donné que les témoins se succéderont, je vous demanderais de poser des questions brèves, qui appellent des réponses brèves. Je vous demanderais d'être indulgents à mon égard puisque je devrai être strict. Je n'ai rien contre un député en particulier ou contre quelque question que ce soit. C'est simplement que beaucoup de députés veulent poser des questions.
Par conséquent, je vous demanderais de vous limiter à une seule question au cours de la première ronde. Si nous avons le temps par la suite, nous ferons un autre tour de table. Pour faire en sorte que tous les députés puissent poser une question et obtenir une réponse, je demande votre collaboration à cet égard.
Nous allons tout d'abord entendre la représentante de l'Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques, Mme Debbie Ward, qui en est la première vice-présidente. Je crois savoir qu'elle sera accompagnée par Mme Louise Irwin, membre du conseil d'administration.
Madame Ward.
Mme Debbie Ward (première vice-présidente, Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques): Bonjour. Je vous remercie de nous donner l'occasion de présenter un exposé sur cette importante question. Il s'agit d'une question qui touche tous les catholiques du pays et nous sommes heureux de pouvoir nous exprimer en leur nom.
Je suis commissaire d'école à Regina, en Saskatchewan, et Louise Irwin est directrice à Wellington, en Ontario. Nous sommes accompagnées de John Flynn, directeur exécutif de l'Association. Il vient de Brantford.
L'ACCEC est une organisation qui compte des représentants de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Ontario et de Terre-Neuve. Nous avons aussi des liens avec les parents catholiques du Québec. Bien que je ne sache pas le chiffre exact, au total, nous représentons plus de 300 000 familles catholiques du pays.
Vous avez tous reçu un exemplaire de notre mémoire, et nous espérons que vous prendrez le temps de le lire. Il n'est pas très long, mais nous apportons certains arguments qu'à notre avis, vous devriez considérer avant de prendre une décision au sujet de la résolution concernant d'autres propositions d'amendement à la clause 17. Les amendements en question ne manqueront pas d'influer sur les droits de la minorité catholique à Terre-Neuve et risquent de toucher tous les catholiques du Canada.
Je prendrai quelques minutes pour souligner les points saillants de notre mémoire. Premièrement, la tradition de l'enseignement catholique dans notre pays, et à Terre-Neuve en particulier, ainsi que le droit des parents de choisir cet enseignement.
L'enseignement catholique existait déjà au Canada avant la Confédération, et de nombreux parents le choisissent parce qu'ils souhaitent que leurs enfants soient éduqués d'une façon qui reconnaisse et valorise le côté spirituel de l'être humain. Il s'agit là d'un droit fondamental, le droit d'un groupe de personnes de choisir la forme d'éducation de leurs enfants.
La résolution dont vous êtes saisis concerne l'abolition de ce droit. La modification à la clause 17 prévoit des cours d'enseignement religieux qui ne sont pas propres à une religion en particulier et qui relèveraient de l'autorité de l'Assemblée législative.
Les parents catholiques de Terre-Neuve ont toujours eu la possibilité de faire éduquer leurs enfants dans les écoles catholiques où ce sont des experts en la matière qui prennent les décisions concernant les cours de religion. Ces experts respectent les voeux des parents et la position de l'Église. À la suite de la modification, il n'en serait plus ainsi.
Je souligne que l'enseignement catholique, c'est plus que l'instruction religieuse que reçoivent les élèves pendant la journée. La principale caractéristique de l'enseignement catholique, c'est que la religion n'est pas compartimentée. Elle imprègne toutes les facettes de la vie des élèves.
• 0940
Deuxièmement, nous sommes inquiets de la façon dont on se
sert de la Constitution. Et compte tenu de ce qui vient tout
juste de se passer au Québec, nous sommes d'autant plus inquiets.
En moins d'un an, le Parlement a été saisi de trois demandes de
modification de la Constitution. Deux ont été accordées, et vous
êtes en train d'étudier la troisième. Nous sommes étonnés, c'est
le moins qu'on puisse dire, de la façon dont on se sert de la
Constitution pour résoudre les problèmes. Comme nous le précisons
dans notre mémoire, si le droit à l'enseignement religieux a été
inscrit dans le pacte confédératif original, c'est pour qu'il ne
soit pas soumis aux caprices des assemblées législatives et des
gouvernements provinciaux.
Il y a moins d'un an, les autorités de Terre-Neuve ont demandé et obtenu que l'on modifie la clause 17 en vue d'apporter des changements au système scolaire de la province. La réforme est allée de l'avant, mais lorsque des problèmes sont survenus, le gouvernement provincial a résolu de les résoudre en demandant une autre modification de la clause 17. À notre avis, la Constitution n'a jamais été conçue pour être utilisée de cette façon. Le gouvernement fédéral a le devoir de s'assurer que la Constitution sert à garantir les droits de la minorité et non à les restreindre.
L'ACCEC ne souhaite pas se mêler des questions d'éducation relevant de l'une ou l'autre province. Nous pensons que les commissaires d'école et leurs homologues dans les provinces sont les personnes les mieux placées pour prendre les décisions au niveau local. Mais comme le problème de Terre-Neuve a été soumis au gouvernement fédéral, il a pris une perspective nationale qui nous inquiète beaucoup. Le troisième sujet que nous souhaitons aborder est celui des répercussions nationales.
Même si l'on nous a assurés à maintes reprises que la situation de Terre-Neuve est unique et sans rapport avec des dispositions analogues régissant les minorités dans d'autres provinces, le ministre des Affaires intergouvernementales a dit en avril 1997 que les deux dossiers, celui de Terre-Neuve et celui du Québec, étaient les mêmes et seraient traités de la même façon par le Parlement. En réalité, il ne s'agit pas d'une question portant uniquement sur l'enseignement dans une province. Si les droits constitutionnels des catholiques romains dans une province sont abolis, les droits analogues dans d'autres provinces sont en péril. En Ontario, peu après le dernier changement à la clause 17, le ministre de l'Éducation a laissé entendre que la même chose pourrait se produire dans sa province. Dans ma propre province, les changements survenus à Terre-Neuve n'ont pas manqué d'attirer l'attention des personnes qui souhaiteraient que l'on cesse de consacrer des fonds publics aux écoles séparées.
Enfin, nous nous préoccupons des droits des minorités. Comme je l'ai déjà dit, le droit à l'enseignement religieux a été inscrit dans le pacte confédératif original pour assurer leur protection. On ne souhaitait certainement pas que les droits ainsi protégés soient facilement abolis ou affaiblis, ou encore qu'on puisse les supprimer sans le net assentiment de la minorité visée. Cet aspect est au coeur du débat sur la situation à Terre-Neuve. Les minorités religieuses n'ont jamais été consultées. On ne leur a jamais demandé ce qu'elles souhaitaient. Il y a eu deux référendums, mais dans les deux cas, c'est l'ensemble de la population de Terre-Neuve qui a été appelé à voter. Un pourcentage important des minorités visées estiment que le processus et que la résolution ne représentent pas le consentement des minorités touchées.
Par définition, le droit d'une minorité existe même si la majorité s'y oppose, et la majorité ne peut elle-même le supprimer. Si une minorité n'est pas appelée à se prononcer sur la suppression d'un droit constitutionnel par un plébiscite limité à ce groupe, c'est au Parlement qu'il incombe de protéger ce droit.
En l'occurrence, nous sommes en présence d'un problème lié aux droits des minorités. Si le droit à l'enseignement religieux est aboli, tous les autres droits des minorités énoncés dans la Constitution sont menacés. Si les groupes religieux ne peuvent compter sur le Parlement pour protéger leurs droits à l'enseignement, alors d'autres groupes—les Autochtones, les minorités raciales, les groupes linguistiques, les personnes handicapées—ont tout lieu de craindre que leurs droits soient affaiblis ou limités si une majorité ou un gouvernement en vient à les juger dérangeants sur le plan politique.
En conclusion, je tiens à réitérer que l'Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques est convaincue que le Parlement du Canada a pour rôle de protéger les droits des minorités énoncés dans la Constitution. Ceux-ci ne sauraient être supprimés sans le net assentiment de la minorité visée. S'il existe quelque doute que ce soit au sujet de cet assentiment, le Parlement ne devrait pas autoriser l'amendement demandé. Il faudrait plutôt rejeter la résolution et mettre en oeuvre un processus légitime permettant de déterminer les voeux de la minorité touchée.
Je vous en prie, ne sous-estimez pas l'effet négatif qu'elle pourrait avoir sur des droits minoritaires analogues dans d'autres provinces, ou encore sur d'autres droits minoritaires enchâssés dans la Constitution. Sur le plan politique, c'est un fait que tout amendement à la Constitution relativement aux droits des minorités est considéré comme ayant une incidence sur tous les autres droits des minorités. La perte du droit aux écoles catholiques romaines à Terre-Neuve ne manquera pas d'inquiéter tous les parents dont les enfants fréquentent des écoles catholiques ailleurs au Canada. Veuillez prendre en compte ces répercussions possibles dans votre étude de la résolution.
• 0945
En conclusion, je vous remercie de nous avoir permis de
comparaître devant vous aujourd'hui. Nous sommes disposés à
répondre à toute question que vous pourriez avoir.
Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, madame Ward. J'apprécie le fait que votre mémoire soit succinct.
Nous allons passer à la période de questions. Encore une fois, je précise aux députés que nous devons procéder à une stricte répartition du temps.
Monsieur Goldring, c'est vous qui allez lancer la période de questions ce matin, suivi du sénateur Rompkey, suivi de M. Bélanger.
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie de votre présentation, et je vous poserai la question suivante. Votre organisation représente 60 000 familles dans la province de Québec. Combien de familles représentez-vous à Terre-Neuve? Les familles en question ont-elles été interrogées lorsque le gouvernement a fait un sondage au début de 1997 pour savoir s'il y avait des demandes pour l'éducation confessionnelle? Combien de ces parents ont présenté une demande pour le maintien de l'éducation confessionnelle au début de 1997?
M. John Flynn (secrétaire exécutif, Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques): Nous ne les représentons pas directement. Ils sont représentés par leur propre association, qui est affiliée à la nôtre.
Selon nos renseignements, cette association est composée d'environ 25 000 parents qui ont exprimé ce choix en particulier en février dernier lorsqu'il y a eu des élections au sujet du choix des écoles. Voilà l'information dont nous disposons.
M. Peter Goldring: Sur ces 25 000 parents, combien ont demandé le maintien de l'éducation confessionnelle dans le contexte du sondage mené par le gouvernement en mars et avril de 1997?
M. John Flynn: Je n'ai pas de chiffres précis, mais à ma connaissance, cela représentait environ 70 p. 100 des répondants.
M. Peter Goldring: Environ 70 p. 100?
M. John Flynn: Oui, si je me souviens bien, d'après les renseignements fournis par les résidants de Terre-Neuve.
M. Peter Goldring: Une majorité imposante de parents s'est donc prononcée en faveur de ce régime d'éducation.
M. John Flynn: Un nombre imposant de parents catholiques romains ont fait ce choix lorsqu'il leur a été soumis.
M. Peter Goldring: Merci.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Sénateur Rompkey.
Le sénateur William Rompkey (North West River, Labrador, Lib.): J'ai deux questions. La première concerne votre déclaration, selon laquelle les parents ont le droit de choisir et d'orienter l'éducation de leurs enfants.
D'après certains témoins—avec lesquels je suis d'accord—les parents ont maintenant davantage de pouvoir qu'ils n'en avaient auparavant. Ils sont habilités à élire les conseils scolaires, ce qu'ils ne pouvaient faire avant. Ils peuvent aussi choisir l'école que fréquenteront leurs enfants et ils peuvent les retirer des classes où l'on dispense des cours qui, à leur avis, ne conviennent pas à leurs enfants.
L'autre jour, on nous a aussi dit que les parents avaient le droit et la possibilité, s'ils le désirent, de demander à ce que l'école dispense des cours dans certaines confessions religieuses précises ou au sujet de celles-ci, si tant est que les parents et les administrateurs de l'école le souhaitent.
On a cité l'exemple de la localité de Conche, un endroit que vous ne connaissez certainement pas. Il est situé dans la péninsule nord de Terre-Neuve. On ne s'entend pas exactement sur le pourcentage des catholiques à cet endroit, mais ils constituent la majorité. Ce qu'on a soutenu, c'est que si ces gens souhaitent avoir un cours d'enseignement catholique à l'école, alors ils peuvent le demander. Si les administrateurs de l'école souhaitent l'offrir, ils peuvent le faire.
Il me semble que les parents ont donc un pouvoir et une influence considérables. Je me demande si vous êtes d'accord.
Mme Debbie Ward: Deux aspects m'inquiètent. J'aimerais en parler et je suis convaincue que John voudra le faire également.
L'enseignement catholique, c'est bien davantage qu'un cours de religion. C'est quelque chose qui caractérise toutes les classes de l'école. Même si on peut donner un cours de religion catholique, on n'a pas du fait même une école catholique. Les enfants n'auront pas à ce moment-là l'occasion qui leur a été donnée jusqu'à maintenant. Voilà le premier aspect qui m'inquiète.
Le sénateur William Rompkey: Savez-vous également que la nouvelle clause 17 accorde le droit à l'observance et aux cérémonies religieuses dans les écoles? Les parents peuvent le demander. C'est garanti dans la mesure législative. Êtes-vous au courant?
Mme Debbie Ward: Je comprends cela, en effet.
Le sénateur William Rompkey: Merci beaucoup. J'ai une autre question, mais il se peut que je ne puisse pas la poser.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Pourrions-nous la réserver pour le deuxième tour sans trop vous faire perdre vos idées?
Le sénateur William Rompkey: Certainement.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Tout au long de votre mémoire, vous revenez sur la même question en changeant de vocabulaire. J'aimerais certaines précisions justement au sujet de ce vocabulaire. Par exemple, à la page 2, vous dites que la possibilité pour les parents de choisir pour leurs enfants une école fondée sur la religion est un droit reconnu au Canada. Ensuite, vous parlez dans la prochaine phrase de droits fondamentaux. Plus loin, vous dites que ces droits sont des droits relatifs à l'éducation et des droits des minorités.
Je pense que vous avez tort dans chaque cas. D'après moi, la Cour suprême n'est pas d'accord avec vous pour dire qu'il s'agit de droits fondamentaux. Elle les qualifie de privilèges et de droits confessionnels dans des termes comparables à ceux de l'article 93 de l'AANB.
D'autres témoins ont convenu également que cette question n'en était pas une qui avait trait aux droits des minorités. Si une minorité jouit d'un droit, on peut supposer qu'il y a quelque part une majorité. Pourriez-vous s'il vous plaît me dire quelle est cette majorité?
Pour ce qui est des droits relatifs à l'éducation, c'est la première fois qu'il en est question. Il n'est pas question ici de droits à l'éducation, nous parlons de privilèges ou de droits confessionnels. Il me semble malheureux que vous reveniez constamment là-dessus.
Je dois vraiment m'inscrire en faux également contre votre déclaration selon laquelle le Parlement du Canada menace tous les droits des minorités inscrits dans la Constitution s'il répond favorablement à la requête de Terre-Neuve. Qu'est-ce qui vous permet d'affirmer cela? Les francophones de Terre-Neuve n'ont certainement pas l'air d'être d'accord. Ils semblent très contents du fait que Terre-Neuve leur reconnaît enfin leurs droits en matière d'éducation aux termes de l'article 23 de la Charte. Ils ont même refusé de comparaître devant nous puisqu'ils estiment que tout va pour le mieux. Au nom de qui parlez-vous donc lorsque vous affirmez que tous les autres droits des minorités—en matière d'éducation, de langue, de race, etc.—sont en péril?
Il me semble que votre pensée n'est pas très claire en matière de droits. Vous vous dispersez. Voulez-vous donc s'il vous plaît m'aider à comprendre ce que vous tentez de dire?
M. John Flynn: Je vous remercie de cette question. Je ne vais pas entreprendre avec vous une discussion sur l'aspect juridique puisque nous ne sommes évidemment pas compétents pour le faire.
Comme parents, nous avons des responsabilités et des droits pour ce qui est de l'éducation de nos enfants. C'est cela que nous affirmons. Comme vous le soulignez, ces droits sont qualifiés de droits confessionnels. Ce sont des droits confessionnels qui ont une incidence sur des droits relatifs à l'éducation puisque c'est ce genre d'éducation que nous fournissons—une éducation confessionnelle. C'est à cela que les droits sont liés. À notre avis, ils sont fondamentaux. Rien ne peut être plus fondamental que ce qui constitue l'essence même de la famille.
Lors des audiences du Sénat au sujet de la version précédente de la modification, on a fait valoir le lien qui existait avec d'autres droits, notamment ceux d'autres minorités partout au Canada. Nous citons le témoignage pertinent en annexe. Il ne s'agit pas d'une citation textuelle, mais cela correspond certainement à une déclaration faite à l'époque par celui qui était le chef des peuples autochtones du Canada.
Il a fait valoir son point de vue devant le comité du Sénat qui étudiait la proposition antérieure de Terre-Neuve. D'autres personnes qui pensaient avoir des droits au Canada, les personnes handicapées, etc., nous ont déclaré qu'elles étaient fort sensibles à un tel argument. Il a déclaré qu'il fallait s'interroger sur l'intégrité, la validité et la crédibilité des droits des Autochtones, quels qu'ils soient et quelle que soit leur place dans la Constitution, si on permet l'extinction d'autres droits qui figurent dans la Constitution.
• 0955
Voilà ce que nous voulons dire, en réalité. Nous estimons
qu'on ne peut pas tout simplement abolir un droit par le biais de
la Constitution, qu'il s'agisse ou non d'un droit à l'éducation
confessionnelle. Nous estimons qu'il s'agit là d'un droit
fondamental pour les parents, le droit de choisir le genre
d'enseignement, car ils sont les premiers éducateurs. Je trouve
dommage de supprimer un tel droit.
Si ces droits ont été inscrits dans la Constitution en 1867 et, par la suite, en 1949 pour Terre-Neuve, c'est certainement pour une raison précise. On les y a inscrits parce qu'on estimait qu'ils méritaient d'être protégés. Nous demandons donc au Parlement de les protéger.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Nous passons maintenant à M. Brien, qui sera suivi du sénateur Kinsella, de M. Pagtakhan et de Mme Caplan, après quoi nous reviendrons à M. Rompkey si nous en avons le temps.
[Français]
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Vous dites à la page 4 de votre mémoire que plusieurs de vos membres se sont plaints de ce que le processus était injuste. J'aimerais que vous expliquiez cette affirmation.
Mme Louise Irwin (membre du conseil d'administration, Association canadienne des commissaires d'école catholique): Comme je suis la seule Canadienne française du groupe, je vais répondre à votre question.
Les parents de Terre-Neuve ont trouvé le processus injuste parce que tout le monde a été inclus dans le référendum. On ne demandait pas spécifiquement aux parents catholiques: Voulez-vous renoncer à vos droits à une éducation catholique?
Il va sans dire que si on demande aux gens de voter sur un droit spécifique, surtout un droit minoritaire, la majorité va gagner. Donc, il n'y avait pas de question spécifique. La question n'a pas été posée aux parents qui avaient des droits d'éducation religieuse, qu'ils soient catholiques, pentecôtistes ou d'une autre religion.
[Traduction]
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
À vous maintenant, sénateur Kinsella.
Le sénateur Noel A. Kinsella (Frederiction—York—Sunbury, PC): Merci, monsieur le président, et merci à vous, les témoins. D'une part j'aimerais savoir plus précisément qui est le porte-parole de la catégorie de personnes qui sont des catholiques et, deuxièmement, j'aimerais savoir comment on pourrait comparer un cours de religion donné par l'État et un programme d'enseignement religieux catholique.
Pour ce qui est de ma première question, dans quelle mesure l'évêque catholique d'un diocèse parle-t-il au nom des catholiques de ce diocèse? Par exemple, est-ce l'évêque qui détermine le contenu de l'enseignement religieux? Est-ce lui qui détermine la doctrine de l'Église en se fondant sur des résultats de référendums ou des sondages? Nous devons savoir dans quelle mesure l'évêque parle au nom de la catégorie de personnes dont les droits sont protégés à l'heure actuelle en vertu de la Constitution.
Ma deuxième question a rapport—et vous en avez parlé aux pages 2 et 3 de votre mémoire—à l'enseignement religieux offert par l'État qui serait conçu, si j'ai bien compris, comme une sorte de cours multiculturel visant à refléter les diverses confessions de la société canadienne, ce qui, à mon avis, est fort louable. Selon vous, jusqu'à quel point un cours conçu par l'État entrerait-il en conflit avec l'enseignement religieux catholique?
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Deux questions ont été posées. Je vous serais reconnaissant de répondre aux deux questions simultanément.
M. John Flynn: Dans l'Église catholique, l'évêque est le principal responsable de l'enseignement de la religion catholique dans son diocèse et il exerce certainement une très forte influence pour ce qui est de veiller à ce que le contenu doctrinal des cours et du matériel pédagogique soit conforme aux enseignements de l'Église. Bien entendu, il serait de ce fait conforme aux voeux des parents également.
• 1000
Ce n'est pas l'évêque lui-même qui rédigerait les documents.
Ce seraient des experts et des enseignants du domaine qui
assureraient l'élaboration des programmes, mais c'est
certainement l'évêque qui aurait le dernier mot à dire dans le
choix des concepteurs du programme.
Si le programme est conçu par l'État—du fait que l'Assemblée législative «doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier»—alors il nous semble fort probable que certains éléments du cours iraient à l'encontre de ce que souhaiteraient la majorité des évêques catholiques romains ou de ce que les parents voudraient qu'on enseigne à leurs enfants dans leurs écoles.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur Flynn.
Nous allons maintenant passer à M. Pagtakhan, qui sera suivi de Mme Caplan.
M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.): Merci, monsieur le président.
Vous avez souligné que les parents catholiques canadiens souhaitent que leurs enfants reçoivent une éducation qui célèbre la dimension spirituelle de la personne, tout en reconnaissant et en acceptant volontiers que leur éducation englobe également les aspects laïcs. J'appuie une telle approche, qui est fort louable.
Vous avez dit plus tard que vous vous inquiétiez du fait que la modification ait aussi un effet sur d'autres droits des minorités. N'êtes-vous pas rassurés du fait que la Charte des droits et libertés existe et qu'elle protégera les droits des minorités? Avons-nous vraiment à craindre que les droits des minorités soient touchés puisque la Charte des droits et libertés les garantit?
M. John Flynn: Je comprends tout à fait ce que vous êtes en train de dire. Cependant, nous avons malheureusement dû constater, en Ontario par exemple, que la Charte des droits et libertés a plutôt servi à supprimer l'enseignement religieux d'une religion particulière dans les écoles publiques. Si on ne l'a pas fait pour les écoles catholiques, comme ce fut le cas en Ontario, en Alberta et au Québec, c'est que les écoles confessionnelles catholiques sont protégées, aux termes de la Constitution, contre la disposition pertinente de la Charte des droits et libertés. Si l'on supprime cette protection constitutionnelle, alors il y a possibilité de contestations aux termes de la Charte, et ce qui est arrivé en Ontario risque de se produire à Terre-Neuve et ailleurs également.
Comme résultat, on assurerait la liberté de religion et ainsi de suite, mais cette liberté, pour un certain nombre de familles catholiques, consisterait à se faire dire qu'on ne peut leur fournir d'enseignement religieux ou leur en fournir un dans des écoles que fréquentent des enfants qui contestent l'enseignement religieux.
Voilà un des problèmes éventuels qui n'est pas traité dans la proposition. Il y est question d'un enseignement qui ne vise pas une religion en particulier et de l'observance d'une religion. Qu'arrivera-t-il donc lorsqu'une famille contestera l'observance d'une religion dans une école en s'appuyant sur la Charte?
Selon ce qui s'est passé en Ontario, il se peut très bien qu'une telle contestation aboutisse, ce qui voudrait dire la fin de toute observance religieuse dans cette école. C'est ce qui s'est passé en Ontario. C'est l'expérience que nous avons vécue dans cette province et c'est pourquoi nous sommes inquiets.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur Flynn.
Madame Caplan.
Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Merci beaucoup.
Selon certains témoignages entendus par le comité, le débat dure depuis environ huit ans à Terre-Neuve et Terre-Neuve est la seule province canadienne et un des seuls endroits en Amérique du Nord où il n'y a pas d'école publique.
Les Terre-Neuviens ont débattu à fond de la question. Ils l'ont fait de façon impartiale, nous a-t-on dit, et, en fin de compte, après non seulement un débat mais des référendums, il y a eu vote unanime à l'Assemblée législative de Terre-Neuve.
Pour ce qui est de savoir qui parle au nom des collectivités, pouvez-vous expliquer pourquoi chaque député, quel que soit le parti, qui représente les diverses collectivités, même celles où, comme vous l'avez décrit, les minorités étaient en majorité, si vous me permettez, a accordé son appui à la demande qui est devant nous aujourd'hui?
M. John Flynn: Nous reconnaissons certainement que l'Assemblée législative de Terre-Neuve a voté et qu'elle a voté d'une certaine façon. Cependant, d'après ce que nous disent nos gens à Terre-Neuve, la question n'était pas aussi tranchée que le laisse entendre la députée. Il est certain que, dans l'ensemble, les résultats semblent fort probants.
Si la question revêtait une telle importance, nous nous demandons pourquoi le gouvernement de Terre-Neuve n'a pas posé la question directement aux catholiques, et à l'autre groupe également, en leur disant pourquoi il souhaitait qu'ils renoncent à leurs droits en matière d'éducation, à leurs écoles, plutôt que de la poser dans le cadre d'un référendum général que ces groupes ne pouvaient faire autrement que perdre? Si on avait demandé aux groupes concernés de s'exprimer, comme on aurait dû le faire, quel aurait donc été le résultat?
Nous soutenons qu'il ne s'agit pas d'une question claire et nette, certainement pas suffisamment claire et nette pour qu'on envisage une mesure aussi importante qu'une modification de la Constitution. Pour modifier la Constitution, il faut certainement une preuve absolue, irréfutable. Or, telle n'est pas la situation selon nous.
Mme Elinor Caplan: Comme brève question supplémentaire, permettez-moi de vous demander si vous laissez entendre que les gens de Terre-Neuve n'ont pas compris l'enjeu de la question qui leur était posée, qu'il s'agisse de la majorité ou des gens de votre groupe.
M. John Flynn: D'après nos discussions avec les gens de Terre-Neuve à ce sujet, nous pouvons dire qu'ils n'en comprenaient pas complètement toutes les conséquences. C'est ce que nous pensons, d'après les renseignements dont nous disposons.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, madame Caplan.
Passons maintenant au sénateur Rompkey.
Le sénateur William Rompkey: Je trouve intéressant de vous entendre dire que les gens n'ont pas compris complètement la question. Il m'a semblé que la question était fort claire et fort simple. Je prétends pour ma part que la plupart des gens l'ont non seulement bien comprise, mais ont voté clairement à cet égard.
Pour ce qui est des droits des minorités, c'est le sujet de ma question, vous dites que de tels droits ne doivent pas être modifiés à moins que la volonté de la population ne soit clairement établie.
Soutenez-vous donc que la volonté de la population n'a pas été clairement établie? D'après les témoignages que nous avons reçus, non seulement une majorité de 73 p. 100 a voté en faveur de la modification lors du référendum, mais—et personne n'a contesté cela à ma connaissance—la très grande partie des gens dans les districts où les catholiques sont en majorité a également voté en faveur de la proposition. J'estime donc que la volonté de la population, y compris celle des minorités, a été exprimée clairement.
Ma question porte en réalité sur cet effet d'entraînement qui vous inquiète. Vous dites que si une minorité est touchée, d'autres minorités risquent de l'être également. Vous avez parlé des Autochtones.
M. Flynn a cité le chef Mercredi, je crois. Cependant, je dois dire à M. Flynn que le témoignage des groupes autochtones de Terre-Neuve et du Labrador ne coïncidait pas nécessairement avec celui du chef Ovide Mercredi. Certains groupes autochtones de Terre-Neuve qui ont témoigné nous ont même déclaré que leurs droits et leurs pouvoirs seraient plus considérables aux termes de la nouvelle clause 17 que de l'ancienne. Ils n'ont jamais eu d'écoles autochtones à Terre-Neuve mais, avec la nouvelle clause 17, les groupes autochtones de Terre-Neuve obtiennent le droit d'avoir leurs propres écoles, tout comme la minorité française de Terre-Neuve a ses propres commissions scolaires et aura désormais ses propres écoles.
Je me demande sur quoi vous vous appuyez pour supposer que, du fait que le droit d'une minorité donnée est touché, il risque d'y avoir un effet d'entraînement sur les droits d'une autre minorité comme les Autochtones. En effet, rien ne permet de le supposer dans le cas de notre province.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, sénateur Rompkey.
La question a été posée. Les témoins sont-ils en mesure d'y répondre?
M. John Flynn: Évidemment, il serait difficile de trouver des preuves dans un sens ou dans l'autre.
En réalité, c'est une question de point de vue. À votre avis, si on modifie, à la hausse ou à la baisse, les droits d'un groupe donné dans la Constitution, alors les droits d'autres personnes visées par la même Constitution risquent d'être touchés d'une façon ou d'une autre. Quelqu'un ayant peut-être une raison particulière de s'intéresser à ces autres droits pourra se sentir plus habilité à le faire. C'est notre sentiment partout au Canada.
J'accepte bien humblement la correction que vous faites au sujet de la population de Terre-Neuve. J'ai toujours cru que l'éducation des Autochtones relevait du fédéral et non pas du provincial, et je suis donc heureux de constater que Terre-Neuve va s'y intéresser. D'autres provinces voudront peut-être le faire également. Ce serait intéressant.
Quels que soient les droits éventuels, il sera intéressant de voir les résultats si la modification proposée est adoptée. Que diront donc ou que feront donc les personnes qui, dans d'autres provinces, ont un certain pouvoir en matière de droits à l'éducation des minorités? Nous nous demandons s'ils ne se sentiront pas habilités à comparaître devant vous pour demander la même chose que Terre-Neuve. Voilà ce qui nous inquiète. C'est un point de vue.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci, monsieur Flynn.
Monsieur DeVillers, avez-vous une question?
M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Oui. Merci, monsieur le président.
Estimez-vous que, pour un groupe ou des groupes dont les droits sont protégés par la Constitution, il conviendrait de modifier ces droits ou de les abolir dans la mesure où il est clair qu'une majorité de ce groupe est d'accord?
Mme Debbie Ward: Une majorité du groupe minoritaire?
M. Paul DeVillers: Oui.
Mme Debbie Ward: Oui, je...
M. Paul DeVillers: Ainsi, votre opposition dans le cas présent ne porte que sur le fait que vous n'êtes pas convaincus qu'une majorité des minorités ou des groupes visés... puisque nous sommes en présence d'un certain nombre de groupes ayant des droits à l'enseignement confessionnel qui représente à peu près 97 p. 100 de la population de Terre-Neuve. Or, selon votre interprétation, il n'a pas été prouvé qu'ils ont voté majoritairement et c'est pourquoi vous vous opposez à la résolution. N'est-ce pas? Ai-je bien compris?
Mme Debbie Ward: C'est exact.
M. Paul DeVillers: Merci.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): C'est maintenant M. Goldring qui prendra la parole; il sera suivi de M. Pagtakhan. De plus, je tiens à signaler la présence parmi nous d'un représentant de l'Association des commissaires d'écoles catholiques de l'Ontario. À cause d'un léger chambardement du programme, nous allons entendre ces témoins à 10 h 30, de sorte qu'à la fin des questions, après les interventions de M. Goldring et de M. Pagtakhan, je vais justement demander aux représentants de cette association de comparaître.
Monsieur Goldring.
M. Peter Goldring: Merci, monsieur le président.
J'aimerais poursuivre sur la lancée de ma question précédente. D'après ce que j'ai compris, 50 000 catholiques romains ont signé, il y a trois ou quatre ans, une pétition demandant le maintien de leur enseignement confessionnel catholique. Au début de 1997, quelque 24 000 étudiants ont été inscrits à l'enseignement confessionnel par les catholiques. En juin 1997, la première question référendaire était rendue publique. Cependant, elle ne donnait pas de précision sur la suppression de l'enseignement confessionnel. Ainsi, pour ce qui est de la clarté de la question finale rendue publique une semaine avant le référendum, estimez-vous qu'il n'y a pas eu suffisamment de temps pour expliquer clairement la situation aux électeurs?
M. John Flynn: Encore ici, nous nous fondons sur les renseignements reçus. Nous n'étions pas à Terre-Neuve. Nos activités ne se déroulent pas à Terre-Neuve, mais nous étions certainement bien au fait de la situation. Autrement dit, j'estime que nous avons tenté d'obtenir autant d'informations que possible.
Il nous semble bien que, pour bien faire les choses, on ne tient pas un référendum sur la question scolaire le premier lundi de septembre, ou au début de septembre, immédiatement après les vacances d'été au cours desquelles les administrations ont été inactives, les parents absents, etc. Pour bien faire les choses, pour mettre en place un processus rigoureux et inattaquable, il faut se demander ce qu'on veut savoir au juste, à qui on veut poser la question, et quelle est cette question. Commençons par préciser la question, puis posons-la de façon rigoureuse, ouverte et indépendante, dans un climat de sérénité. Alors, nous allons vraiment savoir ce que les gens veulent.
• 1015
L'ensemble du processus par lequel on a voulu déterminer ce
que voulait la population semble très clair. Évidemment, dans ce
genre d'enquête, on peut faire tout ce que l'on veut, comme vous
le savez tous. Cependant, si on avait voulu déterminer exactement
ce que la population catholique de Terre-Neuve voulait faire de
ses écoles—si elle souhaitait remettre ses droits scolaires
entre les mains du gouvernement, si elle voulait des écoles
interconfessionnelles ou non confessionnelles, compte tenu des
risques dont nous avons parlé—alors on aurait dû poser la
question aux parents concernés.
M. Peter Goldring: Ainsi, pour clarifier les choses, pouvez-vous expliquer comment il se fait que 50 000 personnes aient soutenu fermement l'enseignement confessionnel il y a trois ans, que 24 000 étudiants aient soutenu fermement l'enseignement confessionnel en mars de la présente année alors que, le jour du référendum, un tel soutien ne semble pas avoir existé? Pouvez-vous m'expliquer cela?
M. John Flynn: Il me faudrait spéculer sur ce que les gens pensaient, sur la position de ceux qui n'ont pas voté, sur la préparation des électeurs, sur l'information dont ils disposaient. Il y a tellement de facteurs que tout devient très nébuleux et c'est pourquoi nous prétendons que, devant un tel manque de clarté, devant un résultat si indéterminé, il nous semble inopportun, c'est le terme que nous utilisons dans notre mémoire, de modifier la Constitution. La Constitution mérite certainement davantage de respect, nous semble-t-il.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur Flynn.
Monsieur Pagtakhan.
M. Pagtakhan: Merci, monsieur le président.
Je crois qu'il mérite d'être signalé que notre Constitution, à laquelle la clause 17 a été intégrée, prévoit également un processus de modification de la Constitution qui vise à tenir compte de la volonté populaire à telle ou telle époque. Autrement dit, même nos ancêtres et les auteurs de la Constitution avaient reconnu que des changements seraient peut-être nécessaires à l'avenir.
La semaine dernière, des témoins ont déclaré que la nouvelle clause 17 permettrait à la demande des parents des cours d'enseignement religieux et l'observance religieuse. Lorsque la présente modification sera adoptée, une telle protection sera constitutionnalisée à nouveau. Ainsi, la modification n'amoindrira pas la protection.
Je partage l'objectif de votre association et je suis convaincu qu'il sera réalisé grâce à la nouvelle clause 17. N'êtes-vous pas également convaincus que la nouvelle clause 17 proposée correspondra à la mission de votre association, à savoir le fait d'assurer une éducation laïque aussi bien que spirituelle à l'élève?
M. John Flynn: Non, nous ne sommes pas convaincus que la nouvelle clause 17, tout au moins selon le libellé que nous connaissons, permettra de réaliser cet objectif. Elle permettra l'éducation laïque à Terre-Neuve. Elle permettra l'éducation laïque dans le cadre d'un programme d'enseignement confessionnel fourni ou orienté par le gouvernement, et non pas lié à une religion en particulier.
L'enseignement religieux sera exposé à des contestations fondées sur la Charte. Ces contestations auront des résultats et nous estimons que, si les choses se passent comme dans d'autres provinces, c'est le cas des écoles publiques en Ontario, alors, à relativement brève échéance, il y aura très peu d'activité religieuse dans toutes les écoles de Terre-Neuve.
Voilà ce que signifie l'éducation laïque, et cela voudra dire que, pour un certain nombre de parents de Terre-Neuve—qu'il s'agisse de 20 000, de 50 000 ou de 24 000—l'enseignement religieux qu'ils souhaitent donner à leurs enfants dans les écoles ne sera plus disponible. Comme parents, c'est ce type d'enseignement qu'ils veulent leur donner, et ils ont la responsabilité de s'efforcer de le faire.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur Flynn.
Puisque je constate qu'il n'y a plus de questions, je vous signale que l'Association des administrateurs des écoles catholiques de l'Ontario est prête à comparaître. J'ajouterai également que MM. Brendan Doyle et Wayne Noseworthy, de l'Association des enseignants de Terre-Neuve et du Labrador, sont avec nous. Leur comparution sera retardée à cause du conflit d'horaire. Je tiens à les remercier de leur patience.
Sénateur, à vous le mot de la fin.
Le sénateur William C. Doody (Harbour Main—Bell Island, PC): Merci, monsieur le président. Certaines personnes se sont montrées étonnées, ou tout au moins dubitatives, devant l'appui accordé par les catholiques de Terre-Neuve à un système scolaire catholique, compte tenu des résultats du vote. J'ai pour ma part l'impression que bon nombre de catholiques et d'autres Terre-Neuviens, à la lecture de la question... je cite:
-
Appuyez-vous un système scolaire unique où tous les enfants,
quelle que soit leur appartenance religieuse, fréquentent les
mêmes écoles qui offriront la possibilité d'un enseignement
religieux et de l'observance d'une religion?
Je soutiens que bon nombre de gens ont voté en s'imaginant qu'ils allaient obtenir le même enseignement religieux que celui dont ils bénéficient à l'heure actuelle dans leurs écoles. Dans la question, on dit «fréquentent les mêmes écoles qui offriront la possibilité d'un enseignement religieux et de l'observance d'une religion». Il me semble donc qu'ils ont voté non pas contre, mais en faveur de l'enseignement religieux.
Or, la nouvelle modification constitutionnelle est fort différente. Elle ne reflète pas fidèlement la question posée aux électeurs. Elle est fort différente. On y parle d'un enseignement qui «ne vise pas une religion en particulier». Si ce libellé avait fait partie de la question, j'ai bien l'impression que le résultat du référendum aurait été fort différent.
J'aimerais vos commentaires à ce sujet.
M. John Flynn: Nous sommes d'accord.
Mme Debbie Ward: En effet. Il n'y a pas grand-chose d'autre à dire. Les gens n'ont pas vraiment compris. Selon moi, ils ont compris pourquoi ils votaient, mais ils n'ont pas compris quelle allait être la prochaine étape.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci, madame Ward. Nous vous sommes très reconnaissants. Nous vous remercions de votre comparution. Vos commentaires liminaires ont été fort brefs et vos réponses aux questions fort astucieuses.
Puisque les membres du comité n'ont plus de questions à poser, nous allons vous dire au revoir et vous remercier encore une fois, au nom de tous les membres du comité, d'avoir comparu devant nous.
Mme Debbie Ward: Merci beaucoup de nous en avoir donné l'occasion. Nous vous en sommes reconnaissants.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je passe maintenant rapidement à l'Association des administrateurs des écoles catholiques de l'Ontario. Comparaissent devant nous aujourd'hui M. Patrick Daly, président, M. Patrick Slack, directeur exécutif, et M. Arthur Lamarche, directeur régional.
Monsieur Daly, en votre qualité de président de l'Association des administrateurs des écoles catholiques de l'Ontario, c'est vous, je suppose, qui allez être le premier à prendre la parole aujourd'hui. Veuillez donc nous présenter votre mémoire, après quoi nous passerons à la période de questions.
M. Patrick J. Daly (président, Association des administrateurs des écoles catholiques de l'Ontario): Je tiens tout d'abord à remercier les membres du comité. Je suis heureux tout comme M. Lamarche, notre directeur régional, qui est également administrateur du Conseil des écoles séparées catholiques de Carleton, et M. Patrick Slack, le directeur exécutif de notre association, de présenter notre mémoire au comité.
Fondée en 1930, l'Association des administrateurs des écoles catholiques de l'Ontario représente 53 conseils scolaires catholiques. Ensemble ces conseils assurent l'éducation de plus de 600 000 étudiants, depuis la pré-maternelle jusqu'à la 12e année. Il s'agit du plus important système scolaire confessionnel minoritaire au Canada.
• 1025
Les conseils scolaires catholiques et leurs écoles ont pour
mission de créer un groupe confessionnel où l'instruction
religieuse, la pratique religieuse, la formation des valeurs et
le développement de la foi font intégralement partie de tous les
aspects du programme. Nous nous y conformons en enrichissant et
en appliquant d'une façon qui nous est propre le programme du
ministère de l'Éducation et de la Formation de l'Ontario.
Avec la résolution de Terre-Neuve, le Canada en est à une étape critique de son histoire, selon nous. Notre association est reconnaissante de l'occasion qui lui est donnée de présenter son mémoire au Comité spécial mixte sur la modification de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve.
Aux pages 3 et 4 de notre mémoire, nous décrivons les droits fondamentaux des parents en matière d'éducation. Il est affirmé dans la déclaration des droits de l'enfant des Nations unies de 1959 que c'est toujours l'intérêt de l'enfant qui doit guider ceux qui sont responsables de son éducation et de son orientation. Il y est précisé de façon non équivoque que cette responsabilité revient en tout premier lieu à ses parents.
La responsabilité première pour ce qui est de l'éducation des enfants revient donc aux parents. Or, pour qu'ils puissent exercer leur responsabilité, les parents doivent jouir des droits correspondants.
La déclaration des Nations unies affirme plus loin que les parents ont le droit de choisir le genre d'éducation que recevront leurs enfants. Les milieux éducatifs catholiques reconnaissent depuis longtemps ce principe puisque le système d'éducation catholique repose sur les piliers de la famille, de l'école et de la paroisse, la priorité étant cependant donnée à la famille.
Ces deux déclarations des Nations unies tout comme le système d'éducation catholique romain traditionnel n'accordent pas à l'État la primauté pour ce qui est de l'éducation des enfants, mais considèrent plutôt que le rôle est de soutenir les efforts des parents dans ce domaine et de répondre à leurs désirs. Le système scolaire doit donc appuyer et confirmer les valeurs, les traditions et les croyances de la famille. Cette conception des rôles respectifs de l'État et de la famille prend de plus en plus d'importance dans notre société contemporaine.
Chaque famille peut s'attendre à une aide différente de la part de l'État. Certaines familles souhaitent un système scolaire laïc pour leurs enfants et d'autres, un système qui repose sur des théories et des pratiques éducatives données. Bon nombre de parents sont toujours favorables à un système d'éducation qui renforce les valeurs et les croyances de la famille. Notre association appuie les aspirations légitimes non seulement des parents catholiques romains, mais aussi de tous les parents lorsque leur nombre justifie un accueil favorable de l'État à leur demande.
C'est dans ce contexte que l'Association des administrateurs des écoles catholiques de l'Ontario et que les conseils scolaires catholiques qui en sont membres, lesquels représentent les parents et les autres électeurs de la communauté catholique de l'Ontario, s'efforcent d'offrir un genre d'éducation qui crée un milieu d'apprentissage qui reflète nos croyances et qui renforce les valeurs enseignées à la maison.
À la page 5 de notre mémoire, nous exposons les droits des parents catholiques romains. Nous croyons que ces droits sont au coeur de la question que le comité étudie.
C'est à titre de représentants de ces parents que nous vous présentons cet exposé au nom des administrateurs d'écoles catholiques de l'Ontario. Nous voulons que les écoles catholiques de l'Ontario reflètent leurs valeurs et leurs désirs. Or, les parents catholiques de l'Ontario et nous, qui sommes leurs représentants, estimons que la modification que le gouvernement du Canada souhaite apporter à la clause 17 des conditions d'union de Terre-Neuve avec le Canada compromet sérieusement notre capacité à accomplir notre mission.
Cette modification ne menace pas seulement les parents catholiques et les parents des autres confessions religieuses de Terre-Neuve et du Labrador. Les parents catholiques de l'Ontario estiment que les droits mêmes énoncés dans les déclarations des Nations unies, des droits garantis par la Constitution du Canada et confirmés par les traditions de notre Église, sont également gravement compromis.
Quels que soient les précédents juridiques qui pourront découler de l'adoption de cette modification constitutionnelle, il ne fait aucun doute qu'elle aura un effet profond sur la culture politique et sociale au Canada. Elle aura un effet non seulement sur les droits à l'éducation des minorités, mais sur les droits minoritaires de n'importe quelle catégorie de personnes qui sont protégés par la Constitution du Canada.
• 1030
À toutes fins utiles, les parents de Terre-Neuve et du
Labrador qui ont joui jusqu'ici du droit à ce que leurs enfants
fréquentent des écoles catholiques se verront maintenant en
grande partie privés de ce droit. Ce droit leur sera enlevé non
pas parce qu'ils y ont acquiescé, mais simplement parce que la
majorité de leurs concitoyens ont décidé par vote qu'on devrait
le leur enlever à la suggestion du gouvernement provincial.
À la page 6 de notre mémoire, nous décrivons en détail ce qu'est une école catholique romaine. Compte tenu de la question qui a été posée aux citoyens lors du référendum, nous accordons de l'importance à cette description. Il ne faudrait pas s'y méprendre: malgré les dénégations qui ont été exprimées, les écoles confessionnelles de la province de Terre-Neuve sont maintenant menacées. La nouvelle clause 17 n'assure aucune garantie constitutionnelle pour ce qui est de l'existence future d'écoles catholiques romaines viables puisque les critères sur lesquels reposera leur existence pourront être modifiés par une loi provinciale.
Les partisans de cette modification à la Constitution du Canada, et en particulier le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, ont laissé entendre que la modification des conditions de l'union n'abroge pas les droits à l'éducation des catholiques romains de cette province, lesquels sont garantis dans la Constitution. Soit on cherche ainsi à berner les gens, soit on comprend très mal ce que représentent l'éducation et les écoles catholiques.
Ce que les partisans de cette modification soutiennent, c'est que les droits constitutionnels qui sont actuellement garantis sont préservés parce que les églises pourront peut-être assurer une éducation religieuse ainsi que des activités connexes et que l'observance dans les écoles d'une religion sera peut-être permise par les conseils scolaires interconfessionnels. Ces activités partielles mais importantes ne sont pas ce qui distingue les écoles catholiques des autres. Ce sur quoi reposent plutôt les écoles catholiques c'est sur une conception anthropologique à la base de toute la théorie et de la pratique éducative en usage dans ces écoles. Exprimée dans les termes les plus simples, cette conception anthropologique fait en sorte que chaque enfant entrant dans une classe est considéré comme une création merveilleuse et mystérieuse de Dieu qui entreprend le voyage de la vie dont le point de destination final est ce même Dieu aimant. Cette conception détermine le type d'éducation qui est donné dans les écoles catholiques.
Les écoles catholiques ne sont donc pas des écoles publiques qui consacrent une partie du programme scolaire à l'enseignement religieux. Personne ne définirait les écoles catholiques de cette façon.
À la page 7 de notre document, nous décrivons la contribution des écoles catholiques non seulement à la vie des élèves mais à celle de l'ensemble de la population. Nous vous incitons à lire ce passage quand vous en aurez le temps. C'est dans ce contexte qu'on demande aux membres du comité mixte spécial d'établir quelle est la valeur des droits à l'éducation garantis par la Constitution. À notre avis, ces droits correspondent autant au Canada d'aujourd'hui qu'à celui du passé.
Aux pages 9 et 10 de notre mémoire, nous nous élevons contre le référendum injuste qui a été tenu. Il faut dénoncer l'injustice de ce processus. La justice élémentaire exige que les deux camps, celui du oui et celui du non, soient tout autant en mesure l'un comme l'autre d'influer sur l'issue du référendum. Les deux camps devraient être consultés sur le choix de la question à poser, ce qui n'a pas été le cas dans ce référendum.
L'annonce soudaine de la tenue d'un référendum le 31 juillet a pris au dépourvu les groupes minoritaires. Le gouvernement a immédiatement annoncé qu'il comptait chercher à activement amener les électeurs à appuyer sa position. À cette fin, le gouvernement a consacré 350 000$ de fonds publics à une campagne médiatique, sans compter la somme d'environ 1,6 million de dollars affectés à la tenue du référendum lui-même. Le gouvernement a cependant refusé d'accorder des fonds aux représentants des écoles catholiques romaines et des écoles pentecôtistes pour faire connaître leur point de vue.
Il est aussi permis de se demander s'il était bien juste que le gouvernement divulgue à la dernière minute le libellé proposé de la modification. Le fait que la teneur de la modification ait été connue aussi tard a empêché tout véritable dialogue sur sa signification et sur la mesure dans laquelle elle s'écarte des affirmations et des promesses faites par le premier ministre et son gouvernement.
• 1035
Comme vous le savez, le mot «chrétien» ne figure même pas
dans la modification. En fait, le système scolaire qui est
envisagé aux termes de cette nouvelle clause est un système non
chrétien.
Nous déplorons aussi le fait qu'on n'ait pas fait appel à des scrutateurs le jour du scrutin. Personne n'a été chargé de veiller à ce que le processus se déroule sans anicroche dans le respect de la Loi électorale du Canada.
Mentionnons qu'environ 24 000 enfants fréquentant des écoles catholiques romaines se sont inscrits à des écoles catholiques en février 1997. Se fondant sur cela, le juge Barry a accordé une injonction interdisant la fermeture de certaines écoles catholiques romaines.
Les parents de ces enfants, qui représentent environ 60 p. 100 des parents catholiques romains de Terre-Neuve, ont vraisemblablement voté non au cours du référendum. Beaucoup d'entre eux auraient participé au vote s'ils avaient su que la nouvelle clause 17 enlèverait aux parents le droit à l'éducation confessionnelle pour leurs enfants.
Aux pages 11 et 12 de notre mémoire, nous résumons les avis juridiques sur la nouvelle clause 17 de trois éminents avocats—le premier du Québec, le deuxième de l'Ontario et le troisième de Terre-Neuve et du Labrador. Nous vous invitons à lire ces avis quand vous en aurez le temps, mais permettez-moi tout de même d'en faire ressortir les principaux points.
Les trois avis juridiques confirment que la modification proposée à la clause 17 supprime totalement le droit constitutionnel à ce qu'il existe des écoles catholiques romaines et des écoles pentecôtistes séparées à Terre-Neuve et au Labrador.
Deuxièmement, la modification proposée à la clause 17 ne prévoit pas l'enseignement de la religion chrétienne dans les écoles de Terre-Neuve. L'enseignement religieux dont il est question dans la modification est un enseignement non confessionnel ne portant sur aucune religion précise comme celui qui est offert dans les écoles publiques de l'Ontario et dans les écoles publiques du reste du Canada.
Mentionnons que le Parlement a adopté il y a moins d'un an la modification actuelle à la clause 17 et qu'elle a été proclamée moins de six mois après. Or, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador souhaite de nouveau changer cette clause.
Nous nous sommes opposés au premier amendement pour les mêmes raisons que celles qui nous amènent à nous opposer maintenant au second.
Les tribunaux sont maintenant saisis de cette affaire. Il importe que le gouvernement du Canada permette aux tribunaux d'établir si le référendum a été mené de façon juste, s'il convenait de supprimer des droits minoritaires et à quelle formule d'amendement il convient de recourir quand on cherche à supprimer des droits minoritaires.
En conclusion, les parents de l'Ontario dont les enfants fréquentent des écoles catholiques estiment que le gouvernement fédéral, en acceptant si facilement de supprimer les droits des parents du Québec et de Terre-Neuve, ont déjà compromis les droits à l'éducation catholique. Le droit que reconnaissait la Constitution du Canada aux parents de choisir l'éducation que recevraient leurs enfants dans les écoles à l'appui des valeurs de leurs familles est devenu moins certain.
Nous savons gré au gouvernement de l'Ontario de s'être engagé à maintenir les droits constitutionnels des parents catholiques. Quoi qu'il en soit, certaines personnes ont toujours réclamé en Ontario le démantèlement du système des écoles catholiques et elles continuent de le faire.
Nous soumettons respectueusement qu'il est par conséquent insensé de prétendre qu'on ne crée pas un climat politique de nature à soumettre tous les droits des minorités qui jouissent d'une protection constitutionnelle aux caprices de la majorité.
Les membres du comité mixte spécial se rendront compte que peu importe la façon dont on considère cette modification constitutionnelle, on ne peut qu'en constater le grand défaut: elle permet à la majorité de supprimer des droits minoritaires garantis dans la Constitution.
Le gouvernement et les citoyens de ce pays ont la réputation bien méritée à l'échelle internationale de respecter la primauté de la loi, comme le confirment la Constitution et la Charte des droits et libertés. Pour ce qui est de modifier la Constitution du Canada, et en particulier la clause 17, nous estimons que la Chambre des communes doit s'acquitter de l'une de ses responsabilités fondamentales, soit celle de défendre et de faire appliquer la Constitution du Canada, et notamment les dispositions protégeant les minorités.
• 1040
Nous demandons et recommandons donc que les membres du
comité mixte spécial fassent en sorte que la Chambre des communes
ne fasse rien qui puisse porter atteinte à un droit qui est
constitutionnellement garanti à une minorité. Nous estimons que
la seule façon de transmettre ce message à tous les intéressés
est de vous opposer à la résolution visant à modifier la clause
17, ce qui permettra à Terre-Neuve d'apporter les réformes qui
s'imposent dans le domaine de l'éducation sans pour autant porter
atteinte aux droits des minorités de la province.
Je vous remercie.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je vous remercie beaucoup, monsieur Daly. J'ouvre maintenant la période de questions. Je vous remercie encore une fois de votre mémoire.
M. Goldring posera la première question. Ce sera ensuite le tour de M. Doyle, de la sénatrice Pearson, de Mme Caplan et de M. DeVillers.
M. Peter Goldring: Je vous remercie, monsieur le président. Je vous remercie aussi, monsieur Daly, pour votre exposé.
Nombreux sont ceux qui sont convaincus que la population n'a pas compris qu'il s'agissait d'éliminer complètement l'enseignement confessionnel. Pensez-vous qu'il conviendrait d'amender la modification en supprimant la deuxième partie de la deuxième phrase, soit «mais elle doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier»? Approuveriez-vous ce changement?
M. Patrick Daly: Non. À notre avis, le processus en entier est fautif et il faudrait recommencer à zéro.
M. Peter Goldring: Je comprends.
Plusieurs témoins ont laissé entendre que la population avait mal compris la question qui lui avait été posée. Serait-il utile que ce comité examine les transcriptions des messages que le gouvernement de Terre-Neuve a fait paraître à la télévision et dans les journaux pour comprendre comment il a présenté son point de vue dans les médias?
M. Patrick Daly: Ce serait extrêmement utile. Il serait aussi utile—je ne sais pas trop comment on le ferait—de demander à beaucoup de gens, et en particulier aux membres de la minorité visée, comment ils ont interprété la question qui leur avait été posée.
M. Peter Goldring: Très bien.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Sénateur Rompkey.
Le sénateur William Rompkey: Monsieur le président, j'aimerais d'abord que nous discutions de l'affirmation qui est faite selon laquelle la population n'a pas compris la question qui lui a été posée. On nous a aussi dit que la population ne savait pas ce qui se passait et qu'on lui a communiqué la question trop tard. On soutient en outre qu'on ne lui a pas expliqué le sens de la question, que les gens n'ont pas eu suffisamment de temps pour y réfléchir, le camp du non n'avait pas les fonds voulus pour faire connaître son point de vue et qu'il n'y a pas eu de scrutateur le jour du scrutin.
Je crois que ces propos sont un peu condescendants, voire insultants. Le fait est que la population de la province sait exactement ce qu'il en est. En fait, les gens ont assez entendu parler de cette question, ils veulent simplement qu'on les laisse vivre en paix.
La question fait l'objet d'un débat depuis dix ans. Il est absolument insensé de dire qu'après dix ans les gens ne savent pas ce qui se passe et sur quoi porte le débat. On voudrait que nous ayons à l'esprit...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Monsieur Rompkey, je vous demande de bien vouloir poser votre question.
Le sénateur William Rompkey: ...un Terre-Neuvien heureux dans son petit bateau qui ne sait pas ce qui se passe. Il est à peu près temps qu'on se fasse une autre idée des Terre-Neuviens. Je pense que les gens savent très bien ce qu'il en est.
Vous avez dit que les parents sont responsables au premier chef de l'éducation de leurs enfants. Ne savez-vous pas qu'il est question d'accorder plus de responsabilités et de pouvoirs qu'auparavant. Ils pourront retirer leurs enfants des cours dans le cadre desquels on utiliserait du matériel scolaire auquel ils s'opposent. En outre, les parents pourront demander à un conseil scolaire de donner un enseignement religieux qui se rapporte à une religion précise et le droit à l'observance d'une religion dans une école est aussi assurée. À mon avis, les parents auront plus de droits et de pouvoirs que par le passé.
M. Patrick Daly: Je crois que cela revient à ce que nous disions de la nature des écoles catholiques. Nous sommes d'avis que le droit fondamental d'un parent est d'envoyer ses enfants dans l'école de son choix, une école qui reflète les valeurs et les croyances de la famille.
• 1045
Dans notre cas, et pour les parents catholiques de
Terre-Neuve et du Labrador, cette école est une école catholique.
Une école catholique n'est pas simplement une école qui observe
des pratiques religieuses catholiques. Tout ce qui se passe dans
une école catholique est lié à la foi et aux croyances
catholiques. Nous croyons donc au droit des parents à choisir
l'école que fréquenteront leurs enfants et l'observance d'une
religion dont il est question dans la modification n'est qu'un
élément, bien qu'un élément important, du type d'éducation qu'ils
recevront.
Vous nous avez reproché de tenir des propos condescendants. Or, je pense que des gens bien informés—et je suis sûr qu'un grand nombre d'habitants de Terre-Neuve et du Labrador sinon la majorité d'entre eux appartiennent à cette catégorie—pourraient avoir mal interprété la question qui a été posée lors du référendum. Nous ne voulions certainement pas faire preuve de condescendance à leur endroit ou laisser entendre qu'ils n'avaient pas étudié la question, mais simplement dire que la question qui leur a été posée n'était pas juste. Que les gens aient été informés ou non, la question n'était pas juste.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je vous remercie beaucoup, monsieur Daly. J'accorde maintenant la parole à M. Doyle.
M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC): Permettez-moi d'abord de vous féliciter pour votre mémoire. J'ai écouté avec intérêt ce que vous avez dit au sujet de la Charte des Nations unies qui dispose que les parents ont le droit de décider de l'éducation religieuse qui sera donnée à leurs enfants.
J'aimerais faire remarquer au sénateur Rompkey qu'il ne comprend rien au problème. Je m'en étonne. Terre-Neuve sera évidemment la première province au Canada à avoir une religion d'État. Il semblerait que M. Tobin, avec l'accord du gouvernement fédéral, pense que c'est ce qui convient pour sa province.
Je suis sûr que vous connaissez M. Thomas Langan, président de la Ligue catholique pour la défense des droits civiques. Il a dit ceci:
-
Pour la première fois dans l'histoire du Canada, on a recours à
un référendum pour mettre fin aux droits dont une minorité jouit
en vertu de la Constitution... Le Canada sera un pays où seuls
les élites et les minorités puissantes seront protégés.
C'est une affirmation tout à fait juste et je voulais le dire publiquement.
Je sais que la question est vaste, mais il semblerait que M. Tobin soit d'avis que les droits religieux et l'enseignement de la religion doivent maintenant relever exclusivement des gouvernements provinciaux et fédéral. On propose un cours générique sur la religion. Il s'agira d'un cours qui aura l'estampille de l'État.
Pourriez-vous nous dire pourquoi, à votre avis, les gouvernements s'engagent dans cette voie aujourd'hui? Ils semblent absolument tenir à éliminer complètement la religion de nos écoles.
C'est le début du processus à Terre-Neuve, mais nous venons d'adopter une modification semblable à la Constitution qui vise le Québec, une modification que vous connaissez sans doute très bien. Dans ce cas-là aussi, les droits à l'éducation confessionnelle disparaîtront progressivement.
Le gouvernement provincial de Terre-Neuve semble s'être donné le mandat de supprimer la religion des écoles. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Patrick Daly: Je ne voudrais pas avancer des raisons qui justifieraient pourquoi cela semble être l'objectif que s'est donné le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, mais au Canada comme dans le reste de l'Amérique du Nord, la sécularisation croissante de notre société a évidemment une incidence sur tous les aspects de la société dans laquelle nous vivons, et a notamment une incidence sur les décisions des gouvernements.
Ce que vous décrivez semble malheureusement le cas. Le gouvernement ne semble pas respecter le droit des parents et des familles qui souhaitent que leurs enfants reçoivent une éducation dans le système qui respecte leurs croyances. Je suis d'avis que, comme dans d'autres domaines, le gouvernement a été influencé par les médias notamment qui présentent ce point de vue.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je vous remercie beaucoup. Je donne maintenant la parole à la sénatrice Pearson. Ce sera ensuite à Mme Caplan de poser une question.
La sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Je commencerai par dire que votre exposé suscite à peu près la même réaction chez moi que chez le sénateur Rompkey. Je ne viens pas de Terre-Neuve, mais j'estime que vous faites preuve d'une certaine condescendance à l'endroit des résidants de Terre-Neuve dans votre exposé.
Le débat sur cette question dure depuis de nombreuses années. J'ai siégé au comité sénatorial qui a tenu des audiences sur le sujet l'an dernier et j'ai eu l'impression que les gens connaissaient très bien les enjeux. J'en suis toujours convaincue.
J'estime que le référendum ne constitue pas une partie essentielle du processus de modification de la Constitution. L'élément essentiel du processus c'est le vote qui a eu lieu à l'Assemblée législative, lequel a été unanime. Vous semblez remettre en cause le processus démocratique puisque l'Assemblée législative qui compte des représentants de la plupart des groupes qui jouissaient autrefois de droits protégés en vertu de la Constitution a voté à l'unanimité pour la modification constitutionnelle. Comment expliquez-vous cela?
M. Patrick Daly: Nous ne pensons pas, sénatrice, qu'on devrait pouvoir priver une minorité d'un droit à moins que la majorité des membres de cette minorité se prononcent en faveur de cette mesure lors d'un référendum scrupuleusement tenu. Même si l'Assemblée législative votait à l'unanimité pour l'abrogation d'un droit accordé à une minorité, nous ne pensons pas que la mesure devrait s'appliquer si elle n'est pas validée par la majorité des membres de la minorité...
La sénatrice Landon Pearson: Vous vous opposez donc au processus constitutionnel actuel.
M. Patrick Daly: Oui. Nous sommes d'avis que la majorité des membres appartenant à la minorité devrait entériner le changement.
La sénatrice Landon Pearson: Je vous remercie.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je vous remercie beaucoup, monsieur Daly. Je vous remercie, sénatrice Pearson.
Madame Caplan.
Mme Elinor Caplan: Je vous remercie beaucoup. Je vais demander l'indulgence du président. Ma question contient un préambule.
J'ai rencontré le président ainsi que le directeur du Conseil scolaire séparé de la région de York. C'est une région qui se trouve en Ontario; en fait, elle se trouve dans ma circonscription. Je crois que vous serez d'accord avec ce dont nous avons convenu.
Le fait est que le Conseil scolaire séparé de la région de York en Ontario assure une éducation de qualité comme le confirment les résultats obtenus; le conseil dispense ses programmes de façon économiquement judicieuse et il a l'appui de la communauté. De nombreux non catholiques appuient les écoles séparées afin de pouvoir y envoyer leurs enfants.
Je vois M. Lamarche qui hoche la tête. Pourriez-vous répondre oui ou non pour le compte rendu? C'est une partie importante du préambule.
M. Patrick Daly: Je suis d'accord avec tout ce que vous venez de dire sauf pour ce qui est des partisans non catholiques.
Mme Elinor Caplan: Vous ne pensez pas que des non-catholiques disent appuyer les écoles séparées afin de pouvoir envoyer leurs enfants dans les écoles séparées de la région de York?
M. Patrick Daly: Ils le font—et c'est très compliqué—dans un mariage par un arrangement locatif. Certains le font donc.
Mme Elinor Caplan: Je crois qu'il est important de faire ressortir le fait que le débat n'est pas le même à Terre-Neuve et que le système d'éducation dans cette province diffère beaucoup du système ontarien. À Terre-Neuve, le système est tout à fait différent de ce qu'il est en Ontario. Il n'existe pas de système public à Terre-Neuve. En fait, à mon avis, la situation à Terre-Neuve ne peut pas se comparer à ce qu'elle est en Ontario.
Je m'élève donc contre le fait que vous dites que les parents des enfants qui fréquentent des écoles catholiques en Ontario estiment que la modification compromet leur droit à une éducation catholique pour leurs enfants. Si c'est ce qu'ils pensent, ils devraient changer d'avis. Le processus de modification constitutionnelle permet d'apporter à la Constitution des changements qui ne visent qu'une province.
Voilà pour mon préambule. J'aimerais maintenant vous poser la question suivante. Lors d'un vote tenu à l'Assemblée législative de Terre-Neuve, tous les partis se sont prononcés à l'unanimité pour la modification constitutionnelle. Le débat sur le sujet dure depuis huit ou dix ans. Pourquoi pensez-vous que cette modification constitutionnelle aura un impact sur le système scolaire séparé en Ontario puisque vous savez qu'elle n'aura vraiment d'impact que sur la population de Terre-Neuve, laquelle a eu l'occasion de se prononcer lors d'un référendum? Je fais remarquer en passant que la Constitution n'exigeait pas que ce référendum ait lieu. La majorité des électeurs dans chaque circonscription a appuyé la modification constitutionnelle, y compris dans les circonscriptions en majorité catholiques.
M. Patrick Daly: J'aimerais d'abord faire précéder la réponse à votre question d'un petit préambule.
Bien que je sois ici à titre de président de l'Association des administrateurs d'écoles catholiques de l'Ontario et que je sois administrateur du Conseil catholique romain d'Hamilton, je comparais d'abord et avant tout comme parent catholique de trois enfants qui fréquentent une école primaire catholique en Ontario. En ma qualité de parent catholique, je crains donc que mes enfants ne puissent plus un jour fréquenter une école catholique en Ontario en raison de ce qui s'est produit au Québec et de ce qui risque malheureusement de se produire à Terre-Neuve. Espérons que ce ne sera pas le cas.
La création d'un précédent politique ne fait aucun doute. Comme nous l'avons dit, nous sommes très rassurés par le soutien accordé par le gouvernement conservateur actuel de l'Ontario à l'enseignement catholique. Mais si jamais le gouvernement de l'Ontario venait présenter le même genre d'amendement au gouvernement du Canada un jour, je voudrais que celui-ci puisse le rejeter. Il est très clair pour moi que c'est un dangereux précédent politique, et nous vous prions instamment de ne pas l'accepter.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci, monsieur Daly. C'est votre tour, monsieur DeVillers.
M. Paul DeVillers: Merci, monsieur le président. Je voudrais vous parler de votre dernière observation concernant le précédent politique.
Si je vous comprends bien, vous et les personnes qui ont déjà parlé, l'Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques, reconnaissez qu'il est légitime d'abolir ou de diminuer les droits d'un certain groupe si on peut démontrer que la majorité du groupe concerné y consent, n'est-ce pas? Nous sommes d'accord là-dessus.
M. Patrick Daly: Oui.
M. Paul DeVillers: Là où il y a divergence d'opinions avec vous-mêmes et les témoins antérieurs, c'est au sujet de la procédure qui a servi à interpréter les résultats, etc. Je crois que le précédent est clair. On est en train d'établir un principe. Comment la mauvaise interprétation des résultats ou la tenue d'un référendum justifie-t-elle les craintes que vous exprimez maintenant concernant l'Ontario?
M. Patrick Daly: Les tribunaux terre-neuviens vont décider si le processus est juste ou non.
M. Paul DeVillers: Effectivement.
M. Patrick Daly: Mais cela ne règle pas la question que vous avez posée d'abord concernant la majorité du groupe minoritaire. Cela n'était pas le cas à Terre-Neuve.
M. Paul DeVillers: Mais c'est le principe qui constitue le précédent, et non pas la façon de l'interpréter. Ne reconnaissez-vous pas que le gouvernement agit selon le principe avec lequel vous vous dites d'accord? Là où vous n'êtes pas d'accord, c'est sur l'interprétation des faits.
M. Patrick Daly: La population catholique de Terre-Neuve n'a pas voté sur la suppression de ses droits.
M. Paul DeVillers: Mais vous auriez accepté ce genre de vote.
M. Patrick Daly: Exactement.
M. Paul DeVillers: Mais le principe est le même. Alors, si un jour M. Harris ou un autre représentant du gouvernement de l'Ontario présentait une demande semblable, le gouvernement du Canada et le Sénat devraient s'inspirer du même principe, et il s'agirait ensuite d'interpréter les preuves invoquées pour soutenir leur position.
J'ai du mal à comprendre pourquoi vous estimez que les parents en Ontario qui envoient leurs enfants dans des écoles catholiques estiment que leur droit à une éducation catholique a déjà été compromis.
M. Patrick Daly: C'est parce qu'ils voient que ce droit est déjà supprimé dans d'autres provinces canadiennes.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je vous remercie. Vous avez posé une question et reçu une réponse: alors nous allons nous en tenir là.
Merci, monsieur DeVillers. Sénateur Kinsella.
Le sénateur Noel Kinsella: Merci, monsieur le président.
Afin de savoir si la collectivité catholique constitue une catégorie de personnes dont le droit à des écoles catholiques confessionnelles est actuellement protégé par l'article 17, afin de déterminer si la collectivité catholique a véritablement accepté de renoncer à ce droit, nous devons nous fier au vote unanime de l'Assemblée législative de Terre-Neuve. Nous avons le résultat du référendum.
• 1100
Quel poids le comité devrait-il accorder à la déclaration de
l'évêque catholique du diocèse concerné selon laquelle la
population catholique n'accepte pas l'extinction de ce droit?
Comment faut-il l'évaluer?
M. Patrick Daly: Je n'ai pas bien entendu la remarque que vous avez attribuée à l'évêque.
Le sénateur Noël Kinsella: Si je comprends bien, les évêques catholiques ont dit que l'Église catholique ne veut pas renoncer à ce droit.
Il y a donc leur déclaration d'un côté, et de l'autre côté la résolution unanime de l'Assemblée législative de Terre-Neuve et le résultat du référendum. On nous met ici à Ottawa dans la situation où nous devons déterminer qui parle au nom de la catégorie de personnes dont le droit est protégé. Je vous demande donc quel poids le comité devrait accorder à la déclaration de l'évêque catholique en tant que porte-parole de cette collectivité.
M. Patrick Daly: Je pense que vous devriez accorder beaucoup de poids...
Le sénateur Noël Kinsella: Pourquoi?
M. Patrick Daly: ...à la position adoptée par les évêques en tant que pasteurs et éducateurs dans chacun des diocèses, que ce soit à Terre-Neuve, en Ontario ou ailleurs. De toute évidence, ce sont les porte-parole de la collectivité catholique pour de nombreuses questions, notamment dans le domaine de l'éducation religieuse et catholique. Nous estimons que l'opinion des évêques et leur position devraient avoir une influence considérable dans votre décision.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci, monsieur Daly.
Monsieur Pagtakhan, suivi de M. Bélanger.
M. Rey Pagtakhan: Merci, monsieur le président.
J'espère que vous faites une distinction entre le précédent politique et le précédent constitutionnel.
M. Patrick Daly: Oui.
M. Rey Pagtakhan: Abstraction faite des chances de réussite d'une contestation judiciaire, et je reconnais que ce sont des préoccupations légitimes, ne reconnaissez-vous pas que le paragraphe (2), qui crée l'obligation d'offrir l'instruction religieuse, même si elle n'est pas confessionnelle, oblige donc la province de Terre-Neuve et du Labrador à assurer ces cours de religion, encourageant ainsi la formation religieuse? Êtes-vous en désaccord avec cela?
M. Patrick Daly: Oui.
M. Rey Pagtakhan: Pourquoi?
M. Patrick Daly: D'abord, dans notre mémoire, nous considérons la nature de l'école catholique, et je vous demanderais respectueusement de le lire. Une école catholique n'est pas simplement une école qui offre l'enseignement religieux; il faut tenir compte de tout ce qui se passe dans l'école.
Deuxièmement, et c'est important—d'autres y ont déjà fait allusion—si on examine le précédent juridique créé par l'affaire Elgin, en Ontario, on constate qu'il y a eu une contestation basée sur la Constitution. La position des parents contestataires dans le comté d'Elgin a été maintenue, ce qui a eu pour effet d'interdire l'éducation religieuse dans les écoles publiques de l'Ontario.
Alors, à notre avis, il ne s'agirait pas d'une école véritablement catholique et, deuxièmement, ce ne serait pas maintenu sur le plan constitutionnel.
M. Rey Pagtakhan: Pourquoi n'êtes-vous pas rassurés par le fait que la clause 17 elle-même sera enchâssée dans la Constitution, auquel cas il faudra donc en tenir compte avec les autres parties de la Constitution? Que vous faut-il de plus comme assurance?
M. Patrick Daly: Il faudrait que les parents aient le droit d'envoyer leurs enfants dans une école qui est reconnue comme une école catholique. Ce qui est défini au paragraphe (2) n'est pas une école catholique.
M. Rey Pagtakhan: Vous avez l'assurance que les cours de religion seront protégés dans la Constitution.
M. Patrick Daly: Je n'en suis pas assuré, compte tenu de ce que nous avons vu comme causes judiciaires en Ontario.
M. Rey Pagtakhan: Même si c'est dans un système d'écoles publiques.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Si le témoin veut bien répondre à cette dernière question...
M. Patrick Daly: En Ontario il y a eu une contestation judiciaire pour les écoles publiques. Trois familles, trois parents, ont contesté la possibilité pour les écoles publiques d'enseigner la religion, et ces familles ont eu gain de cause. Comme vous le savez, les écoles publiques de l'Ontario ne peuvent plus enseigner la religion. Nous pensons que la même chose pourrait se produire à Terre-Neuve.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Monsieur Bélanger, suivi du sénateur Murray et de M. McGuire.
M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur le président.
Monsieur Daly, monsieur Slack et monsieur Lamarche, la dernière fois qu'on vous a vus ensemble, c'était pour une autre série d'audiences concernant un autre amendement constitutionnel, il y a deux ou trois semaines, si je me souviens bien.
Vous avez dit à ce moment-là, monsieur, que selon vous il n'y avait aucune indication en Ontario d'un désir d'apporter une modification constitutionnelle semblable relativement à l'enseignement confessionnel en Ontario. Êtes-vous toujours du même avis?
M. Patrick Daly: Vous avez posé une question concernant le gouvernement de l'Ontario, et je pense avoir dit que c'est notre opinion, même si, comme nous le disons dans notre mémoire, il existe des tendances contraires assez fortes en Ontario. Mais pour ce qui est du gouvernement, nous sommes d'accord.
M. Mauril Bélanger: Merci.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci.
Le sénateur Murray, suivi de M. McGuire.
Le sénateur Lowell Murray (Pakenham, PC): Merci, monsieur le président.
Monsieur Daly, essayons de déterminer quelle est exactement la force de ces tendances.
Si le gouvernement de l'Ontario décidait de tenir bientôt un référendum en Ontario et de poser la question suivante: êtes-vous en faveur d'un système scolaire unique fréquenté par tous les enfants, quelles que soient leurs appartenances religieuses, offrant la possibilité de suivre un enseignement religieux et de suivre les pratiques religieuses, quel serait d'après vous le résultat de ce référendum? Selon vous, quel pourcentage des électeurs catholiques irait voter et comment se répartiraient leurs votes?
M. Patrick Daly: Je ne vais pas faire des conjectures concernant les résultats, car il faudrait d'abord savoir quel serait le processus. Si c'était un processus injuste et une question injuste, comme c'était le cas à Terre-Neuve, je ne voudrais pas faire de conjectures.
Le sénateur Lowell Murray: Mettons que ce soit une question controversée pendant un an ou 18 mois et que le gouvernement décide de soumettre cette question aux citoyens dans un référendum, que se passerait-il d'après vous?
M. Patrick Daly: Encore une fois il s'agirait de conjectures, mais je pense que grâce au travail de notre association, des enseignants catholiques et des évêques en Ontario, des parents et d'autres personnes, la majorité des catholiques ne donneraient pas leur appui à cette proposition. Mais, encore une fois, il faut savoir quel sera le processus.
Je ne pense pas que cela se passerait ainsi avec le gouvernement actuel, mais si la question était manifestement injuste et s'il y avait une campagne intense de relations publiques, qui sait ce qui se passerait? C'est pour cette raison que nous vous demandons de ne pas accepter cette demande.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci, monsieur Daly.
Monsieur McGuire.
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Merci, monsieur le président. L'enseignement est une question de compétence provinciale; alors je m'intéresse à la capitale de la province. Si cet amendement était adopté, y a-t-il quelque chose qui empêcherait la province de créer un système scolaire distinct pour les catholiques là où le nombre le justifie à Terre-Neuve?
Je sais qu'en Ontario le système catholique n'allait pas plus loin que la dixième année il n'y a pas très longtemps. C'était l'une des dernières réalisations de M. Davis comme premier ministre... Je ne pense pas qu'il ait tenu un référendum pour demander à la population si elle voulait que le système catholique se prolonge jusqu'à la treizième année. Il a simplement décidé de le faire, puisque c'était une question de compétence provinciale.
Y a-t-il quelque chose qui empêche le gouvernement de Terre-Neuve de faire quelque chose de semblable avec, disons, les catholiques à Terre-Neuve si cet article est amendé?
M. Patrick Daly: Si cette disposition était modifiée?
M. Joe McGuire: Oui.
M. Patrick Daly: Oh non. Je pense que c'est ce que nous avons demandé dans le cas du Québec; lorsque nous avons comparu à ce sujet, nous avons proposé que l'on élargisse les droits constitutionnels au lieu de les réduire. Ainsi donc, s'il y avait des changements, on pourrait conclure évidemment une entente avec les catholiques, les pentecôtistes et les autres pour leur permettre de conserver leur système scolaire.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Joe, aviez-vous une question à poser?
Étant donné que vous êtes le dernier intervenant sur ma liste, nous passerons brièvement à une deuxième série de questions si vous le voulez.
Puisqu'il n'y a personne, je tiens à remercier MM. Daly, Slack et Lamarche d'être venus comparaître. Votre témoignage a été très utile, et nous vous savons gré d'avoir fait l'effort de nous présenter un exposé succinct. Une fois de plus, je vous remercie au nom des membres du comité.
M. Patrick Daly: Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Chers collègues, nous allons prendre une pause de deux minutes et 30 secondes. Que pensez-vous de cette précision?
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Chers collègues, les deux minutes et 30 secondes sont épuisées.
J'invite les représentants de l'Association des enseignants de Terre-Neuve et du Labrador à nous rejoindre à la table. Il s'agit de M. Brendan Doyle, président de l'association, et de M. Wayne Noseworthy, directeur général.
Messieurs, je vous souhaite la bienvenue au nom du comité. Nous avons à peu près une heure pour les exposés et la période de questions. Veuillez donc utiliser votre temps de parole en conséquence.
Monsieur Doyle, je pense que vous avez une déclaration liminaire à faire. Vous avez la parole.
M. Brendan Doyle (président, Association des enseignants de Terre-Neuve et du Labrador): Merci beaucoup.
Bonjour. Je suis ravi ce matin, au nom des enseignants de Terre-Neuve et du Labrador, de participer à vos délibérations et, dans une certaine mesure, au débat.
Le mot «chaos» peut résumer la situation qui prévaut dans le secteur de l'éducation à Terre-Neuve depuis un an. À mon avis, seul le Parlement du Canada peut maintenant mettre fin à ce chaos.
Je vais vous expliquer pourquoi nous sommes en faveur du changement. Nous espérons faire comprendre aux membres du comité la nécessité d'accéder à la modification de la clause 17, et ce, le plus rapidement possible.
Il vous plaira de savoir que je n'ai pas l'intention de lire mon mémoire. Je préfère le survoler et faire quelques commentaires en passant. J'espère pouvoir compter sur votre indulgence.
À l'évidence, il s'agit d'une question extrêmement importante pour les gens que je représente. Qui sont-ils? Ce sont tous les enseignants de Terre-Neuve et du Labrador, toutes confessions religieuses confondues. Notre association existe depuis 107 ans. Elle a deux objectifs. Évidemment, elle défend les intérêts des enseignants, mais elle veille aussi à la promotion et à l'amélioration de l'éducation. C'est dans ce cadre que Wayne et moi comparaissons ce matin.
D'emblée, je tiens à souligner clairement—c'est peut-être une évidence, mais pas nécessairement—que mes propos ici ce matin, et même le mémoire que vous avez devant vous, sont appuyés par les enseignants de Terre-Neuve et du Labrador. Nous participons à ce processus depuis huit à dix ans. Nous avons largement consulté nos membres. Notre position a été examinée lors de notre assemblée annuelle, qui est notre parlement. D'ailleurs, la semaine dernière, la position que nous allons vous présenter aujourd'hui a été approuvée par notre conseil d'administration, qui est notre bureau provincial.
Je peux donc dire en toute confiance que nous représentons la position des enseignants de Terre-Neuve et du Labrador. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas quelquefois discordance. Ce sera toujours le cas.
J'ajoute d'emblée que j'enseigne dans une école catholique depuis 24 ans. J'ai quatre enfants qui ont étudié dans des écoles catholiques. Je suis membre actif de l'Église.
Vous vous demandez sans doute pourquoi je le dis. L'association des enseignants a largement consulté ses membres pour connaître leurs opinions. Je dois dire avec déception que trop souvent, dans mon Église, on m'a dit quelles étaient mes opinions sur l'éducation et pourquoi. J'attends encore l'occasion de parler en tant que parent et enseignant catholique. Je pense que souvent les gens, peut-être à cette table et ailleurs, parlent pour d'autres, et nous devons parfois nous demander de qui ils tiennent ce mandat. Je tenais donc à faire cette déclaration dès le début.
• 1120
Il y a un peu plus de 10 ans, notre association a pris une
mesure audacieuse en publiant un document intitulé Exploring New
Pathways. Nous avons essayé d'attirer l'attention des
Terre-Neuviens sur ce que nous considérions comme un problème
important dans le système éducatif. Je parle d'une mesure
audacieuse parce que la proposition que nous faisions à l'époque
risquait fort d'entraîner des pertes d'emplois chez nos membres,
ce qui n'est pas le but d'une association comme la nôtre.
Toutefois, nous savions et les enseignants convenaient que notre
proposition allait dans le sens des intérêts du système, même si
elle risquait de réduire le nombre d'enseignants.
Nous en sommes arrivés à la conclusion que dans sa forme actuelle le système confessionnel comporte une lacune grave et généralisée: l'isolement par confession religieuse. Si cette lacune n'est pas comblée, elle entraînera à terme l'effondrement du système. C'est une lacune qui réduit considérablement la qualité de l'éducation dans notre province. Nous le pensions à l'époque, et nous le pensons toujours.
Ensuite, nous avons préconisé qu'une commission royale soit créée afin que tous les intervenants en éducation dans la province aient l'occasion de débattre de cette question. En même temps, et avant notre proposition, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a établi une autre commission royale sur l'emploi et le chômage—et vous me pardonnerez de ne pas parler ici du chômage dans notre province. Cependant, cette commission a reconnu l'importance de l'éducation et remis en question le système qui existait à l'époque. Dans un rapport distinct intitulé Education for Self-Reliance, elle a en outre préconisé une étude plus approfondie du système.
Ainsi, la province créa une commission royale sur l'éducation, la Commission Williams, qui déposa son rapport. L'Association des enseignants de Terre-Neuve et du Labrador approuva l'essentiel du rapport en espérant que le gouvernement et les dirigeants des Églises donneraient suite aux réformes significatives proposées. Vous avez certainement appris que cela ne s'est pas produit, d'où le référendum du 5 septembre 1995. Lors de ce référendum, 55 p. 100 de la population a voté en faveur de la modification de la clause 17. Cela nous aurait permis de gagner en quelque sorte sur les deux tableaux, d'arriver à un compromis raisonnable, c'est-à-dire des écoles pour toutes les confessions, que nous appelons écoles interconfessionnelles, mais chaque confession aurait aussi la possibilité d'avoir ses propres écoles dites uniconfessionnelles.
Je dois dire que très souvent j'entends dire qu'il faut maintenir le système actuel. Étant donné que j'ai enseigné dans le système pendant 24 ans, je ne partage pas cet avis. Nous devons nous demander ce que nous voulons conserver. En particulier, d'aucuns parlent du terrible système; nous finirons comme les États-Unis. J'ai aussi entendu dire que nous finirons comme la Nouvelle-Écosse. J'invite les gens à réfléchir sur ce qu'ils disent. Je n'affirmerais devant aucun groupe que ces systèmes sont terribles.
En examinant le bien-fondé du système confessionnel, nous devons penser aux élèves que nous sommes censés servir. Que faisons-nous pour eux?
Je suis un ancien conseiller d'orientation et je parle d'expérience. Je recherche en l'élève la confiance en soi et l'estime de soi. Je ne peux pas m'asseoir devant le comité et dire que nous réussissons à inculquer aux élèves cette confiance et cette estime de soi dans le système actuel.
• 1125
Ainsi donc, je dois demander aux gens qui veulent résister
au changement: qu'est-ce qui prouve que le système actuel est
bénéfique aux enfants de la province? Quand je vois le taux de
suicide, d'alcoolisme et de toxicomanie, de grossesse chez les
adolescentes, etc., dans notre province, je suis préoccupé. Entre
autres choses, cela m'incite à réexaminer ce que nous faisons
pour voir s'il existe une meilleure façon de le faire.
Nous connaissons tous la décision que le juge Barry a rendue cet été et l'incidence qu'elle a eue. Toutefois, je voudrais attirer votre attention sur un passage de cette décision.
-
Nous avons accepté une norme qui est loin d'être optimale en
matière d'éducation en choisissant de préserver au moins une
partie du système confessionnel. Cette observation n'est pas une
critique, mais un constat.
À notre avis, nous ne pouvons plus accepter une norme d'éducation qui n'est pas optimale pour les élèves de notre province. Je crois que ce seul fait doit nous préoccuper et nous inciter à envisager sérieusement la nécessité du changement.
Ensuite, comme vous le savez, nous avons eu un second référendum. Je vous en épargnerai les détails. Vous en avez entendu parler. Vous connaissez la question qui a été posée. Vous comprendrez que je m'efforce de résister à la tentation de répondre à ceux qui essaient d'interpréter le sentiment et les propos de la population de Terre-Neuve. Je n'en parlerai pas, mais l'urgence demeure. Elle est palpable.
Pour le second référendum comme pour le premier, notre association a accepté à contrecoeur la voie référendaire. Nous savons qu'au mieux, c'est un instrument qui permet d'effectuer un changement brusque, et il peut semer la discorde. Nous l'avons compris, mais il nous semblait que nous n'avions pas le choix. Pour cette raison, notre association l'a approuvé.
En fin de compte, la population et les enseignants de Terre-Neuve et du Labrador ont conclu qu'ils voulaient du changement, un changement en profondeur et immédiat. Au fond, je pense que nous nous trompons lorsque nous pensons que les générations futures n'auront pas notre sagesse, et que, par conséquent, nous devons prendre des décisions irrévocables qu'elles ne pourront pas changer.
J'aimerais penser qu'à un moment donné mes quatre enfants auront une vision du monde un peu différente de la mienne. Ils seront confrontés à des réalités différentes. J'espère que je leur donnerai les moyens d'effectuer les changements nécessaires pour s'adapter à ces réalités. Trop souvent, j'entends des gens qui veulent leur enlever ce droit.
Pensons aux droits des élèves. Ma tâche première consiste à défendre les droits des enseignants, et l'essentiel de mon propos ira dans ce sens. Cependant, au cours du débat référendaire, l'une des choses qui m'ont le plus troublé en tant que parent et enseignant, c'est le fait que l'on a à peine parlé des élèves. Nous avons entendu parler des droits des Églises, des catégories de citoyens, etc. J'ai à peine entendu parler des droits des élèves et des enseignants.
Je pense que la plupart des gens reconnaissent que c'est dans la salle de classe que se réalise l'alchimie entre l'élève et l'enseignant. Cela est extrêmement important. Autrement, je ne sais pas pourquoi nous serions ici. Étant donné que cela se passe dans la classe, nous devons veiller à ce que toutes les ressources financières et humaines possibles soient investies dans la classe. C'est ainsi que cette alchimie peut continuer d'exister. Nous croyons que les élèves ont un droit fondamental à cet égard. Nous croyons que la modification de la clause 17 préservera ce droit.
Pensez aux droits des enseignants. Au fil des ans, quand nous parlons à nos collègues de toutes les régions du pays, ils secouent la tête, incrédules, en apprenant que les enseignants de Terre-Neuve et du Labrador n'ont pas les mêmes droits fondamentaux que les autres. En vertu de la loi, nous pouvons être victimes de la discrimination fondée sur la religion, et nous le sommes depuis des années. Nous ne jouissons pas de la protection de la Charte canadienne des droits et des libertés. Les enseignants sont terriblement frustrés à cet égard. Nous avons subi bien des torts à cause de cela, mais nous espérions que ce changement surviendrait. Une fois de plus, nous avons été désenchantés.
• 1130
Depuis un an, la réaffectation des enseignants
terre-neuviens a créé une situation qui ne peut être qualifiée
que d'absolument intolérable. De toute évidence, cela nous a
montré à quel point nous sommes vulnérables. Les honorables
membres du comité comprennent sans doute qu'en vertu du dernier
changement nous avons maintenant des comités confessionnels dans
chaque district. Ces comités ont le pouvoir d'annuler les
décisions des conseils scolaires en ce qui concerne l'embauche et
la réaffectation des enseignants. Il me semble assez bizarre
qu'un comité d'un conseil puisse renverser la décision du conseil
sur une question aussi importante.
Permettez-moi de vous donner rapidement deux exemples pour donner un visage humain à ce phénomène. N'oubliez pas que les deux décisions dont je vous ai parlé ont été prises au nom du Christ et du christianisme. Vous en jugerez vous-mêmes.
Le premier cas concerne une enseignante ayant 24 ans d'expérience et reconnue par tous comme étant exemplaire. Ayant d'abord enseigné dans une école pentecôtiste, elle a déménagé dans une autre collectivité avec son mari; elle a demandé un poste et elle a été acceptée à la fois dans le système intégré et le système pentecôtiste. Étant donné que la description du poste dans le système intégré correspondait davantage au profil de l'enseignante, elle l'a accepté.
En mai dernier, l'enseignante a été déclarée excédentaire dans le système intégré. Conformément à notre convention collective, son conseil scolaire l'a réaffectée à l'école pentecôtiste voisine. Cette enseignante ayant une expérience d'enseignement exemplaire de 24 ans était très engagée dans son Église protestante et dans sa communauté. On lui a refusé l'accès à cette école et on lui a demandé d'aller dans une autre communauté. Cela a créé des dissensions incroyables au sein de la population. Les employés étaient en colère. J'ai organisé une réunion pour essayer de les calmer. Ils étaient en colère et se sentaient coupables de leur colère. Ils ont pleuré, et moi avec eux. Cela ne saurait se reproduire.
Le deuxième cas s'est produit il y a un mois et demi; un jeune homme extrêmement bien qualifié habitait dans une localité et remplaçait un enseignant âgé qui avait des problèmes de santé. Ce jeune enseignant avait été remplaçant pendant longtemps et était très apprécié par toute l'école: enseignants, employés, etc.
Lorsque l'enseignant qu'il remplaçait a pris sa retraite tout récemment, le jeune homme en question a présenté sa candidature au poste et a eu un entretien avec le directeur de l'école et un spécialiste du conseil scolaire. Après l'entretien, on l'a recommandé comme le meilleur candidat pour l'école et pour les élèves. Le conseil a accepté la décision. L'enseignant n'a pas obtenu le poste. Le comité confessionnel intégré a refusé de l'embaucher parce qu'il était catholique.
En ce moment, l'intéressé n'a toujours pas d'emploi. La personne qu'on lui a préférée avait déjà enseigné quelques jours avant qu'on ne se rende compte qu'elle n'avait pas de brevet d'enseignement.
Il y a donc lieu de se demander quelles sont les priorités lorsqu'il faut choisir la personne la mieux qualifiée pour enseigner aux enfants. Je viens de vous donner deux exemples, mais je puis vous assurer qu'il y en a beaucoup d'autres.
Dans notre mémoire nous parlons du mythe des droits des minorités. Je ne suis pas ici depuis longtemps, mais d'après ce que j'ai vu ce matin je suis convaincu que les membres du comité ont beaucoup discuté des droits des minorités.
• 1135
À Terre-Neuve, 96 p. 100 de la population sont des
minorités. Quand 73 p. 100 de ces gens-là votent sur un sujet
qu'ils connaissent, je crois qu'il est un peu exagéré de dire que
l'on enfreint les droits des minorités. Cependant, je laisse aux
juristes le soin de pousser l'analyse de ces mythes.
Je voudrais faire quelques observations sur ce que nous appelons l'apprentissage et la vie. Nous nous préparons tous à affronter le XXIe siècle. Vous conviendrez qu'il est extrêmement important que notre système éducatif soit prêt à relever le défi.
Parfois, je pense que nous devons faire un pas en arrière, prendre du recul par rapport à notre situation, et regarder les choses de façon globale. J'ai ici un document intitulé Learning: The Treasure Within. Il s'agit d'un rapport qui a été présenté à l'UNESCO par la Commission internationale sur l'éducation pour le XXIe siècle. À cet égard, on a demandé à 15 personnalités du monde entier spécialistes de divers domaines de consulter les gens et de réfléchir sur les besoins des systèmes éducatifs pour le XXIe siècle. J'ai lu leur rapport avec beaucoup d'intérêt.
Dans son rapport, M. Delors énonce les quatre fondements du système éducatif du XXIe siècle: apprendre à vivre ensemble, apprendre à connaître, apprendre à faire et apprendre à être. Je pense que les observations relatives au volet apprendre à vivre ensemble résument admirablement le tout, et, si vous le permettez, je vais vous les lire.
-
Le changement en profondeur des modes de vie traditionnels exige
de nous une meilleure compréhension des autres peuples et du
monde entier. Il exige la compréhension mutuelle, les échanges
pacifiques, et même l'harmonie.
Ce sont là les choses qui manquent le plus dans notre monde aujourd'hui.
Ayant adopté cette position, la commission a insisté davantage sur l'un des quatre fondements qu'elle propose et considère comme le fondement de l'éducation: apprendre à vivre ensemble en développant la compréhension des autres, de leur histoire, de leurs traditions et de leurs valeurs spirituelles.
C'est ainsi que l'on peut créer un nouvel esprit. Guidés par la reconnaissance de notre interdépendance croissante et une analyse commune des risques et des enjeux de l'avenir, les gens seraient portés à mettre en oeuvre des projets communs ou à gérer les conflits inévitables de façon intelligente et pacifique.
D'aucuns pourraient penser que c'est de l'utopie, mais c'est une utopie nécessaire, et même vitale, si nous voulons échapper au cercle vicieux entretenu par le cynisme ou la résignation.
Les enseignants de Terre-Neuve et du Labrador estiment qu'il y a là un message clair. Les enfants de Terre-Neuve, à l'instar des enfants du monde entier, ont besoin d'apprendre à vivre ensemble. Quel meilleur moyen d'apprendre à vivre ensemble que d'apprendre ensemble? Ainsi donc, nous appuyons l'idée d'enlever aux Églises la régie de l'éducation dans notre province.
Comme vous pouvez le voir, il est tout à fait inhabituel pour des associations comme la nôtre de partager l'avis du gouvernement, mais je dois avouer que c'est maintenant le cas, et nous approuvons une affirmation que le ministre de l'Éducation a faite devant ce comité.
Il a dit:
-
Nous ne voulons plus que les enseignants soient embauchés ou mis
à pied en fonction de leur religion. Nous ne voulons plus que les
conseillers scolaires soient élus en fonction de leur religion.
Il est temps de permettre à tous nos enfants, de toutes les
confessions, de s'asseoir dans la même classe, dans les mêmes
écoles, de prendre les mêmes autobus, de jouer dans les mêmes
équipes sportives, de «vivre» et d'«apprendre» ensemble dans la
même communauté.
• 1140
Voilà essentiellement ce que veulent les enseignants de
Terre-Neuve et du Labrador. Nous le voulons pour nous-mêmes. Nous
le voulons pour les enfants à qui nous enseignons.
Une fois de plus, je vous remercie infiniment de l'occasion que vous nous donnez de présenter notre position à l'honorable comité. Wayne et moi, nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions ou observations. Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur Doyle. Votre déclaration était intéressante.
Nous passons maintenant à la période des questions. La liste est longue; nous commençons par M. Goldring.
M. Peter Goldring: Merci, monsieur le président, et merci pour votre exposé, monsieur Doyle.
Étant donné que le paragraphe (2) de la clause 17 prévoit des cours de religion qui seraient non spécifiques et non confessionnels, que pensez-vous de cette disposition? À votre avis, quelle sera la teneur de ces cours de religion non spécifiques qui seront offerts à la demande des parents?
M. Brendan Doyle: Je pense qu'ils seront comme leur nom l'indique: des cours de religion génériques permettant aux élèves d'étudier la dimension spirituelle, de parler morale et valeurs. Nous en avons déjà un exemple. À Terre-Neuve, en effet, le système scolaire intégré dispose déjà d'un programme commun de religion auquel participent tous les enfants de religions différentes.
Nous croyons que la dimension spirituelle fait partie intégrante de l'éducation d'un enfant, et nous avons toujours appuyé cette idée. En fait, les enseignants de Terre-Neuve et du Labrador y tiennent. La possibilité d'examiner la dimension spirituelle existe.
Est-il nécessaire d'avoir un cours de catholicisme? Nous pensons que non, mais cela ne serait pas interdit en ce moment, si j'ai bien compris l'amendement proposé. Toutefois, cela ne serait pas garanti.
M. Peter Goldring: Ce cours générique de religion comporterait-il peut-être des informations sur le confucianisme ou la spiritualité autochtone? Porterait-il aussi sur les domaines antireligieux? Quelle serait la portée de ce cours?
M. Brendan Doyle: Nous ne voyons aucun inconvénient à ce que les élèves explorent la plupart de ces concepts et de ces domaines sous la supervision d'un adulte dans une salle de classe.
Le programme de religion serait conçu de la même façon que toutes les autres disciplines dans la province. Il serait mis au point par la communauté, les enseignants, les gens du ministère, la population en général, avec la participation des n'empêcherait que cela se fasse. En fait, je présume que cela se ferait ainsi.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci, monsieur Doyle.
Passons maintenant à Mme Caplan, suivie du sénateur Kinsella.
Mme Elinor Caplan: Merci beaucoup. Ma question sera brève. Je tiens à vous remercier de votre exposé très passionné au nom des enseignants de Terre-Neuve et du Labrador.
Ma question porte sur le témoignage que nous avons entendu sur l'équité du processus et la clarté de la question. À votre avis, et d'après votre association, le processus était-il équitable? Pensez-vous que la population de Terre-Neuve et du Labrador qui a voté au référendum a bien compris la question qui a été posée?
Enfin, dans le même ordre d'idées, le vote unanime de tous les partis à l'Assemblée législative de Terre-Neuve est un facteur important. Même si un référendum n'est pas nécessaire, l'appui significatif de l'Assemblée législative l'est. Ainsi donc, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez du vote unanime à l'Assemblée législative?
M. Brendan Doyle: En ce qui concerne la question de savoir si le processus était juste et si la population savait sur quoi elle votait, la réponse est un oui sans équivoque.
• 1145
Je m'inscris en faux contre les personnes à l'extérieur de
la province qui estiment qu'il en a été autrement. J'étais au
coeur de ce débat, et il ne fait aucun doute dans mon esprit que
la question était claire. Les gens savaient pourquoi ils
votaient.
Pour ce qui est de l'unanimité à l'Assemblée législative, une fois de plus, je pense que les députés ont exprimé la position de leurs électeurs, et ce, de façon très claire. J'espère que le Parlement du Canada en fera autant.
Je profite de l'occasion pour répondre au commentaire selon lequel il y a peut-être eu de la confusion. À mon avis, ceux qui parlent de confusion font peut-être allusion à celle qui a accompagné le processus de désignation des écoles.
On a demandé aux parents s'ils voulaient continuer d'envoyer leurs enfants dans une école catholique, par exemple. Cela a-t-il créé de la confusion? Tout à fait.
Prenons le cas de St. John's. Certains parents pensaient qu'ils devaient répondre par l'affirmative s'ils voulaient continuer d'envoyer leurs enfants à l'école secondaire Brother Rice ou à Holy Heart. Ils ont voté pour l'école. Vous constaterez que c'est cela qui tenait à coeur aux parents. Ils sont davantage attachés à un immeuble, à une école que leurs enfants plus âgés ou eux-mêmes ont fréquentée. À mon humble avis, l'immeuble importait davantage aux parents qu'une instruction religieuse catholique, pentecôtiste ou intégrée.
Bien des parents vous diront qu'ils ont voté en faveur du régime catholique en pensant que cela garantirait à leurs enfants la possibilité de continuer à fréquenter cette école-là. Cela a-t-il suscité de la confusion? Oui.
Mme Elinor Caplan: Merci de cette précision.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci.
Nous laisserons maintenant la parole au sénateur Kinsella, puis à M. Doyle.
Le sénateur Noël Kinsella: Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Doyle, que le programme d'instruction religieuse ou que la clause 17(3) sur l'observance des pratiques religieuses se trouve ou non dans la Constitution ou dans la Schools Act de Terre-Neuve...
Pour ce qui est de l'instruction religieuse ou de l'observance des pratiques religieuses, votre association élabore-t-elle un protocole pour régler les cas où, par exemple, un enseignant refuserait, pour des raisons de conscience, de donner les cours d'instruction religieuse du gouvernement ou refuserait de participer à une pratique religieuse approuvée par le conseil scolaire?
M. Brendan Doyle: D'après ce que je sais, la question ne s'est jamais posée chez nos membres. Sommes-nous prêts à élaborer un protocole? Pas du tout. Jusqu'à présent, nous avons toujours respecté le fait que l'administration de l'école décide des fonctions des enseignants.
Le sénateur Noel Kinsella: Eh bien, que ferez-vous si un enseignant refuse de donner le cours d'instruction religieuse du gouvernement parce que cela va à l'encontre de ses propres principes, si, de bonne foi, il manifeste une objection de conscience? Ou que ferez-vous si une pratique religieuse a été approuvée, confiée à un enseignant et que celui-ci refuse d'y participer parce que cela enfreint son droit à la liberté religieuse? Dites-vous que vous ne protégerez pas vos enseignants dans de tels cas?
M. Brendan Doyle: Puisque je suis un nouvel arrivé, je demanderai au directeur général de répondre à cette question. Tout ce que je dis, c'est que nous n'avons pas discuté de ce sujet. Mon collègue peut toutefois me contredire s'il le souhaite.
M. Wayne Noseworthy (directeur général, Association des enseignants de Terre-Neuve et du Labrador): Le directeur général ne contredit jamais le président, du moins pas en public.
La réponse de Brendan au sujet du protocole est tout à fait exacte. Cette question n'a pas posé de problème ni suscité de discussion au sein de l'association ou chez nos membres.
Je pourrais toutefois répondre à votre autre question, dans laquelle vous demandiez ce que l'association ferait si l'un de ses membres estimait que l'une de ses tâches l'offense ou lui pose un problème. Dans un tel cas, l'association défendrait pleinement les droits de ce membre, comme ceux de tout autre membre, sous réserve des dispositions de la convention collective et des droits conférés aux membres dans cette convention. Cette protection serait assurée tant qu'il n'y aurait pas de modification apportée à la convention. C'est la seule réponse que je puisse vous fournir.
Le sénateur Noel Kinsella: Pour terminer sur ce sujet, ne serait-ce pas en soi une bonne raison d'intégrer les engagements en matière d'observance de pratiques religieuses et d'instruction religieuse du gouvernement dans la Schools Act, de façon à ce que si des problèmes se posent, ils puissent être réglés par l'Assemblée législative, qui aurait dans ce cas compétence exclusive, au lieu de demander une troisième modification à la Constitution?
M. Brendan Doyle: Oui, c'est une solution qui pourrait être adoptée.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci.
Monsieur Doyle, suivi de la sénatrice Pearson.
M. Norman Doyle: Je sais qu'en tant qu'éducateurs vous vous préoccupez de tous les aspects de l'éducation—scolaire, physique et spirituel. Croyez-vous que les éducateurs aient encore aujourd'hui un rôle à jouer dans le développement spirituel des enfants? Si oui, craignez-vous que la protection que la Constitution conférait à un régime chrétien ne soit abolie? Croyez-vous que cela limitera grandement votre participation à l'éducation globale de la personne?
L'étude d'avocats qui a conseillé M. Tobin lui a dit qu'on ne pouvait pas utiliser le mot «chrétien» dans la clause. M. Tobin a dit qu'il ne s'agirait pas nécessairement de cours d'instruction religieuse catholique, mais les avocats lui ont dit qu'on ne pouvait pas utiliser ce mot de «chrétien» dans la clause. Comment pouvez-vous concilier cela avec votre mandat d'éducation globale de l'enfant—c'est-à-dire sur les plans scolaire, physique et spirituel?
M. Brendan Doyle: Cela ne nous pose pas de problème. Cela fait partie intégrante de notre travail. Nous faisons déjà cette éducation globale de l'enfant dont vous avez parlé, dans laquelle les aspects sociaux, intellectuels, physiques et mentaux sont tous présents. Nous estimons que la modification proposée nous laissera suffisamment de latitude pour cela.
Je sais par contre que la seule raison pour laquelle on ne garantit pas de programme de cours dans une religion précise, c'est que cela nous ramènerait à notre point de départ. Si vous garantissez des cours d'instruction religieuse catholique dans une école, qui doit élaborer ce programme, qui doit l'enseigner et qui doit embaucher les enseignants? Nous revenons à notre point de départ.
Sinon, j'estime que la garantie à l'égard de l'observance de pratiques religieuses et de l'instruction religieuse est suffisante. Il ne faut pas oublier non plus que les parents ont des responsabilités à cet égard. À titre de parent catholique, j'ai des responsabilités et des obligations à respecter, et je crois que cela peut très bien se faire en collaboration avec l'école.
M. Norman Doyle: J'en reviens toujours aux Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve, qui ne représentent que 7 p. 100 de la population. Ces gens-là font toujours valoir que leur système scolaire repose sur un partenariat entre le foyer, l'école et l'église pour l'enseignement des Écritures, la lecture de la Bible, etc. Puisque l'instruction religieuse générale empêchera ces gens d'oeuvrer dans un tel partenariat, quelle serait d'après vous la solution à leurs problèmes dans un tel cadre?
M. Brendan Doyle: Je ne prétends certes pas pouvoir parler au nom des pentecôtistes de la province. Ils ont déjà leurs propres porte-parole, et il serait présomptueux...
M. Norman Doyle: Tenez-vous-en en à cette modification.
M. Brendan Doyle: Je répondrai à votre question par l'observation suivante. Lorsqu'il n'y a pas de cours d'instruction religieuse catholique dans une école, on semble croire que cela manque. Pour moi, la religion ne se trouve pas à l'école, elle arrive à l'école avec les enfants.
On dit toujours dans la province que si des changements sont apportés, la religion sera laissée au vestiaire, comme si on enlevait son équerre à un menuisier. Cela me déçoit d'entendre les leaders religieux tenir de tels propos. La religion repose dans l'âme. Elle est toujours avec nous. Ce qui importe, c'est de permettre à tous ces enfants, une fois qu'ils sont à l'école, de vivre leur religion et de la partager avec les autres.
M. Norman Doyle: Cela ne répond pas à ma préoccupation...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup. Vous avez déjà posé trois questions. Je vous permets de poser une question supplémentaire, mais ce sera la dernière.
M. Norman Doyle: J'ai posé deux questions jusqu'à maintenant.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Une question, monsieur Doyle.
M. Norman Doyle: Permettez-moi de continuer dans la même veine. J'ai reçu au moins 200 lettres, peut-être 300, des pentecôtistes. Ils font toujours valoir cet argument, et je ne sais que leur répondre. J'ai posé la question à plusieurs personnes. Les pentecôtistes ont, disent-ils—et je n'ai aucune raison de ne pas les croire, car ils expliquent bien leur argument—un régime scolaire dans lequel il existe un partenariat très étroit entre le foyer, l'école et l'église. Dans leur système scolaire, on accorde beaucoup d'importance aux Écritures et à la lecture de la Bible.
Je me pose donc de nouveau la question: quelle est la solution pour les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve, qui veulent conserver un tel régime, même si elles ne constituent que 7 p. 100 de la population? Elles veulent conserver un tel régime, mais dans cette clause il n'y aura plus aucune mention du christianisme ou des religions chrétiennes. Les pentecôtistes ne sont pas les seuls à s'en inquiéter; c'est aussi le cas des catholiques. Quelle solution peut-on proposer à ceux qui veulent conserver ce genre de régime parce qu'il fait partie intégrante de leur système scolaire?
M. Brendan Doyle: À mon avis, les parents et la collectivité devront plus que jamais participer activement à l'éducation des enfants. Mais si cela peut les consoler, ce que vous décrivez dans le cas des écoles pentecôtistes n'est pas exclusif à un seul groupe. Cela s'est fait également dans les écoles catholiques. Cela s'est fait et se fait encore dans les écoles intégrées de Terre-Neuve et du Labrador. Cela existe dans toutes nos écoles, et je n'ai aucune raison de croire que cela changera.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur Doyle.
Nous laisserons maintenant la parole à la sénatrice Pearson.
La sénatrice Landon Pearson: Merci, monsieur le président.
C'est avec plaisir que j'ai vu votre mention des droits des étudiants. Je suis d'accord avec vous: ces droits sont trop souvent laissés de côté.
Pourriez-vous nous donner quelques exemples concrets de la façon dont les droits des étudiants seront accrus grâce à la nouvelle clause 17. Je sais que l'un des problèmes actuels à Terre-Neuve, comme l'ont démontré certaines statistiques la semaine dernière, c'est qu'un grand nombre de personnes ont quitté l'école très jeunes et ont maintenant de la difficulté à se trouver des emplois. Dans ce contexte, pourriez-vous me donner un ou deux exemples des améliorations prévues?
M. Brendan Doyle: De façon très concrète, il est important d'accroître au maximum les ressources humaines et financières consacrées aux programmes d'études. Les étudiants de Terre-Neuve et du Labrador n'obtiennent pas nécessairement un diplôme pour travailler à Terre-Neuve ou au Labrador. Ils vont aussi travailler ailleurs, et c'est pourquoi nous devons nous assurer que nos programmes d'études correspondent à ceux offerts ailleurs.
À l'heure actuelle, il y a encore un certain chevauchement en raison de la façon dont les étudiants sont regroupés dans la province. À Bell Island, une petite île de Terre-Neuve, nous avons deux écoles secondaires, ce qui est tout à fait incroyable. Ce conseil scolaire, que le ministre a peut-être mentionné, a dépensé 600 000$ pour rouvrir l'une de ces écoles, alors que cela n'était pas nécessaire. Ces 600 000$ auraient pu servir à bien d'autres choses pour aider les étudiants de Bell Island. Ils auraient pu peut-être servir à leur offrir un programme enrichi, ou encore certain des programmes de base qui ne sont pas encore donnés dans certaines de nos écoles.
À cet égard, en tout cas, même si ces étudiants se sont vu attribuer un maximum de ressources et de programmes, ils sont néanmoins perdants. C'est une discrimination qui est exercée contre eux, et ils en sont désavantagés.
Je suis convaincu que ces enfants sont terriblement désavantagés du fait d'avoir à prendre des autobus différents pour fréquenter des écoles différentes. Ce n'est pas ce qu'eux-mêmes souhaitent. Je suis un peu déçu, lorsque je consulte la liste, de voir qu'il y a aussi peu de représentants des étudiants. Je comprends que c'est difficile, puisque vous êtes à Ottawa, mais je suis très près des étudiants de ma province et je leur prête une oreille attentive. Ils sont toujours très heureux de pouvoir se rencontrer.
La sénatrice Landon Pearson: Merci.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci, sénatrice. Merci, monsieur Doyle.
Passons maintenant au sénateur Murray, suivi de M. Pagtakhan et du sénateur Doody, puis de nouveau de M. Goldring.
Le sénateur Lowell Murray: Merci, monsieur le président.
Il y a 15 ans, en 1982—et je crois que c'est à peu près à ce moment-ci, le Parlement a voté ce qui est devenu la Loi constitutionnelle de 1982. Si je ne m'abuse, on avait prévu cinq formules d'amendement, allant d'une initiative unilatérale du Parlement ou d'une assemblée législative jusqu'à quelque chose qui exigerait le consentement unanime de toutes les provinces et d'Ottawa.
• 1200
Les auteurs de la Constitution de 1982 étaient alors libres
de décider que, puisque la clause 17 traitait d'éducation, ce qui
relevait de la compétence exclusive de la province, et dans une
certaine mesure d'un système qui est absolument unique à
Terre-Neuve, cette clause pourrait être modifiée par une simple
mesure de l'Assemblée législative de Terre-Neuve. Or ils ont au
contraire maintenu l'application de l'article 43, avec le double
veto, c'est-à-dire l'action bilatérale du Parlement et de
l'Assemblée législative de Terre-Neuve.
Pourquoi pensez-vous qu'ils ont fait cela si ce n'était pas parce qu'ils voulaient protéger davantage les droits des minorités? Que pensez-vous que le Parlement fédéral devrait faire de l'affirmation des associations catholiques qui ont comparu devant nous et ont déclaré que de 51 à 62 p. 100 des catholiques qui ont participé au référendum ont voté non? Qui plus est, 70 p. 100 des pentecôtistes ont voté—et c'était de loin une proportion supérieure à la moyenne provinciale—et près de 83 p. 100 d'entre eux ont voté non. Pensez-vous que nous devrions en tenir compte dans nos délibérations?
M. Brendan Doyle: Absolument. Je suppose que les gens qui ont présenté ces chiffres ont des preuves à l'appui. Les statistiques sont très claires. Il y a des districts dans la province qui sont essentiellement catholiques, et le résultat du scrutin y était très clair.
En ce qui concerne la raison pour laquelle la Constitution a été rédigée comme elle l'a été en 1982, vous comprendrez certainement, monsieur, que je serais mal placé pour dire à quelqu'un comme vous ce qui a motivé une telle décision. Était-ce pour protéger davantage les minorités? Je l'espère. Je ne voudrais pas que quiconque ici pense que moi-même ou les enseignants de Terre-Neuve et du Labrador voulons en quoi que ce soit diminuer les droits des minorités ou faciliter le processus de modification. Le processus doit rester difficile, mais possible. J'estime que c'est la raison pour laquelle nous avons entrepris cette démarche. Elle ne me dérange pas.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Monsieur Pagtakhan.
M. Rey Pagtakhan: Merci, monsieur le président.
Merci de votre exposé. Pour faire suite à votre réponse au sénateur Murray dites-moi: si l'une des options choisies par les groupes concernés était qu'une école confessionnelle soit financée par la province lorsque le nombre le justifie, comment votre association envisagerait-elle une telle requête?
M. Brendan Doyle: Nous aurions certainement quelques réserves. Tout d'abord, les termes «viable» et «lorsque le nombre le justifie» devraient être définis. Nous pensions que c'était ce que nous avions réussi à faire la dernière fois. Nous pensions que c'était un compromis raisonnable. Mais nous savons tous ce qui s'est produit. Malheureusement, je crois que nous avons maintenant la preuve que cela ne marche pas ou que cela ne peut pas marcher, qu'on ne laissera pas les choses se faire ainsi, quoi qu'il en soit. Franchement, je ne crois pas que ce soit encore une option.
M. Rey Pagtakhan: Mais vous ne voyez pas d'objection au principe, quand cela peut marcher à la lumière des nouveaux changements proposés à la clause 17?
M. Brendan Doyle: L'Association des enseignants de Terre-Neuve et du Labrador a toujours maintenu qu'il restait tout à fait possible de maintenir des écoles confessionnelles. Il y a des régions, en particulier les régions urbaines de la province, où il est très facile de maintenir une structure particulière, essentiellement catholique ou d'une autre religion. Cela n'a jamais posé de problème.
M. Rey Pagtakhan: Pour ce qui est des cours de religion, quelqu'un a fait allusion tout à l'heure au fait que ces fameux cours génériques pourraient comporter des éléments antireligieux. J'estime pour ma part que des cours de religion ne peuvent inclure d'éléments antireligieux. Comment interprétez-vous la chose? Pensez-vous qu'un cours contre la religion puisse être un cours de religion?
M. Brendan Doyle: Personnellement, je crois que non. L'avis juridique que nous avons reçu indique qu'il n'en est rien, et je le crois.
M. Rey Pagtakhan: Même si le gouvernement provincial sera tenu d'offrir ces cours de religion, ceux-ci resteront facultatifs pour les élèves. Je suppose que lorsque les élèves les suivront, ils recevront les crédits scolaires normaux. N'est-ce pas?
M. Brendan Doyle: Oui. J'ajouterai que nous sommes tout à fait d'accord là-dessus. Nous pensons que si c'est facultatif, ce n'en est que mieux. J'aurais aimé personnellement avoir certaines options.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Monsieur Pagtakhan, nous reviendrons à votre question après ce tour.
Sénateur Doody.
Le sénateur William Doody: Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Doyle, de votre exposé.
Je dois dire que j'ai été très soulagé de voir que vous n'aviez pas beaucoup changé. Mon avis de convocation indique Brenda Doyle, président, et j'ai pensé, avec quelque appréhension...
Cela dit, j'aimerais revenir brièvement sur ce que vous avez dit à propos de la discrimination dont auraient été victimes certains enseignants dans tel ou tel système.
Je me rappelle que lorsque nous avons eu ce débat sur la clause 17 la dernière fois, certains d'entre nous ont dit que ce serait pire que l'ancien système parce que l'on allait mettre sur pied des sous-comités confessionnels qui risquent d'engendrer des querelles religieuses et des problèmes de ce genre.
D'après ce que je sais et d'après ce que j'ai entendu dire, ce n'était pas le cas dans le contexte de la clause 17 non révisée. J'avais en effet cru comprendre que les enseignants pouvaient passer facilement d'un système à l'autre. D'ailleurs, un pentecôtiste nous a dit que M. Grimes, le ministre actuel de l'Éducation, avait enseigné dans une école catholique sans que cela pose du tout de problème.
Si je dis cela, c'est surtout pour qu'on le sache, car, maintenant, le principal problème là-bas n'est pas la protection initiale de l'éducation confessionnelle définie dans les Conditions de l'union, mais le fait que l'on a modifié le système en modifiant la clause 17. On a réduit le nombre de conseils scolaires de 27 à 10, ce qui était probablement une bonne chose, mais, ce faisant, on leur a retiré tout pouvoir en créant ces sous-comités confessionnels. N'est-ce pas en quelques mots la situation actuelle?
M. Brendan Doyle: Oui, à mon avis vous résumez bien la situation. Vous dites que l'on a bricolé le système. Je crois que c'est vrai, et nous vous demandons là d'aller plus loin pour que l'on puisse faire les choses correctement.
La dernière fois, comme vous le savez, il y avait des conseils confessionnels. Le droit d'un enseignant à une réaffectation était garanti par le conseil, mais maintenant ces conseils sont subdivisés, et c'est ce qui crée un problème. Le problème a toujours existé. Les enseignants ont toujours fait l'objet de discrimination, mais ce n'était pas aussi évident. Lorsque ces comités ont été mis sur pied, c'est devenu évident aux yeux de tous, et c'est pourquoi on a protesté.
Le sénateur William Doody: J'estime pour ma part qu'il n'est pas nécessaire d'éliminer l'éducation confessionnelle pour corriger le système scolaire à Terre-Neuve. Cela peut se faire sur le plan administratif. Toutefois, vous et moi ne sommes pas d'accord là-dessus, et cela ne va pas changer.
Merci.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Monsieur Goldring, puis nous reviendrons à M. Pagtakhan.
M. Peter Goldring: Merci, monsieur le président.
Monsieur Doyle, vous avez déclaré que la seule raison pour laquelle l'enseignement confessionnel n'est pas mentionné comme une option, c'est que le système reviendrait à ce qu'il était au préalable. Donc, quel inconvénient y aurait-il à supprimer l'allusion à la religion dans la deuxième phrase de la clause 17? Je pense que cela laisserait aux parents l'espoir de pouvoir présenter une demande au conseil, et au conseil la possibilité d'accepter une certaine forme d'enseignement confessionnel. En retirant au moins la deuxième partie de cette phrase, cela donne aux parents quelque espoir que l'enseignement confessionnel pourra être envisagé dans certains cas.
M. Brendan Doyle: Pouvez-vous, s'il vous plaît, me redire quelle partie vous supprimeriez?
M. Peter Goldring: Je supprimerais, au paragraphe (2), ce qui vient après la virgule: «mais elle doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier». Si l'on supprimait cela, s'il y avait donc modification de cette modification, les parents sauraient qu'ils peuvent demander au conseil une instruction religieuse quand le nombre le justifie et quand d'autres considérations sont prises en compte. N'êtes-vous pas d'accord avec moi?
M. Brendan Doyle: C'est tout à fait concevable.
Je présume que ce libellé a été retenu pour rassurer les habitants de la province qui souhaitent que l'instruction religieuse soit maintenue. S'il n'en était pas question dans la modification, cela pourrait vouloir dire que l'instruction religieuse est exclue. Ce matin on a parlé de l'expérience de l'Ontario et de celle d'autres provinces, où ce sont les parents qui demandent qu'on dispense une instruction religieuse, et les habitants de la province acceptent cela. D'après mon interprétation, ce libellé offre cette garantie.
M. Peter Goldring: Mais le libellé exclut nettement l'enseignement d'une religion en particulier. Ainsi, en l'absence de cette exclusion, on pourrait dire que le conseil scolaire peut déterminer dans des régions particulières que l'enseignement religieux sera dispensé.
M. Brendan Doyle: D'après mon interprétation, ce libellé n'exclut pas l'enseignement d'une religion donnée. Il ne le garantit pas. Les parents quant à eux peuvent réclamer cet enseignement, et l'on pourra élaborer un programme particulier qui sera catholique ou pentecôtiste ou autre chose. Rien dans ce libellé n'interdit cela, mais rien ne le garantit.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Monsieur Pagtakhan, c'est de nouveau à vous.
M. Rey Pagtakhan: Merci beaucoup, monsieur le président.
Il y a possibilité de laisser tomber les cours de religion, mais puisque les cours de religion donnent droit à un crédit, ne pourrait-on pas offrir un cours de remplacement donnant droit également à un crédit?
M. Brendan Doyle: Je ne pense pas avoir bien compris la question.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Permettez-moi d'intervenir. Je pense que M. Pagtakhan veut savoir si l'étudiant qui ne suit pas un cours de religion quelconque pourra compter sur un cours de remplacement afin d'obtenir le crédit correspondant?
M. Brendan Doyle: Oui, tout à fait. Du reste, c'est ce qui se fait actuellement. Il y a des étudiants dans la province qui, dans le système confessionnel, ne suivent pas les cours de religion. Quand cela est faisable, nous offrons un programme de remplacement. Actuellement, rien ne garantit cela, ce qui veut dire que si vous ne suivez pas l'enseignement religieux, il ne vous reste plus qu'à passer ces heures-là à lire. Désormais, un cours de remplacement serait offert.
Quand sera-t-il souhaitable d'offrir un cours de remplacement? Je vais vous donner un exemple personnel, si vous le voulez bien. Les enfants ne peuvent suivre qu'un certain nombre de cours. Les parents souhaitent en général qu'ils élargissent leurs horizons au maximum. Souvent, nous comptons sur l'école pour leur apprendre ce que nous ne sommes pas en mesure de leur apprendre nous-mêmes. J'avais quatre enfants à l'école, et quand ils en sont sortis, ils ne connaissaient pas grand-chose aux ordinateurs. J'aurais souhaité qu'ils aient la possibilité à la fin de leur cycle secondaire de suivre des cours d'informatique plutôt que des cours de religion. J'estime que j'aurais pu leur donner un enseignement religieux. En tant que parent, je peux parfaitement le faire, et on peut supposer que je le faisais de toute façon. Mais en vertu du système confessionnel où étaient inscrits mes enfants, l'instruction religieuse était obligatoire, et c'est ainsi qu'on ne pouvait pas leur offrir un autre enseignement.
M. Rey Pagtakhan: Je voudrais vous poser une question concernant l'observance d'une religion. Dans le cas où on demandera l'observance de cinq ou six religions différentes, ce qui est permis dans la modification proposée, comment l'association se rendra-t-elle aux voeux des parents? Pouvez-vous dire comment les choses se passeront?
M. Brendan Doyle: Je suppose que les choses vont se passer bien différemment de maintenant. Dans les écoles de la province, les décisions sont prises essentiellement au niveau du district et du conseil scolaire. Il existe des conseils consultatifs de parents, très actifs à l'échelle locale, et de concert avec les administrateurs de l'école ils décident ce qui convient à une école donnée. Je suppose que s'il y avait une difficulté, le recours usuel serait les tribunaux ou une autre instance.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Sénateur Murray.
Le sénateur Lowell Murray: Monsieur le président, je n'ai qu'une question à poser. Je voudrais avoir une confirmation de la part de M. Doyle.
Vous êtes tout à fait en faveur d'un système unique, mais je suppose que cela ne vous empêche pas d'appuyer le principe de l'article 23, qui garantit des écoles de langue française quand le nombre le justifie dans la province de Terre-Neuve, et qui garantit en outre que ces écoles seront régies par des conseils scolaires de langue française.
M. Brendan Doyle: Ce conseil scolaire, vous le savez, est en train d'être formé dans la province, et nous travaillons de concert avec les intéressés pour le rendre opérationnel.
Le sénateur Lowell Murray: Vous appuyez donc le principe.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je constate que personne d'autre ne veut poser de question. Au nom des membres du comité mixte spécial, je remercie les témoins qui sont venus comparaître ce matin.
Merci, monsieur Doyle et monsieur Noseworthy. Nous savons que vous êtes venus de loin, et nous vous remercions d'avoir pris le temps de le faire.
M. Brendan Doyle: Merci.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Chers collègues, nous allons reprendre cet après-midi dans cette même salle, la salle 237-C de l'édifice du Centre, à 15 h 30. Merci beaucoup à tous. La séance est levée.