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SJCA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE CHILD CUSTODY AND ACCESS

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL SUR LA GARDE ET LE DROIT DE VISITE DES ENFANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 3 avril 1998

• 0912

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Bonjour, tout le monde.

[Français]

Bonjour, tout le monde. C'est la 16e séance du Comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes chargé d'examiner et d'analyser les questions des ententes concernant la garde, les droits de visite et l'éducation des enfants après la séparation ou le divorce des parents. Plus particulièrement, le comité mixte sera chargé d'évaluer le besoin d'une approche davantage centrée sur les enfants dans l'élaboration des politiques et des pratiques du gouvernement en droit de la famille, c'est-à-dire une approche qui mette l'accent sur les responsabilités de chaque parent et sur les besoins des enfants et leur meilleur intérêt, au moment de la conclusion des ententes concernant l'éducation des enfants.

[Traduction]

C'est le mandat de notre comité.

Nous accueillons ce matin Mmes Cerise Morris et Claudette Guilmaine.

Madame Morris, voudriez-vous commencer? Nous aimerions que votre exposé soit aussi bref que possible, disons de cinq minutes environ, pour qu'il nous reste du temps pour les questions.

Mme Cerise Morris (témoigne à titre personnel): Bien sûr.

Je m'adresse au comité mixte spécial ce matin à titre de simple citoyenne qui s'intéresse à la politique sociale concernant la garde et le droit de visite des enfants.

J'ai fait mes propres recherches sociologiques sur la garde partagée. J'ai donné des cours sur la famille contemporaine. Et, comme psychothérapeute, j'ai aussi aidé des individus et des couples à s'occuper de ces questions.

Même si le principe du meilleur intérêt de l'enfant semble être enchâssé dans la jurisprudence canadienne, à mon avis, il ne tient pas suffisamment compte des droits des enfants dans la pratique. Mes propres recherches et mon expérience clinique m'ont amenée aux conclusions suivantes.

Un enfant dont les parents sont divorcés continue normalement à avoir besoin de son père et de sa mère et veut qu'ils s'occupent tous les deux de lui. Un enfant dont les parents sont divorcés a besoin de continuer à entretenir des liens avec ses grands-parents paternels et maternels et avec d'autres membres de la famille élargie de chacun de ses parents. Un enfant dont l'accès à un parent est restreint, refusé ou source de conflit en souffre et peut parfois même éprouver de graves problèmes psychologiques et de comportement.

• 0915

Nous devons nous acheminer vers une approche qui permet une définition plus vaste et plus souple du «meilleur intérêt» de l'enfant. Certains parents divorcés arrivent ensemble à instaurer le meilleur climat possible pour leurs enfants après le divorce, mais pas tous. Et il est évident qu'il faudrait promouvoir la médiation dans le cas aussi des ententes de garde et de visite.

Une loi qui reconnaîtrait pleinement la nécessité pour un enfant de jouir d'un accès raisonnable et sans contrainte à ses deux parents aurait pour effet d'encourager les parents à faire passer l'intérêt de l'enfant avant leur désir de garder le plus possible leurs distances après le mariage.

Les données montrent qu'au moins certains parents divorcés peuvent apprendre à faire la part des choses entre les questions maritales et leur rôle parental.

Hommes et femmes font bruyamment valoir leurs droits à l'heure actuelle concernant la garde et l'accès, et les voix qu'on entend sont plutôt discordantes.

Certains groupes de revendication féministes soutiennent que les droits des pères l'emportent systématiquement dans les litiges portant sur la garde et les visites dans le système juridique canadien, ce qui perpétue l'inégalité des femmes et expose même certaines femmes et certains enfants aux mauvais traitements d'ex- conjoints violents. Des porte-parole des femmes défendent la pratique qui consiste à interdire l'accès aux enfants pour protester contre le retard ou le non-versement de la pension alimentaire pour les enfants due par les pères.

Des groupes de revendication communément appelés «groupes pour la défense des droits des hommes» allèguent que les décisions rendues en matière de garde favorisent injustement les femmes et que le système de justice les autorise arbitrairement et injustement à priver les pères d'un accès suffisant à leurs enfants, sinon de tout accès, même lorsqu'ils respectent leurs obligations parentales et financières.

Bien sûr, il peut y avoir du vrai dans ce que disent les deux camps, mais le danger, d'après moi, c'est que ce domaine du droit de la famille devienne le champ de bataille de la guerre des sexes.

Il ne faut pas que les droits des enfants, d'après ce qu'on sait de leur besoin psychologique de s'identifier à leur père et à leur mère et d'entretenir des liens avec eux, deviennent l'enjeu de la guerre des sexes. Les adultes des deux sexes font des choix et sont maîtres d'eux-mêmes. Pas les enfants.

En résumé, j'aimerais faire les recommandations suivantes au comité.

Il faudrait poser a priori que les enfants ont le droit de jouir d'un accès sans contrainte à leurs deux parents.

La question de la garde et du droit de visite des enfants devrait être considérée comme distincte de l'obligation de subvenir à leurs besoins.

Le sexe des parents, en soi, ne devrait pas intervenir dans la décision concernant la garde et le droit de visite.

Le refus arbitraire ou déraisonnable d'un parent d'accorder l'accès aux enfants à l'autre parent devrait immédiatement entraîner une sanction juridique sévère, car il est essentiel de décourager cette pratique.

La médiation familiale devrait être offerte par le biais du tribunal de la famille à tous les parents qui se séparent et devrait être obligatoire lorsqu'ils n'arrivent pas à régler leurs différends relatifs à la garde et à l'accès.

Enfin, lorsqu'on a suffisamment de raisons de craindre qu'un parent adopte un comportement violent envers les enfants ou l'autre parent, il faudrait superviser les contacts avec les enfants et offrir si nécessaire des services de thérapie, mais non interdire les contacts, sinon en dernier recours, à cause des effets préjudiciables que cela peut avoir sur les enfants.

Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): C'est nous qui vous remercions.

Le sénateur Duncan J. Jessiman (Manitoba, PC): Pouvez-vous répéter ce que vous venez de dire à propos du refus d'accès, s'il vous plaît?

Mme Cerise Morris: Oui. Le refus arbitraire ou déraisonnable d'un parent d'accorder à l'autre l'accès aux enfants devrait immédiatement entraîner...

Le sénateur Duncan Jessiman: J'ai compris ce bout-là.

Mme Cerise Morris: Vous avez compris? C'est tout.

Le sénateur Duncan Jessiman: Y avait-il seulement quatre points?

Mme Cerise Morris: Non, il y en avait six.

Vous avez une copie de mon mémoire, ou vous l'aurez. Il n'a pas pu être traduit à temps, mais il est disponible.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

[Français]

Madame Guilmaine.

Mme Claudette Guilmaine (travailleuse sociale et médiatrice familiale, Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec): Bonjour, messieurs, mesdames. Je vous remercie beaucoup de me permettre de m'exprimer ce matin sur un sujet qui me tient beaucoup à coeur. Je suis contente d'entendre dire que vos principes de base sont ceux qui motivent ma pratique depuis plus de 20 ans. J'ai particulièrement apprécié l'intervention de ma consoeur, qui est aussi travailleuse sociale.

J'ai aussi fait de la recherche au niveau de la garde partagée. J'ai d'ailleurs déposé mon volume. C'est un des volets que j'aimerais aborder aujourd'hui.

• 0920

Les recommandations que je veux vous soumettre humblement ont trait d'abord à la terminologie que nous utilisons avec les parents et les enfants qui traversent une des périodes les plus difficiles de leur vie, qui est la rupture de la famille. Une de mes croyances fondamentales étant la continuité de la famille par-delà la rupture, je vais vous exposer pourquoi je pense qu'il est aussi important de modifier la terminologie.

La deuxième recommandation touche les outils qui, d'après moi, sont nécessaires et que nous devrions offrir de façon plus générale et rendre accessibles à tous les parents et enfants, en termes éducatifs et en termes préventifs.

J'ai beaucoup aimé une réflexion de Mme la juge Richer de Montréal, qui croit beaucoup à la médiation et qui a fait une comparaison originale en disant que les décisions du tribunal, avec tout le respect que je dois à cette institution, sont un peu comme les uniformes de l'armée: pour le soldat, ils sont toujours ou trop grands ou trop petits. De son côté, la médiation offre une approche basée sur les besoins et la réalité spécifiques de chacune des familles. En tant que médiatrice familiale depuis 1989, je pense que c'est une voie qui doit être privilégiée. On doit redonner de plus en plus le pouvoir décisionnel aux parents et aux familles.

Ma proposition par rapport à la modification de la terminologie s'appuie, entre autres, sur une réflexion dont j'ai déposé le texte et qui s'appelle Parenting Plans: A Concept Whose Time Has Come. Ce texte explique les principes qui doivent nous diriger et comment ils sont contradictoires avec la terminologie juridique qui est encore actuellement en usage, malgré le message de collaboration et de coopération qu'on essaie de plus en plus de transmettre aux parents et aux familles.

Pour mieux m'expliquer, je vous demanderai de penser que vous êtes un parent—ceux qui le sont déjà n'auront pas de difficulté à se l'imaginer—, un parent aimant qui a été impliqué auprès de ses enfants durant toute la vie commune et qui, tout à coup, prend une décision d'adulte ou subit cette décision, étant donné que la vie conjugale n'est plus possible et qu'on doit y mettre fin. C'est une décision qui est pleine de tristesse et de conséquences, et pour les individus et pour les enfants.

Dans ce contexte-là... Je m'excuse. J'ai eu une distraction et j'ai perdu le fil.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Ne vous inquiétez pas. Cela nous arrive aussi très souvent.

[Traduction]

Le sénateur Duncan Jessiman: Ce que je disais, c'est que le comité a un parti pris contre les hommes.

Des voix: Ah, ah.

Mme Claudette Guilmaine: A un parti pris...

Le sénateur Duncan Jessiman: Contre les hommes. Je suis le seul.

Des voix: Ah, ah.

Mme Claudette Guilmaine: Mon pauvre monsieur! Je sais que vous comprendrez très bien. Vous allez avoir beaucoup d'appui.

Le sénateur Duncan Jessiman: Merci. Oh là là!

[Français]

Mme Claudette Guilmaine: Je parlais tout à l'heure à d'autres personnes qui sont ici. Vous allez entendre d'autres opinions qui vont refléter, un peu comme le disait ma consoeur, le fait qu'il y a des préoccupations à la fois chez les groupes d'hommes et les groupes de femmes, mais aussi des intérêts communs et des préoccupations centrées sur l'intérêt des enfants.

Je retrouve mon idée originale. Il y a une petite histoire que je vais vous raconter brièvement et qui, je pense, explique bien pourquoi les mots sont aussi importants. Quand on parle de garde et d'accès, il nous vient facilement à l'esprit des associations en termes de pouvoir, de contrôle et de propriété.

Ce sont des termes qui sont très adéquats quand on parle de biens, de meubles, d'immeubles, mais comment peut-on les utiliser quand on parle des enfants, des enfants qu'on aime, avec qui on a eu une relation significative, une relation qu'on veut parfois même améliorer après la rupture? Pour certains parents, la rupture est une occasion de remise en question et de questionnement personnel.

J'ai vu des pères et des mères qui, honnêtement, étaient vraiment motivés par le désir de se rapprocher de leurs enfants en ce moment de crise, alors qu'ils avaient l'impression que tout se brisait sous leurs pieds.

Donc, je crois à cette motivation-là, qui peut être réelle et qui doit être appuyée, non seulement par nos institutions, mais aussi par nos mots et nos approches.

• 0925

En médiation, j'utilise toujours le terme «plan parental» pour dépolariser les choses. À partir du moment où on parle de la personne qui va avoir la garde, on parle de la personne qui va gagner, finalement, qui va avoir le contrôle, qui va pouvoir décider si c'est dans l'intérêt de l'enfant ou non d'aller passer un week-end chez papa ou chez maman, ou de déplacer la visite qui était prévue parce qu'il y a une autre activité qui serait plus intéressante pour l'enfant. On parle donc de la personne qui va décider.

J'ai l'impression qu'avec cette terminologie, on se sabote nous-mêmes dans notre désir de redonner le pouvoir et la responsabilité aux parents. C'est pour cela que je pense que c'est piégé. Même actuellement, comme médiatrice, tous les documents que j'ai, tous les formulaires que j'ai à remplir... Ma consoeur proposait de séparer les enjeux financiers du plan parental. Je pense que c'est sage, mais tout cela est très interrelié. On ne peut pas être complètement pur. On sait que dans la responsabilité parentale, il y a aussi la responsabilité de subvenir aux besoins des enfants. Donc, il y a des enjeux financiers qui sont rattachés à cela. Le grand défi, c'est justement d'avoir suffisamment de maturité pour être capable de séparer ce qui est du domaine conjugal de ce qui est du domaine parental. Comme médiatrices, comme intervenantes, nous devons appuyer les parents dans cette tâche si difficile mais si primordiale.

Les recherches ont prouvé que ce qui est préjudiciable à l'enfant, ce n'est pas la rupture comme telle, mais le conflit parental qui perdure. On peut aller jusqu'à l'aliénation parentale. À ce moment-là, les dommages sont vraiment catastrophiques et à long terme. On sait que les enfants sont en situation de grande vulnérabilité puisque les parents sont souvent les deux personnes qu'ils aiment le plus au monde. Quand on compromet ce lien à cause du conflit conjugal, on les utilise comme des armes de guerre.

On dit qu'on veut dépolariser, déjudiciariser, enlever la dimension de conflit. Pour cela, il faut que nos termes appuient nos volontés. Il faut mettre de côté ce langage conflictuel qui ne fait que mettre de l'huile sur le feu et renforcer le désir de contrôle du gagnant.

J'ai écrit un volume sur la garde partagée. Le terme «garde partagée», c'est l'éditeur qui l'a choisi parce que c'est un terme qui est maintenant populaire, que les gens utilisent. Quand on regarde les enjeux de la garde partagée, malheureusement, on voit qu'il peut y avoir des motivations de toutes sortes de nature, dont des motivations financières et des motivations de déresponsabilisation.

On dit qu'il ne faut pas s'attarder à la paille des mots mais au froment de la chose. Le froment de la chose, c'est la continuité parentale. Notre rôle, comme intervenants et décideurs, est de voir à mettre en place des structures qui vont faciliter la responsabilisation des parents, mais nous devons éviter de nous piéger nous-mêmes en utilisant une terminologie qui est maintenant dépassée et qui reflète encore des attitudes qu'on dénonce.

Voici l'histoire de l'orange pour illustrer mon propos. Ce sont trois enfants qui se disputent pour avoir la dernière orange d'un plateau de fruits. Le parent, en tout espoir de justice, dit aux trois enfants: «Écoutez, on va la séparer en trois.» Sur le coup, les trois enfants arrêtent de se chamailler. Après un petit bout de temps, ils se remettent à se disputer et le parent intervient de nouveau en disant: «Qu'est-ce que vous voulez que je fasse? Il reste seulement une orange. Tout ce que je peux faire, c'est la séparer en parts égales.» La plus vieille lui explique alors qu'à l'école, ils font un bricolage et qu'elle a besoin des petites pelures d'orange pour faire des sachets parfumés brodés qu'elle va mettre dans les tiroirs et offrir en cadeau. Le petit garçon dit: «On fait une expérience avec les petits pépins; on fait pousser des choses. C'est une expérience en botanique, et j'ai juste un petit pépin dans mon morceau d'orange.» Et la plus petite pleure encore parce qu'elle a faim et veut toute l'orange. Le papa s'aperçoit finalement qu'il n'a pas vraiment tenu compte des besoins des enfants. Dans son désir de justice, qui était basé uniquement sur des principes mathématiques, il a fait de son mieux: il a divisé l'orange en trois parts égales. Maintenant qu'il comprend mieux la nature des besoins, il pourrait trouver des solutions beaucoup mieux adaptées aux besoins des trois enfants et ces derniers seraient beaucoup plus satisfaits. Ainsi, la plus vieille pourrait avoir toute la pelure et faire tous les petits coussins qu'elle veut, le petit garçon pourrait avoir tous les petits pépins, les planter dans la terre et faire son expérience, et la plus jeune pourrait se régaler de la pulpe de l'orange.

• 0930

C'est notre approche en médiation, et je crois que c'est aussi ce qu'il faut faire au niveau de la terminologie juridique. Il faut ajuster les mots et éviter de tomber dans des calculs mathématiques, notamment pour les barèmes de fixation des pensions, dont le but, très louable et positif, était d'éviter l'appauvrissement des femmes et les inégalités. Par ailleurs, aussitôt qu'on tombe dans les automatismes, on se piège. Il faut faire attention. Si on veut remettre aux parents la responsabilité, il faut leur donner la latitude nécessaire et se donner les termes qu'il faut et des structures suffisantes.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame, avez-vous presque fini?

Mme Claudette Guilmaine: Oui, j'ai presque fini.

Ma deuxième recommandation est de donner des cours à tous les parents qui se séparent. Ce serait des séances qui seraient bien organisées pour expliquer les réactions à la rupture des adultes, des parents. Cela pourrait être intégré à nos structures de médiation familiale au niveau des palais de justice. Pour moi, ce serait un volet de soutien, d'accompagnement et de prévention de l'aggravation des conflits dans les situations de rupture.

Tous les volumes qui ont été écrits à ce sujet... Là je vous dis humblement que mon livre n'est pas traduit en anglais et que j'ai l'impression qu'il n'y a pas beaucoup de documentation pour appuyer les parents qui veulent appliquer ce genre de plan parental partagé, qui leur donne à la fois du temps de loisir et du temps de responsabilité et d'éducation quotidienne des enfants. Humblement, c'est le souhait que je vous soumets.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. On passe maintenant aux questions.

[Traduction]

Sénateur Jessiman.

Le sénateur Duncan Jessiman: Ma question s'adresse à vous deux, parce que vous en avez toutes les deux parlé et que Mme Morris a dit... En fait, Mme Bennett, en face, essaie de me convaincre que l'accès et la garde ne devraient rien avoir à voir avec la question de savoir qui doit payer quoi à qui. Il faut que vous m'expliquiez cela, parce que la loi elle-même dit que les deux parents sont responsables financièrement.

Les lignes directrices, nos lignes directrices—et j'ai des questions à vous poser sur celles du Québec—traitent de la garde divisée et de la garde partagée. Je suis certain que vous savez toutes les deux en quoi consiste la garde divisée: un parent prend un enfant et l'autre deux, disons. C'est ce qu'on appelle la garde divisée.

Vous dites qu'on ne devrait pas discuter de finances, mais si vous regardez les lignes directrices... Dans le cas de la garde divisée, on demande au parent à qui un enfant est confié ce qu'il gagne, en supposant que ce soit un homme, et il doit payer pour deux. On décide donc du montant qu'il doit payer pour deux enfants. Il s'occupe déjà d'un enfant. La mère doit elle aussi payer pour un enfant. La différence, c'est qu'elle s'occupe de deux enfants et qu'elle gagne probablement moins d'argent. La question se pose automatiquement dans le cas de la garde divisée.

C'est la même chose pour la garde partagée. Si la garde partagée au Québec, d'après ce que je crois comprendre—et corrigez-moi si je me trompe, parce que c'est ce que quelqu'un m'a dit hier—représente plus de 20 p. 100... Si l'un des parents a la garde partagée 20 p. 100 du temps, il y a des rajustements à faire en ce qui concerne la pension, des rajustements prévus par les barèmes.

Tout d'abord, est-ce exact? Est-ce ce que prévoient vos lignes directrices? C'est ce qu'un avocat du Québec a dit hier. Selon vous, est-ce exact?

[Français]

Mme Claudette Guilmaine: Je pense que oui. J'aurais peut-être dû être plus prudente et mieux écouter l'interprétation.

Si je comprends bien, je crois qu'actuellement, on dit que 80 p. 100 du temps, on considère la garde partagée. Les 20 p. 100...

[Traduction]

Le sénateur Duncan Jessiman: Vous dites que si les chiffres sont de 80 et de 20 p. 100, il y a partage?

Mme Claudette Guilmaine: Non, si c'est 40 et 60 p. 100 du temps, 40 p. 100 et plus.

Le sénateur Duncan Jessiman: Ce sont les lignes directrices fédérales.

[Français]

Mme Claudette Guilmaine: C'est la garde partagée.

[Traduction]

Le sénateur Duncan Jessiman: Je connais les lignes directrices fédérales.

Mme Claudette Guilmaine: Pardonnez-moi.

• 0935

Le sénateur Duncan Jessiman: Mais on m'a dit hier... parce que les lignes directrices du Québec sont différentes de celles du gouvernement fédéral. Les lignes directrices du Québec tiennent compte du revenu des deux...

Mme Claudette Guilmaine: Oui.

Le sénateur Duncan Jessiman: ... du revenu du conjoint ayant la garde et de celui de l'autre. Mais les lignes directrices fédérales ne tiennent pas compte du revenu du conjoint ayant la garde. En ce qui concerne les lignes directrices actuellement en vigueur au Canada, la mère, en supposant que ce soit elle qui ait la garde, pourrait gagner un million de dollars par année et recevoir exactement le même montant que si elle n'avait aucun revenu si le père gagnait 100 000 $. Les lignes directrices sont différentes. Et les plaintes de parents du reste du Canada qui n'ont pas la garde de leurs enfants sont nombreuses.

Quelqu'un m'a expliqué que ces lignes directrices sont conçues de telle manière que si le conjoint ayant la garde est aussi riche que cela, ce sont les enfants qui vont en profiter. C'est ce que veulent les lignes directrices.

Mme Claudette Guilmaine: Oui.

Le sénateur Duncan Jessiman: Et le conjoint n'ayant pas la garde ne devrait donc pas en profiter. Il a quand même des responsabilités.

La question que je veux vous poser est la suivante. Nous n'arrivons pas à nous entendre Mme Bennett et moi. Elle se plaint parce que je veux que quelqu'un m'explique pourquoi on n'en tient pas compte. Parce qu'une fois qu'un plan parental a été établi... Il s'agirait de la résidence de qui? Est-ce qu'il y aurait une seule résidence principale? Il faut que ce soit le cas bien sûr. Ou si c'est cinquante cinquante, chacun considérerait que c'est la résidence principale.

Mais alors... Disons que si c'est la femme qui a l'enfant 85 à 90 p. 100 du temps, comme c'est habituellement le cas, ce sera sa résidence. Combien de temps alors l'enfant passera-t-il dans l'autre résidence? Il va y aller les lundis ou les mardis et les jeudis une semaine sur deux ou aux deux semaines, peu importe. Mais une fois qu'un plan parental aura été établi, le montant de la pension va s'en trouver modifié, n'est-ce pas?

Mme Claudette Guilmaine: Oui.

Le sénateur Duncan Jessiman: Tout ce que j'essaie de vous dire, c'est que nous devons tenir compte de la réalité. C'est bien beau de dire «au diable l'argent»...

Mme Claudette Guilmaine: Non, non...

Le sénateur Duncan Jessiman: Parce que c'est ce que tout le monde retient.

Mme Cerise Morris: Est-ce que vous me permettez d'intervenir brièvement? Les points que vous soulevez sont très importants et très complexes. Ils pourraient probablement faire l'objet d'une autre étude de comité.

L'essentiel, pour moi, c'est que les enfants ne soient pas uniquement des pions sur l'échiquier et que la procédure concernant la pension alimentaire pour les enfants fonctionne le plus efficacement et le plus équitablement possible. Ce n'est pas la faute des enfants s'il y a un différend à propos de la pension ou des arriérés.

Le sénateur Duncan Jessiman: Je suis d'accord avec vous.

Mme Cerise Morris: Les enfants ne doivent pas être punis. En essayant de punir l'autre parent ou de lui donner une leçon, c'est vraiment l'enfant qui est entre les deux qu'on punit. C'est tout ce que j'ai à dire à ce sujet.

Le sénateur Duncan Jessiman: Je vois.

[Français]

Mme Claudette Guilmaine: Je suis aussi préoccupée que vous et j'espère qu'on n'a pas compris que je voulais dire que les médiateurs devaient ignorer les aspects financiers. Je pense que ça fait partie de la réalité, comme vous dites, et que c'est indissociable de la situation. Par contre, il y a peut-être un problème particulier auquel je n'étais pas sensibilisée, à savoir qu'on ne considère pas la capacité de payer des deux parents.

Au Québec, quand on établit le plan parental, on regarde les revenus de chacun, la capacité de payer de chacun, et ensuite on regarde les besoins de l'enfant. Quels étaient son niveau de vie, ses cours, ses activités, ses loisirs? On essaie toujours de mettre l'accent sur l'intérêt de l'enfant. Quel niveau de vie avait cet enfant? Quelles activités voulez-vous maintenant lui procurer? Quelle est votre capacité, à chacun, de contribuer au bien-être de l'enfant?

C'est pour cela que je dis que les barèmes deviennent des pièges, des automatismes et qu'on perd l'esprit qui consiste à dire: Vous êtes deux parents, vous avez été responsables et vous voulez continuer de l'être. Commençons donc par un calcul comme celui qu'on a fait dans le cas de l'orange. Au lieu de commencer par un tiers, un tiers, un tiers, commençons donc par regarder les besoins de l'enfant. Est-ce qu'il a besoin de la pelure ou de la pulpe?

[Traduction]

Le sénateur Duncan Jessiman: Vous avez raison. Oh non, je suis d'accord.

Mme Claudette Guilmaine: Bien.

• 0940

Le sénateur Duncan Jessiman: J'ai une autre question à vous poser à toutes les deux.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Jessiman, votre temps de parole est épuisé depuis longtemps.

Le sénateur Duncan Jessiman: Une toute petite question.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Allez-y très rapidement alors.

Le sénateur Duncan Jessiman: Parfait.

Vous avez dit qu'il faudrait, avant qu'une ordonnance soit rendue—et je suppose que vous voulez parler d'une ordonnance de séparation ou de divorce—qu'il y ait des cours obligatoires pour les parents qui se séparent. Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Claudette Guilmaine: Oui, j'aimerais cela.

Le sénateur Duncan Jessiman: Êtes-vous d'accord?

Mme Cerise Morris: Oui, je serais en faveur d'une telle chose. Je pense que c'est essentiel.

Le sénateur Duncan Jessiman: Je trouve que c'est une bonne idée. Vous aurez mon appui.

Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Nous sommes heureux que vous ayez accepté d'être médiatrice entre le sénateur Jessiman et moi-même.

Des voix: Ah, ah.

Mme Carolyn Bennett: J'ai bien aimé vos deux exposés. Plus nous avançons, plus j'ai l'impression que les choses s'éclaircissent. Vous avez de toute évidence de bons modèles ici au Québec.

Dans le cas de la médiation, ou lorsque vous essayez d'en arriver à un plan parental qui suppose que l'enfant a le droit de voir autant que possible son père et sa mère... et j'ai bien aimé l'histoire des oranges. Le plan est en quelque sorte conçu sur mesure.

Nous nous disputons, le sénateur Jessiman et moi, à propos des chiffres et de l'équité. J'ai l'impression que si ce n'est qu'une question d'argent, les gens peuvent arrêter de travailler à temps plein ou simplement s'entendre pour que ce soit donnant donnant.

Hier, M. Solloway nous a donné à penser au cours de son exposé que les parents doivent se mettre d'accord sur le lieu de résidence, l'argent, les décisions à prendre et la résolution des conflits avant de signer un plan parental. Il faut s'assurer qu'on tient compte de ces quatre facteurs.

Mais ce n'est pas si clair que ça. D'après mon expérience, il en coûte beaucoup plus cher d'avoir les enfants la fin de semaine que cinq jours durant la semaine. Si les juges ou les gens qui n'ont pas d'enfants n'arrivent pas à comprendre qu'il faut aller au guichet automatique toutes les deux heures les fins de semaine... ce n'est pas qu'une question d'heures et de chronométrage. Il y a des activités qui coûtent cher et d'autres qui coûtent moins cher.

Je pense qu'avec la médiation, que si quelqu'un comprend ce qui se passe vraiment, on peut en arriver à une solution sur mesure qui a un sens pour l'enfant au lieu de calculer les heures au chronomètre ou d'allouer des dollars sans tenir compte de la réalité.

J'espérais que vous alliez nous donner une idée de la manière de calculer séparément le temps passé avec ou parent ou avec l'autre. Pouvons-nous nous débarrasser de tous ces barèmes et tout simplement demander au médiateur d'établir un plan sur mesure? Autrement dit, qui a du temps à passer avec les enfants, y compris les grands-parents? Qui a de l'argent à leur consacrer? Il me semble insensé d'envoyer une pension alimentaire à un millionnaire, parce que les enfants auront moins d'argent lorsqu'ils seront avec l'autre parent.

Je suppose que j'aimerais un coup de main ici. Pensez-vous que nous pourrions parvenir avec la médiation et des juges très compétents à nous débarrasser de tout le reste?

[Français]

Mme Claudette Guilmaine: Je le croirais. Je ne sais pas si je suis optimiste ou naïve, mais actuellement, on fait des expériences allant dans ce sens-là. Vous dites que le parent de fin de semaine peut vite être identifié au guichet automatique et que c'est très frustrant. Quand on aborde la situation sur le plan du partage du temps, des responsabilités et des décisions, on tombe moins dans ces pièges, et le parent de fin semaine peut jouer un rôle plus complet. Durant la semaine, il peut assumer certaines responsabilités au niveau des soins, au niveau de l'école, etc. Oui, il est possible de faire un plan parental qui tienne compte des deux enjeux, mais qui évite, comme vous dites, que le calcul du temps devienne la motivation principale alors que tout le reste perd son sens.

Le barème peut aider, mais j'ai l'impression qu'on devrait le mettre un peu de côté au départ et y avoir recours seulement plus tard, si on en a besoin comme point de référence. Y avoir recours au départ, c'est comme se piéger en allant voir des critères établis qui sont externes aux parents.

• 0945

L'intention était positive, mais on n'atteint pas nécessairement le but visé si c'est utilisé dans un premier temps en médiation. Je recommanderais même que tous ces outils soient mis un peu en veilleuse: si on en a besoin, on y a recours. Il faut procéder beaucoup plus en fonction des besoins et de la situation particulière de chacune des familles qu'on rencontre en médiation.

Je ne sais pas si j'ai bien compris le sens de votre question. Est-ce qu'il y a autre chose?

[Traduction]

Mme Carolyn Bennett: Absolument. Il arrive souvent qu'on entende dire que les juges prennent une décision en 45 minutes. Ils ne comprennent pas vraiment pourquoi une mère insiste pour amener son enfant au hockey lorsque l'enfant veut y aller avec son père, parce que seul son père sait si c'est un bon ou un mauvais arbitre. La conversation est différente après une partie de hockey selon que c'est le père ou la mère qui y a amené l'enfant. On se bat donc pour avoir l'horaire qui nous plaît au lieu de tenir compte des préférences de l'enfant.

Cela nous a fait grand plaisir de vous avoir ici toutes les deux. Il est dommage que les couples en difficulté n'aient pas tous la chance de faire appel à vos services.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

[Français]

Madame St-Hilaire.

Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): On nous a donné certains chiffres. On nous a dit que de 80 à 90 p. 100 des couples réglaient hors cour et que de 10 à 20 p. 100 des cas se rendaient devant les tribunaux. Dans ces cas, j'imagine que la médiation est plus difficile. Quelles seraient vos recommandations pour ces cas précis? On nous a proposé la garde partagée comme moyen de départ. Je ne sais pas quelles sont vos recommandations à cet égard.

Mme Claudette Guilmaine: Si je comprends bien, vous vous préoccupez des 15 à 20 p. 100 de couples qui ont encore des requêtes contestées et de la façon dont on pourrait les aider à remettre l'accent sur l'intérêt des enfants. Je pense que c'est pour ça que la loi avait prévu qu'on pouvait demander au moins une séance d'information obligatoire. Au Québec, c'est comme ça que les choses fonctionnent. Ce n'est pas la médiation elle-même qui est obligatoire, mais l'obligation de s'informer sur la nature de la médiation pour voir si elle pourrait être applicable dans son cas à soi.

Malheureusement, jusqu'à maintenant, dans le cas des parents que j'ai rencontrés lors de séances d'information et qui étaient en révision ou dans des situations très contestées, il y avait déjà toute une dynamique d'instaurée et des positions qui étaient souvent cristallisées et difficiles à défaire. Je crois cependant qu'il vaut quand même la peine d'essayer. Entre autres, s'il y avait des cours plus réguliers après chaque rupture, on serait dans la voie de la prévention. On verrait les parents avant que les choses prennent cette ampleur.

J'ai travaillé pendant 12 ans et demi à l'expertise à la Cour supérieure. Quand on avait des recommandations à faire au tribunal dans ces situations très conflictuelles, le temps et les procédures judiciaires jouaient contre l'intérêt de l'enfant. C'était très long, et on allait d'expertise en contre-expertise. On utilisait toutes sortes de tracasseries et de procédures judiciaires pour retarder, faire des remises, etc. Pendant ces mois-là, l'enfant était privé de contact avec l'un ou l'autre des parents. Par la suite, il était très difficile de renouer ce contact, même en utilisant des visites supervisées, de la déprogrammation ou de l'aide thérapeutique pour l'enfant. Il est très difficile d'aider un parent qui ne reconnaît pas la difficulté et qui est tellement pris dans son conflit que sa seule possibilité de survie est de mettre fin au contact de l'enfant avec l'autre parent. On est alors très loin au niveau de la problématique, des blessures personnelles, de ce qu'on appelle en anglais unfinished business, des conflits qui perdurent et qui utilisent malheureusement les enfants.

Cela étant dit, je crois quand même que la médiation doit être tentée, mais qu'on aurait des pas à faire un peu plus en amont, par exemple par des cours de sensibilisation, par du soutien à ces parents en leur offrant plus précocement de l'aide individuelle pour qu'ils puissent comprendre la blessure d'être quitté, d'être trahi, d'être abandonné, d'être en colère contre l'ex-conjoint, mais continuent à voir ce dernier comme le père ou la mère de leur enfant.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci. Sénatrice Pépin.

La sénatrice Lucie Pépin (Shawinigan, Lib.): Ce qui me préoccupe, ce n'est pas tant le côté monétaire que le côté émotif. Depuis le début de ce comité, on nous parle de la garde partagée physique et légale en disant que c'était probablement la meilleure solution.

• 0950

Je ne vous cache pas que j'ai certaines réserves à cet égard. On a fait beaucoup de recherche au niveau de l'argent, etc., mais est-ce qu'on a fait de la recherche auprès d'enfants âgée de 2 à 12 ans qui font la navette: deux semaines chez maman, deux semaines chez papa? Ce n'est pas parce que je veux enlever des droits aux pères. Je suis très heureuse de voir qu'il y a une nouvelle génération d'hommes qui veulent s'impliquer dans la garde de leurs enfants. Dans ma génération, il y avait plusieurs femmes monoparentales qui n'avaient même pas de pension alimentaire.

Je veux être tout à fait équitable avec les deux, mais je me mets à la place de l'enfant. Quand un très jeune enfant vit dans sa valise pendant je ne sais combien d'années, est-ce qu'il n'y a pas un impact au niveau émotif? Il y a les distances à parcourir et, bien souvent, maman ne vit pas de la même façon que papa.

Bien sûr, je voudrais rendre la présence des deux parents accessible. Quand l'enfant est à l'âge de l'adolescence ou un peu plus jeune, il peut faire part de ses préférences, mais quand on impose cela à un tout petit enfant, est-ce qu'il n'y a pas un impact émotif? Est-ce qu'on a fait des recherches là-dessus? Cela me préoccupe beaucoup. Je pose la question aux deux témoins.

[Traduction]

Mme Cerise Morris: C'est une excellente question. C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup et sur lequel j'ai fait des lectures et une étude relativement modeste dans les années 80.

Dans les années 70 et 80, la garde partagée était considérée comme la solution et soulevait un optimisme beaucoup plus grand. En principe, elle paraît tellement raisonnable et tellement équitable. Des recherches plus récentes ont tout remis en question—non pas fondamentalement, mais il apparaît maintenant très clairement que ce n'est pas une option pour tout le monde. Ce n'est probablement qu'une minorité à qui une garde partagée à 50-50, ou même à 60-40, convient. Il faut avoir un certain type de personnalité, être assez mûr, avoir un certain profil psychologique, si je peux m'exprimer ainsi, et avoir le mode de vie qu'il faut pour s'en accommoder. Je sais par expérience qu'elle peut très bien fonctionner—en fait, je l'ai moi-même vécue pendant une période de dix ans—mais je ne pense pas qu'elle devrait être imposée. Je ne crois pas que la même solution convienne à tous.

Pour ce qui est de l'âge, je dirais que c'est dans le cas des très jeunes enfants et des adolescents que le partage à temps presque égal pose le plus de problèmes. À l'adolescence, mon fils a commencé à en avoir assez de se trimbaler d'un parent à l'autre. Il voulait prendre ses propres décisions. Il voulait être avec ses amis, avec son équipe de hockey et ainsi de suite.

Je pense que si c'est la solution qu'on choisit, il faut d'abord être vraiment sûr que c'est ce qu'on veut et qu'on a bien réfléchi. Il y a tellement de choses auxquelles on ne s'attend pas tant qu'on ne les a pas vécues.

Il y a aussi la question de la flexibilité. Ce qui fonctionne quand l'enfant a dix ans ne sera pas très utile lorsqu'il aura quinze ans. Il va simplement dire que non, il n'aime pas ça.

On peut imposer sa volonté à de très jeunes enfants de deux ou trois ans—ils n'ont pas leur mot à dire, bien sûr—mais je me demande parfois si c'est vraiment la solution idéale parce qu'ils peuvent être désorientés. Le temps paraît beaucoup plus long à de très jeunes enfants, et ça peut être déroutant.

[Français]

La sénatrice Lucie Pépin: Madame, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?

Mme Claudette Guilmaine: Oui, s'il vous plaît. Je suis aussi préoccupée par la question que vous soulevez. De fait, je pense que les recherches doivent se poursuivre, surtout par rapport aux très jeunes enfants. Par ailleurs, il y a des textes qui appuient un peu cette réflexion, dont le texte de Joan Kelly, qui parle des résistances des professionnels, entre autres juridiques et psychosociaux, au niveau de la garde partagée et qui nous met en garde contre des comparaisons qui sont parfois un peu boiteuses. Est-ce qu'on n'exigerait pas plus des parents qui ont la garde partagée que des parents qui avaient la garde unique traditionnelle? On n'a jamais remis en question les capacités nécessaires pour faire une «belle garde unique», dirais-je. Pourtant, ce parent-là avait plus de responsabilités puisqu'il y avait très peu de partage avec l'autre et très peu de rééquilibrage, comme dirait le juge Mayrand.

• 0955

Donc, je pense que c'est le cas. Quand on dit que c'est la formule qui ressemble peut-être le plus à celle que l'enfant a connue au temps de la vie commune, c'est sûr qu'il y a là un autre argument. Par ailleurs, comme on n'a pas de certitude, on doit rester prudents et ouverts.

On sait que l'État de la Californie entretenait une présomption en faveur de la garde partagée il y a quelques années. Aujourd'hui, ils sont revenus sur leur décision et ont ajusté les choses. C'est qu'il peut y avoir des abus. Comme on l'a dit plus tôt, aussitôt que les choses deviennent automatiques... Il faut se rappeler qu'on se trouve devant un problème humain, dans lequel les réponses ne peuvent être aussi fermes et définitives que dans d'autres domaines.

Quant à moi, je crois que les relations parentales—cela répond peut-être aussi à une question de Mme Bennett—doivent être vues comme une réalité vivante, en mouvement, à laquelle on a toujours à s'adapter.

La sénatrice Lucie Pépin: Qui est flexible.

Mme Claudette Guilmaine: Qui est flexible. Il ne faut pas voir cette réalité en fonction d'une décision qu'on aurait prise jusqu'à ce que l'enfant ait atteint 18 ans, jusqu'à l'âge de sa maturité, sans la remettre en question.

C'est contre nature. On sait qu'une famille dite intacte va avoir à négocier constamment parce que les besoins des enfants évoluent. Cela ne change pas du fait qu'il y a deux noyaux familiaux, celui du père et celui de la mère. Cela prend d'autant plus de concertation.

À ce moment-là, les médiations peuvent être envisagées non seulement au moment de la rupture mais à toutes les étapes où il y a transition, changement et remise en question.

La sénatrice Lucie Pépin: Lorsqu'il y a de nouveaux conjoints aussi.

Mme Claudette Guilmaine: Ah, oui! L'arrivée de la famille recomposée peut complètement déstabiliser ces ententes-là. Il est alors important de remettre au centre du débat l'intérêt de l'enfant et de normaliser certaines réactions, d'avoir des attentes réalistes, qui sont un peu plus basses, mais qui sont quand même vivables pour l'enfant et possibles.

On sait que la formule antérieure produisait des mères épuisées et des pères absents. Donc, comme vous dites, ce n'était peut-être pas l'idéal.

Il y a aussi l'écart entre les valeurs et la conception de la discipline chez les deux parents. Un papa que j'interviewais, au cours de ma recherche, me disait qu'il était important qu'il n'y ait pas des sauts de 10 étages d'une semaine à l'autre ou de deux semaines en deux semaines. Il faut qu'il y ait une certaine concertation, mais il faut aussi être conscient que même dans une famille où les deux parents vivent ensemble, ces écarts existent. L'enfant apprend qu'il n'est pas vrai que papa et maman demandent la même chose. Il sait d'ailleurs très bien comment faire pour aller chercher ce qu'il veut.

La sénatrice Lucie Pépin: On a aussi ouvert une autre porte. Nous parlons de la nouvelle façon...

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Il s'agit de savoir comment partager toutes les questions.

Le sénateur Duncan Jessiman: Lorsque vous parlez de la Californie et de la garde «conjointe», vous voulez parler non pas de la garde physique conjointe, mais bien de la garde conjointe, par opposition à la garde physique partagée. La Californie est revenue sur a présomption et laisse maintenant aux tribunaux et à la famille le soin de trouver un terrain d'entente. Il ne devrait rien y avoir de conjoint; que les faits soient exposés devant les tribunaux et que les familles règlent leurs différends.

[Français]

Mme Claudette Guilmaine: Oui. Par contre, cela me donne l'occasion de préciser que l'État de Washington, l'État de Floride et celui du Maine se proposent de modifier la terminologie. Ils ne font pas qu'en parler. Depuis 1982, il est question de «plan parental» au lieu de «garde», d'«accès» et de «droits de visite», tous des termes qui sont réducteurs et conflictuels.

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cools.

Voulez-vous ravoir la parole à la fin, sénateur Jessiman?

Mme Claudette Guilmaine: Je suis désolée, je ne voulais pas vous blesser.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Mais nous avons cinq minutes par intervenant, et vous aviez déjà...

La sénatrice Anne C. Cools (Toronto-Centre, Lib.): Je tiens à remercier les témoins. Je ne connais pas la deuxième, mais je veux que mes collègues sachent que Mme Morris travaille dans ce secteur depuis de nombreuses années à Montréal.

Cela dit, j'ai une ou deux questions, mais je serais heureuse d'attendre pour que la sénatrice Pépin puisse continuer.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Parfait.

[Français]

La sénatrice Lucie Pépin: Il y a un autre point. On parle de nouvelle approche. Pourtant, il y a un problème qui n'a pas été résolu. Actuellement, les familles monoparentales sont dirigées par des femmes qui vivent dans la pauvreté, et il y a plus de 60 p. 100 des pères qui ne paient pas leur pension alimentaire. Alors, qu'est-ce qu'on fait? Il est bien beau de dire qu'on prend un nouveau virage, mais on ne va pas abandonner tout ce monde-là dans l'état où il est. Quelle est la bonne approche?

[Traduction]

Mme Cerise Morris: Tout ce que je peux dire, c'est soyez plus sévères.

Quand on pense à la responsabilité parentale, je trouve que c'est effarant, mais si on se met à décortiquer les chiffres dont vous avez parlé, on s'aperçoit que bien des histoires et bien des émotions se cachent derrière des chiffres aussi choquants que celui-là. Et je ne veux pas donner l'impression que j'essaie de noircir les parents qui ne sont pas à la hauteur de leurs responsabilités. Je trouve que c'est choquant et grave et que les gouvernements—et je suppose que c'est une question qui relève surtout de la compétence des provinces—devraient adopter une attitude extrêmement ferme, mais ça n'a rien à voir avec la question de l'accès. Je sais qu'en réalité les deux questions sont emmêlées—ça va de soi—mais en principe, elles sont distinctes.

• 1000

Il est évident que les gens qui ont eu des enfants, pères ou mères, doivent, dans des circonstances normales, subvenir à leurs besoins du mieux qu'ils le peuvent, et la solution n'est pas de les tirer d'un mauvais pas en se montrant tendre avec eux. À cet égard, je suis tout à fait en faveur de mesures législatives très strictes. Mais si vous allez au-delà des statistiques, vous verrez tous ces échecs, toutes ces idées fausses, cette préparation inadéquate au rôle de parent...

La sénatrice Lucie Pépin: Ah, oui, je suis tout à fait d'accord.

Mme Cerise Morris: ... comment les gens réagissent face à leurs déceptions, à leur peine, au sentiment d'avoir été trahis.

La sénatrice Lucie Pépin: Et la médiation?

Mme Cerise Morris: La loi est un instrument lourd lorsqu'il est question de la complexité des émotions humaines, mais...

La sénatrice Lucie Pépin: Nous les envoyons en médiation.

Mme Cerise Morris: Oui, n'hésitez pas.

[Français]

La sénatrice Lucie Pépin: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame St-Jacques.

Mme Diane St-Jacques (Shefford, PC): J'ai bien aimé votre comparaison avec l'orange. Je pense qu'il est important de trouver le meilleur intérêt de l'enfant et de savoir le comprendre. Cependant, on sait bien que lorsqu'il est question de divorce, il est difficile de savoir comment on peut arriver à déterminer ce qui est dans le meilleur intérêt des enfants. Souvent, les enfants sont influencés par le parent qui est peut-être lésé ou laissé pour compte. Ils vont peut-être prendre la part du père ou de la mère. Comment trouver la façon de déterminer ce qui est réellement dans le meilleur intérêt des enfants?

Je me pose toujours la question. Quand ils sont jeunes, c'est difficile de savoir quel est leur meilleur intérêt. Quand il y a trois enfants, le meilleur intérêt n'est pas nécessairement le même pour tous. Comment arrivez-vous à trouver ce qui correspond le mieux à leur intérêt?

Mme Claudette Guilmaine: Il n'y a pas de recette magique. Cela représente un grand défi et le degré de succès varie, comme on le disait. Selon que la famille vit une situation plus ou moins difficile, beaucoup de facteurs entrent en ligne de compte. C'est aussi fonction du réseau de soutien existant, des forces déjà existantes dans la famille, ou qui en étaient absentes. Souvent, la rupture peut entraîner une désorganisation d'autant plus importante selon les difficultés déjà vécues dans la famille.

Le travail du médiateur consiste vraiment à agir comme le parent. Dans mon histoire de l'orange, finalement, il s'agissait de revoir les choses, mais avec les parents, tout en étant conscient que ces derniers, dans ces moments de crise, ne sont pas au meilleur de leur performance dans leur rôle parental. En ce sens-là, on peut les appuyer et reconnaître le fait qu'une période de crise n'est pas le meilleur moment pour démontrer ses capacités en tant que parent.

Par contre, il faut que les parents en soient aussi tout à fait conscients et aient l'humilité de se dire que s'ils font appel à des professionnels pour les accompagner dans leur démarche, c'est pour allumer de petits feux rouges quand ils prennent la mauvaise voie. Il est en effet facile, quand on vit des émotions d'une grande intensité, de se trouver dans un état de confusion et, à un moment donné, d'oublier les enfants ou même de les utiliser. C'est que j'ai vu à la direction de la protection de l'enfant, où je travaille aussi au niveau des signalements.

Même l'expression «dans l'intérêt de l'enfant» peut être utilisée dans des directions complètement opposées. Sous ce prétexte, des parents vont signaler de la négligence, des abus physiques ou des abus sexuels. On a vu défiler toute la panoplie des accusations, jusqu'à l'aliénation parentale, comme on le mentionnait tout à l'heure. Dans ce sens-là, le rôle du médiateur consiste vraiment à appuyer chacune de ces personnes qui sont en difficulté.

Vous parliez du parent qui se sent plus vulnérable, plus perdant ou laissé pour compte. Il y a toujours un parent qui subit un peu plus difficilement la décision. Mais, dans le fin fond, ce que je leur dis, c'est qu'il y a deux perdants; ce n'est pas vrai qu'en médiation, on va finir avec deux gagnants. On est dans une situation de crise et une situation de perte. On vit le deuil de la famille idéale. Il est rare que les gens qui commencent à vivre ensemble disent qu'un jour, ils ne vivront plus ensemble. Il y a des deuils, des incontournables, des pertes financières et des pertes au niveau émotif. Il faut accepter cette situation et il faut que les parents sentent que ce n'est pas parce que cette situation prévaut maintenant qu'il faut laisser tout s'embrouiller et que l'enfant soit pris dans cela. Cette gymnastique qui commence en médiation devra se poursuivre au fil des années à venir. Je ne crois pas à une médiation qui soit juste ponctuelle et à laquelle on fait appel une seule fois pour régler tout cela. Elle devrait plutôt être comme un réflexe ou une forme d'aide qui est accessible à différents moments, quand les parents en sentent le besoin, entre autres pour rajuster le plan parental.

Mme Diane St-Jacques: Les besoins peuvent changer.

Mme Claudette Guilmaine: Oui, c'est la vie; il y a une évolution, autant pour les adultes que pour les enfants.

Mme Diane St-Jacques: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

• 1005

[Traduction]

Je tiens à vous remercier toutes les deux d'être venues nous rencontrer. Notre matinée a très bien débuté. Nous avons tous apprécié ce que vous aviez à dire. Merci.

• 1006




• 1011

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bienvenue à tous nos témoins. Je dois vous avouer que nous avançons plutôt lentement ce matin. Comme vous l'avez remarqué, les choses ne vont pas aussi vite. C'est la fin de la semaine et elle a été très longue.

Mme Denyse Côté (Département de travail social, Université du Québec à Hull): Je vais vous réveiller.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): C'est parfait.

Nous accueillons donc Mme Denyse Côté, du Département de travail social de l'Université du Québec à Hull, et Mme Anne France Goldwater, du cabinet d'avocats Goldwater Dubé.

Nous n'avons pas de façon officielle de procéder. Je suppose que vous étiez ici tout à l'heure et que vous avez vu comment ça se passe. Vous avez à peu près cinq minutes, après quoi nous passons aux questions, ce qui donne une heure en tout. J'inviterais Mme Goldwater à prendre la parole la première.

Mme Anne France Goldwater (avocate, droit de la famille, Goldwater Dubé): Je pratique le droit au Québec depuis dix-sept ans. Je vais essayer de ne pas vous raconter trop d'anecdotes, parce qu'il ne sert pas à grand-chose dans les audiences comme celle-ci de s'embourber dans des histoires personnelles au lieu d'essayer de comprendre de manière générale la situation des enfants au Canada.

Je vais vous remettre deux textes que j'ai écrits. Le premier porte sur le syndrome d'aliénation parentale; c'est un texte que j'ai publié il y a un certain nombre d'années au sujet de ce qui se passe trop souvent dans un divorce lorsque les enfants sont polarisés entre les parents, lorsqu'ils vivent un schisme et se voient complètement refuser tout contact avec la famille de l'un des parents.

L'autre article que je vais vous remettre traite des conséquences de la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Gordon c. Goertz et de ce qui se passe au Canada lorsqu'un conjoint ayant la garde veut déménager. Il faut que vous sachiez dès le départ que peu importe ce que la Cour suprême croit nous avoir dit dans Gordon et Goertz, la réalité, chez nous, c'est que c'est la personne qui a la garde des enfants qui décide de l'endroit où ils vont vivre et de ce qui va leur arriver, et que le conjoint n'en ayant pas la garde n'a pas grand-chose à dire.

La réalité, chez nous, c'est que le conjoint à qui la garde est accordée, généralement la mère, se trouve investi de pouvoirs dont il ne jouissait pas dans le mariage et qui n'entrent pas dans la définition du mariage et de la famille, c'est-à-dire la prise en commun de décisions par un homme et une femme qui s'unissent vraisemblablement pour fonder une famille et partager les responsabilités de l'éducation des enfants.

D'après les statistiques et les rapports scientifiques, le facteur le plus déterminant dans l'avenir d'un enfant, côté profession et éducation, est la situation de famille de la mère. La mort d'un père, sans parler du divorce, détermine ce qui va arriver à l'enfant.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je suis désolé de vous interrompre, mais je vous demanderais d'essayer de parler un peu moins vite. Les traducteurs ont de la difficulté à suivre.

Mme Anne France Goldwater: Je devrais peut-être traduire simultanément en français. Je pourrais probablement le faire aussi vite.

[Français]

Pardon, je vais ralentir.

[Traduction]

Ce qui est important, c'est que nous reconnaissions en tant que société, ou que nous tenions pour acquis, que nous produisons des pères et des mères et que c'est un rôle auquel nous aspirons tous lorsque nous atteignons l'âge adulte. Lorsque nous nous marions, nous devenons mari et femme. Nous croyons au partage de l'autorité dans un mariage et, lorsque nous devenons parents, nous assumons des rôles de père et de mère qui peuvent être différents et complémentaires, mais nous avons une influence égale dans la vie de nos enfants.

Il est moralement inacceptable que la structure de notre système judiciaire soit telle qu'elle crée une situation artificielle après le divorce, celle du conjoint qui a la garde tandis que l'autre se voit accorder un droit de visite. Cela rejoint la notion dont parle la Cour suprême et qui veut qu'il n'y ait qu'un seul parent psychologique. C'est absurde et c'est contraire à la réalité psychologique des enfants.

Nous créons le statut de conjoint ayant la garde, celui qui détient le pouvoir, et le statut de conjoint ayant un droit de visite, celui qui comme un prisonnier dans un pénitencier dispose d'un nombre calculé de minutes pour jouer le rôle de parent auprès de son enfant. Malheureusement, c'est une réalité qui suit une division des sexes, parce que les conjoints ayant la garde sont généralement les mères.

• 1015

Si nous continuons à marginaliser les pères dans l'éducation des enfants, nous pourrions voir notre société prendre le tournant qu'ont pris les vieux quartiers pauvres aux États-Unis. Nous pouvons constater ce qui arrive aux cohortes d'enfants dont les pères sont absents.

En terminant, je dirais que si la population savait ce que Claire L'Heureux-Dubé avait à dire dans le cas de Gordon et Goertz... Je vais citer une phrase dans laquelle elle explique pourquoi les conjoints ayant la garde, les mères, devraient détenir tous les pouvoirs. Elle dit:

    Aussi important que soit le contact avec le conjoint n'ayant pas la garde, il convient de signaler que tous les experts ne s'entendent pas sur l'importance à accorder à ce contact dans l'évaluation du meilleur intérêt de l'enfant. Plusieurs études donnent à entendre qu'après la séparation des parents «les visites du conjoint n'ayant pas la garde s'espaceront [probablement] graduellement ou prendront fin».

C'est la raison qu'elle nous donne pour continuer à marginaliser les pères.

Lorsque le comité a reçu pour mandat d'examiner la question du soutien des enfants, nous savions qu'après le divorce un trop grand nombre de pères cessent de verser une pension alimentaire pour les enfants et nous trouvions cela inacceptable. Si les statistiques montrent vraiment qu'après le divorce, les pères—à cause des limites du système judiciaire, par manque d'intérêt, en raison du retranchement de la mère ou pour quelque autre raison—sont moins présents dans la vie des enfants du Canada, nous nous rendrions un mauvais service en nous disant que c'est là la réalité et que nous allons laisser les pères de côté puisqu'ils ne sont pas intéressés. Ce n'est pas ce que nous nous sommes dit dans le cas du soutien des enfants. Nous ne devrions pas le faire dans le cas des ordonnances attributives de garde ou de droit de visite.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

Madame Côté.

[Français]

Mme Denyse Côté: Je vous remercie de m'avoir invitée à faire cette présentation.

J'ai terminé une thèse en sociologie sur la garde physique partagée des enfants. De fait, je me suis penchée sur cette question plus longtemps que je ne l'avais espéré. Il y a au moins une quinzaine d'années que je parcours la littérature et que je fais différentes études à ce sujet.

Au cours des cinq minutes qui me sont allouées, j'aimerais vous présenter les grandes lignes de l'étude que j'ai faite auprès de parents qui ont une pratique de garde physique partagée, que je définis comme étant une garde physique séparée, moitié-moitié au point de vue temps, donc 50-50. Il peut s'agir d'une semaine et une semaine, deux semaines et deux semaines, etc. À ma connaissance, c'est la seule recherche qui existe à ce sujet au Québec et au Canada qui a été faite dans cette perspective. Je l'ai faite dans l'optique de la prise en charge des enfants, c'est-à-dire du soin des enfants ou ce qu'on appelle en anglais care giving, ce qui englobe le soin quotidien et l'éducation des enfants.

Il faut tout d'abord retenir qu'il existe dans la littérature une très grande confusion entre la garde physique partagée et la garde légale partagée, quoique les choses se posent différemment au niveau juridique au Québec. Je ne reviendrai toutefois pas sur cette distinction, n'étant pas une avocate. Cette confusion règne dans la plupart des études puisqu'on tend à englober dans la définition de la garde partagée les situations où le droit d'accès est assez élargi, par exemple quand un père non gardien a accès à l'enfant trois ou quatre fins de semaine par mois.

L'échantillon que je suis allée recueillir comprend des parents qui ont procédé à un partage symétrique du temps et se penche sur la réalité que vivent ces gens-là. On n'y confond pas un accès régulier et large avec une garde physique partagée. Je présumais que ces personnes exerçaient ce qui, dans le fond, était en quelque sorte notre idéal d'une équité vers laquelle notre société devrait tendre, soit un partage complet de l'éducation des enfants.

L'étude visait les enfants qui faisaient l'objet de la garde physique partagée et qui avaient entre 0 et 12 ans. Je me suis arrêtée à l'âge auquel ils arrivent à l'école secondaire et j'ai interviewé des enfants de 6 à 12 ans. J'ai aussi interviewé les parents de ce que j'ai appelé «l'unité de garde», soit papa et maman qui font la garde ensemble, pour essayer de connaître leurs points de vue par rapport à l'arrangement qu'ils avaient eux-mêmes négocié.

Puisque nous ne disposons pas de beaucoup de temps, je vous dirai qu'il ressort de cette étude que c'est un arrangement très complexe qui ne peut bien fonctionner que s'il est volontaire. Il exige la coordination de très nombreux éléments logistiques, une bonne volonté et le partage de l'éducation des enfants.

• 1020

Comme on le disait au cours des présentations précédentes, lorsque se présentent des situations où il y a des conflits, de la violence et des éléments qui rendent impossible une entente au sujet de l'éducation de l'enfant, la garde physique partagée devient impossible.

Cela dit, ce sur quoi les parents se concentrent, c'est vraiment l'intérêt de l'enfant. La garde physique partagée correspond à l'idéal recherché quand on parle du meilleur intérêt de l'enfant, soit la présence du père et de la mère.

J'ai vraiment dépouillé la littérature, mais je n'ai trouvé aucune statistique. Après de nombreux appels téléphoniques et démarches auprès des fonctionnaires et des correspondants, j'ai constaté qu'on ne peut se fier aux statistiques que nous fournit Statistique Canada au sujet de la garde conjointe. Les statistiques qu'on nous donne sont celles des ententes devant les cours et elles ne correspondent pas à ce qui se passe dans la vraie vie.

Vous avez parlé de la Californie, laquelle est revenue sur sa présomption de garde légale partagée. On constatait entre autres que le taux de monoparentalité féminine effective était sensiblement le même; c'est-à-dire que la prise en charge des enfants au niveau de leurs soins et de leur éducation se faisait par les femmes, même si leur statut légal avait changé.

Je puis toutefois dire qu'à l'heure actuelle, dans environ 5 à 7 p. 100 des cas, il y a garde physique partagée. Ce sont des chiffres très restreints, qui varient selon différentes études. Ils ne dépassent jamais 10 p. 100. Ce sont des cas où les parents ont négocié de tels arrangements entre eux; il est rare qu'une autorité extérieure leur ait imposé de tels arrangements, puisque ça change toute une vie.

Les gens que j'ai interviewés avaient confiance en leurs capacités parentales mutuelles et dans les possibilités de chacun. Par exemple, si au cours de leur vie de couple la mère avait été plus impliquée, elle était confiante que le père pouvait développer relativement rapidement ses aptitudes parentales. Le père et la mère partageaient la conviction que la présence du père était nécessaire.

Puisque le temps file, je vous dirai qu'on retrouve une nouvelle configuration, un mode de vie. Alors qu'au début des années 1980, on craignait que les enfants en soient affectés, on constate au contraire qu'ils bénéficient de la présence de deux parents très actifs, ce qui ne correspond pas nécessairement à ce qu'on retrouve dans l'ensemble de la population. Dans ces cas-là, ce sont deux parents très actifs qui acceptent de vivre un nouveau mode de vie où, très souvent, l'enfant partagera son temps entre deux domiciles. Les deux parents doivent demeurer sur place et accepter de ne pas être mobiles géographiquement pendant que la garde partagée existe. Ce serait impossible autrement. Ils doivent établir des arrangements et des modalités. Cette situation affecte donc leur insertion sur le marché du travail. La garde physique partagée ne peut fonctionner que si les deux parents y consentent; s'il y a des conflits ou si une mère n'accepte pas de ne pas pouvoir vivre à temps plein avec son enfant, ce sera très difficile à vivre. Dans de tels cas, la garde physique partagée ne fonctionne pas.

Dans les cas que j'ai étudiés, on semble respecter les ententes au niveau du partage du temps, bien que les femmes continuent d'investir, comme elles le faisaient traditionnellement, davantage au niveau de leurs enfants, par exemple en termes de temps supplémentaire et de vacances. Quoique le partage soit beaucoup plus égalitaire qu'ailleurs, ce sont quand même les femmes qui investissent le plus au plan financier au niveau de l'enfant. Par contre, les pères sont des pères extrêmement actifs à tous les niveaux. Les mères demeurent les gestionnaires de l'arrangement et sont celles qui font la médiation avec l'école. On ne peut pas changer notre société du jour au lendemain. Les femmes ont traditionnellement été les primary care givers. Ça change, mais ça ne change pas du jour au lendemain.

La situation que j'ai étudiée est une situation nouvelle qui répond aux nouveaux modèles qu'on a de la paternité. Le père n'est plus le le père autoritaire ou uniquement le père pourvoyeur, mais le père qui peut développer une relation très personnelle et directe, non médiatisée par la mère, avec son enfant.

• 1025

En terminant, aucune littérature n'affirme que la garde physique partagée est supérieure aux autres modes de garde. Il faut faire très attention; tout autre mode de garde comporte aussi ses désavantages. Ce qui importe, c'est la capacité des parents de se mettre d'accord et d'être capables de vivre quotidiennement avec cet arrangement-là.

Par ailleurs, rien ne dit que ce mode est nécessairement meilleur pour les hommes—mais enfin, je ne veux pas parler pour les hommes—ou pour les femmes. Tout dépend de la situation dans laquelle elles vivent et de leur capacité d'insertion dans le marché du travail, puisque la garde physique partagée sous-entend que la femme, dont le revenu est généralement moins élevé, soit capable de soutenir cet arrangement-là. Ce ne sont pas des femmes qui ont des revenus très élevés qui ont la garde physique partagée de leurs enfants, mais des femmes qui oeuvrent sur le marché du travail de façon régulière.

Je termine sur ces propos. Je m'excuse d'avoir peut-être dépassé le temps qui m'a été accordé.

[Traduction]

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous allons commencer notre séance de questions par M. Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci.

J'ai une seule question à poser à Anne Goldwater. Vous avez parlé du nouveau contexte juridique qui se crée. Je pense que vous avez utilisé les termes «investi de pouvoirs».

Lorsque des parents en arrivent au point où ils doivent s'en remettre à des ententes parce qu'ils sont en conflit, ne peuvent pas se montrer souples, ne se font pas confiance et refusent de coopérer, ils doivent pouvoir se fier à ce bout de papier puisqu'ils ne peuvent pas faire autrement. Alors, lorsque nul compte n'est tenu de ce document sur lequel on compte tant, que peut faire un parent pour faire respecter son droit de visite lorsque l'autre ne respecte même pas les conditions minimales de l'ordonnance elle-même ou de l'entente intervenue? Quels sont les recours possibles et les mécanismes qui devraient être utilisés? Des témoins nous ont parlé d'ordonnances qui ont été rendues après un procès coûteux, mais qui ne valent même pas le papier sur lequel elles sont écrites. J'aimerais que vous répondiez à cette question en particulier.

Mme Anne France Goldwater: Je trouve intéressant que vous me posiez cette question, parce que Nathalie Morissette du comité m'a invitée à vous présenter la jurisprudence établie dans la province de Québec au sujet précisément de l'exécution des ordonnances attributives de garde et de droit de visite. J'ai donc fait des recherches. Je lui en ai présenté les résultats il y a quelques jours. J'imagine que vous les recevrez.

Vous allez voir que le système judiciaire n'a pas été conçu de manière à faire respecter ses propres ordonnances attributives de garde et de droit de visite à l'intérieur du système actuel, de la structure que nous avons créée.

Tant qu'on modifie le statut et qu'on dit que les pères et les mères n'existent plus... Rappelez-vous que nous effacons les mots «mère» et «père» du langage des enfants. Nous disons maintenant que ce sont deux animaux. Il y a celui qui a la garde: celui qui détient l'autorité, qui fait marcher la boîte. Puis, il y a l'actionnaire minoritaire. Je ne devrais même pas dire cela, parce que de nos jours les actionnaires minoritaires ont de plus nombreux recours en droit des sociétés, de plus grands recours en cas d'abus, qu'un père n'ayant pas la garde ou ayant uniquement un droit de visite.

Le parent qui n'a pas la garde de ses enfants est réduit à un état d'impuissance. Je suis certaine que c'est plutôt humiliant, mais la réalité, c'est qu'on crée deux statuts et que les tribunaux ne font rien. Le seul recours des pères, parce qu'il faut une mère pour faire quelque chose, c'est une citation pour outrage au tribunal. Vous avez vu ce qui vient de se passer. Dans le reste du Canada—pardonnez-moi l'expression—une mère a été emprisonnée pour avoir refusé de respecter une ordonnance attributive de droit de visite. Les organisations féminines se sont portées à sa défense. Elles ont poussé les hauts cris et demandé qu'elle soit libérée.

Au Québec, une femme qui a escroqué à son mari des dizaines de milliers de dollars et caché son enfant dans un refuge pour femmes battues pendant cinq jours est sur le point de connaître sa sentence. La Couronne demande que cette femme soit condamnée à deux années de prison moins un jour pour escroquerie. Après tout, il est plus facile de punir une femme pour escroquerie que pour avoir caché au père l'endroit ou son enfant se trouvait. Pendant cinq jours, il ne savait pas s'il était mort ou vivant.

Il y a plus de chances que cette femme fasse de la prison pendant deux ans à cause de ce qu'elle a fait de l'argent qu'en raison de ce qu'elle a fait de l'enfant. Pourtant, des organisations féminines étaient assises aux côtés de cette mère au tribunal criminel parce qu'elles croient qu'elle a été lésée.

Qu'est-ce qui arrive dans le cas d'une femme qui s'occupe bien de ses enfants et qui n'est manifestement pas violente à leur endroit, mais qui est traduite devant un juge de la Cour supérieure qui veut l'inciter à comparaître pour outrage au tribunal parce qu'elle ne montre aucun respect envers le père? Le point de vue du juge est qu'il ne peut pas mettre cette femme en prison. Qui s'occuperait alors de ses enfants?

C'est une notion tellement inefficace. Ce que vous devez faire—du moins c'est ma thèse—c'est éliminer une fois pour toutes de notre langage les mots «garde» et «droit d'accès». Ces mots ont un sens beaucoup plus pernicieux dans le reste du Canada qu'au Québec où nous n'avons pas les mots «droit d'accès».

• 1030

Je vous mets au défi de fouiller dans notre Code civil et de trouver les mots droit d'accès. Ils n'existent pas. Nos juges ne sont pas assez intellectuels pour s'en apercevoir, mais ces mots ne s'y trouvent pas. Je brandis le code chaque fois. Nous avons seulement garde, qui est un plus petit mot que «custody» et autorité parentale, c'est-à-dire «parental authority».

Je pense que ce qu'il faudrait dire, partout au Canada, c'est que «les mères demeurent des mères et les pères, des pères» comme Mme Côté l'a indiqué. Il y aura toujours des différences dans ce qui intéresse les pères et les mères au sujet des enfants. Il faudrait parler du temps à passer avec chacun et des décisions à prendre, avoir un plan parental.

À ce moment-là, on ne pourrait pas accuser la mère de ne pas respecter l'ordonnance attributive de droit de visite, parce qu'il n'y en aurait pas.

M. Paul Forseth: Bien, disons donc que la mère s'occupe tous les jours de l'enfant qui habite avec elle, mais que le père ne respecte pas le plan parental. Il ne s'en tient pas au plan parental sur lequel ils se sont entendus—qu'ils ont pu mettre sur papier et déposer auprès de la Cour suprême. Que peut alors faire la mère?

Mme Anne France Goldwater: Nous allons devoir trouver une façon de faire respecter les ententes en n'ayant pas recours à la police, ce que j'appelle une mesure de coercition, parce qu'un trop grand nombre de pères doivent littéralement se présenter avec les jugements rendus et les ordonnances du tribunal. Nous pourrions décider de confier à des autorités provinciales de protection de la jeunesse la tâche d'intervenir lorsque l'enfant doit quitter sa mère pour aller chez son père et que quelqu'un ne respecte pas l'entente. Ou encore les parents pourraient devoir retourner devant le tribunal.

Ce que nous ne pouvons pas avoir, c'est un système coercitif dans le cadre duquel nous comptons sur des citations pour outrage au tribunal et sur la police, parce qu'il ne fonctionne pas. Prenez le point de vue de la police. Il y a toujours un parti pris là-dedans. Disons qu'un gars s'amène à la station de police et présente son ordonnance de garde conjointe. Ses sept jours commencent. Croyez-moi, la police va intervenir. Elle peut porter des accusations d'enlèvement si les choses vont aussi loin.

M. Paul Forseth: D'après ce que j'en sais, ce n'est pas le cas, parce que la police ne peut pas savoir de toute façon si c'est l'ordonnance la plus récente. Elle ne peut pas rien faire et son conseil est d'aller voir un avocat. Il n'y a rien dans cette ordonnance qui dit qu'un policier doit intervenir.

Mme Anne France Goldwater: Dans les cas d'aliénation—j'ai mon article ici—j'ai expressément demandé que les policiers aient le pouvoir d'intervenir.

Jamais un policier ne m'a dit qu'il avait peur que l'ordonnance ne soit plus valide. Si un père n'a qu'un droit de visite, il y a moins de chances qu'un agent de police intervienne. S'il est titulaire d'une ordonnance de garde, le réflexe est d'appliquer le Code criminel.

Le plus drôle, c'est que le père pourrait accuser sa femme d'enlèvement au sens du Code criminel si elle s'était enfuie avec les enfants sans qu'une ordonnance attributive de garde ou de droit de visite ait été rendue. Une fois qu'une ordonnance de garde a été rendue, c'est fini. Une fois qu'une ordonnance attributive de droit de visite a été rendue, le père n'est plus protégé par l'article du Code criminel concernant le rapt d'enfants. Il protège les ordonnances de garde, un point c'est tout.

M. Paul Forseth: Je suis pas mal au courant de toutes ces permutations compliquées, mais il faudra quand même que le comité arrive à prendre position sur la solution pragmatique qu'il pourrait recommander. Même si nous options pour le moment pour le plan parental, que faire en cas de syndrome d'aliénation parentale? Que peut faire le parent qui est laissé de côté légalement à part tout simplement abandonner?

Mme Anne France Goldwater: Il faut reconnaître que le syndrome d'aliénation parentale est un processus, que de nombreuses familles peuvent présenter des symptômes de ce syndrome. J'ai l'impression que vous essayez d'attirer mon attention sur les cas extrêmes que j'ai rencontrés en raison des causes que j'ai plaidées et des articles que j'ai écrits, mais nous essayons ici de répondre aux besoins de la majorité des Canadiens.

Dans les cas extrêmes d'aliénation parentale—et j'en ai vu— seul un changement de garde peut aider. Ce changement de garde doit intervenir assez tôt, avant que l'enfant soit trop retranché. Mais nous parlons ici d'une petite minorité de cas. Il y a plus de cas de garde conjointe que de cas extrêmes d'aliénation, Dieu merci. Nous voulons créer socialement une atmosphère qui soit moins propice au développement de l'aliénation parentale, une société qui n'approuve pas que les pères tournent le dos à leurs enfants.

• 1035

Il faut comprendre ce que les gens vivent. Je représente un père qui veut avoir la garde de ses enfants. Il ne peut la demander que s'il arrive à montrer qu'il est tout à fait en faveur de l'accès. Il doit offrir à sa femme un accès illimité. Si un juge va jusqu'à accorder l'accès à un père en dehors d'un cas où une mère maltraite son enfant, la femme a accès autant qu'elle le veut. Lorsqu'une femme a la garde, on opte pour des solutions toutes faites.

Les juges sont fantastiques lorsque la mère est détestable ou que le père n'ayant pas la garde essaie de faire mieux, même s'il n'est pas un père du tonnerre et qu'on tente de l'encourager. Les juges seront tout à fait prêts dans ce cas-là à lui accorder une fin de semaine sur deux et le mercredi soir et une autre journée ici et là parce qu'ils vont se reconnaître en lui et se montrer très protecteurs et plus sévères envers les mères détestables.

Mais si on prend les pères qui veulent être de vrais parents, tout ce que la femme a à faire, c'est de dire: «Je ne m'entends pas avec cet homme. Il me rabaissait tout le temps. Il se disputait avec moi. Nous ne nous entendions pas assez bien pour sauver notre mariage. La garde conjointe est hors de question.»

Dans la plus grosse cause que nous avons eue au Québec, celle de Victor et Echenberg, il a fallu un procès de 150 jours sur la garde conjointe pour que le tribunal en arrive à la conclusion qu'il n'allait pas l'imposer parce que la femme n'en voulait pas. Le père a droit à de nombreuses visites et il a déboursé deux millions de dollars pour ses frais d'avocat et ceux de sa femme sans grand résultat.

Il y a une chose sur laquelle je veux revenir. Mme Côté a dit quelque chose de très important, je pense, en ce qui concerne la garde conjointe. Je dirais que les statistiques manquent. Si nous en avions plus, nous en saurions davantage. Où sont les pères qui arrivent à s'en sortir? Comment les pères à qui les mères mettent des bâtons dans les roues s'en tirent-ils en dehors du système judiciaire, les gars qui sont assez débrouillards, comme le petit Gavroche de Victor Hugo, pour trouver le moyen de passer plus de temps avec leurs enfants?

J'ai connu un père qui était exclu de la vie de son enfant. L'enfant a développé un trouble de l'alimentation et a été soigné à l'Hôpital de Montréal pour enfants. Savez-vous ce qu'il a fait? Il est allé à l'hôpital pour s'occuper lui-même de son enfant. Ils étaient heureux à l'hôpital d'avoir un père aussi présent. Cette présence et l'intervention du personnel de l'Hôpital pour enfants ont commencé à créer ce sentiment de confiance mutuelle que maris et femmes perdent, mais que le père et la mère doivent avoir.

Je crois que si nous examinons de plus près les ententes sur l'éducation des enfants conclues en dehors du système judiciaire, nous allons probablement nous apercevoir, comme Mme Côté le disait, qu'il y a très peu de partage de la responsabilité parentale parce qu'il faut être des parents très motivés pour arriver à collaborer. Les gens qui sont aussi mûrs et aussi motivés ont tendance à rester mariés. Pensez-y. Ils savent ce que c'est que de faire des compromis.

Mme Denyse Côté: Pas vraiment.

Mme Anne France Goldwater: Pas vraiment? Est-ce que je suis trop idéaliste?

Mme Denyse Côté: Oui.

Mme Anne France Goldwater: Je pense que vous vous apercevrez peut-être qu'il y a, mais je ne sais pas si Mme Côté le voit, une éducation que j'appellerais parallèle en ce sens que les parents ne communiquent pas assez pour s'entendre sur des choses comme l'heure à laquelle l'enfant devrait aller se coucher ou souper. Il se peut que chaque parent fasse les choses différemment chez lui, papa pensant que c'est bien de montrer Rambo à un enfant de sept ans tandis que maman préfère peut-être Bambi, mais il est possible qu'il y ait quand même une assez grande cohésion, même s'il n'y a pas assez de communication.

M. Paul Forseth: Oui, mais vous n'avez pas vraiment répondu à ma question. Pourriez-vous essayer de le faire?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vais céder la parole à Mme Bakopanos. Allez-y.

Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Merci.

Permettez-moi tout d'abord de dire que j'ai trouvé votre exposé très intéressant et, en fait, très différent de tout ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant, du moins depuis que je suis avec le comité.

Dans un monde idéal nous aurions tous, comme vous le dites, des enfants très heureux, aimants, dont les deux parents seraient présents, le père et la mère, et joueraient tous les deux un rôle important dans l'éducation de leurs enfants. C'est mon souhait, c'est mon désir et je pense que c'est le souhait de tout le monde ici présent. Mais ce n'est pas la règle générale dans notre société de nos jours.

L'autre chose que j'ai à dire, c'est que nous aimerions tous avoir des juges qui prennent des décisions parfaites, mais il y a encore des juges qui donnent à des violeurs des condamnations avec sursis. C'est l'exception, pas la règle.

Quoi qu'il en soit, nous ne nous chamaillerons pas. Si vous voulez bien écouter, vous pourrez argumenter contre moi après, lorsque ce sera votre tour.

Votre idée du pouvoir des femmes n'est pas un concept nouveau. Elle s'est concrétisée au travail; elle s'est même concrétisée à la Chambre des communes. Il y a maintenant plus de femmes ici à la Chambre des communes. Voulez-vous dire que maintenant que les femmes ont acquis des pouvoirs, elles en abusent? C'est en quelque sorte ce que vos observations donnent à entendre. Cela veut donc dire que ceux qui détenaient le pouvoir dans le passé, surtout des hommes, en ont abusé jusqu'à un certain point. Nous pourrions en discuter longuement.

• 1040

Je refuse d'accepter cette théorie, à cause de la raison même pour laquelle vous vous battez dans la société, pour que personne n'ait de pouvoir sur les enfants. Ni les pères ni les mères ne devraient avoir de pouvoir ou la possibilité d'en abuser d'une manière ou d'une autre. C'est aussi mon souhait dans un monde idéal.

On se sert de son pouvoir, comme vous l'avez dit tout à l'heure, pour refuser l'accès, pour refuser la garde ou pour refuser une pension alimentaire. Je ne veux pas d'un monde comme celui-là. Donc, si nous voulons dire la même chose, je suis d'accord avec vous, mais je n'en suis pas certaine.

Vous avez dit que nous ne devrions pas du tout utiliser le mot «accès», que nous devrions le bannir.

Mme Anne France Goldwater: Oui.

Mme Eleni Bakopanos: Je suis d'accord avec vous là-dessus, mais que faites-vous dans une situation de violence familiale et de mauvais traitements physiques? Que faire alors? C'est la question que je vous pose.

Mme Anne France Goldwater: Elle peut être scindée et je sais que Mme Côté va vouloir ajouter quelque chose à cela.

Mme Eleni Bakopanos: Oui.

Mme Anne France Goldwater: Nous pourrions nous partager le temps qui reste.

Vous avez utilisé un bon mot, «pouvoir». Voulez-vous dire que j'ai donné à entendre que les hommes et les femmes ont abusé du pouvoir? C'est vrai. Là où il y a du pouvoir, il y a des abus. C'est un fait. Vous pouvez regarder au sud de la frontière et rire des choses qui arrivent lorsqu'on abuse du pouvoir, mais ça arrive et ça arrive aussi dans les familles. Lorsque deux parents vivent sous le même toit, c'est donnant donnant. Lorsqu'ils se séparent, ce qui devrait être l'autorité sur les enfants devient un pouvoir par rapport à l'autre.

Ce que nous voulons réaffirmer, c'est que les parents sont autorisés à prendre des décisions. Comme la Cour d'appel de l'Alberta l'a dit lorsqu'elle parlait du soutien des enfants, ce n'est pas aux juges de décider si un enfant doit avoir la télévision, la câblodistribution, la télévision payante ou la télévision par satellite. Ce sont des choix que les parents doivent faire en fonction de leurs moyens et de leur style de vie, et ils reflètent aussi leur autorité. Est-ce qu'un enfant devrait même regarder la télévision?

L'idée pour moi d'abandonner la garde et l'accès est d'éliminer le pouvoir et de revenir à l'autorité, qui est différente et plus facile à partager. On éliminerait ainsi les abus.

Quand on parle de violence familiale, on parle d'une chose tout à fait différente. Tout d'abord, il faut reconnaître que la violence est devenue une arme très utile pour les femmes. D'après mon expérience, il y a deux types de violence familiale. Il y a la violence des hommes—pardonnez le sexisme, mais c'est une question de testostérone—la violence des poings, la violence qui est plus extériorisée. J'ai constaté autant de violence familiale chez les femmes, mais cette violence se manifeste différemment.

Les hommes sont physiquement plus corpulents, plus puissants, et ils expriment leur agressivité. Vous n'avez qu'à regarder les statistiques sur les meurtres en série commis par de jeunes hommes aux États-Unis. C'est toujours des hommes; ils ne sont jamais perpétrés par des adolescentes. C'est ainsi que les hommes libèrent leur agressivité, sur les membres plus faibles de la famille: d'abord la femme et ensuite les enfants.

Les femmes ne laissent pas libre cours à leur agressivité de la même manière. Elles ne se défoulent pas à coups de poings. Mais leur agressivité se manifeste de manières beaucoup plus haineuses et reflète leur rôle de principales pourvoyeuses de soins aux enfants. Dans une famille, le membre le plus faible est en réalité l'enfant par rapport à la femme.

La violence familiale dont les femmes sont les auteurs n'est pas physique. Elle est psychologique. Elle est moins dirigée contre l'homme; elle est généralement dirigée contre les enfants. On crée un schisme en ignorant la violence faite par les femmes aux enfants, parce qu'il est plus facile de pointer du doigt la violence faite par les hommes.

Mme Côté va vous parler du modèle d'attachement caractérisé par l'insécurité. On dit que jusqu'à 30 p. 100 des enfants ne sont pas vraiment attachés au premier fournisseur de soins. Cela veut dire qu'ils rejettent leur mère. Ce sont des statistiques à faire dresser les cheveux sur la tête qui se comparent défavorablement aux statistiques sur la violence que nous...

Mme Eleni Bakopanos: Mais vous n'avez pas répondu à ma question. Je vous ai posé une question. Si vous n'utilisez pas le mot «accès», que feriez-vous dans les cas où la preuve est faite d'un côté ou de l'autre...? Je ne veux pas blâmer ni les hommes ni les femmes. Ce n'est pas ce que j'ai dit tout à l'heure. Mais s'il y a de la violence physique, de la violence familiale, que faire avec les enfants? Comment allez-vous appeler cela?

Mme Anne France Goldwater: Cela ne change rien à la question de la garde ou de l'accès.

Mme Eleni Bakopanos: Oui.

Mme Anne France Goldwater: Non.

Mme Eleni Bakopanos: Vous étiez d'accord.

Mme Anne France Goldwater: Parce que vous faites précéder une question d'une réponse toute faite. Si un homme ou une femme a commis un acte de violence familiale, tout contact avec les enfants devrait alors être interdit. C'est une question bidon.

Mme Eleni Bakopanos: Non.

Mme Anne France Goldwater: Il reste le plan résidentiel.

[Français]

Mme Eleni Bakopanos: Madame Côté.

Mme Denyse Côté: Comme je vous le disais, je suis sociologue et non pas psychologue. Je voudrais toutefois vous dire qu'il existe quelque chose qui est socialement reconnu et qui s'appelle la violence sexuée.

• 1045

La violence n'est pas neutre. La violence faite aux femmes existe. Bien que la majorité des demandes de divorce ne soient pas faites à cause de problèmes de violence, on constate que les femmes qui se sont retrouvées dans des maisons d'hébergement ont très souvent par la suite présenté des demandes de divorce. Contrairement à ma collègue, je crois qu'il faut se pencher sur les problèmes de violence, lesquels peuvent se poursuivre après la séparation ou le divorce.

On possède une très bonne description des cas qui se retrouvent en cour. Un des problèmes relatifs à la littérature sur la garde partagée, c'est que les causes contestées en cour ne représentent en fin de compte que quelque 5 p. 100 de l'ensemble des arrangements qui sont faits.

Il ne faut pas oublier non plus que de nombreux parents prennent des arrangements pour la garde à l'amiable, sans même être divorcés, et de toutes sortes de façons. Les cas dont on a entendu parler au cours de la demi-heure précédente sont des cas litigieux. Je ne nie pas du tout l'existence de ces cas-là, mais je crois qu'ils ne sont pas représentatifs de la majorité des cas.

Aucune femme que j'ai interviewée, aucun groupe de femmes que j'ai entendu et aucun texte que j'ai lu ne nient le fait que la présence du père est nécessaire. La littérature est très claire: de plus en plus, tout tourne autour de la présence nécessaire du père. La difficulté, c'est de savoir comment l'assurer. J'ai lu toute la littérature sur le soin des enfants, et tout le monde s'accorde pour dire que cette transition qu'on est en train de vivre est importante. Elle ne se limite pas à une question d'accès à l'enfant, mais on doit se demander comment se feront cette transition, la prise en charge, le soin et l'éducation des enfants. Bien que le cas que je vous décrirai ne reflète pas ce qui se passe dans la majorité des cas, il peut arriver qu'un enfant aille chez le parent gardien à toutes les fins de semaine et que ce dernier ne voie pas à ce qu'il fasse ses devoirs, ni aux choses quotidiennes relatives à l'éducation des enfants, ce qui se traduit par un poids supplémentaire pour l'autre parent gardien. À mon avis, il y a un problème de transfert de tout ce travail de soins ou de care giving. À mon avis, ce n'est pas une question de savoir s'il y a un ou deux primary care givers. Pour moi, c'est clair. Je puis me fier à ma propre expérience puisque j'ai un enfant de 19 ans qui a été élevé en garde physique partagée. Il a deux parents qui sont primary care givers. C'est clair que ça peut se faire, et j'en suis convaincue. Ce ne sera pas la solution dans tous les cas, mais cela se fera peut-être de plus en plus. C'est un phénomène social. Je n'ai pas encore la réponse, mais je me demande comment nous pourrons nous assurer qu'il y aura une prise en charge croissante par les hommes du soin et de l'éducation des enfants dans un cadre familial, ce qui est très difficile, y compris lorsqu'il pourra y avoir des conflits. À mon avis, on ne pourra pas y arriver seulement par des mesures législatives et on ne pourra certainement pas y arriver par des mesures contraignantes. Les mesures législatives sauront toutefois influencer ce qui se fait dans la pratique. On doit avoir recours à toutes sortes de façons pour encourager ce transfert de connaissances et de responsabilités. Nous sommes en train de vivre un moment historique, et les hommes joueront désormais un rôle de plus en plus direct dans l'éducation des enfants.

Merci.

[Traduction]

Mme Eleni Bakopanos: Merci.

Mme Anne France Goldwater: Tout ce que je voudrais ajouter, c'est que si un parent est incompétent pour des raisons de violence, alors le plan résidentiel doit nécessairement restreindre les contacts. Cela répond brièvement à votre question.

Mme Eleni Bakopanos: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénateur Jessiman.

Le sénateur Duncan Jessiman: Je vais vous poser la même question à toutes les deux.

Nous savons tous que lorsque l'accès est refusé et que la pension alimentaire est versée, il y a outrage au tribunal, et dans l'un des cas dont vous avez parlé, une personne a été accusée d'outrage au tribunal à 22 reprises avant d'être jetée en prison.

On a maintenant modifié la loi en ce qui concerne le non- paiement de sorte que si on ne paye pas, on risque de perdre son permis de conduire et son passeport. Pensez-vous que ce serait une solution? Pensez-vous qu'il serait juste que la loi prévoie les mêmes peines dans le cas du refus d'accès que dans celui du non- paiement?

• 1050

Mme Anne France Goldwater: Je ne sais pas dans quelle mesure ce serait efficace. Tout ce que je peux vous dire, c'est que les juges ont toujours eu moins de difficulté à citer un homme pour outrage au tribunal et non-paiement de la pension alimentaire, à le jeter en prison parce qu'il n'est pas considéré comme un pourvoyeur de soins au même titre qu'une femme.

Lorsque j'ai été interviewée à la radio, à la CBC s'il vous plaît, au sujet de la confiscation possible du permis de conduire, j'ai bien ri. Tellement d'hommes sont attachés à leur voiture que j'ai pensé que c'était un bon moyen de leur faire comprendre qu'ils doivent payer leur pension alimentaire.

Mais lorsqu'on prend les cas, comme ceux d'aliénation parentale, où les femmes sont retranchées, ne veulent pas que les enfants voient le père, on s'aperçoit qu'on ne peut pas faire grand-chose. Dans ces cas-là, les femmes sont tellement retranchées sur leurs positions—je pense, par exemple, à la femme qui a été citée 22 fois pour outrage au tribunal—qu'il ne servirait pas à grand-chose de les jeter en prison.

Je n'ai jamais compris pourquoi les juges hésitent à confier la garde des enfants à leur père. Tant que c'est un assez bon père... Vous savez, soyons réalistes. Personne d'entre nous n'a eu de permis pour avoir des enfants. Je me suis mariée bon gré mal gré et j'ai eu des enfants. Personne ne sait si je fais du bon travail, et vous ne me verrez jamais au tribunal. Nous décidons d'avoir des enfants et nous avons tendance à être d'assez bons parents parce qu'il n'y a personne que nous aimons plus au monde que nos enfants.

Pourquoi un juge ne ferait-il pas confiance à un père qui lui dirait: «J'ai toujours été là pour mes enfants, et mon ex-femme ne comprend pas à quel point je tiens à eux.»

N'oubliez pas que nous parlons dans ce cas-ci de choses affreuses. La mère ne veut pas que les enfants voient leurs cousins, leurs tantes, leurs oncles, leurs grands-parents. Tout ce que le père fait, tout ce qu'il apporte dans la vie des enfants, ne vaut rien. S'il leur envoie un présent, elle le jette.

Pourquoi ne serait-ce pas une raison pour changer de gardien? Pourquoi est-ce que ce n'est pas considéré comme une forme de violence envers les enfants aussi grave que celle dont nous parlions et qui est plus facile à voir—celle qui s'exprime avec les poings?

Le sénateur Duncan Jessiman: Pensez-vous que la loi devrait dire que s'il y a un droit d'accès et que le parent l'ignore ou refuse de le respecter, une fois, deux fois, trois fois, peu importe le nombre de fois, il devrait y avoir un changement automatique? Pensez-vous qu'on pourrait modifier la loi à ce sujet?

Mme Anne France Goldwater: Je pense qu'il faudrait modifier la loi. Un juge aurait la tâche plus facile si nous apportions des modifications en ce sens, s'il était question dans la loi d'un plan résidentiel. Parce que ce qui arrive maintenant, si on est chanceux et si on a un assez bon juge, et un assez bon psychologue, le juge augmentera le nombre des visites en se disant que si l'enfant passe plus de temps avec l'autre parent, la mère finira tôt ou tard par comprendre.

Si vous vous débarrassiez des mots «garde» et «accès» pour commencer et si vous vous disiez que chaque fois que le plan parental n'est pas respecté... et nous ne parlerions plus de garde ni d'accès. La femme n'aurait aucun pouvoir. Elle n'aurait pas le pouvoir d'abuser de la situation. Elle n'aurait que du temps avec ses enfants, l'autorité parentale, et le père aurait lui aussi cette autorité et du temps avec ses enfants. Si vous changiez les choses graduellement, ce qui se passe dans les bonnes causes... Lorsque je plaide des causes qui fonctionnent, le père obtient, disons, deux fins de semaine sur trois, ou cinq jours sur neuf. Les choses changent petit à petit.

Le sénateur Duncan Jessiman: Donc, le foyer de la mère serait considéré comme la résidence principale et celui du père comme la résidence secondaire, pour commencer, mais si elle ne respectait pas les règles, on pourrait changer de résidence.

Mme Anne France Goldwater: Mais on n'utiliserait pas les mots «principale» et «secondaire». Ils dénotent une hiérarchie de pouvoirs qui n'existe pas, dans nos vies privées à vous et moi. Pensez-vous que je pourrais arriver à la maison et dire à mon mari «je suis la principale pourvoyeuse de soins, c'est ma résidence et c'est moi qui porte les culottes dans la famille»? Nous nous sommes débarrassés de ces règles il y a longtemps pour que les femmes aient plus de pouvoir.

Lorsque ma mère a été interviewée à ce sujet en 1962, elle était heureuse que les hommes détiennent l'autorité, parce qu'ils devaient travailler et subvenir aux besoins de leur femme. Elle était avocate. Elle pouvait garder l'argent qu'elle gagnait. C'était la règle au Québec en 1962. Elle était avocate tout comme mon père. En fait, c'était la plus brillante des deux.

Cela n'existe pas. Si nous n'acceptons pas, dans nos chambres à coucher, que l'homme ou la femme exerce un pouvoir sur l'autre, pourquoi l'acceptons-nous après le divorce, dans la cour d'école? Je ne comprends pas.

[Français]

Mme Denyse Côté: J'aimerais intervenir au sujet de la notion de pouvoir. Contrairement à ma collègue, je crois que le pouvoir n'est pas nécessairement quelque chose que l'on exerce sur une autre personne et qu'on invoque pour régler des conflits. Je crois qu'il y a aussi le pouvoir de faire des choses avec quelqu'un, le pouvoir de changer une situation. C'est le sens que je privilégie. Pour moi, éduquer un enfant, c'est faire des choses avec lui, et je crois que beaucoup de femmes ont cette notion du pouvoir plutôt qu'une notion de conflit.

• 1055

Je ne nie pas la présence d'abus, mais je me demande si, quand on légifère, on doit vraiment voir la notion de conflit comme étant inhérente à ce qu'on décide en termes de garde. Le conflit existe dans les cas de séparation et de divorce, mais est-ce vraiment ce à quoi il faut s'arrêter? Est-ce vraiment le seul facteur qui pousse les parents à décider de leurs arrangements de garde? Ce n'est pas ce que j'ai vu. J'ai au contraire vu des parents qui se battaient justement avec des conflits latents et qui essayaient de faire en sorte qu'ils ne se transmettent pas aux enfants.

Si j'étais avocate en droit de la famille, je verrais sans doute autre chose puisque les cas seraient autres. Mais moi, j'ai vu des parents qui n'ont pas passé par les cours et je n'ai pas vu de conflits vraiment majeurs. On essaie plutôt de construire quelque chose autour de la notion qu'il existe des différends, des peines, des deuils, des conflits et ainsi de suite. Et on essaie de protéger l'enfant.

La majorité des femmes et hommes que j'ai interviewés m'ont non seulement parlé de leur insatisfaction, mais aussi de leur fierté, de la façon dont ils étaient arrivés à leurs propres arrangements. Et ça, je trouve que c'est central. Si j'avais une recommandation à faire, ce serait celle-là.

En termes de pouvoir, on parle aussi de ce qui est visible et invisible. Dans notre société, comme on le sait, c'est l'argent qui, de plus en plus, nous donne le pouvoir. La prise en charge d'un enfant, le temps et l'énergie qu'on met dans le soin des enfants, ce n'est pas quelque chose qui donne du pouvoir, mais qui au contraire est de plus en plus dévalué. C'est de plus en plus complexe à faire, tant pour les femmes que pour les hommes qui sont dans cette même situation et qui doivent concilier les exigences relatives au soin de leurs enfants et celles d'un emploi. Je vous rappelle qu'au Québec, dans 20 p. 100 des cas, ce sont des hommes qui sont chefs de familles monoparentales. Les mères sont elles aussi tenues d'apporter un revenu pour subvenir aux besoins de leurs enfants et on sait que le marché du travail est difficile.

Il faut regarder ce que les pères essaient de construire comme nouvel engagement envers leurs enfants, c'est-à-dire un engagement qui est direct, responsable et très différent de l'autorité du pouvoir que ma collègue décrivait. Ces pères-là n'ont aucun modèle auquel se fier. Ils essaient, ils cherchent, etc. Je crois qu'il faut les encourager pleinement.

Les femmes non plus n'ont pas de modèle. Dans la plupart des cas, elles assument une responsabilité plus lourde que leur ex-conjoint ou que les hommes en général à cet égard. Il faudrait justement reconnaître le travail gratuit et constant qu'elles font. On sait ce que c'est; je ne vous le décrirai pas car vous le connaissez autant que moi. Merci.

[Traduction]

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. Je suis désolé, mais votre temps est écoulé, sénateur.

Sénatrice Cools.

Le sénateur Duncan Jessiman: Ça doit être une loi de la Floride. Oui, sénatrice Cools, c'est votre tour.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y, sénatrice Cools.

La sénatrice Anne Cools: Je vous remercie beaucoup, toutes les deux, pour un exposé que j'ai trouvé très intéressant et plein d'esprit.

Je dirais qu'un des problèmes de notre société moderne s'explique par les «pressions sociales» exercées pour faire de la Loi sur le divorce un instrument du Code criminel, un instrument de l'aide sociale ou un instrument destiné à redresser des torts historiques. La Loi sur le divorce ne peut pas servir à cela et je crois sincèrement que c'est une des raisons pour lesquelles nous nous trouvons dans la situation actuelle.

Je n'ai pas eu la chance de soulever la question avec les témoins précédents, mais elles ont dit que la Loi sur le divorce réduit la pauvreté chez les femmes, ce qui nous amène à conclure que le mariage augmente la richesse chez les femmes. C'est un à- côté. C'est le cas, mais ça devrait aussi l'être maintenant pour le divorce. C'est la tendance actuelle.

Mais si nous revenons aux questions qui entourent la violence, dont vous avez parlé, je vous dirais qu'une des raisons pour lesquelles toute cette discussion sur la violence me fait un peu peur, c'est que si on adopte une politique de tolérance zéro à l'égard de la violence, et si on réduit l'accès à cause de la violence, à long terme, ce sont les femmes qui vont en souffrir le plus, parce que toutes les études sur les mauvais traitements infligés aux enfants montrent que les femmes égalent et surpassent même les hommes au chapitre de la violence envers les enfants.

• 1100

Madame Goldwater, vous ne semblez pas être au courant de ces études sur les mauvais traitements infligés aux enfants. Toutes les études nationales sur la violence familiale montrent la réciprocité, mais ce n'est qu'une forme de violence. Pour ce qui est des mauvais traitements infligés aux enfants—et je l'ai dit je ne sais trop combien de fois—toutes ces études montrent que les femmes égalent les hommes. L'expression technique est «maltraitance», ce qui englobe, par exemple, la négligence et ainsi de suite. Dans ce cas-là, les femmes surpassent les hommes, car le pourcentage est de 85 p. 100.

Je me demande si vous avez des observations à faire à propos des pressions exercées pour que la Loi sur le divorce devienne un instrument punitif, ce qu'elle n'est pas.

Mme Anne France Goldwater: En ce qui concerne le Code criminel, je n'ai pas besoin de l'avoir dans ma poche quand je me promène, parce qu'il ne m'est pas nécessaire de le regarder pour savoir ce que je peux faire ou ne pas faire. Comprenez-vous? Nous avons nos propres règles de conduite. Et j'espère ne pas avoir besoin du Code civil et de la Loi sur le divorce pour savoir comment élever mes enfants ou comment me comporter avec mon mari— je l'espère, sauf que, de temps à autre j'aurais bien envie de le battre... Ah, non, je ne peux même pas vous raconter une histoire pour rire.

Cependant, pour le meilleur ou pour le pire, nos lois sont toujours structurées de manière à comporter des mesures punitives et coercitives.

La sénatrice Anne Cools: Toujours.

Mme Anne France Goldwater: On ne peut pas y échapper et on ne rend pas service aux hommes ni aux femmes, aux pères qui voudraient passer plus de temps avec leurs enfants et aux mères qui sont battues ou qui ne reçoivent pas leur pension alimentaire, parce que, comme vous le savez, les plaintes sont différentes. On ne rend pas service à tous ces gens en leur disant qu'une loi ne devrait pas être considérée comme coercitive et punitive. C'est juste que lorsqu'on regarde la partie qui traite de la garde et de l'accès, on se dit qu'on pourrait avoir une structure tellement plus positive...

La sénatrice Anne Cools: Tout à fait.

Mme Anne France Goldwater: En devenant plus cartésiens dans notre façon d'examiner, d'évaluer, d'organiser et de réévaluer la garde et l'accès. Comme la dame qui était ici avant nous l'a dit, la médiation ne devrait pas s'arrêter au divorce; il faudrait y revenir, peut-être six mois plus tard, pour voir comment la garde fonctionne. Il y a tellement de choses qu'on peut faire avant d'en arriver à une punition. Mais la punition... on ne peut pas y échapper, et parfois les mots aident.

Avez-vous remarqué ce que vous avez dit au sujet des hommes et des femmes? Vous avez dit que les hommes sont violents, mais que les femmes «maltraitent» leurs enfants. Quelle est la différence? La seule raison pour laquelle j'ai parlé de cette différence tout à l'heure, c'est que...

La sénatrice Anne Cools: C'est fantastique qu'elle ait soulevé cette question. Personne ne l'a fait avant elle.

Mme Anne France Goldwater: Oui. La seule raison pour laquelle j'ai parlé de la différence tout à l'heure, c'est que je parlais du divorce conventionnel. J'ai passé l'âge de travailler au tribunal de la jeunesse, où la bataille est beaucoup plus sanglante. Je veux parler du divorce conventionnel: du gars qui a bousculé sa femme et de la femme qui fait un lavage de cerveau à son enfant, le genre de choses qu'on voit dans les divorces ordinaires, où il peut y avoir... Il y a pas mal de violence dans les familles très ordinaires, mais on n'en parle pas beaucoup, parce qu'on a tendance à penser que la violence faite aux femmes par les hommes ou les mauvais traitements infligés par les femmes sont réservés à une autre classe sociale, mais ce n'est pas vrai. Ce n'est pas comme ça que ça se passe.

La notion du temps chez un parent ou chez l'autre, pas d'une résidence principale, ni d'une résidence secondaire, mais celle du temps passé avec les parents... C'est un plan parental et il y aurait des lois, des lignes directrices pour les juges, comme dans le cas de la pension alimentaire pour enfants. Nous aurions une liste de tâches qui nous indiquerait quoi faire pour l'éducation, le tutorat, les sports, les activités parascolaires, les décisions médicales, les activités sociales et les coupes de cheveux.

Il y a dix-sept ans que je pratique le droit, et cela pourra vous paraître anecdotique, mais s'il vous plaît... Je pourrais mettre ma main au feu que j'ai été témoin de plus de batailles entre parents au sujet des coupes de cheveux qu'au sujet de la religion. Pourquoi? Si un Juif marie une chrétienne, ils auront tendance à prendre à l'avance une décision quant à la bar-mitsva et à la première communion. Ils y auront réfléchi. Mais les gens ne pensent pas à ce qui va arriver s'ils se séparent et que l'homme a une nouvelle femme qui n'aime pas la coupe de cheveux de la fillette de six ans et l'amène chez le coiffeur. La mère gardienne s'emporte, parce que c'est comme si cette autre femme avait violé le corps de sa petite fille.

Des voix: Ah, ah.

Mme Anne France Goldwater: S'il vous plaît, ne riez pas, parce que c'est tellement poignant que c'est à en pleurer. Et quand ça arrive, je ne peux pas en parler au juge, parce qu'il me regarderait comme si j'étais complètement folle et qu'il se mettrait à me dire des proverbes en latin du genre De minimis non curat lex—la loi ne s'occupe pas des petites affaires. Mais cela fait partie de l'angoisse d'être parent.

Un des bons tests psychologiques dit en fait que nous avons trop tendance à mettre l'accent sur la prise de décisions, comme si l'éducation des enfants avait à voir uniquement avec le choix de l'éducation et de la religion et d'importantes décisions médicales. Des décisions de ce genre-là se présentent peut-être une dizaine de fois dans une vie, mais il faut tous les jours décider de l'heure à laquelle un enfant doit se coucher et s'il doit faire ses devoirs d'abord ou s'il peut regarder la télévision avant de les faire... Ces décisions exigent une loi structurée.

• 1105

C'est horrible à dire, mais il faut une loi structurée dans le cadre de laquelle examiner ces notions parentales et chercher à savoir si les parents peuvent être cohérents dans leur plan parental pour qu'on ne se retrouve pas avec des pères marginalisés qui n'ont droit qu'aux fins de semaine. Lorsqu'un père est réduit à ne plus voir ses enfants que la fin de semaine, ce n'est plus un père; c'est un visiteur.

Dans certains cas, je vois probablement les enfants plus souvent que leur père. Lorsque je vais chez mes clients, comme avocate, il m'arrive de sortir un enfant, et je le fais probablement aussi souvent que le père. Être un père, ce n'est pas amener l'enfant au cinéma. Comme Mme Côté l'a dit, et je suis certaine que c'est vrai, il y a beaucoup de pères qui ne prendront pas les activités en charge, parce qu'ils n'ont pas appris à le faire pendant le mariage. Mais ce qu'ils sont pressés d'apprendre lorsque le mariage échoue et qu'ils reçoivent le coup de pied vous savez où qui leur fait prendre conscience de ce qu'ils doivent faire s'ils veulent avoir une relation intime, la relation la plus tendre qu'on puisse avoir dans sa vie, avec leurs enfants. Ils doivent alors apprendre à faire faire leurs devoirs aux enfants au lieu de simplement les amener chez McDonald's.

Qui va les appuyer? Mme Côté avait tout à fait raison lorsqu'elle a dit que les hommes et les femmes d'aujourd'hui n'ont pas de modèles. Nous sommes fiers de notre pays et fiers d'être canadiens et ce n'est pas parce que nous sommes des gens qui vont à la guerre. Nous ne nous bagarrons pas dans les rues; ce n'est pas dans notre nature. Mais c'est dans notre nature de trouver un terrain d'entente sur la façon dont nous voulons que les enfants canadiens soient élevés. À mon avis, nous pouvons propager cette vision sociale d'une mer à l'autre et inciter les parents à trouver de meilleurs modèles. Je vous le dis, les juges seraient ravis d'avoir une loi structurée à appliquer pour en arriver à des plans parentaux.

[Français]

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Côté, vous aurez le dernier mot.

Mme Denyse Côté: J'aurai le dernier mot, merci.

J'aimerais revenir aux propos de ma collègue. Il est vrai qu'on change de modèle et que les lois auront beaucoup d'influence sur nos modèles, mais il est faux de penser qu'une loi coercitive va vraiment faire changer le modèle. C'est absolument faux.

Les pratiques parentales évoluent socialement et sont influencées par les lois. Je crois que les lois doivent les refléter—bien entendu, on a toujours dit cela—, mais il est impensable de songer à ce que le système juridique puisse gérer le fait que la coupe de cheveux doive se faire de cette façon-là ou pas. C'est absolument impossible à faire.

Cela dit, j'ai beaucoup aimé l'exemple de la coupe de cheveux parce que c'est un exemple très concret, qu'on a d'ailleurs soulevé dans les cas sur lesquels je me suis penchée. Les gens ont géré la chose, bien que cela ait créé des conflits. Les conflits ne se régleront pas au quotidien par une loi qui ne tiendra compte que des 5 p. 100 de cas qui arrivent devant la cour. Faut-il vraiment imposer aux autres 95 p. 100 des cas le modèle qu'on choisit pour ces 5 p. 100?

D'autre part, il y a un mouvement des pères, que j'appuie et que j'encourage—et je l'ai fait dans ma vie personnelle—vers une prise en charge. Elle ne se fait pas toujours nécessairement après le divorce, parce que certains pères décident de fonder une nouvelle famille et de passer à autre chose. Cela se voit aussi souvent. Je ne peux malheureusement pas vous fournir de statistiques.

Il est sûr qu'il y a un syndrome d'aliénation, mais ce n'est pas nécessairement toujours le cas parce que l'accès n'est pas accordé. Il faut trouver des façons d'encourager l'évolution sociale de ce côté-là. Puisque je suis travailleuse sociale et sociologue, je n'ai pas la même vision. Je ne viens pas du même point de vue.

Il faut faire très attention pour que les parenting plans ne deviennent pas coercitifs, parce qu'on risque de créer l'effet contraire, surtout dans un contexte où, encore, dans au moins 80 p. 100 des cas, ce sont les femmes qui assurent la plus grande part de la prise en charge des enfants—sauf tout le respect que je dois à ces messieurs—au niveau de l'éducation.

Dans un contexte où, dans nos accords internationaux et même dans nos politiques nationales, on veut prendre l'analyse différenciée selon les sexes comme modèle pour étudier les différents effets sur les hommes et sur les femmes, je vous enjoins de bien songer à l'effet sur les mères et les pères de toute proposition ou de toute réforme, puisqu'il faut tenir compte justement de la position actuelle et historique des femmes, comme des hommes, et des changements vers lesquels on veut s'en aller dans ce contexte-là.

Merci.

• 1110

[Traduction]

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Notre heure s'achève. Je tiens à vous remercier toutes les deux. J'avais l'impression d'être en classe et de vraiment apprendre quelque chose. C'était très, très intéressant. Je sais que les autres pensent la même chose.

Nous avons deux personnes qui avaient demandé à comparaître, mais qui ne sont pas sur notre liste. Elles sont ici depuis un bout de temps et ont demandé d'avoir cinq minutes chacune avec le comité. Nous allons nous en tenir à cinq minutes. Nous avons M. Gurvitz, je crois, et nous lui accorderons ses cinq minutes après la prochaine heure. Nous avons aussi une Mme Outcalt, qui aimerait avoir cinq minutes; nous pourrions l'ajouter à la fin, à 15 heures. Ils témoigneraient à titre personnel, pendant cinq minutes.

Nous allons prendre une pause de trois minutes.

• 1112




• 1120

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Reprenons.

Monsieur Di Done, pourriez-vous commencer votre exposé?

M. Riccardo Di Done (président fondateur, Organisation pour la sauvegarde des droits de l'enfance): Certainement.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Comme vous le savez, vous disposez chacun de cinq minutes, après quoi nous passerons aux questions.

M. Riccardo Di Done: Madame la présidente, sénatrices et sénateurs,

[Français]

et députés, en tant qu'organisme à but non lucratif soucieux du bien-être de l'enfant et de la famille, l'Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants réclame avec ferveur la mise en place d'un système de médiation familiale obligatoire gratuit et non judiciarisé.

Des statistiques des plus révélatrices sur l'éclatement de la famille au Québec indiquent qu'un couple sur deux est touché par une rupture, que 45 p. 100 des familles sont brisées avant que l'enfant n'ait atteint l'âge de six ans, et 25 p. 100 à l'époque de l'adolescence. Des structures doivent donc être mises en place afin de venir en aide aux couples et familles en difficulté.

Voici les principales recommandations de l'OSDE:

- premièrement, s'assurer que les étudiants des niveaux primaire et secondaire reçoivent une formation sur les responsabilités parentales à l'égard des enfants, ceci afin que les prochaines générations pèsent et comprennent les implications reliées à ces responsabilités et puissent assumer adéquatement leur rôle de parent;

- deuxièmement, instaurer un système de réconciliation et de prévention pour les couples et les familles en difficulté afin qu'ils puissent bénéficier des ressources qui sont nécessaires en situation de crise;

- troisièmement, mettre en place des services de médiation familiale obligatoires et gratuits non judiciarisés pour tous les couples en difficulté ou en instance de divorce, ainsi que pour la famille élargie confrontée à des problèmes;

- quatrièmement, éviter les termes qui suscitent ou alimentent les antagonismes entre les parties; par exemple, remplacer le terme «pension alimentaire» par «soutien alimentaire», et «garde légale» par «responsabilité parentale».

- cinquièmement, créer une cour spécialisée où les juges devront avoir reçu une formation en matière matrimoniale, cela autant sur le plan légal que psychosocial;

- sixièmement, établir un bureau de plaintes formel auquel pourrait s'adresser le parent dont l'ex-conjoint ne respecte pas son obligation alimentaire ou les droits de visite.

[Traduction]

À titre d'organisation qui intervient auprès des personnes vivant des conflits familiaux et l'éclatement de la famille, nous tentons de procurer à ces personnes les outils nécessaires afin qu'elles puissent mieux faire face à leurs problèmes. L'OSDE réclame entre autres l'instauration de la médiation familiale et ce, avant même que des démarches judiciaires ne soient entreprises. En effet, selon nous, la médiation permet d'aboutir à un règlement des conflits familiaux à l'aide d'une méthode moins antagoniste. Ainsi, cette méthode permet de diminuer de façon marquée les déchirements occasionnés par une rupture familiale.

En suivant ce même raisonnement, l'OSDE recommande au Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants qui étudie présentement la possibilité de modifier les dispositions de la Loi sur le divorce portant sur la garde et le droit de visite des enfants, d'aider les couples à élaborer un plan parental, à la suite d'une séparation de corps ou d'un divorce. Ce plan mettrait l'accent sur les responsabilités et devoirs de chacun des parents, au lieu de les inciter à s'affronter pour obtenir la garde. Les parents pourraient se partager la responsabilité de toutes les activités concernant l'enfant, en l'occurrence les activités récréatives, les sports et les loisirs, ainsi que les soins de santé et les rencontres avec les professeurs. D'ailleurs, il serait possible d'établir un calendrier pour toute l'année.

Ce plan permettrait d'éviter les conséquences d'un divorce acrimonieux. Le parent ayant la garde de son enfant est perçu comme le gagnant et celui ayant les droits de visite est considéré comme le perdant. Le terme «garde légale» ne suscite pas un esprit de coopération entre les parents. Nous considérons que la coopération est importante pour que l'enfant continue à se sentir aimé par ses deux parents.

Une autre recommandation de l'OSDE est justement d'éviter l'utilisation de certains termes ayant pour conséquence la polarisation des deux parents et qui évoquent une image de gagnant/perdant. Il est important de prendre en considération qu'il n'est plus question de décider qui est le meilleur parent, mais plutôt de savoir quel plan d'action doit être utilisé pour assurer une croissance saine et équilibrée pour l'enfant. Avec cette démarche, les deux parents sont gagnants, puisqu'ils peuvent tous deux contribuer à leur façon à l'épanouissement de leurs enfants.

• 1125

Il est entendu que cela implique un changement d'attitude et de comportement de chacun des parents. Même s'il est difficile de rompre avec le passé, les deux parents doivent se tourner vers l'avenir et privilégier avant tout le bien-être de l'enfant.

Il est absolument nécessaire de sensibiliser les parents et de leur donner les moyens de remplir eux-mêmes leurs responsabilités à l'égard de leurs enfants. La médiation familiale offre cette possibilité aux familles.

[Français]

Il est important de mentionner que le rôle du médiateur est de sensibiliser les parents et de les amener à prendre en considération le meilleur intérêt des enfants ainsi que leurs besoins. L'OSDE insiste entre autres pour que les médiateurs soient des psychologues ou des travailleurs sociaux. Leur compréhension de la nature des individus, leur sensibilisation à la dynamique de la famille et leur perception des réactions psychologiques font d'eux les personnes les plus aptes à intervenir dans ces situations.

Dans ses recommandations, l'OSDE demande également l'établissement d'une cour spécialisée, présidée par des juges ayant la compétence exclusive et entière pour entendre tous les procès reliés au droit de la famille. De plus, ces juges devraient avoir suivi une formation en profondeur en matière familiale, tant au niveau juridique que psychosocial, la résolution des conflits familiaux étant extrêmement importante et très difficile.

En suivant les propositions de l'OSDE, le gouvernement épargnerait des souffrances incroyables aux enfants, aux parents et aux grands-parents. De plus, il apparaît évident que le gouvernement pourrait épargner des sommes d'argent considérables, puisque 86 p. 100 du temps de la Cour supérieure est alloué aux causes reliées à la séparation et au divorce.

Pour le plus grand bien des enfants et de la famille, pour une meilleure société, nous devons donner à nos enfants les outils nécessaires pour bien grandir.

[Traduction]

Merci, madame la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Ficca, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Angela Ficca (Organisation pour la sauvegarde des droits des enfants): Madame la sénatrice, je voulais simplement préciser que M. Di Done a présenté le gros de nos recommandations et que nous sommes prêts à répondre aux questions du comité, s'il y en a.

Je demande au comité d'éviter de polariser le débat. Je suis certaine que de nombreux groupes de témoins qui se sont présentés devant vous ont des intérêts particuliers dans ces questions. Par conséquent, il est important de maintenir un juste milieu afin que les deux parents puissent continuer à jouer un rôle actif dans la vie de leurs enfants après l'éclatement de leur famille.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Madame Bakopanos.

Mme Eleni Bakopanos: Merci, madame la présidente.

Vos commentaires sont très à propos, car le comité s'efforce justement de trouver le juste milieu dans toutes ces affaires. Notre rôle n'est pas de prendre parti pour le père ou pour la mère.

En ce qui a trait à la médiation, nous savons tous qu'au Québec la première séance est gratuite. Après cela, c'est celui qui a les moyens de payer qui obtient le meilleur service. Je crois que c'est comme cela, mais n'hésitez pas à me dire si je fais erreur, parce que je ne suis pas une experte en la matière. En d'autres termes, pensez-vous que la médiation devrait être gratuite pour tous, ainsi qu'obligatoire?

Deuxièmement, je suis entièrement d'accord avec vous au sujet de la formation des juges. Mais comment s'y prendre? Est-ce que les législateurs devraient s'en charger? Ou est-ce que cette formation devrait être dispensée par le barreau?

Actuellement, la Constitution interdit au gouvernement d'imposer aux juges des séances d'information ou autres, afin de préserver l'indépendance du système judiciaire. Il faudrait parvenir à une entente quelconque. Nous nous efforçons, au gouvernement fédéral, de conclure une entente avec les associations du barreau afin de proposer des séances d'information qui ne seraient pas obligatoires ni impératives—j'aimerais personnellement qu'elles le soient—sur d'autres questions telles que les droits des femmes et des homosexuels. Ces séances pourraient aborder toute une série de droits humains—c'est l'expression que je préfère—au sujet desquels les intervenants du système judiciaire auraient besoin d'une formation. Mais dès que l'on aborde ce genre de question, les membres du système judiciaire nous rappellent qu'ils sont indépendants de l'État.

Par conséquent, je ne sais pas comment on peut y parvenir.

Mme Angela Ficca: J'aimerais répondre à la première question. Au Québec, comme vous le savez, la première séance est obligatoire. Les cinq ou six séances suivantes sont gratuites. Il y a des experts en médiation au tribunal. Nous en connaissons plusieurs qui font partie de notre comité scientifique. Il y a par exemple Aldo Morrone qui donne des cours dans le monde entier.

Ces médiateurs sont très spécialisés dans leur domaine. Ils savent de quoi ils parlent. Par conséquent, ce n'est pas nécessairement celui qui a le plus d'argent qui l'emporte. Les gens qui ont...

Mme Eleni Bakopanos: Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Je ne voulais pas parler de la mère ou du père; je voulais tout simplement souligner que les parents divorcés qui ont plus d'argent peuvent obtenir un meilleur service de médiation. Voilà ce que je voulais dire. Je crois que les services de médiation devraient être gratuits pour tous et pas seulement pour cinq séances, car dans certains cas, cinq séances suffisent, mais dans d'autres cas, il en faut une centaine.

Mme Angela Ficca: Oui.

• 1130

Mme Eleni Bakopanos: Alors, cinq séances ce n'est pas toujours suffisant... voilà ce que je voulais dire. Je regrette que ma remarque ait pu donner l'impression que c'est le père qui a le plus d'argent. Je voulais tout simplement dire que les couples divorcés qui ont le plus d'argent ont accès à un meilleur service de médiation. Il existe des services privés de médiation à Montréal et Québec et les gens qui en ont les moyens peuvent en bénéficier. Je dis quant à moi que ce ne devrait pas être ainsi. Tous les couples devraient pouvoir bénéficier de ce genre de service, qu'ils soient en instance de divorce ou qu'ils envisagent la séparation.

Mme Angela Ficca: Les recommandations que nous avons présentées à l'Assemblée nationale en février dernier portaient justement là-dessus...

Mme Eleni Bakopanos: Très bien.

Mme Angela Ficca: ... puisque nous avons demandé que la médiation soit gratuite pour tous, que les séances soient ouvertes à tous et ne soient pas limitées à cinq ou six. Comme vous l'avez souligné, il est clair qu'il en faut parfois un peu plus.

D'autre part, il arrive que les conditions changent—c'est le cas parfois quand les enfants grandissent et que différentes priorités entrent en ligne de compte—il peut alors s'avérer nécessaire de retourner voir un médiateur...

Mme Eleni Bakopanos: Excellente remarque.

Mme Angela Ficca: ... c'est important également. Il faut avoir le réflexe d'éviter de recourir au tribunal pour régler les différends mais plutôt privilégier les moyens fournis par le médiateur—les différents moyens de communications—pour régler les problèmes. Les enfants grandissent. Ils changent d'école. Ils se marient. Si le père se remarie, qui conduira sa fille à l'église? Voilà le genre de questions auxquelles il faut répondre.

Pour ce qui est des séances de médiation, j'ai demandé que leur nombre ne soit pas limité et qu'elles soient gratuites pour tous.

Mme Eleni Bakopanos: Mais si elles sont offertes gratuitement, c'est aux frais du contribuable. Pensez-vous que le contribuable doit payer la note?

Mme Angela Ficca: C'est vrai, mais les coûts sont moindres si l'on tient compte de la souffrance. Nous présentons dans notre mémoire les coûts qu'entraîne le divorce. Statistique Canada a constaté que les enfants de divorcés et leurs parents ont six fois plus de problèmes de santé que les autres et que le taux de décrochage scolaire est plus élevé chez eux. Si l'on fait le total de tous ces coûts, les coûts de la médiation sont négligeables en comparaison.

M. Riccardo Di Done: De fait, la médiation permet deux grosses économies. Premièrement,

[Français]

sur le plan psychologique, pour les enfants et la famille, vous épargneriez des sommes de souffrances incroyables et, par le fait même, si on axait vraiment nos énergies sur la prévention, ce serait encore une fois des millions et des millions, sinon des milliards de dollars qui seraient épargnés.

Quand on prend connaissance de toutes les études qui comparent les enfants des familles intactes aux enfants de familles éclatées, on constate à quels risques ces derniers sont exposés. Je crois donc que tous les concitoyens du Canada et les législateurs ont le devoir de mettre un système semblable en place.

Mme Eleni Bakopanos: Qu'en est-il des juges?

M. Riccardo Di Done: Les juges? Il est absolument certain qu'ils devraient recevoir une formation. D'après nous, cela devrait être inscrit dans la loi.

Mme Eleni Bakopanos: On ne le peut pas.

M. Riccardo Di Done: Il n'y a pas seulement l'aspect juridique, mais aussi l'aspect psychosocial qui est relié au premier. Il faudrait donc voir par quelle avenue cela pourrait être fait.

Mme Eleni Bakopanos: Oui, mais il vaut mieux commencer par les law societies, les sociétés qui dirigent le comportement de leurs membres.

C'est ce même problème que nous avons en ce qui concerne les médecins ou les dentistes. On ne peut pas leur imposer... On le pourrait, oui, mais selon la culture qui existe dans ces associations professionnelles, c'est à eux que revient le premier droit de décider quelles sont les règles à suivre par leurs membres.

C'est un défi que je vous lance, parce qu'on l'a déjà essayé, aussi bien au niveau fédéral qu'au niveau provincial, quand je faisais partie du gouvernement provincial. C'est dans les associations professionnelles qu'il existe une barrière. Il vaut mieux faire du lobbying auprès de ces gens-là, leur dire qu'ils ont le devoir, envers le public, d'imposer des cours obligatoires à tous les étudiants en droit avant qu'ils soient rendus au niveau de la cour d'appel, de la cour supérieure ou d'une autre cour. Cela doit être obligatoire, à mon avis, dans le programme des études de droit. C'est mon opinion.

[Traduction]

M. Riccardo Di Done: Si vous me permettez, j'ajouterai qu'au Manitoba, lorsque le juge en chef adjoint Alvin Hamilton était en poste, un juge du tribunal de la famille devait suivre une formation avant sa nomination. C'était absolument obligatoire.

Mme Eleni Bakopanos: Très bien. Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci. C'est maintenant au tour de M. Forseth.

M. Paul Forseth: Merci.

Vous avez présenté d'excellents arguments en faveur de la médiation que vous souhaitez la plus complète possible et gratuite. J'aimerais en savoir un peu plus long sur votre expérience, votre formation, ainsi que sur la philosophie ou les principes qui inspirent cette médiation.

La Cour suprême elle-même n'applique pas toujours les mêmes principes et privilégie parfois soit les enfants, comme dans l'arrêt Woodhouse c. Woodhouse, soit la mère comme dans l'arrêt Ligate c. Richardson.

• 1135

Dans la philosophie sous-jacente à la médiation, il y a la grande tradition du droit du travail/du droit corporatif qui met l'accent sur la collaboration et le compromis pour aboutir à une entente à laquelle les deux parents adhèrent afin de faire la paix; il y a aussi l'approche plus ou moins psychologique des pédiatres que l'on peut considérer comme une approche plus centrée sur l'enfant et qui charge les parents de répondre aux besoins de l'enfant. Les résultats de ces différentes approches—dans leur forme générale et leur esprit—sont tout à fait différents de ceux du modèle que les parents adoptent généralement lorsqu'ils sont heureux de vivre ensemble.

J'aimerais tout simplement connaître les principes qui sont à la base de la médiation que vous recommandez.

Mme Angela Ficca: Nous préconisons l'approche centrée sur l'enfant, parce que c'est lui qui souffre le plus. C'est l'enfant qui est au centre du conflit. Par conséquent, le fait de prendre en compte les besoins de l'enfant et ce qu'il ressent, permet aux parents de prendre du recul par rapport à leur litige personnel et à se concentrer sur les besoins de l'enfant. Notre philosophie nous incite à mettre l'accent sur l'enfant.

M. Paul Forseth: Très bien. Pouvez-vous nous citer des ouvrages ou des livres importants dont vous vous inspirez? Lorsque vous dites que votre approche est «centrée sur l'enfant», quelle est la philosophie dont vous vous inspirez?

M. Riccardo Di Done: Nous nous inspirons des personnes qui se spécialisent dans la médiation depuis un certain nombre d'années et qui l'enseignent en Amérique du Nord. Ce sont des gens comme Aldo Morrone, Justin Lévesque, Philip Shaposnick qui ont de nombreuses années d'expérience et qui commencent à faire parler d'eux. Les gens qui ont suivi des séances de médiation nous disent tout le bien qu'ils en ont retiré, pour les enfants, mais aussi pour toute la famille élargie. La médiation permet de réduire la confrontation et les frictions, et en faisant en sorte que l'enfant soit le gagnant et que toutes les personnes concernées soient gagnantes, la médiation permet à long terme de réduire la souffrance de tous.

Les personnes qui travaillent dans ce domaine... sont citées dans notre mémoire; nous citons beaucoup de noms à la fin. La plupart des recherches ont montré très clairement les résultats positifs obtenus par la médiation.

M. Paul Forseth: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci. C'est maintenant à Mme Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Une des questions que les membres du comité ne cessent de se poser lorsqu'il est question des approches axées sur l'enfant, concerne la vulnérabilité des enfants qui prennent parti pour un parent plutôt que pour l'autre. Le choix peut sembler être celui de l'enfant, mais on peut craindre qu'à long terme cela ne soit pas nécessairement dans le meilleur intérêt de l'enfant. Comment décider ce qui est le mieux pour l'enfant à long terme et comment savoir ce que l'enfant croit vouloir à un moment de son existence?

La conséquence de cela est évidente. D'après votre expérience, un enfant qui décide de ne plus voir un parent a-t-il besoin immédiatement d'une certaine aide psychologique? Que sa décision soit justifiée ou non, l'enfant en sera pénalisé d'une manière ou d'une autre et en viendra peut-être à le regretter.

Mme Angela Ficca: Lorsqu'on fait appel à un médiateur, celui-ci précise quels sont les intérêts des enfants. Bien entendu, comme je l'ai dit au début, il faut éviter de polariser le débat et d'opposer les parents.

On ne pose pas nécessairement la question à l'enfant. Certains médiateurs font participer les enfants à la médiation, mais pas nécessairement en leur posant des questions directes. Bien entendu, le médiateur cherchera à maximiser le plus possible le contact que l'enfant a avec ses deux parents. Si l'enfant affirme qu'il ne veut pas voir un d'entre eux, je crois qu'il est important de chercher à comprendre et de lui demander quelles sont ses raisons. Cela peut se faire avec un psychologue ou tout simplement avec le médiateur qui est lui-même un travailleur social ou un psychologue.

• 1140

Il faut chercher à savoir pourquoi l'enfant ne veut pas revoir un de ses parents. C'est peut-être une question d'aliénation parentale; on ne sait pas.

Par ailleurs, en cas de séparation ou de divorce, l'enfant se trouve au milieu du conflit et il a l'impression qu'il doit choisir entre ses deux parents s'il y a un litige au sujet de la garde. Par contre, si on explique aux enfants qu'ils vivront avec un de leurs parents la plupart du temps, mais qu'ils verront très souvent l'autre également, soit pour aller chez le coiffeur, soit pour Halloween... qui ira courir l'Halloween avec l'enfant, qui le conduira à ses leçons particulières de math ou de sciences, s'il en a besoin? Cette responsabilité devrait être partagée entre les deux parents.

Mme Carolyn Bennett: Il semble que plus l'insécurité, l'incertitude ou le litige durent, plus l'enfant en souffre. Il paraît que parfois les parents doivent attendre deux ou trois ans avant de passer au tribunal. Je crois que cela pousse encore plus le médiateur à trouver une solution. Cependant, cette première séance obligatoire intervient au tout début de l'éclatement de la relation conjugale. Comment donner aux gens l'aide dont ils ont besoin, quand ils en ont besoin? Est-ce qu'il y a des listes d'attente pour les services de médiation? Est-ce qu'il est possible d'offrir la médiation immédiatement?

M. Riccardo Di Done: On parlait un peu plus tôt du cas où l'enfant ne veut plus voir un de ses parents. Généralement, cela se produit beaucoup plus souvent lorsqu'il y a confrontation.

Avec la médiation, la tâche du médiateur devrait être de sensibiliser les parents à l'importance de continuer à s'occuper de leurs enfants et de manière très positive. Dès lors que les deux parents souhaitent conserver cette responsabilité et diminuer l'aliénation parentale, et que l'on est certain que les deux parents travaillent en ce sens—et pour cela, il ne suffit pas de les voir une fois de temps en temps—il est très rare qu'un enfant refusera de voir un de ses parents, à moins d'un problème très grave. Ce sont alors des cas extrêmes d'inceste ou de violence physique.

La médiation doit intervenir très rapidement. Il ne faudrait pas attendre. Par ailleurs, il faudrait que la loi appuie la médiation et que si un parent ne respecte pas les conditions, pour quelque raison que ce soit, que quelqu'un intervienne très rapidement, afin que l'on n'ait pas à attendre des mois pour régler la situation.

Dans le contexte judiciaire actuel, le règlement des litiges est lent, paraît absolument interminable et s'avère très coûteux sur le plan financier et psychologique. Le système fait des gagnants et des perdants et souvent le perdant est incité à enlever ses enfants ou à les abandonner complètement, à s'y intéresser très peu ou à négliger ses responsabilités financières. Voilà ce que provoque le système de confrontation alors que dans la plupart des cas, la médiation évite tout cela.

Voilà pourquoi nous avons proposé une cour spécialisée. Les magistrats de ce tribunal auront suivi une formation approfondie qui leur permettra d'intervenir lorsqu'un parent tente de manipuler le système en sa faveur, lui faisant comprendre qu'il risque peut-être de tout perdre et que ce n'est pas la bonne attitude parce qu'il est préférable que les deux parents s'occupent de leurs enfants. Cela permettra parallèlement d'éviter que l'enfant perde par ricochet tout contact avec ses grands-parents et avec le reste de la famille.

Mme Carolyn Bennett: Par conséquent, le juge collaborerait avec le médiateur et serait au courant de la formule que ce dernier...

M. Riccardo Di Done: Brièvement, ce que nous proposons c'est que dès qu'un couple se présente devant le juge, celui-ci lui ordonne de suivre une séance de médiation, avant toute confrontation. Je sais que le mot «ordonner» déplaît à beaucoup de monde, mais c'est ce qu'il y a de mieux à faire dans l'intérêt de l'enfant et des parents. Après une séance d'information sur ce qu'est la médiation, c'est la véritable médiation qui commence.

Un projet de ce type a été mis en place au Manitoba en 1984 et 65 p. 100 des cas ont été résolus et ont permis un meilleur partage des responsabilités financières et une meilleure participation des deux parents, etc. En passant, les médiateurs au Manitoba sont des travailleurs sociaux.

Deuxièmement, lorsqu'un parent refuse de collaborer, quand il se présente à nouveau devant le juge, celui-ci le convoque dans son bureau et agit comme un arbitre. Je ne sais pas si c'est le fait de se retrouver ainsi devant le juge, mais il semble que les parents sont impressionnés. Le juge leur parle. Il est sympathique et juste et leur dit qu'il est peut-être préférable de s'entendre entre eux et d'éviter la confrontation qui risque d'avoir des résultats déplaisants pour l'un et l'autre.

Mme Carolyn Bennett: Nous avons appris, dans le témoignage des Shaposnick que le Québec autorisait cinq professions à offrir des services de médiation, probablement parce qu'elles appliquent des principes de reddition de comptes.

• 1145

Si nous décidons d'adopter un nouveau système, quelle serait selon vous la formation que devraient suivre les médiateurs et le type d'obligation de rendre compte qu'il faudrait leur imposer? Le divorce est un moment où les gens sont très vulnérables et il y a les liens d'affection, le transfert et toutes sortes d'autres éléments qui ont par la passé donné beaucoup de mal aux médecins. Comment envisagez-vous un tel système, avec quelle formation, quel organisme de contrôle, quel type de collège? Comment ne pas s'assurer que n'importe qui puisse se prétendre médiateur après un cours d'une journée?

M. Riccardo Di Done: Permettez-moi tout d'abord de mettre les choses au clair... Je connais très bien Shaposnick. C'est un avocat qui a une formation approfondie dans le domaine de la psychologie de l'enfant. C'est un peu aussi grâce à sa femme, mais il a fait beaucoup de recherches depuis des années.

Normalement, il faut faire appel aux travailleurs sociaux si l'on veut bénéficier des médiateurs les plus objectifs. Ils ont déjà une formation approfondie sur la façon de travailler avec les gens en désarroi qui ont des problèmes. Quant à nous, nous proposons justement que les médiateurs soient surtout des travailleurs sociaux ou des psychologues.

Par contre, quelqu'un venant d'une autre profession où on lui a enseigné pendant de nombreuses années l'art du litige... Avant de devenir médiateur, il faut suivre de nombreux cours et ce n'est pas le même genre de formation. Jamais on obtiendrait d'aussi bons résultats qu'avec un travailleur social.

À notre avis, il faudrait confier la médiation à des travailleurs sociaux ou des psychologues, mais s'il y avait une association nationale des médiateurs, on pourrait lui demander d'établir des lignes directrices et de les imposer aux médiateurs, quitte à laisser chaque profession régir ses propres membres.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre parmi mes collègues? Madame Pépin.

[Français]

La sénatrice Lucie Pépin: Vous me parlez des grands-parents. Nous avons eu une présentation hier soir à cet effet. Vous mentionnez combien il est important qu'ils fassent partie de la famille. J'aimerais que vous élaboriez un peu sur la participation des grands-parents.

Mme Angela Ficca: Je reçois plusieurs appels de grands-parents qui ne peuvent plus voir leurs petits-enfants à cause du conflit entre les deux parents. Chaque fois que je leur parle et qu'ils m'exposent leur situation, je leur explique ce que dit la loi, soit qu'ils ont légalement le droit de voir leurs petits-enfants, sauf quand il y a de graves raisons d'empêchement. Au Québec, il y a une disposition du Code civil qui permet aux grands-parents de voir leurs petits-enfants. Les parents ne peuvent pas les empêcher de voir leurs petits-enfants.

Cependant, à cause du conflit, ils ne peuvent pas le faire. Chaque fois que je leur parle, ils me décrivent la relation d'affection qu'ils ont avec leurs petits-enfants, les activités qu'ils font avec eux, les noms de mamie et de papi que leur donnent leurs petits-enfants, les mots qu'ils utilisent, etc. La famille élargie est donc très importante. Les grands-parents sont importants, de même que les cousins, les cousines, les tantes et les oncles.

Ces gens nous appellent. J'ai même des oncles qui m'appellent et qui me disent qu'ils ne peuvent plus voir leur nièce ou neveu. Cela revient toujours au même problème: le conflit entre les parents a des répercussions sur les autres membres de la famille.

Les grands-parents sont très importants parce qu'ils ont plus de temps à consacrer à leurs petits-enfants. Souvent, ils sont à la retraite. Ils ont plus de temps pour faire avec eux des activités récréatives, pour occuper leurs loisirs, etc. Les grands-parents sont très importants dans la vie d'un enfant.

M. Riccardo Di Done: J'ajouterai qu'en ce moment, dans certaines provinces, la loi reconnaît des droits aux grands-parents. Mais, pour pouvoir exercer ces droits, dans certains cas, il faut amener ses propres enfants en cour, s'opposer à eux et envenimer la situation.

[Traduction]

La médiation serait un instrument tellement magnifique, puisqu'elle permet la participation de tous. Vous savez, il y a des grands-parents qui prennent beaucoup de place; ils apportent des cadeaux, des bonbons et ils n'ont pas à faire la discipline. Cela ne plaît pas à tous les parents. Parfois c'est à cause de la séparation ou du divorce.

Tout d'abord, le litige est long, coûteux et négatif. Par contre, la médiation est extrêmement efficace et il n'est pas nécessaire d'attendre deux ou trois mois. On ne devrait pas avoir à attendre si longtemps. Je rappelle que l'objectif de la médiation est de sensibiliser toutes les personnes concernées. La participation de toutes les générations est une source de richesse d'une grande valeur pour l'enfant... Imaginez la société extraordinaire que nous aurions!

• 1150

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Deuxième tour, Madame Bakopanos.

Le sénateur Duncan Jessiman: J'ai oublié...

Mme Eleni Bakopanos: Pardon, sénateur. Allez-y.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénateur Jessiman.

Le sénateur Duncan Jessiman: ... la première partie, et peut-être vous y avez répondu. Est-ce que vous nous avez présenté votre organisation, est-ce que cela a été consigné au procès- verbal, est-ce que vous nous avez dit qui sont vos membres, d'où vient votre financement et depuis combien de temps vous existez? Est-ce que vous avez déjà répondu à toutes ces questions?

M. Riccardo Di Done: Notre organisation a été créée en 1983. C'est un groupe pluridisciplinaire. Ce qui nous distingue des autres groupes, c'est que nous focalisons toute notre énergie sur l'enfant, mais à l'intérieur du contexte de la famille élargie.

Le sénateur Duncan Jessiman: Très bien.

M. Riccardo Di Done: Disons par exemple que si l'Association du barreau fait une recherche, elle sera faite en termes juridiques, même si l'on peut dire

[Français]

que c'est multidisciplinaire. Si les travailleurs sociaux ou les psychologues faisaient une recherche, ce serait fait sous un angle très psychologique.

[Traduction]

L'objectif en fin de compte, c'est de connaître la philosophie de toutes les disciplines qui focalisent leur énergie sur les enfants. Nos collaborateurs sont des gens spécialisés dans leur domaine.

Le sénateur Duncan Jessiman: Je voulais savoir si votre organisation se limitait à vous deux.

M. Riccardo Di Done: Non.

Le sénateur Duncan Jessiman: Eh bien, de quoi est-elle composée alors? C'est ce que je veux savoir.

M. Riccardo Di Done: Par exemple, le comité scientifique à lui seul est composé de Philip Shaposnick, Aldo Morrone, Justin Lévesque, comme je l'ai mentionné tout à l'heure... Ce sont tous des psychologues, des psychiatres ou des travailleurs sociaux. Ce sont tous des spécialistes qui s'intéressent à ces questions...

Le sénateur Duncan Jessiman: Combien de personnes êtes-vous dans l'organisation? Quels sont vos effectifs? Êtes-vous 100 ou 50?

M. Riccardo Di Done: Nous avons différentes catégories de membres. Si l'on tient compte de toutes les catégories, nous sommes 38 000.

Le sénateur Duncan Jessiman: Trente-huit mille?

M. Riccardo Di Done: Oui, si nous comptons tous les membres en général, mais le comité scientifique lui-même comprend une vingtaine de membres.

Le sénateur Duncan Jessiman: Je vois. Et les 38 000... est-ce que vous avez plus d'un bureau?

M. Riccardo Di Done: Pour le moment, nous avons des bureaux dans quatre provinces du Canada et notre objectif est d'assurer une présence dans toutes les provinces. Un de nos principaux objectifs est également, comme nous l'avons indiqué tout à l'heure, de tenter de prendre le meilleur dans chaque province et de l'offrir à l'échelle nationale.

Le sénateur Duncan Jessiman: Et les quatre provinces... Il y a le Québec, mais quelles sont les autres provinces?

M. Riccardo Di Done: L'Alberta, la Colombie-Britannique et l'Ontario.

Le sénateur Duncan Jessiman: Merci.

M. Riccardo Di Done: Et tous nos bureaux sont dirigés par des spécialistes. Par exemple, en Alberta c'est un psychologue et en Colombie-Britannique, c'est un avocat.

Le sénateur Duncan Jessiman: Je vous remercie.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Madame Bakopanos.

[Français]

Mme Eleni Bakopanos: J'ai une brève question. Dans quelle situation, selon vous, la médiation pourrait-elle ne pas fonctionner ou devrait-elle ne pas être utilisée?

[Traduction]

Ce n'est peut-être pas une question facile.

M. Riccardo Di Done: Pour ce qui est des cas les plus extrêmes, nous savons seulement que la médiation donne de bons résultats, même lorsqu'il y a violence. Mais il est évident que l'on évite de mettre les deux parents en présence l'un de l'autre.

Mme Eleni Bakopanos: En d'agression sexuelle ou de violence familiale?

M. Riccardo Di Done: Pour la violence familiale. En cas de violence familiale, la médiation ne peut qu'alléger les frictions, contrairement à la confrontation. Mais il y a d'autres moyens pour régler ce problème. Dans les cas d'inceste, il faut s'assurer de mettre fin à la pratique... C'est pourquoi nous faisons appel à des spécialistes qui peuvent savoir assez facilement si c'est la vérité ou s'il s'agit d'une manipulation de la part de l'individu.

Mme Eleni Bakopanos: Pouvez-vous répondre à la question? Est-ce qu'il y a des cas où la médiation ne fonctionne pas?

M. Riccardo Di Done: Il y a toujours des cas extrêmes. C'est pourquoi on a besoin de lois que je qualifierais de draconiennes. Par exemple, lorsque des personnes refusent de respecter leurs responsabilités financières une fois qu'elles ont franchi toutes les étapes de la médiation, on pourrait faire saisir leur salaire ou leur permis de conduire, mais pas avant. Je pense qu'avant il faut vraiment rester humain et objectif.

Mme Eleni Bakopanos: Merci.

M. Riccardo Di Done: Pour revenir à la question du sénateur Jessiman, permettez-moi de préciser que, depuis quelques années, nous avons organisé trois congrès internationaux, le premier sur le divorce et les enfants. Au cours de ce congrès, nous nous sommes penchés sur les différentes possibilités d'intervention, avant, pendant et après. Plus de 1 200 spécialistes ont participé à ces congrès qui ont abouti à la formulation de recommandations et à de nombreux projets de recherche visant à vérifier s'il y avait

[Français]

trop de dissemblances entre les enfants de familles éclatées et ceux des familles intactes, etc.

[Traduction]

Nous avons mené nos propres recherches. Par exemple, un auteur de Montréal au

[Français]

Cour juvénile, qu'on appelle maintenant Chambre de la famille...

[Traduction]

Le sénateur Duncan Jessiman: Quels étaient les autres pays participants?

M. Riccardo Di Done: Il y avait des participants d'à peu près tous les pays. Au dernier congrès, je pense qu'il y avait 17 nationalités différentes. Nos participants viennent surtout des pays industrialisés tels que l'Europe, l'Australie, l'Amérique du Sud et en particulier le Canada et les États-Unis.

Le sénateur Duncan Jessiman: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie.

Monsieur Forseth.

• 1155

M. Paul Forseth: Merci beaucoup.

Une approche axée sur l'enfant se fonde sur certaines hypothèses et sur certains objectifs en vue de répondre aux besoins des enfants. À titre de complément à la question que je vous ai posée tout à l'heure, j'aimerais savoir quelle est la dernière théorie au sujet des besoins réels des enfants?

Je ne vous demande pas d'entrer dans les détails, mais peut-être de me nommer un manuel ou un ouvrage qui présente les résultats des recherches les plus récentes sur les besoins réels des enfants. Je ne vous demande pas de me faire un cours, mais tout simplement de me citer un ouvrage, peut-être un manuel universitaire sur les soins des enfants.

M. Riccardo Di Done: Nous avons annexé une bibliographie à la fin de notre mémoire. Malheureusement, je ne peux pas vous citer sur-le-champ un ouvrage particulier.

Ce que nous savons, c'est qu'un enfant

[Français]

a un besoin énorme d'un sentiment d'appartenance pour bien grandir. Même les études sur les gangs de rue révèlent que ce qui amène ces enfants, ces adolescents à se lier à ces gangs, c'est, dans la grande majorité des cas, le besoin d'appartenance. Cela veut dire que les parents sont très peu présents à la maison ou encore qu'ils ont décroché.

[Traduction]

Nous pourrons peut-être aujourd'hui ou demain vous faire parvenir une liste qui pourrait vous aider.

M. Paul Forseth: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Il n'y a rien de nouveau pour vous mais vous savez que certaines personnes, en particulier les groupements de femmes ont de grandes réserves au sujet de la médiation lorsqu'il y a un déséquilibre très net des forces. Évidemment, la violence est un des problèmes extrêmes.

Pouvez-vous nous garantir que les médiateurs expérimentés sont capables de faire la part des choses et de comprendre qu'une femme extrêmement blessée puisse faire des demandes déraisonnables pour que son mari la laisse tranquille ou plutôt, comme ces groupes nous l'ont rapporté, lorsque cette femme subit une relation de domination avec son partenaire, est-ce que ces médiateurs sont capables de définir ce qui convient le mieux aux enfants ou ce qui est le mieux, compte tenu de la réalité? Est-ce que les médiateurs sont formés pour ce genre de choses? C'est probablement une question théorique, mais est-ce la raison pour laquelle vous insistez sur la nécessité d'une bonne formation?

De la conciliation à la médiation et aux autres formes de résolution des différends, il y a toute une progression qui permet aux gens de régler eux-mêmes leurs différends en présence d'une personne qui les aide tout simplement à établir une entente. Il y a d'autres cas où le rapport des forces pose peut-être problème... et des cas où il faut probablement faire appel à des gens extrêmement compétents pour régler ce déséquilibre des forces.

Pensez-vous que les membres de cette nouvelle profession, ces nouveaux médiateurs seront capables de régler pratiquement toutes les situations?

Mme Angela Ficca: Les médiateurs experts devraient être en mesure de détecter... nous savons qu'il suffit parfois d'un geste ou d'un regard d'une autre personne pour déclencher la peur. Seuls des médiateurs experts peuvent détecter ce genre d'influence subtile. Ce genre de déséquilibre subtil des forces a également des répercussions au niveau de l'estime de soi. Il faut peut-être attendre que la personne victime de cet abus de pouvoir retrouve son estime de soi afin de se sentir capable de prendre ses propres décisions lorsqu'elle reviendra devant le médiateur.

Par conséquent, il faut parfois faire une pause. Il faut peut- être attendre un mois ou deux après la séparation, après le choc initial. Parce que, sur le coup, comme on dit, le divorce est un choc. C'est la mort d'une relation. C'est la fin d'un mariage. Il faut du temps pour se réajuster. Il faut parfois attendre un mois ou deux pour retrouver son estime de soi et son dynamisme afin d'être capable de suivre la médiation et de résoudre le différend.

Mme Carolyn Bennett: Est-ce qu'il arrive aux médiateurs de recommander une psychothérapie? D'après mon expérience, la psychothérapie peut accélérer le rétablissement de l'estime de soi. Est-ce qu'il arrive aux médiateurs de recommander une thérapie pour un des partenaires afin que cette personne soit un peu plus objective quand elle se représentera devant lui?

• 1200

Mme Angela Ficca: C'est quelque chose qu'ils peuvent recommander et ils peuvent même, s'ils se rendent compte que les deux partenaires ne sont pas prêts à mettre fin à leur mariage, les diriger vers un conseiller conjugal. Voilà les diverses options dont dispose un médiateur.

Dans les cas extrêmes où il est évident que le déséquilibre des forces est extrêmement grave, il est préférable d'attendre. La médiation est impossible tant que le pouvoir de décision est inexistant.

M. Riccardo Di Done: Cependant, dans la plupart des cas la médiation simplifie les types de problèmes que l'on rencontre dans les situations de confrontation et c'est pour cela que nous demandons que la médiation ne soit pas limitée à six séances. Parfois, il en faut huit, dix ou douze.

L'autre chose que nous voulons souligner—et c'est pourquoi nous en parlons—c'est l'éducation à la responsabilité parentale. C'est très important pour un parent qui prend cette mesure extrême qu'est la séparation ou le divorce, au moment de décider de la manière d'annoncer la nouvelle à son partenaire et aux enfants. La plupart des gens ne savent pas comment s'y prendre, alors qu'il y a des façons de faire pour que le choc ne soit pas aussi terrible. Par conséquent, il faudrait également prendre en considération ces autres possibilités—que nous mentionnons dans notre mémoire.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

S'il n'y a plus d'autres questions, nous allons mettre fin à votre témoignage. Nous avons eu grand plaisir à vous écouter aujourd'hui. Merci.

M. Riccardo Di Done: Nous vous souhaitons bonne chance pour tout le travail qu'il vous reste à faire.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie.

Nous avons convenu, monsieur Gurvitz, que vous disposeriez de cinq minutes pour présenter votre exposé.

[Français]

M. Jacques Gurvitz (témoigne à titre personnel): Merci beaucoup de l'attention que vous m'accordez. Voici quelques remarques.

Nous sommes face à une grave maladie sociale. Pour combattre cette maladie, il faut faire passer le message «pacifiez-vous» de la part de la société et du gouvernement, comme on fait passer les messages «payez vos impôts» et «bouclez votre ceinture de sécurité». Qui doit faire passer ce message-là? Le professionnel qui oeuvre dans ce domaine, avant la séparation ou le divorce, pendant et après, autrement dit les avocats, les psychologues, les juges, les travailleurs sociaux, les notaires, les policiers, le personnel des maisons d'hébergement et les médiateurs.

Pour ce faire, il faut qu'ils y soient encouragés financièrement, comme dans le cas de la médecine préventive: les médecins ont de grandes primes, non pas selon le nombre de malades, mais selon le nombre de gens en bonne santé. Il faut essayer d'implanter chez nous la justice familiale préventive. C'est tout à fait faisable si on veut le faire.

Comme je le disais, donc, il faut des encouragements financiers. Actuellement, tout le monde sait que s'il y a plus de procédures et plus de situations belliqueuses, certains professionnels familiaux s'en portent mieux financièrement. Alors, il faut compenser leur manque à gagner, parce que tout le monde doit vivre et gagner sa vie.

Également, il faut essayer d'insérer dans la liste des syndromes psychologiques, dans la liste des maladies psychologiques acceptées, le syndrome de l'aliénation parentale. Actuellement, beaucoup de psychologues disent que ça n'existe pas, que ce n'est pas évident. Il faut reconnaître clairement que cela existe, que cela doit être combattu et que l'aide juridique doit pouvoir payer les services des psychologues afin de diminuer ces tensions psychologiques chez les enfants qui ont été aliénés pendant un certain temps.

Le climat, dans ce domaine, dépend entièrement de professionnels et il y a possibilité de changer la situation d'une manière substantielle. Seulement, il faut avoir la volonté de le faire.

Si vous voulez, je vous donnerai un petit exemple. Il y a deux ans, je pense, on a voulu persuader le pharmacien qu'il fallait qu'il surveille la médication excessive. On a prononcé quelques belles paroles et cela n'a pas marché. Mais quand on a dit que chaque pharmacien y serait encouragé financièrement, les choses ont commencé à bouger. On pourrait faire la même chose dans ce domaine-ci. Actuellement, on fabrique de jeunes adultes qui seront les futurs clients de l'aide sociale. Qui pourra payer notre retraite par la suite?

• 1205

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. Vous avez présenté votre déclaration. S'il n'y a pas de questions, nous allons lever la séance jusqu'à 13 h.

[Français]

M. Jacques Gurvitz: J'aimerais ajouter une petite chose. Il y a le livre qui a été écrit par le docteur Hubert Van Gijseghem, qui s'appelle L'Enfant mis à nu, qui contient un chapitre qui traite des droits d'accès comme de la cause de fausses accusations.

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

• 1206




• 1311

Le coprésident (M. Roger Gallaway): La séance est ouverte.

Vous êtes tous très calmes cet après-midi, alors que nous ne sommes encore qu'au début de la séance et pas à la fin. Il y a une certaine dynamique qui se crée généralement et l'assemblée est plus animée vers la fin de chaque heure.

Je vous souhaite tous la bienvenue en ce dernier après-midi du dernier jour de la semaine. Nous sommes ravis de voir autant de monde autour de la table.

Aux fins du compte rendu, je vais vous présenter, pêle-mêle, vous êtes F.E.D. - U.P.—J'espère que vous nous expliquerez tout à l'heure ce que cela signifie—William Levy, Tony Drufovka et Harry Braunschweiler.

Ensuite, nous entendrons Pamela Stuart-Mills de Parental Alienation Information.

Et du Département de conseils d'éducation de l'Université McGill, nous avons le professeur Glenn Cartwright et Despina Vassiliou.

[Français]

Du Groupe d'entraide aux pères et de soutien à l'enfant, nous recevons M. Claude Lachaine et M. Ghislain Prud'homme.

Nous allons commencer par donner la parole au Groupe d'entraide aux pères et de soutien à l'enfant. Comme vous le savez, vous aurez cinq minutes pour faire votre témoignage, et ensuite nous passerons au prochain groupe.

M. Claude Lachaine (directeur, Groupe d'entraide aux pères et de soutien à l'enfant): Je remercie le comité de nous donner l'occasion de décrire tous les problèmes vécus par les pères divorcés, bien que le temps qui nous est alloué pour le faire soit très limité.

Notre organisme compte 1 600 membres et existe depuis 14 ans. Il a pour mission de défendre le droit des enfants d'aimer leurs deux parents et le droit des pères de pouvoir aimer leurs enfants. Il offre différents services aux pères divorcés et propose des solutions innovatrices en matière de rupture conjugale.

Il y a deux écoles de pensée face à la famille éclatée. Au cours des dernières années, le gouvernement et de nombreux groupes sociaux se sont prononcés pour définir les moyens de veiller aux intérêts des jeunes issus de ces familles éclatées. Deux principales écoles de pensée se sont développées, soit une approche monoparentale, c'est-à-dire une approche mère monoparentale-père guichet automatique, et une approche biparentale, approche selon laquelle les enfants du divorce ont droit à leurs deux parents.

Parlons de l'approche du système politico-judiciaire. Les divers intervenants dans le système actuel favorisent nettement l'approche monoparentale. Ces intervenants sont le système judiciaire, l'impôt, le système politique, les institutions sociales, comme les centrales syndicales, les CLSC et plusieurs organismes officiels de femmes.

Quelles en sont les conséquences pour les enfants? D'après Statistique Canada, les enfants de familles dirigées par une mère seule risquent davantage de connaître des problèmes affectifs ou comportementaux, ou des difficultés scolaires ou sociales, que la famille soit pauvre ou non.

La garde des enfants: Il est évident que la garde des enfants est accordée sur une base discriminatoire selon le sexe. Il suffit de regarder quelques statistiques qui figurent à l'annexe.

• 1315

Les droits d'accès: Dans un document émanant du ministère fédéral de la Justice émis en 1993, on voit déjà que les règles de droit sont totalement inefficaces au niveau de l'exécution et que 69 p. 100 des parents non gardiens ont déjà éprouvé des problèmes dans l'exercice de leurs droits d'accès et de droits de visite.

L'utilisation des fausses accusations de violence: De plus en plus, les fausses accusations de violence portées par la mère contre le père, dans le cadre d'une rupture, deviennent la recette standard du divorce utilisée par les femmes contre les hommes pour les brimer au niveau de la garde partagée ou des droits d'accès.

Par exemple, dans les cas d'accusations d'inceste portées lors d'une guérilla entre ex-conjoints, plus de 70 p. 100 de ces accusations s'avèrent fausses. Un homme accusé par une femme aujourd'hui est présumé coupable et il lui incombe alors de prouver son innocence. Les liens avec ses enfants sont alors réduits, sinon annulés.

Nos recommandations: garde partagée obligatoire à moins d'entente contraire entre les parents; mécanismes pour faire respecter les droits de visite; et mécanismes pour contrer les fausses accusations de violence.

Les écoles de pensée: Les enfants sont les premières victimes du bris de l'union parentale. Un consensus social existe pour tenter de minimiser les souffrances des enfants subissant le bris de l'union parentale. Au cours des dernières années, le gouvernement et de nombreux groupes sociaux se sont prononcés pour définir les moyens de veiller aux intérêts des jeunes issus de ces familles éclatées. Deux principales écoles de pensée se sont développées, comme nous le disions plus tôt: l'approche monoparentale et l'approche biparentale.

L'approche mère monoparentale-père guichet automatique: À la suite des pressions de groupes féministes, à la crainte des gouvernements de s'aliéner le vote des femmes, à certains abus d'un faible pourcentage de pères et à un certain courant idéologique voulant toujours voir la femme comme la victime et l'homme comme l'agresseur, le méchant, c'est cette simplification idéologique qui s'est développée ces dernières années au niveau des lois gouvernementales et de l'application de ces lois par les tribunaux et la jurisprudence.

Cette approche consiste à promulguer que l'enfant, après une rupture, n'a plus besoin de la présence paternelle mais uniquement du soutien financier de ce dernier; à consolider et à surprotéger les droits de la mère; à présumer de la bonne foi de la mère; à présumer de la mauvaise foi du père; à considérer que la mère a un rôle familial naturel; à considérer que le père n'a qu'un rôle facultatif dans l'apport quotidien émotif de la famille.

Les effets pratiques de cette école de pensée sont les suivants. On utilise le terme «famille monoparentale» pour désigner la cellule familiale constituée du parent gardien et des enfants. Le terme «monoparental» sous-entend bien que l'enfant n'a qu'un seul parent. La garde des enfants est octroyée sur la base du sexe du parent. Il suffit d'un refus de la mère concernant la garde partagée pour qu'elle obtienne immédiatement la garde complète.

On met en place des mécanismes coûteux de perception automatique des pensions alimentaires, même pour les pères non fautifs. On présume que le père ne contribuera pas de lui-même, en sus d'une pension alimentaire, au bien-être financier de ses enfants. On calcule donc les taux de pensions alimentaires en fonction du transfert de la totalité des ressources destinées aux enfants, du parent non gardien vers le parent gardien, cela autant pour les besoins essentiels que pour les besoins de luxe.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Lachaine, vous avez déjà parlé pendant cinq minutes.

M. Claude Lachaine: Nous aurions eu besoin de cinq jours, à raison de cinq minutes par intervention pour chaque cas, pour décrire tous les cas qui existent. C'est malheureux, pas surtout pour les pères, mais pour les enfants de ces familles-là.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Avez-vous presque fini?

M. Claude Lachaine: Non, j'en aurais encore pour cinq jours, monsieur.

[Traduction]

La sénatrice Anne Cools: Je veux bien abandonner mes cinq minutes pour donner une minute de plus à chaque témoin.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Une ou cinq minutes de plus?

La sénatrice Anne Cools: Je suis prête à leur laisser tout mon temps de parole.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Est-ce que le comité adopte cette proposition?

Des voix: Adopté.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien.

Veuillez commencer.

La sénatrice Anne Cools: Cela veut dire bien entendu que je ne pourrai pas vous poser de questions, mais ça ne fait rien. Allez-y.

• 1320

[Français]

M. Claude Lachaine: Je vais laisser M. Prud'homme poursuivre et présenter une partie du dossier. Je vous remercie, madame Cools.

M. Ghislain Prud'homme (directeur, Groupe d'entraide aux pères et de soutien à l'enfant): Je vais poursuivre en parlant de l'approche biparentale, soit que les enfants du divorce ont autant besoin de leurs parents que les autres et y ont autant droit. Cette école de pensée a été publicisée récemment à la suite d'abus dont ont été victimes de nombreux pères divorcés qui n'acceptent pas de voir leur rôle parental réduit à un simple montant mensuel et à quelques jours de visite par mois.

Au début du siècle, les femmes ont commencé à vouloir partager le pouvoir économique que détenaient les hommes. Depuis les années 1970, les femmes sont massivement sur le marché du travail et les pères s'engagent beaucoup plus auprès de leurs enfants qu'auparavant.

Cependant, au moment d'une rupture, la société ne reconnaît plus ce droit aux pères. Ils se retrouvent donc aujourd'hui, lorsqu'ils demandent le partage des droits parentaux, dans la même situation que les femmes du début du siècle qui exigeaient le partage des pouvoirs économiques.

L'approche biparentale est celle qui assure le mieux une continuité affective et financière aux enfants. Elle consiste à promulguer que les enfants ont le droit d'aimer leurs deux parents, à promulguer que les deux parents ont le droit d'aimer leurs enfants, et à respecter les trois acteurs du divorce, soit les enfants, la mère et le père.

Les effets pratiques de l'école de pensée biparentale sont les suivants: le terme «famille éclatée» est utilisé pour ne pas présumer de la disparition d'un des deux parents; la garde partagée devient un moyen pour les enfants de conserver des liens affectifs de qualité avec les deux parents; les parents, demeurant engagés émotionnellement auprès de leurs enfants, contribueront d'une façon volontaire aux dépenses reliées à leurs enfants; les deux parents continuent de jouer leurs rôles parentaux et sont traités tous les deux en présumant de leur bonne foi, donc en parents responsables; les enfants bénéficient à la fois de la richesse affective et financière de leurs deux parents.

Bref, dans l'approche biparentale, le père demeure un décideur responsable qui contribue volontairement des services à ses enfants et qui exerce pleinement ses responsabilités parentales. La mère cesse d'être surprotégée tout en conservant un rôle essentiel vis-à-vis de ses enfants.

On valorise la bonne entente entre ex-conjoints avec, pour conséquence, des accès plus souples en fonction de la famille élargie, grands-parents, cousins, etc., du côté du père.

L'approche biparentale est efficace dans la majorité des cas, puisque le père et la mère ne sont pas lésés par le système et continuent d'être engagés à titre de parents auprès de leurs enfants. C'est donc la voie à privilégier.

L'approche du système politico-judiciaire: Les divers intervenants dans le système actuel favorisent nettement l'approche monoparentale. Nous allons vous démontrer comment les divers intervenants sociaux ont mis en place des mécanismes visant à éloigner le père de ses enfants.

Le système judiciaire: Dans le processus de rupture d'un couple avec enfants, le système judiciaire doit statuer très rapidement sur la garde des enfants lors des mesures provisoires, garde qui sera confirmée de façon définitive au moment du divorce. Dans la majorité des cas, la mère, jouissant d'un préjugé favorable de la part de la magistrature, obtient la garde des enfants.

Quelles en sont les conséquences sur le statut juridique du père? La jurisprudence est très claire à ce sujet. Dans un jugement de la Cour suprême datant de 1993, Young c. Young, il est précisé que l'attribution de la garde a pour effet de retirer au parent n'ayant pas la garde le droit d'exercer l'autorité parentale.

De plus, un autre jugement récent de la Cour suprême mentionne que le gardien a le pouvoir de prendre seul toutes les décisions au sujet de l'enfant, notamment quant au choix du lieu de sa résidence. En pratique, cela signifie que, légalement, le père n'est plus vraiment le parent mais un bouffon de fin de semaine qui ne peut voir ses enfants que si la mère ne décide pas de déménager à des centaines de kilomètres du domicile du père.

Les juges ne se gênent pas pour étaler, dans l'exercice de leurs fonctions, leurs préjugés contre les pères. Quelques exemples ont récemment été rapportés par la presse. Le juge Pierre Journet, en mars 1997, admettait, au moment de prononcer un jugement sur la garde: «Je vous dis que c'est un préjugé que j'ai. Je pense que je suis de ceux qui pensent que les enfants en bas âge sont mieux avec la mère qu'avec le père.»

Dans un autre cause de garde, le magistrat montréalais a dit au père: «Vous n'avez jamais porté ni allaité un enfant. Alors, que connaissez-vous aux enfants?»

• 1325

Enfin, le juge Pierre Viau fait part de ses préjugés par la phrase suivante, prononcée pendant qu'il rendait un jugement sur la garde: «Vu la nécessité objective pour les enfants de cet âge d'être souvent auprès de leur mère...».

Pourtant, dans ce dernier cas, un expert recommandait la garde partagée, alors que l'autre recommandait que la garde exclusive soit confiée au père. Ces cas ne sont pas isolés puisque chaque semaine, à notre organisme, des cas semblables nous sont rapportés.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez eu l'avantage que vous a concédé la sénatrice Cools et nous devons faire...

[Traduction]

La sénatrice Anne Cools: Excusez-moi, je n'ai rien entendu. Qu'est-ce que vous avez dit?

Des voix: Ah, ah!

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je ne m'adressais pas à vous. Je parlais au témoin.

La sénatrice Anne Cools: Ah bon.

[Français]

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous devons poursuivre. Je pense que nous avons reçu un rapport écrit...

Mme Eleni Bakopanos: Oui, c'est cela.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): ... que vous êtes en train de lire. Nous avons reçu le rapport et les membres du comité pourront le lire.

[Traduction]

Nous allons donner maintenant la parole du Département de conseils d'éducation de l'Université McGill.

Allez-y s'il vous plaît.

Mme Despina Vassiliou (étudiante en doctorat, Département de conseils d'éducation, Université McGill): Je suis ici aujourd'hui pour résumer une étude que je viens de terminer sur le syndrome de l'aliénation parentale.

Je vais définir rapidement ce que c'est. Cette expression nous vient du Dr Richard A. Gardner, psychiatre médico-légal et pédopsychiatre américain, qui a souligné la récurrence de certaines caractéristiques dans les cas de divorce qu'il a eu à connaître au cours de sa pratique. C'est ce qu'il a appelé le SAP.

Le SAP est plus précisément défini comme étant le syndrome de la situation où l'un des parents, généralement celui qui a la garde, sépare l'enfant ou les enfants de l'autre parent. Le parent aliénant recourt généralement à une série de techniques aux effets conscients et inconscients, comme le lavage de cerveau, pour tenter de dénigrer l'autre parent. L'enfant contribue lui aussi à ce processus de dénigrement du parent présumément détesté.

Mon étude portait sur la façon dont les parents perdus perçoivent les conditions aliénantes dont eux-mêmes et leur famille font l'expérience. Il s'agissait de mieux comprendre la nature du syndrome d'aliénation parentale et ses conséquences.

Un petit échantillon de parents perdus, prélevé dans l'ensemble du continent, au Canada et aux États-Unis, ont été interrogés d'un point de vue qualitatif. Les quatre questions qui ont été abordées au cours de cette enquête avaient trait premièrement aux caractéristiques communes aux familles aliénées, telles que le nombre d'enfants, le nombre de mariages; deuxièmement, aux thèmes ou questions récurrents dans les conflits entre les conjoints qui ont contribué à la dissolution de l'union; troisième aux thèmes récurrents dans l'expérience que les participants avaient du processus d'aliénation; et enfin à ce que les parents perdus avaient le sentiment qu'ils pourraient faire différemment s'ils en avaient la possibilité.

Les résultats de l'enquête ont montré que les caractéristiques familiales n'étaient pas des facteurs importants dans l'apparition du SAP.

La deuxième question portait sur l'existence de thèmes ou questions récurrents dans les conflits entre les conjoints qui ont contribué à la dissolution de l'union. Une étude a pris pour hypothèse qu'un degré élevé de conflit contribuait à l'apparition du SAP.

Toutefois, les résultats semblent indiquer que la dissolution des mariages entraîne des conflits d'intensité diverse pouvant aller de l'agression physique avec projection d'objets, à des situations absolument dénuées de tout conflit, dans laquelle un tiers par exemple est informé du divorce par la belle-mère du conjoint. Notre étude a révélé également qu'avec le temps la majorité des participants ont fini par révéler des relations tendues avec leurs ex-conjoints et que la plupart avaient peu ou pas de contacts avec eux.

La troisième question portait sur les thèmes récurrents dans l'expérience que les participants avaient du processus d'aliénation. Nous avons noté plusieurs thèmes parmi les cas examinés.

Tout d'abord, on constate une diminution générale de la fréquence des visites du parent perdu. Les participants ont signalé que la garde principale est accordée à la mère dès le début des procédures de divorce, quel que soit le partenaire qui devient par la suite la parent aliénant et celui qui devient le parent perdu.

Par ailleurs, les pères ont tous, au début de l'application de l'entente de garde, un calendrier de visite raisonnable. Par exemple, ils disposent du droit de visite une fin de semaine sur deux. En fin de compte, les ententes de garde évoluent de telle sorte que le parent aliénant reçoit la garde des enfants et que le parent perdu subit une réduction importante de son droit de visite, de la moitié des prévisions initiales jusqu'à la suppression totale des visites. Par exemple, un père qui bénéficiait d'un droit de visite d'une fois toutes les deux semaines se voit ramener son droit à une fois par mois ou totalement privé de contact avec ses enfants.

• 1330

De plus, comme on pouvait s'y attendre, la diminution des visites entraîne des relations limitées du parent aliéné avec ses enfants. Les lettres qu'il leur envoie restent souvent sans réponse. Il ne reçoit ni réponse ni remerciement pour les lettres ou les cadeaux qu'il leur fait parvenir.

La troisième constatation est que tous les participants avaient le sentiment global que le parent aliénant avait saboté les relations avec leurs enfants. L'enquête confirme que les parents aliénants recourent à des techniques de dénigrement, laissant entendre par exemple que le parent perdu n'était pas un bon parent.

Quatrièmement, les enfants jouent le rôle d'agents aliénants auxiliaires et contribuent ainsi à l'aliénation. D'autres membres de la famille tels que les grands-parents contribuent aussi à l'aliénation. On ne sait pas exactement pourquoi les membres de la famille élargie participent à l'aliénation, mais il semble que cela dépend du degré d'intimité de ces personnes avec le parent aliénant. Par exemple, la mère de la personne aliénante aura elle aussi tendance à jouer le rôle d'agent aliénant.

Sixièmement, les participants avaient le sentiment que la cause profonde de l'aliénation était la haine, la colère ou le désir de vengeance ou un mélange quelconque de ces sentiments à leur égard.

Septièmement, le parent aliéné a le sentiment d'avoir perdu son rôle et son pouvoir de parent, qu'il ait droit de visite ou pas. D'autres intervenants, en particulier les enfants, peuvent décider si et quand ils veulent voir leur parent aliéné, et dans quelles circonstances et déterminer en particulier comment la visite se déroulera. Le parent aliéné doit faire attention de ne pas déplaire à l'enfant de peur de ne plus le revoir.

Une autre étude réalisée par Lund en 1995 a révélé également que le parent qui n'a pas la garde perd de ses compétences parentales, ce qui contribue au SAP. Cette détérioration des compétences parentales est peut-être le résultat de l'impression d'impuissance que ressent le parent aliéné face à la situation. Comme le révèle l'étude, le parent aliéné n'exerce pas son rôle parental habituel parce qu'il craint qu'en imposant sa discipline, il risque de déplaire à l'enfant qui se vengera en refusant de lui rendre visite.

Huitièmement, les parents aliénés ne sont généralement pas satisfaits de l'aide qui leur est offerte sur le plan juridique et sur le plan de la santé mentale. Les spécialistes de ces domaines ne sont généralement pas au courant du SAP. Les participants notent une mauvaise connaissance du syndrome chez les spécialistes et une incapacité à réunir des renseignements importants avant de tirer des conclusions. Les participants estiment que le service psychologique qu'ils reçoivent ne les aide pas à régler la situation de l'aliénation et reprochent aux services juridiques d'entériner l'aliénation et même d'y contribuer.

Enfin, que feraient les parents aliénés s'ils avaient la possibilité de modifier les choses?

Tout d'abord, les parents aliénés feraient tout pour ne plus faire l'expérience de l'aliénation parentale. Sachant ce qu'ils savent maintenant, les participants se seraient comportés différemment envers leur ex-conjoint, allant même jusqu'à ne jamais se marier, opter pour des formules juridiques différentes ou recevoir plus tôt des soins psychologiques.

Deuxièmement, ils continuent d'espérer qu'ils retrouveront leurs enfants un jour. Plus précisément, les participants pensaient qu'en gardant le contact avec leurs enfants, par exemple en leur écrivant, ils augmentaient la possibilité d'une réconciliation avec leurs enfants en leur faisant savoir que leur porte serait toujours ouverte.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Vassiliou, avez-vous bientôt terminé?

Mme Despina Vassiliou: Oui, dans une minute.

Troisièmement, les participants avaient le sentiment que les circonstances aliénantes ont eu des conséquences négatives graves sur les plans émotif et financier dans leur vie.

Quoique provisoires, ces résultats attestent à la fois la complexité et la gravité du SAP. Ce sont les tribunaux qui décident quand les enfants peuvent voir leur père ou leur mère.

D'autres études comme celle de Dunne et Hedrick réalisée en 1994, indiquent que, comparativement à diverses autres formes de thérapies, la seule mesure susceptible de soulager le SAP est une décision de changement de garde imposée par les tribunaux, par laquelle les enfants sont retirés du foyer aliénant. Il s'agit de reconnaître rapidement les signes du SAP et de conclure promptement la procédure de garde en modifiant les conditions de garde de façon à éviter que le syndrome perdure.

Je vous remercie.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Madame Stuart-Mills. Vous avez cinq minutes.

Mme Pamela Stuart-Mills (fondatrice, Parental Alienation Information Network; et présidente, Women's Foundation of the Eastern Townships): Je suis certaine qu'il n'y aura pas de problème. Je crois que Despina a...

• 1335

La sénatrice Anne Cools: Monsieur le président, ces témoins sont des gens extraordinaires. Accordons-leur officiellement cinq minutes de plus. Cette jeune femme fait des recherches en vue d'obtenir un diplôme. Quant à Mme Mills, elle représente une organisation qui regroupe 500 familles. S'il vous plaît, accordez-leur un peu plus de temps.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Mais, c'est ce que je fais déjà. Le témoin avait nettement dépassé les cinq minutes lorsque je l'ai arrêté.

La sénatrice Anne Cools: Ah bon.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): J'exerce mon pouvoir discrétionnaire. Cependant...

Mme Eleni Bakopanos: Sans compter qu'on peut également lire les documents...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Exactement. Certains de ces exposés sont lus...

La sénatrice Anne Cools: C'est la secrétaire parlementaire qui parle.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Ça ne fait rien. Elle est membre du comité.

Madame Stuart-Mills, si vous voulez bien commencer.

La sénatrice Anne Cools: Si on va par là, les témoins n'avaient même pas besoin de se présenter ici puisque...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien, laissons la parole au témoin, s'il vous plaît.

Mme Pamela Stuart-Mills: S'il y a des questions, je crois que je peux confirmer bon nombre de détails évoqués par Mme Vassiliou. Je suis moi-même un parent aliéné.

Je n'ai pas de mémoire à vous présenter, parce que je n'aime pas répéter ce qui a déjà été dit. Je réalise que nous sommes vendredi après-midi et que c'est un véritable miracle que vous soyez tous ici et que vous ne soyez même pas endormis.

Je témoigne aujourd'hui non pas à titre de fondatrice d'une organisation intitulée PAIN, Parental Alienation Information Network, ni—c'est un véritable paradoxe—à titre de présidente de la Women's Foundation of the Eastern Townships, mais je vais essayer de vous parler tout simplement en tant que mère et parent.

J'ai regardé un peu les audiences à la télévision et les débats m'ont rappelé, à un moment donné, une pièce que j'ai vue récemment. Il s'agit de la pièce d'Arthur Miller, Les Sorcières de Salem. En tant que législateurs, vous avez un rôle important à jouer, vous êtes notre dernier recours. Je vous parle sans haine, sans malice, sans colère, mais avec beaucoup de tristesse. J'estime que la loi doit être dépourvue de toute hystérie et je crois que vous allez avoir énormément de difficultés à imposer la loi à des êtres humains, parce que tous les cas dont mon organisation ou d'autres groupements sont saisis, sont totalement différents. Il est impossible d'appliquer une approche systématique. Il est impossible d'avoir une formule unique.

C'est pourquoi je suis si déçue au sujet du projet de loi C-141. Pour moi, c'est une aberration et un scandale de vouloir imposer des arrangements financiers aux familles sans s'inquiéter de l'enfant, de sa personne, de son bien-être physique et psychologique. Pour moi, le fait que ce projet de loi puisse être soumis au Parlement sans que l'on n'aborde ces aspects, entache la procédure parlementaire canadienne.

Cela étant dit, très brièvement, je pense que la situation actuelle est le résultat de la grande confusion qui entoure dans notre société les rôles patriarcaux et matriarcaux. Les rôles matriarcaux ont commencé à évoluer au début du siècle et ont pris énormément d'importance à la suite des deux guerres mondiales et du mouvement de libération des femmes. Cependant, je ne pense pas, d'après mon expérience de travail avec les familles, que notre système soit nécessairement prêt à adopter un modèle androgyne de garde conjointe. Je sais que je vais à l'encontre de la pensée actuelle en disant cela, mais notre système ne peut pas adopter un tel modèle et les êtres humains, à l'échelle humaine, ne sont pas nécessairement capables d'assumer un rôle familial non patriarcal ou non matriarcal.

En passant, il y a un détail qui m'a été signalé hier par le Dr Richard Gardner, que Mme Vassiliou a cité. Je l'ai vu hier et il m'a demandé d'informer le comité que le syndrome de l'aliénation parentale est désormais inclus dans le TSM 1, le Treatment Systems Manual 1 des États-Unis. Cela veut dire que dès 1999, le syndrome de l'aliénation parentale sera reconnu dans le domaine de la psychiatrie par les compagnies d'assurances comme un symptôme admissible au traitement. C'est un progrès énorme sur le plan de la reconnaissance.

Comme je vous le dis, je l'ai appris simplement hier à 16 h et je suis ravie de vous signaler ce détail, parce qu'au cours d'un témoignage précédent, j'avais été obligée d'admettre, en réponse à une question, que le SAP n'était pas reconnu par le Manuel des systèmes diagnostiques DSM 4. Les choses évoluent et nous allons en entendre parler de plus en plus.

• 1340

Personnellement, j'aimerais vous dire que j'ai été séparée de mes quatre enfants en 1989. On me les a enlevés et ils ont subi un lavage de cerveau. Par la suite, les tribunaux m'ont accordé la garde de mes deux plus jeunes enfants après une bataille juridique de deux ans au cours de laquelle je ne voyais pas du tout mes enfants.

Je peux vous assurer que ce que Mme Vassiliou a dit au sujet des compétences parentales est absolument exact... Chaque moment que vous passez loin de vos enfants contribue à diminuer vos compétences parentales. Chaque moment que vous passez loin de votre enfant réduit votre autorité parentale. Quelle humiliation on ressent lorsqu'on s'aperçoit qu'on ne connaît pas la pointure de son enfant!

J'ai maintenant la garde de mes deux plus jeunes enfants; de fait, ma petite dernière m'a accompagnée ici, pour nous écouter. Le tribunal a jugé que mes deux aînés étaient trop âgés pour reprendre contact avec moi et ils ont aussi été jugés trop dangereux pour moi. Ils étaient physiquement violents, au point d'en être dangereux.

Certains prétendent que l'aliénation parentale n'existe pas et qu'elle n'est pas permanente. Je peux vous dire, quant à moi, que la dernière fois que j'ai serré mon fils et ma fille dans mes bras, c'était en 1989. Cela fait neuf ans depuis et j'attends toujours.

L'aliénation est ce qui peut arriver de pire au psychisme d'un enfant. Thomas Martin a donné de l'aliénation une définition qui, à mon avis, est la meilleure. Pour lui, il y a aliénation au sens psychologique lorsque le centre de l'identité n'est plus en soi, mais chez quelqu'un d'autre.

Je vois que le président me regarde.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez dépassé votre temps, mais vous pouvez encore prendre quelques minutes.

Mme Pamela Stuart-Mills: Très bien.

Un enfant aliéné n'a plus sa propre raison d'être, il vit uniquement pour l'intérêt personnel de quelqu'un d'autre et ce qui finit par arriver à ces enfants de l'aliénation, c'est que leur vie perd son sens puisqu'ils ne sont pas élevés dans des conditions qui permettent le développement de leur propre personnalité. Ces enfants, je les appelle «les enfants du mensonge».

Au Canada actuellement, la situation prend des allures d'épidémie et j'attire l'attention des législateurs que vous êtes sur cette situation. Étant privée de la garde de mes deux aînés, j'aimerais également vous rappeler que les remarques formulées par les groupes d'hommes s'appliquent également aux femmes mais que celles-ci ont tellement honte d'être rejetées et séparées de leurs enfants que beaucoup d'entre elles ont peur d'en parler, en raison du stigmate social qui y est associé. Les clichés qui sont associés à la maternité sont tels que beaucoup de femmes hésitent à se manifester et à faire valoir leurs droits devant les tribunaux, tout simplement à cause du stigmate social.

En terminant, je vous demande instamment de laisser de côté la question de l'argent et de vous pencher sur les questions d'intégrité personnelle, de paix intérieure, d'authenticité, d'identité, de profondeur intérieure, de joie spirituelle et de capacité à aimer. Lorsque vous ferez vos recommandations, je vous prie de mettre de côté vos émotions ainsi que toute l'hystérie et la colère dont ces audiences se sont fait l'écho. J'espère que vos recommandations en vue d'apporter des changements au Canada seront guidées par la sagesse et la sérénité.

Je vous remercie.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Nous allons maintenant entendre des représentants du groupe F.E.D. - U.P. Vous allez peut-être vouloir vous partager le temps. Vous pouvez commencer.

M. William Levy (président, F.E.D. - U.P.): Je vous remercie de nous donner ce temps de parole. Je vais parler plus rapidement que je ne le pensais.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Avant de commencer, est-ce que vous avez soumis un document écrit?

M. William Levy: Oui.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Est-ce que vous allez vous contenter de lire ce mémoire?

M. William Levy: Oui, mais il est très bref.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien. Allez-y.

M. William Levy: Je vais faire de mon mieux.

Un divorce peut se produire pour des raisons diverses et nombreuses, mais en général, il signifie que les époux cessent de s'aimer. Lorsque le ménage séparé a des enfants, pourquoi le tribunal s'immisce-t-il pour prendre des décisions qui consistent à empêcher un des époux d'assumer son rôle de parent?

Le divorce ne modifie en rien la capacité à être parent. Pourquoi les enfants sont-ils privés de l'amour et de l'attention d'un de leurs deux parents qui ont cessé d'être mari et femme? Comment peut-on prétendre qu'une personne qui décide de divorcer choisit en même temps de ne plus revoir son enfant?

Des conjoints divorcent parce qu'ils ne s'entendent plus ou parce que la communication est brisée. Le divorce ne permet pas de juger s'ils sont de bons ou de mauvais parents. Les tribunaux continuent à prononcer des jugements qui limitent les droits parentaux d'un des parents divorcés tout en donnant à l'autre le pouvoir absolu sur les enfants. Les décisions sont prises par des juges sans formation et tout à fait incompétents dans ce domaine.

• 1345

Est-ce que l'on n'a pas tendance de nos jours à confondre une procédure civile de divorce avec un procès relevant du droit pénal? Lorsque le mariage est terminé, le mari ou la femme est, dans un sens, considéré comme coupable de l'échec de ce mariage et contraint à payer le prix fort.

Un des parents, généralement la mère, est condamné à une peine de 18 ans ou plus, de garde exclusive des enfants, alors que l'autre parent, généralement le père, écope d'une sentence de 18 ans ou plus de séparation de ses enfants.

On colle les enfants à la mère et on envoie la facture au père.

Les tribunaux prétendent que cette formule est bonne pour les enfants alors qu'en réalité, elle est expéditive et totalement dépassée. C'est la recette de la maltraitance et de la vengeance. Les meurtriers ivres écopent de peines plus légères. Quelle punition plus draconienne, vindicative et cruelle pour un parent aimant et son enfant que celle qu'impose un tribunal en décidant d'écarter complètement un parent et de donner la garde complète de l'enfant à l'autre? De telles décisions entraînent des traumatismes, ainsi que l'aliénation des enfants et des parents qui n'ont pas la garde.

Au mieux, le parent qui n'a pas la garde cesse d'être un parent 24 heures sur 24 et 365 jours par an pour devenir un parent une fin de semaine sur deux, quatre jours par mois, avec peut-être deux heures le mercredi pour souper, son anniversaire avec les enfants et certaines vacances, en alternance. Au lieu de bénéficier de ses enfants 8 760 heures par an, il ne les voit plus que pendant 1 000 heures.

Mais le plus grave, c'est que, à mesure que le temps passe et que les enfants grandissent, le parent qui n'a pas la garde est perçu comme quelqu'un qui dérange la routine. Les enfants et les parents aliénés en souffrent tellement qu'il est grand temps de remédier à cette situation. Il est absolument abominable d'humilier un parent devant ses enfants en le punissant de la sorte pour l'échec de son mariage. C'est une attitude complètement dépassée et ridicule.

Séparer un enfant de son parent, c'est cruel, irresponsable et irréfléchi. Cessons de faire semblant. Les valeurs que nous transmettons à nos enfants à travers notre attitude sur le divorce sont moralement décadentes.

Les spécialistes nous disent que la stabilité et la continuité sont importantes pour un enfant. Il faut qu'il dorme dans le même lit, qu'il s'assoie à la même table, tous les jours.

La mentalité sous-jacente, c'est que le matérialisme l'emporte sur le besoin pour l'enfant de pouvoir bénéficier de l'amour et de l'attention de ses deux parents; et que l'on peut très bien supprimer un parent et le remplacer par de l'argent.

Pour moi, un parent c'est un parent. Il en faut deux pour faire des enfants et les deux parents doivent rester attentifs, disponibles et responsables vis-à-vis de leurs enfants. C'est à la maison que l'enfant trouve de l'affection et en cas de divorce, l'enfant a deux maisons: celle de maman et celle de papa qui sont autant les siennes l'une et l'autre. Un tel arrangement permet à l'enfant de s'épanouir pleinement sous l'influence de son père et de sa mère.

Il ne faut plus que les enfants soient pris en otages dans la guerre du divorce. «Mari et femme» ce n'est pas la même chose que «père et mère». Laissons les droits de visite à leur place, c'est-à-dire en prison. La vengeance n'a pas sa raison d'être dans les procédures civiles, pour donner des exemples aux enfants. Les accusations n'ont pas leur place dans un dialogue véritable qui recherche le bien-être de nos enfants. Les personnes qui veulent imposer des punitions aux hommes cherchent tout simplement à protéger leurs propres intérêts ainsi que les lois actuelles sur la garde et le droit de visite des enfants. Nous sommes en 1998 et pas en 1898. Les temps changent et, nous aussi, nous devons changer si nous voulons agir au mieux des intérêts de nos enfants.

Est-ce qu'il me reste encore du temps pour la dernière page?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y.

M. William Levy: Merci.

Aucun dialogue n'est intéressant s'il n'est pas complété par quelques recommandations. J'en ai sept que je vais passer en revue aussi rapidement que possible.

Premièrement, seuls les juges compétents et ayant reçu une formation spéciale devraient pouvoir se prononcer dans les cas de divorce. Il faudrait écarter les généralistes non compétents qui exercent actuellement ce rôle.

Deuxièmement, tous les divorces devraient être automatiquement assortis d'une garde conjointe. Le refus ou la restriction du droit de visite ne devrait être prononcé que dans des circonstances spéciales, en cas de maltraitance, de contrainte mentale et physique, etc. Aucun parent n'est un parent à 51 p. 100.

Troisièmement, s'il y a au Canada des foyers d'accueil pour les femmes, financés par le gouvernement, il devrait également y en avoir pour les 48 p. 100 restants de la population que constituent les hommes, et pour les mêmes raisons. En effet, les hommes aussi sont victimes de violence et d'abus. Cela n'arrive pas uniquement aux femmes, comme certains voudraient nous le faire croire.

Quatrièmement, nous traversons une crise qui nécessite la participation de nos écoles afin d'éduquer les enfants en matière de respect des sexes. Il faut se débarrasser des préjugés sexistes et des stéréotypes voulant que les hommes soient émotifs, coureurs de jupon, volages et violents avec leur femme.

Cinquièmement, ne vous offusquez pas si je vous dis que les mauvais époux et les mauvaises épouses ne sont pas nécessairement des mauvais pères et des mauvaises mères. Il est absolument odieux pour des conjoints de se battre, verbalement ou physiquement, devant leurs enfants. Mais si les enfants sont les seuls témoins, qui peut juger, au moment de la séparation de leurs parents, quel est le parent qui a la capacité d'être un parent modèle?

Sixièmement, le soutien de l'enfant et le droit de visite doivent aller de pair. De la même manière que l'on applique strictement les obligations de soutien financier, la loi doit, dans la mesure du possible, faire en sorte que le droit de visite de l'enfant ne soit jamais refusé.

• 1350

Mon septième point concerne la communication. Il faut que les hommes et les femmes collaborent. La meilleure preuve de notre maturité en tant que société serait peut-être de créer ou de financer un conseil national permanent et indépendant pour les hommes, les femmes et les enfants, réunissant peut-être des profanes sérieux qui se donneraient pour priorité d'éliminer les préjugés sexistes et de diffuser des informations pertinentes. Les accusations proférées par certains groupes d'intérêts spéciaux qui cherchent tout simplement à imposer leurs points de vue, n'ont rien fait pour assurer le bien-être de nos enfants et n'ont servi qu'à aggraver les tensions entre les deux sexes.

Je vous remercie.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup, monsieur Levy. Nous allons maintenant passer aux questions.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous n'avons pas encore entendu le professeur Cartwright.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Ah, mais il me semblait que M. Cartwright faisait partie d'un groupe.

Ce n'est pas le cas?

M. Glenn F. Cartwright (témoigne à titre personnel): Non.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je suis désolé, j'ai suivi ce qui était inscrit sur l'ordre de convocation. La parole est à vous.

M. Glenn Cartwright: Merci beaucoup.

Pour comprendre le syndrome de l'aliénation parentale, je pense qu'il faut essayer de mieux comprendre la nature humaine. La plupart des parents désirent que leurs enfants leur ressemblent. C'est là un aspect fondamental de la nature humaine. Nous voulons que nos enfants aiment les mêmes choses que nous et nous voulons que nos enfants n'aiment pas les gens que nous n'aimons pas nous-mêmes. En cas de divorce, il est tout à fait naturel de souhaiter que les enfants n'aiment pas l'autre parent.

Les parents qui se sont séparés d'une manière plutôt acrimonieuse ont très souvent découvert qu'il est vraiment difficile parfois d'obtenir leurs enfants de l'autre parent. C'est ce qui a attiré l'attention sur ce qu'on appelle le syndrome de l'aliénation parentale. Les parents qui se livrent à ce genre d'aliénation se sont rendu compte qu'ils peuvent se livrer à ce jeu en toute impunité. Ils ne risquent essentiellement aucune sanction.

Je ne veux pas répéter tout ce qu'ont dit les autres témoins, mais j'aimerais simplement souligner que le syndrome de l'aliénation parentale prend de plus en plus d'importance dans notre société. J'aimerais vous faire remarquer très clairement qu'une famille déjà brisée peut se disloquer encore plus. C'est une chose que nous ne devons pas tolérer. Notre société ne peut pas se le permettre.

Le syndrome de l'aliénation parentale est extrêmement grave, et je pèse mes mots. Il n'est rien moins que le meurtre symbolique du parent qui n'a pas la garde dans la vie de l'enfant. Il supprime non seulement le parent, mais également les grands-parents, les tantes, les oncles, les amis, etc. L'enfant perd toute la moitié de sa famille et n'a même pas le droit de pleurer cette perte. Le Dr Gardner, dont les recherches ont été mentionnées aujourd'hui, estime que le SAP touche dans une certaine mesure 90 p. 100 de tous les enfants qui sont l'enjeu d'un conflit concernant la garde. Sans exagérer, le syndrome de l'aliénation parentale est une forme grave de violence faite aux enfants.

J'aimerais attirer votre attention sur un autre aspect. Une des recommandations que j'ai présentées dans mon mémoire porte sur la nécessité de corriger la législation de façon à obtenir un effet de retombée sur les participants, mais aussi sur diverses institutions de notre société, en particulier les écoles.

En plus de mon travail à McGill, je siège également au bureau des gouverneurs d'un collège préuniversitaire et j'ai appris que ce collège effaçait jusqu'à tout récemment l'adresse de l'élève lorsqu'il faisait parvenir son bulletin au parent qui n'en avait pas la garde. Lorsque j'ai demandé la raison de cette pratique, on m'a dit qu'il nÂy en avait pas vraiment, mais qu'il était possible que le numéro de téléphone de l'autre parent soit sur la liste rouge. Je me demande depuis quand la loi exige que les collèges fassent respecter les listes rouges de Bell Canada. Ce n'est pas leur rôle.

Le proviseur d'une école de la rive sud de Montréal a déclaré tout simplement qu'il se moquait de la loi et qu'il se refusait à faire parvenir les bulletins de ses élèves au parent qui n'en avait pas la garde. C'est aussi simple que cela. Et pourtant, tout le monde sait que c'est contraire à l'esprit de la loi et à la législation en vigueur ici au Québec.

Ma deuxième recommandation est que les règles doivent être non sexistes. Je demande cela parce qu'il faut prendre des mesures en ce sens afin d'encourager une meilleure entente entre les parties, dont les enfants ne pourront que bénéficier.

Troisièmement, il faut offrir aux parents en instance de divorce un plus large éventail de services d'assistance. Les autres témoins ont mentionné la médiation, l'éducation des parents, les régimes de collaboration parentale, les groupes de soutien, etc.

• 1355

Je sais que certains de mes collègues ne vont pas aimer cette remarque, mais je dis néanmoins qu'il faut cesser de s'appuyer sur l'industrie du divorce pour régler ces problèmes.

J'ai écouté les audiences du comité à la télévision et j'ai remarqué que les psychologues recommandent plus de thérapie, les médiateurs plus de médiation, les travailleurs sociaux, plus de visites supervisées et les avocats, plus de litiges pour «gagner».

Tout cela ne donne pas de bons résultats. C'est un processus coûteux et l'expérience prouve qu'il mène à l'échec. Il convient de simplifier le processus et de moins s'appuyer sur ces spécialistes si nous voulons trouver des solutions équilibrées qui seront respectées par toutes les parties.

Dans tout cela, je pense que les tribunaux ont un rôle à jouer, en particulier en ce qui a trait au syndrome de l'aliénation parentale. Une fois que ce syndrome a été établi, les tribunaux doivent prendre des décisions rapides et claires pour éviter le processus d'aliénation ou y mettre un terme.

Enfin, il faut prévoir un éventail plus large de sanctions pour dissuader un parent de séparer les enfants de l'autre parent. Il faut lui faire savoir que c'est mal d'agir ainsi.

Dans le cas du parent ayant la garde—et je sais que nous n'aimons pas cette expression, à mon avis, c'est en fait l'enfant qui a la garde des parents, plutôt que le contraire, comme cela devrait être le cas—il faudrait prévoir la perte de privilèges; des amendes; des peines pour parjure et(ou) outrage au tribunal; des changements de garde; et au besoin l'incarcération, afin de bien faire comprendre au parent qui a la garde que son devoir est d'encourager les relations entre ses enfants et son ex-conjoint.

Je vous remercie.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

Monsieur Forseth, nous allons faire encore un essai.

M. Paul Forseth: Merci beaucoup.

Nous avons entendu parler de plusieurs thèmes ces derniers jours—notamment du partage égal des responsabilités après la séparation—et vous avez évoqué vous-même la nécessité d'adopter des règles non sexistes. Pour assurer une certaine continuité, une certaine permanence et une certaine constance dans la vie des enfants, l'entente générale qui détermine lequel des parents a la principale responsabilité du soin et de la surveillance de ces enfants est souvent établie par une ordonnance provisoire; le sort de chaque parent est alors scellé pour longtemps, surtout si la cause se rend devant les tribunaux.

Mais la question qu'on entend souvent en réponse à cet argument est la suivante: puisque les mères s'occupaient à peu près seules de la vie quotidienne des enfants avant la rupture, la société étant ce qu'elle est, pourquoi y a-t-il tout à coup autant de pères qui veulent assumer pleinement leur rôle de parents après un divorce? Pourquoi les tribunaux ne devraient-ils pas se contenter de confirmer le style de vie que les parents avaient déjà adopté avant de se séparer?

C'est ce raisonnement-là qui expliquerait en partie, semble-t-il, l'apparent déséquilibre dans les décisions des tribunaux. J'aimerais savoir comment, à votre avis, cette explication concorde avec votre témoignage, à savoir que la garde conjointe est toujours la meilleure option jusqu'à preuve du contraire.

[Français]

M. Claude Lachaine: Le problème, c'est que cela fait partie des préjugés de société auxquels les pères ont à faire face après une séparation. Il faut bien dire que je suis un de ceux qui ont été élevés pendant l'explosion des médias, au niveau de la télévision, de la radio et des communications en général. Depuis 30 ans, depuis qu'ils sont enfants, les pères entendent dire qu'ils doivent s'impliquer au sein de la famille. Donc, de nombreux pères, pour ne pas dire la grande majorité d'entre eux, s'impliquent au niveau familial.

Le problème est le suivant. Avec les préjugés qui sont véhiculés à longueur de journée, et l'on parle autant des simples publicités de boîtes de savon à la télévision que des colloques les plus sérieux, on escamote toujours le rôle du père de façon vicieuse—excusez le terme—et systématique. Par conséquent, comment pouvons-nous obtenir des jugements qui ont de l'allure? Les juges réagissent à tous ces préjugés qui sont véhiculés, et on n'a même pas la chance de prouver ce qu'on vaut.

Vous parliez, en posant votre question, des pères qui ne s'impliquent pas ou qui s'impliquent au sein de la famille avant le divorce. Un des problèmes auxquels on a à faire face, c'est que devant un juge, devant la magistrature, on doit absolument prouver qu'on est un bon père ou qu'on était un bon père, alors que la mère n'a aucune preuve à faire. Les simples allégations de la mère suffisent à un juge pour retirer au père la garde de l'enfant ou limiter ses droits d'accès. Même quand on présente toutes les preuves nécessaires en cour, dans le système judiciaire, on a énormément de difficulté à faire entendre notre point de vue, alors que les simples allégations de la mère sont acceptées comme du cash.

• 1400

[Traduction]

M. Paul Forseth: Allez-y.

M. Tony Drufovka (membre, F.E.D. - U.P.): Bonjour. Je suis travailleur social et je détiens également un diplôme en administration publique.

Je suis séparé depuis deux ans. J'ai d'abord participé à une médiation sur demande et j'ai réclamé une garde partagée. Mon ex- femme ne voulait pas me l'accorder pour des raisons de langue et de culture. Elle est francophone, et je suis anglophone.

Je n'ai jamais compris ce qu'elle voulait dire parce que, dans ma famille, mon père parlait six langues et ma mère, quatre. Son idée était donc tout à fait incompréhensible pour moi.

Quoi qu'il en soit, j'ai trouvé cette réponse un peu bizarre et c'est pourquoi j'ai décidé de demander l'avis de la cour. Ce que je ne savais pas, c'est qu'en me rendant devant les tribunaux, je n'avais qu'à peu près 7 p. 100 de chances d'obtenir une garde partagée. Je n'avais pas fait mes devoirs.

J'ai consulté une douzaine d'avocats, et ils m'ont tous dit que je pouvais espérer, au mieux, huit jours de visite et un certain montant pour la pension alimentaire. Ils m'ont dit aussi qu'aucun juge n'accordait la garde partagée si la mère n'était pas d'accord.

Pourtant, je m'étais absenté de mon travail pendant six mois pour rester à la maison et m'occuper de mon enfant. J'estime être un père modèle. Elle dit elle-même que je suis un bon père. Elle m'envoie des cartes, et mon enfant aussi, pour me dire que je suis un père exceptionnel. Alors, je me suis demandé ce qui se passait vraiment.

J'ai donc essayé de trouver de l'information pour comprendre ce qui se passait. Je me suis rendu compte qu'il y a toutes sortes de préjugés, même dans ma propre pratique, et que même aux yeux des institutions publiques, les pères n'ont qu'une importance relative. J'ai communiqué avec des chercheurs de McGill, qui m'ont affirmé que toutes nos institutions publiques étaient orientées vers les services destinés aux femmes. Quand un homme est en détresse et qu'il cherche à obtenir ces services, on ne l'écoute pas toujours. Et quand il va en cour, on ne l'écoute pas toujours non plus, comme l'a dit ce monsieur.

Quand je suis allé à l'école pour demander une copie du bulletin de mon enfant, on m'a dit d'aller voir le parent qui avait sa garde. Mais que se passe-t-il si ce parent refuse de coopérer?

C'est ce qui me semblait tout à fait illogique. D'après ce que je vois, il est difficile de détecter les préjugés. Mais quand je me suis mis à examiner d'autres cas, je me suis rendu compte que, si je vivais cette situation, ce n'était pas à cause de tares ou de défauts personnels; c'est parce que les gens ne croient pas que les pères doivent participer à la vie de leurs enfants.

L'État doit adopter une règle. D'autres États, ailleurs dans le monde, ont choisi une voie différente. Le Canada est un pays très conservateur, et il faut que ça change. Vous devez donner l'exemple.

M. Paul Forseth: D'autres commentaires?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y.

M. Harry Braunschweiler (membre, F.E.D. - U.P.): Si vous me permettez de répondre à votre question, je pourrai peut-être vous donner quelques éclaircissements moi aussi.

Je suis divorcé depuis dix ans, et la bataille fait toujours rage entre mon ex-femme et moi. Au début, j'avais décidé de ne pas me battre. Si mon ex voulait que je prenne mon fils, elle m'appelait, ou alors c'est moi qui l'appelais pour savoir si je pouvais le prendre pour la fin de semaine. C'est seulement après un accident avec mon fils, quand j'ai vu comment sa mère et lui se comportaient l'un envers l'autre à l'hôpital, que je me suis rendu compte à quel point leur relation manquait de chaleur.

C'est alors que j'ai finalement décidé de ne plus m'occuper de mon ex-femme et d'aller voir moi-même comment mon fils réussissait dans ses études. Et je l'ai vu.

Je suis un Québécois anglophone. Mais si je parle anglais, c'est pour une seule et unique raison: je suis protestant. Je suis né en 1955 et je suis entré à l'école en 1960; à cette époque-là, il n'y avait pas d'écoles protestantes françaises au Québec. Je suis donc allé à l'école anglaise, même si mon père vient de Suisse et que le français y était sa langue seconde. Ma parenté vit en Suisse et parle le français et l'alémanique.

Quand je me suis rendu compte que mon ex-femme avait décidé, sans m'en avertir, de faire passer mon fils de l'école française à l'école anglaise, j'ai demandé à la cour d'imposer au moins... Je pensais que, en vertu de la Constitution canadienne, un enfant de père anglophone et de mère anglophone devrait être éduqué dans les deux langues. Mais le juge a décidé qu'une éducation aux deux tiers en anglais et au tiers en français était suffisante, et il a accordé la garde de mon fils à mon ex.

• 1405

Personnellement, il me semble que j'ai essayé, même comme père... J'étais là à sa naissance. J'étais à ses côtés tout le temps quand il était malade, par exemple quand il a dû avoir des tubes dans l'oreille. Mais il était très difficile après la séparation de garder le même genre de contact.

Mon fils va donc faire la majeure partie de ses études en anglais. Il aura beaucoup de mal à trouver un emploi dans la province de Québec, et j'espère que ça ne l'obligera pas à quitter la province.

Je suis absolument découragé du système judiciaire. J'espère que votre comité pourra au moins proposer des changements pour éviter qu'il y ait toujours une seule des parties qui gagne. J'aimais mon fils quand il est né; autrement, je ne l'aurais pas eu. Et je l'aime encore aujourd'hui même si je suis divorcé. Malheureusement...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Sénatrice Pépin.

[Français]

La sénatrice Lucie Pépin: Je suis très heureuse d'entendre dire que a parent is a parent et de voir tous ces pères de famille ou ces parents qui veulent que la garde et surtout l'éducation de l'enfant soient partagées.

Je voudrais cependant mettre les choses un peu en perspective, parce que je pense être plus âgée que la majorité d'entre vous. Je voudrais mettre les pendules à l'heure et vous dire que, lorsque la Loi sur le divorce est entrée en vigueur, dans les années 1960, c'étaient les femmes qui étaient abandonnées par leur mari, qui étaient bien souvent tenues responsables du divorce et qui restaient seules à élever les enfants. À l'époque, c'était comme cela. Maintenant, ce sont encore les femmes qui sont responsables de tous les malheurs qui arrivent aux enfants. Alors, je me dis, comme certains d'entre vous l'ont dit, que c'est peut-être le système qui est responsable et qu'il faut le changer. Je suis bien d'accord là-dessus.

Pour moi, il est très important de le dire. Cela ne diminue en rien toutes les présentations que vous avez faites aujourd'hui, mais je trouvais qu'il était important de le dire.

Je suis aussi tout à fait d'accord qu'il devrait y avoir des refuges pour les hommes ou les pères qui sont en difficulté. C'est vrai que les femmes ont des refuges pour femmes battues et qu'il existe de nombreux systèmes et groupes de femmes, mais on est parties de rien. Auparavant, cela n'existait pas. Aujourd'hui, nous vous écoutons et nous vous croyons, mais au début, quand les femmes se sont rassemblées pour faire leurs déclarations, les gens riaient d'elles et ne les croyaient pas. Je peux vous assurer que quand on a déclaré qu'une femme sur dix était battue au Canada, on a ri de nous pendant longtemps. Il a même fallu que les députés fassent des excuses publiques parce qu'ils avaient fait des blagues à ce sujet. Alors, les temps ont changé en ce sens que maintenant, on vous croit et on est prêts à faire quelque chose, mais il faut aussi mettre les choses en perspective et vous dire d'où on vient. Merci.

[Traduction]

M. Claude Lachaine: Je peux répondre?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y.

[Français]

M. Claude Lachaine: Je ne peux pas vous répondre, madame Pépin, au sujet de ce qui est arrivé en 1960, car j'avais alors cinq ans. Je vis en 1998. Mon fils a trois ans à l'heure actuelle et il vit aussi en 1998. On pourrait faire une guerre de statistiques sur cette époque-là. Je pourrais vous sortir les études qu'a faites Wolfgang de 1948 à 1952, où on parle de taux de violence aussi élevés du côté des femmes que du côté des hommes, mais on n'est pas ici pour débattre directement de ces questions. On est ici pour débattre de l'avenir de nos enfants.

La sénatrice Lucie Pépin: Je suis d'accord, mais je cherche à mettre les choses en perspective.

M. Claude Lachaine: On sait qu'il y a beaucoup de maisons d'hébergement, mais nous n'avons pas de financement pour les groupes de pères.

La sénatrice Lucie Pépin: On va vous dire comment vous organiser pour en avoir.

M. Claude Lachaine: On nous dit qu'on doit aller chercher de l'argent dans les fonds qui sont disponibles pour les groupes de femmes ou les groupes qui sont victimes de violence. C'est la raison pour laquelle il manque des pages à nos mémoires. C'est parce qu'on a des machines désuètes.

J'aimerais faire un commentaire parce qu'on parle encore du passé. Je le répète, on est en 1998.

• 1410

Notre problème, en tant que société, c'est de réussir à convaincre les intervenants, les travailleurs sociaux et les travailleuses sociales, les juges et les avocats d'essayer de regarder ces situations-là avec les yeux des enfants.

La sénatrice Lucie Pépin: Je suis d'accord.

[Note de la rédaction: Inaudible].

M. Claude Lachaine: À mon sens, nous ramener dans le passé, en 1960 ou 1955, n'est pas une façon de trouver des solutions.

La sénatrice Lucie Pépin: Je ne veux pas vous ramener dans le passé. Je veux simplement vous dire qu'il faut remettre les pendules à l'heure. D'où est-ce qu'on vient? Depuis le début, les femmes ont le dos large. Je suis d'accord qu'il y en a plusieurs qui exagèrent actuellement. Je suis tout à fait d'accord sur cela et je crois qu'il faut faire des changements importants. Donc, je veux simplement vous dire d'où on vient.

M. Claude Lachaine: Vous avez peut-être le dos large, mais je dois vous mentionner une chose. Il y a quelques semaines, on a fait une conférence de presse, où on demandait une enquête publique sur les fausses accusations portées au criminel et par le biais de la DPJ. Pour votre gouverne, mesdames et messieurs, dans les six jours qui ont suivi cette conférence de presse, qu'on n'a vue que pendant cinq minutes dans les médias d'information, au bulletin de la soirée, on a eu 700 appels d'hommes, de femmes et d'enfants du divorce qui nous confirmaient la chose et nous disaient de continuer parce qu'il fallait des enquêtes publiques à ce sujet.

L'arrestation d'un père à la suite d'une fausse accusation, au criminel ou par le biais de la DPJ, pour abus sexuel ou inceste, a autant de conséquences pour les enfants que s'ils avaient été vraiment victimes de l'acte dont on accuse le père. Pensez aux yeux d'un enfant qui voit son père partir avec les menottes dans une voiture-patrouille. Je vous demande de réfléchir un peu aux conséquences de cela au niveau du développement psychologique de l'enfant et à la manière dont il va regarder son père par la suite.

La sénatrice Lucie Pépin: Je suis d'accord sur ce que vous dites.

M. Claude Lachaine: Je n'ai pas fini de compter mes appels. Il m'en arrive une centaine par jour depuis ce temps-là.

[Traduction]

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y.

M. William Levy: Je suis forcé de faire ce que je fais. Ce n'est pas moi qui l'ai choisi. Il faut comprendre pourquoi autant de pères se révoltent. Il ne s'agit pas seulement d'une aberration ou d'un phénomène surgi de nulle part; on ne peut pas espérer que les pères vont disparaître un jour.

Je suis un père, et je suis un criminel. Dans cette province, tous les pères sont des criminels en puissance à cause de la loi qui dit que, si on ne paie pas un dépôt de trois mois, c'est comme si on avait manqué un versement de pension alimentaire. Je ne suis pas constitutionnaliste, mais je peux vous dire une chose. J'ai dit non parce que j'ai une entente de divorce; je lui remets son chèque le lundi—et je le fais toujours, parce que je suis un père attentionné—et ainsi de suite.

Ce que les pères font—et je répète que ce n'est pas moi qui le voulais—, c'est qu'ils passent des heures et des heures à enregistrer des choses sur des menaces de mort, des sentiments d'aliénation, par exemple: «Je vais amener mes amis et te tuer.» C'est le genre d'appels que je reçois.

J'ai une excellente avocate, qui a témoigné ce matin. Elle est formidable. Je pense que nous savons tous de qui il s'agit. Même elle, elle m'a dit: «Vous ne pouvez pas avoir vos enfants. Même si elle dort tous les jours jusqu'à une heure de l'après-midi avec des bouchons dans les oreilles et qu'elle n'entend pas les enfants pleurer la nuit, ça n'y change rien. Même si c'était vous, le père, qui s'occupait de tout avant. Tenez un registre de ce qui s'est passé l'an dernier. Tenez un journal.» Est-ce que quelqu'un veut savoir ce qui s'est passé à 6 heures ce matin?

C'est pour ça que nous sommes ici. Il y a une aberration dans notre système. Les pères sont criminalisés simplement parce qu'ils veulent être des parents. Il faut que ça cesse.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Madame Bakopanos.

Mme Eleni Bakopanos: Merci. Je vous remercie beaucoup.

J'ai deux commentaires à faire. Quand j'ai parlé tout à l'heure de la lecture des mémoires, je voulais seulement dire que nous aurions souhaité avoir cinq jours.

[Français]

On aimerait bien avoir plus de temps pour écouter tous ces témoignages.

Je veux aussi dire aux pères que je me considère très chanceuse d'avoir un mari pendant que je suis à la Chambre des communes. C'est lui qui s'occupe de tous les besoins de mes enfants. Je suis très satisfaite du rôle que jouent maintenant les parents, particulièrement les hommes.

Mes commentaires porteront sur le syndrome dont on a parlé,

[Traduction]

le SAP. Depuis combien de temps ce syndrome est-il reconnu? Je vais vous dire pourquoi je vous pose cette question.

Je dirais que ce syndrome portait peut-être un autre nom autrefois. Il y a des cadres d'entreprise qui voyagent constamment. Il y a des députés comme moi qui ne sont pas à la maison pendant la semaine. L'influence que nous avons sur nos enfants est restreinte; dans mon cas, elle se limite au vendredi après-midi, au samedi matin et au samedi après-midi, et également à la journée du dimanche parce que j'ai décidé que ce serait ma journée à moi. Je ne prends aucun autre engagement ce jour-là.

• 1415

On appelait peut-être cela différemment, mais il y a toujours eu une certaine forme d'aliénation. Si je vous dis cela, c'est parce que je me demande si nous ne sommes pas en train de punir les enfants encore plus en inventant un nouveau syndrome pour décrire un phénomène qui se produit partout, maintenant que les mères et les pères travaillent à l'extérieur.

Je ne sais pas exactement où je veux en venir, je dois dire. Mais, même si nous ne pouvons pas légiférer sur les attitudes des gens, nous pouvons nous servir du système scolaire et apprendre à nos jeunes à ne pas devenir des victimes, que ce soit comme pères, comme mères ou comme enfants.

Autrement dit, nous pouvons apprendre à nos enfants à se prendre en main. Nous pouvons leur enseigner à ne pas être des victimes du divorce. Nous pouvons leur montrer que leurs deux parents demeurent leurs parents pour la vie et qu'ils devraient avoir une relation saine avec les deux. C'est tout ce que j'avais à dire.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y.

M. Glenn Cartwright: Je voudrais simplement souligner que cette notion de syndrome recouvre en réalité un ensemble de symptômes; vous avez tout à fait raison de dire que ces symptômes ne sont pas nouveaux. Nous savons que les enfants peuvent se faire laver le cerveau. Ce qu'il faut savoir, c'est jusqu'à quel point, et s'ils sont capables d'y résister.

Nous parlons de syndrome d'aliénation parentale quand quelqu'un essaie délibérément d'empoisonner l'esprit d'un enfant. Nous savons que cela s'est déjà fait dans les camps de concentration. Nous savons qu'il est possible de laver le cerveau des gens, des adultes en tout cas. Rappelez-vous l'histoire de Patti Hearst. Alors pourquoi supposons-nous que c'est impossible dans le cas des enfants? Pourquoi croyons-nous qu'ils peuvent avoir les outils nécessaires pour combattre ce genre de lavage de cerveau? C'est très difficile.

Je participe souvent à des tribunes téléphoniques un peu partout au Canada; pour vous donner une idée de la gravité de la situation, un homme de Calgary a téléphoné pour dire que sa femme ne voulait pas le laisser voir ses deux filles parce qu'il était atteint du sida. C'est du moins ce qu'elle leur avait dit, parce que lui affirmait que ce n'était pas vrai. Et, même si ça l'était, il aurait quand même le droit de voir ses filles. C'est de la pure méchanceté. Comment ses filles peuvent-elles avoir leur mot à dire dans ces conditions? Je ne comprends pas. Elles n'ont pas les ressources qu'il faut. Elles n'ont pas la force nécessaire pour résister. C'est pourquoi le problème est tellement sérieux. Je pense que nous avons sacrifié toute une génération d'enfants.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y.

M. Tony Drufovka: Je voudrais faire remarquer certaines choses aux membres du comité. J'ai été choisi pour participer à une série en trois volets sur les pères pour l'émission CBC Newswatch; l'équipe de tournage voulait savoir ce qu'un père à temps partiel faisait avec ses enfants à partir du moment où il allait les chercher pour la fin de semaine, quelles activités il faisait avec eux, et ainsi de suite. J'aimerais vous présenter cette vidéo—qui dure une quinzaine de minutes—pour que vous puissiez l'analyser. Ces gens-là ont fait de la recherche. Ils ont aussi communiqué 24 heures plus tard avec des gens du milieu pour avoir leur avis sur la série et leurs commentaires sur toute cette question.

J'ai été vraiment touché—parce que je ne savais pas quelles seraient les répercussions de la série—de me faire aborder par des étrangers, et surtout par des femmes. Je vais vous laisser vous faire une opinion vous-mêmes.

Deuxièmement, j'ai fait des recherches personnelles dans des articles publiés aux États-Unis et dans tout le Canada au sujet de diverses questions que les pères doivent résoudre. Je voudrais vous sensibiliser à ces questions.

Troisièmement, j'ai assisté ce matin à une conférence, ici même à Montréal, au sujet des effets des conflits conjugaux sur le fonctionnement des enfants et des moyens que les familles prennent pour s'en sortir. J'ai écouté en particulier un exposé de Mark Cummings, qui détient un doctorat en psychologie et qui enseigne à l'Université Notre Dame; il a écrit plus de 100 livres et articles. Il a dit qu'apparemment, il y a maintenant aux États-Unis un consensus selon lequel on ne déconseille la garde partagée que dans 5 p. 100 des cas, c'est-à-dire quand les conflits entre ex- conjoints sont particulièrement graves. Or, selon le système que nous avons actuellement au Canada, la garde conjointe se justifierait dans la majorité des cas.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. Sénateur Jessiman.

Le sénateur Duncan Jessiman: J'ai une seule question, pour Mme Stuart-Mills. Vous dites que le système de grille n'est pas bon. Est-ce que je vous cite correctement?

Mme Pamela Stuart-Mills: Oui, certainement.

Le sénateur Duncan Jessiman: Bon. Quand le projet de loi a été déposé en 1997—il est entré en vigueur en mai 1997—et qu'il nous a été soumis, au Sénat, je ne pense pas qu'il y ait eu des témoins qui étaient contre l'adoption des lignes directrices, qui sont assorties de ce que vous appelez une grille. Il y a un certain nombre de personnes qui ont critiqué l'interprétation de ces lignes directrices, parce qu'elles tenaient compte uniquement du revenu du parent n'ayant pas la garde pour déterminer les sommes à verser au parent ayant la garde... Nous avons eu de longues discussions à ce sujet-là, mais je ne me souviens pas que personne nous ait dit que ce n'était pas un bon système.

• 1420

On nous a dit que cela devait permettre une certaine uniformisation à travers le pays et même à l'intérieur de chaque région lorsqu'il y aurait des juges différents, ou peut-être même lorsque le même juge siégerait un autre jour. Le montant des pensions allouées par le juge variait auparavant de fois en fois.

On nous avait dit aussi—c'est du moins ce qui m'a fait croire que c'était une bonne idée—qu'il existait déjà des lignes directrices du même genre dans différents États américains, de même qu'au Québec. Ces lignes directrices sont différentes de celles que nous avons au Canada, et certaines des autres provinces adoptent les lignes directrices canadiennes.

Qu'est-ce que vous mettriez à la place de ces lignes directrices? Voudriez-vous revenir à l'ancien système?

Mme Pamela Stuart-Mills: Premièrement, le système de grille devait permettre d'abord et avant tout de maintenir le niveau de vie des enfants; je me rappelle que j'étais venue témoigner devant le comité quand Allan Rock a dit, si je me souviens bien des transcriptions, que ce système visait d'abord et avant tout à permettre aux enfants de conserver le même niveau de vie qu'avant le divorce. Je suis désolée, mais à mon avis, c'est totalement irréaliste. Si un enfant vit avec ses deux parents et que son père en vient à perdre son emploi—et son salaire de 80 000 $—, il peut se retrouver du jour au lendemain bénéficiaire de l'aide sociale ou d'un régime d'indemnisation des accidentés du travail. Nous voyons ce genre de chose couramment et nous ne nous en plaignons pas. Mais dans le cas d'un divorce, on s'attend à ce que la situation économique des enfants ne change pas; ça ne tient pas debout.

Il est encore trop tôt pour commenter le système de grille, mais je trouve inquiétant de recevoir des appels de parents qui ne peuvent pas se payer un divorce à l'heure actuelle parce que les juges se montrent absolument inflexibles dans l'application de ce système.

Je peux vous parler d'un cas où...

Le sénateur Duncan Jessiman: Ils n'ont pas le droit. La loi dit... Cette grille a été adoptée pour une raison précise. Je ne dis pas que vous vous trompez.

Mme Pamela Stuart-Mills: Je peux vous parler par exemple d'un cas, à Thompson, au Manitoba, où le père travaille pour une société minière dont j'ai oublié le nom. Il est séparé de ses enfants et, à cause du système de grille, de la baisse de revenu et du temps qu'il faut pour passer devant les tribunaux, il se retrouvera en définitive avec 32 $ par semaine. Il n'a tout simplement pas les moyens de divorcer.

Sa femme lui fait du chantage. Elle lui dit: «Si tu es gentil, je ne demanderai pas le divorce. Si tu me donnes environ 150 $ comptant tous les lundis, nous ne divorcerons pas. Et je te laisserai voir les enfants quand je déciderai que tu pourras les voir.» C'est de cette façon-là qu'il peut éviter le divorce et la faillite, ou presque.

C'est ça, la réalité. Il est encore trop tôt pour juger, mais je suis très inquiète des effets de la loi. Ce n'est pas ma spécialité, mais dans les situations de ce genre, la table est mise pour l'aliénation. C'est pour cette raison-là que je me suis intéressée à cette affaire.

À voir la façon dont le système de grille est appliqué—mais je suis sûre que d'autres personnes seraient mieux placées que moi pour vous en parler. Par exemple, le principe selon lequel le niveau de vie des enfants doit refléter leur situation économique avant le divorce...

Prenez mes enfants, par exemple. Avant mon divorce, nous habitions une maison très confortable à Dollard-des-Ormeaux. Je suis une des mères malchanceuses qui ont absolument tout perdu. Ce n'est pas moi qui suis partie. Mais on m'a tout enlevé, et je me suis retrouvée à l'aide sociale avec mes deux enfants; je touchais 994 $ par mois. Mais je peux vous dire que ma vie familiale était beaucoup plus saine, beaucoup plus bénéfique. Mes enfants étaient, sur les plans spirituel, physique et économique... C'était difficile, mais savez-vous quoi? Ces difficultés financières ont aidé mes enfants à se rapprocher et à devenir plus forts. Elles ne les ont pas mis à l'abri de certaines aberrations.

• 1425

Quand j'ai entendu Allan Rock dire ça—et je suis sûre qu'il s'agissait d'Allan Rock—, je me suis demandé d'où il sortait; il ne semblait avoir aucune idée de ce que vivent les êtres humains. Ce n'est pas bien grave d'avoir à manger du macaroni Kraft cinq jours par semaine de temps en temps. Mais il faut donner aux hommes, ou aux parents qui n'ont pas la garde de leurs enfants, la possibilité de refaire leur vie et il faut aussi tenir compte de la deuxième cellule familiale qui se crée toujours à la suite d'un divorce.

Je suis désolée, mais je trouve que le système de grille doit être examiné de plus près parce qu'il manque de souplesse. J'espère sincèrement que, quand vous serez rentrés chez vous, quand vous aurez présenté vos recommandations et votre rapport en novembre 1998, le débat ne finira pas là parce que le système de grille est une tout autre histoire et que vous allez connaître toutes sortes d'autres problèmes. Je vous demande instamment de ne pas l'oublier.

Je meurs d'envie de répondre à la sénatrice Bakopanos...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Elle n'est pas sénatrice.

Mme Pamela Stuart-Mills: Excusez-moi.

Vous avez mentionné que nous transformions nos enfants en victimes.

Mme Eleni Bakopanos: C'était une théorie.

Mme Pamela Stuart-Mills: C'était une théorie. Eh bien, j'aimerais vous parler de cette question un instant.

Je suis une femme battue. J'étais maltraitée et je ne m'en rendais pas compte. Je ne m'étais certainement jamais considérée comme une victime. J'ai passé quatre mois dans des refuges pour femmes battues, et c'est là qu'on m'a dit que j'étais une victime. Donc, j'y suis arrivée avec la conviction que je n'étais pas une victime et j'ai dû me faire à l'idée que j'en étais une. Je suis enseignante dans les Cantons de l'Est, et j'ai enseigné à des enfants qui avaient des besoins particuliers. J'en ai rencontré qui s'étaient fait dire qu'ils avaient été agressés sexuellement par leur grand-père. Ces enfants-là essaient de s'habituer à l'idée qu'ils sont des victimes. Ils atteignent 15 ou 16 ans et ils ne sont toujours pas capables de se faire à l'idée.

L'autre élément qui me dérange dans le projet de loi, c'est que selon notre système de valeurs, selon notre éducation judéo- chrétienne et notre droit romain—qui est le droit sur lequel toutes nos lois sont fondées, même le Code Napoléon—, chaque fois qu'on accorde un droit à quelqu'un, ce droit s'accompagne d'une responsabilité concomitante. Mais, en vertu de cette loi, les parents qui n'ont pas la garde des enfants ont l'entière responsabilité de payer pour des enfants qu'ils ne peuvent jamais voir, tandis que ceux qui ont la garde ont tous les droits et à peu près aucune responsabilité; ils n'ont de comptes à rendre à personne.

Ce que je vais vous dire maintenant est très impopulaire: c'est que les enfants ont des responsabilités eux aussi, et qu'en les élevant comme des victimes et en les forçant à vivre une situation dans laquelle ils perdent leur personnalité propre et dans laquelle on leur dit qu'ils sont des victimes du système, nous ne les aidons pas à devenir des êtres humains authentiques et responsables. Nous devons inculquer à nos enfants le sens des responsabilités.

J'étais très contente d'entendre votre observation sur la victimisation. La mentalité de victime est un cul-de-sac, et j'espère que vous n'adopterez pas ce point de vue-là dans vos recommandations.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

La sénatrice Anne Cools: Je suis certaine que votre famille vous appuie quand vous êtes à Ottawa...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Non, sénatrice...

La sénatrice Anne Cools: Elle ne retourne pas vos enfants contre vous. Elle vous appuie.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Pas de doute, nous sommes vendredi après-midi.

[Français]

Mme Caroline St-Hilaire: Je ne serai peut-être pas très populaire, mais je dois dire que je suis d'accord sur la remise en perspective de la sénatrice Pépin. Je n'étais pas là non plus en 1960. J'étais très loin d'y être. Par contre, j'ai vu ma mère se battre. Je suis peut-être privilégiée, car j'ai aussi un homme rose à la maison.

Je vais me faire l'avocat du diable. Ce que vous avez dit, monsieur, est-ce nouveau? En tout cas, je pense que les hommes de ma génération s'impliquent beaucoup sur le plan familial et que tout le monde en est bien heureux. Si c'est nouveau, vous devez comprendre pourquoi il est arrivé tout ce qui est arrivé et pourquoi vous subissez ce que vous subissez maintenant, ce qui est déplorable.

Vous avez beaucoup parlé de fausses accusations. Beaucoup d'hommes nous ont parlé de ça. Par contre, il n'y a aucun chiffre, aucune statistique, et j'aimerais bien qu'on m'en sorte. Je ne doute pas qu'il y a des femmes très agressives et je ne remets rien en question, mais il serait bon qu'on nous donne des chiffres, des statistiques. Je n'ai pas d'études et de chiffres, et il serait peut-être intéressant que nous en ayons pour notre gouverne.

[Traduction]

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Pourquoi ne pas commencer par le milieu, avec M. Cartwright, après quoi nous entendrons Mme Vassiliou?

• 1430

Mme Despina Vassiliou: J'ai en main les conclusions de diverses études réalisées en 1992 aux États-Unis. Ces études ont révélé que jusqu'à 50 p. 100 des pères, qui n'ont généralement pas la garde de leurs enfants, avaient signalé une interférence quelconque de leur ex-femme dans leurs visites à leurs enfants. De plus, jusqu'à 40 p. 100 des mères avaient admis qu'elles refusaient de laisser leur ex-mari voir les enfants dans le but de le punir.

[Français]

Mme Caroline St-Hilaire: Mais cela ne veut pas dire qu'elles ont accusé leur conjoint ou ont été violentes. Au début, monsieur parlait de fausses accusations, de femmes agressives et d'hommes violentés. J'aimerais qu'on nous donne des chiffres là-dessus. Je ne doute pas de ce que vous affirmez, mais...

M. Claude Lachaine: Ne parlons pas de la violence des femmes ou de la violence des hommes, mais de violence, point à la ligne. Arrêtons d'associer la violence à un sexe. Je n'utiliserai pas le terme que j'utilise habituellement quand je suis avec les membres de notre organisation. Donc, je dis poliment qu'on doit arrêter d'associer un sexe au mot «violence». Dans le dictionnaire, le mot «violence» est neutre. Dans toutes les études, on joue encore avec les chiffres. Ce qu'il faut bien dire, c'est que les groupes de femmes qui publient des chiffres sur la violence conjugale et la victimisation des femmes sont présentement financés d'une façon que je qualifie d'éhontée.

Mme Caroline St-Hilaire: Savez-vous par qui sont financés ces groupes de femmes?

M. Claude Lachaine: Par les gouvernements, par...

Mme Caroline St-Hilaire: Non, par Centraide. Ils n'ont presque rien du gouvernement. Je m'excuse, mais il faut faire attention.

M. Claude Lachaine: Eh bien, je ne pense pas que le Conseil du statut de la femme, madame, soit financé par Centraide.

Mme Caroline St-Hilaire: Ils ne sont pas là pour les groupes de femmes. Il faut faire attention à ce que vous dites.

M. Claude Lachaine: Je ne pense pas que le Conseil du statut de la femme soit là pour les hommes; autrement, on l'aurait appelé le Conseil du statut mixte. Pour ce qui a trait à la violence en général au niveau intrafamilial, presque toutes les études que j'ai consultées, et Dieu sait que j'en ai consulté depuis un an... Je n'ai pas fait d'études universitaires à ce sujet. Je étudié la question parce que je me suis vu dans l'obligation de défendre ma cause moi-même. Toutes les études, que ce soit celle de Straus, de Gelles, de Steinmetz ou de Curtis, qui sont toutes des études différentes, montrent bien, dans leurs chiffres, que la violence au niveau intrafamilial se fait à 50-50. La dernière que j'ai consultée a été faite à l'Université du Manitoba et donne bien les chiffres de 50 et 50 p. 100 au niveau de la violence intrafamiliale dont usent les deux parents. Dans les cas où il y a seulement un parent qui est l'instigateur, c'est 25 p. 100 de femmes et 25 p. 100 d'hommes.

Le problème qu'il y a dans tout cela, et c'est là que les enfants entrent en ligne de compte, c'est que quand il s'agit de violence familiale qui est causée par une femme, les enfants en sont directement victimes, mais le système judiciaire conforte les femmes dans leur comportement parce qu'il n'y a pas de réaction chez les hommes ou les enfants qui en sont victimes.

Mme Caroline St-Hilaire: J'ai une dernière question pour Mme Mills. Comme vous l'avez dit, il s'agit d'un sujet très émotif qui suscite souvent l'hystérie. Je ne sais pas si j'ai bien compris, mais je crois vous avoir entendu dire que la société n'était pas prête pour la garde partagée. Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Pamela Stuart-Mills: La société n'est pas prête pour la garde partagée?

Mme Caroline St-Hilaire: Oui.

• 1435

Mme Pamela Stuart-Mills: Lors des témoignages devant votre comité et devant le comité précédent, qui étudiait C-141, j'ai constaté que le clivage était très grand dans notre société et qu'il y avait beaucoup d'éducation et de formation à faire. À mon avis, il y a là un projet de 20 ans, parce que vous ne pouvez pas changer les attitudes sociales au moyen d'une loi, malheureusement. Vous pouvez mettre la pierre angulaire en place, mais c'est tout ce que vous pouvez faire. La société va mettre passablement de temps à s'ajuster au rôle androgyne dont je vous ai parlé.

Bien sûr, je suis en faveur de la garde partagée, mais d'après ce que j'ai vu et vécu, la formation... Comme le professeur Cartwright l'a très bien dit, il n'y a aucune éducation pour les enfants à l'école. Les programmes actuels d'éducation familiale dans les écoles sont ridicules. Le divorce n'est même pas un sujet dont on parle en profondeur. La vie familiale, la structure de la famille, le mariage, la grossesse sont des sujets dont on traite en cinq minutes dans un petit manuel.

Je trouve que nos enfants doivent être formés et éduqués, de même que nos juges et tout notre système, comme l'a dit monsieur. Il faut d'abord faire leur formation. Mais, comme enseignante, j'ai peut-être un parti pris.

[Traduction]

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci

Monsieur Levy, j'aimerais une réponse rapide, s'il vous plaît. Nous avons déjà pris beaucoup trop de temps.

M. William Levy: Je voudrais seulement souligner que, quand je suis allé en cour, mon avocate m'a dit que l'issue de ma cause dépendait du juge, selon qu'il s'agissait d'un juge traditionnel ou qu'il avait une certaine ouverture d'esprit. C'est la même chose partout dans la société. Les gens s'entendent sur la garde partagée parce que les deux parties ont l'esprit ouvert. Dans ces cas-là, la garde partagée fonctionne. Le problème, c'est quand un des parents a l'esprit ouvert, mais pas l'autre.

Je vais vous laisser un article que j'ai obtenu du centre national d'information sur la violence familiale. Il est très difficile d'obtenir des statistiques à ce sujet-là. Ce que j'ai trouvé intéressant, dans cette étude, c'est l'interprétation qu'on y fait des statistiques et des autres études. Il y a encore beaucoup de recherche à faire dans ce domaine-là. J'ai justement assisté ce matin à une conférence où il a été question de cette étude, qui y a été critiquée. Il s'agit d'une étude de l'Université du Manitoba, pour laquelle les chercheurs ont passé en revue des dizaines d'études publiées. Permettez-moi de vous citer l'article du Winnipeg Free Press, qui s'intitule «Who's Beating on Whom?»:

    Une analyse de plusieurs dizaines d'études publiées portant sur les réponses d'environ 20 000 participants révèle que, contrairement à ce qu'on croit généralement, les femmes frappent leur conjoint aussi souvent que les hommes frappent leur conjointe, que les couples en soient au stade des fréquentations, qu'ils vivent en cohabitation ou qu'ils soient mariés.

    Il est important de noter qu'il s'agissait d'études effectuées par échantillonnage sans biais, ce qui signifie que chaque membre de la population cible avait des chances égales d'y participer, comme dans le cas des sondages politiques.

    Cette méthode d'échantillonnage scientifique est très différente des méthodes employées pour les études fondées uniquement sur les rapports des hôpitaux, de la police et des refuges. Parce qu'ils se sentent humiliés et qu'ils ont honte, les hommes battus font rarement appel à ces organismes, dont les rapports sous-estiment donc nettement la violence contre les hommes.

En un sens, cela se rattache à votre question. Comment pourrais-je y répondre puisque vous parlez de tous les aspects de la violence conjugale et de la façon dont elle est interprétée? Les experts que j'ai entendus ce matin à l'hôtel Westin citaient eux aussi les statistiques de la police, des refuges et des hôpitaux, que les auteurs de cette étude critiquent. Ceci vient d'une autre source.

Dans une étude effectuée sur un échantillon contrôlé, on a demandé à des étudiantes de commenter des cas où il y avait autant de violence de la part de l'homme que de celle de la femme; les étudiantes ont déclaré que les hommes devraient être punis plus sévèrement que les femmes. Les études que j'ai obtenues au sujet des statistiques sur la criminalité montrent que notre société ne traite pas les hommes et les femmes selon les mêmes critères.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup. Comme je vous l'avais promis, les choses se sont animées un peu avec le temps.

Avez-vous besoin de la présence des témoins pour présenter votre proposition?

• 1440

La sénatrice Anne Cools: Oui. J'ai appris avec beaucoup d'intérêt que Mme Stuart-Mills avait des contacts fréquents avec le Dr Gardner, qui a beaucoup travaillé dans ce domaine et qui est un psychiatre éminent et extrêmement compétent. Je voudrais proposer au comité et à nos coprésidents d'inviter le Dr Gardner, de New York, à venir témoigner devant le comité.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Certainement.

La sénatrice Anne Cools: Et je voudrais remercier tout particulièrement les témoins que nous venons d'entendre, parce que je connais votre travail—spécialement celui de Pamela Stuart- Mills.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Si le comité me le permet, je voudrais poser une petite question.

Monsieur Cartwright, vous avez dit que le SAP se manifestait dans 90 p. 100 des cas de rupture de mariage ou de divorce, et qu'il touchait donc 90 p. 100 des enfants.

M. Glenn Cartwright: Des enfants qui sont au centre d'un conflit portant sur leur garde. C'est ce que dit Gardner.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Ah! C'est Gardner qui le dit. Merci.

Eh bien, merci beaucoup.

Monsieur Drufovka, nous aimons bien les sondages—du moins certains d'entre nous.

Merci et bonne fin de semaine.

• 1441




• 1448

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous reprenons nos travaux. Certains de nos témoins vont faire remorquer leur voiture si nous ne nous dépêchons pas.

Nous entendrons maintenant Elizabeth Cook, Martin Dufresne et Nicolas Doyon. Il était ici, mais il n'est pas revenu? D'accord. Nous entendrons également Naïma Bendris.

Monsieur Dufresne, c'est vous qui avez un problème avec votre voiture?

M. Martin Dufresne (Collectif masculin contre le sexisme): Oui.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Êtes-vous prêt à commencer?

M. Martin Dufresne: Oui, absolument. Je m'appelle Martin Dufresne et je suis traducteur professionnel. Je suis accompagné de Nicolas Doyon, qui s'occupe de sa fille. Son fils va nous rejoindre dans un moment. Nicolas est animateur d'une troupe de théâtre communautaire. Nous sommes membres du Collectif masculin contre le sexisme.

• 1450

Nous sommes ici précisément pour vous parler du fait que nous parlons aux hommes de la paternité et des responsabilités parentales avant le divorce. Nous constatons qu'il y a actuellement un mouvement en vue d'accorder aux hommes des privilèges parentaux après le divorce, cela indépendamment de leurs mérites, ce qui nous inquiète beaucoup quant aux droits des enfants.

Les responsabilités parentales conjointes, dont l'étude fait partie du mandat de votre comité, sont très importantes. Nous croyons toutefois qu'il est trop tard pour les imposer aux femmes dans les cas où les hommes n'ont pas acquis ces responsabilités et ces attitudes au sein même du couple et de la famille. À ce moment-là, ça fait partie d'un rapport de pouvoir, un rapport souvent lié à des intérêts financiers qui vont se traduire par des problèmes pour la famille.

Nous sommes aussi ici pour vous présenter un des travaux de notre groupe, Montreal Men Against Sexism, le Collectif masculin contre le sexisme, qui existe depuis 1979. Il s'agit d'un travail d'analyse des réactions aux revendications des femmes et de toutes les personnes qui désirent plus de justice sociale dans notre société. Cette analyse nous a amenés à étudier de près le mouvement qui luttait pour des prérogatives masculines et contre l'identification de ce qu'il faut bien appeler une certaine violence sexiste dans notre société.

Vous avez entendu et vous entendrez encore malheureusement beaucoup d'affirmations voulant que les hommes soient aussi souvent victimes de violence que les femmes. Les faits démontrent le contraire. Nous tenons à jour une liste des femmes et des enfants tués par des hommes au Québec depuis 1989, depuis les homicides de l'École polytechnique. La liste des hommes tués par des femmes est beaucoup plus courte.

En ce sens-là, on peut démontrer tous les jours que la violence est utilisée comme un appareil de contrôle et de pouvoir par les hommes et que la majorité des femmes qui demandent le divorce le font parce qu'elles vivent une violence physique ou psychologique. Il est très difficile de trouver des chiffres à cet égard, bien qu'une étude effectuée au Québec en 1986 par Carmen Gill et Lynn Saint-Pierre indique que 54,85 p. 100 des femmes qui demandaient le divorce le faisaient pour échapper à une situation de cruauté physique, de cruauté psychologique ou les deux.

Ceci nous indique que les femmes qui demandent le divorce le font dans des circonstances qui ne se prêtent pas à une garde conjointe. Elles peuvent se prêter à une garde conjointe dans certains cas, et c'est négocié dans la plupart des cas avec l'autre parent, mais l'idée d'imposer l'autorité du parent non gardien des enfants aux femmes de façon systématique en suggérant que la violence est une exception, est une idée à laquelle votre comité doit résister, parce que ces meurtres-là se produisent habituellement au moment du divorce ou peu après.

Ces meurtres-là indiquent assez clairement que les hommes, dans notre société, ont une politique de contrôle des femmes et des enfants. Malheureusement, cette politique se traduit par une guérilla judiciaire, du harcèlement et une focalisation sur le non-paiement de la pension alimentaire. Pour nous, ce n'est pas une coïncidence que la revendication de la garde conjointe aille de pair avec une revendication de l'abaissement, sinon de l'élimination, de la pension alimentaire.

C'est comme si on offrait aux femmes un deal dans lequel elles perdent sur les deux plans. On leur offre de perdre ce que la juge L'Heureux-Dubé reconnaissait en 1993, dans l'arrêt Young c. Young, comme étant un droit fondamental du parent gardien, soit celui d'avoir l'autorité sur les décisions. Quand les deux parents ont la garde, il se produit souvent un affrontement de volontés qui ne peut pas se résoudre devant les tribunaux à chaque fois, évidemment. On ne veut pas d'un système où il faut appeler la police et aller devant le juge chaque fois qu'il y a une décision et un désaccord, surtout entre des parties dont on sait qu'elles ont été si souvent en désaccord qu'elles en sont arrivées au divorce.

D'une part, le lobby des hommes divorcés réclame que le père conserve une autorité sur les décisions de la mère après le divorce, mais il réclame que ce privilège se paie par une suppression ou une réduction importante de la pension alimentaire. Ce serait donc une double perte pour la famille qui survit au divorce. Ce peut être le père ou la mère qui est le gardien des enfants.

• 1455

Nous pensons que les enfants sont perdants quand ils perdent à la fois l'autorité du parent qui s'occupe d'eux et le soutien alimentaire qui est essentiel au maintien d'un certain niveau de vie.

Le travail du Collectif masculin contre le sexisme consiste à analyser les stratégies du lobby des hommes divorcés et à voir ce qu'il y a de bon là-dedans et ce qu'il y a de dangereux. On s'abonne à leurs bulletins et on va à leurs réunions, parfois au risque de notre vie, parce que, malheureusement, ces groupes sont souvent composés d'agresseurs, des agresseurs de femmes ou d'enfants. On a pu constater qu'il était très courant d'y retrouver des hommes qui étaient là pour refaire leur réputation.

On étudie aussi leurs projets de loi. Ce sont des projets de loi qui sont structurés dans un État américain ou imposés dans un autre État. On apporte cela au Canada comme étant la solution de l'avenir, qui marche très fort aux États-Unis. Et, évidemment, on présente à des groupes comme le vôtre une vision relativement biaisée de la dynamique qui prévaut dans ces cas-là. Cependant, on ne vous dira pas qu'en Californie, par exemple, on a essayé la garde conjointe statutaire et qu'on a fini par rejeter cette formule parce qu'elle ne favorisait pas les intérêts des enfants. On ne vous dira pas que dans d'autres États américains, on a adopté une présomption à l'égard du parent qu'on appelle le primary caretaker, c'est-à-dire le parent qui s'est le plus occupé de l'enfant et qui a prodigué la majorité des soins de première ligne aux enfants.

Dans certains législatures américaines, on en est venu à reconnaître que ce parent-là était celui qui méritait, au moins au niveau d'une présomption, de ne pas se voir infliger un procès pour la garde des enfants pour des raisons purement dilatoires, pour des raisons de harcèlement ou pour des raisons de négociation à la baisse de la pension alimentaire.

Cela touche aussi le dossier de la médiation. On a vu très vite la médiation apparaître comme une des stratégies no 1 du lobby des hommes divorcés. Il ne s'agissait pas seulement d'épargner des frais d'avocat, mais aussi de détourner les femmes du soutien de l'appareil judiciaire, du soutien d'une avocate ou d'un avocat, en vue de les amener à des ententes. On sait que le parent qui s'est le plus occupé de l'enfant est habituellement celui qui va accepter des compromis et chercher une voie d'évitement à un conflit qui perdure. Les hommes divorcés non gardiens ont donc jugé qu'il était dans l'intérêt du parent non gardien de faire adopter par l'État des schèmes de médiation qui se substitueraient graduellement à l'aide juridique—c'est ce qu'on constate au Canada—et aussi à la reconnaissance par l'appareil judiciaire et par l'appareil législatif des prérogatives du parent qui est non seulement prêt à s'occuper de l'enfant, mais qui est aussi celui des deux parents qui s'en est le plus occupé au sein du couple.

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Votre temps est écoulé.

M. Martin Dufresne: Déjà? Alors, je suis prêt à répondre à vos questions. Ça va.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Non, non. Vous avez dit que vous aviez des recommandations à nous soumettre pour terminer.

M. Martin Dufresne: En effet. Vous faites bien de me le rappeler.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oui.

[Français]

M. Martin Dufresne: Premièrement, on ne peut pas imposer un parentage de qualité par le biais d'une loi. J'ai entendu cela plus tôt et je pense que c'est très vrai. Par contre, on peut protéger par un loi les parents et les enfants de ceux qui réclament plus de droits en vue de les harceler. La création d'une présomption d'attribution de la garde au parent ayant effectué la plus grande part du parentage aurait pour effet de réduire de beaucoup l'inégalité et l'injustice dans ce domaine.

Deuxièmement, j'aimerais parler d'une présomption du refus de droit de garde et d'accès au parent reconnu coupable de violence conjugale. Il nous semble extrêmement important, puisqu'on sait jusqu'à quel point on se sert de procès en vue d'obtenir la garde pour continuer un travail d'intimidation, qu'on reconnaisse qu'un homme qui a battu ses enfants ou sa femme ne devrait pas pouvoir demander la garde. Il y aurait une présomption contre ce genre de revendications.

Troisièmement, la garde conjointe, physique ou légale, ne doit jamais être imposée à un ou deux des parents comme cela se fait dans plusieurs provinces du pays.

Quatrièmement, sachant que beaucoup de micro-groupes prendront contact avec votre comité—on a constaté qu'il arrive parfois que une ou deux personnes constituent deux ou même parfois trois groupes de pères séparés—, nous vous recommandons d'accorder plus de foi aux témoignages des intervenantes de première ligne, de celles qui travaillent auprès des femmes qui divorcent, qu'à celui de n'importe quel homme qui prétend représenter un groupe. Nous avons l'impression que ces hommes ne représentent pas les hommes divorcés en général; ils ne représentent pas les pères en général et certainement pas les hommes en général. Nous vous invitons à prendre les arguments de discrimination à l'envers avec un grain de sel. Selon notre expérience, le travail que font les lobbys des hommes divorcés scandalise les autres hommes.

• 1500

Enfin, je voudrais parler du fait qu'en 1993, Mme la juge L'Heureux-Dubé reconnaissait le droit du parent qui fait le travail auprès des enfants de déménager, de former une nouvelle famille, parfois non traditionnelle, et de contester le privilège des parents lorsque le parent gardien estime que le parent non gardien constitue un danger pour l'enfant.

On trouve extrêmement inquiétant que le groupe des hommes divorcés élève de plus en plus la barre de l'écoute que peut avoir la société des mères ou des parents gardiens. Si un parent gardien constate que son enfant revient blessé d'une visite chez le parent non gardien, il est extrêmement important que cet homme ou cette femme puisse intervenir rapidement.

Les lobbys d'hommes divorcés vont devant les tribunaux, parlent de fausses allégations et lancent des pourcentages qui n'ont aucune commune mesure avec les recherches sérieuses dans ce domaine. On semble ainsi se diriger vers une société qui sera de plus en plus hostile aux mères et de plus en plus hostile à une véritable protection des enfants, cela au nom des pères victimes de discrimination. Cela nous inquiète beaucoup.

On ne doit plus permettre la négociation où tout est mis sur la table. Lorsque les premières études sur la médiation ont été faites, entre autres par M. Richardson, si je me souviens bien, il y a une dizaine d'années, on avait distingué, dans les provinces où la médiation se faisait, d'une part les questions financières, et d'autre part les questions de garde et de visite. On trouvait que c'était une bonne chose parce qu'à ce moment-là, on ne forçait pas le parent qui avait des mérites comme parent gardien à négocier à la baisse le soutien alimentaire qu'il pouvait obtenir de l'autre parent pour arriver à acheter la paix, finalement.

Aujourd'hui, on adopte de plus en plus des modes de médiation où tout est mis sur la table. On assiste à ce genre de négociation où les femmes, pour protéger leurs enfants, doivent sacrifier leur bien-être matériel. Quand je parle du bien-être matériel, je parle de celui des enfants et de celui des femmes.

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je m'excuse de vous interrompre, mais pouvez-vous accélérer?

M. Martin Dufresne: D'accord.

[Français]

Je terminerai en disant que payer la pension alimentaire de ses enfants, ce n'est pas une honte. Quand les pères sont décrits comme des guichets automatiques, cela me gêne beaucoup. J'ai une fille de 20 ans et j'ai payé la pension alimentaire à tous les mois. J'en suis fier et je considère que je me suis acquitté de mes responsabilités parentales en faisant cela. Cela ne m'a pas empêché d'avoir un rapport avec elle et de faire d'autres formes de parentage. Lorsque qu'on défend de mauvais payeurs par des arguments racoleurs qui incitent pratiquement les hommes à ne pas payer les pensions, je suis très inquiet des autres propositions venant de ces groupes-là.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

[Traduction]

Elizabeth Cook, du Réseau Nemesis.

Mme Elizabeth Cook (Réseau Nemesis): Bon après-midi.

Votre comité a une énorme responsabilité et une occasion en or pour soulager les millions de Canadiens et de Canadiennes qui souffrent en silence. Je vous souhaite un immense succès.

J'ai été sauvagement attaquée et battue par mon mari. Il a sodomisé mes petites filles. Il a violemment agressé mon fils. Il a fait exploser des animaux de compagnie avec une carabine devant mes tout jeunes enfants. Il a tiré sur mon fils, sur des animaux de compagnie et sur des animaux de ferme avec une carabine à plombs. Il a attaqué des hommes. Il se battait, consommait de la drogue, fumait de la marijuana et cambriolait des chalets.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Est-ce que toute cette information se trouve dans un recueil de jurisprudence? C'est à cause du contexte dans lequel nous nous réunissons. Pouvez- vous nous fournir la référence?

Mme Elizabeth Cook: Oui. Mais je dois finir mon paragraphe.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Vous feriez mieux de nous donner la référence, après quoi vous pourrez finir votre paragraphe.

Mme Elizabeth Cook: Il s'agit de mon cas.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Avez-vous le titre de l'affaire et le nom du tribunal qui l'a jugée?

Mme Elizabeth Cook: L'affaire a été jugée à Terrebonne. Je n'ai pas le numéro ici.

La sénatrice Anne Cools: C'est seulement pour le compte rendu.

Mme Elizabeth Cook: Vous voulez parler du jugement de divorce?

La sénatrice Anne Cools: Non, de votre affaire. Qui contre qui?

• 1505

Mme Elizabeth Cook: Cook c. McRonald. Excusez-moi.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Ça va. Quand les témoins nous font ce genre de déclaration, nous avons besoin de savoir si cela figure dans un dossier judiciaire.

Mme Elizabeth Cook: Je comprends.

M. Paul Forseth: Est-ce que ce que vous venez de nous dire figure dans le dossier?

Mme Elizabeth Cook: En partie.

M. Paul Forseth: Veuillez limiter vos commentaires à ce qui se trouve dans le dossier du tribunal.

Mme Elizabeth Cook: D'accord. Je vais éliminer tout ce qui n'y est pas.

J'ai appelé la police pour la première fois au début de 1979. Nous avons survécu aux côtés d'un terroriste cruel. J'ignore pourquoi nous ne sommes pas tous morts. Mais je suis ici, et je tiens à vous faire comprendre que mon histoire est aussi celle de millions de femmes et d'enfants réduits au silence. Comme je ne suis pas morte, j'ai la lourde responsabilité de faire entendre les cris silencieux de nos âmes.

La majorité des parents un tant soit peu respectables et responsables reconnaissent l'importance cruciale des soins aux enfants. Pourtant, ce sont les agresseurs d'enfants et les batteurs de femmes qui réclament le plus souvent devant les tribunaux la garde des enfants ou un accès généreux à leurs petites victimes—et qui l'obtiennent dans bien des cas.

Les hommes les plus violents vivent dans des familles qui ont une peur bleue du terroriste qui habite à leurs côtés. Personne ne dit rien. Un enfant qui dénoncerait un de ces hommes risquerait sa vie ou celle du parent qui le protège. Souvent, on ne se rend compte de cette violence qu'à la mort des enfants ou du parent qui les protégeait. Le reste du temps, quand ces agresseurs sont dénoncés, les membres de leur famille sont réduits au silence et mènent une existence horrible parce que la destruction envahit tous les aspects et tous les détails de leur vie. Voilà l'héritage des agressions sanctionnées par nos lois actuelles.

J'ai évidemment perdu la garde de mes enfants. Mes deux toutes petites filles, qui avaient été agressées, ont été enlevées au parent qui les protégeait et ont dû aller vivre avec celui qui les avait agressées. Il disparaissait souvent avec elles. Leur nom figure dans le registre canadien des enfants disparus.

Je ne connais pas de moyen plus sûr pour détruire des enfants et leur mère. Je ne peux pas imaginer de comportement plus cruel ou moins naturel que de détruire les jeunes d'une espèce et les mères qui les portent. C'est une véritable tactique de guerre.

Les parents protecteurs qui n'en meurent pas survivent dans un exil et une pauvreté imposés par la société, en essayant de comprendre l'incompréhensible et de survivre à la torture que leur impose la connaissance de ce que leurs enfants doivent endurer. Il est difficile pour des honnêtes gens—ce que nous sommes pour la plupart—d'imaginer qu'un être humain puisse choisir ainsi de détruire et de déshumaniser ses propres enfants et leur mère. Beaucoup d'entre nous, sinon la grande majorité, reculent instinctivement devant ce genre de chose et préfèrent croire à des théories plus confortables et souvent dangereuses. Notre esprit n'accepte pas ce que notre âme ne peut pas imaginer. Mais par notre incapacité de faire face aux réalités déplaisantes, nous favorisons et nous sanctionnons même l'exploitation répréhensible des enfants et la violence commise contre eux.

Je vous ai donné un exemple pour expliquer ce que je veux vous dire. Dois-je vous parler aussi...?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Qu'est-ce que vous voulez nous...?

Mme Elizabeth Cook: À un moment donné, lorsque j'ai réussi encore une fois à obtenir un rendez-vous avec le directeur de l'équipe locale de protection de la jeunesse, mon ex m'a accusée méchamment d'être une obsédée. À ce moment-là, je n'avais pas pris ça comme un compliment, mais plutôt comme une preuve de sa folie et de sa haine pour les enfants. Maintenant, j'y vois plutôt un compliment parce que son accusation me plaçait clairement dans le camp des civilisés, et lui dans celui des sauvages

Les enfants maltraités et les parents qui les protègent doivent faire face, dans leurs batailles pour la garde de ces enfants et les droits de visite, à la brutalité de l'ignorance, en même temps qu'au terrorisme continu et croissant de l'agresseur. Bien qu'il soit impossible de garantir que toutes les personnes en contact avec des enfants seront raisonnablement évoluées, nous pouvons exiger une sélection attentive et une formation permanente appropriée pour tous ceux qui sont et qui seront appelés à décider du sort des enfants dans des causes portant sur les droits de garde et de visite. Les solutions existent, mais nous ne pourrons pas les appliquer tant que nous ne reconnaîtrons pas qu'il y a un problème.

Il faut informer le public par l'intermédiaire des médias, par exemple, comme cela se fait actuellement aux États-Unis. Il doit y avoir un moyen pour exclure immédiatement ceux qui souffrent d'ignorance criminelle et qui ont des intérêts qui les poussent à exploiter leur prochain plutôt que d'en prendre soin. Il faut les éloigner pour les empêcher de continuer à participer au carnage.

Le gouvernement doit accélérer cette évolution en exerçant immédiatement son leadership sur le plan législatif et en adoptant des règlements pour répondre à la réalité d'un besoin désespéré et prévoir des mesures de redressement pour les victimes, qui n'ont pas perdu tout espoir.

Sans rétroactivité ni reddition de comptes, la revictimisation se poursuit toute la vie durant, et les agresseurs poursuivent de plus belle leur règne de terreur avec la caution inconsciente d'une bonne partie de la société.

• 1510

Il faut ratifier la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, que le Canada a signée en 1989. Il faut choisir des gens qui peuvent apprendre avec les yeux de l'âme et les obliger à suivre des cours de formation et de sensibilisation. Il faut établir des codes déontologiques et des protocoles, et les inscrire dans des lois nationales. Il faut aussi passer en revue toutes les lois et toutes les politiques et rendre compte de leur application. Vous devez faire tout cela, et plus encore, rapidement et rétroactivement. Le Canada pourra alors commencer à ralentir la destruction haineuse et à redresser certains torts incompréhensibles.

Il faut faciliter et accélérer ce processus en adaptant des programmes déjà en vigueur dans d'autres pays. Il faut informer le public des changements apportés et des services offerts. Il faut aussi modifier les lois existantes et en changer la terminologie; les notions de «garde» et de «visite» appartiennent au vocabulaire du droit des biens, et les termes «meilleur intérêt des enfants» et «parent conciliant» sont ambigus. Il est tout à fait normal que les parents protecteurs, qui sont généralement les mères, répugnent à envoyer leurs enfants traumatisés passer des fins de semaine et même plus avec le violeur ou l'agresseur qui les terrorise. Les juges, les avocats, les psychologues, les travailleurs sociaux et les autres intervenants interprètent souvent cette saine réticence comme un refus de coopérer et un désir de blesser le père, et c'est pourquoi les juges accordent souvent la garde des enfants à des gens qui ont commis des crimes horribles.

Il faut examiner les lois connexes. Les lois sur la protection de la vie privée permettent de garder les agressions secrètes. Il faut simplifier et coordonner les systèmes, les tribunaux et les organismes, qui sont fragmentés et souvent à couteaux tirés les uns avec les autres. Il faut augmenter les peines, et les appliquer. Les agresseurs continuent leurs agressions parce qu'ils le peuvent.

Il faut accélérer tous les changements. La rapidité est essentielle. Les bébés traumatisés deviennent en un rien de temps des enfants perdus, des adolescents tourmentés, puis des adultes angoissés. Pourquoi ne pas créer avec les ressources existantes un système parallèle qui se mettrait en branle dès qu'il y aurait la moindre apparence de violence.

Sans lois, il ne peut pas y avoir de justice...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Avez-vous à peu près terminé?

Mme Elizabeth Cook: Oui.

Sans lois, il ne peut pas y avoir de justice, mais s'il n'y a pas de justice, pouvons-nous prétendre avoir des lois? Quand les lois d'une société ne garantissent pas la justice et favorisent même l'injustice, c'est la loi de la jungle qui comble le vide.

On entend souvent dire que, quand quelqu'un est incapable de regarder son propre passé en face, ce passé va le consumer. C'est la responsabilité que le Canada doit assumer immédiatement. Nous devons reconnaître les erreurs commises dans le passé vis-à-vis des enfants parce que notre société est déjà en train de se consumer, comme le montre la violence qui gronde et fait éruption dans tout le pays.

Il faut permettre au Canada de se joindre aux autres pays et d'accueillir le siècle qui s'en vient avec un minimum de moralité et d'espoir dans l'évolution des principes des droits de la personne.

Je suis prête à répondre à vos questions.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Dufresne, vous devez partir, je crois.

M. Martin Dufresne: Je dois partir à 15 h 25.

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): D'accord. Ça nous laisse un peu de temps.

Madame Bendris, vous avez cinq minutes.

[Français]

Mme Naïma Bendris (témoigne à titre personnel): Bonjour et merci. Vu le temps qui nous est alloué, je vais lire mes notes pour essayer d'aller le plus vite possible.

Je témoigne à titre personnel. J'ai moi-même vécu l'expérience de la séparation et des procédures judiciaires pour la garde d'enfants. J'aimerais vous entretenir d'un phénomène social qui me préoccupe et dont on ne fait jamais cas. Il s'agit des mère immigrantes qui ont été impliquées dans des mariages mixtes avec des conjoints canadiens de souche et qui ont vécu l'expérience des procédures judiciaires dans le cadre de la garde des enfants.

J'aimerais soulever certains points qui marquent l'expérience de ces femmes, qu'elles partagent à certains égards avec des mères canadiennes ou québécoises de souche, mais qui, à d'autres moments, ont leurs particularités propres.

Cette observation est basée sur ma propre expérience et sur celle de femmes qui m'ont fait part de la leur et dont l'histoire ressemble sensiblement à la mienne. Il s'agit, pour la plupart, de femmes originaires des pays du Sud et donc membres de minorités ethniques. Je souligne cela car la dynamique dans laquelle se retrouvent ces femmes-là, dans le système judiciaire, est celle d'un rapport dominant-dominé, majoritaire-minoritaire, avec une attitude et un discours basés sur l'idéologie dominante.

Ma présentation porte sur les points suivants: premièrement, l'occultation de la violence conjugale par le droit familial; les attitudes condescendantes et paternalistes des professionnels de la cour, attitudes teintées de préjugés ethniques et raciaux; les évaluations psychologiques; enfin, les alibis utilisés contre les mères par les pères.

Le fait que le droit familial ne tienne pas compte de la violence conjugale vécue et rapportée par ces femmes et ne mette l'accent que sur le soi-disant intérêt de l'enfant, est inquiétant. Les professionnels de la cour ne permettent pas à ces femmes de témoigner de leur expérience ou, si on le fait, on la minorise et on la diminue.

• 1515

Je vais vous citer, à titre d'exemple, ce qui m'a été dit par la psychologue qui a fait mon évaluation lorsque je lui ai rapporté toute la violence psychologique que j'avais vécue. J'ai été complètement niée dans ma fonction et dans mon statut de mère. Le père s'est fait père et mère de l'enfant. Il m'a considérée comme la matrice de l'enfant quand j'étais enceinte et comme la bonne de son enfant quand j'ai eu l'enfant. Il a dénigré mes valeurs et pratiques éducatives. Il m'a empêchée d'allaiter mon fils parce qu'il s'abreuve des écrits de Guy Corneau, qui dit que l'allaitement crée un lien privilégié entre l'enfant et la mère, et exclut le père. Donc, il m'a empêchée d'allaiter mon enfant. Il m'interdisait de parler ma langue à mon fils, de chanter des berceuses dans ma langue à mon fils, de faire des massages à mon fils, soi-disant parce que c'était considéré, dans la culture québécoise, comme une pratique incestueuse. Et j'en passe.

Donc, j'ai fait part de tout cela à la psychologue, qui n'en a pas fait mention dans son évaluation. Lors de la procédure, lorsque mon avocate lui a demandé: «Est-ce que Mme Bendris vous a fait part de ces choses-là?», elle a complètement nié. Elle a nié que je lui avait fait part de cela. Quand je lui ai rapporté cela, elle m'a dit: «Écoutez, c'est fini, tout cela maintenant. Vous ne vivez plus cela maintenant. Cela fait partie du passé.»

Donc, on a l'impression qu'on cherche à nous anesthésier, à anesthésier notre mémoire, à nous faire sombrer dans l'oubli. Parfois, on nous recommande d'aller voir un psychologue pour nous aider à nous débarrasser de notre passé. Donc, on ne fait nullement cas d'une expérience douloureuse qui devrait, à mon avis, faire partie de l'évaluation de la situation. En plus, le droit familial va imposer aux femmes ou les inciter à continuer, toujours au nom de l'intérêt de l'enfant, à rencontrer le père et à dialoguer avec lui, au risque de continuer à subir de la violence de sa part. Si les femmes manifestent leur désaccord et disent qu'elles veulent, pour réhabiliter leur intégrité physique et morale, ne plus avoir de contact avec le père, elles sont considérées comme rigides et non conciliantes et se voient pénalisées pour cela.

Par exemple, quand je suis allée en médiation, qui nous a été imposée aussi, le médiateur a été très dénigrant et humiliant à mon égard et m'a dit: «Écoutez, vous devriez continuer à dialoguer avec le père. Vous demeurez une famille malgré la séparation. Vous devez continuer à vous contacter et vous devez vous parler comme si vous étiez encore une famille.» Ainsi, le système judiciaire, qui devrait être une garantie de protection pour les femmes, permet aux conjoints violents de continuer à contrôler leur ex-conjointe et à abuser d'elle.

Le droit familial, à son tour, fait subir à ces femmes une autre forme de violence basée non seulement sur le genre, mais aussi sur l'origine ethnique. Cette expérience nous a permis de constater que le droit familial est une structure abusive qui reproduit elle-même de la violence systémique à l'égard des femmes.

Concernant les attitudes et les préjugés, le droit matrimonial reproduit, à l'endroit des femmes immigrantes, des stéréotypes et préjugés négatifs découlant des représentations sociales présentes dans les sociétés occidentales en général et dans la société canadienne en particulier. Ces femmes sont évaluées et jugées comme autres, en fonction de leur appartenance à un groupe autre et selon les images stéréotypées qu'on leur assigne et dont peuvent être imprégnés certains professionnels de la cour, notamment en ce qui concerne les femmes arabo-musulmanes dont je fais partie, puisque je suis femme arabe et musulmane.

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Vous avez dépassé le temps qui vous était alloué. Avez-vous presque fini?

[Français]

Mme Naïma Bendris: Oui.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Est-ce que vous pouvez...

Mme Naïma Bendris: Je vais essayer.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Mme Naïma Bendris: Ces représentations-là se traduisent souvent par un traitement différentiel, inégal et partial.

Concernant les évaluations psychologiques, la présence du psychologique dans le juridique est importante. Il y a une substitution du juridique par le psychologique. Les juges imposent des évaluations psychologiques et ne font qu'apprécier et adopter les recommandations des psychologues.

Les femmes immigrantes sont évaluées selon une grille d'analyse et de lecture de l'idéologie dominante, qui ne tient pas compte de leurs référents psychologiques, sociologiques, culturels et anthropologiques. La méconnaissance qu'on a des référents culturels de ces femmes peut entraîner des biais et des travers dans les évaluations et nuire à ces femmes. Il faut, à mon avis, procéder à une adaptation culturelle de ces évaluations-là. Il faut aussi que le juge ne pénalise pas les femmes qui ne veulent pas s'y soumettre.

En ce qui concerne les alibis utilisés contre les mères, le témoignage des femmes, quand elles peuvent le faire, est perçu comme moins crédible que celui du conjoint, qui use des stéréotypes courants pour donner du poids à ses accusations. Un alibi qu'on utilise couramment est celui du kidnapping des enfants. Du fait qu'on est des mères venues d'ailleurs, il est très facile de dire que nous allons enlever nos enfants, alors que, généralement, le kidnapping est le fait des pères. Dans mon cas, on a dit que j'allais enlever mon fils et partir avec lui dans mon pays. J'étais ici comme immigrante reçue.

• 1520

Je vais vous parler du cas d'une amie éthiopienne qui ne pouvait pas retourner dans son pays parce qu'elle était réfugiée. Dans son évaluation psychologique, on affirmait qu'elle risquait de se perdre ici dans sa communauté d'origine, comme si la communauté éthiopienne était une jungle dans laquelle on pouvait se cacher et faire fuir un enfant.

Le deuxième alibi, c'est le fait de battre les enfants. Toujours selon les représentations, nos cultures sont vues comme permissives à cet égard. On nous demande quels sont les moyens que nous utilisons pour punir nos enfants et on cherche à savoir si on les bat. Les pères invoquent cela et disent que nous allons battre les enfants puisque c'est permis dans nos pratiques et valeurs éducatives.

L'autre alibi, c'est le fait d'être non apte à élever un enfant. Une femme arabo-musulmane est considérée comme faible, incapable, soumise, irresponsable, émotive et non apte à élever les enfants dans les valeurs modernes de la société d'accueil.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Est-ce que vous avez presque terminé?

Mme Naïma Bendris: Oui. Le dernier alibi, c'est que les pères disent que nous sommes des femmes ayant été élevées dans des valeurs traditionnelles, à savoir des valeurs où les statuts et rôles sont figés; les mères ont un rôle à jouer et les pères ont un rôle à jouer. Nous ne serions donc pas habituées à voir des pères s'occuper des enfants et nous les aurions empêchés de s'occuper de leurs enfants et de prendre leur place auprès d'eux. Dans mon cas, ce fut le contraire. J'ai été complètement écartée de l'éducation de mon enfant et ça s'est retourné contre moi. Le père est venu dire qu'étant une femme traditionnelle, je l'ai empêché et je continue à l'empêcher de jouer son rôle auprès de son enfant. Les témoignages des pères semblent plus crédibles parce qu'ils sont justement appuyés par la représentation sociale qu'on a des femmes immigrantes.

Je recommande que le droit familial tienne compte de la violence conjugale; que les évaluations psychologiques tiennent compte des différences culturelles des femmes immigrantes et qu'il y ait une mise en contexte; et qu'on tienne compte des fêtes appartenant aux origines confessionnelles des femmes immigrantes, par exemple les fêtes musulmanes ou les fêtes juives, et qu'on ne fasse pas qu'un partage selon les fêtes de Noël ou les fêtes de Pâques. Voilà.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. Il est vraiment très difficile de résumer toute une vie en quelques minutes. J'apprécie beaucoup votre contribution.

Madame St-Jacques.

Mme Diane St-Jacques: Monsieur Dufresne, j'ai cru comprendre que vous étiez en désaccord sur la médiation et la garde partagée. Dans mon livre à moi, le bien-être d'un enfant va de pair avec l'accès aux deux parents, sauf quand il y a de la violence, naturellement. Je peux comprendre que s'il y a violence, on ne peut peut-être pas accéder à ce niveau-là. J'aimerais que vous précisiez votre position.

M. Martin Dufresne: Je vous répondrai en quelques mots parce que je dois malheureusement partir sous peu. La médiation, lorsqu'elle est choisie, est une très bonne chose. Par contre, lorsqu'elle est imposée, elle devient contraire au principe de la médiation. Malheureusement, elle est de plus en plus imposée au Canada. Il faut dire que les modes de filtrage des situations de violence et d'intimidation sont insuffisants en médiation actuellement. On voit constamment des médiateurs nous dire qu'ils ont créé des protocoles spéciaux pour s'adapter aux situations de violence conjugale, ce qui démontre qu'il n'y a pas d'exclusion des cas de violence. Malheureusement, on continue à imposer des compromis aux femmes.

Il n'existe pratiquement pas de recherche démontrant que l'accès aux deux parents est une bonne chose; c'est plutôt une valeur de sens commun. Frank Furstenberg, Nicholas Zill et d'autres attachés de recherche américains ont toutefois démontré, il y a une dizaine d'années, que les enfants qui ne voyaient pas du tout leur père étaient tout aussi équilibrés ou même mieux équilibrés que les enfants qui le voyaient à l'occasion. Même si on aimerait penser que l'accès est toujours une bonne chose, même dans le cas d'un bon père, les recherches ne l'ont pas encore prouvé.

Par contre, la garde conjointe n'est pas une question d'accès, mais une question de contrôle du parent non gardien sur le parent gardien. Dans de tels cas, on pense que les privilèges accordés aux parents devraient être tout simplement mesurés par la quantité et la qualité de parentage qui a été effectué. On encourage les pères à s'impliquer pendant leur vie de couple, avant que survienne une séparation. On considère même que leur implication va empêcher dans bien des cas la séparation ou l'échec du couple. Lorsqu'il n'y a pas eu de parentage égalitaire, le parent qui a été le moins impliqué ou le plus égoïste—appelons les choses par leur nom—ne devrait pas avoir le droit de contrôler le parent gardien. C'est malheureusement ce que la garde conjointe implique.

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Bennett.

• 1525

Mme Carolyn Bennett: Savez-vous d'où vient cette étude selon laquelle les enfants se débrouillent bien s'ils ne voient pas leur père?

M. Martin Dufresne: Elle est citée dans mon mémoire écrit, que j'ai envoyé par télécopieur. Elle a été réalisée par Frank Furstenberg and Nicholas Zill, deux chercheurs différents qui ont étudié la question.

Mme Carolyn Bennett: Les avis semblent partagés au sujet de la médiation dans le contexte d'agressions potentielles, quelles qu'elles soient, ou d'un déséquilibre des forces. On nous répète constamment qu'il semble y avoir un continuum à cet égard et que la médiation traditionnelle, qui n'est pas obligatoire, doit clairement être fondée sur une participation volontaire.

Le comité examine toujours... Il y a en Australie un modèle selon lequel un juge appelé «maître spécial» a non seulement des fonctions de médiateur, mais également le pouvoir d'imposer les résultats de sa médiation. Cela pourrait représenter une autre étape dans le continuum qui va de la conciliation à la médiation et à un mécanisme non judiciaire de règlement des différends, avec quelqu'un qui peut prendre une décision exécutoire. Dans le cas de la médiation traditionnelle, les gens peuvent toujours aller en cour s'ils ne sont pas satisfaits du résultat. Chaque avocat essaie alors de prouver que le médiateur avait tort ou que le psychologue s'est trompé. Le juge, qui a parfois une connaissance très sommaire de la situation, prend une décision qui est nécessairement défavorable à l'une ou l'autre des parties.

Ce que je voudrais savoir, c'est si la médiation peut à votre avis... si vous pensez que nous pourrions trouver un nouveau terme pour un genre d'arbitrage presque exécutoire qui contribuerait...

M. Martin Dufresne: La «justice», voilà le terme que vous cherchez. Je pense que les juges ont toujours fait précisément ce que vous mentionnez. Leur décision constitue un arbitrage exécutoire. La médiation est fondée sur le principe que nous pouvons contourner un affrontement comme si ce n'était pas...

Mme Carolyn Bennett: D'après ce que nous entendons dire ici, c'est le cas de 80 à 90 p. 100 des couples. C'est seulement dans le cas de conflits très graves... et c'est pourquoi je pense que nous avons besoin d'un incubateur, ou d'une unité de soins intensifs, dont s'occuperaient des gens très spéciaux qui comprennent les choses et qui n'auraient pas à trancher en 45 minutes.

M. Martin Dufresne: Mais est-ce qu'il pourra vraiment y avoir une médiation dans les cas où l'antagonisme est très fort?

Ce que je voudrais surtout vous dire...

Mme Carolyn Bennett: Est-ce qu'il pourrait y avoir une médiation sur les quelques petites choses au sujet desquelles les gens pourraient s'entendre, après quoi quelqu'un devrait prendre une décision sur le reste? Il faudrait tenter une médiation pour voir si les gens pourraient s'entendre au moins sur certaines choses.

M. Martin Dufresne: Je sais que les avocats font ce dont vous parlez: ils essaient d'amener les gens à s'entendre sur presque tout et vont en cour seulement pour régler les éléments qui restent. Je ne suis pas d'accord pour dire qu'il faudrait un processus entièrement nouveau.

Mme Carolyn Bennett: Mais nous entendons dire aussi que certains avocats ne sont pas là pour essayer vraiment de trouver... Dans l'industrie du divorce, il y a peut-être des avocats qui essaient d'étirer les choses le plus longtemps possible. Une fois qu'on a fini de les payer, on a perdu sa maison ou on n'a plus d'argent pour les études des enfants.

Y aurait-il un autre moyen d'arriver à quelque chose en faisant appel aux avocats seulement au moment de signer, ou alors uniquement dans les cas les plus litigieux?

M. Martin Dufresne: Qui va y perdre? Je vous le demande parce que, dans les cas de divorce, je constate que c'est habituellement la mère qui a tous les droits. Comme elle s'occupait déjà des enfants, elle s'en fait généralement confier la garde. Comme elle est la plupart du temps beaucoup plus pauvre que son conjoint, elle a droit à une pension alimentaire pour les enfants, et c'est pourquoi le mari va en cour et fait traîner les choses le plus longtemps possible pour la pousser à bout. Je pense que ce sont les mères qui y perdront, et les enfants aussi par conséquent, si la partie qui a tous ces droits doit y renoncer au nom de la simplification du processus.

Mme Carolyn Bennett: Je voudrais poser une question à Mme Cook. Ce qui est très préoccupant dans notre quête de justice, c'est quand quelqu'un qui a une histoire comme la vôtre à raconter nous dit: «Évidemment, il a eu la garde des enfants.» C'est très inquiétant. J'aimerais bien que vous nous expliquiez, pour le compte rendu, pourquoi vous avez dit «évidemment».

Mme Elizabeth Cook: J'ai dit «évidemment» par exprès. Je suis de plus en plus consciente du problème. J'ai reçu des appels de nombreuses femmes et je me suis rendu compte avec horreur—j'en suis encore horrifiée et je le serai toujours—que mon cas n'était pas inhabituel, comme je l'ai dit au début.

• 1530

Je reçois encore des appels de femmes qui sont allées en cour, naïvement, comme je l'ai fait moi-même, et qui ont constaté que ce n'était pas vraiment une bonne chose ni pour elles ni pour leurs enfants; elles se sont donc désistées et ont perdu la garde des enfants. Je pense que c'est presque automatique. Nous faisons souvent de l'humour noir entre nous, et nous disons souvent que c'est automatique. On nous accuse de vouloir faire du tort à un gentil monsieur.

J'ai du mal à accepter l'idée du syndrome d'aliénation parentale, beaucoup de mal, et je vais vous dire pourquoi. Je suis tout à fait prête à admettre l'existence de ce que nos grands-mères appelaient le lavage de cerveau; cela existe effectivement. Ce qui me pose un problème, ce sont les ouvrages du Dr Gardner; quand on les lit attentivement et qu'on les analyse, on se rend compte que ce sont ses théories, ses idées, ses opinions personnelles. Elles sont fondées sur les théories et les opinions du Dr Ralph Underwager. Il n'y a pas eu de recherche scientifique. Dans les manuels de psychologie, il y a déjà des syndromes plus ou moins graves, et ce que les gens appellent le syndrome d'aliénation parentale correspond déjà à ces définitions. C'est déjà connu.

Le problème, avec le syndrome d'aliénation parentale, c'est que quand on lit les ouvrages de Gardner—et il suffit d'en lire un—, on se rend compte que, d'après lui, ce sont les mères qui imposent cela aux enfants. Il ne parle pas des parents. On se rend compte qu'il y a un sérieux biais quand on lit ses ouvrages attentivement et qu'on les analyse. Mais c'est une théorie réconfortante, proche de celles de Freud, qui a renié ce qu'il avait déjà dit au sujet des agressions sexuelles et qui a déclaré que toutes ces femmes étaient des hystériques. Ces deux théories se rejoignent, elle sont réconfortantes et elles plaisent. Et les ouvrages sont facilement disponibles; ils sont distribués gratuitement.

Alors, les femmes se passent le mot: si vous voulez un divorce et que vous avez un conjoint violent... Je dois préciser que je parle seulement des cas de violence, pas de la majorité d'honnêtes gens qui sont ici. Les femmes se disent donc, entre elles, qu'il ne faut pas signaler les agressions dont elles sont victimes, sans quoi elles vont tout perdre. Elles vont probablement tout perdre de toute façon, mais si elles disent qu'elles ont été agressées sexuellement, elles sont sûres de tout perdre. Voilà ce qui se passe.

Mme Carolyn Bennett: Avez-vous des suggestions à nous faire au sujet des mesures que nous pourrions prendre pour changer la situation et faire en sorte que cela ne se produise plus?

Mme Elizabeth Cook: Je ne suis pas avocate. C'est peut-être parce que je suis dans le domaine de l'éducation—non, ce n'est pas seulement pour ça... Les gens à qui je parle, des gens savants qui ont un doctorat ou un autre diplôme important, ce qui n'est pas mon cas, disent tous la même chose: éduquez, éduquez, éduquez.

Je crois personnellement—et je ne suis pas la seule—que la plupart des gens savent que le secret est un terrain fertile pour la violence sexuelle; je pense que l'ignorance engendre également cette violence, comme beaucoup d'autres choses. Donc, comme je l'ai déjà mentionné, je pense, il faut une formation obligatoire et un blitz dans les médias. Aux États-Unis, on diffuse maintenant de courts messages à la télévision et à la radio; il y a un blitz d'un bout à l'autre du pays. Et nous savons qu'il y a une très forte corrélation statistique entre les hommes qui battent leur femme et ceux qui agressent leurs enfants. Il y a un rapport à peu près direct. Les États-Unis ont entrepris cette campagne depuis un certain temps déjà.

Je crois que l'éducation... Les juges sont censés connaître la loi et savoir comment l'appliquer. Mais ils ne connaissent rien au développement des enfants et à la violence dont ils sont victimes. La majorité des honnêtes gens n'y connaissent rien. Mais quand ça vous arrive à vous...

Mme Carolyn Bennett: Je suppose que c'est la raison pour laquelle on nous a suggéré... nous ne parlerions peut-être pas de médiateur, mais d'intervention judiciaire précoce ou de recours à quelqu'un qui aurait les compétences dont vous avez parlé. Ce serait la première étape avant que les gens passent devant le juge. Beaucoup de juges ne veulent pas vraiment se lancer dans cette autre...

• 1535

Mme Elizabeth Cook: Oui, et c'est très bien.

Mme Carolyn Bennett: Ce qui m'inquiète, c'est... Est-ce que vous constatez ce genre de chose même quand l'agresseur a eu affaire à la justice pénale, ou seulement quand c'est tenu secret?

Mme Elizabeth Cook: Quand c'est secret. Ce sont souvent les pires cas.

Mme Carolyn Bennett: Et quand c'est secret, il est risqué de dire la vérité à cause du climat que tout le monde connaît.

Mme Elizabeth Cook: Exactement.

Mme Carolyn Bennett: Et si cela se faisait dans un milieu différent, dans un environnement clinique plutôt que dans le bureau du juge ou devant la cour, pensez-vous qu'il serait moins risqué de dire ce qui se passe vraiment?

Mme Elizabeth Cook: C'est mon opinion personnelle. Je pense qu'il y a déjà au Canada des juges, des avocats, des psychologues et d'autres intervenants qui sont bien informés et qui sont assez solides pour entendre ce genre de chose. Je pense qu'il faut effectivement qu'ils soient «solides» parce que ce n'est pas une tâche agréable. Ça doit être horrible d'écouter tout ça, mais il le faut. Je pense que, si vous pouviez prendre tous ces gens et les regrouper en un corps cadre distinct, puisque ce sont tous des avocats, des psychologues, des gens qui ont l'habitude en tout cas... La médiation est obligatoire ici au Québec. Dès qu'il y a la moindre trace de violence, conjugale ou autre, la moindre trace, on passe à un processus parallèle...

Mme Carolyn Bennett: Dans un endroit spécial.

Mme Elizabeth Cook: ... qui repose sur les installations existantes et sur les gens qui sont déjà là, sauf qu'ils ont accepté de suivre une formation et de s'occuper des cas de ce genre au moins pendant un bout de temps.

Il y a à Montréal une unité spécialisée dans les crimes sexuels. Tous ses membres sont des procureurs de la Couronne. Ce sont les mêmes tribunaux, les mêmes salles, les mêmes immeubles, les mêmes gens; mais ces gens-là suivent une formation spéciale, une formation permanente, et ils s'occupent des cas de ce genre. Ils ont simplement changé un peu leur orientation, et ça marche.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: Madame Bendris, vous avez dit qu'on vous avait découragée de vous adresser à vos enfants dans votre langue maternelle. De quelle langue s'agit-il?

[Français]

Mme Naïma Bendris: L'arabe.

[Traduction]

M. Paul Forseth: Combien d'enfants avez-vous?

[Français]

Mme Naïma Bendris: J'ai un seul petit garçon qui a six ans maintenant.

[Traduction]

M. Paul Forseth: C'est tout?

[Français]

Mme Naïma Bendris: Un seul enfant.

[Traduction]

M. Paul Forseth: Bien. L'enfant ne vit pas avec vous, n'est-ce pas?

[Français]

Mme Naïma Bendris: L'enfant vit avec moi. J'ai eu la garde, une forme de garde partagée déguisée. Je voulais surtout rapporter le traitement différentiel qu'on subit face au système judiciaire, lequel est empreint de beaucoup de discrimination.

[Traduction]

M. Paul Forseth: D'accord. Alors, où habite-t-il généralement, avec vous ou avec son père?

[Français]

Mme Naïma Bendris: Comme je vous l'ai dit, il vit avec moi et avec son père, puisqu'il va aussi chez son père. La garde a été attribuée comme suit: il va chez son père deux fins de semaine sur trois, du jeudi au dimanche, ainsi que le vendredi de la fin de semaine où il est avec moi, une semaine à Noël, une semaine à Pâques, deux semaines en juillet et deux semaines en août.

[Traduction]

M. Paul Forseth: Bon. Est-ce qu'il y a un des parents qui verse une pension alimentaire à l'autre? Lequel?

[Français]

Mme Naïma Bendris: Vous voulez parler de la pension alimentaire?

[Traduction]

M. Paul Forseth: Une pension alimentaire pour l'enfant.

Mme Naïma Bendris: Oui.

M. Paul Forseth: Est-ce qu'il y a un de parents qui verse quelque chose à l'autre?

[Français]

Mme Naïma Bendris: Mon ex-conjoint paie une pension alimentaire.

[Traduction]

M. Paul Forseth: À vous.

[Français]

Mme Naïma Bendris: Oui.

[Traduction]

M. Paul Forseth: Est-ce que vous travaillez?

[Français]

Mme Naïma Bendris: Non, je suis étudiante présentement.

[Traduction]

M. Paul Forseth: C'est bien. Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Y a-t-il d'autres questions?

Notre vendredi après-midi tire à sa fin. Je dois vous dire que vous récits à tous les deux...

• 1540

[Français]

Les récits que vous nous avez tous deux livrés ont été très pénibles, mais ils seront très utiles.

[Traduction]

Je suis désolée d'avoir dû vous bousculer un peu, mais nous avons vos mémoires et vos recommandations.

[Français]

Je prends note de votre remarque au sujet des coutumes. Il est important que nous en tenions compte. Merci beaucoup.

[Traduction]

Merci beaucoup,

[Français]

merci beaucoup à vous deux d'être venus ici. Merci beaucoup, madame Bendris

[Traduction]

et madame Cook. Merci beaucoup.

Les membres du comité ont accepté d'entendre Janice Outcalt, qui nous fera une présentation de cinq minutes.

Mme Janice Outcalt (témoigne à titre personnel): Je m'appelle Janice Outcalt. Je suis moi aussi une femme battue. Contrairement aux gens ici qui semblent renier ce terme, j'ai été une victime. Je ne me suis pas battue moi-même; c'est lui qui m'a battue.

Je suis aussi une femme très forte, mais la violence conjugale est insidieuse. Elle ne commence pas au premier coup de poing. Elle commence par la destruction de l'estime de soi, par un contrôle abusif, et ainsi de suite.

Je l'ai quitté. Puisque vous voulez la référence, il s'agit de l'affaire Outcalt c. Murray. J'ai fini par le quitter après m'être fait battre environ 32 fois, surtout après la naissance de ma fille. Je l'ai laissé quand elle avait huit mois. Malheureusement, c'est dans la moyenne, selon Statistique Canada. Les femmes ne s'en vont généralement pas avant d'avoir été battues environ 35 fois. Je suis partie un peu plus tôt.

Quand je l'ai quitté, il a essayé de me tuer. Il a d'abord enlevé ma fille. J'ai réussi à la reprendre parce que sa mère est intervenue. Comme nous avions signé une entente de séparation, il savait évidemment où j'habitais. Si j'avais pu lui cacher cette information, j'aurais probablement choisi d'attendre au moins quelque temps pour nous permettre de nous calmer et de vivre en paix. Mais il est venu chez moi et il m'a attaquée. J'ai appelé la police, et il a été arrêté de nouveau.

Il m'a appelée quelques semaines plus tard et m'a suppliée de venir discuter de diverses questions avec lui, par exemple de droits de visite. Comme il ne se présentait pas toujours au moment convenu et que je prévoyais déjà une foule de problèmes, j'ai accepté de le rencontrer dans un endroit neutre, au restaurant. Quand il est arrivé, il était saoul. Il était évident qu'il ne sortirait rien de bon de cette rencontre, alors je lui ai dit: «Nous pourrions peut-être remettre ça plus tard.» Il a insisté pour me reconduire chez moi. À un moment donné, il s'est mis à conduire à gauche—face à la circulation, autrement dit—sur une grand- route. Si je suis ici aujourd'hui, c'est par la grâce de Dieu, ou des anges ou je ne sais quoi, parce que ce tronçon de route est habituellement très achalandé. Mais ce soir-là, nous n'avons rencontré personne pendant les trois minutes où il a roulé à 110 milles à l'heure dans le mauvais sens.

Heureusement pour moi, il a commencé à avoir très peur à la suite de cet incident—parce que j'ai encore une fois appelé la police—d'être envoyé en prison. Il a donc quitté la province, l'Île-du-Prince-Édouard, et il est allé à Calgary où il est resté une dizaine d'années.

J'ai essayé de me faire payer la pension que j'étais censée recevoir; c'était minuscule: 85 $ par mois. Il travaillait comme tuyauteur, à environ 20 $ de l'heure. J'étais étudiante et je me débrouillais comme je le pouvais, grâce aux prêts étudiants et au travail à temps partiel. Je pense que ma situation était assez typique; je me passais de bottes d'hiver pour que ma fille puisse en avoir. En fait, j'ai eu mon premier manteau d'hiver neuf en 1995.

Il m'a fallu 12 ans, mais j'ai finalement réussi à obtenir qu'il me verse les 85 $ par mois. Mais il a alors commencé à m'accuser de gaspiller cette somme astronomique en faisant la noce. J'ai entendu quelqu'un soulever la question hier, à savoir qu'il est difficile de prouver comment les femmes dépensent l'argent de leur pension. Celles que je connais sont pour la plupart exactement comme moi. Elles se privent. Leurs enfants sont bien habillés. Ma fille allait au camp, mais je ne prenais pas de vacances. Elle suivait des cours de danse, mais je ne faisais pas réparer mes dents. Je pense que c'est tout à fait typique.

Je voudrais faire quelques commentaires à partir de mes observations. Premièrement, j'ai entendu certaines statistiques sur le taux de suicide des hommes séparés. Je veux seulement préciser que j'ai appelé Statistique Québec, ou quelque chose du genre; il s'agit d'une organisation pour les hommes qui ont été violents. En 1994, le chiffre était de 40 hommes par 100 000 en moyenne au Québec. Il s'agit uniquement des hommes. Or, M. Ménard dit que, dans le cas des hommes divorcés, c'est au minimum 41,2 p. 100.

• 1545

Je vous signale que la violence conjugale tue chaque année une centaine de femmes au Québec. Habituellement, il y a au moins quelques cas de suicide ou de meurtre. En fait, pour ce qui est des suicides chez les hommes, le taux est de 46 à 47 p. 100 par 100 000 dans le groupe des 20 à 24 ans.

Je trouve qu'il est extrêmement important de vérifier toutes les statistiques qu'on nous cite parce que beaucoup d'entre elles ne sont pas pertinentes. Je pourrais dire que 10 p. 100 des Montréalais sont déprimés au mois de janvier, ce qui est vrai. Je pourrais dire aussi que 10 p. 100 des pères seuls sont déprimés en janvier, mais 10 p. 100 de tous les Montréalais le sont de toute façon. Donc, il est extrêmement important d'examiner attentivement ces statistiques.

J'ai eu énormément de mal à percevoir ma pension alimentaire. J'ai encouragé mon ex à communiquer avec ma fille. Je lui ai écrit. Je lui ai demandé de communiquer avec elle parce que je jugeais que, malgré tout, il était préférable pour elle qu'elle ait un certain contact avec lui. Il ne m'a pas répondu. Quand il s'est finalement décidé à écrire, il était en prison pour vol à main armée; il s'ennuyait, alors il a commencé à lui écrire.

Il serait très important d'aider... La grande majorité des bénéficiaires de l'aide sociale sont des mères seules. C'est difficile. Je répondrai à la personne qui a dit qu'on pouvait se contenter de macaroni Kraft de temps en temps qu'elle a tort. Le macaroni Kraft n'est pas du tout nutritif. Or, les enfants qui sont privés d'éléments nutritifs ne fonctionnent pas bien à l'école. Ils ne réussissent pas bien dans la vie. La pauvreté est une source de stress. Je le sais; je suis passée par là. C'est la situation la plus stressante que puisse vivre un parent seul.

J'aimerais qu'on donne plus de chances aux femmes. Et je suis d'accord pour qu'on éduque les gens. Il a été question également de la difficulté de prouver qu'il y a eu de la violence. Je dirais qu'un des moyens d'y arriver, c'est d'éduquer les femmes. Il faut leur dire qu'elles n'ont pas à subir cette violence. Elles ne doivent pas attendre la 35e fois avant de porter plainte; elles doivent le faire la première fois. Elles ne doivent pas laisser leur conjoint les battre 35 fois, jusqu'à ce qu'elles soient pratiquement détruites.

C'est la même chose dans le cas des agressions sexuelles contre les enfants; l'éducation est très importante dans ce domaine. Mais il est extrêmement important également que la police prenne ce genre de chose au sérieux—ce qui n'est pas toujours le cas—et les tribunaux aussi. Les choses ont changé au Québec depuis cinq ans, mais auparavant, la plupart des hommes reconnus coupables d'avoir tué leur femme s'en tiraient avec une peine moyenne de six ans de prison pour homicide involontaire coupable, et ils ressortaient après deux ans. Il faut que ça change.

Il y a au Québec 300 000 femmes touchées chaque année par la violence conjugale. Je trouve dommage que les groupes de femmes ne soient pas mieux représentés ici. Je ne sais pas s'ils ne se sont pas présentés tout simplement parce qu'ils n'en avaient pas le temps ou parce qu'ils n'ont pas été invités. Je voudrais également souligner que les hommes parlent toujours plus fort, quelle que soit la situation. Ils ont naturellement tendance à parler fort. C'est bien connu dans les écoles. C'est pourquoi il y a des classes de mathématiques pour femmes seulement. Et je n'ai jamais vu un agresseur... Je n'ai jamais entendu parler d'un violeur qui ait avoué qu'il avait violé une femme. Je n'ai jamais vu un homme qui avait tué sa femme... Ce n'est pas la réponse qu'ils donnent en premier—peut-être après une audience devant le tribunal, parfois. C'est très rare. J'ai vu personnellement une de mes amies qui s'était fait casser la mâchoire; elle était là, devant moi, le visage tuméfié, et son copain jurait qu'il ne l'avait pas touchée.

Vous devez donc faire extrêmement attention aux statistiques qui vous sont présentées. Et je pense qu'il serait très agréable de voir beaucoup plus de femmes représentées ici.

Quant à ce qui a été dit au sujet du fait que les femmes frappent leur conjoint aussi souvent que les hommes frappent leur conjointe, j'ai beau être forte et avoir suivi des cours d'autodéfense, je suis réaliste. Mon mari avait déjà fait de la boxe. La plupart des hommes se battent depuis qu'ils sont tout jeunes. Ils savent comment se battre. À moins d'avoir une arme, j'aurais eu beaucoup de difficulté à lui faire mal autant qu'il m'a fait mal.

• 1550

J'ai aussi l'impression que vous avez un préjugé contre les femmes, ou contre les mères. Ça remonte probablement à l'époque où les femmes n'étaient que des objets et où on disait qu'on ne pouvait pas les croire parce qu'elles étaient toutes des menteuses.

J'aurais bien aimé avoir une relation amicale avec mon mari. Il était évident que notre mariage ne pourrait pas fonctionner, mais il aurait été merveilleux d'avoir quelqu'un qui aurait pu prendre ma fille les fins de semaine, que j'aurais pu appeler pour lui dire ce qu'elle faisait à l'école et lui demander son avis. Je pense que la plupart des femmes sont très pragmatiques. Nous serions ravies d'avoir un partenaire avec qui nous serions en bons termes. Personnellement, j'en aurais été très heureuse.

Franchement, je pense que les hommes ont beaucoup de travail à faire sur eux-mêmes. J'ai participé à beaucoup d'ateliers et de groupes de thérapie. La plupart du temps, on y retrouve 80 p. 100 de femmes. J'aimerais bien que les hommes fassent beaucoup plus d'efforts pour s'améliorer, afin qu'il n'y ait plus de femmes qui se fassent tuer par leur conjoint. Quand les femmes ne vivront plus dans la pauvreté avec leurs enfants et qu'il n'y aura plus de violence conjugale, alors je serai prête à discuter du fait que 2 p. 100 des femmes battent leur mari. Je pense que c'est important. Mais il y a d'autres réalités plus alarmantes pour lesquelles on ne fait rien.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

S'il n'y a pas de questions, nous allons lever la séance.

Mme Janice Outcalt: J'aimerais seulement savoir pourquoi il y a aussi peu de monde ici. C'est dommage parce que j'ai trouvé les présentations excellentes. C'est merveilleux que vous soyez encore ici, mais je suis vraiment navrée que les autres n'y soient pas.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je tiens à souligner pour le compte rendu que la plupart d'entre nous avons été ici tout le temps, depuis cinq jours.

Merci à tous d'être venus.

La séance est levée jusqu'à nouvelle convocation des coprésidents.