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REGS Rapport du Comité

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Réponse du gouvernement au deuxième rapport du Comité Mixte Permanent D’examen De La Réglementation

« Réponse Du Gouvernement Au Rapport No 80 (Incorporation Par Renvoi) »

Introduction

Le 6 décembre 2007, le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation (le « Comité ») a publié son rapport no 80 ayant trait à l’incorporation par renvoi de documents externes dans des règlements, qui a été présenté à la Chambre des communes le 12 décembre 2007. Au titre de l’article 109 du Règlement de la Chambre des communes, le Comité a demandé au gouvernement de déposer une réponse globale à la Chambre des communes.

Le gouvernement est heureux de présenter sa réponse au rapport du Comité dans les pages qui suivent.

Contexte

Au cours des dernières années, l’incorporation par renvoi « dynamique » a joué un rôle de plus en plus important au Canada dans l’atteinte des objectifs en matière de réglementation, notamment l’harmonisation et la collaboration intergouvernementale. Le recours à cette technique dans les règlements est devenu monnaie courante et constitue un moyen efficace de réduire les dédoublements et les incompatibilités.

Le Comité s’oppose à l’incorporation par renvoi dynamique dans les règlements si elle n’est pas fondée sur une habilitation claire. Selon lui, l’incorporation par renvoi dynamique constitue dans tous les cas une subdélégation de pouvoirs à l’auteur du document externe incorporé, laquelle ne peut être permise que si le Parlement l’autorise clairement, soit de façon expresse soit par déduction nécessaire.

Le gouvernement est d’avis que l’incorporation par renvoi dynamique de documents produits indépendamment de l’autorité réglementaire ne constitue pas une subdélégation de pouvoirs. Dans son rapport, le Comité analyse en détail la jurisprudence et conclut de manière générale qu’elle n’appuie pas la position du gouvernement. Dans la présente réponse, nous infirmerons cette conclusion en soulignant les aspects clés de la jurisprudence afin de démontrer que, de fait, elle appuie la position du gouvernement.

Dans son rapport, le Comité commente les dispositions qui autorisent expressément l’incorporation par renvoi dynamique et exprime certaines préoccupations quant à l’accessibilité des documents incorporés. Dans la présente réponse, nous aborderons ces questions ainsi que l’opportunité de l’adoption d’une mesure législative d’application générale autorisant l’incorporation par renvoi dynamique.

La réponse du gouvernement

Le gouvernement convient que si le recours à l’incorporation par renvoi constitue une délégation de pouvoirs législatifs, son utilisation à cette fin exige une habilitation claire. Cependant, dans les règlements fédéraux, une délégation de pouvoirs législatifs résulte rarement d’une incorporation par renvoi dynamique. Cela s’explique par le fait que les documents incorporés sont normalement établis par un organisme extérieur à l’autorité réglementaire et sont produits pour des raisons indépendantes de leur incorporation. Une jurisprudence abondante démontre que l’incorporation par renvoi dynamique de tels documents ne constitue pas une subdélégation de pouvoirs législatifs.

Décisions judiciaires ayant trait à l’interdélégation

Comme il est mentionné dans le rapport, la position du gouvernement repose essentiellement sur des décisions judiciaires ayant trait à l’interdélégation de pouvoirs législatifs entre le Parlement et les législatures des provinces, dont Coughlin v. Ontario Highway Transport Board, [1968] R.C.S. 569, Attorney General of Ontario v. Scott, [1956] R.C.S. 137, Regina v. Glibbery (1962), 36 D.L.R. (2d) 548 et Re Meherally et al. c. Ministre du Revenu national (1987), 37 D.L.R. (4th) 609.

Dans son rapport, le Comité met en doute la pertinence de cette jurisprudence étant donné les différences fondamentales entre les contextes du droit constitutionnel et du droit administratif, soulignant que dans ce dernier cas, nous avons affaire à la subdélégation, et non à l’interdélégation. Le gouvernement reconnaît qu’il existe de telles différences. Toutefois, on peut trouver un dénominateur commun à ces deux contextes en ce sens que la subdélégation – question de droit administratif – est un type particulier de délégation. En d’autres mots, il s’agit dans les deux cas de  « délégation ». Pour qu’il y ait délégation, qu’il s’agisse d’une délégation originelle ou d’une subdélégation, il faut que le titulaire d’un pouvoir délègue tout ou partie de ce pouvoir à une autre personne ou à un autre organisme.

Cela ressort clairement des décisions susmentionnées, qui ont reconnu que l’incorporation par renvoi dynamique de dispositions législatives d’un ordre de gouvernement par un autre ne constitue pas une délégation de pouvoirs. Une telle incorporation n’avait pas pour effet de modifier le partage des pouvoirs législatifs prévu par la Constitution. Les dispositions législatives ayant fait l’objet d’une incorporation ont été adoptées en vertu d’un pouvoir législatif indépendant et ne dépendaient pas d’une attribution de pouvoir fédéral. L’incorporation n’avait pas pour effet de conférer un pouvoir fédéral à la législature provinciale.

Comme l’a écrit Elmer A. Driedger :

En cas d’adoption de dispositions législatives par renvoi, chaque assemblée législative agit de manière indépendante dans l’exercice des compétences législatives qui sont les siennes. En cas de délégation, le pouvoir d’édicter des dispositions devant faire l’objet d’une incorporation procède des compétences de l’autre assemblée législative et n’a aucune existence indépendante. (The Composition of Legislation, Ottawa, Gouvernement du Canada, 1976, p. 126)

Ce principe est repris dans l’arrêt Attorney General of Ontario v. Scott, dans lequel le juge Rand écrit ce qui suit (à la page 142) :

L’action de chaque assemblée législative est tout à fait distincte et indépendante de celle de l’autre, relation incompatible avec la notion de délégation; il est également clair qu’il s’agit effectivement d’une adoption.

Pour les mêmes motifs, l’incorporation par renvoi de documents produits indépendamment de l’autorité réglementaire ne constitue pas une subdélégation du pouvoir de cette autorité. Il y a délégation de pouvoir uniquement lorsqu’un organisme qui détient un pouvoir délègue tout ou partie de ce pouvoir à un autre organisme (un délégué). Une incorporation par renvoi dynamique de documents produits indépendamment n’a pas pour effet de conférer des pouvoirs additionnels à l’auteur du document, qu’il s’agisse d’une assemblée législative provinciale ou d’un autre organisme.

Le gouvernement soutient tout particulièrement que le document externe doit être produit en vertu d’un pouvoir indépendant. Il doit être produit à ses propres fins et non simplement dans le but d’être incorporé. Les décisions judiciaires sur l’interdélégation reconnaissent que si les dispositions législatives faisant l’objet d’une incorporation sont adoptées en vertu d’un pouvoir indépendant des pouvoirs exercés dans l’élaboration des dispositions législatives qui les incorporent, il n’y a pas dans les faits de délégation du pouvoir législatif.

De la même façon, lorsqu’une autorité réglementaire incorpore par renvoi un document qu’un autre organisme a adopté en vertu de ses propres pouvoirs, l’autorité réglementaire qui procède à l’incorporation ne confère aucun pouvoir à l’autre organisme. Cette situation tient au fait que l’adoption du document n’a aucun lien avec les mesures prises par l’autorité qui procède à l’incorporation, étant donné que le document a été produit à des fins autres que celles visées par l’autorité qui procède à l’incorporation. L’autre organisme peut modifier le document en vertu de ses propres pouvoirs, qui sont entièrement indépendants du régime législatif de l’autorité qui procède à l’incorporation.

Le gouvernement reconnaît que l’incorporation par renvoi dynamique entraîne la modification du règlement lorsque le document externe est modifié; en fait, c’est pour cette raison que l’on a recours à cette technique. Cependant, cela ne constitue pas une délégation (ou une subdélégation) de pouvoir. Lorsqu’une autorité réglementaire incorpore un document externe, elle ne confère pas par le fait même un nouveau pouvoir à l’auteur du document incorporé. Les pouvoirs de celui-ci, qui n’ont aucun lien avec ceux de l’autorité réglementaire, demeurent les mêmes.

Dans son rapport, le Comité cite le professeur Côté (Interprétation des lois, 2e édition) à l’appui de sa position selon laquelle « on devrait présumer que les renvois […] faits à un texte relevant d’une autre autorité sont statiques » (par. 35). Toutefois, dans sa troisième édition, le professeur Côté, formulant des commentaires précisément sur l’incorporation par renvoi dans les règlements, écrit ce qui suit :

Puisque la Cour suprême a statué à quelques reprises que le renvoi ouvert n’impliquait pas, à proprement parler, une délégation de pouvoirs, la jurisprudence qui voit dans un renvoi ouvert prévu dans un règlement une violation de la maxime delegatus non potest delegare apparaît discutable. (p. 98)

Autres décisions judiciaires

En examinant de près la jurisprudence, on peut constater que le raisonnement suivi dans les décisions ayant trait à l’interdélégation a également été appliqué dans des affaires portant sur l’incorporation par renvoi de documents non législatifs, comme dans les cas suivants :

  • des règles comptables établies par une association professionnelle de comptables (Denison Mines Ltd. v. Ontario Securities Commission, (1981), 32 O.R. (2d) 469 (Cour divisionnaire)
  • des statistiques sur l’emploi établies par un autre organisme public autorisé à le faire (Calder c. Canada, [1980] 1 C.F. 842 (C.A.)
  • des règles établies par une association de courses de chevaux (Kingston v. Ontario Racing Commission, [1965] 2 O.R. 10 (C.A.)

Ces décisions sont pertinentes du fait qu’elles ont trait à l’incorporation par renvoi dans des règlements de documents non législatifs produits indépendamment et elles démontrent qu’il ne s’agit pas d’une délégation de pouvoir. Par exemple, dans l’affaire Kingston, le juge Stewart mentionne ce qui suit :

Je ne considère pas que l’adoption, par la Commission des courses de l’Ontario, des règles de la Canadian Trotting Association, est une délégation du pouvoir de celle-ci. Le simple fait d’incorporer, dans ses propres règles, les règles d’une autre organisation ne constitue aucunement une délégation du pouvoir d’édicter de telles règles.

De même, dans l’arrêt Calder, le juge LeDain signale ce qui suit :

Cette tâche, qui relève de la statistique, elle l’a laissée à Statistique Canada et, en ce faisant, je suis d’avis qu’elle n’a pas délégué son pouvoir réglementaire ni converti ce dernier en un pouvoir discrétionnaire de décision, ce qui aurait été contraire aux principes reconnus dans les causes précitées, mais qu’elle a plutôt adopté pour ses propres fins administratives l’information statistique fournie par une autre institution. Comme je l’ai dit, elle était justifiée de le faire, non seulement par les termes de la Loi sur la statistique, mais par les termes de l’alinéa 2(1)s) de la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage. Autrement dit, dans la mesure où il était de l’intention du Parlement de faire dépendre des taux de chômage certains droits des prestataires, il a indiqué que les taux de chômage déterminés par Statistique Canada pouvaient servir à cet égard. La détermination de ces taux ne relève ni du pouvoir réglementaire ni du pouvoir de statuer au titre de la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage, de sorte qu’on ne peut dire qu’elle implique, lorsqu’elle est effectuée par Statistique Canada, une délégation nulle de l’un ou l’autre pouvoir.

Il ressort clairement des affaires Kingston et Calder que l’incorporation par renvoi de documents produits indépendamment ne constitue pas une subdélégation d’un pouvoir de réglementation. Dans l’affaire Kingston, la Trotting Association était indépendante sur le plan institutionnel de la Commission des courses, tandis que dans l’affaire Calder, il y avait indépendance en raison de pouvoirs habilitants législatifs distincts, bien que le document faisant l’objet du renvoi ait été produit par une branche du gouvernement du Canada et incorporé par une autre.

Le Comité soutient que la décision rendue dans l’affaire Kingston est un exemple d’incorporation par renvoi statique en raison de l’absence de l’expression « avec ses modifications successives » dans la disposition en cause. Compte tenu de la nature et de l’objectif du renvoi, il semble évident qu’il s’agit en l’espèce d’un renvoi dynamique. La même constatation s’impose dans l’affaire Denison Mines (décision non abordée dans le rapport), où la cour a été déclaré valide un règlement sur les valeurs mobilières qui incorporait par renvoi des normes comptables établies par une association professionnelle de comptables. Il est très peu probable que le législateur ait voulu imposer aux vérificateurs l’obligation de suivre des normes qui deviendraient éventuellement désuètes en raison de modifications apportées par l’association même qui régit ces personnes. La cour dans Denison Mines a conclu qu’une telle incorporation ne constituait pas une subdélégation de pouvoir.

Accessibilité

Le Comité signale que le recours à l’incorporation par renvoi peut donner lieu à des préoccupations ayant trait à l’accessibilité de la loi. Selon lui, ces préoccupations sont accrues lorsque le document est incorporé « avec ses modifications successives ». Le gouvernement reconnaît que tous les documents incorporés doivent demeurer accessibles, comme la primauté du droit exige que la loi soit accessible. Dans tous les cas où l’incorporation par renvoi est utilisée, le gouvernement a pour politique de rappeler aux ministères qu’ils doivent assurer l’accessibilité des documents incorporés, non seulement au moment où le document est incorporé mais également tant que le règlement demeure en vigueur. Toutefois, le gouvernement est en désaccord avec l’idée que l’accessibilité est nécessairement compromise par le recours à l’incorporation par renvoi dynamique. Dans tous les cas, que l’incorporation soit statique ou dynamique, les documents incorporés doivent demeurer accessibles.

Réponses législatives

Le gouvernement considère que sa position juridique sur la question de l’incorporation par renvoi dynamique dans les règlements est solide, mais reconnaît qu’il existe un débat sur cette question, comme le montrent les positions divergentes du gouvernement et du Comité.

C’est dans ce contexte, dont une composante importante a été la position que soutient depuis longtemps le Comité et qui est bien connue, qu’un nombre croissant de lois fédérales font expressément mention d’un pouvoir d’incorporer des documents par renvoi. Dans de nombreux cas, ces dispositions ont été ajoutées par excès de prudence ou pour plus de certitude et souvent pour prévenir les critiques de la part du Comité, ou pour réagir à de telles critiques.

Le gouvernement a tenté au milieu des années 90 de légiférer dans ce domaine en déposant un projet de loi intitulé Loi sur les règlements, qui a été présenté deux fois à la Chambre des communes, mais n’a jamais été adopté. Un certain nombre de dispositions de ce projet de loi avaient trait à l’incorporation par renvoi dynamique. Depuis, des dispositions semblables se sont retrouvées dans bon nombre de lois particulières. De telles dispositions seront encore plus nombreuses étant donné que le gouvernement a de plus en plus recours à la technique de l’incorporation par renvoi, particulièrement dans le contexte de la coopération intergouvernementale au Canada et à l’étranger, et en raison du souhait du gouvernement de garantir la rapidité d’action, la cohérence des politiques et un minimum de chevauchement des efforts, comme le mentionne la Directive du Cabinet sur la rationalisation de la réglementation. Étant donné le recours accru des gouvernements modernes à la technique de l’incorporation par renvoi, le gouvernement se penchera sur la possibilité de présenter une mesure législative d’application générale dans le but d’assurer une plus grande certitude.

Conclusions

Le gouvernement est conscient des préoccupations du Comité au sujet de l’incorporation par renvoi dans les règlements et voit d’un bon œil la possibilité qu’offre ce rapport d’examiner plus à fond le recours à cette importante technique de réglementation. Bien que le gouvernement réfute l’affirmation que l’on trouve dans le rapport du Comité selon laquelle l’incorporation par renvoi dynamique comporte obligatoirement une subdélégation de pouvoirs législatifs, il reconnaît que le recours à l’incorporation par renvoi pourrait bénéficier de clarifications dans la loi. Le gouvernement présente respectueusement le présent document en tant que réponse.