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SJQS Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SPECIAL JOINT COMMITTEE TO AMEND SECTION 93 OF THE CONSTITUTION ACT, 1867 CONCERNING THE QUEBEC SCHOOL SYSTEM

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL POUR MODIFIER L'ARTICLE 93 DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867 CONCERNANT LE SYSTÈME SCOLAIRE AU QUÉBEC

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 4 novembre 1997

• 0900

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.)): Nous reprenons les audiences du Comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec, conformément aux ordres de renvoi de la Chambre et du Sénat.

Ce matin, nous avons le plaisir de recevoir l'honorable Stéphane Dion, président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales.

C'est notre dernière séance avant de nous réunir pour rédiger le rapport. Je pense qu'il est important que M. le ministre puisse répondre à vos questions.

Monsieur le ministre, à vous la parole.

L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Permettez-moi d'abord de vous présenter les deux hauts fonctionnaires qui m'accompagnent: M. Yves de Montigny, directeur aux Affaires constitutionnelles et aux Affaires intergouvernementales au Bureau du Conseil privé, et M. Louis Reynolds, avocat général au ministère de la Justice.

Madame la présidente, monsieur le président, députés et sénateurs membres du comité, permettez que je souligne d'emblée l'importance des audiences que vous complétez aujourd'hui et du rapport que vous aurez à rédiger durant les prochains jours.

Bien sûr, durant les 30 dernières années, on a beaucoup discuté au Québec de l'implantation de commissions scolaires linguistiques, mais l'emprunt de la voie constitutionnelle pour y parvenir n'avait pas fait l'objet d'une commission parlementaire comme telle.

Or, il est plus exigeant et plus compliqué de changer la Constitution que de changer la loi. Qu'il en soit ainsi est normal par définition, car la Constitution est la loi la plus fondamentale du pays. De même, c'est une chose que de tenir une commission parlementaire sur une modification législative et c'en est une autre que d'en tenir une sur une modification constitutionnelle. Un débat prend une dimension plus large aussitôt qu'il est haussé au niveau constitutionnel.

Si l'opposition officielle à l'Assemblée nationale avait obtenu du gouvernement du Québec la tenue d'une commission parlementaire portant uniquement sur la modification de l'article 93, comme elle l'a demandé en vain, les travaux de votre propre comité auraient été facilités. Une telle initiative provinciale aurait été dans la nature des choses, car l'éducation est de compétence provinciale exclusive et la ministre de l'Éducation, Mme Pauline Marois, a sur cette question des pouvoirs que je n'ai pas.

Cependant, Mme Marois et son collègue M. Jacques Brassard, ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, sont venus vous livrer un témoignage substantiel. La coopération qu'ils vous ont accordée à cette occasion a été très appréciée du gouvernement du Canada.

Dans les circonstances, votre comité a joué un rôle essentiel. Vous avez entendu de nombreux groupes et citoyens. Vous avez pu constater que l'appui quasi unanime pour la mise en place de commissions scolaires linguistiques plutôt que confessionnelles au Québec n'excluait pas certaines réticences et craintes à l'idée que cela se fasse par la modification de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Le consensus existe en faveur de cette modification constitutionnelle, mais les réticences existent aussi. Il est bon que le législateur et l'ensemble de la société québécoise en soient pleinement conscients pour mieux gérer l'après 93.

Grâce à vos travaux, des aspects de la question qui, auparavant, avaient été plus ou moins escamotés ou noyés dans d'autres considérations ont été mis en évidence par votre comité. Ainsi en est-il de l'incompatibilité que la modification de l'article 93 pourrait créer entre, d'une part, les chartes québécoise et canadienne des droits et libertés et, d'autre part, le maintien d'un statut privilégié pour l'école et les confessions catholique et protestante. Voilà un aspect de la question qui n'avait pas été suffisamment porté à l'attention du public et que vos audiences ont permis d'examiner à fond. J'y reviendrai plus loin.

[Traduction]

Dès les premières séances, ceux qui s'opposaient à la modification constitutionnelle se sont présentés pour vous exposer leurs vues. Ils l'ont fait avec clarté et conviction et vous les avez écoutés avec attention et respect. Par la suite, après avoir entendu un plus grand nombre de citoyens, de groupes et d'experts, vous avez été nombreux à conclure publiquement à l'existence du consensus québécois en faveur de la modification constitutionnelle demandée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. J'aimerais discuter avec vous des raisons qui expliquent ce consensus. Je vais le faire en partageant avec vous les réflexions que m'inspire le bilan des témoignages que vous avez entendus durant les deux dernières semaines.

• 0905

Voyons ensemble l'essentiel de ce qui a été dit sur les trois articles de la Constitution qui ont été soumis à votre examen: d'abord, l'article 43, lequel précise la formule de modification qui s'applique en l'occurrence; deuxièmement, l'article 93, qui est l'article clé puisqu'il traite des confessions religieuses et de la question scolaire; et troisièmement, l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui établit les droits linguistiques en matière de gestion scolaire.

[Français]

Le premier point sur l'article 43 porte sur la modification bilatérale. L'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 établit hors de tout doute que c'est bien une modification bilatérale que nous devons étudier aujourd'hui, c'est-à-dire une modification qui doit recueillir l'assentiment de la législature de la province concernée ainsi que du Parlement canadien. Tel est l'avis catégorique du ministère de la Justice, avis dont je vous ai fait part lors de ma première comparution. Les juristes que vous avez invités, les professeurs Daniel Proulx et Patrick Monahan, ont affirmé sans équivoque qu'il s'agissait de la formule de modification appropriée.

Donc, la modification est d'ordre bilatéral. Elle ne crée aucun précédent juridique pour les autres provinces. Seule l'assemblée législative de la province concernée et les deux chambres du Parlement canadien ont l'autorité d'approuver la modification constitutionnelle envisagée, qui n'aura d'effet juridique que pour cette province. Il m'importe de souligner que les deux instances, tant l'assemblée législative provinciale que les deux chambres du Parlement canadien, ont cette responsabilité constitutionnelle. Le Parlement ne saurait être la simple chambre d'enregistrement de la législature provinciale. Le Parlement doit procéder à son propre examen des faits, si nécessaire au moyen d'une commission parlementaire. Tel le veut l'esprit du fédéralisme, qui évite de concentrer au sein d'une seule enceinte parlementaire la responsabilité des questions qui touchent de près les droits des citoyens. Deux parlements risquent moins de se tromper qu'un seul.

Au niveau fédéral, il appartient à la Chambre des communes et au Sénat de considérer le bien-fondé de chaque modification bilatérale compte tenu du contexte propre de la province concernée. Il est également de leur ressort de vérifier l'existence d'un consensus au sein de la population de la province, incluant un appui raisonnable chez les minorités touchées.

Maintenant, nous arrivons au coeur de la question: l'article 93 et les objectifs de la modification qui est soumise à votre attention. Il y a deux choses qui ressortent bien de vos travaux et qu'on connaissait déjà, mais que vous avez encore clarifiées davantage. La première est que cet aménagement constitutionnel ne correspond plus à la réalité québécoise. L'article 93 tel que conçu en 1867 ne correspond plus à la réalité québécoise. La deuxième considération qui ressort très clairement de vos travaux, c'est que l'article 93 a vu sa portée de plus en plus limitée par la jurisprudence.

De toute façon, il a peu de signification juridique et, en plus, il n'est plus adapté à la société québécoise. Donc, il ne correspond plus à la société québécoise d'aujourd'hui. Plusieurs groupes n'ont pas manqué de souligner que les garanties confessionnelles conférées par l'article 93 ne sont pas des droits fondamentaux, et que les droits, les privilèges et les pouvoirs qu'elles confèrent ne bénéficient pas aux autres confessions religieuses, non plus qu'aux catholiques et aux protestants du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Dans une société pluraliste et ouverte sur le monde, il n'est pas déraisonnable de vouloir faire sauter le verrou d'une disposition constitutionnelle dont la majorité n'a plus besoin pour faire respecter ses droits et qui ne correspond plus aux véritables attentes des minorités, comme vous l'ont d'ailleurs dit les représentants du Rassemblement arabe à Montréal, ceux du Quebec Board of Black Educators et ceux du Congrès juif.

Vous vous êtes également fait dire qu'au fil de la pratique et des jugements rendus par la Cour suprême du pays, les droits garantis par l'article 93 ont été réduits à une peau de chagrin. La liste de ce que l'article 93 ne peut pas faire, qui a été faite devant vous par différents intervenants, est assez longue. Je vous en dirai les lignes les plus essentielles.

• 0910

D'abord, depuis un jugement de 1989, il est clair que le plus haut tribunal a fait établir que le gouvernement du Québec pouvait virtuellement déterminer tous les aspects du curriculum qui ne sont pas directement liés à l'enseignement moral ou religieux, tant dans les écoles dissidentes que dans les écoles relevant des commissions scolaires catholiques et protestantes de Montréal et de Québec.

De plus, depuis un jugement de 1993, il est clair que l'interprétation un peu généreuse qu'avait donnée le Conseil privé en 1926 ne tient plus. Le droit aux commissions scolaires est limité aux villes de Montréal et de Québec, et non pas à l'île de Montréal et à la région de Québec. Ce sont la ville de Montréal et la ville de Québec.

De plus, l'admission aux écoles confessionnelles peut être réduite aux seuls protestants et aux seuls catholiques de par l'interprétation qu'en a fait la cour en 1993. Il est très clair qu'aucune autre confession religieuse n'a de droits en fonction de l'article 93.

Enfin, prenons le témoignage d'Allan Hilton que vous avez entendu hier et qui fait écho au témoignage de Me Colin Irving, qui avait comparu avant lui. Regardons la liste.

[Traduction]

Il n'est plus possible d'exercer le moindre contrôle sur le programme d'études. On ne peut plus parler ni de gestion ni de contrôle au niveau local. Il en va de même pour le financement. Ainsi nous parlons de droits qui existaient il y a un siècle mais qui n'existent plus. L'Association provinciale des enseignantes et enseignants protestants du Québec est d'ailleurs arrivée à la même conclusion.

Quant aux professeurs Smith et Foster, ils écrivent dans leur mémoire:

    Le droit à la dissidence n'englobe pas le droit d'augmenter les impôts sans les restrictions d'un référendum, le droit de choisir la langue d'instruction, le droit de contrôler son programme d'études, ou le droit de gérer et de contrôler l'éducation.

Rien de tout cela s'applique en vertu de l'article 93, selon son interprétation par les tribunaux.

[Français]

Étant donné que les garanties accordées aux catholiques et aux protestants ne correspondent plus au Québec d'aujourd'hui et que de toute façon leur portée a été réduite par la jurisprudence, il n'est pas surprenant que de telles garanties fassent l'objet d'une remise en question aujourd'hui.

Tous les groupes et individus que vous avez entendus ont exprimé leur accord sur la mise en place d'une structure scolaire organisée sur une base linguistique. Toutefois, certains intervenants ont mis en doute la nécessité de modifier la Constitution pour effectuer ce changement désiré. Ils croient possible la coexistence de commissions scolaires linguistiques et de commissions scolaires confessionnelles. C'est ce que sont venus soutenir, par exemple, l'Association québécoise des commissions scolaires, le Conseil catholique d'expression anglaise, la Coalition pour la confessionnalité scolaire et l'Association des communautés scolaires franco-protestantes.

Une telle superposition des structures confessionnelles et linguistiques comporterait cependant d'énormes difficultés pratiques. En effet, il en résulterait la superposition de six réseaux scolaires à Montréal et à Québec, ainsi que la multiplication d'écoles en région, avec le fractionnement des ressources que cela suppose. Lors de son témoignage devant vous, la ministre de l'Éducation du Québec, Mme Pauline Marois, a longuement fait état des nombreux obstacles auxquels se sont heurtés les gouvernements québécois successifs avant de se résoudre à emprunter la voie d'une modification constitutionnelle.

La Fédération des commissions scolaires du Québec écrivait dans son mémoire:

    La superposition de structures linguistiques et confessionnelles rendrait extrêmement complexes et lourdes les activités annuelles relatives à l'admission des élèves, à l'affectation du personnel, à la répartition des ressources, à l'établissement des listes électorales et au partage de l'assiette fiscale.

S'il fallait élargir la portée de l'article 93 de façon à ce que toutes les confessions religieuses puissent se réclamer des garanties qu'offre cette disposition, comme l'ont suggéré d'autres groupes, il s'ensuivrait des difficultés encore plus insurmontables. Non seulement se trouverait-on à créer un fractionnement scolaire à fondement religieux, avec tous les risques que cela comporte, mais on diluerait encore davantage des ressources matérielles et physiques au détriment même des enfants.

En tout état de cause, la modification constitutionnelle que l'on nous demande d'adopter ne remet pas en question l'enseignement de la religion à l'école, mais uniquement le caractère confessionnel des structures scolaires. Nous savions déjà, à la seule lecture de la législation québécoise, que les parents, et donc leurs enfants, conserveront le droit de choisir entre un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions.

Or, la ministre de l'Éducation, Mme Marois, a confirmé lors de son témoignage devant votre comité que la situation actuelle en matière de religion dans les écoles sera maintenue dans l'immédiat et qu'un débat démocratique sur cette question aura lieu lorsque le groupe de travail qu'elle a récemment mis sur pied aura remis son rapport, à l'automne 1998.

• 0915

Dans la mesure où la place de la religion à l'école fera l'objet d'une discussion franche et ouverte, comme le gouvernement du Québec s'y est engagé, la majorité catholique pourra se faire valoir sans l'appui d'une garantie constitutionnelle. Mme Marois a par ailleurs réitéré son attachement aux valeurs que véhicule l'article 41 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, qui consacre le droit pour les parents d'exiger un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions dans les établissements d'enseignement public au Québec.

C'est sans doute pour toutes ces raisons que les évêques ne s'objectent pas à la modification constitutionnelle projetée, comme le confirmait encore tout récemment Mgr Pierre Morissette dans une lettre qu'il m'adressait et dont je vous ai transmis une copie lors de ma première comparution.

[Traduction]

J'ai d'ailleurs un autre document à vous remettre. Le représentant de l'Église anglicane de Montréal est du même avis. Dans une lettre qu'il m'a envoyée hier, dont je dépose une copie ce matin, l'évêque Andrew Hutchinson dit ce qui suit:

    Le Diocèse de Montréal de l'Église anglicane du Canada estime que c'est dans l'intérêt de la société québécoise de passer à une structure non confessionnelle pour le système scolaire de la province. Les modifications que le gouvernement du Québec propose d'apporter à l'article 93, qui élimineraient pour le gouvernement de la province l'obligation de maintenir des commissions scolaires confessionnelles, nous semblent raisonnables et cadrent, selon nous, avec la position traditionnellement défendue par l'Église anglicane.

[Français]

Certains témoignages ont fait allusion à l'éventualité d'un conflit possible, dont j'ai parlé dès mon introduction, entre les chartes et l'enseignement de la religion à l'école dans l'hypothèse où l'on modifierait l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Sans vouloir minimiser l'importance de ce problème et en le replaçant dans sa juste perspective, mentionnons d'abord que les Lois 107 et 109 sont présumées valides jusqu'à preuve du contraire, et que c'est sur ceux qui allèguent leur caractère inconstitutionnel que repose le fardeau de la preuve. Il faudrait donc dans un premier temps qu'un tribunal déclare ces deux lois contraires à la liberté de religion ou au droit à l'égalité, et qu'il en vienne de surcroît à la conclusion qu'elles ne constituent pas des limites raisonnables dans le cadre d'une société libre et démocratique, pour que se pose le problème de l'invalidité de ces lois au regard de la Constitution. À cet égard, il est permis de croire que l'article 41 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, qui a selon la Cour suprême une portée quasi constitutionnelle, puisse constituer une solution acceptable et être considéré comme une limite raisonnable par la Cour suprême.

Comme l'a fait remarquer avec beaucoup d'à-propos le critique libéral en matière constitutionnelle, M. Jean-Marc Fournier, il est de pratique courante pour la Cour suprême d'indiquer les aménagements susceptibles de répondre aux exigences de la raisonnabilité en pareilles circonstances. La Cour suprême peut proposer des modifications qui n'ont pas pour objet de dénaturer les objectifs poursuivis par le législateur, comme en font foi les suggestions qu'elle a faites lorsqu'elle a conclu que les dispositions prescrivant l'affichage unilingue n'étaient pas conformes aux chartes canadienne et québécoise lors du jugement de 1988. Ces prescriptions sont devenues la loi au Québec, bien qu'un peu tard. Si elles étaient devenues la loi un peu plus tôt, peut-être aurions-nous sauvé l'accord du lac Meech, mais c'est un autre débat. Mais c'est devenu la loi au Québec et c'est la Cour suprême qui avait indiqué la voie à suivre.

Plus récemment encore, la Cour suprême a emprunté la même démarche lorsqu'elle jugé inconstitutionnelles certaines dispositions de la Loi sur les consultations populaires lors du jugement dont vous vous souvenez et qui a été rendu le 9 octobre 1997. Alors, il est possible que la Cour suprême suggère de tels aménagements si jamais le problème lui est soumis.

Compte tenu du souci manifesté par la Cour suprême lorsqu'il s'agit d'arbitrer entre les intérêts de différents groupes de la collectivité, et considérant la variété des solutions retenues par les différentes législatures provinciales à ce chapitre, il est loin d'être certain qu'une clause dérogatoire soit nécessaire pour permettre l'enseignement de la religion à l'école. La position défendue par le professeur Monahan et Me Colin Irving nous apparaît beaucoup trop catégorique sur ce plan.

• 0920

En tout état de cause, il convient de rappeler que la Loi sur l'instruction publique du Québec est actuellement soustraite à l'application des chartes canadienne et québécoise par une clause dérogatoire. Cette clause, insérée en 1988 par le ministre de l'Éducation de l'époque, M. Claude Ryan, a été reconduite en 1994. C'est évidemment avec beaucoup de satisfaction que j'ai accueilli la déclaration de mon homologue, le ministre Jacques Brassard, comme quoi il fallait «recourir à la clause dérogatoire de façon ultime» et «avec beaucoup de prudence et de doigté». C'est tout à fait vrai. La clause dérogatoire se trouve à l'article 33 de la Loi constitutionnelle de 1982. Ce recours peut donc être légitime en certaines circonstances, dans la mesure où le gouvernement l'envisage comme dernier recours.

Dans le cas qui nous occupe, il serait sans doute prématuré pour le gouvernement du Québec de s'engager à maintenir la clause dérogatoire à son échéance. Le débat reste à faire, et il se peut bien que d'autres solutions puissent être trouvées. Dans l'hypothèse même où l'on déciderait de réadopter la clause dérogatoire contenue dans la Loi sur l'instruction publique, il faudrait sans doute y voir un cas d'espèce, d'abord parce qu'un tel recours à la clause dérogatoire trouverait sa justification dans la modification même de l'article 93, que d'aucuns ont qualifié de «clause dérogatoire permanente» en ce qu'il a permis de déroger à la Charte canadienne en faveur de deux groupes de façon permanente, mais aussi parce que la clause dérogatoire qu'autorise l'article 33 de la Loi constitutionnelle de 1982 n'aurait de toute façon pour objet que de reconduire temporairement un aménagement des droits que la Constitution elle-même prévoyait et qui ferait présumément toujours l'objet d'un vaste consensus dans la société québécoise.

[Traduction]

Parlons maintenant de l'article 23, qui concerne les droits linguistiques en matière scolaire. Le réseau scolaire ne sera plus organisé sur une base confessionnelle si nous acceptons cette modification. Il le sera plutôt sur une base linguistique.

Même si l'article 93 n'offrait aucune protection linguistique à la minorité anglophone du Québec, il faut bien reconnaître que l'étroite corrélation entre la langue et la religion a permis par le passé à cette minorité de contrôler ses propres établissements scolaires. Voilà sans doute pourquoi certains groupes anglophones se sont sentis menacés par la réforme envisagée et ont voulu venir vous exprimer leurs préoccupations.

Je vous ai indiqué, au moment de me présenter devant le comité pour la première fois que le contrôle majoritaire qu'exercent les Anglophones sur les commissions scolaires protestantes était menacé. La communauté anglophone a tout intérêt à se regrouper pour mieux freiner cette tendance. Ce point de vue a d'ailleurs été repris par plusieurs groupes anglophones, dont l'Association des enseignants protestants, la Provincial Association of Catholic Teachers, et le Quebec Board of Black Educators.

[Français]

Si la minorité anglophone du Québec peut souscrire en toute confiance à la modification de l'article 93, c'est parce que ses droits se trouvent mieux protégés depuis l'entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1982 et plus particulièrement de son article 23. Contrairement à l'article 93, l'article 23 de la Charte n'a rien d'une peau de chagrin. Cette dernière disposition garantit à la minorité le droit de gérer et de contrôler ses écoles. Plusieurs groupes et experts vous l'ont confirmé à l'occasion de leurs témoignages. Dans son mémoire, le professeur Daniel Proulx a fait état de «l'interprétation large, libérale et très vigoureuse» que la Cour suprême a donnée de l'article 23 dans sa jurisprudence, notamment dans le célèbre arrêt Mahé c. Alberta en 1990. L'Association provinciale des enseignantes et enseignants protestants du Québec en est venue à la même conclusion. Faisant référence aux contestations judiciaires qu'ont menées avec succès les minorités francophones un peu partout au pays, à qui il faut bien donner un coup de chapeau, cette association constatait dans son mémoire:

[Traduction]

    Le succès de leurs luttes, de même que les différentes décisions judiciaires, nous ont démontré que ces protections sont à la fois réelle et utiles, comparativement à l'article 93, qui s'est révélé une coquille vide.

[Français]

En réalité, les lois scolaires québécoises vont au-delà des prescriptions de l'article 23 en aménageant le réseau scolaire de façon à ce que la communauté anglophone ait accès à un enseignement dans sa langue partout au Québec et non seulement «là où le nombre le justifie». De fait, la minorité anglophone du Québec contrôle des institutions d'enseignement de la maternelle jusqu'à l'université.

• 0925

[Traduction]

Les droits de la communauté anglophone du Québec ont été explicitement réaffirmés dans le préambule de la résolution adoptée par l'Assemblée nationale autorisant la modification de l'article 93, à la demande expresse de l'opposition officielle. Cet attendu, nous l'avons nous-mêmes repris dans la motion de résolution que j'ai déposée à la Chambre des communes au nom du gouvernement du Canada.

Bien sûr, certains voudraient profiter de ce débat pour réclamer l'application intégrale de l'article 23 au Québec. Mais il s'agit là d'une toute autre question. L'article 59 de la Loi constitutionnelle de 1982 laisse le soin au gouvernement ou à l'Assemblée nationale du Québec de décider à quel moment l'accès à l'école anglaise sera élargi en fonction du critère mentionné à l'alinéa 23(1)a). Si le constituant a jugé bon d'opérer cette distinction au moment du rapatriement, c'est en reconnaissance du fait que la force d'attraction du français n'est pas la même que la force d'attraction de l'anglais en Amérique du Nord.

Certes, il est de bonne guerre pour une minorité de vouloir accroître ses droits. Le gouvernement du Canada est cependant d'avis qu'il n'agirait pas de façon responsable et dans l'intérêt de la minorité anglophone du Québec en bloquant cette modification constitutionnelle. La restructuration du système scolaire québécois sur une base linguistique permettra à la communauté anglophone de consolider ses effectifs et d'exercer pleinement les droits dont elle est déjà titulaire, même si elle n'obtient pas pleinement satisfaction eu égard à l'ensemble de ses revendications.

Au moment de témoigner devant le comité, l'Association provinciale des enseignantes et enseignants protestants du Québec, la Provincial Association of Catholic Teachers of Quebec, le Quebec Board of Black Educators et Forum Action Québec vous expliquaient que l'application intégrale de l'article 23 est pour eux un autre objectif, qui ne doit cependant pas retarder l'adoption de la modification constitutionnelle soumise à votre examen.

Ce point de vue a été bien résumé par les professeurs Foster et Smith, et je les cite:

    Bien que nous favorisions l'application de l'alinéa 23(1)a) au Québec, nous estimons qu'il ne s'agit pas là d'une raison suffisante de retarder l'adoption de la modification constitutionnelle.

[Français]

En conclusion, votre comité mixte a permis un débat de haut niveau. C'est l'habitude de la Chambre des communes. Tout le monde est maintenant mieux à même de comprendre la façon dont les questions confessionnelles, scolaires et linguistiques se conjuguent au Québec. L'article 93, tel que conçu en 1867, ne convient plus à la société pluraliste qu'est devenu le Québec, et sa portée a d'ailleurs été considérablement réduite par la jurisprudence. La Loi constitutionnelle de 1982, par contre, en permettant la modification de l'article 93 sur une base bilatérale grâce à son article 43 et en garantissant les droits linguistiques de la minorité anglophone en son article 23, ouvre la porte à une modernisation du système scolaire pour le meilleur intérêt des enfants québécois.

Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur le ministre, pour votre présentation.

J'aimerais faire un petit rappel aux membres du comité. Je pense que la plupart d'entre vous ont déjà manifesté leur intention de poser une question au ministre. Si c'est possible, j'aimerais qu'on tente de se limiter à deux minutes, ce dont on avait parlé au début des audiences.

La première question sera posée par Peter Goldring.

[Traduction]

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais tout d'abord vous remercier pour votre exposé, monsieur Dion.

Monsieur Dion, la Fédération québécoise des Associations Foyers-Écoles a déclaré qu'il n'a jamais de consensus, parmi les parents qu'elle représente, concernant la nécessité de modifier l'article 93, conformément à la position qui nous est soumise. J'ai d'ailleurs des documents à déposer à titre de preuves, si vous me le permettez.

Me permettez-vous de déposer ces documents à titre de preuves de cette affirmation, monsieur le président?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Oui.

M. Peter Goldring: On demande, dans ces documents, que le gouvernement du Québec maintienne les écoles et commissions scolaires catholiques, sous leur forme actuelle; indique que la Fédération favorise le maintien des écoles confessionnelles; et établisse qu'il n'existe aucun consensus parmi les personnes les plus touchées par cette modification, à savoir les parents.

• 0930

Je désire donc déposer dès maintenant ces documents, et j'en remercie Jocelyne St-Cyr. Ces documents comportent 100 000 signatures attestées et 135 000 autres signatures apposées sur des affidavits; voilà donc 235 000 personnes qui sont contre l'abolition des paragraphes 93(1) à 93(4).

Monsieur Dion, selon la politique du Parti réformiste, 3 p. 100 de la population est en droit d'exiger un référendum. Ces documents indiquent que 4 p. 100 de la population de la province est contre cette demande. Ne s'agit-il pas là d'une preuve que ce consensus dont on parle demeure pour le moment hypothétique? Existe-t-il une pétition portant autant de signatures en faveur de votre projet d'abrogation? J'attends votre réponse.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur le ministre.

[Traduction]

L'hon. Stéphane Dion: Vos audiences ont clairement démontré que la volonté de la population de créer des commissions scolaires linguistiques est quasi unanime et que la population est d'accord pour que ce changement passe par une modification constitutionnelle. Mais le terme consensus n'est pas synonyme d'unanimité. Il est normal, d'ailleurs que les groupes et les particuliers qui sont les plus opposés se présentent devant vous en plus grand nombre que les groupes qui sont plus ou moins d'accord. C'est le genre de chose qui se produit régulièrement dans le cadre d'audiences de ce genre—que ce soit à l'Assemblée législative d'une province ou ici au Parlement du Canada.

Ces groupes ont eu l'occasion d'exprimer leurs préoccupations, et c'est très bien. Cela aidera les autorités provinciales à tenir compte des inquiétudes des uns et des autres au moment d'opérer ces changements.

M. Peter Goldring: J'ai une question complémentaire.

Monsieur Dion, comme cette fédération représente les parents—et nous avons reçu une longue série de témoins comparaissant à titre individuel ou encore en groupe ou avec leur organisation—je me permets de répéter ma question: n'est-il pas vrai que la volonté des parents doit compter avant tout dans la décision que nous allons prendre? Il est clair que cette fédération représente 4 p. 100 des parents du Québec. Je vous invite à répondre à ma question.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur le ministre.

L'hon. Stéphane Dion: Faut-il vraiment que je réponde? Nous avons l'Association provinciale des enseignantes et enseignants protestants du Québec, la Centrale de l'enseignement du Québec, la Coalition pour la confessionnalisation du système scolaire, la Fédération des commissions scolaires du Québec, la Fédération des comités de parents de la province du Québec, qui représente les parents du Québec, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et la Fédération étudiante universitaire du Québec. Je m'excuse auprès de ceux que j'oublie, mais je crois que j'ai mentionné l'essentiel. Il y a aussi le Mouvement laïque du Québec et le Mouvement national des Québécois. ll faut bien que je les cite une fois dans ma vie. Il y a aussi d'autres groupes qui approuvent le changement et tous ces groupes peuvent se vanter de représenter des millions de Québécois. C'est pratique courante pour chacun des groupes de prétendre qu'il est le représentant de tous ceux que nous représentons. Il y a la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire et toute une liste de groupes qui sont présents, comme l'Alliance des professeures et professeurs de Montréal, l'Association des cadres de la CECM, l'Association des directeurs d'écoles de Montréal et l'Association des enseignants haïtiens du Québec. J'en ai toute une liste. Chacun peut arriver et prétendre qu'il représente un groupe plutôt que l'autre.

Il faut quand même mentionner que tous les députés de l'Assemblée nationale ont voté pour cette résolution sans pour autant que leur siège soit en jeu et que nous, du Parti libéral du Canada et du Bloc québécois, avons clairement indiqué que nous étions pour la proposition. On peut constater que les partis qui auraient pu être contre n'ont pas eu beaucoup de votes à la dernière élection fédérale. On peut dire aussi que tous ces groupes se déclarent pour et ne voient pas leur membership mis en danger. Enfin, il y a plusieurs indications que le consensus existe.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Le prochain intervenant sera le sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin (Rigaud, PC): J'aurais deux points à soulever. Premièrement, lorsque vous avez comparu devant nous la première journée, j'avais soulevé la question de l'article 43.

L'hon. Stéphane Dion: Est-ce que je peux ajouter une autre chose sur le consensus? Quand les deux clergés, les évêques catholiques et l'Église anglicane, se prononcent pas forcément pour, mais certainement pas contre, c'est que ces deux confessions se rendent compte que bloquer le changement ne servirait pas leur cause dans la société québécoise. Pour promouvoir leur foi, ils doivent s'adapter au changement.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: J'avais soulevé la question de l'article 43.

Tous les experts qui sont venus devant nous sont d'accord que 43 s'applique. Il n'y en a aucun, à ma connaissance, qui ait dit que c'était plus que bilatéral. C'est bilatéral. Donc, en autant que je suis concerné, je considère que ce débat-là est clos. C'est donc l'article 43 bilatéralement qui s'applique.

• 0935

Sur le coeur de la question, comme vous les dites, c'est évident que si D'Arcy McGee, Galt et Cartier revenaient et avaient à récrire l'article 93, ils le rédigeraient bien autrement. Les deux derniers paragraphes tomberaient évidemment, parce qu'on est dans une société où le judiciaire est très fort, et on ne privilégierait pas seulement deux religions. Aujourd'hui, avec les principes de la Charte des droits et libertés, on étendrait cela à tous ou on arriverait à un nouveau système.

Vous avez dit plus tôt qu'il n'était pas certain que la clause nonobstant serait nécessaire. J'espère que c'est vrai, parce que je n'aime pas trop trop bâtir un système sur des clauses nonobstant. Je suis bien à l'aise avec des chartes des droits, car c'est un monde merveilleux, mais il ne faut pas trop employer la clause nonobstant.

Toutefois, j'aimerais savoir si vous avez quelque chose à ajouter. Je pense que l'article 41 est là et qu'il est quasi constitutionnel. Si les juristes sont capables de proposer un plan d'enseignement religieux égal, il y aura moyen de ne pas utiliser la clause nonobstant. Avez-vous un argument dans ce sens-là aussi?

L'hon. Stéphane Dion: Oui, absolument, monsieur le sénateur. D'abord, si on regarde toutes les étapes qu'il faut franchir avant d'envisager la clause nonobstant, il y en a quand même pas mal. Il faut d'abord que la loi soit invalidée, y compris, dans une société libre et démocratique, l'article 1 de la Charte. Deuxièmement, il faut que l'article 41 ne soit pas retenu comme une solution, que la cour ne mentionne aucune autre solution qui y soit applicable et qui ne dénature pas la loi.

On sait que la cour a l'habitude d'essayer de trouver des solutions qui évitent d'avoir à recourir à la clause nonobstant. J'ai parlé de l'exemple de 1988. La Cour suprême a dit qu'il était juste et bien de garantir le français dans l'affichage commercial et de le montrer bien visiblement, mais qu'il n'était pas approprié d'abolir ou d'éliminer la possibilité d'afficher dans d'autres langues. C'est devenu la loi au Québec.

Pour ce qui est de la Loi référendaire québécoise, vous savez qu'il y a un débat en ce moment au sein du gouvernement du Québec, mais qu'en dehors du gouvernement du Québec, il y a quasi-unanimité pour considérer que le jugement de la Cour suprême offre la possibilité de modifier la loi sans recourir à l'article 33, la clause dérogatoire.

Donc, il est probable que la cour pourrait suggérer des modifications qui permettraient à la loi d'être appliquée au cas où la loi serait invalidée, ce qui n'est pas encore sûr.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Une question additionnelle, sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: C'est bien vrai, parce que la Cour suprême a toujours pris une attitude assez généreuse pour l'interprétation de l'article 93. C'est un article assez complexe. Je pense qu'à ce moment-là, ils vont laisser de la latitude au gouvernement. Je l'espère, parce que cela pourrait compliquer un peu les choses. Mais attendons et, en attendant, on a tout de même une protection quasi constitutionnelle à l'article 41, qui est toujours là.

L'hon. Stéphane Dion: Exactement.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, sénateur. Le prochain intervenant sera M. Réal Ménard.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le ministre, j'ai beaucoup apprécié votre mémoire. Il y avait quelques références un peu trop enthousiastes à 1982, mais c'est le climat de l'heure. Ce ne sera pas permanent, j'en suis convaincu. J'aimerais vous poser quatre questions, si vous me le permettez.

Convenez-vous que, lorsque la ministre Marois se présente devant nous pour dire que la Loi 109 a fait l'objet d'une consultation en commission parlementaire, on peut mettre dans la balance le fait que la Loi 109 ne portait que sur les commissions scolaires linguistiques et que cela peut a donc pu faire lieu et office de consultation?

Deuxièmement, à ce moment-ci, pourriez-vous nous dire si vous avez pu discuter avec votre collègue, le leader du gouvernement à la Chambre, sur la suite du débat? À l'étape du rapport, y aura-t-il un débat à la Chambre des communes? Quand prévoyez-vous qu'on va voter tout cela? Pouvez-vous faire le point sur le mécanisme parlementaire qui va s'enclencher au cours des prochains jours?

Troisièmement, je souhaiterais que vous reveniez sur la clause dérogatoire. Vous savez que le ministre Brassard a dit qu'il fallait l'utiliser avec beaucoup de doigté. Vous savez que c'est un gouvernement qui n'en manque pas. Pouvez-vous aussi faire le point sur votre compréhension de la clause dérogatoire?

Quatrièmement, j'ai une question un peu plus personnelle, mais je me permets quand même de vous la poser. Avez-vous été déçu que votre gouvernement autorise un vote libre?

• 0940

L'hon. Stéphane Dion: Merci des questions.

En ce qui a trait aux commissions parlementaires sur la Loi 109, votre parti exigeait qu'on adopte à la vapeur l'amendement constitutionnel avant l'élection, en avril dernier. La commission parlementaire sur la Loi 109 n'avait même pas encore eu lieu à ce moment. Donc, vous ne pouvez pas dire que la commission parlementaire à Québec au sujet de la Loi 109 est la preuve qu'il y a eu suffisamment de consultation, puisque votre parti exigeait l'application de l'amendement avant la commission parlementaire.

M. Réal Ménard: Ce n'est pas ma question.

L'hon. Stéphane Dion: Je le sais. J'y arrive. Je tenais à le dire.

Deuxièmement, vous-même, Réal, vous vous êtes dit surpris par certains arguments que vous avez entendus ici, et même ébranlé. Moi, je n'ai pas été ébranlé, mais vous, vous l'avez été.

M. Réal Ménard: Je suis fort, monsieur le ministre.

L'hon. Stéphane Dion: Il me semble que la validité des travaux auxquels vous avez bien participé est démontrée. Dès lors que l'on parle d'un changement constitutionnel, on doit envisager la dimension constitutionnelle comme telle, pas par l'entremise d'autre chose. La Constitution est la loi fondamentale du pays. C'est quelque chose de plus difficile à changer qu'une loi. C'est pourquoi je trouve qu'il aurait dû y avoir à Québec une commission parlementaire sur l'amendement constitutionnel, comme le demandait l'opposition officielle. Cependant, j'ai ajouté dans mon discours que d'une certaine façon, les deux ministres du Québec se sont bien rachetés en venant ici et en faisant un bon exposé.

En ce qui a trait à l'article 33, je ne sais si je dois ajouter quelque chose. Cela existe dans la Constitution. Ce n'est pas illégitime pour les gouvernements de l'utiliser, mais ils doivent le faire avec beaucoup de doigté et d'attention, et en dernier recours. Quand on déroge à une charte, il faut avoir d'excellentes raisons de le faire. Quand il suffit de modifier une loi tout en gardant l'esprit de la loi, on n'a pas à le faire. Ce n'est pas une excellente raison.

En ce qui a trait au vote libre, j'ai répondu à M. Bouchard là-dessus. Je trouve inconcevable que M. Bouchard, le premier ministre du Québec, ait mis en cause le courage et les convictions du premier ministre du Canada parce que le premier ministre du Canada autorisait un vote libre sur une question d'ordre moral. En démocratie, on utilise le vote libre pour des questions d'ordre moral. Les gouvernements ne sont pas obligés de le faire, mais ils peuvent le faire. Cela m'apparaît un propos inapproprié de la part du premier ministre du Québec sur cette question, mais qui n'est pas central pour l'essentiel.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Un instant, monsieur Ménard.

M. Réal Ménard: Des quatre réponses, celle-là est votre moins bonne.

L'hon. Stéphane Dion: C'est la plus normale. En démocratie, pour les questions d'ordre moral, monsieur le président...

Le coprésident (M. Denis Paradis): Excusez-moi, monsieur le ministre. L'intervenante suivante sera Sheila Finestone.

Madame Jennings, vous voulez invoquer le Règlement.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Je m'excuse d'avoir interrompu les questions. Je viens d'apprendre que deux des organismes qui ont présenté des mémoires devant nous,

[Traduction]

l'Alliance autochtone du Québec, et le Congrès des peuples autochtones nous ont remis ce matin des documents qui devaient être distribués à tous les membres du comité, et je constate que cela n'a pas encore été fait. Je demande donc la distribution de ces documents. Merci.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous prendrons note de votre rappel au Règlement après la comparution du ministre. Madame Finestone.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Je tiens à dire que j'abonde dans le sens de ma collègue, car l'exposé des peuples autochtones dénote une grande sagesse, à mon avis, et il importe de tenir compte de leurs points de vue, ce que le ministre va certainement faire. Ma collègue a fait preuve d'un dévouement infatigable pour ce qui est d'attirer l'attention des membres sur cette question.

Monsieur le ministre, je voudrais vous interroger sur trois questions précises. D'abord, la province du Québec, et donc son ministre de l'Éducation, sont à tous moments visés par l'article 23, qui ne tombe pas sous le coup de la disposition d'exemption, n'est-ce pas?

L'hon. Stéphane Dion: C'est exact. L'article 23 ne tombe pas sous le coup de la disposition d'exemption.

L'hon. Sheila Finestone: Très bien, merci beaucoup.

Deuxièmement, si je comprends bien, la disposition d'exemption ne vise ni l'article 2, qui explicite la liberté d'expression, ni l'article 15, qui interdit la discrimination. Afin que l'instruction religieuse puisse être dispensée—par exemple, dans les écoles protestantes ou catholiques—il faudrait continuer de recourir à l'article 33, c'est-à-dire la disposition d'exemption.

L'hon. Stéphane Dion: Ce sera aux tribunaux d'en décider, si la question leur est soumise. Nous ne sommes pas aussi catégoriques, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration.

Par contre, le professeur Monahan est catégorique sur la question. Il n'est pas sûr que la loi soit infirmée. Si cela se produit, il est fort probable que la cour proposera diverses solutions qui permettront d'éviter de recourir à l'article 33, c'est-à-dire à la disposition d'exemption.

• 0945

L'hon. Sheila Finestone: C'est quelque chose qui me préoccupait beaucoup, monsieur le ministre. Je constate que l'article 41 de la Charte québécoise est rédigé en termes très énergiques. De même, la Loi sur l'éducation publique me paraît efficace. Pris ensemble, les deux instruments devraient rassurer la communauté anglophone qui continue malgré tout à avoir cette certaine réserve.

Je voudrais justement aborder la question des réserves de la communauté anglophone, réserves qui me semblent tout à fait fondées, car du moment qu'il est question de droits, il est normal d'appliquer le critère de l'équité et de la moralité par rapport à l'alinéa 23(1)a).

Je sais que vous espérez que la lumière se fera un jour dans la province du Québec et que les autorités provinciales se rendront compte qu'il importe aussi de permettre à la communauté anglophone de s'épanouir et de se renouveler. Du côté de l'immigration, s'il y a de moins en moins d'immigrants de langue anglaise qui sont admis au Québec, la force et le potentiel de maintien et d'épanouissement du système scolaire anglophone s'en trouveront diminués.

Ma question est la suivante: puisque le document déposé à la Chambre des communes repose solidement sur l'article 23, par rapport aux dispositions proposées par le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada souhaite ainsi encourager le Québec à s'ouvrir et à respecter les droits de tous ceux qui décident de devenir citoyens canadiens et d'élire domicile au Québec. C'est bien cela?

L'hon. Stéphane Dion: Je ne comprends pas votre question.

L'hon. Sheila Finestone: Si je décide, à titre d'Anglophone venant des États-Unis, d'Angleterre, ou d'Australie, de m'installer au Québec... Je pourrais décider de m'installer en Ontario; là je n'aurais pas de problèmes du côté des droits linguistiques. Mais je décide plutôt de m'installer au Québec. Nous espérons que le Québec acceptera un jour l'article 59, ce qui permettra de l'assujettir à l'alinéa 23(1)a). Est-ce bien l'espoir et l'orientation du gouvernement du Canada?

L'hon. Stéphane Dion: L'article 59 autorise un tel changement lorsque le gouvernement du Québec ou l'Assemblée nationale—car il peut s'agir d'une décision du gouvernement unique—décide qu'il est temps que le Québec tombe sous le coup de l'alinéa 23(1)a). Cette question devra faire l'objet d'un débat. Il est tout à fait légitime de vouloir exprimer votre opinion à ce sujet—c'est effectivement un débat qui devra se faire dans la société québécoise un jour—mais ce n'est pas ce dont on discute aujourd'hui.

L'hon. Sheila Finestone: Mon dernier point, monsieur le ministre, concerne mon intime conviction que pour des raisons d'équité et de justice, l'alinéa 23(1)a) doit s'appliquer. Je suis tout à fait d'accord pour dire que tel n'est pas le sujet du débat actuel. Nous parlons plutôt de droits religieux ou confessionnels discriminatoires dans le cadre de ce projet de modification de l'article 93. Il est essentiel malgré tout que le gouvernement du Canada encourage le gouvernement du Québec à réfléchir à l'enjeu de l'article 59 et à ouvrir un dialogue là-dessus, afin que nous puissions profiter des avantages de l'alinéa 23(1)a).

Mme Marlene Jennings: Monsieur Dion, avant de vous poser mes questions, je voudrais faire une petite mise au point.

Je viens de mentionner les documents supplémentaires déposés par l'Alliance autochtone du Québec et le Congrès des peuples autochtones. On m'avait assuré qu'ils seraient distribués. Mais on vient de me dire qu'ils ne le seront pas.

Merci.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Jennings.

Mme Marlene Jennings: Monsieur le ministre, cela m'a fait plaisir de vous entendre à nouveau et j'apprécie beaucoup le mémoire que vous avez déposé et la présentation que vous avez faite devant nous.

Je suis certaine que vous avez suivi les débats qui ont eu lieu durant le cours des travaux de ce comité. Lorsque Mme Marois et M. Brassard se sont présentés ici, j'ai soulevé une question qui avait également été soulevée par

[Traduction]

l'Alliance autochtone du Québec et le Congrès des peuples autochtones concernant le fait qu'au moment de la création de la Confédération—excusez-moi de passer constamment de l'anglais au français...

[Français]

il existait des droits confessionnels pour les aborigènes au Québec en vertu de certaines lois et en vertu de la pratique.

• 0950

Ces deux organismes prétendent qu'en vertu de 93, il y a une protection des droits aborigènes en matière d'éducation confessionnelle au Québec. Ils ont peur qu'un amendement qui ne serait pas assorti d'une déclaration disant qu'un tel amendement n'affecte aucunement leurs droits en matière d'éducation religieuse, affecte ces droits.

J'aimerais vous entendre sur ce sujet et j'aimerais dire que j'ai été ébranlée quand Mme Marois a dit que les aborigènes étaient des minorités comme toutes les autres minorités en matière d'éducation religieuse.

L'hon. Stéphane Dion: Voulez-vous votre réponse en français ou en anglais? Je vais la faire en français.

Dans l'article 93, il n'y a pas une syllabe au sujet des droits des autochtones. C'est très clair. Ce n'est que pour les protestants et pour les catholiques. Si les communautés autochtones du Québec ont aujourd'hui leurs commissions scolaires et des droits à l'enseignement, c'est dû à des aménagements législatifs et en partie peut-être à l'article 35 de la Charte, mais il faut être très prudent. C'est dû à des aménagements législatifs qui correspondent à la volonté des Québécois vis-à-vis de la population autochtone du Québec. Ce n'est pas une garantie constitutionnelle qu'on trouve dans 93. Le renforcement des droits des autochtones doit faire l'objet d'un débat au Québec comme dans d'autres provinces qui, sous certains aspects, gagneraient à suivre l'exemple du Québec.

Mme Marlene Jennings: Je pense qu'il y a un consensus au Québec en faveur de l'autodétermination des aborigènes ou des autochtones du Québec, même en ce qui a trait à la question territoriale. Il y avait eu plusieurs sondages à cet effet lorsqu'on parlait de la séparation du Québec et de l'intégrité territoriale du Québec.

Je pense que vous serez d'accord avec moi que la question de l'éducation est prédominante pour le self-government. D'ailleurs, c'est l'une des raisons pour lesquelles ils ont tellement insisté pour dire qu'ils ne voulaient pas de cet amendement constitutionnel, même au Québec.

Même si dans l'article 93, il n'y a pas une syllabe qui concerne spécifiquement les aborigènes, si on accepte que

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur le ministre. Sénateur Lavoie-Roux.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux (Québec, PC): Bonjour, monsieur le ministre. J'aurais d'abord deux petits commentaires et ensuite trois courtes questions.

Dans un premier temps, je voudrais déplorer le programme auquel ce comité mixte a été soumis. Cela fait au-delà de 20 ans que je siège à des comités ou commissions parlementaires et jamais je n'ai vu un comité devoir travailler sur un sujet aussi important—il ne s'agit pas de savoir si on va donner des permis de conduire—et avoir autant de difficulté à interroger un témoin jusqu'au bout. C'était toujours trop long et on nous disait: Arrêtez, arrêtez, arrêtez.

Ensuite il y a eu, me semble-t-il, certaines manipulations concernant les témoins qui viendraient. Des gens ont été exclus, et je ne nommerai que Gary Caldwell.

• 0955

Il est venu avec un groupe, mais il était le seul qui pouvait parler des États généraux du Québec sur l'éducation parce qu'il était l'un des vice-présidents. On n'a jamais voulu l'entendre ici. Ce que je dis ici, je vais également le dire au Sénat. Vous ne serez pas obligé de lire nos débats.

Deuxièmement, vous dites que le consensus n'est pas l'unanimité, et je suis d'accord avec vous là-dessus. Mais il faut bien vous dire que tant le Parti libéral que le Parti québécois, à l'Assemblée nationale, ne se sont pas fait élire avec cette question dans leur programme. Quand on dit qu'ils représentent la population, c'est vrai, et je suis d'accord avec vous là-dessus, mais jamais ils ne se sont fait élire en posant cette question à leurs électeurs. D'ailleurs, si vous alliez dans la rue et que vous demandiez aux gens ce qu'ils en pensent, vous verriez que l'article 93 de la Constitution est assez loin de leurs préoccupations. C'est peut-être un peu moins le cas aujourd'hui ou c'est peut-être un peu mieux. Moi-même, si je n'étais pas ici, je n'en saisirais probablement pas le sens.

Je passe maintenant à mes questions, monsieur le président. Si je vous les pose, c'est parce que je veux que ce soit inscrit au compte rendu. Selon vous, la garantie des droits pour la communauté anglophone est-elle autant assurée par l'article 23 de la Charte que par l'article 93? Je sais bien que vous allez me dire que ce n'est pas une question linguistique mais une question de religion, mais il reste qu'il faut bien admettre qu'au point de départ, les deux ont été fortement associées.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, sénatrice Lavoie-Roux. Vous pouvez poser vos trois questions et le ministre répondra aux trois en même temps.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: D'accord. S'il ne les oublie pas, il est bon.

Deuxièmement, si un autre gouvernement arrivait, au Québec j'entends, et remettait en question la confessionnalité des écoles ou même l'enseignement religieux, seraient-ils aussi bien protégés sans l'article 93 qu'avec ce même article?

Troisièmement—je fais de mon mieux pour me faire un peu l'interprète de la communauté franco-protestante—, vous êtes-vous penché sur la proposition de M. Woehrling de ne pas abroger l'article 93, mais de le modifier de manière à garder le droit à la dissidence de la minorité? Dans ce cas-là, il s'agit de la minorité franco-protestante.

Ce sont mes trois questions, monsieur le président. Cela n'a pas été long, n'est-ce pas?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, sénatrice Lavoie-Roux. Monsieur le ministre.

L'hon. Stéphane Dion: Merci beaucoup, madame le sénatrice, ou dit-on madame le sénateur? Je ne l'ai jamais su.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Madame la sénatrice.

L'hon. Stéphane Dion: D'accord, madame la sénatrice.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Quand vous serez rendu au Sénat, on vous appellera monsieur le sénateur.

L'hon. Stéphane Dion: Je peux vous annoncer tout de suite qu'on ne fera pas un débat sur le Sénat. Il est peu probable que j'y entre jamais.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: C'est tout à fait hors d'ordre, je suis d'accord.

L'hon. Stéphane Dion: Vous êtes un personne très franche et je crois que j'en suis aussi une. Donc, je vais répondre à vos questions. Le programme a été très lourd. Vous avez plus d'expérience parlementaire que moi. Si vous me dites que c'est le comité le plus lourd auquel vous ayez assisté en termes d'intensité des débats et de somme de travail en deux semaines, on doit tous vous féliciter. C'était une question importante qu'il fallait résoudre avant la fin de décembre parce que la province doit avoir le temps de prendre les dispositions nécessaires pour être prête pour la rentrée de septembre. Autrement, elle est obligée de prévoir deux possibilités: la possibilité que l'amendement s'applique et la possibilité que l'amendement ne s'applique pas. Elle doit constituer les listes, établir les structures, etc. Imaginez-vous ce que cela représente.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: On va avoir jusqu'à la fin de décembre pour le faire.

L'hon. Stéphane Dion: En ce qui a trait à qui a comparu et qui n'a pas comparu, je pense que vous avez fait un excellent travail pour essayer d'entendre le plus de gens possible et le plus d'opinions possible. Il est très probable que les gens qui sont contre ont été surreprésentés, surtout la première semaine. Donc, ils ont vraiment pu faire valoir leurs points de vue. Vous mentionnez M. Caldwell. Il est venu, et vous dites qu'il aurait pu représenter les États généraux, mais c'est le seul commissaire des États généraux que vous avez entendu et c'était le seul dissident. Tous les autres étaient pour et ils ne sont pas venus. Si on peut vous faire un reproche, c'est de ne pas avoir entendu les autres, mais je ne vous le fais pas.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: On aurait pu entendre les deux.

• 1000

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Dion, si vous voulez compléter, s'il vous plaît.

L'hon. Stéphane Dion: Mais je ne vous fais aucun reproche et je sais à quel point vous avez travaillé fort. Tout le monde doit vous en être redevable.

Si on enlève l'article 93, c'est vrai que cela affaiblit la situation des protestants et des catholiques. C'est très vrai et on ne peut pas se le cacher. Vous parlez des franco-protestants. Leur situation sera moins avantageuse qu'elle ne l'est grâce à l'article 93. On ne peut nier ce fait.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame la sénatrice, avec votre permission, vous aviez posé trois questions et on est passé à travers. Le prochain intervenant sera M. Yvon Godin. Pardon, il y a une autre question à laquelle on n'a pas répondu.

L'hon. Stéphane Dion: C'était sur les anglophones. Les droits des anglophones sont protégés par l'article 23. La protection qu'ils reçoivent en vertu de l'article 23 est généreuse et solide. Les cours en ont fait une interprétation élargie grâce à l'action des communautés francophones situées en dehors du Québec, et la communauté anglophone du Québec recueille les fruits des luttes que les minorités francophones ont faites ailleurs au pays.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Mais vous n'avez pas répondu non plus à ma deuxième question.

Le coprésident (M. Denis Paradis): La deuxième.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: La deuxième question était: si un autre gouvernement venait...

L'hon. Stéphane Dion: La solution Woehrling a été suggérée par le Parti libéral du Québec, mais elle n'a pas été retenue par le gouvernement du Québec. Ce qui vous est proposé, c'est plutôt l'amendement de 93 suggéré par le gouvernement du Québec et qui ne protège plus le droit à la dissidence pour les écoles.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Cela répond à ma troisième question et je vous en remercie. Ma deuxième question était: si un autre gouvernement arrivait au Québec et décidait d'abolir la confessionnalité et même, à la limite, l'enseignement religieux, les droits religieux seraient-ils mieux protégés par l'article 93 qu'ils ne le seraient par l'article 23?

L'hon. Stéphane Dion: La réponse est oui, mais j'ai bien montré à quel point l'article 93 offrait une protection limitée. Si toutes les questions de curriculum, de droit de vote ne sont plus protégées par l'article 93... En plus, en dehors des villes de Montréal et de Québec, les droits sont extrêmement limités. Par contre, l'article 41 de la Charte québécoise établit des droits religieux. Vous avez entendu la ministre annoncer qu'il y aurait un débat démocratique pour voir comment on peut ajuster cela à la société québécoise d'aujourd'hui. Les catholiques forment une majorité au Québec. Ils auront l'occasion de faire valoir leurs droits et leur conception de leurs droits à l'aube du XXIe siècle.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: On attendra.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, sénatrice. Il nous reste trois intervenants: M. Godin, le sénateur Grafstein et M. Nick Discepola. Nous allons débuter immédiatement avec M. Yvon Godin.

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Bonjour, monsieur le ministre.

L'hon. Stéphane Dion: Bonjour, monsieur Godin.

M. Yvon Godin: Je vais dire comme la sénatrice Lavoie-Roux: j'ai trois questions et elles sont toutes petites.

Je ne sais pas si tous les membres de ce comité sont d'accord avec moi, mais le problème qu'on a eu, lorsque les témoins sont venus contester le changement à la Constitution, c'était qu'ils avaient l'impression que le mauvais message avait été passé. Celui qui avait été passé disait qu'on apportait un changement aux commissions scolaires.

Donc, pourquoi se débarrasser des paragraphes (1) à (4) au complet, alors qu'il faut enlever seulement la partie ayant trait aux commissions scolaires? Il n'y a pas seulement un consensus au Québec. C'est quasiment unanime. Les gens sont d'accord pour se débarrasser de la confessionnalité dans les structures des commissions scolaires. Leurs inquiétudes se portent plutôt sur les écoles.

Quelles ont été vos discussions avec eux pour tenter de protéger tout cela? Je crois bien que vous saviez que c'était cela qui se passerait.

D'après ce j'ai entendu ici, les gens sentent qu'ils ont été mal informés et c'est pour cela que la population ne s'est pas soulevée. Elle ne connaît pas la véritable information. Elle pense que cela n'affecte que les commissions scolaires. Au Québec, la majorité ne croit pas que l'enjeu est le tout, soit les commissions scolaires et les écoles. Je parle de la Constitution et non de la Loi 109 ou de choses du genre.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Godin, veuillez, s'il vous plaît, poser vos questions l'une à la suite de l'autre et le ministre va y répondre.

M. Yvon Godin: Y a-t-il eu un vote libre à l'Assemblée nationale du Québec? Ce n'est pas à vous que je pose la question. J'aurais du m'adresser à d'autres.

Le coprésident (M. Denis Paradis): La troisième question, monsieur Godin.

• 1005

M. Yvon Godin: Ma troisième question va peut-être dans le même sens qu'une des questions posées par M. Ménard. Il y a peut-être eu un consensus à l'Assemblée nationale, mais il ne semble pas y en avoir un au gouvernement canadien. On le verra quand on connaîtra le résultat du vote libre.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Dion.

L'hon. Stéphane Dion: D'abord, rappelons-nous que 93 protège seulement les commissions scolaires de la ville de Montréal et de la ville de Québec. Il y a seulement le droit à la dissidence en dehors des villes de Montréal et de Québec. Ces droits ont été réduits, jugement après jugement, par les interprétations des cours. La cour a reconnu qu'il ne s'agissait pas de droits fondamentaux, mais de droits, de pouvoirs et de privilèges. On ne parle pas de liberté de culte là.

Quant à savoir s'il faut qu'il y ait de la religion à l'école et sous quelle forme, je pense qu'il y a un consensus fort au Québec pour qu'il y ait de la religion à l'école. Je peux me tromper, mais c'est ma lecture des faits. Je ne pense pas qu'un gouvernement puisse facilement dire qu'il n'y aura plus de religion à l'école sans en payer le prix politique. Les deux partis politiques en sont conscients. C'est un débat que la société québécoise devra avoir. Dans ma propre expérience...

M. Yvon Godin: Excusez-moi. Je ne veux pas vous interrompre, mais d'après l'expérience de ma propre province, le Nouveau-Brunswick... Vous savez, quand les gens ont voulu se battre pour garder leurs écoles françaises, Frank McKenna a envoyé les chiens, les gaz lacrymogènes et les bâtons s'en prendre aux parents. Dans ma propre province, j'ai connu cette expérience-là au mois de mai. C'est pour cela que je suis inquiet.

L'hon. Stéphane Dion: Oui, mais en ce qui concerne...

M. Yvon Godin: Je vous le dis: ce n'est pas à vous que je pose la question.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Godin, votre question est posée. Monsieur Dion.

L'hon. Stéphane Dion: Le débat acadien va pouvoir se poursuivre après...

M. Yvon Godin: Je vous le garantis.

L'hon. Stéphane Dion: Oui, oui. Les protestants et les catholiques au Nouveau-Brunswick n'ont pas de droits reconnus, mais on s'efforce d'enseigner la religion dans les écoles. Ce sera le débat que le Québec devra avoir. Ce que nous disent les évêques catholiques et l'évêque anglican, dont j'ai déposé la lettre, c'est qu'ils sont prêts à faire ce débat. Ils pensent que la société québécoise...

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Oui, mais ils ne se sont pas prononcés sur l'article 93.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Lavoie-Roux, je m'excuse.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Les évêques du Québec nous disaient cela continuellement...

C'est cela, expulsez-moi. Cela fait je ne sais combien de temps qu'on nous dit que les évêques du Québec sont d'accord, mais ils ont pris le soin d'écrire qu'ils ne s'étaient jamais prononcés sur l'à-propos de l'abrogation de l'article 93.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Lavoie-Roux, s'il vous plaît. Monsieur Dion.

L'hon. Stéphane Dion: Sur ce plan, les évêques ont dit qu'ils ne s'opposaient pas. Ils l'ont dit très clairement, et j'invite la sénatrice à relire la lettre de Mgr Morissette. Ils laissent aux élus le choix de trouver les moyens de régler ce problème.

En ce qui a trait au vote libre, il n'y a pas d'obligation de tenir un vote libre, mais cela se défend en démocratie quand il s'agit de questions d'ordre moral. Dans le cas présent, il s'agit de la religion, de l'école et, de façon indirecte mais quand même réelle, de la langue au Québec. Tenir un vote libre a un sens, et vous allez voir comment le gouvernement et les députés ministériels vont voter. Il y a un consensus. Il n'y a pas unanimité. Nous sommes le reflet de la société québécoise.

M. Yvon Godin: Quant à ma troisième question, y a-t-il eu un vote libre à l'Assemblée nationale?

L'hon. Stéphane Dion: Non, il n'y a pas eu de vote libre à l'Assemblée nationale. Il n'y a pas d'obligation d'en tenir un, mais cela se défend.

M. Yvon Godin: Donc, il n'y a pas eu de vote libre?

L'hon. Stéphane Dion: Non.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Dion. Sénateur Grafstein.

[Traduction]

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (Grand Toronto, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre, comme j'assiste à ces audiences à titre de sénateur de l'Ontario, et plus précisément du Toronto métropolitain, j'ai plusieurs commentaires à faire avant de vous poser une question.

Tout d'abord, ces audiences ont permis, dans mon cas, de dissiper mes doutes en ce qui concerne l'application de la Loi constitutionnelle de 1982. J'ai trouvé particulièrement intéressant qu'un ministre du Québec soit venu à Ottawa pour la première fois, me semble-t-il, et ait déclaré dans le cadre des audiences du comité, que la Loi constitutionnelle de 1982 s'applique.

Je tiens à répéter la déclaration de M. Brassard pour qu'elle soit à nouveau consignée au compte rendu: «Mais c'est clair, c'est évident qu'elle s'applique», en parlant de la Loi constitutionnelle de 1982. Ensuite il parle de la position du Québec depuis l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982. Il conclut ce paragraphe en disant «mais elle s'applique».

Pour moi, l'un des obstacles associés à cette modification était le fait de savoir si le Québec était prêt à reconnaître, si vous voulez, que la Loi constitutionnelle de 1982 s'appliquait, car on ne peut pas aborder la question de la modification que prévoit l'article 43 à moins que les deux parties reconnaissent que la Loi constitutionnelle de 1982 s'applique. Donc, cet exercice m'a permis de franchir cet obstacle-là, et j'en suis ravi.

• 1010

Deuxièmement, sur la question du consensus, encore une fois, monsieur le ministre, j'ai constaté la présence d'un solide consensus chez la majorité des minorités. Si je vous fais une telle affirmation, c'est parce que j'ai entendu les témoignages des enseignants à la fois catholiques et protestants, des commissions scolaires catholiques, des étudiants, et d'organismes nationalistes du Québec. J'ai lu avec une grande attention la lettre de l'archevêque, de même que la résolution unanime de l'Assemblée nationale du Québec, et plus récemment, la lettre du Diocèse anglican que vous avez déposée. Je suis donc convaincu, monsieur le ministre, que la majorité des minorités touchées par l'article 93 est en faveur de cette modification.

Cela dit, nos amis du Bloc et le ministre du Québec nous disent que cette résolution repose sur un projet d'égalité. Il s'agit de respecter le pluralisme qui existe au Québec. Ce pluralisme n'est guère différent de celui qui caractérise la ville de Toronto où j'habite, car 42 p. 100 de la population de cette ville vient à présent de régions qui ne sont ni francophones ni anglophones; donc, nous aussi, nous avons une société pluraliste. Je suis donc ravi de découvrir ce nouveau réalisme et d'entendre ce nouveau discours, pas seulement de la part du gouvernement, mais de la part d'autres citoyens qui reconnaissent et respectent désormais le pluralisme.

Une difficulté demeure, cependant, et tel est le sens de ma question. Vous remarquerez qu'à la fois Alliance Québec et l'organisme représentant les parents estiment que leurs droits linguistiques ne bénéficieront pas d'une protection équivalente tant que l'alinéa 23(1)a) n'aura pas été proclamé au Québec. On nous affirme que 13 000 étudiants—c'est-à-dire 26 000 parents, donc environ 13 000 ménages—seront privés de leur droit de choisir en matière d'éducation.

Je comprends et je reconnais la réalité de la situation québécoise, mais en même temps je suis conscient des propos du ministre québécois. J'ai relu la partie de la déclaration de M. Brassard où il insiste de nouveau sur le fait que d'après lui, l'alinéa 23(1)a) ne devrait pas s'appliquer au Québec.

Cela dit, la question que je voudrais vous poser, monsieur le ministre—vous qui représentez le gouvernement fédéral, et l'ensemble du Canada et des citoyens canadiens—est la suivante: le gouvernement fédéral est-il toujours résolu à affirmer l'application de l'alinéa 23(1)a) à l'ensemble des citoyens canadiens? Je sais que c'est une décision qui relève du Québec, mais je voudrais tout de même connaître la position du gouvernement fédéral à ce sujet.

L'hon. Stéphane Dion: La Loi constitutionnelle de 1982 et l'alinéa 23(1)a) sont deux questions bien distinctes.

Pour ce qui est de la Loi constitutionnelle de 1982, je me contenterai de vous présenter les faits. Quoi qu'on pense de cette loi constitutionnelle, le fait est qu'avant 1982 il aurait fallu, pour faire adopter cette modification, obtenir l'accord non seulement du Parlement du Canada et de l'Assemblée législative du Québec, mais aussi d'un nombre substantiel d'autres assemblées législatives provinciales, et nous aurions même été obligés d'obtenir l'aval de Londres. Sans la Loi constitutionnelle de 1982, je suis tout à fait certain—et on va peut-être pouvoir débattre la question—que la minorité anglophone du Québec n'aurait jamais appuyé un tel changement, puisque les langues minoritaires ne bénéficiaient d'aucune garantie constitutionnelle avant 1982. La Loi constitutionnelle de 1982 a considérablement renforcé la position des minorités linguistiques à la fois francophones et anglophones dans tout le Canada.

Donc, les avantages de la Loi constitutionnelle de 1982 sont réels, et je l'affirme sans hésitation.

Votre deuxième question concernait l'alinéa 23(1)a). Le gouvernement du Canada ne m'a pas confié le mandat d'aborder cette question avec vous. Je pense qu'il est bon d'encourager tout le monde au Québec à se rappeler la situation tout à fait unique dans laquelle se trouve la société québécoise en Amérique du Nord. Sa situation est unique pour des raisons bien évidentes. Si je devais les résumer en une phrase, je dirais que c'est une société où tout le monde peut revendiquer le statut de minorité en disant à l'autre: vous êtes la majorité et vous devez tenir compte de ma situation en tant que minorité. Les Francophones du Québec peuvent prétendre qu'ils constituent une petite minorité sur un continent nord-américain où domine l'anglais, une minorité dans un pays qui s'appelle le Canada, et une majorité uniquement dans leur province. Les Anglophones du Québec peuvent dire qu'ils ne vivent pas sur un continent, ni dans un pays abstrait; au niveau du quotidien, ils vivent en Gaspésie—il n'y en a pas beaucoup à Jonquière, mais il y en a en Gaspésie—dans les Cantons de l'Est et sur l'île de Montréal, et à cause de leur situation concrète, ils requièrent l'appui de la majorité francophone du Québec.

• 1015

Par conséquent, ces deux communautés, francophone et anglophone, doivent trouver une façon positive de nouer des rapports sains et solides entre elles. Pour ma part, j'estime que cette société-là est tout à fait en mesure de le faire; elle a déjà démontré cette capacité par le passé, et elle ne cesse de la démontrer. Il va bien falloir que la société québécoise débatte un jour la question de l'application de l'alinéa 23(1)a), et j'espère qu'elle le fera calmement, car il n'est pas certain que le nombre d'étudiants augmente de façon considérable si le Québec décide de s'assujettir à l'alinéa 23(1)a). D'après mon interprétation, le fait d'appliquer cet article ne changerait pas grand-chose à la situation actuelle. Donc, les deux communautés pourront étudier la question en toute tranquillité quand elles seront prêtes.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Le dernier intervenant sera Nick Discepola.

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Monsieur le ministre, on a fait beaucoup de cas du fait qu'on avait un consensus et pas assez de cas du fait qu'on avait un consensus de la minorité affectée. Lorsqu'on voit des partis politiques qui veulent établir des raisons de voter selon un consensus exprimé lors d'un référendum, ou même des gouvernements provinciaux qui font état d'un résultat référendaire pour essayer d'établir un consensus, cela me fait un peu peur, parce qu'on parle de changer une Constitution. Même M. Monahan a dit qu'il revenait à la législature qui avait demandé l'amendement de faire la preuve hors tout doute que la minorité affectée avait été consultée et que cette minorité s'était exprimée en faveur. C'était un commentaire que je faisais.

J'aimerais revenir à l'alinéa 23(1)a). Je suis persuadé, monsieur le ministre, que le consensus qu'on a cherché et qu'on a obtenu aurait peut-être été minimisé sans la garantie inhérente à 23(1)a). M. Brassard, en réponse à l'une des questions que je lui avais posées, a répondu que pour lui, il était hors de question d'adopter 23(1)a), que ce soit à court ou à moyen terme.

Il a surtout parlé du cas des immigrants. Cela me touche. Je crois qu'on pénalise des personnes comme moi, qui ai choisi librement de faire éduquer mes quatre enfants en français, nonobstant le fait que je pouvais les envoyer dans des écoles anglaises. J'ai bien vérifié en fin de semaine et même vendredi, parce qu'on me disait que j'avais des droits acquis. Au contraire, monsieur le ministre, le ministère de l'Éducation m'a dit que ce n'était pas le cas. Je me trouve pénalisé parce que mes futurs petits-enfants ne pourront pas fréquenter des écoles anglaises.

Vous dites que c'est un débat qu'on doit avoir au sein de la société québécoise. Mais quand même, comme M. Grafstein l'a dit, j'aurais souhaité que mon gouvernement nous accompagne dans cette démarche, parce que je trouve que c'est très important.

L'hon. Stéphane Dion: C'est en effet un débat qui doit avoir lieu au Québec dans le respect de la Charte canadienne des droits et libertés. Il faut se rappeler que c'est dans la Charte qu'on trouve l'article 59 qui le suspend jusqu'à preuve du contraire, jusqu'à ce que le gouvernement du Québec ou l'Assemblée nationale du Québec ait changé d'avis sur l'alinéa 23(1)a). C'est dans la Charte. Ce n'est pas quelque chose que vous inventez aujourd'hui à votre comité. Ce n'est pas vous qui créez cette situation. Elle existe.

L'alinéa 23(1)a) ne s'applique pas, c'est vrai; c'est suspendu, mais l'article 23 s'applique et, sans l'article 23, il n'y aurait pas de consensus au Québec. C'est parce qu'il y a l'article 23 qu'on a pu dégager un consensus. De nombreux groupes et citoyens anglophones sont venus devant vous pour vous dire qu'ils aimeraient avoir 23(1)a). Mais ce n'est pas cela qui est soumis à votre attention aujourd'hui.

En modifiant l'article 93, comme on vous le demande, vous ne changez rien à la situation de l'alinéa 23(1)a). Par contre, vous permettez à la communauté anglophone sur le terrain, en pratique, de consolider ses effectifs et ses ressources dans les écoles, ce qui est essentiel.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur le ministre, pour votre présentation de ce matin. J'aimerais profiter de l'occasion pour remercier tous les membres du comité. Nous terminons aujourd'hui nos audiences publiques. Merci de votre intérêt et de votre participation aux travaux de ce comité et pour la qualité de vos interventions lors de l'audition des témoins.

Je le dis à tous les partis politiques confondus. Je pense qu'on a réussi tous ensemble à élever le débat au-dessus de la partisanerie politique.

J'adresse mes remerciements aussi aux greffiers, aux gens de la Bibliothèque et de la traduction et au personnel de soutien qui nous ont donné un service extraordinaire au cours des deux ou trois dernières semaines.

• 1020

Je rappelle à tout le monde que nous nous réunissons cet après-midi à 15 h 30 à l'édifice Victoria, à la pièce 505, pour commencer la rédaction de notre rapport.

Donc, les travaux sont ajournés jusqu'à cet après-midi, alors que nous siégerons à huis clos.