REGS Rapport du Comité
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Le 26 février 1998 Le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation a l'honneur de présenter son DEUXIÈME RAPPORT (Rapport n° 61 - Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988)) En conformité avec l’ordre de renvoi prévu à l’article 19 de la Loi sur les textes réglementaires, L.R.C. (1985), c. S-22, le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation attire l’attention des Chambres sur les articles 56 et 57 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988), DORS/88-361, modifié par le DORS/94-219. Le texte de ces dispositions est reproduit dans l’annexe du Rapport. Au début de 1997, il a été porté à l'attention du Comité mixte que la Gendarmerie royale du Canada continuait d'appliquer l'article 57 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988) malgré l'arrêt Osborne c. Canada dans lequel la Cour suprême du Canada a invalidé, parce qu'elles contrevenaient à la Charte canadienne des droits et libertés, des restrictions comparables, quoique moins contraignantes, sur les activités politiques d'autres employés de la fonction publique1. Le Comité a demandé à la GRC de lui faire savoir si elle jugeait l'article 57 constitutionnel et valide en dépit de l'arrêt Osborne et, le cas échéant, de lui fournir un exposé détaillé des motifs étayant sa position. Le responsable des textes réglementaires à la GRC a d'abord expliqué que la GRC serait mal avisée de soulever l'affaire devant le Comité maintenant étant donné la convention relative aux affaires pendantes (sub judice), puisque la constitutionnalité de l'article 57 est contestée devant la Cour supérieure du Québec. Pour des raisons que nous expliquons ci-après, le Comité a estimé que cette réponse n'était pas satisfaisante et il a réitéré sa demande. Une lettre datée du 12 mars 1997 informait le Comité que «le Procureur général du Canada est d'avis que l'article 57 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988) n'est pas incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés et que le jugement de 1991 de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Osborne c. Canada ne s'applique pas audit article» et aussi que «le Procureur général est prêt à présenter ces mêmes arguments dans une action devant la Cour supérieure du Québec pour y défendre la constitutionnalité de l'article 57. Malgré la mention d'«arguments», il est évident que la GRC ne fait simplement qu’énoncer la conclusion à laquelle le procureur général du Canada est arrivé et qu'aucun motif n'a été fourni pour étayer cette conclusion. Devant ce fait, votre Comité a écrit au solliciteur général du Canada pour lui demander «de fournir au Comité mixte la liste des objectifs gouvernementaux servis par l'article 57 et d'expliquer pourquoi une interdiction quasi absolue de toute activité politique est nécessaire pour les atteindre». Le solliciteur général a aussi été avisé que le Comité était susceptible de mettre également en question la validité de l'article 56 du Règlement. Dans sa lettre du 9 avril 1997, le solliciteur général explique que selon le gouvernement, l’arrêt Osborne «ne s’applique pas à la GRC» parce ce que dans cette affaire on contestait la constitutionnalité des alinéas 33(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, qui interdisent aux fonctionnaires embauchés sous le régime de cette loi de «travailler» pour ou contre un candidat ou un parti politique dans une élection fédérale ou provinciale. Par contre, les articles 56 et 57 du Règlement de la GRC visent les membres de la GRC qui sont embauchés aux termes de la Loi sur la GRC aux fins de l’application des lois et qui, eu égard à leurs fonctions, sont investis d’un pouvoir discrétionnaire considérable qui a une influence sur le grand public. [TRADUCTION] La question n’est pas de savoir si l’affaire Osborne “s’applique” à la GRC mais plutôt de déterminer si les articles 56 et 57 contreviennent à la Charte canadienne des droits et libertés. Les distinctions que signale le ministre sont évidentes. Mais il devrait être tout aussi clair que le raisonnement de la Cour suprême dans l’affaire Osborne est pertinent lorsqu’il s’agit de déterminer si les articles 56 et 57 du Règlement contreviennent à la Charte comme le serait d’ailleurs toute autre arrêt de la Cour suprême touchant l’application de la Charte. L’article 33 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique et les articles 56 et 57 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988) visent à promouvoir un objectif gouvernemental semblable: la neutralité politique des personnes auxquelles ils s’appliquent de façon à préserver la confiance de la population à l’égard des institutions gouvernementales. Dans sa réponse, le ministre déclare aussi que l’initiative GRC/93-9-F incluse dans les Projets de réglementation fédérale chaque année depuis 1993 a pour but de faire savoir que la GRC cherche le meilleur moyen possible de conserver, à titre d’organisme d’application des lois, la neutralité politique dont elle a besoin. Pour assurer sa neutralité politique — l’objectif des articles 56 et 57 —, la GRC veut faire en sorte, d’une part, que ses membres ne fassent preuve d’aucune partialité politique dans l’exercice de leurs fonctions policières ou, plus généralement, dans l’application des lois et, d’autre part, qu’ils soient perçus comme tels. La GRC cherche présentement à savoir s’il existe, au régime actuellement établi aux articles 56 et 57, des solutions de rechange qui conféreraient une plus grande latitude à ses membres tout en préservant leur neutralité politique. [TRADUCTION] Cette déclaration semble vouloir suggérer que l’initiative réglementaire pertinente ne devrait pas être interprétée comme une admission que les restrictions mentionnées aux articles 56 et 57 vont au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer l’accomplissement des fonctions policières dans la neutralité politique et que cette initiative n’est rien d’autre qu’une étude ou un examen général d’alternatives possibles. Le Comité fait simplement remarquer, à cet égard, que les Projets de réglementation fédérale rassemblent «tous les projets de réglementation des ministères et organismes fédéraux pour l’année à venir» et que l’initiative GRC/93-9-F énonce clairement que le «Règlement de la GRC (1988) sera modifié afin de préciser la mesure et les conditions dans lesquelles les membres de la Gendarmerie royale du Canada pourront participer à des activités politiques» [nos soulignements]. Étant donné la nature des Projets de réglementation fédérale et les mots utilisés pour décrire l’initiative GRC/93-9-F, il nous semble que cette initiative annonce une intention claire de modifier le Règlement actuel plutôt qu’une simple intention d’entreprendre une étude générale sur les autres possibilités qui s’offrent. Cette initiative doit refléter une conclusion officielle selon laquelle le niveau actuel de restrictions n’est pas nécessaire afin d’atteindre l’objectif de neutralité politique. Finalement, le Comité fait remarquer qu’il a aussi attiré l’attention du solliciteur général sur le fait que la législation régissant les forces policières dans d’autres juridictions ne contient aucune restriction explicite quant aux activités politiques, ou bien, si elle en contient, ces restrictions sont beaucoup moins limitatives que celles que l’on trouve aux articles 56 et 57 du Règlement. Le Comité a demandé au solliciteur général d’expliquer pourquoi on devrait considérer que les articles 56 et 57 sont essentiels à la préservation de la neutralité politique de la police fédérale alors qu’on considère que des restrictions moindres suffisent dans le cas de corps policiers provinciaux comme la Police provinciale de l’Ontario et la Sûreté du Québec. La convention relative aux affaires pendantes (sub judice) Comme nous l'avons mentionné ci-dessus, il semble qu'une action contestant la validité de l'article 57 ait été intentée devant la Cour supérieure du district de Montréal. C'est ce qui a amené la GRC à suggérer que votre Comité ne devrait pas traiter de cette même question. Or, le Comité ne croit pas que le fait qu'il y ait en instance une action contestant la validité d'une règle de droit empêche ou devrait empêcher le Parlement de se pencher sur la question. Le Parlement et les tribunaux ont chacun un rôle à jouer pour garantir la constitutionnalité des lois. D'ailleurs, comme le Parlement est la source même de toutes les lois, on pourrait dire que sa responsabilité à cet égard est prééminente. Lorsqu'une loi est inconstitutionnelle, le Parlement est, dans certains cas, une tribune plus rapide et plus économique que les tribunaux pour régler la question. De toute façon, il exerce une compétence qui est tout à fait à part de celle des tribunaux et le Comité mixte rejette l'idée qu'il devrait s'abstenir d'exécuter son mandat au nom du Parlement parce que la validité d'une certaine disposition réglementaire fait en même temps l'objet d'un examen judiciaire. La position du Comité mixte Le Comité mixte a étudié la question de savoir si les articles 56 et 57 du Règlement étaient conformes à la Charte canadienne des droits et libertés et il a conclu que ces articles devaient être abrogés au motif qu'ils ne le sont pas (critère d'examen n° 2). De plus, on peut aussi s'opposer à ces dispositions parce qu'elles équivalent à l'exercice d'un pouvoir législatif de fond qui devrait faire l'objet d'une loi adoptée par le Parlement (critère d'examen n° 12) et qu'elles empiètent indûment sur les droits et libertés (critère d'examen n° 9). Votre Comité souhaite préciser que certaines restrictions des activités politiques des membres de la GRC sont incontestablement nécessaires pour que le public demeure convaincu que la GRC applique la loi de façon équitable et impartiale. Il se pourrait même que les restrictions actuellement imposées soient constitutionnelles en autant qu’elles s'appliquent à certains grades de la GRC ou aux agents qui occupent certains postes. Par contre, votre Comité ne peut faire autrement que conclure que les dispositions en vigueur vont au-delà de ce qui est nécessaire dans la plupart des cas, en interdisant, sans exception ou presque, toute forme de participation à des activités politiques. LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS Après avoir étudié la jurisprudence pertinente, le Comité mixte arrive à la conclusion que les articles 56 et 57 du Règlement sont incompatibles avec la liberté d'expression garantie par la Charte canadienne des droits et libertés et que la justification des restrictions imposées par ces articles ne peut pas se démontrer dans une société libre et démocratique, comme l'exige l'article 1 de la Charte. De plus, il est concevable que ces dispositions enfreignent aussi la liberté d’association et le droit d’être éligible à titre de candidat garantis par les articles 2d) et 3 de la Charte. La liberté d'expression Il est évident que la notion de «liberté d'expression» ne se borne pas à la liberté de parole. La Cour suprême a statué que l'interdiction de porter des pancartes et de distribuer des tracts dans un aéroport constitue une atteinte à la liberté d'expression, injustifiable aux termes de l'article 1.2 Dans l'arrêt Irwin Toy Ltd. c. Québec (P. G.)3, la Cour suprême est allée jusqu'à déclarer que le fait de garer une voiture pouvait être une activité expressive protégée par l'alinéa 2b) de la Charte s'il avait pour objet d'exprimer quelque chose, par exemple protester contre les règlements de stationnement. La Cour a défini «expression» comme étant toute activité qui tente de transmettre une signification4. La Cour suprême a énoncé, dans l'arrêt Irwin Toy, l’analyse à faire lorsqu'une action du gouvernement est contestée en se fondant sur l'alinéa 2b) de la Charte. Premièrement, il faut déterminer si l'activité que souhaite poursuivre celui qui conteste l'action gouvernementale relève de la liberté d'expression. Toute activité qui transmet ou tente de transmettre une signification a donc un contenu expressif et relève à première vue du champ de la garantie. Après avoir établi que l'activité en cause fait partie du champ de la liberté d'expression, la deuxième étape vise à déterminer si l'action gouvernementale a pour objet ou pour effet de restreindre cette liberté d'expression. Si le gouvernement a voulu contrôler la transmission d'une signification soit en restreignant directement le contenu de l'expression soit en restreignant une forme d'expression liée au contenu, son objet porte atteinte au droit garanti.5 Selon votre Comité, il va de soi que la plupart des activités, sinon toutes, interdites par les articles 56 et 57 du Règlement se situent entièrement dans le champ des activités protégées par la liberté d'expression. Le fait de travailler pour un candidat ou pour un parti politique, ou encore de se porter candidat à une élection est un exemple des plus patents de ce qu'on a appelé la parole politique et il est indubitable que celle-ci se situe «au coeur de l'alinéa 2b) de la Charte».6 Après avoir déterminé que les activités interdites relèvent du champ de la liberté d'expression, il faut décider si l'action gouvernementale a pour objet ou pour effet de restreindre la liberté d'expression. En l'occurrence, l'interdiction catégorique de formes d'expression qui sont permises aux citoyens en général, constitue indéniablement une restriction de la liberté d'expression. Les dispositions en cause ont précisément pour objet d'imposer des restrictions particulières à la liberté d'expression des membres de la GRC. Une telle conclusion est cohérente avec l'arrêt Osborne c. Canada rendu par la Cour suprême qui y a statué que les restrictions imposées aux activités politiques des fonctionnaires fédéraux par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique portaient atteinte à la liberté d'expression. Or, les restrictions imposées par les articles 56 et 57 du Règlement sont encore plus rigoureuses que celles prévues dans la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, qui étaient contestées dans l'affaire Osborne. La liberté d'association L'alinéa 2d) de la Charte garantit la liberté d'association. L'article 56 du Règlement, interdisant toute manifestation publique d'adhésion à un parti politique, ou l'article 57, interdisant de travailler pour ou contre un parti politique, portent-ils atteinte à cette liberté? La liberté d'association a été définie comme incluant «la liberté de constituer une association, de la maintenir et d'y appartenir».7 Dans l'arrêt Osborne, la Cour suprême a fait remarquer que le fait d'interdire aux fonctionnaires fédéraux de travailler pour ou contre un candidat ou un parti politique, ou de se présenter comme candidat «semblait» constituer une infraction à l'alinéa 2d) de la Charte, indépendamment de la contravention de l'alinéa 2b), encore qu’elle ne voyait pas la nécessité de pousser plus loin l'analyse, puisqu'elle avait déjà conclu à une violation de l'alinéa 2b). La situation qui nous intéresse est comparable. Bien qu'il ait déjà été établi que les articles 56 et 57 contrevenaient à l'alinéa 2b) de la Charte, on pourrait également très bien soutenir que les dispositions du Règlement en question portent atteinte à la liberté d'association garantie par l'alinéa 2d) de la Charte. Les droits démocratiques La
disposition pertinente de l'article 3 garantit à tout citoyen canadien le droit
d'être éligible à la Chambre des communes ou à une assemblée législative. Dans
la mesure où l'on peut dire que l'alinéa 57(1)c) rend inéligible les
membres de la GRC à L’article 1 de la Charte L'article 1 dispose que les droits et libertés garantis par la Charte «ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique». Lorsqu’on conclut que le Règlement viole les libertés d'expression et d'association garanties par la Charte, il faut répondre à la question cruciale de savoir si ces dispositions se justifient aux termes de l'article 1. Les dispositions des articles 56 et 57 constituent nettement une «règle de droit»; elles remplissent donc ce critère de l'article 1. Il faut encore vérifier si les restrictions qu'elles imposent sont des limites raisonnables dont la justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. Dans l'arrêt R. c. Oakes, la Cour suprême a établi deux critères à appliquer pour déterminer si une limite est raisonnable et si sa justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique8 : (1) L'objectif que doivent servir les mesures qui apportent une restriction à un droit garanti par la Charte doit être suffisamment important pour justifier la suppression d'un droit ou d’une liberté garantis par la Constitution. Il faut à tout le moins qu'un objectif se rapporte à une préoccupation urgente et réelle; (2) Les moyens choisis pour atteindre l'objectif doivent être proportionnels à la préoccupation. Ce critère comporte trois éléments : (i) la limite doit avoir un lien rationnel avec l'objectif, tout le contraire d’une limite arbitraire, inéquitable, ou fondée sur des considérations irrationnelles; (ii) les moyens choisis doivent être de nature à porter le moins possible atteinte au droit ou à la liberté en question; (iii) il doit y avoir proportionnalité entre l'objectif et les effets des mesures restreignant un droit ou une liberté garantis par la Charte (plus l'effet sera grave, plus l'objectif devra être important). L'objectif Les objectifs gouvernementaux servis par les articles 56 et 57 du Règlement sont d'une importance indéniable. Encore plus que dans le cas des fonctionnaires en général, il y a un intérêt légitime à préserver l'impartialité de la GRC. Le grand public doit avoir la certitude que la GRC est capable d'exécuter ses fonctions policières de façon équitable et impartiale. Comme l’écrit le solliciteur général : « Pour assurer sa neutralité politique — l’objectif des articles 56 et 57 —, la GRC veut faire en sorte, d’une part, que ses membres ne fassent preuve d’aucune partialité politique dans l’exercice de leurs fonctions policières ou, plus généralement, dans l’application des lois et, d’autre part, qu’ils soient perçus comme tels.» Bien que le solliciteur général n’en parle pas, le Comité pense que l’objectif gouvernemental qui sous-tend les articles 56 et 57 a un autre aspect qui peut être caractérisé comme la nécessité de s'assurer du bon fonctionnement et de la bonne administration de la GRC. Lorsque les activités politiques sont menées ouvertement, les membres de la GRC pourraient se sentir obligés de se conformer aux intérêts partisans de leurs supérieurs. Tout comme la GRC doit appliquer la loi selon les principes de la neutralité, de l'impartialité et de l'intégrité, l'administration de la GRC doit elle-même refléter ces valeurs. Dans l'arrêt Osborne, la Cour suprême a eu peu de mal à conclure que les restrictions imposées aux activités politiques des fonctionnaires visaient nettement à atteindre un objectif important du gouvernement, à savoir préserver la neutralité de la fonction publique. Le même raisonnement s'applique indubitablement aux articles 56 et 57 du Règlement. Les moyens Dans l'arrêt Osborne, la Cour suprême a déclaré qu'il y avait incontestablement un lien rationnel entre le fait de restreindre l'activité politique partisane et l'objectif de préserver la neutralité de la fonction publique. Sans conteste, les articles 56 et 57 du Règlement ont un tel lien avec les objectifs définis ci-dessus. Il est donc inutile de s'étendre sur la question. Quant à la seconde dimension du critère de «proportionnalité», toutefois, votre Comité ne peut que conclure que les interdictions énoncées aux articles 56 et 57 du Règlement vont au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs gouvernementaux légitimes susmentionnés. Les dispositions en cause interdisent aux membres de la GRC un très large éventail d'activités politiques. Ainsi, l'article 56 prévoit qu'un membre ne peut «porter ni arborer aucun emblème, symbole ou insigne d'un parti politique, ni manifester publiquement de quelque autre façon son adhésion à un parti politique». Cette interdiction empêcherait donc un membre de planter un panneau électoral sur son terrain, devant chez lui, pour manifester son appui à un candidat à des élections municipales. Prenons un autre exemple. L'alinéa 57(1)a) interdit à un membre de la GRC de «faire aucun travail pour ou contre» une personne qui cherche à se faire élire à un conseil municipal. Donc, si un candidat à des élections municipales faisait campagne pour ou contre un problème local comme l'élargissement d'un pont ou l'agrandissement d'un centre commercial situé dans le quartier d'un membre de la GRC, ce dernier ne pourrait pas exprimer son opinion à une assemblée publique sur le sujet, car cela pourrait donner l'impression qu'il appuie ce candidat. Même une activité aussi anodine et discrète que mettre de la documentation électorale dans des enveloppes est interdite. Le paragraphe 57(2) prévoit des exceptions mineures aux interdictions énoncées au paragraphe 57(1). Il confirme le droit des membres d'appuyer en privé un parti politique, d'exprimer en privé leurs opinions politiques, d'assister à des assemblées politiques lorsqu'ils ne sont pas de service et de voter. On peut présumer qu'un membre n'est pas autorisé à exprimer son opinion lorsqu'il assiste à une assemblée politique pendant qu'il n'est pas de service. Il lui serait également interdit de porter un macaron ou de poser une question si, ce faisant, il faisait connaître son opinion personnelle. Le paragraphe 57(2) ne va pas beaucoup au-delà d’une confirmation que les membres conservent la liberté de pensée et de croyance, ainsi que le droit de vote. Le fait que ces vastes interdictions vont au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs gouvernementaux définis devient manifeste lorsqu'on compare les articles 56 et 57 du Règlement aux lois régissant les forces policières d'autres juridictions au Canada.9 Comme nous l’avons fait remarquer auparavant, les lois qui régissent les activités politiques des membres des corps policiers municipaux de l'Ontario, de la Police provinciale de l'Ontario et de la Sûreté du Québec, par exemple, ne renferment pas une interdiction aussi complète que celle prévue aux articles 56 et 57.10 Le fait que la législation provinciale autorise une plus grande participation aux activités politiques donne fortement à penser qu'il est possible d'avoir des dispositions moins restrictives tout en atteignant l'objectif visé par la restriction des activités politiques. Votre Comité a également remarqué que dès 1993, le gouvernement a annoncé dans son document annuel Projets de réglementation fédérale qu'il étudiait la possibilité de modifier le Règlement afin d'accorder aux membres de la Gendarmerie royale du Canada le droit de participer au processus politique comme candidats à des élections fédérales, provinciales ou municipales et de leur donner une plus grande latitude pour participer aux activités courantes des partis politiques. Ce même dessein est exposé dans les Projets de réglementation fédérale de 1994, 1995, 1996. Les Projets de réglementation fédérale de 1997 annonce que le Règlement «sera» modifié afin de permettre aux membres de la GRC une plus grande participation aux activités politiques. Sans être concluant en soi, le fait que l'assouplissement des restrictions actuelles aux activités politiques soit à l'étude depuis au moins cinq ans suggère nettement que le gouvernement lui-même reconnaît que celles-ci vont au-delà de ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes du gouvernement et rend encore plus difficile de comprendre la position prise par le solliciteur général du Canada selon qui l’article 57 est constitutionnel. Dans sa lettre du 9 avril 1997, le solliciteur général insiste lourdement pour dire qu’il n’a «encore approuvé aucun projet de modification aux articles 56 et 57» et n’en a «pas soumis au gouverneur en conseil non plus». Il est évident que si le solliciteur général avait approuvé des modifications à ces articles et les avait présentées au gouverneur en conseil pour adoption le Comité n’aurait pas besoin de recommander l’abrogation des articles 56 et 57. En ce sens, le ministre ne fait qu’énoncer une évidence. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, l’inclusion de cette initiative dans un document gouvernemental destiné à annoncer en temps voulu cette initiative réglementaire et la préparation subséquente de modification détaillées peuvent être vues comme reflétant la conclusion que les restrictions actuelles sont trop contraignantes. Si leur assouplissement était incompatible avec l’objectif qu’elles visent, on aurait pu s’attendre à ce qu’on en arrive à cette conclusion bien avant ce jour et qu’on abandonne l’initiative réglementaire. En outre, votre Comité croit savoir qu'à plusieurs reprises dans le passé, la haute direction de la GRC a autorisé des membres à se porter candidat et même à occuper une charge élective. Si les articles 56 et 57 du Règlement sont valides, comme le soutient maintenant le procureur général du Canada, il s’en suit qu’en accordant ces autorisations des officiers supérieurs de la GRC ont illégalement autorisé des infractions au Règlement su la Gendarmerie royale du Canada (1988) commises par des membres de la GRC. D’autre part, le fait d’accorder ces autorisations peut simplement être un reflet du fait que le Commissaire est d’avis que les articles 56 et 57 sont nuls parce qu’ils contreviennent à la Charte, auquel cas les autorisations données par les officiers supérieurs l’auraient été légalement. Le fait que de telles autorisations, légales ou illégales, aient déjà été accordées signifie à tout le moins qu'au sein même de la GRC, ces restrictions ont en certaines occasions été jugées excessivement larges. Enfin, dans la mesure où les articles 56 et 57 sont encore plus restrictifs que l'article de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique que la Cour suprême a invalidé dans l’arrêt Osborne, on peut difficilement éviter de conclure que ces dispositions ne satisfont pas davantage au second élément du critère de proportionnalité servant à l'application de l'article 1 de la Charte. On pourrait soutenir que la nécessité de garantir la neutralité politique est plus importante chez les membres de la GRC que chez les fonctionnaires en général et que les restrictions plus larges imposées aux membres de la GRC sont donc nécessaires, mais ensemble, les facteurs exposés ci-dessus nous amènent à conclure que les articles 56 et 57 ne sauraient constituer des mesures minimales pour garantir l'impartialité. Ultérieurement à l'arrêt R. c. Oakes,11 la Cour suprême a indiqué que le critère des mesures minimales n'était pas inflexible. Reconnaissant qu'il sera presque toujours possible d'imaginer une loi légèrement moins restrictive que celle qui est contestée, la Cour a déclaré que le critère revient en fait à se demander si l'on a porté atteinte aussi peu que raisonnablement possible au droit ou à la liberté que garantit la Charte.12 Il fait peu de doute que les articles 56 et 57 ne constituent pas une atteinte minimale aux libertés garanties par la Charte et ne satisfont donc pas à cette dimension du critère de «proportionnalité». Étant donné cette conclusion, il n'est pas nécessaire d'examiner l'élément du critère qui reste, à savoir si les articles 56 et 57 produisent des effets proportionnés à l'objectif législatif qu'ils servent.13 En résumé, le Comité conclut que les articles 56 et 57 du Règlement restreignent la liberté d'expression garantie par l'alinéa 2b) de la Charte, la liberté d'association garantie par l'alinéa 2d) et, fort probablement, les droits relatifs à l'éligibilité garantis par l'article 3 de la Charte. Or, les articles 56 et 57 ne sauraient constituer des règles de droit imposant des limites raisonnables dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique, aux termes de l'article 1 de la Charte, parce que les moyens choisis, c'est-à-dire une interdiction complète de toute activité politique, ne sont pas proportionnés aux objectifs gouvernementaux que l'interdiction est censée servir. En particulier, ces dispositions sont trop larges et elles ne constituent pas une atteinte minimale aux droits et libertés garantis. L'EXERCICE D'UN POUVOIR LÉGISLATIF QUI DEVRAIT FAIRE L'OBJET D'UNE LOI DU PARLEMENT Sans remettre en question la légitimité ni l'utilité de la réglementation comme moyen de gouverner, le Comité mixte estime qu'il y a des matières qui ne feront pas partie de la sphère normale de la législation déléguée. Le Comité pense que les droits et libertés des Canadiens forment une de ces matières et que leur restriction ne devrait pas, normalement, faire l'objet de règlements, mais toujours être imposée par le Parlement lui-même. Sauf circonstances exceptionnelles, le pouvoir de réglementation ne devrait pas servir à faire des règles qui restreignent ou modifient sensiblement les droits et libertés publiques des citoyens. Notre ordre constitutionnel est conçu de manière à protéger les libertés individuelles tout en permettant au gouvernement de gouverner. Les parlementaires ont la responsabilité expresse de décider quand et jusqu'à quel point le bien-être général exige que l'on restreigne ces libertés. Il ne convient pas de laisser l'exécutif prendre de telles décisions, sur le conseil de fonctionnaires n'ayant aucun compte à rendre. Comme l'a dit un éminent conseiller juridique de la Couronne : «La publicité et le droit à la discussion sont probablement les meilleures protections contre l'abus de pouvoir».14 Votre Comité souscrit sans réserve à cette opinion et est fermement convaincu que toute limite ou restriction marquée des droits et libertés individuels devrait presque toujours être imposée au moyen d'une loi du Parlement qui tient un débat sur cette dernière avant de l'adopter. Ainsi, les mesures proposées sont portées à l'attention des Canadiens qui ont alors la possibilité de présenter leurs points de vue au législateur. Cette démarche tient compte du fait que les règlements, contrairement aux lois du Parlement, peuvent être pris «privément sans bénéficier de l'avis et des critiques du public»15 et que les règles de procédure parlementaire constituent une importante protection démocratique qui ne s'applique pas à la réglementation. S'il faut restreindre les droits et libertés individuels de certains citoyens, que ce soit les policiers ou un autre groupe, afin de servir des objectifs gouvernementaux valables, les règles qui s'imposent devraient être énoncées dans des lois adoptées après que le législateur aura débattu les avantages et les inconvénients des objectifs et l'adéquation des moyens choisis pour les atteindre. Votre Comité souligne que cela n’a rien à voir avec la légalité des dispositions en cause. Même si le Comité croyait que les articles 56 et 57 sont conformes à la Charte canadienne des droits et libertés, il n'en penserait pas moins qu'ils contreviennent à son douzième critère d'examen en ce qu’ils équivalent «à l'exercice d'un pouvoir législatif de fond qui devrait faire l'objet d'une loi adoptée par le Parlement». EMPIÉTEMENT INDU SUR LES DROITS ET LIBERTÉS Les motifs pour lesquels votre Comité considère que les articles 56 et 57 du Règlement ne constituent pas une limite raisonnable des droits et libertés garantis par la Constitution étayent aussi sa conclusion que ces articles empiètent indûment sur les droits et libertés et contreviennent donc à son neuvième critère d'examen. Disons simplement que c'est la portée des interdictions énoncées dans ces dispositions qui est préoccupante. Les articles 56 et 57 équivalent à interdire complètement, en pratique, les activités politiques aux membres de la GRC. Tout en reconnaissant d'emblée que l'importance de préserver l'impartialité de la GRC justifie l'imposition de limites raisonnables aux activités politiques auxquelles peuvent participer ses membres, votre Comité trouve peu probable qu'une telle interdiction générale soit absolument nécessaire pour atteindre cet objectif. Même en faisant abstraction des problèmes de constitutionnalité, le champ d'application beaucoup trop vaste de ces interdictions suffit, à notre avis, pour conclure que les articles 56 et 57 empiètent indûment sur les droits et libertés. CONCLUSION Étant donné la nature des objections formulées par votre Comité contre les articles 56 et 57 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988), en particulier le fait que votre Comité croit qu'il n'est pas approprié que des restrictions aux libertés d'expression et d'association aussi sévères que celles qu'on y trouve soient adoptées par règlement, le Comité a, dans un premier temps, jugé que le désaveu de ces articles par la Chambre des communes était le recours à privilégier. Peu de temps avant que le Comité étudie une ébauche de rapport contenant une résolution de désaveu, le solliciteur général a demandé à comparaître devant le Comité. Cette comparution a eu lieu le 24 avril 1997. Durant son témoignage, l’honorable Herb Gray a réitéré que sa position demeure que les articles 56 et 57 du Règlement «sont constitutionnels et n’empiètent pas sur les droits et libertés garantis par la Charte». A cette même occasion, le ministre a déclaré que «pour des raisons pratiques et administratives, il serait utile de procéder à une mise à jour de ces dispositions réglementaires touchant les activités politiques des membres de la GRC». Le solliciteur général a indiqué qu’il avait demandé à la GRC «de faire une proposition en bonne et due forme au ministre en poste dès l’automne prochain». Par la suite, en réponse à une question d’un membre du Comité, le ministre a dit ceci: Ma position a deux volets: si on regarde les règlements strictement sur une base constitutionnelle, la position qu’ils sont constitutionnels ne doit pas être annulée pour ces raisons. Mais si on regarde ces règlements pour voir s’il sont suffisamment modernes pour répondre aux situations actuelles, je pense qu’il y a de la place pour les moderniser, pour les mettre à jour. Pour être constitutionnels, les articles 56 et 57 du Règlement doivent porter atteinte le moins possible aux droits et libertés garantis par la Charte. Ce critère des mesures minimales a été établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Oakes. En affirmant que les articles 56 et 57 sont constitutionnels, on doit nécessairement comprendre que le solliciteur général a dit qu’ils satisfont au critère des mesures minimales et qu’ils contreviennent à la Charte aussi peu qu’il est raisonnablement possible de le faire. Cependant, du même souffle, le solliciteur général a suggéré que les articles 56 et 57 peuvent, «pour des raisons pratiques et administratives», être modifiés afin de les aligner sur les législations moins restrictives s’appliquant à d’autres corps policiers. La contradiction inhérente de ces positions n’a jamais été expliquée de façon satisfaisante. Pour être constitutionnels, les articles 56 et 57 doivent empiéter aussi peu qu’il est raisonnablement possible de le faire sur les droits et libertés et ne peuvent par conséquent être modifiés sans causer préjudice à l’objectif légitime poursuivi par ces restrictions. Si les articles 56 et 57 peuvent être révisé de façon à rendre les restrictions moins contraignantes, on ne peut évidemment pas dire qu’ils enfreignent les droits et libertés garantis aussi peu qu’il est raisonnablement possible de le faire et ils sont donc inconstitutionnels. A la lumière de l’assurance reçue par le Comité selon laquelle les dispositions actuelles seront abrogées, ce dernier a décidé de ne pas mettre en branle la procédure de désaveu des articles 56 et 57 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988). Bien qu’une proposition de révision devait être présentée au solliciteur général l’automne dernier, cela ne s’est pas produit. Ce délai a amené le Comité à décider de porter l’affaire à l’attention du Parlement par le biais du Rapport que voici. Le Comité souhaite signaler en particulier sa recommandation selon laquelle toute restriction apportée à des droits et libertés constitutionnels devrait être le fait du Parlement lui-même et non celui d’un délégué agissant en vertu d’un pouvoir d’adopter de la législation subordonnée. Dans l’immédiat, la préoccupation du Comité reste le fait que les articles 56 et 57 existent toujours et que si cela devait perdurer, le Comité pourrait bien vouloir reconsidérer la possibilité de mettre en branle la procédure de désaveu. Le Comité tient à dire clairement qu’il ne conteste pas la légitimité des objectifs qu’on entend poursuivre à l’aide des articles 56 et 57. Pas plus, soulignons-le, que le Comité n’adopte le point de vue que toute restriction relative aux activités politiques des membres de la GRC est une entrave injustifiable aux droits et libertés garantis par la Charte. Il est important et légitime de s’assurer que l’application de la loi et l’administration de la GRC se fassent sans partisanerie politique. Cela étant dit, les moyens choisis pour y parvenir doivent être des moyens raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Il ne revient pas au Comité de définir précisément quelles restrictions peuvent être apportés aux activités politiques des membres de la GRC afin de préserver la neutralité de ce corps policier tout en empiétant aussi peu qu’il est raisonnablement possible de le faire sur les droits et libertés de ses membres. C’est toutefois sa responsabilité, chaque fois que des mesures de cette nature sont adoptées par voie de législation déléguée, de donner au Parlement un avis quant à savoir si les moyens choisis pour atteindre certains objectifs sont appropriés et légaux. En ce sens, nous voudrions simplement noter que la GRC a étudiée des modifications aux dispositions contestées pendant au moins cinq ans et que nous pouvons présumer qu’elle peut rapidement proposer au Parlement, par le biais du ministre responsable, un régime moins contraignant. Votre Comité recommande que les articles 56 et 57 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988) soient abrogés sans plus tarder et que dès que faire se pourra, le gouvernement dépose devant le Parlement des modifications à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada qui définiraient, en conformité avec les droits et libertés garantis à tous les citoyens par la Charte canadienne des droits et libertés, les limites dans lesquelles les membres de la GRC peuvent participer à la vie politique. Une copie du numéro pertinent des Procès-verbaux et témoignages (fascicule no 6, première session, trente-sixième législature) est déposée à la Chambre des communes. Respectueusement soumis, Les coprésidents
1. Osborne c. Canada, [1991] 2 R.C.S. 69. 2. Comité pour la République du Canada c. Canada, [1991] 1 R.C.S. 139. 3. 1 R.C.S. 927. 4. Dans l'arrêt Switzman c. Elbling de la Cour suprême du Canada, [1957] S.C.R. 285, le juge Abbott a écrit que «le droit à la libre expression d'opinions et de critiques» est «essentiel aux rouages d'une démocratie parlementaire comme la nôtre». Comme le fait remarquer Peter Hogg, «les juges canadiens ont toujours valorisé énormément la liberté d'expression comme partie intégrante de la démocratie parlementaire et ont cherché à la protéger par tous les moyens restreints dont ils disposaient avant l'adoption de la Charte des droits». Constitutional Law of Canada, 3rd edition, 1992, p. 961. Aujourd'hui, de telles règles de droit doivent aussi être compatibles avec l'alinéa 2b) de la Charte qui garantit la liberté d'expression. 5. Il ne suffit pas de démontrer que l’action gouvernementale ne visait pas à restreindre la liberté d’expression. Une action peut aussi être inconstitutionnelle parce qu’elle produit un tel effet. Même si le but poursuivi par le gouvernement n’était pas de contrôler ne de restreindre une tentative de transmettre une signification, le tribunal doit décider si l’action gouvernementale a néanmoins pour effet de restreindre la liberté d’expression. Selon la Cour, il faut apprécier une telle action en tenant compte des principes suivants : «(1) la recherche de la vérité est une activité qui est bonne en soi; (2) la participation à la prise de décisions d’intérêt social et politique doit être encouragée et favorisée; et (3) la diversité des formes d’enrichissement et d’épanouissement personnels doit être encouragée dans une société qui est essentiellement tolérante, même accueillante, non seulement à l’égard de ceux qui transmettent un message, mais aussi à l’égard de ceux à qui il est destiné» [1989] 1 R.C.S. 927, 276. 6. Hogg, précité à la note 4. 7. Institut professionnel c. T.N.-O., [1990] 2 R.C.S. 367, le juge Sopinka. 8. [1986] 1 R.C.S. 103. 9. Renvoyer aux lois d’autres juridictions pour déterminer ce qui constitue une atteinte minimale aux droits, nécessaire pour atteindre des objectifs gouvernementaux, est cohérent eu égard à la démarche de la Cour suprême dans l'arrêt Osborne (précité, note 1). 10. Voir Ontario Regulation 554/91, Political Activities of Municipal Police Officers; Public Service Act, R.S.O. 1990, c. P.47, tel qu’amendé par S.O. 1993, c.38; Loi modifiant la Loi de police et d’autres dispositions législatives, S.Q. 1996, c. 73. 11. Précité à la note 8. 12. Voir par exemple R. c. Edwards Books and Art, [1986] 2 R.C.S. 713; États-Unis c. Cotroni, [1989] 1 R.C.S. 1469. 13. D'ailleurs, certains ont prétendu que cette dimension du critère de proportionnalité était superflue parce qu'elle réitérait simplement l'obligation qu'une loi vise un objectif qui soit suffisamment important pour l'emporter sur un droit garanti par la Charte (voir Hogg, précité, note 4, p. 883). 14. Driedger, «The Enactment and Publication of Canadian Administrative Regulations», (1969) 19 Administrative Law Review 129, p. 134. 15. Chambre des communes, Comité spécial sur les instruments statutaires, Troisième rapport, première session, vingt-huitième législature, p. 43. |