Gouvernance de l’Arctique, une région en pleine évolution
Ébauche révisée, le 22 août 2012
Document proposé par le Comité permanent des parlementaires
de la région arctique
(accepté par le Comité permanent des parlementaires de la région arctique,
le 5 septembre 2012)
GOUVERNANCE DE L’ARCTIQUE, UNE RÉGION EN PLEINE ÉVOLUTION
Document proposé par le Comité permanent des parlementaires de la
région arctique (CPPRA)
1.INTRODUCTION
L’Arctique est en train de changer. À
cause de ces changements, la population de l’Arctique fait face à des défis de
taille. Pendant de nombreuses années, l’Arctique a surtout été considéré comme
la dernière aire de nature sauvage. Toutefois, au cours des 10 dernières
années, cette image a pris des dimensions nouvelles. Le caractère sauvage
demeure un élément important de la région arctique, mais les résidants de
l’Arctique observent des phénomènes bien réels comme le changement climatique,
la fonte de la glace, une augmentation des activités industrielles et l’exploitation
possible des riches ressources naturelles de la région. Ce sont là des facteurs
qui modifient grandement notre perception de l’Arctique.
De plus, l’océan Arctique est en train
de se transformer rapidement en mer libre. Des bateaux de croisière pénètrent
maintenant dans les eaux arctiques. De nouvelles routes de transport maritime
commercial sont mises à l’essai. Tandis que l’océan Arctique se réchauffe, les
habitudes migratoires des stocks actuels de poissons changent; en effet, des
populations de poissons du sud commencent à s’aventurer au nord. L’industrie de
la pêche exploite les ressources plus au nord que jamais auparavant.
Les riches ressources naturelles de
l’Arctique sont en train de devenir accessibles. Des mines sont ouvertes, les
possibilités offertes par les métaux des terres rares sont scrutées à la loupe
et évaluées. Des activités d’exploration et d’exploitation des gisements
pétroliers et gaziers sont réalisées.
La fonte de la glace de mer et de la
calotte glaciaire du Groenland auront des répercussions à l’échelon mondial et
influeront sur le système climatique planétaire de plusieurs façons, entre
autres, l’augmentation des niveaux marins et la diminution de la réflexion du
rayonnement solaire. Le changement climatique exerce une influence, tant
positive que négative, sur les moyens de subsistance des populations nordiques.
Ces changements, et les nouvelles
possibilités de développement auxquelles ils donnent lieu, font de l’Arctique
une région de plus en plus importante sur le plan politique. Tous les États
arctiques relèvent ces défis en élaborant des stratégies nationales pour
l’Arctique; de plus, l’Union européenne élabore elle aussi sa politique pour
l’Arctique et les pays non arctiques se montrent de plus en plus intéressés par
cette région.
Compte tenu de l’intérêt accru que
suscite l’Arctique, les États et les populations font face à des défis au
niveau des structures de gouvernance. Ainsi, le Conseil de l’Arctique est un
organisme créé en 1996 par les huit États arctiques en tant que forum
intergouvernemental de haut niveau ayant pour mandat d’assurer la coordination
et l’interaction entre ses membres, avec la participation directe des peuples
autochtones de l’Arctique.
Le Conseil de l’Arctique est le
résultat logique des échanges tenus par les États arctiques en 1989. La
Stratégie de protection de l’environnement arctique (SPEA) a été adoptée à la
première réunion ministérielle tenue à Rovaniemi, en Finlande, en 1991. La même
année, le Canada a proposé un vaste projet de coopération dans l’Arctique, qui
a finalement conduit à la création du Conseil de l’Arctique en 1996, et à
l’intégration de la SPEA dans le mandat du Conseil.
Aujourd’hui, le Conseil de l’Arctique
est le principal forum politique pour la coordination des questions relatives à
l’Arctique et cet organisme peut être considéré comme une réussite en matière
de nouvelle gouvernance. La coopération entre les gouvernements, les peuples
autochtones et la communauté scientifique a permis de défricher de nouveaux
territoires tant au niveau de l’organisation que des résultats.
Cependant, le Conseil de l’Arctique
doit maintenant s’adapter à la réalité nouvelle, à savoir l’augmentation rapide
de l’importance politique et économique de la région arctique.
Ceci dit, la gouvernance future de
l’Arctique doit continuer de compter et de prendre appui sur la solidité des
institutions existantes.
Les huit pays arctiques devraient
demeurer les éléments essentiels et les chefs de file de la coopération dans
l’Arctique. Les peuples autochtones de l’Arctique doivent conserver leur statut
spécial et leur rôle de délégués permanents dans le cadre de cette entreprise
coopérative. Il faut assurer leur participation à tous les niveaux en tant que
composante essentielle de la coopération dans l’Arctique. En outre, il faut
saluer la participation des observateurs en tant qu’élément important de cette
coopération.
Finalement, le développement de
l’Arctique offre une excellente occasion aux populations arctiques et au reste
de la communauté internationale de continuer à développer une région entière de
la planète de manière pacifique et dans un contexte de faibles tensions. Le
Conseil de l’Arctique, dont la structure est unique, constitue un cadre
important pour la poursuite du développement de l’Arctique.
Compte tenu de l’expérience acquise par
le Conseil de l’Arctique et des leçons apprises par celui-ci au cours des 15
dernières années, et en raison des grands défis qui se posent, le Comité
permanent des parlementaires de la région arctique (CPPRA) estime que le moment
est venu de trouver des réponses à la question essentielle et fondamentale
suivante : Quelle est la meilleure façon pour le Conseil de l’Arctique
de réagir au changement et à l’évolution rapides que connaissent la région
arctique et ses populations?
Pour répondre à cette question, le
Comité permanent a consulté un certain nombre de grands spécialistes de
l’Arctique. Nous tenons tout spécialement à remercier MM. Niels Einarsson,
Lassi Heininen, David Hik, Timo Koivurova et Oran Young pour leurs apports
importants à cette initiative. Le Comité permanent consultera également les
organisations des peuples autochtones affiliées à titre de délégués permanents
auprès du Conseil de l’Arctique avant de mettre la touche finale à ce document.
L’ébauche originale de l’initiative
soumise au CPPRA a été produite par Clifford Lincoln avec l’aide de David Hik
et de Karen Kraft Sloan. Le CPPRA est très heureux de l’initiative et de la
coopération avec ce groupe dans le cadre du processus d’élaboration du présent
document sur la gouvernance de l’Arctique.
2.LE CPPRA ET VUE D’ENSEMBLE DE LA PROPOSITION
Le Comité permanent des parlementaires
de la région arctique (CPPRA) a été créé en 1994 dans le cadre d’une initiative
du Conseil nordique et chargé de promouvoir la coopération et les interactions
entre les parlementaires des États arctiques et du Parlement européen, les
représentants des peuples autochtones et les organismes régionaux
interparlementaires (le Conseil nordique et le Conseil du Nord-Ouest).
La création du CPPRA prenait appui sur
l’idée qu’il devait être un organisme non partisan, réunissant des
parlementaires de diverses opinions et allégeances politiques, ayant pour but
commun le bien-être de l’Arctique et de ses habitants. La coopération avec les
populations autochtones, notamment le Conseil parlementaire saami et l’ARPAN,
est importante.
En raison de sa nature non partisane,
le CPPRA a pu, au fil des ans, devenir une voix objective et crédible dans la
région arctique. Le CPPRA n’a ni les fonds ni les moyens pour mettre en œuvre
des projets ou réaliser des activités sur le terrain. Toutefois, grâce à
l’appui collectif important de sa base parlementaire, il joue le rôle important
de catalyseur faisant la promotion des idées et des propositions axées sur la
pérennité de la région arctique.
Dès son établissement, le CPPRA a
soutenu avec force le projet de création du Conseil de l’Arctique. De même, il
a joué un rôle important en faisant la promotion de la fondation de
l’Université de l’Arctique. Le Rapport sur le développement humain dans
l’Arctique, une de ses initiatives, a été adopté en 2002 par le Conseil de
l’Arctique au début de la présidence exercée par l’Islande. Par le truchement
des conférences des parlementaires de la région arctique, le CPPRA constitue
également une tribune importante pour l’Évaluation des impacts sur le climat de
l’Arctique (ACIA), dirigée par M. Robert Corell.
L’intention du CPPRA n’est pas de faire
de ce document un rapport de recherche approfondi sur les questions relatives à
l’Arctique, ni une analyse fouillée du Conseil de l’Arctique et de ses
organismes affiliés. Notre objectif ne consiste pas non plus à intervenir ou à
nous immiscer de quelque façon que ce soit dans le précieux travail déjà
effectué et actuellement réalisé sur un si grand nombre de fronts par diverses
parties portant sur les enjeux relatifs à la gouvernance de l’Arctique, mais
plutôt à compléter ces travaux suivant une approche strictement définie et
pragmatique.
C’est la raison pour laquelle nous
sommes déterminés à continuer à axer précisément nos efforts sur des aspects
précis de la gouvernance du Conseil de l’Arctique. Au CPPRA, nous croyons
depuis toujours que le Conseil de l’Arctique devrait être l’organe structurel
suprême pour assurer un leadership coordonné décisif et efficace en ce qui
concerne l’Arctique.
Aux conférences des parlementaires du
CPPRA, les questions relatives à la gouvernance ont souvent été mises de
l’avant. En 2006, la gouvernance était l’un des principaux points à l’ordre du
jour. En 2008, les participants à la conférence ont demandé la tenue de
rencontres ministérielles annuelles du Conseil de l’Arctique de même que
l’établissement d’une base juridique et économique renforcée pour le Conseil de
l’Arctique. La nécessité de cette base renforcée a été réitérée à la conférence
de 2010, en plus de l’invitation à entretenir activement un dialogue avec les
États non arctiques et la suggestion d’organiser un « sommet de
l’Arctique ». Le CPPRA insiste aussi depuis longtemps sur l’importance
d’un budget approprié et stable pour le Conseil de l’Arctique, financé par les
États membres. À la conférence de 2010, le CPPRA a recommandé la mise sur pied
d’un groupe chargé d’établir une vision de l’Arctique en 2030.
Le CPPRA reconnaît pleinement l’importance
de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) dans le
cadre de la gouvernance des océans, comme l’océan Arctique. L’UNCLOS établit le
cadre juridique permettant de clarifier les questions relatives aux compétences
et à la gestion des zones de l’océan Arctique. Ce point a aussi été confirmé
dans la déclaration d’Ilulissat signée par les cinq États riverains en 2008.
Le Conseil de l’Arctique a
véritablement un rôle à jouer dans l’Arctique. Au CPPRA, nous croyons que, pour
que le Conseil de l’Arctique exerce son leadership le plus efficacement
possible, il faut modifier et améliorer sa structure de gouvernance dans
quelques secteurs précis, d’où la proposition présentée ci-dessous.
3.PROPOSITION : UN CONSEIL DE L’ARCTIQUE PLUS EFFICACE
Nous sommes conscients que certaines
des idées exposées ici ont été présentées par d’autres parties et dans d’autres
rapports. Toutefois, nous proposons de mettre l’accent sur quelques éléments
fondamentaux que nous considérons comme essentiels pour assurer un leadership
plus décisif et efficace au niveau du Conseil de l’Arctique.
Le Conseil de l’Arctique est
actuellement un forum de haut niveau créé pour promouvoir la coopération et la
coordination entre les huit États arctiques, y compris la participation de six
délégués permanents représentant les peuples autochtones de l’Arctique.
Il offre également le statut
d’observateur aux États non arctiques, aux organisations intergouvernementales
et interparlementaires de même qu’aux organismes non gouvernementaux.
Il coordonne et surveille le travail de
six groupes de travail, lesquels bénéficient du soutien de groupes de
spécialistes scientifiques et techniques. Ces groupes de travail sont :
Programme
d’action sur les polluants de l’Arctique (ACAP)
Programme de
surveillance et d’évaluation de l’Arctique (AMAP)
Protection de la
faune et de la flore arctiques (CAFF)
Prévention des
urgences, préparation et réaction (EPPR)
Protection de
l’environnement marin arctique (PAME)
Groupe de travail sur le
développement durable (SDWG)
Les huit États arctiques se partagent à
tour de rôle, tous les deux ans, la présidence du Conseil de l’Arctique; le
pays assumant la présidence tient des rencontres ministérielles à la fin de son
mandat. Traditionnellement, tous les deux ans, le siège du secrétariat du
Conseil de l’Arctique déménage dans le pays qui assume la présidence.
Toutefois, au cours des mandats exercés par la Norvège, le Danemark et la
Suède, les trois pays ont convenu de tenir un secrétariat commun à Tromsø, en Norvège,
de 2007 à 2013.
À la rencontre ministérielle de mai
2011, à Nuuk, au Groenland, le Conseil de l’Arctique a décidé que Tromsø, en
Norvège, deviendrait le siège permanent du secrétariat.
La première convention obligatoire
entre les États arctiques a été signée à la rencontre ministérielle de Nuuk.
Non seulement l’accord sur la recherche et le sauvetage est-il important en
soi, mais il marque aussi la première étape en vue d’accorder un pouvoir
décisionnel au Conseil de l’Arctique. Les groupes de travail mis sur pied par
le Conseil pour négocier un accord sur la pollution marine dans l’Arctique par
les hydrocarbures, la préparation et la réaction et le groupe de travail sur
les agents de forçage climatique de courte durée ont reçu un bon accueil dans le
cadre de la coopération parlementaire dans l’Arctique. Le CPPRA jouera un rôle
constructif en explorant de nouveaux moyens avantageux de tirer profit de cet
instrument décisionnel.
Le CPPRA
recommande ce qui suit :
(i) UNE ORGANISATION INTERNATIONALE ÉTABLIE
Pour être véritablement efficace et
autonome, le Conseil de l’Arctique doit être davantage qu’un instrument de
coordination agissant par consensus de ses membres.
Il devrait devenir une organisation
internationale à part entière, ayant un mandat autonome conféré par traité
sanctionné par ses membres, y compris un secrétariat permanent et un budget
approprié et stable. Les délégués permanents auprès du Conseil de l’Arctique
doivent prendre part au processus de négociation et décisionnel suivant les
traditions du Conseil de l’Arctique, à savoir que la voix des populations
autochtones doit être entendue.
Cette recommandation doit s’accompagner
d’une démarche prudente. Le processus devrait être réalisé parallèlement au
travail régulier du Conseil et les rencontres préparatoires devraient avoir
lieu, par exemple, en marge des réunions du Conseil de l’Arctique. Il faut
parfois des années pour négocier un traité et il est important d’assurer que ce
long processus n’a pas d’effet retardateur ou adverse sur les actions et les
activités du Conseil de l’Arctique. Une fois ce processus terminé et lorsque
les États membres seront prêts à faire du Conseil une organisation
internationale à part entière, une période intermédiaire pourrait être
envisagée pour permettre de fusionner les structures restantes de la vieille
organisation à la nouvelle.
Les membres du CPPRA ont étudié le
sujet en profondeur, analysant et examinant les deux revers de la médaille,
c’est-à-dire maximiser les capacités du Conseil de l’Arctique dans le cadre de
sa structure actuelle ou créer une organisation non gouvernementale renforcée
au moyen d’un traité sanctionné par les États membres.
Certains membres du CPPRA avaient
l’impression qu’il fallait clarifier le point suivant afin d’éviter tout
malentendu ou risque de confusion. Ce qui est proposé ici, ce n’est pas un
traité international sur l’Arctique, mais strictement un traité exclusif entre
les huit États arctiques leur donnant officiellement des pouvoirs
intergouvernementaux contraignants.
À la fin des discussions, le CPPRA a
décidé de réitérer sa recommandation, à savoir que le Conseil de l’Arctique
devienne, à l’avenir, une organisation internationale à part entière par le
truchement d’un traité sanctionné par ses États membres.
(ii) UN SECRÉTARIAT PERMANENT
Le CPPRA recommande toujours que le
secrétariat devienne permanent et soit situé toujours au même endroit.
Le CPPRA félicite le Conseil de
l’Arctique pour la décision prise à la rencontre ministérielle de Nuuk, en mai
2011, d’établir un secrétariat permanent du Conseil de l’Arctique à Tromsø, en
Norvège.
Le CPPRA recommande fortement que le
personnel du secrétariat reflète la composition du Conseil de l’Arctique,
c’est-à-dire qu’il soit composé de représentants des États membres et des
peuples autochtones.
(iii) UN
BUDGET APPROPRIÉ ET STABLE
Le CPPRA soutient depuis toujours que
le Conseil de l’Arctique devrait appuyer la création d’un budget approprié et
stable à l’appui des activités du Conseil, éliminant ainsi les variations et
l’imprévisibilité du système actuel de financement à la pièce.
Le CPPRA réitère cette recommandation
qu’il considère comme d’importance fondamentale.
(iv) UNE
VISION DE L’ARCTIQUE ET UN PLAN STRATÉGIQUE DE
10 ANS
À l’heure actuelle, le prochain pays à
assumer la présidence choisit son plan stratégique et les priorités pour les
deux années à venir. Nous reconnaissons que les groupes de travail effectuent
le travail scientifique et technique en continu du Conseil et en assurent ainsi
la continuité opérationnelle. Cependant, au niveau politique et décisionnel
critique, l’orientation et les objectifs peuvent varier et, en fait, varient
d’une présidence à l’autre.
Nous croyons que, aux niveaux politique
et stratégique, la continuité de la planification stratégique est essentielle.
Le CPPRA recommande que le Conseil de
l’Arctique mette en place un groupe de travail chargé d’évaluer la façon dont
les nations arctiques peuvent se préparer aux possibilités et aux défis
nouveaux résultant des changements qui se produisent dans l’Arctique et, prenant
appui sur cette étude, établissent une vision de l’Arctique en 2030. Le groupe
de travail devrait inclure des représentants des populations autochtones et des
organisations communautaires nordiques, la communauté scientifique, des
parlementaires, le milieu des affaires ainsi que des organisations régionales
et autres organisations communautaires nordiques.
Afin d’établir cette vision, le CPPRA
recommande que le Conseil de l’Arctique adopte un plan stratégique pour la
durée de 5 mandats à la présidence, soit 10 ans. Ce plan serait mis à jour sur
une base continue pour assurer une vision coordonnée globale et en continu,
dans une région où le besoin devient de plus en plus important, voire urgent.
Dans le cadre du plan stratégique de 10
ans, il est possible d’établir les priorités et, en début de mandat, les pays à
la présidence peuvent choisir parmi elles celles faisant l’objet d’un suivi et
d’une mise en œuvre.
Le CPPRA considère que la décision
prise à la rencontre des sous-ministres du Conseil de l’Arctique à Stockholm,
le 15 mai 2012, est très encourageante. Les sous-ministres ont confié aux hauts
fonctionnaires responsables de l’Arctique la tâche de négocier une déclaration
qui sera adoptée à la prochaine rencontre ministérielle en mai 2013. Il devrait
s’agir d’un énoncé stratégique et visionnaire concernant l’Arctique futur et le
Conseil de l’Arctique. Ceci s’inscrit tout à fait dans la veine des
propositions avancées dans un esprit de coopération par les parlementaires de
la région arctique à la conférence de 2010 et dont le présent document fait
également la promotion. Les parlementaires de la région arctique continueront à
chercher à influer sur le contenu de la déclaration de Kiruna jusqu’à la
rencontre ministérielle de 2013.
Le CPPRA croit en outre qu’il serait
avantageux de tenir un sommet de l’Arctique réunissant les chefs d’État ou de
gouvernement des États membres du Conseil de l’Arctique de même que les chefs
des délégués permanents. Cette idée a reçu l’appui de la Conférence des parlementaires
de la région arctique en 2010.
Le CPPRA ne prend aucun engagement à
l’égard de l’une ou l’autre des options, pourvu que, quel que soit le processus
adopté, l’idée d’une planification stratégique à long terme prenne fortement
racine au Conseil de l’Arctique – au lieu de programmes et de projets qui
dépendent trop souvent des priorités et des stratégies spéciales du pays qui
s’apprête à assumer la présidence.
Au cours des échanges sur le sujet, les
membres du CPPRA considéraient comme important de demander à nouveau la tenue
de rencontres ministérielles annuelles du Conseil de l’Arctique réunissant les
ministres des Affaires étrangères. De plus, le CPPRA recommande la tenue de
réunions régulières d’autres ministères clés pertinents, comme les ministères
de l’Environnement, de l’Éducation et de la Recherche, de la Santé et des
Affaires sociales.
(v)NOUVEAUX SECTEURS VISÉS PAR DES INSTRUMENTS OBLIGATOIRES EN DROIT
La rencontre ministérielle de Nuuk a
marqué le début d’une ère nouvelle en matière de coopération dans l’Arctique
lorsque les pays ont signé l’accord sur la recherche et le sauvetage. Ce type
de coopération a de grandes chances de se poursuivre et bénéficie du soutien
des parlementaires de la région arctique. Toutefois, il ne faudrait pas oublier
que, traditionnellement, ce mode de coopération concerne seulement les États et
que la structure de coopération au Conseil de l’Arctique ne sera pas
nécessairement utilisée dans le processus. Il est donc important de tenir
compte du fait que le rôle des délégués permanents, des groupes de travail et
des observateurs sera différent dans le cadre de ce type de coopération.
Le CPPRA est d’avis que plusieurs
secteurs de coopération pourraient convenir à la conclusion d’accords
exécutoires entre les États arctiques, mais il aimerait tout spécialement
souligner les deux secteurs suivants :
L’éducation et la recherche dans
l’Arctique
L’Année polaire internationale a donné
une impulsion énorme à la recherche dans l’Arctique. Il est essentiel de gérer
judicieusement l’héritage de l’API. Nous devons en profiter pour stimuler
davantage la coopération et continuer à élargir nos connaissances sur
l’Arctique. Grâce à une approche ordonnée en matière d’éducation, de recherche,
d’innovation et d’élaboration des politiques, nous créerons des sociétés
durables dans le Nord.
Afin de retenir les leçons de l’Année
polaire internationale 2007-2008 et de se préparer à la décennie polaire, il
est nécessaire d’améliorer la coopération entre les pays dans des domaines
comme le financement des projets communs et le partage de l’information.
C’est la raison pour laquelle le CPPRA
recommande d’explorer les possibilités en vue d’un accord sur l’éducation et la
recherche dans l’Arctique. Cet accord permettrait de faciliter les projets circumpolaires,
donnant l’occasion aux pays non arctiques de participer, de même que les
échanges d’étudiants. Le CPPRA propose de négocier un accord entre les pays
arctiques et les autres nations intéressées en ayant pour objectif d’assurer
l’accès aux données et le partage de l’information concernant la recherche dans
l’Arctique.
Le tourisme
L’Arctique est une région magnifique,
mais l’environnement y est fragile. Le tourisme dans l’Arctique se développe
actuellement et offre d’énormes possibilités de bâtir des collectivités locales
fortes. En prenant appui sur les dispositions législatives existantes, comme
l’accord sur la recherche et le sauvetage de même que l’accord possible sur la
prévention des déversements d’hydrocarbures et l’intervention en cas de déversement,
les pays arctiques devraient envisager de négocier un accord sur la façon de
développer et d’assurer un tourisme durable et respectueux de l’environnement.
(vi) DÉLÉGUÉS
PERMANENTS
La participation des peuples
autochtones est l’une des principales raisons du succès du Conseil de
l’Arctique. À titre de délégués permanents auprès du Conseil de l’Arctique, ils
offrent des apports précieux en tant que principaux fiduciaires et protecteurs
du patrimoine arctique.
Les connaissances ancestrales occupent une
place importante dans le cadre de la préparation des évaluations soumises au
Conseil de l’Arctique. De plus, les populations autochtones assurent un lien
essentiel dans le cadre des communications sur l’évolution de l’Arctique
destinées au reste du monde.
L’aide financière à la participation
des délégués permanents aux réunions, de même que pour les préparatifs les
précédant, est actuellement restreinte. Il est nécessaire comme jamais
auparavant d’utiliser en collaboration les connaissances ancestrales et la
science moderne afin de trouver de nouveaux moyens de comprendre les grands
changements qui se produisent aussi rapidement dans l’Arctique ainsi que leurs
conséquences. Tandis que le rôle et l’importance de la région arctique changent
dans la perspective globale, il est essentiel non seulement d’assurer la
participation des populations autochtones, mais aussi de la garantir.
Il ne faut pas réduire ni compromettre
le rôle clé des délégués permanents par un influx de nouveaux observateurs au
Conseil de l’Arctique. La participation des délégués permanents doit continuer
de faire partie intégrante de la structure du Conseil de l’Arctique et des
processus décisionnels. Les États doivent maintenir la structure unique du
Conseil de l’Arctique, y compris les représentants des peuples autochtones par
le biais des délégués permanents à tous les niveaux des activités du Conseil.
L’Université de l’Arctique vient
d’élire un vice-président des affaires autochtones et, dans le cadre de son
mandat, il établit et maintient des liens solides avec les populations
autochtones de l’Arctique. À une rencontre tenue à Stockholm en mars 2012,
l’Université de l’Arctique et les délégués permanents ont signé un protocole
d’entente pour améliorer encore la coopération. Le CPPRA recommande que le
Conseil de l’Arctique explore la possibilité d’utiliser l’Université de
l’Arctique, par le truchement de ses membres, pour aider les délégués
permanents à s’acquitter de la mission et du rôle importants qui leur
incombent.
Étant donné que les activités et
l’importance du Conseil de l’Arctique prennent de l’ampleur, le CPPRA est
d’avis que les délégués permanents doivent avoir des ressources financières
suffisantes ainsi que les capacités humaines voulues pour refléter cette
situation.
(vii)OBSERVATEURS
Le CPPRA, observateur de longue date au
Conseil de l’Arctique, constate que ses échanges avec le Conseil de l’Arctique
profitent aux deux parties, à l’Arctique et aux habitants de l’Arctique. Le
CPPRA, qui représente les populations des pays arctiques, reconnaît le rôle
spécial que les parlementaires accordent aux observateurs auprès du Conseil de
l’Arctique. Il conviendrait de maintenir ce rôle spécial à l’avenir.
De nos jours, l’Arctique suscite de
plus en plus un véritable intérêt dans les pays et les blocs de pays bien
intentionnés. Le Conseil de l’Arctique accorde maintenant le statut
d’observateur à des États non arctiques, à des organisations
intergouvernementales et interparlementaires et à des organismes non
gouvernementaux.
Ce que subit l’environnement arctique,
y compris la hausse continue de la température et le changement climatique qui
en résulte, a de vastes répercussions sur l’environnement global. Le CPPRA est
depuis toujours d’avis que les parties de bonne foi, à titre d’observateurs, pourraient
fournir des apports scientifiques, financiers et autres importants au Conseil
de l’Arctique, pourvu qu’elles s’engagent à respecter les critères établis par
le Conseil.
Par exemple, le CPPRA voit d’un œil
positif la présence du Parlement européen parmi les membres initiaux qui
contribuent activement à ses travaux. À la conférence de 2010, les
parlementaires de la région arctique ont également pris note des efforts de
l’Union européenne concernant l’élaboration d’une politique pour l’Arctique et
ont encouragé le Conseil de l’Arctique à envisager d’accorder le statut
d’observateur permanent à la Commission de l’UE, dans le but de renforcer la
coopération entre le Conseil et l’Union européenne.
À ce sujet, le CPPRA est tout à fait
conscient que la question du statut d’observateur continue de poser un défi et
de polariser les opinions. Le CPPRA remarque que, à la rencontre ministérielle
de Nuuk en mai 2011, le Conseil de l’Arctique a adopté les recommandations du
rapport des hauts fonctionnaires responsables de l’Arctique faisant état de
dispositions concernant le rôle et les critères applicables aux demandeurs
actuels du statut d’observateur. Le CPPRA espère que ceci permettra de trouver
un terrain d’entente entre les préoccupations des États arctiques et les
aspirations des États non arctiques qui s’intéressent clairement à la région.
Par ailleurs, la gouvernance de l’Arctique posera un défi de taille au cours
des quelques prochaines années et il faut régler la question de manière à
permettre aux États non arctiques de fournir un apport constructif aux travaux
du Conseil. L’ajout de nouveaux observateurs donnera aussi probablement lieu à
de nouvelles méthodes de travail au Conseil, dans le cadre desquelles le rôle
et la position des États membres, des délégués permanents et des différents
types d’observateurs sont plus clairement définis qu’actuellement. Cependant,
il est essentiel d’assurer que le rôle et la participation des délégués
permanents ne souffrent en rien d’un influx disproportionné d’observateurs.
La question des observateurs donne lieu
à des échanges animés entre les membres du CPPRA. Des membres comprennent et
acceptent la réalité politique découlant de l’intérêt nouveau démontré par les
grands blocs de pouvoirs mondiaux à l’égard de l’Arctique. Toutefois, il est de
la plus grande importance que le bien-être, de même que les valeurs et les
droits, des populations de la région arctique demeurent la principale priorité.
On s’accorde à dire que l’Arctique ne doit pas devenir le cadre d’activités
grâce auxquelles les grandes puissances exercent une influence sur des formes
de développement préjudiciables soit pour les intérêts à long terme, les droits
et les obligations des peuples de l’Arctique, soit pour la durabilité de la
région. Donc, le Conseil devrait demeurer constamment attentif au nombre et au
rôle des observateurs afin de maintenir la transparence et une structure basée
sur les besoins des populations de l’Arctique.
Le CPPRA en est venu à la conclusion
que le statut d’observateur devrait être accordé de manière prudente et
judicieuse et que cette démarche devrait toujours tenir compte de l’intégrité
supérieure à long terme de l’Arctique et de ses habitants.