Le premier séminaire sur le concept
stratégique s’est tenu au Luxembourg le 16 octobre, sous la présidence de
l’honorable Madeleine K. Albright, présidente du Groupe d’experts, et
de Jeroen van der Veer, vice-président. Lors de la
réunion, Jean Asselborn, ministre des Affaires étrangères du Luxembourg,
Jean‑Marie Halsdorf, ministre de la Défense du Luxembourg, et le
secrétaire général délégué de l’OTAN, l’ambassadeur Claudio Bisogniero, se
sont adressés aux participants. Tous les membres du Groupe d’experts ont
participé aux discussions.
Des participants représentant des
gouvernements, des ONG, des groupes de réflexion et des établissements
universitaires ont présenté diverses idées intéressantes et stimulantes aux
cours de discussions animées visant à amorcer une réflexion sur les grands
thèmes suivants :
L’OBJECTIF IMMUABLE DE L’OTAN DANS
UN ENVIRONNEMENT DE SÉCURITÉ EN PLEINE ÉVOLUTION
Le nouvel environnement de
sécurité : les intérêts stratégiques de l’OTAN, quelles priorités et
quelles vulnérabilités? La contribution de l’OTAN à la sécurité mondiale. Le
but était de parvenir à une compréhension commune des principaux changements
dans l’environnement de sécurité et des incidences de ces changements pour
l’objectif essentiel de l’Alliance et la contribution de celle-ci à la liberté
et à la sécurité de ses membres.
TÂCHES ESSENTIELLES DE L’ALLIANCE
La défense collective dans
l’environnement de sécurité d’aujourd’hui. L’article V : la
crédibilité et l’évolution des besoins. Adapter la dissuasion au XXIe siècle.
Le but était de réexaminer les missions de sécurité fondamentale de l’Alliance,
afin de déterminer ce qui reste inchangé et ce qui doit être adapté. Déterminer
les nouvelles tâches que l’Alliance doit encore prendre en charge.
LE RÔLE POLITIQUE DE L’OTAN
L’OTAN est-elle toujours le point
central pour la consultation politique transatlantique et pour la formulation
et la coordination des politiques? Anticipation et prévention : comment
promouvoir la sécurité fondée sur la connaissance au sein de l’OTAN? Le but
était d’étudier le champ d’application et l’efficacité de la consultation
politique au sein de l’OTAN.
LES PRIORITÉS POUR UNE STRATÉGIE DE
L’OTAN AU XXIE SIÈCLE
Les participants aux trois tables
rondes ont discuté du niveau d’ambition dans un environnement de contraintes,
de la sécurité douce et de la sécurité dure, du pouvoir des idées, ainsi que de
l’établissement des priorités (prévenir, dissuader, protéger et combattre). Le
but du séminaire était de stimuler une discussion animée, sans toutefois
parvenir à des conclusions immédiatement. Certains des faits saillants de la
présentation et des discussions portaient, entre autres, sur les points
suivants, qui continueront d’alimenter la réflexion du Groupe.
Les réussites passées de l’OTAN ont une
valeur immuable. Grâce à elles, il est impossible que les États membres se
fassent la guerre, on peut compter sur un cadre réglementaire pour la
consolidation de la démocratie en Europe, et le conflit Est-Ouest s’est terminé
de façon pacifique à la suite du rapport Harmel qui préconisait l’exercice de
la défense dans un esprit de détente. L’OTAN est un accord de défense
collective qui favorise la prise de mesures conjointes de sécurité et la
formation d’une alliance politico-militaire fondée sur les valeurs.
L’orientation principale de l’OTAN
demeure la défense de ses membres. À l’avenir, les États membres auront sans
doute à faire face à des menaces hybrides et asymétriques plutôt qu’à une
attaque armée conventionnelle. De nouvelles capacités sont nécessaires pour se
défendre efficacement contre le terrorisme, les missiles de longue portée et
les cyber-attaques. Il faut trouver rapidement un moyen de se protéger contre
une attaque commise par un acteur non étatique au moyen d’une ADM, notamment des
mesures pour sécuriser les armes nucléaires, des mesures préventives pour
contrer ces attaques et une politique active de contre-prolifération.
Les nouvelles menaces transnationales
ne sont toutefois qu’une partie du problème. Il faut de nouveau tenir compte
des considérations géopolitiques. L’article V demeure l’élément clé du
problème et la réassurance stratégique de tous les membres est important. Afin
d’effectuer des opérations hors zone, l’OTAN doit être présente dans la zone;
il faut que les tâches liées à l’article V et celles qui n’y sont pas
liées soient étroitement associées. Les mesures prises dans le cadre de
l’article V aujourd’hui nécessitent vraisemblablement des forces qui
peuvent être déployées, afin qu’on ne fasse pas de compromis entre la
projection des forces et la défense collective.
D’autres tâches s’ajouteraient :
la stabilisation des États faibles, le renforcement de la gouvernance et de la
stabilité des États situés en périphérie de la zone de l’OTAN, l’atténuation
des conséquences des catastrophes naturelles ou causées par l’homme, la lutte
aux pirates et la sauvegarde des flux énergétiques. Pour lever ces défis,
l’Alliance doit former des partenariats et conclure des ententes de coopération
en matière de sécurité.
L’OTAN s’attachera moins à la
protection du territoire et plus aux intérêts stratégiques communs. Pour ce
faire, elle devra faire davantage appel à la Marine.
Comme d’autres facteurs dans le monde
risqueraient de représenter une menace collective (p.ex., les changements
climatiques), l’OTAN pourrait devoir gérer l’aspect sécuritaire. Ces opérations
pourraient consister, entre autres, à maintenir la sécurité des routes de
navigation du Grand Nord ou à intervenir dans d’éventuels conflits ou des
catastrophes humaines en Afrique.
Malgré que les consultations sur la
sécurité au titre de l’article IV du Traité de Washington soient toujours
un principe clé de l’OTAN et qu’elles diminuent le risque de conflit, on n’y
recourt pas assez souvent. Les États membres de l’OTAN doivent se consulter
plus souvent. De plus, l’OTAN doit se doter d’un mécanisme efficace de gestion
des crises et de prévention des conflits.
Une réassurance stratégique efficace au
titre de l’article V nécessite l’élaboration de plans de contingence et
une force de dissuasion sur mesure, qui devraient correspondre à
l’environnement stratégique plus complexe, s’appliquer aux opérations hors
zones, être renforcées par la détermination à agir, inclure davantage d’acteurs
et faire partie de la concertation politique. L’OTAN doit être prête à
appliquer et renforcer sa force de dissuasion dans un contexte de prolifération
grâce à une défense antimissile et à d’autres capacités.
Il est essentiel que l’OTAN gère bien
la question de la réassurance stratégique pour entretenir de bonnes relations
avec la Russie. La réassurance stratégique des alliés et la participation de la
Russie à des dossiers d’intérêt mutuel sont complémentaires.
Voici ce qu’il faut faire pour parvenir
à effectuer les tâches fondamentales de l’OTAN : créer des partenariats
efficaces avec les entités gouvernementales et non gouvernementales, établir
une relation de collaboration avec la Russie, mettre en place une meilleure
coordination des éléments constitutifs des politiques, réaffecter les
ressources en renforçant les éléments non militaires et en restructurant du
tout au tout les forces armées pour qu’elles puissent se déployer plus
facilement, et établir une meilleure division du travail entre l’OTAN et l’UE.
L’élaboration d’une stratégie efficace nécessite
également de la volonté politique, des moyens efficaces et des objectifs
clairs. L’OTAN est une instance unique en raison de sa structure militaire
intégrée, c’est pourquoi il faut éviter une renationalisation des politiques de
défense alors que sévit une crise économique.
L’Afghanistan constitue un test crucial
pour l’Alliance. Toutefois, l’OTAN n’est pas la seule solution à la situation
en Afghanistan et l’Afghanistan n’est pas le seul terrain d’opération de
l’OTAN. Même si l’OTAN prend toutes les mesures nécessaires, l’Afghanistan
pourrait demeurer instable en raison de la faiblesse de sa gouvernance, ainsi
que des lacunes des autres acteurs et des États avoisinants. C’est pourquoi il
est important d’élaborer une approche exhaustive et des partenariats efficaces.
Les alliés font face à une gamme variée de défis sur le plan de la sécurité,
qui oblige l’OTAN à se préparer à les affronter.
Le nouveau concept stratégique doit
définir clairement la raison d’être de l’OTAN ─ l’objectif de l’OTAN
et son efficacité ‒, son fonctionnement et sa légitimité. Il devra tenir
compte des questions suivantes :
·l’équilibre entre les activités militaires et de
sécurité;
·un repérage des menaces ‒ qu’une
orientation axée strictement sur les menaces non conventionnelles ne
correspondrait pas aux préoccupations prédominantes des alliés;
·l’OTAN en tant qu’alliance de
valeur ─ la réémergence de l’Ouest comme catégorie politique;
·la façon de gérer l’incertitude relative à la
Russie;
·l’article V ne devrait pas seulement être
perçu comme une question militaire, mais comme un état d’esprit ─
quelle est la crédibilité de la solidarité de l’Alliance;
·les armes nucléaires ─ le concept
stratégique de 1999 articulait clairement le rôle des armes nucléaires dans la
force de persuasion, mais il doit être examiné de nouveau dans le contexte de
l’évolution de la politique nucléaire;
·au bout du compte, il devra être compris par nos
populations.
Respectueusement soumis,
M. Leon Benoit, député
Président
Association parlementaire canadienne de l’OTAN (AP OTAN)