1. Nous restons fermement
convaincus de l’intérêt du multilatéralisme. Nous réaffirmons notre
attachement à un système commercial multilatéral universel, ouvert, non
discriminatoire, équitable et fondé sur des règles, qui contribue concrètement
à la croissance économique, au développement durable et à la création
d’emplois. Nous demeurons profondément préoccupés par l’absence de tout
progrès dans les négociations commerciales du Cycle de Doha et nous
insistons sur la nécessité d’apporter une réponse politique à cette
situation. Nous pensons que, dans l’intérêt de toutes les parties, il faut
veiller activement à ce que le Cycle de Doha produise des résultats équilibrés,
complets et ambitieux, dans une optique de développement et nous soulignons à
quel point il importe d’obtenir rapidement des résultats dans les domaines où
des progrès sont possibles, en particulier les questions liées au
développement.
2.
Depuis la première session de la Conférence parlementaire sur l’OMC, il y a
près de dix ans, le commerce international a considérablement évolué. Il s’est
régionalisé et est devenu plus complexe et multipolaire. Cette transformation
résulte d’une fragmentation croissante de la production sur la chaîne
d’approvisionnement mondiale, assortie d’une intensification non négligeable
des échanges Sud-Sud. L’architecture actuelle du commerce multilatéral, axée
sur l’OMC, continue à jouer un rôle crucial de stabilisateur de l’économie
mondiale. L’importance d’un système commercial fondé sur des règles en tant que
facteur de croissance économique a été attestée durant la crise financière et
économique mondiale quand le protectionnisme a pu être relativement contenu et
que le respect strict des règles de l’OMC et des engagements était un objectif
important. Néanmoins, étant donné les perspectives économiques incertaines,
nous demeurons préoccupés par la montée progressive des mesures
protectionnistes.
3. Si la
crise a accaparé les gouvernants, qui y voient un défi politique majeur, la
pensée économique a évolué, démontrant qu’il fallait une régulation plus
poussée des marchés et plus d’interventionnisme des acteurs étatiques. Pour
notre part, percevant les signes annonciateurs d’une nouvelle phase de
turbulences et d’un fléchissement important de l’économie, ainsi que de
nouveaux bouleversements des marchés mondiaux des capitaux et des biens, une
décélération de la croissance et une montée du chômage, nous insistons sur le
rôle que joue l’OMC pour préserver le caractère ouvert des marchés mondiaux,
trouver des solutions aux problèmes de financement du commerce et mobiliser les
énergies autour de l’Aide pour le commerce
4. Nous rappelons que le Cycle de Doha a été conçu
comme un "cycle de développement" devant privilégier les besoins et
les intérêts des pays en développement, notamment les moins avancés d’entre
eux, afin que peuples et pays bénéficient, de façon équitable, des
opportunités et des retombées de la libéralisation des échanges et de
l'interdépendance accrue des économies. La réalisation de cet objectif suppose
un accord juste et équilibré qui renforce ce système multilatéral fondé sur
des règles, et qui améliore les mécanismes de soutien nécessaires par une
assistance technique liée au commerce et par le renforcement des capacités des
pays les moins avancés.
5. Les mutations du commerce international ne sont pas restées
sans effet sur la portée des politiques en matière de commerce aux échelons
national, régional et international. En effet, la libéralisation des échanges
commerciaux dans une perspective de développement durable, la libre
circulation des capitaux, le développement des infrastructures de transport
et celui des technologies de l’information et de la communication sont autant
d’éléments qui facilitent les flux commerciaux, où apparaissent des
phénomènes comme la circulation des biens intermédiaires sur les chaînes de
valeur mondiales. Il s’ensuit que la régulation des échanges commerciaux,
jadis cantonnée au strict contrôle des importations et exportations,
privilégie désormais la compétitivité et la diversification des exportations,
conformément aux évolutions de l’économie mondiale.
6. Les politiques en matière de
commerce international ne consistent pas uniquement à élaborer des lois et à
ratifier des accords internationaux, mais surtout à créer un environnement qui
génère des revenus, qui crée de l’emploi et qui incite tous les acteurs –
notamment le secteur privé, en particulier les micro-entreprises et les petites
et moyennes entreprises – à anticiper les problèmes et à faire preuve
d’innovation. Nous sommes conscients que les bienfaits du commerce ne sont
pas systématiques et que le commerce lui-même est une condition nécessaire
mais non suffisante pour créer et entretenir la croissance et le développement.
Les politiques sur le commerce peuvent aussi contribuer de manière non négligeable
à la réduction de la pauvreté, en particulier dans les pays en
développement. Pour porter leurs fruits, les politiques sur le commerce
doivent aussi être débattues dans le cadre des objectifs généraux de
développement que sont l’expansion de l’emploi, l’accroissement de la capacité
de production, une croissance économique durable et inclusive, la sécurité
alimentaire et énergétique, une meilleure santé publique, l’accès aux
médicaments et aux prestations essentiels, la lutte contre la corruption,
etc. Il importe en outre qu’y soient associées des mesures
macroéconomiques appropriées, notamment des politiques budgétaires et
monétaires visant expressément à assurer une répartition plus équitable des
richesses et à favoriser l’égalité des chances tant au sein des pays qu’entre
eux.
7.
La crédibilité en politique dépend de l’aptitude à engranger des résultats
et non à discourir. Si l’on ne parvient pas à remédier à la crise de
l’emploi, à stimuler la demande intérieure et à stabiliser le secteur
financier, l’économie mondiale risque de connaître une nouvelle récession.
Nous insistons sur la nécessité de mettre en œuvre des politiques nationales en
matière de commerce, d’industrie, d’emploi et d’aide sociale qui soient
intégrées et cohérentes, et qui privilégient la promotion de l’emploi
productif, des emplois décents, le renforcement des moyens de production et la
résistance aux chocs extérieurs. Il faut que le couplage commerce/emploi
soit bien pris en compte dans l’ensemble du système commercial multilatéral, en
vue d’appliquer pleinement les normes essentielles du BIT relatives au travail
et de faciliter la mobilité du travail.
8. Il est plus
difficile pour les pays les moins avancés dont l’avantage comparatif
manufacturier est moindre de convertir en
nouveaux emplois les éventuels gains d’efficacité dans les échanges
commerciaux. C’est pourquoi nous pensons que des dispositions
relatives au traitement spécial et différencié, et la reconnaissance d’une
marge de manœuvre au sein de l'OMC sont importantes afin que la mise en
œuvre des politiques de libéralisation du commerce dans les pays les moins
avancés puisse se faire selon des approches progressives, avec des
ajustements modérés du marché du travail. Nous partageons l’idée qu’il
est nécessaire d’améliorer la coopération et le partenariat sous toutes leurs
formes pour le bien du commerce et du développement, et saluons les décisions
de la 8ème Conférence ministérielle de l’OMC quant aux règles d’accession et
aux dérogations prévues pour les pays les moins avancés dans le secteur des
services. Nous saluons l'adoption par le Conseil général de l'OMC en juillet
2012 de la Recommandation visant à renforcer, rationaliser et rendre
opérationnelles les Lignes directrices de 2002 sur l'accession des PMA, et nous
nous réjouissons de l'accession du Vanuatu et du Laos.
9. Les
mouvements de contestation observés en de nombreux points de la planète sont
le reflet du mécontentement populaire face à l’insuffisance des approches
participatives et inclusives. Pour les gouvernants, le moment est venu de
renouveler le contrat social qui lie l’État et les citoyens, et de reconsidérer
la nature et l’ampleur du rôle du secteur financier dans la mondialisation.
Le défi consiste entre autres à rééquilibrer les systèmes financier et
commercial mondiaux pour qu’ils bénéficient aussi aux pauvres. Le Programme de
Doha pour le développement, qui a pour principe fondamental le développement,
est un élément clé de la solution.
10. Pour que le
commerce contribue effectivement à des modèles de développement plus
inclusifs, il faut renforcer la cohérence entre les différentes strates et
composantes (multilatérales, régionales et bilatérales) du système
commercial international. Par ailleurs, pour que l’OMC reste adaptée face à
des réalités économiques en évolution, il lui faudrait réfléchir à des
approches lui permettant de traiter les nouveaux dossiers liés au commerce, comme
dans le domaine des chaînes d’approvisionnement mondiales, de la sécurité
alimentaire et énergétique, et des problèmes monétaires. Étant donné
l'impact concret des changements climatiques, nous appelons à une plus grande
cohérence entre les objectifs et règles de l'OMC, et le respect des obligations
environnementales internationales. A cette fin, nous appelons instamment à
une coopération beaucoup plus étroite entre l'OMC et les institutions
spécialisées compétentes du système des Nations Unies.
11. Nous
réitérons que, selon nous, l’OMC aurait fort à gagner à posséder une dimension
parlementaire concrète et forte. Les parlements ont vocation à exercer un
droit de regard sur les négociations commerciales internationales et à veiller
à leur transparence et leur équité. Ils sont aussi amenés à superviser
l’application des accords internationaux. Souhaitant que le système
commercial multilatéral profite aux citoyens et que la gouvernance économique
mondiale soit plus cohérente, nous réaffirmons que nous sommes prêts à utiliser
l’ensemble des outils politiques à notre disposition pour susciter un consensus
multilatéral qui fasse aboutir le Cycle de Doha. Nous saisissons cette
occasion pour appeler l’OMC à informer plus systématiquement les
parlementaires sur les évolutions effectives et émergentes du commerce
international et sur les effets positifs des accords commerciaux
multilatéraux. Dans le même esprit, nous exhortons les gouvernements à donner
aux parlements nationaux un accès libre et rapide à l'information concernant
les initiatives et les négociations commerciales, à mettre en place des outils
de dialogue sur ces questions, et à inclure régulièrement des parlementaires
dans les délégations nationales officielles aux réunions internationales sur le
commerce.
12. Nous nous félicitons de la décision de l’OMC de tenir sa 9ème
Conférence ministérielle à Bali (Indonésie), fin 2013. Nous voyons là une
nouvelle chance d’insuffler l’élan politique nécessaire à des négociations qui
s’enlisent. Nous saisissons cette occasion pour renouveler notre appel aux
Membres de l’OMC à consacrer le rôle et la responsabilité des parlementaires en
insérant, dans le document final de la prochaine Conférence ministérielle,
la phrase suivante : "Il convient de renforcer la transparence de l’OMC
en impliquant davantage les parlements dans ses activités".