REGS Rapport du Comité
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COMITÉ MIXTE PERMANENT D'EXAMEN DE LA RÉGLEMENTATIONLe Comité mixte permanent d’examen de la réglementation a l’honneur de présenter son TROISIÈME RAPPORT (Rapport no 91 - Notes marginales) Conformément à son ordre de renvoi permanent, l’article 19 de la Loi sur les textes réglementaires, L.R.C. 1985, ch. S-22, et à l’ordre de renvoi approuvé par le Sénat le 22 mars 2016, et par la Chambre des communes, le 24 mars 2016, le Comité mixte souhaite attirer l’attention des Chambres sur son avis concernant la nouvelle mise en page pour la codification des lois et règlements fédéraux. En janvier 2016, une nouvelle mise en page a été adoptée pour la codification des lois et règlements fédéraux qui se trouvent sur le site Web de la législation (Justice). La mise en page des projets de loi déposés au Parlement et des règlements pris en vertu des lois fédérales a elle aussi été modifiée par la même occasion. La nouvelle mise en page des lois et des règlements codifiés a également été appliquée aux lois et règlements promulgués avant janvier 2016. Aux termes du paragraphe 31(1) de la Loi sur la révision et la codification des textes législatifs, la codification électronique fait foi des lois ou règlements ou de leur contenu. Cette codification est un outil de référence « officiel » pratique et efficace pour consulter les lois et règlements en vigueur au Canada. Pour consulter une loi ou un règlement, en l’absence d’une codification électronique officielle, il faudrait trouver la publication d’origine dans les Lois du Canada ou dans la Gazette du Canada ainsi que les modifications subséquentes apportées à toute disposition pertinente et publiées séparément. Le fait qu’il s’agit là d’un processus fastidieux et parfois même déroutant fait ressortir l’importance des lois et des règlements codifiés. Dans la plupart des cas, les juges, les avocats, les fonctionnaires et les citoyens consulteront d’abord, et peut-être uniquement, la codification électronique. L’une des caractéristiques de cette nouvelle mise en page est que l’information qui se trouvait auparavant dans les notes marginales se trouve maintenant dans le corps du texte et il est impossible de la dissocier des rubriques ou intertitres. Le premier conseiller législatif du ministère de la Justice a expliqué par écrit au Comité mixte que ce changement « permet d’élargir l’accès au corpus législatif » en facilitant la lecture de chaque version linguistique et en permettant aux malvoyants, qui recourent à une aide technique, d’accéder à la version PDF bilingue plutôt qu’à l’unique version HTML qu’ils avaient à leur disposition. Même si la nouvelle mise en page n’a pas pour but de modifier l’énoncé ni la signification des dispositions législatives, mais bien de les rendre plus accessibles, la transformation des notes marginales en rubriques a une incidence pour ce qui est du fond. L’exemple donné dans les annexes du rapport illustre la différence. Le Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire a été pris le 5 février 2015. L’annexe 1 montre les articles 1 à 5 du Règlement, tels qu’ils figuraient dans les règlements codifiés du site Web de la législation (Justice) le 27 février 2017. L’annexe 2 montre les articles 1 à 5, tels qu’ils figuraient dans le vol. 149, no 4, de la Gazette du Canada, partie II, publiée le 25 février 2015. Selon l’article 14 de la Loi d’interprétation, les notes marginales ne font pas partie du texte et n’y figurent qu’à titre de repère ou d’information. Elles ne doivent donc pas servir à interpréter le sens du texte. Cela ne s’applique pas aux rubriques, car elles font partie du texte. Ainsi, la transformation des notes marginales en rubriques modifie en fait les lois en y ajoutant du texte. À tout le moins, l’importance différente accordée aux notes marginales et aux rubriques comme outils d’interprétation permet de conclure que le sens du texte législatif a été altéré. Bien que les changements en cause puissent sembler mineurs, le principe qui les sous-tend est important. En l’absence d’une règle contraire manifeste, une loi ne peut être modifiée que dans le cadre d’une modification officielle. Ce principe s’applique sans égard à la raison d’être du changement ou à son importance. Dans le cadre de la tenue d’une codification, le ministre de la Justice n’est pas autorisé à modifier la loi à moins que ce pouvoir lui ait été clairement conféré par le Parlement. Par conséquent, le ministère de la Justice s’est vu demander d’indiquer le pouvoir qui l’autorise à ajouter, dans le cadre de la codification des lois et règlements, des passages qui figuraient auparavant dans les notes marginales, et qui, partant, ne faisaient pas partie de la législation fédérale, à titre d’éléments des textes législatifs en question. Bien que l’alinéa 27b) de la Loi sur la révision et la codification des textes législatifs dispose que, dans le cadre de la tenue d’une codification des lois ou des règlements, le ministre de la Justice peut inclure tout « renseignement qui améliore la qualité de la codification », il semble difficile de soutenir que cette disposition autorise l’ajout d’éléments au texte législatif en soi. Certes, l’article 30 de la Loi sur la révision et la codification des textes législatifs précise que les lois codifiées et les règlements codifiés ne sont pas de droit nouveau, et l’article 31 de la même loi prévoit qu’en cas d’incompatibilité entre les dispositions d’une loi codifiée et celles de la loi d’origine, ce sont les dispositions de la loi d’origine qui l’emportent sur les dispositions incompatibles de la loi codifiée. Cela dit, il semble probable que les parties qui auront recours aux versions codifiées ne seront pas toutes au fait de ces dispositions et de leur incidence. Quoi qu’il en soit, on ne peut interpréter l’article 30 comme autorisant la création d’incompatibilités par l’ajout délibéré d’éléments aux textes législatifs. Il ne suffit pas non plus, du point de vue du Comité mixte, que le site Web de la législation (Justice) avise le lecteur qu’aux fins d’interprétation et d’application de la loi, il doit consulter les lois et leurs modifications adoptées par le Parlement ainsi que les règlements et leurs modifications enregistrés par le greffier du Conseil privé et publiés dans la Gazette du Canada. Le Comité mixte répète que les lois et les règlements codifiés sont « officiels » et peuvent servir aux fins de la preuve. En réponse aux préoccupations du Comité mixte, le premier conseiller législatif du ministère de la Justice s’est dit d’avis que l’article 14 de la Loi d’interprétation indique clairement qu’une note marginale ne figure dans le texte qu’à titre de repère ou d’information « sans égard à son emplacement dans la page sur support papier ou électronique ». Le Comité mixte a obtenu l’assurance qu’aucune note marginale n’avait été transformée en rubrique. La « note marginale » se caractérise justement par son emplacement dans la page. Comme Paul Salambier le dit dans Legal and Legislative Drafting à la page 310 : La note marginale figure à côté d’un article et en expose brièvement le contenu […] Les notes marginales sont habituellement en plus petits caractères que l’article, ce qui les différencie de l’article […] Une rubrique d’article joue un rôle semblable, mais se trouve au-dessus de l’article. [traduction] Une note ne figurant pas dans la marge ne peut être qualifiée de « note marginale ». Si l’on retire une note marginale de la marge pour la placer au-dessus d’une disposition, elle ne constituera plus une note marginale, mais bien une rubrique ou un intertitre. Le premier conseiller législatif a renvoyé le Comité mixte à la décision du Comité d’appel de la Chambre des lords dans R. v. Montila, [2004] UKHL 50, en soutenant que cette décision appuie le principe selon lequel la fonction d’une note marginale et d’une rubrique d’article, et l’importance devant y être accordée, sont identiques. Que la décision Montila affirme implicitement ou non ce principe, la situation au sein de l’appareil fédéral au Canada est complètement différente de celle du Royaume-Uni. Il n’existe au Royaume-Uni aucune disposition législative équivalente à l’article 14 de la Loi d’interprétation. Bien que les rubriques et les notes marginales puissent avoir le même statut en tant qu’éléments descriptifs des textes législatifs en vertu de la common law au Royaume-Uni, ce n’est pas le cas aux termes de la Loi d’interprétation. La décision Montila et d’autres sources du Royaume-Uni ne sont pas de bons indicateurs de l’état actuel du droit au Canada en ce qui concerne les notes marginales. Au Canada, l’article 14 de la Loi d'interprétation dispose que les notes marginales « ne font pas partie [du texte] n’y figurant qu’à titre de repère ou d’information. » La Loi ne traite aucunement des rubriques. Il existe abondamment de sources selon lesquelles, au sein de l’appareil fédéral, les notes marginales et les rubriques n’ont ni le même rôle ni la même importance sur le plan de l’interprétation. Comme Pierre-André Côté l’affirme dans Interprétation des lois (2e édition, aux pages 64 à 67) : Il est de nos jours admis que les rubriques ou intertitres font partie de la loi et qu’on peut y avoir recours pour l’interpréter. Les rubriques peuvent être utiles en permettant de situer une disposition dans la structure générale du texte : ils en montrent pour ainsi dire la charpente, l’ossature. On peut également les considérer comme faisant fonction de préambule aux dispositions qu’elles introduisent. […] Les notes marginales ne peuvent être invoquées comme élément de la loi et à ce titre, servir à l’interpréter, car elles ne font pas partie du texte voté par le Parlement. Elles ne sont introduites dans le texte que pour en faciliter la consultation, elles y font figure de points de repère. Selon Côté, l’importance que les tribunaux accordent aux rubriques et aux notes marginales varie, même si ces dernières ne font pas partie du texte. Toutefois, « [p]uisqu’elles [les rubriques] font partie de la loi, on doit les prendre en considération, à titre d’éléments contextuels, même dans l’hypothèse où le sens du texte paraît clair » (pages 64 et 65). Pour ce qui est de la note marginale par contre, elle « ne peut constituer un indice direct de la volonté du législateur. À titre d’élément de loi, la note marginale n’a donc aucune valeur. » En particulier, Côté signale que la note marginale est une « opinion rédigée par des fonctionnaires » (notre soulignement) plutôt que par le Parlement ou l’organisme de réglementation. Après avoir examiné la jurisprudence applicable, l’auteure de Sullivan on the Construction of Statutes (6e édition, p. 468) constate également que l’importance accordée aux rubriques et aux notes marginales a varié, mais elle conclut : « Dans la jurisprudence, il semble se dégager que les notes marginales ne font pas partie du texte comme les rubriques le font » et « la plupart des tribunaux ne sont pas disposés à accorder beaucoup d’importance aux notes marginales ». [traduction] Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada dans Skoke-Graham c. La Reine, [1985] 1 RCS 106 : « Notons que la Loi d’interprétation […] ne mentionne que les notes marginales et les préambules et n’interdit donc pas le recours aux rubriques pour l’interprétation des lois. » Wilson J. a affirmé plus tard dans R. c. Wigglesworth, [1987] 2 RCS 541 : Cependant, il faut reconnaître que les notes marginales, contrairement aux rubriques des lois, ne font pas partie intégrante de la Charte : voir Canadien Pacifique Ltée c. Procureur général du Canada, 1986 CanLII 69 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 678, à la p. 682. La preuve selon laquelle elles peuvent être utilisées pour aider à l’interprétation des lois, est en conséquence plus faible. Par conséquent, il est tout simplement incorrect d’affirmer que dans les lois fédérales canadiennes les notes marginales et les rubriques des articles ont la même importance. À tout le moins, la transformation des notes marginales en rubriques permet de conclure que le sens du texte législatif peut avoir été altéré par suite de la modification de l’importance devant être accordée à ces éléments. Si les rubriques et les notes marginales étaient toutes les deux des éléments descriptifs des lois qui ont la même importance sur le plan de l’interprétation, il ne pourrait évidemment pas y avoir d’objection à changer les notes marginales en rubriques puisqu’il s’agirait d’une simple question de présentation. Cependant, on fait maintenant figurer dans la codification des lois et des règlements fédéraux des éléments qui ne font pas partie des lois comme s’ils en faisaient partie. Le premier conseiller législatif a indiqué au Comité mixte qu’un tribunal conclurait que l’article 14 de la Loi d’interprétation continue de s’appliquer aux notes marginales qui ont été déplacées. Le Comité mixte craint, d’entrée de jeu, que la nouvelle mise en page des lois et règlements codifiés amène même les tribunaux, et les parties concernées, à ne pas être conscients de la nature des notes marginales proprement dites. Les gens ont le droit de lire et d’interpréter les lois sans devoir recourir à des procédures judiciaires longues et coûteuses. Le Comité mixte a toujours été d’avis que les lacunes décelées dans les lois devaient être corrigées avant qu’une personne doive s’adresser aux tribunaux pour connaître la nature exacte de ses droits et obligations en vertu de la loi. Le premier conseiller législatif a conclu ses observations en faisant valoir que l’apparente transformation des notes marginales en rubriques relève des pouvoirs du ministre de la Justice aux termes de l’article 28 de la Loi sur la révision et la codification des textes législatifs. Le Comité mixte ne peut prendre au sérieux cette affirmation. Voici ce que prévoit l’article 28 : 28 (1) Le ministre peut faire en sorte que les lois codifiées ou les règlements codifiés soient publiés sur support papier ou sur support électronique, de la manière et selon la fréquence qu’il juge indiquées. (2) Une publication sur support électronique peut être différente d’une publication sous une autre forme pour des raisons de commodité, pourvu que les différences ne portent pas atteinte au fond. Le paragraphe 28(1) n’autorise que la publication de versions électroniques des lois et des règlements et laisse la sélection du mode de publication électronique et de la fréquence de la publication à la discrétion du ministre. Le paragraphe 28(2) quant à lui permet des variantes sur le plan de la forme entre les publications électroniques et les autres publications, « pourvu que les différences ne portent pas atteinte au fond. » Rien dans l’article 28 ne peut être interprété de manière à permettre que des éléments qui ne font pas partie d’une loi puissent être présentés comme en faisant partie. Après avoir examiné les observations du premier conseiller législatif, le Comité mixte a fait part de ses préoccupations à la ministre de la Justice. La ministre a répondu, « nous continuons de penser que le statut des composantes législatives dépend de leur fonction dans le texte législatif plutôt que de leur emplacement sur la page. De plus, le nouveau format a été mis en place légalement et conformément au paragraphe 28(1) de la Loi sur la révision et la codification des textes législatifs. » De toute évidence, la réponse de la ministre ne contenait aucun nouveau renseignement pouvant amener le Comité mixte à changer de position. Il ne fait aucun doute que la ministre de la Justice a été motivée par la volonté d’« élargir l’accès au corpus législatif ». Cet objectif, aussi noble soit-il, ne change pas le fait que l’approche employée était probablement contraire à la loi. Si l’on juge souhaitable de supprimer les notes marginales en les transformant en rubriques dans le cadre de la codification officielle des lois et des règlements, il faut souligner que cela est impossible actuellement sur le plan administratif. Indépendamment de la question de la validité juridique, le Comité mixte craint toujours que la nouvelle mise en page porte à confusion et fasse perdre de vue la nature des notes marginales, ce qui pourrait faire en sorte que ces dernières soient mal utilisées dans l’interprétation ou l’application des lois et des règlements. La ministre de la Justice a aussi indiqué qu’elle comptait « examiner les options pour fournir des éclaircissements au sujet des notes marginales en question. » Selon le Comité, différentes options existent. Sur le plan administratif, il serait possible d’indiquer la présence de notes marginales dans les lois et les règlements codifiés, soit en le précisant directement avec des mots, en présentant le texte différemment ou en utilisant des caractères spéciaux qui précéderaient, suivraient ou entoureraient les notes marginales. Sur le plan législatif, le Parlement pourrait être saisi d’une modification de la Loi d’interprétation qui donnerait aux notes marginales la même importance que les rubriques. Bien que l’on pourrait bien sûr déclarer que les rubriques, comme les notes marginales, ne font pas partie du texte, mais le Comité mixte est conscient que la jurisprudence canadienne a parfois accordé de l’importance aux fins de l’interprétation aux rubriques, et dans une moindre mesure, aux notes marginales. Il serait préférable de reconnaître cette évolution de la common law. Par conséquent, l’article 14 de la Loi d’interprétation pourrait être modifié de manière à déclarer que les notes marginales font partie des textes législatifs. Par souci de clarté, il faudrait aussi envisager d’expliciter que les rubriques font également partie des textes législatifs. Conformément à l’article 109 du Règlement de la Chambre des communes, le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation demande au gouvernement de déposer une réponse globale à ce rapport à la Chambre des communes. Un exemplaire des Procès-verbaux et témoignages pertinents (Fascicule no 16, première session, 42e législature) est déposé à la Chambre des communes. Respectueusement soumis,
Annexe
1 : Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité
ferroviaire Annexe 2 : Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité
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