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SJQS Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SPECIAL JOINT COMMITTEE TO AMEND SECTION 93 OF THE CONSTITUTION ACT, 1867 CONCERNING THE QUEBEC SCHOOL SYSTEM

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL POUR MODIFIER L'ARTICLE 93 DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867 CONCERNANT LE SYSTÈME SCOLAIRE AU QUÉBEC

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 22 octobre 1997

• 1542

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Bienvenue à cette séance du Comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec. Nous siégeons conformément à l'ordre de renvoi du 1er octobre 1997.

J'aurais quelques remarques préliminaires à faire pour avertir ceux qui ont des téléphones cellulaires de les fermer, car on ne veut pas les entendre sonner pendant les séances.

Deuxièmement, pour les personnes qui siègent au comité à l'occasion, nous allons entendre les groupes qui sont devant nous pendant une dizaine de minutes et nous passerons ensuite à une période de questions d'environ une demi-heure. Comme je le disais lors des autres audiences, je demanderais aux membres du comité de limiter leur intervention à environ deux minutes de façon à ce que le plus de gens possible puissent s'exprimer; je demanderais également à nos invités d'être assez concis dans leurs réponses.

Le sénateur John Lynch-Staunton (Grandville, PC): Hier, j'ai demandé au ministre Dion

[Traduction]

... de nous fournir les opinions juridiques sur lesquelles il se fonde pour nous convaincre que l'article 43 est bel et bien l'article de la Constitution visé en ce qui concerne la formule de modification. J'ignore s'il a acquiescé à ma demande, mais y a-t-il eu un suivi à cet égard? Je n'étais pas le seul à faire cette demande. Je crois que mon ami d'en face a aussi demandé à les obtenir.

[Français]

On avait demandé que les opinions juridiques sur lesquelles le ministre se fondait pour nous convaincre que l'article 43 était l'article qui devait s'appliquer quant à la formule d'amendement nous soient remises afin qu'on puisse les étudier. On ne les a pas encore reçues.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Avec votre permission, je vais accorder la parole à M. DeVillers, qui veut faire des commentaires sur ce même point.

[Traduction]

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Monsieur le président, le gouvernement a pour principe de ne pas dévoiler les opinions juridiques qu'il obtient du ministère de la Justice, pour des raisons évidentes. Si la cause était portée devant les tribunaux, on se servirait de ces opinions juridiques pour attaquer la position du gouvernement. Par conséquent, par principe, ces opinions juridiques ne sont pas rendues publiques.

Le sénateur John Lynch-Staunton: C'est bien la réponse à laquelle je m'attendais, mais j'avais espéré que, dans ce cas-ci, on ferait exception. La question est si cruciale.

M. Paul DeVillers: Je puis en parler au ministre.

Le sénateur John Lynch-Staunton: Pourriez-vous le faire?

J'ai une autre question. Le Québec a-t-il répondu à l'invitation que le comité devait lui lancer?

• 1545

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Là-dessus, monsieur le sénateur, je dois vous dire que les lettres d'invitation officielle de la part des coprésidents doivent partir aujourd'hui. On a déjà vu dans les journaux un genre de préréponse. Je ne sais pas si on doit l'interpréter comme étant définitive, mais nous allons envoyer les lettres d'invitation.

Le sénateur John Lynch-Staunton: Cela ne devrait pas empêcher l'envoi des invitations.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Absolument pas; cela devrait partir cet après-midi.

Le sénateur John Lynch-Staunton: Merci, madame, monsieur.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Donc, avec votre permission, nous allons commencer. J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Brent Tyler et à M. Keith Henderson du Parti Égalité. Messieurs, nous attendons vos présentations.

Monsieur Henderson.

[Traduction]

M. Keith Henderson (chef, Parti Égalité): Dans leur campagne pour substituer les commissions scolaires linguistiques aux commissions scolaires confessionnelles au Québec, les péquistes se sont heurtés à l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, cette antiquité dont les séparatistes voudraient se débarrasser pour de bon. Les commissions scolaires protestantes et catholiques sont des reliquats archaïques, soutiennent-ils. De nos jours, la langue est la ligne de démarcation dans le domaine de l'éducation. Comme ce n'est pas la langue, mais les droits à l'éducation de la minorité religieuse que protège l'article 93 (pour reprendre le libellé merveilleusement vieillot de la loi, les droits des minorités «dissidentes»), beaucoup soutiennent qu'il entrave le progrès et qu'il faudrait en faire table rase.

En le gardant tel quel, le Québec est astreint à une mosaïque de commissions scolaires—protestantes, catholiques, anglophones, francophones. Si l'on s'en débarrasse, la raison et la modernité vont prévaloir. Voilà qui explique le vote précipité de 103 voix contre 0 de l'Assemblée nationale du Québec, il y a quelques mois, en faveur d'une modification à une constitution que les péquistes ne reconnaissent même pas. Les libéraux provinciaux (95 p. 100 d'entre eux sont catholiques) se sont en effet alliés à leurs collègues de l'autre bord pour écraser le droit des «protestants».

«Il y a consensus», a clamé le premier ministre Bouchard au moment du vote. «Alors, apportez cette modification, monsieur Dion, et tout de suite». Docilement, M. Dion a dit qu'il le ferait, mais il a promis de tenir des audiences d'abord, pour avoir l'air de faire ce qu'il faut. Récemment, il a déclaré qu'il allait faire adopter la modification avant décembre, tel que demandé. Mais qu'est-ce que nous faisons tous ici alors? Certains d'entre nous préféreraient probablement avoir droit à une véritable période de réflexion au lieu de cette mise en scène du gouvernement fédéral. Nous vous invitons néanmoins à réfléchir à la raison d'être de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Le principal «État» confédéré avant 1867, c'était une colonie appelée Canada. L'Ontario et le Québec n'existaient pas, puisque c'est la Confédération qui les a créés. Leur création imposait la partition de l'État d'origine, du Canada, une perspective qui donnait des sueurs froides à la minorité anglophone du Bas-Canada. «Que sera notre vie dans une province à majorité française?», se demandait-elle avec raison. «Nos droits seront-ils protégés?»

Pour être certains qu'ils le soient, les Anglo-Québécois se sont battus pour obtenir l'inclusion de garanties constitutionnelles dans le pacte confédéral, en échange de l'autorisation de créer le Québec. Ils ont exigé que le gouvernement fédéral ait le pouvoir de désavouer une loi provinciale et qu'il ait le droit de présenter une pétition au Cabinet fédéral contre toute loi provinciale discriminatoire en matière d'éducation; c'est l'article 93 de la loi de 1867. Ce sont les garanties que depuis lors les nationalistes québécois cherchent systématiquement à démolir.

Réfléchissez aussi à l'objet de l'article 93. Premièrement, il a confirmé la compétence provinciale exclusive dans le domaine de l'éducation, mais en assortissant ce pouvoir d'une exception de taille. Les provinces ont le pouvoir de légiférer dans le domaine de l'éducation, mais, pour reprendre le libellé de la loi: «Rien dans une loi ne devra préjudicier à aucun droit ou privilège conféré [...] relativement aux écoles confessionnelles». Si cela devait arriver, le paragraphe 93(4) autorise le gouvernement fédéral à intervenir en adoptant «des lois réparatrices».

Ces dispositions de la loi de 1867 sont capitales pour deux raisons. Premièrement, le pouvoir législatif des provinces en matière d'éducation n'est pas absolu et ne l'a jamais été. Le gouvernement fédéral a lui aussi un rôle à jouer, rôle qu'il a toujours eu et qu'il aura toujours si l'article 93 n'est pas modifié. Deuxièmement, le rôle du fédéral est aussi vital maintenant, en 1997, qu'il ne l'était il y a 130 ans, au moment où les Canadiens l'ont conçu; il consiste à contrer les préjugés, à servir d'arbitre national lorsque les provinces ne respectent pas les droits de leurs minorités, c'est-à-dire à intervenir pour arranger les choses lorsque la majorité d'une assemblée législative provinciale a mal agi. C'est un rôle noble que les Canadiens ne devraient abolir qu'après avoir fait un profond examen de conscience, et encore.

• 1550

Au lieu de démanteler l'article 93 pour le rendre inopérant au Québec, comme le réclament à l'unisson les nationalistes québécois, il serait préférable d'étendre son champ d'application à toutes les formes de discrimination pratiquées par des assemblées législatives à l'égard des minorités en matière d'éducation, par exemple la discrimination fondée sur la langue, la race, l'origine ethnique et aussi, bien sûr, la religion—autrement dit, tous les motifs de discrimination que les traités internationaux auxquels le Canada a souscrit nous obligent à interdire.

Il importe de se rappeler que c'est le Canada qui est signataire de ces traités et que c'est l'État canadien qui est responsable de voir à leur mise en oeuvre et à leur respect.

Pourquoi alors les Canadiens ne peuvent-ils pas envisager d'ajouter de nouvelles garanties constitutionnelles dans le domaine de l'éducation au lieu de retrancher celles qui existent? Si, comme le prétend le gouvernement, l'article 23 de la Charte des droits suffit pour protéger tous les Canadiens, pourquoi le gouvernement du Nouveau-Brunswick a-t-il cherché à protéger les écoles de ses deux groupes linguistiques en ajoutant une disposition expresse à l'article 16.1?

Je vous prie de noter que ce sont les écoles qui sont protégées tant par la modification du Nouveau-Brunswick que par l'article 93. L'article 23 s'applique uniquement aux particuliers, pas aux institutions qui sont à leur service.

Il y quatre ans, en 1993, le Nouveau-Brunswick a modernisé notre constitution en ajoutant les dispositions qui garantissent aux groupes anglophones et francophones du Nouveau-Brunswick «le droit à des établissements d'enseignement distincts... nécessaires à la conservation et à la promotion de ces communautés» et qui confient à l'assemblée législative et au gouvernement du Nouveau-Brunswick le rôle de préserver et de promouvoir ces droits. Le Parti Égalité pose donc les questions suivantes: les minorités du Québec ont-elles moins de valeur que celles du Nouveau-Brunswick? Pourquoi le gouvernement fédéral s'entendrait-il avec le Québec pour y éteindre les droits à l'instruction des minorités après avoir coopéré avec le Nouveau-Brunswick pour les étendre?

Vu ce qui s'est passé au Nouveau-Brunswick, quel mal y aurait-il à rajeunir et mettre à jour tout l'article 93 au lien de s'en débarrasser? Pourquoi faut-il raser tout l'édifice assemblé par nos ancêtres?

Il est indubitable que ces garanties dont nous parlons sont essentielles. Lorsque les minorités descendent dans la rue au Nouveau-Brunswick même pour défendre l'âme de leur communauté, leurs écoles, il faut des garanties. Lorsque les tribunaux canadiens prennent une dizaine d'années et plus pour entendre des causes contre des lois provinciales discriminatoires, le veto effectif immédiat du fédéral est indispensable.

Lorsque des parents québécois d'une certaine confession religieuse se sentent exclus des commissions scolaires et menacent d'intenter une poursuite, ils ont besoin de cette protection. Et lorsque la ministre péquiste de l'Éducation, Pauline Marois, présente un projet de loi à Québec, comme elle l'a fait au printemps dernier, pour redéfinir ce qu'est un membre de la communauté anglophone aux fins de l'enseignement, c'est-à-dire la façon d'établir les listes électorales et de déterminer les pouvoirs de taxation, toujours à partir de ce diabolique mélange discriminatoire qu'est la loi 101, il faut des garanties fédérales.

Si cet affreux torchon avait été adopté, vers qui la communauté anglophone se serait-elle tournée? Aurait-il fallu emprunter à nouveau la longue, interminable et coûteuse voie de la Cour suprême du Canada pour se faire imposer au bout du compte une «disposition de dérogation» ou, Dieu nous en garde, quelque nouvelle disposition discriminatoire comme la «société distincte»? La communauté aurait-elle alors été forcée de se tourner vers l'ONU comme des citoyens du Québec ont dû le faire, à notre honte, il y a à peine sept ans pour protéger leur liberté d'expression?

Le gouvernement fédéral, par la bouche de son porte-parole et ministre des Affaires intergouvernementales, Stéphane Dion, a dit qu'il exaucerait le voeu des nationalistes québécois d'ici à Noël: les garanties de l'article 93 seront anéanties—au Québec et nulle part ailleurs.

Les Canadiens préféreront peut-être se faire rappeler à quel moment l'article 93 a vu le jour et qui en a été l'auteur. Nous le devons à un père de la Confédération anglo-quécécois, Alexander Galt: en 1866, lors d'une conférence qui avait lieu à Londres, Galt a écrit à son épouse ce qui suit:

    J'espère que vous avez reçu, la soirée même ou le jour de Noël, le message que je vous ai envoyé le 24 par câble télégraphique. J'ai cru que la bonne nouvelle égayerait vos festivités. [...] Je me réjouis de pouvoir vous annoncer que la question de l'éducation est réglée, que l'article la concernant a été élargi de manière à s'appliquer à toutes les provinces, qui l'ont toutes accepté... Il n'y a plus de pépin à craindre, si je puis m'exprimer ainsi, au Parlement britannique. Mes ennemis d'ici n'auront pas la joie espérée. Le régime proposé pour le Québec est adopté avec très peu de modifications, du moins aucune qui ne nuise, selon moi...

• 1555

Aujourd'hui, 131 Noëls plus tard, un ministre de l'État fédéral projette de détruire le legs de M. Galt, de réduire en miettes le cadeau qu'il nous a laissé, d'éteindre plutôt que d'élargir les droits au moyen d'un régime nouveau de compensation pour le Québec. Il nous propose de détruire, dans la province même de M. Galt, ce dont tous étaient convenus. Cette espèce de réflexe fédéral d'acquiescer à la volonté des nationalistes est caractéristique de la politique d'Ottawa à l'égard du Québec depuis plus de 13 ans. Nous nous demandons si quelqu'un au fédéral ne pourrait pas avoir l'obligeance de défendre, ne serait-ce qu'une fois, une vision vraiment canadienne des droits civils? Ne pourrait-on pas s'inspirer de nos ancêtres?

Vous trouverez dans notre mémoire une description de la question de droit et des effets qu'aura l'article 93 modifié. Nous y faisons remarquer que, selon les tribunaux, la question a une portée plus large que la simple légalité. Nous faisons aussi remarquer dans notre mémoire que les dispositions de l'article 93 ne s'appliqueraient pas uniquement à des protestants et à des catholiques. Une commission scolaire juive a existé au Québec jusqu'à ce qu'elle soit abolie un an plus tard par l'Assemblée nationale, qui a peut-être outrepassé ses pouvoirs. Il se peut qu'à l'avenir, d'autres commissions scolaires à caractère confessionnel, auxquelles l'article 93 s'appliquerait peut-être, voient le jour. Il faut bien comprendre que le visage de la société canadienne change et qu'il pourrait bien y avoir d'autres formes de discrimination plus tard dont nous n'avons même pas idée aujourd'hui.

Il reste à vous faire remarquer que l'article 93 a été décrit par la Cour suprême comme le compromis fondamental de la Confédération. L'article 93 a été la principale considération lors de la scission de l'ancienne province du Canada en deux nouvelles provinces, soit le Québec et l'Ontario.

Le Parti Égalité prétend que, comme l'article demeure en vigueur dans les autres provinces, on ne peut pas en annuler les effets constitutionnels au Québec, neutralisant ainsi le pouvoir fédéral de surveillance en matière d'éducation dans cette province, sans déséquilibrer ce à quoi les architectes de la Confédération ont délicatement tenté de faire contrepoids. En agissant de la sorte, on pratique le pire fédéralisme asymétrique possible, car affirmer que certains Canadiens bénéficient de la protection de leur gouvernement fédéral et d'autres pas, c'est établir deux catégories de Canadiens ayant chacune sa propre série de droits. Or, ce principe, hérétique dans un parti prônant l'égalité, bat en brèche le premier principe de la déclaration de Calgary, à savoir que tous les Canadiens sont égaux et bénéficient de la même protection aux yeux de la loi. Si les législateurs croient en ce principe, s'ils sont convaincus que les droits fondamentaux sont accordés également à tous les Canadiens et que ceux qui sont victimes d'un sectarisme religieux dans le domaine scolaire, dans une région du pays, peuvent présenter un recours au Parlement au même titre que les Canadiens d'ailleurs, alors ils doivent rejeter cette modification.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Je vous demanderais de mettre fin à votre exposé. Tous les membres du comité ont reçu votre texte à l'avance. Je vous saurais donc gré, si cela est possible, de conclure maintenant pour que nous puissions vous poser des questions.

M. Keith Henderson: Tous les membres n'ont pas reçu le texte puisque j'ai fait des ajouts. J'arrive à la conclusion, monsieur le président. Mon exposé tire à sa fin.

Nous, du Parti Égalité, aimerions aller encore plus loin. Le caractère fondamentalement antidiscriminatoire de l'article 93, son rôle de pivot de la démarche confédérale qui a abouti à la naissance du Canada, nous portent certainement à croire que la simple procédure de modification bilatérale avalisée par le gouvernement fédéral ne suffira pas. Tous les Canadiens devraient avoir leur mot à dire, puisque le projet de modification va en dépouiller certains de droits et de recours dont jouissent les habitants des autres provinces. Par conséquent, il revient à tous les Canadiens de décider, pas seulement au gouvernement fédéral et au Québec.

Vous avez devant vous nos recommandations. Je me contenterai de vous en résumer la dernière parce que, selon nous, c'est la plus importante, soit la recommandation 4. Nous soutenons que le gouvernement fédéral ne devrait approuver que les modifications qui étendent le champ d'application de l'article 93 pour englober toutes formes de discrimination interdites en matière d'éducation. De plus, nous dressons la liste de ces formes de discrimination: raciale, linguistique ou religieuse, ou encore toute discrimination contraire aux traités internationaux signés par le Canada.

• 1600

C'est ici que prend fin mon exposé. Nous concluons en soulignant la conjoncture politique dans laquelle le gouvernement du Québec réclame la fin du pouvoir de surveillance restreint du gouvernement fédéral en matière d'éducation, prévu à l'article 93. S'il est réélu, le gouvernement du Québec a promis un troisième référendum sur la sécession. Ce gouvernement n'a jamais désavoué une déclaration unilatérale d'indépendance pour réaliser ses ambitions sécessionnistes. Après avoir menacé de recourir à des moyens illégaux, le gouvernement du Québec pourrait juger plus commode de faire abstraction de la Constitution du Canada dans d'autres domaines aussi, y compris dans des affaires se rapportant aux droits des minorités à l'instruction.

Dépouiller le gouvernement fédéral de l'un de ses pouvoirs de surveillance au Québec à ce moment-ci semblerait plutôt imprudent. Le Parti Égalité recommande que le gouvernement fédéral n'approuve aucune modification constitutionnelle présentée par le gouvernement du Québec tant que ce dernier ne souscrira pas à la Constitution dans sa totalité, que son Assemblée nationale n'adoptera pas une résolution l'obligeant à le faire et qu'il ne désavouera pas officiellement ses politiques unilatérales et sécessionnistes.

Monsieur le président, je vous remercie.

Le coprésident (M. Denis Paradis): C'est nous qui vous remercions, monsieur Henderson.

Le premier à poser des questions sera M. Rahim Jaffer.

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Réf.): Merci, monsieur le président.

J'ai deux questions à poser à M. Henderson.

Tout d'abord, le Parti réformiste croit beaucoup à la consultation publique. Vous avez parlé avec beaucoup de scepticisme de ce qui s'est déroulé durant ce processus au Québec. J'aimerais donc savoir ce que vous réclamez exactement et comment le peuple du Québec peut être consulté à cet égard.

M. Keith Henderson: Je suis tout à fait d'accord pour qu'il y ait un processus de consultation plus large et plus officiel. Vous savez, j'en suis convaincu, que le gouvernement du Québec a présenté cette requête de modification, adoptée à 103 voix contre zéro, sans consulter sa population.

Nous sommes ici à Ottawa. Les personnes directement touchées par cette mesure sont au Québec. Elles ne sont pas toutes anglophones. C'est une question de sectarisme religieux en matière d'éducation. Il aurait fallu consulter la population québécoise et il aurait fallu prévoir le temps voulu pour faire cette consultation, j'en conviens.

M. Rahim Jaffer: Deuxième question, je suis curieux de connaître votre opinion à un sujet. Il me tarde de lire votre mémoire. Cependant, si vous voulez bien en avoir l'obligeance, je vous demanderais de nous décrire brièvement comment, selon vous, le Québec pourrait établir ces commissions scolaires linguistiques tout en respectant les droits de la minorité, sans modifier l'article 93? Est-ce possible, selon vous?

M. Keith Henderson: C'est possible, et je ne suis pas le seul à le penser puisque la Cour suprême s'est déjà prononcée à cet égard en précisant que le gouvernement du Québec était capable de le faire. Il n'est donc pas nécessaire d'abolir les garanties offertes à l'article 93 pour créer des commissions scolaires linguistiques. Bien sûr, il existe peut-être des difficultés d'ordre pratique, mais il devrait tout de même y avoir moyen, comme j'ai essayé de le dire dans le mémoire, de moderniser le système de l'éducation.

Après tout, l'article 93 fait contrepoids à ce que l'on concevait comme étant de la discrimination au XIXe siècle. Elle se définissait en fonction de la religion. Nous sommes moins bêtes. Nous sommes actuellement au XXe siècle, sur le point d'aborder le XXIe. Nous savons qu'il existe d'autres formes de discrimination et nous avons pris l'engagement, par traité, de ne pas les pratiquer dans le domaine de l'éducation. C'est le moyen à notre disposition pour prévenir la discrimination. Nous l'avons hérité de nos ancêtres. La dernière chose à faire, c'est de s'en défaire. Il faut moderniser l'édifice, non pas le détruire.

M. Rahim Jaffer: Je vous remercie.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin (Rigaud, PC): J'aurais deux questions rapides.

[Traduction]

Ma première question porte sur les paragraphes 93(3) et 93(4). Vous avez dit que ces dispositions autorisent le Parlement du Canada et le gouvernement fédéral à intervenir, ce qui est vrai. En fait, la Cour suprême a statué, il n'y a pas si longtemps, que, même si elles n'avaient pas été invoquées depuis l'époque de sir Wilfrid Laurier et de sir Charles Tupper, elles étaient encore valides. Ai-je bien compris que, même si ces dispositions n'ont pas été invoquées depuis 100 ans presque, vous estimez qu'elles ont toujours leur place dans la Constitution?

• 1605

M. Keith Henderson: Oui, et je vais vous dire pourquoi.

La Cour suprême a examiné l'article 93 quand elle a été saisie, en 1987, du dossier de l'élargissement des droits aux écoles séparées en Ontario. Il y a seulement dix ans de cela. Bertha Wilson, qui a rédigé l'arrêt, avait alors déclaré que l'article 93 était toujours exécutoire.

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Oui, cela ne fait aucun doute.

M. Keith Henderson: La minorité catholique de l'Ontario est protégée par l'article 93, tout comme la minorité protestante au Québec et les minorités dissidentes. Ne l'oubliez jamais. Il n'est pas nécessaire que les minorités soient catholiques ou protestantes, mais bien dissidentes.

Il y a effectivement 10 ans seulement que Bertha Wilson a affirmé que cette disposition avait été inscrite dans l'entente créant la Confédération. La disposition a été invoquée. La minorité catholique de l'Ontario s'en est servie pour obtenir des fonds distincts. C'est à ce moment-là qu'elle a été invoquée.

Il existe une autre raison pour laquelle il ne faudrait pas s'en débarrasser. Ce n'est pas parce qu'elle a été mentionnée et invoquée, mais parce qu'elle confère au gouvernement fédéral un droit de regard vital. C'est la clé de toute la disposition. Elle nous dit que les Pères de la Confédération voulaient que le gouvernement fédéral puisse faire l'arbitre en matière d'éducation. Si nous abolissons la disposition dans une province, qu'est-ce qui nous empêchera de le faire dans une autre, puis dans une autre encore? Le gouvernement fédéral perdrait alors toute autorité en la matière. Il sera impossible de moderniser ce qui n'existe plus.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Par contre, si les droits ne sont pas respectés, ne vaut-il pas mieux avoir recours aux tribunaux que de demander au gouvernement fédéral et au Parlement du Canada d'intervenir dans un domaine de compétence provinciale, comme l'éducation, pour protéger les droits et privilèges des écoles confessionnelles?

M. Keith Henderson: Vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis heureux que vous m'ayez posé la question. Elle a beaucoup d'importance.

Non, il ne suffit pas de se présenter devant les tribunaux. Je m'explique. Au Québec, nous savons ce que c'est que d'être privé de l'exercice de ses droits parce que notre gouvernement provincial l'a fait. Il nous a retiré notre droit de libre expression. Je sais que les personnes assises autour de la table ici savent ce que le gouvernement du Québec a fait de notre droit de libre expression.

Des personnes pour qui ce droit est cher ont immédiatement contesté la loi devant les tribunaux. Ces derniers ont cependant mis bien des années à se prononcer. En effet, le projet de loi 101 a été déposé en 1970 et ce n'est qu'en 1988, soit l'année où la Cour suprême a rendu son jugement, que le droit a été confirmé. Il a fallu attendre 11 ans. Ensuite, le gouvernement a invoqué la disposition de dérogation pendant cinq autres années. Les droits ont donc été violés pendant 16 ans. Enfin, un autre projet de loi, le projet de loi 86, a été déposé. Il continue de violer nos droits de libre expression. Nous sommes maintenant en 1997. Cela fait donc 20 ans maintenant que l'on viole nos droits.

Nous avons eu recours aux tribunaux, nous avons fait appel aux Nations Unies, sans succès. Ce que nous souhaitons, c'est que le gouvernement fédéral ait le pouvoir d'intervenir tout de suite en vue d'empêcher notre gouvernement provincial de porter atteinte aux droits de toute une génération.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Henderson, je vous remercie.

[Français]

Monsieur Ménard.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Je salue les témoins.

J'ai eu l'impression à un moment donné qu'on ne vivait pas, vous et moi, sur la même planète et je vais essayer de confirmer que j'ai mal compris votre interprétation par les questions que je vais vous poser.

Vous vous présentez devant nous aujourd'hui avec le désir de défendre le droit à des écoles confessionnelles de gens que vous représentez. Est-ce que vous convenez, et je crois que le ministre Dion a été très clair là-dessus, que le débat que nous faisons à ce comité ne porte pas tant sur la question des droits linguistiques que sur la question de droits confessionnels?

Je vous rappelle que la réforme à laquelle le gouvernement du Québec s'est engagé est consensuelle. Vous êtes des démocrates et vous connaissez la valeur d'une assemblée nationale. Vous savez que tous les partis et tous les parlementaires de l'Assemblée nationale ont voté en faveur de l'amendement qui est devant nous aujourd'hui, c'est-à-dire créer des commissions scolaires linguistiques.

Êtes-vous capables d'admettre qu'on ne parle pas de droits linguistiques? Quand on parle des droits linguistiques, c'est à la Charte et la Loi 101 qu'il faut se reporter.

Je connais votre opinion sur la Loi 101, mais pouvez-vous admettre qu'une fois la réforme en vigueur, l'enseignement religieux sera protégé pour tout le monde? Il y a un certain nombre de garanties qui sont données au niveau de la Charte et, également, au niveau de la Loi sur l'instruction publique.

• 1610

Vous allez quand même admettre que le plus grand facteur de cohésion dans la société québécoise est qu'on ne se définit pas d'abord comme protestants ou comme catholiques. Le ministre Dion nous disait dans son discours introductif que cette absence de convergence entre la langue et la religion était particulièrement marquée dans les écoles publiques anglo-protestantes du Québec, où moins du tiers des élèves inscrits sont de religion protestante. J'aimerais que vous réagissiez à cela

Donc, il y a quelque chose d'un peu troublant dans le fait que des témoins ne sont pas capables de reconnaître que, dans le débat dans lequel nous sommes engagés... Ils viennent nous interpeller au niveau des droits confessionnels et pas au niveau des droits linguistiques. Reconnaissez donc que la réforme qui est devant nous est à l'avantage de la communauté anglophone.

M. Keith Henderson: Monsieur, c'est peut-être vous qui n'avez pas compris ce que j'ai dit. Ce n'est pas une question de confessionnalité comme telle, mais bien une question de droits et de protection contre les préjugés de toutes natures.

M. Réal Ménard: C'est-à-dire?

M. Keith Henderson: L'article 93 accorde une protection très particulière, une protection contre le préjugé religieux. De plus, la discrimination est prohibée selon les traités internationaux signés par le Québec et par le Canada.

Mais il y a toutes sortes de discrimination. Nous comprenons maintenant cela parce que nous sommes des enfants du XXe siècle et nous avons élargi les formes de discrimination prohibées. Ce ne sont plus seulement des motifs religieux. La discrimination sur la base linguistique, sur la base de la race ou sur la base de la naissance est aussi prohibée. Le point de vue de M. Galt, il y a 130 ans, était de donner au gouvernement fédéral le rôle de s'assurer que les provinces n'agiraient pas d'une manière discriminatoire contre la minorité. C'est un rôle valable.

Vous dites qu'il y a un consensus au Québec, mais c'est un consensus politique, pas plus. Cela ne veut pas dire qu'il y a un consensus de la population. On n'a même pas tenu d'audiences publiques là-dessus.

M. Réal Ménard: L'Assemblée des évêques, est-ce politique, selon vous?

M. Keith Henderson: Un consensus de 103 députés contre 0. On sait très bien qu'il n'y a pas ce consensus dans la population; c'est un consensus fictif.

M. Réal Ménard: Il n'y a pas unanimité dans la population?

M. Keith Henderson: J'ajoute, parce que c'est très important, que vous avez dit que ces questions-là devaient être tranchées par des majorités politiques. Je vous dis très sincèrement que c'est faux. On a une Constitution pour garantir les droits des minorités et pour empêcher les majorités politiques de faire quelque chose de néfaste pour ces droits-là. C'est pour cette raison qu'on a une Constitution.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Henderson.

Nous allons passer à l'intervenant suivant, Mauril Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Monsieur Henderson, voulez-vous, s'il vous plaît, élaborer un peu sur ce que vous entendez par les droits des minorités? J'ai cru percevoir, en écoutant votre présentation, que vous faisiez parfois allusion à des droits linguistiques et à d'autres moments à des droits confessionnels et que vous aviez tendance, selon ce que j'ai entendu, à les mêler suffisamment pour qu'on y perde un peu notre latin.

Je voudrais, s'il vous plaît, que vous nous expliquiez ce que vous entendez par les droits linguistiques et par les droits confessionnels et que vous nous disiez comment les deux s'agencent.

M. Keith Henderson: C'est très simple. Le Canada a signé des traités qui portent sur des questions d'éducation. Dans ces traités-là, le Canada et le Québec ont dit clairement qu'il y avait certaines formes de discrimination, acceptées internationalement, que le Canada se devait de bannir.

Ces motifs de discrimination s'appliquent à toutes les questions touchant l'éducation. Donc, vous dites qu'il y a un mélange de toutes sortes de choses, mais il faut comprendre que la discrimination religieuse n'est pas la seule qui existe. Il y a aussi la discrimination linguistique, raciale, ethnique et fondée sur la naissance. Les traités sont là et ils sont clairs.

• 1615

L'article 93 est très particulier, comme je l'ai dit plus tôt. C'est une protection contre la discrimination religieuse. C'est valable et important, mais ce n'est pas la seule sorte de discrimination dont on peut souffrir. Ce que nous proposons n'est pas un mélange. C'est exactement en conformité avec nos traités, que le Québec a aussi signés à l'instar du Canada.

Selon nous, l'article 93 est là pour permettre au gouvernement fédéral d'intervenir, de jouer le rôle d'arbitre, d'empêcher les gouvernements provinciaux d'agir de façon discriminatoire envers leurs minorités.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Henderson. Nous allons maintenant passer à la sénatrice Dalia Wood.

[Traduction]

La sénatrice Dalia Wood (Montarville, Lib.): Je m'inscris en faux contre ce qu'a dit le Bloc concernant le consensus. Il n'y a pas eu de consensus au Québec, sauf un consensus politique. Le peuple québécois n'a pas parlé.

Je conviens également avec vous qu'il faudrait que nous nous déplacions, parce que le peuple québécois mérite d'avoir voix au chapitre. Je ne suis pas sûre que les particuliers auront la possibilité de venir témoigner ici.

J'ai trois questions très brèves à vous poser. Les voici.

Croyez-vous que les mesures prises par le gouvernement du Québec sont légitimes s'il les prend en vertu d'une charte qu'il ne reconnaît pas? M. Dion assure que la Charte protégera les droits des Anglo-Québécois à l'instruction dans la langue de la minorité. Ces paroles vous rassurent-elles? Estimez-vous être suffisamment protégés dans l'état actuel des choses?

Soit dit en passant, je viens moi-même du Québec.

Je suis consciente que les Anglo-Québécois ont déjà eu à se battre pour défendre leurs droits attaqués dans le projet de loi 109, c'est-à-dire le nouveau projet de loi sur l'instruction publique au Québec. Le gouvernement péquiste a essayé de restreindre le droit de vote au sein des commissions scolaires anglophones et de limiter leur assiette fiscale. Croyez-vous que votre droit à l'instruction dans la langue de la minorité est à la merci des règlements provinciaux et que ces règlements peuvent nuire à l'exercice de ce droit, voire le rendre impossible?

M. Keith Henderson: Merci, madame la sénatrice, de m'avoir posé ces questions. Elles sont très pertinentes. Je commencerai par répondre à votre deuxième question, parce que c'est celle dont je me souviens le mieux. Cependant, je vous demanderai, après avoir entendu ma réponse, de répéter votre première question, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

Estimons-nous être suffisamment protégés par l'article 23, comme l'a déclaré M. Dion? Non, ce n'est pas le cas. Encore une fois, je m'explique.

Les Néo-Brunswickois n'avaient pas l'impression d'être suffisamment protégés par l'article 23. Après son dépôt en 1982, ils ont demandé au gouvernement fédéral de prévoir des garanties additionnelles. Ce sont de nobles garanties. Toutes les provinces canadiennes devraient... Je félicite le Nouveau-Brunswick d'avoir proposé cet ajout à l'article 16.1. Il a fait préciser dans notre Constitution que les droits à l'instruction des divers groupes linguistiques étaient protégés. Le gouvernement fédéral a vu cette mesure d'un bon oeil.

Aujourd'hui, M. Dion déclare, tout à fait à l'opposé, que l'article 23 est suffisant. Voilà qui ne cadre pas avec la réalité que nous vivons. La dernière fois qu'une province a demandé au gouvernement fédéral de faire modifier la Constitution en matière d'éducation, c'était en vue de faire élargir nos droits. Tous peuvent applaudir une pareille mesure. Maintenant, une province souhaite les faire éteindre. Nul ne devrait applaudir et nul, présent à cette table, ne devrait l'accepter.

Vous me voyez navré mais, en dépit de son caractère pointu, j'ai oublié votre première question...

La sénatrice Dalia Wood: Je vous demandais si vous estimez que les mesures prises par le gouvernement du Québec sont légitimes puisqu'elles sont prises en vertu d'une charte qu'il ne reconnaît pas.

M. Keith Henderson: Non, elles ne sont pas légitimes. C'est un point que nous soulignons dans notre mémoire. Le gouvernement du Québec ne reconnaît pas notre Constitution. Il l'a affirmé. Je ne vois pas comment il peut demander que soit modifiée une Constitution quand il affirme, dans un des attendus, qu'il ne la reconnaît pas.

La sénatrice Dalia Wood: Ce qu'il a énoncé dans un attendu.

M. Keith Henderson: Effectivement. Cela n'a aucun sens. Si le gouvernement fédéral accepte cette modification, c'est qu'il est d'accord avec ce que dit le gouvernement du Québec. Vous ne reconnaissez pas la Constitution? Fort bien, nous non plus alors. Peu importe ce que l'on dit. Il me semble inconcevable que le gouvernement fédéral puisse accepter une modification rédigée en ces termes.

• 1620

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Henderson, je vous remercie.

M. Yvon Godin a maintenant la parole.

[Français]

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Monsieur Henderson, au début de votre présentation, vous avez dit que vous étiez ici, mais que vous sentiez que cela n'en valait pas la peine parce que les décisions étaient déjà prises. Franchement, je sympathise avec vous. Lorsque les décisions sont déjà prises, j'ai l'impression qu'on se sert de moi comme d'un rubber stamp, comme on dit en anglais, et je n'apprécie pas cela. Je suis donc obligé de sympathiser avec vous, monsieur.

J'aimerais vous demander si vous êtes opposés à la création de commissions scolaires linguistiques.

M. Keith Henderson : Non.

M. Yvon Godin: Voulez-vous seulement vous assurer que les droits confessionnels soient préservés?

M. Keith Henderson: Nous ne sommes pas contre une telle restructuration éducationnelle, mais nous voulons que les protections accordées aux minorités par M. Alexander Galt, il y a 131 ans, soient élargies et s'appliquent de la même façon à ces nouvelles institutions linguistiques qu'on se propose d'établir, et que le gouvernement fédéral retienne sa capacité d'agir à titre d'arbitre selon la Constitution.

Donc, nous voulons l'élargissement des droits, comme au Nouveau-Brunswick, et non pas l'élimination de nos droits tel que l'a proposé par le gouvernement du Québec.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Henderson.

[Traduction]

Sénateur Grafstein.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (Grand Toronto, Lib.): Je tiens tout d'abord à remercier les témoins d'être venus, mais je ferai remarquer que, plutôt que d'avoir éclairé ma lanterne, ils semblent m'avoir plongé dans la confusion. En tant que sénateur de l'Ontario, je n'arrive pas à concilier ce que j'ai entendu hier et aujourd'hui du Québec.

D'une part, nous avons entendu des avocats de l'Université McGill nous dire que le fond de l'article 93 est discriminatoire et qu'il n'a pas sa place au sein d'une démocratie contemporaine. C'est ce que nous ont dit des avocats. Je ne suis ni d'accord, ni en désaccord; je tiens simplement à rappeler ce qu'ils ont dit.

Par contre, vous proposez que l'on élargisse l'article 93, reconnaissant—je suppose qu'il faut que nous le reconnaissions aussi—que, si le gouvernement fédéral proposait une modification bilatérale au Québec, l'actuel gouvernement du Québec n'accepterait pas la modification. Nous nous trouvons pris dans un cercle vicieux.

Il faut se débrouiller avec les moyens que l'on possède. Je m'explique.

Vous nous avez dit—l'argument est d'une certaine façon persuasif—que le gouvernement fédéral, en autorisant l'abolition de l'article 93, renonce à ses pouvoirs de réglementation en matière d'éducation.

Pourtant, il n'a pas renoncé à son pouvoir de désaveu. Je suppose que le pouvoir de désaveu pourrait s'exercer s'il existait au sein du Parlement fédéral une volonté politique visant à invalider la loi d'une province particulière parce qu'elle va à l'encontre de la Constitution. Ce serait une violation grossière de la Charte, indépendamment du fait que le Québec—nous y reviendrons sous peu—affirme ne pas reconnaître la Loi constitutionnelle de 1982. Que pensez-vous du pouvoir de désaveu en tant que pouvoir de réglementation?

M. Keith Henderson: J'ai deux points à faire valoir. Tout d'abord, je ne suis pas d'accord avec l'affirmation faite par les avocats de McGill selon lesquels l'article est discriminatoire. Il y est bel et bien question de minorités dissidentes. Par là, il faut entendre tout groupe religieux...

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Non. J'ai relu l'article. Il y est question de minorités dissidentes catholiques ou protestantes.

M. Keith Henderson: Je ne crois pas que cette expression ait été interprétée par les tribunaux. Comme nous le faisons remarquer dans notre mémoire, pendant un an—peut-être deux, brièvement—il y avait au Québec une commission scolaire juive. Elle a été abolie. Il est possible de faire une toute autre lecture de la question des minorités dissidentes. Je connais des avocats qui l'interprètent autrement.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: C'est un argument que je peux accepter.

M. Keith Henderson: Toutefois, mettons cela de côté. La véritable question que vous posez est très pertinente, soit le pouvoir de désaveu.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: C'est juste.

M. Keith Henderson: Beaucoup de Canadiens se méfient du pouvoir de désaveu, surtout ceux de l'Ouest, et on peut comprendre pourquoi. Ils le voient plus comme un moyen pour le gouvernement fédéral d'imposer sa volonté.

Nous en viendrons peut-être au point, un jour, où il faudra cerner avec soin le pouvoir de désaveu. L'article 93 représente une excellente définition du pouvoir de désaveu, ce qui nous donne une autre raison de ne pas vouloir l'abroger. Il dit que le pouvoir de désaveu peut être exercé, puisqu'il prévoit en fait une forme de désaveu. Le gouvernement fédéral peut intervenir et prendre des lois réparatrices comme il peut en abolir. Le pouvoir est cependant limité. Selon l'article, dans ce cas-ci, s'il y a eu discrimination pour des raisons religieuses, le gouvernement fédéral peut exercer son pouvoir de désaveu.

• 1625

Jusqu'à ce que nous ayons refait l'examen de la question du désaveu, examen que nous n'avons jamais fait en tant que pays et peuple, je serais enclin à dire qu'il vaut mieux laisser ces balises dans la Constitution. Elles sont là pour une raison. Elles sont utiles. Ne les abolissez pas dans une province, ce qui donnerait une application inégale. En effet, elles sont toujours là en ce qui concerne l'Ontario. Cela ne cadre pas avec la déclaration de Calgary que j'ai lue, selon laquelle tous les Canadiens sont égaux. Ce qu'on veut faire, c'est créer une véritable mosaïque.

Il faut donc selon moi conserver les balises qui permettent de définir le désaveu. Cet article est fondamental. Comme nous l'avons dit, il faudrait au contraire l'élargir.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: J'ai une autre question importante. Le droit de regard est une question controversée, mais difficile à régler aux termes de la disposition touchant le désaveu.

Laissez-moi passer à la deuxième question, soit de savoir si le Québec—et cette question est intrigante pour quelqu'un qui vient comme moi de l'Ontario—a reconnu la Constitution. Aujourd'hui encore, j'ai relu le texte de la résolution du Québec et je vous ai aussi demandé de le faire.

En avez-vous une copie?

M. Keith Henderson: Je n'en ai pas. Si quelqu'un peut me prêter la sienne, je lui en saurais gré. Toutefois, j'ai des extraits et je crois savoir ce que vous allez me demander.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: C'est troublant, mais d'une certaine façon, c'est aussi intéressant. En toute franchise, je trouve cela amusant. Oubliez les attendus; ce ne sont en réalité que des énoncés préparatoires. L'essentiel se trouve dans les dispositions modifiant la Constitution.

La disposition commence par «EN CONSÉQUENCE, QUE». Je vous lis ce dont il est question ici. Le texte dit: «Modification de la Constitution du Canada, Loi constitutionnelle de 1867». Puis, elle enchaîne: «La Loi constitutionnelle de 1867 est modifiée par l'insertion, [...]».

Sans être aussi versé qu'un avocat, par exemple, le profane en conclurait qu'il est question de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. Or, il n'en est rien. Si vous examinez bien la loi de 1982—le Bloc peut peut-être nous aider...

Le coprésident (M. Denis Paradis): Il ne vous reste plus beaucoup de temps.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: C'est une question brève, monsieur le président.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Posez-la.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Si vous lisez la Loi constitutionnelle de 1982, à «Annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, Actualisation de la Constitution», le titre est changé, passant de «Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867» à «Loi constitutionnelle de 1867». Donc, en vérité, un avocat qui examine cette résolution en conclut que l'Assemblée nationale du Québec a maintenant, dans les faits, reconnu...

M. Keith Henderson: Sénateur Grafstein, je crois deviner où vous voulez en venir. J'essaierai d'être bref.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Je suis désolé, monsieur le président, mais c'est une question plutôt cruciale.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Henderson.

M. Keith Henderson: En réponse à votre question, je demanderais simplement s'il est possible d'avoir une déclaration franche et officielle du gouvernement du Québec dans laquelle il reconnaît la Constitution de notre pays. Je comprends ce que vous dites, que des avocats qui examineraient ce document diraient que le gouvernement a reconnu la Constitution par la bande. Cependant, j'estime que ce n'est pas suffisant, vraiment pas.

En tant que fédéraliste—et tous ne le sont pas autour de cette table—, je ne crois pas qu'il faille accepter l'énoncé selon lequel la partie de notre Constitution adoptée en 1982 est en quelque sorte inacceptable. La résolution comporte un énoncé qu'aucun Canadien digne de ce nom n'accepterait, selon moi.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame la sénatrice Lavoie-Roux.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux (Québec, PC): On a peut-être déjà posé la question, mais je veux être bien certaine. Vous n'êtes pas contre une structure scolaire modifiée basée sur la langue plutôt que sur la religion.

M. Keith Henderson: On n'a pas de problème quant à cela. C'est une protection qu'on demande.

• 1630

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Vous dites que vous avez fait valoir, comme d'autres avant vous d'ailleurs, que l'abrogation de l'article 93 enlèverait les protections qui avaient été accordées, etc. Que proposez-vous pour qu'on en arrive à une vision linguistique si on ne peut toucher à l'article 93?

M. Keith Henderson: On peut y toucher. On peut proposer aux Canadiens un autre article 93, un article élargi et plus généreux reconnaissant mieux toutes les formes de discrimination prohibées, et pas seulement la discrimination religieuse. Nous proposons de moderniser et de rénover notre Constitution d'une manière positive au lieu d'éliminer l'héritage que nous a laissé M. Alexander Galt, qui était un compatriote anglo-québécois.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Vous venez de Sherbrooke?

M. Keith Henderson: Je ne viens pas de Sherbrooke, mais c'était un Anglo-Québécois comme moi.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Alexander Galt était de Sherbrooke.

M. Keith Henderson: Je le sais bien, et c'est pour cette raison... M. Price vient de Sherbrooke ou des environs de Sherbrooke. Donc, il comprend très bien pourquoi nous voulons cette protection.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Donc, vous voulez un article 93 modifié et élargi non seulement dans le sens de la confessionnalité, mais aussi dans le sens de la langue. Je voulais bien comprendre.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Une courte question additionnelle, madame Finestone.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Nous avons abordé de nombreuses questions. Cependant, j'aimerais revenir à un point soulevé par le sénateur Grafstein.

Si vous lisez le mémoire des avocats de McGill... Inutile de le faire. Tout ce que je dis, c'est que ce texte est l'oeuvre de chercheurs. C'est l'avis juridique d'avocats sans affiliation aucune. Ils ont bien expliqué que l'article 93 est dépassé, qu'il s'agit d'un article discriminatoire à l'image d'une époque révolue.

Selon moi, monsieur Henderson—vous ne serez peut-être pas d'accord, mais c'est là que nous nous mettrons peut-être d'accord pour avoir des divergences—l'article 2, concernant la liberté d'expression, l'article 15 sur la non-discrimination, l'article 25 concernant le multiculturalisme, tous ces articles et d'autres encore énoncent des valeurs chères aux Canadiens, des valeurs que la Constitution reprend pour nous tous. Ce sont de bonnes garanties pour notre pays. Que je sache, le Québec fait toujours partie du Canada, et cela ne changera pas. Voilà 30 ans déjà que le Parti québécois ou le gouvernement du Québec s'active pour en arriver là.

De ce que j'en sais et d'après mon expérience... Je sais ce qu'est la discrimination que vous avez tenté de décrire pour en avoir fait l'objet. Toutefois, je ne crois pas consentir des privilèges et favoriser l'inégalité en abrogeant l'article. Au contraire, tous jouissent d'une certaine égalité. Par conséquent, je ne suis pas contre l'idée d'abolir l'article 93, car j'estime que l'article 23 offre une bien meilleure protection.

Voici ma question. Contestez-vous la citation du Office of Research on Educational Policy de McGill, qui énonce:

    Par conséquent, l'article 93 devrait être conservé jusqu'à ce que l'article 23 soit modifié et «amélioré».

J'aurais tendance à approuver ce genre de proposition. Mais le document poursuit:

    Nous rejetons ce raisonnement étant donné que notre analyse de l'article 93 semble indiquer que les garanties qu'il prévoit à l'intention de la minorité sont des «droits fictifs» et que l'article 23, bien qu'il ne soit pas parfait, constitue un cadre plus approprié.

Puis les auteurs donnent des précisions—et il y aurait sans doute lieu de lire le document plus attentivement.

Ne considérez-vous pas que ce droit est beaucoup plus fictif en vertu de l'article 93 qui protège simplement les catholiques et les protestants, qu'il le serait en vertu de l'article 23, qui influe sur la vie de chaque citoyen qui réside au Québec?

M. Keith Henderson: Non, je ne suis pas de cet avis.

L'hon. Sheila Finestone: Très bien.

M. Keith Henderson: Je ne suis pas d'accord avec les recherchistes. Je suis d'accord, comme vous le savez, avec Alexander Galt qui a ajouté cette disposition à notre Constitution et je suis d'accord avec la Cour suprême du Canada, qui a examiné la question. Je vous citerai un extrait de son jugement très brièvement car je sais que nous manquons de temps. Il se lit comme suit:

    La protection des droits religieux de la minorité fut une préoccupation majeure au cours des négociations qui ont mené à l'avènement de la Confédération compte tenu du risque...

L'hon. Sheila Finestone: Cela a-t-il protégé mes droits, monsieur Henderson?

M. Keith Henderson:

    [...] apparent de laisser les minorités religieuses de l'est et de l'ouest du Canada à la merci de majorités écrasantes.

C'est une décision qui a été rendue il y a 10 ans.

La Cour suprême a compris que l'article 93 était toujours pertinent; le Nouveau-Brunswick comprend qu'il faut des garanties supplémentaires; et je ne crois pas que l'article 23 soit suffisant.

• 1635

Le coprésident (M. Denis Paradis): Je vous remercie de votre présentation, monsieur Henderson.

Nous allons maintenant passer au groupe suivant, qui est l'Association des gens d'expression anglaise de la Vallée de Châteauguay, représentée par M. Brent Tyler.

Monsieur Tyler, nous vous souhaitons la bienvenue. Pourriez-vous nous faire une brève présentation pour que nous puissions poser ensuite quelques questions?

M. Brent Tyler (avocat, Association des gens d'expression anglaise de la Vallée de Châteauguay): J'espère que les membres du comité ont des exemplaires du mémoire qui a été distribué juste avant notre arrivée.

J'aimerais vous parler brièvement de notre association, l'Association des gens d'expression anglaise de la Vallée de Châteauguay. Notre association compte 7 000 membres centrés dans le sud-ouest du Québec, le long de la rivière de la Vallée de Châteauguay. La population de cette région est une population anglophone vieillissante. Les jeunes quittent notre région et c'est une situation qui nous préoccupe beaucoup, évidemment.

À la partie 1 de notre mémoire figure l'une des activités dont je suis le plus fier. Notre association est à l'origine d'une initiative auprès des Nations Unies prise par Gordon McIntyre, directeur de salon funéraire du village d'Huntingdon, où se trouve notre siège social. M. McIntyre n'était pas satisfait de la loi 178.

Ce cas illustre parfaitement, madame Finestone, pourquoi nous devons remanier l'article 93.

Dans le cas en question, l'adversaire de M. McIntyre était non seulement le gouvernement du Québec, qui violait ses droits au moyen d'une loi provinciale, mais aussi le gouvernement du Canada qui lui a livré une lutte acharnée devant le Comité des droits de l'homme des Nations Unies.

Plus tard, je traiterai de ce que je considère comme la complicité choquante des gouvernements fédéral et provincial dans le dossier de la protection des droits linguistiques des minorités. Mais pour l'instant, je veux simplement vous dire que c'est l'une des initiatives de notre association dont je suis le plus fier car elle a aidé M. McIntyre à obtenir cette décision très importante du Comité des droits de l'homme des Nations Unies.

En ce qui concerne les arguments concernant le droit interne et la Confédération, avancés par M. Henderson pour justifier l'existence de l'article 93, il y a une autre raison très importante pour laquelle nous devons avoir un droit de regard fédéral dans notre Constitution, à savoir l'existence des obligations du Canada dans le cadre de traités internationaux. Je fais allusion en particulier aux obligations en matière de droits de la personne prévues par le droit international.

Le Canada est signataire d'un certain nombre de conventions et de traités, et je n'ai pas l'intention de vous les énumérer tous aujourd'hui car la liste est longue. Je tiens surtout à vous parler de la Convention relative aux droits de l'enfant et de la recommandation contre la discrimination en matière d'éducation.

Le rôle essentiel d'un gouvernement central dans une fédération est d'assurer le respect des obligations de la fédération en vertu du droit international.

Je mentionne dans mon mémoire le cas du barrage Franklin dont a été saisie la Haute Cour d'Australie. Très brièvement, pour situer le contexte aux membres du comité, l'État de Tasmanie voulait inonder une région protégée par les obligations de l'Australie en vertu d'un traité international. La Haute Cour d'Australie a décidé qu'il était essentiel et central au rôle du gouvernement fédéral de pouvoir intervenir et empêcher un État—ou dans notre cas une province—de prendre des mesures par lesquelles le pays tout entier se trouverait à enfreindre ses obligations internationales.

Lorsque nous parlons d'obligations internationales dans le domaine de l'enseignement, nous devons examiner la pratique de l'État. Tout examen des droits de la personne et du droit international doit tenir compte de la pratique de l'État.

Avant l'adoption de la loi 22 au Québec, il était possible de choisir tout à fait librement entre l'anglais et le français. L'anglais et le français étaient traités de façon tout à fait égale dans notre province. Et c'est uniquement par suite de l'adoption de la loi 22 en 1974, puis de l'adoption subséquente de la loi 101 en 1977 que cette situation a complètement changé.

Depuis la Confédération, la pratique de l'État était d'assurer un accès égal aux écoles, comme l'ont d'ailleurs confirmé de nombreuses études faites par l'ONU. Je vous les cite dans le mémoire.

En droit international, rien n'oblige un État à offrir un enseignement dans plus d'une langue ou à construire de nouvelles écoles pour un groupe linguistique minoritaire ou un groupe de langue non officielle. J'ai souvent entendu ceux qui préconisent la liberté de choix entre les institutions existantes au Québec demander, et si des parents grecs ou italiens se réunissent, peuvent-ils invoquer votre argument pour réclamer au gouvernement des écoles dans leur langue? La réponse est non. Cela n'est pas prévu par le droit international.

• 1640

Le droit international prévoit que lorsque des institutions existent, le choix de l'institution doit relever des parents. Vous constaterez d'ailleurs, lorsque nous parlerons de la recommandation contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement, que c'est exactement ce qui y est énoncé—et j'y arrive dans un instant.

Je suis sûr que vous avez entendu beaucoup de témoignages à propos de l'article 23, et M. Henderson en a bien sûr parlé dans son mémoire. Nous estimons que l'article 23 est insuffisant. En ce qui concerne l'accès aux écoles anglaises, il prévoit une protection plus faible des droits, et cela est clair. Tous les spécialistes en droit international—et j'espère que vous aurez l'occasion d'en consulter certains ici—vous le diront.

L'article 23 va plus loin que la norme internationale lorsqu'il s'agit d'obliger un État à fournir de nouvelles écoles. Depuis l'adoption de notre Constitution en 1982, c'est une disposition dont ont grandement profité les minorités d'expression française en dehors du Québec. Devant l'intransigeance de certains gouvernements provinciaux, les parents francophones ont dû aller devant les tribunaux et consacrer beaucoup de temps et d'argent à défendre leur cause. C'est l'un des aspects que j'aborderai à propos de ce genre de poursuites. Mais ils ont finalement obtenu gain de cause et grâce à l'article 23, les minorités francophones bénéficient désormais d'une protection d'un océan à l'autre.

Mais nous n'avons certainement pas cette protection au Québec parce que la moitié de l'alinéa 23(1)a) ne s'applique pas dans notre province. Donc, lorsqu'on dit que l'article 23 assure une protection suffisante, madame Finestone, cette protection n'est sûrement pas conforme aux obligations du Canada en vertu de traités internationaux. Je peux vous en assurer.

En ce qui concerne la Convention relative aux droits de l'enfant, j'inclus des annexes au mémoire et je vous invite à en prendre connaissance car elles sont éloquentes. La Convention indique qu'il est discriminatoire d'empêcher l'accès à une école ou de priver un enfant d'un droit en fonction de considérations factuelles concernant ses parents. C'est ce que fait le projet de loi 101 depuis 1977, sans que le gouvernement fédéral dise un mot.

Depuis 1977, notre population scolaire a diminué de 57 p. 100. Qu'est-ce que le gouvernement fédéral a fait pour empêcher une telle chose? Va-t-il nous dire maintenant que l'article 23 est suffisant lorsqu'au cours de cette période nous avons perdu 57 p. 100 de notre population scolaire?

De qui vous moquez-vous lorsque vous dites que l'article 23 est suffisant? Il ne l'est pas. La seule modification à la Constitution qui nous permettrait de respecter nos obligations est celle qui a été apportée au Nouveau-Brunswick, comme M. Henderson l'a mentionné dans sa présentation.

Le rapport du Canada sur la Convention relative aux droits de l'enfant parle de mise en oeuvre et de conformité. Il y a là une reconnaissance des obligations du Canada. Je vous invite à lire les extraits que j'ai annexés au mémoire.

J'ai mentionné plus tôt la recommandation de l'UNESCO contre la discrimination. Ce document prévoit expressément qu'il est discriminatoire de la part d'un État de créer ou de maintenir deux établissements ou deux systèmes séparés pour des motifs d'ordre linguistique ou religieux. La seule façon dont une telle mesure n'est pas considérée discriminatoire, c'est si l'adhésion à ces établissements ou à ces systèmes demeure facultative pour les parents.

Dans notre mémoire, nous avons indiqué qu'avant l'adoption de la loi 101, le Canada a déclaré que selon la pratique de l'État, l'anglais et le français sont égaux et ont fait l'objet d'un traitement égal dans notre système d'enseignement au Québec.

Que déclare-t-il après l'adoption de la loi 101? Eh bien, en fait, mesdames et messieurs et membres du comité, le Canada a brossé un tableau trompeur de la situation à l'UNESCO. Il a menti à la communauté internationale à propos de ce qui se passe au Québec, ce qui explique pourquoi le Québec et le Canada n'ont pas été blâmés. Si vous voulez des preuves de ce que j'avance, je vous invite à prendre connaissance des annexes au mémoire.

Si vous regardez le cinquième questionnaire du Canada et le cinquième questionnaire du Québec, vous constaterez qu'ils disent la même chose. Ils trompent de façon éhontée la communauté internationale.

• 1645

Le sixième questionnaire en vertu de la recommandation de l'UNESCO est en train d'être préparé et j'essaie d'obtenir une copie de la réponse du Québec mais personne ne veut me la donner. On répond que le processus de consultation n'est pas terminé, qu'il est impossible de nous la remettre, même si le mémoire du Québec a déjà été présenté aux instances fédérales pour être incorporé au rapport fédéral.

Cette complicité dure depuis longtemps. La complicité du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial du Québec dure depuis longtemps. Ce que nous proposons permettrait d'éviter que cela se poursuive et continue d'occasionner des situations discriminatoires au Québec.

J'aimerais parler très brièvement du coût et du temps que nécessitent les poursuites en justice. La communauté anglophone du Québec ne peut plus se permettre d'être l'agneau du sacrifice de l'unité canadienne. Nous jouons ce rôle depuis trop longtemps et nous ne pourrons tout simplement pas survivre à moins que le gouvernement fédéral nous accorde une protection suffisante dans notre Constitution.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Je vous remercie, monsieur Tyler.

Notre premier intervenant est M. Rahim Jaffer.

M. Rahim Jaffer: Si je vous comprends bien, vous ne vous opposez pas à la création de commissions scolaires linguistiques au Québec.

M. Brent Tyler: Non, parce que nous comprenons qu'il faut mettre en commun les ressources pour des raisons administratives. Les ressources qui ont existé traditionnellement dans les commissions scolaires protestantes et catholiques doivent être mises en commun pour des raisons administratives et logistiques. Mais lorsque nous parlons de l'abrogation de l'article 93, il s'agit d'un problème différent. La Cour suprême a déjà statué que les commissions scolaires linguistiques sont acceptables sauf pour une très petite zone dans les villes de Montréal et de Québec, telles qu'elles existaient en 1867. Allons-y pour les commissions scolaires linguistiques. Mais si nous devons renoncer à un droit, pourquoi devrions-nous y renoncer lorsque nous pouvons le moderniser, le remanier et le rendre applicable, et surtout—et c'est le message principal que je voudrais vous laisser—lorsque nous pouvons donner au gouvernement fédéral un moyen de s'assurer que le Québec ne mettra jamais le Canada dans une situation où il se trouve, en tant que pays, en contravention de ses obligations internationales en matière de droits de la personne.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: J'aimerais dire à la présidence que j'estime important que nous obtenions un exemplaire du document de l'UNESCO dont on vient de parler. Il nous sera indispensable pour comprendre la portée...

M. Brent Tyler: Madame Finestone, je ne voulais pas vous submerger de documents, mais si vous regardez l'annexe que j'ai préparée, l'annexe 4, vous constaterez que la définition de la discrimination dans le domaine de l'enseignement est la définition la plus précise qui existe en droit international. Si vous examinez la loi 101 et lisez ces articles...

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Si je vous comprends bien, vous voulez conserver le droit de regard du fédéral dans le domaine de l'enseignement en vertu des paragraphes 93(3) et 93(4).

M. Brent Tyler: C'est exact.

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Deuxièmement, vous dites que l'article 23, qui bien entendu traite des droits linguistiques, n'est pas suffisant et vous voulez inscrire dans la Constitution pour le Québec l'équivalent de ce qui a été fait au Nouveau-Brunswick pour l'égalité des deux communautés.

M. Brent Tyler: Oui.

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Et vous pensez que cela réglerait le problème; le problème moderne de l'enseignement au Québec.

M. Brent Tyler: Cela permettrait de se débarrasser de ce que nous considérons comme une protection anachronique, car elle n'est assurée que pour un motif d'ordre religieux. Nous ne voulons toutefois pas abandonner ce qui est prévu au niveau du droit de regard. Il faut donc moderniser l'article 93. Incluons d'autres motifs de discrimination qui sont interdits et que le Canada en tant qu'État membre en vertu de nombreux instruments internationaux est déjà tenu de respecter selon son droit interne. Pourquoi ne pas le faire? Je pense, sénateur Beaudoin, que ce serait un moyen au moins de minimiser, pour ne pas dire éliminer, la discrimination dans le domaine de l'enseignement au Québec.

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Oui, mais voyez-vous, en 1867 les groupes qui étaient protégés étaient les catholiques en tant que groupe et les protestants en tant que groupe. Il ne s'agit pas de droits individuels mais de droits collectifs. Nous oublions qu'il s'agit de droits collectifs. La Charte protège les droits individuels, mais les droits constitutionnels sont collectifs, comme les droits autochtones sont collectifs. C'est d'ailleurs ce qu'a déclaré la Cour suprême.

• 1650

M. Brent Tyler: Au Nouveau-Brunswick, on parle également de droits collectifs, de droits communautaires.

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Oui, de droits communautaires mais nous n'avons pas d'arrêt de la Cour suprême à ce sujet. De toute évidence, c'est tout à fait valide et tout à fait bon, je n'y vois pas d'objection. Mais depuis 1867, nous avons affaire à deux groupes. Depuis, le Québec et bien d'autres provinces—pas toutes—sont devenues très pluralistes. Il faut à tout le moins changer quelque chose. Il faut au moins que les groupes soient égaux. Personne ne s'y opposera.

M. Brent Tyler: Ou alors qu'on l'inclue mais qu'on aille plus loin en parlant de motifs de discrimination interdits.

Je n'ai pas eu l'occasion de parler de l'une des préoccupations dont traite mon mémoire. Je le ferai donc très rapidement maintenant. Je représente un grand nombre de parents touchés par les restrictions de la loi 101 et je peux vous dire qu'il est extrêmement coûteux et extrêmement long de porter ces affaires devant la justice. On a beau dire que nous avons notre Charte, que c'est un document merveilleux, que nous devrions laisser la Cour suprême trancher, le fait est que de nombreux parents n'ont pas les moyens de le faire. Ils ne peuvent pas vraiment se prévaloir du système judiciaire.

Il ne suffit pas de dire que l'article 23 est satisfaisant et que nous pouvons compter sur la Cour suprême pour veiller au respect de notre Charte. Cette déclaration ne tient pas compte de la réalité. Si les parents avaient de l'argent, sénateur Beaudoin, ils feraient comme M. Bouchard et enverraient leurs enfants dans une école privée anglaise.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Je vous remercie, monsieur Tyler.

[Français]

Monsieur Ménard.

M. Réal Ménard: Je voudrais m'assurer que je comprends bien le point de vue que nous a exprimé le témoin. Tout comme le témoin précédent, vous êtes d'accord sur l'établissement de commissions scolaires linguistiques. Cela ne vous pose pas de problème. Là-dessus on s'entend.

Cependant, vous nous dites que vous avez le sentiment que la communauté anglophone vit un type de discrimination.

M. Brent Tyler: Avec un diminution de 57 p. 100 de notre population scolaire, monsieur Ménard, je pense que cela devient assez évident.

M. Réal Ménard: Oui, c'est vrai.

Regardez bien où je veux en venir. Je veux vous rassurer. J'ai lu le rapport Chambers et je crois que la communauté anglophone peut s'inquiéter du fait qu'il y a une diminution de 50 p. 100 de ses effectifs. On se comprend là-dessus.

Est-ce que, dans ce débat-ci, on peut trouver une réponse à cela? C'est là que je ne comprends pas le lien que vous faites. Vous dites que la discrimination que vous vivez est liée à la baisse du taux de fécondité des anglophones, et le rapport Chambers a été documenté là-dessus. Moi, j'irais même plus loin. Je dirais que dans un éventuel Québec souverain, on devrait constitutionnaliser les droits de la communauté anglophone.

Ce que je ne comprend pas, c'est que vous nous dites aujourd'hui que vous êtes d'accord sur avec l'établissement de commissions scolaires linguistiques, mais qu'à toutes fins pratiques, vous ne voulez pas qu'on touche à l'article 93. Vous savez très bien que ce n'est pas possible. Tous les gouvernements, qu'ils aient été libéraux ou souverainistes, ont tenté d'aménager le système scolaire pour faire des commissions scolaires linguistiques, et ce n'est pas possible dans l'ordre constitutionnel existant.

M. Brent Tyler: C'est faux, monsieur Ménard, parce que la Cour suprême a déjà décidé...

M. Réal Ménard: Attendez.

M. Brent Tyler: ...qu'il était possible d'avoir des commissions scolaires linguistiques sans toucher à l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867.

M. Réal Ménard: Monsieur Tyler, ce serait au prix d'une superposition de structures qui rendrait incohérent le système scolaire québécois. Admettez-vous cela?

M. Brent Tyler: Non, ce ne serait pas incohérent. Ce serait difficile peut-être et ce ne serait pas l'idéal, mais quand on parle de l'idéal, monsieur Ménard, je me souviens que dans la loi sur le projet de souveraineté qui a été déposé par M. Parizeau en décembre 1994, et cela a été reproduit dans le document produit par M. Bouchard en septembre 1995, chose remarquable, un Québec souverain s'engageait à respecter toutes les obligations internationales du Canada, incluant les obligations que je viens de vous nommer.

M. Réal Ménard: Monsieur Tyler, dans notre système...

M. Brent Tyler: Donc, vous n'êtes pas sortis du bois.

M. Réal Ménard: Monsieur Tyler, c'est moi qui pose les questions et je vous serais reconnaissant de répondre à la question suivante. Nous dites-vous aujourd'hui, en toute âme et conscience, qu'en regard du droit international, vous estimez que la communauté anglophone vit de la discrimination? Rappelez-vous que les anglophones du Québec ont accès à des services de la maternelle à l'université. Soyons sérieux. Dites-moi que vous êtes attaché à l'article 93, mais ne me dites pas qu'en regard du droit international, il y a de la discrimination envers la communauté anglophone.

M. Brent Tyler: Non seulement je vous l'affirme, monsieur Ménard, mais je vous invite à lire une dizaine de confirmations que je peux vous fournir. Quand on parle de discrimination, monsieur Ménard...

M. Réal Ménard: Sur quelle base?

• 1655

M. Brent Tyler: Ne me dites pas que 50 p. 100 de baisse de population scolaire,...

M. Réal Ménard: Cela n'est pas de la discrimination.

M. Brent Tyler: ...c'est juste une question de taux de natalité. C'est une question de jouissance de droits qui sont reconnus dans le droit international. Si vous êtes capable de lire la Convention sur les droits de l'enfant et la recommandation sur la discrimination dans le domaine de l'enseignement et si vous examinez la Loi 101, où on restreint les droits que possède un enfant à cause de la situation de ses parents...

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, messieurs Tyler et Ménard.

Le prochain intervenant sera M. Godin.

M. Yvon Godin: Je suis du Nouveau-Brunswick et j'aurai un seul commentaire. Je pense qu'il ne faut pas trop se garrocher des fleurs pour le Nouveau-Brunswick. Je ne sais pas combien l'article 23 a été bon pour ma province, mais je peux vous dire qu'il y a des parents qui se sont fait frapper, parce qu'on a voulu fermer des écoles françaises au printemps de 1997.

M. Brent Tyler: Monsieur, c'est impardonnable. Ne me demandez pas...

Le coprésident (M. Denis Paradis): Un à la fois, s'il vous plaît.

M. Yvon Godin: Non, mais on dit cela et on dit que cela n'a pas encore été testé dans la loi. Donc, mon seul commentaire est que l'article 23 n'a pas vraiment été testé. Les parents francophones du Canada sont en train d'essayer d'amasser de l'argent pour le faire. Je suis d'accord avec vous qu'il en coûte de l'argent pour aller en Cour suprême pour faire reconnaître ses droits. Je voulais juste faire ce commentaire parce que, lorsque vous citez le Nouveau-Brunswick, j'aimerais vous dire que je ne suis pas trop fier d'eux.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Godin...

M. Brent Tyler: Puis-je répondre?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Tyler, c'est un commentaire qu'il a fait. Nous allons passer à l'intervenant suivant, M. Mauril Bélanger.

[Traduction]

M. Mauril Bélanger: Je vous ai écouté attentivement, et j'ai toujours l'impression qu'il y a confusion au sujet des droits dont on parle.

Je vous renvoie, monsieur, à votre mémoire, où vous dites...

M. Brent Tyler: À quelle page?

M. Mauril Bélanger: À la page 5, où vous dites que la population scolaire de langue anglaise a diminué de 57 p. 100.

M. Brent Tyler: C'est exact.

M. Mauril Bélanger: Il est question ici de droits linguistiques, n'est-ce pas?

M. Brent Tyler: De droits linguistiques et du droit de fréquenter un établissement d'enseignement de langue anglaise, sans être l'objet de discrimination. C'est de cela dont il est question. Vous me comprenez?

M. Mauril Bélanger: Je le pense, oui. Merci beaucoup.

[Français]

À un moment donné, il faut pousser, mais pousser égal, s'il vous plaît.

Je suis francophone de l'Ontario et quand vous faites allusion aux autres provinces... Premièrement, je vais ouvrir une autre parenthèse parce que cela semble politiser le débat. Je vous ferai remarquer que, lorsque vous dites que le fédéral n'a rien fait pour aider ses minorités linguistiques, vous avez tort.

M. Brent Tyler: J'ai parlé du Québec.

Le coprésident (M. Denis Paradis): S'il vous plaît, c'est M. Bélanger qui a la parole.

M. Mauril Bélanger: Il y a un programme de défense en cour. C'est ce parti-ci qui l'a rétabli et c'est avec cet argent-là que le commissaire aux langues officielles est allé encourager les communautés à faire leur preuve et à demander que les provinces s'acquittent de leurs responsabilités en vertu de l'article 23, parce que c'est un droit linguistique. Ce qui me déçoit un peu de la présentation, parce que je suis assez sympathique à la question des droits des minorités, c'est qu'on mélange complètement et systématiquement la question des droits linguistiques et la question des droits confessionnels. Pour éclaircir et faciliter le débat, il faudrait cesser de faire cela.

M. Brent Tyler: Non.

M. Mauril Bélanger: Eh bien, je le sais, moi. C'est mon opinion et j'y ai droit, monsieur Tyler, si vous permettez.

[Traduction]

Monsieur Henderson, vous avez dit que le visage de la société canadienne est en train de changer. Or, j'ai l'impression que vous ne voulez pas accepter ce changement, que vous cherchez à vous accrocher au passé. Si le visage de la société canadienne est en train de changer, peut-être que son cadre juridique et constitutionnel devrait, lui aussi, évoluer.

M. Brent Tyler: Absolument. C'est ce que nous proposons.

M. Mauril Bélanger: Mais vous ne voulez pas qu'on touche à l'article 93, qui traite des droits confessionnels, et confondez constamment ces droits avec les droits linguistiques. Vous ne semblez pas avoir—et peut-être n'en avez vous pas. Existe-il ou non, à votre avis, une hiérarchie de droits?

M. Brent Tyler: Non. Nous ne confondons pas, monsieur Bélanger, droits confessionnels et droits linguistiques. Ce que nous disons—et je pense que le mémoire le dit clairement—c'est que le Canada a l'obligation, en vertu des traités internationaux, d'interdire tous les motifs illicites de discrimination. Les articles 2 et 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant précisent qu'un enfant ne peut être l'objet de discrimination en raison, par exemple, du lieu d'instruction de ses parents. C'est ce que fait la loi 101.

• 1700

Donc, ce que nous disons lorsque nous parlons de...

M. Mauril Bélanger: C'est ce qu'a confirmé la Cour suprême du Canada.

M. Brent Tyler: Puis-je terminer? Ce que nous disons, c'est que si nous voulons actualiser l'article 93, étendons son champ d'application à toutes les formes de discrimination que le Canada est obligé d'interdire en vertu des traités internationaux.

Bien sûr, la langue, la race, l'origine ethnique, ainsi de suite, sont tous des éléments sur lesquels nous aimerions voir le gouvernement fédéral étendre son contrôle.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur Tyler, d'avoir comparu au nom de l'Association des gens d'expression anglaise de la Vallée de Châteauguay. Je tiens à vous remercier tous les deux, au nom du comité.

Nous allons prendre une pause de cinq minutes avant d'entendre le prochain groupe.

• 1701




• 1705

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous reprenons cette séance en accueillant les directeurs et les enseignants de la Commission scolaire Greater Quebec. Les directeurs sont représentés par Jean-Marc Royer et Marc Fournier, et les enseignants par Daniel Paquette et Mario Banville. Bienvenue au comité, messieurs.

Nous allons procéder de la façon suivante. Les deux groupes ont un mémoire à présenter. Nous entendrons, pour la première partie du mémoire, Marc Fournier et, pour le mémoire complémentaire, M. Banville ou M. Paquette. Par la suite, on aura une période de questions. Monsieur Fournier, on vous écoute.

M. Marc Fournier (directeur, Commission scolaire Greater Quebec): Madame la présidente, monsieur le président, membres du comité mixte, c'est un honneur et un privilège pour nous de vous adresser la parole cet après-midi pour vous présenter un mémoire, premièrement de la part des directeurs d'écoles franco-protestantes de la région de Québec, de la Commission scolaire Greater Quebec.

Le mémoire a pour but de vous démontrer que, selon nous, la modification de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 porte atteinte de façon préjudiciable aux droits et aux privilèges qui nous sont garantis. Il ne s'agit toutefois pas de rejeter en bloc la réforme scolaire proposée par le gouvernement du Québec, comme l'explique de façon plus détaillée notre mémoire, mais simplement de vous faire voir le point de vue de la minorité franco-protestante sur l'article 93.

Notre mémoire fait allusion à une proposition de Jean-Pierre Proulx et de José Woehrling parue au mois de mars 1996 et entérinée par le Parti libéral du Québec en avril 1996 dans un communiqué de presse.

Notre mémoire explique que nous sommes conscients que les provinces ont la compétence pour légiférer en matière d'éducation. Cependant, lorsque les provinces ont adhéré à la Constitution, certains compromis ont été consentis de part et d'autre.

• 1710

Dans son document, M. Woehrling affirmait ce qui suit:

    Cette conviction, à savoir que l'adoption de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 est le fruit d'un compromis historique, sans lequel la création du Canada sous sa forme fédérale en 1867 n'aurait pas été possible, est partagée par les tribunaux et a maintes fois été exprimée dans des décisions du plus haut tribunal canadien.

Donc, le résultat de ce compromis a été de garantir la confessionnalité dans les écoles des territoires des villes de Montréal et de Québec et de permettre la dissidence pour le reste du Québec.

On considère aussi, quand on parle de confessionnalité dans les écoles, que la confessionnalité a trait à ce qui nous donne les accessoires et les moyens permettant l'exercice de cette confessionnalité. Pour cela, on fait allusion, par exemple, au choix de la clientèle et du personnel enseignant.

Donc, nous sommes des administrateurs qui devons gérer des écoles confessionnelles. Des franco-protestants au Québec, il en existe. Vous en avez quatre devant vous. Ce sont de vraies personnes qui respirent et qui veulent contribuer à la société d'une façon positive.

Je vais laisser mon collègue compléter le résumé de notre mémoire. Monsieur Royer.

M. Jean-Marc Royer (directeur, Commission scolaire Greater Quebec): J'aimerais vous parler brièvement des préjudices que la non-application de l'article 93 pour le Québec pourrait porter aux droits et privilèges des franco-protestants.

Disons d'abord que notre statut est celui d'une minorité confessionnelle ayant droit à la dissidence. Le professeur Woehrling l'a très bien reconnu, et je vais le citer d'ailleurs. Il dit dans son document déposé récemment:

    Hors de l'île de Montréal, et particulièrement à Québec et dans le coeur de la province, l'école franco-protestante est largement canadienne-française. Elle ne s'est pas développée dans le sillage de la Loi 101 comme à Montréal, mais dans celui des valeurs religieuses propres à la branche évangélique du protestantisme. Le potentiel de dissidence se manifeste d'abord autour de ces valeurs religieuses [...]. Mais ici le droit à la dissidence consenti à la minorité protestante trouvera tout son sens puisque c'est la religion qui en serait le premier moteur.

Donc, notre statut de franco-protestants est d'emblée en ligne avec ce qu'avait prévu le législateur au moment d'établir l'article 93.

Nous voudrions dire clairement dès le départ que nous ne nous opposons pas à l'établissement des commissions scolaires linguistiques. Par contre, la province peut procéder au remaniement à condition que ce faisant, elle n'affecte pas de façon préjudiciable les droits et privilèges énoncés à l'article 93 de la Constitution.

Cela signifie principalement que le droit à la dissidence doit être maintenu en incluant évidemment tous les moyens pour qu'ils puissent être exercés, c'est-à-dire non seulement que les écoles aient un statut confessionnel, mais aussi un droit de gestion.

Actuellement, la réforme prévue supprime sans le consentement de la minorité concernée la possibilité d'exercer un droit de gérance. Évidemment, cela menace la survie de nos écoles.

On comprend aussi que la réforme scolaire proposée porte également atteinte au respect de l'histoire et de la culture socio-religieuse du Québec. Les franco-protestants sont présents au Québec depuis le tout début de la colonisation. Ils ont contribué de façon significative, entre autres par l'Armée du Salut, par leur travail social et par la Société missionnaire franco-canadienne, depuis 1839, à l'éducation et à l'épanouissement du Québec.

Dans nos écoles franco-protestantes, on est conscients qu'on est distincts, mais on ne veut pas être distants. Nous avons certains critères qui correspondent à l'article 93, mais nous ne voulons pas nous refermer sur nous-mêmes. Nous voulons faire partie de la société et y contribuer notre couleur locale comme francophones et protestants.

Certains diront que l'article 93 est désuet. La Cour suprême a démontré, dans l'affaire Adler, en 1996, que ces droits demeurent applicables aujourd'hui. Elle a réaffirmé que l'article 29 de la Charte protège complètement les droits et privilèges de l'article 93 de la Loi constitutionnelle et confirmé que la reconnaissance des droits et privilèges des minorités ne contrevient pas à l'esprit de la Charte. Le plus haut tribunal du pays a donc certifié que ces droits étaient actuels.

• 1715

Il est important de comprendre que nous ne revendiquons pas. Nous voulons simplement affirmer que nous existons comme franco-protestants dans l'esprit de l'article 93.

En conclusion, nous pensons que le gouvernement peut procéder à une réforme du système scolaire, entre autres par l'établissement de commissions scolaires linguistiques pour rationaliser les dépenses publiques. Cependant, elle peut être faite dans le respect du droit de la dissidence de la minorité franco-protestante.

Le Parlement du Canada a la mission de veiller au respect des privilèges de toutes ces minorités, et Lord Carnarvon, parrain de la Loi constitutionnelle, a déclaré que le but de l'article 93 était de garantir à la minorité religieuse d'une province les mêmes droits et privilèges et la même protection accordés à la minorité religieuse de l'autre province.

Donc, si le Parlement du Canada accepte la demande du gouvernement du Québec telle que soumise, il portera lui-même atteinte aux droits et privilèges de sa minorité franco-protestante tels que garantis en 1867, protégés en 1982 et actualisés par la Cour suprême au cours des dernières années. Cette atteinte nuira profondément à la réputation enviable que le Canada s'est forgée au cours des années, une réputation du respect des minorités et de la primauté du droit.

En conclusion, nous demandons que l'article 93 s'applique aux minorités religieuses du Québec.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, messieurs Royer et Fournier.

Nous allons maintenant entendre M. Banville.

M. Mario Banville (enseignant, Commission scolaire Greater Quebec): Monsieur le président, madame la présidente, membres du comité mixte, je suis personnellement honoré d'être ici avec des gens honorables.

Je suis professeur de sciences dans une école franco-protestante de la Commission scolaire Eastern Quebec, dans la ville de Québec. Nous représentons, mon collègue et moi, un regroupement d'enseignants franco-protestants du Québec.

Le préambule de la Constitution canadienne débute comme suit, et je le cite en français:

    Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit;

Il n'est pas nécessaire, quand on fonde un pays, de parler de la suprématie de Dieu. Donc, je pense que, d'une certaine manière, les pères de la Confédération ont voulu, tout de suite à la naissance du pays, donner une direction à ce pays et lui créer un héritage spirituel.

Il faut reconnaître que notre pays a des fondements judéo-chrétiens. Nous croyons profondément à ces fondements. Cela fait partie de notre histoire, et le nier serait d'une certaine manière nier notre histoire.

Il est intéressant qu'en 1982, quand la Constitution a été rapatriée, ce préambule, ces fondements ont été reconduits. On peut donc dire jusqu'à preuve du contraire que le Canada repose officiellement sur deux fondements: la suprématie de Dieu et la primauté du droit.

Qui sommes-nous? C'est vrai que nous sommes de chair. Mais nous sommes aussi des franco-protestants du Québec et nous enseignons dans des écoles qui veulent transmettre ce fondement judéo-chrétien aux enfants à qui nous enseignons. Pour cela, il nous faut des outils. Nous réclamons des outils pour puiser dans cet héritage spirituel que nous avons au Canada et pour le transmettre à nos enfants.

Nous croyons que le projet de loi québécois visant à rendre inopérant l'article 93 sur le territoire québécois causera un préjudice à un droit reconnu par ce même article à la minorité protestante que nous représentons. Je crois que nous avons, dans l'esprit de la loi, été annoncés au départ comme une minorité protestante et nous voulons avoir les outils pour véhiculer un projet éducatif confessionnel protestant.

M. Daniel Paquette (enseignant, Commission scolaire Greater Quebec): Bonjour. Je vais poursuivre.

• 1720

M. Dion rappelait que l'amendement de l'article 93 allait éliminer les garanties constitutionnelles de nature confessionnelle. C'est ce que cela va faire.

De son côté, Mme Marois a déjà indiqué que les écoles qui le désirent vont pouvoir conserver leur orientation confessionnelle. De plus, le droit à l'enseignement religieux demeure garanti par l'article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Donc, la question qui se pose est: que fait-on ici?

Nous avons certains problèmes à vous exposer. En fait, nous croyons fondée notre impression qu'il ne nous sera pas permis de continuer.

Tout d'abord, l'article 41 dit que les parents ont le droit d'exiger que leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions dans le cadre des programmes prévus par la loi. Ceci est loin de l'école confessionnelle où tous les intervenants partagent la même foi, comme nous le permet l'article 93 de la Constitution.

Ensuite, le projet de Mme Marois exige des parents de voter à tous les deux ans pour décider si la majorité d'entre eux veut continuer d'avoir un projet confessionnel pour son école. Mais selon ce projet, dans les écoles communes, on est obligé d'accepter tous les enfants qui veulent se présenter à l'école et on doit accepter, selon la liste de rappel, tous les enseignants qui enseignent à l'école. Ce sont donc les garanties constitutionnelles qui nous permettent de faire l'embauche des enseignants sur la base de leur orientation religieuse et aussi d'admettre des étudiants sur la base de leur orientation religieuse, ou en tout cas de celle de leur famille, dans le cadre de la dissidence autorisée au Québec.

Nous perdrons ces deux possibilités au fil du temps. Puisqu'on doit accepter tous les enfants qui veulent venir à l'école, inévitablement, la majorité des parents ne sera plus favorable à notre projet éducatif et, à moyen terme, il n'y aura plus d'école confessionnelle.

Ensuite, vous conviendrez avec nous qu'amender une loi provinciale est plus facile que modifier un article constitutionnel. Donc, des droits définis dans une loi provinciale ne durent pas forcément toujours, même s'ils ne disparaissent qu'avec le temps.

On dit qu'il existe un consensus au Québec et que tout le monde est d'accord. On demande qui ne veut pas que l'article 93 soit abrogé ou modifié, et tout le monde répond qu'il est d'accord. Nous qui sommes derrière la foule, nous essayons de nous faire entendre, de dire que nous existons et que nous ne sommes pas d'accord. Mais nous ne sommes pas assez grands et nous avons beau sauter, les gens ne nous voient pas. C'est comme si nous n'existions pas.

Par exemple, les médias ne parlent pas de nous. Nous allons les rencontrer mais il n'y a rien qui sort; c'est comme si nous n'existions pas du tout. Pourtant, nous sommes bien là, bien vivants. Nous avons des écoles qui sont tout à fait en accord avec l'article 93 quant à l'embauche du personnel protestant. Celui-ci véhicule des valeurs auxquelles il croit; il ne se contente pas de les approuver sur le plan intellectuel. Nous avons aussi le droit d'admettre des étudiants sur la base de leur confession religieuse.

Lors des États généraux sur l'éducation au Québec, l'an dernier, M. Gary Caldwell, en parlant de nos droits ancestraux, disait ceci:

    Étant donné qu'une école ne peut pas être confessionnelle si son personnel n'appartient pas majoritairement à la confession en question, les écoles catholiques devraient pouvoir engager des enseignants catholiques. C'est justement ce que la Commission royale d'enquête sur l'éducation en Ontario a réaffirmé pour le réseau catholique ontarien.

Nous avons parlé tout à l'heure des deux encadrements, catholique et protestant, qui allaient de pair, au moment de la constitution du pays, de par leurs liens d'origine. La même chose est affirmée ailleurs, à propos du réseau protestant au Québec. On dit qu'on ne peut pas avoir un réseau protestant si on n'a pas le droit d'engager des enseignants qui sont protestants.

M. Mario Banville: Il faut terminer vite.

Une école qui véhicule les valeurs franco-protestantes, c'est plus qu'un lieu où on donne un cours d'enseignement moral et religieux. Personnellement, j'enseigne la physique et la chimie. Il est inévitable que dans mes interventions auprès des étudiants, le christianisme transparaisse dans ma vie. Il ne s'agit pas simplement de conserver le droit de donner des cours d'enseignement moral et religieux.

Être un enseignant franco-protestant, c'est beaucoup plus que cela. Il y a toute la dimension des relations humaines avec les enfants. Quand on entre en relations avec eux, même quand on enseigne les sciences, la dimension divine passe par l'enseignement d'une certaine façon. Je ne parle pas de Dieu à chaque fois que j'ouvre la bouche au cours, mais cela teinte tout l'enseignement. C'est pour cela qu'on croit que la protection ne doit pas se limiter à la prestation de cours d'enseignement moral et religieux.

• 1725

En terminant, j'aimerais souligner que si nous avons un héritage culturel évident au Canada, nous avons aussi un héritage spirituel qui se voit un peu partout. Moi, je le vois dans l'hymne national où on dit que le Canada, terre de nos aïeux, sait porter l'épée et la croix. Cette affirmation parle de notre histoire; l'Évangile du Seigneur et Sauveur Jésus-Christ est au coeur même de la fondation de ce pays. «Et ta valeur, de foi trempée, protégera nos foyers et nos droits», voilà ce qu'on chante quand on va au hockey et même ici.

Nous invoquons cette foi qui se réclame de la croix de Jésus-Christ; nous demandons la protection du Canada pour nos foyers et nos droits constitutionnels. Allons-nous devoir changer cet hymne parce qu'en vertu de l'esprit de tolérance, les gens d'autres religions viennent enrichir notre pays? C'est bien, nous n'avons rien contre les revendications pour des écoles leur permettant de transmettre des valeurs, si le gouvernement du Québec le permet, mais nous ne leur enlevons rien s'ils ne le peuvent pas.

Quant à nous, nous ne demandons rien d'autre que la poursuite de ce qui nous est permis depuis la Confédération, ce qui a créé une identité canadienne, sans préjudice envers ceux qui n'y étaient pas mais qui bénéficient aujourd'hui des privilèges que notre histoire et nos combats nous ont permis d'obtenir.

Nous croyons que Dieu a fait du bien à notre pays et qu'il l'a élevé à un rang convoité dans le monde entier. Je suis fier de ce pays-là, moi. C'est ce Dieu que nous invoquons et que nous voulons faire connaître à nos enfants, pour qu'eux aussi, en retour, puissent faire du bien à ce pays. Que Dieu vous donne le courage de garder les principes qui reconnaissent sa suprématie et qui nous ont permis d'amener ce pays au point où il en est rendu aujourd'hui. Les enfants de nos enfants pourront ainsi non seulement se souvenir de leurs origines, mais encore avoir les moyens de croître sur les fondements qui ont été posés. Merci beaucoup de votre écoute.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, messieurs Banville et Paquette. Nous allons entreprendre la période des questions.

[Traduction]

Nous allons commencer par M. Rahim Jaffer.

M. Rahim Jaffer: Je vous remercie d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. J'ai trouvé vos exposés intéressants.

Il est clair que la modification ou l'abrogation de l'article 93 suscite, chez vous tous, des préoccupations. J'ai l'impression que vous voulez avoir non seulement des commissions scolaires linguistiques, mais aussi des commissions scolaires confessionnelles. Que proposez-vous au juste? Ma question peut vous sembler étrange, mais c'est l'impression que m'ont donnée MM. Royer et Fournier. Je me demande si j'ai bien saisi vos propos. Pouvez-vous m'éclairer là-dessus?

[Français]

M. Marc Fournier: Ce que nous proposons, c'est que la majorité de la population puisse avoir un système linguistique qui reflète sa réalité, mais que les minorités religieuses puissent poursuivre une éducation confessionnelle avec des écoles confessionnelles et des moyens d'exercer cette confessionnalité.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci de votre réponse. Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je vous félicite pour le courage que vous avez démontré. Je dis toujours que, si les protestants avaient eu des écoles françaises au Canada, au Québec, vous seriez beaucoup plus nombreux aujourd'hui que vous ne l'êtes actuellement.

En ce sens-là, j'imagine que vous ne vous opposez pas du tout aux écoles linguistiques. Cela règle un problème, parce qu'il y a beaucoup de protestants de langue française qui ont dû s'assimiler au cours des années pour des raisons structurelles. Cependant, vous dites vouloir quand même garder le droit à l'école confessionnelle et que l'article 41 ne suffit pas. Est-ce bien ce que je dois comprendre?

Vous voulez garder l'article 93, paragraphes (1) et (2), j'imagine, et les paragraphes (3) et (4), je ne sais trop, parce que c'est autre chose, mais c'est ce que vous voulez. Mais on n'a même pas besoin d'amendement constitutionnel pour faire cela. Si on était prêt à en payer le coût, on pourrait avoir des écoles françaises et anglaises, des écoles françaises catholiques, des écoles françaises protestantes. Cela créerait six divisions, mais ce serait possible. On n'aurait même pas besoin d'amendement. Est-ce ce que vous suggéreriez ou quoi?

• 1730

Ma question s'adresse à tout le monde, disons à M. Banville qui a parlé le dernier.

M. Mario Banville: Si la majorité des Québécois désire un système purement linguistique, est-ce qu'il faudrait nécessairement implanter les divisions que vous proposez?

Le sénateur Gérald Beaudoin: Moi, je ne propose rien; j'essaie de comprendre.

M. Mario Banville: Vous le mentionnez, oui. Nous pensons qu'on peut avoir des écoles linguistiques françaises et anglaises au Québec tout en conservant une protection pour les droits de ceux qui veulent conserver une école confessionnelle selon ce qui est défini dans l'article 93. On peut nous faire une place dans la société québécoise en gardant ces droits.

Nous ne voulons pas nécessairement imposer un système à tous les Québécois; nous voulons simplement que des droits nous soient reconnus parce que nous sommes Canadiens. Jusqu'à preuve du contraire, le Québec fait toujours partie du Canada. Nous voulons occuper notre place et être protégés.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui, mais je vous pose une question qui s'ensuit. Nous ne le ferons pas seulement pour les catholiques et les protestants. Il faudra le faire pour toutes les religions, pour tous les groupes religieux, si vous voulez une école confessionnelle.

M. Jean-Marc Royer: Est-ce que je peux répondre?

Une voix: Oui, allez-y, monsieur Royer.

M. Jean-Marc Royer: Actuellement, les droits qui sont reconnus dans l'article 93 ne sont pas étendus. Ils pourraient l'être s'il y avait une volonté de les augmenter.

Actuellement, les droits consentis viennent d'un compromis historique. Nous sommes issus de ce compromis historique. Nous ne revendiquons rien. Selon ce compromis, nous avons actuellement comme franco-protestants certains droits et privilèges et nous voulons simplement qu'ils soient maintenus.

Selon le rapport de M. Woehrling, la situation des protestants à Montréal n'est pas la même que dans le reste du Québec. En fin de compte, nous représentons peut-être, comme il le mentionnait, environ 15 000 élèves dans tout le Québec qui sont franco-protestants; cela est basé sur des valeurs religieuses. C'est une distinction qui est dans la ligne de l'article 93.

Ce que nous demandons, c'est que tout en apportant les modifications qu'il faut pour l'ensemble de la province, on reconduise pour les minorités religieuses les droits déjà contenus dans la Constitution. Nous n'en demandons pas plus. Si les autres peuvent en obtenir davantage, tant mieux.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Ménard.

M. Réal Ménard: C'est très intéressant comme témoignage. Il ne faut jamais se décourager à cause des journalistes, parce qu'il arrive parfois qu'on réussisse à percer.

Votre idée, au fond, est la suivante; c'est l'idée de la suprématie de Dieu. Le problème est que si vous et moi allions à Montréal prendre un échantillon de 10 personnes, il n'est pas certain que la notion de Dieu serait la même chez toutes. Et parler de Dieu est pas mal plus complexe au XXe siècle et au XXIe siècle que cela l'était au XIXe siècle. Est-ce le rôle du législateur d'organiser son réseau scolaire en fonction des convictions religieuses des gens? C'est là toute la question.

Le sénateur Beaudoin a raison de dire que ce qui doit être prévu pour les protestants n'aurait aucune raison de ne pas l'être pour les catholiques, pas plus que pour d'autres groupes de même importance. Quelle peut être la solution? Cela ne peut être qu'une communauté de base, soit une école, qui décide d'un projet confessionnel. Que ce projet confessionnel doive être validé aux deux ans ou à trois ans d'intervalle—ici le législateur a prévu trois ans au Québec—, je pense que c'est sain, parce que toute cette réalité est changeante.

Le rapport Woehrling traitait finalement de toute la question du droit à la dissidence. C'est cela qui était le fondement du rapport Woehrling. Ce qui est prévu, c'est qu'à Montréal et à Québec, peu importe le poids numérique des francophones ou des protestants, on a droit à la dissidence. À l'extérieur du Québec, les écoles sont communes et c'est par des minorités que la dissidence s'exerce.

On ne peut pas aller dans le sens que vous souhaitez. C'est impossible, parce que le sens que vous souhaitez fait en sorte que l'article 93 continuerait à s'appliquer. Ce qu'on peut souhaiter, c'est qu'il existe un esprit de tolérance, une ouverture d'esprit suffisante pour que dans une société, le projet franco-protestant puisse avoir une résonance dans la communauté de base qu'est l'école.

Monsieur Royer, vous avez commencé votre exposé en disant que c'est non seulement la question des écoles qui est en cause mais aussi leur gestion. Entendiez-vous par là le droit des commissions scolaires?

M. Jean-Marc Royer: Pas nécessairement. Ce qui est garanti dans l'article 93, ce sont les écoles. On ne parle pas de structures comme telles. Nous voulons gérer nos écoles, parce qu'on veut que le statut confessionnel dépasse l'enseignement religieux, catholique ou protestant, ou la pastorale.

• 1735

Cela implique la direction d'école, les enseignants et le projet éducatif. Ces protections, nous ne les aurons pas.

Quant à l'autre aspect dont vous avez parlé, à savoir qu'on ne peut pas maintenir l'article 93, la proposition Woehrling ne demande pas de le maintenir au complet; elle demande à tout le moins que la minorité protestante du Québec puisse jouir des mêmes privilèges que la minorité catholique d'Ontario. C'est une question de réciprocité. Pour Québec et Montréal, c'est autre chose. C'est possible de faire des aménagements différents pour Québec et Montréal et de reconduire pour les franco-protestants comme pour les anglo-catholiques d'Ontario des privilèges égaux. Il ne faut pas traiter une province d'une manière différente d'une autre, surtout sur un compromis historique. C'est lié ensemble, tout cela.

M. Réal Ménard: Monsieur Royer, tout cela est vraiment très intéressant, mais vous introduisez deux dimensions. Est-ce que vous pensez vraiment qu'en vertu de la réforme Marois sur l'école publique au Québec, le comité de parents d'une école se verrait empêché d'embaucher sa direction sur la base de ses convictions franco-protestantes? Cela pourrait se faire. Qu'est-ce qui empêcherait le projet éducatif de porter ces valeurs-là?

M. Jean-Marc Royer: C'est que la Charte des droits de la personne est là aussi pour protéger les individus et n'autorise aucune discrimination sur la base de la religion. Une fois que l'article 93 va être abrogé, nous allons entrer dans l'illégalité dès la première poursuite, parce que je n'aurai pas le droit de faire de la discrimination et d'embaucher un enseignant protestant. Ce dernier a le droit d'obtenir cet emploi sans qu'on effectue de discrimination.

M. Réal Ménard: C'est cela.

M. Jean-Marc Royer: Et c'est seulement l'article 93 qui peut protéger ce que j'appellerais la discrimination. On pense à une discrimination négative, mais il existe aussi une discrimination positive, c'est-à-dire l'établissement de critères pour protéger une minorité et non pas pour s'enfermer dans un ghetto.

M. Réal Ménard: Dans le projet éducatif, il n'y a rien...

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Ménard, nous devons passer au prochain intervenant, M. Paul DeVillers.

M. Paul DeVillers: Ma question est ni plus ni moins qu'une demande d'éclaircissement. Hier, à ce comité, nous avons entendu les témoignages de deux associations, deux groupes d'associations de communautés scolaires franco-protestantes de la province de Québec. Est-ce que vous avez des liens avec ces deux groupes-là? Est-ce que vous représentez la même communauté?

M. Marc Fournier: Nous sommes des directeurs d'école à Greater Quebec et nous sommes en contact avec des collègues partout dans la province qui ont des écoles similaires aux nôtres. Oui, nous sommes en contact avec l'Association des communautés scolaires franco-protestantes.

M. Paul DeVillers: D'accord. C'est ce que je voulais savoir.

Le coprésident (M. Denis Paradis): D'accord. Merci.

Sénatrice Dalia Wood.

[Traduction]

La sénatrice Dalia Wood: On a répondu à ma question.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Je vais maintenant donner la parole à Marlene Jennings.

[Français]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci beaucoup pour votre présentation. Je l'ai trouvée très intéressante et je n'ai que deux points à soulever.

Plus tôt cet après-midi, nous avons eu des témoins d'autres associations qui ont fait valoir leur position et leurs arguments contre l'amendement ou plutôt en faveur d'un élargissement de l'article 93. Selon eux, le fait que la résolution demandant cet amendement ait été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale du Québec n'avait aucune importance. Je résume peut-être de façon un peu simpliste, mais c'est à peu près ce qu'ils ont dit.

J'aimerais savoir quelle importance vous accordez à cette unanimité de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire des députés de toutes les tendances politiques, élus lors d'une élection démocratique. Quelle importance accordez-vous à cela?

M. Jean-Marc Royer: Je pense qu'effectivement il y a un consensus complet au niveau politique. Par contre, je n'ai pas entendu beaucoup de personnes s'exprimer; il n'y a pas eu beaucoup de consultations pour savoir si les individus... Il est vrai que les gens qui font partie du gouvernement du Québec représentent les individus et qu'il y a eu consensus. Mais on n'a pas entendu la population s'exprimer là-dessus. C'est là notre premier commentaire. Nous reconnaissons, cela va de soi, qu'il y a eu unanimité là-dessus.

Mme Marlene Jennings: Et quelle valeur donnez-vous à cette unanimité? Est-ce que vous pensez que c'est quand même important?

M. Jean-Marc Royer: Je pense que c'est important. Cela peut aussi signifier qu'une très grande partie de la population peut avoir besoin de changement, de rationalisation.

• 1740

Maintenant, comment une minorité peut-elle aller à l'encontre de la majorité? Comment une minorité est-elle capable de se faire entendre, comme on le disait plus tôt, et de proclamer qu'elle existe?

On n'a pas besoin de nous pour établir un consensus. C'est pourquoi la Constitution existe. Sinon la majorité peut nous balayer tout de suite, c'est évident. Ce que nous disons, c'est que la Constitution est là pour protéger les minorités de la majorité parce qu'elles n'ont pas de moyens. On n'a pas de commissions scolaires à nous; on n'a pas de moyens. Alors, qu'est-ce qui peut nous défendre? C'est la Constitution qui peut nous soutenir là-dedans, mais on reconnaît qu'il peut y avoir des consensus.

Mme Marlene Jennings: Je pense que le fait que vous soyez ici aujourd'hui vous donne une tribune et quand même une certaine garantie de l'engagement du gouvernement fédéral de permettre aux minorités qui prétendent ne pas avoir eu droit de parole sur cette question au Québec de l'avoir à l'échelle nationale. Dans d'autres pays, on écoute peut-être ce qui se passe ici aujourd'hui, mais je l'ignore.

Deuxièmement, vous dites que vous voulez que les protections ou les droits et privilèges qui vous sont garantis en vertu de l'article 93 demeurent tels quels et que si d'autres minorités religieuses réussissent à convaincre le gouvernement de l'élargir, comme le suggère le Parti Égalité, c'est tant mieux pour elles.

Vous avez beaucoup parlé de vos valeurs. En vertu de vos valeurs judéo-chrétiennes, ne croyez-vous pas que vous avez une obligation ou un devoir, si vous reconnaissez que vous avez certains privilèges et droits qui ne sont pas accessibles à d'autres minorités religieuses, de brandir l'étendard en leur nom?

M. Marc Fournier: C'est difficile pour nous de servir de porte-drapeau pour d'autres parce qu'on ne serait peut-être pas en mesure de défendre efficacement leur dossier. Nous parlons au nom des franco-protestants parce que c'est la situation que nous connaissons. C'est peut-être ainsi que nous pouvons vous répondre.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Fournier. Monsieur David Price.

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Premièrement, je vous remercie de votre présentation qui était très intéressante.

Ma question serait davantage une demande d'éclaircissement. Vous êtes franco-protestants. L'appellation de protestant diffère de celle de catholique en ce sens qu'elle s'applique à plusieurs dénominations religieuses. Même si vous êtes tous protestants, il y a quand même les membres de l'Église unie, les anglicans, les évangélistes, etc. Est-ce que votre groupe représente davantage une de ces dénominations, une plus que d'autres?

M. Jean-Marc Royer: Dans notre école, par exemple, il y a 20 dénominations différentes. Ce n'est pas un groupement, mais une vingtaine de dénominations. On peut dire qu'il y a une définition formelle du protestantisme et une autre qui est plus politique ou administrative.

Il est intéressant de voir ce qu'on trouve au dictionnaire Larousse à ce sujet. Qui sont les protestants? Ils donnent trois critères. Ce sont des gens qui croient à l'autorité souveraine de la Bible, en matière de foi; deuxièmement, au salut par la foi qui est un don de Dieu et non par les bonnes oeuvres, celles-ci n'étant pas la cause mais plutôt la conséquence et la force du témoignage de l'esprit. Ce sont des définitions théologiques...

M. David Price: Ce qui voudrait dire que les catholiques sont des protestants aussi?

M. Jean-Marc Royer: S'ils croient à cela.

Des voix: Ah! Ah!

M. Jean-Marc Royer: C'est le christianisme dans les deux cas et je pense qu'il y a des points communs. D'un autre côté, le point de divergence est que les bonnes oeuvres ne sont pas la cause du salut mais sa conséquence.

M. David Price: C'est pour cela que je me posais un peu la même question que Mme Jennings. Est-ce que vous avez porté plusieurs drapeaux, au fond? Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci. La prochaine intervention viendra de la sénatrice Lavoie-Roux.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Moi aussi, je voudrais vous remercier. J'ai trouvé votre mémoire intéressant.

• 1745

Si vous me le permettez, en premier lieu, je voudrais juste rappeler à Mme Jennings qu'on peut bien invoquer la démocratie vis-à-vis de l'Assemblée nationale. Cependant, c'est une démocratie qui semble avoir des faiblesses puisqu'elle n'a même pas jugé bon, dans une situation aussi importante que celle-là, qui change quelque chose de fondamental, d'entendre les gens. Alors elle est très faible, la démocratie.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame la sénatrice, pourriez-vous vous adresser au témoin, s'il vous plaît?

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Non, je pense qu'il ne faut pas laisser aller les choses et dire... En tout cas, je m'excuse.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Vous parlerez entre membres du comité après avoir entendu les groupes. Madame Lavoie-Roux, je vous prierais de poser vos questions au groupe.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Il y a des questions bien concrètes que je veux vous poser. C'est un peu une révélation, peut-être pas pour les autres, mais un peu pour moi, de voir l'importance relative de la communauté protestante française au Québec. Combien de membres compte-t-elle? Quelle est son importance? Est-ce 5 000, 20 000 ou 50 000?

M. Jean-Marc Royer: MM. Proulx et Woerhling évaluaient à 15 000 le nombre d'élèves protestants. Actuellement, la Commission scolaire Greater Quebec en compte 1 000.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Mais je parle des protestants français du Québec: les pères, les mères, les frères, les soeurs, les grand-mères. Combien y en a-t-il?

M. Jean-Marc Royer: Il y a la Table de concertation sur l'éducation protestante... Je n'ai pas de chiffres précis là-dessus. Je pourrais peut-être donner quelques pourcentages.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Donc 1 p. 100 de la population du Québec. Combien y a-t-il d'enseignants franco-protestants approximativement?

M. Jean-Marc Royer: Peut-être une centaine.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Une centaine, pour tout le Québec.

Voici ma dernière question. Est-ce que l'application de la Loi 101, compte tenu du fait que les gens étaient obligés de s'intégrer à l'école française et que c'est d'ailleurs ce qui a grossi le secteur protestant du Protestant School Board of Greater Montreal, a fait augmenter les inscriptions chez vous?

M. Marc Fournier: Je ne sais pas si l'effet a été plus important que dans les autres écoles du quartier, mais je sais qu'on reçoit des jeunes, dans nos écoles, qui arrivent au Québec et qui doivent s'inscrire dans des écoles françaises même s'ils parlent anglais. On reçoit ces jeunes, mais je ne sais pas si la proportion est plus forte que dans les écoles catholiques.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez des anglophones qui viennent des États-Unis, de l'Angleterre ou de l'Australie et qui, à cause de la Loi 101, ont été obligés de s'inscrire à vos écoles?

M. Jean-Marc Royer: Cette année, par exemple, je ne sais pas d'où viennent tous les anglophones de l'école, mais j'en ai plusieurs qui suivent des séances de francisation. Dans l'école même, il y a presque l'équivalent d'un poste à temps plein seulement pour s'occuper des élèves qui ont besoin d'être francisés. J'ai quatre élèves qui viennent du Zaïre, d'autres des États-Unis, du Canada, de l'Ontario ou d'autres provinces, mais dans diverses circonstances. Il y a beaucoup de francisation qui se fait dans nos écoles francophones.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Cela a donc contribué à augmenter vos inscriptions?

M. Jean-Marc Royer: Oui.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame la sénatrice. Nous allons passer maintenant au sénateur Grafstein.

[Traduction]

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Vous tablez sur l'article 93 pour protéger l'enseignement religieux dans les écoles, un enseignement qui pourrait être jugé illégal, à votre avis, si l'article 93 est abrogé. C'est ce que vous dites, si j'ai bien compris.

Que faites-vous de la Convention relative aux droits de l'enfant, qui a été ratifiée par le Canada en décembre 1991? Cette convention semble, à première vue, protéger l'enseignement religieux. Elle reconnaît, en effet, que la responsabilité d'élever l'enfant et d'assurer son développement incombe aux parents.

• 1750

L'article 93, en 1867, protégeait deux confessions religieuses, soit les confessions protestante et catholique. Or, nous avons aujourd'hui, en 1997, en plus de l'article 93, la Charte des droits et libertés, la Charte du Québec et la Convention relative aux droits de l'enfant.

Je crois comprendre que, une fois la Convention ratifiée, les droits qu'elle prévoit feront partie intégrante des lois du Canada et du Québec. Est-ce que le fait de savoir que vous aurez le droit d'élever vos enfants conformément à vos convictions religieuses vous rassure? Ne trouvez-vous pas la situation plus rassurante qu'elle ne l'était avant 1991?

[Français]

M. Daniel Paquette: Je n'ai pas lu la Convention de 1991 et je ne suis pas au courant des droits qu'elle accorde. La crainte que nous avons au Québec, c'est d'avoir des écoles totalement neutres, sans enseignement religieux, parce que certains groupes sont convaincus qu'il faut supprimer la religion dans les écoles en disant qu'il n'y a pas de place pour la religion à l'école.

Nous allons donc avoir beaucoup de poursuites et de harcèlement si la Constitution du Canada ne garantit plus les droits que nous avons actuellement.

On a dit plus tôt qu'on ne voulait pas enlever aux autres ce qu'ils ont. Mais s'ils n'ont pas de droits, on ne leur enlève absolument rien. Ce n'est pas le fait d'être à égalité avec les autres; c'est le fait que nous disposons de droits qui nous ont été donnés à l'origine.

Lors de la création du Canada, certains droits ont été donnés. Nous en sommes aujourd'hui les bénéficiaires et nous demandons simplement que cela continue parce que nous sommes la minorité. D'ailleurs, il me semble qu'au Canada, on ne vise pas à enlever des droits à des minorités. Au contraire, le Canada est reconnu pour augmenter les droits des minorités.

Nous venons donc vous dire que nous ne croyons pas que nous continuerons à être protégés si l'article 93 est abrogé.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Le sénateur Fernand Robichaud.

Le sénateur Fernand Robichaud (Nouveau-Brunswick, Lib.): Je trouve très intéressant ce que vous dites. Vous nous faites part de certaines craintes, à savoir que votre communauté serait menacée si l'amendement proposé était accepté parce que vous perdriez peut-être le droit de travailler selon une éthique basée sur la religion que vous pratiquez. Vous nous dites aussi que tout cela tourne autour de l'enseignement à l'école.

M. Marc Fournier: Je ne pense pas que ce soit la communauté comme telle qui est menacée, mais la communauté scolaire parce que l'école, ce n'est pas seulement des élèves, mais aussi des professeurs et des parents. Il est évident que des communautés chrétiennes, évangéliques ou protestantes peuvent exister même sans école. La communauté n'existe pas parce qu'il y a une école. L'école est là pour être au service de la communauté

Est-ce que je réponds à votre question?

Le sénateur Fernand Robichaud: Oui. Vous semblez nous dire que vous continuerez d'exister en tant que communauté franco-protestante mais pas dans l'école.

M. Marc Fournier: Oui. C'est l'école confessionnelle qui va partir.

Le sénateur Fernand Robichaud: Il y a une question qui me préoccupe. Quand vous embauchez un directeur ou un enseignant, qui décide qu'une personne est suffisamment catholique pour enseigner dans vos écoles? Quel est le degré que vous jugez acceptable?

M. Marc Fournier: Les parents ont élaboré un projet éducatif avec des valeurs protestantes. Selon les critères d'embauche, la personne doit avoir quand même une philosophie d'éducation qui est cohérente avec le projet éducatif.

• 1755

À l'école, les parents s'attendent à ce que l'enseignant, à travers l'enseignement des matières, communique aussi des valeurs cohérentes avec le projet éducatif de l'école. C'est dans ce sens-là qu'il y a des critères qui sont reliés aux valeurs de la communauté.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Royer.

Le prochain intervenant sera Mauril Bélanger.

M. Mauril Bélanger: J'ai une question mais je comprendrais fort bien que vous ne vouliez pas y répondre. C'est une question plutôt hypothétique. Si vous aviez à choisir entre un droit confessionnel et un droit à l'enseignement en français, quel serait votre choix et le feriez-vous?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Pouvez-vous répéter la question, monsieur Bélanger?

M. Mauril Bélanger: Admettons que vous ayez droit à l'éducation en français et également à l'éducation confessionnelle. Quel choix feriez-vous? Si vous voulez bien y répondre, quel serait votre choix?

M. Marc Fournier: Je pourrais peut-être vous répondre par le témoignage que j'ai entendu d'un parent récemment. Une dame me disait que, lorsqu'elle était jeune, il n'y avait pas d'école franco-protestante dans son secteur. Ses parents l'ont inscrite à l'école anglo-protestante pour qu'elle bénéficie des valeurs protestantes dans son éducation. Il y a donc des gens qui font un choix sur une base confessionnelle. C'est cohérent. L'éducation qui est donnée dans la famille, à l'église se complète à l'école. L'enfant grandit dans un climat cohérent et devient ensuite un citoyen qui est capable de contribuer d'une façon positive à la société dans laquelle il grandit.

M. Mauril Bélanger: Est-ce que vous connaissez les statistiques qui disent que sur 14 632 élèves protestants du Québec, 8 941, c'est-à-dire 60 p. 100, ont choisi l'école protestante et que le reste s'accommode de l'école catholique? Est-ce que cela veut dire qu'il y aurait 60 p. 100 de la communauté franco-protestante qui opterait pour la question religieuse et 40 p. 100 pour la question linguistique?

M. Marc Fournier: Je pense que, souvent, les parents n'avaient pas le choix. Ils envoyaient leurs enfants à l'école du quartier parce qu'il n'y avait pas d'école protestante dans leur secteur. Certains parents ont fait des demandes répétées pour l'ouverture d'écoles franco-protestantes au Québec et n'ont jamais eu de réponse. Donc, ils inscrivent leurs enfants dans les écoles de leur quartier.

M. Mauril Bélanger: Alors, vous allez m'expliquer quelque chose. Comment pouvez-vous affirmer que l'article 93 vous protège et vous permet d'avoir des écoles, alors que vous ne parvenez pas à en obtenir?

M. Jean-Marc Royer: Effectivement, l'article 93 existe, mais il y a tout un système administratif, des clauses et des normes de travail; il y a les syndicats et toute une structure administrative qui n'est pas facile à percer pour développer des écoles franco-protestantes.

Beaucoup de parents désireraient avoir ces écoles, mais ils se heurtent à des blocages à certains niveaux administratifs. Alors ils vont dans les écoles qui ont une autre orientation, mais ils souhaiteraient avoir une école franco-protestante.

M. Marc Fournier: Est-ce que je peux juste compléter ce qu'a dit M. Royer?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Oui, allez-y, monsieur Fournier.

M. Marc Fournier: L'article 93 de la Constitution n'est pas quelque chose qu'on lit sur les boîtes de céréales en déjeunant le matin. Je dirais que la majorité des franco-protestants ne savaient pas que cet article existait et que cela les concernait. C'est peut-être la raison pour laquelle, malheureusement, les gens ne se sont pas prévalus des droits qui existaient.

M. Mauril Bélanger: J'ai peut-être eu là la réponse à ma dernière question.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Je cherchais à savoir pourquoi on n'avait pas invoqué l'article 93. Vous me dites que vous ne saviez pas.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Les boîtes de céréales, monsieur.

Une courte intervention de David Price.

M. David Price: Oui, ça va être court. Dans notre circonscription, nous avons une augmentation régulière des franco-protestants. Est-ce que c'est la même chose dans le reste de la province? Oui? Très bien.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Une courte intervention de Mme Jennings.

Mme Marlene Jennings: Je n'ai pas entendu la question de M. Price; alors, il se peut que je répète la même question. Je voudrais juste savoir si toutes les écoles franco-protestantes sont du même genre que celles que vous nous avez décrites aujourd'hui, où les professeurs doivent respecter les critères pédagogiques mis sur pied par le comité de parents et transmettre les valeurs judéo-chrétiennes. Ou bien y a-t-il des écoles franco-protestantes où l'enseignement religieux existe mais où les professeurs peuvent appartenir à des religions différentes?

• 1800

M. Marc Fournier: Je pense que vous voyez très juste: non, toutes les écoles ne sont pas axées sur la confessionnalité, quoiqu'elles s'appellent franco-protestantes. M. Royer a fait allusion à cela lorsqu'il a dit que certaines écoles sont franco-protestantes à cause la Loi 101. C'est le cas dans la région de Montréal, où il y a des école franco-protestantes parce qu'elles ne sont pas catholiques et non pas parce qu'elles sont axées sur la confessionnalité.

Ce n'est pas un jugement que je porte sur ces cas-là, mais une explication.

Mme Marlene Jennings: Quel sont les chiffres? Quel est le pourcentage de vos écoles par rapport aux autres écoles?

M. Jean-Marc Royer: Par rapport à l'ensemble des écoles franco-protestantes, celles qui ont des critères conformes à l'article 93 ont environ 1 000 élèves dans la Commission scolaire Greater Quebec et environ 3 000 élèves dans l'ensemble des régions.

Mme Marlene Jennings: Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous vous remercions, messieurs, de votre excellente présentation et d'être venus rencontrer les membres du comité. Nous allons ajourner jusqu'à 7 heures. J'invite les membres du comité à rester dans cette salle. Monsieur Bélanger, vous avez la parole.

M. Mauril Bélanger: Monsieur le président, j'espère que vous allez me pardonner mon ignorance mais, étant Ontarien, je ne suis pas autant au fait que je devrais l'être sur le système scolaire québécois.

Je vous avoue que j'y perds quelquefois un peu mon latin lorsqu'on se met à parler de dissidence, de double dissidence ou d'impossibilité à la dissidence. Je me demande si, parmi les experts que nous avons, quelqu'un pourrait, à un moment donné, faire une courte présentation pour nous expliquer tout cela.

Le coprésident (M. Denis Paradis): D'accord, monsieur Bélanger, on va faire le nécessaire pour vous fournir ces explications.

M. Mauril Bélanger: Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Je vous remercie encore une fois, messieurs. Nous ajournons jusqu'à 7 heures, puis nous recevrons d'autres groupes. J'invite les membres du comité à rester sur place pour manger un petit peu.

• 1803




• 1900

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous reprenons les audiences du Comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec, conformément à l'ordre de renvoi du 1er octobre 1997.

Nous recevons la Fédération des comités de parents et je souhaite la bienvenue à M. Gary Stronach, Mme Johanne Smith et M. Jude Bourke.

M. Stronach va faire la présentation. Nous vous écoutons.

M. Gary Stronach (président, Fédération des comités de parents): J'ai deux exemplaires de la présentation. Je vous en offre un.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous vous écoutons, monsieur Stronach.

M. Gary Stronach: Merci beaucoup. Je vais commencer, Mme Smith enchaînera et enfin, je terminerai la présentation.

Bonsoir, monsieur Paradis, mesdames, messieurs. Nous apprécions grandement l'occasion que nous avons de venir vous présenter la position de la Fédération des comités de parents concernant l'amendement de l'article 93. Je vais vous faire un bref historique de la Fédération et vous dire ce qu'elle fait.

Même si l'État a pris en charge l'éducation publique de nos enfants, il est conscient du rôle majeur que les parents ont à jouer à leur égard. Dès 1968, le ministère de l'Éducation met sur pied le service des parents, qui semble être à l'origine de nombreuses tentatives de participation parentale dans le réseau scolaire.

La Loi 27, en 1971, institutionnalise la mise en place d'un comité de parents composé alors de présidentes et présidents de chaque comité d'école. Jusqu'en 1972, les parents occupent une place modeste dans le réseau scolaire. L'essentiel de leur rôle est de se faire accepter des partenaires de l'école et, pour nous, l'année 1972 marque aussi la naissance de la Fédération des comités de parents de la province de Québec.

Nous regroupons présentement quelque 40 000 à 45 000 parents qui militent au niveau des comités d'école, des conseils d'orientation et des comités de parents, et ce sont des protestants, catholiques, anglophones et francophones de tout le réseau public scolaire Québec, primaire et secondaire.

Notre mission est de former et informer les parents pour accroître leurs actions dans le milieu scolaire, représenter et exprimer leur opinion sur la scène provinciale auprès des différents partenaires de l'éducation, défendre les droits et les intérêts des parents dans la cause scolaire et participer au développement de l'éducation en collaboration avec les partenaires du milieu scolaire.

Mme Johanne Smith (vice-présidente des affaires anglophones, Fédération des comités de parents): La désuétude de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867: L'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 n'a plus sa raison d'être dans une société pluraliste, démocratique et ouverte comme l'est devenue la société québécoise d'aujourd'hui.

Notre compréhension de cet article est qu'il ne comporte de garantie constitutionnelle qu'en matière de religion. Ses dispositions protègent les droits acquis des minorités catholiques et protestantes auxquelles on avait accordé le droit de dissidence avant 1867.

La garantie confessionnelle de l'article 93 s'applique aux seules écoles relevant des commissions scolaires dissidentes catholiques et protestantes situées en dehors de Montréal et de Québec, et des commissions scolaires catholiques et protestantes de Montréal et de Québec.

Parce qu'il avait reconnu la portée strictement confessionnelle de l'article 93, le législateur canadien a apporté une protection aux droits linguistiques en matière d'enseignement dans l'Acte constitutionnel de 1982 en traitant des droits à l'instruction dans la langue de la minorité.

• 1905

Jusqu'à ce jour, la société québécoise a maintenu deux systèmes scolaires basés sur le caractère confessionnel, l'un catholique et l'autre protestant. Aujourd'hui, on veut développer deux systèmes basés, cette fois-ci, sur le caractère linguistique.

Depuis 130 ans, la population canadienne a promu les valeurs sociales et religieuses qui ont toujours été les siennes. Cependant, cette même population est devenue pluraliste, ouverte sur les autres et respectueuse des libertés de choix. Ces valeurs qui font l'envie des autres nations ne doivent pas pour autant obliger le maintien d'une structure scolaire complexe, inappropriée et inéquitable pour l'ensemble de la population québécoise à qui cette garantie confessionnelle ne s'applique pas.

M. Gary Stronach: Maintenant, je vais parler des inquiétudes des parents.

Dès que les premiers jalons de la réforme ont été connus, les parents de commissions scolaires de Montréal et de Québec nous ont sensibilisés à leur réalité. Il faut dire tout d'abord que la Fédération des comités de parents était l'un des signataires parmi les 17 qui avaient demandé l'installation de commissions scolaires linguistiques sans pour autant avoir recours, au début, à un amendement constitutionnel.

C'est seulement au moment de la mise en place du projet de la ministre Marois, qui reconnaissait qu'il y aurait des commissions scolaires linguistiques ailleurs qu'à Montréal ou à Québec, mais que sur l'île de Montréal ou dans la ville de Québec on aurait des commissions scolaires linguistiques avec un comité confessionnel, que nos parents de la CECM et de la CECQ nous ont fait savoir qu'ils voulaient bénéficier du même système que celui mis en place à l'extérieur de Montréal et de Québec. Ils voulaient donc avoir des commissions scolaires linguistiques sans pour autant avoir recours à d'autres structures qui en alourdiraient le fonctionnement, comme le comité confessionnel. Avec un comité confessionnel, nous pouvions être dans une situation où on ne savait pas qui avait la préséance: le conseil des commissaires ou le comité confessionnel. Cela pouvait avoir des conséquences jusque dans le projet éducatif de l'école, et c'est pourquoi la Fédération des comités de parents a dû changer de politique et dire que nous étions en faveur d'un amendement à l'article 93 pour permettre à tous les parents de la province de participer à des commissions scolaires linguistiques.

Je peux vous dire que, pour ce qui est de l'installation des commissions scolaires linguistiques, je suis reconnu comme étant un parent professionnel. Qu'on parle du Livre beige, de la Loi 3, de la Loi 40 ou de la Loi 107, la Fédération a toujours été en faveur de l'installation des commissions scolaires linguistiques à caractère neutre, toujours avec le maintien du statut confessionnel à l'école. Ce sont des éléments que nous retrouvons présentement dans la Loi 107.

Notre position officielle est donc que les Chartes québécoise et canadienne ainsi que les lois actuelles reconnaissent aux écoles le libre choix entre l'enseignement moral et l'enseignement religieux catholique et protestant. Ce libre choix continuera d'être offert et l'enseignement dispensé sera conforme aux convictions des parents. La Fédération estime très importante la mise en place des commissions scolaires linguistiques dans l'harmonie et la continuité.

La Fédération reconnaît d'emblée aux parents le droit à un véritable choix quant au statut de l'école pour leurs enfants. Quand on parle des parents du Québec, vous n'êtes pas sans savoir qu'après les États généraux, il y avait eu un mouvement pour laïciser les écoles du Québec. La Fédération des comités de parents, comme porte-parole avec la coalition pour une école ouverte et moderne avec la population, a réussi quand même à renverser la vapeur et à faire reconnaître aux autres partenaires du milieu le bien-fondé de laisser aux parents le soin de décider du statut confessionnel de leurs écoles.

Les orientations retenues et les aménagements proposés par la réforme scolaire n'ont pas pour effet de rompre avec le passé mais assurent, au contraire, la pérennité des valeurs fondamentales qui sont le gage d'une société moderne et dynamique. Le gouvernement, en indiquant cette voie, invite chacun des milieux à établir un contrat social basé sur le respect, la diversité et la recherche d'innovation pour que chaque école devienne vraiment responsable de ses valeurs et de l'éducation pleine et entière des jeunes qui la composent.

L'avenir appartient aux générations montantes. Donnons-leur les institutions appropriées pour que leur soit accessible un plein épanouissement.

En conclusion, quand on parle de protection de la minorité et de respect de la minorité, je voudrais que vous regardiez celui qui se trouve devant vous et qui est le président d'une Fédération de comités de parents de la province de Québec composée à 87 p. 100 de parents francophones et qui est un anglophone protestant. Vous avez à mes côtés une vice-présidente aux affaires anglophones qui est une anglophone issue du milieu anglo-catholique. Le respect de la minorité vit très bien à la Fédération et nous avons l'intention de continuer à le faire vivre dans l'éducation. Merci.

• 1910

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci de votre présentation, monsieur Stronach.

Nous allons maintenant passer à la période des interventions des membres du comité.

[Traduction]

Nous allons commencer tout de suite avec M. Rahim Jaffer.

M. Rahim Jaffer: Merci, monsieur le président.

J'ai deux brèves questions. D'abord, croyez-vous qu'à la suite de l'abrogation de l'article 93 de la Loi constitutionnelle, le gouvernement du Québec va respecter votre droit de recevoir l'enseignement de votre choix? Croyez-vous que vos droits seraient brimés si l'article 93 était abrogé?

M. Gary Stronach: D'abord, je tiens à préciser que les écoles qui ont un statut confessionnel conserveront ce statut pendant les deux prochaines années.

Nous savons tous que la tendance est à la laïcisation des écoles. Nous en sommes conscients. Toutefois, comme je l'ai déjà indiqué, si, en 1996-1997, nous avons réussi à obtenir la signature d'environ 183 000 personnes qui exigeaient qu'on laisse aux parents le soin de décider du statut de leurs écoles locales, j'aurais tort de vous dire que la bataille est gagnée à tout jamais. La bataille se poursuit. Nous sommes confrontés à un conflit d'idéologies.

Nous allons finir par nous retrouver avec... nous craignons deux choses. Vous me dites que l'article 93 protège également mes droits. Or, j'ajouterais que l'imposition, par le biais de l'article 93, d'un statut confessionnel aux commissions scolaires et aux écoles ne reflète aucunement les désirs de notre communauté aujourd'hui. Cet article impose aux gens qui ne sont ni catholiques, ni protestants des obligations avec lesquelles ils doivent composer. Nous allons finir par nous retrouver avec un système peut-être différent de celui que nous connaissons aujourd'hui, car la situation évolue constamment.

Nous croyons avoir un rôle à jouer à ce chapitre. Dans trois ou quatre ans, nous aurons probablement ce à quoi nous aspirons tous—le respect du droit à l'enseignement religieux dans les écoles. Je n'ai aucun doute là-dessus.

M. Rahim Jaffer: En fait, vous seriez en faveur de l'établissement de commissions scolaires linguistiques, mais avec une modification à l'article 93. C'est bien ce que vous voulez?

M. Gary Stronach: Non. Je veux qu'on établisse des commissions scolaires linguistiques et qu'on modifie dès maintenant l'article 93 pour que tous les parents du Québec, qu'ils habitent à Montréal ou ailleurs, bénéficient des mêmes droits. Il n'y aurait ainsi plus de chevauchement au niveau des commissions scolaires et des autres structures.

M. Rahim Jaffer: Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci.

Sénateur Beaudoin.

[Français]

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je crois comprendre que vous acceptez que le système d'éducation de demain au Québec soit basé sur le caractère linguistique français. Mais vous ajoutez qu'il faut que ce soit dans la mesure où celui-ci permettrait d'offrir des services répondant aux besoins confessionnels.

Il y a deux façons de faire cela. La première, c'est de faire un amendement à la proposition principale, à la résolution, et de laisser à l'article 93 le droit à l'école confessionnelle, parce qu'actuellement, il ne s'agit que du droit aux structures confessionnelles. C'est un système que beaucoup de gens veulent réformer.

La deuxième, c'est de s'en remettre à la Loi provinciale sur l'instruction publique; également, en vertu de l'article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés, l'enseignement de la religion doit avoir lieu dans les écoles.

Si on en reste à l'article 93, c'est un problème constitutionnel. Si on en reste à l'article 41 seulement, c'est quasi constitutionnel. Où vous situez-vous sur ce plan-là? Il y a bien des façons de protéger la confessionnalité. Depuis 130 ans, on a protégé la confessionnalité des écoles catholiques et protestantes et on leur a donné des droits qu'aucun autre groupe n'a au Québec. Évidemment, en 1887, il y avait seulement des catholiques et des protestants; il n'y avait pas beaucoup de gens d'autres religions. Maintenant il y a d'autres religions.

Donc, est-ce que vous voulez vraiment un amendement à la résolution que le Québec a portée devant nous ou si vous acceptez le partage sur le plan linguistique tout en protégeant quelque part l'école confessionnelle?

M. Gary Stronach: Je vous répondrai en disant que nous voulons avoir la possibilité de changer les structures. L'amendement de l'article 93 nous permettrait dans un avenir plus ou moins proche de trouver peut-être d'autres solutions.

• 1915

Je pense que nous avons depuis trop longtemps des structures confessionnelles qui n'accueillent pas la minorité, quelle qu'elle soit.

Le sénateur Gérald Beaudoin: C'est ça.

M. Gary Stronach: Notre voeu, c'est d'avoir une structure déconfessionnalisée. On commence donc par les commissions scolaires. Comme je vous le disais tantôt, je ne suis pas sûr qu'il n'y aura pas, d'ici trois ou quatre ans, un autre aménagement qui protégera l'enseignement religieux. Il y a une grande confusion. Autrefois, les gens pensaient que tout était noir ou blanc. Maintenant, je pense qu'il y a une zone grise où la communauté va finir par se situer dans le respect de tout le monde.

Nous sommes prêts à aller de l'avant et à nous positionner dans des structures qui seront peut-être déconfessionnalisées mais qui garderont le respect du droit à l'enseignement religieux. Je pense que c'est là la position de la communauté; la communauté ne veut pas à tout prix maintenir des structures confessionnelles.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Il faut reconnaître qu'il sera nécessaire de prendre nos responsabilités à un moment donné. Si on dit oui, on accepte l'amendement et les paragraphes (1) à (4) vont être supprimés. Ça veut dire que les garanties confessionnelles tombent et que la province fera ce qu'elle voudra de son système d'éducation.

Ça a au moins le mérite d'être basé sur la langue: on parle français ou anglais. Quant à l'enseignement religieux, il y a bien des degrés qu'il faudra déterminer. La Charte québécoise les protège, mais évidemment, ça peut toujours changer. On a une Loi sur l'instruction publique qui est très très bien faite au Québec. Un gouvernement qui veut réellement bien gouverner et qui veut se faire élire va être obligé de respecter les libertés et les religions qui existent au Québec.

En ce sens-là, c'est une forme de protection. À ce que je comprends, vous dites qu'il faut d'abord commencer par les structures linguistiques, et peut-être que dans trois, quatre ou cinq ans, on pourra revenir pour autre chose.

M. Gary Stronach: Pour ma part, je ne voudrais pas avoir à revenir. Je ne voudrais pas qu'on prenne des demi-mesures et qu'on soit obligé de revenir à un moment donné. On réclame des commissions scolaires linguistiques depuis 15 ans ou même 20 ans.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui, oui.

M. Gary Stronach: L'anglophone qui vit sur l'île de Montréal est très confiant quant à son avenir. Mais voyageons un peu et allons dans les petits villages, dans les fins de rangs où les anglophones doivent se réunir juste pour survivre. Il faudra tout faire pour permettre à ces gens-là de survivre, un peu comme dans les Cantons de l'Est où il y a déjà de facto des commissions scolaires linguistiques. Il faudrait donc permettre à tout le monde de pouvoir le faire, aussi bien du côté anglophone que du côté francophone. Je pense qu'il faut rassembler et consolider nos efforts pour avoir une éducation de qualité.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Marlene Jennings.

Mme Marlene Jennings: Bonsoir et merci d'être venus à une heure si tardive ce soir. Je vous remercie de votre présentation. J'aimerais savoir si le gouvernement du Québec est au courant de votre position sur la question de l'amendement constitutionnel. S'il est au courant, l'était-il avant que l'Assemblée nationale adopte à l'unanimité la résolution concernant cet amendement-là?

M. Gary Stronach: Oui. Comme je l'ai dit, la première fois que nous avions parlé avec la ministre Marois à l'époque, nous faisions partie des groupes consultés et nous étions en faveur des commissions scolaires linguistiques sans pour autant vouloir avoir recours à l'amendement. Depuis ce temps-là, je pense qu'ils sont bel et bien au courant que la Fédération des comité de parents prône l'amendement de l'article 93.

Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, Marlene. Christiane Gagnon.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Nous avons entendu plusieurs intervenants depuis hier. Certains nous ont dit qu'ils pensaient qu'il n'y avait pas vraiment de consensus sur l'amendement de l'article 93, et d'autres ont dit qu'il y en avait eu un sur les commissions scolaires. En fait, ce que l'on critique, c'est l'insuffisance de consultation au Québec pour permettre de procéder à cet amendement.

Je voudrais que vous me disiez quel pourcentage de la population vous représentez et que vous me disiez si vous pensez qu'il y a eu suffisamment de consultation pour nous permettre de procéder. C'est la question que nous nous posons en tant que législateurs. Est-ce qu'on est prêt à procéder et est-ce que le gouvernement du Québec a respecté les avis des différents groupes qui ont été entendus? Il y a quand même eu les États généraux au Québec au cours desquels on a pu entendre plusieurs groupes représentatifs de la population.

• 1920

Je sais que chacun veut débattre de son point de vue. Donc, j'aimerais que vous répondiez à cette question-là.

M. Gary Stronach: Premièrement, je vous dirai que nous n'avions pas l'intention de venir vous présenter un mémoire, même si notre position était bien connue depuis longtemps. Mais puisque des gens qui représentaient supposément les parents du Québec venaient s'exprimer, nous avons trouvé que la Fédération avait le droit de prendre sa place.

Bien sûr, je vous parle d'un consensus, mais on est loin de parler de l'unanimité. Les rumeurs disaient que j'étais contre l'amendement. En temps et lieu, je réglerai ce compte. C'est loin d'être vrai. C'est faux.

J'ai assisté à une réunion, il y a deux semaines, où quelqu'un m'a dit que la Fédération des foyers et écoles était contre. Je voudrais juste vous dire que la Fédération des comités de parents représente quelque 172 comités de parents, quelque 3 667 écoles, et que l'autre en représente 59. Est-ce que j'ai une certaine représentativité? Je le crois.

On n'a pas l'unanimité, mais nonobstant les erreurs commises dans l'application de la Loi 109 et d'autres lois... Il y en a eu, même tout dernièrement, pour les commissaires de la minorité, et on le reconnaît. Ce sont des erreurs que tous ont vécues ensemble et personne n'est venu me dire par la suite qu'il changeait d'avis, qu'il était contre l'amendement. On a pris les moyens nécessaires, au sein de notre propre structure, pour modifier et régler la situation.

Le consensus depuis fort longtemps est en faveur des commissions scolaires linguistiques. L'amendement ne fait pas problème pour 85 p. 100 de la population. Parmi les autres 15 p. 100 pour qui ce sera problématique, je vous dirai que la majorité est quand même en faveur de l'amendement, ce qui représente un large consensus.

Pour ce qui est des États généraux, il ne faudrait jamais perdre de vue qu'il y avait deux sièges pour les parents et sept ou huit sièges pour les syndicats. Est-ce qu'il y avait consensus ou non pour des commissions scolaires linguistiques et l'aspect confessionnel? On a eu gain de cause par la suite, mais il était difficile de dégager des consensus avec 62 sièges et deux parents.

Parmi les plus impliqués, les plus affectés, c'est-à-dire les parents des élèves qui fréquentent le système scolaire, il y a un large consensus en faveur de l'amendement.

Mme Christiane Gagnon: Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Gagnon. Sénateur Grafstein.

[Traduction]

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Nous n'avons pas encore entendu parler des intérêts de l'enfant. On a parlé des intérêts des groupes linguistiques, des professionnels, des minorités, mais pas des intérêts des enfants.

En tant que coalition de parents, avez-vous effectué des analyses comparatives de l'efficacité du système d'éducation du Québec? Est-ce que la réforme va, du point de vue de l'enfant, permettre d'améliorer le système d'éducation? Le système sera-t-il tout aussi efficace ou moins efficace?

M. Gary Stronach: C'est difficile à dire.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Il me semble que cette question est fondamentale. Voilà deux jours que nous sommes ici et nous n'avons pas encore entendu parler de ce que je voudrais.

Moi,en tant que parent, compte tenu de sa complexité, ce système d'éducation que je suis en train de bâtir—et je ne suis pas originaire du Québec—sera-t-il exceptionnel ou médiocre?

M. Gary Stronach: Ce n'est pas la structure en tant que telle qui fait qu'un système est médiocre. Je pense que nous avons, au Québec, un très bon système d'éducation. Or, comme les ressources sont de plus en plus rares, je crois que l'établissement de commissions scolaires linguistiques va permettre aux deux groupes de mettre leurs ressources en commun et de les utiliser de façon plus efficace. Ce sont les écoles qui vont ensuite en bénéficier.

Tant que nous essayons de maintenir des structures parallèles au sein des systèmes de langue française et de langue anglaise, catholique et protestant... notre commission scolaire représente 30 écoles, dont cinq de langue française. Elles accaparent une grande part des ressources de la commission. Nous devons avoir deux structures pédagogiques.

Les commissions scolaires catholiques qui regroupent des écoles de langue anglaise doivent également avoir une structure parallèle, avec des éducateurs, des spécialistes, ainsi de suite. Si nous arrivons à consolider nos efforts, je crois fermement—et je viens de l'ouest de l'île—que, lorsque nous aurons regroupé les commissions de Verdun et de Sault-St-Louis, de la partie ouest de la commission scolaire protestante du grand Montréal, de Lakeshore et de Cartier, nous allons avoir un conseil énorme doté de ressources abondantes. C'est un fait. Plus vos ressources sont importantes, une fois celles-ci regroupées, plus les enfants vont en bénéficier.

Pour ce qui est de savoir si la confessionnalité va améliorer la qualité de l'éducation, je ne peux pas répondre à cette question. Toutefois, je peux vous dire qu'il y a beaucoup d'enfants qui accordent plus d'importance à l'enseignement religieux que ne le font leurs parents. Ce sont les enfants qui, la plupart du temps, choisissent ces cours.

• 1925

Je dis aux gens qui sont prêts à m'écouter—et je suis protestant et une victime, à défaut d'un meilleur terme... J'ai étudié dans une école qui faisait partie de la commission scolaire protestante du grand Montréal pendant les sept premières années de ma vie. J'ai ensuite étudié en Ontario et en Europe. Il y a une personne en particulier qui m'a marqué au cours de cette période. Il s'agit d'un ministre qui m'a enseigné en huitième année, à Kingston, en Ontario. Ce n'est pas son enseignement religieux qui m'a marqué, mais plutôt sa conception de la vie. J'attacherai toujours beaucoup d'importance à cet enseignement. Je défendrai toujours le droit d'y avoir accès.

La mise en commun des ressources et l'établissement d'un système plus équitable ne peut avoir qu'un effet bénéfique sur l'éducation des enfants.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Et les deux autres témoins partagent votre avis?

Mme Johanne Smith: Oui.

M. Gary Stronach: Jude est un employé. Il dirige les services administratifs. Il ne joue pas un rôle aussi actif que les autres parents, mais il connaît parfaitement bien la situation. Je ne parle donc pas en mon nom seul. Les 19 autres personnes sont bien conscientes de ce que je dis.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Stronach.

Je vais passer au prochain intervenant, Yvon Godin.

M. Yvon Godin: Je vous remercie de vous être déplacés ce soir. Je continue de penser que c'est nous qui aurions dû aller vous voir.

M. Gary Stronach: Je n'ai jamais dit cela.

M. Yvon Godin: Moi, je le dis.

Il y a un problème que j'éprouve et que je crois avoir mentionné à plusieurs occasions, et je continuerai de le faire jusqu'au 7 novembre. Vous représentez la Fédération des comités des parents de la province de Québec.

M. Gary Stronach: Oui.

M. Yvon Godin: Selon ce que l'on entend dire depuis quelques jours, l'Assemblée nationale n'aurait pas consulté la population. Elle a pris une décision unanime, appuyée par toutes les parties concernées. Je respecte cela. Ils ont fait ce qu'ils voulaient faire.

Quel processus avez-vous suivi? Quelles consultations avez-vous menées auprès de la population en votre qualité de Fédération des comités de parents de la province de Québec? Vous êtes un organisme, mais il y a des gens derrière cela. J'ai reçu une pétition qui m'inquiète un peu. Elle vient du Québec et je vous en lirai un paragraphe que je juge important de vous faire connaître;

    Soyez avisé(e), par la présente, que je m'oppose vivement à tout changement qui affectera la protection qu'accorde l'Article 93 de la Constitution canadienne de 1867. Je proteste contre le fait que le gouvernement du Québec n'a pas consulté les citoyens du Québec pour justifier un tel changement. J'affirme aussi qu'il n'y a pas de «consensus raisonnable» au sein de la population et que cet amendement aura des conséquences très graves pour les Catholiques et pour les Protestants du Québec. Aussi faut-il rappeler que l'Article 93 est le seul article de la Constitution qui protège les droits de gérer nos écoles catholiques au Québec.

Cette pétition qui vient du Québec et qu'ont signée plusieurs personnes affirme qu'elles n'ont pas été consultées. De votre côté, quelle sorte de consultation avez-vous faite auprès des gens?

M. Gary Stronach: Nous n'avons pas mené de consultation auprès des parents leur demandant s'ils étaient pour ou contre l'amendement de l'article 93.

Je vous dirai cependant que depuis le tout début du processus, les parents veulent à tout prix—et je le dis en toute conscience de la portée de mes mots—des commissions scolaires linguistiques. On a vu que sans l'amendement, il n'y avait aucun respect pour les parents de la CECM et de la CECQ. Je vous fais remarquer que la CECM représente tout de même quelque 100 000 élèves et que les parents de ces élèves nous ont dit vouloir bénéficier des mêmes conditions que les nôtres. Nous avons alors compris la nécessité d'avoir recours à un amendement.

Vous avez dit avoir reçu copie d'une telle pétition. Je ne voudrais pas vous dire de quoi on traite les gens qui n'adhèrent pas. Il y a des noms pour ces personnes. On suppose qu'il y a quelque chose qui est croche chez elles, qu'il y a quelque chose qui est tout de travers dans leur pensée.

On essaie d'expliquer aux gens que les dispositions en question protègent les gens de Québec et de Montréal. Moi, je ne demeure pas sur l'île de Montréal. Je suis issu d'une commission scolaire pour protestants, mais non pas une commission scolaire protestante. Je vous ramène à la pétition qui a été signée en 1996, à la coalition pour une école moderne et ouverte, avec et pour la population. Non, ce ne sont pas mes mots, madame Lavoie-Roux. Cette pétition avait pour but de contrer la laïcisation des écoles. Nous avons recueilli 183 000 noms sur une pétition signée par des parents et des gens issus du milieu qui étaient pris et qui savaient dès lors que pour se doter de structures linguistiques sur l'ensemble du territoire, on avait besoin de recours. On ne parlait pas de laisser à Québec et à Montréal ce qu'on a, nous. On ne leur donne pas cela. Ces 183 000 signatures, ce n'est pas négligeable.

• 1930

Les gens nous suivent dans ce processus depuis le tout début. Je suis convaincu que si on s'adresse à la population, on obtiendra la même réponse. Les gens veulent avoir des commissions scolaires linguistiques sans embûches.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Godin. On va passer à la sénatrice Lavoix-Roux.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: M. le député Godin a déjà posé ma question. Moi aussi, je voulais savoir quelle sorte de consultation avait été faite auprès des gens, car il va de soi que le gouvernement du Québec aurait dû tenir une consultation. Il crée des commissions parlementaires pour changer le permis des chats ou des chiens, mais sur une affaire aussi importante que celle-ci, il n'a pas jugé nécessaire d'agir. C'est assez étonnant. En tout cas, de votre côté, vous croyez avoir fait suffisamment.

M. Gary Stronach: Je pense que le processus est engagé depuis, si on retourne en arrière, les États généraux de 1985. Les États généraux de 1996 et tout ce qui s'en est suivi conduisaient toujours dans la même direction.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: En tout cas, les commissions scolaires linguistiques ne me causent pas véritablement de problème; j'ai été la première à en recommander la mise sur pied.

M. Gary Stronach: Oui.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: J'étais seule à ce moment-là au Conseil des commissaires à être en faveur.

M. Gary Stronach: Vous étiez avant-gardiste.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Pas nécessairement. À ce moment-là, les autres recommandaient des commissions scolaires unifiées, de mettre tout le monde sous le même chapeau.

Cela étant dit, vous soutenez que tout le monde sait qu'il s'agit d'un amendement à la Constitution. Là-dessus, je pense que vous vous avancez peut-être un peu trop, car tous ceux qui se sont présentés ici avaient l'air assez mêlés en ce qui concerne l'amendement à la Constitution. Alors, si on pense à vos 186 000... Mais ce n'est pas grave. Au fond, ce qui compte, c'est de savoir s'ils veulent des commissions scolaires linguistiques ou pas.

Je vais vous poser une question qui n'a peut-être rien à voir avec cela mais qui peut faire avancer notre réflexion. Ce serait aux écoles de décider de leur statut confessionnel et au comité de parents de décider s'il sera neutre, protestant, catholique, orthodoxe ou toute autre chose. Ne craignez-vous pas qu'on introduise ainsi dans le processus une modalité qui sera loin d'être toujours facile à gérer et qui pourrait susciter énormément de conflits—pas partout mais en bien des endroits—, et parfois des conflits très aigus? Est-ce que la Fédération des comités de parents s'est penché sur cette question?

M. Gary Stronach: Oui. Je pense qu'il faut d'abord tenir compte de la garantie actuelle qu'ont les écoles qui se sont déjà dotées ou qui avaient déjà un statut confessionnel de le conserver pendant deux ans. Il faut également tenir compte de l'instauration, l'an prochain, des conseils d'établissement. Ces conseils seront multipartites et le pouvoir de décision ne reviendra pas seulement aux parents mais aussi aux membres du personnel.

Je disais plus tôt que nous allons voir se produire une évolution dans un avenir assez rapproché. Moi, j'ai ma vision de l'avenir, de ce que devrait devenir l'école. Je pense que la société aussi va évoluer vers une prise de position.

Je ne prétends pas qu'il n'y aura pas d'occasions de conflits. J'en imagine deux ou trois que je pourrais vous indiquer. Toutefois, je crois que ce sera plutôt l'exception que la règle. De plus, je pense qu'une fédération forte, qui fera de l'information et de la sensibilisation auprès de ses comités de parents et auprès des parents membres du conseil d'établissement, tentera d'éviter les conflits et d'emmener les parents...

Enfin, comme l'a si bien dit monsieur tout à l'heure, pourquoi ces débats devraient-ils passer à l'avant-plan, devant l'éducation des enfants, de nos enfants? À ce moment-là, je crois que cette valeur va prévaloir.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame la sénatrice.

[Traduction]

Le prochain intervenant sera Jason Kenney.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Merci.

Je suis malheureusement arrivé en retard. Pourriez-vous tout simplement clarifier votre position? Je crois comprendre que vous appuyez l'amendement qui prévoit l'établissement de commissions scolaires linguistiques. Toutefois, vous voulez continuer d'avoir accès à l'enseignement religieux, comme le prévoit la Loi 109. Est-ce bien cela?

M. Gary Stronach: Oui.

M. Jason Kenney: J'aimerais savoir si vous avez tenu compte de ceci au moment de formuler votre position. Il me semble que les garanties prévues par la Loi 109 à l'égard des écoles confessionnelles religieux risquent d'être affaiblies par la Charte des droits, notamment par l'article 2, qui traite des droits à l'égalité.

Plusieurs jugements rendus en Ontario indiquent clairement que, en l'absence d'autres garanties constitutionnelles, par exemple, les protections accordées par cet article, le financement public de l'enseignement religieux serait jugé inconstitutionnel. C'est pour cette raison, bien entendu, que la disposition dérogatoire a été incluse dans la Loi 109. Donc, la seule garantie qui continuerait d'exister à l'égard de l'enseignement religieux au Québec reposerait sur la volonté de tout gouvernement, quel qu'il soit, de maintenir les protections accordées par la disposition dérogatoire de la Loi 109.

• 1935

N'êtes-vous pas en train de renoncer, à long terme, à un droit acquis en matière d'enseignement religieux en vous remettant à des politiciens qui, dans le cas de l'actuel gouvernement du Québec, prônent ouvertement la laïcisation du système?

M. Gary Stronach: Je crois qu'il faut regarder la situation sous un autre angle quand vous dites que nous sommes en présence d'un gouvernement qui prône la laïcisation des écoles. Je crois qu'il y a beaucoup d'institutions qui exercent des pressions sur le gouvernement pour qu'il laïcise les écoles.

Il faut tenir compte du fait que les parents, au Québec, sont probablement les mieux organisés ou les mieux structurés au Canada. Ils participent au processus législatif depuis 1972 en siégeant aux comités d'école et aux comités de parents. Les parents ne se mobilisent pas selon les besoins. Ils n'ont pas à se mobiliser pour défendre leur point de vue. Chacune de nos écoles est dotée d'un comité d'école et d'un comité d'orientation, auxquels viendra s'ajouter dès l'année prochaine un comité d'administration. Ces structures existent déjà.

Les parents au Québec se mobilisent sans aucune difficulté lorsqu'il est question de défendre le droit à l'éducation de leurs enfants ou leurs valeurs. Lorsque vous dites que, dans le cas de la disposition dérogatoire, nous sommes capables d'exercer des pressions énormes, comme ce fut le cas lors des États généraux, c'est parce que nous nous sommes mesurés aux syndicats ouvriers et au syndicat des enseignants, la CEQ. Nous exerçons une influence puissante. Je pense que la ministre de l'Éducation, qu'elle soit membre du Parti libéral ou du Parti québécois, écoutera la population lorsqu'elle se fera entendre en si grand nombre—et la population s'est prononcée en faveur du maintien du statut confessionnel des écoles.

Donc, nous ne renonçons pas à ce droit, parce nous pouvons compter sur la disposition dérogatoire et la mobilisation des parents. Ils peuvent exercer une influence très grande.

M. Jason Kenney: Mais vous admettez que vous échangez une garantie constitutionnelle qui serait autrement éternelle, contre une protection politique qui peut exister aujourd'hui, mais qui n'existera peut-être pas dans 50 ans.

M. Gary Stronach: Nous ne voyons pas les choses de cette façon.

Je suis un parent anglophone qui joue un rôle très actif au sein de la commission scolaire, que ce soit à l'échelle locale, régionale ou provinciale. Franchement, je ne pense pas que les garanties constitutionnelles veuillent dire grand-chose au parent qui siège à un comité d'école ou qui reste à la maison. Qu'il fasse ou non partie d'un tel comité, il est conscient des problèmes qui existent et des responsabilités qui incombent à la commission scolaire, à la direction générale de la MEQ, et à la MEQ. Nous savons que c'est le Québec qui va trouver les solutions qui s'imposent.

Les parents, dans le passé, ont exercé des pressions pour que soient modifiés les programmes d'études, le statut confessionnel des écoles, et ils vont continuer à le faire. Nous ne voyons pas cela comme un abandon de leur part. Par exemple, si les parents qui habitent Montréal et Québec veulent des commissions scolaires confessionnelles, alors tant mieux. Le problème, c'est que les parents des autres régions ont été relégués au second plan pendant de nombreuses années. Il y a beaucoup de parents qui demeurent à l'extérieur de l'île. Donc, il ne s'agit pas de renoncer à quoi que ce soit. Ce que nous avons demandé, nous l'aurons au cours des prochaines années. Lorsqu'une autre bataille se présentera, nous lutterons à ce moment-là.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Kenney.

Nous allons maintenant céder la parole à Sheila Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup.

J'ai été très étonnée de voir à quel point vous maîtrisez bien le dossier, bien que vous ayez dit que, autrefois, tout était noir ou blanc, et qu'il y avait maintenant une zone grise. Je suis heureuse de voir que vous entrevoyez la lumière au bout du tunnel.

Je me demande si votre expérience pourrait nous être utile avec les groupes qui ont comparu devant nous—surtout les franco-protestants, qui ont mis sur pied leur propre système scolaire au cours des vingt dernières années. Bien sûr, ils constitueraient une minorité au sein du système francophone ou du système anglophone. Ce serait aussi le cas des anglophones catholiques. Ils possèdent ce qu'ils considèrent comme des droits acquis. Ils craignent que le nouveau système proposé ne leur permette plus de bénéficier du même enseignement ou d'avoir le même genre d'enseignants et que la formation et les valeurs de ceux-ci ne soient plus les mêmes.

Je ne sais pas si je suis tout à fait d'accord avec ça, mais j'aimerais vraiment entendre l'opinion d'un parent qui s'est impliqué autant que vous. Que répondriez-vous aux membres de la collectivité franco-protestante, qui sont venus ici en grand nombre si l'on s'en tient au nombre d'exposés entendus jusqu'à maintenant et qui ont très à coeur les intérêts supérieurs des enfants et des parents, la qualité de l'enseignement, l'échelle des valeurs et l'enseignement moral.

• 1940

D'après votre expérience, y a-t-il moyen de garantir à ces parents que, dans ces écoles linguistiques, les enseignants jouiront de certains droits acquis et les enfants pourront conserver leur place? Ce qu'ils ont dit me préoccupe beaucoup. En même temps, je crois fermement que l'article 93 devrait être modifié.

M. Gary Stronach: Je vais établir un parallèle entre ce que ces parents recherchent et ce qu'ils considèrent comme des droits acquis et je parlerai également des écoles internationales, des écoles à vocation particulière.

On a eu tendance par le passé—et nous croyons que cette situation changera à compter du 1er juillet 1998—à avoir des écoles sélectives. Aux termes de la nouvelle législation, celles-ci seront dorénavant accessibles à tous.

Ce que nous recherchons, c'est qu'une école soit prête à accueillir les membres de la collectivité qu'elle dessert. Depuis deux ou trois ans, beaucoup trop d'écoles, confessionnelles ou autres, ne sont pas accessibles à tous les membres des collectivités où elles sont situées parce qu'elles se sont données une vocation particulière. L'inscription y est obligatoire. Les étudiants peuvent habiter n'importe où sur le territoire de la commission scolaire, mais c'est la loi du premier arrivé qui s'applique, ce qui veut dire qu'un enfant qui habite en face de l'école pourrait ne pas y être accepté.

Ce qui se passera en juillet 1998, c'est que les écoles communautaires retrouveront leur vocation première. Il faut toutefois préserver les droits des parents instruits dans ce système qui souhaitent que leurs enfants reçoivent la même éducation. Cet enseignement pourrait être offert dans une partie de l'école, mais nous ne sommes pas d'accord pour qu'il le soit partout dans cette école. Nous souhaitons que le système scolaire puisse accueillir tous les membres de la collectivité.

Ce qui s'est en général produit dans quelques régions—et ce n'est pas le cas partout—, c'est que les écoles sont devenues l'apanage d'une certaine clientèle. En vertu de la mesure législative proposée, ces écoles devront ouvrir leurs portes à l'ensemble de la collectivité. L'article 93 permettra d'y parvenir, parce que chaque école pourra encore se donner un statut confessionnel, mais il incombera à la commission scolaire de fixer les critères d'inscription et les enfants du quartier pourront y étudier.

L'hon. Sheila Finestone: Je m'interroge quelque peu sur ce que vous venez de dire. Je crois fermement que les parents doivent avoir le droit de choisir dans une certaine mesure l'enseignement dispensé à leurs enfants.

M. Gary Stronach: Oui.

L'hon. Sheila Finestone: Dans le quartier où j'habite, il y a une école qui s'appelle Iona. Il y a également l'école Royal Vale, qui accueille les enfants ayant des dons particuliers. Les gens commencent à faire la queue à 4 h du matin pour s'assurer que leurs enfants doués ont une place dans ces écoles, que celles-ci aient un programme axé sur la culture, l'expression artistique, les mathématiques ou la géographie.

Vous avez dit, en parlant du caractère sélectif de certaines écoles, que des écoles francophones du secteur public—et je pense à l'école Maimonide et à l'école de jour juive... Ces écoles sont sélectives en ce sens qu'elles sont situées dans un quartier à prédominance juive, qu'il s'agisse de Juifs francophones ou anglophones. Mais elles acceptent également des enfants d'autres quartiers de la ville. Ces écoles sont publiques. Je ne parle pas du secteur privé, mais bien du secteur public. Que se passera-t-il en vertu du nouveau système?

M. Gary Stronach: On nous a essentiellement dit que les écoles qui avaient des droits acquis conserveront la plupart du temps leur statut, mais que les nouvelles...

L'hon. Sheila Finestone: Pourriez-vous me dire ce qui vous fait penser cela?

M. Gary Stronach: Il y a par exemple des écoles qui offrent actuellement un programme international. Elles pourront continuer de l'offrir.

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]

La sénatrice Lavoie-Roux: Cela va dans le même sens.

L'hon. Sheila Finestone: Non, parce que j'aurais pu poser la même question, monsieur le président. Cet enjeu est important. Nous avons avec nous des représentants de parents et nous devons en profiter.

Nous avons des écoles arméniennes pour les orthodoxes—ils disposent d'un bon système scolaire. Il y a un système scolaire pour les Grecs, un pour les Musulmans et un pour les Juifs, ces derniers ayant même des écoles anglophones et francophones. Certaines d'entre elles sont privées, d'autres sont publiques. Nous avons avec nous à cette table un ancien ministre de l'Éducation du Québec. Il est très important que nous sachions, du point de vue d'un parent qui élève des enfants dans le monde d'aujourd'hui, comment vous envisagez le fonctionnement d'un tel système en vertu de l'article 41.

M. Gary Stronach: Ce système reposerait sur le principe dont vous avez parlé: le coeur de l'école. Vous parlez d'un projet éducatif. La vocation...

L'hon. Sheila Finestone: Je parle de l'atmosphère de l'école.

M. Gary Stronach: Rien ne changera vraiment à ce chapitre. Si la clientèle demeure la même, l'école gardera la même vocation à tous égards.

• 1945

Ce que nous disons, c'est que depuis quelques années nous instaurons des écoles à vocation particulière—avec des programmes axés selon le cas sur le hockey, la danse ou le théâtre par exemple—et ces écoles ne sont pas accessibles aux autres enfants du quartier. Ce qui changera à l'avenir, c'est que ces programmes existeront toujours mais qu'ils seront offerts dans une école où d'autres enfants suivent d'autres programmes.

Nous n'éliminerons donc rien. Nous disons tout simplement que l'école et la collectivité seront accessibles à tous les autres membres sans obliger ceux-ci à suivre le programme que d'autres enfants ont choisi dans cette école.

L'hon. Sheila Finestone: L'école Pierre-Laporte devrait donc fermer ses portes.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Pardonnez-moi, madame Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: Je m'excuse.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous passons au prochain intervenant, M. Mauril Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Monsieur Stronach, vous avez dit que, dans deux ans, on demandera aux écoles de déterminer leur statut confessionnel. Comment cela se passera-t-il? Les parents seront-ils tous convoqués? Cette décision sera-t-elle laissée uniquement au comité d'école? J'aimerais savoir comment ce choix sera fait.

M. Gary Stronach: Si l'on se fie au mécanisme actuel, nous ferions preuve de bien peu de perspicacité en pensant que les parents qui siègent aux comités d'école prendront une décision entre eux. Lorsqu'il s'agit de décider du statut confessionnel d'une école, chaque comité convoquerait une assemblée générale de tous les parents de l'école et présenterait toutes les solutions possibles.

Tout ceci est hypothétique. On pourrait aussi procéder à une consultation de tous les parents, parce qu'on sait qu'ils n'assisteront pas tous à la réunion. On essayerait d'en rejoindre le plus grand nombre possible afin de décider du statut confessionnel de l'école.

M. Mauril Bélanger: Et combien personnes prendront cette décision? Parle-t-on de 50 p. 100 plus un? Il s'agit là d'une question importante.

M. Gary Stronach: Oui, tout à fait.

Je me dissocie pour quelques instants de la Fédération. En tant que parent, je n'accepterais pas le chiffre de 50 p. 100 plus un, parce que cela signifierait que 50 p. 100 moins un ne sont pas d'accord avec moi. Si une école n'arrive à convaincre que 50 p. 100 plus un des parents, elle ferait probablement mieux de se donner un statut non confessionnel et de respecter toutes les collectivités. C'est d'ailleurs probablement la solution qui serait proposée par la suite et qui recueillerait probablement une majorité.

À l'heure actuelle, les écoles peuvent être protestantes, catholiques ou non confessionnelles. Un grand nombre d'écoles sont actuellement non confessionnelles à bien des égards et leur nombre pourrait encore augmenter avec les programmes particuliers.

M. Mauril Bélanger: Nous ne savons pas encore précisément quels seront les critères qui détermineront...

M. Gary Stronach: Le Conseil catholique du Conseil supérieur de l'éducation a déjà procédé à des consultations. Les décisions doivent être prises d'ici deux ans. Par ailleurs, un comité, appelé le Comité d'experts, vient d'être créé pour étudier le statut confessionnel des écoles au Québec. Il déposera un rapport l'année prochaine, ce qui donnera lieu à des audiences publiques, et nous verrons alors comment les choses se dérouleront dans deux ans.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Une brève intervention du sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: De quelle façon protégeriez-vous le droit à l'éducation religieuse, une fois que les structures seraient fondées sur la langue?

M. Mauril Bélanger: C'est la question que je me posais.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Il y a bien des façons de protéger le droit à un enseignement religieux, mais on n'en entend pas beaucoup citer. Ceux qui se présentent ici—mais nous siégeons seulement depuis deux jours—ne parlent pas beaucoup de ce point-là. Pourtant, c'est fondamental. Plusieurs disent qu'ils veulent biffer les quatre paragraphes de l'article 93, mais qu'ils veulent conserver l'école confessionnelle.

Il faut donc s'entendre. À un moment donné, on est en pleine contradiction. Vous ne pouvez pas écarter des garanties confessionnelles et les conserver en même temps. Il y a quelque chose qui cloche quelque part. C'est l'un ou c'est l'autre. Vous pourrez me dire qu'on pourrait avoir une Loi sur l'instruction publique qui protégerait l'enseignement religieux. Je suis convaincu que ce serait une bonne chose. Qu'il arrive n'importe quoi, il est bon d'avoir une Loi sur l'instruction publique qui prévoie cela.

Maintenant, qu'est-ce que vous suggérez?

M. Gary Stronach: En fait, il y a deux éléments importants. D'abord, vous avez la Loi sur l'éducation publique, ensuite les régimes pédagogiques. Actuellement, la religion est protégée parce qu'il y a des périodes prescrites qui y sont consacrées dans le cadre des régimes pédagogiques.

Si vous me demandez de prédire l'avenir ou de le prévoir, je verrais peut-être l'enseignement religieux protégé dans les écoles, sans pour autant que soit inclus le statut confessionnel de la bâtisse ou de l'édifice. On ne s'en moquera pas en parlant d'histoire des religions ou de l'ensemble des religions. Les gens veulent avoir plus de concret. Mais il y aurait place à ce moment-là pour l'enseignement catholique, l'enseignement protestant ou autre. Je pense qu'il faudrait s'ouvrir davantage.

• 1950

Ce pourrait être prescrit dans le régime pédagogique, lequel a préséance sur la Loi sur l'instruction publique. Actuellement, vous devez enseigner la religion dans les écoles, car c'est prescrit par les régimes pédagogiques.

Le sénateur Gérald Beaudoin: En conclusion, je dis toujours qu'il est possible d'avoir des structures dites neutres ou laïques, tout en protégeant l'enseignement de la religion. C'est possible. Actuellement, nos structures sont confessionnelles et elles le sont juste pour les catholiques et les protestants et non pour les autres. Il ne faut pas l'oublier. Alors vis-à-vis des autres religions...

En 1867, c'était facile, car il n'y avait que ces deux-là. Mais aujourd'hui il y en a davantage. Par conséquent, je me dis que la solution est peut-être d'avoir des structures sur lesquelles l'État doit bâtir sa loi, tout en protégeant le droit de recevoir un enseignement religieux. Mais ce sera une autre protection que celle que nous avons dans le moment.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, sénateur Beaudoin. Nous passons à M. Ménard pour une courte intervention.

M. Réal Ménard: Ma question a déjà été posée. Je ne veux pas abuser du temps du comité.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Ménard. Une courte intervention du sénateur Grafstein.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Non merci, monsieur le président.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup. Cela termine donc votre comparution. Je voudrais, au nom des membres du comité, vous remercier sincèrement de votre présentation et d'être venus nous rencontrer à Ottawa. Merci beaucoup.

M. Gary Stronach: C'est nous qui vous remercions.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous allons maintenant accueillir les Citoyens pour les droits scolaires confessionnels constitutionnels. Veuillez vous approcher, s'il vous plaît.

Le document de la présentation du groupe ici présent a été distribué cet après-midi, lors de la séance de 15 h 30.

Mme Jean Morse-Chevrier (présidente, Citoyens pour les droits scolaires confessionnels constitutionnels): Non, nous avons apporté hier, au 180 de la rue Wellington, des copies dans les deux langues officielles. Le mémoire comporte une annexe, dont le titre est «Argumentaire». La version anglaise de l'annexe a été apportée cet après-midi mais les copies du mémoire, en anglais et en français, ont été apportées hier au 180 de la rue Wellington. Vous devriez avoir le mémoire lui-même.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Ces deux documents ont été distribués cet après-midi.

Mme Jean Morse-Chevrier: L'argumentaire est une annexe, ce n'est pas le mémoire. Certains n'ont que...

Le coprésident (M. Denis Paradis): D'accord. Madame Morse-Chevrier, nous sommes heureux de vous accueillir, ainsi que M. LaPrairie, pour représenter Les citoyens pour les droits scolaires confessionnels constitutionnels. Bienvenue au comité mixte. Nous vous remercions de votre comparution.

J'imagine que vous avez compris les règles du jeu parce que je vous ai vu arriver un peu à l'avance. Je vais vous demander de limiter votre présentation à 10 minutes, afin que nous ayons ensuite une période de questions pendant laquelle les membres du comité s'adresseront à vous.

Je crois que c'est vous, madame Morse-Chevrier, qui allez nous faire part de la présentation. Nous vous écoutons.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Monsieur le président, je m'excuse mais j'ai beau chercher dans toute ma paperasse, je ne trouve pas ce mémoire-là. Je ne l'ai pas. J'ai seulement la partie que vous appelez...

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin (Shawinegan, Lib.)): Le mémoire est en train d'être photocopié. On va vous le distribuer.

Mme Jean Morse-Chevrier: L'annexe a été distribuée.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Oui, j'ai l'annexe. C'est le mémoire que je n'ai pas.

Mme Jean Morse-Chevrier: Comme je viens de le dire, il est en train de se faire photocopier. Vous allez l'avoir.

• 1955

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous allons écouter votre présentation et je vais demander au greffier du comité de faire en sorte que les documents vous soient remis dans les plus brefs délais.

Madame Morse-Chevrier, nous vous écoutons.

Mme Jean Morse-Chevrier: Merci, monsieur Paradis. Honorables sénateurs, mesdames et messieurs les députés, en tant que présidente des Citoyens pour les droits scolaires confessionnels constitutionnels, je vais traiter de la résolution demandant l'amendement de l'article 93 de la Constitution canadienne principalement du point de vue des parents catholiques du Québec.

Nous sommes heureux d'avoir cette occasion de nous exprimer sur un sujet qui nous touche directement, comme il touche directement tous les enfants et adolescents de la province et tous les parents de la province, les grands-parents et l'ensemble des citoyens. Il touche en fait à la structure même de notre province dans une de ses institutions les plus centrales quant à son identité, sa culture, ses croyances religieuses, ses moeurs et son orientation future.

Le système scolaire québécois pour les catholiques a été développé par des religieux et religieuses catholiques qui sont presque absents maintenant du système public et dont profitent encore les institutions privées de la province. Ces institutions privées à caractère catholique sont encore le choix de l'élite à cause de l'excellence académique qui fait leur réputation.

Mon premier argument sera le suivant: la confessionnalité est le choix de la majorité. Le système scolaire public est en grande partie catholique à cause du statut des écoles sur lesquelles les parents ont à se prononcer. Effectivement, depuis 1977, lorsqu'une nouvelle école est construite, les parents doivent, par le biais d'un vote, indiquer s'ils veulent le statut confessionnel ou non. Le Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation vérifie à tous les cinq ans le caractère catholique de chaque école, et chaque école est libre, à tout moment, de demander une révocation de son statut confessionnel. C'est donc un processus démocratique et ouvert par lequel les parents se prononcent clairement sur leur désir d'avoir ou non une école confessionnelle.

Or, avec cette procédure en place, 95 p. 100 des 2 500 écoles au Québec ont un statut confessionnel. De plus, lors des votes, entre 75 et 90 p. 100 des parents votent en faveur de la confessionnalité.

L'enseignement religieux est aussi soumis à un processus démocratique. Au début de chaque année scolaire, les parents ont l'occasion de choisir entre l'enseignement moral et religieux ou l'enseignement moral sans religion. Dans l'ensemble de la province, 80,6 p. 100 des parents choisissent l'enseignement moral et religieux. Même à Montréal, où la population est plus diversifiée, environ 70 p. 100 des parents choisissent l'enseignement religieux et les autres choisissent l'enseignement moral seulement.

Nous voyons donc que depuis une bonne vingtaine d'années, les parents du Québec choisissent, de façon démocratique et constante, des écoles et des enseignements à caractère religieux et confessionnel. C'est le choix des parents de transmettre leur foi par le biais de l'école. Ce choix est tout à fait légitime.

De plus, les enseignants ne sont pas tenus de donner des cours d'enseignement religieux; ils ont le droit à l'objection de conscience. De surcroît, les commissions scolaires ne posent aucune exigence quant à la confession des professeurs qu'ils engagent. Il n'y a donc aucune discrimination sur ce plan, bien que le choix d'enseignants de confession catholique favoriserait un vécu confessionnel élargi, comme c'est le cas en Ontario pour les commissions scolaires catholiques.

Voici mon deuxième argument: le choix démocratique pour un pays moderne. Il est faux de prétendre que parce que le taux de pratique religieuse au Québec est bas parmi les catholiques, la religion devrait être évacuée de l'école afin de satisfaire à la modernisation du système scolaire chère à ceux qui font la promotion de l'école laïque. Actuellement, grâce à la protection constitutionnelle, le processus démocratique est respecté et la grande majorité des familles ont des écoles selon leur choix confessionnel. Pour les autres, il n'y a aucune imposition de contenu religieux.

D'ailleurs, rien n'empêchait ni n'empêche actuellement les Québécois non confessionnels de s'organiser sur le plan scolaire. C'est un peu plus difficile, bien sûr, puisqu'ils constituent une minorité d'environ 20 p. 100. Mais en tant que catholiques, nous considérons cette possibilité que leur confère le présent régime comme saine et souhaitable. Plus le choix est clair, plus ceux à orientation confessionnelle et ceux à orientation non confessionnelle pourront vivre les valeurs de leur choix à l'intérieur du système scolaire. Il y a de la place pour les deux et c'est cette vision qui reflète notre identité d'un peuple tolérant et ouvert.

Toutefois, dans un pays qui se définit comme pluraliste et respectueux des droits individuels, nous nous trouvons, à la suite de l'adoption de cette résolution du gouvernement du Québec, dans une situation injuste.

• 2000

En effet, non seulement va-t-on enlever aux minorités, surtout protestantes, leurs droits confessionnels en les privant des garanties qui leur furent reconnues lors de l'union des provinces, mais on agit de surcroît de façon à enlever à la majorité catholique le droit de professer sa religion ou ses croyances religieuses à l'intérieur des écoles.

Or, les écoles sont à la fois une extension de la famille et un lieu d'intégration sociale, donc de définition des Québécois en tant que peuple. Comme famille et comme peuple, les Québécois parents des futures générations choisissent clairement l'éducation confessionnelle pour leurs enfants.

Certains idéologues ne sont pas à l'aise devant l'image d'un Québec religieux, ne se sentent pas modernes devant des enseignements basés sur la foi chrétienne ou devant des écoles qui s'identifient à une Église. Mais leurs préoccupations ne reflètent pas le choix de la très grande majorité des parents de la province. Ils voudraient donc imposer leurs vues à l'ensemble de la population, privant les parents, à leur insu, du droit d'éduquer leurs enfants dans la religion chrétienne, les privant d'avoir des institutions scolaires qui reflètent leurs valeurs et leur adhésion religieuse en leur enlevant leurs droits constitutionnels.

Troisième point: le droit reconnu à la confessionnalité. Ici, je voudrais souligner que ce n'est pas au gouvernement, aux politiciens, aux chefs religieux ou même aux enseignants de juger si les parents et les enfants méritent d'avoir des écoles confessionnelles et de l'enseignement religieux. On entend invoquer des raisons telles que: les enfants ne savent pas faire leur signe de croix quand ils arrivent à l'école, ou encore les enfants font leur première communion puis on ne les revoit pas à la messe, ou encore les parents ne pratiquent pas et ne connaissent pas leur foi. Peu importe que cela soit vrai ou non. Tant que les parents choisiront le caractère confessionnel pour leurs écoles et l'enseignement que leurs enfants y reçoivent, il ne revient pas à quiconque de leur enlever ce droit acquis par leurs ancêtres et exercé sans interruption depuis.

Les parents ont le jugement et la responsabilité nécessaires pour choisir dans ce domaine. D'ailleurs, l'Église catholique reconnaît que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, que tous les autres éducateurs le sont par subsidiarité et donc qu'ils doivent respecter l'orientation éducative donnée par les parents. Ils affirment, de plus, que l'État est tenu de leur accorder des écoles en accord avec leur foi.

Les évêques du Québec ont toujours maintenu le droit des parents à des écoles confessionnelles et à l'enseignement religieux catholique. L'exercice de ce droit à l'intérieur du système public au Québec n'est possible que grâce à l'article 93 de la Constitution.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Morse-Chevrier, puis-je vous demander de conclure le plus rapidement possible de façon à ce que les membres du comité aient le temps de vous poser des questions?

Mme Jean Morse-Chevrier: D'accord. Alors, voulez-vous que je résume?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Que vous résumiez le reste de votre présentation.

Mme Jean Morse-Chevrier: Eh bien, je vais lire le prochain paragraphe parce qu'il est assez important.

Le coprésident (M. Denis Paradis): D'accord.

Mme Jean Morse-Chevrier: Comme le dit mon associé, étant donné que vous n'avez pas reçu le mémoire, il serait important que vous l'entendiez au complet.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous avions attribué environ 40 minutes à chaque groupe. Si on veut que les membres du comité puissent vous poser des questions, il serait apprécié que vous résumiez les principaux points de votre mémoire.

Mme Jean Morse-Chevrier: Donc, en effet, sans l'article 93, les écoles publiques catholiques et protestantes, même si elles reflètent le choix et les convictions religieuses de la grande majorité de la population, seraient considérées discriminatoires en fonction de la Charte canadienne des droits et libertés, articles 2 et 15, et ne pourraient donc pas continuer à exister sans des dispositions spéciales pour les soustraire à la Charte telles que la clause dérogatoire.

Déjà le Québec sent le besoin d'invoquer cette clause pour protéger les pratiques confessionnelles scolaires dans les écoles qui ne sont pas explicitement couvertes par l'article 93. Il est donc évident que le besoin en serait d'autant plus grand si l'ensemble des écoles n'était plus couvert par cette protection constitutionnelle.

La Charte, quand elle a été introduite en 1982, comportait un article, l'article 29, qui entérinait les protections constitutionnelles contenues dans l'article 93. Cela indiquait donc une volonté politique, en 1982, d'appuyer ces protections constitutionnelles.

• 2005

En 1982, cela démontrait donc la volonté politique d'appuyer ces protections constitutionnelles. Si les protections constitutionnelles de l'article 93 tombent, cet article 29 de la Charte canadienne deviendra, lui aussi, inopérant. La Charte, qui avait pour fonction, au moment où elle a été introduite, d'appuyer justement les croyances confessionnelles et les droits confessionnels enchâssés dans la Constitution, serait au contraire utilisée pour contrer ces droits-là.

Les articles 2 et 15 seraient donc utilisés pour aller contre les droits confessionnels constitutionnels alors que la Charte avait comme objectif premier d'appuyer ces droits confessionnels constitutionnels. À notre point de vue, cela constitue une aberration juridique, politique et constitutionnelle.

L'article 93, une protection confessionnelle catholique pour toute la province: Bien qu'on dise que ce sont surtout les villes de Québec et de Montréal qui sont protégées par rapport à l'enseignement catholique et aux écoles catholiques, il faut constater un effet d'extension de ce droit au reste de la province. Ensuite, il faut reconnaître que les villes de Montréal et de Québec regroupent à elles seules une forte proportion de la clientèle de province, catholique à plus de 50 p. 100, qui a droit, grâce à l'article 93, à des écoles catholiques.

Donc, accorder cette protection à Montréal et à Québec, c'est aussi accorder une protection à une grande partie de la population. De plus, il y a un effet d'extension en région, dans la province, parce que le gouvernement québécois serait maladroit d'accorder des écoles catholiques à Montréal et à Québec sans les accorder aux autres régions de la province.

Nous demandons aussi des commissions scolaires linguistiques partout, même avec le maintien de l'article 93. Le gouvernement du Québec a demandé cet amendement afin d'instaurer des commissions scolaires linguistiques partout. Or, cette raison n'est plus valable aujourd'hui. En effet, le gouvernement du Québec a passé la Loi 109 qui prévoit l'instauration de commissions scolaires linguistiques partout, que l'amendement de l'article 93 soit adopté ou non.

Nous considérons donc que leur demande n'est plus valable puisque le gouvernement du Québec a trouvé une solution qui satisfait à la fois l'article 93 et son propre désir d'instaurer un seul type de commission scolaire, à savoir le type non confessionnel linguistique, à travers toute la province.

Nous considérons donc que le gouvernement du Québec devrait retirer sa demande et que le gouvernement du Canada devrait en reconnaître l'invalidité par suite des changements législatifs apportés à la Loi sur l'instruction publique du Québec (Loi 109) depuis le dépôt de la résolution demandant l'amendement de l'article 93.

Le point 6 a pour objet la protection pour les écoles elles-mêmes. Nous voulons affirmer dans ce point que l'article 93 constitue bien plus une protection pour les écoles que pour les commissions scolaires.

Bien qu'on ait invoqué la raison de l'insuffisance de protection des commissions scolaires pour changer cet article, il n'en reste pas moins que, comme ce sont surtout les écoles confessionnelles qui bénéficient de cette protection, celles-ci seront menacées si on renonce à l'article 93.

Or, il est clair que l'ensemble de la population veut garder ces écoles confessionnelles. Il est clair également qu'avec l'article 93, les commissions scolaires confessionnelles tombent. Donc, ce n'est pas une protection pour les commissions scolaires confessionnelles.

Le gouvernement du Québec est tenu de mettre en place une instance administrative qu'ils appellent des comités confessionnels à l'intérieur des commissions scolaires linguistiques et qui satisfont aux exigences de la Cour suprême, qui veut que les écoles confessionnelles soient gérées et maintenues par des instances administratives, mais qui ne sont pas forcément des commissions scolaires.

On voit bien que l'article 93 protège vraiment les écoles et l'enseignement religieux et non les commissions scolaires.

Donc, renoncer à l'article 93 signifie retirer la protection de la confessionnalité aux écoles et retirer le droit à l'enseignement religieux dans les écoles. Garder l'article 93 n'enlève cependant rien aux droits du gouvernement du Québec en ce qui concerne l'établissement de commissions scolaires linguistiques. Tout au plus, cela obligera le gouvernement du Québec à mettre en place des comités confessionnels à l'intérieur des commissions scolaires linguistiques.

Je vais maintenant aborder le point faible, qui est la nécessité de la religion à l'école. Nous pensons pouvoir affirmer qu'il est tout à fait normal que les parents s'attendent à avoir un appui au niveau de l'enseignement religieux à l'école. En effet, à l'âge où ils entrent à l'école, les enfants posent beaucoup de questions d'ordre religieux, métaphysique ou philosophique. Les parents se sentent souvent désemparés devant les questions de leurs enfants et ressentent le besoin d'avoir des enseignant formés dans cette matière pour les aider.

• 2010

Ils veulent également et surtout avoir des programmes qui sont reconnus par le Comité catholique et sur lesquels ils peuvent se fier pour que leurs enfants reçoivent un enseignement valable.

Nous considérons que les enfants ont droit à cet enseignement qui constitue leur héritage chrétien. Cette éducation religieuse fait partie de l'ensemble de la formation d'une personne et peut affecter la vision du monde, de la vie, les systèmes de valeurs et, par extension, peut affecter l'ensemble des familles et l'ensemble de la société québécoise puisque c'est l'identité culturelle et religieuse d'un peuple qui est en cause.

Le point 8 a pour objet le caractère vraiment catholique des écoles. Il y en a qui prétendent que les écoles, de toute façon, ne sont plus vraiment catholiques. Il est vrai qu'on a évacué beaucoup de manifestations religieuses des écoles, mais il n'en reste pas moins que les enfants reçoivent plusieurs heures d'enseignement religieux chaque année sur une période de 11 ans. Ils ont aussi droit à des services de pastorale qui résultent d'une collaboration entre les écoles, les paroisses et les diocèses, et qui donnent aux enfants les éléments essentiels de la foi chrétienne et catholique. Par conséquent, retirer ces droits constitutionnels, c'est mettre en péril ces programmes et services jugés fondamentaux.

En conclusion, l'amendement de l'article 93 n'est pas nécessaire pour l'instauration des commissions scolaires linguistiques partout dans la province. Par contre, le retrait des protections constitutionnelles confessionnelles de la province de Québec aurait pour effet d'entraîner la perte du statut confessionnel des écoles, des programmes d'enseignement religieux et des services de pastorale.

Or, les parents du Québec tiennent à ces droits qui sont tout à fait légitimes. Ils le manifestent dans leurs actes, chaque fois qu'ils votent en faveur du statut confessionnel de leurs écoles ou en faveur de l'enseignement religieux pour leurs enfants.

Nous considérons donc que vous, membres du gouvernement canadien, avez une responsabilité de législateur envers chacun des citoyens du pays et envers chacun des citoyens du Québec. Vous n'avez pas de responsabilité envers le gouvernement du Québec. Les députés fédéraux ne sont pas élus par le gouvernement du Québec. Ils sont élus par les citoyens du Québec. Donc, ils sont directement responsables envers nous, les parents, et envers les enfants qui sont les futurs électeurs.

Nous vous incitons donc à résister aux pressions du gouvernement québécois qui veut changer la Constitution et nous enlever ces droits constitutionnels qui ont été acquis par nos ancêtres. Vous préserverez le caractère démocratique de notre pays en gardant ces protections enchâssées dans la Constitution.

Je vous remercie de votre attention.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, madame Morse-Chevrier.

[Traduction]

Nous passons à la première intervention de M. Jason Kenney.

M. Jason Kenney: Merci.

Madame, comme vous le savez, les personnes qui ont proposé l'amendement ont affirmé que l'accès au système scolaire confessionnel avait été confirmé par l'inclusion de la clause dérogatoire dans la Loi 109 et que, par conséquent, cet amendement ne diminuait en rien les droits des écoles confessionnelles. C'est par exemple ce qu'a dit le groupe qui a témoigné tout juste avant vous et que vous avez entendu.

Que pensez-vous de l'affirmation selon laquelle la protection garantie par l'article 93 est superflue parce que la clause dérogatoire peut être invoquée en vertu de la Loi 109?

Mme Jean Morse-Chevrier: Laissez-moi tout d'abord vous dire que, en 1994, à savoir la dernière fois que la clause dérogatoire a été invoquée par le gouvernement du Québec, le groupe de parents ici présent, qui représente d'autres parents de cette région, a fait de nombreuses démarches auprès du gouvernement provincial pour que celui-ci invoque une nouvelle fois la clause dérogatoire dans le but de protéger les droits confessionnels à l'extérieur de Montréal et de Québec.

Des milliers de fax ont été envoyés au gouvernement provincial. À cette époque, même le gouvernement libéral ne semblait pas prêt à invoquer la clause dérogatoire et le Parti québécois s'y est opposé en bloc. Aujourd'hui, les députés de ce même Parti québécois nous disent qu'ils sont en faveur des écoles confessionnelles. Je ne les ai pourtant pas entendu dire qu'ils allaient invoquer la clause dérogatoire, mais ils affirment être en faveur de maintenir les écoles confessionnelles. Nous émettons certains doutes à cet égard.

On peut se pencher sur d'autres questions, par exemple les droits linguistiques des francophones de l'Ontario. Selon les journalistes, les droits linguistiques des Franco-Ontariens devraient être inscrits dans la Constitution. Pourtant, au Québec, on tente de se débarrasser des droits confessionnels, ce qui est tout à fait le contraire.

• 2015

Même dans le cas de la décision rendue concernant la Loi sur la consultation populaire, j'ai entendu à la radio, hier, que la clause dérogatoire ne devrait être invoquée que dans une «situation grave» et à titre exceptionnel. Nos droits sont inscrits dans la Constitution et nous ne devrions pas les éliminer et invoquer chaque fois la clause dérogatoire.

Les parents seraient chaque fois obligés d'exercer des pressions. Ce n'est pas si facile que cela parce que, en tant que parents, nous devons constamment passer par l'école. Et qui contrôle l'école? Le ministère de l'Éducation, donc le gouvernement. Si le gouvernement ne veut pas recourir à la clause dérogatoire, il sera très difficile pour un parent de distribuer par exemple des documents dans toute l'école afin de demander aux personnes intéressées d'exercer des pressions en faveur de la clause dérogatoire si le ministère ou le gouvernement ne sont pas de cet avis. S'ils partagent votre avis, tout va bien, mais dans le cas contraire, il n'y a pas mille solutions.

M. Jason Kenney: Comme vous le savez, le ministre Dion et le gouvernement fédéral ont affirmé qu'il y avait un très large consensus social en faveur de l'amendement proposé. Aux fins du compte rendu, pourriez-vous me dire si votre groupe ou d'autres groupes semblables ont été consultés par l'Assemblée nationale du Québec lorsqu'elle a examiné cet amendement? Dans quelle mesure ce prétendu consensus existe-t-il vraiment au Québec?

Mme Jean Morse-Chevrier: Je tiens d'abord à préciser que le groupe que je représente a été formé le 22 avril, soit après que le gouvernement du Québec a présenté sa demande.

Un certain nombre de personnes ici présentes ont soumis, dans le cadre des états généraux de l'éducation, un mémoire au gouvernement du Québec au sujet de la confessionnalité des écoles, mais elles l'ont fait en tant que membres d'autres organisations. Nous savons qu'une pétition de 235 000 noms a été présentée et que le gouvernement du Québec n'a jamais été disponible pour recevoir de parents québécois une pétition qui stipule expressément qu'ils sont contre l'amendement à l'article 93.

Toutefois, ce que j'aimerais souligner, c'est que même si des milliers d'entre nous ne sont pas présents ici même et que nous représentons seulement un petit groupe de parents québécois, je soutiens que 99 p. 100 des parents de cette province ne se rendent pas compte qu'en perdant la protection accordée en vertu de l'article 93, ils risquent de perdre les écoles catholiques.

La seule chose, à une ou deux exceptions près, que les journaux francophones ont signalé pendant que le débat se déroulait à l'Assemblée nationale, c'était la question de savoir si les droits des anglophones seraient ou non respectés et s'il y aurait ou non des commissions scolaires anglophones. Il n'a jamais été question du statut confessionnel des écoles, de l'enseignement religieux dispensé ni des répercussions qu'un amendement à la Constitution pourrait avoir sur ces droits.

Il suffit de parler à n'importe quel parent pour constater qu'il n'est pas bien informé. Pour ces parents, c'est tout simplement une question de commission scolaire linguistique. La menace que cet amendement fait peser sur les écoles catholiques et sur l'enseignement catholique ne les préoccupe même pas. Si l'on procédait aujourd'hui à un sondage parmi les Québécois, il est probable qu'ils répondraient seulement en fonction des commissions scolaires linguistiques et que leur vote dépendrait de la façon dont la question est posée.

Quoi qu'il en soit, le fait demeure que les parents québécois font savoir chaque année ce qu'ils souhaitent pour leurs enfants. Le suivi dont a parlé le groupe précédent nous intéresse beaucoup, parce qu'il a précisé que les écoles québécoises devront indiquer ce que sera leur statut dans deux ans.

[Français]

La ministre de l'Éducation, Pauline Marois, a dit que dans deux ans, les écoles devront justifier la signification de leur confessionnalité, et on a vu, avec le groupe précédent, comment cela se ferait. Ce n'est pas clair, mais on a mentionné les conseils d'établissement qui vont remplacer les comités d'école et les conseils d'orientation présentement en place dans les écoles, et qui doivent se prononcer sur le statut confessionnel des écoles. Or, les conseils d'établissement ne sont pas formés en majorité de parents. Les parents constituent, au maximum, seulement la moitié des membres des conseils d'établissement.

Donc, même par le biais des conseils d'établissement, ce ne sont pas vraiment les parents qui vont se prononcer sur le statut confessionnel des écoles. Par contre, si on fait voter tous les parents de l'école, c'est autre chose. Actuellement, les parents ne sont pas obligés de voter tous les cinq ans sur le statut confessionnel de l'école. Ils ont le choix, s'ils le veulent, de changer leur statut confessionnel. Ce serait donc une nouvelle pression exercée sur les parents que de leur imposer de justifier leur confessionnalité et de les obliger à voter sur cette confessionnalité, peut-être par le biais de conseils d'établissement où ils ne sont même pas majoritaires. Entre-temps, on met sur pied des comités d'experts pour décider de la place de l'éducation religieuse dans les écoles.

• 2020

On voit bien que l'objectif est de miner tranquillement tous les droits confessionnels à l'intérieur du système scolaire. D'ailleurs, Mme la ministre Pauline Marois a dit à la commission parlementaire, en réponse à l'un des intervenants, qu'elle était d'accord avec l'intervenant qui favorisait la laïcisation complète du système scolaire. On sait aussi que le Parti québécois, dans sa politique par rapport à l'éducation, est depuis longtemps en faveur de la laïcisation du système scolaire. Il n'est donc pas tellement étonnant qu'il prenne des mesures pour atteindre son but.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci. Le sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: L'article 93 dit, dans un premier temps, que la province a compétence exclusive en matière d'éducation.

Dans un deuxième temps, l'article 93, dans les paragraphes (1), (2), (3) et (4), dit que les droits confessionnels qui existaient au moment de la Confédération demeurent et que toutes les lois provinciales du Québec en matière d'éducation doivent respecter les droits et privilèges confessionnels. Ce sont des droits collectifs, ce qui est très rare dans notre Constitution canadienne. Il y en a seulement deux qui sont collectifs: ce sont les droits des aborigènes et les droits des groupes catholiques et protestants.

Dans un troisième temps, la Charte canadienne des droits et libertés ne s'applique pas parce que l'article 93 est un code en lui-même et que les garanties confessionnelles ne sont pas sujettes à la Charte des droits et libertés.

D'autre part, si je comprends bien votre point de vue qui est tout à fait respectable, vous dites: c'est le système que nous voulons et, en conséquence, vous devez voter contre la résolution qui est devant vous. Est-ce que c'est bien cela?

Mme Jean Morse-Chevrier: Oui. De toute façon, le système tel que le ministère le propose prévoit le statut confessionnel des écoles et des instances administratives appelées des comités confessionnels, et il satisfait par là aux exigences de la Cour suprême. Nous considérons donc que c'est une loi qui permet de fonctionner au niveau de la confessionnalité.

Le sénateur Gérald Beaudoin: L'article 93, tel qu'il est rédigé et tel qu'il est interprété par la Cour suprême du Canada dans des arrêts qui sont rendus quasiment chaque année, répond aux besoins des Québécois en général.

Mme Jean Morse-Chevrier: Oui.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Sur le plan linguistique, est-ce que vous êtes pour ou contre les écoles basées sur la langue? Ce que vous dites sur les droits confessionnels, c'est très clair: vous êtes pour le système actuel. Mais sur le plan de la langue, le français et l'anglais?

Mme Jean Morse-Chevrier: Une division linguistique?

Le sénateur Gérald Beaudoin: Est-ce que vous avez des points de vue là-dessus?

Mme Jean Morse-Chevrier: Non. Notre groupe ne s'est pas prononcé sur cette question-là et personnellement, je ne me sens pas en mesure d'y répondre.

Je vois que jusqu'ici, il y a eu une division des écoles en fonction de la langue et que cela fonctionnait bien. Mais je ne vois pas exactement où vous voulez en venir en posant cette question.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je veux tout simplement savoir ce que vous voulez. Ça me paraît très clair.

Mme Jean Morse-Chevrier: Oui.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Sur le plan linguistique, est-ce que vous n'avez pas de préoccupation particulière?

Mme Jean Morse-Chevrier: Si on prend l'exemple de l'Ontario, où il y a un système francophone catholique, francophone public, anglophone catholique, et anglophone non catholique, il me semble qu'il est clair que l'on peut avoir un choix. Je ne dis pas qu'il faut absolument prendre modèle sur l'Ontario, mais on trouve qu'une division en fonction de la langue, ça peut être pratique.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Cela étant dit, je peux très bien comprendre ce point de vue qui se défend très très bien. Il y a cependant deux ou trois thèses en présence et il nous faut choisir.

La dernière, c'est qu'en 1867, l'article 93 répondait, je crois, très bien aux besoins des provinces de l'époque. Aujourd'hui, évidemment, la société est devenue plus pluraliste, et les autres religions se disent que si les catholiques et les protestants ont des droits confessionnels, il n'y a pas de raison pour qu'elles n'en aient pas elles aussi.

• 2055

Je pense que, dans l'optique du droit confessionnel, si on privilégie certains groupes catholiques et religieux, il faut aussi protéger les autres.

Mme Jean Morse-Chevrier: Pour répondre à cela...

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je parle par exemple des juifs, des groupes ethniques, etc.

Mme Jean Morse-Chevrier: Mais est-ce qu'il y a quelque chose présentement dans la loi qui empêche d'avoir des écoles confessionnelles suivant d'autres religions?

Le sénateur Gérald Beaudoin: Non, il est écrit très clairement qu'on peut avoir des écoles islamiques, juives, bouddhistes, etc. Mais les deux seuls groupes qui ont des droits confessionnels, ce sont les catholiques et les protestants.

Mme Jean Morse-Chevrier: Oui, mais rien n'empêche les autres d'exercer un tel droit.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui.

Mme Jean Morse-Chevrier: D'autre part, l'Église catholique déclare que l'État a le devoir de satisfaire aux demandes des parents qui veulent avoir des écoles qui respectent leur foi catholique et qui veulent les maintenir et les gérer. Je pense que cette position de l'Église est en accord avec la position que nous avons présentement au Québec, avec la Constitution et la Charte telles qu'elles sont et telles qu'elles sont exercées et pratiquées présentement.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je vous suis très, très bien là-dessus.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Beaudoin, avec votre permission...

Le sénateur Gérald Beaudoin: Juste une minute. Il faut tout de même que l'État, à un moment donné, se dise que s'il respecte les droits confessionnels des catholiques et des protestants—d'après vous, c'est clairement ce que le peuple veut—, pourquoi ne protégerait-il pas aussi les droits religieux des autres religions, au nom de la justice?

Mme Jean Morse-Chevrier: Oui, mais comme je vous disais...

Le sénateur Gérald Beaudoin: Et ils peuvent le faire!

Mme Jean Morse-Chevrier: D'ailleurs, c'est aussi la position de l'Église qui est favorable à un système scolaire pluraliste. L'Église est contre le monopole scolaire. L'Église favorise un choix à ce niveau-là pour que les gens puissent vraiment pratiquer leurs valeurs religieuses à l'intérieur non seulement de la famille mais aussi de leurs institutions.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Votre conclusion est claire: le système actuel est fondamentalement bon; il répond aux besoins fondamentaux et on le garde.

Mme Jean Morse-Chevrier: Voilà.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, sénateur Beaudoin.

Mme Jean Morse-Chevrier: Et cela respecte les désirs de la population.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Réal Ménard.

M. Réal Ménard: Bonjour mesdames, messieurs. Je veux saluer les parents qui sont avec vous.

Je ne vous cacherai pas que je suis plutôt en désaccord, en toute amitié, sur le point de vue que vous avez exprimé. Il me semble que vous avez mal rendu compte des racines historiques de ce débat dans la société québécoise. J'ai cru, au début, que vous étiez un regroupement québécois, mais vous êtes sans doute plutôt un regroupement pancanadien, ce qui n'enlève rien au mérite de vos arguments, mais j'aimerais que vous me le précisiez.

Mme Jean Morse-Chevrier: On n'est pas un groupe pancanadien.

M. Réal Ménard: Vous êtes un groupe québécois?

Mme Jean Morse-Chevrier: Nous sommes tout simplement un groupe québécois régional, de la région de l'ouest du Québec.

M. Réal Ménard: Alors, vous représentez des parents québécois.

Mme Jean Morse-Chevrier: C'est ça.

M. Réal Ménard: Quand vous dites que les parents, à 99 p. 100, ne sont pas toujours informés et que vous avez le sentiment qu'une majorité de parents est derrière vous, je veux bien le croire, mais vous devez savoir que le témoin précédent, avec des chiffres à l'appui, nous a dit exactement le contraire. Donc, vous convenez que la Fédération des comités de parents, une fédération québécoise, s'est déclarée d'accord sur l'amendement qui est devant nous.

Mme Jean Morse-Chevrier: Oui, mais je pense qu'ils n'ont pas dit que les parents étaient informés sur la menace que l'amendement représente pour les écoles.

M. Réal Ménard: Ce n'est pas ma question.

Mme Jean Morse-Chevrier: C'est ce que j'ai dit.

M. Réal Ménard: Oui, d'accord.

Mme Jean Morse-Chevrier: Je n'ai pas dit que les parents étaient mal informés sur tout.

M. Réal Ménard: Vous dites que ça représente une menace pour les écoles, et c'est un jugement de valeur que je comprends parce qu'il est conforme avec votre position, que je respecte. Cependant, vous devez admettre que présentement, à l'instant où on se parle, au Québec, il y a des corps très significatifs, y compris des fédérations de parents, qui sont d'accord sur la résolution.

Un autre intervenant significatif que je porte à votre attention est l'Assemblée des évêques du Québec, qui est assez importante.

Mme Jean Morse-Chevrier: Que dit l'Assemblée des évêques du Québec?

M. Réal Ménard: Ils disent qu'ils sont pour l'établissement de commissions scolaires sur des bases linguistiques. La question que je veux vous poser...

Mme Jean Morse-Chevrier: Nous ne sommes pas contre non plus.

M. Réal Ménard: Oui, mais regardez...

Mme Jean Morse-Chevrier: On n'est pas contre non plus.

M. Réal Ménard: Je veux quand même vous poser une question. Personnellement, je reconnais le droit à tout individu—et je vais me battre pour cela, soyez-en sûre—de pratiquer sa religion. Chacun a le droit d'avoir sa foi. Le sénateur Beaudoin nous a fait valoir qu'on est dans une société beaucoup plus pluraliste qu'au XIXe siècle, et on s'entend là-dessus. Le monde religieux est plus complexe et on a un certain nombre de dénominations qui n'étaient pas représentées.

Mais je ne suis pas très bien votre raisonnement et je ne suis pas d'accord—et je crois que mon parti sera du même avis—quand vous dites que le fait d'avoir des commissions scolaires linguistiques va vous empêcher de professer votre foi et d'avoir un projet religieux catholique ou protestant dans les écoles. En quoi cela va-t-il vous gêner? Bien sûr, ce n'est plus une garantie constitutionnelle.

Je vous laisse maintenant réagir.

• 2030

Mme Jean Morse-Chevrier: On n'a pas dit qu'on était contre les commissions scolaires linguistiques. On a dit qu'on était contre l'amendement de l'article 93. Avec l'article 93, vous pouvez avoir des commissions scolaires linguistiques.

M. Réal Ménard: Difficilement, parce que cela donnera un réseau scolaire incohérent. Cela signifiera la superposition au minimum de quatre ou peut-être six commissions scolaires. C'est ce que cela signifie.

Mme Jean Morse-Chevrier: Mais vous avez présenté une loi, la Loi 109, qui prévoit des commissions scolaires linguistiques avec des comités confessionnels et des écoles à statut catholique.

M. Réal Ménard: C'est-à-dire que ce que la loi prévoit...

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Ménard, c'est votre dernière intervention.

M. Réal Ménard: Je termine là-dessus. Vous avez été pas mal plus généreux pour l'intervenant précédent, monsieur le président.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Ma générosité va s'appliquer à la fin de votre intervention.

M. Réal Ménard: C'est-à-dire que la loi prévoit la possibilité, pour des parents qui vont se manifester dans ce sens-là, d'avoir un projet d'école à caractère confessionnel et que ce projet-là soit validé dans les trois ans qui suivent. Je trouve cela très correct.

Je suis d'accord avec vous quand vous dites qu'une majorité de parents veulent voir des références religieuses dans les écoles. On le voit dans les sondages publics et je suis d'accord avec vous. Mais cela ne passe pas par le droit d'avoir une commission scolaire confessionnelle. C'est cela, la grande différence.

Mme Jean Morse-Chevrier: Mais ce n'est pas ce sujet qui est sur la table.

M. Réal Ménard: Si, c'est ce qui est sur la table.

Mme Jean Morse-Chevrier: Vous n'avez pas à voter sur le fait que les commissions scolaires vont être linguistiques ou confessionnelles. Vous avez juste à voter sur le fait d'abroger ou non l'article 93.

M. Réal Ménard: C'est la conséquence.

Mme Jean Morse-Chevrier: L'application au niveau de la province relève de la province et pas du Canada.

Le coprésident (M. Denis Paradis): M. Ménard ne saisit pas le débat.

M. Réal Ménard: La conséquence—et je termine là-dessus, monsieur le président, parce que vous êtes toujours plus sévère avec moi—la conséquence, c'est qu'il va y avoir l'établissement de commissions scolaires linguistiques au Québec. C'est ça, la conséquence du vote que nous allons avoir.

Mme Jean Morse-Chevrier: De toute façon, vous pouvez les avoir, que vous gardiez l'article 93 ou non. Vous en avez donné la preuve vous-mêmes en introduisant—pas vous, personnellement, mais tous ceux qui pensent comme vous—la Loi 109.

La Fédération des comités de parents, qui a comparu un peu plus tôt, comme les évêques et même l'Assemblée nationale, ont-ils considéré les effets de l'amendement de l'article 93? Cela a été proposé en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés et même en vertu de l'article 41 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Claude Filion a d'ailleurs dit qu'il considérait que l'article 41 ne protégeait pas l'enseignement religieux dans les écoles et pouvait même agir à son encontre, de la même façon que la Charte canadienne des droits et libertés, à savoir que l'on doit accorder un enseignement religieux conforme à chaque confession si on veut l'accorder aux catholiques et aux protestants.

M. Réal Ménard: C'est vrai.

Mme Jean Morse-Chevrier: Par conséquent, va-t-il y avoir tout un choix d'écoles ou bien cela va-t-il rendre l'école laïque? En fait, l'école risque de devenir laïque.

M. Réal Ménard: Nous sommes d'accord.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Ménard. On va passer au prochain intervenant, Mauril Bélanger.

M. Mauril Bélanger: J'ai deux questions à vous poser auxquelles vous pourrez répondre dans l'ordre qui vous conviendra. Je vous remercie beaucoup de votre présentation, madame Morse-Chevrier.

Je vais d'abord revenir un peu sur ce que M. Ménard a soulevé. Je vais citer le texte d'une lettre qui nous a été remise hier par M. Dion, datée du 30 septembre 1997 et signée par l'évêque de Baie-Comeau qui est le président de l'Assemblée des évêques du Québec, Pierre Morissette. Je vais lire tout le paragraphe pour que vous vous situiez.

    Nous ne nous sommes pas prononcés, cependant, sur le ou les moyens à prendre pour opérer ce changement. Les discussions actuelles portent sur des modifications à l'art. 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Il nous faut ici préciser que notre Assemblée n'a jamais milité en faveur de l'abrogation de l'art. 93. Nous savons que d'autres moyens que ceux que vise l'art. 93 auraient pu rendre possible le changement souhaité. Notre Assemblée ne s'est pas opposée toutefois au choix menant à modifier l'art. 93. Notre conviction a toujours été que le choix des moyens était la responsabilité des instances politiques.

J'aimerais que vous nous expliquiez comment vous vous situez par rapport à cette déclaration qui émane de l'Assemblée des évêques du Québec. C'est ma première question.

Mme Jean Morse-Chevrier: J'aimerais juste voir si on se comprend sur ce qu'ils disent.

M. Mauril Bélanger: Ils disent qu'ils ne sont ni pour ni contre l'amendement de l'article 93, si je comprends bien.

Mme Jean Morse-Chevrier: D'accord. Donc, ils laissent cela aux instances politiques.

M. Mauril Bélanger: C'est ça, aux instances politiques.

Mme Jean Morse-Chevrier: D'accord.

M. Mauril Bélanger: D'ailleurs, on pourra vous donner une copie de la lettre, si vous voulez.

Mme Jean Morse-Chevrier: Merci.

M. Mauril Bélanger: J'en viens à la deuxième question. J'aimerais que vous me parliez un peu de votre organisme parce que je ne savais pas qu'il avait été formé après le 22 avril. Qui êtes-vous? Combien de membres représentez-vous? Comment vous êtes-vous formés, etc.? Merci.

Mme Jean Morse-Chevrier: Je vais répondre à la deuxième question d'abord, parce que c'est la plus facile.

• 2035

Nous nous sommes formés tout simplement, de façon assez spontanée. On a fait une réunion publique et on a invité les parents de la région qui réagissaient à la demande du Québec.

À cette réunion publique, on a voté une résolution dans le but de demander au gouvernement du Canada de maintenir l'article 93. À partir de ce moment, on a essayé d'obtenir le plus d'information possible auprès des avocats pour savoir de quelle façon cela affecterait les écoles catholiques et l'enseignement religieux. C'était ce qui intéressait principalement les parents.

M. Mauril Bélanger: Vous avez combien de personnes dans votre groupe?

Mme Jean Morse-Chevrier: Au départ, nous étions 45 citoyens à former ce comité-là.

M. Mauril Bélanger: Merci.

Mme Jean Morse-Chevrier: Et pour répondre à la question sur la position des évêques, nous respectons le fait qu'ils laissent cela aux législateurs. Je pense qu'ils ont rendu leur position claire. Ils veulent avoir des écoles catholiques et de l'enseignement religieux dans les écoles. Ce ne sont pas des législateurs, mais des chefs religieux qui défendent les droits qui sont à la base des exigences de l'Église catholique.

Si on considère les documents de l'Église catholique à partir de Vatican II, elle ne dit pas qu'il faut avoir des commissions scolaires confessionnelles, mais elle dit clairement qu'il faut avoir des écoles confessionnelles et les moyens de les gérer et de les maintenir, et qu'il faut aussi qu'il y ait des fonds publics qui participent au maintien de ces écoles.

L'État a le devoir de s'assurer que les subsides arrivent, que l'enseignement religieux et le statut d'école catholique soient respectés. Je pense donc que les évêques, dans leur position de base, reflètent tout à fait les préoccupations de l'Église. L'Église dit aussi qu'il faut un pluralisme scolaire, et je pense que les évêques respectent cette idée en acceptant la formation de commissions scolaires linguistiques.

D'autre part, Mgr Turcotte nous a dit, dans une assemblée de parents où j'étais, que c'était aux parents de faire sur la place publique les revendications nécessaires concernant les droits civils pour maintenir les écoles catholiques et qu'il ne fallait pas que nous attendions que l'Église vienne nous appuyer à chaque tournant, parce que nous devions prendre nos responsabilités. Cela aussi, c'est la position de l'Église.

En tant que parents, on a le devoir de défendre l'école catholique. C'est ce que nous faisons aujourd'hui, et je ne vois absolument aucune contradiction entre notre position et celle des évêques.

M. Mauril Bélanger: Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Bélanger. Yvon Godin.

M. Yvon Godin: Je voudrais d'abord féliciter Mme Chevrier et M. LaPrairie ainsi que les parents qui sont ici ce soir.

Je pense que cette réunion est très importante pour nous, d'autant plus qu'il n'y a pas eu de tournée dans le Québec. Je dois dire que vous avez éveillé notre intérêt et que je suis très heureux de pouvoir discuter avec les groupes et les personnes qui sont dans l'audience.

J'ai déjà demandé tantôt à un groupe comment il avait fait pour rejoindre les parents et s'il avait déjà eu la chance de s'exprimer devant un comité. Ce qui n'est pas clair à mes yeux, c'est qu'il y a eu une pétition signée par 165 000 personnes seulement alors qu'il y a une population de 6 millions de personnes.

Vous qui êtes des parents, pouvez-vous m'expliquer comment vous avez été approchés et me dire si vous avez eu la chance de vous exprimer dans vos comités de parents pour dire que vous étiez pour ou contre?

Mme Jean Morse-Chevrier: En tout cas, pas en ce qui concerne l'amendement 93, parce que le sujet n'a jamais été mis sur la place publique. Donc, de ce point de vue-là, comme parents, bien qu'il n'y ait pas eu de contradiction entre notre position et celle des évêques, il nous aurait été beaucoup plus facile de rejoindre d'autres groupes de parents pour faire connaître les enjeux des catholiques si les évêques avaient clairement pris une position qui allait dans le même sens que la nôtre.

Si les évêques avaient dit clairement que l'amendement de l'article 93 menaçait les écoles catholiques, il aurait alors été possible, par le biais des paroisses, des écoles catholiques, des groupes catholiques, des instructions religieuses et des ordres religieux, de rejoindre la population catholique et de la sensibiliser à ce sujet. Mais sans une prise de position claire des évêques, c'était très difficile.

• 2040

Quand les évêques n'adoptent pas une position claire, il est très difficile d'agir en tant que laïques catholiques au Québec. Je parle en particulier du Québec, parce que ça peut être différent dans un autre contexte culturel. Mais au Québec, les chefs religieux ont une grande importance.

Il est donc difficile de mobiliser la population catholique et de la sensibiliser au danger que représente cette question dans le contexte religieux de l'Église présentement. Je pense qu'il reste un gros travail d'information et d'éducation à faire. Je pense également qu'un débat est nécessaire. J'ai personnellement consulté des experts en matière scolaire constitutionnelle confessionnelle en Alberta et en Ontario, et j'ai consulté aussi des avocats au Québec. Nous pensons que nos avis juridiques sont bien fondés. Il nous apparaît donc nécessaire qu'il y ait un débat sur la place publique concernant les dangers réels que nous encourons.

M. Yvon Godin: Peut-être faudra-t-il que le débat se fasse. Je crois avoir compris que vous êtes un groupe qui représente 35 000 personnes. C'est exact?

Mme Jean Morse-Chevrier: Pas exactement. Notre groupe est un groupe local, mais nous nous sommes joints à la Coalition pour la confessionnalité scolaire qui représente un plus grand nombre de personnes. Je sais qu'ils vont faire une présentation devant votre comité et je ne vais donc pas parler pour eux.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Godin.

Madame la sénatrice Lavoie-Roux.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Merci d'être venus. Je dois dire que vous êtes très éloquents.

Vous nous avez dit que vous vous êtes joints à la Coalition. Est-ce que c'est l'Association des parents catholiques?

Mme Jean Morse-Chevrier: Plusieurs membres font partie de la Coalition pour la confessionnalité scolaire. L'Association des parents catholiques du Québec en fait partie ainsi que le Mouvement scolaire confessionnel et les Juristes catholiques du Québec. Je ne connais pas tous les organismes qui en font partie. Nous en faisons partie; la Table de concertation protestante pour l'éducation en fait partie. C'est une coalition de groupes au Québec.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: D'accord. Il me semble, monsieur le président, qu'on mêle toujours la déconfessionnalisation des commissions scolaires et l'école. Je pense qu'au départ, il faudrait faire une distinction. Je ne généraliserais pas et vous me corrigerez si j'ai tort, mes chers collègues, mais il me semble que les objections qu'on a entendues n'étaient jamais vis-à-vis de la déconfessionnalisation des commissions scolaires, de la structure administrative, mais bien davantage vis-à-vis de l'école. Est-ce que c'est votre cas?

Mme Jean Morse-Chevrier: Oui, c'est notre cas. C'est toujours ce problème qui concerne les parents. La commission scolaire est une institution administrative dans la mesure où on a un certain contrôle sur nos écoles, sur les fonds qui vont aux écoles et sur la gestion des écoles évidemment. On aimerait mieux avoir plus de contrôle sur l'embauche des enseignants, mais dans le système actuel, nous avons la gestion, le maintien et le contrôle des écoles, ce qui représente un certain pouvoir pour les catholiques dans leurs propres écoles. C'est suffisant.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Je n'ai pas été bien longue et je vous demanderais de me laisser poser encore une petite question.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Une petite dernière, madame la sénatrice.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Compte tenu de ce qu'on nous a dit, il semble que le statut confessionnel de toutes les écoles ne changerait pas pendant deux ans. Est-ce que vous avez compris la même chose de la part du gouvernement du Québec?

Mme Jean Morse-Chevrier: J'ai compris cela aussi, mais même en ayant dit cela, si l'article 93 est abrogé, il y aura aussitôt une cause portée devant la cour et la situation changera avant deux ans. Je me base sur ce qui s'est passé en Ontario avec l'arrêt Zilberberg de 1988 et l'arrêt Canadian Civil Liberties Association de 1990 , qui sont des causes où on a protesté contre le fait qu'il y avait des pratiques religieuses et de l'enseignement religieux dans les écoles uniquement pour les catholiques. On a conclu que c'était effectivement aller à l'encontre de la Charte mais qu'il y avait l'article 93 pour les protéger. Aussitôt que l'article 93 sera abrogé, il n'y aura plus aucune protection.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame la sénatrice, nous devons passer à l'intervenant suivant, Paul DeVillers.

• 2045

M. Paul DeVillers: Je voudrais revenir à la question des évêques. Puisque l'Assemblée des évêques se dit satisfaite des mesures ou garanties qui sont en place au Québec pour protéger l'enseignement religieux, pourquoi votre groupe ou vous-mêmes ne l'êtes-vous pas?

Mme Jean Morse-Chevrier: Je ne suis pas sûre qu'ils ont dit qu'ils étaient satisfaits des protections qu'ils auraient sans l'article 93, sinon ils seraient d'accord.

M. Paul DeVillers: J'ai cru comprendre que c'est ce qu'ils disaient, qu'ils sont satisfaits des dispositions de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés et de l'article 41 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Ils se disent satisfaits.

Mme Jean Morse-Chevrier: D'accord. Je n'étais pas à la conférence de presse vendredi passé, mais les journalistes et autres personnes présentes ont rapporté que Mgr Turcotte aurait dit que nous verrons avec le temps comment ça se déroulera quand on a soulevé les objections des positions juridiques. Justement, sur quoi se basent-ils, au niveau juridique, pour dire que l'article 41 et la Charte canadienne des droits et libertés...

M. Paul DeVillers: Et la Loi 109, la Loi sur l'instruction publique.

Mme Jean Morse-Chevrier: .. leur offriraient une protection? D'après ce que j'en sais, Mgr Turcotte a reconnu que les avis juridiques étaient partagés à cet égard lors de la conférence de presse de vendredi.

M. Paul DeVillers: C'est assez clair qu'ils sont satisfaits de la Loi 109, de l'article 41 de la Charte québécoise et de l'article 23 de la Charte canadienne.

Mme Jean Morse-Chevrier: Mais sur quels avis juridiques clairs se basent-ils pour dire cela?

M. Paul DeVillers: Je me pose cette question parce que ce sont quand même eux, les chefs religieux.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Vous nous parlez d'avis juridiques depuis le début de votre présentation. En auriez-vous des exemplaires à déposer devant ce comité? Vous dites que vous avez eu des avis juridiques. Est-ce qu'on peut en avoir une copie?

Mme Jean Morse-Chevrier: J'imagine que oui; je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas vous les fournir. Je ne connais pas vraiment la procédure qui s'applique dans un tel cas. Serait-il préférable de demander la permission à l'avocat en question?

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Oui. On veut les obtenir et nous comptons sur vous pour nous les envoyer.

Mme Jean Morse-Chevrier: D'accord, si nous avons la permission de l'avocat, nous vous les ferons parvenir dès demain.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Vous n'y êtes pas obligée. Merci, madame et monsieur DeVillers. L'intervenante suivante sera Mme Finestone.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone: Je vous remercie beaucoup.

J'ai deux questions. J'aimerais tout d'abord savoir si vous avez rencontré le député qui vous représente à l'Assemblée nationale? Que lui avez-vous dit? Que vous a-t-il répondu?

Je pense également qu'il est merveilleux de voir le groupe de citoyens actifs qui vous accompagnent.

[Français]

Je vous félicite pour le travail que vous avez entrepris et de vous être si bien entourée. Votre porte-parole est très compétente, très éloquente, ce que je ne suis pas à cette heure-ci.

Mme Jean Morse-Chevrier: J'aimerais souligner qu'au moment où l'Assemblée nationale s'apprêtait à voter en Chambre sur cette question, des membres de notre comité ont envoyé des documents par fax à notre représentant provincial et au gouvernement provincial pour faire connaître notre position.

L'hon. Sheila Finestone: Mais est-ce que vous l'avez rencontré?

Mme Jean Morse-Chevrier: Non, on ne l'a pas rencontré à ce moment-là.

L'hon. Sheila Finestone: Vous ne croyez pas que cela aurait été une bonne idée, que ce soit adopté ou rejeté?

Mme Jean Morse-Chevrier: Peut-être que oui, mais notre effort était plutôt au niveau fédéral puisqu'au moment où s'est formé notre comité, la question était déjà en dehors des mains du gouvernement provincial.

L'hon. Sheila Finestone: Vous avez dit que cela regroupait seulement quelques parents. Je ne sais pas comment fonctionne ce fameux comité dans lequel les discussions se font et les décisions se prennent. Premièrement, combien parmi vous ont essayé de devenir commissaires ou d'être actifs dans vos écoles? Combien ont une voix qui porte et combien ne sont que dans le décor?

Mme Jean Morse-Chevrier: Je ne pourrais pas vous répondre pour l'instant.

• 2050

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone: Je parle en général. Combien des personnes avec lesquelles vous travaillez ont siégé à un comité d'école? Comment savez-vous que, en tant que parents, vous ne serez pas écoutés? Pourquoi craignez-vous tant que l'article 41 ne vous permette pas d'avoir l'enseignement religieux et l'environnement que vous recherchez?

Vous ne faites pas qu'attirer notre attention sur la question, vous soulignez également qu'un grand nombre de bureaucrates seront là pour vous aider: un sous-ministre confessionnel, un comité catholique et un comité protestant, un comité catholique et protestant de Montréal et de Québec—comptez le nombre de bureaucrates que vous payez—des écoles confessionnelles, un enseignement religieux pour les catholiques et les protestants ainsi que des services de pastorale. Quelqu'un s'occupe de tout cela. Pourquoi craignez-vous donc à ce point que les parents ne soient pas entendus?

Mme Jean Morse-Chevrier: Pour répondre à la première question, je crois que beaucoup de parents présents ici ont fait partie de comités d'école ou en sont membres à l'heure qu'il est. M. Roland LaPrairie s'est porté candidat à un poste de commissaire d'école. J'ai fait partie de comités d'école. Je sais qu'il y a ici des parents qui en sont membres à l'heure actuelle et qu'ils participent tous activement à ce niveau.

L'article 41 de la Charte du Québec ne se rapporte pas spécifiquement aux chrétiens, aux catholiques ou aux protestants, de quelque manière. Il stipule seulement que les parents ont le droit d'exiger que leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la loi.

L'hon. Sheila Finestone: Je suis désolée, alors, j'ai mal posé ma question.

Le comité de parents ou l'entité administrative sera en mesure de décider tous les deux ou trois ans, si je comprends bien, de la nature de cette école—de sa confessionnalité. Qu'est-ce qui vous laisse croire que l'école catholique confessionnelle telle qu'on la connaît à l'heure actuelle cessera d'exister?

Mme Jean Morse-Chevrier: Les poursuites judiciaires. Même si ces droits continuent d'être reconnus par la loi du Québec, ils seront contestés devant les tribunaux par les gens qui n'appartiennent pas à ces confessions religieuses. La province sera alors obligée ou d'avoir des écoles qui offriront des programmes de toutes les confessions religieuses et d'assurer les mêmes services à toutes les religions ou de laïciser le système.

L'hon. Sheila Finestone: D'accord. Ce sont les arguments que vous invoquez dans votre défense.

Mme Jean Morse-Chevrier: Oui.

L'hon. Sheila Finestone: Mais, d'abord, il y a le recours à la clause dérogatoire. Vous estimez que c'est le premier pas vers l'élimination de l'enseignement religieux et la laïcisation des écoles.

Mme Jean Morse-Chevrier: Je le répète, le gouvernement au pouvoir n'a nullement dit, à ce que je sache, qu'il souhaite invoquer la clause dérogatoire. La dernière fois, il a voté contre celle-ci. Ce n'est donc pas une base très solide sur laquelle appuyer les droits confessionnels—si cette clause doit faire l'objet d'un vote tous les cinq ans et qu'un vote majoritaire contre son adoption peut priver quiconque de tous ses droits confessionnels. C'est donc dire que le maintien de ces droits est remis en question tous les cinq ans. Ce n'est pas une façon très efficace d'administrer le système scolaire.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Je vous remercie, madame Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: Je suis désolée, j'ai une dernière question. Je veux savoir si c'est ce qu'a dit M. Claude Filion dans son exposé à titre de président de la commission. Est-ce que la clause dérogatoire l'inquiétait?

Mme Jean Morse-Chevrier: Il a fait allusion à l'article 41 et a dit qu'il ne protégeait pas vraiment les catholiques.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Je vous remercie.

Sénateur Grafstein.

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Je vous remercie, monsieur le président.

Je tiens moi aussi à féliciter la conférencière ainsi que les parents, de leur présence ici ce soir, à cette aussi tardive, et de leur grande attention. De toute évidence, la question les intéresse au plus haut point.

Mme Morse-Chevrier a parlé de la façon dont le plubic a été mis au courant de la modification de l'article. J'ai ici un communiqué, daté du mois de février, qui annonce cette modification. Celle-ci a été déposée à l'Assemblée nationale du Québec en mars et a été adoptée trois semaines plus tard. J'essaie simplement de situer le dossier dans le temps. Il en a été question pendant la campagne électorale fédérale parce que ça s'est passé avant les élections. On en a donc aussi parlé à ce moment-là.

Vous nous dites—et je ne le conteste pas—que vous représentez pratiquement 80 p. 100 de la population du Québec et que 80 p. 100 de la population du Québec partage intensément votre sentiment. Vous avez dit que 99 p. 100 des parents de la province, qui représentent 80 p. 100 de la population, abondent dans le même sens que vous. Et pourtant, au cours de cette période, l'Assemblée nationale du Québec a adopté à l'unanimité cette résolution. C'est comme s'il y avait deux solitudes ici. Il y a la solitude des élus de tous les partis. Personne à ce que je sache ne s'est abstenu de voter. Personne ne s'est levé...

• 2055

Mme Jean Morse-Chevrier: Deux personnes ont quitté l'Assemblée nationale pendant le vote.

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Deux personnes.

Mme Jean Morse-Chevrier: Oui. Au premier tour.

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Mais lorsqu'elles sont revenues parce qu'un amendement avait été proposé, il y a eu unanimité, d'après ce que je crois comprendre. Corrigez-moi si je me trompe, parce que je n'ai pas lu le compte rendu, mais je trouve que c'est comme si... Nous parlons de deux solitudes au Canada, mais il me semble y en avoir deux grandes au Québec qui sont les représentants élus d'une part et 80 p. 100 de la population d'autre part, dans le cas qui nous intéresse. Comment expliquez-vous cela?

Mme Jean Morse-Chevrier: Nous pensons comme vous, vous savez. Je ne sais pas si je peux ajouter des médias. Par exemple, lorsque nous avons tenu une conférence de presse en avril pour exprimer nos réserves sur le sujet, les médias d'expression anglaise en ont parlé ainsi que ceux de l'extérieur du Québec, mais les médias de langue françaises n'ont manifesté aucun intérêt.

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: C'était avant ou immédiatement après l'adoption de la modification?

Mme Jean Morse-Chevrier: Ce n'est qu'un exemple. Ça s'est passé après la présentation de la résolution au gouvernement fédéral. Il semble y avoir de la part des médias francophones une volonté de ne faire qu'un enjeu linguistique de la question des commissions scolaires linguistiques. En effet, même durant la période dont vous avez parlé, de février à avril, la presse anglophone, même à Montréal, a dénoncé cette mesure, disant qu'il n'y avait pas de consensus, que le gouvernement n'avait pas de mandat—des articles du genre ont paru dans la Gazette. Les journaux de Toronto ont traité du problème de la confessionnalité. Par contre, dans les journaux francophones, il a été question presqu'exclusivement des commissions scolaires linguistiques et de la question de savoir si les anglophones du Québec allaient conserver leurs droits dans le nouveau système.

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Est-ce la même chose à la télévision que dans les journaux?

Mme Jean Morse-Chevrier: Je lis beaucoup plus les journaux que je regarde la télévision. Je suis convaincue que d'autres personnes dans cette salle pourraient vous répondre. Je crois que c'était à peu près la même chose.

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Vous voulez dire qu'il n'y a pas eu de discussion sur le sujet dans les médias électroniques, radio et télévision?

Mme Jean Morse-Chevrier: En français, au sujet de la confessionnalité des écoles, au maintien des écoles, non.

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: À ce moment-là vous devriez vous débarrasser des médias au Québec.

Mme Jean Morse-Chevrier: Mais vous savez, c'est comme l'a dit ici mon associé, parce qu'il n'y a pas eu d'opposition, parce que les évêques bien sûr étaient d'accord avec les commissions scolaires linguistiques, et parce qu'on n'a été présenté l'affaire que comme un problème de commission scolaire, il a été très difficile de soulever des préoccupations religieuses. Je sais pertinemment que les groupes visés ont émis des communiqués pendant ce temps et que les médias n'en ont pas parlé.

Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Lorsque je regarde la résolution, je constate qu'elle ne fait allusion qu'à la modification qui abroge les paragraphes 1 à 4 de l'article 93 et qu'elle dit en fait que ces paragraphes ne s'appliquent pas au Québec. C'est tout. Ce sont les deux lignes que l'Assemblée législative nous a envoyées.

Mme Jean Morse-Chevrier: Et nous en sommes stupéfiés. Vraiment comme personnes, comme groupe et comme parents qui risquent de perdre tous leurs droits confessionnels, nous sommes véritablement étonnés que tous nos représentants provinciaux aient adopté cela si facilement sans vraiment s'interroger sur les répercussions que cette modification aurait sur l'enseignement religieux dans les écoles.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Morse-Chevrier, j'aimerais vous féliciter pour l'excellente qualité de votre présentation. Au nom des membres du comité, j'aimerais aussi féliciter les parents qui sont venus ici ce soir. Nous apprécions énormément leur participation. Merci beaucoup à vous tous et toutes.

Les membres du comité reprendront leurs travaux à 9 h 15 demain matin dans la salle de l'autre côté du corridor.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Je me permets de rappeler aux témoins de nous faire parvenir leurs avis juridiques.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Mme la coprésidente vous demande, si c'est possible, de faire parvenir vos avis juridiques au greffier de notre comité.

Mme Jean Morse-Chevrier: D'accord. Merci beaucoup. J'aimerais vous remercier, sénateurs et députés ici présents, de nous avoir reçus, de nous avoir questionnés, de nous avoir écoutés attentivement et d'avoir montré un intérêt réel à la position des parents. Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci.

La séance est ajournée jusqu'à demain à 9 h 15.