SJQS Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SPECIAL JOINT COMMITTEE TO AMEND SECTION 93 OF THE CONSTITUTION ACT, 1867 CONCERNING THE QUEBEC SCHOOL SYSTEM
COMITÉ MIXTE SPÉCIAL POUR MODIFIER L'ARTICLE 93 DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867 CONCERNANT LE SYSTÈME SCOLAIRE AU QUÉBEC
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 29 octobre 1997
Le coprésident (M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.)): Nous reprenons les audiences du Comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec, conformément à l'ordre de renvoi du 1er octobre 1997.
Avant de débuter et d'entendre nos témoins experts, je cède immédiatement la parole à madame la coprésidente.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin (Shawinegan, Lib.)): Je voudrais simplement indiquer aux membres du comité qu'ils ont tous reçu à leur bureau un exemplaire du mémoire de M. Monahan. D'ici quelques minutes, nous devrions en avoir d'autres exemplaires.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci. Nous sommes prêts à commencer. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux professeurs Patrick Monahan et Colin Irving. Je vous remercie d'être disponibles pour le comité.
Nous commencerons peut-être par M. Irving. Je vous invite à nous donner un court sommaire de six ou sept minutes, après quoi nous entendrons M. Monahan. On permettra ensuite aux membres du comité de vous poser des questions.
Nous vous écoutons, monsieur Irving.
[Traduction]
M. Colin Irving (témoignage à titre personnel): Je vous remercie, monsieur le président.
Permettez-moi de me présenter: Je suis avocat à Montréal et j'exerce ma profession au Québec et à Toronto. Par un jeu de circonstances, j'ai participé, au cours des 15 dernières années, à la plupart des procès portant sur l'article 93, le plus souvent en tant qu'avocat pour l'Association québécoise des commissions scolaires protestantes. Mais aujourd'hui je comparais simplement sur l'invitation du comité, et je ne représente que moi-même, ce qui est rare pour un avocat, et fort appréciable: je suis libre de dire ce qui me plaît.
• 1535
En guise de petite introduction à mon exposé, je voudrais vous
rappeler le fait suivant: l'article 93 qui, vous le savez tous,
remonte au siècle dernier, protège les droits des écoles
confessionnelles telles qu'elles existaient, en droit provincial,
à l'époque de la Confédération. Jusque récemment, les tribunaux de
ce pays ont donné à l'article 93 une interprétation très large et
très généreuse. Pendant longtemps, la Cour suprême du Canada a
clairement affirmé que l'article 93 garantissait, par exemple, à la
minorité protestante du Québec, presque l'entier contrôle de ses
écoles, qu'il s'agisse du contrôle financier, du contenu des études
et de la gestion locale.
Il en allait de même d'autres écoles, et je dois dire que ces dispositions s'appliquaient essentiellement au système scolaire protestant au Québec. On pouvait y voir une garantie très importante de protection des droits de la minorité, mais ce n'est plus vrai depuis plusieurs années. Depuis que la Charte canadienne a été adoptée et l'article 23 sur les écoles linguistiques a été appliqué, la Cour suprême du Canada a effectué un revirement et est revenue entièrement sur tout ce qui avait été dit à propos de l'article 93, le vidant quasiment de sa substance.
On a perdu tout contrôle sur le programme d'études, et pratiquement tout contrôle sur la gestion au niveau local. Il en va de même du contrôle financier, qui a complètement disparu. Il est donc question de droits qui, dans leur majorité, existaient il y a un siècle mais ont pratiquement disparu.
Il est toutefois juste de dire—et c'est là mon opinion, en ce qui concerne les droits des minorités au Québec—que l'absence de l'article 93 ne fait aucune différence. La modification sur laquelle vous vous penchez n'est pas en mesure, à mon avis, d'avoir des effets sur la minorité. Pour des raisons sur lesquelles je vais m'étendre davantage, il est fort possible que cette modification affecte la majorité, car tout ce qui subsiste en réalité de l'article 93, c'est le droit de donner une étiquette confessionnelle aux écoles.
Il est donc toujours encore possible, en Ontario, d'avoir une école catholique romaine à cause de l'article 93 et il est possible avec la loi actuelle du Québec sur l'instruction publique d'avoir des écoles qui annoncent, au niveau local, qu'elles sont catholiques, bien que les conseils scolaires soient en voie de devenir linguistiques.
Tout cela est possible à cause de l'article 93 mais ne le serait plus si celui-ci disparaissait. On n'aura pas le droit de fonder des écoles catholiques, et ce sont les catholiques, il faut bien le dire, qui sont le plus visés et s'inquiètent le plus de cette situation.
Il ne sera plus possible de le faire. La Loi sur l'instruction publique au Québec reconnaît actuellement ce fait, car elle invoque la disposition d'exemption, et ce n'est qu'en dérogeant à la Charte canadienne que vous pouvez fonder des écoles confessionnelles en l'absence de l'article 93. Je m'étonne du fait que le Québec veuille simplement supprimer l'article 93 s'il désire préserver le droit de créer des écoles confessionnelles. Il me semblerait plus approprié de stipuler que, bien que l'article 93 ne s'appliquera plus, le gouvernement du Québec aura le droit, quoiqu'il arrive, de créer des écoles confessionnelles ou d'autoriser, dans les écoles, certaines activités confessionnelles. Mais nous pourrons peut-être revenir plus tard là-dessus.
Voilà ce que je pense, dans l'ensemble, de cette question, à savoir qu'il ne s'agit pas de droits minoritaires, qui ont été émasculés par la Cour suprême du Canada. Jamais je n'ai assisté, de la part de celle-ci, à un rejet aussi total de décisions antérieures, généralement sans même donner d'explications. Il n'en reste donc pas grand-chose, et ce qu'on vous demande d'enterrer est pratiquement déjà réduit à l'état de squelette, à mon avis.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Monsieur Monahan.
M. Patrick Monahan (témoignage à titre personnel): Comme vous le disiez, madame la présidente, j'ai présenté un mémoire dans lequel je fais quelques commentaires sur le projet de modification, et je m'abstiendrai de dire si la modification devrait être adoptée ou non. Je voudrais faire porter mon exposé sur trois points précis qui, si j'en crois le personnel de recherche de votre comité, ont fait l'objet de discussions lors d'audiences précédentes.
• 1540
La première question porte sur le fait de savoir si la
modification relève, en fait, de l'article 43 de la Loi
constitutionnelle de 1982. Je constate, dans mon mémoire, qu'il y
a une coquille au paragraphe 1, car il y est question de l'article
43 de la Loi constitutionnelle de 1867. Je m'en excuse et il
faudrait lire: «Loi constitutionnelle, 1982».
Quant au deuxième point dont je voudrais brièvement parler, il s'agit du test que le Parlement devrait appliquer aux questions liées à l'article 43, qu'il s'agisse de cette modification ou d'autres. Nous savons en effet que Terre-Neuve, après avoir présenté une modification au Parlement au début de l'année, s'apprête à en présenter une autre.
En troisième lieu, je voudrais revenir sur l'argument que vient d'exposer M. Irving, qui met en doute, si la modification est adoptée, la capacité de la province du Québec d'assurer le maintien d'écoles confessionnelles, ou de l'éducation confessionnelle dans les écoles de la province qui reçoivent des fonds publics.
En ce qui concerne la première question, il ne me semble faire aucun doute qu'elle relève de l'article 4 de la Loi constitutionnelle de 1982, et qu'elle est sujette à une procédure bilatérale. Cela revient à dire que la seule exigence ici, c'est l'approbation de l'Assemblée nationale du Québec et des deux Chambres du Parlement fédéral, suivie de la proclamation d'une modification par le gouverneur général. Ceci tient au fait que l'article 43 ne nécessite que l'approbation des provinces auxquelles une modification s'applique, à savoir une modification qui relève de l'article 43, comme c'est indubitablement le cas de celui-ci, qui amende les paragraphes 93(1) à (4). Comme il n'a d'effet qu'au Québec, il relève clairement, à mon avis, de l'article 43.
En annexe à mon mémoire vous trouverez quelques pages d'un livre que j'ai récemment publié et où il est question de l'article 43. J'espère ne pas vous importuner par cette lecture. Il y en a parmi vous—je constate la présence du sénateur Beaudoin—que passionne l'exégèse de l'article 43, auquel cas cet extrait a de quoi vous intéresser.
La seconde question porte sur le test qui devrait être appliqué par le Parlement pour approuver les modifications à l'article 43 qui pourraient avoir des incidences sur les droits garantis par l'article 93. Ce test pourrait, à mon avis, être le suivant: le projet de modification bénéficie-t-il de l'appui de la minorité qui en subira les conséquences? Je proposerais même, en fait, que cette modification soit approuvée par une majorité de la minorité, ce qui me paraîtrait approprié parce que la protection prévue à l'article 93 s'étend à une catégorie de personnes ou à des catégories de personnes qui, à l'époque de la Confédération, avaient droit à avoir des écoles confessionnelles. Je considère qu'avant de les dépouiller de ces droits, il faudrait pouvoir prouver qu'une majorité de cette catégorie, prises dans son ensemble—en tenant compte du fait qu'il y aura opposition de la part de certains membres de cette catégorie, approuve cette modification.
J'irais même plus loin, en disant qu'il devrait incomber à ceux qui proposent la modification d'établir qu'il y a eu approbation. Autrement dit, la minorité ne devrait pas se voir obligée de prouver qu'elle n'appuie pas la modification, mais c'est à ceux qui le proposent de démontrer que la minorité est en sa faveur. Autrement dit, il me semble qu'en l'occurrence le rôle du Parlement est de protéger les droits des minorités.
Le Parlement provincial ou l'Assemblée nationale du Québec, selon le cas, traduit l'opinion de la majorité. C'est pourquoi, le rôle d'un parlement étant de faire également place aux intérêts de la minorité, si une modification obtient donc l'appui du Parlement, nous pouvons en conclure que la majorité, dans la province, était en sa faveur. Le rôle du Parlement est de défendre les droits des minorités, de s'assurer que la minorité en question a approuvé la modification, ou est en faveur de celui-ci.
• 1545
Vous avez en l'occurrence deux catégories de personnes, les
protestants et les catholiques romains, toutes deux jouissant de
protections au Québec, aux termes de la Loi constitutionnelle de
1867. Je ne ferai pas de commentaires là-dessus, car je ne sais si
la minorité, au Québec, effectivement appuyé la modification ou
non, mais je propose simplement que ceci soit adopté comme critère
à appliquer, d'une façon générale, à ce genre de modification.
En troisième lieu, ce qu'a dit M. Irving est juste, à mon avis, et, dans mon mémoire, j'ai rappelé certaines des décisions qui ont été rendues en Ontario, par exemple que la journée, à l'école, ne doit pas commencer avec des pratiques religieuses, et que dans une journée scolaire ordinaire il ne soit pas fait place à un enseignement religieux visant à endoctriner. Certains jugements de la Cour d'appel de l'Ontario ont déclaré que ce genre de catéchisation est contraire à la Constitution, car il est en violation de l'alinéa 2a) et de l'article 15 de la Charte des droits.
J'ai été étonné du libellé de la modification, parce que celle-ci non seulement retire des droits qui existaient auparavant, mais rendrait, en fait, contraire à la Constitution d'avoir des écoles confessionnelles. Autrement dit, si vous envisagez trois positions éventuelles, la plus forte serait de garantir aux minorités le droit d'avoir des écoles confessionnelles; la deuxième—la position médiane—serait de simplement dire que l'enseignement confessionnel ou religieux est autorisé, et la troisième serait d'interdire, dans le cadre de la Constitution, l'enseignement confessionnel.
Cet amendement passe sans transition de la première position—à savoir les garanties—à la troisième, en sautant la position deux, qui consiste simplement à l'autoriser. En raison des jugements de l'Ontario dont je parlais tout à l'heure, cela reviendrait à dire que l'enseignement confessionnel dans les écoles est interdit.
Je comprends bien qu'une façon d'obvier à cela serait d'invoquer la disposition dérogatoire, à savoir l'article 33 de la Charte, pour déroger à ces garanties de l'alinéa 2a) et de l'article 15. Voilà qui me paraît une singulière façon de rédiger la Constitution, car la position que vous devriez viser est la position médiane, à savoir d'autoriser, mais de ne pas exiger l'existence d'écoles confessionnelles. Au lieu de cela vous en venez, en fait, à interdire ces écoles confessionnelles, après quoi il vous faut recourir à la disposition dérogatoire afin de passer outre aux garanties contenues dans la Charte.
Cette démarche me paraît insatisfaisante pour deux raisons. Tout d'abord, l'utilisation de la disposition dérogatoire risque d'être trop large, car elle empêche toutes contestations de ces dispositions pour infraction à la Charte. Elle exige également du Parlement de promulguer, tous les cinq ans, une nouvelle disposition dérogatoire, de sorte que la capacité d'assurer ce genre d'enseignement dépend, tous les cinq ans, d'une nouvelle promulgation de ladite disposition. Il me semble que c'est là une façon insolite de procéder pour élaborer une constitution, et cet amendement me paraît pour le moins singulier.
Tels sont les trois commentaires que je voulais exposer au comité.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Je vous remercie, monsieur Monahan.
Nous allons maintenant passer à la période des questions, en donnant en premier lieu la parole à Val Meredith.
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président.
Merci de vous être dérangés. Il est intéressant d'entendre des spécialistes du droit constitutionnel nous expliquer certaines de ces subtilités.
Monsieur Irving, vous dites qu'il ne serait plus possible d'avoir des écoles catholiques, et que nous interdisons à présent l'enseignement religieux à l'école. M. Monahan partage votre avis. Est-ce que cela revient à dire que nous ne pouvons avoir d'écoles privées qui assurent l'enseignement religieux, ou est-ce que nous parlons des écoles financées par les deniers publics?
M. Colin Irving: Non, nous parlons du système des écoles publiques.
Mme Val Meredith: Ce à quoi reviennent donc ces modifications, c'est à retirer les fonds publics des écoles confessionnelles, mais non à empêcher celles-ci d'exister.
M. Colin Irving: Non, vous n'empêchez pas la constitution d'écoles privées, mais ce serait là, à mon avis, un acte sans précédent: je n'ai jamais entendu dire qu'une province avait demandé à ce que ses propres pouvoirs soient réduits. La façon dont le Québec a formulé cette modification revient, en fait, à enlever un pouvoir à l'Assemblée nationale du Québec. Or, ceci n'est pas nécessaire, car le Québec a manifesté le désir de continuer à faire précisément ce qu'il n'aura plus le pouvoir de faire. C'est une mesure incompréhensible.
Mme Val Meredith: N'étant pas spécialiste, j'avoue avoir du mal à comprendre cela. De quelle façon le Québec renonce-t-il à un pouvoir?
M. Colin Irving: L'article 93 est celui qui traite de l'éducation. Le Québec a déclaré vouloir continuer à autoriser la création d'écoles catholiques et d'écoles protestantes, encore que, pour être franc, les protestants n'y tiennent plus tant que cela. Je devrais aussi ajouter que le Québec n'autorise plus les non-protestants à fréquenter les écoles protestantes. La loi réserve maintenant les écoles strictement aux protestants et aux catholiques; or, le système scolaire protestant a toujours eu un grand pourcentage de gens qui n'étaient pas protestants, et cette clause détruit ce système.
Mme Val Meredith: C'est l'article 93 qui le fait.
M. Colin Irving: Non, la disposition de la Loi sur l'instruction publique, qui interdit à la population juive de fréquenter des écoles protestantes, met fin au système scolaire protestant, celui-ci n'existe plus.
Le fait est que la Loi sur l'instruction publique prévoit, comme option locale, que les écoles deviennent protestantes ou catholiques. Si cette modification est adoptée telle quelle, ce sera contraire à la Constitution, à moins que le Québec, tous les cinq ans, n'introduise de nouveau la disposition dérogatoire. De point de vue du Québec, il serait donc de beaucoup préférable, l'objectif déclaré étant d'autoriser les écoles catholiques ou autres catégories d'écoles, là où veulent les parents, de réserver à l'Assemblée nationale du Québec le droit de le faire. Cette modification lui retire ce droit. C'est là tout ce que le professeur Monahan et moi-même voulions dire.
Je n'ai non plus jamais entendu le cas d'une province qui refusait des pouvoirs supplémentaires. Une telle modification ne déplairait à personne, et résoudrait beaucoup de problèmes.
M. Patrick Monahan: Est-ce que vous me permettez simplement de préciser, en réponse à votre question, pourquoi nous avons un tel cas? C'est parce qu'il y a eu des contestations au système d'enseignement catholique romain en Ontario, au motif que l'aide donnée aux écoles catholiques romaines et non aux autres constitue une atteinte portée aux droits des non-catholiques ou autres groupes confessionnels.
Les tribunaux ont affirmé le droit de l'Ontario d'avoir des écoles confessionnelles catholiques romaines, ou le droit du Québec d'avoir un système catholique romain et un système protestant, parce que l'article 93 l'exige spécifiquement. Mais en l'absence de ces garanties de l'article 93, il y aurait infraction à l'alinéa 2a) qui affirme la liberté religieuse, et à l'article 15 de la Charte. Il n'y a pas d'infraction à la Charte à cause de ces dispositions de l'article 93, mais si vous les retirez, ce sont les dispositions de la Charte qui s'appliquent pleinement, auquel cas l'enseignement religieux ne peut être financé par les fonds publics.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci. Nous allons passer maintenant au sénateur Beaudoin.
[Traduction]
Le sénateur Gérald Beaudoin (Rigaud, PC): Vous reconnaissez tous deux que l'article 43 de la Loi de 1982 s'applique, cela ne fait aucun doute. Vous reconnaissez, en second lieu, qu'il est bilatéral et non trilatéral: c'est également ce que je pense, et je n'y vois pas de difficulté.
La difficulté qui s'est présentée ici, depuis une semaine, est la suivante: si les paragraphes 93(1) à (4) sont écartés ou ne s'appliquent pas au Québec, c'est bien entendu la Charte des droits qui s'appliquera. Certaines personnes ici présentes se réfèrent à deux cas de l'Ontario, et il s'agit de la Cour d'appel, et non de la Cour suprême du Canada. Je voudrais toutefois m'assurer que c'est bien la Cour d'appel.
M. Colin Irving: Oui, c'est bien de la Cour d'appel qu'il s'agit.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Mais l'autre problème subsiste. Si les structures confessionnelles deviennent impossibles, il vous faut toutefois trouver un moyen de traiter de l'enseignement religieux à l'école. C'est ce qui préoccupe certaines personnes ici présentes. Comment procéder, à votre avis? La disposition dérogatoire est—elle nécessaire pour parvenir à un tel résultat, ou bien est-il possible de procéder différemment?
M. Colin Irving: Il n'y a à mon avis que deux possibilités: au lieu de l'article 93, que la Constitution donne à la province, dans l'exercice de sa compétence générale sur l'enseignement, le droit d'assurer l'enseignement confessionnel ou d'autoriser des écoles confessionnelles, ou quels que soient les termes que l'on voudra employer...
Une telle disposition, à notre époque, ne s'appliquerait pas uniquement aux catholiques et aux protestants, et on évite de la sorte l'autre grave obstacle avec l'article 93, à savoir qu'il ne protège que les catholiques et les protestants. Cet article est totalement dépassé et n'a aucune pertinence dans ce genre de débat. Cette disposition ne serait pas discriminatoire à cet égard. C'est ainsi qu'au Québec, où à part Montréal et la ville de Québec les écoles étaient toujours non confessionnelles en droit, mais catholiques puisque tout le monde était catholiques, cela permettrait la création d'écoles et de répondre aux besoins des parents dans chaque région.
Vous pourriez donc faire cela, et le faire faire par la Constitution de façon à ce que ça ne puisse être remis en question par un autre article de la Constitution.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Vous avez raison.
M. Colin Irving: L'autre possibilité, celle pour laquelle le Québec a opté pour le moment, est de dire que nous allons assurer l'existence des écoles catholiques et protestantes, mais en invoquant la disposition dérogatoire. Manifestement, la pérennité des droits et le recours à une telle disposition sont antinomiques, car les gouvernements successifs doivent invoquer chaque fois la disposition dérogatoire. Elle fait partie de la Constitution, mais aux yeux de beaucoup de gens, c'est une chose à éviter dans toute la mesure du possible. C'est une singulière façon de donner une garantie si la province souhaite donner cette garantie.
Le choix doit se porter sur l'une ou l'autre option, car à défaut tout enseignement confessionnel quel qu'il soit serait interdit.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Certes, nous ne pouvons édifier un système d'enseignement de la religion en recourant continuellement à la disposition dérogatoire.
M. Colin Irving: C'est également ce que je pense.
Le sénateur Gérald Beaudoin: J'en conviens.
M. Colin Irving: On ne peut jamais être sûr que les gouvernements resteront indéfiniment d'accord entre eux. Je ne suis pas très au courant des précédents et ne saurais affirmer que les gouvernements successifs de ce pays acceptent toujours ce que l'autre a fait. Le Parti québécois, si je ne me trompe, a voté contre la disposition dérogatoire lorsque ce projet de loi a été présenté, parce que c'était un projet de loi libéral. Ce droit va donc certainement être perdu à un certain moment, si c'est de cela qu'il dépend.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui, mais que pensez-vous de l'article 41 de la Charte du Québec, qui autorise l'enseignement de la religion? C'est une protection quasi constitutionnelle.
M. Colin Irving: Mais qui ne déroge pas à la Charte canadienne.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Non, certes. Mais elle existe cependant.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous avons une longue liste de gens qui veulent se faire entendre. Je cède la parole à M. Monahan.
[Traduction]
M. Patrick Monahan: Je voudrais vous faire remarquer que la Charte du Québec ne peut fournir une solution si la Charte des droits interdit d'assurer l'enseignement religieux, et ces deux décisions de la Cour d'appel de l'Ontario en disent long.
Pour résoudre cela vous devriez, à mon avis, rédiger une seconde clause à la modification actuelle aux termes de laquelle rien dans cette clause—il faudrait mettre le libellé au point—ne limite le pouvoir législatif de la province de Québec d'assurer l'enseignement confessionnel dans le système financé par les fonds publics, ou quelque chose de ce genre. Cela s'inspirerait de l'article 29 de la Charte des droits, d'après lequel la Charte ne peut être invoquée dans le cas de droits existants déjà garantis.
La difficulté à présent, c'est que l'article 29 ne s'applique plus parce qu'au Québec, nous retirons l'article 93. Mais c'est quelque chose de ce genre qu'il vous faudrait afin d'adopter la position médiane, dont je vous avais parlé en exposant les trois positions: c'est celle que vous devriez adopter si vous voulez avoir le pouvoir de le faire sans que ce soit exigé.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Monahan.
Monsieur Ménard.
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le président, je ne suis pas sûr de bien comprendre le point de vue des témoins. Comme je conçois qu'il y a là un élément important, je vais en appeler à leur indulgence. Je suis vraiment très profane et j'aimerais qu'ils soient très pédagogiques avec moi.
Ce que vous nous dites, c'est que, contrairement à ce qu'on pensait, sans la présence de l'article 93, il n'est pas sûr qu'on puisse avoir des écoles confessionnelles. Dans ce comité, on a toujours fait trois niveaux de distinction: les commissions scolaires, les écoles, dont le statut confessionnel est conféré par l'un ou l'autre des comités qui relèvent du ministère de l'Éducation, et l'enseignement religieux.
Vous direz que certaines écoles dispensent des cours d'enseignement religieux au Québec sans avoir présentement de statut confessionnel.
• 1600
Ma compréhension très profane de l'article 93, c'est
qu'il créait deux obligations: une qui était pour
les villes de Montréal et de Québec de prévoir des
structures confessionnelles—la jurisprudence a dit
que structure signifiait commission scolaire et
école—et le droit à la dissidence pour les gens
qui sont en minorité religieuse à l'extérieur.
Ce que vous nous dites, qui va créer une secousse très importante que vous avez certainement anticipée, c'est que sans l'article 93, on ne peut pas conférer de statut confessionnel aux écoles.
Expliquez-moi cela comme si j'étais un étudiant en politique 101, parce que là vous m'ébranlez.
M. Colin Irving: Je ne vous garantis pas une réponse simple, parce que ce n'est pas toujours simple.
M. Réal Ménard: Faites un effort.
M. Colin Irving: La Charte canadienne limite les pouvoirs à la fois du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux. C'est pour cette raison qu'elle n'a pas toujours été bien acceptée au Québec, comme vous le savez. La Charte canadienne dit que tout le monde a le droit à la liberté de pensée et à la liberté de religion, et son article 15 interdit la discrimination.
M. Réal Ménard: L'égalité de traitement.
M. Colin Irving: L'égalité de traitement. Vous avez maintenant un réseau d'écoles publiques, et on veut donner dans une école confessionnelle particulière un enseignement catholique. Mais qu'est-ce qui arrive aux étudiants qui ne sont pas catholiques? Ils diront que ce sont leurs impôts qui soutiennent cette école qui est devenue catholique et qu'ils ne sont pas catholiques. Là il y a immédiatement un écart entre les étudiants catholiques et les autres.
M. Réal Ménard: C'est déjà le cas.
M. Colin Irving: Oui, mais sans l'article 93, une loi qui envisage un tel résultat enfreint la Charte. La seule raison qui fait que ce soit possible en droit aujourd'hui, c'est que l'article 93 le prévoit expressément. Alors la Charte canadienne ne s'applique pas. Si on abroge l'article 93, on a une législature, l'Assemblée nationale, avec pleins pouvoirs sur l'éducation. Elle fait ce qu'elle veut, sauf qu'elle est liée par la Charte canadienne. Dès le moment où on crée des écoles confessionnelles, on a immédiatement un problème avec la Charte. C'est ce qui s'est passé en Ontario.
M. Réal Ménard: Attendez que je comprenne bien.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Vous reviendrez avec une question complémentaire, monsieur Ménard.
M. Réal Ménard: Monsieur le président, c'est important. Il faut que je comprenne.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Complémentaire, monsieur Ménard.
M. Réal Ménard: Alors, si les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 sont abolis, on devra prévoir dans la Loi 109, la Loi sur l'instruction publique, des commissions scolaires linguistiques et le droit à un statut confessionnel pour les écoles. L'article 93 n'existant plus, il faudra qu'il y ait une autre disposition qui soit en infraction. Quelle disposition de la Charte serait-ce? Ça ne peut pas être l'article 15.
M. Colin Irving: L'alinéa 2a) qui porte sur la liberté religieuse.
M. Réal Ménard: Alors, en raison de l'article 2, vous dites qu'éventuellement on s'expose à des contestations judiciaires sur la base de la liberté religieuse.
M. Colin Irving: Oui.
M. Réal Ménard: Ça, c'est un autre débat, pas sur la base du droit confessionnel aux écoles, parce que le droit confessionnel aux écoles va être quand même prévu et maintenu par des lois de l'Assemblée nationale.
M. Colin Irving: Oui, mais les lois de l'Assemblée nationale, en l'absence de l'article 93, enfreignent la Charte canadienne. C'est cela, le problème. On ne peut pas...
M. Réal Ménard: Je comprends.
M. Colin Irving: Maintenant, si on ajoute l'amendement demandé et qu'on précise que l'article 93 ne s'applique plus au Québec, rien dans cette loi ne limite le pouvoir de l'Assemblée nationale de créer des écoles confessionnelles ou de prévoir l'instruction religieuse dans les écoles. Je ne suis pas prêt aujourd'hui à vous suggérer une formulation spécifique, mais si le Québec veut vraiment continuer d'avoir des écoles confessionnelles, il faut absolument que l'amendement soit modifié ou qu'on invoque la clause nonobstant.
M. Réal Ménard: Autrement dit, ce que vous envoyez comme message au gouvernement du Québec, c'est que pour que ce soit éventuellement à l'abri de toute contestation judiciaire, il faut qu'il y ait un amendement de concordance pour que ce soit compatible avec l'article 2.
M. Colin Irving: C'est cela.
M. Réal Ménard: Vous voyez que j'ai un certain talent constitutionnel.
M. Colin Irving: Oui, c'est cela.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Ménard.
Nous allons passer à l'intervenant suivant, le sénateur Grafstein.
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (Grand Toronto, Lib.): Je voudrais tout d'abord remercier les témoins qui nous ont donné, sur cette même question, un nouveau point de vue complexe et fascinant.
Permettez-moi de proposer un modèle que le Québec préconise et qui a été accepté à l'unanimité par l'Assemblée législative du Québec. Je vais essayer de reprendre les termes mêmes de l'Assemblée et des discours des ministres: nous au Québec essayons de mettre en place un système moderne et efficace qui permette aux parents de choisir entre l'école publique ou l'école confessionnelle, et pour faciliter cela nous avons défini une série de droits, que l'on retrouve dans la Charte du Québec. La Charte fédérale ne fait pas obstacle mais encourage la liberté des pratiques confessionnelles, et la Charte du Québec nous donne donc ce droit; l'Assemblée s'exprime alors par le biais du système scolaire et des différentes lois sur l'éducation.
Permettez-moi de proposer une solution pour voir si elle obvierait aux problèmes soulevés par la disposition dérogatoire. Le Québec dirait donc—comme il va le faire, si j'ai bien compris, et les ministres comparaîtront demain et pourront nous le conformer—nous sommes disposés à présenter le modèle le plus progressiste au Canada, à savoir offrir aux parents le choix, pour leurs enfants, soit de recevoir un enseignement dans une école publique, sans enseignement confessionnel, ou dans une école confessionnelle. Lorsque le nombre le justifiera—ce qui constitue un test acceptable selon la Constitution—, nous sommes disposés à offrir l'enseignement confessionnel aux parents qui peuvent se regrouper dans une certaine région.
C'est ainsi qu'à Montréal, il y a des communautés grecques orthodoxes, juives, musulmanes, catholiques ainsi que plusieurs communautés protestantes. Si dans un quartier particulier il y a un certain nombre de musulmans, ou d'orthodoxes grecs, ou de catholiques romains, ou de juifs, les parents peuvent se regrouper et si les coûts restent raisonnables, demander la création d'une école confessionnelle, à condition qu'ils continuent à avoir le droit de bénéficier des fonds publics.
Dites-moi quel est le tribunal, provincial, fédéral ou supérieur, qui refuserait aux parents ce droit, dans le cadre du projet de loi dont nous sommes saisis?
M. Colin Irving: Le projet de loi dont vous êtes saisi?
Le sénateur Jerahmiel Grasftein: Je parle de la loi du Québec que nous connaissons mais sans l'article 93.
M. Colin Irving: Sans aucune protection de l'article 93?
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Oui, de l'article 93.
M. Colin Irving: Il vous sera impossible, à mon avis, de faire quoique ce soit de ce genre.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Pourquoi pas?
M. Colin Irving: Tout cela est bien joli, mais que se passe-t-il en réalité? Vous risquez d'avoir une école dans laquelle 42 p. 100 des parents, de quelque confession qu'ils soient, disent qu'ils voudraient que ce soit une école confessionnelle, et 27 p. 100 s'y opposent catégoriquement. La situation risque alors de très vite dégénérer.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: C'est vrai.
M. Colin Irving: Si vous voulez vous baser uniquement sur le choix des parents pour une école de ce genre, vous allez rapidement vous trouver dans une situation où les parents d'enfants dans des écoles officiellement grecques, ou juives, ou catholiques ou autres vont se trouver mis à l'écart.
C'est ce genre de situation qui est à l'origine des cas de l'Ontario cités par le professeur Monahan. Il y a eu des enfants qui ont déclaré: «La seule chose qui me reste à faire, pendant qu'on récite ces prières chrétiennes, c'est de sortir de la salle et d'attendre dans le corridor qu'elles soient terminées. Or je ne veux pas sortir. Que dois-je alors faire?» Le tribunal a déclaré que c'était inacceptable, que c'était une façon de stigmatiser les gens.
L'inconvénient de ce que vous proposez, c'est que ce genre de problème se présentera souvent, très souvent. Je ne crois pas que les tribunaux permettraient cela.
M. Patrick Monahan: Ce qu'on a à l'heure actuelle en Ontario, et une récente décision de la Cour d'appel est venue le confirmer, c'est l'enseignement au sujet de la religion, mais cet enseignement ne peut pas favoriser une doctrine en particulier.
Vous dites que toute personne, quelle que soit sa religion...
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Là où le nombre le justifie. Il faut être pratique.
M. Patrick Monahan: ... là où le nombre le justifie, aurait accès à une école confessionnelle.
Il se peut bien que cela soit possible, à condition qu'on puisse montrer qu'il y a égalité d'accès absolue, et tout groupe religieux qui le voudrait pourrait avoir accès à ce genre de système, et ce, sur un pied d'égalité. Ce n'est toutefois pas la situation que nous avons à l'heure actuelle en Ontario.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Non, je ne dis pas...
M. Patrick Monahan: Je serais très surpris qu'un gouvernement, quel qu'il soit, soit prêt à faire ce que vous dites. Je crois que, dans la pratique, il y aurait des obstacles et il y aurait des cas où certains groupes minoritaires diraient: «Je n'ai pas accès, dans la pratique, à l'école de mon choix, et je suis limité dans cet autre système.» Même le système public a fait l'objet d'une contestation dans l'affaire Adler, le motif allégué étant que la personne ne voulait pas faire partie du système public.
J'ai donc du mal à imaginer qu'on puisse concevoir un système qui n'irait à l'encontre ni de l'alinéa 3a) ni de l'article 15.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Pour ce qui est toutefois du principe...
Le coprésident (M. Denis Paradis): Je tiens à préciser que les personnes suivantes ont le droit de poser des questions: Paul DeVillers; la sénatrice Lavoie-Roux; le sénateur Lynch-Staunton; la sénatrice Dalia Wood; Sheila Finestone; Nick Discepola; Marlene Jennings; Mauril Bélanger; M. Goldring; et Mme Gagnon. J'essaie donc de suivre cette liste.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Puis-je demander la parole au deuxième tour, s'il y en a un, monsieur le président?
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, sénateur. Nous passons maintenant à Paul DeVillers.
M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib): Merci, messieurs. Si j'ai bien compris les réponses que vous avez faites aux questions du sénateur Beaudoin, vous êtes tous deux d'avis que l'article 43, et son application bilatérale, est la voie qu'il convient d'adopter.
L'article 93 traite de l'Ontario et du Québec. Certains groupes ontariens se sont dits préoccupés par les conséquences possibles de la modification proposée pour les droits confessionnels en Ontario. Je serais curieux de connaître votre avis juridique, à savoir si nous pourrions nous trouver à créer un précédent ici qui influerait sur les droits confessionnels en Ontario.
M. Patrick Monahan: Je ne le pense pas, à condition que le critère que je propose soit respecté, à savoir que la minorité ou la catégorie de personnes touchée soit pour la modification. Sinon, le gouvernement ontarien pourrait un jour dire: «Nous voulons retirer ces droits à la minorité et nous avons pour cela l'appui de la majorité des membres de l'Assemblée législative», de sorte que la mesure serait adoptée.
Si l'on part toutefois du principe que la catégorie de personnes protégées, ou les catégories protégées dans ce cas-ci, sont elles-mêmes pour le changement proposé, je ne crois pas que cela créerait un précédent pour l'Ontario.
M. Paul DeVillers: Monsieur Irving.
M. Colin Irving: Je suis d'accord. Je ne crois pas que cela crée un précédent juridique. Sur le plan politique, je crois qu'il faut tenir compte du fait que, s'il y a un effet boule de neige—Terre-Neuve, Québec—, il sera certainement plus difficile de résister au mouvement.
M. Paul DeVillers: À l'avenir.
M. Colin Irving: Bien entendu. Si le critère du professeur Monahan était respecté, je ne crois pas qu'il y aurait de problème. Il n'est toutefois pas toujours facile de savoir si l'on a vraiment la faveur de la minorité dans son ensemble. Je me reporte en fait à un cas où j'ai représenté une partie en cause; ainsi, dans le cas de la première modification proposée par Terre-Neuve, la minorité avait clairement montré son désaccord, et la Chambre a néanmoins adopté la modification.
M. Paul DeVillers: J'ai une autre courte question, à savoir si l'article 1 de la charte serait d'une utilité quelconque pour ce qui est de prévoir d'autres arrangements, et peut-être de créer des écoles confessionnelles.
M. Colin Irving: Les tribunaux ontariens ont catégoriquement refusé toute invocation de l'article 1. Ils ont dit qu'il ne pouvait y avoir de justification en vertu de l'article 1, mais que même si cela était possible, il n'y avait pas...
M. Paul DeVillers: Monsieur Monahan, avez-vous...
M. Patrick Monahan: C'est juste. Je crois que les décisions ontariennes sont très claires. Le résultat serait ce qu'on a à l'heure actuelle en Ontario, c'est-à-dire que l'enseignement religieux favorisant une doctrine en particulier est autorisé mais uniquement dans des circonstances très limitées—par exemple, après les heures de classe—et à condition que ce ne soit pas sous l'égide de la commission scolaire.
J'en ai parlé. Je me rapporte dans mon mémoire à une affaire sur laquelle la Cour d'appel de l'Ontario s'est prononcée récemment, il y a environ trois mois. Il est question dans cette affaire de la situation actuelle, qui a été confirmée par notre cour d'appel.
M. Paul DeVillers: C'est donc une possibilité, mais les paramètres en sont très stricts. C'est bien ce que vous dites?
M. Patrick Monahan: Oui. Pendant les heures de classe, on ne peut que donner de l'enseignement au sujet de la religion. Il s'agit en quelque sorte d'un cours sur les religions du monde. On peut parler des différentes religions mais on ne peut pas accorder la priorité à une religion en particulier.
[Français]
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci, monsieur DeVillers.
Sénatrice Lavoie-Roux.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux (Québec, PC): Nos distingués invités sont fort savants. Pouvez-vous nous assurer qu'en abolissant l'article 93 tel que proposé, il n'y aura aucune répercussion sur les autres provinces?
• 1615
Certains témoins nous ont dit que ce n'est pas si
étanche que cela et ont parlé du Manitoba et de
l'Ontario. Selon vous, est-ce que c'est complètement
séparé ou s'il peut y avoir des répercussions
ailleurs?
M. Colin Irving: L'article 93 ne confère aucun droit. Il protège les droits qui existaient selon les lois provinciales au moment de la Confédération. Dire tout simplement que l'article 93 ne s'applique plus au Québec ne toucherait pas aux droits protégés dans les autres provinces, même ceux en Ontario parce que le paragraphe 93(2), si je ne me trompe pas, accorde aux catholiques de l'Ontario les mêmes droits qu'avaient les protestants au Québec.
La référence est toujours à la loi du Québec, telle qu'elle existait en 1867. Cela ne changera jamais. Cela n'aurait aucun effet sur les droits minoritaires en Ontario.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Est-ce que l'Ontario, qui a des écoles catholiques françaises, pourrait venir ici et demander un amendement en se basant sur le fait qu'on a dit au Québec que
[Traduction]
on pouvait abroger l'article 93?
[Français]
L'Ontario pourrait-il revendiquer la même chose pour les écoles catholiques françaises, disant que ça lui coûte un peu cher et que, de toute façon, tout le monde devrait être à la même école?
M. Colin Irving: Il n'est pas impossible qu'à un moment ou à un autre, le gouvernement de l'Ontario se présente ici. Les catholiques représentent une minorité très importante en Ontario.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Les catholiques francophones et anglophones aussi.
M. Colin Irving: La protection pour les écoles francophones en Ontario est assurée par l'article 23 de la Charte canadienne, et non pas par l'article 93. En effet, dans le seul jugement, qui date de 1915, traitant des écoles d'Ottawa durant la Première Guerre mondiale face au règlement de l'Ontario qui exigeait que l'anglais soit la langue d'instruction et invoquant l'article 93, les cours avaient statué que l'article 93 ne parlait pas de langue, mais plutôt de religion.
Les écoles françaises sont protégées en Ontario par la Charte canadienne. On peut avoir une école qui est à la fois confessionnelle et linguistique. En effet, la plupart des écoles françaises en Ontario sont des écoles séparées; elles sont catholiques et françaises.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci, sénatrice Lavoie-Roux.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Je voudrais m'assurer d'avoir bien compris vos propos. J'ai cru comprendre que si on abroge l'article 93 sans modification quelconque, on risque d'écorcher l'existence d'écoles confessionnelles en ne faisant pas une référence à la Charte canadienne.
[Traduction]
Vous avez dit que vous n'y aviez pas vraiment réfléchi, mais vous avez tenté de dire quel genre de modification... Il faudrait toutefois que nous modifiions l'article et que nous ne nous contentions pas de l'abroger en disant: «Dieu vous garde!»
M. Colin Irving: Ce que nous avons essayé tous deux de vous faire comprendre, c'est que, si le gouvernement québécois veut avoir le droit de maintenir les écoles catholiques ou les écoles rattachées à une confession quelconque, il serait bien avisé d'amender son projet de modification pour lui conférer ce droit de façon expresse. Sinon, il n'aura pas ce droit et il sera obligé de recourir chaque fois à la clause dérogatoire.
Le sénateur John Lynch-Staunton (Grandville, PC): Dans cette logique, le Québec a-t-il vraiment besoin alors d'être exempté de l'article 93 pour créer des commissions scolaires linguistiques?
M. Colin Irving: Non. Il est possible de créer des commissions scolaires linguistiques...
Le sénateur John Lynch-Staunton: C'est déjà le cas, en Ontario.
M. Colin Irving: Les deux peuvent coexister. Je crois toutefois qu'il y avait vraiment un problème au Québec, sénateur. Nous en sommes sans doute tous conscients. Le système scolaire était double. Dans les deux villes, il fallait prévoir des écoles catholiques et des écoles protestantes. À l'extérieur des deux villes, il y avait un système scolaire public.
Quand la nouvelle Loi sur l'instruction publique a été adoptée et quand on procédait à la création des commissions scolaires linguistiques, il est devenu très clair que, à Montréal, l'aile protestante du système était tout à fait prête à se saborder. Elle a même changé son nom de sa propre initiative. Si elle a fait cela, c'est qu'elle ne voulait plus être protestante, mais bien anglaise, parce qu'elle perdait la moitié de ses élèves de toute façon.
• 1620
Du côté catholique, c'était un peu différent, parce que la
Commission des écoles catholiques de Montréal est une importante
commission scolaire. Elle pouvait survivre en tant que système
scolaire exclusivement catholique. Je crois que nous sommes tous
conscients de la bataille épique que se livrent le gouvernement
québécois et la Commission des écoles catholiques de Montréal qui
cherche à conserver le caractère catholique de ses écoles.
Aux termes de la loi québécoise, les non-catholiques n'ont pas le droit de fréquenter ces écoles. Beaucoup des immigrants seront donc obligés de se rabattre sur les commissions linguistiques, tandis que la population locale, qui est en grande majorité catholique, du moins en nom, restera à la commission catholique.
C'est donc cette bataille entre la Commission des écoles catholiques de Montréal et le gouvernement qui nous a conduits finalement à ce projet. C'est pourquoi j'ai dit au départ qu'il ne s'agit pas, selon moi, d'une question de droit minoritaire; il s'agit d'une bataille avec la seule commission catholique qui demeure viable, celle de Montréal. Il s'agit essentiellement de savoir quelle école les enfants d'immigrants fréquenteront.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Je ne suis pas d'accord avec vous, quand vous disiez tout à l'heure que l'article 93 n'a plus de pertinence. Après tout, il a été reconfirmé en 1982 de manière à l'exempter de l'application de la charte. Cette reconfirmation remonte à il y a 15 ans seulement, à une époque où...
M. Colin Irving: Depuis, la Cour suprême du Canada a confirmé au milieu des années 80—et ce n'est là qu'un exemple—le droit du gouvernement ontarien de financer le système scolaire catholique jusqu'à la fin du secondaire. La cour a également fait remarquer l'existence d'un pouvoir considérable en matière de gestion scolaire, notamment de gestion du programme d'études.
Deux ans plus tard, quand le groupe québécois est intervenu devant la Cour suprême du Canada sur cette même question du programme d'études, la cour a pris la position contraire et conclu à l'absence de pouvoir en ce qui concerne le programme d'études. Tous ces droits, qui avaient été confirmés par des décisions des tribunaux, n'existent plus. Il n'en reste à peu près rien.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Il y a toujours...
M. Colin Irving: Il y a toujours le droit de créer des écoles catholiques...
Le sénateur John Lynch-Staunton: Il y a toujours le droit de créer des écoles catholiques, exactement.
M. Colin Irving: ... mais c'est tout.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Je voulais discuter d'un point que M. Monahan a soulevé et dont vous avez parlé vous aussi, monsieur Irving. Voici ce avec quoi nous sommes aux prises.
Nous savons qu'on nous demande d'enlever une mesure de protection qui est prévue dans la Constitution. Peu importe que cette disposition soit vide ou puissante ou qu'on en ait exagéré l'importance, on nous demande de retirer quelque chose de la Constitution.
Comment pouvons-nous déterminer quel est le sentiment de ceux qui sont touchés par l'élimination de ces droits et de cette protection? Pouvons-nous le faire de façon numérique, quantitative? Qui sont les dirigeants? Qui sont les porte-parole? C'est ce que vous nous dites dans votre mémoire, monsieur Monahan.
Je sais qu'à Terre-Neuve, le premier référendum n'a pas été décisif. Le deuxième semble l'être, du moins du point de vue des catholiques, mais les pentecôtistes vous diront qu'ils ont quand même voté. Il faut toutefois à un moment donné pouvoir mettre un terme au débat. Nous avons assez de preuves devant nous, alors c'est oui ou c'est non. Quelles sont les preuves? Comment pouvons-nous en vérifier la validité? Voilà la question. Voilà le dilemme, car je ne suis pas le seul à me poser la question.
M. Patrick Monahan: Je dirais simplement que c'est pour cette raison, à mon avis, qu'il appartient à ceux qui proposent la modification de présenter des preuves suffisantes pour montrer qu'ils ont l'appui voulu de la catégorie protégée.
Il faudrait donc qu'ils aient des preuves pour montrer que les dirigeants religieux, les dirigeants de la communauté et peut-être les commissions scolaires elles-mêmes sont dans l'ensemble pour la modification proposée. En l'absence d'un référendum, il est difficile d'obtenir les preuves voulues. Même avec un référendum, il n'est pas facile d'obtenir ces preuves, car les gens ne votent pas selon leur appartenance à une confession en particulier.
Dans le cas du premier référendum à Terre-Neuve, je crois qu'il subsistait d'importantes questions dans mon esprit pour ce qui est de savoir si, avec une majorité aussi faible, les groupes touchés étaient pour la modification proposée. Ce n'est toutefois pas là la modification dont vous êtes maintenant saisis.
[Français]
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci, monsieur Monahan.
Madame Sheila Finestone.
[Traduction]
L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Merci beaucoup.
Je dois vous dire que vos propos m'amènent à me poser beaucoup de questions. La première question fondamentale que je veux vous poser est la suivante. Monsieur Irving et monsieur Monahan, j'ai bien l'impression que le gouvernement québécois n'a pas été assez prudent pour ce qui est d'obtenir les avis juridiques nécessaires pour bien comprendre toutes les conséquences de sa requête visant l'abrogation pure et simple de l'article 93. En déduisez-vous que le but est d'assurer la séparation totale de l'église et de l'État?
M. Colin Irving: Je crois que la séparation entre l'église et l'État est déjà bien réelle, mais la modification ne correspond effectivement pas à l'intention déclarée du gouvernement québécois quant à la façon de gérer les écoles.
L'hon. Sheila Finestone: Ma deuxième question concerne le fait que c'est Claude Ryan qui a conçu la loi 107, laquelle a été modifiée par l'actuel ministre pour devenir la loi 109. M. Ryan, en vrai démocrate et en homme respectueux de la Constitution canadienne, a toutefois soumis la loi à la Cour suprême du Canada.
• 1625
Je suis désolée, mais j'ai laissé le document ailleurs.
La Cour suprême a donné au gouvernement le feu vert, si j'ai bien compris—si je me trompe, j'aimerais bien qu'on me corrige—, disant qu'il n'était pas tenu de le faire mais qu'il pouvait le faire. Je paraphrase. Le gouvernement pouvait donc le faire s'il le voulait, mais il n'était pas tenu de le faire.
La cour n'a pas dit que le gouvernement ne pouvait pas mettre en oeuvre sa réforme. Elle n'a pas dit qu'il devait invoquer la clause dérogatoire, même s'il a quand même décidé d'y recourir.
Je constate qu'après avoir entendu vos deux exposés, je ne comprends plus rien. J'ai compris tout ce que vous avez dit au sujet des droits de la majorité et de ceux de la minorité, qui a dit quoi et quelles étaient les réactions à l'évolution du dossier, mais je ne suis pas très satisfaite maintenant. J'ai demandé à tous les témoins qui sont venus ici, à presque tous les témoins qui avaient des antécédents juridiques, s'ils étaient d'avis que la réforme proposée...
Il s'agit ici selon moi d'éliminer la protection d'un droit religieux discriminatoire dans une société qui a évolué et qui est devenue pluraliste. Cette protection n'a plus sa place dans le Québec moderne. Il s'agit en fin de compte d'éliminer des droits restrictifs et d'élargir les droits des minorités. Ainsi, les droits des minorités seront dorénavant mieux reflétés par le système scolaire et par la liberté de choix des parents.
Voilà maintenant que vous me dites que les parents n'auront plus du tout la liberté de choix. En outre, vous dites que les élèves juifs, qui représentent presque 40 p. 100 de la population des écoles protestantes, ne pourront pas fréquenter les écoles protestantes. Qui donc fréquentera les écoles protestantes?
M. Colin Irving: Personne.
L'hon. Sheila Finestone: Deuxièmement, les anglophones qui viennent au Canada et au Québec et qui parlent anglais et sont de culture anglaise, mais qui pourraient vouloir apprendre le français, ne peuvent pas fréquenter les écoles anglaises s'ils viennent de l'extérieur du territoire canadien. Il y a quelque chose qui cloche là quelque part.
Ma question est de savoir finalement quel est selon vous le but ultime du gouvernement actuel? Je ne crois pas que M. Ryan ait voulu détruire le système scolaire ni éliminer le droit des parents à une certaine liberté de choix.
M. Colin Irving: Vous avez parfaitement raison. C'est M. Ryan qui a fait adopter la loi 107, laquelle a été soumise à la Cour suprême du Canada. J'ai représenté les commissions protestantes dans cette affaire. Les commissions protestantes et les commissions catholiques ont contesté la validité de la loi.
Je dois vous dire que nous avons perdu dans l'ensemble. La cour a conclu que la loi 107 était parfaitement acceptable, mais le gouvernement a perdu relativement à un aspect important. La cour a statué qu'il ne pouvait pas toucher aux commissions confessionnelles de Montréal et de Québec. Il pouvait limiter leur territoire à la ville de Montréal en tant que telle, au lieu que le territoire s'étende au Grand Montréal, mais il ne pouvait pas faire disparaître les commissions confessionnelles.
Le gouvernement n'a donc jamais proclamé la loi en vigueur, car il se rendait compte—je dois dire que je compatis à la situation du gouvernement québécois dans ce dossier—qu'il serait obligé à Montréal de créer une commission de langue française qui viendrait se superposer à la Commission des écoles catholiques de Montréal. Et puis après? Pour diverses raisons dont je ne peux pas parler—je n'y étais pas partie—, les discussions entre le gouvernement et la Commission des écoles catholiques de Montréal n'ont rien donné.
Je crois que la modification proposée découle de la frustration que ressentait le gouvernement à ne pas pouvoir mettre en vigueur sa loi de réforme scolaire. Comme vous l'avez dit, la réforme en question a l'appui de la minorité étant donné que l'article 23 existe. La réforme ne peut pas être mise en oeuvre à cause de ce gâchis à Montréal.
Il me semble que le gouvernement est peut-être allé trop loin en cherchant dans la pratique à se débarrasser de la Commission des écoles catholiques de Montréal, ce qui est le but visé. Il renonce toutefois du même coup au droit de faire toutes les autres choses qui étaient possibles en vertu du compromis.
L'hon. Sheila Finestone: Eh bien, monsieur Irving...
M. Colin Irving: Je sais que je n'ai pas répondu à toutes vos questions, madame Finestone.
L'hon. Sheila Finestone: Je sais. Vous n'avez fait que me compliquer la vie un peu plus.
M. Colin Irving: Je le sais bien, et je m'en excuse.
L'hon. Sheila Finestone: À vrai dire, monsieur Irving, j'aime bien le projet. Je crois que de donner aux parents la liberté de choix—soit dit en passant, la liberté de choisir entre les systèmes anglais et français—, c'est ce qu'il convient de faire. Je souhaiterais que les fonds nécessaires accompagnent l'enfant et qu'on ait ainsi une véritable liberté de choix. Ce n'est toutefois pas ce qui va se produire.
• 1630
Je veux vous demander si vous pouvez vous souvenir de
l'article 16, qui a été inclus dans la charte à la demande du
Nouveau-Brunswick, afin d'assurer l'égalité d'accès et des droits
égaux aux anglophones et aux francophones. Ou l'article 29 s'il
était élargi... Pourrait-on recourir à l'un ou l'autre de ces
articles? Si je pose la question, c'est que l'article 93 tel qu'il
est formulé à l'heure actuelle ne me plaît pas du tout. Il accorde
un droit privilégié à une minorité au pays.
M. Colin Irving: Je ne suis pas sûr d'avoir une très bonne réponse à vous donner. Je suis d'accord avec vous.
L'article 93, comme nous l'avons tous dit tout à l'heure, constitue finalement une protection pour les catholiques et les protestants. L'article 29 n'est d'aucun effet s'il n'y a rien à préserver. L'article 29 n'aura donc aucun effet si l'article 93 disparaît.
Je n'ai pas devant moi le texte de l'article 16. Le Nouveau-Brunswick est officiellement bilingue, de sorte que...
L'hon. Sheila Finestone: Ce n'est pas tellement la formulation, comme le principe.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Intervention suivante.
L'hon. Sheila Finestone: Il essaye de répondre à la question sur l'article 16. Non, mais... J'ai dit que ce n'est pas la formulation qui m'intéresse, mais bien le principe.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Allez-y, monsieur Irving.
M. Colin Irving: On retrouve en quelque sorte la même formulation dans le préambule qui a été adopté par l'Assemblée nationale, où il est question de la communauté anglophone du Québec à qui on offre, sinon une garantie juridique au sens strict, une certaine assurance à tout le moins. Vous ne réussirez toutefois jamais à obtenir au Québec l'équivalent du paragraphe 16(1).
M. Patrick Monahan: L'article 16 ne traite pas de droits confessionnels, mais bien de langue.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Discepola.
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Je croyais bien comprendre le dossier, mais chaque jour je constate qu'il peut être envisagé sous un nouvel angle.
Je veux être sûr de bien comprendre. Vous dites que, même si nous abrogeons l'article 93 pour le Québec, si le gouvernement québécois veut créer des écoles religieuses ou confessionnelles, il ne pourra pas le faire à moins qu'il continue à invoquer la clause dérogatoire tous les cinq ans.
M. Colin Irving: Oui, c'est bien cela.
M. Nick Discepola: Ah, Mon Dieu!
D'accord. J'avais donc bien compris.
Monsieur Monahan, je suis d'accord avec vous pour dire que la négociation ou la modification doit être bilatérale.
M. Patrick Monahan: Oui.
M. Nick Discepola: Vous semblez dire aussi que, comme c'est elle qui présente la requête, l'Assemblée nationale aurait dû chercher à obtenir le consensus parmi la majorité des minorités touchées.
M. Patrick Monahan: Rien ne me permet de conclure si on a cet appui ou si on ne l'a pas. Je ne le sais pas.
M. Nick Discepola: C'est toutefois ce qu'il aurait fallu...
M. Patrick Monahan: Oui.
M. Nick Discepola: ... faire pour répondre à un des critères. Le gouvernement a refusé de tenir des audiences publiques et il se fonde sur le consensus obtenu à l'Assemblée nationale, qui a voté à l'unanimité, pour dire qu'il y a effectivement un consensus.
Nous semblons avoir le consensus parmi les évêques catholiques, qui soit dit en passant représentent la majorité au Québec, n'est-ce pas? Nous semblons avoir le consensus parmi la Commission scolaire protestante et les enseignants protestants. À votre avis, cela est-il suffisant, même si ce n'est pas le gouvernement qui a réussi à dégager ce consensus, mais bien la Chambre des communes? Cela répond-il aux critères que vous avez établis?
M. Patrick Monahan: Non. Pour satisfaire au critère, il faudrait savoir ce que pensent les catégories protégées. Dans le cas qui nous occupe, il y a deux catégories protégées. Il faudrait donc montrer que, dans chacune de ces catégories protégées, il y a une majorité ou quelque autre... Ce ne sera pas 50 p. 100 plus un, puisqu'il n'y a pas de referendum. Il n'est pas nécessaire de tenir un referendum—ce n'est pas ce que je préconise—, mais il faut montrer que, dans chaque communauté, il y a une prépondérance d'appuis en faveur de la proposition.
Rien ne permet de savoir ce que pensent les deux communautés. On m'a demandé il y a seulement trois jours, de venir témoigner ici, de sorte que je ne sais pas ce qu'on pense parmi les deux communautés du Québec.
M. Nick Discepola: Ainsi, il appartient au comité...
M. Patrick Monahan: Oui, c'est au comité d'en décider.
M. Nick Discepola: Nous servons donc à quelque chose, même si le gouvernement québécois ne partage pas nécessairement cet avis.
M. Patrick Monahan: Je crois que le Parlement a la responsabilité de protéger la minorité. C'est pour cela que le processus est bilatéral et pas simplement... C'est pour cela qu'il faut l'approbation du Parlement.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame la sénatrice Wood.
La sénatrice Dalia Wood: J'ai une courte question pour le professeur Monahan et deux courtes questions pour M. Irving.
Monsieur Monahan, si l'Assemblée législative du Québec n'invoque pas la clause dérogatoire dans deux ans, qu'arrivera-t-il des droits de la majorité et de la minorité?
M. Patrick Monahan: S'il n'invoque pas la clause dérogatoire, le gouvernement ne pourra pas avoir d'écoles confessionnelles ni d'enseignement confessionnel. Il ne sera pas possible alors de donner des cours de religion dans les écoles qui feraient la promotion d'une doctrine en particulier, c'est-à-dire qui présenteraient la religion de l'intérieur plutôt que de l'extérieur.
• 1635
La perspective extérieure nous amènerait à dire, par exemple:
«Voici, nous avons toutes ces religions différentes, aujourd'hui,
nous étudions la religion catholique, demain la religion hindoue,
puis la religion sikh et ainsi de suite». Cela serait possible,
mais il ne serait pas possible de dire: «Nous étudions notre
religion en tant que catholiques ou en tant que protestants». Cela
ne serait pas possible.
La sénatrice Dalia Wood (Montarville, Lib.): Autrement dit, les écoles confessionnelles disparaîtront ni plus ni moins.
M. Patrick Monahan: Exception faite des écoles privées.
La sénatrice Dalia Wood: Pas...
M. Patrick Monahan: Du système public, oui.
La sénatrice Dalia Wood: Du système public.
Monsieur Irving, si le droit conféré par l'article 93 est vide de sens, comme vous l'avez dit tout à l'heure, pourquoi avons-nous jugé bon de le protéger à l'article 29?
M. Colin Irving: Il n'était pas vide de sens à ce moment-là. Il a simplement été vidé de son sens par diverses décisions de la Cour suprême du Canada. C'est un droit qui a toujours été considéré comme très précieux, comme l'a fait remarquer le sénateur Lynch-Staunton. Il n'est pas complètement vide de sens, parce qu'il permet toujours de créer des écoles catholiques ou protestantes, mais il ne confère aucun pouvoir sur ce qui se passe dans ces écoles.
M. Patrick Monahan: Je ne suis pas sûr que cela soit tout à fait exact. Je crois que le droit conserve un peu quand même de sa substance. Je ne me suis pas prononcé là-dessus, mais je ne voudrais pas qu'on s'imagine que j'entérine ce point de vue. J'y vois plutôt une représentation extrême de la décision de la cour.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame la sénatrice Wood, ce sera votre dernière question, s'il vous plaît.
La sénatrice Dalia Wood: Si l'article 93 n'était pas là, les écoles juives seraient-elles financées à même les fonds publics?
M. Colin Irving: Non.
La sénatrice Dalia Wood: Merci.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Marlene Jennings.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci. J'écoute avec beaucoup d'intérêt.
Je crois avoir compris ce que vous avez dit, à savoir que, si l'article 93 est modifié de manière à soustraire le Québec à l'application des paragraphes (1) à (4), le gouvernement québécois ne pourra, aux termes de la Constitution, permettre l'existence d'écoles confessionnelles à moins qu'il n'invoque la clause dérogatoire. Excellent.
M. Colin Irving: [Note de l'éditeur: Inaudible]
Mme Marlene Jennings: Je crois qu'il serait plutôt difficile d'assurer l'égalité des traitements.
M. Colin Irving: Je crois que le gouvernement québécois reconnaît que la Loi 107 passe outre à la Charte.
Mme Marlene Jennings: Exactement. Et même si la Cour suprême du Canada, dans sa décision sur la Loi 107, a conclu que rien dans l'article 93 n'empêche le gouvernement québécois de créer des commissions scolaires linguistiques à condition que l'article 93 continue à s'appliquer au Québec, ce qui voudrait dire que des commissions scolaires confessionnelles pourraient être maintenues à Montréal et à Québec, comme vous l'avez si bien fait remarquer, le résultat aurait été que la Commission des écoles catholiques serait retournée à son ancien comportement, comme à l'époque d'avant la Loi 101. Seuls les catholiques pouvaient fréquenter l'école...
M. Colin Irving: Cela est toutefois précisé dans la loi maintenant.
Mme Marlene Jennings: Tout à fait. Pour être sûre de bien comprendre, je voudrais vous poser une question dont vous n'avez pas traité, et je me demande si, en votre qualité de constitutionnalistes, vous y avez réfléchi. Nous avons entendu deux exposés, un de l'Alliance Autochtone du Québec et l'autre du Congrès des Peuples Autochtones... Je crois que c'est le nom de l'organisme. Les deux groupes ont présenté leur position selon laquelle l'abrogation des paragraphes (1) à (4) de l'article 93 compromettrait les droits ancestraux des Autochtones sur le plan de l'enseignement. Ils demandent que la résolution soit amendée ou que le Parlement adopte une résolution d'accompagnement où il serait précisé que l'abrogation de l'article 93, c'est-à-dire de son application au Québec, ne toucherait d'aucune façon les droits ancestraux des Autochtones en ce qui concerne l'autonomie gouvernementale et l'enseignement.
Avez-vous réfléchi aux conséquences possibles?
L'hon. Sheila Finestone: Aussi bien dans les réserves que hors des réserves.
Mme Marlene Jennings: Aussi bien dans les réserves que hors des réserves. Permettez-moi d'apporter une précision. Excusez-moi. La question qui se pose pour eux concerne plus précisément les Indiens qui vivent hors des réserves, les Indiens inscrits et non inscrits et les Métis.
L'hon. Sheila Finestone: Les Inuits ne sont pas touchés.
Mme Marlene Jennings: C'est juste.
M. Colin Irving: Je dois vous dire que je n'ai pas réfléchi à la question. Je ne vois pas comment les droits ancestraux des Autochtones seraient touchés pas l'élimination de l'article 93.
M. Patrick Monahan: Ils ne sont pas protégés par l'article 93. Ils ne dépendent pas de cet article, de sorte que, selon moi, l'abrogation de l'article 93 ne peut pas avoir de conséquences néfastes pour eux. Il y a aussi l'article 25 de la Charte, qui dit expressément que la Charte ne porte pas atteinte aux droits des peuples autochtones. J'aurais du mal à concevoir comment l'abrogation de l'article 93 pourrait influer sur les droits des peuples autochtones.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Mauril Bélanger.
L'hon. Sheila Finestone: Je trouve cela intéressant étant donné que la première observation que les Autochtones nous ont faite concernait les Mohawks qui travaillent dans l'État de New York et qui, bien qu'ils soient originaires de Kahnawake ou d'Akwesasne, ne peuvent pas envoyer leurs enfants à l'école anglaise quand ils rentrent au Canada parce qu'ils sont de l'extérieur du pays.
M. Colin Irving: L'article 93 n'accorde à personne le droit à l'enseignement en anglais.
L'hon. Sheila Finestone: Vous avez raison.
Mme Marlene Jennings: Les Autochtones nous ont notamment indiqué qu'à l'époque de la Confédération, il existait des écoles confessionnelles qui étaient gérées par les peuples autochtones au Québec, tant dans les réserves que hors des réserves.
M. Colin Irving: Je n'étais pas au courant de cela. En existe-t-il maintenant? Je ne suis pas sûr qu'il en existe. Les écoles autochtones font l'objet de dispositions particulières au Québec, lesquelles dispositions s'écartent quelque peu de celles de la Loi 101, mais je ne crois pas que les Autochtones soient protégés par l'article 93. Je peux comprendre toutefois que des gens qui sont de toute façon préoccupés par leurs droits s'inquiètent dès qu'on veut enlever quelque chose, car ils se demandent ce qui suivra?
Mme Marlene Jennings: Merci.
Le coprésident (M. Denis Paradis): La dernière question appartient à M. Goldring.
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): J'ai tout d'abord une question au sujet de cette décision de la Cour d'appel de l'Ontario. L'article 24 dispose qu'on peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir réparation. On a parlé à cet égard de la Cour suprême. Quelle serait toutefois la juridiction compétente?
M. Colin Irving: N'importe laquelle juridiction. N'importe quel tribunal d'instance supérieure peut accorder une réparation. Les véritables tribunaux au Canada sont les tribunaux supérieurs, comme le tribunal de la division de première instance de l'Ontario. Les autres ne sont que des tribunaux d'appel, qui revoient les décisions. N'importe lequel tribunal peut accorder une réparation. Ce n'est pas nécessaire que ce soit la Cour suprême du Canada.
M. Peter Goldring: Exactement.
Ma question complémentaire concerne les préoccupations des Autochtones. La Loi de l'extension des frontières de Québec de 1912 prévoit que la responsabilité fiduciaire des Indiens est conservée par Ottawa. De même, nous avons, à l'article 25, l'expression «ou autres [droits ou libertés]».
Il semble que, si les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 sont abrogés ou éliminés, les autres droits seraient manifestement touchés. Par ailleurs, on précise qu'en pareil cas, la question doit être soumise à une conférence constitutionnelle réunissant le premier ministre du Canada et les premiers ministres provinciaux aux termes de l'alinéa 35.1a). En tout cas, il me semble que ce soit une préoccupation pour les peuples autochtones. Ils sont notamment préoccupés par la Loi de l'extension des frontières de Québec de même que par les garanties existantes prévues aux paragraphes 93(1) à (4).
Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
M. Patrick Monahan: Je ne vois pas en quoi l'article 93 garantit les droits des peuples autochtones. Il ne leur garantit certainement pas ces droits en tant qu'Autochtones. Je ne suis pas au courant de la situation. Quelqu'un a dit qu'il y avait peut-être des groupes autochtones qui donnaient l'enseignement religieux. Il se peut qu'ils ne puissent plus offrir cet enseignement religieux.
L'article 93 ne garantit toutefois pas aux peuples autochtones le droit à des écoles autochtones. Il ne les touche pas non plus d'aucune façon. C'est là quelque chose qui relève de la Loi sur les Indiens et de la loi provinciale dans la mesure où elle permettrait aux peuples autochtones d'avoir leurs écoles. J'aurais pensé qu'ils auraient pu soutenir que ces droits étaient protégés contre toute contestation invoquant la charte, grâce à l'article 25 ou à l'article 35.
M. Peter Goldring: Je soutiens que ces droits sont touchés aux termes de l'article 25—leurs droits ou autres droits et libertés. Autrement dit, un de ces droits, c'est ce qui leur est garanti par l'article 93.
M. Colin Irving: Ils n'ont aucun droit en vertu de l'article 93. Les catholiques ont des droits aux termes de l'article 93. Les protestants ont peut-être des droits aux termes de l'article 93. Les peuples autochtones n'en ont pas, à moins qu'ils se trouvent être catholiques.
M. Peter Goldring: Ou protestants.
M. Colin Irving: L'origine ethnique n'a rien à voir avec l'article 93.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Irving, monsieur Monahan, je tiens à vous remercier sincèrement au nom des membres du comité.
Nous prenons une pause d'une minute.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous reprenons les audiences du Comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec, conformément à l'ordre de renvoi du 1er octobre 1997.
[Traduction]
Nous avons l'honneur d'accueillir comme témoins les représentants du Congrès juif canadien: Joe Rabinovich, président du comité d'éducation—soyez le bienvenu; Frank Schlesinger, secrétaire national—soyez le bienvenu; Eric Vernon, directeur de Ottawa Advocacy—soyez le bienvenu; et David Sultan, directeur des relations communautaires.
• 1650
Vous avez la parole, monsieur Rabinovich.
M. Joe Rabinovich (président du Comité d'éducation, Congrès juif canadien (région du Québec)): Merci de nous avoir permis de venir vous rencontrer aujourd'hui.
Je commence par une petite anecdote. L'exposé que vous venez d'entendre a été fait par M. Colin Irving. M. Irving a travaillé pour moi quand j'étais directeur général de la PSBGM. Il nous a représentés dans deux affaires devant la Cour suprême du Canada, et nous avons perdu les deux fois.
Mme Marlene Jennings: Nous prendrons ce qu'il dit avec un grain de sel.
M. Joe Rabinovich: Non, c'est quelqu'un de très érudit. Je voulais simplement vous dire cela pour mieux vous situer.
Je vous parlerai de ce qui se trouve dans notre mémoire, mais je veux simplement vous parler un peu d'abord de mes antécédents puisque cela pourrait ajouter une dimension à notre discussion.
J'ai été directeur général de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal. C'est pendant mon mandat que les affaires concernant la Loi 107 et le régime pédagogique ont été soumises à la Cour suprême du Canada. J'y ai donc été intimement lié. J'ai aussi travaillé en étroite collaboration avec M. Ryan à l'élaboration de la Loi 107. Les discussions à ce sujet se poursuivent depuis je ne sais combien d'années.
Je suis ensuite devenu directeur général de l'Association des écoles juives pour externes de Montréal, qui s'occupait des écoles juives privées. Après, j'ai occupé un autre poste. Je suis maintenant président du Comité d'éducation du Congrès juif canadien de la région du Québec.
Si je vous explique tout cela, c'est pour que vous compreniez que je porte beaucoup de chapeaux, mais que je porte aujourd'hui celui de représentant du Congrès juif canadien de la région du Québec. Quand nous passerons aux questions, je choisirai parmi mes nombreux chapeaux celui qui conviendra.
En guise d'introduction, je tiens à vous dire que nous nous retrouvons dans une situation curieuse du fait que nous sommes saisis d'une proposition visant à modifier la Constitution canadienne, à savoir l'article 93 qui traite des structures scolaires, alors que l'enseignement est de compétence provinciale. Presque tout ce que j'ai entendu autour de la table cet après-midi concerne les pouvoirs qu'a le Québec et qu'Ottawa n'a pas. Nous nous retrouvons à nous prononcer pour quelque chose, comme vous pourrez le constater dans notre mémoire, qui relève de l'autorité du Québec et pas de la vôtre.
Pour bien situer la discussion que nous aurons aujourd'hui, je tiens à préciser qu'il s'agit de structure, car l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique traite, non pas d'écoles, mais de structures scolaires ou de commissions scolaires, puisque les écoles relèvent de l'autorité du Québec pour ce qui est de leur réglementation et d'autres questions. Qu'entendons-nous par structure? L'article 93 de l'AANB établit et protège le droit des catholiques et des protestants au financement de l'enseignement à même les deniers publics à Québec et à Montréal et accorde à ces deux groupes le droit à la dissidence à l'extérieur de l'île de Montréal. L'enseignement doit donc être financé à même les deniers publics.
Quelle est la position du Congrès juif canadien sur la modification proposée? Notre position comporte deux aspects interdépendants. En principe, nous appuyons la tentative ou le désir du gouvernement québécois de modifier la Constitution comme il est proposé, à condition que, si les droits confessionnels scolaires sont accordés aux catholiques et aux protestants, ils doivent l'être au même titre aux autres minorités religieuses.
C'est là la position que nous défendons depuis toujours. À l'approche du XXIe siècle... L'AANB de 1867 reflète les normes qui avaient cours en 1867. Le Québec à l'aube du XXIe siècle n'est pas ce qu'il était en 1867. Le système scolaire québécois doit refléter ce nouveau Québec et ce nouveau visage de la société québécoise. Nous estimons que, pour y arriver, il faut notamment modifier cet article afin d'en éliminer ce qui pour moi est un privilège accordé aux protestants et aux catholiques qu'on a dû juger nécessaire en 1867. Il n'est plus nécessairement aujourd'hui.
• 1655
Par ailleurs, la Loi 107, devenue maintenant la Loi 109 sur
l'instruction, élimine la confessionnalité au niveau des
commissions scolaires pour la rattacher aux écoles, car aux termes
de cette loi, il est possible de déclarer une école catholique ou
protestante.
Quand on parle de catholiques ou de protestants, c'est plus que de simplement donner l'enseignement religieux aux catholiques et aux protestants. Ceux d'entre vous qui ont fréquenté une école catholique au Québec savent que l'école catholique baigne dans une certaine ambiance. Ce n'est pas seulement le cours de religion comme tel. Il y a toute une ambiance, tout comme si vous vous rendiez un jour dans une école juive pour externes, vous sauriez dès que vous y mettriez les pieds que c'est une école juive.
Voilà ce que fait la Loi 109. Elle accorde aux catholiques et aux protestants le droit à cette ambiance qu'ils avaient, si vous voulez, dans leur ancien système scolaire. Nous ne nous opposons pas à cela, pourvu que ces mêmes droits et privilèges soient accordés aux autres minorités religieuses.
Permettez-moi de vous parler de la communauté juive de Montréal. Certains d'entre vous ne la connaissent peut-être pas. Je ne vous parlerai pas de l'historie de la communauté juive. Vous pourrez lire dans notre mémoire que les Juifs sont présents au Québec depuis plus de 250 ans et que nous luttons pour les droits à l'enseignement depuis 220 ans.
Quand je suis allé à l'école—et je suis allé à une école de la Commission scolaire protestante du Grand Montréal—, les élèves étaient juifs à 99 p. 100. Ceux d'entre vous qui sont allés à Baron Byng—il n'y en a peut-être parmi vous—savent que la clientèle scolaire était juive à 99 p. 100. Chaque journée commençait par la prière au Seigneur et j'ai appris à chanter «Jesus Loves Me, This I know» et «Onward Christian Soldiers». C'était dans une classe où 99 p. 100 des élèves étaient juifs.
Ce genre de chose ne devrait pas se reproduire. Cela ne se reproduira plus. Cette modification est un pas vers la modernisation du système scolaire québécois.
Dans les externats juifs, nous avons plus de 7 000 enfants qui fréquentent les écoles juives de Montréal. Ce réseau scolaire est régi par la Loi de l'enseignement privé et il est financé à environ 50 p. 100 de ce que reçoit le système scolaire public. C'est toutefois un système scolaire quasi public étant donné qu'aucun ne se voit refuser l'accès à une école juive si ses parents n'ont pas les moyens de payer. La communauté donne chaque année près de 2 millions de dollars de subventions pour ces enfants.
Aucun enfant juif ne se voit refuser l'accès à un externat juif parce qu'il a des problèmes d'apprentissage. Nous avons des programmes spéciaux qui offrent des classes adaptées. Et notre système scolaire est à la fois anglophone et francophone, parce que nous respectons la Loi 101 en ce qui concerne l'admissibilité à l'enseignement en anglais ou en français.
Par conséquent, nous satisfaisons à toutes les exigences d'un système scolaire public, mais comme le privilège de la confessionnalité est réservé aux catholiques et aux protestants, nous n'avons pas les mêmes droits que ces derniers. C'est inacceptables de nos jours.
Par conséquent, le Congrès juif canadien est pour l'initiative que le gouvernement du Québec a prise en vue de faire modifier l'Acte de l'Amérique du Nord britannique à la condition que si des droits sont accordés aux catholiques et aux protestants, ils soient accordés également aux autres minorités religieuses.
Je pourrais faire valoir l'inverse. Autrement dit, si ces droits ne sont pas accordés à qui que ce soit, nous ne pouvons pas y redire. Tout le monde sera traité sur un pied d'égalité et si nous voulons avoir des écoles religieuses, ce sera à notre communauté d'en assumer le fardeau financier. Mais si les protestants et les catholiques obtiennent ces privilèges, ils doivent être accordés à tous ceux qui les réclament.
Merci.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Rabinovich.
Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter? Dans ce cas nous allons passer aux questions. Nous commencerons par Val Meredith.
Mme Val Meredith: Merci.
D'après ce que vous avez dit, vous ne voyez pas d'objection à ce que l'article 93 soit supprimé à la condition que les dispositions prévues dans la Loi 109 pour les catholiques et les protestants s'appliquent également à vous.
Des témoins précédents ont dit que si nous supprimions l'article 93, les écoles confessionnelles seraient interdites à moins que la clause dérogatoire n'entre en jeu. Ils ont dit également qu'il fallait modifier soit la Loi 109, soit l'article 93 pour préciser que toutes les confessions religieuses devraient obtenir ce privilège.
M. Joe Rabinovich: J'accepte cette interprétation.
Mme Val Meredith: D'accord. Vous estimez donc que si la Loi sur l'instruction publique, le projet de loi 109, incluait toutes les minorités religieuses, cela suffirait?
M. Joe Rabinovich: Du moment qu'il peut être démontré, en application de la Charte canadienne des droits, qu'aucune communauté n'est désavantagée en raison de son affiliation religieuse. Nous n'aurions pas à faire appel à la clause dérogatoire pour ces droits.
Mme Val Meredith: Vous ne demandez donc pas aux contribuables de payer pour les écoles religieuses, quelles soient protestantes, catholiques, juives, musulmanes ou autres. Ce n'est pas nécessairement ce que vous voulez?
Joe Rabinovich: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. À l'heure actuelle, au Québec, les écoles protestantes et catholiques, telles qu'elles sont définies, sont financées par l'État. Ces droits sont protégés par l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
J'ai dit que si cet article est modifié et si le gouvernement du Québec accorde seulement des droits aux catholiques et aux protestants, il devra invoquer la clause dérogatoire, car la communauté juive exigera les mêmes droits.
Mme Val Meredith: Mais ce ne sera pas équitable.
M. Joe Rabinovich: Non.
Mme Val Meredith: Même si l'on invoque la clause dérogatoire, pensez-vous que ce soit juste?
M. Joe Rabinovich: Non, absolument pas. Absolument pas.
Mme Val Meredith: D'accord.
M. Joe Rabinovich: Ce que je dis et ce que nous disons c'est que tout droit ou privilège accordé à un groupe confessionnel doit être également accordé à toutes les autres communautés lorsque le nombre le justifie. Quelqu'un l'a déjà mentionné. Vous ne pouvez pas établir une école bouddhiste avec huit enfants.
Mme Val Meredith: D'accord, mais d'après vous, le fait de supprimer l'article 93 n'interdira pas pour autant de dispenser un enseignement religieux dans les écoles du Québec.
M. Frank Schlesinger (secrétaire national, Congrès juif canadien (région du Québec)): Nous essayons de faire comprendre que du moment que ce n'est pas discriminatoire vis-à-vis d'un groupe ou d'un autre, la clause dérogatoire n'est pas nécessaire.
Si la Loi sur l'instruction publique permet à un groupe religieux, qu'il soit catholique, protestant, sikh, hindou, juif ou autre, de réclamer le même financement public et le même statut, la clause dérogation est inutile étant donné qu'il n'y a pas de discrimination. Si nous avons tous accès au financement de l'État, il n'y pas de discrimination. Autrement, personne ne doit avoir accès aux fonds publics et tout l'enseignement devient privé. C'est tout l'un ou tout l'autre.
Mme Val Meredith: La Loi 109 prévoit-elle cette garantie ou cette disposition?
M. Joe Rabinovich: Non; c'est là qu'il y a un problème.
Mme Val Meredith: Faudrait-il la modifier?
M. Joe Rabinovich: Oui, absolument.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous passons maintenant au sénateur Lynch-Staunton.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Pensez-vous que l'État devrait financer des écoles qui donnent des cours de religion, que l'État a l'obligation de financer les écoles de n'importe quelle confession lorsque le nombre le justifie? Ou l'État devrait-il rester en dehors de la religion et laisser les parents s'occuper de l'instruction religieuse de leurs enfants?
M. Joe Rabinovich: C'est une question fondamentale. Je ne veux pas me référer au modèle américain, car cette question se fonde peut-être sur ce qui existe aux États-Unis.
Au Québec, les sondages ont montré que plus que 80 p. 100 des parents veulent une instruction religieuse à l'école. Pour que l'école reflète les désirs des parents comme elle devrait le faire dans une large mesure, si la majorité—et 80 p. 100 est une forte majorité—estime que la religion a sa place dans les écoles, l'État devrait le financer.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Je voulais connaître votre opinion.
M. Joe Rabinovich: Mon opinion?
Le sénateur John Lynch-Staunton: Quel est l'avis du Congrès juif canadien? L'État devrait-il financer les écoles publiques en veillant à assurer l'éducation religieuse de la majorité, quelle qu'elle soit? Je suis d'accord avec vous pour dire que ce doit être tout ou rien, mais si c'est tout, est-ce bien le rôle de l'État?
M. Frank Schlesinger: Je ne pense pas que nous ayons vraiment discuté de la question. Le Congrès juif canadien, qui défend les droits de la personne et la communauté juive, a toujours estimé que si des droits étaient accordés à un groupe, ils devaient être accordés à tout le monde.
Le sénateur John Lynch-Staunton: D'accord, je partage votre avis.
M. Frank Schlesinger: Je ne pense que nous soyons en mesure de...
Le sénateur Joe Lynch-Staunton: Monsieur Rabinovich, vous avez dit que vous deviez réciter la prière au Seigneur et chanter ces hymnes. Quelle est la situation de l'élève juif dans le système scolaire protestant à l'heure actuelle, à Montréal?
M. Joe Rabinovich: Dans le système scolaire protestant du Grand Montréal, le mot «protestant» est une anomalie, car il s'agit en fait de la Commission scolaire commune du Grand Montréal, qui se compose d'écoles anglophones et d'écoles francophones. On ne peut plus donc parler de système scolaire «protestant».
Le sénateur John Lynch-Staunton: Mais pour l'élève juif, il s'agit davantage d'une école linguistique que d'une école religieuse?
M. Joe Rabinovich: Absolument.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Dans certaines écoles publiques, le nombre d'élèves juifs est extrêmement élevé. A-t-on prévu une instruction religieuse quelconque?
M. Joe Rabinovich: Il n'y a pas d'instruction religieuse comme telle, mais une instruction au sujet de la religion. Il y a là une nuance. Ce n'est pas de l'endoctrination protestante, juive ou autre. Ce sont plutôt des cours de morale et d'instruction religieuse qui parlent des religions du monde, des principes moraux, etc.
La religion comme telle n'est pas enseignée dans les écoles de la Commission scolaire protestante du Grand Montréal.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, sénateur.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Ma dernière question sera brève. Les écoles dont vous parliez sont-elles financées par l'État, ou par les parents?
M. Joe Rabinovich: Les externats sont financés par les parents, mais en vertu de la Loi de l'enseignement privé du Québec, le gouvernement octroie environ 50 p. 100 des fonds.
Le sénateur John Lynch-Staunton: D'accord, cela fait partie du système financé par l'État.
M. Joe Rabinovich: Absolument.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous allons maintenant passer à Mme Christiane Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Si j'ai bien compris, si des commissions scolaires linguistiques étaient mises en place, vous voudriez avoir les mêmes droits que les catholiques et les protestants, c'est-à-dire le droit de garder une école confessionnelle juive. Mais on m'a dit qu'il y avait 62 confessionnalités ou religions au Québec. Donc, la mise en place de commissions scolaires linguistiques va favoriser l'intégration des cultures et des religions et une meilleure gestion des écoles.
Pensez-vous qu'on ne serait pas capable d'atteindre cet objectif-là?
M. David Sultan (directeur des relations communautaires, Congrès juif canadien (Région du Québec)): Le projet de loi 109 ne remplit pas ce mandat dont vous parlez. Malgré le fait que le ministre Brassard lui-même ait dit qu'il fallait ouvrir l'école, la laïciser et l'actualiser, le projet de loi 109 continue de maintenir certains privilèges pour les catholiques et les protestants. C'est de là que vient le problème, en ce qui nous concerne.
Nous n'avons jamais dit qu'il fallait que l'école publique soit confessionnelle. Nous disons simplement que, si elle doit rester confessionnelle, selon ce que dit le projet de loi 109, il faut que cela s'applique à tous en vertu de la Charte, notamment du fait que l'amendement à l'article 93 pourrait être adopté, dans la mesure où cela s'applique à certaines religions.
Si l'école est totalement linguistique et aucunement confessionnelle, la communauté juive ne sera pas celle qui dira qu'il faut étendre les droits religieux à tous, bien au contraire. Nous disons simplement que ce qui s'applique à un groupe à dénomination religieuse devrait s'appliquer à tous les groupes à dénomination religieuse si c'est la voie que le gouvernement du Québec choisit.
M. Frank Schlesinger: Il faut aussi considérer le fait que c'est le nombre qui justifie une telle demande. Il est évident que s'il n'y a que 10 personnes d'une religion, on ne peut pas demander que toute l'école soit de cette religion.
Mme Christiane Gagnon: Ne faut-il pas aller dans ce sens pour respecter le voeu d'une certaine majorité ou de ceux qui ont déjà les privilèges de l'article 93? On sait que 90 p. 100 des catholiques fréquentent les écoles de la Communauté urbaine de Montréal. Il faudrait respecter le voeu de la majorité.
C'est déjà assez difficile d'abroger les paragraphes (1) à (4) et d'enlever certains privilèges. Certains groupes nous ont dit qu'ils étaient inquiets du fait qu'il n'y aurait plus d'enseignement religieux catholique et, dans d'autres cas, protestant. Je pense qu'il faut quand même respecter cela.
M. David Sultan: Oui, mais la problématique est que, d'un côté, le gouvernement du Québec nous dit qu'il veut amender l'article 93 de la Constitution de 1867, parce qu'il n'est plus actuel, pour créer des commissions non confessionnelles et, d'un autre côté, la ministre de l'Éducation du Québec fait adopter ou veut faire adopter un projet de loi, notamment le projet de loi 109, qui maintient justement cette confessionnalité.
Je constate qu'on fait par la bande ce qu'on essaie d'éliminer officiellement. Je pense qu'il y a là un certain paradoxe, et c'est la raison pour laquelle nous disons qu'en principe, nous sommes en faveur de l'amendement 93, dans la mesure où cet amendement peut donner des droits égaux à toutes les dénominations religieuses de la province.
[Traduction]
M. Joe Rabinovich: Personne ne dit le contraire. Si ces droits qui ont été accordés en 1867 sont maintenus, nous demandons seulement qu'ils s'appliquent également aux autres minorités religieuses.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Rabinovich.
Madame Sheila Finestone.
L'hon. Sheila Finestone: Je me réjouis que vous ayez précisé ce qui semblait peu clair.
[Français]
Je dois dire aussi, monsieur Sultan, que vous avez vraiment fait face à la question. C'est effectivement le choix des parents, et leur droit de choisir est bien mentionné dans les lois 107 et 109. Leur choix est relié au quartier, au patelin, là où les gens vivent.
[Traduction]
J'ai remarqué que mon ami le sénateur s'intéresse beaucoup aux aspects financiers. Vous dites que, dans l'intérêt public, le gouvernement du Québec dépense de l'argent pour divers groupes ethniques minoritaires. J'en connais trois, mais il y en a peut-être quatre. Les Arméniens, les Grecs et les Juifs. Le financement suit les enfants de façon à respecter le choix que les parents ont fait pour l'éducation de leurs enfants. Est-ce exact?
M. Joe Rabinovich: C'est exact.
L'hon. Sheila Finestone: Une province apporte donc sa contribution financière pour reconnaître la diversité existante. Cela a pris un certain temps, mais le Québec en est finalement arrivé là. J'attends encore qu'il reconnaisse que tous les anglophones ont des droits en vertu de l'alinéa 23(1)a), et ce jour arrivera peut-être.
Vous êtes donc prêt à accepter la modification comme telle. Vous reconnaissez qu'elle est fragile en ce sens qu'elle incite la province à recourir à la clause de dérogation tous les cinq ans. Excusez-moi, je pose la question à l'envers. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait se servir de la clause de dérogation. Après avoir écouté tout le monde et avoir entendu toutes sortes d'avis contradictoires, je pense que si l'on ne fait pas appel à la clause de dérogation, tout cela sera menacé.
Vous êtes le premier groupe à nous dire qu'étant donné l'article 41 de la Charte du Québec, la Loi 109 et la Loi 107 n'ont pas besoin de la protection de la clause de dérogation.
M. Joe Rabinovich: Non, ce n'est pas ce que nous avons dit.
L'hon. Sheila Finestone: Dans ce cas, qu'avez-vous dit?
M. Joe Rabinovich: Nous avons dit ceci: si des droits sont accordés à certains groupes religieux comme les protestants et les catholiques, et s'ils ne sont pas accordés aux autres minorités religieuses, le gouvernement devra invoquer la clause de dérogation.
L'hon. Sheila Finestone: C'est ce que je voulais dire. Autrement, il n'en a pas besoin?
M. Joe Rabinovich: Si ces droits sont accordés aux juifs, aux musulmans ou aux sikhs, il n'aura pas à invoquer cette clause parce qu'il n'y aura pas de discrimination.
L'hon. Sheila Finestone: Avec cela, Joe, il n'est pas nécessaire d'insister sur le droit d'aller
[Français]
comme un séfarade du Québec dans une école française s'il le désire ou dans une école soumise au rite séfarade.
[Traduction]
Merci beaucoup. Je comprends ce que vous dites et j'espère que vous avez raison.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Beaudoin.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Si je suis votre raisonnement, l'article 93 doit être amendé. Si on veut garder un système confessionnel constitutionnalisé comme celui de l'article 93, qui ne protège actuellement que les catholiques et les protestants, il faut l'étendre à tous les groupes religieux, dites-vous.
Si on écarte les paragraphes (1), (2), (3) et (4), il est évident qu'on tombe alors sous la Charte canadienne des droits et libertés avec la clause nonobstant qui est là.
Quel est le système que vous préférez?
[Traduction]
M. Joe Rabinovich: Je vais répondre à cela.
Nous croyons que les parents ont le droit de choisir et que, pour de nombreux parents, la religion est un aspect important de l'éducation de leurs enfants. Je ne parlerai pas de l'expérience américaine, de la séparation de l'Église et de l'État, car ce n'est pas le même modèle que chez nous.
Nous préférerions le système suivant: nous préférerions un système public, totalement laïcisé qui se fonde sur la langue, l'anglais et le français. En même temps, nous préférerions un système privé, ce que nous avons au Québec, et il s'agirait du système confessionnel. Chaque école recevrait des fonds publics, si ce n'est que ces fonds serviraient seulement à financer les éléments du programme scolaire qui correspondent au programme d'enseignement public.
Vous auriez donc deux systèmes d'éducation. Vous auriez un système public laïc avec un programme scolaire que toutes les écoles suivraient, qui se fonderait sur la langue, soit l'anglais et le français. Vous auriez aussi un système privé confessionnel qui fonctionnerait de la façon suivante: il devrait suivre le programme scolaire public et il aurait également un programme religieux qui compléterait le programme public, mais qui serait financé non pas par l'État, mais par les parents qui envoient leurs enfants à cette école.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Mais ce serait seulement pour les écoles privées.
M. Joe Rabinovich: En effet.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, sénateur Beaudoin.
Nous allons maintenant passer à Peter Goldring.
M. Peter Goldring: Merci beaucoup de votre exposé.
Si j'ai bien compris, vous êtes pour la modification de l'article 93, mais avec certaines réserves. Un amendement à cette résolution pourrait-il faire disparaître ces réserves? Est-ce une chose qui peut être considérée?
M. Joe Rabinovich: La réponse est un non sans équivoque. À part la confessionnalité, le programme scolaire dépend du gouvernement provincial. Le gouvernement fédéral n'a pas le droit d'intervenir dans ces questions. Son seul pouvoir en ce qui concerne l'éducation publique se limite à l'article 93. Telle est la réalité.
M. Peter Goldring: Vous seriez donc prêts à donner votre accord à cette modification dans l'espoir que cela sera fait ultérieurement?
M. Joe Rabinovich: Nous en avons discuté en venant ici. C'est une excellente question, mais je ne peux pas vous répondre directement. Voyons ce qui se passera si cette modification n'est pas adoptée.
La Loi 109 permet toujours d'imposer des commissions scolaires linguistiques tout en maintenant une commission scolaire catholique et une commission scolaire protestante à Montréal. En réalité, cette commission scolaire protestante deviendrait une commission anglophone ou francophone. Cela a déjà été dit. La seule commission qui existerait alors serait la Commission des écoles catholiques de Montréal qui deviendrait je crois
[Français]
une commission scolaire québécoise de vieille souche.
[Traduction]
Voilà ce qui se passerait selon moi. Nous aurions une commission scolaire catholique francophone et une commission scolaire catholique anglophone étant donné que les catholiques anglophones tiennent beaucoup à maintenir leur identité confessionnelle. Les immigrants qui arrivent dans la province et qui s'intègrent au Québec iraient dans une commission scolaire francophone.
Prenons le choix qu'auraient les parents: si cette modification n'est pas adoptée, si je suis un anglophone qui réside à Montréal, n'oubliez pas que j'ai le droit d'envoyer mon enfant dans une école anglophone ou francophone. Je peux l'envoyer dans une école anglophone d'une commission scolaire anglophone, dans une école anglophone d'une commission scolaire anglophone catholique, dans une école francophone d'une commission scolaire linguistique francophone ou dans une école francophone d'une commission scolaire catholique francophone. Tout cela est possible et c'est ce que permet la Loi 109. C'est tout un choix, n'est-ce pas?
M. Peter Goldring: C'est effectivement complexe. Mais je le répète, en l'absence de dispositions répondant aux autres questions qui vous préoccupent, si vous n'avez pas certaines garanties, ne vous opposerez-vous pas à cette modification de l'article 93? Vous n'avez pas la garantie que cette protection vous sera accordée. Dois-je comprendre que vous n'êtes pas pour cette modification du fait qu'on n'a pas remédié aux questions qui vous préoccupent?
M. Joe Rabinovich: Non. Nous sommes pour la modification à certaines conditions et nous savons que ces conditions peuvent être remplies non pas par ce gouvernement, mais par la province. Il ne s'agit pas de se lancer tête baissée, mais d'obtenir une certaine assurance que si le gouvernement du Québec répond, sur les plans politique et éducatif, aux exigences ou aux désirs de la population du Québec, il le fera pour tout le monde ou pour personne.
Vous me demandez si je suis pour la résolution au cas où je n'obtiendrais pas cette garantie. Je suis pour, car je crois également que, pour assurer la survie de l'enseignement en anglais au Québec, il est extrêmement important de regrouper ses forces au sein de commissions scolaires linguistiques. Pour le moment, à Montréal, nous avons d'un côté de la rue une école anglophone qui compte 300 élèves et de l'autre côté, une école catholique anglophone qui n'en a que 45. Si vous unissez les deux, vous aurez une école avec un bon programme scolaire qui disposera de toutes les ressources nécessaires. Pour le moment, la petite école ne fournit pas les services qu'elle devrait offrir. Par conséquent, du point de vue de l'enseignement en anglais, c'est une modification nécessaire.
M. Peter Goldring: Je vous remercie.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Marlene Jennings.
Mme Marlene Jennings: Bonjour et merci.
J'ai seulement une question à vous poser et c'est à la suite de certains points soulevés par M. Monahan. Il a dit que, pour ce genre de modification constitutionnelle, le Parlement devait établir si un véritable consensus existait ou non parmi les gens dont les droits seraient réduits ou supprimés.
• 1720
Étant donné la participation active du Congrès juif au débat
qui se déroule depuis 30 ans quant à savoir si nous devrions avoir
des commissions scolaires linguistiques ou confessionnelles,
pensez-vous qu'un consensus existe parmi la majorité des gens qui
seront touchés par cette modification?
M. Joe Rabinovich: Je répondrai par un oui catégorique. J'ai fait partie du groupe de travail de la Chambre il y a quelques années. Nous avons sillonné toute la province pour questionner les différentes communautés à ce sujet. La majorité des gens, plus de 75 p. 100, étaient pour les commissions linguistiques.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Je vais vous interrompre quelques secondes pour signaler qu'on vient d'annoncer la tenue d'un vote à la Chambre des communes dans quelques minutes. Nous allons donc commencer par les députés et nous passerons ensuite aux sénateurs.
Mauril Bélanger.
[Français]
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je voudrais vous poser une question, monsieur Rabinovich, mais je mentionnerai d'abord que la situation que vous décrivez quant à vos choix est la même que celle qui existe à Ottawa actuellement. Ce n'est pas si mal et cela semble fonctionner. Cela suscite quelques plaintes, mais n'en faisons pas une montagne non plus.
Ma question fait suite à celle de M. Goldring, à laquelle vous n'avez pas réellement répondu. J'ai apprécié votre franchise et je vous demanderais de réfléchir à ce qui suit.
Nous devons formuler une recommandation à nos collègues de la Chambre et au Sénat pour ou contre la modification de l'article 93. C'est à cela que se limite notre tâche. Vous nous suggérez de le faire, mais moyennant une condition. Vous avez reconnu que nous ne pouvions pas remplir cette condition. Ce n'est pas de notre ressort. Il faut donc laisser tomber cette condition. Que nous recommandez-vous?
M. Joe Rabinovich: Je vous recommande de recommander l'adoption de la proposition du Québec.
M. Mauril Bélanger: Sans cette condition?
M. Joe Rabinovich: Oui.
M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur.
[Français]
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Monsieur Godin.
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Vous avez dit que vous aviez fait une tournée dans le Québec, si j'ai bien compris.
M. Joe Rabinovich: C'est exact, avec la communauté anglophone.
M. Yvon Godin: Et ceux-ci ont dit qu'ils étaient d'accord sur la partie linguistique.
M. Joe Rabinovich: Oui.
M. Yvon Godin: Mais est-ce qu'ils ont dit qu'ils étaient d'accord sur la partie linguistique, mais avec des garanties pour les écoles confessionnelles?
M. Joe Rabinovich: Le feedback que nous avons eu à ce sujet était, selon certains, qu'ils étaient d'accord pour le processus d'amendement si on maintenait les règlements de la Loi 107, parce que la Loi 107 garantit la confessionnalité au niveau de l'école.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci. Sénateur Lavoie-Roux.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Il y a peut-être une correction que j'aimerais apporter. J'aimerais corriger un fait historique dont vous vous souvenez peut-être mal.
Vous avez parlé de l'immigration de juifs séfarades francophones au Québec. Vous avez dit qu'ils avaient été obligés d'aller dans les écoles anglo-protestantes parce qu'il n'existait pas, à l'époque, d'écoles françaises dans le réseau protestant. Vous ne vous en souvenez peut-être pas, mais j'étais à ce moment-là à la Commission des écoles catholiques de Montréal et on avait créé une école pour les séfarades qui a d'abord été une école jointe à l'école Saint-Antonin. Un peu plus tard, pour une raison ou pour une autre, il y a eu un peu de brasse-camarade. Il y avait le problème de la nourriture des juifs séfarades et, finalement, je pense qu'on leur a donné l'école Maimonide, qui était sur la côte Saint-Luc. Je pense que la CECM était là, et on ne l'a pas fait au nom des anglophones catholiques mais au nom des francophones juifs.
Je trouve donc qu'il est exagéré de dire qu'on ne s'occupait pas des autres parce qu'il y avait des commissions scolaires confessionnelles.
M. David Sultan: Madame la sénatrice, si vous permettez, je voudrais dire que c'est une école que j'ai fréquentée moi-même.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Oui? J'imagine que vous êtes juste assez vieux pour cela.
M. David Sultan: Je voudrais simplement dire que l'école Maimonide a été créée en 1967, après la révolution tranquille, donc après l'ouverture des écoles de la CECM aux francophones en général, qu'ils soient catholiques ou non. Ce n'est pas au début des années 1950. C'est un petit peu plus tard, après la révolution tranquille.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Je sais que ce n'était pas au début des années 1950. Je n'étais pas à la CECM en 1950.
M. David Sultan: J'en suis certain.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: C'était surtout pour vous faire remarquer qu'il y avait une certaine ouverture. Je tiens aussi à rendre hommage à Pierre Carignan, un grand démocrate qui disait qu'il fallait faire de la place pour les autres. Il était président quand j'étais moi-même vice-présidente. C'est à ce moment qu'on a commencé à prendre conscience que les grecs orthodoxes et d'autres...
Vous dites à la même page, mais un peu plus bas, que le financement des écoles confessionnelles privées—parce qu'il y a un certain nombre d'écoles juives confessionnelles à Montréal—a beaucoup diminué. Pourriez-vous nous dire dans quelle proportion cela a diminué par rapport à ce qui a été le plus élevé?
M. Joe Rabinovich: Au début de la Loi sur l'enseignement privé, le financement des écoles privées était de plus ou moins 80 p. 100 de celui du réseau public. Maintenant, 25 ans plus tard, l'école privée reçoit seulement 50 p. 100 de ce que l'école publique reçoit.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Il y a donc eu une diminution d'environ 33 p. 100.
M. Joe Rabinovich: C'est une diminution très significative.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Dans le système scolaire que vous souhaitez, est-ce que vous voulez des écoles confessionnelles juives? Est-ce que vous pensez que la communauté juive continuerait à donner quelque chose à l'école privée...
M. Joe Rabinovich: Absolument.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: ...et également à l'école publique comme cela se fait encore, même si c'est dans une proportion moindre?
M. Joe Rabinovich: Oui, oui. Absolument.
M. Frank Schlesinger: La portion religieuse sera toujours financée par les individus et par la communauté juive. La partie de l'instruction publique sera financée par le public.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Comment est-ce que ça s'équilibre à l'intérieur d'une école?
M. Joe Rabinovich: Le curriculum juif, si on peut dire, représente probablement 15 p. 100 du curriculum actuel.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Oui.
M. Joe Rabinovich: On parle de 85 p. 100 de curriculum standard.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Il serait peut-être bon que nos collègues qui ne sont pas du Québec sachent que c'est peut-être le Québec qui a été le plus généreux pour les écoles privées appartenant à d'autres dénominations religieuses, que ce soit les écoles juives, orthodoxes, ou arméniennes.
M. Joe Rabinovich: Je voudrais dire qu'il existe aussi, en Alberta, un système très similaire et peut-être un petit peu plus généreux envers les écoles privées.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Ils ont plus de pétrole que nous. Nous, on a de l'eau.
Des voix: Ah, ah!
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Je vous remercie.
M. Joe Rabinovich: Je vous en prie.
[Traduction]
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Tout cela me fascine, car nous nous sommes battus pour obtenir des subventions pour les non-catholiques, les écoles non séparées, et la lutte se poursuit. Nous ne l'avons pas encore gagnée.
J'aimerais examiner un peu le contexte. Si j'ai bien compris, vous recommandez un modèle d'égalité. Vous nous dites de supprimer l'article 93 qui accorde une situation préférentielle ou, si vous voulez, un droit à un groupe particulier. Puis on met tout cela sur un pied d'égalité et, si vous prenez l'article 41 de la Charte des droits du Québec, il y est dit—et je cite la page 6 de votre mémoire—que les parents ou les personnes qui en tiennent lieu, ont le droit d'exiger que dans les établissements d'enseignement public, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la loi.
Il est donc question ici, du moins dans la Charte du Québec, d'un système scolaire public de type confessionnel. Vous parlez d'un système privé par opposition au système public. Je voudrais insister sur le modèle d'égalité qui se rapporte à l'éducation scolaire proposé au Québec. Si je suis bien votre argument, vous dites que les minorités autres que catholiques ou protestantes se fient à la Charte à la condition que la Loi sur l'instruction publique prévoie une formule équitable.
M. Joe Rabinovich: Absolument.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Ce modèle n'exige donc pas de clause de dérogation. En fait, cette clause pourrait empêcher l'application de l'article 41 de la Charte québécoise.
M. Joe Rabinovich: C'est exact.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Je ne vois pas trop comment cela s'appliquerait, mais en fait vous dites ceci: en l'absence de clause de dérogation, donnez-nous la Charte québécoise, donnez-nous la Charte fédérale et donnez-nous l'égalité en ce qui concerne la Loi 109.
M. Joe Rabinovich: Exactement.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Si c'est le cas, s'il s'agit là d'un modèle d'égalité—le Parti réformiste nous a parlé du désir de tout Canadien d'avoir un modèle d'égalité... Ce serait en fait un modèle d'égalité.
M. Joe Rabinovich: Absolument.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Pour ce qui est du financement—et j'ai déjà posé la question aux témoins précédents—, les divers groupes pourraient obtenir une égalité per capita si le nombre le justifie.
M. Joe Rabinovich: C'est exact.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: S'il s'agit d'un petit groupe, c'est difficile, mais si ce groupe devient viable, quelle que soit cette viabilité...
M. Joe Rabinovich: Oui.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Il pourrait s'agir d'une centaine d'élèves ou de 75. Nous ne parlons pas d'une douzaine, mais d'un nombre raisonnable pour constituer une classe ou deux, par exemple. C'est le modèle que vous recommandez.
M. Joe Rabinovich: Oui.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Je voudrais maintenant soulever la question du consensus, parce que le témoin précédent a dit que le Parlement devait s'assurer que les minorités touchées... Cette minorité n'est pas la minorité catholique, mais plutôt la minorité protestante. Je suppose que la majorité de cette minorité est pour ce modèle d'égalité.
M. Joe Rabinovich: Certainement. Nous avons même quelques lettres à cet effet.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Pour ce qui est des protestants, nous avons entendu la commission scolaire protestante. Nous avons entendu la commission scolaire catholique, les enseignants catholiques, Alliance Québec et l'Alliance des étudiants qui est principalement francophone. Nous avons entendu le regroupement arabe qui dit à peu près la même chose que vous. Même les évêques ont dit qu'ils ne s'opposaient pas à cela. Ils ne sont pas pour.
Il me semble—et c'est la question que Monahan nous a posée et c'est une question de fait—que nous devons, au Parlement, déterminer une question de fait, à savoir si nous sommes convaincus qu'il y a consensus parmi les minorités concernées, et il me semble que c'est ce que nous avons eu. Vous dites, d'après les renseignements que vous avez pu recueillir, que c'est ce que vous avez pu constater lors de votre examen de la question sur le terrain.
M. Joe Rabinovich: En effet. Je vais même vous donner plus de témoignages directs. Nous devrions peut-être déposer ce document. J'ai une lettre écrite à Mme Pauline Marois par l'évêque anglican de Montréal, Mgr Andrew Hutchison, qui confirme tout ce que j'ai dit au sujet des protestants et leur désir de se conformer à ce que vous avez dit également, en ce qui concerne le consensus. Voici la lettre.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: En fin de compte, à part les doutes que certains d'entre nous peuvent avoir, si nous prenons le gouvernement du Québec au mot, au lieu de nous fier à sa mesure législative... Parce que vous dites dans votre dernier paragraphe: «Malgré cela, le gouvernement du Québec entend maintenir un système scolaire qui tend à limiter encore une fois, l'instruction confessionnelle aux seules communautés catholique et protestante.»
Vous dites, si j'ai bien compris, que le ministre—et nous entendrons le ministre demain—a parlé d'égalité, mais que la mesure législative semble comporter un facteur limitatif. Mais si nous prenons le ministre au mot, à titre de représentant de l'État, je suppose que vous êtes convaincus que le ministre respectera, dans la mise en oeuvre de la mesure législative, l'engagement qu'il a pris publiquement. Ainsi, les parents auront véritablement un choix, il y a aura vraiment égalité.
M. Joe Rabinovich: Ce que vous dites est exact, mais si vous me demandez si je crois en ce moment que le ministre modifiera la Loi 109 pour faire en sorte que l'égalité soit accordée à toutes les minorités religieuses, je n'en suis pas persuadé pour le moment.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Ainsi la seule façon qu'il pourrait manquer à sa parole, serait d'invoquer la clause de dérogation.
M. Joe Rabinovich: En effet.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Il doit donc utiliser cette clause pour faire disparaître l'égalité dans la province de Québec. Vous auriez donc un assez bon argument politique à présenter, s'il utilisait ce Cheval de Troie pour faire disparaître l'égalité.
M. Joe Rabinovich: Certainement.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci, sénateur Grafstein. Le sénateur Robichaud.
Le sénateur Fernand Robichaud (Nouveau-Brunswick, Lib.): J'ai des difficultés à suivre ce que vous dites. Vous êtes en faveur de la modification de l'article 93, à condition que la province n'accorde pas à des catégories particulières de personnes des privilèges qu'il n'accordera pas à d'autres groupes. Vous venez de dire que selon vous, la province ira dans cette direction. Comment pouvez-vous dire que vous êtes en faveur de la modification quand vous ne savez pas ce qui vous arrivera? Vous avez de toute évidence bien confiance que les choses s'arrangeront entre temps.
M. Joe Rabinovich: C'est peut-être parce que nous y voyons le moindre de deux maux. Je pense que le statu quo est pire que la modification de l'article 93.
Le sénateur Fernand Robichaud: Bien.
M. Joe Rabinovich: Si vous me demandez de faire des comparaisons, je dirais que j'adopte cette position parce qu'à mon avis, le statu quo est moins «acceptable» que la modification.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur Rabinovich.
M. Frank Schlesinger: Nous déposons deux lettres. Nous incluons aussi une lettre du Christian Jewish Dialogue, dans laquelle l'organisme appuie la position adoptée par la communauté juive. Ces deux lettres ont été remises à la greffière, qui en fait faire des copies.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier sincèrement de votre comparution aujourd'hui au comité, et de vos commentaires.
[Français]
Un appel au Règlement, madame la sénatrice Dalia Wood.
[Traduction]
La sénatrice Dalia Wood: Monsieur le président, je veux savoir pourquoi les pasteurs franco-protestants ont refusé de comparaître. Le 22 octobre, ils voulaient comparaître devant nous et maintenant nous avons une lettre des pasteurs protestants.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénatrice Wood, nous passerons plus tard à votre rappel au Règlement. Nous allons suspendre la séance maintenant. Il y a un vote à la Chambre des communes. Nous passerons à votre rappel au Règlement lorsque nous reprendrons la séance.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: J'invoque le Règlement également. Pourquoi Gary Caldwell ne peut-il pas être entendu? Nous en discuterons après...
Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous traiterons de vos rappels au Règlement lorsque nous reprendrons la séance.
[Français]
La séance est suspendue pour permettre le vote à la Chambre des communes.
1816
Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous reprenons les audiences du Comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec, conformément à l'ordre de renvoi du 1er octobre 1997.
Avant de céder la parole à nos premiers témoins, j'entendrai un rappel au Règlement de la sénatrice Dalia Wood.
[Traduction]
La sénatrice Dalia Wood: Monsieur le président, nous avons reçu une demande de comparution de la part des pasteurs franco-protestants et nous avons refusé leur demande. J'aimerais savoir pourquoi nous l'avons fait, lorsqu'ils nous en ont fait la demande le 16 octobre.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame la coprésidente.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Je pense, sénatrice Wood, que nous avons déjà entendu M. Caldwell lors de la comparution d'une autre association.
La sénatrice Dalia Wood: Les pasteurs franco-protestants ne sont pas venus.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Nous avons tenté d'accommoder le plus de témoins et de membres de ce comité possible et nous avons l'impression d'avoir entendu leurs points de vue. Peut-être n'avons-nous pas entendu ce groupe précis, mais son point de vue a été exprimé et répété par d'autres. Ce n'est pas parce qu'on a voulu les éliminer précisément, mais je pense que leur point de vue a été présenté par d'autres groupes.
Nous avons présenté l'horaire aux membres du comité mardi matin à 9 heures et ils nous ont tous dit être satisfaits. Ils se sont également montrés satisfaits des témoins dont les noms figuraient sur les listes. Alors, je suis désolée. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas vous accommoder, mais nous ne disposons pas d'assez de temps. On a l'impression que leur approche a été...
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Accordez-nous une semaine de plus, et on aura le temps.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Vous voudriez rester durant la semaine de relâche?
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Oui, ça ne me dérangerait pas.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Je m'excuse, sénatrice Lavoie-Roux, mais nous en avions discuté ici, en comité, et tout le monde était d'accord mardi.
Une voix: Tout à fait.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Sénateur Grafstein.
[Traduction]
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Premièrement, les gens préparent des mémoires, madame la présidente. Si des gens ont des mémoires et ne peuvent pas comparaître, tant que ces mémoires sont présentés en français et en anglais, je m'engage à les lire et j'ai lu tous les mémoires présentés jusqu'ici. Ainsi, lorsque nous ne pouvons pas entendre certaines personnes, il est au moins important que nous obtenions leur mémoire afin de profiter des informations qu'elles ont à présenter. Peu m'importe que le document ait cinq pages ou 50 pages. Je vous dis seulement que de ce côté-ci, nous avons l'intention de tout lire et que nous avons lu beaucoup plus de mémoires que ceux qu'on nous a présentés ici.
Il y a beaucoup d'informations au Québec et la Bibliothèque du Parlement nous fournit aussi une quantité énorme d'informations. J'ai une pile de documents d'environ un pied et demi d'épaisseur et j'en ai lu à peu près le tiers. J'espère avoir tout lu avant que nous déposions notre rapport.
Toutes les instances présentées devraient être à la disposition de tous les membres du comité. Si nous ne pouvons pas entendre les gens en personne, c'est une question que nous devons examiner. Il incombe au coprésident et au groupe de prendre une décision. Il est certain que nous devrions avoir tous les mémoires en main avant de rédiger notre rapport.
La sénatrice Dalia Wood: Je crois savoir que nous avons entendu les évêques du Québec. Nous n'avons pas entendu les pasteurs, qui représentent un groupe complètement différent. Tout le monde me dit que les évêques sont ici. Ils ne sont pas des évêques, ils sont des pasteurs, des pasteurs protestants, et j'aimerais les entendre. Nous ne les avons pas entendus.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Nous n'avons pas entendu les évêques, monsieur le président. Nous avons seulement reçu une lettre des évêques dans laquelle ils exposaient leur position, et nous avons reçu des instances de la part des pasteurs catholiques, ou des prêtres. Je ne sais pas exactement quelle est la situation en ce qui concerne les pasteurs protestants.
Il est clair que nous devons recevoir les informations dont ils veulent nous faire part.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Vous avez absolument raison, sénateur Grafstein. Comme nous avons bien voulu accepter une lettre des évêques, nous accepterons également un texte de l'association dont vous parlez. Il est très important, à mon avis, que toute association qui souhaite intervenir puisse présenter un mémoire.
[Français]
Madame Lavoie-Roux.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Je voudrais qu'on explique pourquoi on refuse d'entendre M. Caldwell. On va me répondre qu'il est venu avec une coalition quelconque. Je n'y étais pas; ce n'est pas votre faute, mais la mienne. Il veut venir témoigner en son nom personnel et parler des États généraux. C'est un sociologue, un intellectuel comme les gens aiment dire, et je voudrais bien savoir pourquoi on refuse de l'entendre.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Ménard.
M. Réal Ménard: Monsieur le président, je pense qu'il faut quand même être un peu respectueux de l'ensemble des témoins. M. Caldwell est venu. C'est un dissident des États généraux. Si on veut être conséquent avec nous-mêmes, on va inviter des gens qui ont exprimé le point de vue majoritaire des États généraux. Il a été entendu. Vous êtes d'accord avec moi là-dessus?
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: On ne l'a pas entendu au sujet des États généraux.
M. Réal Ménard: Madame la sénatrice, allons-nous commencer à entendre trois fois les mêmes témoins?
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Vous avez eu les aborigènes qui sont venus deux fois.
Le coprésident (M. Denis Paradis): J'écoute M. Ménard en ce moment, madame la sénatrice.
M. Réal Ménard: Monsieur et madame les présidents, on a eu également le point de vue franco-protestant. Personne ne peut nier que les franco-protestants, via deux associations, sont venus nous parler. C'est correct que ce soit ainsi, mais on ne peut pas dire qu'ils ne sont pas venus.
Troisièmement, on a des contraintes de temps.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Elles nous ont été imposées.
M. Réal Ménard: Avec raison, madame.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Non, il n'y a pas d'excuse.
M. Réal Ménard: Oui, il y a des excuses.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous discutons d'un rappel au Règlement soulevé par Mme la sénatrice Dalia Wood et j'entends maintenant M. Ménard.
M. Réal Ménard: Monsieur le président, vous devriez toujours rappeler à ceux qui ont tendance à l'oublier que nous avons une résolution qui nous lie pour le dépôt d'un rapport et qui est formelle: on ne peut pas excéder l'échéancier qui est le nôtre; il faut que le rapport soit déposé le 7 novembre.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Il faut absolument que ça passe le 7 novembre pour faire plaisir au Parti québécois.
M. Réal Ménard: Oui, madame. Et quand bien même une fois dans votre vie vous feriez plaisir au PQ, ça ne vous fera pas mourir.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Madame la sénatrice, j'aimerais tout simplement vous rappeler que l'ordre du jour où figurent les noms des témoins a été soumis à tous les membres du comité mardi matin et que les membres du comité ont accepté l'ordre du jour que vous avez devant vous. Alors, je suis désolée. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas recevoir une personne plutôt qu'une autre; c'est qu'on a réellement la perception qu'on a entendu leur approche. On essaie d'écouter tout le monde, mais là on ne veut surtout pas se répéter. Je suis désolée.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Permettez-moi d'ajouter ceci. Nous avons eu aujourd'hui une demande à la fois du gouvernement du Québec et de l'opposition officielle à Québec en vue de se faire entendre demain. Il est important de les entendre parce que ce sont ceux qui ont adopté la résolution. Nous n'avons ménagé aucun effort pour trouver un créneau dans l'ordre du jour de demain pour entendre autant le gouvernement du Québec que l'opposition officielle.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Ils sont d'accord tous les deux; nous pourrions n'entendre que l'un d'eux.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Écoutez, c'est le comité qui a demandé à les entendre. Nous avons fait des démarches à cette fin. Je m'excuse, mais je pense que le débat est terminé.
[Traduction]
Mme Val Meredith: Où en étions-nous? Nous perdons du temps. Il y a des témoins qui attendent de prendre la parole et je pense que nous devrions les écouter.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, madame Meredith. Nous allons passer à l'ordre du jour.
[Français]
Nous avons le plaisir de recevoir le Mouvement laïque québécois représenté par Daniel Baril, son président, Luc Alarie, conseiller juridique, et Yves Archambault, membre du conseil d'administration.
Messieurs, vous êtes les bienvenus.
• 1825
Monsieur Baril, nous vous écoutons.
M. Daniel Baril (président, Mouvement laïque québécois): Monsieur le coprésident, mesdames et messieurs les députés et sénateurs, comme son nom l'indique, le Mouvement laïque québécois est un organisme voué à la défense et à la promotion de la laïcité dans toutes les sphères de la vie publique.
Nous regroupons des individus et des organismes sans distinction d'allégeance religieuse, politique, idéologique, de langue ou d'origine ethnique, qui sont en faveur de la laïcité.
Notre action en faveur de la laïcité est fondée sur le respect des droits fondamentaux reconnus dans les Chartes canadienne et québécoise. La Charte canadienne est ici notre pièce à conviction numéro un, et c'est en vertu du respect des droits énumérés dans les articles 2 et 15 que nous venons ici appuyer le gouvernement du Québec dans sa requête d'amendement à l'article 93.
Nous appuyons cette démarche non pas parce que le projet du Québec vise la laïcisation du système scolaire, contrairement à ce que les journaux rapportent, eux qui n'ont pas encore compris qu'il ne s'agit pas de laïcisation, mais parce que la demande du Québec d'instaurer une structure scolaire linguistique est de nature à apporter au système scolaire québécois des bases structurelles répondant à la réalité sociologique d'aujourd'hui, ce qui lui permettra de mieux répondre à nos besoins actuels.
Nous croyons au consensus maintes fois exprimé en ce sens par la population, que ce soit lors des États généraux de l'éducation ou lors de diverses commissions parlementaires tenues depuis une dizaine d'années, lors de la commission royale d'enquête, la Commission Parent en 1966, ou lors des divers sondages menés sur la question. Le dernier sondage réalisé par la firme Sondagem indique que 88 p. 100 de la population, toutes langues et religions confondues, préféreraient que les enfants fréquentent des écoles communes indépendamment de la religion des parents. Ce sondage est notre pièce à conviction numéro deux.
À notre avis, les opposants de la semaine dernière ne font pas le poids face à ces 88 p. 100 de la population qui représentent des millions de personnes qui n'ont aucun lobby ou aucun groupe de pression pour se faire entendre. Ils n'ont que la voix des sondages.
La réforme demandée par le Québec serait également de nature à élargir les assises démocratiques du système scolaire en levant une partie des contraintes confessionnelles qui sont source de discrimination. La Charte canadienne des droits et libertés reconnaît, à l'article 2, les libertés fondamentales de religion, de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression. Elle reconnaît également, à l'article 15, que:
-
...tous ont droit
à la même protection et au même bénéfice de la loi,
indépendamment de toute discrimination, notamment des
discriminations fondées sur [...] la religion...
L'article 93 va à l'encontre des dispositions constitutionnelles en accordant des privilèges à deux religions particulières. Les aménagements et les lois découlant de cet article nient le droit à la liberté de conscience et le droit à l'égalité des religions. En suspendant ces libertés dans le domaine scolaire, l'article 93 a la portée d'une clause nonobstant. Mais alors que la clause nonobstant prévue à l'article 33 a une durée maximum de cinq ans, la clause nonobstant virtuelle de l'article 93 est permanente et sans appel.
L'article 93 ne résisterait pas, à notre avis, au test de la Cour suprême s'il n'était reconduit dans la Charte elle-même à l'article 29. Cette contradiction inhérente à la Charte limite les droits fondamentaux de façon inacceptable dans une société libre et démocratique.
Les divers aménagements confessionnels du système scolaire québécois, développés au fil des années sur la base de l'article 93, ont fini par aller bien au-delà des obligations découlant de cet article. Ces aménagements sont eux aussi en contradiction avec les chartes, si bien que le gouvernement du Québec doit recourir formellement à la clause nonobstant des deux chartes pour les maintenir. C'est donc bien l'aveu que la confessionnalité scolaire brime les droits fondamentaux.
L'article 93 s'applique par ailleurs de façon différente selon qu'on habite Montréal et Québec ou ailleurs en province. Les citoyens du Québec ont donc des droits constitutionnels différents selon la ville où ils habitent. Dans certains secteurs de l'île de Montréal, c'est même en fonction du côté de la rue où ils demeurent. Cette seule aberration est suffisante en soi pour abroger l'article 93.
On ne peut être à la fois en accord avec les libertés fondamentales reconnues dans la Charte de 1982 et en faveur du maintien de l'article 93, qui suspend les mêmes libertés.
Le recours à la clause nonobstant dans un domaine beaucoup moins fondamental que l'éducation, soit dans l'affichage commercial, a provoqué de très vives tensions sociales. On ne voit pas pourquoi une telle clause serait plus acceptable dans le domaine des écoles publiques.
Vouloir maintenir l'article 93 sur le fait qu'il existe est un argument bien faible en regard des problèmes de discrimination qu'il entraîne. Les droits acquis doivent être évalués à leur mérite et non être considérés comme intouchables. Rappelons que dans la société esclavagiste, le maître avait droit de vie ou de mort sur son esclave.
• 1830
Chez nos voisins du Sud, ceux qui se sont opposés
à l'abolition d'un tel régime, combattant du même coup
la notion de droits humains alors en émergence, ont
provoqué une guerre civile sanglante au nom de la
tradition et des droits acquis. Si nos sociétés étaient
construites sur ce principe des droits acquis, il n'y
aurait pas eu de progrès social et nous serions encore
à la préhistoire.
Les groupes qui viennent devant ce comité pour faire valoir que leurs droits linguistiques sont menacés se trompent d'enseigne puisque ce n'est pas ce dont il est question dans la demande du Québec.
Les droits scolaires linguistiques sont, en effet, définis à l'article 23 de la Charte, qui s'applique et s'est toujours appliqué au Québec.
La plupart des opposants ne sont, par ailleurs, pas contre le principe des commissions scolaires linguistiques. Connaissant la détermination du Québec de procéder dans ce sens, ils misent sur le maintien de l'article 93, espérant pouvoir jouir à la fois des commissions scolaires linguistiques et des réseaux linguistiques dans les commissions scolaires confessionnelles déjà existantes.
Cela est très clair dans le discours de leaders de la communauté anglophone, comme l'avocat Julius Grey, le sociologue Gary Caldwell, qui est déjà venu, et les représentants d'Alliance Québec.
Ce double système a un temps été envisagé par le Québec, mais a été abandonné parce qu'il nous aurait conduit à une ghettoïsation impossible à gérer et à un chaos dans la situation scolaire, particulièrement à Montréal.
Ceux qui disent craindre, par ailleurs, pour leur liberté de religion en tant que minorités se trompent eux aussi d'enseigne. La confessionnalité du système scolaire n'est pas un corollaire de la liberté de religion. Au contraire, les principes de liberté de religion, de conscience et d'égalité des religions imposent la neutralité de l'État. C'est ce qui s'appelle la laïcité, qui devient alors garante des libertés en question.
L'article 93 s'adresse aux seules religions catholique et protestante. Du côté protestant, mis à part quelques écoles fondamentalistes, le réseau est en fait non confessionnel. Le Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation a déjà lui-même déclaré que «la confessionnalité est un boulet à traîner». Toute une partie de l'ouvrage de Nathan Mair, pièce à conviction numéro 3, publié par le Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation, illustre le fait que la confessionnalité du réseau protestant n'est pas un élément confessionnel.
Jusqu'aux années 1990, le règlement du Comité protestant interdisait d'ailleurs aux écoles dites protestantes d'offrir un enseignement religieux confessionnel. C'est la réalité qui continue de prévaloir aujourd'hui. C'est pourquoi la presque totalité des Juifs à l'école publique sont à l'école protestante, cette école étant, de fait, laïque. On ne voit donc pas comment on pourrait invoquer l'article 93 dans leur cas pour maintenir quelque chose qui n'existe pas.
Il reste le réseau catholique. Les catholiques forment 86 p. 100 de la population du Québec. C'est une grosse minorité.
Il faut donc remettre les choses à leur place. C'est l'article 93 qui permet aux majorités de décider des droits des minorités et non l'inverse. La demande de retrait de cet article ne saurait être vue comme le fait d'une majorité qui veut retrancher des droits à une minorité.
Les minorités religieuses n'ont rien à attendre de l'article 93. Au contraire, cet article vient limiter leur seul recours à la Charte, qui serait l'article 2 et l'article 15. Non seulement elles n'ont rien à en attendre, mais l'article 93 leur enlève la possibilité de faire valoir leur droit à l'égalité des religions et à la liberté de conscience.
Dans l'ensemble du Canada et de l'Amérique du Nord, c'est le Québec qui fait exception avec son système scolaire confessionnel. La demande d'abrogation de l'article 93 à son endroit n'aurait pas pour effet de lui octroyer un statut spécial mais, bien au contraire, de lui permettre de se doter d'un réseau scolaire comparable à ce qui existe ailleurs au Canada et aux États-Unis.
En Colombie-Britannique, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard et au Yukon, le système scolaire public est non confessionnel. En Ontario, en Alberta, en Saskatchewan et dans les Territoires du Nord-Ouest, il existe un réseau scolaire séparé catholique, mais la règle du base du système scolaire public et commun est la non-confessionnalité.
En Ontario, la Cour d'appel a même déclaré la religion inconstitutionnelle à l'école publique commune. Il n'y a qu'à Terre-Neuve qu'on retrouve un système comparable à celui du Québec, et la population veut s'en départir. Ces données ne viennent pas d'une évaluation du Mouvement laïque; elles sont tirées d'un document du Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation, mot à mot.
Voici la pièce à conviction numéro 4. Le Comité catholique a également pris note du fait que le système scolaire américain est essentiellement laïque, comme en France et au Mexique. Pourtant, dans les autres provinces canadiennes comme dans les États américains, on ne voit pas les adeptes des religions se plaindre de ce que leur droit à la liberté de religion serait brimé par la non-confessionnalité de l'école publique.
• 1835
Le Comité catholique a également examiné la situation
dans plusieurs pays européens. Même là où l'école
accorde une certaine place à l'enseignement religieux,
il a été incapable de trouver un seul pays où la
situation est comparable à celle du Québec,
c'est-à-dire avec des territoires administratifs
confessionnels, des comités confessionnels nommés par
le clergé au sein du ministère de l'Éducation, un
statut juridique confessionnel aux écoles, un projet
éducatif confessionnel décidé à la majorité des
parents, de l'animation pastorale et, évidemment, de
l'enseignement religieux confessionnel, le tout mis à
l'abri des droits fondamentaux par une clause
nonobstant.
Dans les pays multilingues, comme la Suisse et la Belgique, c'est la langue qui préside à l'organisation du système scolaire, et non la religion. Donc, on ne demande pas de statut particulier pour le Québec, mais la possibilité de se doter d'un système comparable à ce qui existe ailleurs au Canada.
L'article 93 a été adopté à une époque où les chartes des droits n'existaient pas. Il vous appartient maintenant de faire le point et de décider si c'est cette notion des droits fondamentaux, revue dans la Charte de 1982, doit primer, ou si c'est celle d'une approche vieille de 130 ans qui ne répond plus à la réalité d'aujourd'hui. Si vous êtes d'accord sur ces droits reformulés en 1982, aux articles 2 et 15, vous ne pouvez pas être d'accord sur le maintien de l'article 93.
Il vous appartient de faire en sorte que le Canada puisse entrer dans la modernité en permettant à ses provinces de se doter de cet outil essentiel et fondamental qu'est un système scolaire adapté aux besoins de l'heure.
En terminant, il me fait plaisir de vous livrer un message du professeur Guy Rocher, du Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal, qui était également membre de la Commission Parent dans les années 1960 et qui a continué d'observer l'évolution du système scolaire. Étant dans l'impossibilité de se rendre, il mandate le Mouvement laïque de présenter son message qui a été déposé en annexe cet après-midi.
Il présente quatre principes fondamentaux en conclusion au rapport Parent. J'attire votre attention sur le quatrième:
-
Enfin les membres de la Commission Parent en étaient venus à
la conclusion que les commissions scolaires n'avaient
pas, pour la plupart, et ne devaient plus avoir, de caractère
confessionnel. Il nous était clairement apparu que la
très grande majorité des commissions scolaires étaient
alors communes et non confessionnelles,...
cela en dehors de Montréal et Québec,
-
... administrant des écoles catholiques ou protestantes,
selon que la majorité de la population était
catholique ou protestante. Une des principales
exceptions était cependant la Commission des écoles
catholiques de Montréal, aussi bien que The Protestant
School Board of Greater Montreal, dont la
confessionnalité était garantie par l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique [...].
Nous fondant sur la
longue et large consultation que notre Commission avait
menée, nous avons cru, au début des années 1960, que la
grande majorité de la population montréalaise,
protestante et catholique, accepterait d'abandonner ce
privilège, dont le fondement nous était apparu de plus
en plus douteux.
C'était en 1966.
-
La Commission Parent en arrivait même
à recommander de remplacer les commissions
scolaires confessionnelles par des commissions
scolaires unifiées, qui n'auraient été ni
confessionnelles, ni linguistiques, chacune
pouvant administrer, selon les besoins de la
population, des
écoles catholiques, protestantes, non confessionnelles,
anglaises et françaises.
-
Autour de ce quatrième principe, nous sommes de toute évidence
devant une histoire inachevée. Histoire
déjà complexe, pleine d'incidents et de
rebondissements. Histoire faite aussi de nombreuses hésitations de la
part des gouvernements successifs, qui ont pourtant tour
à tour cherché à mettre un peu plus d'ordre dans l'anarchie
qui régnait depuis bien longtemps dans l'organisation
scolaire de tout le territoire de l'Île de Montréal.
-
Il serait bien illusoire de penser que de tels changements
reçoivent un appui unanime.
-
Mais ce qui caractérise
la situation présente, c'est que nous pouvons enfin
faire état d'une prise de position unanime de la plus
haute autorité législative du Québec qui, connaissant
les réticences de certains et en en tenant compte, a
voté une proposition précise. Nous pouvons enfin voir
la lumière au bout d'un long tunnel et espérer moderniser les
structures scolaires, tout en respectant les droits et
aspirations de tous les groupes de la population.
Nous avions formulé des demandes en 1966 et nous nous butons depuis plus de 30 ans sur leur réalisation en raison de l'article 93. Je vous remercie.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur Baril. La première intervenante sera Val Meredith.
[Traduction]
Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président.
Merci d'être venus ce soir. Je suis curieuse de savoir exactement qui vous représentez. Vous dites que vous êtes un organisme sans but lucratif enregistré depuis 1981. Représentez-vous des groupes ou des particuliers qui ont des intérêts divers?
[Français]
M. Daniel Baril: Ce sont les deux: des individus, comme on l'indique, qui sont d'accord sur la laïcité dans les structures sociales publiques et, d'autre part, des organismes, principalement des syndicats d'enseignants qui sont en accord avec les objectif que nous poursuivons.
• 1840
En fait, il n'y a pas d'autres organismes qui peuvent
parler au nom de gens qui sont sans allégeance
religieuse. Le Mouvement laïque n'est pas un
regroupement de gens athées. Par contre, il nous
arrive de parler en leur nom. C'est pourquoi nous
précisons
dans notre mémoire qu'il y a quand même
au Québec 4 p. 100 de la population, selon les données
de Statistique Canada, qui se déclarent sans
religion, ce qui est un pourcentage plus élevé
que celui qu'atteignent les huit Églises de la
réforme protestante. De fait, nous regroupons des gens de
toutes allégeances: des catholiques, des protestants,
des incroyants et des sans religion sont membres de
notre organisation.
[Traduction]
Mme Val Meredith: Vous faites allusion dans votre mémoire à diverses commissions parlementaires tenues sur une période de 10 ans et à divers sondages impartiaux, dont le dernier indique que 88 p. 100 de la population préfère que leurs enfants fréquentent des écoles communes. Avez-vous des copies des résultats d'autres sondages d'opinion qui confirmeraient ce chiffre de 88 p. 100 ou qui confirmeraient le consensus parmi la population et pourriez-vous les remettre à la greffière?
[Français]
M. Daniel Baril: Je crois que c'est faisable. De plus, les représentants de la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire vous en parleront probablement demain.
[Traduction]
Mme Val Meredith: Merci.
Lorsque nous disons qu'il y a consensus, c'est-à-dire que les citoyens du Québec appuient ce que leur gouvernement fait en leur nom, sans qu'il y ait référendum, sans qu'il y ait un vote démocratique direct, on doit se fier à votre parole et à celle d'autres groupes, quant à l'existence du consensus. Vous avez fait allusion à des sondages impartiaux.
Si nous pouvions avoir les résultats de ces sondages de l'opinion, ainsi que les questions posées, à qui elles ont été posées et quels ont été les résultats, je pense que cela nous aiderait peut-être à comprendre ce qu'en pense la population. Si vous pouviez trouver certains de ces résultats et les remettre à la greffière, je vous en serais reconnaissante.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Meredith. Le prochain intervenant sera le sénateur Beaudoin.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Vous voulez que les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 soient supprimés, de sorte qu'il ne restera que le paragraphe d'introduction qui prévoit que l'éducation est une compétence exclusive des provinces. Pour le reste, j'imagine que vous vous en remettez à la Charte canadienne des droits et libertés et à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Prévoyez-vous la nécessité d'utiliser des clauses nonobstant et quelle attitude adopterez-vous une fois que les droits confessionnels auront été écartés?
M. Daniel Baril: Ce ne sera pas le cas.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Vous prônez que ça soit...
M. Daniel Baril: Actuellement, il y a des privilèges qui n'ont rien à voir avec les droits fondamentaux, ces privilèges étant le droit des catholiques et protestants d'avoir des systèmes publics confessionnels à partir du ministère jusqu'à l'enseignement dans l'école.
Une fois que ce privilège sera retiré, vous demandez...
Le sénateur Gérald Beaudoin: J'imagine que nous aurions un système scolaire unifié.
M. Daniel Baril: La loi que le gouvernement veut appliquer actuellement, en demandant l'abrogation de l'article 93, c'est tout simplement une répartition géographique de la clientèle sur une base linguistique. Le reste de la confessionnalité est là: les écoles restent confessionnelles, avec un statut confessionnel, un projet éducatif confessionnel, l'enseignement religieux confessionnel. Tout ça reste en place.
Si vous nous demandez ce qu'on en pense, c'est sûr que ce n'est pas...
Le sénateur Gérald Beaudoin: Vous dites que ça reste en place?
M. Daniel Baril: Absolument. Les représentants du PSBGM ont dit qu'ils avaient besoin de la clause nonobstant pour maintenir l'enseignement religieux; c'est complètement faux. Le droit à l'enseignement religieux est déjà prévu dans la Charte québécoise. Ils ont besoin de la clause nonobstant s'il n'y a que deux types d'enseignement religieux.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Mais vous n'êtes pas d'accord sur ce qu'ils disaient sur ce plan?
M. Daniel Baril: Non. Eux parlaient de recourir à la clause nonobstant concernant l'enseignement religieux. Cela est faux. Si on veut maintenir l'enseignement de deux religions seulement, catholique et protestante, là on a besoin de la clause nonobstant. Mais l'enseignement religieux comme tel est déjà prévu dans la Charte québécoise. C'est un droit accordé aux parents. Mais ils ne l'accordent qu'à deux religions à cause de l'article 93 ou parce que ce n'est pas possible de faire autrement. Ici, on ne peut pas faire autrement; il faut laïciser de quelque manière. Mais ce n'est pas la question qui est sur le tapis. Ce sont les commissions scolaires linguistiques.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui. C'est-à-dire que ce qui est sur le tapis, c'est l'amendement qui prévoit que les paragraphes (1) à (4) seraient écartés et que la compétence exclusive des provinces en matière d'éducation, évidemment, demeurerait. Cela est très clair.
Si l'amendement est adopté, à ce moment-là, la Charte québécoise des droits et libertés s'appliquera de même que l'article 41, qui prévoit l'enseignement de la religion. Mais la Charte canadienne des droits et libertés aussi s'applique. Il y en a qui se sont présentés devant nous en disant qu'ils étaient pour l'utilisation de la clause nonobstant, d'autres, non. Ces derniers s'en remettent au système tel qu'il existera alors.
Ma question était tout simplement de savoir si vous, vous vous en remettez aux lois d'application générale après l'adoption de l'amendement.
M. Luc Alarie (conseiller juridique, Mouvement laïque québécois): Permettez-moi d'intervenir.
L'article 93 en lui-même, dans ses paragraphes (1) à (4), constitue en lui-même une clause nonobstant. Nonobstant les principes d'égalité fondés sur les articles 2 et 15 de la Charte canadienne, on inclut le maintien de l'article 93. C'est donc une clause dérogatoire et elle est contenue dans la Charte canadienne des droits et libertés.
Quand on dit qu'on aurait besoin de la clause nonobstant si l'article 93 était amendé ou écarté, on a une mauvaise compréhension des choses. Enfin, ce que demande le Québec, c'est de faire disparaître une clause dérogatoire qui permet à deux groupes religieux d'avoir des privilèges ou de maintenir des privilèges. C'est ce qu'il faut comprendre.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Maître Alarie, nous allons passer à l'intervenant suivant, M. Ménard.
M. Réal Ménard: C'est un mémoire extrêmement intéressant et équilibré qui présente, je pense, un courant très majoritaire au Québec. Vous avez vous-mêmes fait allusion à un sondage selon lequel 88 p. 100 des Québécois épousent un point de vue assez semblable à celui que vous exprimez ce soir.
Je voudrais vous poser deux questions. Il y a dans ce comité certaines personnes, dont je vais taire le nom, qui cultivent l'idée qu'il pourrait ne pas exister un consensus solide au Québec au sujet de cette question.
Le Mouvement laïque québécois a participé à plusieurs consultations. Vous êtes dans le secteur de l'éducation des droits scolaires et des questions inhérentes à cette problématique. Vous avez vous-mêmes présenté plusieurs mémoires. J'aimerais que vous brossiez, pour la meilleure compréhension des membres de ce comité, un tableau des antécédents de toute la question de la laïcisation, pas tant de la laïcisation que des racines qui ont finalement conduit à souhaiter des commissions scolaires linguistiques. J'aimerais que vous démontriez que c'est un débat qui a cours au Québec depuis un certain nombre de décennies.
Deuxièmement, j'aimerais que vous puissiez faire voir aux membres du comité combien la proposition qui est la vôtre et l'idée d'établir des commissions scolaires linguistiques, donc l'abolition des paragraphes (1) à (4) de l'article 93, sous-tend un projet égalitaire.
Je pense que vous nous livrez ce soir, fondamentalement, un plaidoyer en faveur de l'égalité des individus. Il serait important que ce point de vue puisse être entendu.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Nous l'avons entendu à quelques reprises.
M. Réal Ménard: Oui, mais ce n'est pas tout d'entendre. Il faut comprendre. On va donc le reprendre.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Je crois que je suis assez intelligente...
M. Réal Ménard: Sinon plus, madame Lavoie-Roux. Veuillez dédier votre exposé à la sénatrice.
M. Daniel Baril: En fait, comme on l'a signalé avec l'allusion au rapport Parent, c'est un débat qui dure depuis les années 1960. La réforme a été inachevée. Le rapport Parent nous a organisés, nous a livré un système scolaire qui répondait aux besoins de l'heure. Il a modernisé le réseau scolaire. Mais ses recommandations n'ont pas été appliquées jusqu'au bout, notamment sur la question des commissions scolaires. Le rapport Parent a donné naissance aux polyvalentes et aux cégeps. Le système public scolaire s'est développé dans toutes les régions du Québec et, malgré tout ce qu'on en dit, il a de bonnes qualités. Les problèmes qu'on y observe sont les mêmes qu'ailleurs.
• 1850
Cependant, on n'a jamais poussé à bout une des
questions principales, qui était celle de la commission
scolaire non confessionnelle. Le rapport Parent
proposait même d'aller plus loin que la proposition
actuelle du gouvernement du Québec, c'est-à-dire qu'on
proposait des territoires unifiés, ni linguistiques ni
confessionnels, ce qui existe déjà.
La CECM, par exemple, est actuellement confessionnelle mais elle gère deux réseaux linguistiques. C'est la même chose pour la commission protestante. Ce que proposait le rapport Parent, c'était qu'une même commission scolaire gère à la fois les écoles francophones et anglophones d'un territoire. C'est très faisable.
On tire encore de l'arrière avec la proposition du gouvernement du Québec; si on veut des territoires linguistiques, il y aura superposition, mais on ne conteste pas nécessairement cette avenue. À notre point de vue, il aurait été préférable de faire des commissions scolaires unifiées comme le rapport Parent le proposait, mais on va s'entendre sur le consensus autour des commissions scolaires linguistiques.
Depuis 30 ans, on n'a pas pu avancer. Il y a eu toute sorte de projets de loi, à commencer par la Loi 107 proposée par le Parti libéral à l'époque de Claude Ryan, ministre de l'Éducation. Avant cela, il y avait eu aussi le Parti québécois qui, avec Camille Laurin, avait tenté une réforme scolaire qui s'est heurtée à l'article 93.
Par la suite, le gouvernement libéral, avec Claude Ryan comme ministre de l'Éducation, a essayé à son tour de réformer; il a repris le projet du Parti québécois en essayant de le rendre conforme au jugement de la Cour suprême sur l'article 93. Il a été inapplicable. Son projet de loi, là encore, a été débattu en Cour suprême. Le gouvernement suivant s'est aperçu que ce n'était pas gérable, c'est-à-dire qu'on aurait eu à Montréal une superposition de quatre réseaux scolaires. On aurait eu jusqu'à huit ou neuf types d'école à Montréal si on avait voulu respecter l'article 93.
Dans les 10 dernières années, tous les projets se sont heurtés à ce mur. Or, quand on a des commissaires des années 1960 qui nous disent de revenir au point de départ et que ce qui bloque, c'est l'article 93, c'est signe qu'il est temps que les choses bougent.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Marlene Jennings.
Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup. Je m'excuse d'avoir manqué la première partie de votre exposé, mais je vous assure que j'ai pris connaissance de votre mémoire. Il m'intéresse beaucoup. Il y a des membres de ce comité pour qui la question des droits des minorités semble encore confuse.
Des experts constitutionnels sont venus nous dire que l'obligation d'un gouvernement, en pratique ou selon une règle non écrite, est de vérifier, lorsqu'un amendement constitutionnel abolit un privilège ou un droit d'une minorité ou d'une classe de personnes, si la majorité de la minorité ou du groupe touché est en faveur de cet amendement.
Selon ce que nous avons entendu ici, il semble qu'effectivement ce consensus existe. Mais il semble régner une certaine confusion parmi les membres de ce comité. Qui l'article 93 protège-t-il au juste? Ainsi, vous écrivez à la page 4 de votre mémoire que les protestants appuient largement la modification demandée par l'Assemblée nationale. Vous écrivez ensuite: «Quant au réseau catholique...». Vous expliquez ensuite qui sont les catholiques au Québec et quelle position ils occupent dans la société au point de vue démographique. Selon le recensement de 1991, ils représentent 86 p. 100 de la population, donc ils ne sont pas une minorité. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi?
M. Daniel Baril: Oui, c'est ce que nous disons. Nous le disons pour répondre à ceux qui se servent ici de l'argument des droits des minorités. On se trompe de planète. L'article 93 n'accorde rien aux minorités. Il reconnaît des privilèges supplémentaires aux droits fondamentaux pour deux religions qui sont majoritaires au Québec. On ne comprend pas comment on peut tordre les choses pour arriver à dire que les droits des minorités sont menacés. On ne voit pas comment de tels arguments ont pu tenir le coup pendant une semaine.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, madame Jennings.
Le prochain intervenant sera M. Yvon Godin.
M. Yvon Godin: Monsieur Baril, j'aimerais d'abord vous souhaiter la bienvenue. Je n'ai qu'une question à vous poser. On s'entend pour dire que le retrait de l'article 93 entraînerait automatiquement la disparition des commissions scolaires confessionnelles.
D'un autre côté, vous dites qu'il y aura discrimination envers les minorités si les écoles sont confessionnelles. Est-ce cela? Les minorités n'auront pas la même chance que les protestants et les catholiques.
En retirant l'article 93, avec les lois du Québec, au niveau provincial, est-ce qu'on ouvre la porte aux autres, aux personnes que vous représentez, ou s'il faut d'autres changements?
M. Daniel Baril: Si la loi actuelle reste ce qu'elle est, oui, il faudra d'autres changements. L'abrogation de l'article 93 est une condition essentielle mais non suffisante pour faire respecter les droits des minorités. Actuellement, c'est impossible. Ils ne peuvent pas contester l'inégalité de traitement puisque le principe d'égalité est suspendu. Pour pouvoir accorder un traitement équitable à tout le monde, il faut commencer par l'article 93.
Par contre, il est certain que dans les lois québécoises, il existe toutes sortes d'autres embûches par rapport à l'égalité des religions. Mais ici on discute de l'article 93 et, comme je vous le dis, c'est la condition nécessaire mais insuffisante, celle par laquelle il faut commencer.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Baril.
Sénateur Grafstein.
[Traduction]
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Merci beaucoup de votre mémoire. C'est un mémoire intéressant. Si je comprends bien, il n'est pas fondé sur l'égalité, mais sur l'égalité des choix, l'égalité des choix que les parents font en ce qui concerne le système d'éducation de leurs enfants. Les parents sont capables de faire instruire leurs enfants selon leur choix.
Nous avons des difficultés à cet égard, à propos de la situation actuelle au Québec, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Si l'article 93 disparaît, on enlève essentiellement un droit privilégié aux catholiques et aux protestants de la province. Il nous restera maintenant la Loi 109, ainsi que la Charte fédérale et la Charte provinciale, que vous appuyez. Vous appuyez la Charte fédérale et vous êtes en faveur de la Charte provinciale parce qu'elle garantit l'égalité. C'est ce que vous dites dans votre mémoire.
Nous avons un problème lorsque nous voyons ce qui restera, si nous modifions l'article 93, car il restera la Loi 109. Aux paragraphes 7(26) et 7(27), la Loi 109 contient une clause de dérogation par rapport à la Charte du Québec et à la Charte fédérale. Par conséquent, si nous regardons le projet de loi dans sa forme actuelle, nous constatons qu'on substitue un droit préférentiel par opposition à un droit égal dans l'article 93 à un droit préférentiel par opposition à un droit égal dans la Loi 109.
Quelle est la position de votre groupe au sujet de la clause dérogatoire prévue dans la Loi 109, la Loi sur l'instruction publique?
[Français]
M. Daniel Baril: Nous sommes le Mouvement laïque québécois. Il est certain que dans un système scolaire laïque, on n'a pas besoin de clause dérogatoire, puisque tout le monde a les mêmes droits égaux.
Mais, comme on le disait tout à l'heure, ce n'est pas là la question. C'est certain qu'il y aurait peut-être un autre ménage à faire. Pour l'instant, le ménage commence par l'article 93. On ne peut rien faire bouger tant qu'on ne commence pas par là. Cela, les experts l'ont dit et redit.
Pour ce qui est d'une clause dérogatoire dans la loi québécoise, ce que nous prônons n'est pas l'égalité de choix, mais l'égalité des religions et la liberté de conscience. Or, si dans les lois il y a des choses qui vont à l'encontre de cela, il est sûr que le mois prochain, nous serons à Québec pour dire qu'une telle clause dérogatoire est inacceptable.
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: En terminant, votre groupe s'oppose autant à un droit préférentiel dans l'article 93 qu'à un droit préférentiel dans la Loi 109—c'est la même chose.
[Français]
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Allez-y, maître Alarie.
M. Luc Alarie: Ce que je voulais dire simplement, c'est que les clauses dérogatoires qui existent actuellement dans la Loi 109 y sont à cause de l'article 93. Si l'article 93 disparaissait, il ne serait pas nécessaire d'accorder des droits préférentiels dans la Loi 109.
[Traduction]
L'hon. Sheila Finestone: C'est là pour permettre l'existence d'écoles catholiques.
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: On substitue à l'article 93 une forme québécoise de l'article 93.
L'hon. Sheila Finestone: Exactement.
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Je vois que mon collègue le sénateur Beaudoin est d'accord avec moi.
[Français]
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Sénatrice Lavoie-Roux.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Entendre et rencontrer le Mouvement laïque québécois me ramène bien des années en arrière. Ce n'est pas jeune.
M. Luc Alarie: Vous étiez l'un des signataires au début.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Je ne le pense pas. Mais on avait voulu m'enrôler, par exemple.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Vous n'avez pas réussi à l'enrôler?
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Non parce que... Je vais vous faire rire; à la première rencontre où j'étais allée, ils nous avaient distribué des exemplaires du Canard enchaîné, que je ne connaissais pas alors—j'étais au début de la vingtaine—, qui contenaient des attaques contre l'Église, etc. Je n'avais pas beaucoup aimé cela. Enfin, comme on dit en anglais, it's beside the point.
Vous dites que selon un sondage de la firme Sondagem, il y a environ 80 p. 100... C'est ce qu'il me semble, mais je peux me tromper. Je crois que 88 p. 100 ne voulaient pas de religion dans les écoles. Est-ce bien ce que vous avez dit?
M. Daniel Baril: Est-ce là votre question?
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Non, mais je voulais vérifier si j'avais le bon chiffre parce que les résultats d'autres sondages qui nous ont été cités ne vont pas dans le même sens. Ce que nous ont dit de nombreux témoins ne va pas non plus dans ce sens.
M. Daniel Baril: Ce à quoi on fait allusion se trouve à la première page de notre mémoire. Si vous lisez comme il faut, on y dit que 88 p. 100 de la population préféreraient que les enfants fréquentent des écoles communes, indépendamment de la religion des parents.
Plusieurs questions ont été posées. On nous demande de déposer le sondage et cela ne nous pose aucun problème. Nous le ferons avec plaisir. L'ensemble des questions va dans le sens... Ici nous avons mis le résultat le plus élevé. Quand on parle d'écoles communes indépendamment de la religion des parents, qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que les parents ne veulent pas qu'on sépare les enfants sur la base de la religion à l'école, qu'il y ait des écoles pour catholiques, pour juifs, pour protestants, pour laïques. C'est ça que les parents ne veulent pas. Ils veulent une école de quartier commune. Donc, 88 p. 100 choisissent l'école commune de quartier sans référence religieuse. Il pourrait aussi y avoir d'autres accommodements dans l'école. Mais l'école commune dont parle la question, c'est une école sans projet éducatif confessionnel et sans statut confessionnel, c'est certain.
L'ensemble du sondage s'accorde tout à fait avec le rapport des États généraux de l'éducation, soit l'établissement d'un système scolaire non confessionnel comportant des écoles ouvertes à une approche culturelle des religions et non pas à une approche confessionnelle.
Donc, les parents seraient d'accord pour que l'école traite de la dimension religieuse mais pas dans une optique confessionnelle. Ce serait dans une optique historique, sociologique ou culturelle. Les parents sont d'accord sur ce genre de projet, et c'est la proposition des États généraux de l'éducation.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Cependant, aux États généraux, M. Caldwell, qui était un des vice-présidents ou je ne sais trop quoi, a déclaré qu'il y avait au moins 70 p. 100 des parents—et là il faudrait que je vérifie le pourcentage exact—qui désiraient encore un enseignement religieux et des écoles confessionnelles. Il veut d'ailleurs venir témoigner ici, mais je ne suis pas certaine qu'on puisse l'entendre.
Une voix: Il est venu.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Oui, mais il n'est pas venu parler de cela.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Voulez-vous poser votre question, s'il vous plaît?
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: La voici: vous autres, vous êtes pour un système laïque complet partout.
M. Daniel Baril: Idéalement, oui.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Vous avez parlé, au point de départ, d'une société laïcisée ou laïcisante. Que voulez-vous laïciser à part les écoles?
M. Yves Archambault (membre du conseil d'administration, Mouvement laïque québécois): Pourquoi vous en prenez-vous au mot «société» puisque nous traitons ici de système scolaire?
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Tout à l'heure, au moment de se présenter, on a parlé de société.
M. Daniel Baril: J'ai parlé de la société publique, de la société civile, des structures publiques de la société.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Qu'est-ce qu'il y a de religieux à part les écoles?
M. Daniel Baril: Je pense que nous entreprenons un autre débat, mais il y en a beaucoup, à commencer par la Constitution. «Par la grâce de Dieu, la Constitution...»
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Alors, vous n'aimez pas cela, «à la grâce de Dieu»?
M. Daniel Baril: Ce n'est pas que je ne l'aime pas...
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Vous aimez mieux la grâce des anges. Parfait.
Maintenant, vous avez dit qu'il y avait des syndicats à l'intérieur de votre mouvement. Quels sont-ils?
M. Daniel Baril: Nous vous en enverrons la liste; je ne l'ai pas ici. C'est un syndicat d'enseignants que j'ai mentionné.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Oui, c'est cela, vous avez dit un syndicat d'enseignants. Quel est-il? S'agit-il de la CEQ?
M. Yves Archambault: L'Alliance des professeurs de Montréal et des syndicats régionaux, établis sur tout le territoire du Québec, est membre du Mouvement laïque. Dans le moment, nous avons de 10 000 à 12 000 institutions membres en plus de plusieurs centaines de membres individuels.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Très bien. Excusez-moi, madame la présidente?
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Est-ce qu'on peut vous revenir pour une question supplémentaire? J'ai d'autres personnes qui aimeraient poser des questions.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Un instant.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Je sais, mais....
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Alors, ce qui est souhaitable pour vous, c'est la commission scolaire unifiée. C'est ce que vous avez dit tout à l'heure. Vous avez dit que le rapport de la Commission Parent comportait quatre ou cinq recommandations dont la dernière n'était pas encore mise en application, celle de la commission scolaire unifiée.
Est-ce que vous savez que la commission scolaire unifiée—et c'est pourquoi les gens s'y sont toujours opposés—était une commission scolaire qui devenait sous la gouverne des francophones? Les anglophones s'y objectaient parce qu'à ce moment-là, cela signifiait en quelque sorte pour eux de renoncer aux institutions d'éducation anglaises. Vous dites que c'est là votre prochain objectif?
M. Daniel Baril: Non, non, non, non.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: C'est pourtant ce que j'ai lu dans votre rapport.
M. Daniel Baril: Non, non, ce n'est pas notre prochain objectif. On préférerait qu'il en soit ainsi, mais j'ai dit aussi qu'on se rangeait derrière le consensus actuel qui veut qu'on établisse des commissions scolaires linguistiques. C'est ce que j'ai dit.
M. Guy Rocher rappelle l'objectif, la conclusion du rapport Parent, ce qui ne veut pas dire qu'on va se diriger vers ce but. Il dit simplement que c'était la proposition à l'époque et qu'elle n'a pas été mise en oeuvre. Cette proposition a été réactualisée ou reformulée dans les termes de celle que nous avons maintenant, c'est-à-dire l'établissement de commissions scolaires linguistiques. Nous n'en sommes pas encore là. Il y avait un autre élément qui m'échappe...
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci, sénatrice Lavoie-Roux.
Monsieur Goldring.
[Traduction]
M. Peter Goldring: Merci.
Merci de votre exposé. L'une des craintes formulées est que si une majorité peut enlever des droits à une minorité... C'est une crainte exprimée par les parents également.
Pourriez-vous nous parler un peu du processus qu'il faudrait suivre dans les écoles mêmes pour que les parents décident si l'on enseignera la religion dans les écoles?
S'agira-t-il d'un processus où l'on acceptera la majorité simple? Qu'arrivera-t-il dans certains quartiers où 40 p. 100 des enfants d'une école sont protestants, 20 p. 100 sont d'une autre religion et 20 p. 100, d'une autre—autrement dit, dans les cas où les 40 p. 100 ne constituent pas une majorité absolue? Le processus permettra-t-il à des minorités plus importantes d'obtenir qu'on enseigne la religion dans les écoles, ou s'agit-il d'un processus à majorité simple?
[Français]
M. Daniel Baril: Nous ne sommes pas le ministère de l'Éducation. Pour la troisième ou quatrième fois, je répète que le débat actuel n'est pas là. C'est un débat qui aura lieu au Québec sur ce qui se passera par la suite. Majorité ou minorité? Pour nous, il est impensable de laisser une majorité quelconque, qu'elle soit de 60 ou 80 p. 100, décider des droits fondamentaux des autres.
Actuellement, c'est cela qui se passe dans les écoles confessionnelles. Une majorité de parents peut décider que l'école va avoir tel statut confessionnel sans égard pour les droits fondamentaux des autres. C'est contre cela que nous luttons. Tant que ces choses seront possibles, on va continuer.
Il est certain qu'il y aurait tout un débat à mener. Ne me demandez pas quel pourcentage rend la chose acceptable, car elle est inacceptable et n'existe pas ailleurs. Je ne sais pas pourquoi on fait le procès d'une province ici, alors que dans le système scolaire public au Canada, ces choses n'existent pas.
[Traduction]
M. Peter Goldring: Eh bien, cela nous préoccupe franchement. On a fortement l'impression que l'article 93 protège certains droits. Si l'on élimine la protection de ces droits dans l'article 93, nous devrions bien comprendre quelles seront les répercussions en ce qui concerne le droit des parents d'obtenir qu'on enseigne la religion à l'école—c'est-à-dire qu'il faut savoir clairement quel processus s'appliquera.
M. Daniel Baril: Vous avez la procédure dans la Loi 109.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Madame Finestone.
L'hon. Sheila Finestone: Merci.
[Français]
Vos propositions étaient fort intéressantes, mais je voudrais poser une question fondamentale: est-ce que vous voulez absolument ôter toute religion dans les écoles pour qu'elles deviennent des écoles laïques?
M. Luc Alarie: Non. Notre engagement est beaucoup plus fondé sur la liberté de conscience et la liberté de religion, sur le respect de ces deux libertés fondamentales. Nous croyons que le système scolaire laïque va permettre le respect de ces deux libertés fondamentales qui sont inscrites au premier article de la Charte.
Je pourrais vous donner un exemple d'aberration à laquelle nous conduit l'article 93. Lors des élections scolaires en novembre 1994 sur le territoire de la Commission scolaire des écoles catholiques de Montréal, vous avez eu plus de 23 000 personnes, citoyens ayant droit de vote, qui ont été exclues de façon systématique de la liste électorale parce qu'elles étaient ni catholiques ni protestants.
[Traduction]
L'hon. Sheila Finestone: J'ai vu l'un de ces cas, je sais que vous avez raison.
[Français]
M. Luc Alarie: La ministre de l'Éducation a demandé une enquête publique à ce sujet.
[Traduction]
L'hon. Sheila Finestone: Je peux donc dire en anglais que vous ne préconisez pas la séparation de l'Église et de l'État. C'est ce que vous venez de dire.
[Français]
Ce que vous cherchez d'ailleurs, c'est l'égalité pour tout le monde, l'égalité de traitement. In a sense, dans la Charte du Québec, à l'article 41, on donne le droit à l'égalité à toute personne de toute croyance. Il y a un équilibre entre tout le monde. Il faut qu'ils aient un statut égal. On veut que tout le monde soit égal, mais au même moment, selon le projet conçu par la Loi 109, on va avoir la possibilité de mettre sur pied des écoles qui reflètent la volonté de la population, de la base dans chaque école séparée. Cela veut dire que la plupart des catholiques au Québec vont certainement vouloir leurs écoles catholiques dans leur village ou dans leur quartier. Et les protestants, qui sont minoritaires, vont avoir leurs droits aussi.
Mais que se passe-t-il pour les autres regroupements religieux, ceux qui ont une autre foi?
[Traduction]
Est-ce le bon mot, foi?
[Français]
Une voix: Croyance.
L'hon. Sheila Finestone: Croyance, d'accord.
[Traduction]
D'une certaine manière, si l'on commence avec l'article 93, si on l'élimine pour utiliser l'article 33, la clause de dérogation, et qu'on se fonde sur l'article 41 de la Charte du Québec et qu'on respecte les articles 2 et 15 de la Charte canadienne... Cela m'inquiète, parce qu'on ne peut pas accorder le droit préférentiel, sur le plan confessionnel, qui semble être l'objectif de la Loi 109 en ce qui concerne les catholiques et les protestants, mais on ne tient pas compte des autres groupes minoritaires.
Je devrais peut-être vous donner d'autres explications.
[Français]
Vous avez suivi mon raisonnement?
Le sénateur Gérald Beaudoin: Ils n'ont pas compris, mais ils ont suivi.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Monsieur Baril.
M. Daniel Baril: On n'est pas venus ici pour défendre la Loi 109. On vient défendre la requête du Québec d'abroger l'article 93 pour son territoire. La Loi 109 nous pose beaucoup de problèmes. Quelqu'un me disait tout à l'heure que c'est comme prendre l'équivalent de l'article 93 et le remettre dans une loi québécoise. Oui, c'est ça effectivement.
• 1915
Une fois l'article 93 levé, il est certain que les minorités
n'ont pas retrouvé le droit à l'égalité. Mais c'est la
condition essentielle de départ pour qu'elles puissent
le retrouver, en se fondant ensuite sur la Charte.
Maintenant, elles ne peuvent pas s'appuyer sur la
Charte. La Loi 109, à notre avis, est à combattre.
Nous sommes le Mouvement laïque québécois. Nous
voulons un système scolaire laïque qui respecte la
liberté de religion de tout le monde dans la société.
L'hon. Sheila Finestone: Monsieur Baril, est-ce que vous accepteriez qu'on ajoute «where numbers warrant»?
Dans mon comté, j'ai plus de 100 différents regroupements et croyances. Cela n'a aucun bon sens. Vous ne pouvez pas avoir un système d'éducation pour chaque groupe de 10 personnes. Mais, si vous aviez «where numbers warrant», comme dans l'article 23, peut-être que cela pourrait se faire et votre égalité serait réalisée.
M. Luc Alarie: Vous avez entendu la position du Congrès juif cet après-midi...
L'hon. Sheila Finestone: Oui, monsieur.
M. Luc Alarie: ...qui semble pleine de bon sens, et qui dit en somme: ayons un système scolaire public laïque et les communautés qui veulent l'enseignement religieux auront des écoles privées où la partie publique sera financée par le gouvernement et la partie religieuse sera financée par les communautés elles-mêmes. Je pense que c'est une position pleine de bon sens qui verrait à respecter les libertés fondamentales de chacun. On aurait à ce moment-là un système scolaire laïque au Québec qui serait, à mon avis, respectueux des droits fondamentaux de tous les citoyens, pas uniquement des minorités et des majorités mais de tous les citoyens.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Nous avons une dernière intervention de la sénatrice Wood.
[Traduction]
La sénatrice Dalia Wood: On vient de répondre à ma question. Mme Finestone a bien dit ce que je voulais dire.
[Français]
Le sénateur Gérald Beaudoin: Est-ce que je pourrais leur demander s'ils sont d'accord sur la conclusion du Congrès juif?
M. Daniel Baril: Tout à fait.
Le sénateur Gérald Beaudoin: C'est ce que j'ai cru comprendre, mais je voulais qu'ils me le disent clairement.
M. Daniel Baril: Mais je ne suis pas sûr que tout le monde ait compris la même chose de l'exposé du Congrès juif. En fait, nous avons compris qu'ils souhaitaient d'abord un système non confessionnel. Mais si le système reste confessionnel, comme dans la Loi 109, ils vont réclamer leur dû et on les comprend.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Le résumé de Me Luc Alarie était très clair.
M. Daniel Baril: C'est ça. Leur premier choix, c'est le système scolaire laïque. On est d'accord sur ça. On est même d'accord avec les États généraux quand ils veulent une approche non confessionnelle de la religion à l'école. On peut faire une place à cela dans une école laïque.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Messieurs Baril, Archambault et Alarie, nous vous remercions beaucoup de votre comparution.
M. Daniel Baril: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Nous allons passer maintenant à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.
Bonsoir, madame. Bonsoir, messieurs. Nous sommes heureux de vous accueillir à notre comité. Vous êtes Mme Hurens?
Mme Joane Hurens (vice-présidente, Fédération des travailleurs et travailleuses de Québec): C'est ça.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Il y a aussi M. Jean-Pierre Néron et M. Émile Vallée.
Vous avez la parole.
Mme Joane Hurens: D'abord, nous tenons à remercier les membres du comité de nous recevoir aujourd'hui.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Je m'excuse. Vous avez le mémoire? Je vais vous donner le mien, mais cela fait un bon moment que c'est distribué. Je vous en prie, poursuivez.
Mme Joane Hurens: Pour ceux et pour celles qui ne connaîtraient notre structure syndicale au Québec, permettez-nous de nous présenter.
• 1920
La Fédération des travailleurs et travailleuses
du Québec, la FTQ, est la plus importante organisation
syndicale au Québec. Elle est composée de 44 syndicats
affiliés regroupant plus de 480 000 membres dans tous
les secteurs d'activités au Québec.
Elle représente les travailleurs et travailleuses québécois membres des syndicats affiliés au Congrès du travail du Canada. La FTQ est le porte-parole de ces syndicats et de ces membres sur une vaste gamme de sujets d'ordre général et d'intérêt public.
Comme bien d'autres associations représentatives de vastes secteurs de la population québécoise, la plus importante organisation, la FTQ, intervient aujourd'hui pour demander au Parlement fédéral de donner son accord à la modification constitutionnelle déjà adoptée par l'Assemblée nationale et relative à l'applicabilité au Québec de l'article 93 de 1867.
Nous demandons au Parlement d'adopter la résolution qui lui est soumise rapidement, sans amendement et, nous le souhaitons, unanimement.
Nous n'entendons pas reprendre tous les arguments qui ont été avancés en faveur de la résolution par d'autres intervenants, mais nous aimerions souligner la contribution du ministre Dion ainsi que celle la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire, que vous recevrez demain matin.
La FTQ est membre de la Coalition et appuie le mémoire qu'elle va vous soumettre. Permettez-nous de souligner trois points qui justifient notre position:
1. L'article 93 impose au Québec des contraintes déraisonnables à l'exercice de sa compétence, dite exclusive, en matière d'éducation;
2. L'article 93 ne protège plus la minorité protestante qu'il était censé protéger;
3. L'article 93 fait obstacle à la mise en oeuvre du droit à l'égalité pour les citoyens et citoyennes et pour les élèves qui ne sont ni catholiques ni protestants, c'est-à-dire ceux et celles qui sont d'une autre religion ou n'en ont aucune.
Le premier volet concernera les contraintes déraisonnables à la compétence du Québec en éducation.
Les contraintes à la compétence législative provinciale en éducation ne s'appliquent pas à toutes les provinces. Seules sont acceptées celles qui, avant leur adhésion à la fédération canadienne, accordaient déjà des privilèges particuliers à des groupes confessionnels en matière d'organisation scolaire. Cinq provinces sur dix n'ont aucune obligation à cet égard, imposée par l'article 93 ou une disposition équivalente, et leur système d'éducation est strictement non confessionnel.
Par ailleurs, les provinces auxquelles s'applique l'article 93 ou une disposition équivalente ne sont pas affectées de la même manière. Le statut particulier des villes de Québec et de Montréal quant à la confessionnalité scolaire n'a d'équivalent nulle part ailleurs. En Ontario, par exemple, la Constitution permet aux catholiques de construire des écoles séparées, mais la règle de base de la non-confessionnalité du système scolaire s'applique partout, aussi bien dans les grandes villes que dans toutes les régions. À Québec comme à Montréal, la Constitution impose un dédoublement entre catholiques et protestants des structures de gestion du système scolaire. Celui-ci est extrêmement rigide.
Si on veut faire correspondre les structures de gestion à la division fonctionnelle qui existe toujours sur la base des deux langues d'enseignement, on est contraint à des acrobaties invraisemblables pour respecter en même temps les droits confessionnels protégés. À part Terre-Neuve, aucune province ne se voit imposer des règles, à notre connaissance, aussi rigides.
Les contraintes que la Constitution du Canada impose au Québec quant à la structuration de son système scolaire sont vraiment déraisonnables. Les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 de 1867 doivent cesser de s'appliquer au Québec.
Deuxième volet : L'article 93 ne protège plus la minorité protestante.
En 1846, lorsque furent instituées les commissions scolaires confessionnelles de Québec et de Montréal, et en 1867, lorsque fut adopté l'article 93, les catholiques et les protestants pouvaient avoir l'impression de protéger ainsi le contrôle qu'ils pouvaient respectivement exercer sur les écoles destinées à l'éducation de leurs enfants.
Mais la réalité démographique a considérablement évolué depuis. Les élèves protestants ne comptent plus que pour un peu plus du tiers de la clientèle des commissions scolaire protestantes, soit 36 p. 100 sur l'île de Montréal et 37,7 p. 100 dans l'ensemble du Québec. De même, les électeurs protestants sont en minorité dans les commissions scolaire protestantes de l'île de Montréal et dans plusieurs autres commissions scolaires de la province.
• 1925
Ce phénomène de cohabitation entre élèves croyants de
différentes allégeances confessionnelles et élèves non
croyants est positif en soi, dans la mesure où il
favorise une meilleure connaissance réciproque entre
les uns et les autres et une meilleure compréhension
interculturelle. Mais il illustre le caractère
artificiel, désuet et de plus en plus irréel de la
protection dont les protestants sont censés jouir.
Par ailleurs, les étiquettes catholique et protestante des commissions scolaires contribuent à entretenir chez les élèves, les parents et les électeurs qui ne sont ni catholiques ni protestants l'impression que les institutions scolaires ne leur appartiennent pas vraiment et qu'ils y sont reçus comme des étrangers perpétuels, sinon des exclus.
Troisième volet: L'article 93 fait obstacle à l'égalité des citoyens et au respect de la diversité.
Si l'article 93 ne protège plus la minorité protestante, cela ne signifie nullement qu'il ait déjà constitué une mesure adéquate de protection des droits des minorités. Le droit le plus fondamental des minorités, c'est celui de jouir de l'égalité avec les citoyens des groupes majoritaires et d'être à l'abri de toute discrimination. Ce droit fondamental ainsi compris suppose qu'on ne traite pas de façon différente les diverses minorités d'un même territoire.
L'article 93 n'a jamais protégé les droits des minorités autres que catholiques ou protestantes. Bien qu'on puisse l'expliquer par un contexte historique, il n'en constitue pas moins une mesure fondamentalement discriminatoire. Il déroge manifestement à l'esprit de la Charte canadienne des droits puisque ses rédacteurs ont senti le besoin d'introduire, par l'article 29, une clause nonobstant perpétuelle autorisant cette dérogation.
L'article 2 de la Charte protège la liberté de conscience et de religion. L'article 15 protège le droit à l'égalité et interdit notamment la discrimination sur la base de la religion. C'est à ces deux articles que déroge l'article 93 et qu'il impose de façon permanente aux législateurs québécois de déroger. Loin de constituer une mesure de protection des droits fondamentaux, il garantit des privilèges qui contreviennent aux droits fondamentaux proclamés par les Chartes canadienne et québécoise aussi bien que la Déclaration universelle des droits de l'homme.
L'article 93 déroge à un principe fondamental des démocraties québécoise et canadienne qui veut qu'il n'y ait pas de religion d'État et que personne ne soit tenu d'adhérer à une croyance quelconque et que, en conséquence, personne ne soit traité de façon différente selon la religion qu'il professe. Ce principe, même s'il est violé, n'en demeure pas moins un principe fondamental. C'est une loi de 1852 du Parlement du Canada-Uni qui l'a introduit dans notre droit. Son article premier «garantit la jouissance et le libre exercice du culte de toute profession religieuse sans distinction ni préférence». La Cour suprême du Canada a interprété que, en vertu de cette loi, dans notre pays, «toutes les religions sont sur un pied d'égalité». Elle aurait pu ajouter: «sauf dans la mesure où la Constitution déroge à ce principe fondamental».
Nous demandons au Parlement fédéral de libérer le Québec de l'obligation constitutionnelle de déroger aux principes de l'indépendance des groupes religieux et de l'égalité des citoyens et des citoyennes sans égard à la religion. Nous lui demandons de donner son accord à la modification en ce sens déjà adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale.
Merci, madame.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci. Nous allons commencer les questions. Monsieur Goldring.
[Traduction]
M. Peter Goldring: Merci beaucoup de votre exposé. Il était très bon.
Représentez-vous les 44 syndicats dont vous avez parlé dans votre mémoire ou représentez-vous les 480 000 membres? Est-ce votre avis, ou est-ce l'opinion de vos membres?
[Français]
Mme Joane Hurens: Non, nous n'avons pas fait de sondage ni de référendum au sein de notre syndicat par rapport à cette question, bien qu'elle ait été soulevée dans des instances démocratiques au sein de la Fédération des travailleurs et travailleuses. Ces décisions ont été prises lors de congrès ou d'autres instances, tels des conseils régionaux.
Nous représentons 480 000 personnes et, non, nous n'avons pas la prétention de représenter l'opinion personnelle de chacune de ces personnes. Nous les représentons au niveau syndical et, habituellement, elles sont d'accord sur les positions de leur fédération en matière sociale et constitutionnelle.
M. Peter Goldring: Vous n'avez donc pas procédé à un sondage? Est-ce une opinion des membres de l'exécutif plutôt que de l'ensemble des membres?
[Français]
Mme Joane Hurens: Il y a deux volets à ma réponse. D'abord, à la Fédération, comme dans n'importe quelle institution ou au Parlement du Canada, une fois que nous sommes élus, tout comme vous représentez l'ensemble de la population au Canada et adoptez des lois, nous prenons des positions en fonction des orientations qui ont été adoptées lors de vastes congrès.
Maintenant, si on remet en question la légitimité de notre position ici, nous appuyons notre parlement, l'Assemblée nationale, et nous souhaitons que le Parlement fédéral fasse la même chose. Il y a un appui unanime à cette modification, ce qui n'a pas toujours été le cas. Le parti au pouvoir est allé voir les partis d'opposition et ils ont travaillé en vue d'un compromis. Maintenant l'appui est unanime, ce qui est assez rare en matière constitutionnelle, vous en conviendrez.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Sénateur Beaudoin.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Je ne doute pas du tout du consensus de vos membres, mais quand vous prenez un vote sur des questions comme celle des écoles, est-ce que vous enregistrez le vote ou si c'est fait de façon fort globale? Vous dites que c'est unanime, fortement majoritaire, etc.
Mme Joane Hurens: Écoutez, si on est pour poursuivre sur cette tangente, vous pouvez accepter ou rejeter notre rapport. Est-ce qu'il est bon? Est-ce qu'il n'est pas bon? Non, on n'a pas pris de vote là-dessus, comme le Parlement canadien ne fait pas régulièrement de vote...
Le sénateur Gérald Beaudoin: On fait des votes. On interrompt parfois nos séances pour aller voter.
Mme Joane Hurens: Oui, mais vous ne faites pas de référendum. On n'a pas fait de congrès spécial pour discuter de cette question.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Votre position est très claire. L'article 93 avait peut-être sa raison d'être en 1867 parce que tout le monde était catholique ou protestant, ou à peu près. On avait même prévu un appel au gouverneur général en conseil. Aujourd'hui, évidemment, ça fait un peu curieux. C'est un peu désuet, mais c'est toujours là. Vous recommandez que nous gardions le premier paragraphe et supprimions les quatre autres. Vous n'avez pas d'autres revendications. C'est clair, net et précis. C'est ce que vous dites.
Mme Joane Hurens: Oui.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Monsieur Ménard.
M. Réal Ménard: Madame la présidente, je ne voudrais quand même pas que les gens qui nous écoutent aient l'impression que je crois pouvoir dire que la FTQ a pris une position qui a une certaine ancienneté dans ses structures. Rien n'est improvisé dans la position que vous nous présentez ce soir.
Mme Joane Hurens: Non, pas du tout. Nous participons à plusieurs forums au sein de la société québécoise et je pense que c'est connu. On vient de fêter notre 40e anniversaire. Je pense qu'on est assez présents dans la société québécoise. Et lorsqu'on prend des positions contestées, nous le savons. Jusqu'à maintenant, ce n'est pas le cas.
M. Réal Ménard: Alors, dans le fond, ce que vous nous dites ce soir, c'est qu'il n'y a rien qui justifie, certainement pas dans une perspective de droits de la personne, certainement pas dans une perspective d'égalité des individus à laquelle votre syndicat est évidemment très attachée et certainement pas dans une perspective de modernisation du système scolaire, que le comité ne donne pas suite à la résolution dont nous sommes saisis.
Considérant que vous êtes une organisation extrêmement appréciée au Québec et qui a, comme je le disais plus tôt, plusieurs niveaux d'implication, je pense que vous êtes un témoin tout indiqué pour faire valoir à nos collègues, particulièrement nos collègues hors Québec, puisque vous savez que c'est un comité mixte qui regroupe des gens en provenance de toutes les provinces, l'importance et la profondeur du consensus qui existe. C'est la question que je vous pose, madame Hurens.
Mme Joane Hurens: J'aime mieux ne pas imaginer la réaction, non seulement celle de la FTQ mais aussi celle de l'ensemble du Québec, si jamais le Parlement canadien, la Chambre des communes, rejetait cette demande unanime du Parlement québécois. Je pense que ce serait du jamais vu et je crois aussi que ce n'est pas le jeu.
Au niveau des droits de la personne, c'est en fait une insulte. L'article 93, dans la société d'aujourd'hui, est une insulte à l'égalité entre les individus au Québec qui désirent professer la religion de leur choix, qui désirent voter aussi au sein de leur commission scolaire.
Je pense qu'une autre question va être posée et j'essaie de trouver l'exemple d'une autre province. Prenons la Colombie-Britannique où il y a le syndicat pancanadien. Supposons que l'article 93 s'applique à la Colombie-Britannique et que seules Victoria et Vancouver soient protégées par cet article. Victoria et Vancouver auraient alors le droit de choisir entre des commissions scolaires catholiques ou protestantes. Nous savons qu'à Vancouver, il y a une communauté chinoise extrêmement importante, qui n'est probablement ni catholique ni protestante et qui n'aurait pas le droit de vote. Ce serait une aberration.
Pourquoi est-ce différent pour le Québec? C'est tellement incohérent. Je pense que l'exemple de la Colombie-Britannique est un bon exemple.
M. Réal Ménard: Permettez-moi de vous poser une brève question.
Mme Joane Hurens: Oui.
M. Réal Ménard: À la page 4 de votre mémoire, vous faites ressortir un point très important pour les collègues membres du comité. Peut-être pourriez-vous remettre les pendules à l'heure concernant la réalité démographique et son évolution, et la situation paradoxale dans laquelle se trouve la communauté protestante?
Mme Joane Hurens: Oui. Émile, peux-tu répondre à cette question, par rapport à Montréal plus précisément?
M. Émile Vallée (conseiller politique, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec): Je ne suis pas sûr de ce que vous me demandez exactement. Il me semble qu'il est clair, ici, que les protestants sont en minorité dans leurs propres commissions scolaires.
M. Réal Ménard: J'en conclus donc qu'il est faux de dire que les commissions scolaires protègent les minorités, dans le système actuel.
M. Émile Vallée: Ce n'est pas le cas, contrairement à ce que certaines personnes laissent entendre.
Mme Joane Hurens: Non, non, non.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Monsieur Ménard, merci.
Madame Jennings.
Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup. J'ai pris connaissance de votre mémoire et je le trouve très intéressant. À maintes reprises, certains membres du comité ont mis en doute la question d'un vrai consensus au Québec et ont surtout mis en doute le consensus qui pouvait exister chez les personnes dont les droits privilégiés sont protégés par l'article 93 au Québec. J'aimerais que vous commentiez cela. Personnellement, je pense qu'il y a un consensus, mais j'aimerais que vous nous parliez de votre expérience et que vous nous disiez si, à votre avis, il existe un vrai consensus, autant chez les protestants que chez les catholiques, les deux classes qui sont protégées par l'article 93. Je pense que cela sera utile aux membres du comité.
Mme Joane Hurens: Je vais tenter de répondre en partie à votre question, peut-être en reprenant certains arguments du début. Mes collègues pourront ajouter d'autres commentaires s'ils le veulent.
Lorsqu'on remet en question la position unanime de l'Assemblée nationale ou d'un parlement provincial, c'est comme si on disait que chaque député de l'Assemblée nationale québécoise ne sait pas ce qu'il ou elle fait. Je trouve cela extrêmement méprisant. Il est normal que chaque député rende des comptes et que l'on nous pose des questions, mais je n'accepte pas que l'on fasse fi de la représentativité. Si on appliquait le même traitement à la Chambre des communes, cela ne serait pas très pertinent non plus.
M. Émile Vallée: Est-ce que je peux ajouter quelque chose? Il faut faire attention parce qu'il y a une différence entre consensus et unanimité.
Mme Joane Hurens: Oui.
M. Émile Vallée: Il ne faut pas s'attendre à avoir l'unanimité dans une société comme la nôtre. Si on l'avait, il faudrait se poser des questions sur la façon dont on est dirigés. Mais il est clair, dans ce dossier, que les principaux intervenants sont impliqués et ont indiqué clairement qu'ils appuyaient la modification.
Les groupes qui auraient pu s'opposer, comme le groupe des évêques catholiques que l'on a entendus tout à l'heure concernant les pasteurs protestants, ne l'ont pas fait. Ils ne se sont pas opposés. Vous avez les principales commissions scolaires, les enseignants, les principaux groupes qui sont impliqués dans les dossiers qui se sont prononcés en faveur. Pour moi, cela veut dire qu'il y a consensus. Je ne sais pas comment on peut le définir autrement.
Mme Joane Hurens: Si vous permettez, je trouve tout à fait inacceptable le fait que, particulièrement dans la région de Montréal où il y a une nouvelle réalité dans la diversité des religions et dans la diversité ethnique, on se trouve à exclure des gens du processus démocratique au sein des différentes commissions scolaires. C'est inacceptable. On devrait se dépêcher de corriger la situation.
Mme Marlene Jennings: Nous avons reçu des représentants des franco-protestants du Québec qui sont, semble-t-il, dissidents dans certaines régions au Québec et qui protestent à haute voix contre la possibilité que le Parlement canadien adopte l'amendement tel que demandé par l'Assemblée nationale. J'aimerais que vous commentiez ceci.
Mme Joane Hurens: On a discuté un peu plus tôt de l'expression «là où le nombre justifie». On parle de 2 p. 100. Je crois qu'il y a consensus, mais il n'y a pas unanimité.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Monsieur Godin.
M. Yvon Godin: J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue aux gens de la FTQ, un groupe pour lequel j'ai beaucoup de respect.
Je ne suis pas d'accord quand vous dites que quand l'Assemblée nationale décide à l'unanimité de changer une loi, pas seulement l'article 93, mais n'importe quelle loi, on n'a pas d'autre choix que d'accepter, sinon c'est une insulte.
Je veux juste prendre un exemple. Si le Québec voulait adopter une loi pour rétablir la pendaison, je suis sûr que vous n'auriez personne de votre côté si vous étiez contre.
La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec représente beaucoup de syndicats au Québec. Comme je l'ai déjà dit cette semaine, vous n'êtes pas des machines. Vous êtes des parents et vous avez des enfants.
Il faut bien dire que la demande d'amendement de l'article 93 ne date pas d'hier. Je vous demanderais de nous dire si certains membres de votre fédération ont manifesté leur désaccord en ce qui concerne votre position.
Je suis fier de pouvoir dire que j'ai été moi-même un syndicaliste et je peux dire que je n'ai jamais vu de membres qui n'étaient pas d'accord sur la position du syndicat s'abstenir de s'exprimer. Ils savent tous où nous nous trouvons. Alors, avez-vous vu la manifestation d'un désaccord de la part de certaines personnes que vous représentez, puisque vous avez déjà pris position? Certaines personnes vous ont-elles dit que vous étiez sur une mauvaise route et que vous alliez perdre votre élection la prochaine fois?
Mme Joane Hurens: Non. D'ailleurs, ils connaissent nos numéros de fax tout comme nos numéros de téléphone. Il n'y a pas eu de manifestations de ce genre parce que cela fait partie du consensus. La FTQ est très active au sein des commissions scolaires au niveau de Montréal, par le biais de son conseil des travailleurs et des travailleuses. Donc, la FTQ est très branchée là-dessus.
Mais je suis d'accord avec vous sur un point. Si l'Assemblée nationale décidait d'adopter une position en faveur de la peine de mort, je ne serais pas ici, et la FTQ ne serait pas ici non plus pour défendre une position aussi insoutenable. Mais on se comprend là-dessus. Ce n'est pas une démarche improvisée. C'est une démarche pour laquelle il y a des débats au Québec depuis des années. On sait que ce n'est pas improvisé. C'est un consensus très large.
Et lorsqu'il y a consentement unanime d'un parlement comme celui du Québec sur une question constitutionnelle aussi fondamentale, je pense qu'on est sur du solide.
La sénatrice Dalia Wood: Je ne partage pas votre interprétation de vote unanime. Le gouvernement du Québec nous a demandé d'abolir l'article 93, ce qui constitue une modification de notre Constitution, et ce n'est pas une question que je prendrais à la légère. Je pense que notre tâche est de voir s'il y a un consensus au sein des membres de la minorité concernée.
Pour en revenir à vos chiffres, j'aimerais vous poser une question. Vous dites que vous n'avez pas consulté vos membres. Pensez-vous que vos membres sont au courant des conséquences possibles de l'élimination de l'article 93, du fait qu'ils perdront leur droit à l'enseignement religieux dans les écoles?
M. Émile Vallée: Je veux d'abord dire une chose. Nous ne pensons pas que ce processus doit être pris à la légère. Il vous incombe évidemment d'essayer de voir s'il y a consensus. Cela fait partie du processus. Si cet article de la Constitution doit être modifié, il faut passer par le Parlement et vous devez évidemment faire votre travail. Nous ne le nions aucunement. Tout au contraire. Autrement, nous n'aurions pas pris la peine de venir ici. Nous pensons que vous devez le faire et que vous devez le faire correctement.
En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, comme nous l'avons déjà dit, nous n'avons pas fait de sondage auprès de nos membres. Nous avons élaboré cette position et d'autres positions semblables à partir des congrès que tient notre fédération tous les deux ans et où l'on élabore des documents d'orientation, on étudie des résolutions envoyées par des syndicats locaux, par des syndicats où l'on discute de questions de cette nature, et les gens adoptent des positions pour ensuite passer au vote. Cela se fait lors d'un congrès et entre les congrès, nous tenons ce que nous appelons un conseil général qui se réunit quatre fois par année et nous y étudions également des résolutions, nous tenons des discussions et nous prenons des décisions. Nous avons un conseil exécutif qui se réunit une fois par mois pour discuter de toutes sortes de questions de cette nature.
Ces questions sont soulevées et nous prenons des décisions, habituellement à la suite d'un vote, et bien souvent, il y a également consensus. Comme nous l'avons dit tantôt, si cette position ne reflétait pas vraiment l'opinion de nos membres, nous en aurions eu des échos. Les personnes touchées nous auraient dit que la position que nous prenons ne représente pas leur opinion.
[Français]
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci. Sénateur Grafstein.
[Traduction]
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Je tiens à me joindre à mon collègue M. Godin pour dire que nous sommes ici à 8 heures du soir parce que nous prenons nos fonctions parlementaires au sérieux. La Constitution ne se fait pas unilatéralement. Il n'existe pas de Constitution unilatérale. Il faut non seulement un consensus à l'intérieur de la province, mais il faut également un consensus en ce qui concerne les autres provinces et ce sont elles que nous représentons. Nous sommes donc d'accord.
Vous présentez, avec raison, la Charte canadienne des droits et libertés comme un moyen d'assurer l'égalité. Vous parlez de l'égalité des citoyens quelle que soit leur religion et vous parlez de l'impact négatif de l'article 93 qui exclut l'exercice des droits des protestants en ce qui concerne leur religion, à certains égards. Vous êtes donc absolument en faveur de l'égalité.
Savez-vous, comme nous l'avons découvert, que le projet de loi sur l'enseignement, qui doit en réalité supplanter ou remplacer l'article 93, contient la clause dérogatoire qui permet de faire exception non seulement à la charte fédérale mais aussi à la charte québécoise, et qui préserve donc en réalité les prétendus droits préférentiels? Quelle est la position de votre groupe à ce sujet? Avez-vous fait des démarches auprès du Parlement de Québec, pour qu'on supprime ces clauses afin qu'il y ait égalité dans la pratique à l'intérieur de la province de Québec?
[Français]
M. Jean-Pierre Néron (conseiller syndical, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec): Avant de répondre à votre question, je voudrais revenir sur la question de la représentativité de la FTQ à l'égard de ce débat. La FTQ représente 480 000 personnes. Il est exact que nous n'avons pas fait de sondage, mais il est aussi exact que nous avons 20 000 travailleurs et travailleuses dans les structures scolaires. Ce sont de bons chiens de garde lorsque nous prenons des positions et qu'ils ne sont pas d'accord avec nous.
• 1950
Avec ces 20 000 membres, on devrait donc entendre
sonner des cloches au bureau de Clément Godbout, qui
nous disent qu'on n'a pas pris la bonne position.
Plus spécifiquement, vous pouvez vous demander si on s'est déjà interrogé sur cette problématique-là. La réponse est oui et je vais vous donner un exemple. Très souvent, au Conseil du travail de Montréal, il y a eu des élections scolaires. Nous avons, à des moments donnés, appuyé le MÉMO ou autres en fonction de la laïcité. Nous avons donc déjà été impliqués dans ce débat-là. Nous avons donc une représentativité et nous pouvons vous dire quelle est notre position à l'égard du projet de loi qui est à l'étude.
[Traduction]
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: C'est une réponse à une question précise.
[Français]
Mme Joane Hurens: Par rapport à la liberté de choix sur la question de la religion, on verrait mal, dans ce cas-ci, quelle justification un gouvernement ou un parlement pourrait trouver pour utiliser la clause nonobstant. Étant donné notre position, ce serait un peu contradictoire de venir vous dire que nous sommes d'accord pour faire disparaître l'article 93. Je pense que ce ne serait pas cohérent. En tout cas, on ne pense pas et on ne souhaite pas que le gouvernement québécois adopte une telle approche.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci, sénateur Grafstein.
Madame Meredith.
[Traduction]
Mme Val Meredith: Merci, madame la présidente.
Je veux continuer de parler de certains commentaires faits au sujet du consensus et de l'unanimité. Si j'ai bien compris, il y avait unanimité à l'Assemblée nationale du Québec. Était-ce vraiment une bonne chose? Il y a lieu de se demander si l'on n'était pas préoccupé à l'Assemblée nationale du Québec du fait qu'ils pouvaient être tous d'accord.
Deuxièmement, je veux parler du consensus parmi vos membres ou des réactions que vous avez eues d'eux. Vous avez dit que vous aviez de bons chiens de garde et qu'ils auraient aboyé s'ils avaient été inquiets. Avez-vous fait savoir à vos membres que vous adoptiez cette position? S'il y a eu une résolution, j'aimerais que vous en déposiez le texte au comité, afin que nous puissions comprendre quel genre de question a été posée à vos membres et quelle réponse vous en avez reçue.
J'ai posé la même question à un témoin précédent au sujet des sondages; je veux parler des sondages indépendants. Quel genre de questions ont été posées, et quelles réponses vous sont parvenues? Nous aimerions avoir une idée du type de conversation que les témoins ont eue avec les citoyens du Québec sur cette question.
[Français]
Mme Joane Hurens: J'ai deux choses à dire et je laisserai ensuite mes collègues rajouter autre chose, s'ils le veulent. D'abord, c'est un vieux débat sur lequel des positions ont été prises il y a longtemps. Alors, lorsque nous sommes amenés à présenter une position de la FTQ, nous ne retournons pas au sein de nos instances pour leur demander leur accord. Si les gens ne sont pas d'accord aujourd'hui ou s'ils ne l'étaient pas hier, il peuvent et ont pu utiliser un mécanisme d'acheminement de résolution lors des différents forums ou congrès. C'est un mécanisme de consensus qui existe depuis longtemps.
La FTQ souhaite avoir un système de commissions scolaires basé sur les commissions linguistiques et non pas confessionnelles, pour l'ensemble du Québec sans exceptions.
Quant à la question de l'unanimité de l'Assemblée nationale au Québec sur cette question-là, il n'y avait pas unanimité, madame, il y a quelques mois. Il n'y avait pas unanimité. Alors le gouvernement est allé voir l'opposition et ils ont fait des compromis, ce qui a permis l'unanimité. Je pense qu'on ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu de débat. Il y a eu de très gros débats au sein de l'Assemblée nationale pour arriver à ce consensus. Ça n'a pas émergé et ça n'a pas été imposé. Il y a eu un compromis. Habituellement, pour arriver à un compromis, il faut un débat.
[Traduction]
Mme Val Meredith: Je ne comprends toujours pas très bien. Je sais que vous avez adopté cette position. Les membres des syndicats changent. Je suis encore préoccupée par la façon dont vous, qui faites partie de la direction d'un syndicat... quelle résolution a été soumise à vos membres lors de cette assemblée, quel genre de question a été posée.
À moins que j'aie mal compris, le débat ne porte pas nécessairement sur des commissions scolaires linguistiques; il s'agit plutôt de savoir si nous allons modifier la Constitution et soustraire le Québec à l'application de l'article 93 concernant les écoles confessionnelles. Ce que le Québec fera par la suite n'est pas une question dont je m'occupe présentement, c'est plutôt la question de soustraire le Québec à l'application de l'article 93 de la Constitution, qui garantit des écoles confessionnelles aux catholiques et aux protestants.
• 1955
Je suis curieuse de savoir si cette question a été posée ou si
ce débat a eu lieu, ou si vous avez seulement demandé à vos membres
s'ils voulaient des écoles linguistiques? À mon avis, c'est une
question différente.
J'ai peut-être mal compris toute la question qui fait l'objet du présent débat.
[Français]
Mme Joane Hurens: Mais il y a des choses que je ne comprends pas. On nous invite ici comme étant un organisme très représentatif de la population québécoise, et vous demandez des comptes pour chacune des positions prises par la FTQ ou n'importe quel organisme, alors que vous ne parlez jamais de référendum quand vous passez des lois. Vous me demandez, en quelque sorte, de faire l'historique de chacune des positions prises par la FTQ. C'est comme si on vous demandait de faire l'historique de chacune des lois passées par le Parlement alors qu'on vous fait confiance à ce sujet puisque vous êtes des élus du peuple. En tant qu'élus, vous avez des comptes à rendre tout comme nous, et c'est pourquoi nous devons continuer à prendre des positions. Est-ce que, entre les congrès de la FTQ, celle-ci doit rester silencieuse parce qu'elle n'a pas pris la peine de revérifier et de reconfirmer chacune des positions qu'elle présenterait à différentes instances politiques?
Voilà deux ou trois fois qu'on nous pose la question et je commence à manquer d'arguments.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci. Monsieur Nick Discepola, s'il vous plaît.
M. Nick Discepola: Merci, madame la présidente.
Madame Hurens, je ne mets pas du tout en doute la qualité de votre témoignage. Au contraire, la façon dont vous représentez vos membres ne m'inquiète pas. Je pense qu'il faut s'habituer au système du Parlement canadien. Depuis quelques temps, les réformistes tentent de gérer notre pays par des sondages ou par des lignes 1-800 ou des systèmes de fax. Ça va leur prendre encore un peu de temps avant de s'adapter à la réalité canadienne.
Mais je mets quand même en doute votre déclaration sur la «l'unanimité» de la voix exprimée par les membres de l'Assemblée nationale. Pour ma part, je crois que personne ici ne remet en doute le consensus qui existe au Québec et qui a aidé la cause, parce que cela a été voté unanimement par l'Assemblée législative de la province.
Des constitutionnalistes nous ont précisé justement aujourd'hui que, parce que l'Assemblée nationale n'avait pas pris l'initiative de faire des audiences publiques, le fardeau de la preuve... Il y a d'abord deux choses qu'il faudrait prouver: premièrement, que la minorité affectée a été consultée et qu'elle a pu s'exprimer majoritairement; deuxièmement, que la province qui a fait la demande aurait dû avoir le fardeau de cette preuve. Nous avons pu régler cette question parce que nous avons eu la chance, grâce au ministre, d'avoir des commissions parlementaires. Si on ne l'avait pas fait, je pense que la demande du Québec aurait perdu un peu de sa crédibilité.
Alors, ne croyez-vous pas que la minorité affectée aurait dû être consultée afin qu'on s'assure, dans le cadre de ce changement à la Constitution, que la majorité de cette minorité donne son accord?
M. Émile Vallée: Je peux vous dire que, de la façon dont les discussions ont eu lieu sur cette question au Québec, au cours des dernières années, les groupes impliqués ont été consultés et ont eu énormément d'occasions de faire connaître leurs points de vue, autant au parti au pouvoir qu'aux partis d'opposition.
Vous parlez aussi de minorités affectées. Les débats étaient publics, monsieur. Chacun pouvait intervenir. Les gens pouvaient le faire et ceux qui voulaient intervenir l'ont fait. Mais il me semble que vous oubliez une chose: vous oubliez votre propre rôle là-dedans. Si je comprends bien, les gens qui ont quelque chose à dire viennent devant votre comité et c'est vous qui devez vérifier s'il y a consensus. C'est ce que vous êtes en train de faire.
M. Nick Discepola: Mais on n'est pas ici pour utiliser, comme on dit en anglais, un rubber stamp.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci. Sénatrice Lavoie-Roux.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: J'aimerais saluer les membres de la FTQ. J'ai d'ailleurs travaillé étroitement avec un de ses présidents, M. Daoust. Si vous le voyez, saluez-le de ma part parce que j'avais beaucoup d'estime pour lui.
• 2000
Nous allons maintenant passer aux choses qui nous
préoccupent. Vous avez dit, il me semble, qu'il n'était
plus question de remettre en question le consensus de
l'Assemblée nationale, l'opposition, etc. Je me demande
bien pourquoi on a créé une commission parlementaire.
On aurait pu le faire en cinq minutes, ça aurait été bien
plus court. Mais est-ce que vous trouvez très correct que
l'Assemblée nationale n'ait pas accepté de faire une
consultation générale?
Vous avez beau dire qu'ils ont été consultés à maintes et maintes reprises, je vous demanderais de faire un petit sondage sur l'article 93, pas dans la rue, mais simplement parmi les gens qui sont autour de vous. Personne n'a jamais été consulté sur l'article 93 lui-même ni sur les conséquences de l'abrogation. Est-ce que vous trouvez cela très correct? Normalement, c'est en consultant les gens qu'on obtient un consensus. Mais dans ce cas, je me pose beaucoup de questions, d'autant plus que beaucoup de gens sont venus devant nous.
De votre côté, vous nous apportez vos 480 000 membres et d'autres nous en ont apporté 2 millions ou 4 millions, et il est probable que ni les uns ni les autres n'ont procédé à une consultation.
Je reviens à ma question. Qu'est-ce que vous pensez du fait que l'Assemblée nationale ne se soit pas entendue pour faire des consultations auprès de la population? Finalement, ils nous ont envoyé le bébé.
Mme Joane Hurens: Au niveau de la consultation, mon collègue a répondu assez correctement. Si, par exemple, l'Assemblée des évêques du Québec ou le syndicat des enseignants des écoles protestantes avait été en désaccord, et si la majorité des minorités et majorités affectées avait été en désaccord, je pense que le Parlement du Québec et le gouvernement du Québec auraient tenu des consultations de façon beaucoup plus structurée et formelle. Je ne pense pas que le Parlement du Québec veuille vous refiler la patate chaude. En fait, nous sommes ici parce que c'est la route qu'il faut prendre pour faire modifier ou abroger l'article 93, afin d'exclure le Québec de son application.
Je ne crois donc pas qu'il y ait de levée de boucliers. Je crois plutôt que l'ensemble des principaux intervenants et des principaux acteurs sont d'accord sur cette démarche-là.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Ils ont adopté cela à l'Assemblée nationale, puis le lendemain, c'était rendu sur le bureau du ministre, et finalement il fallait que le Parlement fédéral l'adopte.
Mme Joane Hurens: Si je peux me permettre, madame Lavoie-Roux, si cela avait été une question comme celle soulevée par M. Godin, à savoir que le Parlement du Québec avait décidé de voter en faveur de la peine de mort, je pense qu'il y aurait eu un raz-de-marée assez important. Dans le cas qui nous occupe, cela fait quand même déjà quelques mois que le débat dure.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: En tout cas, on va faire notre possible, mais je dois vous dire qu'il y a beaucoup de dissidence, beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Madame Lavoie-Roux...
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Mais le gouvernement veut faire croire que tout le monde est d'accord parce qu'il y a eu une espèce de pacte ou de traité entre M. Dion et Mme Marois pour que nous passions cela très vite. Il y a même eu l'engagement du ministre pour que cela soit fait avant le mois de décembre ou le mois de...
Mme Joane Hurens: Il y a consensus mais pas unanimité.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): C'est cela. Un instant, s'il vous plaît. Il reste deux intervenants qui sont le sénateur Beaudoin et M. Godin. Je vous permets une petite question chacun.
Le sénateur Gérald Beaudoin: En fait, c'est un commentaire. Il y a plus que le consensus. Quand vous parlez de l'Assemblée nationale, c'est l'unanimité. Alors à ce moment-là, ce n'est plus une question de perception, mais un fait.
M. Réal Ménard: Voilà.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Sauf qu'on n'a pas consulté le monde.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Non, non, mais c'est un fait, c'est indiscutable. Je n'ai pas de questions; je voulais juste faire un commentaire.
Quand un groupe aussi important et aussi bien structuré que le vôtre se présente avec des conclusions, il est évident que les membres ont été directement ou indirectement consultés. J'accepte cela et je ne le mets pas en doute du tout. Je voulais consigner cela au dossier.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Monsieur Godin.
M. Yvon Godin: Moi, c'est la même chose; c'est pour faire consigner quelque chose au dossier. Les autres groupes qui sont venus ici et qui disaient représenter des minorités n'ont pas été soumis à une interrogation systématique comme la Fédération des travailleurs et travailleuses l'a été ce soir. On a dit qu'ils n'avaient pas procédé à des consultations pour savoir si les gens étaient pour ou contre. Je veux que cela soit consigné au dossier.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Madame Hurens, monsieur Néron et monsieur Vallée, nous vous remercions beaucoup de votre présentation.
Mme Joane Hurens: On vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Bon retour.
Je demanderais à la Ligue des droits et libertés de s'avancer. Bonsoir, madame Lemonde. Bonsoir, monsieur Johnston. Nous allons vous demander de faire une présentation d'une dizaine de minutes et ensuite, il y a aura des questions.
Mme Lucie Lemonde (présidente, Ligue des droits et libertés): Je m'appelle Lucie Lemonde et je suis présidente de la Ligue des droits et libertés du Québec. Je suis avec mon collègue Raymond Johnston, qui est membre du conseil d'administration de la Ligue.
Je dois vous dire tout de suite que la Ligue est membre de la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire au Québec et que nous appuyons le mémoire de la Coalition. Je pensais qu'elle vous avait déjà été présentée hier, mais je viens de comprendre que ce sera pour demain.
Nous ne voulons pas répéter ce qu'il y a dans le mémoire de la Coalition, mais plutôt présenter notre propre mémoire qui est uniquement rédigé sous l'angle du respect des droits, notamment du droit à l'égalité et à la liberté de religion.
La Ligue des droits et libertés est un organisme sans but lucratif, indépendant, non partisan, qui a été fondé en 1963 et qui a pour mission de défendre et de promouvoir les droits individuels et collectifs, qu'ils soient civils, politiques, économiques, sociaux ou culturels. L'action de la Ligue s'appuie sur les principes reconnus dans les conventions des Nations unies, en particulier la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Depuis le début des années 1970, la Ligue défend les notions d'interdépendance et d'indivisibilité des droits en s'inspirant du préambule de la Déclaration universelle, qui affirme que la plus haute aspiration de l'homme est de vivre dans un monde «où les êtres humains seront libres de parler et de croire» et, évidemment, les valeurs d'égalité des droits des hommes et des femmes.
En 1988, la Ligue était le porte-parole de la Coalition pour l'égalité des droits en éducation et a présenté, au nom de cette coalition, un mémoire à la Commission parlementaire sur la réforme de la Loi sur l'instruction publique au Québec. Selon la Ligue et les autres membres de la Coalition, aucune réforme satisfaisante du système scolaire ne serait possible aussi longtemps que subsisterait l'entrave constitutionnelle de l'article 93. Cette affirmation nous apparaît toujours aussi juste en 1997, et nous continuons à défendre ce point de vue.
Notre position s'appuie sur les principes suivants:
1. Toutes les personnes humaines sont égales entre elles et doivent avoir un accès égal au plein exercice de leurs droits fondamentaux, dont la liberté de religion et de conscience, indépendamment de toute discrimination fondée sur l'appartenance ou la non-appartenance à un groupe religieux.
• 2010
2. La liberté de religion et de conscience est une
liberté fondamentale qui est garantie dans les Chartes
canadienne et québécoise, de même que dans les documents
internationaux des droits de la personne auxquelles le
Canada a souscrit. Comme on le sait, la Cour suprême a
interprété cette liberté de religion dans Big M Drug Mart
comme comprenant le droit de manifester
ses croyances et ses incroyances.
3. Autre principe: le droit à l'éducation et à l'instruction publique doit, selon nous, se réaliser dans le respect de la liberté de religion et du droit à l'égalité. Il doit aussi concorder avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine pluriculturel du pays, tel que le veut d'ailleurs l'article 27 de la Charte canadienne.
4. L'école et l'ensemble du système d'éducation doivent avoir comme mission essentielle de promouvoir l'égalité et la non-discrimination et favoriser l'intégration de la diversité.
Ces principes sont intimement liés les uns aux autre et exigent, selon nous, une séparation de l'Église et de l'État de même que des structures scolaires non confessionnelles. Cela implique donc, d'une part, que l'État doit s'abstenir d'intervenir dans le contenu et la diffusion de l'enseignement religieux et, d'autre part, que l'Église ne s'ingère pas dans la direction et l'administration de l'instruction publique.
Seul un régime non confessionnel est en mesure de garantir à la fois l'égalité entre les citoyens de croyances différentes et le respect de leurs convictions religieuses. Mais un tel régime demeure toujours inaccessible compte tenu des dispositions de l'article 93 qui assurent une protection constitutionnelle aux structures scolaires confessionnelles, notamment, comme on le sait, à Québec et à Montréal.
Selon nous, le statu quo est inacceptable car il maintient la discrimination fondée sur la religion en privilégiant deux grandes religions au détriment des autres confessions religieuses. L'enseignement religieux catholique ou protestant est disponible, on le sait, à même les fonds publics, dans toutes les écoles publiques, alors que ce privilège n'existe pour aucune autre confession religieuse.
L'article 93 ne protège pas les droits des minorités. Il garantit des privilèges en créant une discrimination fondée sur la religion au profit de deux confessions particulières et, conséquemment, constitue un obstacle à l'exercice du droit à l'égalité tout en heurtant l'esprit et la lettre des Chartes canadienne et québécoise.
Il est clair également que cette préférence basée sur la religion ne se justifie plus sur le plan social, notamment en regard de la réalité pluriculturelle du Québec. De plus, nous pensons que le maintien des écoles et des commissions scolaires confessionnelles peut constituer un facteur de division et de marginalisation sociale en niant le pluralisme de la société québécoise et en donnant naissance à des écoles ghettos pour les élèves issus de minorités culturelles et religieuses.
Nous sommes aujourd'hui dans une situation bien différente de celle qui prévalait en 1867, où la liberté de religion et le droit à l'égalité sans discrimination n'étaient pas enchâssés dans la Constitution et ne jouissaient pas de garanties constitutionnelles. N'eût été le fait que l'article 93 se trouve lui aussi sur un même pied d'égalité dans la Constitution du pays, les lois sur l'éducation favorisant la confessionnalité des écoles publiques pourraient être jugées inconstitutionnelles car incompatibles avec les libertés fondamentales et le droit à l'égalité en éducation.
Nous sommes donc dans une situation unique: des dispositions constitutionnelles sont incompatibles entre elles, mais l'une ne peut servir à annuler l'autre parce qu'elles sont sur un même pied d'égalité. Pour les rédacteurs de la Loi constitutionnelle de 1982, la contradiction était tellement évidente qu'ils ont ajouté, à l'article 29, une disposition interprétative permettant une dérogation au principe de non-discrimination sur la base des croyances religieuses ou de l'inexistence de telles croyances.
Nous nous joignons à la Coalition pour demander que le Québec soit libéré des contraintes de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 et de l'article 29 de la Loi constitutionnelle de 1982, et pour rappeler le large consensus existant dans la province de Québec sur le besoin de se doter d'un système scolaire adapté à la situation contemporaine et respectueux de la diversité et de l'égalité véritable.
Merci.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Johnston, est-ce que voulez compléter? Non. Très bien. Notre premier intervenant sera M. Peter Goldring.
[Traduction]
M. Peter Goldring: Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup de votre exposé.
Vous avez mentionné dans votre mémoire que le statu quo était inacceptable maintenant parce qu'à votre avis, l'article 93 comporte une certaine discrimination. Au lieu d'éliminer les paragraphes (1) à (4) de l'article 93, a-t-on discuté de la possibilité de modifier l'article afin de l'améliorer, d'y ajouter d'autres secteurs de représentation pour la province, afin d'ajouter quelque chose à la Constitution au lieu d'en éliminer simplement cet article? Vous a-t-on déjà dit qu'on pourrait améliorer l'article, ou a-t-il toujours été simplement question de l'éliminer?
[Français]
Mme Lucie Lemonde: Nous pensons que la Loi constitutionnelle de 1982 répond adéquatement au souhait que nous faisons de respecter la liberté de religion de chacun et chacune et le droit à l'égalité en éducation.
[Traduction]
M. Peter Goldring: Dans d'autres mémoires, cependant, on a dit craindre que l'article 2 de la Loi constitutionnelle de 1982 puisse toucher le droit de faire enseigner la religion dans les écoles. De fait, il y a une affaire actuellement devant les tribunaux en Ontario, dans le but d'empêcher qu'on enseigne la religion dans les écoles. Comment cette affaire pourrait-elle s'appliquer au Québec, selon vous? Existe-t-il un risque que cela se produise également?
[Français]
M. Raymond Johnston (administrateur, Ligue des droits et libertés): Vous nous demandez s'il y risque de poursuite juridique dans le cas où l'enseignement de certaines religions à l'intérieur des écoles serait empêché. Est-ce bien là le sens de votre question?
Je vais essayer de circonscrire ma réponse. Depuis 30 ans au minimum, à peu près tous les groupes qui se sont préoccupés d'éducation au Québec exercent des pressions permanentes sur tous les gouvernements qui se sont succédé, depuis la fin des années 1960 jusqu'à aujourd'hui, pour qu'enfin quelque chose bouge, pour que le gouvernement du Québec prenne position et demande une modification de l'article 93 de la Constitution canadienne. En effet, et c'est important de le dire, toutes les hypothèses de restructuration du monde de l'éducation au Québec se sont presque toujours cassé les reins sur l'article 93 de la Constitution canadienne.
Une seule loi a pu être adoptée, sous le ministre Ryan il y a quelques années, qui développait une approche à la restructuration des commissions scolaire au Québec allant dans le sens d'une multiplication du nombre de commissions scolaires, afin de fonder le droit à la dissidence. Le gouvernement a testé son projet de loi en le présentant à la Cour suprême. Chaque fois qu'on faisait un commentaire quelconque, il raffermissait encore le droit à la dissidence à l'intérieur de la Loi sur l'instruction publique.
Depuis 30 ans au Québec, de nombreux groupes font pression sur les gouvernements pour qu'enfin arrive ce qui se produit aujourd'hui. Plusieurs gouvernements libéraux, plusieurs gouvernements péquistes, à venir jusqu'à maintenant, se sont refusé à agir sur la question, prétendant justement que le consensus était insuffisant.
Je vais revenir à votre question. Si le verrou de l'article 93 disparaît, si la protection des droits confessionnels dans le système scolaire disparaît dans la Constitution canadienne, et si le gouvernement du Québec ne se met pas à l'abri de contestations par l'utilisation de la clause nonobstant, il pourra se produire des contestations relatives à son projet de loi actuel. Cependant, ma foi, il n'y aurait rien de tellement dramatique à ce que des citoyennes et des citoyens du Québec s'appuient sur des principes comme le droit à l'égalité et la liberté de conscience et de religion pour faire évoluer les structures scolaires au Québec ou pour s'assurer qu'il y ait effectivement une forme d'égalité.
• 2020
Que les services pour d'autres confessions
religieuses soient dispensés en dehors des heures
d'école, à l'intérieur des écoles ou non, c'est un
autre débat. Mais l'objectif de l'égalité, personne ne
s'y opposera, je crois bien, que ce soit ici ou
ailleurs.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Johnston.
Sénateur Beaudoin.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Je suis tout à fait d'accord avec vous que le contexte de 1867 a beaucoup changé. À cette époque-là évidemment, je ne sais pas quelle était la proportion exacte, mais peut-être que 90 ou 95 p. 100 de la population était catholique ou protestante. À ce moment-là, les pères de la Confédération ont jugé bon de protéger les groupes catholiques et les groupes protestants.
D'ailleurs, pendant une centaine d'années, jusqu'à la révolution tranquille, avec peut-être une exception en 1896, on n'a jamais eu de ministre de l'Éducation au Québec. On avait un surintendant de l'instruction publique.
Maintenant, les choses ont bien changé depuis 1960 et le débat dure depuis 30 ans. Il y a donc peut-être seulement deux ou trois façons de régler le problème actuel. Ce que nous avons ici est une résolution qui veut écarter les paragraphes de l'article 93 qui touchent aux droits confessionnels et un appel possible au gouverneur général, qui aujourd'hui est impensable. C'est toujours en vigueur, mais ce n'est pas tellement pratique.
Une autre possibilité, évidemment, serait d'étendre les droits confessionnels.
Vous choisissez l'alternative suivante: écartons les quatre paragraphes, et ainsi toutes les religions continueront d'être enseignées, bien sûr, mais il n'y aura plus de structures confessionnelles. C'est certainement un point de vue valable. Est-ce celui que vous considérez le plus pratique ou le plus facile à établir? Parce que d'autres seraient aussi possibles.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Johnston.
M. Raymond Johnston: Effectivement. Nous prétendons que si on veut permettre une certaine évolution du système d'éducation au Québec vers le respect du droit à l'égalité, il faut commencer par faire sauter le verrou de l'article 93, lequel est un obstacle dans la course vers l'égalité entre les gens de confessions religieuses différentes et les gens qui n'ont aucune confession religieuse.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci. Monsieur Ménard.
M. Réal Ménard: Votre contribution au débat est extrêmement importante. Il ne faut pas oublier que vous êtes, d'abord et avant tout, des gens qui vous préoccupez de droits et de libertés. Vous ne vous présentez pas ici sous le couvert d'une affiliation religieuse ou sous le couvert d'une affiliation partisane.
J'en suis d'autant plus heureux que j'ai beaucoup entendu parler de Mme Lemonde, dont on me dit que les intérêts en recherche universitaire convergent avec certaines des questions qui m'intéressent beaucoup. Je voudrais souligner deux aspects de votre témoignage.
En 1982, il y avait eu un questionnement concernant la Charte des droits et libertés à propos de la valorisation du patrimoine multiculturel et sur un certain nombre de dispositions qu'on jugeait incompatibles avec la Loi 101. D'ailleurs, on ne s'est pas trompé puisque 200 modifications ont été apportées à la Charte de la Loi 101.
Vous avez parlé de ceux qui sont les plus ardents défenseurs de la Charte «eu égard à ses mérites». Si on part du principe que la Charte des droits et libertés canadienne a un certain nombre de mérites intrinsèques, vous nous dites que, de quelque côté de la Chambre ou de ce comité qu'ils soient, députés ou sénateurs doivent entériner la résolution de l'Assemblée nationale. En effet, le principe fondamental de l'égalité des individus contenu dans la Charte ne peut pas être respecté tant que l'article 93 est en vigueur. Vous nous l'avez clairement fait voir, mais peut-être souhaitez-vous développer ce point davantage.
Nous sommes en présence d'une disposition qui, à toutes fins utiles, n'est pas compatible avec la Charte. Vous nous rappelez que c'est tellement vrai que, sans la clause dérogatoire à laquelle se réfère l'article 29, ce serait jugé incompatible dans n'importe quel type de société qui encadre les droits et libertés. C'est là un point des plus importants.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Posez votre question, monsieur Ménard.
M. Réal Ménard: Si je ne puis plus parler, madame la présidente, je vais aller faire le ménage dans mon bureau.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Allez-y.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Posez votre question et vous irez après.
Des voix: Ah, ah!
M. Réal Ménard: Je demande le vote là-dessus.
Madame Lemonde, expliquez-nous pourquoi ceux qui sont fédéralistes et qui croient au mérite de la Charte devraient être d'accord sur l'amendement de l'Assemblée nationale du Québec. C'est une question. Il faudrait mettre un point d'interrogation.
Mme Lucie Lemonde: J'imagine donc que les fédéralistes, comme tous les autres Canadiens et Canadiennes, ont comme premier souci de vivre dans une société où le droit à l'égalité sera respecté. D'après moi, si la principale valeur de la Charte canadienne est de consacrer ce droit à l'égalité—tout comme le fait également, par ailleurs, la Charte québécoise—, je pense que pour respecter ce droit à l'égalité et les libertés fondamentales individuelles, il faut, pour emprunter l'expression de mon collègue, raser ce verrou que constitue l'article 93.
M. Réal Ménard: Je vais terminer par le point suivant: vous qui êtes une personne très informée, qui suivez de près la vie publique, vous déclarez-vous satisfaite des consultations menées par le gouvernement du Québec? Vous semblez dire, en effet, qu'en fin de compte, Québec a pris très au sérieux la nécessité de consulter les gens. On a tenu des commissions parlementaires, etc. Que pouvez-vous nous dire au sujet du consensus qui existerait au Québec?
Mme Lucie Lemonde: Peut-être que mon collègue répondra mieux que moi à cela.
M. Raymond Johnston: Je ne veux pas employer trop de lieux communs, mais je rappellerai d'abord aux membres du comité que le gouvernement du Québec et l'opposition officielle, toute l'Assemblée nationale, se sont entendus à l'unanimité sur une proposition. Mais l'initiative ne vient pas de l'Assemblée nationale. Cette proposition résulte de 30 années de pressions exercées par tous les groupes préoccupés d'égalité des droits au Québec. Ce débat se tient depuis 30 ans à l'occasion de toutes les tentatives faites pour modifier la Loi de l'instruction publique au Québec. Et l'article 93 a toujours été un élément sous-jacent de ces débats.
Je ne veux pas non plus rappeler les mêmes choses que d'autres vous rappelleront, mais même la Commission Parent des années 1960, quand même présidée par un monseigneur, proposait la déconfessionnalisation des structures scolaires au Québec. Nous n'avons pas réussi à évoluer dans cette direction, parce que cette contrainte contenue dans la Constitution canadienne existait. Il n'est pas trop tôt pour que l'Assemblée nationale sollicite cet amendement attendu par plusieurs groupes depuis plusieurs années.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Johnston.
Sénateur Grafstein.
[Traduction]
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Premièrement, merci beaucoup de votre exposé.
Si j'ai bien compris, étant donné que votre groupe est un organisme travaillant en faveur de l'égalité, vous seriez d'accord pour que l'alinéa 23(1)a) de la Charte s'applique en fin de compte au Québec. Autrement dit, pour faire en sorte que les gens de l'extérieur du Québec soient traités de la même façon que ceux du Québec, en ce qui concerne la possibilité d'un choix pour leurs enfants, relativement aux droits linguistiques, votre organisme serait en faveur de l'application de l'alinéa 23(1)a) au Québec.
[Français]
M. Raymond Johnston: Pour l'instant, nous sommes d'accord pour qu'une protection des droits linguistiques existe en matière d'organisation scolaire.
[Traduction]
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: En vertu de l'alinéa 23(1)a)?
[Français]
M. Raymond Johnston: Je ne sais pas si c'est à cela que vous faites allusion.
[Traduction]
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Si j'ai bien compris, l'alinéa 23(1)a) stipule qu'un immigrant arrivant au Québec ne peut pas vraiment exercer son droit de choisir sa langue s'il ne vient pas d'une autre province canadienne où il vivait en anglais. Je présente la chose d'une manière un peu succincte. J'aurais pensé que c'était bien connu au Québec. Je crois que les immigrants devraient être traités sur le même pied que les citoyens du Québec et que l'application de l'alinéa 23(1)a) le permettrait.
Mme Lucie Lemonde: Peut-être notre organisme n'a-t-il pas de position officielle sur ce point. Tout ce que je peux dire, c'est que le jugement de la Cour suprême sur l'interprétation de l'article 23 de la Charte canadienne et de la Charte de la langue française est en fin de compte appliqué au Québec. La Cour suprême a déclaré que la Charte canadienne avait préséance sur les dispositions de la Charte de la langue française, et c'est ce qui est en vigueur au Québec.
[Traduction]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Sheila Finestone.
L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup.
[Français]
Je vous remercie de votre présence ici. Je veux poursuivre dans la même direction que celle du sénateur Grafstein, mais peut-être sous un autre angle.
Je connais assez bien la Ligue des droits et libertés et je sais que vous défendez les valeurs et les vues exprimées dans plusieurs des documents internationaux concernant les droits de l'homme, les droits des enfants, de même que dans toutes les grandes déclarations internationales. Si je ne me trompe, ce sont des buts qui ont toujours été au centre de l'action de la Ligue, n'est-ce pas?
Nous sommes ici face à une situation où on veut changer l'orientation de l'éducation au Québec, n'est-ce pas? C'est le but de cette loi qu'on essaie d'adopter. Ici, le voeu du Québec est de changer d'orientation tout en s'assurant que les citoyens et citoyennes soient sur un même pied d'égalité.
Je crois aussi que dans la Charte du Québec, l'importance du droit des parents de choisir l'éducation pour leurs enfants est reconnue. C'est aussi le cas dans le droit international des enfants, tel que défini par l'Unesco et dans la grande Charte des droits et libertés. De plus, on discute ici de l'article 29 ou 59 qu'il faut utiliser pour enlever ou biffer l'article 93.
Voici ma question. Si nous sommes vraiment un groupe constitué pour promouvoir l'égalité entre tous les citoyens et les citoyennes qui ont choisi de vivre au Québec, ne croyez-vous pas qu'il est temps de mettre l'éducation sur un pied d'égalité? Ne croyez-vous pas qu'il est temps de s'assurer que le gouvernement du Québec se serve de l'article 59 de la Charte du Canada et garantisse à toutes les personnes qui s'installent au Canada le droit de recevoir une éducation dans leur langue maternelle,
[Traduction]
d'un point de vue philosophique?
Pour un groupe qui croit aux droits de la personne, aux libertés fondamentales, je vois un anachronisme aujourd'hui dans le fait que le Québec est le seul endroit au Canada où l'on ne respecte pas le droit des gens de choisir leur langue, s'ils viennent d'autres pays et s'ils ont étudié en anglais, ou si la culture et la langue de leur famille étaient anglaises.
La question à l'étude, qui touche quelque 10 000 enfants, je le mentionne en passant, la vie de 10 000 enfants... Je sais que cela vous met un peu mal à l'aise, mais je vous pose la question d'un point de vue philosophique, car je pense que vous devriez aller étudier cette question, si vous ne l'avez pas fait. Sur le plan philosophique, il est vraiment inacceptable dans une société moderne qui veut le devenir encore plus, qu'on ait des droits linguistiques en anglais et d'autres en français. Ne croyez-vous pas que les mêmes droits linguistiques devraient être accordés aux anglophones et aux francophones, à ceux qui veulent étudier dans leur langue, que ce soit l'anglais ou le français?
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Johnston.
M. Raymond Johnston: On pourrait vous faire une très longue réponse. Je vais être franc et honnête; nous n'avons pas étudié cette question relativement aux travaux de ce comité spécial, puisque cela ne faisait pas partie de l'objet de ses travaux. Si nous avons des représentations à faire sur ce point, compte tenu que votre intervention constitue une critique d'une politique gouvernementale québécoise, nous le ferons le cas échéant auprès des instances québécoises.
[Traduction]
L'hon. Sheila Finestone: Je vous en remercie, et je vous serais reconnaissante de bien vouloir examiner cette question.
Vous vous rendrez compte, je crois, que ce serait le bon moment de faire preuve d'une véritable ouverture d'esprit envers tous les Québécois, et certainement envers les Québécois anglophones, en ce moment.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Jennings.
Mme Marlene Jennings: Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter en réponse à Mme Finestone? Si oui, allez-y.
Mme Lucie Lemonde: Seulement que la Ligue a toujours défendu les droits des minorités, que ce soit les droits des autochtones ou de diverses minorités au Québec. Nous sommes ici pour parler de droits des minorités religieuses et non pas linguistiques. Alors, j'abonde dans le même sens que M. Johnston.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Jennings.
Mme Marlene Jennings: Je comprends bien que vous ne soyez pas prêts à répondre à la question que Mme Finestone a soulevée. Par ailleurs, étant donné que vous êtes venus ici pour parler des droits des minorités religieuses, vous pourrez sans doute répondre à ma question.
Je vais d'abord, en préambule, répéter que j'appuie la demande de l'Assemblée nationale du Québec de modifier l'article 93.
Toutefois, je présume que vous savez aussi bien que moi et que les gens autour de cette table qu'en vertu de la Loi du Québec sur l'instruction publique, même après la modification de l'article 93, telle que demandée par l'Assemblée nationale, la discrimination religieuse va continuer.
Mme Sheila Finestone: C'est exact.
Mme Marlene Jennings: La Loi sur l'instruction publique comporte une clause nonobstant qui permet au gouvernement du Québec d'autoriser les parents à décider du statut confessionnel de chaque école, par un vote majoritaire, et seulement pour les religions catholique et protestante.
Je présume, vu que votre organisme est là pour soutenir le droit à l'égalité, qu'une fois cet amendement adopté par le Parlement du Canada, ce que j'espère pour ma part, la Ligue fera des représentations à l'Assemblée nationale pour que cette cette discrimination cesse.
Mme Lucie Lemonde: Nous avons toujours joué un rôle de chien de garde, si je puis dire, et nous allons continuer à le faire, c'est certain. Mais nous serons quand même plus libres d'agir et notre travail sera davantage focalisé sur la véritable question.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Mauril Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur le président. Est-ce à dire que vous seriez contre l'utilisation, par le gouvernement du Québec, de l'article 33 de la Charte, c'est-à-dire de la clause nonobstant, pour se protéger ou se mettre à l'abri, pour reprendre votre expression, de la possibilité qu'il y ait des écoles confessionnelles? Est-ce que vous seriez contre l'utilisation par le gouvernement de cet article de la Charte?
M. Raymond Johnston: Nous considérons que nous avons gagné peut-être une manche en regroupant suffisamment d'organismes au Québec pour que le gouvernement se décide enfin à demander de raser le verrou de l'article 93. C'est une première étape. Sans cela, rien n'était possible.
• 2040
Dès que cette modification aura été apportée, et on
espère que ce sera rapidement, le débat pourra s'ouvrir
au Québec sur l'ensemble des modalités à mettre en
place pour assurer une réelle égalité.
M. Mauril Bélanger: Sans vouloir forcer la comparaison, ce n'est peut-être pas une partie de base-ball, mais un match de foot-ball qui se joue. Il n'y a peut-être pas neuf manches, mais seulement deux demies, deux moitiés. Si effectivement la clause nonobstant n'est pas invoquée, la partie est finie.
J'aimerais savoir si vous, comme organisme, vous opposeriez publiquement à ce que le gouvernement du Québec invoque la clause nonobstant pour mettre à l'abri sa propre loi, afin que ce qui semble être la majorité des gens au Québec puisse quand même opter pour des écoles confessionnelles. Seriez-vous contre le fait d'invoquer la clause nonobstant dans ce but?
M. Raymond Johnston: À ce point-ci, je suis forcé de vous dire qu'on n'a pas examiné cette dimension du problème, parce qu'on se dit que le prérequis pour pouvoir se poser cette question, c'est vous qui le détenez. Tant qu'on n'a pas fait sauter le verrou, ce débat-là n'a même pas sa place. C'est lui, le problème.
M. Mauril Bélanger: Sans faire référence à l'engagement de l'organisme, vous personnellement, quel serait votre avis là-dessus? Peut-on vous le demander? Si ce n'est pas juste, je ne le demanderai pas. Si vous ne voulez pas répondre, dites-le et envoyez-moi paître. Est-ce que personnellement vous croyez que le gouvernement devrait l'invoquer?
M. Raymond Johnston: Si vous me demandez une opinion personnelle, je ne verrais pas l'utilité de l'invoquer. Ce pourrait même être nuisible à l'évolution du système scolaire.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Une dernière intervention de M. Nick Discepola.
M. Nick Discepola: Monsieur le président, j'ai déjà obtenu une réponse à ma question par ce qui a été dit à Mme Jennings et à M. Bélanger.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Discepola.
Madame Lamonde et monsieur Johnston, il me fait plaisir de vous remercier de votre présentation au nom des membres Comité mixte spécial. Merci beaucoup.
Nous invitons maintenant à prendre place les représentants de la Faculté d'éducation de l'Université de l'Alberta.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous continuons les auditions du Comité mixte en accueillant, de la Faculté d'éducation de l'Université d'Alberta, M. Frank Peters.
[Traduction]
Bienvenue, monsieur Peters. Nous avons tout au plus une demi-heure à vous consacrer, et si vous pouviez faire votre exposé en huit ou 10 minutes, nous pourrions ensuite passer aux questions des membres du comité. Nous vous écoutons, monsieur Peters.
M. Frank Peters (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup. Bonsoir, madame la sénatrice Pépin et monsieur Paradis, et bonsoir aux autres députés et sénateurs, mesdames et messieurs.
• 2045
Je tiens à préciser dès le début que je suis professeur au
Department of Educational Policy Studies, et que je parle en mon
nom personnel. Je n'oserais pas présumer que l'un ou l'autre de mes
collègues serait d'accord avec ce que je dirai ce soir. Je n'aurais
peut-être plus d'emploi lundi si les dirigeants de l'université
pensaient que je parle en leur nom.
Je tiens à remercier les coprésidents et les membres du comité qui me permettent de vous présenter mon exposé ce soir.
J'ai divisé mon exposé en quatre volets qui sont présentés dans mon mémoire sur l'histoire des commissions scolaires dissidentes. Je présenterai ensuite quelques commentaires sur l'article 93 de la Loi constitutionnelle. Je vais ensuite parler des droits des minorités et, pour finir, dire quelques mots au sujet de l'article 43 de la Loi constitutionnelle. Je vais abréger de beaucoup mes commentaires.
Pour ce qui est de l'historique, permettez-moi simplement d'attirer votre attention sur le fait qu'en 1867, on acceptait déjà bien l'idée du soutien gouvernemental à diverses écoles confessionnelles. Pendant une bonne partie du IXXe siècle, on estimait que l'éducation des enfants relevait des parents et de l'Église, mais pas vraiment de l'État. Toute la question du soutien public aux écoles non confessionnelles n'était pas très populaire à l'époque.
En fait, la Loi sur les écoles publiques de 1841, avec sa disposition sur la dissidence, devait de bien des façons présager de notre système d'éducation canadien, pour cinq des 10 provinces et les deux territoires. Ce principe a été conservé jusqu'à la Loi constitutionnelle de 1867.
J'aimerais attirer votre attention sur certains points relatifs à l'article 93 de cette loi.
Pour commencer, il s'agissait là de l'expression, de la codification de pratiques courantes dans la société canadienne pendant diverses périodes.
Deuxièmement, les dispositions correctives de l'article 93 n'étaient pas des ajouts préparés à la légère afin d'apaiser quelques groupes marginaux pour obtenir leur appui à la création du pays. Elles visaient à répondre aux besoins des divers segments de la société et résultaient de la reconnaissance des différences de valeurs et de la tolérance et du respect de ces différences.
Je pense qu'on ne doit pas oublier l'importance de cette reconnaissance accordée en 1867. Sir Charles Tupper nous a rappelé qu'à son avis, il n'y aurait pas eu de Confédération sans cette garantie des droits à l'instruction de la minorité religieuse.
Troisièmement, il doit être clair que cette entente de 1867 donnait le droit au financement public des systèmes d'éducation protestants et catholiques romains. Je sais que les choses ont bien changé depuis 1867 et qu'elles doivent évoluer, mais on a tendance aujourd'hui à redéfinir cette orientation protestante en évacuant de l'éducation l'enseignement des doctrines religieuses, des structures de valeurs et des croyances.
En effet, en certains endroits, les écoles protestantes sont considérées comme étant devenues des écoles publiques. Dans certaines provinces, ces écoles doivent être de par la loi laïques et neutres. Certains d'entre nous peuvent y voir une contradiction, puisqu'en étant laïques et neutres, elles ne sauraient être protestantes.
On peut donc se demander qui garantira et protégera l'accord constitutionnel conclu avec les catholiques et les protestants en 1867.
La partie de l'article 93 de la Loi de 1867 dont je veux parler visait justement à préserver ces droits et privilèges des protestants et des catholiques à l'égard des écoles confessionnelles. Nous connaissons les droits que les commissions scolaires confessionnelles avaient au sujet du contenu religieux, des programmes religieux et non religieux qui se rapportent à cette garantie.
L'article prévoit aussi que les gouvernements provinciaux doivent exercer leurs droits de manière positive au sujet de l'embauche et du contrôle du contenu confessionnel des programmes scolaires. À l'inverse, on voit bien ce que les gouvernements provinciaux pourraient ne pas faire si les exigences imposées par l'article 93 étaient levées.
Comme l'a dit clairement la Cour suprême du Canada, sans l'exigence de l'article 93, les gouvernements provinciaux auront les mains liées en matière d'éducation par les restrictions de la Charte. Leurs lois seront assujetties à la Charte.
• 2050
Autrement dit, les exigences de la Charte des droits et
libertés font en sorte que le gouvernement du Québec ne peut
assurer de manière permanente la protection des écoles catholiques
et protestantes qui leur permettrait d'offrir une instruction
religieuse et morale catholique et protestante, ainsi que les
services de pastorale, d'activités religieuses et d'orientation
envisagés dans la Loi 109.
Les évêques catholiques du Québec semblent être favorables à l'élan politique visant à remplacer le système scolaire confessionnel par un système linguistique, mais ils accordent peut-être ce soutien en pensant que la religion demeurera un élément intégral, omniprésent et très influent de l'éducation au Québec.
À mon avis, ils se trompent peut-être et le gouvernement du Québec pourrait, sans les exigences imposées par les paragraphes 93(1) et 93(2), être dans l'impossibilité d'empêcher la laïcisation intégrale du système scolaire, à moins que ces paragraphes supprimés soient en fait remplacés par d'autres, qui garantiraient la présence de la religion dans les écoles, comme ils le souhaitent.
Que cette laïcisation complète soit ou non souhaitée par une majorité de Québécois ne me semble pas être la question qui m'intéresse actuellement. Le problème, c'est qu'ils ne savent peut-être même pas que l'élimination de la protection offerte par l'article 93 pourrait rendre cette laïcisation inévitable.
Je suis convaincu que le gouvernement du Québec est sincère lorsqu'il assure que les écoles pourront continuer d'être catholiques ou protestantes. Je suis persuadé aussi que la hiérarchie catholique croit aux garanties offertes par le gouvernement du Québec au sujet de la religion dans les écoles. Autrement, elle ne s'acquitterait pas de ses responsabilités en vertu du droit canon et je suis persuadé qu'elle s'exprimerait très fortement et publiquement ainsi que devant votre comité.
Je pense que le ministre des Affaires intergouvernementales, l'honorable Stéphane Dion, est aussi passé à côté de cela. Les tribunaux en Ontario et en Colombie-Britannique ont déterminé que les écoles publiques ayant une structure administrative laïque comme celle dont il parle n'ont pas le droit d'avoir le fonctionnement d'une école religieuse ou confessionnelle.
Il y a peut-être aussi un important segment de la population québécoise qui n'est pas à l'aise avec l'idée d'une laïcisation complète du système scolaire.
Je sais que, comme on l'a dit ce soir, le gouvernement du Québec pourrait envisager un recours à l'article 33 de la Charte des droits et libertés, soit la clause nonobstant, pour soustraire à la Charte ses initiatives visant à créer des programmes d'éducation religieuse.
Il me semble incongru que le Parlement canadien approuve une modification constitutionnelle supprimant des protections constitutionnelles tout en espérant que la province qui vient de recevoir l'approbation pour cet amendement utilise la clause nonobstant pour mettre sur pied un système d'éducation autrement inconstitutionnel.
Conséquence inévitable de la suppression de l'article 93 de la Loi constitutionnelle, particulièrement des paragraphes (1) et (2), les provinces seront forcées d'offrir et de conserver un système scolaire monolithique, moins diversifié et moins généreux qu'elles peuvent le faire en vertu de l'article 93.
Avant de passer à un autre sujet, j'attire votre attention sur le rôle essentiel et crucial accordé par les paragraphes 93(3) et 93(4) au gouverneur en conseil et au Parlement du Canada. En fait, il leur incombait d'être les protecteurs constitutionnels des droits des classes de personnes désignées lorsqu'une loi provinciale portait atteinte à leurs droits. Toutefois, il y a un courant de pensée chez les groupes religieux minoritaires qui est peut-être fondé et qu'une partie de la discussion de ce soir semble confirmer. Étant donné la façon dont on a réglé la question des écoles au Manitoba, il y a 100 ans, et à Terre-Neuve, l'an dernier, on ne peut pas se fier au Parlement du Canada pour protéger les droits des minorités en matière d'éducation.
On a de plus en plus l'impression que le Parlement ne se voit plus comme protecteur des droits des minorités, mais comme défenseur et même promoteur de la volonté de la majorité. L'article 93 laisse toutefois entendre que la majorité ne doit pas pouvoir éliminer les droits des minorités sans le consentement explicite des minorités ainsi protégées. Il faut certainement appliquer le critère de consentement démocratique pour reconnaître ce droit.
• 2055
Je vais passer par-dessus la portion de mon mémoire où je
parle des droits des minorités et passer immédiatement à l'article
43 de la Loi constitutionnelle de 1982 qui porte, je crois, sur les
amendements découlant d'une demande comme celle-ci, c'est-à-dire
dans un processus bilatéral.
Permettez-moi de souligner les conflits qui découlent à mon avis de l'application de l'article 43 de la Loi de 1982 à l'abrogation de l'article 93 de 1867. Nous nous retrouvons dans une situation très particulière en ce sens que des droits protégés constitutionnellement ne peuvent être activés que par le vote d'une minorité, ou d'une partie de cette minorité. Par exemple, pour la création d'un système scolaire dissident ou séparé par des protestants ou des catholiques, dans un district scolaire.
Ces mêmes droits semblent pouvoir être niés et totalement éliminés par un vote majoritaire sur une résolution, du moins au début, de l'Assemblée législative provinciale qui peut ou non être représentative de la majorité de l'électoral provincial et qui peut aussi ne pas représenter l'opinion de la minorité intéressée.
La majorité des Québécois sont-ils en faveur de l'élimination complète des droits aux écoles confessionnelles dans leur province? La majorité du milieu protestant est-elle en faveur d'un tel changement radical? La communauté catholique du Québec, y compris le clergé et sa hiérarchie, est-elle au courant de ce que feront des modifications à l'article 93? La majorité est-elle en faveur de cette laïcisation?
Personne n'a répondu à ces questions au Québec. Elles n'ont même pas été posées. L'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 n'exige pas qu'on les pose.
Dans un mémoire déjà présenté au comité, on a rappelé que les valeurs canadiennes contemporaines ne permettent pas qu'on accorde des droits et des privilèges uniquement aux catholiques et aux protestants. Je suis tout à fait d'accord.
Notre société doit chercher à reconnaître une grande variété de croyances, de goûts et d'objectifs, de coutumes et de codes de conduite; notre structure scolaire doit refléter cette diversité qu'a défendue la Cour suprême. Alors plutôt que d'enlever les droits et les privilèges actuellement garantis pour les protestants et les catholiques, il serait bien plus efficace de permettre qu'ils soient accordés à d'autres groupes qui veulent s'assurer que leurs croyances et leurs valeurs sont intégrées à ce qu'on enseigne à leurs enfants.
J'exhorte le comité, si c'est possible, à demander que le gouvernement du Québec modifie sa requête pour que les droits des minorités soient augmentés plutôt que réduits. À la fin de mon mémoire, je donne plusieurs arguments en ce sens.
Merci.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Peters. La première question sera posée par M. Peter Goldring.
M. Peter Goldring: Merci beaucoup, monsieur Peters, pour votre exposé.
On semble croire qu'il n'y a rien à faire pour améliorer ou remodeler les paragraphes 93(1) à 93(4). Avez-vous des commentaires à ce sujet? Croyez-vous qu'il serait possible de régler le problème en modifiant, en améliorant et en élargissant les paragraphes 93(1) à 94(4), plutôt que de les supprimer? Est-ce possible?
M. Frank Peters: Je crois que rien n'empêche le gouvernement du Québec d'accorder les droits actuellement garantis aux protestants et aux catholiques en vertu des paragraphes 93(1) et 93(2) à d'autres groupes au sein de la province, soit en les protégeant de manière constitutionnelle ou en légiférant en ce sens, au sein de la province.
Je vous rappelle la façon dont le gouvernement de Terre-Neuve a accordé des droits supplémentaires à diverses religions à la fin des années 80. Il les a accordés aux assemblées pentecôtistes.
M. Peter Goldring: J'ai une question complémentaire, monsieur Peters. On se demande aussi si cela aura un effet sur les droits des Autochtones. Pourriez-vous nous dire comment ce serait possible? En examinant cela, il semble que le transfert de la Terre de Rupert pourrait être touché, c'est-à-dire l'obligation pour le gouvernement fédéral d'agir comme fiduciaire pour les Indiens comme il le fait actuellement pour la Terre de Rupert. Comment pensez-vous que cela pourrait toucher les droits des Autochtones?
M. Frank Peters: Je préfère ne pas essayer de répondre à cette question pour le moment, monsieur Goldring, puisque ce n'est pas une question à laquelle j'ai tenté de réfléchir jusqu'ici.
M. Peter Goldring: Pourrait-elle vous préoccuper?
M. Frank Peters: Certainement, mais ce n'est pas une question que j'ai examinée en rapport avec ce qui nous intéresse aujourd'hui.
M. Peter Goldring: Très bien, merci.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Goldring. Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Bonsoir. Je vous remercie d'être venu de l'Alberta. Je constate que vous vous intéressez beaucoup à ces questions. Je veux bien comprendre votre point de vue. Ce que vous souhaitez dans le fond, c'est que les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 continuent de s'appliquer sur le territoire du Québec. Vous dites qu'il faut élargir les droits confessionnels à d'autres groupes du Québec, et non pas seulement aux protestants et aux catholiques.
Maintenant, est-ce que vous êtes conscient qu'à la différence de l'avant-dernier amendement constitutionnel qu'on a adopté de façon bilatérale pour Terre-Neuve, qui le demandait pour les pentecôtistes, cela pourrait vouloir dire un élargissement à des dizaines et des dizaines de groupes? Si on élargit l'application de l'article 93, ça veut aussi dire des écoles et ultimement des conseils scolaires. Est-ce que vous vous rendez compte de la situation d'incohérence, d'imbroglio dans laquelle cela pourrait mettre le système scolaire québécois?
On ne peut pas comparer cet amendement constitutionnel et celui demandé pour les pentecôtistes par Terre-Neuve. Il y a une différence extrêmement importante en termes de groupes qui seraient concernés. Sur la seule île de Montréal, il y a plusieurs dizaines de groupes qui pourraient revendiquer une protection comme celle que confère l'article 93.
[Traduction]
M. Frank Peters: Oui. Je comprends les complications qui pourraient en découler. Je dirai toutefois que si l'on considère que l'unité qui nous intéresse n'est pas le système scolaire mais l'école, il faudrait alors s'efforcer de préserver le droit de mettre sur pied des écoles dissidentes pour quelque groupe que ce soit, là où le nombre le justifie, et où c'est souhaité dans la province.
Je crains qu'en éliminant complètement l'article 93, on se retrouve forcé d'adopter un système non confessionnel, que beaucoup de groupes formant actuellement notre société ne considéreraient pas comme neutre; cela irait à l'encontre de leurs points de vue.
[Français]
M. Réal Ménard: Je termine là-dessus. Il faut que vous sachiez que l'intention du gouvernement du Québec, par l'intermédiaire de l'Assemblée nationale, n'est pas d'arriver à un système séculier ou complètement laïcisé. C'est une intention qui est très clairement exprimée quand on lit la Loi sur l'instruction publique et la Loi 109.
Deuxièmement, et je le dis en tout respect pour vos convictions, est-ce que vous avez déjà considéré qu'il est possible que dans une communauté ou une école, la raison pour laquelle une majorité de parents ne réclame pas l'enseignement catholique ou l'enseignement protestant soit que cela ne suscite pas l'adhésion? Il est possible que dans une communauté, les valeurs qui sont véhiculées par la communauté catholique ou la communauté protestante ne suscitent plus l'adhésion d'une majorité de parents.
Aucune garantie constitutionnelle ne nous mettra à l'abri de cela. Ce qui est incroyable, c'est que plusieurs personnes d'obédience protestante ou catholique sont venues nous voir sans jamais évoquer qu'il serait possible en 1997, en 1998 ou en l'an 2000, qu'une majorité de parents soient religieux, mais n'adhèrent plus au code de valeurs qui sous-tend l'une et l'autre de ces religions. C'est possible.
[Traduction]
M. Frank Peters: Je m'en rends bien compte, monsieur Ménard. Je ne voudrais pas qu'on conserve la structure actuelle, où les gens sont forcés d'envoyer leurs enfants soit à l'école catholique, soit à l'école protestante. Je préconise une plus grande diversité.
• 2105
Mais à défaut de remplacer les paragraphes de l'article 93,
d'après les arrêts rendus jusqu'ici, l'application de la charte...
le seul type de système scolaire qui pourra exister sera un système
non confessionnel, sans religion. Je tiens aussi à ce que ceux qui
veulent des écoles laïques puissent en avoir, de même que des
écoles bouddhistes pour les enfants des bouddhistes, plutôt que la
structure restreinte que nous avons actuellement. Je ne pense pas
qu'on crée nécessairement le système que je préconise en supprimant
les protections actuelles.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Peters. Nick Discepola.
M. Nick Discepola: Monsieur Peters, j'aimerais vous poser la question suivante. Si l'on vous dit que la majorité de la population québécoise est en faveur de la création de commissions scolaires linguistiques, si l'on vous dit que la majorité des protestants est en faveur d'un tel changement de même que la communauté catholique, contrairement à ce que vous dites dans votre mémoire, est-ce que vous reviendrez sur votre opinion?
M. Frank Peters: J'essaye de donner une réponse réfléchie, monsieur Paradis.
Je ne crois pas que ces communautés aient adopté ces positions en sachant vraiment que l'élimination de ces paragraphes de l'article 93 aurait forcément pour conséquence la création d'un système scolaire laïque. Rien jusqu'ici ne m'a convaincu qu'il y avait un consensus là-dessus, et j'ai bien écouté la télévision et écouté vos délibérations—on n'a pas vraiment identifié quelle était cette majorité au sein de la communauté catholique, par exemple.
Je sais que ces groupes sont en faveur d'un système scolaire linguistique. Mais au sein de ce système scolaire linguistique, d'après la Cour suprême, il est possible de permettre et de préserver le droit à la dissidence. D'après les arrangements actuels, et je présume que c'est ce qu'ont accepté les évêques du Québec, il y aura des protections religieuses au sein de ce système. Si j'ai bien compris, et je crois qu'au moins un autre spécialiste que vous avez reçu pense de même, le nouveau régime pourrait ne pas accorder cette garantie, sans la protection de l'article 93 et de l'article 29 de la Charte, puisqu'il serait assujetti aux autres dispositions de la Charte. Le système scolaire laïc pourrait devenir obligatoire à cause des décisions rendues par les tribunaux en Ontario, dans l'affaire Zylberberg et dans l'affaire de l'Association des libertés civiles du Canada, de même qu'en Colombie-Britannique, dans l'affaire Russell.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Mme Sheila Finestone est la prochaine intervenante.
L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup. C'était un mémoire intéressant. Je tiens toutefois à vous dire que la Commission Chambers, présidée par Gretta Chambers, a fait une étude sur le système scolaire protestant partout au Québec. Elle a mené de larges consultations et par suite de cela a déclaré que l'enseignement en anglais, si l'on peut dire, serait de loin préférable à la structure actuelle des commissions scolaires protestantes. J'espère que cela vous réconfortera.
Vous dites que rien ne prouve que les amendements sont essentiels à la mise en oeuvre de commissions scolaires linguistiques et que les changements proposés sont simplement d'ordre pratique, pour aller plus vite. Avant de vous demander de plus amples explications à ce sujet, j'aimerais vous signaler, pour votre gouverne, que la structure actuelle des Lois 107 et 109 a intégré l'article 23; il s'agit des clauses nonobstant. Je pense qu'il est important que vous le sachiez. Cela a déjà été intégré à la structure de la loi qui sera mise en oeuvre au Québec, la Loi sur l'instruction publique.
M. Frank Peters: Il y a de nombreuses préoccupations au sujet de l'utilisation de la clause nonobstant. Ce n'est pas tout à fait aussi solide qu'une garantie constitutionnelle, comme vous le savez sans doute. Il faut renouveler cela tous les cinq ans.
• 2110
Que je sache, et vous le savez aussi, je présume, le
gouvernement du Québec a déclaré qu'il ne tenait pas
particulièrement à recourir à la clause nonobstant.
L'hon. Sheila Finestone: Eh bien, elle se trouve dans la Loi sur l'instruction publique. C'est l'une des questions que nous poserons demain au ministre. Nous verrons ce qu'il répondra.
Vous piquez ma curiosité en disant que vous ne pensez pas qu'il y aura un système minoritaire protestant et catholique, ce que vous craignez, qu'il y aura encore des droits et des privilèges pour deux religions, la catholique et la protestante, et que les groupes minoritaires, là où le nombre le justifie, n'auront pas la même considération et les mêmes égards. On semble nous laisser prévoir que cette loi nous ramènera à zéro, même si on élimine l'article 93. Je me demandais si vous aviez un commentaire à formuler à ce sujet.
M. Frank Peters: Je ne suis pas certain d'avoir compris la question. Je conviens que la simple élimination des paragraphes de l'article 93 ne règle rien. En fait, ça créerait un système tout aussi nuisible. Il faudrait alors mettre en place un système d'éducation laïc.
L'hon. Sheila Finestone: Je vous ai posé cette question, monsieur, parce qu'à la page 12, au dernier paragraphe de votre exposé, vous dites que vous préférez demander au comité de proposer des modifications à la demande du Québec, qui garantirait constitutionnellement le droit de mettre sur pied des écoles dissidentes partout dans la province. Essentiellement, on ne va pas créer des écoles dissidentes, mais on aura le droit de créer des écoles respectant les droits des minorités pour les protestants et les catholiques.
M. Frank Peters: Dans mon exposé, j'ajoute le droit d'établir des écoles dissidentes pour quelque groupe que ce soit.
L'hon. Sheila Finestone: Dans la version que j'ai...
M. Frank Peters: En vous présentant mon exposé, j'ai ajouté «pour quelque groupe que ce soit».
L'hon. Sheila Finestone: Je vois. Merci pour cet éclaircissement.
M. Frank Peters: Il faudrait accorder ces droits à d'autres...
Le coprésident (M. Denis Paradis): La prochaine intervention sera courte et sera faite par M. Mauril Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Vous proposez que notre comité demande une modification à la demande qui a été faite, de manière à garantir constitutionnellement le droit à la dissidence ou les droits religieux, ce qui servirait essentiellement à garder ce que nous avons. Je ne pense pas que l'on serait bien avancé. Je ne suis même pas certain qu'on puisse le faire.
Un autre témoin a fait une suggestion cet après-midi et j'aimerais vous poser une question à ce sujet. Il propose qu'on mette au début de l'article 93, ou ailleurs, nonobstant les autres articles ou les autres lois, que le gouvernement du Québec peut avoir des écoles confessionnelles, ou quelque chose comme ça...
Le coprésident (M. Denis Paradis): Abrégez.
M. Mauril Bélanger: ... Cela aurait pour effet d'éliminer l'obligation et de laisser le choix au gouvernement du Québec, un choix dicté par la loi.
Qu'en pensez-vous?
M. Frank Peters: Je dirais qu'on a encore la responsabilité de savoir si les minorités dont les droits constitutionnels sont abrogés sont tout de même en faveur de cette abrogation.
M. Peter Goldring: Monsieur Peters, vous avez formulé un commentaire au sujet des tribunaux ontariens qui se penchent sur le droit à l'éducation religieuse. Les paragraphes 1 à 4 de l'article 93 s'appliquent actuellement en Ontario; comment la suppression de ces mêmes paragraphes rendrait-elle la situation différente au Québec? Autrement dit, comment se fait-il que les droits religieux en Ontario soient l'objet d'une décision des tribunaux? Quelle est la différence pour le Québec?
M. Frank Peters: Les affaires dont j'ai parlé—qui ne sont pas devant les tribunaux puisque les décisions ont été rendues—s'appliquent aux écoles publiques, auxquelles ne s'appliquent pas les paragraphes 1 à 4 de l'article 93. La suppression de ces paragraphes rendrait le système québécois identique au système public ontarien. Dans ce cas-là, les décisions ontariennes seraient pertinentes.
M. Peter Goldring: Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Peters, au nom de tous les membres du comité, je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.
Nous recevons maintenant le Evangelical Fellowship of Canada, représenté par Bruce Clemenger, directeur des affaires nationale, et Danielle Shaw, coordonnatrice des politiques.
Bienvenue au comité. Vous avez dix minutes environ pour présenter un exposé, puis les membres du comité vous poseront des questions. Vous avez la parole, monsieur Clemenger.
M. Bruce Clemenger (directeur des affaires nationales, Evangelical Fellowship of Canada): Nous allons fonctionner en tandem.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Bien.
M. Bruce Clemenger: Merci beaucoup de nous recevoir si tard. Je vais m'efforcer de ne pas m'éterniser.
Pendant vos audiences, vous avez entendu des parents, des enseignants et des directeurs d'école protestants évangéliques du Québec. Nous représentons une association nationale de chrétiens protestants dont les membres sont de 28 confessions et de nombreuses autres organisations religieuses.
Notre organisation a mis sur pied un groupe de travail sur l'éducation en 1994 pour examiner les politiques publiques et d'autres questions se rapportant à la philosophie, au financement et à la structure de l'éducation. Depuis 1989, notre organisation déploie des efforts en Ontario pour obtenir du financement pour l'éducation confessionnelle, en association avec la Coalition for Religious Freedom in Education et la Ontario Multi-faith Coalition for Equity in Education.
En principe, nous ne nous opposons pas au remplacement du système confessionnel par des commissions scolaires linguistiques au Québec et même si nous appuyons l'engagement qui a été pris de protéger les écoles confessionnelles, comme dans la Loi 109 et comme l'a déclaré à maintes reprises la ministre de l'Éducation du Québec, nous sommes fortement préoccupés et troublés par les répercussions sur les droits acquis à l'éducation religieuse de l'exemption de la province de l'application des paragraphes de l'article 93, si ceux-ci ne sont pas remplacés par d'autres protections constitutionnelles pour les minorités religieuses.
Nous avons deux choses à dire au sujet des leçons tirées en Ontario, où la protection constitutionnelle des écoles confessionnelles n'existe pas dans le système public et sur l'importance pour les communautés religieuses de ce que nous appelons l'éducation confessionnelle.
Mme Danielle Shaw (coordonnatrice des politiques, Evangelical Fellowship of Canada): Nous essayons d'utiliser trois principes comme lignes directrices lorsque nous examinons des questions d'éducation.
Premièrement, les parents ont la principale responsabilité de l'éducation de leurs enfants et ont donc le droit corollaire de choisir le genre d'éducation qu'ils souhaitent pour eux, comme le prévoit la Déclaration universelle des droits de l'homme Nations Unies.
Deuxièmement, l'éducation est enchâssée dans un cadre de valeurs et de croyances, qu'on appelle parfois une vision du monde, qui nous permet de comprendre nos vies et le monde qui nous entoure. Notre association croit qu'il n'est pas possible d'éduquer des enfants sans leur présenter une vision du monde et sans leur présenter nos valeurs, puisque ce que les enfants apprennent est influencé par une vision particulière du monde et de la vie.
Troisièmement, si un groupe de parents veut un certain genre d'éducation et peut prouver que cela peut se faire de façon responsable, les gouvernements devraient s'assurer que les lois et le financement nécessaires sont en place.
Voilà le contexte dans lequel se situe notre étude de l'amendement proposé à l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Si la province de Québec n'a plus à respecter les critères énoncés à l'article 93, les droits à l'enseignement religieux au Québec seront affaiblis et moins bien protégés.
• 2120
L'Ontario est un bon exemple de ce qui peut se produire si on
enlève la protection constitutionnelle à l'éducation
confessionnelle. Par suite de nombreuses contestations en vertu de
la Charte contre diverses dispositions et règlements contenus dans
la Loi ontarienne sur l'éducation, les cours d'introduction à la
religion sont maintenant interdits dans les écoles publiques de
l'Ontario, tout comme le financement gouvernemental des écoles
confessionnelles non catholiques.
Dans son mémoire numéro 112 sur les politiques de programmes, publié en décembre 1990, le ministère de l'Éducation de l'Ontario écrit que les cours d'introduction à la religion sont interdits dans les écoles publiques pendant les heures normales de cours même si la participation à ces cours est facultative ou non coercitive. À la suite de la publication du mémoire 112, deux écoles confessionnelles du secteur public ont reçu l'ordre de se déconfessionnaliser. Les parents en Ontario qui veulent que leurs enfants aient une éducation religieuse ou confessionnelle doivent envoyer leurs enfants à des écoles privées ou les instruire à la maison.
En janvier, la Cour suprême du Canada a statué dans l'affaire Adler et al. contre l'Ontario que celle-ci n'était pas tenue constitutionnellement d'offrir un enseignement religieux, mais pouvait le faire si elle le désirait. L'Assemblée législative de l'Ontario n'a rien fait jusqu'à présent pour permettre un enseignement confessionnel ou religieux dans les écoles publiques.
Même si la liberté religieuse est garantie par la Charte, les parents en Ontario qui n'ont pas les moyens d'envoyer leurs enfants à l'école privée n'ont aucun moyen d'exercer cette liberté. Ceux qui peuvent se permettre une école privée sont pénalisés deux fois, non seulement en payant leurs frais de scolarité, mais également en payant leurs impôts pour financer les écoles publiques. Les contestations en vertu de la Charte en Colombie-Britannique et au Manitoba ont eu plus ou moins les mêmes résultats. Notre association craint que si les amendements proposés entrent en vigueur, la même chose se produira au Québec.
M. Bruce Clemenger: Je voudrais parler brièvement de l'éducation confessionnelle.
Pour revenir à l'exemple de l'Ontario, les écoles catholiques de l'Ontario sont protégées parce que le système scolaire en 1867 était protestant, et non pas neutre sur le plan religieux. L'article 93 est donc fondé sur le principe que l'éducation est rattachée à la confession et protège les droits des parents de choisir pour leurs enfants une école qui reflète leurs propres valeurs.
La plupart des systèmes scolaires publics au Canada se tournent de plus en plus vers la sécularisation, ce qui permet d'offrir aux enfants une instruction neutre sur le plan religieux. Cette approche est fondée sur le principe que la foi est une chose privée, que l'éducation est une chose publique, et que la religion n'a pas sa place dans le système scolaire public.
Certains prétendent qu'on peut incorporer les religions en ayant des dispositions de participation facultative aux cours d'instruction religieuse et en prévoyant du temps pour l'observance religieuse. Toutefois, une disposition sur les cours de religion ou l'observance religieuse ne suffit pas pour assurer une approche religieuse à l'éducation. Cela a d'ailleurs été reconnu par la Cour suprême dans l'affaire Tiny Separate School Trustees contre le Roi, lorsqu'elle a stipulé que:
-
L'idée qu'une école confessionnelle diffère de l'école publique à
cause de cours de religion ou de pratiques religieuses est tout à
fait erronée. Les écoles publiques et les écoles séparées reposent
sur des concepts différents d'éducation. Les écoles non
confessionnelles sont fondées sur le principe qu'il est avantageux
de faire la distinction entre un enseignement laïc et un
enseignement religieux. Les tenants des écoles confessionnelles,
par contre, maintiennent que l'influence et l'enseignement
religieux devraient toujours aller de pair avec une formation
laïque.
Il existe deux différentes conceptions de l'éducation, l'une laïque et l'autre sur la foi. En Ontario, l'absence d'une protection constitutionnelle pour l'éducation confessionnelle au sein du système scolaire public a contribué à la sécularisation de l'éducation publique en Ontario et au retrait des exercices religieux des écoles publiques dans au moins deux autres provinces. Nous craignons que l'abrogation des paragraphes (1) à (4) de l'article 93 aboutisse aux mêmes résultats.
En conclusion, même si la province de Québec s'est engagée dans la Loi sur l'instruction publique et la Loi 109 à protéger l'instruction religieuse dans les écoles publiques, la protection constitutionnelle est nécessaire pour garantir que les engagements actuels seront respectés. L'amendement constitutionnel proposé par l'Assemblée nationale du Québec aura pour effet de réduire la protection des droits à l'instruction religieuse pour ceux qui la désirent.
Notre association exhorte donc le gouvernement à rejeter cette motion, à moins qu'une protection constitutionnelle pour l'instruction religieuse au Québec soit explicitement incluse par voie d'amendement. Nous recommandons à cette fin, advenant que l'article 93 soit modifié, qu'un paragraphe soit inclus dans l'article pour garantir que là où le nombre le justifie, les parents auront le droit de mettre sur pied et de gérer des programmes d'éducation religieuse financés par le gouvernement ainsi que le droit à des écoles confessionnelles qui intègrent leur religion et qui répondent aux normes provinciales d'éducation.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur Clemenger.
Nous passerons maintenant à la période des questions. Le premier intervenant sera M. Peter Goldring.
M. Peter Goldring: Je vous remercie de votre présentation.
• 2125
Puisque l'Ontario a créé un précédent, pourquoi voudrions-nous
suivre la même voie en supprimant les paragraphes (1) à (4) qui
semblent offrir une protection contre cette éventualité au Québec?
Compte tenu des décisions des tribunaux, on peut évidemment
s'attendre à des contestations judiciaires sur la religion dans le
système scolaire.
À titre de précision, pourriez-vous me dire si vous croyez que pour éviter ce scénario, il faudrait améliorer l'article 93 pour qu'il reflète la réforme du système d'éducation au Québec.
M. Clemenger: Oui. Encore une fois—et cela porte à confusion—c'est à cause de notre expérience en Ontario. Le système publice en Ontario était protestant. Il est maintenant laïc à cause de ces décisions juridiques et en vertu du mémoire 112.
Selon la politique du gouvernement ontarien, il est même interdit d'avoir des groupes bibliques facultatifs à l'heure du midi ou même de se réunir. Ce sont pourtant des groupes bénévoles et organisés par les étudiants. Ils sont interdits par les règlements gouvernementaux. Le système est entièrement laïc et il n'y a aucune religion dans les écoles publiques, ce qui les force à devenir de plus en plus privées. Cela nous inquiète beaucoup. Nous craignons qu'au Québec, en l'absence de la protection constitutionnelle garantie par les paragraphes (1) à (4) de l'article 93, on verra les mêmes effets à cause de l'application de l'article 2 de la charte.
M. Peter Goldring: Ma question supplémentaire est la suivante: certains disent que l'Assemblée nationale du Québec a voté à l'unanimité. Mais on dit aussi qu'il y avait également une pétition contenant 225 000 noms de gens qui se disaient contre la proposition. Je voudrais entendre vos commentaires là-dessus de même que votre opinion sur la façon dont une majorité pourrait anéantir les droits des minorités.
M. Bruce Clemenger: Cela nous dérange beaucoup. La communauté évangélique au Québec est très, très petite. Elle est probablement de moins de 2 p. 100. Je crois qu'elle a comparu devant le comité la semaine dernière. Elle compte environ 15 écoles à ma connaissance, à Trois-Rivières jusqu'à Québec, qui sont protégées par la protection des droits dissidents. Puisque la communauté est si petite, même s'il y avait consensus, il ne compterait pas pour grand-chose.
Les Évangélistes du Québec veulent protéger leurs droits qui leur sont garantis en vertu de la Déclaration des Nations Unies sur les droits de la personne, qui permet aux parents de choisir le genre d'instruction qu'ils veulent pour leurs enfants. Ils veulent préserver leurs droits acquis, ainsi qu'établir et maintenir les écoles confessionnelles qui reflètent leurs valeurs religieuses. Ils ne s'opposent pas au remplacement des écoles confessionnelles par des commissions scolaires linguistiques. Ils ne s'opposent pas non plus à l'instauration d'une éducation laïque plus vaste. Ils ont une perspective différente de l'éducation, et je crois qu'elle est protégée par l'article 93. Certains croient qu'on devrait continuer à avoir des écoles confessionnelles, tandis que d'autres croient qu'on doit être plus moderne et avoir un système laïc. Ces deux points de vue, sont contradictoires.
Si nous voulons célébrer la différence et encourager la diversité, alors pourquoi ne pas permettre au système d'éducation de maintenir cette diversité et l'encourager? Nous craignons que si l'article 93 est abrogé—les paragraphes—les gens ne pourront plus jouir de cette liberté et obtenir des fonds publics.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Clemenger. Nous passerons maintenant à M. Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Bonsoir. Soyez indulgents avec nous parce qu'il commence à se faire tard et que nous siégeons depuis ce matin. Je vous remercie d'être là et je voudrais vous poser trois questions.
J'aimerais que vous nous rappeliez, pour ma culture personnelle d'abord, les grands éléments qui caractérisent votre foi, vos convictions à vous comme groupe.
Deuxièmement, je vous demande de ne jamais oublier qu'à l'instant où on se parle—on ne peut pas prédire l'avenir mais cela est vrai pour plein de problématiques—, le législateur québécois qui doit comparaître devant nous, accompagné habilement de l'opposition officielle d'ailleurs, veut que selon sa Loi sur l'instruction publique et selon la Loi 109, chaque parent puisse en début d'année faire un choix sans aucune contrainte sur le type d'enseignement religieux que ses enfants vont recevoir. Non seulement cette garantie existe-t-elle, mais elle est aussi présente dans la Charte des droits et libertés. Je ne vous dis pas que cela a une valeur constitutionnelle; ce ne serait pas vrai. Il est certain que vous ne pouvez pas avoir des garanties comparables à celles qui existent dans l'article 93.
• 2130
Cependant, ce que vous revendiquez, à mon point de
vue, n'est pas possible et n'est certainement pas
compatible avec une société moderne. À mon point de
vue, il y a une
phrase synthèse qu'il faut avoir
présente à l'esprit. Au nom de quel principe
votre communauté religieuse ou même les protestants ou les
catholiques devraient-ils avoir un droit à des écoles
et à des commissions scolaires dans une société où on
ne peut rattacher cela à quoi que ce soit, si ce n'est
au fait que vous
l'avez déjà eu dans le passé? Cela ne remet pas en
cause la profondeur et l'intensité de vos convictions.
Mais nous, comme législateurs, on croit que ce n'est
pas compatible. Moi, je crois que ce n'est pas
compatible avec un système scolaire moderne et
avec l'obligation d'ouverture que nous avons
envers les nouveaux arrivants.
Vous savez que le Canada accueille 250 000 immigrants et qu'il est un des pays qui accueillent le plus d'immigrants. Le Québec en accueille 35 000. Donnez-moi des arguments autres que le fait que c'est un droit acquis, qui pourraient me convaincre que nous devons faire un type de discrimination. C'est de la discrimination positive, j'en conviens, mais c'est de la discrimination.
C'est ma dernière question de la soirée, monsieur le président.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Ménard. Vous pourrez aller faire le ménage de votre bureau après.
Monsieur Clemenger.
[Traduction]
M. Bruce Clemenger: Les aspects de nos convictions, de notre foi—je ne sais pas ce que vous nous demandez. Nous sommes un groupe protestant sur le plan confessionnel. Je peux vous faire une profession de foi plus tard. Je ne sais pas ce que vous voulez.
Pour ce qui est de l'application des principes dans ce cas-ci, je peux...
[Français]
M. Réal Ménard: Des éléments de foi. Qu'est-ce qui caractérise votre foi? Qu'est-ce qui caractérise votre alliance évangélique? Je ne connais pas ce groupe et je voudrais comprendre ce qu'il est.
L'hon. Sheila Finestone: [Note de la rédaction: Inaudible]
M. Réal Ménard: Oui, mais la religion protestante n'existe pas.
L'hon. Sheila Finestone: C'est vrai?
M. Réal Ménard: Non, ce qui existe, c'est la religion évangéliste.
L'hon. Sheila Finestone: Alors, la religion...
[Traduction]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous vous écoutons.
M. Bruce Clemenger: Vous avez raison. Il n'y a aucune confession protestante et ça aussi c'est problématique. Ce n'est pas comme les catholiques.
Nous représentons 28 confessions. Nous représentons les groupes tels que les assemblées pentecôtistes du Canada, l'Armée du Salut, les Wesleyens... toute une gamme de 28 confessions. Ce qui nous différencie des autres c'est une croyance en Jésus-Christ notre Sauveur en Dieu, et nous voulons vraiment sensibiliser la population à l'existence de Jésus-Christ. Il y a aussi un élément de militantisme social—nous faisons preuve de compassion envers la société et nos voisins.
Voilà ce qui nous caractérise. Notre religion repose sur les principes orthodoxes pour ce qui est de la chrétienté, mais on met plus d'accent sur la croyance dans le Christ, l'autorité des Saintes Écritures, ce genre de choses-là. Je vous enverrai de la documentation.
Écoutez: Billy Graham va nous rendre visite en mai et je vous inviterai.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Grafstein.
M. Bruce Clemenger: Je n'ai pas compris votre deuxième question.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Je dois, malheureusement, dire à mon ami qu'il devrait lire le Nouveau Testament. C'est une oeuvre très intéressante et je vous la recommande. Elle existe non seulement en anglais, mais également en français au Québec.
En passant, j'ai lu le Nouveau Testament et le Coran. Je trouve que les deux oeuvres sont des contributions intéressantes à la littérature mondiale.
Votre témoignage me laisse un peu perplexe, car comme vous probablement, j'ai eu l'avantage de grandir dans une petite ville en Ontario. Ma foi était différente de celle de la majorité de la foi minoritaire. Je suis allé à l'école publique. Le système scolaire public m'obligeait à suivre une orientation chrétienne du matin au soir. Lorsque j'ai été mis dans un groupe à part, je me suis senti victime de discrimination. Alors je comprends assez bien le système scolaire public en Ontario.
• 2135
Cela dit, l'article 93 s'applique non seulement au Québec mais
également à l'Ontario. Vous avez dit que le problème résidait dans
l'application de l'article 93, car elle varie d'une province à
l'autre à cause des différentes structures. Le respect ou
l'abrogation de l'article 93 ne va donc pas nécessairement résoudre
votre problème.
Je sais qu'en Ontario, il est très difficile d'obtenir du financement pour toute école qui ne fait pas partie du système d'éducation séparée. Si on fait partie du système scolaire public, ou du mouvement évangélique, ou si on est scientiste chrétien, ou Témoin de Jéhovah, par exemple, c'est difficile, et je ne sais pas s'il est possible d'obtenir des fonds à l'heure actuelle à moins de décider d'aller à l'école privée.
Ce n'est pas comme s'il n'existait pas de droits en Ontario, mais il faut choisir l'école privée et trouver des subventions par des moyens indirects, ce qui n'a pas été bien précisé en Ontario, et 93 s'applique. Cet article protège le système catholique, anglophone et francophone, mais pas nécessairement les protestants. Je comprends bien la situation en Ontario.
Dans le cas du Québec, la situation est quelque peu différente. À certains égards, le Québec est plus avancé sur le plan du financement de l'enseignement religieux autre que catholique ou protestant. Il y a donc une anomalie.
Nous sommes ici pour parler du Québec parce que l'application de l'article 93 est distincte dans chaque province et c'est pourquoi nous utilisons l'article 43. Vous conviendrez, je crois, que l'article 43 est la meilleure solution et que ce qui s'applique au Québec ne s'applique pas nécessairement à l'extérieur du Québec, sauf pour la façon dont on pourrait l'envisager politiquement.
Des confessions religieuses différentes ont des visions du monde différentes mais dans son application actuelle au Québec, l'article 93 se limite aux catholiques. On a dit que l'application aux protestants a un peu diminué, avec les années. Du point de vue de l'égalité, la situation actuelle du Québec n'est pas satisfaisante, etc.
Comment régler ce problème d'égalité si l'égalité des visions du monde fait partie de votre religion? Autrement dit, vous avez votre vision du monde et il y en a d'autres—celle des musulmans, des bouddhistes, des juifs. Alors comment régler le problème en ce qui touche le Québec?
Mes amis réformistes essaient de nous faire comprendre qu'il faut étendre l'application de l'article 93, mais cela ne semble pas être une possibilité réaliste. Gardant à l'esprit la réalité politique, comment régler ce problème de l'inégalité au Québec, sinon en abrogeant l'article 93 et en recommençant à zéro, avec des règles semblables pour tous?
Le coprésident (Denis Paradis): Monsieur Clemenger.
M. Bruce Clemenger: D'après mon interprétation, l'article 93 a, si l'on veut, ouvert la porte à l'élargissement des droits à l'éducation en fonction des confessions. Je suis d'accord avec vous que son application a été inégale en ne protégeant vraiment que deux groupes: les protestants et les catholiques.
Nous avons parlé de l'Ontario à cause de la similitude des situations. En Ontario, seul le système catholique est pleinement financé. Les autres sont en fait doublement taxés. Si vous voulez envoyer votre enfant à une école confessionnelle, il vous faut aller à une école indépendante. Vous payez vos taxes, destinées au système public, en plus des frais de scolarité. Nous sommes donc dans le même sac que les Sikhs, les musulmans, les Hindous et les Chrétiens évangéliques qui se sont adressés à la fois, politiquement, au gouvernement et aux tribunaux.
Nous envisageons actuellement de nous présenter devant la Cour suprême pour obtenir du gouvernement qu'il finance aussi ces écoles alternatives. Nous voulons que cela se fasse au sein du système public, au sein des commissions scolaires publiques, mais pour les écoles alternatives.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Autrement dit, il doit y avoir une disposition du genre «là où le nombre le justifie»
M. Bruce Clemenger: Exactement, c'est ce que nous avons conclu.
Le sénateur Jerahmiel Grafstein: Vous appliquez donc un critère d'égalité aux écoles confessionnelles en Ontario.
M. Bruce Clemenger: C'est exact, et nous pensons que la même chose pourrait se produire au Québec. Nous craignons qu'en abrogeant les paragraphes (1) à (4), on perdra le précédent. Nous préférerions donc que l'article 93, ou l'intention de l'article 93, soit repris et que la protection constitutionnelle soit élargie, plutôt que de voir abroger l'article 93. Avec des règles semblables pour toutes les religions, toutes les croyances, comme on en a dans le système public ontarien, est-ce que nous n'obtiendrons pas de plus en plus une vision du monde laïque, qui est incompatible avec les autres visions du monde, religieuses?
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci.
[Français]
Dernière intervention, Mauril Bélanger.
[Traduction]
M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur le président.
Monsieur Clemenger et madame Shaw, je veux poursuivre dans la même veine. Vous dites qu'en ouvrant plus grande la porte, si l'on veut, on pourrait appliquer l'article 93 à d'autres confessions. Ce n'est pas ce qui est prévu. Notre comité a pour mandat de déterminer si, de son avis collectif, il y a ou non un consensus suffisant. Nous dirons ensuite oui ou non à la demande qui a été présentée.
Voici ma question: quel régime préférez-vous entre celui de l'article 93 où, essentiellement, deux confessions ont des privilèges que les autres n'ont pas ou un régime dépendant de la Charte, soit du paragraphe 2(a) ou de l'article 15, où les règles sont les mêmes pour tous?
M. Bruce Clemenger: Si j'ai le choix entre n'accorder aucun droit aux écoles confessionnelles par rapport à certains droits à des écoles confessionnelles, j'opterai pour certains droits, en présumant que c'est mieux que rien.
M. Mauril Bélanger: Le statu quo.
M. Bruce Clemenger: S'il fallait choisir entre le statu quo et un système entièrement laïc, je choisirais le statu quo.
M. Mauril Bélanger: Voici ma dernière question: reconnaissez-vous qu'il pourrait y avoir ou qu'il y a un consentement presque unanime—je pense que le consentement est unanime—pour établir des commissions scolaires linguistiques et suffisamment de consensus pour l'amendement de l'article 93 afin d'abolir les commissions scolaires confessionnelles—et je parle précisément des commissions scolaires?
En tant que membre de ce comité qui a essayé d'être assidu—et aujourd'hui, c'est l'avant-dernier jour des audiences—je dois dire que je suis porté à croire que ce consensus existe. Je veux savoir si vous êtes prêts à reconnaître qu'effectivement cela pourrait être le cas.
M. Bruce Clemenger: Je ne viens pas du Québec. Nous avons des membres au Québec. Les membres à qui nous avons parlé—certains ont comparu ici—ne s'opposent pas, en principe, à la création de commissions scolaires linguistiques. Deuxièmement, à l'heure actuelle, ils ont des droits à la dissidence et peuvent avoir un petit nombre d'écoles évangéliques protestantes au Québec. Ils veulent conserver ce droit. Est-ce que l'influence de ce 2 p. 100 se fera sentir pour ce qui est du consentement général? Probablement que non. Est-ce la façon dont nous déterminons la force, la réalité, la nécessité, ou l'importance de l'établissement ou du maintien des droits de la minorité?
M. Mauril Bélanger: À un moment donné nous devons faire la distinction entre la minorité et la minorité de la minorité, et nous n'avons pas suffisamment établi cette distinction, à mon avis, au sein de ce comité. J'espère que nous la ferons sous peu.
Les protestants francophones réclament le statut de minorité d'une minorité. Nous pourrions peut-être nous lancer dans une discussion philosophique afin de voir si l'intention du législateur en 1867 visait à protéger la minorité—dans ce cas-ci, les protestants, car les catholiques ne sont certainement pas une minorité, ils représentent 86 p. 100 des Québécois—ou est-ce que l'intention était de protéger la minorité d'une minorité? Où s'arrête-t-on? Je crois qu'ils ont posé une question légitime, et je crois qu'il faudra y répondre.
Qu'en pensez-vous?
M. Bruce Clemenger: D'abord, d'après ma compréhension de la chose, ces droits appartiennent aux parents, et non pas AUX confessions. S'il y a un petit nombre de parents qui veulent une forme d'éducation pour leurs enfants, ce qui est garanti en vertu de la convention des Nations Unies et DE certaines autres conventions internationales, pourquoi ne pas les accommoder? L'article 93 nous indique comment cela pourrait se faire. Que ce soit le statu quo ou pas, j'aimerais mieux que cela se reflète dans la modification de l'article 93, qui élargirait ces droits.
En Ontario, lorsque nous essayons de faire adopter cela, nous ne parlons pas de beaucoup de gens qui veulent un autre système, mais pour ceux qui veulent un autre système, car je crois qu'ils devraient pouvoir exercer ce droit et recevoir des fonds publics. Cela peut être réalisé avec des commissions scolaires linguistiques, sans que les écoles associées aux commissions publiques représentent un chevauchement au niveau des coûts ou des services. Mais quand une minorité veut que cette autre forme d'éducation existe, pourquoi ne pas le permettre?
M. Mauril Bélanger: Merci.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Clemenger, madame Shaw, nous vous remercions de votre exposé devant le comité ce soir.
[Français]
Nous siégeons pendant de longues heures ces temps-ci et j'aimerais remercier tout spécialement nos traducteurs, le personnel de soutien, les greffiers, ainsi que vous tous, membres du comité, pour cette assiduité et ce travail remarquable. Alors, merci beaucoup.
Je vous rappelle que nous reprendrons les audiences demain matin à 8 h 30. J'ai vu M. Godin lever la main.
Monsieur Godin.
M. Yvon Godin: Est-ce qu'on a reçu la traduction du mémoire qu'ont présenté les aborigènes qui ont comparu ici en dernier lieu hier soir?
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur le greffier.
Le cogreffier du comité (M. Denis Robert): Nous ne l'avons pas encore reçu; il a été envoyé à la traduction.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): On pourra s'en informer demain.
Le coprésident (M. Denis Paradis): La réunion est levée jusqu'à demain, 8 h 30.