SJNS Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE AMENDMENT TO TERM 17 OF THE TERMS OF UNION OF NEWFOUNDLAND
COMITÉ MIXTE SPÉCIAL CONCERNANT LA MODIFICATION À LA CLAUSE 17 DES CONDITIONS DE L'UNION DE TERRE-NEUVE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 18 novembre 1997
Le coprésident (M. Gerry Byrne (Humber—St. Barbe—Baie Verte, Lib.)): La séance est ouverte. Merci beaucoup, mesdames et messieurs, de participer à la deuxième séance du Comité mixte spécial sur la modification de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve.
C'est notre deuxième réunion. Nous commençons à entendre des témoins et, aujourd'hui, nous avons l'honneur d'accueillir l'honorable Stéphane Dion, président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales.
Cet après-midi, après le témoignage de M. Dion, nous entendrons l'honorable Roger Grimes, ministre de l'Éducation de Terre-Neuve et du Labrador, et M. Jack Harris, chef du Nouveau parti démocratique de Terre-Neuve et du Labrador.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Dion, et je vous remercie d'avoir bien voulu être le premier témoin de ce comité mixte spécial.
M. Dion est accompagné de Yves De Montigny, du ministère des Affaires intergouvernementales, et de Mary Dawson, du ministère de la Justice. Merci d'être là.
À titre de ministre des Affaires intergouvernementales, M. Dion a joué un rôle déterminant dans l'élaboration de ce projet de loi. Monsieur le ministre, vous avez la parole.
[Français]
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente, monsieur le président et membres du comité. Je vous remercie de l'invitation qui m'a été faite de comparaître devant le Comité mixte spécial concernant la modification à la Clause 17 des conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada.
Comme je l'ai expliqué le 27 octobre dernier dans mon allocution à la Chambre des communes, le comité a une tâche importante à accomplir. Ces consultations favoriseront certainement chez le public une meilleure compréhension de la modification proposée. Ces travaux aideront aussi les sénateurs et les députés à porter un jugement plus éclairé sur le bien-fondé de cette modification.
[Traduction]
Cet après-midi, j'aimerais expliquer au comité ce qui a amené le gouvernement du Canada à attendre du Sénat et de la Chambre des communes qu'ils adoptent une résolution donnant plein effet aux modifications préconisées par Terre-Neuve. Vous me permettrez également d'aborder avec vous quelques-unes des grandes questions qui ont été soulevées lors de ma récente rencontre avec les représentants des conseils scolaires catholiques et pentecôtistes de même que lors du dépôt de la résolution, le 27 octobre à la Chambre des communes et le 5 novembre au Sénat.
• 1540
Plus particulièrement, j'entends démontrer, premièrement, que
la modification proposée respecte le cadre juridique de la
Constitution; deuxièmement, qu'elle correspond aux intérêts des
Terre-Neuviens et des Canadiens en général et, troisièmement,
qu'elle a été bien accueillie par une majorité appréciable de la
population et qu'elle jouit d'un appui raisonnable de la part des
minorités directement touchées.
Pour commencer, j'aimerais passer en revue avec vous, tout en les clarifiant au passage, les fondements constitutionnels et juridiques des pouvoirs dont dispose le gouvernement de Terre-Neuve en matière d'éducation. Contrairement à ce que certains parlementaires ont laissé entendre, ces pouvoirs découlent non pas de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, mais bien plutôt de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada, ratifiées en 1949.
Mieux adaptée au caractère unique de cette province, la clause 17 remplaçait purement et simplement l'article 93. Contrairement à ce dernier, qui visait en fait à protéger les droits des minorités catholiques et protestantes dans les autres provinces, elle accordait à sept groupes confessionnels le droit d'avoir leurs propres écoles publiques. Sur le plan juridique, le système d'éducation se trouvait donc fondé directement sur la confessionnalité. Il n'existe à Terre-Neuve aucune école publique non confessionnelle, et le système d'éducation n'y a jamais bénéficié des garanties ou des dispositions prévues à l'article 93. Par conséquent, l'article 93 ne s'applique pas en l'occurrence.
La clause 17 ne s'appliquant qu'à Terre-Neuve, elle peut être modifiée dans le cadre du processus bilatéral prescrit à l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982. Ce processus, auquel on a fait appel à deux reprises déjà, la première fois en 1987 et la seconde, en 1997, a été utilisé avec succès pour modifier la clause 17.
Les règles sont claires. Elles n'exigent que le consentement du Sénat et de la Chambre des communes ainsi que de l'assemblée législative de la province concernée. Aucune autre règle ou convention constitutionnelle n'exige quelque autre intervention officielle.
[Français]
Nous allons maintenant parler des mérites de l'amendement proposé comme tel. Les membres du comité ne sont pas sans savoir que depuis plusieurs années déjà, la population de Terre-Neuve est déchirée par un pénible débat sur la question du rôle des Églises et de la religion dans l'éducation. En 1995, le gouvernement provincial a tenté d'amorcer une réforme du système par la voie d'un changement bilatéral apporté à la Clause 17 et proclamé le 21 avril 1997. Ce changement représentait une solution de compromis qui laissait aux Églises la possibilité d'intervenir en matière d'éducation, et aux écoles séparées, la chance de poursuivre leurs activités.
L'Assemblée législative se trouvait investie de pouvoirs supplémentaires d'organisation et d'administration de l'éducation publique avec la création d'un système d'écoles interconfessionnelles. Quant aux catholiques et aux pentecôtistes, ils conservaient, quoique à certaines conditions, leurs droits à des écoles uniconfessionnelles.
Toutefois, la tentative de mettre en oeuvre la nouvelle Clause 17 par la voie législative devait être contestée avec succès devant la Cour suprême de Terre-Neuve, situant le litige non pas au niveau de la modification proprement dite, mais bien au niveau de la Newfoundland Schools Act. Le juge Leo Barry a accordé aux représentants des Églises catholiques et pentecôtistes une injonction temporaire qui interrompait tout le processus de réforme qui avait été engagé. Face aux nombreuses questions suscitées par l'injonction et dans le climat d'incertitude qui a résulté quant à la structure à donner au système d'éducation, le gouvernement de Terre-Neuve est arrivé à la conclusion que le compromis proposé était irréalisable.
C'est dans ces circonstances que le premier ministre Tobin a entrepris d'obtenir une nouvelle fois de la population le mandat de modifier la Clause 17. La proposition sur laquelle le comité et le Parlement ont été appelés à se pencher a pour objet la mise en place d'un système scolaire unique qui serait financé et administré par le secteur public.
Contrairement à ce que craignent certains parlementaires, il ne s'agit nullement de bannir la religion des écoles de Terre-Neuve. Au contraire, la modification proposée comporte la garantie qu'un enseignement religieux sera dispensé et que l'observance d'une religion «doit être permise dans une école si les parents le demandent».
Le nouveau texte précise que cet enseignement religieux «sera dépourvu de tout caractère confessionnel». Cette disposition est conforme à l'annonce par le premier ministre Tobin le 31 juillet dernier où il disait que les cours qui allaient être offerts, et je cite, «ne seraient pas formulés en fonction des croyances de telle ou telle confession religieuse, mais en fonction d'un programme d'études approuvé et conçu pour s'appliquer à tous les élèves».
La nouvelle clause ne contrevient donc pas à la Charte canadienne des droits et libertés ni aux conventions internationales sur les droits de l'homme, et ne force aucun enfant à suivre des cours ou à s'adonner à des pratiques religieuses qui ne reçoivent pas l'approbation de ses parents.
C'est cette interprétation qui ressort aussi des avis juridiques transmis par le ministère fédéral de la Justice ainsi que par deux éminents juristes auxquels le gouvernement de Terre-Neuve a fait appel, à savoir M. Ian Binnie, constitutionnaliste bien connu, et l'honorable John Crosbie, ancien ministre fédéral de la Justice.
Selon le gouvernement du Canada, la modification proposée a été accueillie favorablement par une majorité appréciable de la population et jouit d'un appui raisonnable de la part des minorités directement touchées. Je vous rappelle également qu'elle a été approuvée à l'unanimité par l'Assemblée législative le 5 septembre dernier.
[Français]
En examinant ladite modification et en créant ce comité, le gouvernement a voulu préserver la rigueur de son processus consultatif et faire en sorte que les minorités touchées ne soient pas laissées pour compte. Certains d'entre vous se souviendront que ce n'est pas la question des droits des minorités qui se trouvait au coeur du débat lorsque la précédente modification a été soumise au gouvernement. C'est que l'ancienne Clause 17 accordait certains droits à sept groupes confessionnels qui représentaient 95 p. 100 de la population et dont aucun n'était à proprement parler majoritaire.
Par contre, à la suite des derniers changements apportés à la Clause 17, le système des écoles intégrées—les Églises anglicanes, l'Église presbytérienne, l'Armée du Salut et l'Église unie—a fini par représenter 52 p. 100 de la population, les catholiques devenant dès lors une minorité, quoique non négligeable, de 37 p. 100, et les pentecôtistes constituant une minorité de 7 p. 100.
[Traduction]
Étant donné l'impact de cette modification sur les droits des minorités, une simple majorité de 50 + 1 au référendum n'aurait été ni suffisante ni adéquate pour mesurer l'ampleur du consensus chez les catholiques et les pentecôtistes. Cela dit, loin d'aboutir à un partage serré des voix, le référendum a permis de constater que la population est favorable dans une proportion de 73 p. 100, ce qui permet de supposer un appui du côté des minorités. La modification proposée a reçu le soutien de 47 des 48 circonscriptions électorales de Terre-Neuve. La participation au référendum a été de 53 p. 100, mais étant donné que les opposants à la proposition de réformer le système d'éducation étaient selon toute probabilité les plus susceptibles de voter, les résultats envoient un message clair et témoignent d'un appui substantiel à la modification.
Des opposants sincères ont conçu des formules mathématiques et des scénarios pour faire la preuve qu'une majorité de catholiques ont voté non, mais ces scénarios sont basés sur des hypothèses qui ne paraissent ni raisonnables ni plausibles.
Par exemple, ils laissent entendre que presque tous les non-catholiques et les non-pentecôtistes ont voté oui, ce qui confère une homogénéité exagérée à une population pourtant nombreuse et diversifiée. En effet, pour prouver mathématiquement qu'une majorité de catholiques ont voté non, de tels scénarios vous obligent à accepter l'hypothèse selon laquelle au moins 96 p. 100 de tous les non-catholiques et les non-pentecôtistes ont voté oui. Or, en démocratie, l'unanimité est pratiquement impossible.
• 1550
Les conclusions du gouvernement sur le résultat du référendum
ne sont pas basées sur des hypothèses improbables, mais sur ce qui
semble s'être produit le jour du scrutin. Notre analyse, qui se
fonde sur des données de recensement, indique que dans les régions
à forte prédominance catholique, la proposition a reçu l'appui
d'une majorité.
La région de la baie St-Georges, catholique à 74 p. 100, a voté oui dans une proportion de 59 p. 100. La presqu'île Avalon, catholique à 48,5 p. 100, a voté oui dans une proportion de 72 p. 100. Par pure coïncidence, la péninsule Burin, également catholique à 48,5 p. 100, a voté oui dans la même proportion de 72 p. 100. Environ 75 p. 100 de tous les catholiques de Terre-Neuve et du Labrador résident dans ces trois régions. De plus, ces régions contiennent la majorité des circonscriptions électorales de la province—à savoir 25 sur 48 ou 52 p. 100—et la proposition a passé dans toutes ces circonscriptions sauf une.
Il est difficile d'évaluer avec exactitude dans quelle mesure les pentecôtistes, peu nombreux, ont accordé leurs suffrages à la modification proposée. Toutefois, le 5 septembre, les trois députés pentecôtistes qui siègent à l'Assemblée législative de Terre-Neuve et qui représentent des circonscriptions où vivent des populations pentecôtistes importantes, se sont joints librement à leurs collègues pour appuyer à l'unanimité la résolution visant à modifier la clause 17.
Le ministre de l'Éducation, M. Roger Grimes, était de ce nombre. M. Graham Flight est un député provincial qui a dit non au référendum. Il représente une circonscription où les pentecôtistes sont nombreux. Mais il a changé d'avis et a voté en faveur de la proposition, car, comme il l'a expliqué lui-même:
-
Je crois qu'il nous faut maintenant aller de l'avant. Les habitants
de Terre-Neuve se sont exprimés très clairement en faveur d'une
modification de la Constitution qui permettra de matérialiser la
réforme proposée par le gouvernement dans le domaine de l'éducation
et, monsieur le président, je respecte cette décision [...]
J'appuierai la résolution.
Dans son évaluation de la modification proposée, le comité devrait s'attarder au fait que tous les membres de l'Assemblée législative de Terre-Neuve ont voté pour la résolution visant à modifier la clause 17. Cela comprend tous les députés catholiques et pentecôtistes, même ceux qui avaient fait campagne pour le non et qui avaient voté non lors du référendum provincial. Une telle unanimité est rare dans nos assemblées démocratiques et il ne faudrait pas la banaliser.
Le très fort appui que la modification a reçu au référendum et à l'Assemblée législative de Terre-Neuve nous permet de parler d'un consensus populaire et d'un appui raisonnable de la part des minorités touchées.
Le comité et le Parlement devraient interpréter cet appui comme une indication que les habitants de Terre-Neuve et du Labrador veulent enclencher rapidement la réforme de leur système d'éducation, et ce, d'une manière qui soit équitable pour tous et qui favorise l'intérêt national.
Le gouvernement est conscient que les évêques catholiques de Terre-Neuve et du Labrador et que les autorités de l'Église pentecôtiste ont des réticences face à la nouvelle modification. Cependant, nous estimons que le gouvernement de Terre-Neuve a fait preuve d'un esprit d'ouverture à l'égard des églises; il leur permet de jouer un rôle d'éducation religieuse, même si ce rôle n'est pas constitutionnellement enchâssé.
En prévision de la modification de la clause 17, le ministère de l'Éducation de Terre-Neuve a commencé à jeter les bases du processus consultatif qui permettra d'élaborer le nouveau programme d'éducation religieuse. Même si rien ne l'y oblige, le ministère a indiqué que les divers groupes confessionnels de la province seront invités à faire valoir leur point de vue.
• 1555
En guise de conclusion, je me tournerai vers l'avenir. S'il
arrivait qu'une autre province veuille proposer des changements à
ses conditions d'union ou à l'article 93, il reviendra au Parlement
d'évaluer lui-même les faits ainsi que le bien-fondé et la
pertinence de la modification proposée. Le Parlement voudra
peut-être aussi évaluer soigneusement si la modification reçoit un
appui raisonnable de la part des citoyens concernés.
Dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a, en vertu de l'article 43, dûment autorisé une modification à la clause 17 qui s'appliquera à cette seule province. Vu ces circonstances, le gouvernement du Canada croit que la modification est justifiée et qu'elle sert l'intérêt national. Nous estimons qu'elle bénéficie d'un appui suffisant des citoyens touchés, y compris des minorités. Elle mérite l'appui du comité et, en dernière analyse, l'aval du Parlement.
Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur le ministre, d'avoir pris le temps de venir témoigner cet après-midi.
Nous passons maintenant à une période de questions. Pour que nous puissions poser le plus de questions possible et étant donné la taille du comité et le désir évident des membres du comité de poser des questions et d'entendre la réponse du ministre—et les réponses de tous les autres témoins que nous entendrons—je demanderais à mes collègues de faire l'impossible pour poser des questions brèves et précises afin que nous puissions obtenir des réponses précises. L'occasion nous est maintenant offerte de poser des questions, et non pas de faire des déclarations.
J'ai déjà une courte liste de gens qui ont indiqué à la coprésidente qu'ils voudraient intervenir. Nous commencerons par M. Jason Kenney, du Parti réformiste. Il sera suivi du sénateur Kinsella et de M. Pierre Brien, du Bloc québécois. Faites-moi signe si vous voulez poser une question.
Je cède maintenant la parole à M. Kenney.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur le ministre, de vos remarques très claires.
Monsieur le ministre, j'aimerais savoir si vous avez des préoccupations concernant le processus référendaire. Je crois savoir que le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a milité dans le camp du oui pendant le référendum et qu'il lui a accordé son soutien financier et politique. Il me semble inhabituel dans l'histoire des référendums que le gouvernement, qui est censé veiller au respect des règles du processus politique, soutienne si directement un des camps dans un référendum. Ne trouvez-vous pas cela troublant? C'est ma première question.
Deuxièmement, vous avez parlé longuement de l'appui dont semble jouir la modification proposée. Or, je me souviens qu'à plusieurs reprises, au sujet de la modification proposée à l'article 93 concernant les écoles du Québec, vous aviez déduit qu'il y avait consensus parce que les porte-parole de l'Église catholique ne s'y étaient pas opposés. En l'occurrence, vous avez passé sous silence l'opposition très claire et explicite des Églises catholique et pentecôtiste.
Voici ma question: Pourquoi, lors du débat sur l'article 93, avez-vous soulevé l'indifférence apparente des évêques catholiques? Dans le cas qui nous occupe, l'opposition qu'ont clairement manifestée les Églises catholique et pentecôtiste ne mine-t-elle pas le consensus qui existerait à Terre-Neuve?
L'hon. Stéphane Dion: Merci, cher collègue. Je vais commencer par la deuxième partie de votre question.
La Constitution n'oblige pas la tenue d'un référendum. Nous avions dit que nous ne modifierions pas la clause 17 si cette modification ne jouissait pas d'un appui raisonnable. Ce principe n'est pas une exigence constitutionnelle et toute province peut prouver qu'il y a consensus de la façon qu'elle le souhaite.
• 1600
Au Québec, je présume qu'il n'a pas été nécessaire de tenir un
référendum parce que l'appui était évident au point où les évêques
ne se sont pas opposés au changement. À Terre-Neuve, étant donné
que les évêques sont contre la modification, on a jugé nécessaire
que le premier ministre et le gouvernement de cette province
prouvent l'existence d'un appui.
C'est ainsi que j'interprète les choix des deux gouvernements, mais c'était à eux d'en décider et à nous de juger si l'appui manifesté était suffisant. Si les évêques sont d'accord et que le résultat au référendum est sans équivoque, il n'y a pas de problème. Mais étant donné que les évêques sont contre la modification, je présume qu'il était important pour le gouvernement de montrer qu'elle jouissait d'un certain appui. C'est ainsi que j'interprète ce choix.
En ce qui concerne le deuxième aspect de votre question au sujet des référendums, je ne crois pas qu'un gouvernement puisse tenir un référendum pour dire «je suis neutre» parce qu'il dépense l'argent des contribuables. Si un gouvernement décide de tenir un référendum, c'est parce qu'il estime que c'est dans l'intérêt de la population, que c'est ce qu'il doit faire ou même que c'est son devoir de montrer pourquoi c'est dans l'intérêt de la population. Il m'apparaît tout simplement logique que le gouvernement de Terre-Neuve ait pris position pour le oui.
M. Jason Kenney: Je présume donc que vous ne vous opposeriez pas à ce que, disons, le gouvernement du Québec intervienne directement par l'apport de fonds publics dans un référendum éventuel dans cette province?
L'hon. Stéphane Dion: Pourriez-vous répéter? Excusez-moi.
M. Jason Kenney: Je présume que vous ne verriez pas d'objection à ce que le gouvernement du Québec intervienne directement dans un référendum éventuel dans cette province et qu'il se serve abondamment des deniers publics et des ressources de l'appareil de l'État pour soutenir un des deux camps.
L'hon. Stéphane Dion: Cela dépend. Cela varie d'une province à l'autre, mais dans cette province, je crois savoir que tout a été fait conformément à la loi électorale de la province. Ce n'était pas illégal. Vous me direz peut-être que ce n'est pas juste et que vous ne voudriez pas que cela se passe ainsi dans votre province, mais ce n'était pas illégal. La loi électorale de cette province permettait au gouvernement d'agir comme il l'a fait.
M. Jason Kenney: C'est deux poids, deux mesures.
Le président: Merci beaucoup. Merci, monsieur le ministre.
Le sénateur Kinsella a demandé la parole.
Le sénateur Noel A. Kinsella (Fredericton—York—Sunbury, PC): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, j'aimerais attirer votre attention sur le libellé de la résolution. On propose un nouveau libellé pour le paragraphe 17(2) où on dit que l'Assemblée législative a compétence exclusive pour légiférer en matière d'éducation. Cela ne me pose pas de problème. J'aime toutefois moins le reste de la phrase, «mais elle doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier».
J'aimerais connaître votre avis sur la question de valeur suivante. Le gouvernement du Canada estime-t-il que les parents ont le droit d'obtenir que leurs enfants reçoivent une instruction religieuse conformément à leurs propres convictions religieuses? Le gouvernement du Canada continue-t-il à accepter les obligations assumées en 1976 lorsqu'il a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et plus particulièrement l'article 18 de celui-ci?
En effet, le paragraphe 18(4) prévoit expressément que les parents et, le cas échéant, les tuteurs légaux ont le droit d'obtenir que leurs enfants reçoivent une instruction religieuse conformément à leurs convictions—non pas les convictions religieuses de l'État, mais bien celles des parents.
Il me semble, monsieur le ministre, qu'il existe une grande différence, une différence fondamentale, entre ce qui est proposé ici et ce qui a été proposé au Québec. Vous sortez des discussions avec le Québec. Je crois comprendre—et nous allons en débattre puisque nous serons bientôt saisis du rapport—qu'au Québec, la famille ou la collectivité peut, aux termes de la Loi sur l'instruction publique, demander qu'il y ait un enseignement religieux, et même, en fait, des écoles confessionnelles, qu'il y a des garanties à cet effet. Toutefois, dans ce cas-ci, la clause 17(3) proposée ne vise que l'observance d'une religion si les parents le demandent puisqu'on y dit: «doit être permise... si les parents le demandent».
À la lecture de ce libellé, on constate une différence fondamentale entre la loi québécoise et la loi terre-neuvienne. Pourquoi permettre une telle dichotomie entre une garantie constitutionnelle du droit des parents à demander l'observance religieuse et le fait d'enlever aux parents, pour le donner à l'État, le droit de déterminer la nature de l'enseignement religieux?
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Monsieur le ministre, voulez-vous répondre.
L'hon. Stéphane Dion: Tout d'abord, la Charte canadienne des droits et libertés ne reconnaît pas le droit à l'enseignement religieux dans les écoles publiques. Voilà pourquoi cette disposition n'exige pas que les enfants se plient à des pratiques religieuses en classe si leurs parents s'y opposent. Ainsi, il n'y aura pas infraction à la Charte canadienne des droits et libertés. Voilà pour le premier point.
En outre, puisque cette disposition sera adoptée dans le cadre de la Constitution canadienne, elle ne sera pas assujettie aux dispositions de la Charte puisqu'une disposition de la Constitution ne peut en supplanter une autre.
Le sénateur Noel Kinsella: Merci, monsieur le ministre.
Je ne m'arrêtais pas à la Charte canadienne des droits et libertés mais bien plutôt au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international et à son article 18.
En 1976, le gouvernement du Canada, avec le consentement de tous les gouvernements provinciaux et territoriaux, a déposé l'instrument de ratification aux Nations Unies. Nous avons assumé les obligations de ce pacte. Or l'article 18(4) porte précisément sur le droit des parents d'obtenir pour leurs enfants un enseignement religieux fondé sur leurs propres convictions religieuses.
Lorsqu'on lit la clause 17, paragraphe (2), il me semble qu'il vaudrait mieux mettre un point après le mot éducation. Pour moi, la suite est superflue. Si l'Assemblée législative doit, comme ce sera le cas, posséder la compétence exclusive, quel besoin d'apporter ces précisions? Dans le cas contraire, il y a là une intention et il nous faut savoir exactement de quoi il s'agit.
Je vous demande donc si le gouvernement du Canada est d'avis que les Canadiens ont le droit, comme le prévoient toutes les normes de droits de la personne, d'inclure au titre de la liberté de religion le droit de faire instruire leurs enfants selon leurs convictions religieuses et non pas celles de l'État.
L'hon. Stéphane Dion: Mais le Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont vous parlez prévoit la même chose à ce sujet. On n'y reconnaît que le droit de donner un enseignement religieux à ses enfants dans des écoles privées. Nous parlons ici d'écoles publiques. Mme Dawson du ministère de la Justice peut peut-être vous en dire plus long à ce sujet.
Mme Mary Dawson (sous-ministre adjointe, ministère de la Justice, conseillère spéciale auprès du ministre des Affaires intergouvernementales): Si vous voulez bien regarder l'article 18(4), vous constaterez qu'on y dit:
-
Les États parties au présent Pacte s'engagent à respecter la
liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux, à
assurer l'enseignement religieux et moral de leurs enfants
conformément à leurs propres convictions.
Toutefois, comme le souligne le ministre Dion, rien ne laisse supposer que c'est aux frais de l'État, ni dans les écoles de l'État. Il s'agit de l'obligation légale de s'assurer que les parents exercent un certain contrôle sur l'enseignement religieux et moral d'une façon ou d'une autre.
Le sénateur Noel Kinsella: Rien dans cette disposition ne reconnaît non plus la religion d'État?
Mme Mary Dawson: Il y a...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Excusez-moi un instant.
Mesdames et messieurs du comité, nous allons faire preuve de divers niveaux de latitude au cours de la période de questions. Toutefois, je vous prie de demander la parole à la présidence avant de vous lancer dans un dialogue. Je pense que nous pouvons faire preuve d'une certaine souplesse au cours des échanges, mais il est important et dans l'intérêt de tous les membres de se voir donner un temps de parole. C'est très important. Donc, je vous demande simplement de demander la parole avant de vous lancer dans des questions supplémentaires.
Je vais maintenant demander au témoin de répondre. Et je vous en prie, j'ai une liste assez longue de questions.
Monsieur le ministre.
L'hon. Stéphane Dion: Je voulais ajouter quelque chose. Les États-Unis sont parties à ce Pacte, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et pourtant aux États-Unis le droit à l'enseignement religieux dans les écoles n'existe pas. Donc, il s'agit bel et bien du droit dans les écoles privées et non pas dans les écoles publiques.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Je vais vous lire la liste que j'ai sous les yeux de ceux qui veulent poser des questions. Il s'agit de M. Pagtakhan, qui a demandé à poser une question, tout comme M. Pierre Brien du Bloc québécois, le sénateur Gigantès, Paul DeVillers, le sénateur Bill Doody et M. Bélanger. Nous allons donc suivre cet ordre et je vais demander à M. Pagtakhan s'il veut bien poser sa question.
M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci de votre exposé, monsieur le ministre.
J'aimerais obtenir une précision. Vous avez parlé de l'avenir et vous avez présenté une analyse du pourcentage par appartenance religieuse. Il me vient à l'esprit qu'une question semblable pourrait se poser aux habitants d'une province à l'avenir et qu'il serait donc peut-être prudent et sage d'identifier les électeurs par appartenance religieuse de façon à avoir des données concrètes sur lesquelles nous fonder. Que pensez-vous d'une telle approche à l'avenir?
L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Cela va à l'encontre de tous les principes canadiens. Cela va à l'encontre de tous les principes que je respecte. Il n'en est pas question.
L'hon. Stéphane Dion: C'est une bonne suggestion, mais ce n'est pas ce qui a été fait la dernière fois. Les provinces voudront peut-être y songer, mais traditionnellement, nous n'identifions pas les électeurs. Il faudrait y réfléchir longuement.
L'hon. Sheila Finestone: Je dis que non.
M. Rey D. Pagtakhan: Merci, monsieur le ministre.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Passons maintenant à M. Brien.
[Français]
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Vous me permettrez un court commentaire. Moi aussi, je trouve que la dernière suggestion n'a pas de sens, monsieur le président. Mais ce n'est pas l'objet du débat.
Monsieur le ministre, il semble qu'une phrase soit tombée dans votre discours. Selon la logique, elle est difficile à comprendre. Peut-être est-ce une phrase d'un autre discours qui s'est glissée dans celui d'aujourd'hui. Je vais vous donner la chance de me l'expliquer.
Vous dites qu'étant donné l'impact de cette modification sur les droits des minorités, une simple majorité de 50 p. 100 plus un n'aurait été ni suffisante ni adéquate pour mesurer l'ampleur du consensus.
J'aimerais que vous m'expliquiez comment il se fait que le résultat du premier référendum, où on avait reçu 54 p. 100 d'appui avec un taux de participation de 52 p. 100, était alors apparu aux yeux du gouvernement fédéral suffisant et adéquat. Comment définissez-vous la suffisance finalement?
L'hon. Stéphane Dion: Il y a deux raisons. La première, c'est que le changement était moins important que celui qu'on demande cette fois-ci; c'est plus radical cette fois-ci. La deuxième, c'est qu'il n'y avait pas une relation claire majorité-minorité lors de ce référendum. À l'époque, ça touchait presque tout le monde, soit 95 p. 100 de la population, mais c'était quelque chose dont on avait discuté parce que certains membres de mon parti trouvaient que c'était un rapport majorité-minorité et que la majorité était insuffisante. De nombreux conservateurs l'ont pensé aussi, au point que cela a été défait au Sénat. Donc, c'est certainement quelque chose qui est laissé à l'appréciation.
Ce que je peux vous dire et que j'ai dit au premier ministre Tobin, c'est que cette fois-ci, il y avait une relation majorité-minorité assez claire et on allait plus loin. Avec une majorité de 52 ou 53 p. 100, je ne lui aurais pas conseillé de se présenter devant ce Parlement.
M. Pierre Brien: Monsieur le ministre, il existe beaucoup de jugements de valeur sur la suffisance et le caractère raisonnable de ce que vous faites. L'interprétation mathémathique en reste aussi subjective en partie, puisqu'elle ne peut jamais être démontrée. Il est souhaitable qu'il en soit ainsi et qu'on n'aille quand même pas jusqu'à obliger les citoyens à s'identifier personnellement sur leur bulletin. Donc, ça reste des liens très difficiles à établir. C'est un jugement de valeur que vous portez, et à ce moment-là, c'est le gouvernement fédéral qui assume la responsabilité de déterminer où est l'intérêt. Donc, c'est lui, en bout de ligne, qui se trouve être le grand juge du haut de sa sagesse.
J'aimerais que vous m'expliquiez comment il se fait que la première fois, le premier amendement ait pu être contesté devant les tribunaux et qu'on n'ait pas réussi à permettre au gouvernement d'aller aussi loin qu'il l'aurait souhaité dans sa réforme. Est-ce parce qu'il y avait eu une erreur d'analyse ou d'analyse juridique, autant de la part du gouvernement de Terre-Neuve que du gouvernement fédéral, sur la portée du premier amendement et qu'il y a eu des erreurs d'évaluation de part et d'autre pour définir l'amendement nécessaire pour réaliser la réforme proposée à cette époque?
L'hon. Stéphane Dion: Je voudrais faire juste un commentaire sur le préambule. Le gouvernement n'est pas le grand maître: ce sont les parlementaires, et chacun se fait une idée.
• 1615
L'idée du gouvernement, c'est
qu'il y a une majorité suffisante pour procéder, y
compris chez les minorités touchées. S'il s'était agi
d'une mince majorité, nous n'aurions pas conseillé à
la province de se présenter, compte tenu de la nature
même du changement proposé. Cinquante pour cent plus
un, c'est une convention qui s'applique à certaines
décisions, mais très mal à d'autres en démocratie.
Votre autre question était excellente, mais j'ai de la difficulté à me la rappeler. Oui, c'était le jugement de la cour. C'est une bonne question parce que certains parlementaires ont confondu le jugement. Le juge a invalidé non pas l'amendement, mais la loi que le gouvernement provincial avait mise en oeuvre en fonction de l'amendement. L'amendement était correct; il n'y a pas eu de problème avec l'amendement mais la loi n'était pas correcte.
L'amendement prévoyait qu'on traiterait les deux types de commissions scolaires sur un même pied. Or, le gouvernement provincial a présumé que ceux qui n'allaient pas voter avaient une opinion. Donc, en ce sens, ils n'étaient pas sur le même pied, ce que le juge n'a pas admis. Donc, c'est la loi qui a causé le problème, et non pas l'amendement.
[Traduction]
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur le ministre. J'en suis heureux.
Il nous faut maintenant passer au sénateur Gigantès suivi de M. DeVillers et du sénateur Doody.
[Français]
Le sénateur Philippe D. Gigantès (De Lorimier, Lib.): Monsieur le ministre, j'aimerais traiter de la participation d'un gouvernement lors de référendums. Il y a eu des référendums un peu partout dans le monde. Il y en a en Suisse et le gouvernement y participe. Il y eu un référendum en Grèce dans les années 1970 pour déterminer si la royauté devait revenir ou non, et le gouvernement y a participé même si c'était un gouvernement d'ex-royalistes qui a incité les gens à voter non. En Californie, le gouverneur s'est opposé à la proposition 13 avec toute la force de son gouvernement. Et en 1968, le général de Gaulle, avec son gouvernement, a fait campagne pour faire passer son amendement et, quand il a perdu, il s'est retiré dans ses terres. Est-ce que ce ne sont pas des précédents de gouvernements qui interviennent dans des référendums?
L'hon. Stéphane Dion: Oui, c'en sont. C'est pourquoi j'ai dit tout à l'heure que ce n'était pas scandaleux de la part d'un gouvernement que de s'engager dans une campagne s'il croit que c'est bon pour le public. Dans d'autres législatures provinciales, notamment au Québec, on fait attention du point de vue du partage des moyens financiers entre le camp du Oui et le camp du Non. Ce sont des points de vue qui se défendent. D'après un récent jugement de la Cour suprême, les deux points de vue peuvent se défendre. Il s'agit de voir comment on équilibre les forces, de façon à ce que ne soit pas l'argent qui décide, ainsi que la liberté d'action des différents participants. C'est un équilibre à trouver, qui n'est pas forcément le même à Terre-Neuve qu'ailleurs.
Le sénateur Philippe D. Gigantès: Merci.
[Traduction]
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Je donne la parole à M. DeVillers.
M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.
Ma question ne s'adresse pas au ministre. Je laisse cela aux autres membres du comité.
Dans un esprit de coopération et de partage de l'information, j'aimerais souligner que M. Kenney, dans sa question, a mentionné que dans son exposé, le ministre n'avait rien dit au sujet des évêques et de l'Église pentecôtiste. J'aimerais simplement attirer l'attention sur le paragraphe 4, à la page 5, où l'on constate que c'est très clairement une préoccupation.
Merci.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Je vais donner la parole au sénateur Doody, mais je tiens à vous rappeler qu'il ne s'agit pas d'un dialogue entre membres du comité. C'est l'occasion de poser des questions et d'obtenir des réponses.
Sénateur Doody.
Le sénateur C. William Doody (Harbour Main—Bell Island, PC): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, le fond du problème vient en fait de la tradition de protection que les conditions de l'union assuraient aux diverses catégories d'habitants de la province de Terre-Neuve. Les droits religieux des minorités—il pourrait s'agir de droits linguistiques, ou de tout autre droit, mais en l'occurrence, ce sont des droits religieux—ont été garantis par les conditions de l'union afin manifestement de protéger expressément les minorités.
Le vote de la majorité me semble hors de propos. Si l'on ne voulait pas protéger les droits de la minorité, il ne fallait pas les inclure dans la Constitution. On aurait pu confier ces droits à l'Assemblée législative, ce qui, à toutes fins utiles, est ce que l'on tente de faire maintenant. Les deux Assemblées décident de la validité des droits minoritaires des habitants de Terre-Neuve.
Certains prétendront qu'on a tenu un référendum et que la majorité a décidé ne plus vouloir accorder cette protection aux minorités. À mon avis, lorsqu'on laisse le sort des minorités à la merci des majorités, par référendum, on fausse tout le système.
• 1620
Cela dit, et me rendant bien compte que je rame à
contre-courant, je me demande si le gouvernement du Canada a pensé
mettre en place une procédure qui lui permettrait, d'Ottawa, de
protéger les minorités qui ne seront plus protégées par la
Constitution? Est-ce que les pentecôtistes vont être à la merci des
caprices ou de l'humeur de l'Assemblée législative de Terre-Neuve?
Je remarque dans votre mémoire très exhaustif, monsieur, que vous dites que le ministère de l'Éducation a annoncé un processus de consultation, mais c'est sans obligation de sa part. Cela m'apparaît très cavalier lorsqu'on songe à l'histoire de Terre-Neuve et à la grande participation des groupes religieux au système scolaire et lorsqu'on songe à l'histoire des pentecôtistes qui ont commencé par de petites localités dans des endroits isolés comme Horse Islands, dans les fins fonds de Terre-Neuve, ou l'île de Terre-Neuve comme on l'appelait alors.
Soudainement, après les avoir inclus en 1982 en leur assurant une protection constitutionnelle, on les met de côté maintenant, les laissant à la merci du ministère de l'Éducation qui a annoncé qu'il consulterait les divers groupes religieux de la province, sans y être obligé.
Le gouvernement du Canada a-t-il songé, avant que l'Assemblée législative n'adopte ce qui me semble un travestissement horrible, à mettre en place un mécanisme de surveillance?
L'hon. Stéphane Dion: Merci beaucoup.
Supposons qu'une province perde la tête et vote...
Le sénateur Williams Doody: Nous savons que cela peut se produire.
Des voix: Oh, oh!
L'hon. Stéphane Dion: Non, comme ministre des Affaires intergouvernementales, vous ne m'entendrez jamais le dire.
Des voix: Oh, oh!
L'hon. Stéphane Dion: Disons que 80 ou 90 p. 100 des électeurs d'une province votent pour abolir la liberté de religion dans cette province. Si on s'adressait à nous, nous rejetterions d'emblée la demande.
Donc, tout dépend du sujet en cause. On ne peut pas dire que les minorités ont des droits absolus sur tout, sinon les aristocrates seraient toujours au pouvoir. Ils avaient de nombreux droits avant que nous ne les abolissions et ils représentaient une minorité infime. Donc tout dépend de ce dont on parle.
Dans la plupart des pays démocratiques et dans de nombreuses provinces de ce pays, les Églises n'ont rien à voir avec les conseils scolaires. Ce n'est pas un droit fondamental. Ce n'est pas un droit fondamental aux yeux de la Cour suprême du Canada. Il faut donc faire attention à ce qu'on dit.
Pour opérer ce changement, le gouvernement du Canada a dit qu'il voulait un consensus et que les minorités touchées soient d'accord. Et nous croyons que ce consensus existe. Il reste donc l'alinéa 2a) de la Constitution, de la Charte, à propos de la liberté de religion, sans oublier que la modification proposée prévoit un espace pour les droits restants. Toute démocratie qui se respecte prévoit ces droits.
Ainsi, tant que les minorités acceptent ce changement, nous l'acceptons également.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci infiniment, monsieur le ministre.
Monsieur Bélanger, vous êtes le prochain sur ma liste et vous serez suivi de l'honorable Sheila Finestone.
[Français]
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Monsieur le ministre, je voudrais vous poser une question qui n'est pas directement liée à ce qui est devant nous, mais qui a trait à l'éducation à Terre-Neuve et à l'Acte constitutionnel de 1982 dont on invoque l'article 43 pour faire cet amendement.
Il y a un autre article dans cette même loi, soit l'article 23, qui impose des obligations à la province de Terre-Neuve en matière d'éducation pour sa minorité de langue officielle. Est-ce que vous pourriez nous mettre à jour quant au respect par la province de cet article de la Charte des droits?
L'hon. Stéphane Dion: Le gouvernement de Terre-Neuve pourra vous en dire plus parce qu'il a accepté de venir vous rencontrer.
M. Mauril Bélanger: J'avais l'intention de leur poser cette question.
L'hon. Stéphane Dion: Exactement. Ce que je sais, c'est que le premier ministre Tobin, lors de la première demande d'amendement, avait dit que l'amendement lui permettrait d'aider la minorité francophone. Il affirmait qu'à l'heure actuelle, du fait que tout le système n'est pas public mais confessionnel, il est dans l'impossibilité d'aider les francophones de sa province. Ce que vous pourrez dire à ce premier ministre, c'est qu'il n'a plus d'excuse. Il peut agir et vous pourrez lui demander d'agir.
M. Mauril Bélanger: Je vous remercie, monsieur le ministre.
[Traduction]
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Madame Finestone.
L'hon. Sheila Finestone: Merci infiniment, monsieur le président.
Bonjour, monsieur le ministre. Il me semble que nous nous voyons beaucoup ces jours-ci pour discuter de ces questions.
• 1625
Je voudrais reprendre le même filon exploité par mon collègue,
M. Bélanger, car c'est précisément ce qui m'intéresse. Je pense
qu'il est tout à fait raisonnable que Terre-Neuve veuille réformer
le plus rapidement possible son système scolaire et ce, d'une
manière qui soit juste et qui serve l'intérêt national. Je vous
cite mot à mot. Si nous passons à un système laïc, et je suis
contente de savoir que ce sera le cas tant au Québec qu'à
Terre-Neuve peut-être—et tout à l'heure vous avez fait allusion à
l'article 2 de la Charte, disposition portant sur l'interdiction de
toute discrimination, je suppose que vous voulez parler de
l'article 15—comment la Constitution canadienne, si cela ne se
fait pas en vertu de l'article 23 qui protège les minorités, en un
sens, et qui veille à ce que les droits linguistiques...?
Disiez-vous que ce changement permettra tant aux francophones qu'aux anglophones d'avoir le choix, que l'orientation religieuse sera décidée au niveau de l'école même? Si tel est le cas, il me semble que ces écoles, qui deviendront laïques, disposeront d'une minorité et d'une majorité. Que se passera-t-il dans ce cas-là?
Vous évoquez le droit d'avoir une éducation religieuse... si je me réfère au paragraphe (3) du nouveau document qui prévoit que l'observance d'une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent. Or, si je me trouve dans une école dont la majorité des parents sont catholiques, ou vice versa, où la majorité sont protestants mais appartiennent à cinq ou six sectes différentes, sont-ce eux qui détermineront l'observance et l'éducation religieuses? Il me semble que nous devrions passer à un système totalement laïc.
L'hon. Stéphane Dion: Ma réponse sera très brève, car je ne suis pas le ministre de l'Éducation de Terre-Neuve. Peut-être pourriez-vous lui poser la question lorsqu'il sera ici.
Je ne sais pas exactement comment le gouvernement de Terre-Neuve organisera son système scolaire. L'article 23 s'appliquera, ce qui signifie que la minorité linguistique aura droit à ses propres écoles ou installations si le nombre le justifie. Comment cela se passera-t-il dans la pratique, je ne sais pas.
L'hon. Sheila Finestone: Puis-je poser une question supplémentaire?
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Absolument, madame Finestone.
L'hon. Sheila Finestone: Je vous remercie d'avoir répondu à une partie de ma question, mais vous n'avez pas relevé mon inquiétude à propos du droit à une éducation religieuse lorsqu'on fait partie d'une minorité au sein d'une minorité, puisque c'est la position dans laquelle je me trouve dans ce Canada très diversifié, ce pays du pluralisme.
Je n'aime tout simplement pas le fait que les écoles dispensent un enseignement religieux. Honnêtement, je crois que cet enseignement devrait être laissé aux parents, au secteur privé et aux églises. Le rôle des écoles n'est certainement pas de dispenser ce genre d'enseignement. On devrait apprendre aux enfants ce qui distingue les gens les uns des autres et ce qui les rapproche les uns des autres et à respecter ces différences. Ce qui caractérise d'ailleurs le Canada est cette capacité de ses citoyens à respecter les différences des autres et à vivre harmonieusement ensemble dans le respect de ces différences.
Qu'entend-on par «l'observance d'une religion doit être permise»? Cela signifie-t-il qu'on allumera des bougies pour Hanoukkah et qu'on aura aussi un arbre de Noël? Si c'est cela qu'on entend par là, très bien, mais il faudra aussi permettre aux musulmans et aux pentecôtistes ainsi qu'aux membres d'autres confessions religieuses d'observer leur religion.
J'aimerais savoir si c'est ce qu'on entend par là.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): J'accorde la parole au ministre pour qu'il réponde à la question.
L'hon. Stéphane Dion: On lit ceci: «L'observance d'une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent.» C'est ce qui figurera dans la Constitution. Il s'agira d'un droit constitutionnel.
Mme Dawson peut peut-être ajouter quelque chose.
Mme Mary Dawson: C'est à Terre-Neuve de décider ce que cela signifiera en pratique. La province est évidemment assujettie aux dispositions de la Charte. Un certain nombre de précédents ont été créés au cours des 10 ou 20 dernières années en vertu de la Charte quant à la mesure dans laquelle une religion peut supplanter les autres ou être imposée aux membres d'autres confessions religieuses. Les précédents établissent les limites à cet égard.
Ces limites juridiques continueraient donc de s'appliquer à Terre-Neuve. L'interprétation du paragraphe (3) fait intervenir la question de l'équilibre.
• 1630
En vertu du paragraphe 17(3), la province de Terre-Neuve
serait tenue de veiller à ne pas acquiescer à la demande d'un
parent de façon à imposer quoi que ce soit au reste des élèves de
l'école. Il s'agira de trouver un juste équilibre et la règle qui
sera appliquée pourra toujours faire l'objet d'un examen
judiciaire. Nous pouvons certainement nous reporter à un certain
nombre de règles qui ont été appliquées dans ce domaine en vertu de
la Charte au cours des 10 ou 15 dernières années.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je vous remercie beaucoup. On a indiqué qu'il vaudrait mieux poser l'une des questions qui a été posée directement au ministre de l'Éducation de Terre-Neuve et du Labrador. Je suis heureux de pouvoir vous dire qu'il comparaîtra sous peu devant nous. Cela étant dit, je vous demande de poser à ce témoin-ci des questions qui se rapportent à ses compétences.
J'accorde maintenant la parole au sénateur Kinsella. Ce sera ensuite le tour de M. Kenney. Puisque personne d'autre ne demande à poser une question, si le temps le permet, Mme Finestone pourra poser une brève question supplémentaire. J'accorde maintenant la parole au sénateur Kinsella et ce sera ensuite le tour de M. Kenney.
Le sénateur Noel Kinsella: Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur le ministre, si cette résolution est adoptée sous la forme où elle nous est présentée, y aurait-il un État ou un gouvernement provincial en Amérique du Nord autre que Terre-Neuve qui aurait le droit de dispenser un enseignement religieux dans des écoles publiques?
M. Yves de Montigny (Faculté de droit, Section de la common law, Université d'Ottawa): Tout dépend évidemment de ce qu'on entend par dispenser un enseignement religieux.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je vous remercie beaucoup. Vous avez la parole, monsieur Kenney.
M. Jason Kenney: Je vous remercie, monsieur le président. Avant de poser ma question, j'aimerais revenir brièvement à certains des points qui ont été soulevés au cours du débat.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Monsieur Kenney, soyez très bref. Il s'agit de poser des questions et non pas de faire des déclarations.
M. Jason Kenney: Je sais, mais vous les laissez bien faire leurs déclarations.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): C'est juste.
M. Jason Kenney: Le sénateur Gigantès a fait remarquer que les gouvernements sont directement intervenus dans les référendums tenus en Suisse et en Californie dans le cas de la proposition numéro 13. Ce n'est pas juste. J'ai lu ces lois. Les lois sur les référendums de Californie et de Suisse interdisent à l'État d'intervenir directement dans la tenue d'un référendum et d'en assurer directement le financement. Beaucoup de membres de ce comité monteraient aux barricades si le gouvernement du Québec usait de tous les moyens mis à la disposition d'un État pour essayer d'obtenir un résultat favorable lors d'un référendum.
À la page 5, la position des évêques n'est pas adéquatement reflétée. On lit qu'ils ont des réticences face à la nouvelle modification. Or, ils n'ont pas exprimé de réticences; ils ont dit qu'ils y étaient totalement opposés.
La question que j'adresse au ministre fait suite à l'observation de Mme Finestone qui a essentiellement dit que ce qui motive bien des gens à appuyer cette modification, c'est qu'ils souhaitent la sécularisation du système scolaire. La question que j'adresse au ministre est théorique. Vous avez dit qu'il n'est pas nécessaire que l'État accorde des fonds pour que les parents puissent exercer leurs droits naturels à décider si un enseignement religieux sera dispensé ou non à leurs enfants. N'est-il pas vrai, monsieur le ministre, qu'il n'y a véritablement de droits que si les gens peuvent les exercer concrètement?
Si des parents à faible revenu doivent contribuer par leurs impôts au financement d'un système scolaire étatique-laïc—il n'est pas question ici d'un système d'enseignement pluraliste mais plutôt d'un système monolithique—alors que ces gens-là n'ont pas les moyens de financer un enseignement religieux conforme à leurs croyances, n'a-t-on pas en pratique abrogé le droit dont parlait le sénateur Kinsella?
L'hon. Stéphane Dion: Si vous me demandez si l'effet du changement constitutionnel réclamé par la province signifiera que le droit à ce qu'un enseignement religieux soit dispensé dans les écoles et dans le système scolaire diminuera, la réponse est oui. C'est le but même du changement.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre.
Madame Finestone, voulez-vous poser une brève question supplémentaire?
L'hon. Sheila Finestone: Si j'étais le ministre de Dieu sait quoi, mais en particulier le ministre de l'Éducation, je choisirais de lier le financement au choix fait par l'enfant.
Ma question s'adresse vraiment à Mary Dawson. Vous avez signalé que certains précédents juridiques empêcheraient une province qui voudrait éliminer le droit à l'observance d'une religion de le faire. C'est bien ce que vous avez dit. Pourriez-vous nous citer les arrêts juridiques auxquels vous faites allusion pour que nous comprenions mieux la situation?
Mme Mary Dawson: Je faisais allusion à la série de jugements rendus en Ontario dans les années 80. Ce que j'ai dit, c'est qu'il y avait une limite à la mesure dans laquelle un gouvernement peut imposer une religion à l'ensemble de la population. Je songe ici aux dispositions de la Charte qui portent sur la liberté de religion et l'égalité. On cite une phrase de deux ou trois de ces jugements dont les noms m'échappent pour l'instant.
L'hon. Sheila Finestone: S'agit-il des affaires portant sur les Mennonites du sud de l'Ontario?
Mme Mary Dawson: J'ai oublié les noms de ces affaires. Il y en a environ trois qui datent des années 80.
Ce qui ressort de ces affaires est qu'en l'absence de dispositions constitutionnelles comme l'article 93 ou la clause 17, la Charte s'appliquerait normalement de façon à ne pas permettre qu'on favorise indûment une religion par rapport à une autre. Tout ce que je dis, c'est qu'on tiendrait compte de ces affaires dans l'interprétation de la modification à la clause 17.
Le paragraphe 2 de la modification à la clause 17 insiste sur l'enseignement en général et non sur un enseignement religieux particulier et le paragraphe 3 sur l'observance d'une religion donnée. Je signalais simplement qu'il y a une limite à la mesure dans laquelle cette disposition pourrait s'appliquer, c'est-à-dire que la religion en question ne pourrait pas être imposée à l'ensemble de la population étudiante.
L'hon. Sheila Finestone: La disposition accorde donc plus de latitude. Est-ce bien ce que vous dites?
Mme Mary Dawson: Oui.
L'hon. Sheila Finestone: Permettez-moi, monsieur le président...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Très brièvement.
L'hon. Sheila Finestone: Si vous préférez, j'y reviendrai plus tard.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Non, c'est très bien, mais je tiens à donner à tous l'occasion de poser des questions. Cela me semble très important. Puisque ma courte liste ne contient aucun nom en ce moment, je vais inviter ceux qui veulent poser des questions à le faire.
L'hon. Sheila Finestone: Je demandais au professeur Kinsella—de sénateur qu'il était, je viens d'en faire un professeur—quelle était l'appellation de l'affaire qui me sert d'exemple.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Madame Dawson, pourriez-vous donner d'autres détails sur certaines des affaires dont vous avez parlé?
L'hon. Sheila Finestone: Je veux aborder cette question avec la conseillère juridique du ministère de la Justice parce qu'il me semble que le paragraphe (3) du nouveau libellé aurait permis à la Cour suprême de rendre une autre décision dans cette affaire dont l'appellation m'échappe. La Cour suprême avait donné une interprétation plus étroite, mais ce libellé donne plus de latitude, de sorte que les pentecôtistes et d'autres...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup. Ce serait sans doute utile de faire d'autres recherches sur cette question. Madame Dawson, si vous pouviez venir en aide à la députée. Je cède maintenant la parole à M. Pagtakhan, qui souhaite poser une brève question.
M. Rey D. Pagtakhan: Simplement une brève question en réaction à une question posée plus tôt au sujet de la possibilité qu'une minorité soit brimée par la volonté de la majorité et que ce droit soit un simulacre de droit. Évidemment, l'argument est de taille, et vous m'avez convaincu par votre argument selon lequel tout dépend de la nature du droit dont il est question.
Il m'a semblé également que vous avez souligné comme facteur significatif dans votre exposé le fait que, dans le cas qui nous intéresse, pour cette population, une minorité a jugé sage de céder. D'une certaine manière, la minorité s'est intégrée à la majorité. C'est ce que j'ai cru comprendre de votre exposé. Ai-je raison de l'avoir compris ainsi?
L'hon. Stéphane Dion: Je ne suis pas certain de comprendre votre argument. Est-ce que vous parlez du référendum précédent?
M. Rey D. Pagtakhan: Non, du dernier.
L'hon. Stéphane Dion: Et dans ce cas, la minorité s'intègre à la majorité de quelle façon?
M. Rey D. Pagtakhan: Du fait qu'elle a voté comme la majorité, le vote majoritaire a augmenté.
L'hon. Stéphane Dion: Non, non. Ce que je dis, et c'est la position du gouvernement, c'est que tout dépend des droits dont il est question. Certains d'entre eux sont des droits fondamentaux qu'aucune majorité ne peut supplanter.
M. Rey D. Pagtakhan: D'accord.
L'hon. Stéphane Dion: Cependant, certains autres droits ne sont pas jugés fondamentaux, selon notre Cour suprême. Certains droits ne sont pas jugés aussi fondamentaux, mais avant de les exclure de la Constitution, il importe de vérifier si une telle mesure jouit d'un appui raisonnable, surtout parmi les minorités touchées.
M. Rey D. Pagtakhan: D'accord. J'ai relevé deux facteurs significatifs qui...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur le ministre. Merci de vos questions.
Voici ce que j'aimerais proposer. Le ministre a accepté de comparaître à nouveau si les membres du comité souhaitaient avoir une deuxième occasion de l'interroger lorsque nous approcherons de la fin de nos audiences. Tout dépendra évidemment de notre emploi du temps et de celui du ministre également et, évidemment, de la mesure dans laquelle sa présence sera jugée utile.
Permettez-moi de proposer ce qui suit. Le ministre Grimes, du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, est parmi nous. Je constate qu'il n'y a plus de questions, sauf celle que souhaite poser M. Goldring. Je propose donc que nous passions au témoignage de M. Grimes immédiatement après.
J'accorde la dernière question à M. Goldring.
Monsieur le ministre, merci beaucoup.
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Merci. Je vous remercie beaucoup, monsieur Dion.
Certains ont laissé entendre dans d'autres réunions qu'il y aurait peut-être lieu de s'inquiéter au sujet des Autochtones. La terre de Rupert a été transférée au Québec en 1912. Le transfert de la terre de Rupert a également touché certaines régions du Labrador.
Se peut-il que certains droits des Autochtones soient violés par cette mesure? Après tout, les Autochtones qui vivent sur des réserves et dans des zones de réserves ont également des écoles confessionnelles. Ils appartiennent à deux des confessions religieuses. Cette demande a-t-elle donc une incidence quelconque sur leurs droits?
L'hon. Stéphane Dion: Franchement, je ne vois aucun lien entre les deux questions. La condition 17 n'a absolument rien à voir avec les questions que vous venez de soulever.
M. Peter Goldring: Donc, dans la région du Labrador, il n'y aurait aucune répercussion sur les Autochtones.
L'hon. Stéphane Dion: Il n'en et pas fait mention.
M. Peter Goldring: Merci beaucoup, monsieur le ministre.
L'hon. Stéphane Dion: Je vous remercie tout de même.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Monsieur Rompkey, je vais vous accorder une dernière question.
Le sénateur William Rompkey (N.W. River Labrador, Lib.): Monsieur le ministre, sur cette question des droits des Autochtones, n'est-il pas vrai que, selon la nouvelle disposition législative, les Autochtones auront plus de droits qu'ils n'en avaient auparavant? Selon l'ancienne disposition, les Autochtones étaient comme tous les autres citoyens: ils devaient aller à l'école confessionnelle. Les églises avaient le droit d'administrer les écoles de la province. Selon la nouvelle disposition, évidemment, les Autochtones auront le droit d'avoir leurs propres écoles.
La chose n'est pas sans importance étant donné que nous avons maintenant un accord de principe au sujet de la première revendication territoriale dont notre province a fait l'objet jusqu'à maintenant. Les Inuits du Labrador, dont vous avez parlé, sont sur le point de signer un accord de principe concernant des revendications territoriales. Il portera notamment sur la compétence en matière d'éducation.
Est-il vrai, monsieur le ministre, que la présente disposition législative leur donne la possibilité de créer leurs propres écoles autochtones, contrairement à la disposition antérieure?
L'hon. Stéphane Dion: Permettez-moi de répondre par un commentaire assez général. Si, comme le souhaite le gouvernement, la modification est acceptée par le Parlement, alors le gouvernement de Terre-Neuve aura une marge de manoeuvre considérable pour venir en aide à diverses populations. La chose n'était pas possible auparavant compte tenu du contrôle exercé sur les écoles par certaines églises.
De plus, il faut bien comprendre que le genre de conseils scolaires et de système scolaire qui existait à Terre-Neuve serait jugé contraire aux droits de la personne dans d'autres démocraties.
• 1645
Donc, pour ce qui est des Autochtones, des francophones, je
suppose en effet que le gouvernement aura une plus grande capacité
qu'auparavant de venir en aide à divers segments de sa population,
comme cela se produit dans d'autres démocraties.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Sénateur, nous avons le temps.
Le sénateur William Doody: Aux fins du procès-verbal je tiens à dire que jamais, dans l'histoire de Terre-Neuve, un groupe ne s'est vu privé de son droit d'établir, d'ouvrir ou d'avoir sa propre école—que ce soit les francophones, les Autochtones, ou un autre groupe. Selon le régime en vigueur, sept catégories de personnes se voyaient garantir le droit à leurs propres écoles, mais aucune catégorie de personnes ne se voyait nier le droit à sa propre école—et c'est...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): À l'ordre, s'il vous plaît.
Monsieur le ministre, si vous voulez commenter ce commentaire, je vous prie de le faire.
L'hon. Stéphane Dion: Je serai bref. Il s'agissait d'un système très coûteux et, à cause de cela, le gouvernement avait très peu de marge de manoeuvre—dans une province qui n'est pas la plus riche du Canada. Il faut également tenir compte de cet aspect.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Je vous remercie de cette précision. Je suis certainement d'accord avec la dernière déclaration.
Au nom du comité mixte spécial, je tiens à vous dire, monsieur le ministre, que nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir témoigner devant nous. Nous savons que votre temps est précieux, compte tenu de l'ampleur de vos responsabilités. Nous vous inviterons à comparaître à nouveau. Merci beaucoup encore une fois.
Je tiens à remercier les membres du comité d'avoir participé au débat tout en veillant au bon déroulement de nos délibérations. Au nom des deux présidents, je tiens à vous exprimer ma reconnaissance.
Donc, merci beaucoup, monsieur le ministre.
Nous allons maintenant nous interrompre très brièvement, après quoi nous entendrons M. Grimes.
[Français]
L'hon. Stéphane Dion: Je vous remercie, monsieur le président.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Monsieur Grimes, soyez le bienvenu au Comité mixte spécial sur la modification à la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve et du Labrador. Vous êtes accompagné, si j'ai bien compris, de Deborah Fry et, également, de Gale Welsh, du ministère de la Justice.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre, de prendre le temps voulu pour comparaître comme premier témoin devant notre comité. Vous avez certainement écouté ce que le ministre Dion avait à dire.
Je tiens simplement à rappeler aux membres du comité que, comme l'a souligné le ministre Dion dans son témoignage, les questions—de même que les réponses, évidemment—doivent porter essentiellement sur le domaine de compétence du témoin. Même si M. Grimes est peut-être en mesure de répondre à certaines questions liées à la position du gouvernement du Canada, son rôle comme témoin consiste à répondre à des questions qui portent plus précisément sur le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador.
Monsieur le ministre, je vous prie d'être indulgent. Il se peut que nous devions aller voter. Au milieu de votre exposé, il se peut que le timbre retentisse. Nous vous avons demandé de vous préparer en prévision d'une période d'échanges d'une heure et trente minutes comprenant votre exposé et une période de questions et réponses. Cependant, il se peut à tout moment que la sonnerie retentisse et que nous soyons obligés de quitter assez précipitamment pour le vote.
Cela dit, monsieur le ministre, vous disposez d'une heure et demie et je vous prie d'adapter votre exposé et vos réponses en conséquence. Merci beaucoup. Vous pouvez commencer.
L'honorable Roger Grimes (ministre de l'Éducation, gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador): Je tiens à remercier les coprésidents et les membres du comité. Je vous suis reconnaissant de me permettre de comparaître et de me donner l'occasion de prendre la parole essentiellement au nom du premier ministre, du gouvernement, ainsi que de la population de Terre-Neuve et du Labrador, sans oublier les enfants de Terre-Neuve et du Labrador qui profitent des possibilités que leur offre notre système scolaire.
Je m'excuse auprès des interprètes de ne pas leur avoir fourni le texte des grandes lignes de ce que je m'apprête à vous dire.
Notre mémoire vous a déjà été distribué mais, si le comité est d'accord, j'ai plutôt l'intention de souligner un certain nombre d'aspects sur lesquels je compte m'attarder plus particulièrement durant mon bref exposé. Ainsi, avant de passer aux questions et réponses, j'aurai couvert les points essentiels de cette question, qui est d'une importance cruciale pour Terre-Neuve et le Labrador.
Je vous remercie d'avoir déjà mentionné que je suis accompagné de ma sous-ministre, Mme Deborah Fry, ainsi que de notre conseillère juridique du ministère de la Justice, Mme Gale Welsh. Je crois avoir compris également que Mme Welsh aura l'occasion de comparaître plus tard devant le comité et qu'elle a été invitée à lui fournir certains avis juridiques pour l'aider dans son travail des prochains jours et des prochaines semaines.
Je vous laisse donc notre mémoire écrit et j'espère bien que vous aurez l'occasion de prendre connaissance des détails qu'il contient. Je tiens à vous signaler que le mémoire, le document écrit, aborde les sujets énumérés dans la table des matières. Il aborde la question du processus de réforme et de la nécessité de modifier à nouveau la clause 17, selon l'avis du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, qui représente la population et les enfants d'âge scolaire de la province.
Le mémoire traite également des effets de la réforme sur les droits des minorités. Voilà donc un aspect qui est abordé dans le mémoire officiel qui vous a été distribué.
• 1655
Dans le mémoire, nous nous interrogeons sur l'effet, s'il en
est, qu'auront ces changements sur d'autres provinces. Nous nous
penchons également sur le rôle attribué à l'éducation religieuse et
à l'observance religieuse dans notre nouvelle proposition et sur
les modalités d'application connexes à Terre-Neuve et au Labrador.
Je tiens à dire aux coprésidents et aux membres du comité que je suis tout à fait disposé à aborder ces divers aspects au cours de la période des questions. Je serais également disposé, à tout autre moment, à aborder toute question non mentionnée dans la liste, si nous jugeons nécessaire de comparaître à nouveau devant le comité avant la fin de vos travaux. Cependant, pour ce bref exposé oral—dont je limiterai la durée de mon mieux—je préférerais m'en tenir à deux grands aspects.
Tout d'abord, et ce qui importe le plus, j'aimerais rappeler le caractère unique de la situation à Terre-Neuve et au Labrador en matière d'éducation et faire en sorte que la question soit abordée et débattue par le comité dans le même contexte que celui dans lequel la discussion s'est déroulée dans notre province. Le ministre Dion en a déjà parlé, mais j'aimerais en dire un peu davantage devant le comité, si vous me le permettez.
En deuxième lieu, j'aimerais vous expliquer, le mieux possible, les raisons pour lesquelles le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador estime que le changement proposé est nécessaire, alors que nous savons tous que notre gouvernement a déjà demandé au gouvernement fédéral de modifier la condition 17, il y a de cela moins d'un an. C'est le 4 décembre 1996, il y a moins de 12 mois, que la Chambre des communes a adopté notre demande antérieure, et la proclamation de la condition 17 en vigueur à l'heure actuelle n'a eu lieu que le 21 avril de cette année, l'année 1997. J'aimerais expliquer pourquoi le gouvernement a mis si peu de temps à se convaincre que la seule solution valable pour Terre-Neuve et le Labrador consiste à revenir devant le Parlement du Canada et demander une nouvelle modification de la Constitution, un changement de plus grande portée, qui est décrit dans la proposition que nous vous soumettons maintenant.
Pour ce qui est du contexte, le ministre Dion en a déjà donné une description. Il vaut cependant la peine de faire certains rappels concernant la situation de notre province. Tout d'abord—et les juristes vont vous le répéter—il n'existe aucun lien, aucun rapport avec l'article 93. Aux termes de l'article 43, nous faisons une demande en bonne et due forme de modification bilatérale de la Constitution. Il n'a jamais existé à Terre-Neuve et au Labrador de système d'écoles publiques comme il en existe dans le reste du Canada, dans les autres provinces et territoires du Canada. L'enseignement a toujours été confessionnel à 100 p. 100. En 1949, certains droits ont été garantis à sept confessions. Une huitième confession est venue s'ajouter en 1987, à la faveur d'une modification qui accordait une protection et des garanties au groupe pentecôtiste.
Donc, jusqu'à il y a de cela quelques années, huit groupes confessionnels jouissaient de droits garantis par la Constitution, et les autres gens n'avaient pas de droits. Le système pouvait tenir compte des besoins de ces personnes jusqu'à un certain point, mais pour ce qui est d'un droit à un certain type de système d'éducation dans la province, huit groupes confessionnels avaient des droits constitutionnalisés.
Il importe de ne pas perdre de vue ces questions. Pour que la population de Terre-Neuve et du Labrador jouisse d'une école publique non confessionnelle, il aurait fallu ajouter au service déjà offert un autre système scolaire en marge de celui qui avait toujours fonctionné à Terre-Neuve et au Labrador. Il me semble donc important de rappeler aux membres du comité et à tous ceux qui ne connaissent pas à fond la situation de notre province que nous étions la seule province où le système scolaire était confessionnel à 100 p. 100. Il n'existait aucun système d'écoles publiques pour ceux qui ne voulaient pas y participer. Il n'existait aucun droit à cet égard. Si le gouvernement avait voulu créer un tel système, il aurait dû le faire en sus des systèmes déjà établis.
Pour ce qui est de l'évolution de la situation depuis quelques années, nous nous sommes retrouvés avec quatre systèmes différents au lieu de huit parce que certains groupes confessionnels avaient décidé de leur propre initiative de collaborer et de créer un système unique appelé un système intégré. À cause de cela, si nous avions voulu créer un système public pour Terre-Neuve jusqu'à il y a quelques années, nous aurions dû créer un cinquième système. Personne ne pensait que cela aurait été utile ou logique pour Terre-Neuve et le Labrador vu que les autres groupes étaient déjà servis par l'un des systèmes confessionnels, même s'ils n'avaient pas les mêmes droits que ces groupes confessionnels selon la Constitution.
• 1700
En outre, notre premier ministre provincial, M. Tobin, a
envoyé une lettre au chef de l'opposition officielle, M. Manning,
au sujet de certaines des questions qu'il avait lui-même soulevées
lors de la première présentation de la résolution à la Chambre des
communes. Le premier ministre en avait profité pour expliquer de
nouveau la situation en disant que le système de Terre-Neuve et du
Labrador est bien particulier et qu'il n'y a rien de semblable
ailleurs dans le pays. C'est à cause de cela que nous avions
réclamé des changements il y a deux ans et que nous en réclamons de
nouveau aujourd'hui.
Si nous jetons un coup d'oeil à l'histoire, et vous entendrez probablement des représentants de l'Église pentecôtiste pendant vos délibérations, on constate que l'une des raisons de la création d'un système pentecôtiste séparé pour Terre-Neuve et le Labrador, c'est que l'Église pentecôtiste n'avait aucun droit confessionnel depuis 1949. Vous pourrez le confirmer en posant la question à d'autres témoins. Les pentecôtistes ne faisaient pas partie des groupes qui avaient certains droits au moment de l'adhésion à la Confédération, mais on trouvait des élèves pentecôtistes dans plusieurs autres systèmes.
D'après ce qu'on m'a raconté, on a créé un système pentecôtiste séparé à Terre-Neuve et au Labrador parce que les élèves pentecôtistes dans certaines localités avaient de plus en plus de mal à se faire accepter dans d'autres systèmes et qu'on leur disait qu'on les accueillerait seulement s'il y avait de la place. Si tous les élèves de tel ou tel groupe confessionnel étaient déjà servis par l'école et qu'il restait de la place, les élèves pentecôtistes pouvaient y être admis aussi. Ils n'avaient aucun droit.
Le mouvement pentecôtiste à Terre-Neuve et au Labrador a donc décidé de créer ses propres écoles parce qu'il était convaincu qu'il avait suffisamment de membres et d'enfants d'âge scolaire pour le faire. Le gouvernement de l'époque et ceux qui lui ont succédé décidèrent de traiter les pentecôtistes comme s'ils avaient des droits au titre du financement et autres. Ils l'ont fait volontairement même si la Constitution ne prévoyait pas de tels droits. La modification constitutionnelle qui leur a conféré les mêmes droits qu'aux autres groupes confessionnels a été adoptée uniquement en 1987, il y a à peine 10 ans.
Il y a donc un groupe qui n'avait pas les mêmes droits que les autres au moment de l'adhésion à la Confédération en 1949 et qui les a finalement obtenus en 1987. Voilà l'historique de la situation actuelle.
Il est clair que si l'on maintient la clause 17 actuelle, même si elle a été modifiée il y a à peine un an, il faudrait créer un autre système à Terre-Neuve et au Labrador pour garantir qu'il y aurait de la place dans un système scolaire public, un système scolaire unique et laïc ou peu importe comment on déciderait de l'appeler.
La deuxième chose dont je veux parler maintenant que je vous ai expliqué les antécédents historiques, c'est la raison pour laquelle nous revenons à peine un an plus tard vous dire que la seule solution que nous pouvons entrevoir pour Terre-Neuve et le Labrador est de modifier encore une fois la Constitution.
Comme l'a dit le ministre Dion, nous ne sommes pas venus pour essayer de modifier la Constitution par rapport à ce que nous avions décrit au comité du Sénat, il y a quelques années, et soit dit en passant, je suis heureux de voir ici aujourd'hui des membres de l'ancien comité, ainsi que des nouveaux. En effet, ce que nous avions décrit à l'époque comme étant un petit rajustement aux droits confessionnels s'est avéré l'être et ce que ceux qui s'opposaient à ce changement à l'époque décrivaient comme étant la perte absolue de tous leurs droits ne s'est pas avéré du tout.
Cela étant dit, pourquoi sommes-nous de retour? Qu'est-il arrivé en ce court laps de temps pour convaincre d'abord le gouvernement de tenir un référendum pour sonder les attitudes des Terre-Neuviens et, deuxièmement, d'entamer le processus juridique nécessaire pour modifier la Constitution? Avons-nous vraiment laissé le temps au système actuel, instauré il y a à peine un an, la chance de fonctionner?
Ces questions sont tout à fait justifiées et c'est donc à cela que je vais consacrer le reste de mes observations. Les autres questions en cause sont expliquées dans le mémoire et je pourrai certainement répondre à vos questions, s'il y a lieu, à leur sujet.
Pour ce qui est de la raison de notre retour, c'est une longue histoire et une histoire triste d'après moi, mais je vais essayer de vous en donner une version abrégée. Il en est aussi question dans notre mémoire.
En un mot, le système scolaire à Terre-Neuve et au Labrador est en déclin depuis un certain temps. Le système de la maternelle à la 12e année accueille maintenant 4 000 étudiants de moins par année qu'auparavant. Cette année seulement, nous...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Excusez-moi, je ne veux pas vous interrompre, mais comme vous pouvez le constater d'après le bruit de fond, une sonnerie de 30 minutes vient de commencer à retentir. Nous pouvons poursuivre pendant encore 15 minutes, mais je tenais à vous le dire tout de suite pour ne pas vous interrompre une autre fois comme je viens de le faire. Nous devrons lever la séance temporairement dans une quinzaine de minutes.
Le sénateur William Rompkey: Un bref rappel au Règlement, monsieur le président. Pouvez-vous nous dire si nous pourrons poser des questions au ministre plus tard? Reprendrons-nous après le vote?
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Apparemment, le vote a été reporté, sans doute jusqu'à 18 h 30 parce que la sonnerie a cessé.
Le sénateur William Rompkey: Cela répond à ma question.
L'hon. Roger Grimes: Je comprends très bien que vous deviez interrompre la séance pour vous occuper des affaires du gouvernement. Je le comprends très bien.
Je suis heureux que nous soyons à l'heure locale parce que s'il était 18 h 30, heure de Terre-Neuve, nous nous hâterions maintenant d'aller voter. Cela veut donc dire que nous avons encore un peu de temps.
Comme je le disais, notre système est vraiment en déclin, et ce, depuis un certain temps et pour diverses raisons. Cette année, nous avons 4 600 élèves de moins dans nos écoles de la maternelle à la 12e année qu'à la même époque l'année dernière. Le nombre d'inscriptions a donc baissé de 4 600 en un an.
Sur une période de 12 à 15 ans, le nombre d'élèves inscrits à l'école dans notre province a baissé, passant de 162 000 à un peu plus de 100 000. Bien entendu, ces 162 000 étudiants faisaient partie de l'un des sept systèmes à un moment donné. Ensuite, nous sommes tombés à quatre systèmes. Maintenant, bien sûr, nous avons 100 000 élèves dans un système scolaire qui est essentiellement le même qu'avant qu'on modifie la clause 17.
À cause de tout cela, le gouvernement a créé une commission royale d'enquête en 1990 pour voir comment préparer l'avenir de notre système d'enseignement à Terre-Neuve. Si vous me le permettez, je voudrais résumer les éléments clés du rapport de cette commission royale d'enquête et ses recommandations au peuple et au gouvernement de la province que nous avions acceptées en principe à l'époque.
Deux choses en sont ressorties. La première découlait, soit dit en passant, de la plus importante consultation publique jamais tenue à Terre-Neuve et au Labrador sur quelque question que ce soit. La Commission royale de 1990 avait tenu plus de réunions, entendu plus de mémoires, reçu plus de renseignements et suscité plus d'intérêt que n'importe quelle autre auparavant à Terre-Neuve et au Labrador.
Ensuite, il y a eu les résultats. Je vais paraphraser, mais vous pourrez lire vous-mêmes les recommandations.
La première disait que le gouvernement devrait réduire le rôle des groupes confessionnels dans l'administration du système scolaire. C'était très clair. Les témoins de tous les coins de la province avaient bien dit qu'il fallait réduire le rôle administratif des groupes confessionnels et des Églises à Terre-Neuve et au Labrador.
La deuxième recommandation, qui était tout aussi importante, était que les influences religieuses constructives exercées dans le passé et encore maintenant dans les écoles de Terre-Neuve et du Labrador devraient être maintenues.
C'étaient les principales recommandations. Il y en avait bien d'autres, mais elles découlaient toutes de ces deux conclusions, soit que les groupes confessionnels et les Églises devaient cesser d'administrer le système scolaire, mais que le gouvernement et la province devaient préserver les influences religieuses constructives qui avaient toujours existé dans les écoles entièrement confessionnelles de Terre-Neuve et du Labrador.
On a ensuite négocié pendant environ trois ans. C'est ce que nous avions expliqué au comité il y a quelques années. On disait que nous devions collaborer pour en arriver à un arrangement quelconque. Que ce n'était pas vraiment nécessaire de modifier la Constitution pour cela. Après trois ans, les négociations n'ont pas abouti.
En 1995, on organisa un référendum qui donna une faible majorité aux partisans du changement. Cela mena à une modification constitutionnelle, mais la modification constitutionnelle demandée et obtenue il y a à peine un an ne se fondait pas sur le modèle contenu dans le rapport de la Commission royale d'enquête Williams, mais plutôt sur un modèle de compromis proposé à l'issue de ces trois années de négociations. Après tous les pourparlers, on n'avait pas pu trouver de compromis qui puisse être instauré sans modification constitutionnelle.
La résolution présentée au Parlement du Canada proposait un changement constitutionnel pour donner suite à un compromis sur lequel le gouvernement et les Églises s'étaient entendus pour essayer de conserver certaines écoles interconfessionnelles, comme on les appelait alors et comme on les appelle encore maintenant, de même que certaines écoles uniconfessionnelles. On nous avait encore une fois garanti que les groupes confessionnels et les Églises ne seraient certainement pas déraisonnables dans le cadre de ce modèle de compromis en voulant faire respecter les droits qui leur restaient, qu'ils comprenaient la situation du système scolaire dans la province, qui accusait un sérieux déclin, et que tout le monde était au courant des sérieuses restrictions financières dans la province. C'est dans cet esprit que la résolution avait été proposée.
• 1710
Je répète que la Chambre des communes a adopté la modification
constitutionnelle en décembre et que celle-ci a été proclamée en
avril. La province a adopté une nouvelle Loi sur les écoles de
Terre-Neuve le 3 janvier 1997, il y a moins d'un an. Bien entendu,
cette loi découlait de la nouvelle clause. Nous avons essayé
d'organiser le nouveau système en fonction de la nouvelle clause
constitutionnelle et de la nouvelle loi.
Laissez-moi vous dire ce qui s'est passé. D'après la nouvelle loi et d'après la clause 17 actuelle, la première chose à faire pour permettre aux divers groupes d'exercer leurs droits confessionnels était d'organiser un processus d'enregistrement pour déterminer combien de gens voulaient exercer leur droit et conserver des écoles uniconfessionnelles.
Les sénateurs qui étaient déjà là à l'époque et ceux qui avaient participé au débat au Sénat et à la Chambre des communes sauront qu'on avait proposé un amendement à la clause pour ajouter les mots «où le nombre le justifie». L'amendement n'a pas été adopté. Il ne faisait pas partie de la nouvelle clause. Donc, la nouvelle loi provinciale disait qu'il fallait établir combien de gens voulaient conserver des écoles catholiques, pentecôtistes, adventistes et intégrées séparées par suite d'un processus d'enregistrement. Il fallait demander aux étudiants d'indiquer quel genre d'école ils voulaient fréquenter.
D'après le gouvernement, la loi rendait cette première étape nécessaire, mais encore une fois, cela nous a permis de constater qu'il n'y avait pas du tout de collaboration à cet égard. Je n'ai aucune hésitation à l'affirmer. Le manque de collaboration était si total relativement à l'exercice de ce droit qu'il y a même eu des tentatives délibérées de semer la confusion quant à la signification du processus d'enregistrement.
Je ne m'attaque pas à un groupe en particulier parce que tout le monde à Terre-Neuve et au Labrador jugeait ou bien que le gouvernement était allé trop loin ou bien qu'il n'était pas allé assez loin. Le modèle de compromis proposé conformément à la clause 17 actuelle ne plaisait à personne.
Ceux qui jugeaient que nous étions allés trop loin et ceux qui pensaient le contraire ont tous contribué à la confusion massive en laissant entendre que le processus d'enregistrement, loin d'être une première étape nécessaire pour déterminer combien de personnes voulaient exercer leur droit aux termes de la clause 17, était vraiment un vote et pas une méthode d'enregistrement. La confusion régnait dans la province. Personne n'était vraiment à blâmer, mais tout le monde essayait de créer et de perpétuer la confusion.
Le ministre de l'époque, moi, en l'occurrence, et je suis encore au même poste, avait encouragé les conseils scolaires à optimiser ce qu'ils offraient aux élèves tout en respectant le résultat du processus d'enregistrement puisque cela devait permettre aux intéressés d'exercer leur droit constitutionnel. D'après les directives du ministre, tous les groupes devaient avoir des chances égales, il fallait optimiser les possibilités d'instruction pour les élèves, mais il fallait aussi reconnaître le droit constitutionnel à conserver des écoles confessionnelles séparées.
De leur côté, les représentants des groupes confessionnels affirmaient essentiellement qu'il fallait tenir compte de leurs droits, peu importent les possibilités d'instruction pour l'ensemble des élèves et peu importe l'évaluation des conseils scolaires. Le droit aux écoles confessionnelles devait avoir la priorité et cela risquait de compromettre les services d'enseignement.
Madame la présidente, monsieur le président et membres du comité, on a peu de temps après demandé et obtenu une injonction du tribunal. Le juge Barry a tenu à ce sujet certains propos éloquents. Je voudrais citer quelques passages de la décision du juge Barry relativement à cette injonction parce que je pense que cela laisse entendre que la loi n'est pas conforme à la Constitution. Elle n'a pas été contestée devant les tribunaux.
On a donc obtenu une injonction. Les tribunaux de Terre-Neuve et du Labrador n'ont jamais eu à déterminer si la Loi sur les écoles est conforme à la clause 17. Il faut bien le préciser. La Loi sur les écoles est actuellement en vigueur et la clause 17 aussi. On n'a jamais demandé aux tribunaux de déterminer si la Loi sur les écoles viole la clause 17. Une injonction a été accordée par suite de demandes aux tribunaux, mais la cause n'a jamais été entendue. Le gouvernement a donc dit qu'il interjetterait appel, mais a décidé plutôt de tenir un référendum.
• 1715
Cependant, le juge Barry a dit deux choses. Au paragraphe 63,
page 45 de sa décision relative à l'injonction, il a dit ceci:
-
Le Parlement et l'Assemblée législative, en maintenant un système
d'enseignement confessionnel selon la clause 17, devaient savoir
que cela entraînerait des possibilités d'instruction réduites pour
les enfants de la province.
Même en accordant l'injonction, le juge disait que ce n'était pas idéal. Il disait que les législateurs auraient dû savoir ce qui arriverait en maintenant ces droits dans la nouvelle clause 17.
Ensuite, à la page 47, paragraphe 65 de la décision, le juge Barry a dit ceci:
-
On peut donc raisonnablement conclure que l'Assemblée législative
a accepté une norme d'éducation moins qu'idéale en décidant de
préserver au moins une partie du système d'enseignement
confessionnel. Il ne s'agit pas là d'une critique, mais d'une
constatation.
Ainsi donc, même en accordant l'injonction, le juge Barry a indiqué que nous avions un système scolaire beaucoup moins qu'idéal pour les élèves de Terre-Neuve et du Labrador. Toutefois, les représentants des écoles confessionnelles avaient saisi le tribunal pour lui demander clairement d'affirmer que l'exercice du droit prévu à la clause 17 dans sa forme actuelle était plus important que les décisions des conseils scolaires qui pourraient d'une certaine manière renoncer à certains de leurs droits pour accorder la priorité à l'enseignement.
Le gouvernement a pris des mesures pour respecter l'injonction. Nous avons réinvesti quelque 7 millions de dollars dans le budget de l'éducation. Nous avons créé près de 20 écoles de plus que les conseils scolaires n'avaient prévu d'en ouvrir pour l'année scolaire 1997-1998.
Il convient de dire—comme nous l'avons fait à maintes reprises dans la province—que l'ouverture des 20 écoles n'a pas permis d'améliorer les possibilités d'éducation des élèves de Terre-Neuve et du Labrador. Elle a permis d'exercer le droit prévu dans la clause 17, mais le nombre de cours offerts n'a pas augmenté et il n'y a pas eu d'avantages supplémentaires du point de vue strictement éducatif dans la province de Terre-Neuve et du Labrador. En fait, dans certaines régions, il y a des exemples illustrant clairement que les possibilités d'éducation pour les élèves, notamment en ce qui concerne le nombre de programmes offerts, ont diminué suite à l'ouverture des nouvelles écoles.
Permettez-moi de citer deux exemples. Dans la région de Springdale, il y a deux petites écoles secondaires, l'une pentecôtiste et l'autre intégrée. Il y a à peu près 200 élèves dans chacune. Conformément à la directive du ministre, le conseil scolaire a jugé utile d'optimiser les possibilités d'instruction et les droits respectifs en exploitant une seule école secondaire à Springdale. On offrirait aux élèves des cours supplémentaires, ce qui améliorerait leur éducation.
Après avoir obtenu l'injonction, les autorités confessionnelles ont décidé de rouvrir deux petites écoles secondaires à Springdale et, dans les deux écoles, les élèves ont maintenant accès à moins de cours que prévu dans l'école secondaire unique. Le gouvernement estime que leurs possibilités d'instruction ne sont pas du tout améliorées par l'existence d'une deuxième école.
Il y a eu un cas semblable à Bell Island. Cette localité avait une petite école secondaire catholique d'environ 200 élèves et une petite école secondaire intégrée d'environ 200 élèves. Le conseil scolaire a estimé que les élèves auraient les meilleures possibilités d'instruction dans une seule école secondaire. Une fois de plus, à cause de l'injonction et des mesures prises par les représentants confessionnels, on a insisté pour rouvrir cette année deux écoles secondaires où l'on offre moins de cours aux élèves. Le droit confessionnel prévu à la clause 17 a été préservé, mais le droit à l'instruction, selon le juge Barry, n'a pas été amélioré ni optimisé. Voilà la situation dans laquelle le gouvernement s'est retrouvé.
Permettez-moi encore de citer le juge Barry, qui affirme à la page 54, paragraphe 78:
-
Je conviens avec les intimés qu'en raison de la fermeture des
écoles et de la dispersion des enseignants, des directeurs et des
élèves convaincus qu'ils suivront un certain plan en septembre
prochain pour la réouverture des écoles, une injonction empêchant
la mise en oeuvre du plan causera des troubles importants et,
peut-être assez brièvement, même du chaos.
Enfin, à la page 58, paragraphe 86, le juge Barry ajoute:
-
Sans l'accord des parties, cette décision en soi n'entraînera pas
une recherche de l'excellence dans notre système éducatif l'année
prochaine. Toutefois, c'est probablement une conséquence nécessaire
du choix effectué par la population de cette province, de notre
Assemblée législative et du Parlement de préserver un système
modifié d'enseignement confessionnel. Il y a un prix à payer pour
ce choix cependant.
• 1720
Voilà donc la situation dans laquelle le gouvernement s'est
retrouvé: essayer d'organiser un système à la mi-juillet, alors que
les conseils scolaires avaient prévu en avril et en mai de l'année
dernière de faire les choses un peu différemment. J'ai écrit
personnellement aux représentants confessionnels et aux
sous-comités des conseils, car chaque conseil a un sous-comité pour
chacune des confessions qui a des droits en vertu de la clause 17.
Nous leur avons demandé d'effectuer les affectations d'enseignants
sans exercer tous leurs droits d'embaucher et de licencier les
enseignants pour des raisons confessionnelles, ce qui est prévu
dans la clause 17 actuelle.
Nous leur avons demandé d'effectuer les affectations d'enseignants le printemps dernier en organisant cette année scolaire, compte tenu du fait que le gouvernement, dans un autre dossier—qui consiste à équilibrer le budget et à assumer sérieusement ses responsabilités financières—avait émis des avis de mises à pied à 468 enseignants parce que le nombre d'inscriptions diminuent depuis deux ans. Compte tenu du nombre important de mises à pied, nous avons demandé à chacun des représentants confessionnels d'être cléments en acceptant dans leurs écoles des enseignants qui n'ont peut-être pas leur foi si telle était la décision jugée la plus satisfaisante par les conseils scolaires.
Ce qui est déplorable, messieurs les coprésidents et honorables sénateurs et députés, c'est qu'au lieu de faire preuve de collaboration, de bonne volonté et de compréhension, les conseils, leurs sous-comités et les représentants confessionnels se sont repliés sur un système qui s'était essentiellement assoupli depuis 30 ans. Ils ont rétabli un système qui leur permet de n'embaucher dans leurs écoles que des enseignants de leur propre religion. Les écoles catholiques n'ont embauché que des enseignants catholiques, les écoles pentecôtistes que des enseignants pentecôtistes, même si, il y a quelques années...
J'en suis un exemple vivant dans mon expérience d'enseignant. Je suis Pentecôtiste, et j'ai passé l'essentiel de ma carrière à enseigner dans le système catholique, qui a estimé à l'époque que j'étais l'enseignant qu'il voulait et qui n'a pas tenu compte du facteur confessionnel. Maintenant, en 1997, à cause de la nouvelle clause 17 et de l'injonction du tribunal, on s'est replié sur la position selon laquelle aucun conseil scolaire n'accepte qu'un enseignant d'une autre confession enseigne dans ses écoles. On insiste pour avoir des enseignants de sa propre foi.
Voilà pourquoi le gouvernement a estimé qu'il fallait organiser un référendum, pourquoi nous revenons demander à la Chambre des communes et au Sénat de régler le problème. Nous nous sommes retrouvés dans une situation où personne ne voulait collaborer. À Terre-Neuve et au Labrador, on insiste davantage sur les droits qu'on ne le faisait il y a probablement 30 ans, et peut-être à cause du ton et de la nature du débat des cinq ou six dernières années en particulier.
Le système a connu des bouleversements importants. J'ai cité à cet égard le juge Barry. Il a parlé d'un chaos absolu dans le système au milieu de l'été. Les parents avaient vu leurs enfants revenir à la maison, on leur avait dit qu'ils iraient à l'école l'année prochaine, et au milieu de l'été, il a fallu leur apprendre, d'une manière ou d'une autre, que leurs enfants iraient probablement ailleurs.
En outre, le gouvernement s'est rendu compte que cette situation risquait probablement de se reproduire chaque année. Il faudrait que les conseils scolaires obtiennent l'accord des représentants confessionnels pour fermer certaines écoles, affecter certains enseignants, et offrir certains programmes dans certains édifices. Les conseils ne pourraient pas planifier sans la permission ou le consentement des représentants confessionnels. C'est ce que le tribunal a ordonné dans l'injonction.
Nous avions une capacité limitée de modifier la loi en raison de la protection constitutionnelle prévue actuellement dans la clause 17. Il nous aurait fallu préserver davantage un système où l'embauche et la mise à pied des enseignants seraient garanties selon la confession et ainsi de suite. Ainsi donc, tout compte fait, le gouvernement a décidé de recommander à la population de la province une autre solution, et comme nous l'avons vu, la solution...
M. Mauril Bélanger: Un rappel au Règlement, monsieur le président.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je donne la parole à monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Sauf le respect que je dois à nos témoins, monsieur le président, puis-je suggérer que nous passions à la période des questions? Nous écoutons l'exposé depuis un peu plus d'une demi-heure, et nous nÂallons peut-être pas avoir le temps de poser des questions.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Monsieur Grimes, veuillez conclure assez rapidement pour que nous entamions la période des questions.
L'hon. Roger Grimes: D'accord, monsieur le coprésident, j'apprécie l'intervention. J'en arrivais à la conclusion, mais la question revêt une importance si capitale pour nous que je vous demande de bien vouloir me laisser un peu plus de temps que d'habitude.
La solution que nous avons adoptée consistait à demander à la population de la province si elle voulait continuer avec le système actuel et essayer de le faire fonctionner, ou s'il nous fallait prendre un nouveau départ avec une nouvelle vision. La nouvelle vision que nous proposons consistait à établir un système scolaire unique où tous les habitants de Terre-Neuve et du Labrador auraient les mêmes droits—et non pas huit systèmes confessionnels où d'autres pourraient être acceptés, ni quatre groupes où d'autres pourraient être acceptés, mais des droits égaux pour tout le monde—et dans lequel, conformément au rapport de la commission royale, on protégerait l'instruction religieuse et les pratiques religieuses dans nos écoles. Le reste fait partie de l'histoire. Il y a eu un référendum, un vote à 73 p. 100, et cette demande—c'est-à-dire la demande dont la Chambre des communes et le Sénat sont maintenant saisie.
• 1725
La province, messieurs les coprésidents et honorables
sénateurs et députés, attend impatiemment les résultats de vos
délibérations afin que nous puissions assurer, à notre avis, le
traitement équitable de tous les citoyens dans un système scolaire
unique qui protège constitutionnellement les droits à l'instruction
et à la pratique religieuses, mais qui n'impose à personne des
pratiques religieuses auxquelles il ne veut pas participer dans nos
écoles.
Nous avons une vision pour aujourd'hui et pour le prochain millénaire. Cette vision jouit d'un appui considérable dans la province. Nous vous demandons d'en discuter pleinement au cours des deux prochaines semaines. Je suis disposé à répondre à vos questions et j'espère que, à la fin de vos délibérations, vous serez en mesure d'appuyer la proposition présentée au nom du gouvernement, du peuple et des élèves de Terre-Neuve et du Labrador.
Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur le ministre. Au nom du comité, nous vous remercions d'avoir bien voulu faire le long voyage dans de si brefs délais. Le comité a tenu sa première réunion hier seulement, évidemment, et votre invitation officielle ne date que d'hier.
Madame Welsh, le ministre a fait allusion à la décision du juge Barry. C'est un texte supplémentaire accompagnant l'exposé qui nous a été présenté. Nous vous saurions gré de faciliter l'envoi de ce document aux membres du comité, car certains l'ont demandé.
Nous passons maintenant à la période de questions et réponses. Sur ma courte liste, il y a M. Goldring, suivi de M. Bélanger, du sénateur Rompkey, du sénateur Kinsella, de M. McGuire, de M. Brien et du sénateur Doody. Voilà donc la liste des questionneurs.
Monsieur Goldring, vous avez la parole.
M. Peter Goldring: Merci de votre exposé, monsieur le ministre.
À la page 5, vous dites que le référendum a été annoncé le 31 juillet pour avoir lieu le 2 septembre. Il y avait une question juste en dessous: «pour assurer l'instruction et les pratiques religieuses». Le 25 août, le libellé de la question a changé, et de façon substantielle à mon avis.
Êtes-vous sûr que la véritable définition de l'interprétation finale ou de l'énoncé final a été bien comprise par tous les électeurs? Plus précisément, je parle de l'expression «les pratiques religieuses seront permises dans une école à la demande des parents.» Ensuite, à la page 14 de votre mémoire vous dites: «bien que cela ne soit pas garanti dans la nouvelle clause proposée... le conseil scolaire détermine... l'instruction religieuse propre à chaque confession.»
Qui décide de cette instruction, les parents ou le conseil scolaire? Si ce sont les parents, quel pourcentage de parents serait nécessaire pour présenter une telle demande afin de déterminer s'il faut dispenser l'instruction religieuse dans les écoles? Est-ce la majorité simple ou une majorité de 40 p. 100 des minorités? Autrement, pourriez-vous nous expliquer la procédure et nous dire si vous êtes sûr que la question a été bien comprise?
L'hon. Roger Grimes: Merci, monsieur Goldring.
Il y avait deux questions. Premièrement, à la page 5 du mémoire, en ce qui concerne la question qui a été posée dans la province le 31 juillet, elle a été formulée dans un langage non juridique pour susciter un débat d'orientation au sein de la population. Nous voulions que la population de Terre-Neuve et du Labrador se concentre sur la question posée: voulait-elle passer du système confessionnel actuel—qui existe encore aujourd'hui en vertu de la clause 17 actuelle—à un système scolaire unique dans lequel tous les enfants iraient dans les mêmes écoles peu importe leurs convictions religieuses, et avec l'assurance qu'il y aurait une instruction religieuse et des pratiques religieuses dans ces écoles?
• 1730
Au cours des deux à trois premières semaines du débat
référendaire, nous avons demandé à la population de la province de
se concentrer sur cette question de principe et de décider si elle
voulait effectuer ce changement fondamental du système éducatif en
vigueur à Terre-Neuve et au Labrador.
Au bas de la page 5, vous avez le texte juridique de la clause que nous avons demandée à notre assemblée législative d'adopter, ce qu'elle a fait à l'unanimité. Nous avons aussi demandé aux deux Chambres du Parlement du Canada de l'examiner, et votre comité en est maintenant saisi.
Dans la province, il était clairement entendu que la question décrivait clairement, adéquatement et succinctement la nature du changement proposé. Ceux qui voulaient en examiner les aspects juridiques afin de saisir l'incidence constitutionnelle des concepts présentés dans la question ont eu l'occasion le 25 août d'en examiner le libellé, qui est maintenant saisi le Parlement du Canada et votre comité.
Deuxièmement, en ce qui concerne les cours d'instruction religieuse, la question soulevée à la page 14 comporte deux volets. L'instruction religieuse sera offerte dans toutes les classes de toutes les années d'études et dans toutes les écoles de Terre-Neuve et du Labrador. Ce sera un cours commun et générique que le gouvernement est en train de mettre au point. Il sera offert à tous les élèves de tous les niveaux et dans toutes les classes, mais personne ne sera obligé de le suivre. Il ne sera pas propre à une religion particulière, ce qui est le cas aujourd'hui. Même dans nos écoles pentecôtistes et catholiques romaines dans la plupart des années d'études, le programme d'instruction religieuse offert n'est propre au dogme d'aucune religion. Il porte davantage sur les valeurs que sur le dogme d'une dénomination précise.
À la page 14, nous faisons allusion au fait que, même s'il y a des cours prescrits par le ministère de l'Éducation pour chaque année d'études dans chaque classe, les parents pourraient demander—et ce n'est pas un droit constitutionnel—d'avoir un cours de religion catholique ou pentecôtiste dans leur école. Il incomberait au conseil scolaire de décider de la même manière que si on lui demandait d'offrir un cours de mathématiques avancées ou un cours supplémentaire de sciences humaines.
Ce n'est pas un droit constitutionnel. Les parents peuvent demander une instruction religieuse particulière et le conseil scolaire examinera la demande, au même titre que tout autre cours supplémentaire. Mais un cours d'instruction religieuse sera donné dans chaque école, dans chaque classe, pour chaque année d'études.
Ce sont donc là deux notions différentes.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur le ministre.
M. Goldring pourra poser une brève question supplémentaire. La sonnerie de quinze minutes est en train de retentir alors je propose que nous posions une dernière question et que nous revenions immédiatement après le vote.
M. Peter Goldring: Monsieur le ministre, je crois qu'au cours des trois premières semaines de la campagne référendaire, les parents supposaient que l'instruction et les pratiques religieuses seraient permises. Ils ont supposé qu'ils avaient ce droit, mais au cours de la dernière semaine, ils se sont rendu compte que ce droit serait limité. À la page 14, vous dites que c'est le conseil scolaire qui en décidera. Y a-t-il là trois interprétations différentes?
L'hon. Roger Grimes: Les autorités scolaires sont en train de mettre au point le cours d'instruction religieuse qui fera partie du programme de chaque école, de chaque classe et de chaque année d'études. Ce que la clause garantit, tel qu'indiqué au bas de la page 5 et en haut de la page 6, c'est un enseignement religieux dépourvu de tout caractère confessionnel.
Ce cours doit être offert par le gouvernement. Si les gens demandent un enseignement religieux particulier, ils n'ont pas le droit d'insister pour l'obtenir. Ils peuvent en faire la demande à un conseil scolaire qui décidera d'offrir ou non le cours en question, tout comme il pourrait le faire pour un cours de chimie, de physique, de biologie ou d'autres sciences.
Comme vous pouvez le voir à la page suivante, au paragraphe 3, l'observance d'une religion doit être permise si un parent le demande. L'administration scolaire doit simplement décider comment procéder pour satisfaire à cette demande.
Il n'y a pas de décision à prendre en ce qui concerne l'observance d'une religion. Il en a une à prendre pour ce qui est d'offrir un enseignement religieux pentecôtiste, catholique romain, intégré, ou autres. La décision revient au conseil scolaire, comme toutes les autres demandes de cours supplémentaires.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Je propose que nous suspendions brièvement la séance pour aller voter. Dès que le vote sera terminé, nous donnerons la parole à M. Bélanger pour la question suivante.
Monsieur le ministre, si vous voulez bien nous accorder votre patience et votre indulgence, nous vous invitons à venir dans la tribune assister au vote si vous le désirez.
Je constate que nous avons entamé ce témoignage à 16 h 50 et qu'il est maintenant 17 h 35. Nous ajusterons notre horaire en conséquence. Je demande aux membres du comité de faire preuve de compréhension. Comme nous avons là un témoin très important, nous pourrions peut-être faire preuve d'un peu de souplesse sur le plan de l'horaire.
Mon petit droit m'a dit que cela prendrait environ 45 minutes. Il y a cinq votes.
Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Mesdames et Messieurs, membres du comité, nous reprenons cette deuxième séance à la suite du vote à la Chambre des communes. Je souhaite de nouveau la bienvenue à tout le monde et aux téléspectateurs qui suivent des délibérations sur CIPAC en direct ou en différé.
Nous reprenons l'interrogatoire des témoins qui sont ici aujourd'hui. Nous recevons, bien entendu, l'honorable Roger Grimes, ministre de l'éducation de la province de Terre-Neuve et du Labrador, Deborah Fry ainsi que Gale Welsh.
La dernière fois, l'ordre des questions était le suivant: Mauril Bélanger, le sénateur Rompkey, le sénateur Kinsella, M. Joe McGuire, M. Kenney, M. Brien, le sénateur Doody, l'honorable Sheila Finestone et Mme Raymonde Folco.
Cela dit, monsieur le ministre, je vous remercie encore une fois d'avoir fait preuve de patience pendant cette brève interruption. Nous allons reprendre nos questions en commençant par M. Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur le coprésident et madame la coprésidente.
Monsieur Grimes, j'exprimerais de très graves inquiétudes que votre exposé d'aujourd'hui a malheureusement confirmées devant l'absence de toute mention—et si je me trompe, dites-le-moi—d'une minorité qui existe à Terre-Neuve, la minorité francophone. Je sais que nous parlons ici des droits religieux et non pas des droits linguistiques, mais je crois que la réforme du système d'éducation de Terre-Neuve et du Labrador confère au gouvernement l'occasion d'examiner ses obligations constitutionnelles.
• 1845
Vous n'avez déposé votre mémoire qu'en anglais et je n'y ai
trouvé aucune mention de la minorité francophone, ce qui
m'inquiète. Comme je voudrais revenir sur ce sujet—et cela
dépendra de votre réponse—j'aimerais que vous disiez brièvement ce
que votre gouvernement compte faire du droit à l'éducation en
français à Terre-Neuve et au Labrador.
L'hon. Roger Grimes: Merci, monsieur Bélanger. J'apprécie votre question.
Avant de répondre à cette question, je mentionnerais simplement que, pendant l'interruption, à la suite de la question de M. Goldring quant aux attentes du public relatives à l'observance et l'enseignement de la religion, nous avons distribué une trousse d'information. Elle comprend la copie du discours prononcé par le premier ministre, M. Tobin, le 31 juillet, le soir où il a annoncé la tenue d'un référendum.
Si vous avez eu l'occasion de le lire, il y est dit clairement qu'un enseignement religieux dépourvu de tout caractère confessionnel sera dispensé dans les écoles de la province et qu'il y aura également des possibilités de pratiques religieuses. Ces faits étaient connus dès que le référendum a été annoncé. C'est un renseignement que je croyais important de fournir à M. Goldring et aux autres intéressés, car je n'ai peut-être pas répondu à la question de façon assez complète.
La trousse a été distribuée et les membres du comité peuvent l'examiner.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci, monsieur le ministre. Peut-être pourriez-vous répondre à la question qui vient d'être posée. Je vous remercie de cette précision.
L'hon. Roger Grimes: Monsieur le coprésident, pour ce qui est de la question de M. Bélanger, je me réjouis également qu'elle ait été posée.
Nous n'avons pas fait mention ici de cette question concernant la minorité francophone de Terre-Neuve et du Labrador parce que les fondements juridiques de l'établissement d'un conseil scolaire francophone ont été établis à la suite de l'adoption de la clause 17, il y a un an, et de la nouvelle loi sur les écoles que nous avons présentée à notre Assemblée législative le 3 janvier 1997.
Les premiers membres du personnel de ce conseil scolaire ont été nommés. Le directeur a été engagé et le directeur adjoint a été détaché du ministère de l'Éducation. Ces personnes m'ont écrit pour me demander de différer l'élection du premier conseil, parce qu'elles en sont à la dernière étape de l'organisation. Néanmoins, toutes les bases législatives sont en place.
C'est un engagement que le premier ministre, M. Tobin, avait pris lors de sa visite à Ottawa, avant la dernière session. Ces dispositions ont été incluses aussitôt après que la loi sur les écoles a été modifiée à l'Assemblée législative, en décembre dernier, et adoptée le 3 janvier. Il y avait une disposition temporaire avant cela, mais cette disposition figure maintenant dans la loi sur les écoles.
Il y a un conseil scolaire francophone à Terre-Neuve et au Labrador. L'administration des écoles et de l'éducation de la minorité francophone de Terre-Neuve et du Labrador sera sous la responsabilité totale de ce conseil scolaire francophone dès l'élection terminée. En fait, j'ai le plaisir de vous informer que c'est déjà fait et que cela ne dépend pas de l'adoption de cette modification. Nous avons déjà pris les mesures nécessaires.
D'ailleurs, certains, dans le cadre de ce débat se demandaient pourquoi passer de conseils scolaires confessionnels à des conseils scolaires non confessionnels, passer de 27 à 10 conseils et créer en plus un onzième conseil scolaire pour les francophones. C'est une question qui a été posée par ceux qui nous soupçonnaient d'appliquer deux poids deux mesures, un pour les droits confessionnels et un pour les droits francophones mais nous avons expliqué à toute la population, mesdames et messieurs, qu'il s'agissait de deux questions distinctes. L'une relevait de l'article 23 et elle est désormais réglée.
Je crois savoir que les représentants des associations francophones de Terre-Neuve et du Labrador viendront témoigner et je crois savoir aussi qu'elles vous diront avoir obtenu ce qu'elles voulaient.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Monsieur Bélanger, sachant que c'est une question qui vous tient énormément à coeur, avez-vous une question complémentaire à poser?
M. Mauril Bélanger: Sauf tout le respect que je vous dois, monsieur le président, je demande simplement à bénéficier de la même latitude que celle que vous avez accordée à mes collègues concernant les questions complémentaires. C'est tout ce que je demande.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Allez-y.
M. Mauril Bélanger: En tant que représentant du gouvernement de Terre-Neuve, vous êtes en mesure de déclarer catégoriquement—et j'aimerais que vous le fassiez si cela ne vous dérange pas—qu'à votre avis et que de l'avis du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, le gouvernement respecte désormais les obligations constitutionnelles que lui impose l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982 et a l'intention de continuer à le faire.
L'hon. Roger Grimes: C'est ainsi que je l'interprète. Je serais choqué et surpris si les représentants de l'Association francophone vous disaient le contraire lors de leur comparution.
M. Mauril Bélanger: Je vous remercie de votre indulgence, monsieur le président.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): À votre service.
Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Je donne maintenant la parole au sénateur Rompkey.
Le sénateur William Rompkey: Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, la nouvelle clause 17, au paragraphe 2, parle d'enseignement religieux et stipule que «la Législature a compétence exclusive pour légiférer... mais elle doit prévoir un enseignement religieux». Il ne stipule pas qu'elle «doit prévoir un enseignement religieux», il stipule qu'elle «doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier».
Dans votre déclaration, vous parlez de consultation pour l'élaboration d'un programme, y compris, je crois, la consultation d'experts pédagogiques. J'aimerais que vous me disiez comment votre gouvernement a l'intention de faire en sorte qu'un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier soit dispensé.
J'aimerais ensuite que vous nous disiez un mot ou deux sur le deuxième point figurant au paragraphe 3, «l'observance d'une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent», ce qui est totalement différent de l'enseignement qui sera dispensé.
Mais pour les lier ensemble, il me semble—et j'aimerais votre avis—que les parents auront certains droits dans les deux cas. Je suppose que ce sont les parents qui éliront les conseillers des conseils scolaires. Jusqu'à présent nous n'avions pas de conseils scolaires élus mais désormais ce sera le cas. Je suppose que les électeurs seront les parents et dans cette mesure ces parents auront certains droits au niveau de l'administration des écoles. De manière analogue, ces parents auront des droits au niveau des pratiques religieuses.
J'aimerais donc, si vous le pouvez, que vous nous disiez quelques mots sur le programme, comment sera-t-il élaboré, comment sera-t-il appliqué, qui enseignera quoi dans les écoles et quels droits auront les parents. Et deuxièmement, j'aimerais que vous nous disiez un mot sur les pratiques religieuses. Comment cet aspect particulier de la politique sera appliqué et quels seront les droits des parents à ce niveau?
L'hon. Roger Grimes: Merci, monsieur le sénateur. J'accepte de relever le défi d'essayer de vous expliquer tout cela car, à mon avis, le premier élément concernant l'enseignement religieux est à notre avis le dernier défi d'importance à relever par le gouvernement et le ministère de l'Éducation. Nous sommes en territoire inconnu. À notre connaissance, aucune autre juridiction gouvernementale, par le biais d'un ministère, n'assume la responsabilité de formuler et d'offrir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier.
La bonne nouvelle, cependant—et j'en ai parlé dans ma déclaration préliminaire, monsieur et madame les présidents—est que les enseignements dans nos écoles à l'heure actuelle, qui sont toutes confessionnelles, les écoles catholiques romaines avec la religion catholique romaine, les écoles pentecôtistes avec la religion pentecôtiste, etc..., d'une manière générale une bonne partie du contenu de cet enseignement ne vise pas cette religion en particulier. Il s'agit plus de l'enseignement des valeurs inhérentes aux religions chrétiennes qui dominent Terre-Neuve et le Labrador comportant également un volet d'étude comparative dans chacun des systèmes scolaires actuels.
Le défi, donc, encore une fois, pour nos experts pédagogiques... et nous avons offert un rôle aux représentants de l'Église catholique romaine et de l'Église pentecôtiste en particulier. Il n'est pas certain pour le moment qu'ils participent, mais on leur a offert de participer avec nos experts pédagogiques pour voir quelle version ou versions de matériels actuellement disponibles pourraient être actualisées et utilisées en septembre 1998 à condition que cette modification soit adoptée.
Par exemple, dans le système intégré, l'enseignement est très général et reflète les idées de trois ou quatre confessions différentes qui se sont unies d'un commun accord. C'est l'enseignement de principes généraux sur lesquels elles sont toutes d'accord.
Ce groupe travaille donc déjà avec le ministère. Les consultations ont lieu. Ils examinent les matériels actuels qui sont de caractère générique et général pour déterminer lesquels seront les plus appropriés pour toutes les écoles en septembre.
L'observance d'une religion est une question différente et énoncée en tant que telle dans la nouvelle clause. L'observance de pratiques religieuses, comme les défilés de Noël ou les célébrations de Pâques, etc., ne sera organisée qu'à la demande des parents. Il n'y aura pas de limite imposée à ce genre d'activités. Elles concerneront toute pratique religieuse que les parents veulent voir observer à l'école pendant les heures d'ouverture.
• 1855
Je fais cette distinction parce que dans d'autres juridictions
certains célèbrent certaines fêtes religieuses. Il ne s'agit pas en
l'occurrence de congés religieux, mais d'activités dans l'école en
période scolaire. C'est à ce niveau que ce situe la nouveauté à
Terre-Neuve et au Labrador, nouveauté souhaitée par la province et
ses communautés d'après ce que nous croyons comprendre. C'est
beaucoup plus inclusif. Ces activités ne sont pas limitées aux
confessions traditionnelles qui avaient des droits depuis 1949 ou
aux nouveaux droits ajoutés en 1987 pour les pentecôtistes.
Tout parent d'un enfant de n'importe quelle confession peut réclamer qu'une pratique religieuse soit observée à l'école en période scolaire. La clause constitutionnelle stipule que cela doit être autorisé et il restera, ce qui n'est pas évident, aux administrateurs des écoles de décider comment autoriser, comment en définir les modalités sans porter atteinte aux droits des autres qui peuvent ne pas vouloir y participer.
L'enseignement religieux est accessible à tous. Personne, cependant, n'est forcé de le suivre. Les parents peuvent décider que leurs enfants ne le suivront pas. L'observance de pratiques religieuses est autorisée pour tous, mais encore une fois, nul autre que l'enfant ou les enfants dont les parents ont réclamé cette observance n'ont à y participer.
Il y aura donc un certain nombre de nouveaux défis administratifs dans le système, mais nous sommes convaincus qu'ils parviendront à trouver des solutions au niveau local avec nos administrateurs scolaires, nos conseils scolaires et nos commissions scolaires.
Le sénateur William Rompkey: Il est intéressant de noter que les minorités, telles que les Juifs, n'avaient pas le droit de siéger aux conseils scolaires. Ils ne pouvaient ni être nommés ni être élus à des conseils scolaires terre-neuviens; or, cette disposition leur donnera désormais le droit d'y siéger et également le droit de faire observer leur religion dans les écoles, n'est-ce pas?
L'hon. Roger Grimes: Tout à fait, cela ne fait aucun doute. Ce que l'ensemble des Terre-Neuviens espèrent et attendent, c'est l'adoption de cette clause particulière qui nous permettra ensuite de passer à l'étape suivante, c'est-à-dire de faire élire pour la première fois un conseil scolaire à Terre-Neuve et au Labrador qui soit entièrement non confessionnel.
Le sénateur William Rompkey: Cela s'applique-t-il aussi à l'Île-du-Prince-Édouard?
L'hon. Roger Grimes: L'Île-du-Prince-Édouard compte actuellement des conseils scolaires élus non confessionnels. On ne parle jamais là-bas de confessions.
Le sénateur William Rompkey: Mais les parents ont-ils...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Un rappel au règlement.
Le sénateur William Doody: Monsieur le président, en toute équité, nous avons tous été limités à une seule question. Votre indulgence nous permet parfois de voir une petite...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Vous avez tout à fait raison.
Le sénateur William Doody: Je comprends bien le point de vue du sénateur Rompkey, puisque nous pouvons interroger aussi longtemps que nous le souhaitons les témoins qui comparaissent aux comités sénatoriaux. Toutefois, j'avais cru comprendre que nous avions opté ici pour les règles des comités de la Chambre des communes.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Vous avez tout à fait raison, sénateur Doody, et je vais donc devoir rappeler le comité à l'ordre, tout en étant sensible au fait que le sénateur Rompkey manifeste une certaine passion pour cette question. Il est très instruit en bien des matières, mais...
Le sénateur William Doody: C'est un homme passionné.
Des voix: Oh, oh!
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Nous poursuivons avec le sénateur Kinsella.
Le sénateur William Rompkey: Je n'ai pas droit à une question supplémentaire?
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Non. Avouez, sénateur, que vous avez déjà eu droit à quelques questions supplémentaires. S'il nous reste du temps à la fin, nous retournerons à vous.
Le sénateur William Rompkey: Est-ce une promesse?
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Oui, c'est une promesse.
Le sénateur William Rompkey: Merci.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Sénateur Kinsella, à vous la parole.
Le sénateur Noel Kinsella: Merci, monsieur le président. Je pourrais peut-être aider le sénateur Rompkey, puisque mes questions vont dans le même sens que les siennes.
Monsieur le ministre, lorsque vous avez répondu plus tôt à une autre question, vous avez parlé du cours de religion du gouvernement, pour le distinguer des autres cours de religion qui pouvaient émaner d'autres milieux, comme vous l'avez expliqué à la page 14 de votre mémoire. Si j'ai bien compris votre réponse, vous avez dit que cela constituerait une expérience tout à fait unique en Amérique du Nord, puisque nulle part ailleurs en Amérique du Nord—comme l'a d'ailleurs confirmé le ministre Dion lorsque je lui ai demandé—on ne trouve un gouvernement qui mette sur pied lui-même un cours de religion.
Pouvez-vous confirmer qu'effectivement, on ne trouve nulle part ailleurs de gouvernement qui offre un cours de religion?
L'hon. Roger Grimes: Pas que nous le sachions.
Le sénateur Noel Kinsella: Dans ce cas, ne conviendrez-vous pas qu'il nous faut faire extrêmement attention puisque cette résolution représente un amendement constitutionnel? Si les législateurs estiment qu'il y a eu erreur, il est toujours possible de modifier la loi en suivant la démarche législative classique, que ce soit au Parlement ou dans votre Assemblée législative à vous.
• 1900
Mais il s'agit bel et bien d'un amendement constitutionnel, et
on a l'impression que depuis deux ans, on cherche à amender la
Constitution aussi fréquemment que s'il s'agissait d'un règlement
municipal. Toutefois, comme il n'y a aucun autre précédent, d'après
ce que vous dites et d'après ce qu'a affirmé le ministre Dion, et
qu'aucun autre gouvernement n'a jamais offert de cours en éducation
religieuse, il faut au départ bien définir les tenants et les
aboutissants. Nous ne pouvons pas dire que c'est dans l'intérêt de
tous. Par conséquent, dans la foulée de la question du sénateur
Rompkey qui portait sur l'observance de pratiques religieuses et
puisque l'article 17(3) affirme que ces pratiques peuvent être
observées à la demande des parents...
Le sénateur William Rompkey: Non, on parle d'une obligation.
Le sénateur Noel Kinsella: Cela doit être permis, à la demande des parents. La Constitution du Canada donnera donc aux parents le droit fondamental de demander l'observance de pratiques religieuses laquelle doit être permise par l'État.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Sénateur Kinsella, je suis sûr que vous avez une question à poser.
Le sénateur Noel Kinsella: Vous avez tout à fait raison. La voici: pourquoi ne pas utiliser le même modèle qu'a la clause 17(3) pour dispenser les cours d'instruction religieuse? Autrement dit, quand les parents le demandent, ce qu'en fait vous reconnaissez comme étant votre politique à la page 14 de votre mémoire. Accepteriez-vous que l'on propose en toute bienveillance un amendement en ce sens?
Le sénateur William Rompkey: De façon constructive.
L'hon. Roger Grimes: Merci de votre question, sénateur. J'espère, monsieur le président et mesdames et messieurs du comité, que vous m'accorderez quelques minutes pour répondre, puisque cette question a fait l'objet d'un débat très intense à Terre-Neuve et au Labrador, lorsque nous nous sommes demandé comment nous allions présenter cette demande particulière à la population, puis au gouvernement du Canada.
L'idée d'avoir soit un cours d'instruction religieuse de type générique garanti par la clause 17(2) qui porte que l'on doit offrir des cours de religion qui ne visent pas une religion en particulier... Voilà pourquoi, monsieur le président, j'ai fait allusion au document supplémentaire que nous avons distribué, étant donné que le premier ministre l'a mentionné lui-même le soir où il a déclenché le referendum. Il en a donc parlé et il voulait qu'il soit bien compris que l'instruction religieuse qui serait garantie dans la Constitution ne viserait aucune religion en particulier.
Si je comprends bien la question du sénateur, il se demande pourquoi les parents ne pourraient pas demander des cours d'instruction religieuse catholique romaine, quitte à les organiser eux-mêmes.
Toute notre réflexion découlait de l'affaire actuellement devant les tribunaux et de l'injonction, et tous les conseils que nous avons reçus s'inspiraient de la même logique: à savoir que si notre gouvernement devait demander au Parlement du Canada d'inscrire cette procédure dans la Constitution, et si en vertu de cette même Constitution, on pouvait demander un cours qui ne visait aucune religion en particulier, nous devions être prêts en tant que gouvernement à en accepter les conséquences, comme le signalait le juge Barry.
Comme nos conseillers juridiques nous avaient affirmé que cela pourrait avoir pour conséquence d'établir le droit pour des écoles d'offrir des cours de religion confessionnelle, les tribunaux stipuleraient en conséquence que dès lors que l'on offre des cours de religion catholique romaine ou des cours de religion pentecôtiste, il fallait s'attendre à ce que parents et conseils scolaires réclament que ces cours ne soient enseignés que par des enseignants soit de religion catholique, soit de religion pentecôtiste ou par des enseignants d'écoles intégrées.
Il y avait une chose dans toute cette affaire, qui rebutait les habitants de notre province et qu'ils n'acceptaient pas: c'était l'idée qu'il deviendrait possible d'embaucher et de licencier des enseignants en se fondant sur leur appartenance religieuse et non sur leur formation, leur compétence, leur mérite et leurs aptitudes. Par conséquent, afin d'empêcher qu'il soit possible qu'un enseignant puisse un jour être légitimement embauché ou renvoyé à cause de son appartenance religieuse—nous avons décidé d'écarter cette possibilité après mûre réflexion.
• 1905
D'ailleurs, les représentants de différentes confessions
religieuses contestaient cette disposition, de même que les
citoyens que nous avons rencontrés lors de réunions publiques, et
aussi les membres de notre propre caucus, ainsi que les députés à
notre assemblée législative.
En fin de compte, nous avons été convaincus que nous ne voulions pas adopter une disposition constitutionnelle qui, comme le laissait entendre le sénateur, permettrait éventuellement d'embaucher et de renvoyer un enseignant à cause de sa religion, et tout cela sous prétexte que la Constitution le permettait. Cette façon de faire ne cadre pas avec la nouvelle vision mise de l'avant et embrassée par Terre-Neuve et le Labrador. Voilà pourquoi nous avons rejeté cette disposition.
Je vous remercie de m'avoir donné le temps de vous répondre.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci, monsieur le ministre. Nous passons maintenant à M. McGuire.
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai deux questions.
D'abord, je suis curieux de savoir comment cela s'est passé en 1949. Pourquoi les Pères de la Confédération ont-ils choisi les écoles confessionnelles plutôt que les écoles confessionnelles publiques? Pourquoi le choix n'a-t-il pas été fait à ce moment-là?
Ma deuxième question reprend essentiellement celle que tous ont posée ici: comment peut-on concevoir un cours de religion qui soit acceptable pour tous, particulièrement dans une collectivité pluriconfessionnelle, et que tous les parents pourraient approuver? Il faudrait que ce soit un enseignement non dogmatique. Vous dites qu'aujourd'hui les gens embauchent leurs propres enseignants. Ils se remettent à embaucher des enseignants en fonction de leur religion plutôt que de leur compétence.
Je ne sais pas comment cela pourrait fonctionner mais il est clair que la population de Terre-Neuve a voté en faveur de cette option. J'aimerais obtenir d'autres éclaircissements, si possible, sur la possibilité d'offrir un cours de religion qui soit non confessionnel et qui puisse satisfaire suffisamment de parents pour que l'on puisse passer de la théorie à la réalité.
Cela semble bien à première vue, mais il y a tant de collectivités et d'écoles et si l'on faisait un sondage école par école alors chacune choisirait le cours qu'elle préfère. J'imagine que c'est ainsi que les choses se passeraient, mais je me trompe peut-être.
Pourriez-vous me fournir des éclaircissements sur ces deux points?
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Monsieur le ministre, voulez-vous répondre?
L'hon. Roger Grimes: Je vous remercie de ces questions, monsieur McGuire, je répondrai d'abord à la deuxième.
Il ne s'agira pas de poser la question à chaque école tour à tour. Un cours d'enseignement religieux, actuellement en préparation, sera offert dans chaque école. Ce sera le même cours qui sera offert en 2e année dans toutes les écoles de la province. Au niveau de la 9e année, c'est encore le même cours qui sera offert dans toutes les écoles de la province qui ont une classe de 9e.
Le cours ne variera pas selon la localité. Il s'agira pour tous du cours fourni conformément à la Constitution et élaboré par les responsables du programme d'études. Ce travail est déjà en cours.
Il y a ensuite la question de savoir comment nous allons nous y prendre. J'ai dit plus tôt que cela reste pour nous le plus grand défi à relever. Nous cherchons actuellement la solution.
Pour vous expliquer un peu la démarche que nous avons adoptée, nous devons d'abord essayer de voir quels sont les attentes et les résultats souhaités. Essentiellement, le comité part d'une affirmation générale selon laquelle ceux qui suivent le cours et obtiennent leur diplôme après 13 années d'exposition à ce programme d'enseignement religieux feront preuve de compréhension et d'appréciation pour le rôle des systèmes de croyances religieuses dans l'adoption de valeurs morales et l'acquisition de comportements moraux. C'est une affirmation très générale. Il n'y est question d'aucune confession particulière ni d'aucune croyance. Voilà le défi que doivent relever les auteurs du cours.
J'ai dit déjà deux ou trois fois au comité que ce qui est étonnant à Terre-Neuve et au Labrador, c'est que les cours offerts actuellement dans nos écoles intégrées ressemblent énormément à cela. Les cours offerts dans nos écoles catholiques romaines et pentecôtistes, dans de nombreux cas, ressemblent énormément à cela. Il s'agit de religions comparatives et de systèmes de valeurs plutôt que de l'enseignement de dogmes et de doctrines.
Il faudra cependant éliminer tous les éléments du cours qui touchent aux dogmes ou à la doctrine. Ils ne seront pas enseignés dans des cours parrainés par le gouvernement pour reprendre l'expression d'un sénateur.
Voilà ce qu'il en est. Nous y travaillons. Nous sommes confiants d'être en mesure d'offrir ce cours pour la prochaine rentrée scolaire, si la modification est adoptée.
Quant à votre question sur la décision prise en 1949, je signale pour la gouverne du comité, qu'à l'époque la quasi-totalité des écoles de Terre-Neuve et du Labrador étaient des écoles confessionnelles d'un genre ou d'un autre. Au moment de la Confédération, nous avons tout simplement ajouté une modification constitutionnelle qui garantissait les droits existants à l'époque dans la province.
À l'époque, il n'a pas été question à Terre-Neuve ou au Labrador, si ma mémoire est fidèle, d'envisager de transformer toutes nos écoles en écoles publiques, comme celles qui existaient ailleurs au Canada, advenant l'union au Canada ou alors... Il s'agissait tout simplement d'enchâsser dans la Constitution ce qui existait à ce moment-là, ou encore... Il s'agissait tout simplement de garantir dans la Constitution ce qui existait à ce moment-là.
Le débat a franchi trois étapes dans la province. Il y a eu un important débat au milieu des années 60 entourant les travaux d'une commission royale suivi d'un processus d'intégration où certaines des confessions se sont regroupées volontairement. Maintenant, dans les années 90, nous demandons au gouvernement du Canada de modifier la Constitution pour que nous puissions mettre en place un système scolaire unique. Mais en 1949, la population de la province ne s'est pas interrogée sur l'opportunité d'avoir un système public ou un système confessionnel. On a inscrit tout simplement dans la Constitution du Canada ce qui existait à ce moment-là à Terre-Neuve et au Labrador.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci, monsieur le ministre. Il nous reste environ 20 minutes pour poser des questions à ce témoin. Toutefois, nous avons déjà eu d'importantes interruptions qui échappent au contrôle des membres de ce comité. Monsieur le ministre, si votre emploi du temps vous le permet, nous vous demanderions de rester quelques minutes de plus pour compenser les interruptions.
Nous avons M. Harris qui attend en coulisse. À la dernière ronde de questions participeront M. Kenney, le sénateur Doody, Mme Finestone, Mme Folco, M. Pagtakhan et, bien sûr, M. DeVillers qui ont tous signifié leur intention de poser des questions à ce témoin. Je vais donc demander aux membres du comité, non pas parce que je veux limiter le débat mais plutôt parce que je veux permettre à tous les membres de poser des questions, de n'en poser qu'une seule au témoin.
Monsieur Kenney.
M. Jason Kenney: Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir sur un thème qui a dominé cette ronde de questions, à savoir quel enseignement religieux est garanti dans la nouvelle clause 17 modifiée.
Je me mets à la place d'un profane lisant la question posée aux électeurs de Terre-Neuve le 2 septembre: «Appuyez-vous l'idée d'un système scolaire unique»... «qui prévoit un enseignement religieux et qui permettrait l'observance d'une religion de son choix» et j'en aurais probablement déduit que l'enseignement religieux signifie l'enseignement religieux au sens classique, c'est-à-dire l'enseignement d'une religion.
Ce soir, vous nous avez dit que l'enseignement religieux au gré de l'État, qui ne correspondrait pas aux croyances d'une confession particulière, ne serait pas réellement un enseignement religieux. Si j'ai bien compris vos commentaires, ce sera un genre de syncrétisme allié à un relativisme moral ou en quelque sorte un cours sur les valeurs morales. Je crois que bien des gens qui pratiquent une religion jugeront qu'en toute conscience ils ne peuvent pas assujettir leurs enfants à ce genre d'enseignement qui ne serait pas compatible avec leurs croyances religieuses. Ainsi, ce qui est réellement préoccupant ici c'est le contenu du cours.
J'aimerais que vous nous expliquiez ce qui vous amène à croire que ce genre de cours vague, syncrétiste, destiné à identifier les valeurs morales ait un rapport quelconque avec la religion ou à l'enseignement religieux classique. Je ne vois absolument pas le lien. J'ai moi-même étudié toute cette question de l'enseignement religieux et je ne vois pas comment vous pouvez parler ici d'enseignement religieux. Il s'agit de toute autre chose.
L'hon. Roger Grimes: Merci. Je ne conteste pas la validité de votre évaluation. Il ne s'agit manifestement pas d'un enseignement religieux au sens classique. Le premier ministre de la province a voulu que ce soit parfaitement clair le soir où il a annoncé la tenue d'un référendum.
Si vous voulez bien vous reporter à l'information supplémentaire jointe au texte du discours de l'honorable Brian Tobin concernant le référendum sur la réforme de l'éducation, 19 h, le 31 juillet 1997, à la page 6, au premier paragraphe, il mentionne qu'il sera possible de prévoir un enseignement religieux et d'observer les pratiques religieuses de son choix. Il s'agissait d'un discours télédiffusé dans toute la province et ce fait a été réitéré par le premier ministre, par moi-même, par d'autres ministres et d'autres députés ministériels dans toute la province pendant tout le mois qu'a duré la campagne référendaire.
Disons clairement ce que cela signifie. Cela signifie que tous nos étudiants pourront recevoir un enseignement religieux fondé non sur une confession déterminée, mais sur un programme de cours approuvé et destiné à tous nos étudiants. Nous voulions simplement préciser qu'il ne s'agissait pas d'enseignement religieux traditionnel, comme celui offert aux catholiques ou pentecôtistes, etc. Il s'agissait plutôt d'un cours général.
• 1915
Ce qui pour nous rend cette mesure parfaitement acceptable à
Terre-Neuve et au Labrador, c'est qu'il sera toujours garanti, dans
la Constitution, que cet enseignement sera offert. Mais comme c'est
déjà le cas à Terre-Neuve et au Labrador, personne n'est obligé d'y
participer s'il estime que cela ne répond pas à ses besoins et
qu'il ne peut y souscrire. Comme c'est le cas aujourd'hui, si les
gens ne sont pas satisfaits du contenu... à l'heure actuelle, dans
certaines écoles, la moitié des étudiants n'assistent pas aux cours
d'enseignement religieux parce qu'ils ont le droit d'en être
dispensés. Cela sera encore possible. Le cours sera offert, mais si
les parents estiment que l'enseignement ne répond pas aux besoins
de leurs enfants ou qu'ils veulent quelque chose de différent, ils
pourront exercer leur droit et leurs enfants seront dispensés des
cours.
Ce système n'impose donc rien à personne. Il existe, mais s'il ne répond pas aux besoins de certains parents, leurs enfants pourront être dispensés d'assister aux cours d'instruction religieuse.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Monsieur Kenney, vous disposez de 30 secondes pour poser une question supplémentaire.
M. Jason Kenney: Monsieur le président, ce que je trouve choquant, entre autres, dans tout ce débat, c'est la façon dont les partisans de la modification, y compris le premier ministre, dans son discours du 31 juillet, dressent les parents contre leurs Églises. Le premier ministre a dit dans son discours:
-
Ce que nous proposons tout simplement, c'est que les parents, et
non les Églises, exercent le droit ultime et la responsabilité
d'orienter l'éducation de leurs enfants.
Ne convenez-vous pas, monsieur le ministre, que bien des parents appartiennent à des minorités qui s'opposent à cette modification souhaitent peut-être avoir le choix de confier cette responsabilité à l'Église? Ils ne voient pas de conflit entre leur responsabilité et celle de l'Église en matière d'éducation. Ils estiment que cette responsabilité est partagée et que si cette modification est adoptée, les parents seront privés à tout jamais de ce choix qui consiste à confier à l'Église la responsabilité d'orienter l'éducation de leurs enfants.
L'hon. Roger Grimes: Il ne fait aucun doute que c'est cela même qui a motivé cette demande de modification. La population de la province a voté à 73 p. 100 en faveur d'une proposition indiquant qu'elle ne veut plus que les Églises dirigent les écoles. Ils veulent que la religion demeure dans les écoles, mais qu'elle soit offerte par le truchement du gouvernement, par le service des programmes de cours du ministère de l'Éducation. S'ils ne sont pas satisfaits du cours, ils ne sont pas obligés d'y participer. Ils peuvent demander un programme de cours différent et ce sera au conseil scolaire de trancher la question. Il ne s'agira pas d'un droit constitutionnel.
La situation à Terre-Neuve et au Labrador atteste un changement fondamental que nous demandons au gouvernement d'appuyer. Il s'agit d'une nouvelle orientation. Les Églises ont toujours dirigé la totalité des écoles. Le régime a évolué de 1949 à 1997 et, grâce à une série de mesures politiques dans la province, la population a déclaré dans une proportion de 73 p. 100 qu'elle ne voulait plus que les Églises assument la direction des écoles et de l'éducation offerte dans la province.
Cette même population souhaite cependant que soit offert dans les écoles un enseignement religieux quelconque, et c'est pourquoi nous avons inclus dans la proposition le paragraphe 17(2), au sujet de l'enseignement religieux, et le paragraphe 17(3), qui garantit un droit constitutionnel à l'observance de pratiques religieuses dans les écoles. Personne ne pourra empêcher les gens d'exposer une crèche de Noël, de célébrer Pâques ou d'organiser d'autres activités s'ils le veulent. Tout ce que nous demandons, c'est de changer l'orientation, d'adopter une nouvelle vision, et la population de la province a accepté...
M. Jason Kenney: ... qu'on retire ce choix aux parents.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Sénateur Doody.
Le sénateur William Doody: Monsieur le président, plus j'entends la discussion cet après-midi, plus je suis terrifié. Il semble que nous fassions un pas de géant à reculons. En Chine, Mao pensait que l'État devait choisir la religion et décider des matières à enseigner.
Les parents peuvent participer, si l'État le juge commode, mais il n'est pas obligé de le leur permettre. Les étudiants peuvent être consultés ou non, mais c'est à l'État d'en décider. Quelques bureaucrates anonymes au ministère de l'Éducation ou à quelque autre ministère—ce sera peut-être même un ministère de la religion, je n'en sais rien—dictera le programme d'études en ce qui concerne l'enseignement religieux. Et il ne s'agira pas d'enseignement religieux au sens où je l'entends. Ce sera une sorte de cours de morale—et il n'y a rien de mal à la morale—ou un cours de philosophie ou tout autre programme conçu par les bureaucrates du ministère. Ce n'est certainement pas ainsi que les enfants de Terre-Neuve ont été élevés dans le passé, sur le plan des croyances religieuses et des valeurs morales.
• 1920
C'est une innovation complètement radicale. Le ministre a
dit—et je le félicite de sa franchise—qu'il s'agissait d'une
nouvelle vision. La nouvelle vision me semble être un nouveau mode
de pensée ou «1984» en folie.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Sauf le respect que je vous dois, sénateur, il faut vraiment adresser une question précise à ce témoin.
Le sénateur William Doody: J'y arrive, monsieur.
Le ministre peut me reprendre si je fais erreur, mais il me semble que cette absence d'enseignement religieux précis vise à protéger les enseignants. La mesure dit qu'ils ne seront plus tenus d'enseigner une religion donnée et qu'ils seront protégés par cette nouvelle loi ou cette nouvelle modification. N'incombe-t-il pas plutôt aux législateurs de protéger les enfants, la moralité du pays et les moeurs futures de la population? Les parents n'auront-ils plus du tout leur mot à dire à ce sujet?
Avant tout, monsieur le président, sauf votre respect, pourquoi inscrit-on cette mesure dans la Constitution? Pourquoi n'est-elle pas dans la Loi de Terre-Neuve sur les écoles? Pourquoi devons-nous constitutionnaliser le fait que des religions spécifiques ne seront plus enseignées dans les écoles? Sommes-nous vraiment devenus aussi anti-religieux?
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je vous demanderai de bien vouloir répondre à la question.
L'hon. Roger Grimes: Merci, monsieur le coprésident.
Je crois avoir déjà répondu à cette question dans ma réponse à une autre question qui était dans la même veine, c'est-à-dire pourquoi ne pourrait-on pas offrir des cours concernant certaines religions précises. J'ai donné des détails au sujet du fait que d'après les avis juridiques reçus—et le sénateur l'a bien dit—nous nous retrouverons dans une situation où les tribunaux diront certainement que si nous garantissons dans la Constitution le droit à ces cours dans certaines religions précises, nous devons nous attendre à ce que les conseils scolaires et d'autres groupes s'attendent à obtenir le droit de choisir des enseignants d'une certaine religion pour enseigner ces cours, étant donné l'histoire et la tradition de Terre-Neuve et du Labrador.
Nous ne voulons pas que cela se produise et ce n'est pas ce qui est proposé. On en a discuté longuement dans la province de Terre-Neuve et du Labrador au cours de la période référendaire. Il s'en est suivi le résultat que nous avons connu.
En ce qui concerne le programme d'enseignement religieux général offert par l'État, comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, c'est le défi auquel nous avons encore à faire face. Lorsque nous en avons discuté à Terre-Neuve et au Labrador au cours du référendum pendant l'été, le premier ministre, d'autres et moi-même avons dit à la population que nous allions peut-être nous retrouver comme la population du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard où il n'y a pas du tout d'enseignement religieux, il n'y a même pas de programme d'enseignement religieux conçu par l'État.
Je ne suis pas certain que le sénateur ou quelqu'un d'autre oserait dire que les enfants d'âge scolaire dans les autres provinces atlantiques sont épouvantables, terribles, dénués de sens moral, de sentiments religieux, parce qu'ils n'ont pas eu d'enseignement religieux dans une religion précise dans leurs écoles. Nous n'y voyons pas une menace pour la population de Terre-Neuve et du Labrador, ni un obstacle à la capacité des parents et des Églises de continuer de nourrir la grande foi et les croyances religieuses auxquelles tiennent énormément toutes les familles et tous les particuliers.
S'ils ne trouvent pas utile et valable d'avoir dans les écoles un programme d'enseignement religieux sanctionné par l'État et de nature plus générale, nous pensons qu'il est bien préférable qu'ils puissent s'en retirer plutôt que de les forcer à y être exposés même s'ils ne le veulent pas. Nous pensons qu'il y a beaucoup plus d'avantages que d'inconvénients au changement très radical que représente cette demande de modification constitutionnelle.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Je demanderais à Mme Finestone si elle peut poser une question.
L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup. Nous avons un témoin qui sait bien s'exprimer. Il présente un argument très convaincant, que je trouve parfaitement acceptable, mais il y a quelque chose que j'aimerais comprendre.
Essentiellement, vous parlez de valeurs religieuses, mais moi j'estime que ce sont des valeurs morales que vous enseignerez. J'espère qu'une partie de cet enseignement portera sur la Constitution canadienne, qui nous donne un très bon fondement pour un système de valeurs qui fait l'envie d'un grand nombre de pays, à mon avis.
Je voudrais savoir si des établissements du secteur privé qui peuvent offrir des cours de religion auront le droit de le faire, qu'il s'agisse d'établissements catholiques, pentecôtistes ou autres. Envisagera-t-on de subventionner le volet enseignement de ces établissements, qui ferait partie du volet éducatif fondamental du système scolaire?
• 1925
En d'autres termes, si je décidais d'envoyer mon enfant dans
une école catholique ou pentecôtiste où l'ambiance religieuse me
conviendrait mieux à titre de parent, on y offrira bien sûr le
programme d'enseignement obligatoire dans les écoles, sauf pour
l'aspect moral—ou ce que vous appelez l'aspect religieux—les
crédits gouvernementaux y suivront-ils l'enfant afin de faire en
sorte que ces écoles obtiennent aussi une sorte d'appui financier
pour la partie de l'enseignement qui est offert dans l'ensemble de
la province?
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Monsieur le ministre.
L'hon. Roger Grimes: Je vous remercie encore de cette question. Vous avez soulevé un sujet très important. Il n'y a rien aujourd'hui à Terre-Neuve ou au Labrador qui empêche l'établissement d'écoles privées.
De fait, nous avons une école baptiste privée à Terre-Neuve et au Labrador. Nous avons aussi une école adventiste privée. Ces groupes avaient des droits en vertu de la clause 17. Ils ont apporté ces droits avec eux en 1949.
Cette année, le conseil scolaire dans lequel se trouvait l'École adventiste du septième jour a décidé de fermer cette école à cause du manque d'élèves. Les parents ont décidé eux-mêmes de la garder ouverte en tant qu'école adventiste. C'est tout à fait permis en vertu de la loi actuelle. Ils ont demandé l'aide financière du gouvernement, qui a refusé. Le gouvernement a toujours refusé d'aider financièrement toute école privée à Terre-Neuve et au Labrador.
Cependant, il s'agit d'un débat politique. Il s'agit d'une position législative que peut adopter un gouvernement à n'importe quel moment. Si un autre gouvernement voulait se faire élire à Terre-Neuve et au Labrador en promettant de financer des écoles privées, il est libre de le faire.
Rien dans la clause 17 n'empêcherait le gouvernement de financer des écoles privées, mais pour répondre directement à la question, monsieur le coprésident, en ce qui concerne le gouvernement en place, lorsqu'on lui a demandé s'il accorderait une aide financière à l'une ou l'autre des écoles privées de Terre-Neuve et du Labrador, la réponse a été non—et je crois savoir qu'elle continuera d'être la même. Les gens ont le droit d'établir leurs écoles et ils peuvent obtenir la permission de les diriger en vertu de la loi actuelle et de la Constitution actuelle. Nous sommes heureux que des gens le fassent s'ils estiment que c'est dans le meilleur intérêt de leurs enfants, mais il n'y aura aucune subvention du gouvernement pour les écoles privées à Terre-Neuve et au Labrador.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Je demanderai maintenant à Mme Folco de poser ses questions.
Je signale aux membres du comité que même si son nom ne figurait pas sur la liste, Mme Dockrill voudrait poser une question. Par souci d'impartialité, je vous rappelle donc que la liste contient les noms suivants: Mme Folco, Rey Pagtakhan, M. DeVillers et Mme Dockrill.
Je m'en remets aux membres du comité, mais accepteriez-vous qu'après la question de Mme Folco, nous demandions à Mme Dockrill de poser la sienne, pour la simple raison que le Nouveau Parti démocratique n'en a encore posé aucune? Y consentez-vous?
Des voix: Bien sûr.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Madame Folco.
[Français]
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Monsieur le ministre, si j'ai bien compris le portrait que vous nous avez fait des écoles qui vont peut-être se développer à Terre-Neuve et au Labrador, on prévoit trois possibilités pour toute école quant à l'enseignement de la religion. En premier lieu, il y aurait ce que j'appellerais des cours d'éducation aux religions. Il pourrait y avoir à côté, à la demande de parents à la commission scolaire, des cours spécifiques à une religion. Il pourrait y avoir aussi des élèves qui ne suivraient aucun cours de religion. Si j'ai bien compris, il y a ces trois possibilités et ces trois possibilités peuvent se réaliser à l'intérieur d'une même école, cela étant une hypothèse tout à fait réaliste. Est-ce que vous pourriez me dire si tel est le cas, parce que ça me permettra de poser d'autres questions par rapport à cela?
[Traduction]
L'hon. Roger Grimes: Madame Folco, je ne crois pas du tout que vous ayez mal présenté la situation. Je crois que c'est une évaluation exacte.
Le cours de religion général offert par le ministère serait disponible dans toutes les écoles. Les élèves eux-mêmes choisiraient d'y participer ou non. La Constitution garantit que ce cours sera offert. C'est aux parents et aux étudiants de décider d'y participer ou non.
Deuxièmement, comme vous le dites, les parents pourront demander un cours dans une religion en particulier.
[Français]
Mme Raymonde Folco: C'est là le but de ma question, monsieur le ministre, si vous permettez que je vous interrompe. Est-ce qu'on pourrait avoir une situation où, dans une même école, des parents de religions différentes demanderaient à la commission scolaire d'avoir leur propres cours de religion? À ce moment-là, on pourrait se retrouver dans une situation où il y aurait des enfants qui suivent des cours de religion catholique romaine, d'autres qui suivent des cours de religion juive et ainsi de suite. Est-ce que c'est une possibilité? Dans l'affirmative, existe-t-il des protections pour les parents qui le demanderaient et à qui une commission scolaire répondrait qu'elle n'a pas les moyens de le faire et que cela diviserait trop l'école? Quelles seraient les défenses ou assurances qu'on pourrait avoir afin d'être sûr que tous les parents aient accès à ce qu'ils demandent à la commission scolaire en matière d'enseignement religieux?
L'hon. Roger Grimes: Merci encore une fois, madame Folco.
Pour vous répondre brièvement, je dirai «aucune». Les parents n'auront aucune garantie qu'ils pourront avoir accès aux cours qu'ils auront demandés.
Ils peuvent toujours demander. C'est le conseil scolaire qui décidera s'il est possible sur le plan administratif de le faire ou non. En vertu de la présente proposition, les parents n'auront pas le droit constitutionnel d'exiger un cours d'enseignement religieux dans une religion précise.
Leurs choix seront les suivants: participer au cours qui sera offert, et qui sera le même dans toutes les écoles, ne pas participer, ou demander—il faudra demander la permission—que deux ou trois différents cours d'enseignement religieux soient offerts en même temps dans une école. Le conseil scolaire et les administrateurs décideront s'ils peuvent ou non accéder à la demande, compte tenu de leurs effectifs et des ressources disponibles, ainsi que de la population étudiante.
Dans les plus grandes écoles, si l'on dispose du personnel et des ressources nécessaires, entre autres, et si c'est pratique, le conseil scolaire pourra donner la permission. Mais aucun parent ne pourra invoquer la clause constitutionnelle ou nos lois qui en découleront pour dire que leurs enfants ont droit à l'enseignement de la religion catholique romaine dans leur école. Il n'en sera pas ainsi.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous allons maintenant passer à Mme Dockrill.
Mme Michelle Dockrill (Bras d'Or, NPD): Monsieur le ministre, comme certains de mes collègues, j'ai vraiment de la difficulté à accepter ce concept des cours de religion, et plus particulièrement d'un cours de religion général. Je vous entends parler plutôt d'un programme d'enrichissement des valeurs.
Ma question comporte deux volets. Lorsque vous parlez d'un cours de religion, premièrement, j'aimerais savoir quels éléments de religion y entreraient pour en faire un cours de religion. En outre, qui prendra la décision?
Étant donné les religions variées qu'on pratique actuellement dans notre société, qu'est-ce qui en fera un cours de religion? Je vous entends parler plutôt d'un programme d'enrichissement des valeurs, et c'est cette expression que j'accepterais plus facilement plutôt que de parler d'un cours de religion.
L'hon. Roger Grimes: Merci, madame Dockrill.
C'est exactement là la question, probablement. Au cours de l'histoire du développement du système scolaire de Terre-Neuve et du Labrador, on avait des écoles établies et dirigées en écoles confessionnelles, où l'on enseignait une religion donnée. C'est ainsi qu'on a toujours décrit le système.
Ce que j'ai essayé d'expliquer aux membres du comité concerne les cours de religion dans le cas d'une école catholique romaine. Un coup d'oeil à l'histoire de Terre-Neuve et du Labrador nous porte à penser qu'on y était très dogmatique et qu'on voyait les choses du point de vue de la religion catholique.
Aujourd'hui, à Terre-Neuve et au Labrador, on offre surtout un cours de valeurs morales assorti d'un cours de religion comparée. Nous n'avons donc plus le genre de cours d'instruction religieuse qu'on avait à l'école il y a 30 ans. Il y a eu évolution.
Donc ce type de cours de religion plus générique comme nous l'appelons, c'est ce qu'on trouve dans le système aujourd'hui, autant dans les écoles intégrées que dans les écoles catholiques et pentecôtistes. On s'attend à offrir les éléments de ce cours dans toutes les écoles de Terre-Neuve et du Labrador, et ce sera le cours d'instruction religieuse du ministère de l'Éducation.
Ce cours est offert presque partout maintenant. Les gens de la province s'attendent à ce que ces cours soient offerts à tous les niveaux du système intégré parce qu'il y a aujourd'hui quatre confessions diverses qui collaborent à la facture d'un cours d'instruction religieuse qu'elles trouveront toutes acceptable. Ce cours, assorti des quelques modifications apportées par les experts pédagogiques en consultation avec les autres Églises, si elles veulent y participer, sera celui qu'on offrira dans les écoles en septembre 1998.
• 1935
Donc, comme je l'ai dit plus tôt, nous avons reconnu que
c'était là le défi le plus important qui nous attendait à
Terre-Neuve et au Labrador si l'on adopte la modification à la
clause 17 que nous demandons.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Je cède la parole à M. Pagtakhan.
M. Rey D. Pagtakhan: Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, étant donné que la question porte sur la religion, je pense qu'il faut que ce soit la religion telle qu'elle est comprise par la société de Terre-Neuve. Je sais que cela peut causer des problèmes, mais je pense que c'est la question qu'on a posée.
Si je comprends bien le paragraphe 17(2) de la modification, si les cours d'instruction religieuse ne sont pas propres à une confession en particulier, cela veut-il dire qu'il s'agit de cours communs à plusieurs confessions, et que l'on pourrait dès lors considérer qu'on s'est acquitté de cette obligation?
L'hon. Roger Grimes: Voilà encore le défi qui nous attend si nous voulons maintenir l'équilibre voulu. Si les gens sont intransigeants quant au contenu de ce cours, et qu'ils s'opposent au contenu générique que l'on trouve dans le cours dispensé dans nos écoles aujourd'hui, il se peut alors que les discussions se poursuivent, qu'il y ait dialogue et même contestation, et il se peut que certains groupes ne soient pas satisfaits du cours qu'on va offrir dans les écoles. Nous continuerons alors, et nous laisserons le cours évoluer avec le temps. Nous avons la conviction que la nature générale du cours qui existe dans le système intégré aujourd'hui, déjà depuis quelques années, cours qui est générique et très ouvert par nature, qui prend en compte toute la question des valeurs, de questions d'ordre moral et ce genre de choses, et qui fait aussi intervenir les religions comparées, va satisfaire les parents qui veulent que leurs enfants suivent un tel cours. Si les parents ne le trouvent pas satisfaisant—et le principal avantage dans tout cela, c'est qu'aucun parent n'est obligé de faire suivre à son enfant un cours d'instruction religieuse dont il trouve la description ou le contenu offensant ou insatisfaisant—et à ce moment-là, les parents peuvent retirer les enfants du cours.
M. Rey D. Pagtakhan: Ce qui m'amène à ma seconde question.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Monsieur Pagtakhan, une toute petite question.
M. Rey D. Pagtakhan: Ce qui m'amène à ma seconde question, qui est le contraire de celle que Mme Finestone posait: au lieu de financer tous ces cours, pour toute la classe, disons que le financement va à l'école privée—ce qui pose alors bien sûr une nouvelle question très difficile. Cependant, s'il s'agit simplement de se retirer d'un cours en particulier, le financement de ce cours, si les parents décident de retirer leurs enfants, suivrait-il ce groupe de parents?
L'hon. Roger Grimes: Encore là, pour ce qui est de financer toute personne qui se retire d'un cours et qui s'adresse au système ou à l'extérieur du système pour financer un autre cours, il n'y a rien dans la Constitution ou dans la loi qui empêche le gouvernement de faire une telle chose, mais sur le plan politique, dans la province, nous avons dit franchement aux gens de Terre-Neuve et du Labrador que si c'est bien ce qu'ils veulent, ils devront élire un nouveau gouvernement, car cette proposition n'intéresse nullement le nôtre.
Nous avons donc dit clairement, très clairement même, aux gens de la province: vous pouvez exercer votre droit de refuser d'y participer, mais si vous le voulez, mais si vous tenez absolument à recevoir une instruction religieuse propre à votre confession, que ce soit dans une école régie par un conseil scolaire qui a décidé de ne pas l'offrir, ou que ce soit à votre propre école parce que c'est une priorité pour vous et vos enfants, alors c'est vous qui allez payer, et non les contribuables de la province.
M. Rey D. Pagtakhan: Merci.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur le ministre et M. Pagtakhan.
Je cède la parole à M. DeVillers.
M. Paul DeVillers: Merci, monsieur le président.
Ma question porte sur la différence qu'il y avait entre le premier et le second référendum, soit une augmentation d'environ 20 p. 100 en faveur de la modification. Étant donné que le ministre Dion a dit, et vous aussi je crois, monsieur le ministre, que les changements sont plus radicaux dans cette seconde modification qu'on propose à la clause 17, on a contesté ce soir le libellé de la question et le processus de consultation référendaire lui-même. Étant donné que vous étiez le ministre responsable de l'éducation lors du dernier référendum, j'aimerais savoir comment vous expliquez cette augmentation?
L'hon. Roger Grimes: En deux mots, voici comment j'explique les choses. Les gens étaient plus irrités du fait qu'on essayait de bâtir un système sous les auspices de la clause 17 que nous avons aujourd'hui, que nous avions d'ailleurs demandée au gouvernement du Canada d'adopter en toute bonne conscience, ce à quoi s'ajoutaient les difficultés émanant de l'injonction qui avait été accordée à la demande de deux confessions qui n'étaient pas d'accord avec les décisions qu'avaient prises certains conseils scolaires et qui ont obtenu cette injonction. La combinaison de tout cela a suscité l'irritation que j'ai décrite dans mon allocution liminaire.
Personne à Terre-Neuve et au Labrador n'était heureux du système que nous avions et deux camps se sont alors formés. Il y avait un groupe de gens qui pensaient que le gouvernement avait créé tout un gâchis parce qu'il était allé trop loin et avait retiré certains droits. Un autre groupe pensait que le gouvernement avait causé tout ce gâchis parce qu'il n'était pas allé assez loin et avait conservé trop de droits confessionnels. On a donc senti une volonté d'assainissement, on a vu que les gens voulaient qu'on bâtisse un système d'une façon ou d'une autre.
On s'est vite aperçu au bout de quelques mois que le compromis que nous avions demandé au gouvernement du Canada d'inscrire dans la clause 17 était totalement irréalisable et ne satisfaisait personne.
Voilà pourquoi nous avons demandé aux gens s'il ne valait pas mieux oublier ce compromis—et j'ai été ministre au cabinet du premier ministre Wells—et demander à la place au peuple canadien, par la voie du Parlement du Canada, d'adopter la clause 17 que nous proposons aujourd'hui. Ce libellé émanait de trois années de négociations et de discussions, mais ne reflétait pas ce qui avait été proposé, comme je l'ai dit, dans le rapport de la commission royale.
La commission royale, qui avait procédé à la consultation publique la plus exhaustive jamais entreprise dans la province, était parvenue à la conclusion que les Églises devaient rester à l'écart de l'administration des écoles mais que les influences religieuses positives devaient être conservées.
Ce n'est pas ce que nous avons dans la clause 17 d'aujourd'hui, qui est pour le moment la loi du pays. Les tentatives faites par les conseils scolaires pour s'adapter au système actuel et l'issue de l'injonction, qui a été demandée par deux des confessions qui n'étaient pas satisfaites des décisions de certains conseils scolaires, ont suscité une irritation telle dans la province que les gens réclamaient... le premier ministre provincial l'a bien dit lui-même: ce n'est pas le gouvernement qui impose ça, ce sont les gens qui demandent au gouvernement de faire quelque chose, de régler le problème, parce que le système actuel ne marchait pas, comme il disait.
La solution que le gouvernement proposait va tout à fait dans le même sens que ce que proposait essentiellement la commission royale de 1990-1991, c'est-à-dire de tenir les confessions et les Églises à l'écart de l'administration tout en trouvant un moyen de maintenir des influences religieuses positives dans nos écoles.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Tout à l'heure j'ai dit au sénateur Rompkey que parce que je l'avais interrompu, s'il avait une question de 15 secondes... S'il en n'a pas, très bien.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire au nom du comité, en tant que coprésident du comité, que, sans parler du contenu comme tel de votre exposé, pour ce qui est de votre disponibilité à répondre à ce que j'appellerais une série de questions très ardues, vous vous en êtes très bien sorti en ce sens que vous avez donné au comité une latitude spécifique.
Nous avons maintenant un retard de 15 minutes, et au nom de notre comité, je tiens à vous remercier très sincèrement d'avoir toléré les interruptions et de vous être montré à la hauteur de la situation. Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir jusqu'à Ottawa pour comparaître devant notre comité. Si le comité le juge nécessaire, nous vous réinviterons, si vous le désirez.
L'hon. Roger Grimes: Merci. Je vous remercie de l'occasion qui m'a été donnée de venir vous rencontrer et j'espère que cela aura été utile au comité dans ses délibérations.
Des voix: Bravo, bravo!
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Membres du comité, nous allons maintenant faire une petite pause d'une minute, si vous le permettez. M. Harris attend pour venir témoigner.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Mesdames et messieurs, le comité mixte spécial concernant la modification à la clause 17 des conditions de l'union de Terre-Neuve a le très grand plaisir d'accueillir un invité très distingué, une personne qui, très franchement, a l'entier respect de notre Parlement puisqu'il est lui-même ancien député de St. John's-Est. Je souhaite la bienvenue à M. Jack Harris.
Monsieur, avec tout le respect et la dignité de notre comité, je vous invite à nous présenter votre mémoire.
M. Jack Harris (chef du Nouveau Parti démocratique de Terre-Neuve et du Labrador): Merci, monsieur le coprésident.
Coprésidents et membres du comité, je veux tout d'abord remercier le comité de l'occasion qui m'est donnée et de l'honneur qui m'est fait de venir présenter un exposé et témoigner devant ce comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes dont, comme votre coprésident l'a souligné, j'ai déjà été député, sur une question de grande importance pour la province et les habitants de Terre-Neuve et du Labrador. C'est la deuxième fois en deux ans que la province de Terre-Neuve invoque l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 pour obtenir une modification bilatérale à la Constitution touchant une partie des plus importantes de la constitution de Terre-Neuve, c'est-à-dire les conditions de l'Union entre Terre-Neuve et le Canada.
Étant une modification bilatérale, elle ne touche que le gouvernement du Canada et celui de Terre-Neuve et ne s'applique par conséquent qu'à Terre-Neuve, et elle ne doit pas être considérée comme ayant des conséquences juridiques pour les autres provinces ou territoires. Naturellement—et nous le comprenons—le Parlement du Canada a un rôle légitime à jouer, en fait a même l'obligation, d'examiner et d'améliorer une telle modification. Je suis heureux d'avoir l'occasion de participer à ce processus par ma présence et les instances que je présenterai ici aujourd'hui.
Moi-même et mon parti appuyons la modification et recommandons vivement qu'elle soit adoptée par le Parlement. En tant que chef du Nouveau parti démocratique de Terre-Neuve et du Labrador, j'ai participé à un discours télévisé à la suite de l'annonce du référendum le 31 juillet 1997. En fait, une semaine auparavant j'avais exhorté le gouvernement à tenir un nouveau référendum et j'ai apporté des exemplaires du texte de mon discours télévisé aux membres du comité et j'ai demandé que ce document soit déposé auprès du comité.
J'ai été très heureux de constater qu'une question claire et non équivoque avait été posée lors du référendum, et je suis heureux de voir que la proposition a reçu un appui aussi important, ce qui démontre un consensus général sur une question qui a déjà été si controversée que les politiques de Terre-Neuve et du Labrador, hommes et femmes, ont choisi de ne pas en parler en public. Ceux d'entre vous qui viennent de Terre-Neuve ou qui sont au courant du problème savent que c'est le cas. En fait, le Nouveau Parti démocratique, mon parti, a été le premier à parler publiquement de cette question et à remettre en question le régime d'enseignement confessionnel en raison de ses failles apparentes, c'est-à-dire le gaspillage, le double emploi, l'impossibilité pour les non-croyants de participer, etc.
J'ai été très content de constater qu'en fin de compte, l'Assemblée législative de la province de Terre-Neuve a adopté la résolution par un vote unanime.
• 1950
J'ai par ailleurs apporté une photocopie des Procès-Verbaux du
hansard de l'Assemblée législative de Terre-Neuve du 4 septembre,
à l'intention des membres du comité. On y retrouve l'allocution que
j'ai prononcée devant l'Assemblée législative, et j'aimerais vous
en lire une partie:
-
Ce débat entourant l'éducation dans la province de Terre-Neuve et
plus particulièrement l'administration de l'enseignement se déroule
depuis pas mal de temps. Au cours des cinq dernières années, il
s'est bien sûr intensifié et c'est un débat qui par moment était
difficile et tendu parce que les gens avaient l'impression que leur
mode de vie, leurs croyances, leur capacité à transmettre ces
croyances et ces traditions à leurs enfants étaient en danger, de
telle sorte qu'il n'a pas été facile de partir de là où nous étions
il y a cinq ans pour en arriver là où je pense que nous sommes
aujourd'hui, c'est-à-dire de reconnaître qu'en tant que peuple,
nous souhaitons changer un système qui nous a bien servis par le
passé, parce que la majorité des Terre-Neuviens estiment qu'il
n'est plus nécessaire d'avoir ce système.
Après tant d'années, on en est arrivé à un consensus à l'échelle de la province et ce sont dorénavant les besoins des élèves et le défi d'optimiser les ressources disponibles pour donner la meilleure éducation possible à nos enfants, peu importe les croyances religieuses de leurs parents, qui importe maintenant dans le débat; ce ne sont pas les arguments au sujet de l'administration, le contrôle, les multiples bureaucraties, la discrimination envers les enseignants fondée sur la religion, les services qui font double emploi, le gaspillage dans le transport scolaire par autobus, l'affectation de fonds aux diverses confessions religieuses—toutes les caractéristiques de l'éducation confessionnelle qui sont arrivées à indigner les Terre-Neuviens et que ces derniers ont ultimement rejetées.
On ne parle sur la Colline parlementaire, de la question des écoles de Terre-Neuve que depuis deux ans mais ce débat dure depuis des décennies à Terre-Neuve et au Labrador. Par conséquent, on peut comprendre que les députés et les sénateurs établissent un rapport entre le débat et l'article 93 de la Constitution dans la façon dont il affecte en particulier leur province d'origine.
Je vais répéter ce que j'ai dit devant le comité sénatorial qui a tenu des audiences sur la modification précédente à la clause 17 à St. John's et qu'ont répété ici aujourd'hui le ministre de l'Éducation dans son mémoire et le ministre Dion. Les circonstances de Terre-Neuve, lorsque cette province est entrée dans la Confédération, n'étaient par les mêmes que celles qui existaient en Ontario et au Québec au moment de la Confédération en 1867. Il n'y avait pas de minorité qui devait être protégée par la Constitution, comme les catholiques en Ontario et les protestants au Québec, qui craignaient pour leurs droits à l'éducation face à un système d'enseignement public dans le cadre d'un système d'enseignement public pour ce qui est de l'Ontario ou d'un système d'enseignement religieux pour ce qui est du Québec.
À Terre-Neuve, il n'y avait pas de système public. Toutes les écoles étaient confessionnelles, et tout le monde était d'accord pour que les choses restent ainsi. On ne pensait pas que la question était liée aux droits des minorités, et en fait ces droits n'étaient pas en cause. Par conséquent, la clause 17 des conditions de l'Union a remplacé l'article 93 de la Constitution à la demande de Terre-Neuve, non pas du Canada. Cela n'a pas été imposé par le Canada comme condition d'entrée dans la Confédération pour Terre-Neuve. Ce sont les Terre-Neuviens qui souhaitaient le statu quo ou avoir cette condition. Cela a eu pour effet de maintenir indéfiniment le statu quo. Il n'y avait aucune protection à Terre-Neuve à l'époque. En fait, si ce n'avait été de la Confédération, une simple loi de l'Assemblée législative de Terre-Neuve suffirait pour changer la situation. À moins qu'elle ne soit modifiée, cependant, la clause 17 maintient le statu quo indéfiniment.
Ce consensus de 1949 a maintenant été remplacé par le consensus de 1997. Les habitants de Terre-Neuve et du Labrador souhaitent modifier le statut constitutionnel de leur système scolaire pour n'avoir qu'un seul système scolaire pour tous les enfants, peu importe la religion. Je recommande vivement au comité et au Parlement du Canada d'appuyer une telle modification, telle qu'elle est prévue dans la résolution à l'étude et dont le Parlement est actuellement saisi. C'est ce que souhaite les habitants de Terre-Neuve et du Labrador, tel qu'ils l'ont exprimé lors du référendum et par le vote unanime de leurs représentants élus à l'assemblée législative de Terre-Neuve.
Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à toutes les questions que vous voudrez bien me poser au sujet de mon appui et de l'appui de mon parti à l'égard de cette modification, et sur mon point de vue concernant ce qui se passe à l'heure actuelle à Terre-Neuve.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur Harris. Encore une fois, nous vous remercions d'avoir pris le temps de comparaître devant notre comité. Ce n'est pas la première fois que vous vous retrouvez dans ces couloirs sacrés, mais nous vous savons certainement gré d'être ici.
Nous allons maintenant lancer la période des questions. Monsieur Goldring, vous serez le premier à poser des questions aujourd'hui, suivi du sénateur Kinsella, de M. McGuire, de la sénatrice Pearson puis de Mme Dockrill et de M. DeVillers.
M. Peter Goldring: Si on regarde la clause 17(3), elle dit très clairement: «L'observance d'une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent». Elle ne mentionne pas la quantité, elle ne mentionne aucun chiffre. Cependant, le ministre vient tout juste de nous expliquer que le conseil scolaire déterminera cela, même pour ce qui est de l'endroit où il y aura observance d'une religion. La clause 17 dit très clairement que cela sera permis.
De quelle façon comprenez-vous cela? Qu'est-ce qui a préséance ici?
M. Jack Harris: Je vous remercie de votre question, monsieur Goldring. Je n'ai pas compris que le ministre ait dit que l'observation religieuse serait laissée à la discrétion du conseil scolaire. Il voulait parler d'instruction religieuse spécifique, par exemple, le catéchisme pour les catholiques, ou une instruction religieuse particulière. Si j'ai bien compris la clause 17(3), elle fait allusion à l'observance religieuse. Il peut s'agir d'allumer une bougie pour Hanoukkah, il peut s'agir d'une messe ou de tout autre type d'observance religieuse que les parents peuvent demander.
D'après ce que j'ai compris, ce n'est pas ce que le ministre a dit, et en fait j'en ai déjà parlé avec lui auparavant. Pour moi, «observance religieuse» ne signifie pas la même chose que «éducation religieuse».
M. Peter Goldring: L'expression «observance religieuse» est assez spécifique. Si on parle d'un arbre de Noël ou d'autres symboles de diverses religions, c'est assez spécifique. Il ne s'agit pas ici d'éducation religieuse, n'est-ce pas? Nous sommes plus précis que cela, car est-ce que cela ne voudrait pas dire alors que s'ils peuvent être permis dans une école à la demande des parents, alors les parents pourraient demander également que soient exclus certains symboles d'autres religions? Cela n'est-il pas possible?
M. Jack Harris: Monsieur Goldring, je lis tout simplement: «l'observation d'une religion doit être permise» de sorte que la clause 17(3) ne laisse pas cela à la discrétion du conseil scolaire. Il y a un caractère de permission par opposition à l'exclusion. Je ne pense pas qu'on exige de l'école ou qu'on lui permette d'exclure l'observation d'une religion en particulier à la demande des parents.
Le sénateur Noel Kinsella: Monsieur Harris, votre parti serait-il d'accord avec une suggestion qui ressemblerait à ceci: Clause 17(2) la Législature a compétence exclusive pour légiférer en matière d'éducation, point final? En d'autres termes, la priorité de votre parti est-elle de passer d'un système scolaire confessionnel à un système scolaire public?
M. Jack Harris: Oui. Franchement, notre parti souhaite s'éloigner de l'éducation confessionnelle où tout le système est en fait contrôlé par les Églises. Ces dernières ne devraient pas s'occuper de l'administration des écoles. Cette disposition: «mais elle doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier», est à mon avis inutile. Je pense, cependant, pour respecter le type d'éducation que nous avons dans la province de Terre-Neuve, que bon nombre d'habitants de Terre-Neuve et du Labrador ne sont pas prêts à passer d'un système que les critiques dans la province appelleraient un système d'éducation confessionnelle à un système d'éducation impie. Je pense que cette disposition est là pour s'assurer que la religion ne sera pas exclue des écoles.
Mme Finestone a posé des questions tout à l'heure au sujet de cas en Ontario où les activités et l'enseignement religieux étaient interdits à l'école. Je pense que la raison pour laquelle on a inclus cette disposition, c'est que ces cas ne s'appliquent peut-être pas à Terre-Neuve et que l'on peut effectivement avoir un enseignement religieux à l'école malgré le fait qu'à d'autres égards, il s'agisse d'un système non confessionnel. Donc, je suis certain que votre comité se penchera sur ce type de cas qui s'appliquent en Ontario et consultera à ce sujet certains juristes qui ont fait de la recherche à cet égard.
• 2000
Même si je suis avocat, je n'ai pas préparé de mémoire
juridique dans ce domaine. Si j'ai bien compris, cette disposition
est là pour ceux qui voudraient avoir un enseignement religieux;
elle prévoit cette possibilité et ne l'exclut pas.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup. Je vais maintenant passer à M. McGuire.
M. Joe McGuire: Merci, monsieur le coprésident.
L'une des raisons qui est commune à toutes les provinces est le manque de fonds pour offrir un système d'éducation à leurs populations, aux enfants. À la page 3, vous parlez des bureaucraties multiples, du chevauchement des services, du gaspillage en ce qui a trait au transport scolaire par autobus, de l'allocation de fonds aux diverses religions, et de toute une liste de choses que l'on fait au moins quatre fois dans bien des cas, si les quatre systèmes fonctionnent.
Naturellement, tout cela coûte beaucoup plus d'argent que cela devrait coûter normalement. J'aimerais que vous parliez de cet aspect à notre comité. Combien d'argent pourriez-vous économiser, et comment pourriez-vous utiliser ces économies pour améliorer le système d'éducation qui serait mis en place dans le cadre du nouveau régime qui est proposé? J'imagine que cela permettrait de réaliser des économies considérables et que les enfants de Terre-Neuve auraient ainsi plus de chance d'avoir une meilleure éducation.
M. Jack Harris: Je vous remercie de votre question. Il s'agit d'une question importante. En fait, elle porte sur certains points sur lesquels notre parti est peut-être tout à fait en désaccord avec le gouvernement. Comme je l'ai dit lorsque je me suis prononcé en faveur de cette modification, de nombreuses questions politiques resteront encore à régler, et notre parti est prêt à lutter contre le gouvernement sur ces questions.
L'une de ces questions est justement celle des économies qui pourraient être réalisées si on avait un seul système scolaire. On a dit que cela pourrait permettre d'économiser jusqu'à 30 millions de dollars par an. On a dit qu'il serait possible de réaliser des économies allant jusqu'à 8 ou 9 millions de dollars par an en transport scolaire par autobus seulement, et ce n'est pas le ministre actuel qui a utilisé ces chiffres, mais l'ancien ministre de l'Éducation de la province.
Nous avons, mon parti et moi-même, une position très ferme quant à l'utilisation de toute économie réalisée dans le cadre d'un nouveau système scolaire: ces économies devraient être réinjectées dans le système afin d'améliorer la qualité de l'éducation et de l'enseignement, et pour appuyer un programme que je préconise depuis environ un an, c'est-à-dire un programme universel de cantines scolaires.
Dans notre province, environ le tiers des élèves arrivent à l'école affamés. Nous savons, d'après certaines études qui ont été présentées au gouvernement de notre province, que cela nuit à leur capacité d'apprendre et à participer pleinement aux activités scolaires.
Nous sommes fermement convaincus, notre parti et moi-même, que le gouvernement a la responsabilité de faire en sorte que les enfants puissent tirer le maximum du système scolaire, et que les sommes économisées grâce à cette réforme devraient être utilisées pour améliorer la valeur de l'éducation et accroître les possibilités pour les élèves.
Cette question me préoccupe beaucoup. C'est ce qui a suscité ce débat depuis le début. Il y a 30 ans, nous avions des petites collectivités qui avaient parfois trois écoles d'une ou deux salles de classe plutôt qu'une grande école réunissant tous les élèves. Cela a changé un peu au cours des dernières années, mais les bureaucraties sont toujours là, et chaque conseil ou chaque religion a le droit d'avoir quelqu'un qui travaille au ministère de l'Éducation—pour le programme éducatif, etc.
On peut réaliser d'énormes économies. Nous espérons—en fait, nous insisterons sur ce point au niveau politique—que ces économies serviront à accroître la valeur de l'éducation pour nos étudiants.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur Harris et monsieur McGuire. Je donne maintenant la parole à la sénatrice Pearson.
La sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt nous expliquer que cette question a fait l'objet d'amples consultations pendant une assez longue période—il y a eu beaucoup de discussions, un débat soutenu à Terre-Neuve. Je m'en suis rendu compte lorsque des sénateurs sont allés dans cette province l'an dernier pour y tenir des audiences.
Dans quelle mesure votre parti, ou les divers partis en cause, ont-il fait participer les étudiants à ces discussions?
M. Jack Harris: C'est une question intéressante. J'ai dit dernièrement que même si ce dossier fait l'objet d'un débat animé depuis cinq ou six ans seulement, et d'un référendum au cours des deux dernières années, si l'on avait tenu un référendum parmi les étudiants du secondaire de Terre-Neuve vers la fin des années 60, en tout cas à l'époque où moi j'allais à l'école, la grande majorité des gens auraient souhaité que tous les étudiants aillent à la même école. Tels étaient nos sentiments à l'époque où j'étais au secondaire, vers la fin des années 60.
• 2005
À cette époque-là, il n'était pas question de discuter de ce
dossier au niveau politique. Les responsables politiques ne
voulaient pas en parler. C'eût été un suicide politique que de
soulever simplement la question.
Toutefois, les choses ont manifestement changé. Un nouveau consensus semble avoir vu le jour. Cela témoigne à mon avis de l'évolution qu'a connu la société terre-neuvienne.
Les étudiants d'écoles secondaires eux-mêmes n'ont pas vraiment été beaucoup consultés, mais le consensus parmi les étudiants est le même qu'il aurait été il y a 30 ans, à savoir qu'ils préfèrent tous aller dans les mêmes écoles. Il va sans dire que certains qui sont très actifs au sein d'une Église pentecôtiste ou d'un autre groupe religieux, penseraient qu'il est essentiel de préserver les écoles séparées, mais je pense que la grande majorité d'entre eux—plus de 73 p. 100, selon moi—se réjouiraient de l'existence d'un seul système scolaire pour tous les étudiants.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Madame Dockrill.
Mme Michelle Dockrill: Monsieur Harris, ce n'est pas tant la question de l'exclusivité mais bien celle de l'inclusion qui me préoccupe. Je voudrais revenir sur ce terme. À votre avis, le libellé actuel du paragraphe 2 de la clause 17 permet-il d'éventuelles modifications compte tenu de la définition actuelle de la religion à Terre-Neuve?
M. Jack Harris: Je ne suis pas certain d'avoir bien compris votre question. L'enseignement serait sans nul doute beaucoup plus général que celui des sept confessions qui jouissent de droits constitutionnels aux termes de l'actuelle clause 17, mais je ne pense pas qu'il y ait une grande différence avec ce qui pourrait être enseigné dans certaines écoles à l'heure actuelle. L'islam, par exemple, ne fait pas partie des religions protégées, mais il va sans dire que dans un cours sur la religion, ne portant pas sur une confession religieuse particulière, on s'attendrait à ce que l'islam, le judaïsme, le bouddhisme, ou n'importe quelle autre religion qui n'est pas majoritaire, de toute évidence, ou qui ne rallie pas des groupes importants de gens dans notre province... leur conviction religieuse, le respect et la tolérance à l'égard de ces opinions concernant la religion et des croyances qui ne sont pas les nôtres, seraient intégrés, auraient plus de chance d'exister aux termes du projet du paragraphe 17(2) de la clause, que dans le cadre d'un cours de religion actuelle, car c'est ce que souhaiteraient, à mon avis, le gouvernement, le ministère de l'Éducation et tous ceux qui désirent participer à l'élaboration de ces cours.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Monsieur DeVillers.
M. Paul DeVillers: À la page 2 de votre mémoire, monsieur Harris, vous dites que vous êtes heureux de voir que la question posée lors du référendum était claire et sans équivoque. J'aimerais savoir la différence entre le premier et le deuxième référendum—qu'est-ce qui a justifié cet appui soutenu? Vous étiez ici je crois lorsque le ministre Grimes a répondu à ma question sur son rôle dans tout cela. J'aimerais savoir ce que vous pensez du processus référendaire et comment vous expliquez ces résultats positifs accrus.
M. Jack Harris: Je n'étais guère satisfait des résultats du premier référendum. Le ministre l'a qualifié de compromis entre les églises et le gouvernement. Ce n'était pas du tout mon impression. Il s'agissait à mon avis d'une version gouvernementale de compromis entre aller jusqu'au bout et faire ce que souhaitaient les églises, c'est-à-dire pas grand-chose.
On ne s'était pas entendu avec les églises quant à la façon dont devait se dérouler le premier référendum. De toute évidence, les églises s'y opposaient, ou du moins certaines d'entre elles, de façon énergique. Nous connaissons tous les résultats de ce référendum.
La question était floue, car on a alors soumis à la population un libellé assez complexe, comme vous pouvez le constater ici, sans vraiment tenir un véritable débat sur ce libellé. Il a été conçu par le gouvernement à la suite de discussions tenues avec les dirigeants des églises. Eux seuls ont participé au processus et c'est là-dessus que le gouvernement s'est fondé pour formuler sa dernière offre, qui a ensuite été soumise à la population. C'était à prendre ou à laisser. On a présenté cela comme une réforme. Ceux qui voulaient ce que nous avons maintenant étaient mécontents car cela ne représentait pas la réforme souhaitée. Pourtant, si vous aviez le moindre doute à ce sujet, si vous n'étiez pas assez convaincu pour voter contre—ce que j'ai fait, j'ai voté non au premier référendum—vous passiez pour une personne qui refusait tout changement et qui voulait garder les choses telles quelles.
• 2010
Il était donc très difficile à certaines personnes d'avoir une
idée précise de la façon de se prononcer lors du premier
référendum. Il s'en est suivi qu'une campagne, intitulée «oui veut
dire oui», a eu lieu pendant six à huit mois à Terre-Neuve. Les
partisans de la réforme essayaient de convaincre le gouvernement
d'aller plus loin que ce que prévoyait la clause 17, car ils
étaient convaincus que les résultats du dernier référendum
prévoyaient une réforme du système et la suppression donc de la
haute main que les églises avaient sur notre système d'éducation.
Ce n'est de toute évidence pas le cas si on lit le libellé de la
clause, on se rend compte que ce n'était pas le cas, mais c'est
l'impression que les gens avaient.
Je me réjouis de ce que la question posée lors du deuxième référendum ait été claire et sans équivoque. Elle prévoyait la suppression du rôle des églises dans l'éducation et l'administration des écoles; le premier ministre l'avait déclaré clairement. Je savais que c'est ce qui nous attendait et je pense que c'est parce que la question a été posée clairement que les gens ont estimé qu'ils pouvaient désormais y répondre et qu'ils pouvaient déclarer clairement que c'était ce qu'ils souhaitaient.
M. Paul DeVillers: Donc, un appui accru est dû au fait que la question était claire.
M. Jack Harris: C'est parce que la question était claire que les gens ont répondu oui en plus grand nombre et je suppose que c'est également compte tenu de ce qui s'était passé lorsque la question était floue. Les gens se sont demandés s'ils n'avaient pas déjà voté sur le même genre de question, s'ils n'avaient pas déjà dit qu'ils souhaitaient une réforme. Ils se sont demandés pourquoi la réforme n'avait pas été entreprise et c'est ce qui les a incités à dire: il faut se décider une fois pour toutes. C'est ce qui s'est passé, à mon avis.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup. M. Pagtakhan, suivi du sénateur Kinsella.
M. Rey D. Pagtakhan: Étant donné la clarté de la question posée... et je viens de lire le discours éloquent que vous avez prononcé devant l'assemblée législative, où vous avez dit que le droit constitutionnel repose sur la volonté du peuple. J'ai jugé bon de le répéter ici. Vous signalez également dans votre exposé l'expression pure du pouvoir du peuple et parallèlement le vote unanime des représentants de l'assemblée législature; j'ai donc l'impression que vous seriez extrêmement déçu si notre comité n'appuyait pas à l'unanimité cette modification.
M. Jack Harris: Je serais très déçu. J'ai fait part à l'assemblée législative de ma première expérience du droit constitutionnel lorsque j'étais étudiant en droit et que, après avoir consulté toutes les sources habituelles du droit constitutionnel, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, les conventions constitutionnelles, etc., le professeur de l'Université de l'Alberta a demandé aux étudiants—nous étions 150—s'il existait d'autres sources de droit constitutionnel. Aucun des 150 brillants étudiants que nous pensions être n'a trouvé la réponse. La réponse, c'est que le peuple lui-même est la source fondamentale du droit constitutionnel et c'est pourquoi j'ai raconté cette histoire à l'assemblée législative.
Comme cela fait partie de la constitution de Terre-Neuve, c'est important et à mes yeux, les Terre-Neuviens ne viennent pas demander au Parlement de changer leur constitution pour eux. C'est une démarche bilatérale, où il y a une responsabilité; c'est une disposition qu'avaient demandée les Terre-Neuviens en 1949 et dont ils ne veulent plus désormais.
Je pense que les gens se sont exprimés de manière assez forte, tant par leur nombre, dans le cadre du référendum, que par le vote unanime à l'assemblée législative. Je crois que c'est extrêmement important parce que même ceux qui ont voté contre, même ceux qui avaient une opinion très ferme là-dessus ont soutenu la volonté du peuple dans un vote unanime à l'assemblée législative. S'il n'y a pas un soutien majoritaire au Parlement, je serai terriblement déçu que la population de Terre-Neuve ne puisse exprimer sa volonté dans sa constitution.
M. Rey D. Pagtakhan: Une dernière chose, monsieur le président.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Bien sûr.
M. Rey D. Pagtakhan: J'ai beaucoup lu et de ce que je comprends de la religion, on y parle toujours d'un Être suprême, de Dieu. Même la constitution du Canada et sa Charte des droits et libertés invoquent la suprématie de Dieu. En tant que chef d'un parti politique, est-ce ainsi que vous aussi voyez la religion?
M. Jack Harris: Vous me posez une question philosophique qui a une grande portée et je ne suis pas certain de pouvoir y répondre. Il est clair que notre société suppose l'existence d'un Être suprême, d'un Dieu, et les religions sont les diverses expressions de la façon dont nous appréhendons cette existence de Dieu, de même que nos philosophies et nos fois sont des façons de l'exprimer. La religion doit être un système de croyances se rapportant à Dieu. Je suppose qu'il y a des systèmes de croyances qui excluent Dieu. En venant ici en avion aujourd'hui, je lisais un article de Maclean sur la scientologie; certains croient que c'est une religion, d'autres non. On pourrait discuter de cela aussi, je présume.
• 2015
C'est une question philosophique ouverte. Nous acceptons que
notre société ait un système axé sur Dieu, avec des libertés
religieuses, pour diverses croyances religieuses. Je ne crois pas
que quoi que ce soit dans la clause 17 projetée enfreigne la
liberté de religion. En fait, on reconnaît que les diverses
confessions religieuses sont une partie très importante de notre
société et que les parents ont le droit d'exposer leurs enfants à
l'éducation religieuse et à l'observation des préceptes religieux
dans les écoles, même dans les écoles publiques, comme c'est le cas
ici.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup. Je donne maintenant la parole au sénateur Kinsella, qui est le dernier intervenant sur ma liste, pour l'instant.
Le sénateur Noel Kinsella: Merci, monsieur le président.
Monsieur Harris, seriez-vous moins déçu si vous aviez un système scolaire public, plutôt qu'un système confessionnel, mais sans les cours de religion du gouvernement?
M. Jack Harris: Je ne partage pas vos préoccupations en ce qui touche les soi-disant cours de religion du gouvernement. Je comprends d'après vos propos antérieurs que vous estimez que le gouvernement imposerait ainsi la religion à la population. Ce n'est pas ainsi que je vois les choses. Je crois que la province de Terre-Neuve et du Labrador doit prévoir des cours de religion, mais il ne s'agit pas d'une religion d'État. C'est ce qui a été prévu.
Je présume que le ministre a parlé du processus de consultation, et de la participation de toutes les confessions religieuses qui jouent actuellement un rôle dans l'éducation, moyennant quoi elles estiment que le système sera suffisamment représentatif des diverses croyances. J'espère que les catholiques, par l'intermédiaire des représentants de leur Église ou d'autres, participeront à la conception du cours, comme d'autres.
Mais je ne vois pas cela comme une religion d'État monolithique imposée par le gouvernement. Je prévois quelque chose de plus inclusif, de plus ouvert et de non dogmatique. Je ne crois pas qu'on va enseigner un système de croyances mais plutôt qu'on va exposer les étudiants à toute la panoplie des confessions et des croyances religieuses.
Le sénateur Noel Kinsella: Est-ce que votre parti est en faveur de ce que le ministre nous a présenté sur la façon dont sera conçu ce cours de religion du gouvernement, particulièrement quand le ministre déclare que ce cours est conçu pour aider les étudiants à comprendre la Révélation?
Il faut bien se demander s'il s'agit de la Révélation inspirée ou de la Révélation qui est inspirée et qui est un objet de foi. Dans ce cas, qu'en est-il des systèmes ou des traditions religieuses qui ne sont pas axés sur la Révélation? Ils ne seront que des points de comparaison et l'État, avec son autorité et sa mainmise, en tant que parrain du cours, pourra laisser de côté certains sujets, même si le cours est censé comparer diverses religions. Est-ce que votre parti a une idée claire des critères qui serviront à la conception de ce cours de religion d'État?
M. Jack Harris: Je n'ai pas récemment consulté les politiques du parti en matière de Révélation, mais je doute fort que même au Nouveau parti démocratique, on ait une politique à ce sujet.
Mais pour répondre sérieusement à la question, moi non plus je ne prends pas non plus les propos du ministre comme parole d'Évangile. Je suis sûr qu'on parle de diverses révélations chez les Mormons, qui sont peut-être très différentes de la Révélation de la Foi chrétienne, fondée sur les évangiles. Il y a des révélations dans d'autres croyances aussi, comme dans l'islam, j'en suis persuadé, qui diffèrent beaucoup... même chose pour la réincarnation, le judaïsme, etc. Je ne crois pas qu'un consensus là-dessus soit nécessaire. Je ne crois pas que M. Grimes et son gouvernement vont imposer un dogme d'État à la population et s'il le fait, je vous garantis que les néo-démocrates lutteront contre cela.
Des voix: Oh, Oh!
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur Harris...
M. Jack Harris: À moins qu'il ne me convertisse.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je vais vous interrompre, pour vous dire qu'en tant que coprésident de ce comité, et je vais être sérieux un moment, je veux m'assurer que les questions posées aux témoins soient libellées de manière à ne pas traduire la croyance religieuse personnelle de celui qui pose la question, ni ne servent à dévoiler celle des témoins.
Membres du comité, je veux m'assurer que nous ne nuirons aucunement aux témoins, et les questions du sénateur Kinsella correspondaient tout à fait à cette intention et c'est ainsi que nous devrions nous adresser aux témoins.
Le sénateur Noel Kinsella: J'invoque le Règlement. Je n'ai pas compris votre observation, monsieur le coprésident. Voulez-vous répéter? Où voulez-vous en venir?
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Volontiers. Je disais que je veux m'assurer que les questions posées aux témoins ne peuvent être perçues comme une tentative de leur faire présenter leurs propres croyances religieuses. Nous parlons ici de politique et il est très important que les témoins aient l'occasion de parler de ce sujet.
Comme je le disais, vos questions respectaient tout à fait cela. Mon commentaire ne disait pas que vos questions étaient mal posées. Je voulais simplement dire que c'est une question délicate et je demande aux membres du comité de le garder à l'esprit. Je ne veux pas que nous allions trop loin. Je m'arrête ici.
Madame Caplan, vous vouliez poser la dernière question, je crois.
Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): En fait, monsieur le président, je n'ai pas vraiment une question. Je voulais simplement remercier le témoin et le féliciter pour la clarté de ses pensées ainsi que pour avoir présenté au comité la nature non partisane du débat qui a eu lieu à Terre-Neuve.
J'ai visité Terre-Neuve et j'ai eu l'occasion de parler de ce sujet avec quelques personnes que j'ai rencontrées. J'ai été frappée de voir qu'il s'agissait d'une question non partisane, qui trouvait des appuis dans toutes les collectivités de la province. Ce n'était pas une question unanime, mais un leadership s'est exprimé dans tous les partis politiques de l'assemblée législative. Je veux remercier le témoin d'être venu renforcer ce que m'avait dit la population de Terre-Neuve.
M. Jack Harris: Merci. Si vous le permettez, j'aimerais m'exprimer là-dessus parce que je crois que c'est très important et même, vital. À Terre-Neuve, nous avons toute une tradition de sectarisme qui nous a causé beaucoup de problèmes depuis une centaine d'années. Tous les partis ont prudemment hésité à profiter de ce sectarisme et des divisions au sein de la population qui auraient pu leur donner un avantage politique.
Je crois qu'il y a eu des moments un peu difficiles pendant les quatre ou cinq dernières années, et les partis politiques sont toujours tentés de chercher un avantage dans une situation particulière. Je crois que vous avez tout à fait raison. Il est très louable que tous les partis à Terre-Neuve aient pu résister à cette tentation et n'aient pas considéré cette question sous un angle partisan. Nous avons pu le constater par le vote unanime à l'assemblée législative, et je pense que c'était un excellent résultat.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur Harris.
Comme il n'y a pas d'autres questions, je tiens à vous remercier d'avoir comparu devant ce comité mixte spécial. Je sais que vous êtes venu d'assez loin, et que vous êtes venu avec très peu de préavis. Au nom du comité, je voudrais remercier l'ancien député de la Chambre des communes qui a comparu devant nous.
Merci beaucoup.
Des voix: Bravo!
M. Jack Harris: Merci. C'était un plaisir de comparaître devant vous.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Nous avons entendu le ministre Grimes, qui représente le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador. Nous avons également entendu M. Jack Harris, qui représente l'opposition, le Nouveau parti démocratique. Je voudrais tout simplement mentionner que nous avons demandé à M. Sullivan de comparaître devant le comité. Il n'a pas pu accepter notre invitation, tout simplement parce que l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador siège à l'heure actuelle, et il a jugé bon de se préparer pour l'Assemblée. Cependant, il aura l'occasion de comparaître plus tard ou de nous parler par vidéoconférence.
Si je le dis, c'est pour informer tous ceux qui écoutent nos délibérations, surtout les gens de Terre-Neuve et du Labrador, qui savent que nous avons entendu un représentant du gouvernement et des représentants d'un parti de l'opposition. Nous avons invité le chef du Parti progressiste-conservateur de Terre-Neuve et du Labrador, mais jusqu'à maintenant, il n'a pas pu comparaître. Toutefois, il aura encore cette possibilité à l'avenir.
Je vous remercie une fois de plus, et je voudrais également remercier les employés de la Chambre des communes, qui sont derrière les caméras. Je remercie tous ceux qui nous ont aidés à organiser cette séance cet après-midi. Nous avons encore beaucoup de pain sur la planche pour les trois prochaines semaines, donc continuez votre bon travail.
La séance est levée jusqu'à jeudi 9 heures, dans cette même salle.